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UNIVERSITE JEAN MOULIN LYON 3 Année universitaire 2023-2024

FACULTE DE DROIT Semestre 2

Licence de droit – 1ère année – Série D


Travaux dirigés de Droit constitutionnel

Cours magistral de M. le Professeur Thierry DEBARD


Travaux dirigés : R. Cottin, M. Gaudu, N. Jouve, F. Lissouck, Cl. Parisi.

Séance n° 3 : LE STATUT DE L'EXECUTIF

I. L’élection présidentielle
Document 1 : Extraits de la Constitution de 1958
Document 2 : Les présidents de la Ve République
Document 3 : Historique de la publication des parrainages à l’élection présidentielle.
Document 4 : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-197 PDR du 27 avril 2022.
Proclamation des résultats de l’élection du Président de la République

Document 5 : Les instances de contrôle de l’élection présidentielle.

Document 6 : « Financement de la campagne », M. TROPER, F. HAMON, Droit


Constitutionnel, LGDJ, Lextenso éditions, 36e édition, 2015, §566
Document 7: « Faire avaler un bifteck à un ruminant. A propos de l’institutionnalisation des
primaires en France », N. DUCLOS, Revue française de droit constitutionnel, 2016/4, n° 108, p.
851-864.

II. Statut et responsabilité du président de la République

Document 8 : « Le Président français, un monarque républicain », P. BRECHON,2010.

Document 9 : Titre IX de la Constitution de 1958


Document 10 : « La responsabilité pénale, civile et administrative du président de la République
»,vie- publique.fr
Document 11 : Extraits du rapport de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie
publique (remis au président de la République le 9 novembre 2012)
Document 12 : Exposé des motifs, projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité
juridictionnelle du président de la République et des membres du Gouvernement, déposé le 14
mars 2013.
Document 13 : Communiqué de presse, décision du Cons. const. n° 2014-703 DC du 19 nov.
2014, Loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution
III- Sur la nature du régime.
Document 14 : Maurice Duverger, « Un régime semi-présidentiel », Extrait, Le Monde du 26 novembre 1969, p.
1et 11.
Document 15 : Extrait de la conférence de presse du général de Gaulle du 31 janvier 1964.

Document 16 : Un ancien Président peut-il de nouveau être candidat à un mandat électif ? Conseil
constitutionnel, Décision, n° 84-983, AN du 7 novembre 1984.

I- Statut du Président de la République et du Premier ministre.

Document 1 : Extraits de la Constitution de 1958

Article 5
Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.
Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités.

Article 7
Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n'est pas
obtenue au premier tour de scrutin, il est procédé, le quatorzième jour suivant, à un second tour. Seuls
peuvent s'y présenter les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se
trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour.

Le scrutin est ouvert sur convocation du Gouvernement.

L'élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l'expiration
des pouvoirs du président en exercice.

En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, ou d'empêchement
constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses
membres, les fonctions du Président de la République, à l'exception de celles prévues aux articles 11 et 12
ci-dessous, sont provisoirement exercées par le président du Sénat et, si celui-ci est à son tour empêché
d'exercer ces fonctions, par le Gouvernement.

En cas de vacance ou lorsque l'empêchement est déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, le scrutin
pour l'élection du nouveau Président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil constitutionnel,
vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus après l'ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère
définitif de l'empêchement.

Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt des présentations de candidatures, une des personnes
ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d'être candidate décède ou
se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l'élection.

Si, avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, le Conseil constitutionnel prononce
le report de l'élection.

En cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les
retraits éventuels, le Conseil constitutionnel déclare qu'il doit être procédé de nouveau à l'ensemble des
opérations électorales ; il en est de même en cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats
restés en présence en vue du second tour.

Dans tous les cas, le Conseil constitutionnel est saisi dans les conditions fixées au deuxième alinéa de
l'article 61 ci-dessous ou dans celles déterminées pour la présentation d'un candidat par la loi organique
prévue à l'article 6 ci-dessus.

Le Conseil constitutionnel peut proroger les délais prévus aux troisième et cinquième alinéas sans que le
scrutin puisse avoir lieu plus de trente-cinq jours après la date de la décision du Conseil constitutionnel. Si
l'application des dispositions du présent alinéa a eu pour effet de reporter l'élection à une date postérieure à
l'expiration des pouvoirs du Président en exercice, celui-ci demeure en fonction jusqu'à la proclamation de
son successeur.

Il ne peut être fait application ni des articles 49 et 50 ni de l'article 89 de la Constitution durant la vacance
de la Présidence de la République ou durant la période qui s'écoule entre la déclaration du caractère définitif
de l'empêchement du Président de la République et l'élection de son successeur.

Article 8
Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la
présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.
Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs
fonctions.

Article 9
Le Président de la République préside le conseil des ministres.

Article 15.

Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la
défense nationale.

Article 20
Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.
Il dispose de l'administration et de la force armée.
Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux
articles 49 et 50.

Article 21
Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il assure
l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme
aux emplois civils et militaires.
Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence des conseils et comités prévus à
l'article 15.
Il peut, à titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence d'un Conseil des ministres en vertu d'une
délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé.
Document 2 : Les présidents de la Ve République

Président de la Mandat Cause de la fin du


République mandat
8 jan. 1959 – 28 avr. 1969
Charles DE GAULLE (réélu le 19 déc. 1965) Démission

Alain POHER (1) 28 avr. 1969 –19 juin Fin d’intérim


1969
Georges POMPIDOU 19 juin 1969 – 2 avr. 1974 Décès
Alain POHER (1) 2 avr. 1974 – 24 mai 1974 Fin d’intérim
Fin de mandat
Valéry GISCARD D’ESTAING 24 mai 1974 – 21 mai
Non réélu
1981
21 mai 1981 – 17 mai Fin du second mandat
François MITTERRAND 1995
(réélu le 8 mai 1988) Non candidat
17 mai 1995 – 16 mai Fin du second mandat
Jacques CHIRAC 2007
(réélu le 5 mai 2002) Non candidat
Fin de mandat
Nicolas SARKOZY 16 mai 2007 – 15 mai
Non réélu
2012
Fin de mandat
François HOLLANDE 15 mai 2012 – 14 mai
Non candidat
2017
Emmanuel MACRON 14 mai 2017 – 2022 Fin de mandat
(réélu le 24 avril 2022)

(1) Présidence par intérim.


Document 3 : Historique de la publication des parrainages à l’élection présidentielle.
https://presidentielle2022.conseil-constitutionnel.fr/historique/historique-publication-des-parrainages.html

1- De l’absence de publication à la publication partielle

1958 : Conformément à l’ordonnance n° 58-1064 du 7 novembre 1958, la liste des candidats et des
candidates est établie par le Conseil constitutionnel au vu des parrainages qui lui sont adressés par au moins
cinquante membres du collège électoral. Les noms et les qualités des membres du collège qui ont
parrainé les candidats ne sont pas rendus publics.

1962 : Dans la loi du 6 novembre 1962, le nombre des parrainages passe à cent, parmi lesquels doivent
figurer des élus d’au moins dix départements ou territoires d’outre-mer différents. Les noms et les qualités
des membres du collège qui ont proposé les candidats ne sont pas rendus publics.

