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La prévention interne

Résumé

Cette étude approfondit la prévention interne dans la gestion des difficultés


rencontrées par les entreprises. Avant d'aborder sa procédure, son cadre
méthodologique et les facteurs de succès ou d'échec, elle examine ses bases
historiques et juridiques ainsi que sa nature et ses caractéristiques. Cette étude
vise à enrichir les pratiques de gestion et à renforcer la capacité des
organisations à anticiper et surmonter les crises en combinant une analyse
conceptuelle rigoureuse avec des insights pratiques.

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La prévention interne

Abstract

This study takes an in-depth look at internal prevention in the management of


difficulties encountered by companies. Before examining its procedure,
methodological framework and factors of success or failure, it looks at its
historical and legal foundations, as well as its nature and characteristics. This
study aims to enrich management practices and strengthen the ability of
organizations to anticipate and overcome crises by combining rigorous
conceptual analysis with practical insights.

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La prévention interne

Liste des abréviations

SEC : la Securities and Exchange Commission.

OIT : l'Organisation internationale du Travail.

OECD : Organization for Economic Co-operation and Development.

SA : Sociétés anonymes.

CD : Code de Commerce.

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La prévention interne

Sommaire
RESUME ............................................................................................................................................................................. 1
ABSTRACT .......................................................................................................................................................................... 2
LISTE DES ABREVIATIONS ................................................................................................................................................... 3
SOMMAIRE ........................................................................................................................................................................ 4
INTRODUCTION ................................................................................................................................................................. 5
PARTIE 1 : ANALYSE CONCEPTUELLE DE LA PREVENTION INTERNE : FONDEMENTS DE LA PREVENTION INTERNE. .............. 7
CHAPITRE 1. : ÉVOLUTION HISTORIQUE DE LA PREVENTION INTERNE. ....................................................................... 7
Section 1. : Origines et Développement. ............................................................................................ 7
A. : Antécédents Historiques de la Prévention Interne dans le Cadre du Droit des Difficultés des
Entreprises :...................................................................................................................................................... 8
B. : Évolution des Pratiques de Prévention au Fil du Temps ........................................................................ 9
Section 2. : Fondements Juridiques de la Prévention Interne. ........................................................... 10
A. : Bases Légales de la Prévention Interne............................................................................................... 10
B. : L'Influence du Droit International sur la Prévention Interne. ............................................................... 11
CHAPITRE 2. : NATURE ET CARACTERISTIQUES DE LA PREVENTION INTERNE .............................................................. 12
Section 1. : Définition et Objectifs .................................................................................................... 12
A. Concepts Fondamentaux de la Prévention Interne : ............................................................................. 12
B. Objectifs de la Prévention Interne :...................................................................................................... 13
Section 2. Les Acteurs et leurs Responsabilités. ................................................................................ 14
A. : Obligations des Acteurs Impliqués dans la Prévention Interne. ........................................................... 15
B. Implications Juridiques des Engagements en Matière de Prévention. .................................................... 16
PARTIE 2 : LA PROCEDURE DE PREVENTION INTERNE. ...................................................................................................... 17
CHAPITRE 1. : LA PREVENTION INTERNE. .......................................................................................................... 17
Section 1. : Déroulement de la Procédure. ....................................................................................... 17
A. Faits déclencheurs :............................................................................................................................. 17
B. Le déroulement de la procédure de prévention interne :...................................................................... 18
Section 2. : Le cadre méthodologique. ............................................................................................. 22
A. Protocoles de Gestion des Incidents :................................................................................................... 22
B. : Les facteurs de succès du redressement pendant la phase de la prévention interne. ........................... 25
CHAPITRE 2. : LES CAUSES D’ECHEC DU REDRESSEMENT PENDANT LA PHASE DE LA PREVENTION INTERNE .......................... 28
Section 1. : Les causes d’échec de la procédure de prévention interne : ............................................ 28
A. Les causes. .......................................................................................................................................... 28
B. L’impérieuse nécessité d’une prise de conscience précoce des difficultés : ........................................... 32
Section 2. : La nécessité de mise en œuvre des stratégies et des mesures bien adaptées................... 34
A. L’étendue de l’intervention du commissaire aux comptes. ................................................................... 34
B. Le déroulement de la procédure d’alerte du commissaire aux comptes : .............................................. 35
CONCLUSION ................................................................................................................................................................... 38
BIBLIOGRAPHIE / WEBOGRAPHIE..................................................................................................................................... 39

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La prévention interne

Introduction

La prévention interne est un domaine d'étude fascinant et essentiel pour


comprendre les mécanismes qui visent à anticiper, gérer et surmonter les crises
organisationnelles, ce qui en fait un élément clé de la gestion des difficultés
rencontrées par les entreprises. Dans un monde économique et social de plus en
plus complexe et compétitif, les entreprises doivent impérativement être capables
de prévenir les difficultés et de s'adapter aux changements pour survivre et
prospérer à long terme.
Dans cette introduction, nous examinerons la signification de la prévention interne
en explorant ses bases historiques et juridiques ainsi que sa nature et ses
caractéristiques. La compréhension de l'évolution historique de la prévention
interne nous aidera à comprendre les dynamiques qui ont formé ses pratiques et
ses cadres réglementaires au fil du temps. En remontant aux débuts de la
prévention interne et en examinant comment elle s'est développée au fil du temps,
nous pourrons comprendre les changements et les ajustements qui ont eu un
impact sur ce domaine essentiel à la durabilité des entreprises. Depuis les premiers
dispositifs de prévention esquissés dans l'ancienne Rome jusqu'à la modernité où
les défis organisationnels sont bien plus importants, l'évolution de la prévention
interne reflète celle des sociétés et des pratiques commerciales.
En mettant en lumière les bases légales et les cadres réglementaires qui encadrent
cette démarche, nous explorerons les fondements juridiques de la prévention
interne. La définition des contours et des modalités de la prévention interne est
grandement influencée par les normes juridiques et les obligations des acteurs
impliqués. Du national au international, en incluant les principes éthiques et les
standards juridiques, le cadre réglementaire de la prévention interne est complexe
et varié, reflétant la diversité des défis et des situations auxquelles elle doit faire
face.
Ensuite, nous allons examiner la nature de la prévention interne en définissant ses
objectifs, ses acteurs et leurs responsabilités. Nous pourrons comprendre la
complexité et la diversité des enjeux associés à l'implémentation et à la gestion
efficace des dispositifs de prévention interne au sein des organisations grâce à
cette analyse approfondie. En identifiant les idées de base et en précisant les buts
de la prévention interne, nous pourrons mieux comprendre ses défis et son impact
sur les entreprises et leurs partenaires. De la même manière, l'analyse des
obligations et responsabilités des divers intervenants nous permettra de mieux

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La prévention interne

comprendre les dynamiques de gouvernance et de collaboration qui soutient la


prévention interne.
Enfin, nous allons examiner la procédure de prévention interne, en étudiant sa
mise en œuvre, son cadre méthodologique ainsi que les facteurs critiques de
succès et les causes d'échec du redressement pendant cette phase cruciale. Nous
explorerons les diverses étapes et stratégies requises pour mettre en place
efficacement la prévention interne, tout en mettant en évidence les défis et
obstacles rencontrés dans ce processus. En examinant les événements
déclencheurs, les protocoles de gestion des incidents et l'intervention du
commissaire aux comptes, nous pourrons mieux saisir les pratiques et outils qui
soutiennent la prévention interne, ainsi que les conditions de succès et durabilité
de cette approche.
De cette façon, l'objectif de cette étude est d'acquérir une compréhension
approfondie de la prévention interne en examinant ses aspects historiques,
juridiques et opérationnels afin d'enrichir les connaissances dans ce domaine
crucial pour la gestion des entreprises et des organisations. En combinant une
analyse conceptuelle rigoureuse avec une approche pratique et opérationnelle,
nous avons l'espoir de fournir de nouvelles perspectives sur les enjeux et défis liés
à la prévention interne dans un monde qui évolue constamment, où l'anticipation
et la résilience sont des atouts stratégiques indispensables.

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La prévention interne

Partie 1 : Analyse Conceptuelle de la Prévention Interne :


Fondements de la Prévention Interne.

Chapitre 1. : Évolution Historique de la Prévention Interne.


Section 1. : Origines et Développement.

La prévention interne, en tant que concept central dans le domaine du droit des
entreprises en difficulté, trouve ses racines dans les pratiques commerciales et les
régulations économiques qui ont évolué au fil des siècles. L'étude de son évolution
historique révèle un parcours complexe, marqué par des changements
économiques, sociaux et juridiques significatifs.
Les origines historiques de la prévention interne remontent aux premières formes
d'organisation commerciale. Dans les sociétés anciennes, les marchands et
artisans étaient confrontés à des risques inhérents à leurs activités, tels que les
pertes commerciales, les litiges contractuels et les difficultés financières. Pour y
faire face, ils développaient des pratiques préventives rudimentaires, telles que la
diversification des activités, la constitution de réserves financières et la conclusion
d'accords contractuels prudents. 1
Au fil du temps, avec l'émergence du commerce à grande échelle et l'essor des
structures corporatives, les pratiques de prévention interne ont gagné en
sophistication. Au Moyen Âge, par exemple, les guildes et les corporations
mettaient en place des mécanismes de contrôle et de régulation pour prévenir les
faillites et assurer la stabilité du marché. Ces institutions ont jeté les bases des
premières formes de régulation économique et de protection des créanciers.2
L'avènement de la révolution industrielle au XIXe siècle a marqué un tournant
majeur dans l'histoire de la prévention interne. Avec la croissance rapide de
l'industrie et l'expansion des marchés, les entreprises ont été confrontées à des
défis sans précédent en matière de gestion des risques. Des penseurs économiques
comme Adam Smith et David Ricardo ont commencé à formuler des théories sur
la gestion prudentielle des affaires et l'importance de la prévoyance dans la
conduite des entreprises.3

1
Coffee, John C., Jr. "The Origins of the Corporate Monitoring Function." The Yale Law Journal, vol. 105, no.
7, 1996, pp. 1511-1567.
2
Ricardo, David. "Principles of Political Economy and Taxation." 1817.
3
Smith, Adam. "The Wealth of Nations." 1776.

