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LA POÉSIE À

L'ÉPOQUE
ANTÉISLAMIQUE

LEILA SAHEB ETTABAA


Dès le Vème jusqu’au début du VIIème siècle, les nomades de la péninsule arabique
ont pratiqué la poésie sous plusieurs formes. C’est une poésie essentiellement orale
et recueillie le long des deux premiers siècles de l’hégire.
Les Rawiya ou les transmetteurs ont dès lors cherché des informateurs bédouins
pour avoir des notices historiques et compléter les poèmes. Cette production
littéraire a été disposée dans deux anthologies différentes : politique et religieuse.
La poésie antéislamique ne forme pas uniquement un corpus très étendu avec ses
250 poèmes mais de base pour le déploiement de la poésie arabe.

"Jahiliya", est le mot donnée dans le coran pour la civilisation bédouine, ce qui est
traduit le plus souvent par “ignorance” sans oublier qu’il ne s’agit que d’une ignorance
religieuse car la société bédouine avait comme activité essentielle: le commerce, lui
permettant d’être dans des foires et d’assister ou de participer à des concours de
poésie. à la fin du concours les meilleurs vers étaient brodés en lettre d’or et
suspendus à la Kaʻbâ de la Mecque prenant le nom de Muʻallaqât (du mot arabe
Muʻallaq qui signifie suspendu et dans un autre sens attaché en se référant aux
sentiments)

La poésie antéislamique sert un discours originale avec l’inspiration métaphorique et


la densité archaïque du langage. Le poète jahili présente l’homme face à la déception
mais aussi en quête d’une symbolisation qui serait à l’origine de son existence.
A l’époque antéislamique appartiennent les
poètes nés entre 500 et 622. Cette ère dresse
une poésie essentiellement orale en y
rattachant les noms de grands auteurs comme
le poète sâʻrir qui prétend recevoir des images
du monde invisible (devin). Dans la majorité des
cas, les données biographiques des poètes sont
indisponibles, seul leur mode de vie est présent
dans les archives et détermine le contenu de
leurs vers.

Les poètes sédentaires étaient une minorité dans l’époque antéislamique, les
poètes courtisans quant à eux, étaient les plus présents, ils ont pu développer leur
activité au sein du gouvernement dans certaines cours. Leurs poèmes sont marqués
par un hédonisme présenté avec un extrême raffinement de la Cour. Pour nourrir la
soif d’une reconnaissance sociale, certains poètes ont voyagé de cours en cours
comme est le cas Tarafa Ibn Al Abd - auteur d’une épigramme satirique qui l’avait
querellé avec son roi et Al A’châ Maymun de Qays panégyriste chrétien, auteur de
poèmes satiriques qui a commencé la rédaction au moment où il devint aveugle.

D’autre part, les poètes bédouins représentaient une majorité dans la poésie
antéislamique. Ces poètes, en faisant une description, préfèrent le mouvement et
l’action aux objets statiques. Parmi ces poètes on cite: Imrû Al Qays, considéré par
les arabes, le poète le plus emblématique; et Amr Ibnu Kultum : petit-fils du créateur
de la Qasida.

Finalement, on retrouve les poètes brigands, vivant en marge de la tribu et survivant


grâce au pillage. Cette dernière catégorie chante sur la résistance physique et non
sur l’amour. De ces poètes, nous citons Chanfara connu pour la laideur et qui a
précisé que son corps ne soit pas enterré pour faire profiter les hyènes de ses
restes, et Urwa Ibn al Ward connu par les médians suite à la fondation d’un foyer
d’accueil.

D’un point de vue formel, le poème jahili est le prototype du poème classique Arabe
: Qasida. Cette dernière, s’est retrouvée fixée les caractéristiques quelques années
plus tard pour respecter la forme des vers et la rime (Qafiya)
Les poèmes antéislamiques se caractérisent par ses thèmes. Ces poèmes sont
homogènes entre eux et hétérogènes à l’intérieur. Ils doivent porter trois thèmes
dans le même ordre qui sont : la perte de la femme désirée laissée au campement
dont il ne reste plus que quelques traces désirables, le thème de la ruine qui rapporte
vers la fin: une errance existentielle. Pour le poète, la reconnaissance de la ruine n’est
pas une soumission à la fatalité mais l’approche d’une vérité.

Le temps des poèmes antéislamiques est essentiellement le présent déployant la


crise existentielle et ignorant, de la façon la plus pessimiste, le deuil car il n’y a nulle
consolation.

Les poème antéislamiques relatent une détresse continue comme est le cas des
poèmes présentant un hédonisme ephèmère lié à la représentation de la femme. Un
premier temps présente la femme dans toute sa splendeur avec le registre de la
littérature courtoise, un deuxième temps où le poète profite de la nuit pour glisser
jusqu’à son amante et le dernier temps avec l’éteinte dans le sable où le poète fait
éloge de la beauté féminine en utilisant des comparaison botaniques ou animales
ainsi que des métaphores.

Pour conclure, l’absurdité de la vie dans la poésie préislamique étant méprisée


autrefois est toujours constante dans l’esprit humain comme est le cas de la pièce de
théâtre en attendant Godot (1953) de Samuel Beckett et le mythe de Sisyphe (1942)
d’Albert Camus. Ainsi la métaphysique poétique et la philosophie existentielle
partagent leur perception de la vie malgré tous les siècles qui les séparent.

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