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Épopée de Soundiata

Introduction

L'épopée de Soundiata (ou Soundjata, ou Sun-Diata ou Sunjata) est un poème


épique en langue mandingue, relatant la fondation de l'Empire du Mali par le
roi Soundiata Keïta au XIII siècle. Fondée sur cette base historique à laquelle elle
e

ajoute des éléments merveilleux, l'épopée a été transmise depuis lors par tradition
orale, généralement par des griots mandingues, dans de nombreuses versions et
dans plusieurs autres langues d'Afrique de l'Ouest. Elle s'est ensuite diffusée plus
largement dans le monde au cours du XX siècle, à la faveur notamment des
e

premières traductions en français et en anglais. L'épopée de Soundiata occupe une


place très importante dans la culture ouest-africaine. Elle représente une source
primordiale pour les historiens de l'empire du Mali, et continue par ailleurs
d'inspirer les artistes (écrivains, musiciens, cinéastes, etc.)

Biographie

Soundiata Keïta (parfois orthographié Soundjata Keita, Sogolon Diata Keita)


aussi appelé, selon la tradition orale, Mari Diata Konaté (et couronné sous le
nom de Mari Ier Diata), né le 20 août 1190 à Dakadjalan au royaume du
Manding et mort en 1255, dans l'empire du Mali, est un souverain mandingue de
l'Afrique de l'Ouest, présenté par la tradition comme le fondateur de l’empire du
Mali au XIIIe siècle.

L'histoire de Soundiata est essentiellement connue à travers une épopée aux


tonalités légendaires racontée de génération en génération jusqu’à nos jours par
les griots.
Bibliographie
Versions écrites de l'épopée
Youssouf Tata Cissé, Wa Kamissoko, La Grande Geste du Mali. Des origines à
la fondation de l'Empire, Paris, Karthala, 1988, 2e édition 2007. (Édition
bilingue malinké-français.)

 Youssouf Tata Cissé, Wa Kamissoko, Soundjata, la gloire du Mali (La


Grande Geste du Mali, tome 2), Paris, Karthala, « Homme et Société :
Histoire et géographie », 1991, 2e édition 2009. (Traduction française seule.)

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 (en) D. C. Conrad et D. T. Condé, Sunjata : a West African epic of the
Mande peoples, Indianapolis, Hackett Publishing Company, 2004.
 Kele Maansen Diabaté, Kala Jata, Bamako, 1970.
 Lansine Diabate, L'Épopée de Sunjara d'après Lansine Diabate de Kela
(Mali), texte recueilli, traduit et annoté par Jan Jansen, Esger Duintjer et
Boubacar Tamboura, Leyde, Research school CNWS, cop. 1995. (Édition
bilingue.)
 (en) Gordon Innes, Sunjata: Three Madinka Versions, Londres, 1991
(versions relatées par Bamba Suse, Banna Kanute et Dembo Kanute).
 (fr) Camara Laye, Le maître de la parole. Kouma lafôlô kouma, Plon, 1978,
313 p. (rééd. Presses Pocket).
 (en) R. E. Moser, Foregrounding in the Sunjata: the Mande epic, 1974.
 Djibril Tamsir Niane, Soundjata ou l'épopée mandingue, Présence
africaine, Paris, 1960. (Adaptation française seule.)
 (en) Fa-Digi Sisoko, Son-Jara : The Mande Epic, Bloomington, Indiana
University Press, 2003.
 (en) Fa-Digi Sisoko, The Epic of Son-Jara: A West African Tradition,
traduction et étude analytique par John William Johnson, Bloomington,
Indiana University Press, 1986.
 (en) Magan Sisoko et John William Johnson, The Epic of Sun-Jata
according to Magan Sisoko, Bloomington (Indiana), Folklore Publications
Group, 1979.
 (en) B. Suso, B. Kanute, et alii, Sunjata : Gambian versions of the Mande
epic, Londres, Penguin, 1999.