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La prévention interne

Au XXe siècle, les crises économiques mondiales, telles que la Grande


Dépression et les récessions subséquentes, ont mis en lumière les lacunes des
systèmes de prévention interne existants. Ces événements ont conduit à des
réformes législatives majeures visant à renforcer la réglementation financière et à
améliorer la transparence des entreprises. Par exemple, la création de la Securities
and Exchange Commission (SEC) aux États-Unis en 1934 a marqué le début d'une
ère de réglementation plus stricte en matière de gouvernance d'entreprise et de
prévention des fraudes.
L'évolution historique de la prévention interne reflète l'interaction complexe entre
les forces économiques, sociales et juridiques. Des pratiques préventives
rudimentaires des sociétés anciennes aux réglementations sophistiquées de l'ère
moderne, la prévention interne a traversé un long chemin pour devenir un pilier
central du droit des entreprises en difficulté. 4

A. : Antécédents Historiques de la Prévention Interne dans le Cadre


du Droit des Difficultés des Entreprises :

L'histoire du droit des difficultés des entreprises révèle des pratiques ancestrales
de prévention interne qui ont influencé le développement de cette discipline. Au
Maroc, ces pratiques étaient particulièrement visibles dans le contexte des
marchés souks et des transactions commerciales, qui ont toujours été des éléments
essentiels de l'économie marocaine.
Dans les souks traditionnels du Maroc, les commerçants et les artisans utilisaient
des contrats commerciaux pour réguler les transactions et prévenir les conflits.
Ces contrats, souvent basés sur des pratiques coutumières et des normes locales,
spécifiaient les conditions de vente, les garanties et les recours en cas de litige.
Cette approche préventive visait à sécuriser les transactions et à protéger les
intérêts des parties impliquées. 5
Au fil des siècles, avec l'essor du commerce international et l'évolution des
structures économiques, les pratiques de prévention interne se sont adaptées pour
répondre aux nouveaux défis.6 À l'époque précoloniale, par exemple, les
marchands marocains étaient confrontés à des risques liés au commerce

4
Securities Exchange Act of 1934, Pub. L. No. 73-291, 48 Stat. 881 (1934).
5
Benamar, Abdelaziz. "Droit des entreprises en difficulté au Maroc." Dalloz, 2010.
6
Alaoui, Mohamed. "Commerce et sociétés au Maroc: Étude de droit des affaires." Librairie générale de droit et
de jurisprudence, 2005.

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La prévention interne

transsaharien, tels que les vols de caravanes et les difficultés d'approvisionnement


en eau. Pour prévenir ces risques, ils développaient des stratégies de sécurité et de
logistique, telles que les caravanes escortées et les points de ravitaillement
sécurisés.
Plus récemment, avec l'avènement de l'économie moderne et la globalisation des
marchés, les entreprises marocaines ont adopté des pratiques de prévention interne
plus sophistiquées. Des secteurs tels que la banque, l'assurance et la finance ont
mis en place des politiques de gestion des risques, des contrôles internes et des
audits réguliers pour prévenir les difficultés financières et opérationnelles.

L'histoire de la prévention interne dans le cadre du droit des difficultés des


entreprises au Maroc est marquée par une évolution continue, caractérisée par
l'adaptation aux besoins changeants de l'économie et l'intégration dans les
pratiques commerciales modernes. 7
B. : Évolution des Pratiques de Prévention au Fil du Temps
L'évolution des pratiques de prévention interne au cours de l'histoire reflète
l'adaptation des entreprises aux changements économiques, technologiques et
sociaux. Cette évolution a été marquée par plusieurs étapes clés, allant des
approches traditionnelles aux stratégies modernes de gestion des risques.
Approches Traditionnelles : Dans les sociétés anciennes, les pratiques de
prévention étaient souvent basées sur des principes empiriques et des
traditions locales. Les marchands utilisaient des techniques telles que la
diversification des activités, la constitution de réserves financières et
l'établissement de relations de confiance avec les partenaires commerciaux
pour minimiser les risques.8
Réglementation et Contrôle : Avec l'émergence des premières formes
d'organisation commerciale, telles que les guildes et les corporations, les
pratiques de prévention interne ont été formalisées et réglementées. Les
autorités locales ont imposé des normes de qualité, des règles de conduite
et des mécanismes de contrôle pour garantir la stabilité des marchés et
protéger les intérêts des parties prenantes.

7
Belmekki, Yassine. "Prévention des difficultés des entreprises et procédures collectives au Maroc." Éditions
Larcier, 2018.
8
Chandler, Alfred D., Jr. "The Visible Hand: The Managerial Revolution in American Business." Harvard
University Press, 1977.

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La prévention interne

Réformes Législatives : Au cours des siècles suivants, les crises


économiques et les changements politiques ont conduit à des réformes
législatives majeures dans de nombreux pays. Des lois sur la faillite, les
sociétés et les contrats ont été promulguées pour réglementer les pratiques
commerciales, renforcer la transparence financière et protéger les droits des
créanciers et des actionnaires.9
Révolution Industrielle et Gouvernance d'Entreprise : Au XIXe siècle,
la révolution industrielle a entraîné une transformation radicale de
l'économie mondiale. Les entreprises ont adopté des structures plus
complexes et des modèles d'affaires diversifiés, ce qui a nécessité de
nouvelles approches en matière de gestion des risques et de gouvernance
d'entreprise. Des théoriciens comme Adam Smith et David Ricardo ont
proposé des idées novatrices sur la responsabilité des entreprises et la
nécessité d'une gestion prudentielle. 10
Ère Moderne de la Prévention Interne : Aujourd'hui, dans l'ère de la
mondialisation et de la numérisation, les entreprises sont confrontées à des
défis sans précédent en matière de gestion des risques. La prévention
interne s'est transformée en une discipline spécialisée, intégrant des outils
et des technologies avancés tels que l'analyse de données, la modélisation
financière et les systèmes d'alerte précoce pour anticiper et prévenir les
difficultés.
L'évolution des pratiques de prévention interne témoigne de la capacité des
entreprises à s'adapter et à innover face aux défis changeants de l'économie
mondiale.
Section 2. : Fondements Juridiques de la Prévention
Interne.
La prévention interne, en tant que concept clé dans le domaine du droit des
difficultés des entreprises, repose sur des bases légales solides et est également
influencée par le droit international.
A. : Bases Légales de la Prévention Interne.
Les bases légales de la prévention interne constituent le fondement juridique sur
lequel reposent les pratiques de gestion des risques et de gouvernance d'entreprise.
Ces bases varient d'un pays à l'autre, mais elles partagent souvent des principes
communs visant à promouvoir la stabilité financière et à protéger les intérêts des
parties prenantes.

9
Colli, Andrea. "Business History: Complexities and Comparisons." Routledge, 2006.
10
Roe, Mark J. "Political Determinants of Corporate Governance." Oxford University Press, 2003.

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La prévention interne

Au Maroc, la loi sur les procédures collectives et la prévention des difficultés des
entreprises, promulguée en 2009, établit un cadre juridique complet pour la
prévention interne. Cette loi définit les différentes procédures applicables aux
entreprises en difficulté, telles que la sauvegarde, le redressement judiciaire et la
liquidation, et fixe les conditions et les obligations des entreprises et de leurs
créanciers dans ces situations. 11Elle vise à favoriser la préservation des
entreprises viables et à garantir le respect des droits des créanciers.
De même, dans d'autres pays, tel que les États-Unis, les bases légales de la
prévention interne reposent sur un ensemble complexe de lois et de
réglementations. Par exemple, le Bankruptcy Code américain définit les
procédures et les critères d'admissibilité à la faillite, tandis que les lois sur la
gouvernance d'entreprise imposent aux administrateurs et aux dirigeants des
obligations fiduciaires envers l'entreprise et ses actionnaires. 12
Ces bases légales fournissent le cadre nécessaire pour la mise en place de
pratiques de prévention interne efficaces, en établissant des normes de
transparence, de responsabilité et de gestion des risques pour les entreprises.
B. : L'Influence du Droit International sur la Prévention Interne.
L'influence du droit international sur la prévention interne est de plus en plus
significative à mesure que les entreprises opèrent à l'échelle mondiale et sont
confrontées à des défis transfrontaliers. Le droit international joue un rôle crucial
dans la réglementation des pratiques commerciales et financières, et influence
ainsi les politiques de prévention interne des entreprises.
Au sein de l'Union européenne, par exemple, les directives sur le droit des sociétés
et la gouvernance d'entreprise fixent des normes communes pour les pratiques de
prévention interne des entreprises membres. Ces directives visent à promouvoir
la transparence, l'intégrité et la responsabilité des entreprises européennes, en
harmonisant les règles applicables à la gouvernance d'entreprise dans toute
l'Union. 13
De même, les normes de l'Organisation internationale du Travail (OIT) sur les
conditions de travail et les droits des travailleurs influent sur les politiques de
prévention interne des entreprises, en établissant des normes minimales en matière

11
Loi n° 09-08 relative aux procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation des
entreprises. Maroc, 2009.
12
U.S. Bankruptcy Code, 11 U.S.C. §§ 101-1532 (2016).
13
European Union Directive on Corporate Governance, 2006/46/EC.