1974 : Après l’élection présidentielle où douze candidats étaient présents au premier tour, le Conseil
constitutionnel, par sa décision n° 74-33 PDR du 24 mai 1974, a émis deux recommandations :

• les parrainages devraient être établis sur des formulaires officiels mis à disposition des citoyens
habilités ;
• la liste des parrains devrait être rendue publique pour chaque candidat ou candidate.

1976 : La loi organique n° 76-528 du 18 juin 1976 fait passer le nombre des parrainages à cinq cents, parmi
lesquels doivent figurer des élus d’au moins trente départements ou territoires d’outre-mer différents. Une
publicité des noms et qualités des parrains est pour la première fois prévue mais : « dans la limite du nombre
requis pour la validité de la candidature », c’est-à-dire de 500 par candidat ou candidate.

En vue de l’élection présidentielle de 1981, le Conseil constitutionnel par sa décision n° 81-30 ORGA du
24 février 1981, précise que l’ordre de présentation de ces 500 noms rendus publics pour chaque candidat
ou candidate résultera d’un tirage au sort.

2- Les modalités de la publication des noms des présentateurs

L’article 3 de loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 donne une suite favorable aux propositions du
Conseil constitutionnel dans les termes suivants : « Au fur et à mesure de la réception des présentations, le
Conseil constitutionnel rend publics, au moins deux fois par semaine, le nom et la qualité des citoyens qui
ont valablement présenté des candidats à l’élection présidentielle. (…) Huit jours au moins avant le premier
tour de scrutin, le Conseil constitutionnel rend publics le nom et la qualité des citoyens qui ont valablement
proposé les candidats ».

Pour l'élection présidentielle de 2017, le Conseil constitutionnel a fixé les modalités de publication du nom
et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats et des candidates à l’élection du Président de la
République dans sa décision n° 2016-135 ORGA du 8 septembre 2016.

C'est par sa décision 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021, qui a abrogé la précédente, que le Conseil
constitutionnel a précisé la périodicité et les modalités de publication de la liste des citoyens ayant
présenté des candidats et des candidates à l’élection du Président de la République pour l’élection
présidentielle de 2022.
Document 4 : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-197 PDR du 27 avril 2022.
Proclamation des résultats de l’élection du Président de la République

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Au vu des textes suivants :

• la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ;


• l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
• la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au
suffrage universel ;
• la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote
des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République ;
• […]

S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

Sur les opérations électorales :

