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prix du ministre

2005-2006

Économie globale
Les principes fondamentaux 4e édition

Dominic Roy | Raymond Munger


prix du ministre
2005-2006

Économie globale
Les principes fondamentaux 4e édition

Dominic Roy Raymond Munger


Cégep régional de Lanaudière Collège de Maisonneuve
à Terrebonne

Réviseur scientique
Douglas Blanchet
Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne

Conception et rédaction des outils pédagogiques en ligne

Tests de lecture, ateliers


thématiques et « L’économie en vidéo »
François St-Onge
Collège Bois-de-Boulogne

Banque de questions
Dominic Roy
Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne

« Les grands penseurs économiques »


Catia Corriveau-Dignard
Cégep de Sherbrooke
Économie globale
Les principes fondamentaux, 4e édition Des marques de commerce sont mentionnées ou illus-
trées dans cet ouvrage. L’Éditeur tient à préciser qu’il
Dominic Roy, Raymond Munger n’a reçu aucun revenu ni avantage conséquemment
à la présence de ces marques. Celles-ci sont repro-
© 2016, 2012, 2008, 2004 Groupe Modulo Inc. duites à la demande de l’auteur en vue d’appuyer le
Conception éditoriale : Bianca Lam et Martine Rhéaume propos pédagogique ou scientifique de l’ouvrage.
Édition et révision linguistique : Jacinthe Laforte
Coordination : Julie Pinson
Correction d’épreuves : Annie Cloutier Le matériel complémentaire mis en ligne dans notre
Adaptation de la conception graphique originale : Julie Ménard site Web est réservé aux résidants du Canada, et ce,
Conception de la couverture : Guylène Lefort à des fins d’enseignement uniquement.
Impression : TC Imprimeries Transcontinental

L’achat en ligne est réservé aux résidants du Canada.

Catalogage avant publication


de Bibliothèque et Archives nationales du Québec
et Bibliothèque et Archives Canada

Roy, Dominic, 1969-


Économie globale
4e édition.
Comprend des références bibliographiques et un index.
Pour les étudiants du niveau collégial.
ISBN 978-2-89732-033-1
1. Macroéconomie. 2. Relations économiques internationales.
3. Politique économique. 4. Macroéconomie – Méthodes de simulation.
5. Macroéconomie – Problèmes et exercices. i. Munger, Raymond,
1961- . ii. Titre.
HB173.R73 2016 339 C2016-940306-8

TOUS DROITS RÉSERVÉS.


Toute reproduction du présent ouvrage, en totalité ou en partie,
par tous les moyens présentement connus ou à être décou-
verts, est interdite sans l’autorisation préalable de Groupe
Modulo Inc.
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contrefaçon pouvant donner lieu à une poursuite en justice
contre l’individu ou l’établissement qui effectue la reproduction
non autorisée.

ISBN 978-2-89732-033-1
Dépôt légal : 1er trimestre 2016
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Imprimé au Canada
2 3 4 5 6 ITIB 21 20 19 18 17
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de
livres – Gestion SODEC.
AVANT-PROPOS

L’attention de plus en plus soutenue qui est portée au cours du pétrole, aux taux
d’intérêt, aux taux de change (du dollar canadien, par exemple), aux inégalités et à la
mondialisation a rendu omniprésents les concepts de l’analyse économique. Dès lors,
il est essentiel que tout individu puisse saisir les rouages de l’économie an de prendre
les meilleures décisions, celles qui maximisent son bien-être et celui de la société.
C’est dans cette perspective que ce manuel, maintenant oert en livre numérique,
a été longuement rééchi et conçu. Dans cette quatrième édition, les auteurs
répondent encore mieux aux besoins des étudiants en mettant l’accent sur les
éléments essentiels au moyen d’illustrations concrètes, notamment dans une
nouvelle rubrique d’exemples qui ponctue les explications théoriques.
En plus de présenter les principes fondamentaux de l’économie et certaines nou-
velles théories, telle la théorie des jeux, les auteurs ont procédé à une révision
importante du contenu : utilisation du nouveau Système des comptes écono-
miques nationaux du Canada, nouvelles sections sur les inégalités économiques,
les politiques d’austérité et le modèle global traditionnel, statistiques mises à jour
et ajout d’une quinzaine de nouvelles rubriques « Liens entre la théorie et la réalité
économiques », « Actualité économique » et « Grands courants de la pensée écono-
mique », dont plusieurs abordent la crise et les enjeux d’une reprise économique.
Comme dans l’édition précédente, les « Appendices mathématiques » à la n de
plusieurs chapitres permettent d’approfondir la compréhension, sans alourdir le
propos. Les questions « À vous de jouer ! » à la n des rubriques, les exercices de n
de chapitre et les laboratoires informatiques sont autant d’outils pour bien saisir
les concepts théoriques et faire le lien avec la réalité économique.
Dans la plateforme numérique i+ Interactif, l’étudiant a accès à une annexe d’ap-
profondissement sur « Les grands penseurs économiques », aux gures du manuel
selon le modèle traditionnel, à un test de lecture et un atelier thématique pour
chaque chapitre ainsi qu’à la liste des hyperliens du livre numérique. L’enseignant
dispose en plus des corrigés des exercices du manuel, d’une banque de questions
avec corrigé et des activités d’apprentissage « L’économie en vidéo », réalisées à par-
tir de vidéos libres d’accès en ligne et accompagnées d’un solutionnaire.

Remerciements
Un ouvrage de cette envergure nécessite la collaboration de nombreuses per-
sonnes. Nous voulons d’abord témoigner notre gratitude à François St-Onge, du
Collège de Bois-de-Boulogne, et Aldo Mercier, du Cégep de Limoilou, qui ont lu
et commenté le manuscrit, en plus de collaborer aux ressources pédagogiques en
ligne, ainsi qu’à Douglas Blanchet, du Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne,
qui participe au projet depuis des années en tant que réviseur scientique. Nous
tenons également à remercier les personnes suivantes pour leurs remarques per-
tinentes : Esther Berton, du Collège Ahuntsic, Yassir Joti, du Cégep de l’Outaouais,
Soulama Makieti, du Cégep de l’Outaouais, Nathalie Malo, du Cégep Édouard-
Montpetit, Jean-Francis Matteau et Silvi Mathieu, du Cégep Garneau.
Enn, nous remercions toute l’équipe du Groupe Modulo, notamment Bianca
Lam, Martine Rhéaume, Jacinthe Laforte et Julie Pinson, ainsi que nos étudiants
pour leurs questions et leurs commentaires.
CARACTÉRISTIQUES DE L’OUVRAGE

En début de chapitre, une liste d’objectifs permet


d’aligner votre lecture pour faciliter l’intégration
de la matière.

Pour vous aider à acquérir le vocabulaire propre à


l’économie, les expressions en cyan dans le texte
sont dénies dans le coin de la page ainsi que dans
le glossaire à la n du manuel.

À la n des rubriques « Actualité


économique » et « Liens entre la
théorie et la réalité économiques »,
les questions « À vous de jouer ! »
vous mettent en situation
d’analyse... pour vous exercer
aux examens !

La section « En un
clin d’œil » ore une
récapitulation visuelle
du contenu du chapitre.
Jetez-y un œil pour voir
quelles notions vous
gagneriez à réviser.
CARACTÉRISTIQUES DE L’OUVRAGE v

La nouvelle rubrique « Exemple » vous permet


de mieux comprendre les concepts théoriques.

Rien de mieux que les questions de révision, d’application


et d’intégration pour revoir et intégrer la matière à examen !

Un manuel branché !
Dans le livre numérique, cliquez sur ce pictogramme pour accéder à des sites Web
qui complètent votre apprentissage ou fournissent les données à jour pour certains tableaux.
Utilisez le code oert sur la première page du manuel pour accéder au matériel Web :
● Tests de lecture et ateliers thématiques pour vous préparer aux examens
● Annexe « Les grands penseurs économiques »
● Figures selon le modèle traditionnel
● Liste des hyperliens du livre numérique
TABLE DES MATIÈRES

PARTIE 1 1.5.7 Les héritiers de la pensée


économique contemporaine ............................. 21
FONDEMENTS Grands courants de la pensée économique
DE LA CONNAISSANCE ÉCONOMIQUE ......... 2 Adam Smith et le principe de la main invisible .......... 22
n En un clin d’œil ............................................................... 23
Chapitre 1 n Testez vos connaissances ............................................... 25
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE ....................................... 3 n Appendice mathématique
1.1 Qu’est-ce que l’économique ? ............................. 5 L’utilisation des graphiques en économie ......................... 26
1.1.1 L’objectif de la science économique ................. 5 Chapitre 2
1.1.2 Les démarches en science économique ........... 5 MODÈLE DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE ............. 28
1.1.3 L’économique : une science humaine ............... 6 2.1 Marché .................................................................... 30
1.1.4 La microéconomie et la macroéconomie .......... 6 2.1.1 Les marchés selon le type d’échange .............. 30
Liens entre la théorie et la réalité économiques 2.1.2 Les marchés selon le nombre de participants .... 31
Des hypothèses et des théories ................................. 7
2.2 Demande d’un produit .......................................... 32
1.2 Problème de rareté, choix et coût d’option ....... 8
2.2.1 La courbe de la demande ................................ 32
1.2.1 Les besoins ...................................................... 8
2.2.2 Les déterminants « hors prix » de la demande .... 33
1.2.2 Les ressources ................................................ 8
1.2.3 Le choix ........................................................... 9 2.3 Offre d’un produit .................................................. 35
1.2.4 Le coût d’option ............................................... 9 2.3.1 La courbe de l’offre ......................................... 36
2.3.2 Les déterminants « hors prix » de l’offre ........... 36
Liens entre la théorie et la réalité économiques
Combien nous coûte un enfant ? .................................. 10
2.4 Équilibre et déséquilibre du marché .................. 38
2.4.1 Le prix d’équilibre ............................................ 38
1.3 Limite des possibilités de production ................ 11
1.3.1 Le calcul du coût d’option ................................ 11 2.4.2 Le déséquilibre provenant de la demande ........ 39
2.4.3 Le déséquilibre provenant de l’offre ................. 39
1.3.2 La production optimale .................................... 12
Actualité économique
1.3.3 Le déplacement de la courbe La hausse du prix des aliments : le cas du blé ............ 41
des possibilités de production........................... 12
1.3.4 Un modèle simpliste ? ....................................... 13 2.5 Théorie des jeux à la rescousse
Actualité économique du modèle de l’offre et la demande ................... 41
Les inondations en Corée du Nord 2.5.1 La guerre des prix ............................................ 42
ont fait au moins 119 morts ........................................ 14
2.5.2 La coopération ................................................. 42

1.4 Organisation économique .................................... 14 Actualité économique


L’effet de la guerre des tarifs en infonuagique ............. 44
1.4.1 Trois questions fondamentales ........................ 14
1.4.2 Les modèles d’organisation économique ......... 15 2.6 Prix articiels ......................................................... 44
2.6.1 Le prix plafond ................................................. 44
1.5 Historique des grands courants 2.6.2 Le prix plancher ............................................... 45
de la pensée économique .................................... 16
Liens entre la théorie et la réalité économiques
1.5.1 Les classiques ................................................. 17
La controverse du salaire minimum ........................... 47
1.5.2 Les marxistes .................................................. 18 Grands courants de la pensée économique
1.5.3 Les néoclassiques : la révolution La théorie des jeux et le dilemme du prisonnier ......... 47
marginaliste ..................................................... 18 n En un clin d’œil ............................................................... 49
1.5.4 Les keynésiens ................................................ 19 n Testez vos connaissances ............................................... 51
1.5.5 L’école autrichienne ......................................... 19 n Appendice mathématique
1.5.6 Les monétaristes ............................................. 20 L’équilibre du marché à l’aide d’équations......................... 54
TABLE DES MATIÈRES vii

PARTIE 2 4.2.3 Les types de chômage ..................................... 96


Actualité économique
FONDEMENTS MACROÉCONOMIQUES ........ 56 Le chômage a-t-il un sexe au Québec ? ..................... 98
Grands courants de la pensée économique
Chapitre 3 La féministe et révolutionnaire Rosa Luxemburg ........ 100
INDICATEURS DE LA PRODUCTION
ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES ........................ 57 n En un clin d’œil ............................................................... 101
n Testez vos connaissances ............................................... 103
3.1 Produit intérieur brut ............................................ 59
n Laboratoire informatique ................................................. 105
3.1.1 Le calcul du PIB selon l’approche
des dépenses .................................................. 60 n Appendice mathématique
3.1.2 Le calcul du PIB selon l’approche Quelques mesures statistiques d’usage en économie ....... 106
des revenus ...................................................... 62
Chapitre 5
3.2 Du PIB nominal au PIB réel .................................. 64 TENDANCES ET FORCES GLOBALES ........................ 109
3.3 Croissance économique ....................................... 65 5.1 Tendances économiques
d’un pays industrialisé ......................................... 111
3.4 Indicateurs de la richesse et du bien-être
5.1.1 Les cycles économiques .................................. 111
d’une société .......................................................... 67
5.1.2 Les relations entre les principaux
3.4.1 Le PIB par habitant .......................................... 67 indicateurs macroéconomiques ........................ 112
Actualité économique Liens entre la théorie et la réalité économiques
La croissance économique [la richesse et Une récession, une crise économique ou
le bien-être matériel] est-elle plus faible une dépression ? ........................................................ 114
au Québec qu’ailleurs au Canada ? ............................ 68
3.4.2 Les indicateurs de l’inégalité des revenus ........ 70 5.2 Forces du marché global ..................................... 115
3.4.3 L’indicateur de développement humain (IDH) .... 72 5.2.1 La demande globale ........................................ 116
3.4.4 Le PIB vert et le développement durable .......... 73 5.2.2 L’offre globale .................................................. 117
Actualité économique 5.2.3 L’équilibre sur le marché global
Le classement IDH 2014 : les 20 pays des biens et de services .................................. 119
où la vie est plus belle ............................................... 74
Grands courants de la pensée économique 5.3 Modèle traditionnel : l’offre globale
Malthus et les limites de la croissance........................ 75 de court terme et de long terme ......................... 121
n En un clin d’oeil ............................................................... 76 5.4 Expliquer la réalité à l’aide du modèle
n Testez vos connaissances ............................................... 77 de l’offre et de la demande globales ................. 123
n Laboratoire informatique ................................................. 79 5.4.1 Les causes du chômage conjoncturel .............. 123
n Appendice mathématique 5.4.2 Les causes de l’ination .................................. 123
Le calcul de l’IDH ............................................................ 80 5.4.3 La relation entre l’ination et le chômage ........ 126
Liens entre la théorie et la réalité économiques
Chapitre 4 La courbe de Phillips au Canada ................................ 127
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE ..... 82 Actualité économique
Le pétrole : un produit qui a de l’impact ...................... 128
4.1 Ination ................................................................... 84
Actualité économique
4.1.1 La dénition et la mesure de l’ination ............ 84
Le Japon : l’histoire d’une déation ............................ 129
4.1.2 Pourquoi l’ination est-elle néfaste ? ............... 86
4.1.3 Le pouvoir d’achat ou la valeur réelle 5.5 Multiplicateur des échanges ............................... 129
de la monnaie .................................................. 88
Grands courants de la pensée économique
Liens entre la théorie et la réalité économiques L’économie globale en équilibre permanent ? ............. 131
L’ination, l’hyperination et la déation :
le cas argentin ........................................................... 90 n En un clin d’oeil ............................................................... 132
n Testez vos connaissances ............................................... 134
4.2 Chômage ................................................................. 92 n Laboratoire informatique ................................................. 135
4.2.1 La dénition et la mesure du chômage ............ 92 n Appendice mathématique
4.2.2 Les conséquences du chômage ....................... 96 Le modèle keynésien simple et le multiplicateur .............. 136
viii TABLE DES MATIÈRES

PARTIE 3 7.2 Système nancier canadien ................................ 172


RÔLE DE L’ÉTAT DANS L’ÉCONOMIE ............. 138 7.2.1 Le marché de la monnaie ................................ 174
7.2.2 Le rôle de la Banque du Canada ...................... 175
Chapitre 6 7.3 Politique monétaire canadienne ......................... 176
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET
7.3.1 La fourchette cible de maîtrise de l’ination .... 176
FINANCES PUBLIQUES ................................................ 139
7.3.2 Les instruments de la politique monétaire ....... 177
6.1 État .......................................................................... 141 7.3.3 L’effet recherché de la politique monétaire ....... 180
6.1.1 Deux niveaux d’intervention ............................. 141 Actualité économique
6.1.2 La structure d’une économie ........................... 143 La Banque du Canada abaisse encore
son taux directeur ...................................................... 181
Actualité économique
Le poids de l’état ne diminue pas ............................... 144 7.3.4 La création articielle de monnaie ................... 183
6.1.3 Les mesures structurelles ................................ 144 Actualité économique
La BCE donne le coup d’envoi à ses rachats géants
6.1.4 Les objectifs conjoncturels .............................. 146 de dettes publiques ................................................... 184
La Fed tourne la page du stimulus monétaire.............. 184
6.2 Politique budgétaire conjoncturelle ................... 146
7.3.5 La politique monétaire est-elle efcace ? ......... 185
6.2.1 L’orientation de la politique budgétaire ............. 147
7.3.6 La cohérence des politiques économiques ....... 185
6.2.2 Les instruments de la politique budgétaire ....... 147
Grands courants de la pensée économique
6.3 Contraintes budgétaires . ..................................... 149 L’école monétariste de Milton Friedman ..................... 186
6.3.1 La scalité ....................................................... 149
n En un clin d’œil ............................................................... 187
Liens entre la théorie et la réalité économiques
n Testez vos connaissances ............................................... 188
La courbe de Laffer : trouver le taux n Laboratoire informatique ................................................. 189
d’imposition optimal .................................................. 151 n Appendice mathématique Le multiplicateur monétaire ....... 190
6.3.2 Les dépenses .................................................. 152
Actualité économique
Les relances budgétaires efcaces ............................ 153 PARTIE 4
RELATIONS ÉCONOMIQUES MONDIALES .... 192
6.4 Décits et dette publique .................................... 154
6.4.1 Le nancement et le paiement Chapitre 8
d’une dette ...................................................... 154 RELATIONS COMMERCIALES .................................... 193
6.4.2 Les avantages de l’endettement public ............ 156
8.1 Mondialisation : de l’internationalisation
6.4.3 Les désavantages de l’endettement public ....... 156 à la globalisation ................................................... 195
6.5 Le Québec et l’austérité ....................................... 158 8.1.1 L’internationalisation ........................................ 195
Grands courants de la pensée économique 8.1.2 La transnationalisation .................................... 196
Pour ou contre l’état ? ................................................. 160 8.1.3 La globalisation ............................................... 196
n En un clin d’oeil ............................................................... 161 Liens entre la théorie et la réalité économiques
La mondialisation : protable pour qui ? ...................... 197
n Testez vos connaissances ............................................... 163
n Laboratoire informatique ................................................. 165 8.2 Développement des échanges commerciaux ... 199
8.2.1 L’évolution des échanges commerciaux ........... 199
Chapitre 7 8.2.2 La structure géographique des échanges ........ 200
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE ..................... 166 8.2.3 Les gains liés aux échanges ............................ 200
7.1 Qu’est-ce que la monnaie ? ................................. 168 8.3 Protectionnisme et guerre commerciale ........... 201
7.1.1 Les formes de monnaie ................................... 168 Actualité économique
7.1.2 L’utilité de la monnaie ...................................... 169 Le protectionnisme n’est pas la solution...................... 203
7.1.3 Les indicateurs de la monnaie ......................... 169 8.4 Coopération internationale .................................. 204
7.1.4 La monnaie et les produits nanciers .............. 171
8.4.1 La coopération multilatérale :
7.1.5 La création de la monnaie ................................ 171 du GATT à l’OMC ............................................. 204
TABLE DES MATIÈRES ix

8.4.2 La coopération régionale : 9.3.3 Les déséquilibres sur le marché


les blocs économiques ..................................... 204 des changes .................................................... 225
Grands courants de la pensée économique
La théorie des avantages comparatifs de Ricardo ....... 209 9.4 Pouvoir d’achat d’une devise .............................. 226
n En un clin d’œil ............................................................... 210 Liens entre la théorie et la réalité économiques
Le huard et le pétrole ................................................. 227
n Testez vos connaissances ............................................... 211
n Laboratoire informatique ................................................. 213 9.5 Relation entre taux de change
et politique monétaire canadienne ..................... 227
Chapitre 9
RELATIONS FINANCIÈRES .......................................... 214 9.6 Guerre des devises ............................................... 229
Actualité économique
9.1 Mesure des échanges extérieurs :
La guerre des devises : le retour ................................ 230
la balance des paiements .................................... 216
Grands courants de la pensée économique
9.1.1 Les comptes courant et de capital ................... 216
La parité des pouvoirs d’achat ................................... 231
9.1.2 Le compte nancier ......................................... 217
9.1.3 L’équilibre de la balance des paiements ........... 218 n En un clin d’œil ............................................................... 233
n Testez vos connaissances ............................................... 235
9.2 Taux de change et marché des changes ........... 219
n Laboratoire informatique ................................................. 237
9.2.1 Le taux de change ........................................... 219
9.2.2 La conversion des prix étrangers
en prix nationaux ............................................. 220
ANNEXE ............................................................................ 238
9.2.3 Le marché des changes ................................... 221
GLOSSAIRE ....................................................................... 240
9.3 Détermination du taux de change . ..................... 224 BIBLIOGRAPHIE ................................................................ 244
9.3.1 La demande et l’offre de devises ..................... 224 CRÉDITS ICONOGRAPHIQUES .......................................... 246
9.3.2 L’équilibre sur le marché des changes ............. 225 INDEX ............................................................................... 247
1
FONDEMENTS DE
PARTIE

LA CONNAISSANCE
ÉCONOMIQUE

L’ÉCONOMIE ET NOTRE APPARTENANCE


À LA BIOSPHÈRE
La planète n’a jamais été gée et ne le sera jamais. D’innombrables
espèces sont apparues et se sont éteintes bien avant qu’Homo sapiens
n’entre en scène. Il ne saurait donc être question de concevoir un « état
idéal » pour une planète en constante évolution. Mais un changement
majeur est intervenu, nous sommes entrés dans cette ère que les
scientiques ont convenu d’appeler l’« anthropocène », cette ère au cours
de laquelle l’homme est devenu une force géologique qui modie en
profondeur les équilibres naturels de façon sufsamment importante pour
menacer le bien-être de l’humanité et la survie d’innombrables espèces.
Il est donc impératif et urgent de prendre conscience des interactions entre
l’homme et la nature, entre nos économies et les grandes transformations
qui affectent la planète, c’est-à-dire fondamentalement de notre
appartenance à la biosphère. Alors que nous approchons des limites de
ce que la Terre peut nous offrir et supporter, nous devons reconnaître que
notre bien-être futur dépend de notre capacité à rester en deçà de ces
seuils de sécurité.

Source : Ricard, Matthieu. Plaidoyer pour l’altruisme, La force de la bienveillance, Paris, Nil Éditions, p. 737.
CHAPITRE
1 NATURE DE
L’ÉCONOMIQUE

1.1 Qu’est-ce que l’économique ? .................................. 5


1.2 Problème de rareté, choix et coût d’option .......... 8
1.3 Limite des possibilités de production .................. 11
1.4 Organisation économique ....................................... 14
1.5 Historique des grands courants
de la pensée économique ....................................... 16
En un clin d’oeil ......................................................... 23
Testez vos connaissances ...................................... 25
Appendice mathématique ....................................... 26

« Si vous pensez que l’éducation ne paie pas,


essayez l’ignorance. »
Abraham Lincoln
CHAPITRE
1 OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• situer l’apport spécique de l’économique à la compréhension
de l’organisation sociale ;
• saisir les concepts de rareté, de choix et de coût d’option ;
• utiliser le modèle d’analyse de la limite des possibilités
de production ;
• distinguer les trois modèles d’organisation économique ;
• identier les grands courants de la pensée économique.

n ce siècle des télécommunications, les technologies numériques nous

E permettent de nous former et de nous informer en continu, en abon­


dance et en surabondance. Nous avons accès à des contenus qui cou­
vrent tous les aspects de l’existence humaine, dont bien évidemment la
vie économique, c’est­à­dire l’étude du niveau de vie des sociétés. Même sans
bien connaître un domaine, nous voilà obligés ou spontanément enclins à émettre
une opinion sur des sujets d’une complexité inouïe. Le premier réexe sain d’un
esprit scientique, c’est de se poser des questions.
Arrêtons­nous un moment dans un centre commercial ou devant un
supermarché. Comment se fait­il que nous ayons toutes ces marchandises à
portée de la main ? Qui nous assure cette abondance et comment expliquer que
d’autres pays n’arrivent même pas à satisfaire les besoins les plus élémentaires
de leur population ? Pourquoi, dans certaines sociétés, l’eau potable et la
scolarisation de base sont­elles accessibles à tous, alors que dans bien d’autres
ce n’est pas le cas ? Notre société a­t­elle été contrainte de faire des choix
pour nous offrir le mode de vie que nous connaissons, et si oui, lesquels ? C’est
justement à ces questions que tente de répondre la science économique.
Les décisions que nous prenons en tant que consommateurs quand nous ache­
tons un bien ou un service, ou comme membres de la société lorsque nous al­
lons voter, par exemple, ou encore les décisions que prennent les entreprises
et les gouvernements ont toutes des répercussions sur l’activité économique.
Ce premier chapitre vous permettra de mieux saisir la nature de l’économique,
grâce à l’étude de quelques concepts fondamentaux, tels que le problème de la
rareté et la limite des possibilités de production. Une fois ces principes économiques
bien dénis, nous pourrons aborder l’étude des différents modèles d’organisation
économique. Finalement, pour bien comprendre les différentes approches,
souvent complémentaires, parfois contradictoires, qui portent sur des questions
fondamentales de la science économique, nous parcourrons les chemins de la
pensée économique.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 5

1.1 Qu’est-ce que Par exemple, pour comprendre le phénomène du


chômage, l’économiste doit d’abord déterminer
l’économique ? les caractéristiques du chômeur. Ensuite, il peut
L’économiste anglais Alfred Marshall (1842-1924) étudier l’évolution du chômage dans le temps, ou
a déni, au tout début de son principal ouvrage d’une région à l’autre, à l’aide de mesures comme
Principes d’économie politique (publié en 1890 le taux de chômage. Lorsque c’est fait, l’économiste
et traduit en français pour la première fois en tente d’expliquer le phénomène. N’oublions pas que
1906), la science économique comme étant l’étude le but ultime de la science économique est l’amélio-
de l’humanité dans les aaires ordinaires de la ration du bien-être des individus et de la collecti-
vie. À première vue, cette dénition peut sem- vité. Or, pour contrôler le chômage et en atténuer
bler étrange. Pourtant, demandez à un de vos les eets pervers, il faut d’abord en connaître les
proches ce qu’est l’économique, et il vous parlera causes. Par la suite, l’étude économique s’attardera
sans doute des « aaires » ou de l’« argent ». Pas à proposer des solutions pour obtenir potentielle-
étonnant puisque, dès l’enfance, on apprend qu’il ment de meilleurs résultats.
faut avoir de l’argent pour pouvoir se procurer les
gâteries que l’on convoite. L’argent, on l’aura vite 1.1.2 Les démarches
compris, est une rareté, tout comme les biens et en science économique
les ressources. Il n’y a des problèmes économiques
L’observation des faits économiques amène à
que parce qu’il y a de la rareté, ce qui nous pousse à
s’interroger sur les relations entre les variables
prendre des décisions « dans les aaires ordinaires
économiques, an de comprendre, par exemple,
de la vie ».
de quelle façon le chômage est lié au niveau des
L’économique naît donc de la nécessité d’étudier salaires, ou en quoi la consommation est fonction
cette rareté, c’est-à-dire cette inadéquation entre du revenu. C’est pourquoi la démarche empruntée
la quantité limitée des ressources et les besoins lors de l’analyse économique consiste à formuler
illimités des agents économiques (les individus des lois – ou des théories – susceptibles d’expli-
ou groupes d’individus qui prennent des décisions quer la réalité. Une théorie est un ensemble de
de nature économique). Par exemple, les ménages généralisations destiné à expliquer et à prédire des
font des choix de consommation en fonction de phénomènes (voir la rubrique de la page 7 pour des
leur revenu limité, tout comme les entreprises font exemples de théories). Pour élaborer une théorie,
des choix de production et les États font des choix les économistes ont souvent recours aux modèles
de distribution. En dénitive, l’économique est économiques.
l’étude de l’utilisation des ressources rares pour
Un modèle est une représentation théorique de
satisfaire des besoins illimités ; elle s’attache donc
la réalité basée sur des hypothèses restrictives ;
à comprendre la façon dont les êtres humains ef-
fectuent des choix économiques à partir de biens
existant en quantité limitée. Agents économiques Individus ou groupes d’individus
qui prennent des décisions de nature économique. Il s’agit
essentiellement des consommateurs, des entreprises
1.1.1 L’objectif de la science et de l’État.
économique Économique Science qui étudie la façon dont les agents
économiques effectuent des choix d’affectation de res-
L’objectif de l’analyse économique consiste à com- sources rares pour satisfaire leurs besoins illimités.
prendre les phénomènes économiques, tels le chô-
Théorie Ensemble de généralisations destiné à expli-
mage ou l’ination. Pour y parvenir, l’économiste quer et à prédire, au moyen d’un lien de causalité,
procède en deux étapes. Dans un premier temps, des phénomènes.
il observe de façon rigoureuse et systématique les Modèle Représentation théorique de la réalité basée
phénomènes économiques et essaie de les mesurer. sur des hypothèses restrictives.
Dans un second temps, il tente de les expliquer.
6 CHAPITRE 1

il vise à simplier une réalité trop complexe pour L’économique ne peut prétendre donner une expli-
être examinée en un seul bloc. Par exemple, cation complète du chômage et encore moins y
pour analyser le comportement du consom- apporter seule des solutions. Il s’agit donc d’une
mateur, on peut partir de l’hypothèse selon la- science non homogène, en raison de sa complé-
quelle les individus sont rationnels (principe de mentarité avec les autres sciences. Cependant,
rationalité), c’est-à-dire qu’ils recherchent uni- compte tenu des particularités de sa démarche et
quement la maximisation de leur satisfaction. de sa fréquente utilisation de modèles mathéma-
Même si cela n’est pas toujours vrai, l’important tiques, l’économique se distingue souvent des
est que le modèle explique bien les décisions des autres sciences humaines. Elle est d’ailleurs tou-
consommateurs. jours la seule de ces sciences pour laquelle un
prix Nobel est décerné (en fait, il s’agit du prix de
On trouvera ces théories et ces modèles tout au la Banque de Suède en sciences économiques en
long de ce livre. La théorie des choix économiques mémoire d’A lfred Nobel, aussi appelé prix Nobel
se fonde sur le modèle de la limite des possibilités d’économie).
de production (voir la section 1.3). L’explication de
la gestion des ressources dans une économie
de marché s’appuie sur le modèle de l’ore et de 1.1.4 La microéconomie
la demande (voir les chapitres 2 et 5). Pour expli- et la macroéconomie
quer les échanges commerciaux, on utilise la théo- La complexité des événements économiques a
rie des avantages comparatifs (voir le chapitre 8). conduit les scientiques à fragmenter la science
économique en deux grands champs d’application
Notons que les mots « loi », « théorie » et « modèle » étroitement liés et se soutenant mutuellement :
peuvent être interchangeables et qu’il devient la microéconomie et la macroéconomie. Cette
alors dicile de les distinguer. Disons tout de spécialisation des connaissances permet d’ana-
même qu’habituellement les lois ou les théories lyser le même phénomène selon des points de
constituent les explications générales, alors que vue diérents.
les modèles utilisent le langage mathématique.
La microéconomie est la branche de l’écono-
Cependant, comme dans toute démarche scienti- mique qui étudie les comportements individuels
que, les théories et les modèles sont confrontés des agents économiques. Ainsi, elle étudie la ges-
aux faits. Ainsi, avant d’adopter une théorie, il faut tion des ressources d’une composante de l’éco-
d’abord s’assurer que les prédictions du modèle cor- nomie d’un pays. La plupart du temps, il s’agit
respondent à la réalité économique. Si ce n’est pas d’étudier les caractéristiques d’un marché pré-
le cas, on modie la théorie ou on la rejette pour en cis, les variables qui inuencent les acheteurs (la
adopter une autre. demande) et les vendeurs (l’ore) de ce marché.