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La prévention interne

de santé, de sécurité et de protection sociale pour les travailleurs du monde


entier.14
L’influence du droit international sur la prévention interne est de plus en plus
prégnante dans un contexte mondialisé, où les entreprises doivent se conformer à
un ensemble complexe de normes et de réglementations pour assurer leur viabilité
et leur légitimité sur la scène internationale.
Chapitre 2. : Nature et Caractéristiques de la Prévention Interne

Section 1. : Définition et Objectifs

A. Concepts Fondamentaux de la Prévention Interne :


La prévention interne est un concept essentiel dans le domaine du droit des
entreprises en difficultés. Elle englobe un ensemble de mesures et de stratégies
mises en place par les entreprises pour anticiper, détecter et atténuer les risques
de difficultés financières ou opérationnelles. Pour mieux comprendre la
prévention interne, il est nécessaire d'examiner de près ses concepts
fondamentaux :
Anticipation des Risques : La prévention interne repose sur une approche
proactive visant à anticiper les risques potentiels auxquels une entreprise
pourrait être confrontée. Cela implique l'identification précoce des menaces
internes et externes susceptibles d'affecter la viabilité et la pérennité de
l'entreprise. Cette anticipation permet à l'entreprise de mettre en place des
mesures préventives adaptées pour minimiser l'impact de ces risques. 15
Détection Précoce des Signaux d'Alerte : Outre l'anticipation des risques,
la prévention interne implique également la capacité à détecter rapidement
les signaux d'alerte indiquant une détérioration de la situation financière ou
opérationnelle de l'entreprise. Ces signaux peuvent inclure des variations
significatives dans les flux de trésorerie, des baisses de rentabilité, des
retards de paiement ou des changements dans l'environnement économique
ou concurrentiel de l'entreprise. La détection précoce de ces signaux permet
à l'entreprise d'intervenir rapidement pour corriger les problèmes avant
qu'ils ne deviennent plus graves.16

14
International Labour Organization. "Labour Standards." ILO, 2022.
15
Bonnier, Charles, et al. "Gestion financière des groupes." Pearson Education France, 2015.
16
Leleux, Benoît. "Entrepreneuriat et Business Plan: Création, Références, Outils." De Boeck Supérieur, 2007.

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La prévention interne

Stratégies Préventives et Correctives : La prévention interne implique la


mise en œuvre de stratégies à la fois préventives et correctives pour faire
face aux risques identifiés. Les mesures préventives visent à réduire la
probabilité d'occurrence des risques, tandis que les mesures correctives
visent à atténuer les conséquences des risques qui se matérialisent. Ces
stratégies peuvent inclure la mise en place de contrôles internes, la
diversification des activités, la constitution de réserves financières, ou
encore la renégociation des contrats avec les partenaires commerciaux.
Culture de Gestion des Risques : Enfin, la prévention interne repose sur
le développement d'une culture organisationnelle axée sur la gestion des
risques. Cela implique l'implication de l'ensemble des parties prenantes de
l'entreprise, depuis la direction jusqu'aux employés de base, dans la
reconnaissance et la prise en charge des risques. Une telle culture favorise
la transparence, la responsabilisation et la réactivité de l'entreprise face aux
défis et aux opportunités qui se présentent.17
La prévention interne repose sur la capacité des entreprises à anticiper, détecter et
gérer efficacement les risques auxquels elles sont confrontées. En adoptant une
approche proactive et en développant une culture de gestion des risques, les
entreprises peuvent renforcer leur résilience et leur capacité à surmonter les
difficultés.
B. Objectifs de la Prévention Interne :
Les objectifs de la prévention interne sont multiples et visent à assurer la stabilité,
la pérennité et la performance des entreprises face aux divers risques auxquels
elles peuvent être confrontées.
Préservation de la Solvabilité : L'un des objectifs primordiaux de la
prévention interne est de préserver la solvabilité de l'entreprise en évitant
les situations de détresse financière. Cela implique de maintenir un niveau
adéquat de liquidité, de rentabilité et de capacité d'endettement pour faire
face aux obligations financières de l'entreprise à court et à long terme. 18

Gestion des Risques Opérationnels : Un autre objectif clé de la


prévention interne est la gestion proactive des risques opérationnels, tels
que les risques liés aux processus, aux technologies, aux ressources

17
PwC. "Rapport sur la Gestion des Risques." PricewaterhouseCoopers, 2020.
18
Lam, James. "Enterprise Risk Management: From Incentives to Controls." John Wiley & Sons, 2003.

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La prévention interne

humaines et à l'environnement.19 Cela comprend l'identification,


l'évaluation et la mitigation des risques potentiels pouvant affecter la
production, la distribution, la qualité des produits ou services, ainsi que la
réputation de l'entreprise.

Renforcement de la Gouvernance d'Entreprise : La prévention interne


vise également à renforcer la gouvernance d'entreprise en promouvant la
transparence, l'intégrité et la responsabilité au sein de l'organisation. Cela
implique d'adopter des pratiques de gouvernance robustes, telles que la
séparation des pouvoirs, la mise en place de comités spécialisés (comité
d'audit, comité des risques), et la communication transparente avec les
parties prenantes.

Protection des Parties Prenantes : Un objectif majeur de la prévention


interne est de protéger les intérêts des parties prenantes de l'entreprise, y
compris les actionnaires, les créanciers, les employés, les clients et les
fournisseurs. Cela implique de respecter les droits et les obligations
contractuelles de chaque partie prenante, ainsi que de garantir un
environnement de travail sûr et équitable pour les employés. 20

Amélioration de la Performance Globale : Enfin, la prévention interne


vise à améliorer la performance globale de l'entreprise en favorisant
l'efficacité, l'efficience et l'innovation dans toutes ses activités. Cela passe
par l'optimisation des processus, la gestion rigoureuse des ressources et la
recherche constante de nouvelles opportunités de croissance et de
développement.
Les objectifs de la prévention interne sont multiples et complémentaires, visant à
assurer la viabilité et la réussite à long terme de l'entreprise dans un
environnement dynamique et complexe.
Section 2. Les Acteurs et leurs Responsabilités.

19
COSO. "Enterprise Risk Management: Integrated Framework." The Committee of Sponsoring Organizations
of the Treadway Commission, 2017.
20
Committee on Corporate Governance. "Principles of Corporate Governance." Organization for Economic Co-
operation and Development, 2004.

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La prévention interne

A. : Obligations des Acteurs Impliqués dans la Prévention Interne.


La prévention interne implique la participation et la coopération de plusieurs
acteurs au sein de l'entreprise, chacun ayant des responsabilités spécifiques dans
la mise en œuvre et le suivi des mesures de prévention.
Direction et Management : La direction et le management de l'entreprise
ont la responsabilité première de définir la stratégie et les objectifs de
prévention interne, ainsi que d'allouer les ressources nécessaires à sa mise
en œuvre. Ils doivent également promouvoir une culture organisationnelle
axée sur la gestion des risques, en encourageant la transparence, la
responsabilité et la collaboration à tous les niveaux de l'entreprise. 21
Département des Ressources Humaines : Le département des ressources
humaines joue un rôle crucial dans la prévention interne en assurant le
recrutement, la formation et le développement des compétences des
employés. Il est également chargé de promouvoir un environnement de
travail sûr et sain, en veillant au respect des réglementations en matière de
santé et de sécurité au travail. 22
Département Financier et Contrôle de Gestion : Le département
financier et le contrôle de gestion sont responsables de la surveillance et de
l'évaluation des performances financières de l'entreprise, ainsi que de
l'identification des indicateurs de risque et des signaux d'alerte précoce. Ils
sont chargés de mettre en place des outils et des processus de contrôle
interne pour garantir la fiabilité et l'intégrité des informations financières.
Comité d'Audit et de Contrôle Interne : Les comités d'audit et de
contrôle interne ont pour mission de superviser et d'évaluer l'efficacité des
dispositifs de prévention interne de l'entreprise. Ils doivent s'assurer de la
conformité aux normes légales et réglementaires, ainsi que de la pertinence
et de la fiabilité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques.
Employés et Personnels Opérationnels : Enfin, les employés et le
personnel opérationnel jouent un rôle essentiel dans la prévention interne
en appliquant les politiques et les procédures de l'entreprise, en signalant
les incidents et les dysfonctionnements, et en contribuant à la culture de
prévention et de sécurité au sein de l'organisation. 23

21
CIMA. "Enterprise Risk Management: Tools and Techniques for Effective Implementation." Chartered
Institute of Management Accountants, 2017.
22
ISO. "ISO 31000: Risk Management – Guidelines." International Organization for Standardization, 2018.
23
IIA. "International Standards for the Professional Practice of Internal Auditing." The Institute of Internal
Auditors, 2017.

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La prévention interne

La prévention interne est une responsabilité partagée qui nécessite l'engagement


et la collaboration de tous les acteurs de l'entreprise, depuis la direction jusqu'aux
employés de base, pour assurer son efficacité et sa pertinence.
B. Implications Juridiques des Engagements en Matière de
Prévention.
Les engagements en matière de prévention interne ont des implications juridiques
importantes pour les entreprises, tant au niveau national qu'international. Ces
implications découlent des obligations légales et des responsabilités des
entreprises envers leurs parties prenantes et les autorités de régulation.
Conformité aux Normes et Réglementations : Les entreprises sont tenues
de se conformer aux normes légales et réglementaires en matière de
prévention des risques et de gestion des crises. Cela comprend le respect
des lois sur la santé et la sécurité au travail, la protection de
l'environnement, la lutte contre la corruption, ainsi que les normes
comptables et financières applicables à la gestion des risques. 24

Responsabilité Civile et Pénale : Les entreprises peuvent être tenues


responsables civilement et pénalement en cas de manquement à leurs
obligations en matière de prévention interne. Cela inclut la responsabilité
envers les employés, les actionnaires, les clients, les fournisseurs et autres
tiers qui pourraient subir un préjudice en raison de la négligence ou du non-
respect des normes de sécurité et de gestion des risques. 25

Risques de Contentieux : Les entreprises s'exposent à des risques de


contentieux en cas de litiges liés à des incidents ou des accidents résultant
d'une insuffisance de prévention interne. Les parties lésées peuvent intenter
des actions en justice pour obtenir réparation des dommages subis, ce qui
peut entraîner des coûts financiers importants et nuire à la réputation de
l'entreprise.26

24
Cheffins, Brian R. "Corporate Governance and Corporate Law: U.S. and Global Perspectives." Edward Elgar
Publishing, 2016.
25
26
Coffee, John C., Jr. "Gatekeepers: The Professions and Corporate Governance." Oxford University Press,
2006.