Origines familiales
Naré Maghann Konaté était un roi du Manding, un ancien royaume d’Afrique de
l'Ouest (situé entre l'actuelle Mali et Guinée). Il reçut un jour la visite d’un
chasseur devin qui lui prédit qu’une femme laide et bossue lui donnerait un jour
un fils qui deviendrait un grand roi. Naré Maghann Konaté était alors déjà marié
à Sassouma Bereté et avait un fils, Dankaran Toumani Konaté, héritier du trône.

Un jour, selon la prédiction faite quelques années plus tôt, deux frères Traoré,
chasseurs venant du pays de Do, lui présentent une femme laide et
bossue, Sogolon Kondé (Sogolon Kedjou ou Sogolon « la vilaine »10), que le roi
épouse.

Enfance et exil
Cette deuxième épouse donne naissance à un fils dénommé « Diata » ou
« Djata ». L'additif « Sogolon » marque son appartenance matriarcale, dans le

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but de le distinguer de tout homonyme. Cet ajout est également le fait de son
infirmité. En effet, la tradition orale rapporte que Soundiata est né paralysé et
qu'il marcha à quatre pattes jusqu'à l'âge de sept ans2. Or, selon les coutumes
mandingues, si plusieurs enfants d'une même famille ont le même prénom ou
qu'un enfant porte une caractéristique un peu spécifique (un handicap ou une
réputation par exemple), ces enfants ajoutent le nom de leur mère à leur prénom.
Le prénom de Sogolon Diata signifie ainsi « Diata, fils de mère Sogolon », dont
le diminutif donne « Soundiata11 ».

À la mort de Naré Maghann Konaté en 1218, son premier fils, Dankaran


Toumani, prend le pouvoir malgré la volonté du roi défunt de respecter la
prédiction. Soundiata et sa mère, laquelle avait entre-temps donné naissance à
deux nouvelles filles et avait adopté le fils de la troisième femme de Naré
Maghann Konaté, furent donc l’objet permanent du mépris du nouveau roi et de
sa mère.

Après que sa mère eu subi un nouvel affront, Soundiata, à l’âge de sept ans,
réussit à se lever et recouvre miraculeusement l’usage de ses jambes lorsqu’il
touche le bâton royal. Mais la haine de Dankaran Toumani et de Sassouma
Bereté contraignent Soundiata, sa mère et ses sœurs à l’exil au royaume de
Mema.

Soumaoro Kanté, roi du Sosso, attaque ensuite le royaume du Manding.


Dankaran Toumani, craignant pour sa vie, finit par fuir vers Kissidougou (en
actuelle Guinée). Selon la tradition, Soumaoro mena une dizaine d’expéditions
au cours desquelles il massacra onze des fils de Naré Maghann Konaté, sauf
Soundiata.

Retour
Les habitants du Manding vont ensuite chercher Soundiata dans son exil et lui
demandent de prendre son héritage soit : « Kien » (héritage) et « Ta » (prendre),
qui est devenu « Kienta » (prends ton héritage) et par la suite « Keïta ».

Le jeune prince devient rapidement très populaire auprès des Mandingues qui
espèrent qu’il chassera un jour les envahisseurs du Sosso. Sa popularité
croissante inquiète Soumaoro, le roi du Sosso, à qui des sorciers ont prédit :
« Ton vainqueur naîtra au Mali ». Pour échapper à sa vengeance, Soundiata se
réfugie chez un souverain voisin et ami, régnant au sud de son pays. Là, il attend
le moment favorable pour libérer son royaume.

Soundiata fut aguerri dès son plus jeune âge à la chasse, au tir à l’arc et
fut mithridatisé. Il vécut pendant des années avec l’idée de se venger du
massacre de sa famille. Un jour, un émissaire lui apprend la révolte des Mandé
(ou mandingues) contre Soumaoro Kanté.
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Il rassemble ses guerriers (selon les traditions orales, il aurait organisé une
armée composée de dix mille cavaliers et de cent mille fantassins), et lance des
attaques sur le Sosso. Sa sœur Nana Triban, que Soumaoro Kanté avait épousé
de force, s'enfuit et, selon la légende, alla apprendre à son frère que « seule une
flèche portant un ergot de coq blanc pourra tuer le roi du Sosso ». Soundiata fait
le nécessaire avec le secours des magiciens attachés à son service.

