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La Saison des Pluies ISSN 1012-7062, n°20 30 juin 2023, pp.

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Analyse pragmatico-métaphorique du nom propre issu du végétal


au Nord-Congo

Arsène Elongo et Francis Akiene Mayoke


Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville

Résumé : Le présent article aborde les des noms propres dans une perspective de
la pragmatique, il a l’objectif de montrer que certains noms propres de la population
du Nord-Congo suggèrent les contenus implicites du végétal, parce qu’ils viennent
les éléments saillants de la nature, de la médecine, de la chasse, de la forêt. Notre
méthode s’est fondée sur la collecte des noms propre du végétal dans le département
de la Cuvette. Nous sommes appuyés sur l’expérience culturelle pour reconstruire
les données du corpus. Notre approche d’analyse se base sur le critère de l’implicite
que développe Catherine Kerbrat-Orecchioni (1998) il s’agit de démontrer que le
nom propre est un énoncé métaphorique avec les informations implicites dans les
langues congolaises, parce qu’il permet d’établir une relation avec la personne
désignée et qu’il sert à désigner une autre chose dans l’environnement de cette
personne dans sa langue. Ainsi, nous avons abouti à plusieurs résultats sur l’analyse
pragmatique des noms propres montrant que ces appellatifs des plantes dénotent le
mode identitaire d’une vie construite sur l’attachement aux bienfaits de la nature.

Mots clés : Nom propres, Implicites, métaphore, Langue et Environnement

Abstract: This article approaches proper nouns from a pragmatic perspective, with
the aim of showing that certain proper nouns used by the population of North Congo
suggest the implicit contents of plants, because they come from the salient elements
of nature, medicine, hunting and the forest. Our method is based on the collection
of proper names for plants in the Cuvette department. We drew on cultural
experience to reconstruct the corpus data. Our approach to analysis is based on the
implicit criterion developed by Catherine Kerbrat-Orecchioni (1998). The aim is to
demonstrate that the proper noun is a metaphorical statement with implicit
information in Congolese languages because it enables us to establish a relationship
with the designated person and serves to designate something else in that person's
environment in her language. Our pragmatic analysis of proper nouns shows that
these plant appellatives denote a mode of identity based on attachment to the
benefits of nature.

Key words: Proper nouns, Implicits, metaphor, Language and Environment

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Introduction

La métaphore est une figure de la rhétorique présente dans toutes les langues
et cultures du monde. Elle est identifiable dans l’espace du Congo dans lequel les
discours écrits et oraux portent les empreintes de la métaphore. Nous l’identifions
dans les traits de l’identité congolaise comme la langue, la littérature, les chansons
et les noms propres de personne. Son usage est fort motivé dans le système de la
dénomination congolaise. Un tel héritage mémoriel de l’identité congolaise est
parmi tant d’autres raisons qui nous poussent à s’intéresser aux pratiques
attributives des noms propres, toutefois notre étude s’est limitée sur les groupes
ethniques mbosi et likuba situés au Nord Congo où la population utilise le procédé
de la métaphore comme parmi les motivations dénominatives. A ce sujet, d’autres
motivations expliquent notre choix de réexaminer le processus dénominatif, du fait
que des travaux en histoire et en linguistique l’ont analysé dans une perspective de
la tradition, de l’évolution, de la sémantique.
Pour Paul Nzete (1986, p.165-168), les noms propres congolais vulgarisent
les marques du respect familial, matrimonial ou politique, ils remplissent les rôles
d’identification, d’immortalisation et de situation ; ils produisent des effets, selon
le contexte, de galvanisation, de crainte, de ressemblance physique, morale et
intellectuelle. Pau Nzete a évité, dans son analyse, le terme de la métaphore,
lorsqu’il parle des effets de ressemblance entre les noms et les référents de l’espace
géographique, mais Arsène Elongo (2017) l’emploie pour montrer que les noms ont
des effets de ressemblances, parce qu’ils ont une valeur expressive et métaphorique.
Aussi la métaphore offre-t-elle aux noms propres une fonction évocatrice (Elongo
et Moukoukou, 2019) apparaît indirectement dans le discours appellatif des
Congolais dans lequel le nom peut mettre en relief une isotopie métaphorique entre
la personne et l’objet extralinguistique.
En tenant compte de son intérêt avec la culture, l’environnement et les
langues locales, nous avons choisi d’examiner la métaphorisation des noms propres
dans l’identité congolaise. Ce thème de notre étude présente une actualité
scientifique assez abondante. Nous notons les études sur la métaphore et le nom
propre en linguistique et en stylistique.
Les auteurs comme Jean Molino, Françoise Soublin, Joëlle Tamine (1979,
p.6-8) ont montré que la métaphore met « en jeu l'opposition sens propre/sens
figuré », une opposition entre « mot et discours », « le sens direct et le sens caché »,
« la ressemblance et le rapport abstrait, « le figuratif et l'opératif ». Aussi, l’étude
de la métaphore souligne un acte de discours indirect lié à l’intention indirecte du
locuteur (Martine Bracops 2006, p.64). D’autres études de la métaphore la
définissent comme le rapport entre l’allotopie et l’isotopie dans la structure
syntaxique du métaphorisé et du métaphorisant (Botet, 2012) ou comme le rapport
conceptuel du domaine cible avec le domaine source (Lakoff).