1. Dans la commune de Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques), dans laquelle 90 suffrages ont été


exprimés, il résulte de l’instruction que M. Jean LASSALLE a publiquement mis en scène, dans le
bureau de vote, son abstention et a pris la parole, face à des caméras présentes dans ce bureau, pour
exprimer, devant l’urne, son refus de participer à l’élection. Il a immédiatement diffusé sur les
réseaux sociaux cette vidéo, ainsi que des commentaires sur son geste. M. LASSALLE a, d’une part,
ainsi méconnu les dispositions de l’article L. 49 du code électoral prohibant la diffusion de messages
à caractère de propagande électorale la veille et le jour du scrutin et, d’autre part, par son
comportement, porté atteinte au respect dû à la dignité des opérations électorales auxquelles il a
participé en qualité de candidat au premier tour. Ces agissements ont, eu égard à la notoriété de
M. LASSALLE dans la commune de Lourdios-Ichère et à sa qualité de député et d’ancien maire, été
de nature à altérer la sincérité du scrutin dans cette commune. Il y a lieu, par suite, indépendamment
des éventuelles poursuites pénales qui seraient susceptibles d’être engagées, d’annuler les suffrages
exprimés dans cette commune.
2. Dans la commune de Cizancourt (Somme), dans laquelle 25 suffrages ont été exprimés, le magistrat
délégué du Conseil constitutionnel a constaté que le scrutin s’est déroulé dans une église où le
confessionnal servait d’isoloir. Le déroulement du scrutin dans ce lieu de culte étant de nature à
porter atteinte à la liberté et à la sincérité du scrutin, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages
exprimés dans cette commune.
3. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune d’Audincthun (Pas-de-Calais), dans lequel 291 suffrages
ont été exprimés, dans la commune de Besse (Cantal), dans laquelle 80 suffrages ont été exprimés,
dans la commune de Grâce-Uzel (Côtes-d’Armor), dans laquelle 244 suffrages ont été exprimés,
dans les bureaux de vote n° 1 et n° 2 de la commune de Montigny-sur-Loing (Seine-et-Marne), dans
lesquels ont été respectivement exprimés 769 et 765 suffrages, ainsi que dans la commune de
Meilleray (Seine-et-Marne), dans laquelle 233 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du
Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu’aucun membre du bureau n’était présent,
en méconnaissance des dispositions de l’article R. 42 du code électoral. Une telle irrégularité étant
de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages
exprimés dans ces bureaux de vote.
4. Dans la commune de Saint-Jean-Saint-Germain (Indre-et-Loire), dans laquelle 427 suffrages ont été
exprimés, dans le bureau de vote n° 3 de la commune de Descartes (Indre-et-Loire), dans lequel 601
suffrages ont été exprimés, dans la commune de Mondion (Vienne), dans laquelle 64 suffrages ont
été exprimés, dans la commune de Cannelle (Corse-du-Sud), dans laquelle 34 suffrages ont été
exprimés, dans la commune de Nogaro (Gers), dans laquelle 894 suffrages ont été exprimés, dans
les quatre bureaux de vote de la commune d’Éauze (Gers), dans lesquels 1 974 suffrages ont été
exprimés, dans le bureau de vote n° 2 de la commune de Gambsheim (Bas-Rhin), dans lequel 718
suffrages ont été exprimés ainsi que dans la commune de Beauclair (Meuse), dans laquelle 52
suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son
passage, qu’un seul membre du bureau de vote était présent, en méconnaissance des dispositions de
l’article R. 42 du code électoral. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à
favoriser la fraude, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux de vote.
5. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Harnes (Pas-de-Calais), dans lequel 663 suffrages
ont été exprimés, un assesseur régulièrement désigné par l’un des candidats s’est vu refuser l’accès
au bureau de vote, en violation des dispositions de l’article R. 44 du code électoral. En raison de la
méconnaissance de ces dispositions destinées à assurer la régularité du scrutin, il y a lieu d’annuler
l’ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote.
6. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Ghyvelde (Nord), dans lequel 627 suffrages ont été
exprimés, la présentation d’un titre d’identité n’a pas été exigée des électeurs comme le prescrit
l’article R. 60 du code électoral pour les communes de plus de 1 000 habitants. Cette irrégularité
s’est poursuivie en dépit des observations du magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces
conditions, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote.
7. Dans les communes de Talus-Saint-Prix (Marne) et de Rémelfang (Moselle) ainsi que dans le bureau
n° 1 de la commune de Chambray-lès-Tours (Indre-et-Loire), dans lesquels ont été respectivement
exprimés 55, 97 et 625 suffrages, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que le
procès-verbal des opérations de vote n’était pas tenu à la disposition des électeurs, en
méconnaissance de l’article R. 52 du code électoral. Cette irrégularité s’est poursuivie en dépit des
observations du magistrat délégué. Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages
exprimés dans ces bureaux de vote.
8. Dans la commune de Molring (Moselle), dans laquelle 15 suffrages ont été exprimés, la composition
du bureau de vote, en l’absence d’assesseurs et de secrétaire, ne respectait pas les conditions prévues
par l’article R. 42 du code électoral. En outre, aucun isoloir n’a été mis à la disposition des électeurs
en méconnaissance de l’article L. 62 du même code et le procès-verbal des opérations de vote n’était
pas tenu à la disposition des électeurs en méconnaissance de l’article R. 52 de ce code. Ces
irrégularités s’étant poursuivies en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil
constitutionnel, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages exprimés dans cette commune.
9. Dans les communes de Le Titre (Somme), de Saint-Sulpice (Nièvre) de Montrevel (Isère) et de Saint-
Lager-Bressac (Ardèche), dans lesquelles ont été respectivement exprimés 210, 231, 254 et 500
suffrages, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que les clés de l’urne étaient
détenues dans des conditions contraires aux dispositions de l’article L. 63 du code électoral. Cette
irrégularité s’est poursuivie en dépit des observations du magistrat délégué du Conseil
constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages exprimés dans
ces communes.
10. Dans les bureaux de vote n° 1 et n° 2 de la commune de Froideconche (Haute-Saône), dans lesquels
ont été respectivement exprimés 578 et 555 suffrages, le magistrat délégué du Conseil
constitutionnel a constaté que le scrutin se déroulait dans des conditions contraires aux dispositions
de l’article L. 62 du code électoral. Cette irrégularité s’est poursuivie en dépit des observations du
magistrat délégué. Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler les résultats de ces deux bureaux de
vote.
11. Dans la commune de Guinecourt (Pas-de-Calais), dans laquelle 13 suffrages ont été exprimés ainsi
que dans la commune de Glux-en-Glenne (Nièvre), dans laquelle 55 suffrages ont été exprimés, le
magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, à 13 heures pour la première commune et à
18 heures pour la seconde, que l’unique bureau de vote était fermé. Le président de chaque bureau
de vote a ainsi contrevenu aux dispositions du paragraphe II bis de l'article 3 de la loi du 6 novembre
1962, en vertu desquelles le scrutin ne peut être clos avant 19 heures. Une telle irrégularité ayant été,
en l’espèce, de nature à empêcher des électeurs d’exercer leur droit de suffrage, il y a lieu d'annuler
l'ensemble des suffrages émis dans ces communes.
12. Dans les bureaux de vote n° 3 et n° 4 de la commune de Francheville (Rhône), dans lesquels ont été
respectivement exprimés 588 et 619 suffrages, dans la commune de La Bauche (Savoie), dans
laquelle 244 suffrages ont été exprimés ainsi que dans les bureaux n° 1 et n° 2 de la commune de
Saint-Paul-en-Chablais (Haute-Savoie), dans lesquels ont été respectivement exprimés 762 et 642
suffrages, des bulletins blancs ont été mis à la disposition des électeurs en méconnaissance des
dispositions de l’article L. 58 du code électoral. La présence de documents autres que les bulletins
de vote des candidats constitue une irrégularité de nature à influencer les électeurs et à porter atteinte
à la sincérité du scrutin. Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler les suffrages exprimés dans ces
bureaux de vote.
13. Dans la commune de Herbitzheim (Bas-Rhin), dans laquelle 1 098 suffrages ont été exprimés, les
électeurs étaient invités à signer la liste d’émargement avant de déposer leur bulletin dans l’urne, en
méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral. Cette
irrégularité a été constatée peu avant la clôture des opérations de vote par le magistrat délégué du
Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages exprimés
dans cette commune.
14. Dans la commune de Les Aires (Hérault), dans laquelle 335 suffrages ont été exprimés, les électeurs
ont été invités à signer la liste d’émargement avant d’introduire leur bulletin dans l’urne, en
méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral. Cette
irrégularité s’est poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil
constitutionnel, auxquelles le président de bureau de vote a refusé de donner suite. Dans ces
conditions, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages émis dans cette commune.
15. Dans le bureau n° 7 de la commune de Kourou et dans le bureau n° 1 de la commune d’Apatou
(Guyane), dans lesquels ont été respectivement exprimés 359 et 177 suffrages, le scrutin a été
interrompu, l’urne a été ouverte et les bulletins ont été transférés dans une nouvelle urne au seul
motif que le compteur de l’urne utilisée depuis le début du scrutin ne fonctionnait pas. Ces faits
ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin, il y a donc lieu d’annuler l’ensemble des suffrages
exprimés dans ces bureaux de vote.
16. Dans le bureau de vote n° 62 du seizième arrondissement de Paris, dans lequel 1 098 suffrages ont
été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage en fin
de journée, que l’urne n’était pas verrouillée et qu’aucun cadenas n’était installé. Une telle
irrégularité étant de nature à favoriser la fraude, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages
exprimés dans ce bureau de vote.
17. Dans la commune de Saint-Lon-les-Mines (Landes), dans laquelle 708 suffrages ont été exprimés,
le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu’il était possible
d’introduire dans l’urne des bulletins de vote par une autre ouverture que celle prévue à cette fin.
Une telle irrégularité étant de nature à favoriser la fraude, il y a lieu d’annuler l’ensemble des
suffrages exprimés dans cette commune.
18. Dans le bureau de vote n° 8 de la commune de Marmande (Lot-et-Garonne), dans lequel 597
suffrages ont été exprimés, il a été procédé aux premières étapes des opérations de dépouillement
hors la présence des électeurs dont l’un d’eux s’est, au demeurant, vu refuser l’accès au bureau de
vote, en méconnaissance des articles L. 65 et R. 63 du code électoral. Les électeurs ont ainsi été
privés, sans justification, de la possibilité d’exercer leur droit à surveiller le dépouillement des votes.
En raison de cette méconnaissance de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a
lieu d’annuler l’ensemble des suffrages émis dans ce bureau de vote.
19. Dans le bureau de vote n° 704 de la commune de Perpignan (Pyrénées-Orientales), dans lequel 609
suffrages ont été exprimés, il a été procédé aux opérations de dépouillement sans double contrôle ni
lecture à haute voix des bulletins dépouillés ni comptage des bulletins au fur et à mesure du
dépouillement. Ces manquements rendent impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du
scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote.
20. Dans la commune de La Salvetat-Saint-Gilles (Haute-Garonne), le bureau centralisateur a, en
méconnaissance des dispositions de l’article R. 69 du code électoral, modifié les résultats du bureau
de vote n° 1, dans lequel 512 suffrages ont été exprimés, sans qu’aucune justification ne soit
apportée. En outre, il existait des discordances importantes et inexpliquées entre les résultats du
procès-verbal de ce bureau de vote et les chiffres figurant dans les feuilles de dépouillement. Dans
ces conditions, il y a lieu d’annuler l’ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote.
21. Dans la commune d’Excideuil (Dordogne), dans laquelle 507 suffrages ont été exprimés, le procès-
verbal des opérations de vote n’a pas été transmis à la préfecture à l’issue du dépouillement, en
méconnaissance de l’article L. 68 du code électoral. Ce manquement rend impossible le contrôle de
la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d’annuler l’ensemble des suffrages exprimés
dans cette commune.