Rassemblant les forces de différents petits royaumes en lutte contre le Sosso,


Soundiata Keïta forme une armée et réussit à vaincre l’armée de Soumaoro
Kanté en 1235 à la bataille de Kirina. Son ennemi s'enfuit et finit par disparaître
dans une montagne à Koulikoro

Fondation de l'empire du Mali

Carte de l'empire du Mali à son apogée.

Soundiata Keïta réunit tous les royaumes pour constituer l’empire du Mali. Il est
proclamé « Mansa » ce qui signifie « roi des rois ». Lors de son intronisation,
la confrérie des chasseurs du Mandé proclame la charte du Manden, qui abolirait
l'esclavage et est considérée par certains historiens comme l'une des premières
déclarations des droits de l'homme12.

Vers 1240, le roi Soundiata s’empare de Koumbi-Saleh, capitale de l'empire


du Ghana, et détruit la ville. Il prend alors le titre d’empereur et envoie ses
lieutenants conquérir le Bambouk.

Soundiata est présenté comme un grand administrateur qui développe le


commerce, l’exploitation de l’or et des cultures nouvelles (introduction du
cotonnier). Il organise politiquement et administrativement les peuples soumis,
en implantant une solide organisation militaire. Les chefs de ses armées sont
installés comme gouverneurs de province. Soundiata, outre ses exploits
guerriers, est connu pour sa sagesse. Sa tolérance permet la coexistence
pacifique de l’islam et de l’animisme dans son empire.

Mort
Il existe plusieurs variantes dans l'épopée à propos de la mort de Soundiata.

Selon une variante répandue rapportée par Djibril Tamsir Niane, Soundiata se
noie dans la rivière Sankarani et est enterré à proximité du cours d'eau13. Dans la
version de Wa Kamissoko, Soundiata meurt de vieillesse dans son palais
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à Dakadjalan6. Youssouf Tata Cissé rapporte également une autre variante
répandue par des Peuls du Wassouloun (ou Wassoulou) selon laquelle
le mansa aurait été abattu d'une flèche par un archer peul, un esclave aveugle.

À sa mort, l’empire du Mali s’étend de l’Atlantique au Moyen Niger, et de la


forêt au désert.

Descendance

Soundiata Keïta durant l'assemblée constitutive.

Soundiata Keïta a eu trois fils qui se sont succédé sur le trône de l’empire du
Mali :

 Mansa Oulé Keïta (dit le roi Rouge), souverain paisible et pieux qui étend le
royaume du Mali ;
 Ouati Keïta ;
 Khalifa Keïta.
Les successeurs de Mansa Oulé, Ouati, Khalifa et Aboubakari, manqueront
d’autorité et laisseront régner l’anarchie dans l’empire.

Soundiata Keïta historique


Les historiens connaissent peu de choses du Mali ancien en dehors des
références constantes dans la tradition orale aux royaumes de Do et de Kri, qui
n'ont jamais réussi à être situés avec précision14.

Aujourd'hui, bien que les récits des griots mandingues célèbrent avant tout la
geste de Soundiata, il n'est plus contesté que Soumaoro fut « le premier roi et le
roi le plus authentique » du Manden, et le véritable fondateur de l’empire du
Mali14. Le Manden est alors divisé en une multitude de royaumes où règne une
insécurité absolue provoquée par les raids esclavagistes que ces derniers mènent

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les uns contre les autres pour vendre les captifs aux Markas et aux Maures du
Sahel15. Soumaoro Kanté, le roi de Sosso, se dresse contre cette situation15.

Ainsi Soundiata fut en fait le continuateur de l'œuvre politique de ce dernier,


reprenant à son compte le processus lancé par son ennemi vers la formation d'un
empire puissant aux dépens de petits royaumes insignifiants (les mansa)14.
Beaucoup d'incertitudes subsistent en outre sur les motivations et les
circonstances de la guerre entre le royaume de Sosso et le Manden14.