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Notre étude ne cherche pas à réaliser un état de lieu sur la production


linguistique et stylistique de la métaphore ni celle des noms propres où les points
de vue des travaux réalisés sont partagés entre la valeur asémantique et la fonction
sémantique, mais nous voulons examine le problème du nom propre comme un
énoncé métaphorique évoquant de sorte d’implicites : il s’agit de la personne
porteuse de ce nom, de son comportement dans la société et de la nature dont un tel
nom tire l’origine. Notre question est la suivante : comment les habitants du Nord-
Congo choisissent-ils le végétal comme source d’inspiration de l’attribution des
noms propres de personne ?
Notre hypothèse part du constat selon lequel les noms propres congolais
naissent du processus de métaphorisation et qu’ils sont aptes de susciter les
implicites liés à la langue, à l’identité, à la culture et aux référents de leur
environnement géographique. Dans cette optique, notre objectif est de décrire le
processus métaphorique contenu dans les noms propres issus du végétal et de
décrypter leurs contenus implicites liés à la langue de nomination.
Notre article s’articule sur plusieurs aspects des noms propres : ils
proviennent des arbres, des arbustes et des plantes.

1.Cadre théorique
L’implicité désigne ce « qui est virtuellement contenu (dans une
proposition, un fait), sans être formellement exprimé, et peut en être tiré par voie
de conséquence, par déduction, induction » (Le Grand Robert de la langue
française, 2017). Ce dictionnaire a montré que l’implicité peut être extrait d’un
énoncé au moyen de la déduction ou de l’induction. D’autres auteurs ont abordé
l’implicite sous l’angle de la sémantique et de la pragmatique. Cette notion est
étudiée par Catherine Kerbrat-Orecchioni (1998, p.20) pensons que « les contenus
implicites sont également, d'une certaine manière- qu'il s'agira justement de préciser
-, dits ». Nous apprenons, chez elle, que les contenus implicites sont liés aux
procédures suivantes : les compétences linguistiques, les compétences
encyclopédiques, les compétences rhétorico-pragramatique et la compétence
logique et qu’ils se fondent sur les inférences réparties en présupposées et en sous-
entendues. Elle définit la notion d’inférence comme « toute proposition implicite
que l'on peut extraire d'un énoncé, et déduire de son contenu littéral en combinant
des informations de statut variable (internes ou externes) ». Dans notre étude, nous
appliquons son schéma sur la description des contenus explicites et implicites.

Figure n°1 : Représentation des implicites chez Kerbrat-Orecchioni (1998).

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Notre étude s’appuie sur l’étude de Jean-Marie Klinkenberg(1999, p.65)


pour cerner d’autres paramètres de l’implicité. Cet auteur analyse quatre points de
vue sur la saisie des implicites comme « (a) la relation avec le code et avec le
contexte ; (b) le comportement syntaxique ; (c) l'implication des partenaires dans la
production du sens implicite ; (d)la relation du sens implicite avec le posé ». Aussi
aide-t-elle à classifier deux sortes d’implicites dans un énoncés : les présupposés
liés à l’énoncé et indépendants « de leur apparition dans un contexte précis » et les
sous-entendus dépendant du contexte et de l’énonciation. Dans ses analyses, il
pense que les tropes sont les figures dans lesquelles il est possible de dégager les
implicites. Une telle démarche sera bénéfique pour notre étude pour analyser les
sens implicites à travers la métaphorisation des noms propres congolais.
Cependant, nous mettons à profit d’autres analyses de l’implicites abordés dans les
travaux assez récents, même si ces études reviennent sur les analyses faites par
Catherine Kerbrat-Orrechioni sur la question des implicites. Selon Dominique
Mainqueneau(2009, p .), l’implicité relève des contenus d’information que le
destinataire peut extraire des contenus explicites d’un énoncé. Il peut avoir une
valeur sémantique ou pragmatique. Dans son étude, Lubna Hussein Salman (2013)
ajoute la dimension culturelle dans le décodage des implicites, lorsqu’il
écrit :« L’implicite désigne donc ce qui se trouve dans le discours sans être
littéralement prononcé et ajoute que « l’implicite existe dans chaque contact(..). En
effet, l'implicite pourrait être facilement décodé si le locuteur et son interlocuteur
partageaient la même culture ou le même contexte situationnel ». Son étude est utile
pour comprendre le fonctionnement de l’implicite, parce que cet auteur le définit
comme « d’informations supplémentaires » pour la saisie de l’énoncé et qu’il
fournit les clés pour le décoder comme « le contexte, l'arrière-plan, les inférences
et les connotations ».
D’autres analyses de l’implicites mises en évidence par Simonin Olivier
(2013, p.28) pensant que « les contenus implicites ne sont pas explicitement posés
mais plutôt imposés ; ils concernent ce qui est véhiculé en surplus, par implication.
C’est au sein des contenus implicites que s’inscrit la bipartition présupposés / sous-
entendus ». Toutes ces études, bien qu’elles présentent la notion des implicites sous
l’angle de l’énoncé, du contexte, de la situation et de la culture, sont les outils
fondamentaux pour réaliser une lecture et interprétation des noms propres
métaphorisés dans leur dénomination et suage sein de l’espace géographiques et
linguistique du Congo.