1.1.3 L’économique :
Rationalité Principe de la théorie économique
une science humaine néoclassique selon lequel les individus cherchent à
La science économique fait partie des sciences utiliser au mieux les ressources dont ils disposent
humaines parce que son objet d’étude porte an de maximiser leurs gains (les consommateurs
maximisant ainsi leur satisfaction et les entreprises,
directement sur l’être humain. Le chômage, par leurs prots).
exemple, est un problème économique, mais il
comporte aussi une dimension psychologique Microéconomie Branche de l’économique qui étudie
les comportements individuels des agents écono-
(perte de l’estime de soi), sociologique (exclusion, miques. Elle s’intéresse à l’offre et à la demande
marginalité) et politique (sous-représentation au d’un bien ou d’un service en particulier.
sein des institutions).
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 7

Liens entre la théorie et la réalité économiques


Des hypothèses et des théories
La science économique regorge de La théorie du ruissellement espérer trouver un emploi bien payé.
théories les plus diverses. Certaines Donner aux riches pour aider les La destruction créative est bru-
font consensus parmi les experts, pauvres, c’est un peu ce que pré- tale, mais cette théorie a beaucoup
alors que d’autres sont plus contes- tend cette théorie, fortement contes- d’adeptes.
tées. Alors, au-delà de la traditionnelle tée. L’idée est simple : en mettant en
théorie de l’offre et de la demande place des mesures favorables aux
(que nous verrons au chapitre 2), en mieux nantis (des baisses d’impôts, À vous de jouer !
voici quelques-unes moins connues. par exemple), l’économie globale s’en
portera mieux. Il y aura une hausse 1 Quelle théorie est associée à la
La prophétie de la demande et de la production, notion d’« innovation » ?
autoréalisatrice les usines embaucheront plus d’em- 2 Quelle théorie permet de comprendre
ployés, etc. Dans la réalité, l’écart comment les consommateurs peu-
Lorsque les acteurs économiques
entre les riches et les pauvres n’a vent provoquer ou accentuer une ré-
s’attendent à ce que certains types
cessé de s’accroître aux cours des cession économique ?
d’événements se produisent, cette
trois dernières décennies.
théorie suppose qu’ils changeront 3 Pourquoi la théorie du ruissellement
leurs comportements, de sorte que est-t-elle contestée ?
ces événements niront effective- La destruction créative
ment par se produire. Par exemple, si L’arrivée de l’automobile a mis au
les consommateurs s’attendent à une chômage les livreurs à cheval. Les
reprise économique, ils recommence- machines à coudre ont remplacé les
ront à consommer, ce qui se traduira couturières. L’histoire du capitalisme
par une hausse de la production, est faite de sauts technologiques
une reprise de l’embauche… et une qui ont changé nos vies, mais aussi
reprise économique ! coûté cher à des millions de travail-
leurs. Cette destruction d’industries
Le paradoxe de l’épargne crée cependant de nouvelles possi-
bilités. Les machines qui remplacent
Imaginez qu’à la suite de la crise nan-
des travailleurs sont conçues par des
cière que nous venons de traverser,
ingénieurs, elles doivent être entre-
les ménages décident tous en même
tenues par des techniciens qualiés,
temps d’augmenter leur épargne. Ce
etc. Il y a aujourd’hui plus d’emplois
sera une bonne chose, diront plu-
qu’il y a 50 ans, mais les travail-
sieurs, mais cette situation pourrait
leurs doivent être plus qualiés pour
avoir un effet pervers. Plus d’épargne
veut dire moins de dépenses, donc
moins de ventes pour les entre- Joseph Schumpeter (1883-1950),
prises, moins de production et des économiste américain d’origine
mises à pied. Ces nouveaux chômeurs autrichienne, est classé
ne pourront plus épargner. À la n de parmi les hétérodoxes :
ce cycle infernal, selon cette théorie, économistes empruntant
à la fois des éléments
l’épargne totale de l’ensemble de la
libéraux, keynésiens
population sera plus faible qu’avant et marxistes dans
ce mouvement collectif d’épargne. leurs analyses
En théorie… économiques.

Source : Radio-Canada.ca. (20 avril 2010). « RDI économie en semaine » animé


par Gérald Fillion, dans La Presse Affaires.
8 CHAPITRE 1

La macroéconomie étudie plutôt les compor- Certains besoins qu’on peut qualier de vitaux,
tements collectifs des agents économiques et les comme se nourrir, se vêtir et se loger, doivent
phénomènes économiques dans leur ensemble, être comblés quotidiennement.
de façon globale, à l’échelle d’un pays (comme
Lorsqu’ils sont satis faits, d’autres besoins appa-
l’ination et le produit intérieur brut). On ne
parlera pas des revenus des joueurs de hockey raissent. Soulignons que ces besoins sont en
ou des médecins, mais des revenus de l’ensemble constante évolution et peuvent diérer selon
des particuliers. On ne parlera pas des prots du les individus et les sociétés. C’est parce que les
Canadien de Montréal, mais des prots de l’en- besoins sont si variés et qu’ils peuvent être satis-
semble des entreprises. Alors que la microécono- faits continuellement qu’on les dit illimités.
mie s’intéresse à l’ore et la demande d’un bien
ou d’un service en particulier, la macroéconomie 1.2.2 Les ressources
s’intéresse plutôt à l’ore et à la demande globales. An de répondre aux besoins exprimés par les
individus, les sociétés produisent des biens et
des services à l’aide des ressources disponibles.
1.2 Problème de rareté, Celles-ci peuvent être classées en quatre catégories.
choix et coût d’option ● Les ressources naturelles, qui comprennent
notamment la terre, l’eau, les forêts, les miné-
Nous avons vu précédemment que c’est le phéno-
raux ainsi que le pétrole.
mène de la rareté des ressources qui procure à
la science économique son objet d’étude et qui ● Les ressources humaines, qui incluent toutes les
contraint les individus et les sociétés à choisir le activités humaines, qu’elles soient physiques ou
plus ecacement possible ce qu’ils consomment intellectuelles. Ces ressources sont elles aussi
ou produisent. Le problème de la rareté, illustré limitées, pour des raisons tant quantitatives
à la gure 1.1, repose donc sur deux prémisses : des que qualitatives.
besoins illimités et des ressources limitées.
● Le capital physique, qui regroupe tout ce qui
est fabriqué par les individus pour favoriser
FIGURE 1.1 Nature de la problématique économique la production d’autres biens et services. Par
exemple, les outils, la machinerie, l’é quipe-
ment, les bâtiments, les moyens de commu-
nication, etc., constituent du capital physique
qu’il ne faut pas confondre avec les biens et les
services utilisés lors du processus de produc-
tion (aussi appelés biens et services non finis
ou intermédiaires).
● La technologie, c’est-à-dire le savoir-faire (indivi-
duel ou collectif), la connaissance et l’innovation
(acte par lequel les entreprises conçoivent de
nouvelles fonctions technologiques incorporées
dans des produits ou des processus).
1.2.1 Les besoins
L’étude de l’économique repose sur la reconnais- Macroéconomie Branche de l’économique qui étudie
sance du fait que les individus et les groupes qui les comportements collectifs et la relation entre les
composent la société ont divers types de besoins à phénomènes globaux. Elle s’intéresse à l’offre et à la
satisfaire. Ces besoins peuvent être d’ordre physio- demande globales d’un pays.
logique, psychologique ou social.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 9

Les ressources productives sont aussi appelées d’un autre bien (ou service) (voir l’exemple 1.1). Ainsi,
« facteurs de production », car elles servent à pro- un cégépien qui étudie à temps plein renonce à une
duire des biens et des services. Les biens sont des autre possibilité, celle de naviguer dans Internet, de
produits tangibles (une voiture, un livre), alors que regarder le dernier match du Canadien ou d’eec-
les services sont intangibles (un voyage, un cours tuer un travail rémunéré. Dans cette situation, le
d’économie). temps est une ressource limitée, car on ne peut être
à deux endroits en même temps. Quant au véritable
1.2.3 Le choix coût (le coût économique) associé aux études, par
Étant donné le caractère illimité des besoins, d’une exemple, il correspond aux coûts nanciers ou coûts
part, et la rareté des ressources, d’autre part, les indi- comptables (droits de scolarité, achat de manuels
vidus et les sociétés doivent constamment faire des scolaires) auxquels on ajoute tout ce à quoi le cégé-
choix. Comme le dit le dicton, « on ne peut pas avoir pien renonce (un salaire, par exemple).
le beurre et l’argent du beurre ». Alors, comment s’y
prennent-ils ? Tout choix suppose une comparaison
des bénéces et des coûts des éléments entre lesquels Ressources productives Facteurs de production qui
servent à produire des biens et des services.
il faut choisir. C’est en fonction de cette comparaison
qu’un individu – ou une société – essaie de prendre la Biens Produits qui sont tangibles (une voiture, un livre).
meilleure décision possible, celle qui optimise son bien- Services Produits qui sont intangibles (un voyage,
être. Les agents économiques doivent donc opérer ce un cours d’économie).
qu’en science économique on appelle un « arbitrage ». Coût d’option (ou de renonciation) Ce à quoi il faut
renoncer pour obtenir un bien ou un service.
1.2.4 Le coût d’option
Coût économique Coût comprenant le coût comp-
De même que la rareté implique un choix, le choix table et le coût d’option.
implique un coût. Le coût d’option, ou coût de Coût comptable Coût associé aux dépenses nan-
renonciation, représente la quantité d’un bien (ou cières. Il correspond aux coûts directs.
service) que l’on doit sacrier pour obtenir davantage

EXEMPLE 1.1 Les coûts d’option dans la vie courante


Pourquoi étudier ? Un étudiant à temps plein renonce, par réellement Total des revenus d’emploi
exemple, à un travail rémunéré. Il y a donc un coût d’option gratuit pour les d’une personne durant la vie active,
associé aux études. En effet, plus longtemps un étudiant spectateurs, mais selon la scolarité, au Québec*
demeure aux études, plus le montant total des revenus auxquels c’est oublier le
il renonce est élevé. Dans ce cas, pourquoi étudier ? Parce que coût d’option : le Niveau de scolarité Revenu d’emploi
les bénéces économiques espérés (salaire plus élevé dans le temps qu’on aurait atteint total (avant impôt)
futur) surpassent les coûts (renonciation à un salaire, mais qui pu consacrer à Sans diplôme
serait plus faible aujourd’hui). Ainsi, le détenteur d’un diplôme faire autre chose. 1 047 108 $
d’études secondaires
universitaire va gagner 2 166 948 $ au cours de sa vie active La preuve, c’est
(de 17 à 64 ans), soit le double d’une personne n’ayant pas de que beaucoup Diplôme d’études
1 288 438 $
diplôme d’études secondaires (voir le tableau ci-contre). Les d’autres personnes secondaires
économistes effectuent la même démarche d’évaluation, mais préfèrent payer Diplôme d’études
à l’échelle microéconomique ou macroéconomique. pour un spectacle 1 529 945 $
collégiales
en salle ou se livrer
L’arbitrage entre le travail et le temps libre. Comme le à une autre activité. Baccalauréat 2 166 948 $
temps dont dispose un individu est limité, une augmentation
du nombre d’heures travaillées se traduit par une diminution Les fameux taux d’intérêt. Supposons que le taux d’intérêt
du temps libre. Ainsi, une personne qui fait des heures d’un placement bancaire est de 3 % par année. Si on dépense
supplémentaires renonce aux loisirs (jouer au hockey, aller un montant de 1000 $ pour l’achat de cet actif, la banque nous
au cinéma) ou à d’autres types d’activités : souper avec rendra 30 $ à la n de l’année (3 % × 1000 $). Par contre, si
des amis, s’occuper des enfants, faire la sieste, etc. on décide de garder ces 1000 $ dans sa tirelire, on se prive
des 30 $ d’intérêt fournis par la banque. C’est le coût d’option
Il n’y a rien de gratuit dans la vie. On a l’illusion qu’assister de la détention de monnaie (par rapport à la détention d’actifs
à un spectacle gratuit des FrancoFolies de Montréal est portants intérêts), qui correspond au taux d’intérêt.
* Données tirées de Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. (Décembre 2008). « Taux de rendement du baccalauréat : pour les diplômés et pour l’État »,
Bulletin statistique de l’éducation, no 38, p. 2.
10 CHAPITRE 1

Liens entre la théorie et la réalité économiques


Combien nous coûte un enfant ?
Certains démographes pessimistes résultats à la suite de calculs qui
prétendent qu’il n’y aura, en 2041 reposent sur une approche écono- À vous de jouer !
au Québec, que deux travailleurs mique annuelle des coûts :
poten tiels pour un retraité (com- 1 À la lumière des estimations don-
parativement à près de cinq pour un coûts directs (nourriture, vêtements,
nées ici, quel est le coût comptable
aujourd’hui). L’une des raisons évo- meubles, loisirs, cadeaux, etc.) : 8600 $
annuel d’un enfant ?
quées pour expliquer le vieillissement par année ;
2 À la lumière des estimations don-
de la population est l’indice synthé- coûts sociaux : 7504 $ par année nées ici, quel est le coût écono-
tique de fécondité (le nombre moyen (dont 6850 $ en éducation et 654 $ en mique annuel d’un enfant ?
d’enfants par femme), qui est inférieur soins de santé) ;
au seuil de 2,1 nécessaire au renou-
3 Pourquoi le coût économique est-il
vellement de la population. En fait, la coût d’option : 5840 $ par année plus élevé que le coût comptable ?
moyenne en 2013 était de 1,65 enfant (le manque à gagner lié au fait d’avoir 4 À votre avis, quel est l’effet d’une
par femme en âge de procréer (les un enfant). hausse du revenu sur la fécondité
femmes âgées de 15 à 49 ans). Mais (le fait de faire des enfants) ? Justi-
pourquoi les ménages québécois ont La gure 1.2 permet de distinguer le ez votre réponse.
(ou veulent) si peu d’enfants ? Bien coût comptable et le coût économique.
que divers facteurs et comporte- Le coût comptable d’un enfant tient
ments soient susceptibles d’expliquer compte uniquement des dépenses
la fécondité d’une population (il serait nancières nécessaires pour en
évidemment ici prématuré d’identier prendre soin (nourriture, vêtements,
un facteur en particulier), il s’avère qu’il meubles, loisirs, éducation, santé,
y a un certain nombre de tendances etc.), alors que le coût économique
générales que tout modèle de ces inclut le coût comptable, mais aussi
comportements doit pouvoir expliquer, le coût d’option d’avoir un enfant,
dans ce cas-ci, le « coût ». c’est-à-dire, par exemple, le manque à
gagner associé à ce dernier.
Combien nous coûte un enfant ? Le
démographe Jacques Henripin (2000) Contrairement à ce qu’on pourrait
estime qu’élever un enfant au Canada croire, il existe une relation de
proportionnalité inverse entre
jusqu’à l’âge de 18 ans coûte
l’indice synthétique de fécondité
380 000 $, dont 243 000 $ sont (ISF) et la richesse : plus le
assumés par les parents (ce qui cor- revenu des ménages est
respond à six ans et demi de travail élevé, plus l’ISF
à temps plein). Henripin arrive à ces est faible.

FIGURE 1.2 Coût annuel d’un enfant au Canada selon


l’approche « comptable » et « économique »
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 11

1.3 Limite des possibilités FIGURE 1.3 Courbe des possibilités de production

de production
Les concepts de rareté, de choix et de coût d’op­
tion peuvent être analysés à l’aide d’une courbe
appelée limite des possibilités de production.
Cette courbe donne les combinaisons optimales
des produits qu’une société peut produire. Puisque
tout choix implique un coût, il est fondamental
que toute société produise le plus ecacement
possible, c’est­à­dire qu’elle satisfasse le plus grand
nombre d’individus au moindre coût.
Pour simplier la présentation graphique de la
limite des possibilités de production d’un pays,
nous utiliserons un modèle économique. Ce modèle
s’appuie sur les hypothèses suivantes :
● le pays ne produit que deux catégories de biens,
soit des camions militaires pour transporter les
troupes au combat et des denrées alimentaires
TABLEAU 1.1 Possibilités de production de camions
pour nourrir la population ; militaires et de denrées alimentaires
● la quantité des ressources disponibles pour la Camions militaires
Denrées
alimentaires
production de ces deux biens est xe ; Possibilités (en milliers
(en milliers de
par année)
tonnes par année)
● les ressources doivent être utilisées optimalement ;
A 0 10
● la technologie est constante. B 1 9
C 2 7
La gure 1.3 illustre les possibilités de produc­ D 3 4
tion du pays. Ce pays peut, par exemple, pro­ E 4 0
duire 10 000 tonnes de denrées alimentaires ou
4000 camions militaires. Entre ces deux choix
extrêmes se situent diverses possibilités combi­ 1.3.1 Le calcul du coût d’option
nant la production des deux biens. Pour connaître le coût d’option d’un bien, on doit
Le tableau 1.1 résume ces possibilités. Cinq calculer la pente de la limite des possibilités
combinaisons optimales y sont représentées. de production. Cette pente n’étant pas constante,
La combi naison A implique que le pays consacre il faut la calculer chaque fois que l’on veut com­
la totalité de ses ressources à la production de parer deux possibilités, c’est­à­dire deux points
denrées alimentaires. S’il désire produire des sur la courbe (pour plus de détails concernant la
camions militaires, il devra, étant donné la pente, voir l’appendice mathématique à la page 26).
quantité limitée des ressources, sacrifier une
certaine quantité de denrées alimentaires,
comme l’illustrent les combinaisons B, C et D. Limite des possibilités de production Courbe
Quant à la combinaison E, elle suppose que le qui donne les combinaisons optimales des produits
pays utilise toutes ses ressources pour la produc­ qu’une société peut produire.
tion de camions militaires.
12 CHAPITRE 1

Par exemple, entre les possibilités A et B, le coût des coûts unitaires liés à la production de denrées
d’option d’un camion militaire est égal à : alimentaires et donc une diminution de la produc-
tion par heure de travail additionnelle, c’est-à-dire
∆ Denrées alimentaires = 9000 – 10 000 = –1 tonne de de la production marginale.
∆ Camions militaires 1000 – 0 denrées / camion

Le signe négatif symbolise le coût d’option. Ainsi, 1.3.2 La production optimale


pour passer de la combinaison A à la combinai- Une société devrait toujours choisir une combi-
son B, il faut sacrier un millier de tonnes de naison optimale, c’est-à-dire une combinaison
denrées alimentaires si on veut produire un mil- qui se trouve sur la limite des possibilités de pro-
lier de camions militaires. Toutefois, lorsqu’on duction. À la figure 1.3 (voir la page précédente),
passe de B à C, il faut sacrier davantage, soit les combinaisons A, B, C, D et E sont optimales,
deux milliers de tonnes de denrées alimentaires, car on ne peut produire plus d’un bien sans dimi-
pour obtenir la même hausse de production de nuer la production de l’autre bien.
camions militaires. En poursuivant le raisonne- Par contre, le point W, qui est situé à l’intérieur
ment, on remarque que le coût d’option par unité de la limite, n’est pas une combinaison optimale.
produite ne cesse de croître à mesure qu’on se On parle alors de chômage ou de sous-utilisation
déplace de A à E. C’est ce qui explique la concavité d’autres ressources. Dans cette situation, il
de la courbe. serait possible de produire davantage des deux
Le même phénomène se produira si l’on veut biens sans sacrifice supplémentaire. Quant au
accroître la production de denrées alimentaires point Z, il représente une combinaison inacces-
(du point E au point A). En fait, lorsqu’on accroît la sible à court terme, étant donné les hypothèses
quantité de denrées alimentaires, la production de base.
augmente, mais à un rythme de plus en plus lent,
puisque, pour une même quantité de camions 1.3.3 Le déplacement de la courbe
militaires sacriés, on obtient de moins en des possibilités de production
moins de denrées alimentaires supplémentaires.
Toute augmentation des facteurs de production
C’est la loi des rendements décroissants (ou
(accroissement de la main-d’œuvre, par exemple)
son corollaire, la loi des coûts croissants).
ou toute amélioration de ceux-ci (progrès tech-
Si on veut augmenter la production de denrées nologique, par exemple) permet à une société de
alimentaires, il faudra probablement employer produire davantage des deux biens. Ainsi, une
davantage de main-d’œuvre provenant du secteur température propice aux récoltes et une robo-
militaire. Et plus on augmentera la production, tisation dans le domaine militaire représentent
plus il sera dicile de recruter de la main-d’œuvre un accroissement de la capacité de production
qualiée pour produire ces denrées puisque les res- des deux biens. Dans un tel cas, la limite des pos-
sources humaines ne sont pas parfaitement substi- sibilités de production se déplace parallèlement
tuables ou mobiles. Il s’ensuivra une augmentation vers la droite, comme l’indique la figure 1.4.

Loi des rendements décroissants Principe selon


lequel, lorsqu’une entreprise ajoute à des facteurs
xes une quantité successive d’un facteur variable,
la production augmente, mais à un rythme de plus en
plus lent.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 13

FIGURE 1.4 Augmentation de la limite des possiblités 1.3.4 Un modèle simpliste ?


de production
Le modèle des possibilités de production peut pa‑
raître une simplication extrême d’une réalité
beaucoup plus complexe. Pourtant, il exprime de
façon méthodique une réalité quasi universelle, soit
la nécessité de choisir dans un contexte où les res‑
sources sont presque toujours insusantes pour
nos ambitions (ce qu’on a parfois tendance à oublier
si l’on en juge par certains de nos comportements
ou certaines de nos revendications).
De plus, cette méthode est la version simpliée de
la même démarche utilisée par les économistes
lorsqu’ils doivent analyser des situations particu‑
lières dans notre société ou qu’ils doivent conseiller
les agents économiques dans leur prise de décisions
(voir l’exemple 1.2). C’est pourquoi nous utilisons ce
type de raisonnement en science économique, quelle
que soit l’organisation économique.

EXEMPLE 1.2 Les déplacements de la courbe des possibilités de production


Changements dans les règles du jeu Changements dans les ressources disponibles

Quel devrait être l’effet sur la courbe des possibilités Quel devrait être l’effet sur la courbe des possibilités de production
de production de la France d’un attentat terroriste? du Québec d’une augmentation de travailleurs agricoles étrangers ?
La courbe des possibilités de production illustrée La courbe des possibilités de production illustrée
ci-dessous représente les possibilités d’arbitrage entre les ci-dessous représente les possibilités d’arbitrage entre les
biens de consommation (aliments, vêtements, tourisme, etc.) biens de consommation (aliments, vêtements, tourisme, etc.)
et les biens d’équipement (machinerie, outils, etc.). et les biens d’équipement (machinerie, outils, etc.).
Une plus grande incertitude (comme celle qui découle d’un En supposant que le Québec ne puisse produire que des biens
attentat terroriste) peut provoquer une perte de conance et, de consommation et des biens d’équipement, la venue de
par conséquent, une diminution des investissements, ce qui milliers de travailleurs agricoles étrangers augmenterait la
réduit la capacité de production de biens de consommation capacité de production de biens alimentaires, donc de biens de
et d’équipement du pays. Il en résulte un déplacement vers la consommation, peu importe le niveau de production de biens
gauche de la courbe des possibilités de production. d’équipement. Par conséquent, la courbe des possibilités de
production se déplacerait vers la droite, mais uniquement pour
ce bien (biens de consommation). Si l’économie québécoise se
déplace du point A au point B, alors la production de biens de
consommation et d’équipement s’accroit.
14 CHAPITRE 1

Actualité économique
Les inondations en Corée du Nord ont fait au moins 119 morts
L’agence ofcielle nord-coréenne plus de 30 000 hectares de cul- en cas de pluies violentes. La Corée
KCNA a annoncé que des inondations tures céréalières. du Nord souffre de pénuries alimen-
survenues en juillet avaient causé la taires chroniques en raison d’une
mort d’au moins 119 personnes, fait Une déforestation intensive a rendu économie en lambeaux, après des
quelque 84 000 sans-abri et détruit le pays vulnérable aux inondations décennies de centralisation et d’allo-
cation des ressources principalement
à l’armée et au programme nucléaire.
Les Nations unies estimaient en
novembre que trois millions de Nord-
Coréens, sur une population de
vingt-quatre millions, avaient besoin
d’une aide alimentaire d’urgence.

À vous de jouer !

Veuillez vous reporter à la gure 1.3


(voir la page 11) pour répondre aux
questions suivantes.
1 Comment illustreriez-vous sur la
courbe des possibilités de pro-
duction le choix de la Corée du
Nord d’allouer plus de ressources
qu’avant à l’armée (donc à la pro-
duction de camions militaires) ?
Expliquez votre réponse.
Dotée d’armes nucléaires et forte de 1,1 million de soldats postés pour la plupart 2 Quel semblerait être l’effet des
près de la frontière avec la Corée du Sud, la Corée du Nord est l’un des pays les plus importantes inondations en Corée du
militarisés du monde. Pourtant, elle est un des pays les plus pauvres. Il s’agit de
toute évidence d’une utilisation catastrophique de ses ressources rares, notamment
Nord sur la courbe des possibilités de
humaines, à des ns militaires ou de sécurité. production ? Expliquez votre réponse.

Source : Adapté de Le Monde.fr. (1er août 2012). « Les inondations en Corée du Nord ont fait au moins 119 morts » ; 20 minutes.fr. (1er août 2012).
« Inondations Corée du Nord : Au moins 119 morts, besoin d’aide. »

1.4 Organisation économique Quoi produire ?


Le problème de la rareté contraint toutes les éco- Il s’agit de la question relative à l’allocation des res-
nomies du monde à faire des choix et à répondre le sources limitées, c’est-à-dire au point choisi sur la
mieux possible aux besoins de la société. Les méca- courbe des possibilités de production. Dans la sec-
nismes mis en place pour gérer ces choix d’aecta- tion précédente, nous avons vu qu’il était possible
tion de ressources rares forment l’organisation de de produire une certaine quantité d’aliments ou de
l’activité économique. camions militaires.
La question est donc ici de savoir si on devrait
1.4.1 Trois questions fondamentales produire davantage de biens militaires et moins
Toute organisation économique, quelle qu’elle soit, de nourriture, ou plus de nourriture et moins de
doit répondre à trois questions fondamentales. biens militaires.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 15

Comment produire ? décentralisée. Ainsi, les ressources et la richesse


Il s’agit de déterminer comment organiser eca- appartiennent aux individus et aux entreprises
cement la production. Dans notre exemple, cela privées. Les entreprises font des choix qui per-
suppose de savoir quelles ressources conviennent mettent de maximiser leurs prots ; pour ce faire,
le mieux à la production de biens alimentaires et elles produisent les biens et les services désirés par
de camions militaires. Vaut-il mieux utiliser une les consommateurs. Ceux-ci, de leur côté, cherchent
nouvelle technologie ou continuer à produire à maximiser leur satisfaction en se procurant ces
avec la même technique de production ? biens et ces services au prix le plus bas possible.

Pour qui produire ? Dans une économie de marché, les décisions des
agents économiques sont entièrement soumises
C’est le problème de la répartition de la production.
aux lois du marché, c’est-à-dire en fonction de l’ore
Doit-on laisser les agents économiques libres ?L’État
et de la demande. Si la demande (les intentions
doit-il intervenir ? Dans l’armative, quel rôle doit-
d’achat des consommateurs) est supérieure à l’ore
il jouer ? Doit-il satisfaire le plus grand nombre pos-
(les intentions de vente des entreprises), le prix
sible de besoins ou doit-il plutôt assurer l’essentiel et
augmente. Inversement, si l’ore est supérieure à
laisser la loi du plus fort faire son œuvre ?
la demande, le prix diminue. Par conséquent, l’État
n’a pas à intervenir puisque le système des prix agit
1.4.2 Les modèles comme un régulateur de l’activité économique.
d’organisation économique L’économie de marché s’appuie donc sur la libre inte-
En somme, une économie est une organisation qui raction entre les entreprises et les consommateurs.
tente de répondre aux trois questions que nous
venons de soulever. Cependant, la façon dont elle L’économie planiée (modèle socialiste)
s’y prend pour y répondre dépend grandement Dans une économie planiée, la propriété des
du modèle d’organisation économique, ou moyens de production est collective, et l’économie
système économique, dont elle s’est dotée. On dis- est centralisée. En Corée du Nord, qui demeure
tingue généralement trois modèles d’organisation avec Cuba et le Vietnam l’un des derniers bastions
économique, qui sont fonction de la propriété des ociellement socialistes de la planète, les entre-
moyens de production, laquelle peut être privée ou prises appartiennent à l’État et sont exploitées
collective, et de la coordination de l’activité écono-
mique, qui peut être centralisée ou décentralisée.
L’économie de marché (modèle libéral
ou capitalisme libéral)
Dans une économie de marché, la propriété des
moyens de production est privée et l’économie est

Modèle d’organisation économique Système éco-


nomique sur lequel repose l’allocation des ressources
rares de façon à répondre aux trois questions fonda-
mentales : « Quoi produire ? Comment produire ? Pour
qui produire ? »
Économie de marché Système économique dans
lequel la propriété des moyens de production est
privée et l’économie est décentralisée.
Économie planiée Système économique dans
lequel la propriété des moyens de production est Depuis 1963, les Cubains doivent présenter la libreta (livret
collective et l’économie est centralisée. d’approvisionnement aussi appelé livret de rationnement) pour se
procurer les produits alimentaires dont ils ont besoin.
16 CHAPITRE 1

selon ses directives. Celles-ci sont émises par un producteur de certains biens et services qu’il ore à
comité central de planication chargé d’établir sa population, généralement à des tarifs accessibles,
les besoins de la population et de coordonner les parfois même gratuitement, la ponction scale sur
activités économiques. C’est donc lui qui répond les revenus des individus sera importante, per-
aux trois questions fondamentales. En eet, le mettant de nancer ces services et réalisant ainsi
comité central xe les quantités que les entre- la fonction redistributive mentionnée précédem-
prises vont produire et détermine la façon dont ment. Le tableau 1.2 résume les caractéristiques des
elles vont les produire. Et, dans la mesure où il xe principaux modèles d’organisation économique.
les salaires des employés, le comité central déter-
mine également la consommation de chacun.
L’économie mixte (modèle social-démocrate)
1.5 Historique des grands
L’économie mixte est le type d’économie privilégié courants de la pensée
par la majorité des pays du monde. On parle d’éco- économique
nomie mixte pour désigner la double régulation
de l’économie par le marché et l’État. Au Canada, Depuis l’avènement de l’économie moderne, dont on
près de 40 % de la production de l’économie est fait remonter les débuts à la révolution industrielle,
eectuée directement par l’État, ce qui représente le débat fait rage entre ceux qui défendent l’idée
que pour atteindre la meilleure organisation écono-
à peu près la moyenne des pays les plus industriali-
sés membres de l’Organisation de coopération et de mique possible, il faut laisser les agents économiques
développement économique (OCDE). Ainsi, l’État poursuivre leur meilleur intérêt, et ceux qui croient
est le maître d’œuvre en santé, en éducation et en plutôt qu’il faut restreindre l’initiative des agents
infrastructures. Il intervient aussi indirectement, économiques pour parvenir à un meilleur niveau de
notamment en redistribuant les revenus sous forme vie. Les grands courants de la pensée économique
de pensions de vieillesse, de prestations d’assurance- sont décrits ci-après et résumés à la gure 1.5. L’an-
emploi et de subventions versées aux entreprises. nexe Web intitulée « Les grands penseurs écono-
miques » vous permettra également d’approfondir
Les économies mixtes se caractérisent générale- vos connaissances en histoire de l’économie.
ment par la présence d’une majorité d’entreprises
privées. Toutefois, l’État y intervient de façon mar- Économie mixte Système économique dans lequel il
quée, notamment en légiférant sur les prix ou en les y a une double régulation de l’économie par le marché
inuençant indirectement par des taxes ou des sub- et l’État.
ventions. Par ailleurs, comme l’État lui-même est le

TABLEAU 1.2 Caractéristiques des principaux modèles d’organisation économique

Économie mixte
Base du système Économie de marché (Libérale) Économie planiée (Socialiste)
(Social-démocrate)
Recherche de l’intérêt individuel et Libéralisme économique nuancé
Recherche d’une société égalitaire
Idéologie du prot (priorité aux individus et par l’intervention de l’État dans
(priorité à la collectivité).
aux entreprises privées). l’économie.
Les moyens de production et les
Les moyens de production et ressources appartiennent en partie
Propriété des moyens les ressources appartiennent Les moyens de production et les au privé. Toutefois, l’État est le
de production aux individus et aux entreprises ressources appartiennent à l’État. maître d’œuvre dans les domaines
privées. qu’il juge essentiels au bien-être
de la collectivité.
Les quantités de biens produites
Les quantités de biens produites et L’activité économique (production,
et les prix sont xés selon les
Coordination de les prix sont xés selon les lois du consommation, prix, salaires, etc.)
lois du marché. Toutefois, l’État
l’activité économique marché (l’offre et la demande) (voir est contrôlée et réglementée
intervient pour tenter de corriger
le chapitre 2 ). par l’État.
les défaillances du marché.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 17

