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REVUE GÉNÉRALE
Kératocône夽
Keratoconus
a
Centre de référence national du kératocône (CRNK), 33076 Bordeaux, France
b
Centre de référence national du kératocône (CRNK), 31059 Toulouse, France
c
Hôpital Purpan, CHU de Toulouse, place du Docteur-Baylac, TSA 40031, 31059 Toulouse
cedex 9, France
d
Groupe hospitalier Pellegrin, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux
cedex, France
MOTS CLÉS Résumé Le kératocône est une maladie non inflammatoire caractérisée par un amincisse-
Kératocône ; ment et un bombement de la cornée, apparaissant généralement pendant l’adolescence et
Ectasie ; d’évolution lentement progressive. Il entraîne une diminution de l’acuité visuelle du fait de
Cornée ; l’importance de l’astigmatisme irrégulier et de la fréquente survenue d’opacités cornéennes.
Topographies L’atteinte histologique prédomine au niveau de la couche de Bowman et du stroma cornéen. La
cornéennes ; pathogénie exacte de cette affection est encore non élucidée. Il existe des formes frustes, peu
Lentilles de contact ; évolutives, détectées grâce au développement des examens vidéotopographiques et qu’il est
Cross-linking ; important de dépister notamment avant une chirurgie réfractive. Le traitement est d’abord et
Anneaux avant tout optique, grâce aux progrès de la contactologie, puis chirurgical en cas d’intolérance
intra-cornéens ; aux lentilles, avec un objectif de stabilisation : le cross-linking du collagène cornéen ou de
Kératoplastie réhabilitation visuelle : anneaux intra-cornéens et kératoplasties.
© 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
夽 Retrouvez cet article, plus complet, illustré et détaillé, avec des enrichissements électroniques, dans EMC Ophtalmologie : Fournié P, Tou-
boul D, Arné JL, Colin J, Malecaze F. Kératocône. EMC Ophtalmologie 2013;10(1):1—15; http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0343(12)60144-0
[Article 21-200-D-40]. Publication avec l’autorisation de reproduction.
∗ Auteur correspondant.
0181-5512/$ — see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.05.004
Kératocône 619
irregular astigmatism and myopia, and secondarily from corneal scarring. The classic histopa-
Cornea; thologic features include breaks in Bowman’s layer and thinning of the corneal stroma. The
Corneal topography; etiology of keratoconus remains unclear. Form fruste keratoconus shows little progression, and
Contact lenses; has become known due to videotopographic analysis; it is very important to rule out in refractive
Cross-linking; surgery candidates. Treatment begins first and foremost with contact lenses, progressing to sur-
Intrastromal corneal gery as contact lens intolerance develops, with the goal of stabilization, including: cross-linking,
ring segments; intrastromal corneal ring segments and corneal transplantation.
Corneal transplant © 2013 Published by Elsevier Masson SAS.
Classifications
Plusieurs classifications faisant intervenir différents para-
mètres morphologiques du kératocône [11,16] ou les
aberrations optiques [17] sont disponibles. Il n’existe pas de
consensus international pour classer le kératocône. Toutes
ces classifications ont d’ailleurs un intérêt pratique assez
limité puisqu’à l’échelle individuelle, aucune ne permet de
planifier un traitement. À la marge de ces classifications,
sont apparus les termes de kératocône « suspect », « fruste »
ou « débutant ». Si un kératocône débutant est une forme
avérée, les terminologies de suspect ou fruste varient selon
les auteurs et sont souvent confondues. L’intérêt réside dans
la détection de ces formes à risque dans un bilan préopé-
ratoire d’un patient demandeur de chirurgie réfractive. En
effet, 2 à 6 % de ces candidats seraient porteurs d’une forme
fruste ou suspecte de kératocône [18,19].
Diagnostic différentiel
Il se pose avec les autres causes d’ectasies et
d’amincissements cornéens. Le diagnostic est le plus
souvent clinique.
Corneal warpage
Le corneal warpage ou syndrome de déformation cornéenne
induite par les lentilles est une modification de la forme
Figure 5. Cicatrice descemétique profonde après poussée de de la cornée induite par la pression exercée par une len-
kératocône aigu. tille essentiellement rigide, plus rarement souple. L’aspect
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Figure 6. Décalage et convergence des points remarquables ( ) malgré une épaisseur cornéenne conservée (point le plus fin à 544 m).