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2.Contexte congolais du nom propre

La possession du nom est un phénomène universel auquel aucune tradition au


monde ne peut échapper. D’une part, le nom dans l’espace mbᴐsi détermine et
révèle l’individu, le situe et le distingue dans son milieu social. Donner le nom à
une personne, c’est l’identifier, le rapprocher de son activité et le classer dans sa
classe sociale. Nous pouvons, dès lors, dire que le nom est une marque, un code
social, un signe qui nous permet de nous reconnaitre comme des sujets distincts les
uns des autres, mais aussi comme des sujets « catégorisables ». Le nom révèle la
culture d’un peuple ou d’une région ; il socialise l’homme et le lie avec son
écosystème. D’autre part, les noms de personne, chez les Mbᴐsi et Likuba,
constituent non seulement un discours sur l’homme, mais aussi un discours qui le
rapproche du monde visible ou invisible, terrestre ou aquatique, animal ou végétal.
Toutefois, en dehors des noms de l’état civil eux-mêmes significatifs, dans la
tradition mbᴐsi, un individu tient son nom de diverses circonstances. Il le tient des
conditions de sa naissance, des rapports qu’il a avec son groupe social, son
environnement culturel et socioprofessionnel. Les différents échanges ou relations
publics sont aussi un facteur déterminant dans la dation du nom chez les Mbᴐsi et
Likuba. De ce fait, le nom permet une communication directe et verbale entre les
citoyens, dans le cadre de l’interaction sociale.
Au regard de la charge sémantique dont il est investi, le nom dans la tradition
mbᴐsi et likuba ne se livre pas facilement. C’est le cas des noms rituels et ceux dont
la thématique ou son extériorisation incite à l’action. En effet, le nom réel reste
parfois caché ; il est le nom secret, le nom profond signifiant la nature de l’individu.
Il convient de le protéger de tout ce qui pourrait lui faire perdre sa force. Cette
charge sémantique du nom se révèle à travers ces propos de Louis Vincent
Thomas et R. Luneau :

Le nom est donc un élément fondamental de la personne. Chaque nom correspond à


un fragment ontologique ou symbolique d’être qui rattache celui qui le porte à des
représentants des fins du lignage. Tandis que la possession d’un patronyme secret
préserve l’individu et assure la spécificité du moi. Malheur à l’individu qui, par
indiscrétion ou maladresse, livre son secret, sa personne devient alors
particulièrement vulnérable puisque prononcer le nom c’est agir sur l’être.(Thomas
et Luneau, 1975, p.32).

La tradition mbᴐsi et likuba autorise, cependant, l’emploi d’autres noms


utilisés dans les relations quotidiennes courantes, dans les rapports de l’individu
avec ses semblables. C’est ici, le cas des pseudonymes et des noms communs à tous
les membres d’une famille. Cette pluralité de noms exprime tantôt la conception de
la personne tantôt celle de ses multiples origines et l’individu possède alors trois
noms. Le premier est le nom intérieur. Le second est reçu dans le contexte de la vie
de la personne et de son évolution, à l’occasion des cérémonies d’initiation. Le

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dernier est le nom extérieur encore appelé « nom du village » et à usage purement
social et formel.
Enfin, en précisant la charge sémantique dont le nom est investi, et ce mélange
de procédés, modalités, motivations et sources de la dation du nom, ce travail est
une contribution scientifique à l’esquisse d’une théorie de la dation du nom, en
Afrique, en général, et au Congo, en particulier. L’objectif est de montrer à la
communauté scientifique comment se fait la dation du nom au Congo, de la société
traditionnelle à la société moderne.
Le domaine de la flore congolaise a reçu, au cours de la formation sociétale
et identitaire, un intérêt capital dans la création des noms propres. Ceux-ci sont
considéré, dans notre étude, une métaphore morte, une grammaticalisation du nom
commun de chose en nom propre de personne. Notre objectif est de les étudier sous
la perspective de la métaphore et des implicites sémantiques et culturels, il s’agit
d’examiner les noms propres venus des arbres, des arbustes, des plantes aquatiques,
vivrières, rampantes, des prairies et des herbes que nous ignorons exactement leur
dénomination en français.

3. Implicites connotatifs des arbres et arbustes

Les noms propres congolais sont inspirés, pour certains, des noms d’espèce
végétale. Ils gardent beaucoup de contenus implicites, lorsqu’ils cessent d’être les
référents de la nature, mais ils restent comme les fausses métaphores sans contenu
énonciatif, puisqu’ils remplissent un nouveau rôle d’intégrer la classe des noms
propres. Nous examinons, dans une perspective de la métaphore, les contenus
analogiques des implicites incorporés dans les noms propres d’origine végétale.
Dans l’espace d’Oyo et de Mossaka. Nous analysons différents contenus implicités
des noms propres issus du processus de la métaphorisation. Le premier groupe de
noms propre humains vient de la dénomination du palmier. Ainsi, les noms propres
comme Ebiya, Obiya, Abia (noix de palmier), Ombiya, Mbia, Mobiya, chez les
Mbᴐsi ; Ahoura (huile de palmier », Minouna (bourgeon de palmier). Ces noms
propres en langes embosi et likuba évoquent soit le palmier soit ses fruits, ils
véhiculent des contenus implicites comme la représentation végétale et la
métonymie du repas avec les relations métonymiques palmier-huile, palmier-noix,
noix-huile, ou huile-repas. Les noms propres sont attribués selon les fonctions
utilitaires du palmier au sein de la communauté. Nous retrouvons dans ces noms
propres les implicites des fonctions culinaires et de la boisson.
Outre les noms propres d’origine du palmier et de ses fruits comme l’huile et le
vin, nous retrouvons d’autres implicites sémantiques dans la technique de la
métaphorisation : le nom propre porte une motivation de l’implicite avec les
fonctions utilitaires que l’homme tire de la nature, il veut s’identifier aux rôles
analogiques constatées à travers l’existence des arbres proches de sa culture. Les
noms propres comme Engagni (: arbuste résistant à toutes intempéries), Ongondo

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(bois de fer), Okouele et Mokouele( arbre perçu comme paratonnerre), Okoo,


Okowe Mokowe (un puissant grand arbre), Lokiegna ( arbre solide et flexible) ont
les contenus implicites liés aux rôles culturels que les habitants donnent dans la
représentation de leur identité, une manière implicite de leur admiration pour les
bienfaits immédiats de la nature.