FIGURE 1.5 Résumé des grands courants de la pensée économique

1.5.1 Les classiques


Ce n’est qu’au  e siècle, dans le bouleverse-
ment des rapports sociaux engendré, entre autres, Classicisme École de pensée associée à l’écono-
par la Révolution française (1789-1799) et la miste écossais Adam Smith (1723-1790), fondateur
révolution industrielle, que l’économique prend de la science économique dite moderne. Son œuvre,
véritablement son envol comme science distincte. Recherches sur la nature et les causes de la richesse
des nations et publiée pour la première fois en 1776,
Associé à Adam Smith (1723-1790), le classi- expose les vertus de l’industrialisation et de l’écono-
cisme, considéré comme le premier courant de mie de marché (le capitalisme libéral) en rupture avec
pensée économique moderne, préconise la poli- le modèle d’économie de subsistance.
tique du laisser-faire.
18 CHAPITRE 1

Dans son œuvre intitulée Recherches que de laisser sa place au socialisme, nouveau
sur la nature et les causes de la système dans lequel la propriété des moyens de
richesse des nations (1776), Adam production serait collective et l’exploitation, abo-
Smith énonce le célèbre principe lie. Parmi ceux qui ont été inuencés par l’idéo-
de la main invisible : en pour- logie marxiste gure Vladimir Ilitch Oulianov,
suivant son intérêt person- dit Lénine (1870-1924), révolutionnaire russe et
nel, chaque individu conduit, meneur de la Révolution d’octobre, survenue en
comme par l’eet d’une main 1917. Cette révolution allait donner naissance au
invisible, à la réalisation de l’in- premier État socialiste de la planète : l’Union des
térêt collectif, et ce, plus ecace- républiques socialistes soviétiques (URSS).
ment que dans le cas où il aurait
réellement l’intention de le faire. Cette
philosophie de l’ordre naturel joue 1.5.3 Les néoclassiques :
un rôle essentiel dans le développe- la révolution marginaliste
ment du libéralisme économique, Vers 1870, alors que le processus d’industrialisa-
qui s’épanouit avec le triomphe tion suit son cours, l’économie politique subit une
du capitalisme. transformation importante avec ce qu’on appelle la
révolution marginaliste, point de départ de
Bien que les questions d’ordre économique aient été abor‑ la théorie néoclassique (ou néoclassicisme).
dées par plusieurs penseurs avant lui, Adam Smith (1723‑1790)
est considéré comme le véritable père de la science écono‑ Pour comprendre cette révolution, disons que
mique moderne. la science économique reposait à l’époque sur la
méthode de l’argumentation critique plutôt que
1.5.2 Les marxistes sur le principe des démonstrations réfutables, qui
Au début du e siècle, les excès des premières forme la base de la méthode scientique moderne.
phases d’industrialisation et la succession régu- Les marginalistes ont développé des outils mathé-
lière de crises économiques entraînent une vio- matiques pour représenter le comportement des
lente réaction au capitalisme. agents économiques et ainsi faire des prévisions, ce
Le marxisme prévoit la rup- qui est fort utile si nous voulons éviter de répéter
ture du système capitaliste, les mêmes erreurs. On les appelle « marginalistes »
car ce dernier est, selon le phi- parce qu’ils ont fait la démonstration que les
losophe et économiste alle-
mand Karl Marx (1818-1883), Main invisible Principe économique selon lequel
condamné à disparaître. chaque individu, en poursuivant son intérêt per‑
sonnel, conduit à la réalisation de l’intérêt collectif.
Dans son œuvre intitulée Le
Capital (1867), Marx explique Marxisme Doctrine philosophique, politique et écono‑
que l’accumulation de capital mique de Karl Marx (1818‑1883) qui prône la rupture
du système capitaliste et la naissance d’une société
physique aux dépens des travail- sans classes.
leurs est à l’origine de ces crises.
Ainsi, en raison des contradic- Révolution marginaliste Théorie fondée sur le prin‑
cipe de l’utilité marginale, c’est‑à‑dire sur la satisfac‑
tions internes du système capi- tion additionnelle que procure la consommation d’une
taliste libéral, le capitalisme de unité supplémentaire.
l’époque n’aurait d’autre choix
Néoclassicisme Théorie selon laquelle chaque agent
e
Karl Marx (1818‑1883). Au xix siècle, les marxistes ne
économique optimise de façon rationnelle l’utilisation
prédisaient pas une longue vie au système capitaliste naissant. des biens dont il dispose et qui reprend la conclusion
Ils croyaient que l’appétit démesuré des propriétaires du capital du classicisme selon laquelle les marchés se régulent
mènerait à une exploitation telle de la masse des travailleurs que eux‑mêmes.
cela conduirait inévitablement à un effondrement du système.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 19

agents économiques ne rééchissent pas toujours Keynes préconise le soutien au


globalement, mais prennent plutôt des décisions à revenu pour favoriser la consom-
la marge, en unités supplémentaires. Par exemple, mation ainsi qu’une politique
un agent économique qui se demande s’il va budgétaire pour relancer l’inves-
consommer une bière de plus se demande si l’utilité tissement. Les politiques macro-
que lui rapporte cette bière est supérieure ou non au économiques modernes qui en
prix de celle-ci (par utilité, on entend la satisfaction résultent seront qualiées par la
ou le bonheur que procure la consommation de suite de politiques keynésiennes.
biens ou de services). Le modèle de l’équilibre géné- Les années 1950 et 1960 seront
ral qu’a élaboré l’économiste français Léon Walras marquées par un accroissement
(1834-1910), qui domine encore aujourd’hui la pen- de l’interventionnisme.
sée économique, constitue la formalisation mathé-
matique de ces raisonnements microéconomiques. L’essor du keynésianisme aurait
pu donner l’illusion qu’il occu-
pait toute la scène, mais il est à
son tour remis en question. En
J. M. Keynes (1883-1946).
1973, la crise du pétrole, causée Au xxe siècle, les keynésiens
principalement par la guerre contestent les théories du
du Kippour, quatrième guerre libéralisme économique .
israélo-arabe, provoque une
hausse simultanée du taux de chômage et du taux
d’ination. Elle remet ainsi en cause les certitudes
associées à la toute-puissance de l’État pour régler
tous les problèmes d’ordre macroéconomique et
symbolise, pour certains penseurs et acteurs de la
société, l’échec des politiques keynésiennes.

1.5.5 L’école autrichienne


Après la Première Guerre mondiale, l’école
Au xixe siècle, Léon Walras (1834-1910) et les autres penseurs
néoclassiques ont développé des outils mathématiques pour autrichienne (ou de Vienne), dont les princi-
démontrer la suprématie de l’économie de marché. paux représentants sont Ludwig von Mises et
Friedrich A. Hayek, marque la théorie écono-
mique. Parmi ses contributions scientiques et
1.5.4 Les keynésiens politiques les plus importantes, on trouve le calcul
économique des agents (le coût d’option dans les
Pendant tout le e siècle et jusqu’à la Première
choix humains, par exemple), la théorie subjective
Guerre mondiale, les crises économiques ne ces-
de la valeur, des explications sur les origines des
sent de corrompre les économies capitalistes. Après
cycles économiques et sur le rôle essentiel de
la Grande Dépression de 1929, l’économiste an-
glais John Maynard Keynes (1883-1946) publie
éorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la
monnaie (1936), ouvrage dans lequel il remet en Utilité Mesure de la satisfaction ou du bonheur que
procure la consommation de biens ou de services.
question l’ecacité naturelle des marchés à régu-
ler l’économie, tout en proposant quelques leviers École autrichienne École de pensée, dont les
essentiels pour ramener l’économie mondiale à un principaux représentants furent Ludwig von Mises et
Friedrich A. Hayek, se caractérisant par l’importance
équilibre général de croissance modérée et de plein- accordée aux prix relatifs en tant que coordination des
emploi, notamment en soutenant la demande des décisions économiques des agents dans une économie.
agents économiques.
20 CHAPITRE 1

industrialisé. Ainsi, pour l’économiste américain


Milton Friedman (1912-2006, Prix Nobel d’éco-
nomie en 1976), l’ination ne provient pas d’une
demande globale excédentaire ou d’un choc de
l’ore, mais plutôt d’une gestion inadéquate de la
monnaie dans l’économie (voir le chapitre 7).
Les monétaristes préconisent donc une politique
de contrôle strict de la croissance de l’ore de
monnaie.
S’inspirant de ce courant de pensée, les conser-
vateurs de Margaret Thatcher et les républi-
cains de Ronald Reagan mettent en œuvre un
contrôle rigoureux des dépenses publiques et
une politique monétaire stricte impliquant des
taux d’intérêt très élevés. Ils sont, en quelque
sorte, les précurseurs d’un courant de pensée
associé à un retour à un
libéralisme accru
Friedrich A. Hayek (1899-1992), Prix Nobel d’économie en
et à un amoin-
1974 et membre de l’École autrichienne, un des opposants les drissement de
plus farouches à l’intervention de l’État dans l’économie. Il a l’intervention
notamment élaboré une théorie monétaire selon laquelle les
crises économiques seraient la conséquence d’un excès du
de l’État, à
crédit et des investissements. l’échelle des
nations comme
la déduction logique dans la méthodologie des à l’échelle
sciences humaines ainsi que la défense de la
libre concurrence.
Selon cette école, seuls les prix sont capables de
coordonner ecacement toute l’information et
la prise de décision des agents économiques en
matière de production et de consommation, et de
procurer la prospérité. Ainsi, toute intervention
gouvernementale sur les marchés nuit à leur bon
fonctionnement et atténue leur ecacité.
Les idées de l’école autrichienne restent en marge
de l’économie jusqu’au début des années 1980, où Milton Friedman (1912-2006), Prix Nobel d’économie en
1976 et fondateur de l’école monétariste de Chicago. Pour les
ils trouvent écho dans les politiques de Margaret monétaristes, le rôle de l’État devrait se limiter à une stricte
atcher (première ministre du Royaume-Uni de rigueur monétaire (d’où leur nom), élément essentiel pour favoriser
1979 à 1990) et de Ronald Reagan (président des l’expansion de la libre entreprise.
États-Unis de 1981 à 1989).

1.5.6 Les monétaristes Monétarisme École de pensée représentée par


Milton Friedman (1912-2006) qui défend une poli-
À partir de 1970, le monétarisme se propose tique de contrôle strict de la croissance de l’offre
rapidement comme une solution de rechange au de monnaie.
modèle keynésien alors dominant dans le monde
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 21

internationale, ce que certains dénoncent comme macroéconomie keynésienne arrivent respec-


une mondialisation ultralibérale aux conséquences tivement aux mêmes conclusions, soit l’ineca-
néfastes pour les pouvoirs des États nationaux qui cité des politiques macroéconomiques pour l’une
voudraient instaurer un autre modèle économique et la nécessaire intervention de l’État pour l’autre.
et social.
À ce titre, il reste que la question fondamentale
qui les diérencie est toujours celle du rôle de
1.5.7 Les héritiers de la pensée l’État dans l’économie. Ainsi, pour les héritiers
économique contemporaine de la pensée économique classique, la politique du
laisser-faire constitue la meil leure solution pour
Même si les concepts des deux grands courants atteindre l’équi libre, tandis que, pour les héritiers
de la pensée économique, regroupant classiques de la pensée keynésienne, c’est plutôt l’interven-
et monétaristes, d’une part, et keynésiens de tion nisme qui est privilégié à cette n.
l’autre, se sont élargis et renouvelés, leur base
théorique demeure fondamentalement la même. Bien qu’il soit encore trop tôt pour déceler un
Malgré l’intégration de nouveaux concepts dans courant de pensée historique, il semble que la
leur modèle, telle la théorie des jeux (voir la crise économique ou la dépression de 2008-2009
page 41 pour plus de détails), la nouvelle ait encore bouleversé la pensée économique
macroéconomie classique (Robert Lucas, dominante. Les grandes institutions interna-
Prix Nobel d’économie en 1995) et la nouvelle tionales comme les principaux pays dominant
la scène mondiale ont redécouvert les vertus de
l’interventionnisme (et donc du keynésianisme),
ce qui transparaît dans leurs discours et dans
leurs orientations en matière de politiques éco-
nomiques. Pour une première fois peut-être dans
l’histoire, on parle de la nécessité d’une concerta-
tion supranationale, voire mondiale, pour sortir
l’économie planétaire des périls qui la menacent
d’eondrement.

Nouvelle macroéconomie classique (NMC)


Courant de pensée apparu au début des années
1970, notamment sous l’impulsion de Robert Lucas,
et qui se proposait de réhabiliter les thèses des
classiques pour bien marquer leur opposition au
courant keynésien.
Nouvelle macroéconomie keynésienne (NMK)
Courant de pensée né dans les années 1980 en réponse
à la NMC et qui cherche à expliquer les déséquilibres
Robert Lucas (1937- ), Prix Nobel d’économie en 1995 et
fondateur de la nouvelle école classique. Pour les nouveaux
macroéconomiques à partir des comportements indivi-
classiques, tous les agents économiques se comportent duels, prônant en conséquence l’intervention de l’État
rationnellement. Inutile donc de tenter de relancer la dans l’économie.
consommation en baissant les impôts ou les taux d’intérêt.
22 CHAPITRE 1

Grands courants de la pensée économique


Adam Smith et le principe de la main invisible
« Adam Smith est le plus célèbre et de la main invisible. « Ce n’est pas de y visait vraiment (Smith, 1995, livre
le plus connu des économistes. On le la bienveillance du boucher, du bras- IV, p. 513). »
considère d’ailleurs souvent comme le seur, ou du marchand, que nous atten-
fondateur de cette discipline. Il faut dons notre dîner, mais du souci qu’ils Lorsque l’ouvrage d’Adam Smith,
dire que les Recherches sur la nature ont de leur propre intérêt. » (Smith, Richesse des nations, a été publié
et les causes de la richesse des 1995, livre I, p. 16) « En dirigeant cette en 1776, les mots de l’auteur son-
nations en constituent à la fois le pre- industrie de façon que son produit nèrent comme de la musique céleste
mier grand traité et celui qui a connu puisse être de la plus grande valeur, aux oreilles des défenseurs du libre
le plus de succès. » (Dostaler, 2002, [l’individu] ne vise que son propre marché. Ces derniers considèrent
p. 76) Il est difcile de dire précisé- gain. Et il est en ce cas, comme en depuis que la politique du laisser-faire
ment pourquoi cette œuvre a acquis bien d’autres, conduit par une main demeure la meilleure solution pour
une telle notoriété ; peut-être est-ce par invisible pour faire avancer une n qui une société, puisqu’elle lui permet
ses arguments en faveur de la liberté ne faisait point partie de son inten- de parvenir à exploiter au mieux les
individuelle et des lois du marché (fon- tion. […] En poursuivant son propre ressources dont elle dispose. L’État n’a
dements du libéralisme économique), intérêt, il fait souvent avancer celui de alors pas à intervenir, le système des
comme en fait foi son célèbre principe la société plus efcacement que s’il prix agissant comme régulateur de
l’activité économique.

Pourquoi certains économistes sont-


ils d’avis que la main invisible produirait
de bons résultats économiques pour la
société ? En d’autres mots, pourquoi
pensent-ils que la recherche par
chaque individu de son intérêt per-
sonnel conduirait à la réalisation de
l’intérêt collectif ? L’argument des théo-
riciens de la pensée néoclassique,
comme W. Stanley Jevons (1835-
1882) et Léon Walras (1834-1910),
repose essentiellement sur l’idée
selon laquelle, en situation de concur-
rence parfaite où les forces du marché
sont libres d’agir, le libre fonction-
nement des marchés conduit à un
équilibre général de l’économie et
à la maximisation du bien-être de
la population.

Utopique, dites-vous ! Il n’en demeure


pas moins que le modèle de l’équi-
libre général walrasien (modèle selon
lequel l’équilibre peut se réaliser sur
tous les marchés simultanément), qui
domine encore aujourd’hui la pensée
économique, constitue la référence
théorique sur laquelle se fondent les
libéraux (classiques et néoclassiques)
pour démontrer la suprématie de
l’économie de marché.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 23

En un clin d’œil

Microéconomie
Branche de l’économique qui étudie
les comportements individuels
Économique des agents économiques.
Étude de l’utilisation des
ressources rares pour satisfaire
des besoins illimités.
Macroéconomie
Branche de l’économique qui étudie
les comportements collectifs et la relation
entre les phénomènes globaux.

Besoins illimités

Coût d’option
Problème Choix
de rareté Ce à quoi il faut renoncer pour
Ressources limitées obtenir un bien ou un service.
• Ressources naturelles
• Ressources humaines
• Capital physique
• Technologie

Calcul du coût d’option


Pente de la courbe des possibilités de production.
Limite des possibilités
de production
Combinaisons optimales
des produits qu’une société
peut produire. Loi des rendements décroissants
Plus on ajoute à des facteurs xes une quantité successive d’un facteur
variable, plus la production augmente, mais à un rythme de plus en plus lent.

Trois questions fondamentales


• Quoi produire ?
• Comment produire ?
• Pour qui produire ?

Organisation économique
Modèles d’organisation économique
• Économie de marché (modèle libéral ou capitalisme libéral)
• Économie planiée
• Économie mixte
24 CHAPITRE 1

Classicisme
(Adam Smith)
Politique du laisser-faire

Néoclassicisme
(Léon Walras)
Révolution marginaliste

École autrichienne
Libéralisme économique (Friedrich A. Hayek )
Efcacité de l’économie de marché

Monétarisme
(Milton Friedman)
Politique de contrôle strict de
la croissance de l’offre de monnaie

Nouvelle macroéconomie
classique
(Robert Lucas)
Inefcacité des politiques
Courants de pensée macroéconomiques

Marxisme
(Karl Marx)
Socialisme

Keynésianisme
Interventionnisme (John Maynard Keynes)
Interventionnisme de l’État

Nouvelle macroéconomie
keynésienne
Efcacité des politiques
macroéconomiques
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 25

Testez vos connaissances Le tableau ci-dessous décrit sommairement les dif-


férentes combinaisons optimales de production de
biens militaires (bombes nucléaires) et civils qui
Questions de révision s’orent à l’Iran.
Possibilités de production
1 Dénissez l’économique. Produits
A B C D E
2 L’économie est-elle une science homogène ?
Bombes nucléaires
3 Qu’est-ce qu’un modèle ? À quoi sert un modèle ? 0 1 2 3 4
(unités par année)
4 Quelle branche de l’économique étudie les com- Biens civils
15 14 11 6 0
portements individuels des agents économiques ? (milliers par année)

5 Selon vous, à quel principe fondamental de l’éco- a) À partir de ces données, tracez sur un graphique
nomie fait-on allusion lorsqu’on arme : « on ne la courbe des possibilités de production (mettez
peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre » ? sur l’axe des « Y », c’est-à-dire sur l’axe vertical, le
6 Pourquoi la pente de la courbe des possibilités de nombre de biens civils par année).
production est-elle négative ? b) Expliquez comment la courbe des possibili-
7 Quelles sont les trois questions fondamentales tés de production illustre le principe des coûts
auxquelles doit répondre toute organisation croissants.
économique ? c) Si la production de l’Iran se situe actuellement au
8 Pourquoi dit-on que la Corée du Nord a une écono- point B, quel serait le coût d’option en biens civils
mie planiée ? pour la production d’une bombe nucléaire de
plus ? Expliquez votre réponse à l’aide de calculs.
9 Quels sont les deux grands courants de la pensée d) Illustrez graphiquement l’eet sur l’économie
économique ? Associez à chacun d’eux les écono- iranienne d’une diminution de la main d’œuvre
mistes suivants : Adam Smith, Milton Friedman, disponible.
John M. Keynes.
13 Au terme de votre DEC, vous prévoyez sans doute
10 Décrivez le célèbre principe de la main invisible poursuivre vos études au niveau universitaire
qu’a formulé Adam Smith. ou entrer sur le marché du travail an de gagner
rapidement de l’argent. Le tableau ci-dessous
illustre les diérentes combinaisons optimales qui
Questions d’application s’orent à vous.
11 Considérons le cas de Mélanie, qui est avocate et Combinaisons possibles
mère de trois enfants. À l’exclusion de ses heures Activités
A B C D E F
de sommeil, Mélanie dispose de 16 heures par
jour. Une partie de son temps est consacrée à ses Cours universitaires
0 1 2 3 4 5
(par semaine)
enfants et une autre, à son travail. Pour chaque
heure de travail, elle touche une rémunération de Heures travaillées
40 32 24 16 8 0
(par semaine)
90 $, qu’elle peut ensuite dépenser pour sa consom-
mation de biens et de services. a) À partir du tableau ci-dessus, tracez sur un gra-
a) Si Mélanie ne désire pas travailler, combien phique la courbe des possibilités de production
d’heures par jour peut-elle consacrer à ses enfants ? (mettez sur l’axe des Y le nombre de cours univer-
b) Quelle somme d’argent dispose-t-elle par jour si sitaires par semaine).
elle décide de travailler toute la journée ? b) Quel est le coût d’option ? De quel type de coût
c) Quel est le coût horaire (le manque à gagner) lié s’agit-il ?
au temps consacré aux enfants ? c) Combien d’heures pourriez-vous travailler si vous
d) Comment appelle-t-on ce type de coût ? ne suiviez pas de cours à l’université ?
12 On nous donne souvent l’exemple de l’Iran comme d) Si vous décidiez de vous inscrire à un cours à
faisant une utilisation catastrophique de ses res- l’université, combien d’heures pourriez-vous
sources rares pour des usages militaires ou de sécu- travailler ?
rité. Pourtant, Téhéran ne cesse de déclarer qu’elle e) Comment pourriez-vous arriver à travailler
ne cherche pas à enrichir de l’uranium à des ns 40 heures par semaine tout en suivant un cours
militaires, mais plutôt pour produire de l’électricité. à l’université ?
26 CHAPITRE 1

14 L’Ukraine est soumise à un arbitrage entre l’acier 16 Choisissez un économiste célèbre sur lequel vous
et le fer. En utilisant toutes ses ressources pour avez déjà certaines connaissances. À l’aide d’une
la production d’acier (bien Y), l’Ukraine peut recherche à la bibliothèque ou dans Internet,
produire 35 millions de tonnes par année ; en décrivez-le brièvement (renseignements bio-
consacrant les mêmes ressources à la production graphiques, courants de pensée, etc.) et dites en
de fer (bien X), elle en produirait annuellement quoi il a contribué à façonner l’économie (œuvre
70 millions de tonnes. Le rendement est considéré importante, concepts fondamentaux, principales
comme étant constant. idées ou théories, etc.).
a) Tracez sur un graphique la courbe des possibilités
de production.
b) Indiquez une combinaison optimale, une combi-
Question d’intégration
naison inaccessible et une combinaison inecace. Nous avons vu dans ce chapitre que la science éco-
c) Calculez le coût d’option de l’acier et interprétez nomique n’est pas homogène et qu’elle ne peut à elle
votre réponse. seule expliquer le fonctionnement de notre société. En
tenant compte des autres cours de votre programme,
d) Illustrez l’eet d’une invasion armée et de l’occu-
précisez comment ces disciplines des sciences hu-
pation de la Russie.
maines peuvent aider à mieux cerner l’aspect écono-
15 Quel lien peut-il y avoir entre la pensée écono- mique de notre vie en société.
mique et les décisions politiques ?

Appendice mathématique

L’utilisation des graphiques La pente d’une droite


Lorsqu’il existe un lien linéaire entre deux variables, il
en économie est intéressant de trouver la pente de la droite an
de connaître l’incidence d’une variable sur une autre.
Les graphiques sont constamment utilisés par les éco-
On dénit la pente d’une droite par le rapport de deux
nomistes, car ils constituent un bon moyen de décrire
variations, c’est-à-dire de la distance de l’axe vertical
les relations entre les variables économiques. En langage
(Y) divisée par la distance de l’axe horizontal (X).
mathématique, on dit que Y est fonction de X et on écrit
Y = f (X) (qui se lit «Y est égal à f de X »). Une équation de ∆Y Y2 – Y1 où la lettre grecque (delta)
la forme Y = f (X) est un modèle mathématique qui décrit Pente = = ,
∆X 2 – X 1 désigne la variation de la variable.
X
le lien entre deux variables dont l’une est la variable
dépendante (Y) et l’autre, la variable indépendante (X).
La gure A-1.1 présente quatre droites. Les graphiques
La variable indépendante est celle à laquelle on attri- en a), en b) et en c) mesurent l’eet d’une variable (X)
bue des valeurs pour étudier le comportement de la sur la note obtenue dans le cours d’économie (Y), et
variable dépendante. le graphique en d) mesure l’eet de la note obtenue en
économie (X) sur une variable (Y).
La fonction linéaire En a) est illustrée la relation positive entre la note obte-
Une fonction linéaire est une fonction dénie par l’ex- nue en économie (Y) et le nombre d’heures d’étude
pression suivante : (X). Cette relation se traduit par une pente ascendante
(b > 0). Ainsi, dans cet exemple ctif, chaque heure
Y = bX + a, où b (pente) et a (ordonnée à l’origine) sont d’étude supplémentaire entraîne une hausse de 4 % de
des constantes. la note en économie.
On l’appelle « fonction linéaire » parce que sa repré- En b) est illustrée la relation entre la note obtenue
sentation graphique est nécessairement une droite. en économie (Y) et le nombre d’heures travaillées (X).
Il est à noter que les variables économiques ont géné- Il s’agit cette fois d’une relation négative représentée
ralement des valeurs supérieures ou égales à zéro. Par par une pente descendante (b < 0). On y comprend que
conséquent, nous n’utiliserons que le premier quadrant chaque heure supplémentaire passée au travail fait
lors de nos analyses. baisser de 2,5 % la note en économie.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 27

FIGURE A-1.1 Relations entre deux variables

Enn, il arrive souvent qu’une variable ne dépende pas points. Par exemple, entre les points A et B, la pente
d’une autre variable. Par exemple, en c), on constate que est égale à :
le prix de la poutine n’a aucun eet sur la note obtenue
en économie. Inversement, en d), on voit que le prix de ∆Y Y2 – Y1 85 – 55 30
= = = = 7,5
la poutine ne dépend aucunement des notes que les ∆X X 2 – X1 7 –3 4
étudiants obtiendraient en économie. Dans ces deux
derniers cas, les variables X et Y sont indépendantes FIGURE A-1.2 Relation non linéaire entre deux variables
(lorsqu’une des deux varie, l’autre ne varie pas).

La pente d’une courbe


Il est parfois dicile en économique de présenter un
modèle à l’aide d’une droite (c’e st le cas du modèle de
la limite des possibilités de production vu précédem-
ment dans le chapitre). Lorsqu’on est en présence d’une
courbe (relation non linéaire), comme à la gure A-1.2,
il est plus complexe d’en calculer avec exactitude la
pente. Toutefois, il existe quelques façons de contour-
ner le problème. L’une d’entre elles consiste à calcu-
ler tout simplement la pente moyenne entre deux
CHAPITRE

MODÈLE DE
CHAPITRE
2 L’OFFRE ET DE
LA DEMANDE

2.1 Marché ........................................................................ 30


2.2 Demande d’un produit ............................................. 32
2.3 Offre d’un produit ..................................................... 35
2.4 Équilibre et déséquilibre du marché..................... 38
2.5 Théorie des jeux à la rescousse du modèle
de l’offre et la demande ......................................... 41
2.6 Prix articiels ............................................................ 44
En un clin d’oeil ......................................................... 49
Testez vos connaissances ...................................... 51
Appendice mathématique ....................................... 54

« Vous pouvez transformer même un perroquet


en un économiste : il suft de lui apprendre
les deux mots “offre” et “demande” ».
Paul A. Samuelson (1915-2009), économiste américain,
Prix Nobel d’économie en 1970
OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• reconnaître les principaux marchés dans une économie ;
• identier les déterminants de la demande ;
• identier les déterminants de l’offre ;
• expliquer le mécanisme de l’offre et de la demande
dans la détermination des prix ;
• saisir les limites du modèle de l’offre et de la demande
pour expliquer les variations de prix ;
• analyser les conséquences sur un marché de certaines
interventions de l’État.

es biens et les services que nous consommons s’achètent et se vendent

L dans des centres commerciaux, des places d’affaires, par téléphone


et maintenant par Internet, à des prix qui doivent convenir à la fois aux
vendeurs et aux acheteurs. Comment ces prix sont-ils xés ? Qu’est-ce
qui détermine les quantités qui seront échangées et nalement consommées ? Le
vendeur d’automobiles qui vous voit hésiter y va d’un petit rabais supplémentaire,
ou peut-être est-ce vous qui tentez de lui arracher ce rabais ? Que penser du piège
des « deux pour un » ? Aviez-vous besoin d’une deuxième paire de lunettes ? Et que
dire du deuxième hamburger gratuit ? Aviez-vous deux fois plus faim ?
Dans une économie de marché comme la nôtre, on considère que ce sont les
prix qui déterminent principalement nos décisions d’achat une fois nos besoins
connus, et ce sont aussi les prix qui incitent les entreprises à produire tel bien ou
tel service et qui déterminent en quelle quantité elles doivent produire. Autrement
dit, dans une économie de marché, les prix sont les facteurs de décision des
agents économiques en matière de production et de consommation.
Le mécanisme de xation des prix est une question qui a longtemps hanté les
premiers penseurs de la science économique. Comment se fait-il que l’eau, si utile,
coûte peu, alors que le diamant, apparemment de faible utilité, coûte si cher ?
Cette question rejoint notre première interrogation fondamentale en économie
(quoi produire ?), car si les prix sont les facteurs de décision des agents écono-
miques, ils ont alors une inuence sur les biens et les services que notre éco-
nomie produira.
Dans ce chapitre, nous verrons quel rôle joue le mécanisme de l’offre et de
la demande dans la détermination des prix. Ce mécanisme est décrit selon un
modèle simple qui s’appuie sur le système de la libre entreprise et du libre choix
du consommateur. Si la réalité peut parfois s’en éloigner, ce cadre d’analyse
permet dans une certaine mesure de comprendre et de prévoir le comportement
des agents économiques dans la société.
30 CHAPITRE 2

2.1 Marché 2.1.1 Les marchés selon


le type d’échange
Dans le langage courant, un marché est un lieu
physique où se rendent des gens pour vendre et Dans une économie de marché, il existe autant de
acheter des choses. C’est d’ailleurs ainsi que tous marchés que de biens et de services oerts. Tou-
les échanges se faisaient dans les temps anciens tefois, pour avoir une vue d’ensemble de l’écono-
et jusqu’à l’ère moderne. Les marchands se ren- mie, les économistes regroupent ces marchés en
daient sur la place publique pour y orir leur fonction du type d’échange qu’on y fait. Selon ce
marchandise – tapis d’Orient, encens, pierres critère, on distingue généralement trois grands
précieuses, soie –, les agriculteurs proposaient marchés qui interagissent les uns avec les autres :
leur dernière récolte, ou les éleveurs leur bétail : le marché des biens et des services, le marché du
tout échange se réalisait dans un seul et même travail et le marché des capitaux.
lieu. Toutefois, des temps anciens, il ne reste ● À l’échelle globale ou macroéconomique, le
presque plus rien : le concept de marché est marché des biens et des services est le lieu
devenu totalement abstrait, c’est-à-dire que les où se rencontrent l’ore et la demande de biens
échanges s’eectuent dans plusieurs lieux simul- et de services. L’ore et la demande de ce mar-
tanément. Si on vous demandait où se trouve le ché sont appelées respectivement « ore globale »
marché de l’automobile, que répondriez-vous ? et « demande globale », et elles correspondent à
Saviez-vous que vous pouvez acheter une voi- la somme de toutes les ores et de toutes les
ture par Internet ? Visitez le site de n’importe demandes de biens et de services échangés dans
quel manufacturier d’automobiles, vous verrez ! une économie donnée au cours d’une année.
Depuis longtemps, vous pouvez faire vos achats Nous traiterons plus en profondeur des caracté-
par catalogue, commander votre pizza par télé- ristiques et du fonctionnement du marché global
phone, passer une commande par télécopieur, dans la deuxième partie du manuel. À l’échelle
etc. En économie, le mot marché signie en fait microéconomique, on peut aussi étudier les mar-
« rencontre de l’ore et de la demande ». Il existe chés correspondant à tel bien ou à tel service en
diérents types de marchés, classés en fonction de particulier. Sur ce genre de marché, nous verrons
certaines caractéristiques. à la prochaine section que l’ore est faite par
les entreprises alors que la demande provient
des consommateurs.
● Le marché du travail est le lieu où se ren-
contrent l’ore et la demande de travail. L’ore
de travail (à ne pas confondre avec l’ore d’em-
ploi) provient des personnes qui désirent faire
partie du marché du travail en orant leurs
services ou leurs compétences ; la demande de
travail est représentée par les entreprises qui
ont besoin de ces personnes. Les personnes qui

Marché Lieu abstrait qui rend possible la réalisation


d’échanges entre les demandeurs et les offreurs.
Marché des biens et des services Lieu où se
rencontrent l’offre et la demande de biens et de services.
Aujourd’hui, le concept de marché est devenu totalement Marché du travail Lieu où se rencontrent l’offre et la
abstrait. Il y a bien les marchés de fruits et légumes, comme demande de travail.
le marché Jean-Talon, mais il s’agit d’exceptions.
Modèle de l’offre et de la deMande 31

sont sur le marché du travail et celles qui FIGURE 2.1 Coordination des décisions des agents
désirent en faire partie forment la main- économiques dans les trois marchés
d’œuvre. Les salaires constituent le prix du
travail et sont déterminés par les forces de
ce marché.
● Le marché des capitaux est le lieu où se
rencontrent l’ore et la demande de capitaux
nanciers à court et à long terme (il ne faut pas
confondre ces capitaux avec le capital physique).
Ce marché est représenté par tous les interve-
nants qui désirent acheter ou vendre des titres. Il
est à noter qu’il existe diérents marchés de capi-
taux selon la nature et la durée du titre. Il faut
distinguer le marché monétaire, où s’échangent
les titres à court terme (bons du Trésor, cer-
ticats de dépôt, etc.), le marché nancier, où
circulent les titres à long terme (actions et obliga-
tions), et le marché des changes, où s’échangent
les devises. Les principaux intervenants, comme
nous le verrons plus tard, sont les institutions 2.1.2 Les marchés selon le nombre
nancières et les autres entreprises, mais il y de participants
a aussi les particuliers eux-mêmes qui, grâce à
La dynamique des échanges dépend grandement
Internet, peuvent être des acteurs quotidiens sur du nombre de vendeurs. Les économistes désignent
le marché des capitaux. par l’expression structure de marché le degré de
La gure 2.1 illustre l’interdépendance des agents concurrence déni par le nombre d’entreprises et la
économiques dans une économie de marché. Ce nature du produit sur un marché, qui a une inuence
schéma simplié compte deux types d’agents : déterminante sur le prix et les quantités échangées
les entreprises, d’une part, et les ménages et les d’un bien ou d’un service. Le tableau 2.1 résume les
individus, d’autre part. Les individus travaillent diérentes structures de marché possibles.
à produire un ou plusieurs biens ou services et
reçoivent un salaire en échange de leur travail. Marché des capitaux Lieu où se rencontrent l’offre et la
Ils utilisent ensuite ce revenu pour acheter un demande de capitaux nanciers à court et à long terme.
large éventail de produits de consommation.
Structure de marché Degré de concurrence déni par
Quant au marché des capitaux, son existence per- le nombre d’entreprises et la nature du produit sur un
met aux agents économiques d’obtenir des fonds marché, qui a une inuence déterminante sur le prix et
pour nancer leurs activités de production ou les quantités échangées d’un bien ou d’un service.
de consommation.