Sur l’ensemble des résultats du scrutin :

22. Les résultats du second tour pour l’élection du Président de la République, auquel il a été procédé
les 23 et 24 avril 2022, sont les suivants :

Électeurs inscrits : 48 752 339


Votants : 35 096 478
Bulletins blancs : 2 233 904
Bulletins nuls : 805 249
Suffrages exprimés : 32 057 325
Majorité absolue : 16 028 663

Ont obtenu :
M. Emmanuel MACRON : 18 768 639
Mme Marine LE PEN : 13 288 686

Ainsi, M. Emmanuel MACRON a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés requise pour être
proclamé élu.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL PROCLAME

M. Emmanuel MACRON Président de la République française à compter du 14 mai 2022 à 0 heure.

Les résultats de l’élection seront publiés au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 25, 26 et 27 avril 2022, où siégeaient : M.
Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS,
Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.

Rendu public le 27 avril 2022.


Document 5 : Les instances de contrôle de l’élection présidentielle

Instance Missions Possibilité de recours


Le Conseil constitutionnel « veiller à la régularité de Insusceptibles de recours
l’élection du Président de la
République », Article 58 de la
Const.
La Commission nationale des Examiner les comptes de Susceptibles d’un recours
comptes de campagne et des campagne des candidats devant le Conseil
financements politiques constitutionnel.
La Commission des sondages Assurer les règles d’objectivité et Susceptibles d’un recours
de la qualité des sondages. Veillez devant le Conseil d’Etat.
tout particulièrement à la
régularité des sondages électoraux
et peut à cet égard publier des
mises en garde
Le Conseil supérieur de Contrôler la répartition des temps Susceptibles d’un recours
l’audiovisuel, devenu le 1er janvier de parole entre les candidats dans devant le Conseil d’Etat.
2022, l’Autorité de régulation de le cadre de leur campagne
la communication audiovisuelle et officielle. Il fixe les règles
numérique (Arcom) concernant les conditions de
production, de programmation et
de diffusion des émissions
relatives à la campagne électorale.
Il adresse des recommandations
aux radios et télévisions.
La Commission nationale de Chargée de veiller à l’application Susceptibles d’un recours
contrôle de la campagne électorale du principe d’égalité de traitement devant le Conseil d’Etat.
des candidats de la part des
services de l’État pendant la
campagne électorale. Elle est
assistée au plan local par des
commissions départementales de
contrôle.

Document 6 : « Financement de la campagne », M. TROPER, F. HAMON, Droit


Constitutionnel, LGDJ, Lextenso éditions, 36e édition, 2015, §566.