4.Implicites des noms propres inspirés des arbres

Les arbres qui interviennent dans la composition des traitements de femmes


souffrant des douleurs prénatales sont multiples. A partir du diagnostic révélant les
symptômes de la maladie, le devin a la connaissance de quelle partie de l’arbre
utilisée pour administrer les soins à la femme enceinte. Le traitement obéit à
certaines exigences, appelées communément ibengaa, par les Mbᴐsi, et ebengaa,
par les Likuba. Ces sont donc des éléments qui composent le devis, une sorte
d’ordonnance médicale. Comme pour corroborer la naissance à ces exigences,
l’enfant qui va naître aura pour nom Lebenga, en langue εmbᴐsi, et Lobenga, en
likuba. Tous ces deux noms, bien que prononcés différemment, signifient : « celui
ou celle qui est né d’obligations ou de recommandations ». Ici, le devin, le
guérisseur, le Nganga, a non seulement la vocation de soigner, mais aussi celle de
nommer le nouveau-né par anticipation. Nous nous rapprochons un peu de ce que
font les services médico-sociaux, qui délivrent l’attestation de déclaration de
naissance au parent du nouveau-né. Cette pièce médico-administrative donne droit
au père d’aller déclarer la naissance de son enfant à l’état civil, après quelques jours.
Le nom suggéré par le guérisseur est confirmé quelques jours, après la naissance,
par les parents du nouveau-né et la communauté villageoise.
En effet, la place des soins médico-traditionnels ou de cette médecine préventive,
en milieu rural, chez les Mbᴐsi et Likuba, est reconnue par Alphonse Ekouya
lorsqu’il affirme :

Nous avons dit que l’Administration coloniale a trouvé nos populations


nanties de leur système de soins traditionnels, administrés par des
tradipraticiens, voire par certains citoyens naissant des vertus de certaines
plantes, ou alors, doués de certains charismes de guérison qui se transmettent
au sein de la famille. Il s’agissait d’un véritable système de santé, avec la
médecine préventive et la médecine curative. (Ekouya, 2013, p.5).

L’intérêt de cette médecine, que nous considérons comme préventive et


curative, se révèle à travers ces quelques noms que nous mettons en exergue :
Engagni [eŋaɲi], arbuste de terre ferme et de savane résistant à toutes intempéries,
en langue εmbᴐsi. Dans une composition de la pharmacopée, la présence de cette
plante, dans l’eau que la femme enceinte boit, de l’écorce râpée mâchée et avalée
par la malade, se conçoit comme un vaccin. Il préserve le nouveau-né de toute sorte

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d’attaques, de mauvais sort, de la paralysie et autres maladies infantiles. Engagni


[eŋaɲi] est le nom de garçon dont la mère exerçant ses travaux champêtres, en
brousse, a été bousculé par une force invisible au pied de cet arbre, jamais abattu
des vents. Ongondo [oŋondo], arbre ou bois de fer, en εmbᴐsi. Le devin se sert de
l’écorce de cette plante dans le traitement curatif de la femme enceinte pour qu’elle
ne soit pas vulnérable. Aussi, l’enfant qui prend ce nom est protégé par les forces
de ce grand arbre difficile à terrasser. C’est un enfant robuste et plein de longévité.
En likuba, ce nom se dit Engondo [eŋondo]. Il est donné aux filles qui naissent après
un accouchement prolongé, c’est-à-dire qui prend assez d’heures. Le Nganga a usé
des grains de cet arbre pour faciliter l’accouchement. Cet arbre, dans la tradition est
synonyme de longévité.
Okouele [okwele], arbre radar qui désoriente la foudre, en langue εmbᴐsi. En
likuba, il se dit Mokouele [mokwele]. Ce nom de nouveau-né prévient la mère et
son enfant de menaces : sortilège, maladie contagieuse, etc. Le devin recommande
à l’époux d’accrocher l’écorce de cet arbre à la véranda, dans la direction de sa
porte, pour chasser un mauvais esprit et désorienter la foudre qui peut donner la
mort à sa femme et à son enfant. A la naissance, est nommé Okouele ou Mokouele,
un nouveau-né de sexe masculin dont la mère a passé plusieurs épreuves difficiles
pour stabiliser sa grossesse.
Ce nom transmet un esprit combatif à l’enfant. Celui-ci, imbu de cette force
naturelle issue de l’arbre Okouele [okwele] ou Mokouele [mokwele], imunisé et
protégé, devient Okouelemobounalangasi [okwelemobunalagasi], soit un enfant
qui défie ou se bat contre les foudres, les attaques mystiques.
Okoo [okó], nom d’un puissant grand arbre, exprimé en dialecte εmbᴐsi. En likuba,
ce nom se prononce Okowe [okwe] ou Mokowe [mokowe]. En effet, l’écorce de cet
arbre est utilisée comme « chasse esprit », espèce d’encens traditionnel. Il s’agit,
pour les féticheurs, guérisseurs et devins, d’un élément efficace dans la réparation
du préjudice ou de la stabilisation de l’équilibre d’une femme enceinte, victime
d’attaques mystiques. On recommande à la future mère de porter une petite portion
de l’écorce de l’arbre Okoo, okowe ou Mokowe, au cou, ou aux hanches, sous forme
de collier, pendant cette période prénatale. L’enfant qui naît de ce rituel, souvent de
sexe masculin, est nommé Okoo [okó], Okowe [okowe] ou Mokowe [mokowe].
L’orthographe imposée par l’administration ou voulue par les parents est Oko [oko]
ou Mokobe [mokobe] ou Mokebe [mokebe].
Lokiegna [lokjeɲa], arbre de petite taille, solide et flexible, en likuba.
Lokiegna donne de la force à la femme enceinte et à l’enfant qu’elle attend. Le
devin se sert de l’écorce, des feuilles ou des morceaux de cette plante pour préparer
une solution buvable dans un délai qu’il prescrit. Après l’accouchement, ce nom
Lokiegna est donné au garçon. Lombôhô [lᴐmbᴐjᴐ], espèce d’arbre présente dans la
zone aquatique, chez les Likuba. C’est un arbre aux fruits succulents, en forme de
cerises. Ses feuilles, ses fleurs, ses fruits et son écorce, sont utiles dans le traitement