TABLEAU 2.1 Principales structures de marché selon certaines caractéristiques

Structures de marché
Caractéristiques
Monopole Oligopole Concurrence monopolistique Concurrence parfaite
Nombre d’entreprises Un Quelques-unes Multitude Multitude
Produits identiques
Type de produit Produit unique Produits similaires Produits identiques
ou similaires
Caractéristique clé Une entreprise Interactions stratégiques Produits plus ou moins différenciés Preneuses de prix
Exemples de marché Alcool, électricité Pétrole, téléphonie mobile Édition, restaurants Essence, pain
32 CHAPITRE 2

Le monopole et la concurrence parfaite consti- 2.2 Demande d’un produit


tuent les cas extrêmes, la réalité se situant
quelque part entre les deux (on parle alors d’oli- La notion de demande est le point de départ
gopole ou de concurrence monopolistique). Le obligé de l’étude du présent modèle, car elle cor-
monopole est une situation de marché où il n’y a respond à des besoins exprimés par les consom-
qu’une seule entreprise orant un bien ou un ser- mateurs. La demande n’est pas xe : elle dépend
vice, alors que la concurrence parfaite signie de plusieurs facteurs, mais principalement du
qu’une foule d’entreprises orent le même bien prix exigé pour chaque unité. D’autres facteurs
ou le même service. jouent aussi un rôle important (nous verrons les-
Une entreprise en situation de monopole possède quels un peu plus loin) ; toutefois, lorsqu’on veut
un certain contrôle sur le prix et les quantités échan- étudier la relation qui s’établit entre la quantité
gées, et c’est pourquoi des pays comme le Canada et d’un produit demandée et le prix de ce produit,
les États-Unis ont adopté des lois anti-monopole. on doit garder constantes les autres variables
L’exemple de Microsoft est d’ailleurs éloquent : en inuentes, car l’analyse de plusieurs facteurs à
2000, l’entreprise a été accusée d’imposer aux fabri- la fois rendrait problématique toute conclusion
cants d’ordinateurs personnels l’utilisation de tous quant à la variable à expliquer. C’est pourquoi
ses logiciels de base, en menaçant de leur refuser vous verrez souvent l’expression toutes choses
une licence d’utilisation. Microsoft a été condamnée étant égales par ailleurs (ou son équivalent
à plusieurs reprises par les tribunaux américains et latin, ceteris paribus), qui signie que tous les
européens pour ses pratiques anticoncurrentielles. autres facteurs sont maintenus constants.
La concurrence parfaite est une situation où le La demande (D) représente l’ensemble des quan-
consommateur qui désire un bien ou un service tités d’un produit que les consommateurs sont dis-
peut se le procurer au meilleur prix possible sur le posés à acheter à diérents prix. Elle s’exprime par
marché, car la concurrence est telle qu’aucune entre- la fonction suivante, où P est le prix et QD est la
prise ne peut se permettre de le vendre plus cher. quantité demandée :
éoriquement, cette situation suppose la présence
d’une multitude de concurrents ou d’entreprises. QD = f (P) (fonction de demande simpliée)
Cependant, elle peut aussi se présenter dans une
structure de marché comportant peu d’entreprises :
Vidéotron ne peut se permettre des prix très dié- 2.2.1 La courbe de la demande
rents de ceux en vigueur chez Bell et Rogers. On peut illustrer la demande à partir d’un exemple
Bien que la concurrence parfaite se retrouve rare- hypothétique très simple. Le tableau 2.2 donne
ment dans la réalité, elle constitue une situation
de référence utile pour l’évaluation des mar-
Monopole Situation de marché où il n’y a qu’une seule
chés. En eet, comme nous le verrons dans les entreprise offrant un produit ou un service.
prochaines sections, c’est dans un contexte de
concurrence parfaite que le modèle de l’ore et Concurrence parfaite Situation où une multitude d’en-
treprises offrent un produit identique. Dans cette struc-
de la demande permet une étude systématique des ture de marché, aucune entreprise ne peut inuencer
marchés. La concurrence parfaite nous servira de le prix du marché ; les entreprises prennent donc le prix
référence pour l’étude de la grande diversité des comme donné (elles sont “preneuses de prix”).
marchés qui existent dans la réalité et, pour expli- Toutes choses étant égales par ailleurs Expression
quer le modèle de l’ore et de la demande, nous qui signie que tous les autres facteurs sont mainte-
utiliserons le marché des produits (particulière- nus constants.
ment celui de l’essence). Nous verrons tout au long Demande Ensemble des quantités d’un produit que les
du présent ouvrage que ce modèle s’applique aussi consommateurs sont disposés à acheter à différents prix.
bien au marché du travail qu’à celui des capitaux.
Modèle de l’offre et de la deMande 33

TABLEAU 2.2 Barème de la demande d’essence vos 10 $ vous permettent d’acheter davantage de
bœuf ou d’autres produits. C’est l’eet de revenu.
Prix Quantité demandée
(en ¢ au litre) (en millions de litres par jour) Ensuite, elle réduit le coût d’option du bœuf, qui
100 80 devient relativement moins cher que les côtelettes
105 70
de porc. C’est l’eet de substitution.
110 60 En fait, toute modication du prix d’un produit
115 50 entraîne simultanément l’eet de revenu et l’eet
120 40 de substitution, et c’est ainsi que ces deux eets
expliquent la loi de la demande.
le barème de la demande d’essence, c’est-à-dire la
Selon une autre interprétation de la loi de la
quantité d’essence demandée pour chaque prix.
demande, le prix que le consommateur est prêt
En reportant ces données sur un graphique, on à payer pour un produit diminue pour chaque
obtient la courbe de la demande (voir la gure 2.2). unité additionnelle. En eet, il est plutôt rare
La pente de la demande reète la relation néga- qu’un individu consomme deux ou trois steaks de
tive entre la variable dépendante (la quantité suite. Le deuxième steak est habituellement moins
demandée) et la variable indépendante (le prix)1. désiré que le premier, le troisième l’est moins que
Ainsi, la loi de la demande établit, toutes choses le deuxième et ainsi de suite. Il s’agit de la loi de
étant égales par ailleurs, que la quantité demandée l’utilité marginale décroissante.
d’un produit diminue à mesure que le prix aug-
mente, et vice versa. 2.2.2 Les déterminants « hors prix »
Comment expliquer ce phénomène ? Supposons que de la demande
vous vous rendiez au supermarché pour acheter Il convient ici de faire une distinction fondamen-
votre souper. Vous disposez de 10 $ et hésitez entre tale entre un déplacement le long de la demande
des côtelettes de porc et un steak. Si le steak est et un déplacement de la demande. Nous venons
en promotion, comment réagissez-vous ? D’abord, de voir que la loi de la demande reète la relation
cette diminution du prix du bœuf entraîne une négative entre le prix d’un produit et la quantité
augmentation de votre pouvoir d’achat, puisque demandée de ce même produit. Graphiquement,
elle correspond à la pente, c’est-à-dire à un déplace-
FIGURE 2.2 Courbe de la demande d’essence ment d’un point à l’autre sur la droite. Par ailleurs,
nous avons supposé que toutes les variables autres

Loi de la demande Loi qui établit, toutes choses étant


égales par ailleurs, que la quantité demandée d’un
produit diminue à mesure que le prix augmente, et
vice versa.
Effet de revenu Effet créé quand une variation du prix
d’un produit inuence le pouvoir d’achat de l’acheteur.
Effet de substitution Effet créé quand une variation du
prix d’un produit inuence le coût d’option de ce produit.
Loi de l’utilité marginale décroissante Loi stipulant
que lorsque la consommation d'un produit augmente,
la satisfaction procurée par chaque unité supplémen-
taire diminue.

1. Exceptionnellement, dans le modèle de l’offre et de la demande, la variable dépendante est représentée en abscisse.
34 CHAPITRE 2

que le prix du produit étaient constantes. Dans la provoque un déplacement vers la gauche de la
réalité, d’autres facteurs sont toutefois susceptibles courbe de la demande (de D1 à D3).
d’inuer sur la demande. Lorsqu’une des variables
autres que le prix du produit varie, il s’opère un Le prix des produits substituts
changement des quantités demandées pour tous Deux biens (ou services) sont dits substituts
les niveaux de prix, et il en résulte un déplacement lorsque la consommation de l’un peut remplacer la
de la courbe de la demande. consommation de l’autre. Le cinéma et la location de
Pour vous permettre de bien saisir tout ce que nous lms, le beurre et la margarine, ou encore la voiture
venons d’énoncer, nous analyserons les six prin- et le transport en commun en sont des exemples.
cipaux facteurs pouvant généralement entraîner Ainsi, s’il y a une réduction substantielle des tarifs
un déplacement de la courbe de la demande d’un du transport en commun, la demande d’automo-
produit. Il s’agit du revenu des consommateurs, du biles diminuera, car les consommateurs substitue-
prix des produits substituts, du prix des produits
ront le transport en commun, devenu moins cher,
complémentaires, des goûts et préférences des
à la voiture.
consommateurs, du nombre de consommateurs
et les anticipations à l’égard du prix.
Le prix des produits complémentaires
Le revenu des consommateurs Deux biens (ou services) sont dits complémentaires
Le niveau de revenu des consommateurs consti- lorsque la consommation de l’un incite à la consom-
tue souvent le principal déterminant « hors prix » mation de l’autre, comme l’automobile et l’essence.
de la demande. Avec un revenu plus élevé, on peut Par exemple, si le prix de l’essence augmente, les
acheter davantage de biens ou de services. Ainsi, consommateurs auront tendance à moins utiliser
plus le revenu des consommateurs est élevé, plus la la voiture. Ils commenceront à faire du covoiturage
consommation est élevée à chaque niveau de prix. ou à prendre l’autobus. Résultat : il y aura une dimi-
Graphiquement, une augmentation du revenu nution de la demande d’automobiles pour chaque
se traduit par un déplacement vers la droite de
niveau de prix et, conséquemment, un déplace-
la courbe de la demande (de D1 à D2), comme à la
ment vers la gauche de la courbe de la demande.
gure 2.3. Inversement, une diminution du revenu

Les goûts et les préférences


FIGURE 2.3 Déplacement de la demande
des consommateurs
Un changement aectant les préférences ou les
goûts des consommateurs entraîne également un
déplacement de la courbe de la demande. Si, par
exemple, en raison d’une campagne publicitaire (ou
de préoccupations écologiques), les consommateurs
préfèrent acheter au même prix plus de voitures
électriques qu’auparavant, la courbe de la demande
pour ce type de voiture se déplace vers la droite.
Évidemment, les intenses campagnes de publicité
ont pour but non seulement d’informer le consom-
mateur, mais aussi – et surtout – de l’inciter à
consommer davantage du produit en question et,
de préférence, la marque annoncée plutôt qu’une
autre. La publicité s’avère donc un facteur détermi-
nant susceptible de modier les goûts ou les choix
des consommateurs.
Modèle de l’offre et de la deMande 35

Le nombre de consommateurs 2.3 Offre d’un produit


La demande dépend aussi du nombre de consom-
mateurs, tout comme de la structure de la popula- La demande de produits provient des consomma-
tion. Ainsi, chez une population jeune, la demande teurs qui désirent maximiser leur satisfaction.
de services tels que l’éducation est plus impor- De la même façon, les entreprises orent des pro-
tante. Par contre, chez une population vieillissante duits dans le but de maximiser leurs prots.
comme celle du Québec, c’est la demande de soins
Tout comme pour les consommateurs, le principal
de santé qui est la plus forte.
facteur considéré par les entreprises sera égale-
Par ailleurs, lorsqu’un événement spécial a lieu, ment le prix. Plusieurs facteurs autres que le prix
l’importante variation de l’achalandage qui en du produit peuvent la faire varier. Cependant, on
découle entraîne une augmentation de la demande peut la dénir en procédant comme dans le cas de
de produits. Pensons au Grand Prix de Formule 1 la demande, c’est-à-dire en supposant constantes
ou au Festival de jazz de Montréal. toutes les autres variables.
Les anticipations des consommateurs L’ore (O) représente l’ensemble des quantités d’un
Les anticipations des acheteurs à l’égard du prix produit que les entreprises sont disposées à vendre
font également varier la demande des produits. à diérents prix. Contrairement à la fonction de
Par exemple, si les consommateurs prévoient une demande, la fonction d’ore établit une relation
augmentation du prix de l’essence, il est probable positive entre la quantité oerte et le prix du pro-
qu’ils feront le plein sans tarder an de contrer duit. En eet, on estime que, pour un prix du produit
cette hausse pressentie. Il s’ensuivra une augmen- plus élevé, il y a davantage de producteurs ayant le
tation actuelle de la demande d’essence. Inver- désir et la capacité de produire avec prot une quan-
sement, si les consommateurs s’attendent à une tité plus élevée de ce produit. L’ore s’exprime par la
baisse du prix de certains biens et services, fonction suivante, où QO est la quantité oerte :
ils reporteront leurs achats an de proter de
QO = f (P) (fonction d’ore simpliée)
prix inférieurs.
En résumé, le tableau 2.3 présente des variables
(autres que le prix du produit) qui entraînent une Offre Ensemble des quantités d’un produit que les
variation des quantités demandées par les con- entreprises sont disposées à vendre à différents prix.
sommateurs pour tous les niveaux de prix (donc
un déplacement de la courbe de la demande).
L’engouement des Québécois pour les voitures électriques ne
se dément pas. Au Canada, près d’une voiture électrique sur deux
TABLEAU 2.3 Principaux déterminants « hors prix » est vendue au Québec.
de la demande
Diminution de la demande Augmentation de la demande
(déplacement vers la gauche) (déplacement vers la droite)

Baisse du revenu Hausse du revenu

Baisse du prix d’un Hausse du prix d’un


produit substitut produit substitut
Hausse du prix d’un bien Baisse du prix d’un bien
complémentaire complémentaire
Goûts ou préférences Goûts ou préférences
défavorables au produit favorables au produit
Baisse du nombre Hausse du nombre
de consommateurs de consommateurs
Anticipation d’un prix plus Anticipation d’un prix
bas dans le futur plus élevé dans le futur
36 CHAPITRE 2

2.3.1 La courbe de l’offre 2.3.2 Les déterminants « hors prix »


Le tableau 2.4 et la gure 2.4 présentent respecti- de l’offre
vement le barème et la courbe de l’ore d’essence. Nous venons de voir que la courbe de la demande
La courbe de l’ore illustre la quantité oerte d’un peut, sous l’inuence de certains facteurs, se
produit en fonction du prix. La pente de la courbe déplacer vers la gauche ou vers la droite. De même,
de l’ore découle de la loi de l’ore, qui établit, la courbe de l’ore peut également se déplacer
toutes choses étant égales par ailleurs, que la quan- lorsqu’un facteur autre que le prix varie (voir le
tité oerte d’un produit augmente à mesure que le tableau 2.5).
prix augmente, et vice versa.
Les coûts de production
TABLEAU 2.4 Barème de l’offre d’essence Une augmentation des coûts de production défa-
vorise les entreprises, car il leur en coûte davan-
Prix Quantité offerte tage pour chaque unité produite. Par exemple, si
(en ¢ au litre) (en millions de litres par jour)
les stations-service subissent une forte augmen-
100 50
tation du prix du pétrole brut, certaines d’entre
105 55 elles ne pourront probablement plus vendre leur
110 60 essence au même prix ; elles devront donc orir
115 65 soit quantité moindre au même prix, soit une
120 70 même quantité à un prix plus élevé. La courbe
de l’ore se déplacera alors vers la gauche (de O1
à O3), comme à la gure 2.5. Inversement, si le
FIGURE 2.4 Courbe de l’offre d’essence
prix du pétrole diminue, l’ore augmentera et la
courbe se déplacera vers la droite (de O1 à O2).

Le prix des produits connexes


Le prix des produits connexes (un substitut de pro-
duction, par exemple) peut aussi inuer sur l’ore
d’un bien. Supposons qu’un agriculteur dispose

Loi de l’offre Loi qui établit, toutes choses étant égales


par ailleurs, que la quantité offerte d’un produit augmente
à mesure que le prix augmente, et vice versa.

TABLEAU 2.5 Principaux déterminants « hors prix »


de l’offre
Diminution de l’offre Augmentation de l’offre
(Déplacement vers la gauche) (Déplacement vers la droite)
En eet, en raison des coûts marginaux croissants Hausse des coûts Baisse des coûts
(ou des rendements marginaux décroissants, dont de production de production
nous avons parlé au chapitre 1), une augmentation Hausse des prix Baisse des prix
des produits connexes des produits connexes
du prix des produits incite les entreprises à produire
davantage, car chaque unité supplémentaire pro- Baisse de la productivité Amélioration de la technologie
duite rapporte plus, ce qui fait augmenter les prots. Baisse du nombre d’entreprises Hausse du nombre d’entreprises
Une entreprise produit une unité additionnelle Taxe sur chaque unité produite Subvention à la production
d’un bien ou d’un service tant qu’elle peut vendre Climat défavorable Climat favorable
cette unité à un prix supérieur à son coût de Anticipation d’une hausse Anticipation d’une baisse
production. du prix dans le futur du prix dans le futur
Modèle de l’offre et de la deMande 37

FIGURE 2.5 Déplacement de l’offre de chaque unité d’équipement électronique pro-


duite. Les entreprises peuvent donc orir une plus
grande quantité au même prix (ou, ce qui revient
au même, la même quantité à un prix moins élevé).
Graphiquement, cela se traduit par un déplace-
ment vers la droite de la courbe de l’ore.
Le nombre d’entreprises
Le nombre d’entreprises, tout comme la taille de
chacune d’elles, a une incidence directe sur la quan-
tité oerte sur un marché donné. Par exemple,
en 2010, selon l’enquête nationale de la Régie de
l’énergie du Québec sur les points de vente d’es-
sence au détail, il y avait au Québec 2924 stations-
service, soit une diminution de près de 2135 par
rapport à 1997. Ce phénomène entraîne, toutes
choses étant égales par ailleurs, une diminution
de l’ore sur le marché. Graphiquement, la
courbe de l’ore se déplace donc vers la gauche sur
la gure 2.5 (de O1 à O3).
d’un lopin de terre pouvant servir à deux types de
cultures : le blé et le maïs. Qu’arrive-t-il si, à la suite Les interventions gouvernementales :
d’une demande grandissante d’éthanol, le prix taxes, subventions et réglementation
du maïs se met à augmenter considérablement ?
Cette situation incitera assurément l’agriculteur Toute forme d’intervention étatique est susceptible
à cultiver davantage de maïs – voire uniquement d’inuencer les décisions des agents économiques
du maïs – au détriment du blé, car les revenus concernés. En matière de taxation, la nouvelle
escomptés seront supérieurs. Ainsi, toute aug- « taxe verte » sur les appareils électroniques (les
mentation du prix du maïs (un substitut de pro- « écofrais ») instaurée par le gouvernement du
duction au blé) entraîne une diminution de l’ore Québec en octobre 2012 a pour eet de diminuer
de blé. En d’autres mots, une entreprise a intérêt l’ore de certains produits puisqu’elle constitue en
à produire ou à vendre un produit dont le prix ne quelque sorte une hausse des coûts pour les entre-
cesse d’augmenter sur le marché et à abandonner prises (0,10 $ pour un cellulaire et 42,50 $ pour
les produits dont le prix diminue trop ou qui se un téléviseur de plus de 29 pouces). Inversement,
rapproche dangereusement du coût unitaire. les gouvernements peuvent orir des allégements
scaux aux entreprises ou leur verser des subven-
La technologie tions de manière à accroître l’ore de biens dans
Au l des ans, malgré l’apparition régulière de un marché spécique. Ainsi, les subventions desti-
nouveaux modèles, le prix des équipements élec- nées aux maisons d’édition démontrent la volonté
troniques comme les portables, les téléphones des gouvernements d’accroître l’ore de livres.
intelligents et les télévisions à haute dénition
(HD) a baissé de façon importante. Pourquoi ? Les bouleversements climatiques
Parce que le progrès technique permet aux entre- Les bouleversements climatiques peuvent inuer
prises de développer de nouvelles façons de pro- sur l’ore de matières premières ou de produits
duire qui requièrent moins de ressources (de agricoles. Une sécheresse, des inondations ou
travailleurs, par exemple) ou de trouver des res- encore des températures glaciales entraîneront
sources abondantes et peu coûteuses. La décou- assurément une diminution de l’ore de certains
verte de nouvelles technologies augmente ainsi la produits agricoles, tandis qu’une température plus
capacité de production de l’entreprise, ce qui favo- clémente amènera une augmentation de l’ore.
rise la productivité, donc la diminution des coûts Par exemple, le séisme d’une magnitude de 7,8
38 CHAPITRE 2

qui a frappé le Népal en avril 2015 a provoqué des FIGURE 2.6 Offre et demande sur le marché
dégâts à l’agriculture, aux infrastructures et aux de l’essence
installations touristiques. Cela s’est traduit par un
déplacement vers la gauche de la courbe de l’ore
de plusieurs produits, notamment les denrées ali-
mentaires et les services touristiques.

Les anticipations des entreprises


Les anticipations des entreprises à l’égard du prix
de leurs produits font également varier l’ore de ces
produits. Par exemple, si les entreprises s’attendent
à des prix accrus dans les jours ou les semaines à
venir, elles peuvent décider d’élargir leur capacité de
production ou, stratégiquement, d’entreposer une
partie de leur production actuelle, an de dispo-
ser de plus grandes quantités de produits à vendre
dans le futur à des prix plus avantageux. Cela se
traduira par une diminution de l’ore actuelle du
produit (déplacement vers la gauche de la courbe
de l’ore, de O1 à O3, comme à la gure 2.5). entreprises (60 millions de litres par jour). On
voit que le prix d’équilibre, prix sur lequel il ne
s’exerce aucune pression, est de 110 ¢ le litre. Il
2.4 Équilibre et déséquilibre n’existe qu’un seul prix d’équilibre, tous les autres
prix créant un écart entre la quantité demandée
du marché et la quantité oerte.
Les deux forces présentes sur le marché (les
Lorsque le prix de l’essence est supérieur à 110 ¢, il
consommateurs et les entreprises, ces agents éco-
y a une quantité oerte excédentaire. Un prix élevé
nomiques aux intérêts diamétralement opposés)
attire les entreprises et décourage les consomma-
agissent, vous vous en doutez, sur la détermination
teurs. Dans un tel cas, il y a un surplus de produits,
du prix d’équilibre.
et le prix nit par baisser, rétablissant ainsi l’équi-
libre. La baisse du prix incite les consommateurs à
2.4.1 Le prix d’équilibre demander davantage et les entreprises à produire
Le tableau et la gure 2.6 combinent les don- moins. Contrairement à la situation précédente,
nées relatives à la demande et à l’ore d’essence à un prix inférieur au prix d’équilibre, la quantité
présentées précédemment. Le marché est en équi- demandée excède la quantité oerte. Il y a alors
libre à l’intersection des deux droites, c’est-à-dire pénurie sur le marché. Cette rareté engendre une
lorsque la quantité demandée par les consom- pression à la hausse sur le prix jusqu’à ce que les
mateurs coïncide avec la quantité oerte par les quantités oertes égalent les quantités demandées.

TABLEAU 2.6 Barème de l’offre et de la demande d’essence


Prix Quantité offerte Quantité demandée Surplus Pression
(en ¢ au litre) (en millions de litres par jour) (en millions de litres par jour) ou pénurie sur les prix
100 50 80 –30 hausse
105 55 70 –15 hausse
110 60 60 0 équilibre
115 65 50 15 baisse
120 70 40 30 baisse
Modèle de l’offre et de la deMande 39

Maintenant que nous savons comment se dé- point (70, 120). À ce niveau, le prix n’est plus censé
termine le prix d’équilibre dans une économie de varier.
marché, voyons comment les prix et les quantités
réagissent à la loi de l’ore et de la demande. 2.4.3 Le déséquilibre provenant
de l’offre
2.4.2 Le déséquilibre provenant De la même façon, si des changements se pro-
de la demande duisent du côté de l’ore (hausse du coût de
Pendant la saison estivale (surtout durant les production, par exemple), il faudra tracer une nou-
deux semaines de vacances dans le domaine de la velle courbe de l’ore d’essence, comme on peut le
construction), on observe sur les routes du Québec voir à la gure 2.8.
une hausse de la circulation, ce qui se traduit par
une augmentation de la consommation d’essence Le pétrole brut étant la principale composante
(augmentation du nombre de consommateurs). du coût de production du prix de l’essence (plus
Graphiquement, cela signie un déplacement vers de 50 % du prix à la pompe, selon les données de
la droite de la courbe de la demande, de D1 à D2 2010 de la Régie de l’énergie du Québec), toute aug-
(voir la gure 2.7). La demande ayant augmenté, le mentation de son prix incite les stations-service à
prix passe de 110 ¢ à 120 ¢ et les quantités échan- orir, pour le même prix, une quantité inférieure
gées, de 60 à 70. d’essence. Ainsi, la hausse du prix du pétrole brut
entraîne un déplacement vers la gauche de la
Cela s’explique comme suit : à 110 ¢ le litre d’es- courbe de l’ore (de O1 à O2) et, du même coup, une
sence, la quantité demandée (90) surpasse la quan-
pénurie d’essence sur le marché. L’équilibre ne peut
tité oerte (60). Il y a donc pénurie. Cette situation
n’est cependant que temporaire, car la demande être rétabli que par une hausse du prix de vente au
excédentaire entraîne bientôt une hausse graduelle détail. C’est pourquoi il en résulte une augmenta-
des prix, qui, selon la loi de l’ore et de la demande, tion du prix de l’essence (de 110 ¢ à 115 ¢) et une
décourage la demande des consommateurs et incite diminution de la quantité oerte (de 60 à 50). La
les entreprises à produire davantage, jusqu’à ce que rubrique « Exemple 2.1 » donne des illustrations de
l’équilibre soit de nouveau atteint, c’est-à-dire au tels déplacements d’équilibre dans divers marchés.

FIGURE 2.7 Déplacement de la demande FIGURE 2.8 Déplacement de l’offre

Remarque : lorsque la demande change, toutes choses étant égales par ailleurs, Remarque : lorsque l’offre change, toutes choses étant égales par ailleurs, les prix
les prix et les quantités varient dans le même sens. et les quantités varient en sens inverse.
40 CHAPITRE 2

EXEMPLE 2.1 Des déplacements d’équilibre dans un marché


Le marché des téléphones intelligents

Quel devrait être l’impact sur le prix et la quantité


d’équilibre d’une augmentation du nombre de
concurrents sur le marché des téléphones
portables intelligents ?
D : inchangée, car le changement mentionné n’est pas
fait par les acheteurs de téléphones.
O : elle devrait augmenter, car le fait qu’il y ait plus de Réponse
concurrents ferait en sorte que, quel que soit le prix, Prix : diminue
la capacité d’offrir est plus grande. Quantité : augmente

Le marché des disques compacts

Quel devrait être l’impact sur le prix et la quantité


d’équilibre sur le marché des disques compacts
d’une plus grande disponibilité de chiers de musique
gratuits sur Internet ?
D : elle devrait diminuer signicativement, puisque
les consommateurs ont accès à de la musique
bon marché. Réponse
O : elle demeure inchangée, puisque le changement Prix : diminue
mentionné dans la question n’est pas effectué par les Quantité : diminue
producteurs de disques compacts.

Le marché des entrées au cinéma

Quel devrait être l’impact de la gratuité du maïs


soufé pour les jeunes sur le prix et la quantité
d’équilibre sur le marché des entrées de cinéma ?
D : on pourrait s’attendre à une augmentation, car le
changement énoncé signie une diminution du coût
de la sortie (surtout pour les familles avec de jeunes
enfants), ce qui pourrait en encourager certains. Réponse
Prix : augmente
O : inchangée, car le changement énoncé n’annonce
Quantité : augmente
pas une ouverture de cinémas (ou de nouvelles salles
de cinéma).

Le marché des denrées alimentaires

Quel devrait être l’impact sur le prix et la quantité


d’équilibre des denrées alimentaires d’une augmen­
tation des sécheresses et des inondations dans
le monde ?
D : inchangée, car le changement mentionné n’est
pas fait par les acheteurs de denrées alimentaires
(individus et entreprises) qui ont toujours les
Réponse
mêmes besoins.
Prix : augmente
O : elle devrait diminuer, car les désordres climatiques Quantité : diminue
réduisent le nombre de terres fertiles capables de
fournir les denrées alimentaires.
Modèle de l’offre et de la deMande 41

Actualité économique
La hausse du prix des aliments : le cas du blé
[Voici un avis adressé à la clientèle de 3. Le développement d’un nouveau
la boulangerie Première Moisson.] marché en Chine. À vous de jouer !
Chers clients et clientes, Ceci crée une diminution importante
des réserves de blé mondiales, ce qui 1 À l’aide du modèle de l’offre et de
Vous êtes probablement informés que a pour conséquence de faire grimper la demande, représentez graphi-
le prix du blé subit une ination due les prix. quement l’effet sur le marché du
aux facteurs suivants : Le résultat de tous ces bouleverse- blé de chacun des trois facteurs
ments nous oblige à réviser nos prix à dont il est question dans cet avis
1. La demande grandissante pour et qui expliqueraient la hausse du
l’éthanol qui incite les agricul- la hausse.
prix du blé.
teurs à produire du maïs et du Nous vous remercions de votre
soya plutôt que du blé. compréhension. 2 À l’aide des réponses en 1, illus-
2. Une grande sécheresse depuis Liliane Colpron trez graphiquement la résultante
2 ans en Australie qui est le deu- Présidente de Première Moisson de tous ces bouleversements sur
xième producteur mondial de blé. Le 28 février 2008 le prix du pain.