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La prévention interne

Exigences de Divulgation et de Transparence : Les entreprises sont


tenues de divulguer publiquement les informations relatives à leurs
politiques, procédures et performances en matière de prévention interne,
conformément aux exigences légales et réglementaires en matière de
divulgation et de transparence. Cela inclut la publication de rapports
annuels, de rapports de durabilité et d'autres documents d'information
destinés aux parties prenantes.

Surveillance et Contrôle des Autorités : Les autorités de régulation ont


pour mission de surveiller et de contrôler la conformité des entreprises aux
normes et réglementations en matière de prévention interne. Elles peuvent
imposer des sanctions administratives, des amendes ou d'autres mesures
coercitives en cas de non-respect des obligations légales, ce qui peut avoir
des conséquences financières et opérationnelles significatives pour les
entreprises.27
Les engagements en matière de prévention interne ont des implications juridiques
importantes pour les entreprises, qui doivent prendre en compte ces aspects dans
leur gestion des risques et leur gouvernance d'entreprise.

Partie 2 : La procédure de prévention interne.

Chapitre 1. : La prévention interne.

Elles constituent une innovation majeure du droit des difficultés des entreprises
Section 1. : Déroulement de la Procédure.
A. Faits déclencheurs :
A la lecture des articles 546 et 547 du code de commerce, nous constatons que le
législateur a limité le champ d’application de la procédure de prévention interne
aux entreprises exerçant sous forme de société :
Lorsqu’il apparaît au commissaire aux comptes, s’il en existe un, ou à tout associé
qu’il y’a des faits de nature à compromettre la bonne marche de l’exploitation, il
doit attirer l’attention du chef d’entreprise en l’invitant à redresser la situation.

27
OECD. "Corporate Governance Principles." Organization for Economic Co-operation and Development, 2015.

17
La prévention interne

B. Le déroulement de la procédure de prévention interne :


Le chef d’entreprise doit être informé dans un délai de 8 jours par lettre
recommandée avec accusé de réception. Le chef d’entreprise dispose d’un délai
de 15 jours en vue de trouver une solution à même de redresser la situation. S’il
n’y parvient pas personnellement, ou après délibération du conseil
d’administration ou du conseil de surveillance, il est tenu de faire délibérer la
prochaine assemblée générale afin de statuer sur un rapport du commissaire aux
comptes à ce sujet.
Si l’assemblée générale n’a pas délibéré ou s’il a été constaté que malgré les
décisions prises par l’assemblée générale, la continuité de l’exploitation
demeure toujours compromise, le président du tribunal est informé par le
commissaire aux comptes ou le chef de l’entreprise.
Le droit d’alerte des associés se limite à alerter le chef d’entreprise. Ils n’ont pas
la possibilité de saisir le président du tribunal compétent.
Une première lecture des titres composant le livre V du code de commerce et
particulièrement des dispositions des articles réservés à la prévention interne,
nous permet de déduire que la loi n’intervient pas uniquement a posteriori pour
protéger les créanciers, mais également a priori par la mise en place d’un
ensemble de mesures visant à détecter le plus tôt possible les difficultés
potentielles en vue de les surmonter. Ce qui exige l’adoption de nouveaux
critères empruntés aux sciences de gestion, car le sauvetage est d’abord une
affaire d’argent. Le redressement qui, certes, doit se traduire par une
amélioration de la situation financière, est avant tout une affaire de management
(Brilman, 1978).
A cet égard, selon les dispositions de l’article 547 du code de commerce, lorsque
le chef de l’entreprise ne procède pas, de son propre chef, au redressement des
faits de nature à compromettre l’exploitation, le commissaire aux comptes, s’il
en existe, ou tout associé dans la société informe le chef de l’entreprise des faits
ou des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation,
notamment ceux de nature juridique, économique, financière ou sociale et ce,
dans un délai de 8 jours de leur découverte par lettre recommandée avec accusé
de réception, l’invitant à redresser la situation. 28
De ce fait, Le commissaire aux comptes est chargé du déclenchement de l’alerte
en raison de sa mission permanente d’investigation et de contrôle sur les
comptes de la société qui lui est confiée, et de sa triple compétence financière,

28
Revue ame ,Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

18
La prévention interne

comptable et juridique. Toutefois, il n’est pas tenu de procéder de manière


systématique à la recherche des difficultés de l’entreprise dont il contrôle les
comptes. Il doit néanmoins, adopter une démarche très vigilante à l’égard
d’événements et des situations porteurs de risques (El hammoumi, 2005).
Par ailleurs, l’intervention du commissaire aux comptes pour le déclenchement
de la prévention interne ne doit pas être poursuivie par une immixtion dans la
gestion de l’entreprise. Autrement dit, le commissaire aux comptes doit se
limiter à révéler les faits constatés et se garder, une fois l’alerte déclenchée, de
proposer le moindre remède ou de critiquer les actes de gestion des dirigeants
(Jeantin et Le cannu, 1999). Dans le cas contraire, sa responsabilité pourrait être
recherchée.29
Pourtant, il convient de signaler que la loi ne précise pas la nature exacte des
faits susceptibles de déclencher l’alerte et la majorité des faits restent sujet à une
appréciation subjective du commissaire aux comptes. Peuvent être relevés,
synthétiquement, trois séries de faits (Benis bencheqroun, 2002) :
Des faits fondés sur la situation financière de l’entreprise : fonds de
roulement dégradé, augmentation considérable du besoin en fonds de
roulement, trésorerie négative, etc. ;
Des faits fondés sur l’exploitation elle-même : insuffisance de
l’excédent brut d’exploitation, importance des frais financiers, sous
activité notable et continue, pertes de licences, niveau de stock très
élevé, pertes de marchés ;
Des faits résultant de l’environnement économique de l’entreprise :
désaccord entre les actionnaires, dépendance significative de
l’entreprise à l’égard du succès d’un projet, activités exercées sur des
marchés en déclin, conflit social, perte accidentelle de tout ou partie de
l’appareil de production, diminution du carnet de commandes, etc.
Le déroulement de la prévention interne tel que prévu par le dispositif légal
actuel comporte les phases suivantes relatées dans le schéma 1 ci-dessous :
La demande d’explication au président du conseil d’administration ou du
directoire :
Cette demande doit être établie à la première phase de la procédure
d’alerte, lorsque le commissaire aux comptes a relevé des faits de nature à
compromettre la continuité d’exploitation de la société.

29
Revue ame ,Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

19
La prévention interne

A l’occasion de cette demande, le commissaire aux comptes expose les faits


relevés et rappelle qu’à défaut de réponse dans un délai de 15 jours ou dans le
cas d’une réponse non satisfaisante, il a l’obligation de faire délibérer le conseil
d’administration ou le directoire.
La demande invitant à faire délibérer le conseil d’administration (ou de
surveillance) :
En cas d’absence de réponse à la demande d’explication dans un délai de 15
jours ou si la réponse n’est pas satisfaisante et ne permet pas au commissaire aux
comptes de lever son incertitude quant à la capacité de l’entreprise à poursuivre
son activité, une seconde demande est établie dont l’objet est d’inviter le
président du conseil d’administration ou du directoire à faire délibérer le conseil
sur les faits relevés.
Le rapport spécial du commissaire aux comptes, établi et adressé au
président de la société lorsque :
▪ Le conseil d’administration ou de surveillance ne s’est pas réuni ou n’a pas
pris de décisions ;
▪ Le commissaire aux comptes estime que, malgré les décisions prises par le
conseil, la continuité de l’exploitation demeure compromise.
- Comme conséquences sur le rapport général, les faits relevés par le
commissaire aux comptes, peuvent aboutir :
▪ D’une part, à la mise en œuvre de la procédure de traitement des entreprises en
difficulté ;
▪ D’autre part, à des réserves dans la certification des comptes annuels.
- Information du président du tribunal de commerce : L’article 548 du code de
commerce dispose « faute d’une délibération de l’assemblée générale à ce sujet,
ou s'il a été constaté que malgré les décisions prises par cette assemblée, la
continuité de l’exploitation demeure compromise, le président du tribunal en est
informé par le commissaire aux comptes, par le chef d’entreprise ou par un
associé ». 30
Ainsi, l’information du président du tribunal de commerce doit avoir lieu, après
la tenue de la réunion de l’assemblée :

30
Revue ame ,Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

20
La prévention interne

- Si l’assemblée générale n’a pas délibéré au sujet des faits remettant en cause la
continuité d’exploitation ;
- Si les décisions prises par l’assemblée ne sont pas satisfaisantes ; l’incertitude
subsiste quant à la poursuite de l’activité.