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de plusieurs maladies prénatales et infantiles. Lombôhô ou Lomboko est un nom de


fille.
Obáa [obá], en εmbᴐsi, et Mobaha [mobaja], en likuba, est un grand arbre
ayant une solide écorce. Il rejette une pâte appelée « paha », qui signifie « être collé
à… ». Après quelques jours, cette pâte sèche ; elle se solidifie et prend la forme du
calcaire. Le devin l’utilise comme encens pour chasser les mauvais esprits,
désenvoûter et purifier la maison. De cette forme de calcaire cueilli, paha [paja],
est dérivé le nom Paka, qui signifie « être accroché à quelque chose ». Les feuilles
et l’écorce de cet arbre sont utilisées pour guérir les plaies de toutes formes. Obáa,
Mobaha et Paka, sont des noms de garçon.
Okouka [okuka], chez les Mbᴐsi, et Mokouha [mokuja], chez les Likuba. C’est
un arbre qui pousse dans les lieux humides : étangs, ruisseaux, affluents, rivières et
fleuves. Le guérisseur utilise l’écorce et les feuilles de cet arbre soit pour soigner la
femme frappée par la foudre, soit pour empêcher la foudre de tomber dans le village.
Ensuite, la sève blanche de cet arbre guérit les morsures de serpent et les paies
infectées. De cet arbre, sont dérivés les noms : mokouka, mikouka, noms de garçon
chez les Likuba. Cette espèce végétale est également utilisée pour la fabrication de
la pirogue qui va servir de corbeille d’offrandes des jumeaux, appelée
communément bwar’andzi, chez les Mbᴐsi, est un nom de fille, et « la pirogue
d’argent », en français. En outre, cette plante, Okouka [okuka], est utilisée dans la
préparation des tysanes qui soignent le Mwandza [mwandja], maladie dite de la
foudre.
Monga [moŋa], espèce d’arbuste aux fruits rouges, en forme de figue, très
sucrés. Le guérisseur utilise soit les fleurs, soit les fruits pour composer le sirop ou
le jus que doit boire la future mère malade. La couleur des fleurs et fruits influe sur
certaines forces qui ont causé le déséquilibre. Monga, nom d’origine likuba, est
donné au nouveau-né dont la mère a passé des moments difficiles avant
l’accouchement.
Ikami [ikami], chez les Mbᴐsi, c’est un arbre fruitier aux fruits en forme de
gousse, jaunâtres et sucrés, aux multiples graines. Le fruit d’Ikami donne de
l’énergie à celui qui le consomme. Plusieurs raisons motivent le devin dans le choix
de ce fruit ; ses graines, extérieures à la gousse, séchées et écrasées permettent de
soigner les parties externes du corps de la femme. Ce nom est donné au nouveau-
né de sexe masculin.
Indonga [indoŋa], arbre de grande taille, aux fruits ronds et aux graines fines.
Il pousse en pleine forêt ou au bord de l’eau. Le fruit d’Indonga ne se cueille pas ;
il tombe seul de l’arbre. C’est l’image de la grossesse ; elle a un temps de croissance
bien déterminé. Ses graines sont consommées frites. Les vertus de cet arbre
facilitent l’accouchement, l’arrivée au monde du nouveau-né. Indonga est un nom
donné aux nouveau-nés, Mbᴐsi et Likuba, de sexe masculin, dont leurs mères ont
connu des douleurs d’enfantement avant la date recquise.