2.5 Théorie des jeux à quotidiennes (voir la gure 2.9) ? La réponse


réside dans le fait que le modèle de l’ore et de la
la rescousse du modèle demande traditionnel est incapable d’expliquer les
de l’offre et la demande phénomènes de guerre des prix et de collusion que
Qu’est-ce qui fait fluctuer autant le prix de FIGURE 2.9 Moyenne quotidienne du prix de l’essence
l’essence au Québec ? Nous avons vu dans le (grande région de Montréal, 2007-2013)
présent chapitre que le prix de l’essence est sou-
mis aux forces du marché. Lorsque la demande
d’essence est supérieure à l’offre (en été, par
exemple, quand les gens utilisent davantage
leurs véhicules motorisés), il y a pénurie, puis
les prix finissent par augmenter. Inversement,
lorsque l’offre d’essence est excédentaire (à la
suite d’une baisse du coût du pétrole brut, par
exemple), il y a surplus, puis les prix finissent
par diminuer.
Cependant, si le marché xe réellement les prix de
l’essence, pourquoi les gens éprouvent-ils de la dif-
culté à comprendre et à prévoir les uctuations Source : Adapté de La Presse Affaires. (21 juin 2014). « Prix de l’essence », p. 3.
42 CHAPITRE 2

se livrent régulièrement les compagnies pétrolières, comme un monopole, an d’obtenir le prix le plus
lesquels sont des facteurs déterminants dans la élevé possible. Collectivement, elles ne peuvent
uctuation des prix à court terme. faire mieux. Toutefois, un cartel est instable, car
chaque station-service, prise individuellement,
2.5.1 La guerre des prix a intérêt à baisser son prix de manière à obtenir
une plus grande part de marché et à accroître
Une guerre des prix s’amorce lorsqu’une grande
son prot. Il s’agit d’une situation stratégique
compagnie (comme Ultramar ou Petro-Canada,
où le prix optimal d’une station-service est
dans ce cas-ci) baisse légèrement son prix de
fonction de celui d’une autre station-service.
manière à accroître sa part de marché. Le prix
De plus, une telle collusion est illégale dans la plu-
étant bien en évidence, les autres stations- service
part des pays développés, car elle constitue une
s’empressent de l’imiter pour éviter de perdre des
entrave à la concurrence.
clients. L’issue de cette guerre est que le prix s’ap-
proche du coût unitaire. Il arrive même que le Le problème de la coordination des décisions
prix aché à la pompe soit en dessous du coût individuelles peut être abordé sous forme de
total moyen, ce qui signie que la station-service jeu stratégique, au sens de la théorie des jeux.
perd de l’argent à chaque litre d’essence vendu. Celle-ci étudie la façon dont les agents prennent
des décisions stratégiques pour servir leur propre
Il est à noter que, depuis 1996 (année de l’entrée en
intérêt et anticiper les réactions des autres, sans
vigueur d’un prix plancher au Québec), il semble y
nécessairement y parvenir (pour plus de détails
avoir de moins en moins de guerres des prix dans
concernant la théorie des jeux, voir la rubrique
le marché de l’essence. Aujourd’hui, il est fréquent
« Grands courants de la pensée économique »
d’observer le comportement inverse, c’est-à-dire
à la page 47). L’exemple 2.2
une collusion entre les stations-service.
présente une application
pratique de la théorie
2.5.2 La coopération des jeux au marché
Il y a collusion (ou cartel) lorsqu’un petit nombre de l’essence.
d’entreprises s’entendent pour maintenir les prix
élevés. Remarquons que les stations-service ont
intérêt à coopérer et à se comporter conjointement

Guerre des prix Phénomène qui s’amorce lorsqu’une


entreprise baisse légèrement son prix de manière à
accroître sa part de marché. Le prix étant bien en
évidence, les autres s’empressent de les imiter
pour éviter de perdre des clients.
Coût unitaire Rapport entre le coût total et la quantité
produite (ou vendue).
Coût total Somme des coûts des facteurs de
production utilisé par entreprise.
Collusion (ou cartel) Groupe d’entreprises qui
s’entendent pour baisser leur production ou augmenter
leur prix.
En 2012, l’Américain Lloyd S. Shapley (1923-) a obtenu le
Théorie des jeux Branche du savoir qui traite des prix Nobel d’économie pour avoir amélioré notre compréhension
comportements stratégiques. du fonctionnement des systèmes d’allocation des biens dans un
marché à l’aide de la théorie des jeux coopératifs.
Modèle de l’offre et de la deMande 43

EXEMPLE 2.2 Le problème de la guerre des prix comme un dilemme du prisonnier

Imaginons une guerre des prix entre deux distributeurs d’essence,


Ultramar et Petro-Canada. Ceux-ci ont deux possibilités : baisser Petro-Canada
leurs prix ou ne pas les baisser. Le tableau ci-contre reproduit
la matrice de gains de ce jeu. Les lignes correspondent aux Baisse Ne baisse
possibilités s’offrant à Ultramar, les colonnes à celles s’offrant à son prix pas son prix
Petro-Canada. Dans les quatre cases, il y a un couple de nombres Baisse 0 –3
qui donnent respectivement les gains d’Ultramar (coin inférieur son prix 0 4
gauche) et ceux de Petro-Canada (coin supérieur droit). Celui qui Ultramar
baisse son prix, sans que l’autre fasse de même, attire la totalité Ne baisse 4 1
de la clientèle de son concurrent et quadruple ainsi son prot (gain pas son prix –3 1
de 4) ; celui qui ne baisse pas son prix, alors que l’autre le fait,
subit des pertes représentant trois fois le prot initial (gain de –3) ; prédire que les deux distributeurs d’essence, s’ils sont rationnels,
enn, si les deux distributeurs baissent leurs prix, ils obtiennent des vont l’appliquer ; ils obtiendront donc des prots nuls. Bien sûr, ils
prots nuls. réaliseraient des prots égaux à 1 s’ils s’entendaient pour ne pas
baisser leurs prix, mais cela est illégal (entrave à la concurrence).
Ainsi, le problème de la guerre des prix est identique au dilemme
du prisonnier (voir la rubrique « Grands courants de la pensée Au Québec, il n’est pas rare de rencontrer des gens qui pensent
économique » à la page 47). En effet, quel que soit le choix de que les détaillants d’essence se comportent comme un cartel.
Petro-Canada, Ultramar s’en tire mieux en baissant son prix, car En mars 2013 le Bureau de concurrence leur a donné raison en
ses gains (0 ou 4) sont alors plus élevés que si elle choisissait de annonçant que trois personnes ont été reconnues coupables
ne pas le baisser (–3 ou 1). La même logique s’applique à Petro- de participation à un complot de xation du prix de l’essence à
Canada. La stratégie d’une baisse de prix étant optimale, on peut Sherbrooke et à Magog, au Québec2.

Pourquoi les stations-service d’une région afchent-elles les mêmes prix ? N’est-il pas préférable de vendre de l’essence à un prix
légèrement plus bas que son concurrent ?

2. Bureau de la concurrence du Canada. (2013). « Liste des accusations et peines dans l’affaire du cartel de xation du prix de l’essence au Québec ».
44 CHAPITRE 2

Actualité économique
L’effet de la guerre des tarifs en infonuagique
« […] La guerre des tarifs en info- d’annoncer une réduction de ses tarifs un prot de 1 M$ chacune. Si l’une
nuagique* s’est intensiée au cours de 27 à 65 %. […]. des entreprises réduit ses tarifs, elle
des derniers mois. Google a diminué réalise un prot de 1,5 M$, et l’autre
les siens de 32 à 85 %, selon les ser- Les géants ont une capacité d’écraser essuie une perte de 0,5 M$. Si les
vices proposés, à la n du mois de la concurrence. Les plus petites entre- deux réduisent leurs tarifs, elles ne
mars. Deux jours plus tard, Amazon prises n’ont pas les reins assez solides font aucun prot (voir le tableau 2.7).
Web Service répliquait en réduisant et assez de capitaux pour suivre les Aucune des deux ne peut surveiller
ses tarifs de 27 à 65 %. Une semaine baisses de tarifs. Il y aura une sorte les actions de sa concurrente.
plus tard, c’était au tour de Microsoft d’épuration », ajoute [Pierre Tocci,
spécialiste en info-
nuagique] […]3 ».
TABLEAU 2.7 Microsoft et Google : la guerre
des tarifs À vous de jouer !
Supposez que Google
Microsoft et Microsoft sont les
seules entreprises à
1 Pourquoi parle-t-on d’une guerre
Réduit Ne réduit de prix ?
ses tarifs pas ses tarifs offrir des services in-
fonuagiques. Si toutes 2 Quel est l’équilibre – ou l’issue –
Réduit 0 –0,5
ses tarifs 0 1,5 deux s’entendent du jeu ?
Google pour ne pas réduire 3 Ce jeu correspond-il au dilemme du
Ne réduit pas 1,5 1
ses tarifs –0,5 1 leurs tarifs, elles font prisonnier ? Justiez votre réponse.

* L’infonuagique (ou cloud computing) désigne un ensemble de processus qui permettent d’utiliser la puissance de stockage de serveurs informatiques
distants grâce à Internet.

2.6 PRIX ARTIFICIELS Ce prix ne peut produire les eets attendus que s’il
est inférieur au prix d’équilibre du marché.
Dans une économie mixte comme celle du Canada,
il arrive parfois que l’État intervienne sur un mar- Dans le marché des centres de la petite enfance
ché en xant, par réglementation, un prix plafond (CPE), il existe un prix plafond, c’est-à-dire un ta-
ou un prix plancher dans le but de protéger cer- rif relativement bas pour toutes les familles, soit
tains groupes contre les mécanismes du marché. 7,30 $ en 20154. Il est interdit d’orir le service au-
On parle alors de prix articiels parce qu’ils ne delà du prix réglementaire. Ce marché se caracté-
reètent pas la valeur réelle associée à la rareté des rise par une problématique sociale selon laquelle
biens et des services. Les prix plafonds et les prix
planchers en sont des exemples. Prix articiels Prix réglementés par l’intervention de
l’État. Il s’agit essentiellement du prix plafond et du
prix plancher.
2.6.1 Le prix plafond
Prix plafond Prix maximal xé au-dessous du prix
Le prix plafond est un prix maximal xé d’équilibre dans le but de favoriser un groupe précis sur
au-dessous du prix d’équilibre dans le but de un marché donné.
favoriser un groupe précis sur un marché donné.

3. Bergeron, Ulysse. (7 mai 2014). « L’effet de la guerre des prix », La Presse.ca.


4. Depuis 2015, le gouvernement du Québec a instauré une nouvelle tarication dans les garderies. Tous les parents continueront à payer le même tarif pour leurs
enfants en CPE. Toutefois, en faisant leur déclaration de revenus, les plus fortunés devront payer davantage. Ainsi, les familles dont le revenu est inférieur à
50 000 $ par an continueront de payer le tarif de base, soit 7,30 $ en 2015. Au-delà, le tarif sera de 8 $ et s’élèvera progressivement pour atteindre 20 $ par jour
pour les familles qui gagnent plus de 155 000 $.
Modèle de l’offre et de la deMande 45

un prix jugé excessivement élevé constituerait un Le plafonnement des prix peut également mener
frein à l’accès au service de garde, notamment pour à la corruption. En eet, les consommateurs
les personnes à faible revenu. Dans ce contexte, désirant un accès aux services de garde à des
l’objectif que vise l’intervention de l’État consiste à prix articiellement bas pourront être tentés de
protéger les consommateurs en xant un prix infé- contourner les listes d’attente en orant des
rieur au prix du marché. avantages indus aux fournisseurs de ces services
ou en protant d’une situation de favoritisme.
Le prix plafond entraîne certaines conséquences Par exemple, lorsqu’un ménage a déjà un enfant
sur le marché des places en garderie (voir la en CPE subventionné, il arrivera qu’on attri-
gure 2.10). En eet, la baisse du prix pro- bue une place à son deuxième enfant sans qu’il
voque une hausse de la quantité demandée (à ait à l’inscrire sur une liste d’attente. Ce genre
270 000) puisque le service devient plus abor- de passe-droit peut aussi s’étendre à d’autres
dable, donc attrayant aux yeux des consomma- membres du réseau sociofamilial. Il est donc
teurs. Toutes choses étant égales par ailleurs, évident que l’application d’un prix plafond, bien
puisque les consommateurs paient une plus faible qu’elle vise l’accessibilité, peut engendrer des
part des coûts, la quantité oerte est réduite (à eets pervers non négligeables.
90 000 places). Conséquemment, il en résulte une
pénurie de 180 000 places (270 000 – 90 000) et,
ultimement, dans l’exemple des CPE, des listes 2.6.2 Le prix plancher
d’attente. Un marché parallèle apparaît alors pour Le prix plancher est un prix minimal xé au-
répondre à la demande. Ce marché non réglementé dessus du prix d’équilibre dans le but de favoriser
impose le prix du marché. Dans ce marché global, un groupe précis sur un marché donné. Le salaire
un certain nombre de consommateurs ont le privi- minimum en est un exemple caractéristique. Une
lège de payer un prix réglementé, plus faible que le telle intervention vise à protéger les travailleurs en
prix du marché, tandis que d’autres contribuables leur accordant un revenu décent.
doivent payer le prix du marché. Cette situation
Quel est l’eet du salaire minimum sur l’emploi ?
soulève un problème sur le plan de l’équité.
Pour répondre à cette question, il serait utile
Coût de garde au quotidien d’examiner le marché du travail. La gure 2.11
(voir la page suivante) illustre les
forces en présence sur ce marché.
FIGURE 2.10 Effet d’un prix plafond sur le marché des places en CPE
Comme pour le prix de l’essence
ou de tout autre produit, l’axe
horizontal indique la quantité de
travail (nombre d’emplois) et l’axe
vertical correspond au prix de la
main-d’œuvre, donc du salaire.
N’oubliez pas que la courbe de
l’ore représente les travailleurs,
et la courbe de la demande, les
entreprises. Ainsi, selon le modèle
de l’ore et de la demande, on
voit que l’application du salaire

Prix plancher Prix minimal xé


au-dessus du prix d’équilibre
dans le but de favoriser un groupe
Remarque : lorsque la quantité demandée excède la quantité offerte, la quantité échangée (ou vendue) précis sur un marché donné.
correspond à la plus petite de ces deux quantités, c’est-à-dire à la quantité offerte.
46 CHAPITRE 2

horaire minimum de 10,55 $ FIGURE 2.11 Effet du prix plancher sur le marché du travail
entraîne une ore de travail
excédentaire, donc un surplus de
main-d’œuvre peu qualiée ou
non expérimentée (N02 – Nd 2). En
eet, pour un salaire plus élevé,
les travailleurs sont davantage
disposés à orir leurs services,
alors que certaines entreprises
(comme les PME) renoncent à
engager du personnel car le coût
de la main d’œuvre est supérieur.
Il en résulte une suppression
de postes et, par conséquent,
une hausse du chômage. Il est à
noter que, pour avoir un eet sur
le marché, le salaire minimum
doit être supérieur au salaire Remarque : lorsque la quantité offerte excède la quantité demandée, la quantité échangée ou vendue
d’équilibre. correspond à la plus petite de ces deux quantités, c’est-à-dire à la quantité demandée.

Le 1er mai 2015, le salaire minimum a augmenté de 0,20 $ au Québec, passant de 10,35 $ à 10,55 $ l’heure. Près de 270 000 salariés
ont bénécié de cette augmentation.
Taux du salaire minimum
Modèle de l’offre et de la deMande 47

Liens entre la théorie et la réalité économiques


La controverse du salaire minimum
L’ampleur du salaire minimum est un du marché, révèlent plutôt que les
sujet qui a toujours divisé les éco- hausses du salaire minimum n’ont pas À vous de jouer !
nomistes. Certains considèrent qu’il d’effet néfaste sur l’emploi.
nuit à l’emploi, d’autres sont de l’avis 1 À la lumière des faits énoncés dans
contraire. Qu’en est-il réellement de Selon l’économiste Pierre Fortin
cet encadré, peut-on conclure que
l’incidence du salaire minimum sur le (1997)6, de l’Université du Québec
la réalité économique concernant
niveau d’emploi ? En premier lieu, les à Montréal, l’effet d’une hausse du
l’incidence du salaire minimum sur
études économétriques basées sur salaire minimum sur l’emploi dépend
le chômage correspond au modèle
le modèle néoclassique démontrent du ratio entre le salaire minimum et de l’offre et de la demande illustré à
clairement que ce sont surtout les le salaire horaire moyen. Ainsi, une la gure 2.11 ?
jeunes de moins de 25 ans qui sont augmentation du salaire minimum :
2 Quel est l’impact d’une hausse
touchés par une hausse du salaire • est dommageable pour l’emploi du salaire minimum sur l’emploi
minimum. Une étude réalisée en 2002 des bas salariés lorsque le ratio au Québec, sachant que le 1er mai
par le ministère des Finances du Qué- salaire minimum/salaire moyen 2015 celui-ci est passé de 10,35 $
bec5 conclut qu’une hausse de 10 % est supérieur à 50 % ; à 10,55 $ l’heure, alors que le taux
du salaire minimum conduirait à une
• a des effets incertains sur l’emploi horaire moyen était de 23,56 $ ?
diminution de l’emploi de 2,75 % chez
les femmes de 15 à 19 ans et de 1,93 % lorsque ce ratio se situe entre
chez les hommes de la même tranche 45 % et 50 % ;
d’âge. En revanche, d’autres études, • n’a pas d’effet notable sur l’emploi
qui intègrent certaines imperfections lorsque ce ratio est inférieur à 45 %.

Grands courants de la pensée économique


La théorie des jeux et le dilemme du prisonnier
On considère que la théorie des jeux la théorie des jeux (en 1994, 2005 théorie des jeux permet d’étudier ces
a été amorcée à la n des années 40, et 2012). prises de décision dans un contexte
notamment par les mathématiciens où les agents sont en interaction.
américains John von Neumann et Cette nouvelle méthode d’analyse Voyons, à l’aide d’un exemple bien
John Forbes Nash. suscite un élargissement et un pro- connu, comment tout cela s’articule.
fond renouvellement de la théorie
C’est au début des années 1980 économique. Ainsi, contrairement à Le dilemme du prisonnier, exemple
que les économistes s’y intéressent la microéconomique traditionnelle, le plus célèbre de la théorie des jeux,
vraiment voyant en elle le moyen de où l’analyse de la prise de décisions a suscité une remise en question de
comprendre certains phénomènes se fait en fonction d’agents écono- la validité du principe économique
économiques, notamment dans des miques isolés (chaque individu ayant de la main invisible, selon lequel la
situations de conit telles que les une inuence négligeable par rapport recherche par chacun de son intérêt
guerres de prix (voir la rubrique à la taille globale des marchés), la personnel conduit à la réalisation de
« Actualité économique » à la page 44)
et les guerres commerciale et nan- Dilemme du prisonnier Histoire proposée en 1951 par le mathématicien
cière (dont nous traiterons aux Albert W. Tucker, dont le propos a permis de remettre en question le prin-
chapitres 8 et 9). Le prix Nobel d’éco- cipe économique de la main invisible, selon lequel la recherche par chacun
nomie a d’ailleurs été attribué trois de son intérêt personnel conduit à la réalisation de l’intérêt collectif.
fois à des auteurs de travaux sur

5. Ministère des Finances du Québec. (Février 2002). « Impact du salaire minimum sur l’emploi », Rapport d’analyse 2001-2002.
6. Fortin, Pierre. (1997). Salaire minimum au Québec : trop élevé ou trop bas ? Montréal, Université du Québec à Montréal.
48 CHAPITRE 2

Grands courants de la pensée économique


La théorie des jeux et le dilemme du prisonnier (suite)
Mathématicien américain, Le tableau 2.8 décrit le jeu d’un plutôt qu’à 20 ans. Dès lors, quel
John Forbes Nash (1928-2015) point de vue stratégique. Les lignes que soit le choix du deuxième
a reçu le prix Nobel d’économie correspondent aux possibilités qui accusé, il est préférable pour le
en 1994 pour avoir démontré
s’offrent à l’accusé 1, et les colonnes premier d’avouer. Symétriquement,
l’existence d’une solution –
équilibre de Nash – à tout à celles qui s’offrent à l’accusé 2. le deuxième accusé a également
jeu non coopératif. Dans chacune des quatre cases, il intérêt à avouer. Sachant cela, tous
Ce résultat a eu y a deux nombres qui donnent les les deux ne peuvent qu’avouer. Le
un impact gains – années de prison – respec- problème est que la combinaison de
considérable tifs des accusés 1 (coin inférieur stratégies [avoue, avoue] conduit à
sur l’analyse gauche) et 2 (coin supérieur droit). une situation non optimale. Il aurait,
économique en effet, été préférable pour les
Par exemple, si l’accusé 1 avoue et
et sociale.
que l’accusé 2 nie (case supérieure deux de coordonner leur action en
droite), alors l’accusé 1 recevra 0 et choisissant de nier : ils auraient ainsi
l’accusé 2 recevra –20. Par contre, tous les deux obtenu –1 au lieu de
si l’accusé 1 avoue et que l’accusé –10. Cependant, la coopération est
2 avoue aussi (case supérieure improbable, car chaque accusé,
l’intérêt collectif. La première descrip- gauche), ils recevront –10 et –10. individuellement, a intérêt à choisir
tion du dilemme du prisonnier, dont Ainsi, on constate que, pour les deux la stratégie dominante, celle qui
nous vous présentons ici une variante, accusés, il est toujours plus avanta- lui procure des gains supérieurs,
a été proposée en 1951 par le mathé- geux d’avouer le crime. quelle que soit la stratégie de l’autre.
maticien Albert W. Tucker. Dans son
Si le deuxième accusé nie avoir Le dilemme du prisonnier illustre
article, l’auteur expose le problème
commis le meurtre, il est évidem- particulièrement bien l’idée que la
comme une énigme policière. Deux
ment plus avantageux pour le pre- rationalité individuelle et la rationa-
membres d’une bande de motards,
mier accusé d’avouer, puisqu’il sera lité collective ne correspondent pas
soupçonnés depuis longtemps d’avoir
libéré. De même, si le deuxième forcément. Autrement dit, la concur-
commis un meurtre, sont arrêtés par
accusé avoue, le premier accusé a rence (et son corollaire, le principe de
la police pour excès de vitesse et pos-
également intérêt à avouer, puisqu’il la main invisible) ne donne pas néces-
session d’armes. Ne disposant pas de
sera condamné à 10 ans de prison sairement la meilleure solution*.
preuves sufsantes pour les inculper
de meurtre, la police fait à chacun,
pris séparément, la proposition sui- TABLEAU 2.8 Dilemme du prisonnier
vante : « Si tu avoues et que l’autre
nie, je te libère et je le condamne à Accusé 2
20 ans de prison. Par contre, si tu nies Avoue Nie
et que l’autre avoue, je saurai que tu
−10 −20
as menti. Dans ces circonstances, tu Avoue −10 0
écoperas de 20 ans de prison, et je Accusé 1
0 −1
libérerai ton complice. Si vous avouez Nie −20 −1
tous les deux, vous serez condamnés
à 10 ans de prison. Enn, si vous niez
tous les deux, vous serez jugés sévè- Stratégie dominante Stratégie qui procure à un joueur des gains supé-
rement pour votre excès de vitesse et rieurs à ceux de toutes les autres stratégies, quelle que soit la stratégie
votre possession d’armes et vous en de l’autre joueur.
prendrez pour un an. »

* Ceux et celles qui s’intéressent davantage à la théorie des jeux et à ses applications économiques peuvent consulter l’ouvrage Comportement stratégique
en économie. Une introduction à la théorie des jeux de Dominic Roy (2006), ou encore Thinking Strategically. The Competitive Edge in Business, Politics,
and Everyday Life de Avinash K. Dixit et Barry Nalebuff (1993). Pour une présentation plus légère et moins théorique, on peut lire le roman Le dilemme du
prisonnier de François Lepage (2008) ou voir le lm de Ron Howard, Un homme d’exception (2001), sur la vie de John Forbes Nash.
Extrait du lm Un homme d’exception.
Modèle de l’offre et de la deMande 49

En un clin d’œil

Marché des biens et des services


Rencontre entre l’offre et la demande
de biens et de services

Marché du travail Marché monétaire


Marché Rencontre entre l’offre et la demande
Rencontre entre l’offre et la demande
de titres à court terme
de travail

Marché des capitaux Marché nancier


Rencontre entre l’offre et la demande Rencontre entre l’offre et la demande
de capitaux nanciers à court et de titres à long terme
à long terme

Marché des changes


Rencontre entre l’offre et la demande
de devises

Monopole
Une seule entreprise

Oligopole
Interactions stratégiques

Structures de marché
Concurrence monopolistique
Produits plus ou moins différenciés

Concurrence parfaite
Preneuses de prix

Loi de la demande
Toutes choses étant égales par ailleurs, la quantité demandée d’un produit diminue
à mesure que le prix augmente, et vice versa.

Demande d’un produit


Déterminants de la demande
• Revenu des consommateurs • Goûts et préférences des consommateurs
• Prix des produits substituts • Nombre de consommateurs
• Prix des produits complémentaires • Anticipation à l’égard du prix
50 CHAPITRE 2

Loi de l’offre
Toutes choses étant égales par ailleurs, la quantité offerte d’un produit augmente
à mesure que le prix augmente, et vice versa.

Offre d’un produit


Déterminants de l’offre
• Coûts de production • Technologie
• Prix des produits connexes • Nombre d’entreprises
• Taxes, subventions et réglementation • Bouleversements climatiques
• Anticipation à l’égard du prix

Changement de la demande
Toutes choses étant égales par ailleurs, lorsque la demande change,
les prix et les quantités varient dans le même sens.
Équilibre et déséquilibre
du marché
Changement de l’offre
Toutes choses étant égales par ailleurs, lorsque l’offre change,
les prix et les quantités varient en sens inverse.

Guerre de prix
Phénomène qui s’amorce lorsqu’une entreprise baisse légèrement son prix
de manière à accroître sa part de marché.
Guerre de prix
et coopération
Coopération : collusion ou cartel
Groupe d’entreprises qui s’entendent pour baisser leur production
ou augmenter leur prix.

Prix plafond Lorsque la quantité demandée


excède la quantité offerte,
Prix maximal xé au-dessous la quantité échangée correspond
du prix d’équilibre à la quantité offerte.
Réglementation des prix
Prix plancher Lorsque la quantité offerte
excède la quantité demandée,
Prix minimal xé au-dessus la quantité échangée correspond
du prix d’équilibre à la quantité demandée.
Modèle de l’offre et de la deMande 51

Testez vos connaissances


trois ans de stabilité autour de 110 $, le baril de brut
Questions de révision a décroché7. »
a) Illustrez graphiquement l’équilibre du marché
1 Qu’est-ce qu’un marché ?
mondial du pétrole en supposant que le prix est
2 Qu’est-ce que la demande ? de 110 $US le baril, tandis que la quantité est de
3 Pourquoi la courbe (droite) de la demande est- 93 millions de barils par jour.
elle négative ? b) Toutes choses étant égales par ailleurs, comment
4 Expliquez la diérence entre une variation le long devraient varier la quantité et le prix du pétrole si
de la demande et une variation de la demande. la production de pétrole augmente de façon impor-
tante à la suite des investissements massifs et des
5 Qui sont les oreurs sur le marché du travail ? avancées techniques dans la recherche pétrolière :
Pourquoi la courbe de l’ore de travail est- sables bitumineux de l’Alberta, gisements pré-sel
elle positive ? brésilien, pétrole de schiste américain?
6 Lorsqu’il y a pénurie de produits sur un marché, c) Qui sont les perdants du changement des cours
le prix tend-il à augmenter ou à baisser ? du pétrole?
7 Nommez quelques facteurs susceptibles d’en- 13 Pour chacun des cas suivants, illustrez par un
traîner une diminution de la consommation graphique de l’ore et de la demande l’eet
d’essence. qu’occasionne le facteur sur le prix et la quantité
8 Qu’arrive-t-il au prix du bœuf si le prix des autres d’équilibre du marché à analyser.
viandes diminue ? a) L’eet sur le marché du bœuf d’une hausse du prix
9 Donnez un exemple d’un prix plafond. des céréales.
b) L’eet sur le marché du sel de déglaçage d’une
10 Commentez l’armation suivante : « Le salaire
augmentation du nombre de tempêtes de neige.
minimum est un prix plancher qui peut engendrer
du chômage. » c) L’eet sur le marché du livre d’une plus grande
disponibilité de versions numériques gratuites
sur Internet.
Questions d’application 14 Expliquez comment le marché touristique brési-
lien a été inuencé par les Jeux olympiques d’été de
11 Le représentant de l’Association des producteurs 2016. Utilisez le modèle de l’ore et de la demande.
d’automobiles vous demande de lui expliquer gra-
15 Le tableau suivant présente les prix ainsi que l’ore
phiquement l’eet, sur le marché de l’automobile,
et la demande de chambres d’hôtel à Montréal.
des événements suivants.
a) Une hausse du prix de l’essence.
Prix Quantité Quantité
b) L’abolition des tarifs du transport en commun. (en $) offerte demandée
c) Une baisse substantielle de l’impôt sur le revenu 30 0 18 000
des particuliers. 60 4 000 16 000
d) Une diminution du prix des pièces d’automobiles. 90 8 000 14 000
12 « Une seconde, le temps d’un battement de cils, et 120 12 000 12 000
la planète vient d’avaler un bon millier de barils de 150 16 000 10 000
pétrole. Chaque seconde, le monde engloutit près
de 160 000 litres d’or noir. Il faut 93 millions de 180 20 000 8 000
barils pour étancher cette soif quotidienne. Pour- 210 24 000 6 000
tant, après avoir été confronté à un troisième choc
pétrolier en 2008 (le cours du brut avait atteint un a) Tracez sur un graphique les courbes de l’ore et
record de 144,27 $ le 2 juillet), après avoir connu de la demande de chambres d’hôtel.