Il convient de signaler que le mécanisme de la prévention interne obéit à des


procédures distinctes selon qu’on est en présence d’une société anonyme ou
d’une société commerciale d’un autre type. Ceci en raison des différences au
niveau des caractéristiques de chaque type de société (organes, fonctionnement,
etc.) (Mestre et Pancrazi, 2003). 31
La procédure de prévention interne régie par les articles 546 et 547 du code de
commerce n’est pas exempte de critiques, puisqu’elle ne concerne que les

31
Revue ame ,Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

21
La prévention interne

sociétés (sociétés anonymes SA, …) qui doivent avoir un commissaire aux


comptes en raison de leur forme juridique, ou en raison de dépassement du seuil
de 50 millions Dirhams de chiffre d’affaires hors taxes par les sociétés à
responsabilité limitée. Donc, la procédure d’alerte telle que déclenchée par le
commissaire aux comptes, n’existe donc pas au bénéfice de toutes les entreprises
commerciales.
En vertu des dispositions de l’article 546 du code de commerce, la prévention
interne peut également être déclenchée par l’associé en raison de son droit à
l’information ce qui lui donne la possibilité de percevoir la situation de
l’entreprise et les éventuelles difficultés. La mise à la charge de l’associé de la
mission de déclenchement de la prévention se justifierait par le caractère
facultatif de la présence d’un commissaire aux comptes dans des formes de
sociétés. 32
L’intervention de l’associé serait une alternative dans ces sociétés (Choukri sbai,
2000).
Section 2. : Le cadre méthodologique.
A. Protocoles de Gestion des Incidents :
Avant de passer à la présentation et à l’analyse des principaux résultats de notre
recherche, il semble pertinent de décrire dans un premier temps le processus de
déroulement de la recherche sur le terrain en identifiant les personnes interviewées
et les motifs de leur choix, l’instrument et les techniques de recherche utilisés pour
la collecte des données et la manière d’exploitation des données recueillies pour
les raisons d’analyse et d’interprétation.
Le terrain d’investigation :
A travers ce travail de recherche nous nous interrogeons sur les raisons qui
font que, dans un même environnement, dans une même région, dans un
même secteur économique, etc. des entreprises n’arrivent plus à redresser
leur situation et se trouvent, le cas échéant, obligées de disparaître du circuit
économique et sur les raisons qui font que d’autres arrivent à surmonter les
difficultés rencontrées et réussissent par voie de conséquence à garantir leur
pérennité. Donc, notre premier souci est de trouver le pourquoi des choses.
La lecture de certains articles formant le livre V du code de commerce
permet de déduire que certaines attributions et rôles majeurs sont accordés,
par le législateur marocain, à certaines personnes-clés qui interviennent au
niveau des procédures prévues dans le cadre du présent livre. Il s’agit

32
Revue ame ,Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

22
La prévention interne

principalement du commissaire aux comptes lors de la phase de la


prévention interne, le conciliateur au niveau de la conciliation et le syndic
au niveau de la procédure de sauvegarde et celle de redressement judiciaire.
L’article 548 du code de commerce dispos « …si … la continuité de
l’exploitation demeure compromise, le président du tribunal en est informé
par le commissaire aux comptes… ». De ce fait, il paraît que les
commissaires aux comptes, en raison du rôle central qu’ils jouent dans la
procédure de la prévention interne, sont mieux placés pour nous instruire à
propos des facteurs de succès et des causes d’échec du redressement des
entreprises pendant cette phase. 33
La collecte des données :
Pour collecter les données auprès des interlocuteurs identifiés, des
entretiens semi-directifs ont été menés. Cela a été nécessaire dans la mesure
où les entretiens permettent d’atteindre un degré de profondeur et de
richesse d’information qui fait défaut dans les techniques quantitatives, ce
qui est parfaitement utile et adapté avec les finalités et les exigences de la
recherche.
Les entretiens ont été effectués durant le premier semestre de l’année 2017,
et menés en s’appuyant sur un guide d’entretien qui a été rédigé en suivant
la logique de l’entonnoir : en allant du général au particulier, en partant de
questions très larges à celles spécifiques liées avec la problématique de la
recherche.
Ainsi, nous avons contacté certains cabinets spécialisés dans le domaine du
commissariat aux comptes à Casablanca, le choix de cette ville est motivé
par le fait qu’elle constitue le principal pôle économique et financier au
Maroc, l’existence de plusieurs experts comptables inscrits à l’ordre et
aussi par la présence de plusieurs sociétés anonymes qui sont obligées
légalement de désigner au moins un commissaire aux comptes.
Il est à signaler qu’au cours de cette phase, nous avons rencontré certaines
difficultés. En effet, nous nous sommes confrontés à la confidentialité
inhérente à la mission des commissaires aux comptes, leur indisponibilité
et parfois à leur refus injustifié de nous fournir les informations nécessaires
et utiles pour notre travail de recherche. Donc, la principale difficulté
méthodologique à laquelle nous sommes confrontés au niveau de cette
phase se rattache à la collecte des données. Ce qui nous a poussés à
contacter d’autres commissaires aux comptes implantés sur d’autres villes
en plus de ceux rencontrés sur Casablanca.

33
Revue ame ,Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

23
La prévention interne

Pour remédier à ces problèmes, les interlocuteurs ont été constitués selon
la technique de « boule de neige » la plus appropriée pour repérer les
populations difficiles à identifier (Thietart,1999), puisqu’elle repose sur
l’utilisation de (s) personne (s) comme sources d’identification d’autres
personnes. Ainsi, grâce à cette technique, nous avons pu mener des
entretiens auprès de Vingt 20 commissaires aux comptes.
Concernant l’échantillonnage, si les enquêtes quantitatives se caractérisent
par l’existence d’un échantillon représentatif de la population totale, les
enquêtes qualitatives menées par le biais des entretiens sont régies par le
principe de saturation. Ainsi, la taille de notre échantillon a été déterminée
par le critère de saturation qui est défini comme « le phénomène qui
apparaît au bout d’un certain temps dans la recherche qualitative lorsque
les données que l’on recueille ne sont plus nouvelles » (Mucchielli, 1991,
p.114). Autrement dit, on arrête les entretiens au moment où deux entretiens
successifs n’apportent pas de nouvelles informations.
L’exploitation des données recueillies : Le traitement et
l’interprétation :
Le constat fait ressortir que notre problématique n’est pas observable par des
indices ou des indicateurs quantitatifs permettant d’y apporter des éléments de
réponse. Pour cela, les données collectées (les entretiens proprement-dits) sont
analysées en utilisant la technique de « l’analyse de contenu » pour relever les
facteurs de succès et les causes d’échec du processus de redressement des
entreprises lors de la phase de la prévention interne.
La retranscription des interviews est menée en général à la main (Silverman,
1999). Les données qualitatives collectées étant retranscrites partiellement, en
éliminant ce qui n’est plus utile, pour avoir des textes d’interview. Après la
retranscription vient l’opération de codage des données qui explore ligne par
ligne, étape par étape, les textes d’interview (Berg, 1999). Cette opération classe
et transforme les données qualitatives brutes issues d’entretiens en fonction
d’une grille d’analyse.
Ainsi, après la retranscription partielle des interviews et le codage des
informations, une grille d’analyse est construite. Elle est composée de
l’ensemble des facteurs de succès et des causes d’échec du redressement des
entreprises en difficulté (voir résultats). Donc, c’est à partir du « verbatim »des
interlocuteurs que la grille est élaborée. 34

34
Revue ame ,Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

24
La prévention interne

Après avoir collecté les données qualitatives et avoir effectué l’analyse, il


convient de les interpréter. L’interprétation établit les enseignements à tirer des
explications et les réponses apportées à la problématique (Andreani & Conchon,
2003) de recherche. Elle détermine ce qu’on a compris des données collectées et
commente les résultats (figure 2).

Du point de vue des logiciels, ils ont l’avantage d’augmenter la rapidité du


travail du chercheur, mais, aucun logiciel n’améliore la validité des études
(Wanlin, 2007) ou interprète les données, cette tâche reste réservée au chercheur
(Bourdon, 2000). Il est à signaler que lorsque l’on a peu de données, le recours
aux logiciels peut être évité (Wanlin, 2007). Puisque le nombre des interviewés
n’est pas très important, le recours aux logiciels d’analyse de données
qualitatives (textuelles) a été évité.

Tout ce qui a été développé précédemment, avait pour principal objectif


d’aboutir à la phase principale de cette recherche qui est la présentation et
l’analyse des principaux résultats trouvés et de doter ces derniers d’une certaine
validité scientifique en adoptant une approche méthodologique scientifiquement
reconnue et valable.

B. : Les facteurs de succès du redressement pendant la phase de la


prévention interne.
A travers les entretiens menés, nous avons noté que le recours à la procédure
d’alerte en vue d’appréhender les difficultés des entreprises, n’est pas fréquent
dans le contexte marocain et lorsqu’elle est déclenchée, elle aboutit souvent à un

25
La prévention interne

résultat négatif. C’est ce qui justifie le nombre limité des facteurs de succès
relevés lors de la phase de la prévention interne. 35
Une détection précoce des difficultés suivie d’un déclenchement organisé et
précoce de l’alerte par le commissaire aux comptes et accompagnée par la mise
en place des mesures nécessaires par l’équipe dirigeante sont, généralement, les
facteurs clés de succès du redressement des entreprises en début de difficultés.
Le rôle de l’entreprise elle-même en matière de prévention :
L’entreprise est tenue de procéder par elle-même à travers la prévention interne
des difficultés, au redressement permettant la continuité de l’exploitation…
(Article 545 du Code de Commerce) donc, dans l’esprit du législateur marocain,
la prévention interne des défaillances incombe en premier lieu à l’entreprise elle-
même.
L’implantation dans un environnement en perpétuelle mutation, la faiblesse des
capitaux propres, le recours massif aux concours bancaires aux taux relativement
élevés, etc. rendent vulnérables plusieurs entreprises marocaines, notamment les
petites et moyennes. Néanmoins, comme les défaillances sont, souvent, décelables
plusieurs mois ou années à l’avance, plusieurs d’entre elles pourraient être évitées.
Pour ce faire, il est primordial pour l’entreprise d’avoir une cellule chargée de la
gestion et du suivi des risques et de procéder à la mise en place d’un dispositif de
gestion cohérent, fiable et orienté (Bouayad Amine & Rougggani, 2014).
Donc, consciente de l’évolution de ses indicateurs comptables et extracomptables,
la société elle-même est la mieux placée pour faire un autodiagnostic systématique
de sa situation leur permettant de déceler ses difficultés potentielles le plus tôt
possible et de procéder par elle-même à la mise en place des mesures qui
conviennent en vue d’y remédier, et ce avant que les choses évolueront et
atteindront un stade plus avancé et non maîtrisé.
La précocité de détection des difficultés et du déclenchement de l’alerte :
En raison de sa mission permanente d’investigation et de contrôle sur les comptes
des sociétés, et de sa triple compétence comptable, juridique et financière, le
commissaire aux comptes est un acteur central de la procédure de prévention
interne, il joue un rôle essentiel en matière de détection des difficultés des
entreprises et de la sensibilisation des dirigeants sociaux sur la situation
préoccupante de leurs entreprises à travers le déclenchement de l’alerte. Il est