Sur l'édification de l'empire et son organisation après la victoire du Soundiata,


les versions divergent aussi significativement entre celle de l'écrivain et historien
guinéen Djibril Tamsir Niane (qui l'a développée dans Histoire générale de
l’Afrique de l’Unesco) et celles du griot malien Wa Kamissoko, ou encore
l'historien malien Youssouf Tata Cissé14. La version de l'épopée relatée par Wa
Kamissoko met ainsi l'accent sur les conflits qui suivent la défaite de Soumaoro
et la nécessité pour Soundiata de réprimer les velléités d'indépendance de ses
anciens alliés.

Date et auteurs
L'épopée de Soundiata a pour personnage principal le roi Soundiata Keïta, qui a
vécu au XIIIe siècle: à première vue, elle semble donc s'être formée à cette
époque ou par la suite. Toutefois, selon Daniel P. Biebuyck, il n'est pas
impossible qu'une partie du matériau qu'elle brasse soit antérieur à l'existence
historique de Soundiata lui-même, car les épopées de chasseurs qui existent dans
les mêmes régions pourraient être antérieures à l'épopée de Soundiata et avoir
influencé ses différents épisodes17.

Le ou les premiers auteurs de l'épopée de Soundiata sont inconnus, car les


traditions orales n'ont pas conservé leurs noms : les griots connaissent les noms
des principaux prédécesseurs et professeurs dont ils tiennent leur propre savoir,
mais n'accordent pas d'importance particulière à ce à quoi pouvait ressembler la
toute première version de l'épopée ou au nom de son ou de ses premiers
créateurs18. Par ailleurs, la variation est de règle dans une épopée orale de ce
type, dont chaque représentation ou « performance » opère un choix et une mise
en forme différentes qui dépendent du griot, du courant de tradition auquel il se
rattache, du public auquel il s'adresse et des circonstances dans lesquelles la
séance a lieu19.

La tradition orale
Modalités de la tradition orale
En tant qu'épopée de tradition orale, l'épopée de Soundiata s'est d'abord
transmise et diffusée sans recours à l'écrit, c'est-à-dire qu'elle était préservée par
des griots qui en apprenaient par cœur les différents épisodes dans leur jeunesse

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et la transmettaient de la même façon à leurs apprentis par la suite. Cette
tradition orale est toujours vivante sur les territoires de l'ancien empire du
Mali20 et coexiste avec la diffusion écrite, plus récente, de l'épopée.

Dans la tradition orale, les épisodes de l'épopée font l'objet de séances que les
chercheurs anglo-saxons nomment souvent « performances » (de
l'anglais performance, « représentation »). Ces séances, durant lesquelles la
parole du griot est toujours accompagnée de musique, combinent récitation et
improvisation, mais aussi parfois chant, mime et danse ; ils donnent lieu à de
fréquents échanges entre le griot et son public, qu'il s'agisse de dialogues ou de
reprises d'un refrain21. La parole épique ne se cantonne pas à la seule narration,
mais peut inclure des considérations sur le griot, ses professeurs et ses ancêtres,
ou bien sur certains membres du public, sur la communauté ; elle se mêle
d'éloges, d'anecdotes et de réflexions philosophiques et morales.

Style
Selon Charles Bird, l'épopée de Soundiata se compose de vers définis non pas
par des rimes, des accents ou un nombre de syllabes donné, mais par le rythme
musical qui accompagne systématiquement les récitations. Il avance l'hypothèse
d'une correspondance entre le vers poétique et un rythme de quatre battements
accentués.

En conclusion, l'épopée de Soundjata est une œuvre fondamentale de la


littérature orale africaine qui célèbre l'histoire, la culture et les valeurs des
peuples mandingues. Elle rappelle l'importance de la justice, de la persévérance
et de la préservation de la tradition culturelle dans la construction d'une société
prospère et unie.

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