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Yandza [jandza], grand arbre aux fleurs multicolores et aux grains en forme de
haricot ou de moellon. Lorsqu’ils tombent de l’arbre, par éclosion, il y a une
détonation comme un coup de feu. Ce traitement à base des fruits de cet arbre
facilite l’accouchement et épargne la femme de lacésarienne. Yandza est un puissant
arbre, aux vertus multiples, que l’on trouve chez les Mbᴐsi. Ce nom est donné au
nouveau-né de sexe masculin.
Bouma [buma], nom exprimé en εmbᴐsi et likuba. En français, il signifie
baobab. Grand arbre tropical, aux vertus immenses, ses feuilles et écorce sont
utilisées dans des traitements qui rétablissent l’équilibre physique. Au pied de cet
arbre, se reposent plusieurs esprits. Certaines femmes de retour des champs
s’asseyent au pied du baobab pour récupérer. Elles ignorent la présence des forces
invisibles qui entourent l’arbre et ne constatent pas le dialogue qu’il y a entre les
enfants qu’elles portent et cette plante. De fait, lorsque les femmes sont atteintes ou
menacées par les forces venant du baob, le devin, une fois consulté, retrace les faits
et procède à certaines exigences avant de retablir l’équilibre. Bouma est un nom de
garçon chez les Mbᴐsi et Likuba.
Elongo mbila [eloŋombila], arbre à l’écorce très amère. Les guérisseurs,
Mbᴐsi et Likuba, utilisent l’écorce de cet arbre comme antibiotique éliminant les
microbes. C’est également un arbre efficace dans des compositions de tisanes qui
soignent le dysfonctionnement sexuel. Dans la dation du nom, c’est la première
partie du nom, Elongo, qui est retenue. Ce nom peut être porté par une fille ou un
garçon.
Poho [pojo], la ruche, en εmbᴐsi et likuba. C’est un creux, une ruche, que l’on
trouve dans certains arbres. Il s’agit d’un abri pour les oiseaux, reptiles, animaux
de petite taille. La présence de ces êtres vivants dans la ruche est synonyme de celle
des esprits. On y constate parfois de l’eau. Le soignant exige souvent l’eau de ruche
pour guérir les femmes enceintes et certains nouveau-nés malades ayant parfois des
difficultés d’expression. Poho ou Poko est un nom de genres masculin et féminin.
En outre, chez les Likuba, Poho [pojo] est utilisé pour désigner la forêt. Aussi,
l’enfant qui tient son nom de Poho, est un Esprit qui vient de la forêt.
Opessi [opesi] ou Opesse [opese], espèce d’arbre des lieux humides ou milieux
aquatiques.
Le nom propre inspiré des fruits en forme de cola est « ibessi la kiema », en
langue εmbᴐsi. Il signifie littéralement par le cola des singes ». Les humains
adoptent un tel nom pour suggérer les implicites de la guérison, puisque ce cola
sauvage est utilisé pour calmer les douleurs prénatales et postnatales et pour soigner
l’hydrocèle ou la hernie infantile. Aussi a-t-il une fonction utilitaire, parce que
paysans se servent du bois de cet arbre pour fabriquer les pirogues.
D’autres propres se construisent sur la désignation suivante : Ebiya [ebja] ou Ibiya
[ibja], en εmbᴐsi. Ils varient phonologiquement en Mobiya [mobja], chez les
Likuba. Ils signifient « palmier à huile ». Ses présuppositions reposent sur le vin, et
l’huile. Comme élément de leur culture, nous voyons que les paysans servent des

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isotopies du palmier pour en faire un nom propre. Comme l’indiquent les exemples
suivants :
1. Ebiya [ebja], palmier à huile, Chez les Mbᴐsi ;
2. Obiya [obja], palmier à huile chez les Likuba et Mbᴐsi ;
3. Abia [abja], les palmiers à huile chez les Mbᴐsi ;
4. Ombiya [ombja], la noix de palme chez les Mbᴐsi ;
5. Mbia [mbja], les noix de palme, chez les Mbᴐsi et Likuba ;
6. Ongo l’ambia [oŋolambja], un panier de noix de palme
7. Mobiya [mobja], palmier à huile en Likuba ;
8. Ahoura [aùra], huile de palme en langue εmbᴐsi ;
9. Minouna [minuna], les bourgeons, en langues likuba.

Tous ces noms propres suggèrent dans la langue concernée des implicites
sémantiques et deviennent un aspect d’identification selon la langue et l’espace.
Comme métaphores, ces noms propres ont des fonctions significatives et utilitaires
car, Le palmier à huile a des vertus de soigner des maladies liées à la maternité, de
diverses préparations de potions et pour la fabrication d’huile de massage des
enflures liées à un mauvais sort.
D’autres noms propres de palmier sont attribués uniquement aux hommes. Ainsi,
le nom propre Ibouhou [ibuju], en langue εmbᴐsi, une espèce de palmier dattier. Il
produit du vin, des dattes. En portant un tel nom propre, un homme est susceptible
de représenter les rôles fondamentaux que joue un arbre dans une société. Les
feuilles et bambous de ce palmier sont utiles dans la construction des maisons. Cette
espèce végétale congolaise est décrite par le chercheur français ainsi qu’il suit :

Dans les régions tropicales de l’Asie et de l’Afrique croissent les bambous, hautes
graminées dont les tiges peuvent atteindre 20 à 25 mètres de hauteur. Des bourgeons
latéraux se forment sur cette tige et deviennent de courtes branches qui portent des
touffes de feuilles réparties le long du tronc. Chaque tige a l’aspect d’une plume.1

A partir des dattes, les populations extraient de l’huile, appelée Mbaya


[mbaya], qu’elles utilisent dans la cuisson des aliments et le traitement des maladies
de diverses natures. Ce nom Ibouou [ibuju], au pluriel devient Abouou [abuju]. En
langue likuba, ce nom se dit Libouhou [libuju], au singulier, et Mabouhou [mabuju],
au pluriel. Cependant, l’écriture administrative donne à ce nom la forme Libouhou
[libuju] ou Maboukou [mabuku]. Aussi, est nommé Ibouou [ibuju], Libouhou
[libuju] ou Abouou [abuju], Mabouhou [mabuju] ou Maboukou [mabuku], un enfant
de sexe masculin ou féminin dont l’une des composantes du palmier dattiers a servi
au traitement de la mère.
Opande [opande], c’est la datte, en langue εmbᴐsi. En likuba, ce nom se dit
Lopande [lopande]. Ce fruit de palmier dattiers est comestible lorsqu’il est mûr et

1
Pierre Deffontaines, Op.cit. p. 259

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cuit dans une eau bouillante. Il peut être conservé pendant plusieurs mois. Après
qu’il est cuit, on le laisse pendant quelques heures ou un jour dans l’eau froide et
laissé au soleil pour mieux le conserver. Les populations utilisent les dattes crues
pour la fabrication d’huile aux vertus multiples. Opande [opande] ou Lopande
[lopande], est un nom de garçon. Ainsi qu’on vient de le voir, ces arbres que l’on
peut qualifier d’arbres anthroponymes illustrent bien la relation de l’homme avec
l’écosystème.