7. Losson, Christian et de Filippis, Vittorio. (21 novembre 2014). « Pourquoi l’or noir ne vaut plus de l’or », Libération.fr.
52 CHAPITRE 2

b) Déterminez le prix et la quantité d’équilibre 1591 demandes et 773 ores d’admission au bac-
pour ce marché. calauréat en administration.
c) Déterminez le prix auquel les hôteliers ne sont a) Dans l’hypothèse d’un marché parfaitement
pas disposés à orir des chambres. concurrentiel, expliquez comment évolueraient
d) Qu’adviendrait-il de l’équilibre du marché les droits de scolarité pour que l’équilibre se
si Montréal se voyait retirer un événement rétablisse.
spécial tel le Grand Prix de Formule 1 ? Tra- b) Sachant que les droits de scolarité ne peuvent ser-
duisez graphiquement cet événement par vir de mécanisme pour rétablir l’équilibre, déter-
le déplacement approprié d’une des deux minez le nombre d’étudiants qui seront admis en
droites de 6000 chambres d’hôtel à chaque administration et comment ils seront sélectionnés.
niveau de prix. c) Qui sont les gagnants et les perdants d’un gel des
e) À partir de la réponse obtenue en d), déterminez droits de scolarité ?
le prix auquel les consommateurs ne sont pas 18 À l’aide du tableau suivant indiquant le barème ctif
disposés à louer une chambre d’hôtel. d’ore et de demande de caisses de 24 bouteilles de
16 Les fonctions suivantes présentent l’ore et la bière, répondez aux questions.
demande pour des caisses de bleuets : a) Tracez dans un graphique les courbes de l’ore et
P = 75 − 0,25Q d et P = 0,50Qo de la demande de ce marché. Déterminez le prix
et la quantité d’équilibre sur ce marché.
a) Déterminez le prix et la quantité d’équilibre sur le
marché des bleuets. b) « De passage à l’Université Laval hier, le député
conservateur Maxime Bernier a reproché au
b) Y a-t-il un surplus ou une pénurie au prix de 40 $ ? gouvernement de traiter les gens comme des
Comment l’équilibre sera-t-il établi ? enfants en leur imposant un prix minimum
17 Selon les statistiques de l’Université du Québec à sur la bière. “Eh oui, la bière pourrait coûter
Montréal, il y a eu, à la session d’automne 2014, moins cher, mais le gouvernement a peur que

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) est constituée de 12 pays : l’Algérie, l’Angola, la Libye, le Nigéria, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes
unis, l’Irak, l’Iran, le Koweit, le Qatar, l’Équateur et le Venezuela. Des désaccords concernant le prix du pétrole peuvent subvenir au sein même de l’organisation.
Modèle de l’offre et de la deMande 53

Quantité (OPEP), le Venezuela et l’Arabie saoudite, doivent


Prix Quantité offerte
(en $) (en millions)
demandée décider de leur production de pétrole respective.
(en millions) An de simplier la démonstration, supposons
50 20 0 qu’ils ont le choix entre seulement deux straté-
45 18 2 gies : coopérer, c’est-à-dire produire 3 millions de
40 16 4 barils par jour, ou ne pas coopérer en produisant
35 14 6
4 millions de barils par jour. Le tableau ci-dessous
décrit (avec des chires ctifs) ce jeu d’un point de
30 12 8 vue stratégique. Les quatre cases du tableau résu-
25 10 10 ment les prots (en millions de dollars par jour)
20 8 12 respectifs du Venezuela (coin inférieur gauche)
15 6 14 et de l’Arabie saoudite (coin supérieur droit). À l’aide
10 4 16 de ce tableau, répondez aux questions suivantes.
5 2 18
Production de
l’Arabie Saoudite
vous en buviez trop si le prix est trop bas !” (en millions de barils/jour)
a-t-il lancé devant une centaine d’étudiants8. » 3 4
Selon vous, pourquoi le gouvernement du Qué- Production du 180 200
3
bec a-t-il imposé un prix plancher de la bière Venezuela 180 150
en 1994 ? (en millions de 150 160
barils/jour) 4
c) Que se passerait-il si le gouvernement du Qué- 200 160
bec établissait un prix plancher pour la caisse de
24 bouteilles de bière à 20 $ ? Quels seraient le a) Quelle est l’équilibre – ou l’issue – du jeu?
prix de vente et la quantité vendue ?
b) Si le Venezuela et l’Arabie saoudite arrivaient à
d) Que se passerait-il si le gouvernement du Qué- s’entendre sur la quantité de pétrole à produire,
bec établissait un prix plancher pour la caisse de quelle quantité choisiraient-ils de produire? Jus-
24 bouteilles de bière à 30 $ ? tiez votre réponse.
e) À partir des réponses que vous aurez fournies c) Pourquoi l’Arabie saoudite refuse-t-elle de dimi-
en a) et en d), dites si les revenus des détaillants nuer sa production de pétrole?
(prix du bien multiplié par la quantité vendue) d) Comment appelle-t-on une situation où l’équilibre
ont augmenté ou diminué. du jeu débouche sur un résultat insatisfaisant
19 « L’Arabie saoudite a essuyé les attaques des pro- pour les deux joueurs?
ducteurs pétroliers mardi pour son soutien tacite
à la chute des cours pétroliers. Alors que le prix
du baril est tombé à moins de 45 $US, l’Iran et
Question d’intégration
d’autres membres de l’OPEP, comme le Venezuela, 20 Au chapitre 1, nous avons précisé les caracté-
critiquent la politique de l’Arabie saoudite, chef de ristiques d’une économie planiée. Après avoir
le du cartel, qui refuse une baisse de la produc- passé en revue les composantes du modèle de l’ore
tion pour faire remonter les cours 9. » et de la demande étudié dans ce chapitre, établissez
Prenons le cas du duopole où deux pays membres les distinctions entre une économie fonctionnant
de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole selon ce modèle et une économie planiée.

8. Porter, Isabelle. (11 novembre 2010). « La bière, nouvel argument de la droite », Le Devoir.com.
9. Agence France-Presse. (14 janvier 2015). « L’Arabie saoudite essuie le tir croisé des producteurs pétroliers », Le Devoir.com.
54 CHAPITRE 2

Appendice mathématique

L’équilibre du marché La fonction d’offre


De la même façon, si on suppose qu’il existe une
à l’aide d’équations relation linéaire entre le prix (P) et la quantité
oerte (QO), on peut exprimer la fonction d’ore
Nous avons vu que les barèmes et les courbes sont de
de la manière suivante :
puissants outils d’analyse pour déterminer l’équilibre
du marché. Voyons maintenant, à l’aide d’équations QO = bP – a
d’ore et de demande, comment tout cela s’articule.
où b (la pente de la fonction d’ore) et a sont
des constantes.
La fonction de demande
Notez que a/b (valeur de P lorsque QO = 0) désigne
En supposant qu’il existe une relation linéaire
le prix minimum auquel les entreprises sont dispo-
entre le prix (P) et la quantité demandée (QD),
sées à orir. Graphiquement (voir la gure A-2.2),
on peut exprimer la fonction de demande de la
il correspond à l’endroit où la droite de l’ore coupe
façon suivante :
l’axe des ordonnées.
QD = –bP + a
FIGURE A-2.2 Fonction de l’offre
oùb(la pente de la fonction de demande) eta(la quan-
tité demandée au prix zéro) sont des constantes.
Notez que a/b (valeur de P lorsque QD = 0) désigne
le prix maximum auquel les consommateurs
sont disposés à acheter. Graphiquement (voir la
gure A-2.1), il correspond à l’endroit où la droite
de la demande coupe l’axe des ordonnées.

FIGURE A-2.1 Fonction de la demande

L’équilibre du marché
Le marché est en équilibre à l’intersection des deux
droites, c’est-à-dire lorsque la quantité demandée
par le consommateur coïncide avec la quantité
oerte par l’entreprise. On a alors :
QD = Q O

Dans la mesure où les fonctions de la demande


Remarque : par convention, depuis la contribution de l’économiste anglais
et de l’ore correspondent aux barèmes vus pré-
Alfred Marshall (1842-1924), on place sur un graphique les prix sur l’axe cédemment dans l’exemple de l’essence (voir le
vertical et les quantités sur l’axe horizontal. Cette inversion par rapport à la
représentation mathématique conventionnelle provient du fait qu’Alfred
tableau 2.6 à la page 38), il s’ensuit que :
Marshall pensait que le prix était véritablement la variable dépendante,
c’est-à-dire que l’équilibre était atteint par une mobilité des quantités, QD = –2P + 280 (fonction de demande)
ce qui en réalité n’est pas le cas.
QO = P – 50 (fonction d’ore)
Modèle de l’offre et de la deMande 55

En résolvant le système d’équations à l’aide de la FIGURE A-2.3 Offre et demande sur le marché
méthode par comparaison, on peut établir que : de l’essence

–2P + 280 = P – 50

=> 330 = 3P

=> P = 110

Pour trouver la quantité d’équilibre, il sut de


remplacer la valeur de P dans une des deux équa-
tions. Ainsi, en remplaçant la valeur de P dans
l’équation de la demande, on obtient :
QD = –2(110) + 280

=> Q = –220 + 280

=> Q = 60

Par conséquent, le prix d’équilibre est de 110 (en ¢)


et la quantité d’équilibre est de 60 (millions de
litres par jour), comme on le voit à la gure A-2.3.
2
PARTIE

FONDEMENTS
MACROÉCONOMIQUES

LE CHAOS ET LES CAHOTS DU PIB


Jean-Marie Harribey

Je produis, le PIB augmente ;


tu produis, le PIB augmente aussi ;
il détruit, le PIB augmente ;
elle répare, le PIB augmente encore ;
nous polluons, le PIB augmente ;
vous dépolluez, le PIB augmente ;
ils et elles (les économistes) calculent
de combien augmente le PIB,
le PIB augmente toujours.
N’est-ce pas formidable l’économie ?
Il n’y a que des plus, jamais des moins […]

Source : Harribey, Jean-Marie. (2004). La démence sénile du capital. Fragments d’économie critique, Paris, Éditions
du Passant, p. 28.
INDICATEURS DE
LA PRODUCTION
CHAPITRE
#
3 ET DES INÉGALITÉS
ÉCONOMIQUES

3.1 Produit intérieur brut .............................................. 59


3.2 Du PIB nominal au PIB réel ..................................... 64
3.3 Croissance économique .......................................... 65
3.4 Indicateurs de la richesse et
du bien-être d’une société...................................... 67
En un clin d’œil .......................................................... 76
Testez vos connaissances ...................................... 77
Laboratoire informatique ........................................ 79
Appendice mathématique ....................................... 80

« Les étudiants qui arrivent à comprendre


l’identité macroéconomique Y = C + I + G +
(X – M) en savent déjà plus que la plupart des
journalistes et des hommes politiques. »
James Tobin (1918-2002), économiste américain
Prix Nobel d’économie en 1981
CHAPITRE
3 OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• dénir et mesurer le PIB ;
• distinguer le PIB nominal du PIB réel ;
• mesurer la croissance économique à partir du PIB réel ;
• reconnaître les limites du PIB en tant qu’indicateur de l’activité économique.

ous l’avons vu, la science économique s’intéresse aux décisions que

N prennent les agents économiques. Or, pour prendre des décisions


éclairées, il est essentiel d’être bien informé et de comprendre
les rouages de l’économie. Chaque jour nous sont transmises des
informations de nature macroéconomique (nouvelles tendances, marchés en
émergence, guerres, attentats terroristes, élections, nouvelles lois, changements
climatiques) qui inuent sur notre environnement et, parallèlement, sur notre
quotidien (notre travail, nos études, nos revenus, nos dépenses, notre lieu de
résidence, nos déplacements, notre destination de vacances). Mais, direz-vous,
comment s’y retrouver ?
Vous avez sans doute déjà entendu annoncer, au bulletin de nouvelles du soir,
les plus récentes données sur le PIB canadien ou sur le taux de chômage. Ou
encore lu dans un quotidien que la Banque du Canada s’inquiète de pressions
inationnistes. En effet, il est souvent question dans l’actualité d’un certain
nombre de données statistiques. Ce sont des indicateurs macroéconomiques.
Comme le médecin se sert d’un thermomètre pour prendre la température de
son patient, l’économiste se sert des indicateurs pour déterminer l’état de santé
d’une économie.
Dans ce chapitre et le suivant, nous étudierons les principaux indicateurs
économiques. Bien qu’ils ne sufsent pas à permettre une parfaite compréhension
des raisonnements et des mécanismes économiques, ces indicateurs sont
néanmoins de bons instruments de mesure qui nous aideront à déceler les
tendances de la conjoncture économique canadienne, c’est-à-dire de l’humeur
économique du pays à un moment précis de son évolution.
Le présent chapitre est consacré aux indicateurs de l’activité économique. Pour
évaluer le niveau et la croissance de la production globale d’une économie,
les économistes utilisent la comptabilité nationale. À l’instar des écritures
comptables d’une entreprise, les données de la comptabilité nationale fournissent
de l’information sur l’ensemble des activités économiques d’un pays et sont donc
essentielles à la bonne conduite de ses politiques économiques.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 59

3.1 Produit intérieur brut


Alors que les données concernant une entreprise
sont recueillies par ses administrateurs, celles
ayant trait à une nation le sont par un organisme
chargé de leur collecte. Au Canada, c’est Statistique
Canada qui s’acquitte de cette tâche, généralement
par enquête ou par recensement, comme pour le
décompte de la population réalisé tous les cinq ans.
L’organisme collecte ainsi une importante quan-
tité d’information ; toutefois, l’indicateur clé de la
comptabilité nationale est le produit intérieur brut
et tous ses dérivés.
Le produit intérieur brut (PIB), c’est la valeur,
aux prix du marché, de l’ensemble des biens et des Selon Auto21, le secteur de l’automobile est le secteur industriel
services naux produits à l’intérieur des frontières le plus important du Canada, donnant un emploi direct ou indirect à
un Canadien sur sept (Réseaux de centres d’excellence, 2014).
d’un pays au cours d’une période donnée. Exami-
nons chacun des éléments de cette dénition.
d’un pays là où ils se trouvent. Avant 1986, le
● La valeur aux prix du marché. Le PIB s’exprime Canada utilisait le produit national brut
en unités monétaires. Il s’agit ici de mesurer la (PNB), qui mesure la production eectuée par
valeur de tout ce qui a été produit dans le pays, les résidents d’un pays, quel que soit le lieu où se
qu’il s’agisse de voitures, de coupes de cheveux, de fait cette production. Par exemple, la production
repas au restaurant ou de litres de lait. Or, pour d’une entreprise canadienne en territoire étran-
additionner la valeur de tous ces biens et de tous ger n’est pas comptée dans le PIB, mais elle sera
ces services, il faut attribuer un prix à chacun comptée dans le PNB. Inversement, la production
d’eux. Comment détermine-t-on ces prix ? On d’une entreprise étrangère en territoire canadien
utilise les prix du marché de l’année en cours, est calculée dans le PIB, mais soustraite du PNB.
c’est-à-dire les prix de détail, par opposition aux Le PIB reète donc mieux que le PNB la réalité
prix de gros. Le PIB aux prix du marché s’appelle économique du pays étudié.
également « PIB nominal ».
● Au cours d’une période donnée. Le PIB, c’est la
● Les biens et les services naux. La plupart des production faite pendant une certaine période,
biens et des services produits passent par plu- c’est-à-dire entre deux dates. Par exemple,
sieurs étapes avant d’être vendus. Leur prix le PIB de 2014 correspond à la valeur des
nal comprend toutes les transactions inter- biens et des services produits du 1er janvier
médiaires. Ainsi, le prix du pain inclut le prix de au 31 décembre 2014. On parle alors de don-
la farine qui a servi à le produire. Le prix d’une nées annuelles. Les données peuvent aussi être
consultation chez un avocat comprend le prix
des services téléphoniques qu’il utilise. Pour ne
pas compter plus d’une fois la production inter- Produit intérieur brut (PIB) Indicateur mesurant la
médiaire, on ne considère que les transactions valeur de l’ensemble des biens et des services naux
portant sur les biens et les services à leur stade produits à l’intérieur des frontières d’un pays au cours
nal de transformation au pays. d’une période donnée.
Produit national brut (PNB) Indicateur mesurant la
● À l’intérieur des frontières d’un pays. On s’inté- valeur de l’ensemble des biens et des services naux
resse à ce qui est produit à l’intérieur des fron- produits par les résidents d’un pays au cours d’une
tières d’un pays ou d’un territoire donné, par période donnée sur le territoire et à l’étranger.
opposition à ce qui est produit par les habitants
60 CHAPITRE 3

trimestrielles (trois mois) ou mensuelles. Le PIB ● Les biens semi-durables, tels les vêtements, les
est donc un ux, parce qu’il est mesuré sur une chaussures, les pneus, etc.
période donnée, contrairement à la richesse, que
beaucoup confondent avec le PIB, mais qui est
● Les biens non durables, biens qui sont détruits
lors de leur première consommation, comme
un stock, variable mesurée à un moment précis
dans le temps. La richesse équivaut à la valeur les aliments.
totale des actifs d’un agent économique à un ● Les services, produits intangibles tels les services
moment donné (propriétés, actions, dépôts, etc.). des coieurs, des esthéticiens, des dentistes, des
Bien sûr, le PIB ne mesure que les biens et les ser- avocats, des comptables, etc.
vices naux ayant fait l’objet d’une transaction Notez que l’achat d’une maison neuve n’entre pas
nancière déclarée. Il ne mesure donc ni les tran- dans cette catégorie, mais plutôt dans la catégorie
sactions qui se font hors marché, comme le béné- « des investissements bruts » puisqu’il est considéré
volat et les travaux domestiques non rémunérés, ni comme un investissement de capital de production.
le produit du travail au noir, ni celui du crime orga-
nisé. Les transactions non productives, comme Les dépenses de consommation
les ventes de biens usagés et les transferts de des institutions sans but lucratif
propriété, sont aussi exclues du PIB parce qu’elles au service des ménages (Cisblsm)
n’ajoutent rien à la production courante. Cette catégorie comprend les dépenses en salaires,
Ainsi, le calcul du PIB consiste à déterminer la valeur en loyer et en fournitures eectuées par les insti-
totale des biens et des services produits durant une tutions sans but lucratif au service des ménages
année donnée. Or, on sait que, d’une part, ces biens et qui fournissent des biens ou, plus généralement,
ces services sont achetés par les agents économiques des services dont leurs membres sont les princi-
et que, d’autre part, les propriétaires de ressources paux bénéciaires. On peut penser, par exemple,
(travail, capital, terre, entrepreneuriat), ayant parti- aux associations professionnelles, aux partis
cipé à la production, ont reçu une rémunération. On politiques, aux syndicats des salariés, aux clubs
peut donc évaluer le PIB selon deux approches : celle sociaux, culturels, récréatifs et sportifs.
des dépenses et celle des revenus1. Les dépenses de consommation
des administrations publiques (G)
3.1.1 Le calcul du PIB selon l’approche Les dépenses de consommation des admi-
des dépenses nistrations publiques sont les achats de biens
L’approche des dépenses consiste à additionner les et de services eectués par les diérents paliers
dépenses nales liées à la production de biens et de de gouvernement. Il s’agit essentiellement des
services eectuées par divers agents économiques
au cours d’une période donnée. Ces dépenses se
divisent en six catégories.
Flux Valeur (ou quantité) mesurée sur une
À propos du PIB (Statistique Canada) période donnée.
Les dépenses de consommation Stock Valeur (ou quantité) mesurée à un moment
des ménages (Cm) précis dans le temps.

Les dépenses de consommation des ménages Dépenses de consommation des ménages Achats
peuvent être réparties en quatre types de biens de biens et de services effectués par les ménages.
et de services : Dépenses de consommation des administrations
publiques Achats de biens et de services effectués
● Les biens durables, tels les meubles, les électro- par les gouvernements.
ménagers, les voitures, etc.
1. Il est à noter que les comptes nationaux ont été modiés en 2012 an de respecter les nouvelles normes internationales.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 61

dépenses liées au fonctionnement des systèmes


de santé et d’éducation, ainsi qu’à l’entretien des
routes et des édices publics. Les achats de four-
nitures de bureau, de services de nettoyage, de
voitures de fonction, d’uniformes et d’équipement
des policiers et des pompiers, par exemple, en font
également partie.
Il faut noter que les transferts aux ménages, comme
l’assurance-emploi ou les pensions de vieillesse, ne
sont pas inclus dans les dépenses en biens et en
services de l’État, car ils constituent des mesures
de redistribution du revenu et non pas une produc-
tion de biens et de services. Les événements sportifs d’envergure comme les Jeux olympiques
de Rio de Janeiro qui se sont tenus au Brésil à l’été 2016 stimulent-
Les investissements bruts ou formation ils réellement la croissance économique d’une nation ?
brute de capital xe (Ib)
Les investissements bruts, ou formation brute baisses de stocks en sont soustraites. Une aug-
de capital xe, comme on les appelle dans la comp- mentation des stocks représente des biens qui
tabilité nationale de Statistique Canada, représen- ont été produits, mais pas encore achetés. On les
tent l’augmentation de la capacité de production du ajoute aux autres dépenses, car c’est la production
pays ou d’un agent économique. C’est une catégorie que l’on cherche à mesurer.
qui comprend principalement les investissements
(en capital xe) des entreprises privées, mais aussi Les exportations nettes de biens
les investissements des administrations publiques et de services (X – M)
et des ménages. Il s’agit du montant des exportations (achat par
les étrangers de biens et de services intérieurs)
● Les investissements des entreprises privées, duquel on a retranché le montant des impor-
investissements nancés par des entreprises tations (achat par les agents économiques au
appartenant à des particuliers et qui com- Canada de produits étrangers). Une partie des
prennent la construction non résidentielle biens produits au pays sont consommés à l’étran-
(tours de bureaux, centres commerciaux) et ger. De la même façon, une partie des biens que
l’achat de machinerie et de matériel nécessaire nous consommons ont été fabriqués ailleurs qu’au
à la production. Canada. Si ces biens ont été comptabilisés comme
● Les investissements des administrations publi- consommation, il faut maintenant les déduire, car
ques, investissements nancés par l’ensemble des ils n’ont pas été produits chez nous.
contribuables tels que la construction de barrages,
de routes, de ponts, d’écoles, d’hôpitaux, etc.
Investissement brut Dépense en capital physique
● Les investissements des ménages, investisse- effectuée par les entreprises, les administrations
ments provenant des ménages qui comprennent publiques et les ménages an d’accroître leur capacité
de production et de consommation.
essentiellement la construction résidentielle.
Investissement en stocks Variation des stocks des
Les investissements en stocks (Is) entreprises privées et publiques.
Les investissements en stocks ne constituent Exportation Achat de biens et de services intérieurs
pas du capital, mais une variation des stocks des effectués par les étrangers.
entreprises et du secteur public. En d’autres mots, Importation Achat de biens et de services étrangers
les augmentations de stocks sont ajoutées aux effectués par les résidants du pays.
investissements des entreprises, tandis que les
62 CHAPITRE 3

On obtient la valeur du PIB selon l’approche des Le tableau 3.1 donne la valeur du PIB du Canada
dépenses en faisant la somme des dépenses et la part relative des catégories de dépenses pour
des divers types d’agents économiques que nous l’année 2014. On constate que les dépenses des
venons de décrire : consommateurs représentent près de 56 % (54,3 %
+ 1,4 %) des dépenses totales, et on comprend alors
PIB = C m + C isblsm + G + I b + Is + (X – M) facilement que les économistes et les décideurs
politiques observent de très près les données rela-
tives à cette catégorie. C’est pourquoi, lorsque le
Souvent, les économistes, dans le but de simpli-
Conference Board annonce une baisse du niveau
er les éléments du PIB considéré sous l’angle des
de conance des consommateurs, on peut généra-
dépenses, intègrent les dépenses de consomma-
lement s’attendre à un ralentissement de la crois-
tion des institutions sans but lucratif au service
sance de l’économie canadienne.
des ménages (Cisblsm) aux dépenses de consom-
mation des ménages (Cm) et regroupent les deux
types d’investissement. Ces deux agrégations sont 3.1.2 Le calcul du PIB selon
représentées sous les vocables suivants : C, I. En l’approche des revenus
tenant compte de ces deux agrégations, on obtient L’approche des revenus consiste à additionner les
le calcul suivant pour le PIB : revenus gagnés par les propriétaires des ressources
ou des facteurs de production (travail et capital)
PIB = C + G + I + (X – M) entrant dans la production des biens et des ser-
vices naux, d’y ajouter les taxes et d’en soustraire
C : valeur des dépenses eectuées par les consom- les subventions de façon à obtenir une mesure
mateurs (ou les ménages) ; équivalant à celle du PIB en termes de dépenses2.
Les principaux éléments à considérer sont la rému-
G : valeur des dépenses eectuées par les gouver- nération des salariés, l’excédent d’exploitation
nements (ou l’État) ; brut et les revenus mixtes bruts.
I : investissements des entreprises privées et La rémunération des salariés (S)
publiques (principalement) ;
C’est la rémunération totale brute des travail-
X – M : exportations nettes. leurs (tous les salaires avant impôts versés par les

TABLEAU 3.1 Produit intérieur brut en termes de dépenses, au Canada, en 2014

Catégories de dépenses En millions de $ En % du PIB


Dépenses de consommation des ménages (C m)
Dépenses de consommation des institutions sans but lucratif
au service des ménages (Cisblsm)
C
{ 1 072 843

27 879
54,3

1,4

Dépenses de consommation des administrations publiques (G) 417 474 21,1


Investissements bruts (Ib)
Investissements en stock (Is)
I { 467 235
7 122
23,7
0,4
Exportations (X) 624 311 31,6
Moins : Importations (M) 642 309 32,5
Divergence statistique 270 0,0
Produit intérieur brut (PIB) 1 974 825 100,0
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 380-0064.

2. Statistique Canada. (2015). « À propos des comptes de revenus et dépenses ».


INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 63

entreprises, incluant les avantages sociaux comme (taxes) sur la production versés par l’entreprise
les cotisations de l’assurance-emploi et les alloca- (impôts fonciers, taxes sur la masse salariale,
tions de retraite) ayant participé à la production. taxes sur le capital) et les subventions perçues.
Il s’agit des travailleurs provenant de tous les sec- ● Les impôts nets sur les produits (Tn2), qui corres-
teurs d’activité. Cette catégorie est la plus impor-
tante, puisqu’elle représente généralement plus de pondent à la diérence entre les impôts (taxes)
la moitié du PIB. sur les produits versés par l’entreprise (taxes de
vente comme la TPS et la TVQ, taxes d’accise,
L’excédent d’exploitation brut (EEb) droits de douane) et les subventions perçues.
Cette catégorie comprend le bénéce brut des Ainsi, on obtient le PIB, en faisant la somme de
sociétés (les entreprises incorporées, les com- tous ces éléments :
pagnies), mais aussi celui des administrations
publiques et des institutions sans but lucratif au PIB = (S + EEb + RM b) + Tn1 + Tn2
service des ménages (ISBLSM) ; celles-ci, même si
elles ne devraient normalement pas faire de béné- Le calcul du PIB selon l’approche des revenus est
ces, doivent quand même générer des revenus présenté au tableau 3.2. En théorie, on obtient le
pour compenser la dépréciation de leur capital. En même résultat en utilisant l’une ou l’autre des deux
réalité, on obtient l’excédent d’exploitation brut des approches. En pratique, cependant, étant donné
sociétés en soustrayant de leurs recettes de ventes que Statistique Canada procède à partir d’une en-
leurs coûts en salaires versés aux travailleurs, en quête par sondage, il y a toujours une diérence
achats de biens et de services intermédiaires et entre les résultats des deux méthodes de calcul.
en taxes remises aux gouvernements.
An d’obtenir le résultat le plus able possible,
Les revenus mixtes bruts (RM b) Statistique Canada estime la valeur du PIB en
Le revenu mixte brut désigne le revenu d’exploi- calculant la moyenne des deux résultats. La dié-
tation des entreprises individuelles (c’est-à-dire rence entre le PIB et la valeur calculée par les deux
des entreprises non incorporées en société). Il se méthodes s’appelle « divergence statistique ». C’est
compose essentiellement des bénéces bruts des pourquoi nous trouvons l’élément « divergence sta-
entreprises avant impôt sur le revenu, y compris tistique » dans le calcul du PIB.
les provisions pour consommation de capital
(la valeur de la dépréciation de l’équipement
que les entreprises ont déduite de leurs revenus), TABLEAU 3.2 Produit intérieur brut en termes
les revenus divers de placements, les dividendes de revenus, au Canada, en 2014
versés moins les dividendes reçus, l’intérêt versé Catégories de revenus
En millions
En % du PIB
de $
moins l’intérêt reçu et l’ajustement de la valeur des
Rémunération des salariés (S) 994 219 50,3
stocks (ajustement apporté pour tenir compte de
Excédent d’exploitation
la variation de la valeur des stocks non agricoles 558 030 28,3
brut (EEb)
résultant de la variation des prix). Sont exclus
Revenu mixte (RMb) 224 855 11,4
de l’excédent d’exploitation les gains et pertes de
détention, comme les gains en capital réalisés sur Impôts moins subventions sur
77 368 3,9
la production (Tn1)
la vente d’actifs.
Impôts moins subventions
sur les produits et les 120 623 6,1
À cela, il faut donc ajouter les deux types de taxes
importations (Tn2)
indirectes des gouvernements pour obtenir le PIB
Divergence statistique –270 0,0
aux prix du marché.
Produit intérieur brut (PIB) 1 974 825 100,0
● Les impôts nets sur la production (Tn1), qui Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 380-0063.
correspondent à la diérence entre les impôts
64 CHAPITRE 3

3.2 Du PIB nominal Le tableau 3.3 donne les valeurs du PIB nominal, de
l’IIP et du PIB réel du Canada pour les années 2007
au PIB réel à 2014.
Prenons le cas d’une entreprise qui produit uni- Ainsi, en 2014, le PIB nominal du Canada était
quement des camions militaires. Si un camion se de 1974,8 milliards de dollars et l’indice impli-
vend 80 000 $, une production de 100 camions cite des prix, de 113,0. Le PIB réel était donc
rapporte 8 millions de dollars (80 000 $ × 100). Or, celui-ci :
si l’année suivante le revenu de l’entreprise atteint
12 millions de dollars, peut-on armer que la PIB nominal (2014) 1974,8 milliards $
× 100 = × 100
hausse découle d’une augmentation de la produc- IIP (2014) 113,0
tion ? Pas nécessairement ! = 1747,6 milliards $ de 2007

Comme le revenu dépend de la quantité produite et


du prix, la variation de la valeur des ventes pourrait TABLEAU 3.3 Évolution du PIB nominal et réel
au Canada, 2007-2014
tout aussi bien provenir d’un changement dans la
production que d’une augmentation du prix auquel PIB nominal
IIP
PIB réel
Année (en milliards (en milliards
est vendu le produit. En eet, si le prix des camions de $)
(2007 = 100)
de $ de 2007)
s’établit maintenant à 120 000 $ l’unité, cela vou-
2007 1565,9 100,0 1565,9
drait dire que, malgré l’accroissement des revenus,
le niveau de production n’aurait pas changé. 2008 1646,0 103,9 1584,2

Comme pour cette entreprise, lorsqu’on veut 2009 1567,0 101,6 1542,3
connaître l’augmentation (ou la diminution) de la 2010 1662,8 104,4 1592,7
production d’un pays, on doit éliminer l’eet des 2011 1770,0 107,9 1640,4
prix dans le calcul du PIB. On parlera alors de PIB
2012 1831,2 109,6 1670,8
réel, par opposition au PIB nominal dont les
variations peuvent provenir des changements tant 2013 1893,8 111,0 1706,1
des prix des biens et des services que des quantités 2014 1974,8 113,0 1747,6
réelles produites. Pour s’assurer que l’indicateur
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 380-0064 et
ne reète que ce dernier aspect (les quantités de 380-0066.
biens et de services produites), on eectuera le
calcul du PIB réel à l’aide de l’indice implicite
des prix (IIP) (voir l’appendice mathématique du
chapitre 4 à la page 106 pour plus d’information PIB réel PIB auquel on a enlevé l’effet de l’ination. Il
sur les indices). s’exprime en dollars constants, c’est-à-dire en dollars
de l’année de référence.
Cet indicateur, aussi appelé « déateur », permet de
PIB nominal PIB qui ne prend pas en considération la
convertir rapidement le PIB en dollars de l’année uctuation des prix. Il s’exprime en dollars courants,
en cours (disons 2014) en dollars d’une année de c’est-à-dire en dollars de l’année en cours.
référence (disons 2007). Le calcul du PIB réel s’ef-
Indice implicite des prix (IIP) Indicateur qui donne
fectue de la façon suivante3 : la moyenne pondérée des prix de l’ensemble des biens
et des services produits à l’intérieur d’un pays au
PIB nominal cours d’une période donnée.
PIB réel = × 100
IIP

3. La méthode présentée ici est la méthode traditionnelle, c’est-à-dire fondée sur les prix de l’année de base. Toutefois, depuis le 31 mai 2001, Statistique Canada
utilise une nouvelle méthode (plus complexe) de calcul pour le PIB réel en termes de dépenses, celle de l’« indice de volume en chaîne » ou « enchaîné » (basée sur
les prix de deux années). Pour plus d’information, consultez le document de Statistique Canada à l’adresse www.publications.gc.ca/Collection/Statcan/13-604-M/
13-604-MIF2003042.pdf.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 65

Ce montant indique quelle aurait été la valeur TABLEAU 3.4 Croissance du PIB canadien, 2008-2014
du PIB canadien en 2014 si les prix avaient été
PIB réel
ceux de 2007. En résumé, le PIB réel représente (en milliards
PIB réel
Année (variation relative
la valeur de la production mesurée en dollars de $ enchaînés
en %)
de 2007)
constants, c’est-à-dire en dollars de l’année de réfé-
rence. On parlera toujours du PIB réel lorsqu’on 2007 1 565,9 —

voudra mesurer la croissance économique d’un 2008 1 584,3 1,2


pays, puisqu’une hausse de cette dernière reète 2009 1 541,3 −2,7
uniquement une augmentation de la produc- 2010 1 593,4 3,4
tion globale. 2011 1 640,5 3,0
2012 1 672,1 1,9
2013 1 705,6 2,0

3.3 Croissance économique 2014 1 747,2 2,4


Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 380-0064.
Maintenant que nous savons déterminer la
valeur du PIB réel à partir du PIB nominal, voyons
comment calculer la croissance économique à lorsqu’il y a eu augmentation du PIB réel, c’est-
partir du PIB réel. La croissance économique est à-dire lorsque la variation relative en pourcentage
une notion purement quantitative qui peut être est positive. Plus la variation relative en pourcen-
dénie comme une hausse soutenue de la pro- tage du PIB réel est élevée, plus la croissance est
duction globale d’une économie 4. Elle est souhai- forte. À l’opposé, si la variation relative en pour-
table pour toute société, car elle fait augmenter le centage est négative, comme en 2009, cela signie
nombre des biens et des services oerts et peut, si que la production globale diminue et que l’écono-
elle est équitablement redistribuée, améliorer le mie connaît une récession. On dit qu’une éco-
niveau de vie des citoyens. Pour la mesurer, il suf- nomie est en récession lorsque le PIB réel recule
t de calculer la variation relative en pourcentage durant au moins deux trimestres consécutifs.
du PIB réel (voir l’appendice mathématique du Notons qu’une diminution de la variation relative
chapitre 4 à la page 106). Il est donné par l’expres- en pourcentage ne correspond pas forcément à
sion suivante : une récession. En 2012, par exemple, le PIB réel a
crû de 1,9 %. Cela signie que le Canada a connu
PIB réel (t) – PIB réel (t – 1) une augmentation de l’activité économique,
∆ PIB réel % = × 100
(pour la période t) PIB réel (t – 1) mais moins forte que l’année précédente (3,0 %).
On parlera alors de décroissance économique.
Par exemple, on voit au tableau 3.4 que la crois- L’exemple 3.1, à la page suivante, illustre comment
sance économique du PIB réel en 2014 équivaut calculer la croissance économique d’un pays.
à 2,4 %. Pour la calculer, on a simplement pris les
valeurs du PIB réel pour les années 2013 et 2014 :
Croissance économique Hausse soutenue de la
PIB réel (2014) – PIB réel (2013) 1747,2 – 1705,6
× 100 = × 100 production globale d’une économie ; elle se mesure
PIB réel (2013) 1705,6 par la variation relative en pourcentage du PIB réel.
= 2,4 % Expansion économique Augmentation du PIB réel
sur une période donnée.
La gure 3.1 (voir la page suivante) illustre Récession Recul du PIB réel durant au moins deux
la croissance économique canadienne de 1982 trimestres consécutifs.
à 2014. On parle d’expansion économique

4. Elle peut aussi être dénie comme une augmentation soutenue de la productivité, c’est-à-dire de la production par habitant.
66 CHAPITRE 3

FIGURE 3.1 Croissance du PIB réel canadien, 1982-2014

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 380-0064.