« Pour l’élection présidentielle comme pour les autres, le législateur s’est efforcé d’assurer une
plus grande transparence et d’atténuer l’inégalité entre les candidats résultant de la disparité des
moyens financiers dont ils disposent.
Dès l’origine, l’Etat a pris directement en charge certaines dépenses limitativement énumérées […]
qui concernent la fourniture des bulletins de vote, l’affichage sur les panneaux officiels,
l’expédition d’une profession de foi à chaque électeur, ainsi que la diffusion d’émissions de
propagande sur les ondes nationales. Mais jusqu’en 1988, il ne contribuait aux autres dépenses de
la campagne que d’une manière presque symbolique. Une somme de 250 000 francs était
remboursée, à titre forfaitaire, à chaque candidat ayant obtenu au premier tour au moins 5 % des
suffrages exprimés. Cette contribution était dérisoire par rapport au montant des dépenses auquel
se chiffre habituellement le budget d’une campagne présidentielle. Aucun plafond n’avait
d’ailleurs été fixé pour ces dépenses.
Les nouvelles dispositions concernant le financement de la campagne fixées en 1988, puisrévisées
en 1995, 2001 et 2006 figurent dans la loi organique relative à l’élection présidentielle. Sur de
nombreux points, celle-ci renvoie à des règles fixées par le Code électoral […] : l’obligation de
tenir un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses effectuées
en vue de l’élection ; l’interdiction des dons ou contributions consentis par une personne morale
autre qu’un parti politique ; la limitation du montant des dons ou contributions susceptibles d’être
consentis par une personne physique ; la limitation des dons en espèces ; le plafonnement des
dépenses électorales effectuées au cours de l’année précédant le scrutin ; le principe d’une aide
forfaitaire de l’Etat. […]
A l’origine, les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle devaient être
adressés au Conseil constitutionnel au plus tard le neuvième vendredi suivant le tour de scrutinoù
l’élection a été acquise. Depuis la loi organique du 6 avril 2006, c’est désormais la Commission
nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) qui est compétente
pour recevoir et examiner ces comptes. Mais les décisions de la CNCCFP peuvent être contestées
par les candidats devant le Conseil constitutionnel. […]
La CNCCFP approuve, rejet ou réforme, après examen contradictoire les comptes de chaque
candidat et arrête le montant du remboursement forfaitaire auquel celui-ci peut prétendre. […] Si
la CNCCFP constate des irrégularités très graves, elle peut rejeter le compte, ce qui entraîne la
perte du droit au remboursement forfaitaire. […]
Le 19 décembre 2012, la CNCCFP a rejeté le compte de campagne du candidat sortant, Nicolas
Sarkozy. Ce dernier a formé un recours contre cette décision devant le Conseil constitutionnel.
Celui-ci a confirmé pour l’essentiel la décision de la CNCCFP. Cette décision a eu trois
conséquences : en premier lieu, Nicolas Sarkozy n’a pas pu bénéficier du remboursement
forfaitaire, dont le montant se serait élevé à 11 millions d’euros ; en deuxième lieu, il a dû
rembourser l’avance forfaitaire de 153 000 euros qu’il avait perçue ; enfin, à titre de pénalité, il a
dû verser au Trésor public une somme égale au montant du dépassement soit 466 000 euros. […]
Contrairement aux décisions rendues après les élections législatives, celles qui sont rendues sur
les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle ne sont jamais assorties d’une
sanction d’inéligibilité. Elles ne peuvent donc pas entraîner la démission d’office du candidat, si
celui-ci a été élu. »
Document 7 : « Faire avaler un bifteck à un ruminant. A propos de l’institutionnalisation des
primaires en France », N. DUCLOS, Revue française de droit constitutionnel, 2016/4, n°108,
p. 851-864 [Extraits]
« […]
B – Une inscription dans la constitution envisageable ?
En Colombie, les primaires sont inscrites à l’article 107 de la Constitution du 4 juillet 1991 qui
consacre leur existence, sans toutefois les rendre obligatoires, et renvoie aux règles applicables aux
autres élections pour en encadrer les modalités. Théoriquement, l’inscription des primaires dans la
Constitution du 4 octobre 1958 ne devrait pas soulever de difficulté juridique majeure, dès lors
que le Conseil constitutionnel ne contrôle pas les lois constitutionnelles, considérant qu'il« ne tient
ni de l’article 61, ni de l’article 89, ni d’aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de
statuer sur une révision constitutionnelle ». Elle reste pourtant difficilement envisageable au sein
d’un régime parlementaire comme la Ve République, aussi particulier soit-il,sans que ne se pose la
question d’une réforme plus globale des institutions.
Cette révision constitutionnelle pourrait prendre deux formes : soit l’ajout d’un quatrième alinéa
à l’article 4 de la Constitution relatif, notamment, au rôle des partis politiques dans l’expression du
suffrage et au principe de liberté qui les gouverne ; soit une précision insérée à l’article 7
relatif aux modalités d’élection du président de la République. Dans le premier cas, sans remettre
en cause le principe constitutionnel de liberté des partis politiques, il pourrait être précisé que « les
partis politiques peuvent organiser la sélection de leurs candidats aux élections dans le cadre de
primaires dont les conditions sont prévues par la loi ». Ce choix aurait le mérite d’institutionnaliser
les primaires tant à l’élection présidentielle qu’aux autres élections puisque, comme en témoignent
les élections municipales de 2014, elles tendent à se systématiser. À l’inverse, dans l’hypothèse
d’une révision de l’article 7 de la Constitution venant compléter le troisième alinéa qui prévoit
actuellement que « l’élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours
au plus avant l’expiration des pouvoirs du président en exercice » pour préciser que « les élections
primaires organisées par les partis politiques pour sélectionner leur candidat ont lieu au moins six
mois au plus douze mois avant l’élection du nouveau Président dans les conditions prévues par la
loi », seules les primaires à l’élection présidentielle seraient constitutionnalisées, abstraction faite
de leur généralisation. En dépit de cette nuance, l’inscription des primaires dans la Constitution
devrait nécessairement s’accompagner d’unrenvoi à la loi pour en préciser les modalités
d’organisation. Dès lors, on pourrait arguer de l’inutilité de constitutionnaliser les primaires et
de la valeur uniquement symbolique d’une telle révision puisque si une intervention législative est
nécessaire, pourquoi ne pas s’en contenter ? Mais n’est-ce pas le propre de chaque Constitution
d’osciller constamment entre norme etsymbole ? La force du symbole serait d’autant plus forte
qu’il marquerait l’acceptation constitutionnelle d’une pratique présidentialiste du régime de la Ve
République qui n’a de cesse de se renforcer depuis 1962.
En effet, malgré la diversité des modèles d’institutionnalisation des primaires à l’élection
présidentielle sur le continent américain, l’étude du droit comparé révèle que le pari de
l’institutionnalisation des primaires, et a fortiori de leur constitutionnalisation, n’a été remporté
qu’au sein de régimes présidentiels dans lesquels, en raison d’une séparation stricte des pouvoirs,
le président est, en principe, un président contraint. Il faut cependant distinguer le régime
présidentiel des États-Unis, où le président étant élu au suffrage universel indirect, les primaires
sont un moyen pour les électeurs à la fois de se réapproprier l’élection présidentielle dans un régime
qui fait une grande place à la théorie de la représentation, et de donner au président élu une
légitimité populaire, certes indirecte, des régimes présidentiels latino- américains, où le président
est élu au suffrage universel direct. Dans ces derniers, les primaires s’avèrent être un outil au
service de la prépondérance présidentielle qui leur est inhérente du fait de la transpositionimparfaite
du modèle états-unien et de la recherche d’un exécutif fort. Malgré leurs vertus démocratiques, en
renforçant la centralité de l’élection présidentielle et la légitimité du candidat qui en est issu, les
primaires institutionnalisées participent à la dérive présidentialiste de ces régimes en accentuant
tant la mythification de la fonction présidentielle que l’hypertrophie des pouvoirs d’un président
élu, seul chef de l’exécutif.
Dès lors, la question de l’institutionnalisation des primaires en France, pose nécessairement celle
de l’acceptation de la dérive présidentialiste du régime parlementaire de la Ve République, dont
elle constituerait le point d’orgue. Ce n’est rien d’autre que sous-entendait le doyen Vedel en 1995
en utilisant la métaphore du ruminant incapable de digérer un bifteck. Caractérisé par l’équilibre
entre les pouvoirs exécutif et législatif, le régime parlementaire est, par nature, rétif àla sélection
des candidats à l’élection présidentielle par le biais de primaires qui, sous couvert de réintroduire
une part de démocratie directe et de renforcer la légitimité des candidats, contribuentà déséquilibrer
les pouvoirs, au profit du président de la République. Or, depuis 1962, ce déséquilibre est latent
puisque l’avènement de l’élection présidentielle au suffrage universel direct, l’émergence du fait
majoritaire, le passage du septennat au quinquennat ainsi que l’inversion du calendrier électoral ont
favorisé la pratique présidentialiste du régime en renforçant tant la centralité de l’élection
présidentielle que la légitimité du candidat qui en sort vainqueur. Ledéveloppement intempestif des
primaires conforte ce déséquilibre au profit du président de la République puisque s’il est issu de
primaires, il peut désormais se prévaloir d’une double onction populaire pour asseoir définitivement
sa primauté sur les autres pouvoirs. Est-il pourtant aussi souhaitable de l’institutionnaliser en
constitutionnalisant les primaires ? Rien n’est moins sûr. Certes, une modification de la
Constitution ne ferait que prendre acte de la pratique présidentialiste du régime, sans pour autant
l’aggraver et les primaires continueront à se développer qu’elles soient inscrites dans le texte
constitutionnel, ou non. Reste que leur développement devrait surtout être l’occasion d’engager une
réforme en profondeur des institutions de la Ve République pour lever l’ambiguïté qui pèse sur la
nature du régime. S’agit-il d’un véritable régime parlementaire, auquel cas, pour rééquilibrer les
rapports entre les différents pouvoirs et enrayer la dérive présidentialiste, sans pour autant renoncer
aux primaires, pourquoi ne pas envisager de réformer l’élection présidentielle pour instaurer un
scrutin majoritaire à un tour ou renoncer au suffrage universel direct ? Souhaite-t-on au contraire,
entériner la pratique présidentialiste du régime et mettre en conformité le texte constitutionnel avec
la pratique institutionnelle, qui n’a depuis longtemps plus grand-chose du parlementarisme
rationalisé de 1958 ?
Il serait dommageable que les pouvoirs publics ne se saisissent pas de cette opportunité de réflexion,
car, si la Ve République n’est plus à une contradiction près, celle-ci pourrait être celle de trop, celle
responsable de l’indigestion du ruminant qui voulait manger un bifteck. C’est pourquoi, si à l’image
de la métaphore du doyen Georges Vedel les primaires sont un bifteck et que la Ve République est
un ruminant qui ne peut pas les digérer, peut-être est-il aujourd’hui nécessaire d’envisager une
chirurgie de l’estomac pour l’y aider ? Car derrière cette question somme toute assez banale de
l’institutionnalisation des primaires à l’élection présidentielle, c’est, une fois de plus, celle de
l’ambiguïté de la nature du régime de la Ve République qui est en jeu. »

Document 8 : « Le Président français, un monarque républicain », Pierre Brechon, 2010