35
Revue ame, Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

26
La prévention interne

censé, de ce fait, adopter une démarche vigilante à l’égard des situations et des
faits porteurs de risques pour les sociétés dans lesquelles est désigné. 36
La précocité de dépistage des difficultés et le choix du moment opportun pour le
déclenchement de l’alerte constituent, selon les résultats de la recherche, un
facteur favorisant le succès du processus de redressement de l’entreprise à
condition qu’il soit suivi par la mise en place, par l’équipe dirigeante, des mesures
managériales qui conviennent.
Cette réalité a été bien confirmée par certains spécialistes, en effet selon eux, les
dispositifs de prévention, dès lors qu’ils sont mis en œuvre en temps voulu,
connaîtraient un taux de réussite de 75% (Rapport USAID, 2004).
La plupart des commissaires aux comptes interviewés nous ont affirmé le fait que
la procédure d’alerte est déclenchée le plus souvent au niveau des sociétés
anonymes et, à un degré moindre, dans des sociétés à responsabilité limitée. Selon
eux, cela ne peut en aucun cas signifier que les autres types de sociétés (les
sociétés en nom collectif, etc.) sont en parfaite santé et ne souffrent pas de
difficultés à un moment donné de leur existence, mais s’explique par le fait
qu’elles ne sont pas dotées d’un commissaire aux comptes en raison de la non-
atteinte du seuil exigé de cinquante millions dirhams en termes du chiffre
d’affaires pour procéder à sa nomination.
La vitesse de réaction et l’efficacité des mesures de redressement mises en
place :
Selon les résultats de la recherche, la vitesse de réaction face à l’alerte déclenchée
par le commissaire aux comptes en plus de l’efficacité des mesures managériales
mises en place par l’équipe dirigeante, constituent un facteur favorisant le succès
du processus de redressement de l’entreprise lors de la phase de la prévention
interne.
Devant l’intervention du commissaire aux comptes par l’alerte, la réaction du chef
et des dirigeants d’entreprise doit être positive. Ces derniers sont censés, en
principe, apporter des éléments de réponse à la lettre d’information qui leur
provient de la part du commissaire aux comptes et procéder à la mise en place des
mesures et des actions qu’ils jugent utiles à la résolution des problèmes
rencontrés.37
Néanmoins, la procédure d’alerte est souvent mal perçue par plusieurs chefs et
dirigeants d’entreprises, plusieurs d’entre eux l’ignoraient et en ignorent les
36
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37
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27
La prévention interne

mécanismes et n’arrivent plus à la différencier de la mission traditionnelle d’audit


et de certification des comptes.
L’aboutissement au redressement de l’entreprise suite au déclenchement de
l’alerte par le commissaire aux comptes, dépend inéluctablement de la vitesse de
réaction et de la manière de traitement des difficultés par l’équipe dirigeante.

Chapitre 2. : Les causes d’échec du redressement pendant la phase de


la prévention interne
Section 1. : Les causes d’échec de la procédure de
prévention interne :
A. Les causes.

En dépit de son importance en matière d’appréhension des difficultés des


entreprises, les commissaires aux comptes interrogés ne sont pas satisfaits de
l’application de la procédure d’alerte au sein des sociétés marocaines. Il reste à
identifier les causes de cette insatisfaction.
Le déclenchement tardif de l’alerte, l’inaction des dirigeants et des chefs
d’entreprises face à l’alerte déclenchée par le commissaire aux comptes, l’absence
d’instauration d’un système de surveillance et de prévention des difficultés au sein
des entreprises, la focalisation des chefs d’entreprises sur l’aspect « métier » au
détriment de l’aspect « gestion », en plus des imprécisions du texte de loi relatif à
la procédure de prévention interne, sont les principales causes d’échec du
redressement des entreprises en début de difficultés qu’on a pu identifier suite à
notre étude sur le terrain.
Le déclenchement tardif de l’alerte :
En principe, le commissaire aux comptes n’est pas garant de la pérennité de
l’entreprise. En effet, il n’a pas un rôle actif de recherche systématique des
difficultés des entreprises et encore moins de leurs solutions. Toutefois, il doit
conserver une attitude vigilante et attentive quant aux situations porteuses de
risques (Manuel des normes d’audit légal et contractual, 2009). 38
Le déclenchement tardif de la procédure d’alerte par le commissaire aux comptes
est dû, à notre avis, à plusieurs facteurs, entre autres, on cite :

38
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La prévention interne

- L’incapacité temporelle : en raison de la charge du travail et sa préoccupation


des missions principales inhérentes à la profession du commissariat aux comptes,
le commissaire aux comptes n’a pas assez de temps pour effectuer une recherche
systématique et périodique des difficultés des sociétés dans lesquelles il est
nommé. Par ailleurs, d’un point de vue pratique, le commissaire aux comptes n’a
effectivement pas le temps nécessaire pour évaluer l’incidence des faits, qu’il
aurait pu relever lors de l’exercice de sa mission, sur la continuité d’exploitation
des sociétés ;
- L’emploi de la technique de sondage : le recours à cette technique ne permet pas
de contrôler et de vérifier l’exhaustivité des comptes et des documents comptables
de l’entreprise ;
- Le recours à l’approche statique pour l’analyse de la situation de l’entreprise :
cette approche se base essentiellement sur l’étude du bilan qui donne une idée sur
la situation de l’entreprise à un moment donné et non pas sur une période
déterminée ;
- Le développement rapide des difficultés : face à cette situation, l’entreprise se
trouve dans un état critique qui exige l’ouverture d’une procédure de traitement
des difficultés, l’intervention du commissaire aux comptes à ce moment par
l’alerte n’est plus possible et n’a aucun sens.
Le manque de feedback des dirigeants et des chefs d’entreprises vis-à-vis
de l’alerte :
L’inaction et la procrastination des dirigeants et des chefs d’entreprises face à
l’alerte déclenchée par le commissaire aux comptes, handicapent le succès du
processus de redressement des entreprises en début de leurs difficultés.
A travers les entretiens menés, on s’est rendu compte que des chefs d’entreprises
n’acceptent pas le signalement des difficultés et ne réagissent plus vis-à-vis de
l’alerte déclenchée par le commissaire aux comptes ce qui impacte
défavorablement le succès du processus de redressement des entreprises ; ceux-ci
ne procèdent pas à la mise en place des mesures qui conviennent pour redresser
la situation de leur affaire et n’apportent même pas des éléments de réponse à la
lettre d’information qui leur provient de la part du commissaire aux comptes dans
le délai légal de quinze (15) jours, prévu par l’article 547 du code de commerce,
de sa réception. 39

39
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29
La prévention interne

Pire encore, au lieu de procéder à la mise en place des mesures nécessaires


susceptibles de redresser la situation de l’entreprise (augmentation du capital,
amélioration du fonds de roulement, cession d’actifs inutiles à l’exploitation,
actions sur la trésorerie …) suite à l’alerte déclenchée par le commissaire aux
comptes, certains dirigeants ont procédé à la résiliation du contrat objet de
désignation du commissaire aux comptes sous prétexte que l’alerte déclenchée est
une sorte d’immixtion de ce dernier dans la gestion de la société et que la
procédure déclenchée, malgré son caractère confidentiel, nuit à l’image de la
société (Bachlouch, 2012) et à celle de ses dirigeants ce qui pourrait provoquer,
selon eux, la méfiance chez les différents partenaires.
Donc, en dépit de ses avantages en matière de prévention des difficultés des
entreprises, la procédure d’alerte est généralement mal perçue par certains chefs
et dirigeants d’entreprises et pose en réalité un grand problème pour les
commissaires aux comptes en matière de son application au sein des entreprises.
De ce fait, les commissaires aux comptes se trouvent entre le marteau du respect
des diligences de la profession et l’enclume de préservation de leurs relations
contractuelles qu’ils entretiennent avec les sociétés dans lesquelles sont désignés.
L’inexistence du commissaire aux comptes :
L’existence du commissaire aux comptes est déterminante en matière de
prévention des difficultés des entreprises ; les sociétés dans lesquelles un
commissaire aux comptes est désigné ont, selon les personnes interviewées, plus
de chances de dépasser leurs difficultés en comparaison avec celles dépourvues
de celui-ci. Ainsi, l’inexistence du commissaire aux comptes pourrait être à
l’origine de l’échec du processus de redressement des entreprises en début de
difficultés.
Légalement, la nomination d’un commissaire aux comptes n’est pas une
obligation pour tous les types de sociétés, donc son absence pose problème en
matière de déclenchement d’alerte. Pour ce faire, pour donner la possibilité aux
entreprises d’être éligibles à la certification des comptes par un commissaire aux
comptes et être éligibles, par voie de conséquence, à profiter de la procédure
d’alerte en cas d’existence de difficultés, il est fortement conseillé d’abaisser le
seuil actuel exigé pour la certification qui est de l’ordre de cinquante millions
dirhams en termes du chiffre d’affaires à un niveau acceptable et en harmonie
avec la structure du tissu économique national. 40