EXEMPLE 3.1 Calculer la croissance économique d’un pays


À partir des données ci-dessous, c’est-à-dire le produit intérieur Après avoir calculé le PIB total du pays, on doit éliminer
brut en termes de dépenses, on désire connaître le PIB total l’effet prix dans le calcul du PIB an d’obtenir la valeur
ainsi que la croissance économique du Burdistan (pays ctif). de la production réelle de la période t en dollars de la période
t – 1. En dollars de l’année t – 1, la production de la période t
s’effectue comme suit :
Période t – 1 Période t
Catégories de dépenses
(en milliards de $)
PIB nominal (t) 11,0 G $
Consommation (C) 6,0 6,5 PIB réel (t) = × 100 = × 100
IIP (t) 105,0
Dépenses publiques (G) 2,0 1,0
= 10,5 G ($ de l’année t – 1)
Investissements (I) 2,0 2,5
Exportations (X) 4,0 4,5
Maintenant qu’on connaît le PIB réel à la période t, on peut
Moins : Importations (M) 4,0 3,5 calculer la croissance économique du Burdistan entre les
PIB nominal 10,0 11,0 périodes t – 1 et t.
IIP (période t-1 = 100) 100,0 105,0
PIB réel (t ) – PIB réel (t − 1)
∆ PIB réel % (pour la période t ) = × 100
Le PIB du Burdistan peut se calculer par la méthode des PIB réel (t − 1)
dépenses. En appliquant la formule C + G + I + X – M,
10,5 G $ − 10,0 G $
on obtient pour les périodes t – 1 et t respectivement : = × 100
10,0 G $
10 G $ (6,0 + 2,0 + 2,0 + 4,0 – 4,0) = 5,0 %
et
De la période t − 1 à la période t, la production du Burdistan a
11 G $ (6,5 + 1,0 + 2,5 + 4,5 – 3,5). augmenté de 5,0 %.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 67

3.4 Indicateurs de la richesse le PIB puisque les familles ont recours plus souvent
à des services de garde rémunérés et déclarés.
et du bien-être
d’une société Le PIB n’est pas non plus l’indicateur unique du
bien-être d’une société, quoiqu’on observe une rela-
Le PIB reète assez dèlement l’état de santé et tion positive entre les deux. Certes, plus une société
la performance économiques d’un pays. Ce n’est a de biens à se partager, plus le niveau de vie des
cependant pas une mesure exacte de la richesse et citoyens est susceptible d’augmenter. Mais le bien-
du bien-être d’une société. être est autre chose que la somme des biens et des
services produits au cours d’une année : la santé, le
Même si beaucoup l’interprètent sans nuances
niveau d’éducation, le temps de loisir et la qualité de
comme un indicateur de la richesse d’une éco-
l’environnement entrent aussi en ligne de compte.
nomie, le PIB mesure seulement ce qui est produit.
En fait, le PIB est à la richesse d’un pays ce que le sa- C’est pourquoi, pour mesurer la richesse et le bien-
laire est à la richesse d’un individu. De même qu’une être d’un pays, on complètera le PIB avec d’autres
personne ayant un salaire élevé est plus susceptible types d’indicateurs comme le PIB par habitant, le
d’être fortunée qu’une autre ayant un salaire bas, coecient de Gini, l’indicateur de développement
un pays ayant connu par le passé des niveaux de humain ou le PIB vert.
production élevés est plus susceptible d’être riche
que celui qui maintient de faibles niveaux de pro- 3.4.1 Le PIB par habitant
duction. Mais qu’est-ce au juste que la richesse d’un
pays ? À strictement parler, c’est le total de son Un pays ayant un PIB plus élevé qu’un autre pays
actif, c’est-à-dire l’ensemble de ses infrastructures est-il plus performant économiquement ? Pas
(hôpitaux, écoles, routes, ponts, bâtiments, etc.). nécessairement. Par exemple, en 2012, les États-
Unis avaient un PIB près de neuf fois plus élevé
Le PIB ociel mesure aussi seulement ce qui est que celui du Canada. Cet écart qui à première vue
échangé et déclaré. Il exclut donc les activités du semble immense est tout à fait normal puisque
marché noir (économie souterraine), les activités les Américains sont neuf fois plus nombreux que les
criminelles ou les biens et les services autopro- Canadiens. Quand on compare le PIB de deux pays,
duits. Pour certains pays, cette exclusion peut faire il est important de tenir compte de la taille de la
une énorme diérence. Dans un pays moins indus- population. C’est pour cette raison que les écono-
trialisé par exemple, la garde des enfants est à la mistes considèrent le PIB par habitant comme une
charge autonome des familles. Pour un pays comme mesure plus dèle de la performance économique
le Canada, cette même activité est enregistrée dans d’un pays.

La qualité de l’environnement, qui contribue grandement au bien-être d’une société, n’est pas prise en compte
dans le calcul du PIB. C’est pourquoi on a essayé de mettre au point d’autres indices comme le PIB vert.
68 CHAPITRE 3

Actualité économique
La croissance économique [la richesse et le bien-être matériel] est-elle
plus faible au Québec qu’ailleurs au Canada ?
On rapporte généralement la per- Par exemple, selon le Fonds monétaire Le revenu moyen des Norvégiens
formance économique d’une région international, la Norvège a enregistré était supérieur de 6 % à celui des
pour une année donnée en se basant en 2012 un PIB total de 275 milliards Américains.
sur le taux de croissance de son pro- de dollars ; les États-Unis, eux, un PIB
duit intérieur brut (PIB) par rapport à total de 16 250 milliards. La conclusion qui s’impose, c’est que
l’année précédente. la performance économique d’une
Est-ce que cela veut dire que les région doit s’évaluer en suivant l’évolu-
Le PIB mesure la valeur des biens Américains étaient plus riches que tion de son PIB par habitant, et non pas
et des services que la région a pro- les Norvégiens ? Pas du tout. Il y avait l’évolution de son PIB total. La crois-
duits dans l’année. (C’est identique à seulement 5 millions d’habitants en sance du PIB par habitant (ination
la valeur des revenus qu’elle a ainsi
Norvège en 2012, contre 315 millions déduite, bien sûr) est celle qui compte
engendrés.) Pour estimer de com-
bien le volume réel des biens et des aux USA. Le PIB par habitant était vraiment lorsqu’on veut apprécier la
services produits a augmenté depuis donc de 55 000 dollars en Norvège progression du bien-être matériel des
un an, il faut évidemment retrancher et de 51 600 dollars aux États-Unis. habitants de la région. […]
de la hausse du PIB la partie qui
résulte purement de prix plus élevés
(l’ination).

À l’heure actuelle (janvier 2014), on À vous de jouer !


estime que, ination ainsi déduite,
la croissance du PIB a été de 1,2 % 1 Que mesure le PIB d’une région ? 4 Pourquoi l’auteur ne considère-
au Québec, de 1,4 % en Ontario 2 Comment calcule-t-on la crois- t-il pas le PIB réel comme un indi-
et de 1,7 % dans l’ensemble du sance économique des biens et cateur du bien-être matériel des
Canada en 2013 par rapport à 2012. des services produits au cours habitants d’une population ?
Ces chiffres paraissent, en surface, d’une année ? 5 À l’aide des données du
donner une réponse afrmative à la 3 À l’aide des données du tableau 3.5 tableau 3.5, calculez le PIB par
question posée en titre. La crois- (données consultées en avril 2015), habitant du Québec et de l’Onta-
sance économique semble avoir été calculez la croissance économique rio en 2012 et 2013.
plus faible au Québec qu’ailleurs des biens et des services du Qué- 6 Dans quelle province observe-
en 2013. bec et de l’Ontario entre 2012 et t-on la meilleure progression du
2013 ? Qui a la croissance écono- bien-être matériel entre 2012
Mais attendez. Le PIB résulte tout mique la plus forte ? et 2013 ?
autant du nombre d’habitants dans la
région que de ce que chacun d’eux
produit et achète. Si la population TABLEAU 3.5 PIB réel et population au Québec et en Ontario,
double et qu’elle produit deux fois 2012 et 2013
plus de biens, le PIB va doubler, mais PIB réel
Population
il n’y en aura évidemment pas plus (en millions de $
Régions (en millions)
pour chacun. Le pouvoir d’achat (ou de 2007)
niveau de vie) moyen par habitant 2012 2013 2012 2013
sera inchangé.
Québec 328 082 331 231 8,085 8,154
Autrement dit, la mesure adéquate du Ontario 624 369 632 368 13,410 13,551
bien-être véritable des gens n’est pas
le PIB total, mais le PIB par habitant. Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 384-0038 et 051-0001.

Source : Fortin, Pierre. (10 janvier 2014). « La croissance économique a-t-elle été plus faible au Québec qu’ailleurs au Canada? » L’actualité.com.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 69

C’est donc souvent à l’aide du PIB par habitant développement économiques (OCDE) a calculé ces
que l’on fait des comparaisons internationales. taux de conversion (voir le tableau 3.6).
Or, comme la production de chacun des pays est
évaluée selon sa devise nationale, il faut également En 2000, l’écart de prix moyen d’un échantillon
de biens et de services entre le Canada et les États-
convertir toutes les valeurs en une monnaie de
référence. Par convention, on utilise le dollar amé- Unis était de 1,23. Ce qui signie que ce qui coû-
ricain. Étant donné que le niveau des prix change tait en moyenne 100 $ aux États-Unis se vendait
d’un pays à l’autre, il est important d’ajuster l’indi- en moyenne 123 $ au Canada. Un Canadien devait
cateur pour tenir compte de cette diérence. Les gagner 123 $CA pour que son pouvoir d’achat
organismes internationaux utilisent souvent le corresponde à celui d’un revenu de 100 $ aux
PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat, États-Unis. Pour comparer la richesse moyenne
ce qui signie que l’on a pris en compte les écarts de chacun des pays en parité du pouvoir d’achat
de prix et de taux de change (voir le chapitre 9). (PPA), on doit diviser les valeurs en dollars cana-
diens par le taux de conversion. Ainsi, de 2000 à
La parité de pouvoir d’achat (PPA) 2013, la richesse moyenne des Canadiens est pas-
Il est dicile de faire des comparaisons interna- sée de 33 035 $US en PPA à 36 157 $US en PPA.
tionales lorsque les indicateurs sont exprimés en Ces montants représentaient respectivement
monnaie nationale. Si le salaire moyen d’un Japo- 80,7 % et 79,2 % de la richesse moyenne des Amé-
nais est de 5,5 millions de yens alors que celui d’un ricains, alors qu’on aurait pu croire, si nous avions
Canadien est de 32 000 dollars canadiens, lequel utilisé le taux de change pour eectuer la comparai-
des deux est le plus élevé ? Le moyen de compa- son, que la richesse moyenne des Canadiens avait
raison le plus facile est d’utiliser le taux de change rattrapé celle de nos voisins du Sud. Cela aurait été
courant des deux monnaies, en espérant que celui- vrai si nous achetions tous nos biens et tous nos
ci reète bien les écarts de niveau de vie moyen services aux États-Unis, ce qui n’est pas le cas.
entre les deux pays. Or, comme nous le verrons au
chapitre 9, les taux de change dépendent des tran-
sactions internationales tandis que les monnaies TABLEAU 3.6 PIB comparés, Canada, États-Unis,
2000-2013
nationales servent d’abord et avant tout aux tran-
sactions nationales. Si le dollar canadien est forte- Années 2000 2005 2010 2013

ment évalué sur le marché international, le revenu PIB per capita É.-U.
40 911 44 237 43 900 45 665
( $US constants de 2005)
moyen des Canadiens paraîtra s’apprécier forte-
ment lorsqu’il sera converti en devises étrangères. PIB Canada per capita
40 551 43 749 44 032 45 258
( $CA constants de 2005)
Mais sur notre marché, toutes choses étant égales,
Taux de conversion — prix
nous aurons gardé le même niveau de vie. C’est ce relatifs CAN/US
1,2275 1,2136 1,2207 1,2517
qui s’est passé avec le dollar canadien par rapport
au dollar américain entre 2000 et 2013 : le taux de Taux de change $CAN/$US 1,4851 1,2118 1,0302 1,0298
change du dollar canadien a progressé de 31 %, mais
PIB réel per capita CAN en
la richesse moyenne des Canadiens a-t-elle suivi 33 035 36 049 36 071 36 157
PPA (taux de conversion)
une progression équivalente ? Pas nécessairement. PIB réel per capita Canada
27 305 36 103 42 741 43 948
( $US taux de change courant)
Une comparaison Canada-États-Unis
Source : Données tirées de OCDE. « StatExtracts ».
Pour bien comparer cette richesse moyenne, il
vaut mieux calculer le pouvoir d’achat des habi-
tants de chacun des pays en prenant en considé-
PIB par habitant en parité de pouvoir
ration les revenus, mais aussi les prix des biens et d’achat Mesure du PIB qui tient compte de la taille
des services moyens qui nous serviront à faire la de la population et des écarts de prix et de taux de
conversion (voir l’« indice BigMac » à la page 232 change des pays comparés.
du chapitre 9). L’Organisation de coopération et de
70 CHAPITRE 3

Pour conclure sur le PIB par habitant exprimé en La répartition du revenu par quintile
dollars américains, soulignons qu’il s’agit essen- Une des façons de mesurer l’inégalité des revenus
tiellement d’une moyenne. En ce sens, il n’est pas au sein d’une société consiste à classer les individus
complet lui non plus comme indicateur de bien- par ordre croissant de revenu, et de les regrouper en
être, puisqu’il ne tient pas compte de la répartition cinq quintiles. On examine ensuite le pourcentage
des revenus des habitants. En eet, si toute la pro- du revenu total que reçoit chacun de ces quintiles.
duction sert les intérêts de quelques personnes, le
niveau de bien-être de la population entière sera Plus les diérences sont importantes, plus le
très bas. Il faut que la production soit répartie de degré d’inégalité est élevé et, inversement, plus
façon que chacun puisse bénécier des biens et elles sont faibles, plus le degré d’inégalité est
des services produits. faible. Le tableau 3.7 présente la répartition du
revenu disponible des particuliers canadiens selon
les quintiles.
3.4.2 Les indicateurs de l’inégalité
des revenus Comme vous pouvez le constater dans le
Il n’est pas surprenant que les inégalités de reve- tableau 3.7, le revenu n’est pas réparti également
nus soient la première forme d’inégalités à laquelle au Canada. En 2011, les particuliers du pre-
on pense lorsqu’il est question d’inégalités sociales mier quintile (soit les 20 % des particuliers qui
(sexuelles, culturelles, ethniques, écologiques, de touchent les revenus les plus faibles) recevaient
santé, etc.), puisque les inégalités sont le résultat seulement 5,1 % du revenu total disponible, alors
d’une distribution inégale, au sens mathématique que les particuliers du cinquième quintile (soit
de l’expression, d’une ressource entre les membres les 20 % des particuliers qui touchent les reve-
d’une même société. nus les plus élevés) en recevaient 43,0 %.

Plusieurs indicateurs permettent de se faire une


idée du niveau d’inégalité du revenu des habi- TABLEAU 3.7 Répartition en pourcentage du revenu
tants d’une population. Dans cette sous-section, disponible des particuliers, selon
les quintiles, au Canada, en 2011
quatre indicateurs sont présentés : la répartition
Quintiles Pourcentage
du revenu par quintile, le ratio interquintile, la er
1 quintile 5,1
courbe de Lorenz et le coecient de Gini.
2e quintile 11,5
3e quintile 16,5
Inégalités Résultat d’une distribution inégale, au e
4 quintile 23,9
sens mathématique de l’expression, d’une ressource 5e quintile 43,0
entre les membres d’une même société.
Total 100,0

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 202-0701.

Selon une étude d’Oxfam sur les inégalités publiée en janvier 2015,
48 % de la richesse mondiale était détenue par le 1 % le plus riche. Le ratio interquintile
Quelle est la situation du Canada comparative-
ment aux autres pays en ce qui concerne la répar-
tition du revenu au sein de la population ? Étant
donné les diérences internationales dans la dé-
nition du revenu et la disponibilité des données
dans certains pays, il est dicile de répondre à
cette question avec certitude.
En dépit de ces lacunes, plusieurs comparaisons
internationales de répartition du revenu ont été
faites.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 71

Le tableau 3.8, construit à partir des données de la TABLEAU 3.9 Répartition en pourcentage du revenu
Banque mondiale, présente le ratio interquintile disponible des particuliers, selon
les quintiles, au Canada, en 2011
de quelques pays, c’est-à-dire le rapport entre le cin-
quième quintile (les 20 % les plus riches) et le pre- Pourcentage
Quintiles Pourcentage
cumulé
mier quintile (les 20 % les plus pauvres) de chacun
1er quintile 5,1 5,1
de ces pays. Moins ce nombre est élevé et moins le
2e quintile 11,5 16,6
niveau d’inégalité entre les plus riches et les plus
3e quintile 16,5 33,1
pauvres est important. Parmi ces pays, on remarque e
4 quintile 23,9 57,0
que le Japon se trouve premier au classement, tan-
5e quintile 43,0 100,0
dis que le Canada se classe sixième sur dix (et 36e
Total 100,0 –
sur les 141 pays de ce classement). C’est la Namibie
qui est en dernière position, avec un ratio de 52,2. Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 202-0701.

Cela signie que les 20 % les plus riches de la popu-


lation namibienne ont un revenu qui est 52,2 fois auquel on a ajouté une colonne indiquant les pour-
supérieur à celui des 20 % les plus pauvres. centages cumulés de revenu. Le nombre 57,0, par
exemple, inscrit vis-à-vis le groupe « 4e quintile »,
La courbe de Lorenz
signie que les quatre premiers quintiles (soit 80 %
Le tableau 3.7 donne le pourcentage du revenu des des particuliers) reçoivent 57,0 % du revenu total
Canadiens pour chaque quintile. Si on s’intéresse (5,1 % + 11,5 % + 16,5 % + 23,9 %).
plutôt à la somme des pourcentages de plusieurs
quintiles, il sut de cumuler ces pourcentages. Pour faciliter la comparaison entre le pourcen-
tage cumulé du revenu total et le pourcentage
Pour cumuler les pourcentages, on ajoute habituel- cumulé des particuliers, il est intéressant et
lement au tableau de distribution des pourcentages souvent très révélateur de représenter graphi-
une colonne des pourcentages cumulés. Le pour- quement la répartition de ces deux variables.
centage cumulé d’un quintile est égal à la somme Une telle courbe des pourcentages cumulés
du pourcentage de ce quintile et des pourcen- s’appelle courbe de Lorenz, du nom du statis-
tages de tous les quintiles qui lui sont inférieurs. ticien allemand Max Otto Lorenz. Si le revenu
Le tableau 3.9 reprend les données du tableau 3.7 était réparti également entre tous les particu-
liers, chaque quintile (soit 20 %) des particuliers
TABLEAU 3.8 Écarts de revenu entre les 20 % les plus
gagnerait 20 % du revenu total, ce qui serait
riches et les 20 % les plus pauvres dans représenté par une diagonale de 45 o. La courbe
quelques pays, 2000-2011 de Lorenz permet ainsi de visualiser le degré
Ratio (en %) entre les d’inégalité : plus la courbe s’éloigne de la diago-
Rang Pays 20 % les plus riches et nale, plus la répartition du revenu est inégale
les 20 % le plus pauvres
(plus les inégalités de revenus sont importantes).
Plus égalitaire Japon 3,4
République
3,5
Tchèque
Chili 3,6 Ratio interquintile Rapport entre le cinquième
quintile (les 20 % les plus riches) et le premier quintile
Finlande 3,8
(les 20 % les plus pauvres).
Norvège 3,9
Pourcentage cumulé Pourcentage (ou fréquence
Canada 5,5
relative en pourcentage) égal à la somme du pourcen-
États-Unis 8,5 tage d’une valeur ou d’une classe et des pourcentages
Brésil 17,6 des valeurs ou des classes inférieures.
Moins Afrique du Sud 20,2
Courbe de Lorenz Courbe qui décrit le pourcen-
égalitaire Namibie 52,2 tage cumulé du revenu total en fonction du pour-
Source : Roy, Dominic. (2013). « Agents économiques, Les principes centage cumulé des ménages.
fondamentaux de la microéconomie, Montréal, Groupe Modulo, p. 161.
72 CHAPITRE 3

La gure 3.2 montre la répartition réelle du TABLEAU 3.10 Classement mondial de certains pays
revenu des Canadiens en 2011 à l’aide d’une selon le coefcient de Gini, en 2013
courbe de Lorenz. Rang Pays Coefcient de Gini
1 Suède 25,0
FIGURE 3.2 Courbe de Lorenz au Canada en 2011 2 Ukraine 25,6
3 Norvège 25,8
4 Slovaquie 26,0
5 Belarus 26,5
10 Allemagne 28,3
25 Canada 32,6
83 États-Unis 40,8
89 Chine 42,1
126 Brésil 54,7
135 Afrique du Sud 63,1
136 Namibie 63,9
138 Les Seychelles 65,8

Source : Données tirées de Banque Mondiale. (2013). « Income Gini coefcient ».

Le coefcient de Gini L’exemple 3.2 explique comment mesurer les inéga-


À partir de la courbe de Lorenz, on peut calculer le lités au Québec à l’aide des indices que nous venons
coecient de Gini, élaboré par le statisticien ita- de voir.
lien Corrado Gini.
Mathématiquement, le coecient de Gini cor- 3.4.3 L’indicateur de développement
respond au rapport entre la surface en vert et le humain (IDH)
triangle ABC dans la gure 3.2. Plus les inégali- Même si on utilise régulièrement le PIB par habi-
tés de revenus sont importantes, plus la courbe tant comme indicateur du niveau de bien-être
de Lorenz s’éloigne de la diagonale, plus l’indice de matériel des habitants d’une société, il s’avère
Gini est élevé. utile d’envisager le phénomène dans toutes ses
Le coecient de Gini est donc un nombre variant dimensions.
de 0 à 1 (ou de 0 à 100 s’il est exprimé en pourcen- Créé en 1990 par le Programme des Nations
tage), où 0 représente l’égalité parfaite, c’est-à-dire Unies pour le développement (PNUD), l’indice de
que la courbe de Lorenz coïncide avec la diagonale développement humain (IDH) est un indice
de 45o. Un coecient de 1 représente l’inégalité synthétique qui mesure le niveau moyen atteint
parfaite, auquel cas une seule personne détient la
totalité des revenus. Bien entendu, ni l’égalité par-
faite ni l’inégalité totale n’existent dans la réalité.
Coefcient de Gini Indicateur qui mesure les écarts
Dans le tableau 3.10, qui classe certains pays de revenu au sein d’une population. Une valeur de
selon le coecient de Gini, on peut constater que 0 représente l’égalité parfaite, une valeur de 1
la Suède détient le coecient le plus faible, indi- (ou 100 %) une inégalité parfaite.
quant ainsi moins d’inégalités de revenus que dans Indice de développement humain (IDH) Indice
les autres pays du monde. Le Canada se classe au synthétique qui mesure le niveau moyen atteint dans
25e rang. Enn, Les Seychelles ferment la marche trois dimensions clés du développement économique
et social : la santé, l’éducation et le niveau de vie.
avec un coecient 65,8 % (ou 0,658).
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 73

EXEMPLE 3.2 Mesurer les inégalités au Québec


À l’aide de la courbe de Lorenz (en 2011), présentée dans la Lorenz décrit le pourcentage cumulé du revenu total des
gure ci-dessous, on désire dénir et interpréter la diagonale Québécois en fonction du pourcentage cumulé de ceux-ci. Le
de 45o, la courbe de Lorenz et le coefcient de Gini, puis calculer nombre 5,8, par exemple, signie que le premier quintile (les
et interpréter le ratio interquintile entre le cinquième et le 20 % les plus pauvres) recevait en 2011 seulement 5,8 % du
premier quintile. revenu total, alors qu’il recevrait 20 % si le revenu était reparti
également entre tous les individus (chaque quintile, soit
20 %, d’individus gagnerait 20 % du revenu total). Quant
au coefcient de Gini, il correspond à l’importance
relative de l’aire située entre la diagonale et la courbe
de Lorenz. Ainsi, plus la répartition du revenu des
Québécois est inégale, plus la courbe de Lorenz
s’éloigne de la diagonale et, par conséquent, plus le
coefcient de Gini est élevé.
Le ratio interquintile entre le cinquième et le premier
quintile est une mesure qui permet de quantier l’écart
de revenu entre les plus riches et les plus pauvres. Il
correspond au rapport entre le cinquième quintile (les
20 % les plus riches) et le premier quintile (les 20 %
les plus pauvres). Ainsi, au Québec, en 2011, ce ratio
était de :

Cinquième quintile (100 % – 59,4 %)


= = 7,0
Premier quintile 5,8 %
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 202-0701.
Cela signie que les 20 % les plus riches de la population
La diagonale de 45o présente dans un plan cartésien une québécoise avaient en 2011 un revenu disponible 7 fois
répartition parfaite du revenu des ménages. La courbe de supérieur à celui des 20 % les plus pauvres.

dans trois dimensions clés du développement éco- de développement du pays est élevé. La Norvège
nomique et social : une vie longue et saine (la santé), se trouve première au classement mondial selon
l’acquisition de connaissances (l’éducation) et un l’IDH, tandis que le Canada se classe huitième (voir
niveau de vie décent (le niveau de vie). On le calcule le tableau 3.11 à la page suivante).
à l’aide de quatre indicateurs (un pour la santé, deux
pour l’éducation et un pour le niveau de vie) : 3.4.4 Le PIB vert et
● L’espérance de vie à la naissance (dimension de le développement durable
la santé). Le PIB mesure toute l’activité déclarée qui passe
par le marché. On mesure ce qu’on produit, mais pas
● Le nombre d’années de scolarisation pour les
ce qu’on détruit. Or, certains types de production ont
adultes âgés de 25 ans et la durée attendue
des eets néfastes sur l’environnement : dégradation
de scolarisation pour les enfants en âge d’en-
de la couche d’ozone et des écosystèmes, pollution de
trer à l’école (dimension de l’éducation). Les
l’air et de l’eau, destruction du couvert forestier,
deux indices sont combinés en un seul à l’a ide
contamination et assèchement des nappes d’eau
d’une moyenne.
souterraine, etc. Idéalement, pour tracer un meilleur
● Le revenu national brut (RNB) par habi- portrait de notre activité économique, il faudrait
tant exprimé en dollars et en parité du pouvoir donc soustraire du PIB les dommages causés à l’envi-
d’achat (PPA) (dimension du niveau de vie). ronnement, ce qu’on pourrait appeler un PIB vert.
L’IDH est la moyenne de ces trois indices dimen-
sionnels, ramenée sur une échelle de 0 à 1 (voir Revenu national brut (RNB) Somme des revenus des
l’appendice mathématique à la page 80). Plus résidents d’un pays au cours d’une période donnée.
cet indicateur se rapproche de 1, plus le niveau
74 CHAPITRE 3

Actualité économique
Le classement IDH 2014 : les 20 pays où la vie est plus belle
Le rapport sur le développement scolarisation obligatoire et la protec- pas à décrire la situation écono-
humain 2014 révèle les États qui tion sociale y ont été établies dès la mique et sociale d’un pays ?
offrent à leurs citoyens la meilleure n du XIXe siècle. [...] 2 Quels sont les trois indices utilisés
qualité de vie. dans la construction de l’IDH ?
Chaque année, dans son rapport sur 3 Quelle est l’utilité de l’IDH ?
le développement humain, le PNUD À vous de jouer ! 4 Parmi les pays présentés dans le
classe les pays en fonction de leur IDH. tableau, lequel a le revenu national
Voici les 20 premiers en 2014 (voir le brut (RNB) par habitant le plus élevé ?
tableau 3.11 ci-dessous). À l’aide du tableau 3.11 ci-dessous et 5 Un revenu par habitant élevé
de l’information fournie dans le texte, signie-t-il nécessairement un IDH
On observe peu de changements répondez aux questions suivantes.
dans ce palmarès. La Norvège élevé ? Justiez votre réponse.
occupe une nouvelle fois la première 1 Pourquoi le revenu (mesuré par le 6 Selon vous, l’IDH est-il un bon indi-
place du classement. Ses atouts ? La PIB ou RNB) par habitant ne suft-il cateur du développement humain ?

TABLEAU 3.11 Classement IDH : les 20 premiers pays

Revenu national
Espérance de vie Durée moyenne Durée attendue
brut (RNB)
Rang Pays IDH à la naissance de scolarisation de scolarisation
par habitant
(en années) (en années) (en années)
(PPA $ 2011)
1 Norvège 0,944 81,5 12,6 17,6 63 909
2 Australie 0,933 82,5 12,8 19,9 41 524
3 Suisse 0,917 82,6 12,2 15,7 53 762
4 Pays-Bas 0,915 81,0 11,9 17,9 42 397
5 États-Unis 0,914 78,9 12,9 16,5 52 308
6 Allemagne 0,911 80,7 12,9 16,3 43 049
7 Nouvelle-Zélande 0,910 81,1 12,5 19,4 32 569
8 Canada 0,902 81,5 12,3 15,9 41 887
9 Singapour 0,901 82,3 10,2 15,4 72 371
10 Danemark 0,900 79,4 12,1 16,9 42 880
11 Irlande 0,899 80,7 11,6 18,6 33 414
12 Suède 0,898 81,8 11,7 15,8 43 201
13 Islande 0,895 82,1 10,4 18,7 35 116
14 Royaume-Uni 0,892 80,5 12,3 16,2 35 002
15 Hong Kong 0,891 83,4 10,0 15,6 52 383
16 Corée du Sud 0,891 81,5 11,8 17,0 30 345
17 Japon 0,890 83,6 11,5 15,3 36 747
18 Liechtenstein 0,889 79,9 10,3 15,1 87 085
19 Israël 0,888 81,8 12,5 15,7 29 966
20 France 0,884 81,8 11,1 16,0 36 629

Source : Données tirées de Programme des Nations Unies pour le développement. (2014). Rapport sur le développement humain 2014, New York, p. 200.