L’indice de Tanabe [15] est positif en élévation antérieure avec un nombre de couleurs présentes sur les 3 mm centraux supérieur à 3 avec
un pas d’échelle antérieure à 10 m. L’indice est négatif en face postérieure avec un pas de 20 m. La sensibilité de ce critère est de 78 %.
Sa spécificité est de 90 %.
vidéotopographique est proche de celui d’un kératocône. normale, dans le kératoglobe, l’amincissement cornéen
La diminution ou disparition de l’anomalie topographique intéresse toute la cornée. Rare, le kératoglobe est bilatéral,
en trois à quatre semaines confirme le diagnostic. non ou peu évolutif. La cornée prend un aspect globuleux
sans anneau ferrique.
Dégénérescence pellucide marginale
Bilatérale, elle se traduit par un amincissement de la cor- Histologie et physiopathologie
née périphérique inférieure. L’amincissement intéresse une
bande étroite de 1 à 2 mm de large, elle-même séparée du Selon le stade de la maladie, toutes les couches de la cornée
limbe par une zone de cornée normale de 1 à 2 mm de large. peuvent être atteintes [1,3]. La triade histologique clas-
La cornée centrale est d’épaisseur normale et fait saillie au- sique repose sur l’amincissement stromal, les ruptures de
dessus de la zone d’amincissement. Souvent diagnostiquée la couche de Bowman et les dépôts de ferritine au sein de
entre 40 et 50 ans, les patients se plaignent d’une baisse l’épithélium.
d’acuité visuelle en rapport avec l’évolution d’un astig- L’hypothèse biomécanique considère le désordre biomé-
matisme inverse irrégulier. Contrairement au kératocône, canique comme étant le préalable, le plus souvent localisé,
une aggravation, même tardive, est souvent retrouvée. à un cercle vicieux qui induirait l’apparition progressive
L’aspect vidéotopographique est typique, mais non pathog- de l’ectasie cornéenne. Ce désordre impliquerait secon-
nomonique, avec une image en « pinces de crabe » ou « en dairement les variations de courbure, d’élévation et de
moustaches gauloises ». pachymétrie. L’exploration de la biomécanique cornéenne
est un outil en devenir, porteur d’espoir comme moyen
Kératoglobe de dépistage du kératocône infraclinique et comme moyen
d’évaluation des différentes procédures thérapeutiques.
C’est un amincissement diffus de la cornée, plus marqué L’hypothèse biologique prend le contrepied de la théorie
dans sa périphérie. Un amincissement scléral est parfois biomécanique en considérant le désordre biologique comme
rapporté. Contrairement au kératocône où il existe, même étant le primum movens à l’origine du déséquilibre bio-
dans les formes avancées, une zone supérieure d’épaisseur mécanique. Aucune donnée ne permet actuellement de
Kératocône 623
Figure 7. Cross-linking du collagène cornéen. L’association riboflavine—UV-A produit des radicaux libres oxygénés à l’origine d’un pontage
biochimique des fibres de collagène. La riboflavine joue également un rôle de barrière pour limiter la diffusion intra-oculaire des UV-A.
privilégier une théorie plus que l’autre avec une probable • une diminution supérieure ou égale à 0,1 mm du rayon de
intrication des mécanismes conduisant à l’expression phé- courbure postérieur au cours de l’adaptation de lentilles
notypique kératocônique. rigides.
Figure 8. Anneaux intra-cornéens INTACSTM à gauche avec une zone optique de 7 mm et FerraraTM -KeraringTM à droite avec une zone
optique de 5 mm.