40
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30
La prévention interne

L’absence d’un système de surveillance et de prévention des difficultés au


sein des entreprises :

Garantir la pérennité de leurs firmes est l’une des préoccupations majeures des
chefs et des dirigeants d’entreprises. Ces derniers sont, de ce fait, censés instaurer
un système de surveillance et de prévention des difficultés basé notamment sur
l’élaboration des tableaux de bord périodiques, l’établissement de certains
documents prévisionnels (bilan prévisionnel, compte de produits et charges
prévisionnel…), etc. et ce pour assurer un suivi régulier de leur exploitation.
Cependant, la plupart des commissaires aux comptes interrogés nous ont confirmé
l’inexistence d’un tel système au sein de plusieurs entreprises marocaines, ce qui
se répercute défavorablement sur leur capacité de détection précoce des difficultés
potentielles et amoindrit par voie de conséquence les chances de leur
redressement.
La focalisation des chefs d’entreprises sur l’aspect « métier » au détriment
de l’aspect « gestion » :
La prévention interne relève en premier lieu de la responsabilité du chef
d’entreprise censé maîtriser les outils de gestion lui permettant de dépister le plus
tôt possible le risque de défaillance de son entreprise. Néanmoins, dans le contexte
marocain, celui-ci demeure souvent insuffisamment informé des modes de gestion
requis pour bien gérer son affaire. Certaines petites et moyennes entreprises en
sont un exemple parfait. 41
Le contexte marocain est caractérisé par l’existence d’une catégorie de chefs
d’entreprises disposant d’un énorme savoir-faire (conception du produit, parfaite
maîtrise du cycle de production, etc.) que d’une vraie formation en gestion. Cette
dernière est assimilée selon eux à une contrainte, d’où sa délégation à d’autres
services de l’entreprise.
Les imprécisions du texte juridique relatif à l’alerte :
De l’avis de certains commissaires aux comptes interviewés, les apports de
l’article 547 du code de commerce relatif à la procédure d’alerte, en raison de ses
imprécisions, posent certains problèmes liés à leur difficulté d’application dans la
réalité. Ainsi, lesdits professionnels se trouvent devant une série d’entraves. Entre
autres, on cite :

41
Revue ame ,Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

31
La prévention interne

- En raison de sa sensibilité, l’engagement de la responsabilité du commissaire


aux comptes et ses répercussions sur l’entreprise, l’alerte pose problème en
matière du choix du timing de son déclenchement ;
- La difficulté d’appréciation de l’effet des faits relevés par le commissaire aux
comptes sur la continuité d’exploitation de l’entreprise dans un délai très court de
huit (8) jours de leur découverte ;
- L’article précité parle des « …des difficultés de nature à compromettre la
continuité de l’exploitation… » Sans procéder à la délimitation et à la précision
de la nature desdites difficultés (fonds de roulement négatif, trésorerie nette
négative, une sous-activité, chute du chiffre d’affaires, perte d’un client important,
importance des frais financiers, défaut de paiement des cotisations de sécurité
sociale, plusieurs exercices déficitaires, etc.), il a laissé l’appréciation de ces «
difficultés » au pouvoir discrétionnaire du commissaire aux comptes, ce qui pose
problème en matière du déclenchement de l’alerte.
- Le texte ne précise pas la manière (diligences spécifiques, etc.) par laquelle le
commissaire aux comptes doit intervenir pour déclencher l’alerte. 42
B. L’impérieuse nécessité d’une prise de conscience précoce des
difficultés :
En se référant aux résultats trouvés, on peut déduire que la capacité de l’entreprise
de dépasser sa situation de crise est très dépendante de la précocité de détection
de ses difficultés que ce soit par elle-même ou bien par le commissaire aux
comptes s’il en existe. Plus la détection n’est précoce, plus grandes seront les
chances de dépassement de la situation de crise.
A contrario, une prise de conscience tardive des difficultés de l’entreprise,
impacte défavorablement la réussite de son processus de redressement, elle le
rend, en effet, long, pénible voire impossible. Ce retard dans la prise de conscience
d’existence de difficultés est dû, comme nous avons déjà signalé, au
déclenchement tardif de l’alerte par le commissaire aux comptes en raison de
certaines contraintes liées à la profession, l’absence de mise en place d’une
politique générale de détection et de surveillance des difficultés au sein de
plusieurs entreprises marocaines, en plus du caractère facultatif de nomination du
commissaire aux comptes pour certains types de sociétés ce qui les prive de
l’alerte déclenchée par ce dernier en cas de difficultés potentielles.

42
Revue ame ,Vol 2, No 2 (Avril, 2020) 61-80

32
La prévention interne

De ce fait, l’accent est mis sur l’impérieuse nécessité de la prise de conscience


rapide et précoce des difficultés des entreprises. La précocité avec laquelle
l’entreprise appréhende ses difficultés facilite d’autant les perspectives de
réalisation d’un plan de sauvetage.
La rapidité de réaction : Un véritable levier de redressement :
La rapidité de réaction des entreprises face aux situations de crise est déterminante
en matière de succès de leur processus de redressement. Malheureusement, la
pratique contrarie trop souvent cette règle de bon sens, de nombreuses entreprises
réagissent avec beaucoup de retard ou de façon inadéquate face aux premiers
signes de la défaillance. La procrastination et les réactions trop tardives et trop
lentes vis-à-vis des difficultés, contribuent fortement à l’échec de leur processus
de redressement.
Dans ce sens, on peut affirmer que la vitesse de réaction face à l’alerte déclenchée
par le commissaire aux comptes en plus de la pertinence des stratégies et de
l’efficacité des mesures managériales mises en œuvre par l’équipe dirigeante lors
de la phase de la prévention interne, constituent une condition sine qua non pour
la réussite du processus de redressement pendant cette phase. Alors qu’un
déclenchement précoce de l’alerte par le commissaire aux comptes, n’a aucune
utilité et n’a aucun sens s’il n’est pas suivi par une réaction favorable, pour une
raison ou pour une autre, de la part de l’équipe dirigeante.
Le redressement : L’appui des parties prenantes :

Le succès du processus de redressement d’une entreprise en difficulté dans le


contexte marocain est une affaire dépendante de l’appui et de l’engagement des
différentes parties prenantes de l’entreprise (stakeholders).
Dans ce sens, le succès du processus de redressement de l’entreprise en difficulté
pendant la phase de la prévention interne, dépend inéluctablement de la capacité
de détection précoce des difficultés par l’entreprise elle-même (cadres
financiers…) ou bien par le commissaire aux comptes s’il en existe, et du feedback
favorable de l’équipe dirigeante vis-à-vis de l’alerte déclenchée et de leur capacité
de procéder à la mise en place des mesures et des actions qui conviennent. De ce
fait, le redressement dépend entre autres, durant cette phase, de la vigilance du
commissaire aux comptes quant aux situations porteuses de risques et de
l’implication, la compétence et l’engagement de l’équipe dirigeante.

33
La prévention interne

Section 2. : La nécessité de mise en œuvre des stratégies et


des mesures bien adaptées.

A. L’étendue de l’intervention du commissaire aux comptes.

Dans la pratique, des entreprises ont été alertées par les commissaires aux comptes
de l’existence de certaines difficultés, mais sans arriver à un résultat positif en
matière de redressement de l’affaire, et ce, en dépit des efforts parfois importants
qu’elles ont fournis, dès lors l’échec a été imputé essentiellement à l’inefficacité
et à la non-pertinence des stratégies et des mesures mises en place. De ce fait, le
succès du processus de redressement des entreprises dépend fortement de la
pertinence et de l’efficacité des stratégies et des mesures managériales mises en
place par l’équipe dirigeante.
La prévention interne est tournée essentiellement vers le chef d’entreprise.
Toutefois, pour qu’il ne soit pas isolé, l’article 547 du Code de commerce accorde
au commissaire aux comptes un rôle important dans ce dispositif43. Quel est son
domaine d’intervention ?
Comment se déroule cette procédure ? Et quelle est la responsabilité du
commissaire aux comptes ?
Le domaine d’intervention du commissaire aux comptes :
La nomination d’un commissaire aux comptes est obligatoire dans les sociétés
anonymes et dans les sociétés en commandite par actions, quelles que soient leurs
tailles44. Les sociétés faisant appel public à l’épargne sont tenues d’en désigner au
moins deux. Dans les autres formes de sociétés, notamment, les sociétés à
responsabilité limitée, les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite
simple, la désignation d’un commissaire aux comptes est facultative 45. Elle
devient obligatoire, si à la clôture de l’exercice social, la société enregistre un
chiffre d’affaires qui dépasse cinquante millions de dirhams hors taxes. Les
groupements d’intérêt économique sont tenus également de nommer un ou
plusieurs commissaires aux comptes, lorsqu’ils émettent des obligations non
convertibles au profit de leurs membres 46.