5.Implicites des noms issus des plantes

Le milieu physique congolais dispose d’une hydrographie et d’une végétation


de multiples espèces médicinales. On distingue des plantes tropicales comme le
palmier à huile, le cocotier, et des plantes aquatiques dont les vertus sont connues
des Nganga, guérisseurs. La puissance des espèces végétales présentes, au Congo,
est révélée dans plusieurs travaux des chercheurs européens :

C’est la formation végétale la plus importante de l’Afrique équatoriale. Elle couvre


presque entièrement la dépression congolaise, et sa superficie est environ trois fois
celle de la France. La végétation y atteint une profusion extraordinaire tant par le
nombre des espèces que par la puissance et la densité des arbres.2

Ce sont des plantes qui interviennent dans divers traitements et rites de réparation. :
Etoko [εtᴐkᴐ], en εmbᴐsi. C’est le nénuphar, en français. En likuba, il se prononce
Etôjô [εtᴐjᴐ]. Le guérisseur se sert des feuilles et de la fleur de cette fine et légère
plante aquatique, pour masser une femme enceinte qui souffre des douleurs
prénatales. Aussi le nouveau-né tient-il son nom des vertus du nénuphar ayant
facilité l’accouchement. Etoko est le nom de garçon. Etoya [etoja], nom exprimé en
εmbᴐsi et likuba. Le fruit de cette plante porte le même nom. Au pluriel, il devient
Itoya [itja], en εmbᴐsi ; Bitoya [bitoja], en likuba. Cette plante aquatique a des fruits
de couleur rouge, sucrés et utilisés comme sirop de nettoyage de la langue du
nouveau-né. Les feuilles et les racines permettent aux guérisseurs d’administrer des
soins aux femmes enceintes et autres personnes souffrant de mwandza, maladie dite
de la foudre. Les noms dérivés de cette plante sont des noms de garçon. Lekaa
[lekaja] ou Miô [mij‫]כֿ‬, en εmbᴐsi, Lokaa [lokaja], en likuba, plante flottante à
plusieurs tiges élancées, entourées de piquants. Elle est importante dans le
traitement de plusieurs maladies internes et externes au corps humain. Les feuilles
de Lekaka ou Lokaka sont comestibles.
Ces deux formes du nom, à l’administration, s’écrivent Lekaka ou Lokaka.
Ce sont des noms de nouveau-nés de sexe masculin. Libouka [libuja], en likuba,
plante aquatique et flottante, aux tiges élancées, sans piquants, aux feuilles fines

2
Pierre Deffontaines, Op.cit. p. 257.

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éfilées. En français, il s’agit du papyrus. Libouka est utilisée dans les travaux de
vannerie, de construction et dans le traitement de victimes d’accident. C’est une
plante médicinale et comestible pendant la période de crue, appelée pela. Etant une
plante comestible, Libouka est cueillie par des hommes et des femmes. En effet,
celles-ci, dans les milieux aquatiques, même étant enceintes, exercent des activités
réservées aux hommes. De ce fait, les femmes enceintes, à la recherche de
Mabouka, pluriel de Libouka, subissent parfois des attaques des esprits des eaux,
des sirènes, etc. Pour soigner les femmes victimes, le devin utilise Libouka comme
plante essentielle dans le traitement. Le nouveau-né, de sexe masculin, reçoit le
nom de Libouka ou Mabouka. Ekoo [ekojo], en likuba, prairie flottante ; en français,
c’est un roseau flottant qui suit un courant d’eau. Certaines espèces végétales qui
composent ce roseau sont utilisées par les guérisseurs pour faciliter l’accouchement.
L’enfant qui naît tient son nom de ce roseau. Ekoo s’écrit Ekoko. C’est un nom
donné aux garçons. En εmbᴐsi, Ekoo [ekojo], devient Ongoho [oŋojo].
Mossolo [mosolo], en likuba, prairie flottante qui pousse au bord d’un cours d’eau,
d’un lac, etc. C’est un roseau stable. Cette stabilité influe sur la grossesse qui subit
des menaces d’avortement. Mossolo est un nom de garçon. Lembóo [lemboβo], en
langue εmbᴐsi, petite plante flottante qui est utilisée dans le désenvoûtement et la
purification de l’âme. Son écorce séchée, est utilisée comme fil d’attaches de
colliers et bracelets de protection. Lembóo [lemboβo] est un nom de garçon. Letso
[letsjo], en εmbᴐsi, Lotsotsoho [lotsjotsojo], en likuba. C’est une plante qui pousse
dans endroits humides ou aquatiques servant de fil d’attaches dans la fabrication de
nasses, de nattes et autres objets utiles à la pharmacopée. Letso [letso] est un nom
de garçon.