une zone optique de 6 mm et une section ovale. Les anneaux épuisés. Longtemps considérée comme le traitement de
de FerraraTM ou KeraringTM ont une zone optique de 5 ou référence du kératocône, la kératoplastie transfixiante (KT)
de 6 mm et une section triangulaire (Fig. 8). La dissection a perdu cette place au profit de la kératoplastie lamellaire
des tunnels intrastromaux peut se faire mécaniquement à antérieure profonde (KLAP) pré-descemétique. Les avan-
l’aide de dissecteurs ou par laser femtoseconde. Le choix de tages sont une meilleure résistance mécanique, une acuité
l’anneau dépendra de l’équivalent sphérique préopératoire, visuelle et un astigmatisme postopératoire identiques, mais
de la localisation du cône, de l’asymétrie de la déformation surtout la conservation endothéliale [29,30]. Si le risque de
et de la pachymétrie. Une correction optique par lunettes rejet épithélial, sous-épithélial ou stromal persiste après
ou lentilles est souvent nécessaire après anneaux. KLAP, le risque de rejet endothélial est nul. La survie des
greffons lamellaires semble ainsi rallongée. En dehors de
Laser excimer la courbe d’apprentissage de la technique [31—33] (Fig. 9),
Une photoablation était contre-indiquée dans le kératocône la KLAP présente des complications propres dont la prin-
en raison de l’amincissement et de l’affaiblissement bio- cipale, la perforation peropératoire des couches profondes
mécanique cornéen. L’essor du cross-linking du collagène endothélio-descemétiques, peut nécessiter une conversion
cornéen permet de reconsidérer une photokératectomie en KT.
réfractive (PKR) dans le kératocône sous certaines condi-
tions. La PKR sera au mieux guidée par la topographie, Arbre décisionnel
avec une optique d’épargne tissulaire et une photoabla-
tion n’excédant donc pas 50 microns [26—28]. L’objectif du L’arbre décisionnel est controversé, évolutif et indicatif
traitement est de « régulariser » la surface cornéenne. La seulement (Fig. 10). La prise en charge du kératocône
détermination d’indications et de protocoles de traitement se fait au cas par cas et prend en compte de nombreux
ainsi que la validation des résultats préliminaires sur le long paramètres ophtalmologiques (acuité visuelle, confort bino-
terme sont nécessaires. culaire, transparence cornéenne, épaisseur cornéenne,
stabilité ou progression du kératocône, kératométrie maxi-
Implants intra-oculaires
La myopie dans le kératocône peut être axile, par allon-
gement de la longueur axiale de l’œil ou de courbure par
augmentation de la puissance de convergence de la cornée.
Sa correction par un implant intra-oculaire interviendra sur
une « cornée stable » spontanément ou après cross-linking.
L’implantation pourra être phaque ou pseudophaque en cas
de cataracte associée. Elle peut intervenir en première
intention ou après une chirurgie préalable par implantation
d’anneaux ou greffe de cornée. L’indication opératoire ne
repose sur aucun consensus et doit se réfléchir au cas par
cas. L’implantation intra-oculaire s’adresse essentiellement
à des kératocônes peu évolués, associés à une myopie forte
et uniquement si la réfraction est accessible.
Greffes de cornée
L’indication chirurgicale de greffe est à la fois optique
pour restaurer l’acuité visuelle, mais aussi tectonique pour Figure 9. La technique de la big bubble permet de cliver le stroma
restaurer l’intégrité cornéenne en épaisseur et en forme. profond de la membrane de Descemet par injection d’une bulle
La greffe n’intervient qu’en dernier recours, lorsque les d’air. La couche endothélio-descemétique, après retrait du stroma,
autres moyens de correction à notre disposition ont été apparaît lisse, transparente et uniforme.
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Figure 10. Arbre décisionnel simplifié. Le premier élément à rechercher est l’évolutivité du kératocône pour indiquer ou pas le cross-
linking. La réhabilitation visuelle passe par un moyen optique, lentilles notamment, le plus longtemps possible puis, en cas d’échec, par un
moyen chirurgical indiqué au cas par cas. La greffe de cornée reste le traitement de dernière intention. LRPG : lentilles rigides perméables
au gaz ; AV : acuité visuelle ; CXL : cross-linking ; LIO : lentille intra-oculaire.
male, myopie axile associée, tolérance aux lentilles de dernières années, les années à venir devraient être riches
contact, cataracte), généraux (atopie, pathologies géné- en innovation pour améliorer la prise en charge globale de
rales associées, trisomie 21), mais également personnels nos patients [34].
(âge, activités professionnelles, activités de loisir, obser-
vance, attentes raisonnées et raisonnables du patient). Cet
arbre repose sur une logique de stabiliser un kératocône
évolutif, de corriger au maximum par des moyens optiques
Déclaration d’intérêts
avant d’envisager la solution chirurgicale la plus adaptée
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en
au patient, la greffe de cornée étant réalisée en dernier
relation avec cet article.
recours.
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