43
Abad Sayed Abderrahim. (1998). «La prévention interne et le rôle du commissaire aux comptes», Revue des
Avocats, n° 6, p.188. (En arabe).
44
Farouji Mohammed. (2005). L’arrêt de payement dans la loi des difficultés d'entreprise, Imprimerie Al-Najah
Al-Jadida, Casablanca, p.16. (En arabe).
45
Choukri Sbai Ahmed, op.cit, p.157.
46

34
La prévention interne

Des dispositions de l’article 547 du Code de commerce, il ressort que : « Le


commissaire aux comptes (…) informe le chef d’entreprise des faits de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise ».
La continuité de l’exploitation de l’entreprise n’a fait l’objet d’aucune définition
juridique. Du point de vue de la doctrine, cette notion est « une expression de la
santé financière de l'entreprise, laquelle se conçoit aisément comme le degré de
probabilité de la voir cesser ses activités, notamment pour cause de faillite » 47.
Selon André Jacquemont, la continuité de l’exploitation « peut être menacée ou
compromise lorsque le dirigeant de l’entreprise a décidé une liquidation amiable,
ou a provoqué une réduction sensible, volontaire ou involontaire, de l’activité de
l’entreprise »48. Elle est fondée sur la situation financière de l’entreprise et sur les
faits de nature objective pouvant survenir dans un avenir prévisible 49.
Les faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise
ne sont pas non plus définis. Certains auteurs soutiennent que le législateur a
voulu laisser aux commissaires aux comptes la liberté de les apprécier et de juger
s’ils nécessitent le déclenchement de l’alerte50. D’autres estiment que ces faits
concernent généralement tout événement ayant un caractère, suffisamment
préoccupants, pour attirer l’attention du commissaire aux comptes 51.
Quelques indices 52 et signes avant-coureurs de difficultés 53 permettront de
constater si la continuité de l’exploitation est compromise. Il peut ainsi s’agir d’un
endettement excessif, un personnel peu qualifié, un matériel obsolète, une baisse
de qualité des produits, une perte de clients importants, le non-paiement des
impôts et des cotisations sociales, le décès du chef d'entreprise 54, etc.
B. Le déroulement de la procédure d’alerte du commissaire aux
comptes :
Si le chef de l’entreprise ne décide pas, lui-même, de répondre aux faits de nature
à compromettre la continuité de l’exploitation de l’entité, le commissaire aux
comptes, s’il en existe, ou tout associé, l’informe, notamment, de ceux de nature
juridique, économique, financière ou sociale, et ce, dans un délai de 8 jours, à

47
Vidal Dominique. (2010). Prévention des difficultés des entreprises, Gualino, Paris, p.1.
48
Jacquemont André. (2007). Droit des entreprises en difficulté-la procédure de conciliation-Les procédures
collectives de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire, Litec, Paris, p. 30.
49
ouquet Bernard. (2004). Le droit d’alerte des associés minoritaires in la prévention des difficultés des
entreprises. Analyses des pratiques juridiques, PUAM, Marseille, pp. 881 et s.
50
Choukri Sbai Ahmed, op.cit, p.184.
51
Ibid, pp.157-158
52
Lucheux Jean-Michel. (1995). « Les innovations dans la détection des difficultés des entreprises et dans les
modalités de leur traitement amiable », in Le nouveau droit des défaillances d'entreprise, Dalloz, Paris, pp.67-69.
53
Bouquet Bernard, ibid, p. 186.
54
Al-Quraishi Abderrahim, op.cit, p.29

35
La prévention interne

compter de leur découverte, par lettre recommandée avec accusé de réception.


L’information du dirigeant permet d’attirer son attention sur les signes révélateurs
des premières difficultés55. Elle constitue une véritable mise en demeure 56, qui le
met devant ses responsabilités pour proposer des solutions rapides et positives 57.
S’agissant de la forme de la réponse adressée au commissaire aux comptes, malgré
son importance aucune précision ou sanction n’a été énoncée par la loi 58.
Faute d’exécution dans un délai de 15 jours, à compter de la réception de la
notification, ou s’il n’arrive pas personnellement ou après délibération du conseil
d’administration ou du conseil de surveillance, selon le cas, à un résultat positif,
le Code de commerce a prévu que le chef d’entreprise est tenu de convoquer une
assemblée générale dans un délai de 15 jours, afin de délibérer, après avoir pris
connaissance du rapport du commissaire aux comptes, s’il en existe 59. S’il n’y a
pas eu de délibération, ou s’il a été constaté que malgré les décisions prises, la
continuité de l’exploitation demeure compromise, le Président du tribunal de
commerce en est informé par le commissaire aux comptes, le chef d’entreprise ou
tout associé60.
L’information du Président du tribunal de commerce a pour objectif de rendre la
détection prévention plus attractive61. C’est une « invitation faite au tribunal
d’ouvrir sans trop tarder une procédure collective afin que la situation des
partenaires de l’entreprise ne s’aggrave pas »62. Même si l’article 548 du Code de
commerce ne le précise pas, cette phase doit être précédée par la rédaction d’un
rapport spécial par le commissaire aux comptes, exposant les raisons de son
intervention, ainsi que toutes ses correspondances avec les dirigeants, depuis le
début de la procédure58. Aucune précision n’est donnée à propos du délai de sa
production, néanmoins, la loi n° 17-95, du 30 août 1996, relative aux sociétés
anonymes, précise qu’il doit être transmis dans les quinze jours qui précèdent la
date de la tenue de l’assemblée générale annuelle 63. Nature à compromettre la

55
Drissi Alami Machichi Mohamed. (2006). Droit commercial fondamental au Maroc, Dar Al-Qalam, Rabat,
p. 529. (En arabe) ; Bensti Ezzeddin. (2014). Les sociétés en droit marocain, Imprimerie Al-Najah Al-Jadida,
Casablanca, p.158. (En arabe).
56
Drissi Alami Machichi Mohamed, op.cit, p.530.
57
Choukri Sbai Ahmed, op.cit, p. 154.
58
Ibid , p.201.
59
Article 547 du Code de commerce.
60
Article 548 du Code de commerce.
61
Aziber Alagadi Saïd. (2010). « Commissaire aux comptes et prévention des difficultés des entreprises en droit
OHADA », Penant, doctrine, janvier-mars, p.8.
62
Jabrouni Aziz. (2001). La résolution amiable et la liquidation judiciaire, Dar Al-Qalam, Rabat, p.44. (En
arabe).
63
Choukri Sbai Ahmed, op.cit, p.210.

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La prévention interne

continuité de l’exploitation de l’entreprise 64. Le fait qu’il soit désigné


volontairement ne réduit en rien la portée de l’obligation d’alerte dont il est le
titulaire. Il peut ainsi être poursuivi pour faute ou négligence d'une question qui
semble importante aux yeux des dirigeants 65. Dans le second cas, si le
commissaire aux comptes déclenche une alerte, dans le but de nuire à
l’entreprise66, alors que les faits relevés ne nécessitent pas cette action, ou s’il
déclenche l’alerte dans son intérêt personnel, ce qui est susceptible de porter
préjudice à la réputation de l’entreprise 67.
La responsabilité du commissaire aux comptes peut constituer une entrave à
l’efficacité de son travail. L’alerte ne serait bénéfique pour l'entreprise que si son
titulaire ne court pas le risque de voir sa responsabilité engagée. Il ne doit pas être
tenu responsable pour déclenchement erroné, car « une fausse alerte vaut mieux
qu'un dépôt de bilan »68. Le commissaire aux comptes peut aussi, par peur
d'engager sa responsabilité, agir prématurément en cas de simple doute. Ceux qui
agissent en responsabilité contre lui devront fournir la preuve du préjudice et du
lien de causalité entre la faute commise et le préjudice. Ils doivent démontrer que
le dommage s’est produit du fait de l’absence ou de l’abus de l’alerte.

64
Al-Abdelaoui Alaoui Idris. (2000). Explication du droit civil, Imprimerie Al-Najah Al-Jadida, Casablanca,
p.152. (En arabe).
65
guyon Yves. (1987). « Le rôle de prévention du Commissaire aux comptes » La Semaine JuridiqueEntreprise et
Affaires, n° 48, p. 623 ; Alain Lienhard. (1996). « La responsabilité du Commissaire aux comptes
dans le cadre de la procédure d’alerte », Revue des Procédures Collectives, p.1.
66
Lecorre Pierre-Michel, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz, Paris, 2008-2009, p.135.
67
Saint-Alary-Houin Corinne, op.cit, p. 86.
68
Guyon Yves. (1987). « Le rôle de prévention des Commissaires aux comptes », La Semaine Juridique-
Entreprise et Affaires, 15066, p. 622.

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La prévention interne

Conclusion

La mise en œuvre des mesures de prévention et de traitement des difficultés des


entreprises, telles que prévues par le livre V du code de commerce français,
représente une évolution majeure par rapport aux anciennes conceptions de la
faillite. Cette législation, inspirée de la loi française de 1994, reconnaît l'entreprise
comme un élément essentiel du tissu économique, un créateur de richesse et
d'emploi. Elle vise à préserver la vitalité économique en favorisant la survie des
entreprises confrontées à des difficultés potentielles mais dotées de perspectives
de développement et de redressement.

Les quatre grandes procédures définies dans le livre V du code de commerce - la


prévention des difficultés, la sauvegarde, le redressement judiciaire et la
liquidation - offrent un cadre pour répondre aux différentes situations rencontrées
par les entreprises en difficulté. La prévention interne, en particulier, cherche à
anticiper et à résoudre les difficultés avant qu'elles ne deviennent critiques, tandis
que la sauvegarde vise à assurer la continuité de l'activité et le maintien de
l'emploi.
Cependant, la loi seule ne suffit pas à prévenir et à gérer les crises. La clé réside
dans la détection précoce des difficultés et la mise en place de stratégies de
redressement adaptées, soutenues par des mesures managériales efficaces. Cet
article se propose d'identifier les facteurs de succès et les causes d'échec du
processus de redressement, en se concentrant notamment sur la phase de
prévention interne. En fournissant des informations clés aux décideurs et aux
dirigeants d'entreprises, il vise à contribuer à une meilleure compréhension des
enjeux et des pratiques à adopter pour éviter l'échec entrepreneurial.
Ainsi, cette recherche adopte une approche théorique, conceptuelle, juridique et
empirique pour éclairer les dynamiques de la prévention et du traitement des
difficultés des entreprises, dans le but ultime de renforcer leur résilience et leur
capacité à prospérer dans un environnement économique en constante évolution.

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La prévention interne

Bibliographie / Webographie

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