(extraits)
« La Ve République est un régime politique original et quelque peu hybride. Maurice Duverger
l’avait qualifié de semiprésidentiel. A l’évidence, ce n’est pas un régime parlementaire classique
puisque le pouvoir exécutif n’est pas le produit de la volonté des députés (c’est le président élu
par le peuple qui choisit et nomme le Premier ministre), mais ce n’est pas non plus complètement
un régime présidentiel qui impliquerait comme aux Etats-Unis une séparation stricte entre
pouvoir présidentiel et parlementaire. Dans le système français, le président peut dissoudre
l’Assemblée et les députés peuvent – dans des conditions assez difficiles à remplir – renverser le
gouvernement choisi par le président (article 20, 49 et 50). Il y a deux personnalités à la tête de
l’Etat alors qu’en régime présidentiel classique la fonction dePremier ministre n’existe pas. Cette
situation française originale d’exécutif réellement bicéphale fonctionne habituellement avec un
leadership présidentiel, mais dans les périodes de cohabitation entre une personnalité de droite et
une de gauche au sommet de l’Etat, l’équilibre se renverse, on se rapproche d’une situation de
régime parlementaire, le Premier ministre exerce alors l’essentiel du pouvoir, même si le
président peut préserver certaines prérogatives, notamment sur la politique étrangère et la
défense.
Dans les traits constitutifs forts de la Ve République, il faut ajouter un élément qui n’est pas
constitutionnel mais a joué un rôle capital : le mode de scrutin majoritaire. Il a permis
l’émergence de majorités parlementaires stables. Couplé avec l’élection du président au suffrage
universel, il a abouti à une bipolarisation forte de notre système politique. Il est très difficile pour
des forces politiques d’exercer un rôle important si elles sont en dehors de l’une des deux grandes
coalitions – la droite et la gauche – qui structurent tout la vie politique. On peut même aujourd’hui
parler d’un système devenu presque bipartisan, dans la mesure où la scène politique est largement
dominée par l’Union pour un mouvement populaire (UMP), parti central de la droite, et le Parti
socialiste (PS). Le texte constitutionnel traite en premier – c’est nouveau par rapport à 1946
et c’est symboliquement très important – du président de laRépublique. Le terme d’ « arbitre
» employé à l’article 5 pour définir son rôle a beaucoup été commenté. Le président doit-il être
un arbitre sur le modèle des compétitions sportives, c’est- à-dire simplement quelqu’un qui assure
l’égalité entre acteurs et sanctionne les écarts aux règles ? Ou est-il un arbitre qui s’engage, celui
qui juge souverainement et départage des acteurs divisés ?
Concrètement, le président a des pouvoirs très au-delà de ceux d’un arbitre, même engagé. Il choisit
le Premier ministre (article 8), celui-ci semblant d’abord tirer sa légitimité du chef de l’exécutif, le
Parlement étant seulement appelé à confirmer la confiance qu’il lui fait ? Sur la proposition du
Premier ministre qu’il vient de nommer, il nomme aussi les membres du gouvernement. En fait,
dans la pratique, le Premier ministre se voit souvent imposer au moins une partie de ses ministres
par le président. Le président peut dissoudre l’Assemblée nationale, après avoir seulement consulté
son Premier ministre et les présidents des Assemblées (article 12). C’est une prérogative absolue
alors que dans les régimes précédents, la dissolution présidentielle était très encadrée et difficile à
mettre en œuvre. […]
Le président de la Ve République jouit donc d’un très grand pouvoir, il est assuré de pouvoir
réellement gouverner pour la durée de son mandat, sauf pendant les cohabitations, qui devraient
devenir exceptionnelles. Le président est donc une sorte de monarque républicain pour cinq ans.
Ce système politique est aujourd’hui assez consensuel dans l’opinion. Ce pouvoir très important
est accepté parce que son titulaire est élu au suffrage universel,dans une compétitionen général
très mobilisatrice, à laquelle les citoyens sont très attachés. Elu, il devient le chef de la majorité,
aussi bien présidentielle que parlementaire. Il est la clef de voûte de son camp et plus largement
du système politique. L’opposition doit, si elle veut remporter l’élection présidentielle suivante,
construire une candidature crédible, en unifiant derrière elle les différentes tendances. C’est
évidemment très difficile. Cela nécessite que les partis politiques acceptent complètement de se
présidentialiser, c’est-à-dire de s’adapter aux contraintes de l’élection phare du système politique.
»

Document 9 : Sur la responsabilité pénale du Président et du Premier ministre

ARTICLE 67.

Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des
dispositions des articles 53-2 et 68.

Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis
de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite.
Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.

Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui
à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.

ARTICLE 68.

Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement
incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en
Haute Cour.

La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt
transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.

La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois,
à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.
Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres
composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont
recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.

Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article.

ARTICLE 68-1.

Les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs
fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis.

Ils sont jugés par la Cour de justice de la République.

La Cour de justice de la République est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la
détermination des peines telles qu'elles résultent de la loi.

ARTICLE 68-2.

La Cour de justice de la République comprend quinze juges : douze parlementaires élus, en leur sein et en
nombre égal, par l'Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de
ces assemblées et trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l'un préside la Cour de justice de la
République.

Document 10 : « La responsabilité pénale, civile et administrative du président de la


République », vie-publique.fr
« La révision constitutionnelle du 23 février 2007 a clarifié le statut du président de laRépublique
et ses responsabilités pénale, civile et administrative.
– Ainsi, le président « n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité » (art. 67). Cette
irresponsabilité est absolue et permanente : elle est valable à la fois dans les domaines politique,
pénal, civil et administratif, et aucune action ne peut être engagée contre le chef de l’État pour des
actes accomplis en qualité de président, même après la fin de son mandat.
Cette irresponsabilité a cependant deux exceptions : le chef de l’État peut être poursuivi devant la
Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, ou soumis à une procédure de destitution
« en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat
» (art. 68).
- Pour les actes du chef de l'Etat qui ne relèvent pas de l'exercice des fonctions présidentielles, le
président ne peut faire l'objet d’une procédure judiciaire ou administrative pendant la durée de son
mandat. Il bénéficie d’une « inviolabilité », dont les parlementaires étaient jusqu’alors les seuls à
disposer (art. 26). Cette inviolabilité est complète, car elle couvre également les domaines pénal,
civil et administratif. Mais, elle est temporaire, puisqu’elle prend fin un mois après le terme du
mandat présidentiel. Les droits des personnes tiers sont cependant préservés par la suspension de
tout délai de prescription et de forclusion.
La réforme de 2007 a entériné les propositions de la Commission, instituée par le président Chirac
le 3 juillet 2002, chargée de réfléchir au statut pénal du chef de l’État. Cette commission, présidée
par Pierre Avril, suggérait de confirmer « l’immunité temporaire » du chef de l’État pendant
l’exercice de ses fonctions, c’est-à-dire la suspension de toute poursuite pénale et des actes
d’information, mais également d’introduire la procédure de destitution désormais inscrite dans la
Constitution.
Elle a aussi repris la solution dégagée par la Cour de cassation dans son arrêt du 10 octobre 2001,
qui avait établi que le président bénéficiait d’une inviolabilité temporaire jusqu’à la fin de son
mandat entraînant la suspension des poursuites.
On constate ainsi qu’aujourd’hui, pendant la durée de son mandat, et mise à part l’hypothèse du «
manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », dont la
définition n’a pas été précisée, le président de la République est irresponsable politiquement et
pénalement. »

Document 11 : Rapport de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique


(remis au président de la République le 9 novembre 2012)
« Un statut juridictionnel du chef de l’Etat […] plus respectueux du principe d’égalité
L’exigence d’égalité des citoyens devant la justice commande de rapprocher du droit commun le
statut juridictionnel, aujourd’hui très largement dérogatoire, du chef de l’Etat et des ministres.
Il convient toutefois de ne pas priver de toute protection le président de la République et les
membres du Gouvernement, qui ont un devoir d’Etat et que leurs fonctions exposent à des actions
judiciaires abusives susceptibles de compromettre le bon fonctionnement des pouvoirs publics.
La Commission propose de maintenir l’immunité fonctionnelle dont bénéficie le chef de l’Etat
pour les actes accomplis en cette qualité, sous réserve de la possibilité, « en cas de manquement
à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », d’une destitution
prononcée par le Parlement, qu’il n’y aurait plus lieu de constituer en « Haute Cour
», mais de réunir en « Congrès », afin d’affirmer clairement le caractère politique, et non
juridictionnel, de la procédure de destitution.
En revanche, la Commission préconise de mettre fin à l’inviolabilité pénale du président de la
République : celui-ci doit pouvoir être poursuivi et jugé au cours de son mandat pour tous les actes qu’il n’a
pas accomplis en qualité de chef de l’Etat. Il est également proposé de mettre fin à son inviolabilité civile.
Cette application du droit commun devrait toutefois s’accompagner derègles de compétence et de procédure
particulières. Au pénal, il est notamment proposé de prévoir les règles suivantes : une phase d’examen
préalable des requêtes par une commission supérieure chargée d'écarter les actions qui entrent dans le champ
de l'immunité fonctionnelle ainsi que les actions abusives ou manifestement infondées; la compétence
exclusive du TGI de Paris ; un recours systématique à l’instruction préparatoire ; une collégialité renforcée
au stade de l’instruction et pour les formations de jugement ; une interdiction de principe des mesures de
contrainte. Au civil, une phase d’examen préalable des requêtes est également préconisée. […]
- Proposition 16 : mieux affirmer le caractère politique de la procédure de destitution duprésident
de la République
- Propositions 17 et 18 : Mettre fin à l’inviolabilité du président de la République enmatière
pénale et en matière civile. »
Document 12 : Exposé des motifs, projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité
juridictionnelle du président de la République et des membres du Gouvernement, déposé
le 14 mars 2013
« Mesdames, Messieurs,
L’égalité de tous devant la justice est une attente forte de nos concitoyens.
Le présent projet de loi constitutionnelle fixe les conditions dans lesquelles le Président de la
République et les membres du Gouvernement pourront être amenés à rendre compte de leurs
actes devant les juridictions de droit commun. Il comporte deux mesures.
L’article 1er réforme le statut juridictionnel du Président de la République, dans le domaine civil,
dans un sens plus respectueux du principe d’égalité. Le chef de l’État ne peut être un justiciable
comme les autres. Une protection doit s’attacher à la fonction présidentielle. Cette protection ne
doit cependant pas porter une atteinte excessive aux droits des tiers. À cet égard, l’inviolabilité
dont le Président de la République bénéficie en matière civile paraîtdisproportionnée au regard
des objectifs poursuivis. L’instance civile porte sur des intérêts purement privés. La procédure
civile n’est pas incompatible avec la protection de la fonction présidentielle.
Le texte modifie donc l’article 67 de la Constitution et prévoit que, dans les matières autres que
répressives, le Président de la République pourra faire l’objet d’une action dans les conditions
du droit commun, après autorisation de la commission des requêtes mentionnée à l’article 68-1
de la Constitution. Les actions engagées à son égard en ce domaine ne devront être de nature ni
à compromettre l’accomplissement de sa charge, ni à porter atteinte à la dignité de sa fonction.
L’article 2 modifie le titre X de la Constitution en supprimant le privilège de juridiction dont
bénéficient les membres du Gouvernement. En vertu de ce privilège, ils ne peuvent être jugés
pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions que par la Cour de justice de la
République, juridiction composée essentiellement de parlementaires où les magistrats sont très
minoritaires. De plus, les règles particulières de compétence et de procédure qui lui sont
applicables sont à l’origine d’un éclatement des procédures juridictionnelles.
Le texte supprime donc cette juridiction d’exception en prévoyant, à l’article 68-1 de la
Constitution, que les ministres seront jugés par les juridictions pénales de droit commun, y
compris pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Pour éviter les mises en
causes abusives, la procédure sera aménagée. Les poursuites devront être autorisées par une
commission des requêtes composée de trois magistrats du siège à la Cour de cassation, deux
membres du Conseil d’État et deux magistrats de la Cour des comptes. Le jugement de ces
affaires sera confié aux juridictions de Paris compétentes, qui seront alors composées d’au moins
trois juges. »
Document 13 : Communiqué de presse, décision du Cons. const. n° 2014-703 DC du 19 nov.
2014, Loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution
« Par sa décision n° 2014-703 DC du 19 novembre 2014, le Conseil constitutionnel s'est
prononcé sur la loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution dont il avait
été saisi par le Premier ministre en application des articles 46 et 61 de la Constitution.
L'article 68 de la Constitution résulte de la loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007.
Il met en place une procédure parlementaire, et non pas judiciaire, de destitution du Chef de
l'État. Il prévoit que le Président de la République peut être destitué par le Parlement réuni en
Haute Cour en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de
son mandat. La loi organique soumise au Conseil détermine les conditions d'application de ces
dispositions.
1 - Les articles 1er à 4 de la loi organique portent sur la décision de réunir la Haute Cour.
L'article 1er prévoit, d'une part, que la demande de réunion de la Haute Cour prend la forme d'une
proposition de résolution motivée qui doit être signée par au moins un dixième des membres de
l'Assemblée devant laquelle elle est déposée. Le Conseil constitutionnel a jugé cette condition
conforme à l'article 68 de la Constitution qui ne confère pas aux membres du Parlement un droit
individuel à proposer la réunion de la Haute Cour. D'autre part, la loi organique limitait le droit
de chaque membre du Parlement à la signature d'une seule proposition de résolution par mandat
présidentiel. Le Conseil a jugé que cette condition apportait à l'article 68 une restriction d'une
ampleur telle qu'elle en méconnait la portée. Il l'a jugée contraire à la Constitution.
L'article 2 prévoit que la proposition de résolution est transmise à la commission des lois de
l'assemblée devant laquelle elle est déposée. Le Conseil a relevé que cette commission n'a ni
l'obligation de l'examiner, ni celle de la rejeter ou de l'adopter. En cas de rejet ou d'adoption par
la Commission, l'inscription à l'ordre du jour se fait dans les conditions de droit commun. Le
Conseil a jugé que l'article 2 conduit à ce que la proposition de résolution devient caduque en
l'absence d'inscription à l'ordre du jour dans un délai de treize jours.
Si la proposition de résolution est adoptée par la première assemblée, l'article 3 prévoit des délais
impératifs devant l'autre assemblée. Le Conseil a jugé que cet article avait pu prévoir que, si la
clôture de la session fait obstacle à l'inscription de l'ordre du jour, celle-ci intervientau plus tard
le premier jour de la session suivante.
En cas d'adoption de la proposition de résolution par les deux assemblées, la Haute Cour est
réunie.
2 - Les articles 5 à 7 de la loi organique portent sur la procédure devant la Haute Cour.
La Haute Cour statue dans un délai d'un mois sur la destitution du Président de la République.
Une commission composée de douze députés et sénateurs, est chargée de recueillir toute
information nécessaire à l'accomplissement de sa mission par la Haute Cour. Le Président de la
République ou son représentant peut prendre la parole devant cette commission. Le Conseil a jugé
que ces dispositions ne permettent pas de fixer de manière réduite ce temps de parole.
La Haute Cour se réunit pour délibérer sur la destitution. Ses débats sont publics. Le Conseil a jugé
inconstitutionnel que la durée de ces débats devant la Haute Cour ne puisse excéder deux jours. L'article
68 fixe en effet une durée maximale d'un mois pour les travaux de la commissionet les débats de la
Haute Cour. En outre, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition qui prévoyait que le Premier
ministre peut participer aux débats devant la Haute Cour alors que la procédure de destitution prévue
par l'article 68 de la Constitution ne le met pas en cause et que cette participation n'est pas prévue par
cet article.
Enfin, le Conseil constitutionnel a jugé que le respect du principe de la séparation des pouvoirs ainsi
que l'exigence de sincérité et de clarté des débats devant la Haute Cour imposent que les règles relatives
à ces débats soient précisées par un règlement de la Haute Cour, qui devra être soumis à l'examen du
Conseil constitutionnel. »

III- Sur la nature du régime.