6.Implicites des noms propres inspirés des plantes rampantes


Les départements administratifs des plateaux et de la cuvette centrale, en
République du Congo, disposent de plusieurs espèces végétales. Nous notons entre
autres des plantes rampantes utilisées dans différents domaines de la vie sociale. En
effet, nous ne retenons, pour ce chapitre, que quelques noms de plantes rampantes
qui interviennent dans le traitement des maladies prénatales ou dans la réparation
d’une situation de menace. Lengossi [lεŋᴐsi], en langue εmbᴐsi, signifie la liane. La
présence de cette espèce végétale, au Congo, est signalée dans cette affirmation de
Pierre Deffontaines :

Dans cette mer végétale règne une ambiance qui est rapidement accablante pour
l’homme. Les arbres immenses, dont certains atteignent 60 mètres, sont serrés les
uns contre les autres, et, à 30 mètres de hauteur, leurs frondaisons s’enchevêtrent
en une véritable toiture qui ne laisse presque pas passer la lumière. Sous ces arbres
courent des lianes, puis de hautes plantes herbacées arborescentes telles que des

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bananiers, des fougères géantes au milieu desquelles l’homme doit progresser au


sabre d’abatis.3

En likuba, ce même nom de liane se prononce longoli [lᴐŋᴐli], au singulier. Au


pluriel, il devient ngoli [ŋᴐli]. Cette plante aquatique est utilisée dans la stabilisation
de la grossesse afin d’éviter un mort-né. La femme qui subit ce rite dit de « ngoli »,
est celle qui a déjà fait une ou plusieurs fausses couches. Pendant la période de
grossesse, elle porte, autour de son cou, un morceau de liane enroulé. Le rite
« ngoli » vient pour réparer la situation et mettre fin à la mortalité infantile. Le
nouveau-né, nommé Ngoli, peu importe son sexe, tient son nom de ce rite. Comme
sa mère, le nouveau-né, Ngoli, porte autour de son cou ce symbole de liane jusqu’à
l’âge de six ans ou sept ans. De ce fait, les merveilles du monde sont inépuisables,
et l’homme et la nature rivalisent pour en créer chaque jour de nouvelles.
Tsambangoyi [tsambaŋoji], en likuba, plante rampante qui donne des
chatouillements au contact de votre peau. Cette plante enroule les termitières, lieu
où refugient des esprits. Une femme enceinte qui touche cette espèce végétale, a
provoqué la colère des forces invisibles. Aussi, la nature devient-elle hostile à
l’homme qui l’a agressée. La femme enceinte ayant été au contact de cette plante
en subit des conséquences. Le guérisseur pour rétablir l’équilibre doit associer les
feuilles de cette plante avec d’autres dotées de forces miraculeuses. L’enfant qui
naît, fille ou garçon, hérite de ce nom Tsambangoyi, en likuba, et Otsambangoye
[otsambaŋoj], en εmbᴐsi.
Lembengui [lembeŋi], au singulier, ou mbengui [mbeŋi], au pluriel, en εmbᴐsi,
plante rampante, en forme de fil, ayant des piquants. Le devin la place devant la
porte centrale de la maison de la femme enceinte ou devant la porte de sa chambre
pour empêcher les esprits de la forêt d’y entrer. Il peut l’enrouler contre la jarre
contenant de l’eau ou contre des aliments destinés à la future mère afin d’éviter
Mbengui [mbeŋi] ou Mbengue [mbεŋε], chez les Mbᴐsi, sont des noms de garçons
et Lombengou [lombengu] ou Mbengou [mbengu], chez les Likuba, sont des noms
de filles.
Ekaa [ekaja], en εmbᴐsi et likuba, sorte de liane à gros piquants difficiles à
arracher. Les feuilles et le bourgeon de cette espèce végétale sont utiles dans le
traitement de plusieurs maladies mortelles. Ce bourgeon cuit est un aliment
comestible appelé okanda [okanda], chez les Mbᴐsi, et Mokanda [mokanda], chez
les Likuba. Les enfants qui naissent après les traitements issus de cette plante sont
nommés Ekaa [ekaja], Okanda [okanda] ou Mokanda [mokanda].
Ondende [ondende], en langue εmbᴐsi. En français, c’est une plante rampante à
racines comestibles sucrées appelées patate douce.
En likuba, Mondede [mondende], au singulier, et Mindende [mindende], au
pluriel. De nos jours, ce patronyme Mondende [mondende], pour des raisons

3
Pierre Deffontaines, Op.cit. p. 257.

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subjectives à certains porteurs, s’écrit Modede [modede]. Ondende, Mondende ou


Modede sont des noms de garçons. Dans cette espace linguistique mbᴐsi, la patate,
racines et feuilles de certaines plantes sont consommées crues ou cuites, pour des
potions de guérison de diverses maladies.
Ombongo [ombongo], chez les Mbᴐsi, Mbongo [mbongo] ou Lombongo
[lombongo], chez les Likuba, ce nom qui varie selon les langues, est une plante
rampante, espèce de liane, de plus de 50 m de longueur. Elle fait jaillir de l’eau
d’une grande quantité, lorsqu’elle est coupée. Cette eau est utile dans les traitements
de malades. Le traitement d’une femme enceinte victime d’attaque mortelle en
dépend. Enfin, l’eau qui jaillit de l’arbre Ombongo est le symbole de vie pour la
future mère et le futur nouveau-né.

Conclusion

Notre étude analysé les noms propres du végétal dans le cadre d’une localité du
Nord-Congo. Nos résultats montrent que l’environnement d’un lieu a participé
énormément à l’attribution des noms dans la population du Nord-Congo. Ainsi, les
peuples des forêts, des savanes et des rivières acceptent d’attribuer les noms propres
de leurs enfants des éléments de leur environnement, parce qu’ils veulent mettre en
lumière les analogies existantes entre l’homme et l’objet dont le nom propre sort.
Ainsi, de tels noms propres sont chargés des contenus implicites en raison de la
culture et de la langue ; parce qu’ils naissent dans une motivation de la
métaphorisation qui s’inscrit dans la pensée existentielle d’un peuple avec ses
croyances et ses idéologies.

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