Document 14 : Maurice Duverger, « Un régime semi-présidentiel », Extrait, Le Monde, du 26


novembre 1969, p. 1 et 11.

[…]
Le caractère semi-présidentiel résulte du fait que le président de la République est élu au suffrage
universel mais que le gouvernement reste responsable devant l'Assemblée nationale. Une telle
combinaison est assez rare. On en connaît trois exemples principaux en dehors du nôtre : celui de
l'Allemagne de Weimar entre 1928 et 1933, celui de l'Autriche depuis 1951 et celui de la Finlande
(encore que l'élection présidentielle y ait lieu par un suffrage indirect qui donne une grandeinfluence
aux états-majors des partis). Les conséquences sont très différentes dans chacun de ces pays. Le
régime semi-présidentiel apparaît ainsi comme très malléable : par lui-même, il ne fonde par un
système politique nettement défini. Il établit certaines règles ; dans ce cadre, plusieurs jeux différents
peuvent être joués.
La détermination précise des règles du jeu semi-présidentiel est toujours difficile à cause ducaractère
ambigu du système. Elle l'est particulièrement dans la Ve République parce qu'il est superposé en
1962 à une structure antérieure déjà complexe, la Constitution de 1958 ayant posé le principe
parlementaire, mais l'ayant fortement atténué. Dans le régime parlementaire classique, le chef de
l'Etat ne joue aucun rôle politique. Il n'est qu'un personnage symbolique. Les pouvoirs que la
Constitution lui attribue sont purement nominaux: ils sont exercés en fait par le premier ministre et le
gouvernement, qui doivent contresigner toutes ses décisions.
La Constitution de 1958 a maintenu ce principe d'une façon générale en établissant un régime
parlementaire. Mais l'a expressément écarté pour certains pouvoirs du chef de l'Etat exercés
désormais sans contreseing: par exemple, la dissolution, le recours à l'article 16, le référendum, la
saisine du Conseil constitutionnel.
[…]
Document 15 : Extrait de la conférence de presse du général de Gaulle du 31 janvier
1964,

[…]

Tout d'abord, parce que la France est ce qu'elle est, il ne faut pas que le Président soit élu simultanément
avec les députés, ce qui mêlerait sa désignation à la lutte directe des partis, altérerait le caractère et abrégerait
la durée de sa fonction de chef de l'Etat. D'autre part, il est normal chez nous que le Président de la
République et le Premier Ministre ne soient pas un seul et même homme. Certes, on ne saurait accepter
qu'une dyarchie existât au sommet. Mais, justement, il n'en est rien. En effet, le Président, qui, suivant notre
Constitution, est l'homme de la nation, mis en place par elle - même pour répondre de son destin ; le
Président, qui choisit le Premier Ministre, qui le nomme ainsi que les autres membres du gouvernement, qui
a la faculté de le changer, soit parce que se trouve accomplie la tâche qu'il lui destinait et qu'il veuille s'en
faire une réserve en vue d'une phase ultérieure, soit parce qu'il ne l'approuverait plus ; le Président, qui arrête
les décisions prises dans les conseils, promulgue les lois, négocie et signe les traités, décrète, ou non, les
mesures qui lui sont proposées, est le chef des armées, nomme aux emplois publics ; le Président qui, en cas
de péril, doit prendre sur lui de faire tout ce qu'il faut ; le Président est évidemment seul à détenir et à
déléguer l'autorité de l'Etat. Mais, précisément, la nature, l'étendue, la durée de sa tâche, impliquent qu'il ne
soit pas absorbé, sans relâche et sans limite, par la conjoncture politique, parlementaire, économique et
administrative. Au contraire, c'est là le lot, aussi complexe et méritoire qu'essentiel, du Premier Ministre
français.

Certes, il ne saurait y avoir de séparation étanche entre les deux plans, dans lesquels, d'une part le Président,
d'autre part celui qui le seconde, exercent quotidiennement leurs attributions. D'ailleurs, les conseils et les
entretiens sont là pour permettre au chef de l'Etat de définir à mesure l'orientation de la politique nationale
et aux membres du gouvernement, à commencer par le premier, de faire connaître leurs points de vue, de
préciser leur action, de rendre compte de l'exécution. Parfois, les deux plans sont confondus quand il s'agit
d'un sujet dont l'importance engage tout et, dans ce cas, le Président procède à la répartition comme il le
juge nécessaire. Mais, s'il doit être évidemment entendu que l'autorité indivisible de l'Etat est confiée tout
entière au Président par le peuple qui l'a élu, qu'il n'en existe aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni
militaire, ni judiciaire, qui ne soit conférée et maintenue par lui, enfin qu'il lui appartient d'ajuster le domaine
suprême qui lui est propre avec ceux dont il attribue la gestion à d'autres, tout commande, dans les temps
ordinaires, de maintenir la distinction entre la fonction et le champ d'action du chef de l'Etat et ceux du
Premier Ministre.

[…]

Document 16 : Un ancien Président peut-il de nouveau être candidat à un mandat électif ? Conseil
constitutionnel, Décision, n° 84-983, AN du 7 novembre 1984.
« […]
Mais, considérant, d'une part, que la qualité de membre de droit du Conseil constitutionnel d'un
ancien Président de la République ne saurait, en l'absence de disposition expresse en ce sens, priver
celui-ci du droit normalement reconnu à tout citoyen, dans les conditions et sous les réserves
prévues par la loi, d'être candidat à tout mandat électif ; que, d'autre part, les membres de droit du
Conseil constitutionnel sont, sous la seule réserve de la dispense de serment expressément prévue
par l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 dans la rédaction que lui a donnée
l'article 1er de l'ordonnance n° 59-223 du 4 février 1959, soumis aux mêmes obligations que les
autres membres du Conseil constitutionnel ; que leur sont notamment applicables les dispositions de
l'article 57 de la Constitution reprises à l'article 4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, desquelles
il résulte que les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de
membre du Parlement ; qu'il suit de là que l'élection au Parlementd'un membre de droit du Conseil
constitutionnel fait obstacle à ce que celui-ci siège au sein de ce Conseil ; qu'ainsi le grief analysé
ci-dessus, tiré de ce que M. Valéry GISCARD D'ESTAING aurait été inéligible, doit être écarté.
[…]

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