Source : Journal du Net. (25 juillet 2014). « Classement IDH 2014 : les 20 pays où la vie est plus belle ».
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 75

Les premières tentatives de calcul d’un PIB vert Les gouvernements de plusieurs pays essaient
n’ont rien donné de concluant. On a proposé de désormais de s’appuyer sur la notion de dévelop-
déduire du PIB les dépenses en santé occasionnées pement durable : coordination du développement
par la pollution et de mesurer les dégâts causés par des villes et des régions, progrès socioéconomique,
la pollution en évaluant les coûts de dépollution. harmonisation des rapports entre l’humain et
Cependant, il s’est avéré extrêmement dicile de la nature. Toutefois, le développement durable
mesurer les dommages subis par les ressources. En consiste, avant tout, à faire évoluer les pratiques
eet, à combien évaluer la disparition des bancs de de consommation pour qu’elles soient soutenables
morue ou la déforestation ? à long terme.

Grands courants de la pensée économique


Malthus et les limites de la croissance
La croissance a-t-elle une limite ? cause l’impact des activités humaines économiques (des subventions aux
En 1798, le penseur anglais Thomas sur la planète. Pour résumer, plus la technologies vertes, par exemple),
Malthus (1766-1834) donnait déjà une croissance économique s’accélère, plus démographiques (notamment pour
réponse pessimiste à cette question. l’environnement et la société doivent en la régulation des naissances) et
Dans son ouvrage Essai sur le principe absorber les contrecoups. Pensons, par sociaux (pour la scolarisation des
de population, il avançait en effet que exemple, au réchauffement climatique, femmes, l’égalité des hommes et
la population augmentait de façon géo- aux espèces en voie de disparition (les des femmes, etc.) an de rendre la
métrique ou exponentielle (comme 2, produits de la mer, par exemple), aux croissance plus soutenable.
4, 8, 16, etc.), alors que les ressources maladies cardio-vasculaires, aux pro-
alimentaires suivaient une progres- blèmes psychologiques (stress, dépres- Les plus radicaux mentionnent que
sion arithmétique (comme, 2, 3, 4, 5, sion, suicide), etc. la croissance n’est tout simplement
etc.). Par conséquent, la population pas soutenable et appellent à la
mondiale et, par ricochet, la consom- Ceux qui défendent le point de vue décroissance, c’est-à-dire à moins
mation mondiale ne peuvent continuer des limites à la croissance demandent de consommation.
à croître indéniment, puisqu’une que les gouvernements mettent en
telle croissance apporterait maladie, place des mécanismes (comme le Mouvement québécois pour
famine et mortalité. Fort heureuse- marché du carbone) et des incitatifs une décroissance conviviale
ment, la situation mondiale n’est pas
encore aussi catastrophique que dans
ses prophéties, mais à partir années La croissance économique est-elle soutenable ? Pour les libéraux, elle est
1970, des scientiques ainsi que des source d’abondance matérielle, de progrès et de bien-être. Pour les partisans
économistes et des politiciens ont de la décroissance, elle est à l’origine de la pollution, d’inégalités, de pauvreté
commencé à reparler des limites de et de problèmes de santé physique et mentale.
la croissance.
Dernière alerte : 40 ans
après Les limites de la croissance
(documentaire)
En plus de se questionner sur les limites
des ressources naturelles nécessaires
pour vivre, on remet aujourd’hui en
76 CHAPITRE 3

En un clin d’œil

Approche traditionnelle des dépenses


• Consommation (C)
• Dépenses publiques courantes (G)
• Investissements (I)
• Exportations (X)
• Importations (M)
PIB = C + G + I + (X – M)
Mesure du PIB
Approche des revenus
• Rémunération des salariés (S)
• Excédent d’exploitation brut (EE )
b
• Revenus mixtes bruts (RM )
b
• Impôts nets sur la production (T )
n1
• Impôts nets sur les produits (T )
n2
PIB = (S + EE b + RM b) + Tn1 + Tn2

PIB nominal
Mesure du PIB réel × 100
IIP

Mesure de Taux de croissance du PIB réel


la croissance PIB réel (t ) – PIB réel (t – 1)
économique ∆PIB réel % = × 100
PIB réel (t – 1)

PIB par habitant

Indicateurs de l’inégalité des revenus


• Répartition du revenu par quintile
• Ratio interquintile :
(les 20 % les plus riches)
(les 20 % les plus pauvres)
• Courbe de Lorenz
Mesure de • Coefcient de Gini
la richesse et
du bien-être
d’une société Indicateur de développement humain (IDH)
• Espérance de vie à la naissance
• Moyenne du nombre d’années de scolarisation
pour les adultes âgés de 25 ans et de la durée
attendue de scolarisation pour les enfants en âge
d’entrer à l’école
• RNB par habitant exprimé en dollars et en parité
du pouvoir d’achat (PPA)

PIB vert
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 77

Testez vos connaissances Composantes


Valeur
(en millions
de $)
Questions de révision Dépenses de consommation des ménages 22 500
Dépenses du gouvernement en honoraires
7 500
1 Quel organisme gouvernemental a la responsa­ et fournitures
bilité de recueillir des données et de publier des Construction de nouveaux ponts et viaducs
7 000
statistiques sociales et économiques au Canada ? par le gouvernement
Versements par les entreprises de taxes
2 Comment appelle­t­on dans la comptabilité 4 600
indirectes au gouvernement
nationale de Statistique Canada les dépenses Ventes de voitures neuves à l’étranger 6 890
permettant l’augmentation de la capacité de pro­
Importations de vin 7 700
duction au pays ?
Salaires et traitements aux fonctionnaires 20 140
3 Quelle est la plus importante catégorie de dépenses
Dépenses des entreprises pour de
du PIB ? nouvelles machines
2 450
4 Si les calculs du PIB du Canada selon l’approche des Consommation de capital xe des sociétés
4 760
dépenses et celle des revenus sont respectivement et des administrations publiques
de 1500 et de 1550 milliards de dollars, quelle est Excédent d’exploitation net des sociétés et
4 240
alors la valeur du PIB canadien ? des administrations publiques
5 Quelle est la diérence entre le PIB nominal et le Recettes de ventes d’entreprises individuelles 2 400
PIB réel ? Salaires versés par des entreprises individuelles 2 500
6 Qu’est­ce que la croissance économique et com­ Gains réalisés par les traquants de drogue 1 450
ment la calcule­t­on ?
7 Comment appelle­t­on une baisse du PIB réel b) Calculez le PIB selon l’approche des revenus.
durant deux trimestres consécutifs ? Précisez les composantes de la formule (S + EEb
8 Le PIB est­il une mesure valide de la richesse et du + RMb, etc.).
bien­être d’une société ? c) Pourquoi la réponse en a) est­elle égale à la
réponse en b) ?
9 Le PIB par habitant est­il une mesure valide du
bien­être d’une société ? 13 Le tableau suivant présente des données sur le PIB
du Québec en 2014 selon les secteurs.
10 Comment mesure­t­on l’inégalité des revenus ?

Secteurs En %
Questions d’application Fabrication 13,9
Construction 7,0
11 Dites si les transactions suivantes sont comptabi­ Service public 3,7
lisées dans le PIB brésilien. Si elles le sont, identi­ Agriculture, foresterie, pêche et chasse 1,6
ez dans quelle catégorie de dépenses (C, G, I, X
Extraction minière, exploitation en carrière
ou M). et extraction de pétrole et de gaz
1,5
a) La vente d’équipements de transport à l’étranger. Sous-total, secteur des biens 27,7
b) L’achat de voitures d’occasion. Services nanciers, immobiliers, profes-
27,0
sionnels et administratifs
c) La construction de cinq nouveaux stades.
Enseignement, santé et assistance sociale 14,3
d) Les dépenses des Brésiliens pour des ballons
Commerce 10,7
de football.
Administrations publiques 7,6
e) Les dépenses des Brésiliens pour des souvenirs
achetés à l’étranger. Culture, information, loisirs et hébergement 6,5
Transport et entreposage 4,0
12 Le tableau suivant contient des données sur la
comptabilité nationale d’un État ctif. Autres services 2,2
Sous-total, secteur des services 72,3
a) Calculez le PIB selon l’approche des dépenses.
Précisez les composantes de la formule (C, G, I, Total 100,0
X, M). Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 379-0028.
78 CHAPITRE 3

a) Quelle est la part du secteur des services dans 2012 2013 Variation
l’économie québécoise en 2014 ? Catégories de dépenses (en milliards (en milliards relative
de $ 2007) de $ 2007) en %
b) Commentez l’armation suivante : « Le Plan
Nord, qui a pour but de mettre en valeur le poten- Consommation des
924,2 2,5
ménages (Cm)
tiel minier et énergétique du territoire québé-
cois au nord du 49e parallèle, est une excellente Consommation des
institutions sans but
idée, car il contribuera de façon signicative à 24,7 1,6
lucratif au service des
l’essor économique du Québec ». Justiez votre ménages (Cisblsm)
réponse à l’aide des données du tableau à la Consommation des
page précédente. dépenses des administra- 346,9 0,4
tions publiques (G)
14 Supposons qu’un pays ne produit que des iPad
et des DVD. Le tableau suivant fournit les infor- Investissements bruts (Ib) 403,1 0,4
mations sur les quantités produites et les prix de Investissements
7,4 67,6
vente de ces deux biens. en stocks (I s)
Exportations (X) 511,7 2,0
Moins : Importations (M) 554,6 1,3
2016 2017
PIB réel 1 663,4 —
Biens Quantité Prix Quantité Prix
iPad 40 500 $ 40 750 $ Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 380-0064.

DVD 10 000 2$ 10 000 3$ a) Complétez le tableau en calculant les valeurs


manquantes.
a) Calculez le PIB nominal en 2016 et 2017. b) Calculez le PIB réel en 2013. Utilisez une décimale.
b) Calculez le PIB réel en 2016 et 2017, en considé- c) Quelle a été la croissance du PIB réel (en pour-
rant 2016 comme année de référence (de base). centage) du Canada entre 2012 et 2013 ? Utilisez
une décimale.
c) Que peut-on conclure de la réponse obtenue en b) ?
d) Quelle composante de la demande a été le moteur
15 Le tableau suivant présente des données histo- de la croissance économique canadienne en 2013 ?
riques sur le PIB (en dollars courants) ainsi que sur Justiez votre réponse.
l’IIP au Canada.
17 La gure ci-dessous montre les courbes de Lorenz
du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-
PIB nominal
IIP
PIB réel Britannique en 2011. Quelle province canadienne
Année (en milliards (en milliards semble avoir les inégalités des revenus les moins
(2007 = 100)
de $) de $ de 2007)
importantes ? Justiez votre réponse.
2005 1410,7 94,3
2006 1486,9 96,9
2007 1565,9 100,0
2008 1646,0 103,9
2009 1567,0 101,6

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 380-0064


et 380-0066.

a) Remplissez la quatrième colonne du tableau en


calculant le PIB réel en dollars de 2007.
b) Quelle a été la croissance économique du Canada
de 2008 à 2009 ?
c) La situation décrite en b) peut être qualiée de
___________________.
16 Le tableau suivant contient des données sur la
comptabilité nationale du Canada, en milliards de
dollars de 2007, de 2012 à 2013.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 79

18

Source : Bouret, R. (2013). Relations économiques internationales, 5e édition, Montréal, Chenelière Éducation, p. 237.

Cette gure illustre le lien entre la croissance éco-


nomique et la répartition des revenus. Question d’intégration
a) Dans quel pays la croissance économique est-elle
la plus élevée ? Justiez votre réponse.
20 Dans ce chapitre, nous avons passé en revue les
principaux indicateurs qui mesurent la perfor-
b) Dans quel pays la répartition des revenus est-elle mance globale d’une économie ; il ne s’agit donc
la plus inégalitaire ? Justiez votre réponse. plus de théorie, mais de la réalité.
c) En observant le nuage de points de la gure, que Pouvez-vous relier ces outils avec les modèles
peut-on conclure ? théoriques de la courbe des possibilités de produc-
19 À partir des données du tableau 3.11 (voir la tion du chapitre 1 et le modèle de l’ore et de la
page 74), calculez approximativement l’IDH des demande du chapitre 2 ?
États-Unis (au besoin, voir l’appendice mathéma-
tique à la page suivante).

Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions 2 An d’étudier le revenu médian des Canadiens,
détaillées.) consultez le site de Statistique Canada. Dans la
section « En vedette », en bas à droite de l’écran,
Statistique Canada cliquez sur CANSIM. Inscrivez le numéro 111-0008,
puis cliquez sur « Recherche ». En cliquant sur
1 Comment se comporte l’économie canadienne ? l’onglet « Ajouter/Enlever des données », vous pouvez
Pour le savoir, vous devez vous rendre dans le site de sélectionner les options désirées. Sélectionnez
Statistique Canada. En bas de l’écran, dans la section uniquement « Québec » (à l’étape 1), « Les deux
« Parcourir par sujet », cliquez sur le lien « Comptes sexes » (à l’étape 2), « Tous les âges » (à l’étape 3),
économiques ». Ensuite, choisissez « Produit inté- respectivement « Total des personnes avec revenu »,
rieur brut », « Tableaux sommaires », puis « Produit « Personnes avec revenu, 250 000 $ et plus » et
intérieur brut réel en termes de dépenses ». Vous « Revenu total médian (dollars) » (à l’étape 4), et la
pouvez maintenant relever les montants du PIB réel période allant de « 2008 » à l’année de plus récente
pour les cinq dernières années et qui vont vous per- (à l’étape 5). Pour terminer, cliquez sur l’onglet
mettre de répondre aux questions suivantes. « Appliquer » (à l’étape 7).
a) L’économie canadienne connaît-elle, actuelle- a) Comment le revenu médian des Québécois a-t-il
ment, une période de récession ou d’expansion ? évolué depuis 2008 ?
b) Laquelle de ces années a connu la plus forte crois- b) Comment celui des plus riches a-t-il évolué durant
sance économique ? Justiez votre réponse à à la même période ? Aide : calculez le pourcentage
l’aide de calculs. des Québécois qui gagnent plus de 250 000 $.
80 CHAPITRE 3

Appendice mathématique
La gure A­3.1 résume la façon dont se calcule L’IDH.
Le calcul de l’IDH L’IDH se situe toujours entre 0 et 1. Le niveau de déve­
loppement d’un pays est d’autant plus élevé que son
Comme nous l’avons vu à la page 72, l’indice de déve­ IDH est proche de 1.
loppement humain (IDH) mesure le niveau moyen
atteint dans trois dimensions clés du développement À l’aide des données du tableau A­3.2, calculons l’IDH
économique et social (la santé, l’éducation et le niveau du Canada en 2013.
de vie). On le calcule à l’aide de quatre indicateurs, pour
chacun desquels sont établies une valeur minimale et
une valeur maximale, comme le montre le tableau A­3.1. TABLEAU A-3.2 Valeurs des différents indicateurs
du Canada en 2013
Indicateurs Valeur
TABLEAU A-3.1 Indicateurs de l’indice
de développement humain Espérance de vie à la naissance (en années) 81,5
Durée moyenne de scolarisation (en années) 12,3
Valeur Valeur
Dimension Indicateur
minimale maximale Durée attendue de scolarisation (en années) 15,9
Santé Espérance de vie à la naissance 25 ans 85 ans RNB par habitant (PPA $ 2011) 41 887 41 887
Nombre d’années de scolarisa-
tion actuelles pour les adultes 0 15 ans Ainsi, en 2013, l’espérance de vie à la naissance au
âgés de 25 ans et plus
Éducation* Canada était de 81,5 ans, alors que les valeurs minimale
Durée attendue de scolarisa- et maximale sont de 25 ans et de 85 ans. En attribuant
tion pour les enfants en âge 0 18 ans
d’entrer à l’école ces valeurs aux variables de la formule suivante, on
Revenu national brut (RNB) par
obtient l’indice d’espérance de vie à la naissance :
Niveau
habitant exprimé en dollars et en 100 $ 75 000 $
de vie
parité du pouvoir d’achat (PPA)
Valeur du pays – 25
* Les deux indices sont combinés en un seul indice d’éducation
Indice de l’espérance de vie =
85 – 25
à l’aide d’une moyenne.

81,5 – 25
Une fois qu’on connaît les valeurs des diérents indica­ = = 0,942
85 – 25
teurs, on calcule un indice pour chaque dimension. Ces
indices, appelés « indices dimensionnels », sont donnés
On calcule de façon analogue l’indice combiné de l’édu­
par la formule générale suivante :
cation (moyenne des indices de la durée moyenne et de
la durée attendue de scolarisation) et l’indice du niveau
Indice Valeur du pays – Valeur minimale de vie (RNB par habitant, en PPA $) :
=
dimentionnel Valeur maximale – Valeur minimale

Indice de la durée moyenne Valeur du pays – 0


Par exemple, un pays où l’espérance de vie serait de de scolarisation =
15 – 0
25 ans se verrait donc attribuer la note de 0 ; un pays où
l’espérance de vie serait de 85 ans se verrait attribuer la 12,3 – 0
note de 1. = = 0,820
15 – 0
Enn, on obtient l’IDH en calculant la moyenne des
trois indices dimensionnels5 : Indice de la durée attendue Valeur du pays – 0
=
de scolarisation 18 – 0
Indice de l’espérance de vie + Indice combiné
de l’éducation + Indice de revenu 15,9 – 0
IDH = = = 0,883
3 18 – 0

5. La méthode présentée ici est une méthode approximative. En réalité, l’IDH est égal à la moyenne géométrique des trois indices dimensionnels, soit :
IDH = (Indice de l’espérance de vie × Indice de l’éducation × Indice de revenu)1/3.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 81

FIGURE A-3.1 Calcul de l’IDH

Indice combiné de l’éducation =


0,820 + 0,883
= 0,852 Pour le Canada, l’indice de développement humain
2 est donc :
ln(valeur du pays) – ln(100)
Indice de revenu = 0,942 + 0,852 + 0,912
ln(75 000) – ln(100) IDH = = 0,902
3

ln(41 887) – ln(100)


= = 0,912 En 2013, l’IDH du Canada était de 0,902.
ln(75 000) – ln(100)
INDICATEURS
CHAPITRE
4 DE L’INFLATION
ET DU CHÔMAGE

4.1 Ination ....................................................................... 84


4.2 Chômage .................................................................... 92
En un clin d’œil ....................................................... 101
Testez vos connaissances ................................... 103
Laboratoire informatique ..................................... 105
Appendice mathématique .................................... 106

« Aucune société ne peut être orissante


et heureuse, quand la plus grande partie de
ses membres reste pauvre et misérable. »
Adam Smith (1723-1790), économiste écossais
OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• mesurer et interpréter l’IPC et le taux d’ination ;
• mesurer et interpréter le taux de chômage et les autres indicateurs
du marché du travail ;
• identier les conséquences de l’ination et du chômage ;
• dénir les différents types de chômage.

a science économique reconnaît généralement trois grands objectifs à

L atteindre pour obtenir ce qu’on appelle une bonne gestion des ressources
dans un pays : une augmentation de la production des biens et des
services pour améliorer le niveau de vie, un marché du travail dynamique
qui procure des conditions essentielles à la participation du plus grand nombre
aux bénéces générés par la société et des prix globalement stables qui assurent
des transactions moins risquées et le développement des affaires.
Dans le chapitre 3, nous avons vu que le PIB réel fournit une bonne indication de
la situation économique globale d’un pays. Autour du PIB réel existe une panoplie
d’indicateurs qu’on appelle la comptabilité nationale. Or, qu’en est-il des données
du marché du travail, du chômage (ou son contraire, l’emploi) ? Le chômage au
Canada est-il élevé à l’heure actuelle, le sera-t-il au cours de la prochaine année ?
Affectera-t-il notre propre emploi ou nos revenus ? Les Canadiens auraient bien
voulu connaître la réponses à ces questions lorsque l’économie est tombée en
récession durant les six premiers mois de 2015. En effet, lorsque des gens
perdent leur emploi ou qu’ils ne se sentent pas en sécurité sur le plan nancier,
leurs habitudes de dépenses et d’épargne s’en trouvent forcément modiées.
Par exemple, au lieu d’acheter une nouvelle voiture, ils opteront pour une voiture
d’occasion. Et s’ils avaient l’habitude de regarder le Canadien de Montréal dans
un petit pub près de chez eux, ils se consoleront en le regardant à la maison avec
des amis.
Pour prendre des décisions nancières plus judicieuses, il est essentiel d’être
bien informé. C’est donc dans cette optique que nous poursuivons, dans ce
chapitre, l’étude des indicateurs macroéconomiques. Mais, avant d’aborder les
indicateurs du marché du travail, attardons-nous sur les indicateurs de prix, qui,
comme nous le verrons, sont également de bons instruments de mesure de la
conjoncture, notamment du niveau de vie d’un pays et de sa croissance.
84 CHAPITRE 4

4.1 INFLATION donnée. Pour l’établir, Statistique Canada eectue


une fois par mois une enquête sur un panier type
On a tendance à percevoir le chômage comme un de biens et de services (un échantillon) composé de
des principaux malaises de l’économie. Pourtant, quelque 600 produits. Ces derniers sont d’abord
l’ination, beaucoup plus subtile, peut entraîner répartis en 175 grandes catégories pour être
des conséquences tout aussi néfastes. La hausse ensuite regroupés en 8 composantes principales
soudaine des prix de la plupart des biens et des (aliments ; logement ; dépenses courantes, ameu-
services limite la capacité d’achat des agents blement et équipement du ménage ; vêtements et
économiques. Elle peut donc être la source du ralen- chaussures ; transports ; soins de santé et soins
tissement de l’activité économique et, par ricochet, personnels ; loisirs, formation et lecture ; boissons
de l’emploi. Alors que le chômage ne touche qu’une alcoolisées et produits du tabac).
partie de la population, personne n’est à l’abri de
l’ination, même si tous les agents économiques Pour chacune des huit composantes, Statistique
n’en sourent pas avec la même intensité, puisque Canada calcule un indice de prix, puis accorde à
certains sont mieux protégés que d’autres. Dès lors, chacun un poids qui correspond à l’importance
il est important d’accorder aux indicateurs de prix relative de la catégorie de produits dans le panier
autant d’attention qu’à ceux du chômage. de consommation d’une famille canadienne type
(voir le tableau 4.1). Les pondérations, mises à jour
tous les quatre ou cinq ans, permettent de déter-
4.1.1 La dénition et la mesure
miner quel eet le changement du prix d’un bien
de l’ination ou d’un service particulier aura sur le budget de
L’ination est une hausse soutenue du niveau l’ensemble des consommateurs. Par exemple, une
moyen des prix observée sur une période don- augmentation de 5 % du prix du loyer n’aura pas
née. Elle se traduit donc par une perte du pouvoir le même eet sur le budget moyen des consom-
d’achat de la monnaie, c’est-à-dire une baisse de mateurs qu’une augmentation de 5 % du prix des
la quantité des biens et des services que l’on peut cigarettes, puisque la proportion du budget réser-
acheter avec un montant donné. Lorsque le niveau vée au loyer est plus grande que celle consacrée à
moyen des prix est à la baisse, on parle de déa- l’achat de cigarettes.
tion. Au Canada, pour suivre l’évolution du niveau
moyen des prix, on utilise, entre autres, l’indice des TABLEAU 4.1 Calcul de l’indice des prix à la
consommation (IPC) au Canada, en 2014
prix à la consommation1.
Facteur de Indice de 2014
Composantes
L’indice des prix à la consommation pondération (2011) (2002 = 100)
Aliments 16,60 135,5
L’indice des prix à la consommation (IPC)
Logement 26,26 132,2
est un indicateur qui donne la moyenne pondérée
Dépenses courantes,
des prix des biens et des services consommés habi- ameublement et 12,66 116,6
tuellement par les ménages au cours d’une période équipement du ménage
Vêtements
5,82 93,2
et chaussures
Ination Hausse soutenue du niveau moyen des prix Transports 19,98 130,4
observée sur une période donnée.
Soins de santé et
4,93 119,0
Déation Baisse du niveau moyen des prix observée soins personnels
sur une période donnée. Loisirs, formation
10,96 107,4
et lecture
Indice des prix à la consommation (IPC) Indicateur
Boissons alcoolisées
qui donne la moyenne pondérée des prix des biens et produits du tabac
2,79 146,6
et des services consommés habituellement par les
Total 100,00 IPC = 125,2
ménages au cours d’une période donnée.
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 326-0021.

1. Pour une explication des indices, voir l’Appendice mathématique à la page 106.
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 85

Pour déterminer l’IPC, il sut de calculer la moyenne données. Cette variation, qui porte le nom de taux
pondérée des indices de prix des diérentes compo- d’ination, se mesure ainsi :
santes (voir l’appendice mathématique à la page 106
pour le calcul de la moyenne pondérée) : Taux d’ination
= ∆ IPC %
(pour la periode t)
Somme (Facteur de pondération × Indice de prix) IPC(t) – IPC(t – 1)
IPC = = × 100
100 IPC(t – 1)

En se référant au tableau 4.1, on obtient l’IPC du De 2002 à 2014, l’IPC étant passé de 100 à 125,2, le
Canada pour l’a nnée 2014 de la façon suivante : taux d’ination a été de :

(16,60 × 135,5) + (26,26 × 132,2) + IPC (2014) – IPC (2002)


∆ IPC % = × 100
(12,66 × 116,6) + … + (2,79 × 146,6) IPC (2002)
IPC (2014) = = 125,2
100 125,2 – 100
= × 100
100
= 25,2 %
Le prix moyen du panier calculé en prenant 2002
comme année de base (on écrit alors 2002 = 100)
Feuille de calcul de l’ination (Banque du Canada)
servira de point de référence pour les variations
de prix subséquentes. Pour 2014, l’IPC s’établit Ainsi, de 2002 (année de référence) à 2014, le
à 125,2, ce qui signie qu’il fallait débourser, en niveau moyen des prix au Canada a augmenté
moyenne, 125,50 $ au Canada en 2014 pour se en moyenne de 25,2 %. Bien sûr, comme c’est une
procurer ce qui coûtait 100 $ en 2002. Ainsi, tout moyenne, cela ne signie pas que tous les prix
changement de l’indice des prix à la consomma- des biens et des services canadiens ont augmenté
tion correspond à une variation du coût de la vie de 25,2 %. Il y a donc certains produits dont le
des consommateurs. prix augmente plus que l’IPC et d’autres dont
le prix augmente moins. Il peut même arriver
Le taux d’ination que le prix des produits dans certaines catégories
Comme pour le PIB qui varie dans le temps, il baisse en moyenne, comme ce fut le cas pour les
est intéressant de mesurer la variation relative vêtements et les chaussures (indice de 93,2 en
en pourcentage de l’IPC entre deux périodes 2014, comparativement à 100,0 en 2002).

La facture du panier d’épicerie des Québécois ne diminuera Taux d’ination Variation relative en pourcentage
pas de sitôt. Le prix du bœuf (viande favorite des Québécois), par de l’IPC entre deux périodes données.
exemple, a connu une hausse d’environ 25 % en 2014.
86 CHAPITRE 4

La gure 4.1 illustre l’évolution des taux d’ina- (voir le chapitre 7). En eet, après une décennie
tion au Canada et dans les pays de l’Organisation de forte ination, causée essentiellement par les
de coopération et de développement écono- deux crises du pétrole de 1974 et 1979, l’ensemble
miques (OCDE) de 1971 à 2014. des pays industrialisés a donné à la lutte contre
l’ination la priorité absolue. Aujourd’hui, ces
Globalement, on observe que les taux d’ination, pays achent un taux d’ination inférieur à 3 %,
relativement bas en 1971, ont fortement pro- ce qui est généralement considéré comme accep-
gressé dans les années 1970 pour atteindre des table et souhaitable par les économistes. Outre les
sommets historiques de 12,5 % au Canada (en mesures prises par les banques centrales, la mon-
1981) et de 14,8 % dans les pays de l’OCDE (en dialisation des marchés, qui suscite une concur-
1980). Cependant, au début des années 1980, et de rence intense entre les entreprises et entre les
nouveau au début des années 1990, on constate, pays, contribue également à expliquer le maintien
au Canada et dans les pays de l’OCDE, une chute de ces faibles taux.
notable du taux d’ination. Ce phénomène, que
l’on appelle désination2, n’est pas étranger aux
politiques monétaires restrictives mises en place 4.1.2 Pourquoi l’ination
par les banques centrales de ces pays depuis 1980 est-elle néfaste ?
Nous sommes tous conscients de l’eet désagréable
que pourrait avoir sur nos habitudes de consomma-
Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) Organisation internationale tion une forte hausse du prix du billet de cinéma
multilatérale créée en 1960 et regroupant 34 pays ou encore une augmentation soudaine du prix de
industrialisés attachés aux principes de la démocratie l’essence (voir le chapitre 2). Toutefois, imaginez ce
et de l’économie de marché. qui arriverait si les prix de la plupart de nos achats
Désination Baisse du taux d’ination. augmentaient de façon importante. En sortirions-
nous gagnants au bout du compte ? Qu’en est-il

FIGURE 4.1 Évolution des taux d’ination au Canada et dans les pays de l’OCDE, 1971-2014

Source : OCDE. (2015). « Données, prix, ination ».


Données sur l’IPC du Canada

2. Il est important de ne pas confondre « désination » et « déation ». Comme nous l’avons vu plus tôt, on parle de déation lorsqu’il y a une baisse du niveau
moyen des prix, c’est-à-dire lorsque le taux d’ination est inférieur à zéro.
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 87

exactement des eets de l’ination sur l’ensemble En somme, l’inflation n’est pas néfaste en soi,
des consommateurs ? An d’y voir plus clair, exa- mais les variations imprévues du taux d’in-
minons deux exemples qui illustrent bien ces eets. flation, elles, le sont. Toute personne dont le
revenu ne suit pas l’évolution de l’IPC voit sa
● Les 271 500 Québécois qui touchent le salaire
situation financière se dégrader, du fait d’une
minimum ont vu leur taux horaire passer, entre érosion de son pouvoir d’achat. Une augmenta-
le 1er mai 2014 et le 1er mai 2015, de 10,35 $ à tion du taux d’inflation (à moins qu’elle ne soit
10,55 $, ce qui représente une hausse de 1,9 %. pleinement prévue) pénalise les prêteurs (les
Ces personnes se sont-elles réellement enrichies ? épargnants), qui voient leurs économies perdre
Tout dépend de la uctuation des prix durant de la valeur lorsqu’ils les retirent. Ainsi, plus le
cette période. S’il n’y a pas d’ination, leur pou- taux d’inflation est volatil, donc imprévisible,
voir d’achat croît forcément de 1,9 % (1,9 % – 0 %). plus les effets que nous venons de décrire se font
Par contre, si l’indice des prix à la consommation sentir. De façon générale, cela crée une incerti-
augmente de 2,5 %, leur pouvoir d’achat recule de tude qui décourage la consommation courante
0,6 %. Dans ce cas, ces travailleurs se sont appau- et, du même coup, nuit à l’activité économique et
vris, puisqu’ils ne peuvent plus acheter autant de à la création d’emplois. De la même façon, l’in-
biens et de services qu’auparavant. flation imprévue ou exagérée nuit aux inves-
● An de payer ses études universitaires, un étudiant tissements en capital physique des entreprises
place dans une institution nancière un montant puisque le prix des ressources et des biens inter-
de 2000 $ pour un an à un taux d’intérêt de 2 %. Si, médiaires souffre aussi de cette volatilité, ce qui
au cours de cette période, le taux d’ination se situe met à risque le rendement espéré. Les ventes à
à 3 %, l’étudiant aura-t-il réellement acquis davan- l’étranger deviennent aussi plus difficiles, car
tage d’argent pour payer ses études ? Non. Comme une hausse plus importante des prix nationaux
les prix auront augmenté de 3 %, le pouvoir d’achat rend les entreprises moins concurrentielles sur
de son placement diminuera de 1 % (2 % – 3 %)3. les marchés internationaux.

Qu’en est-il du salaire minimum dans le monde ? Contrairement à l’Allemagne, qui dispose d’un salaire minimum de 8,50 € depuis
2015, les Suisses ont le 18 mai 2015 opposé un refus marqué (à plus de 76 % du vote populaire) à l’introduction dans le pays d’un salaire
minimum mensuel d’environ 3300 € (4000 francs suisses), qui aurait été le plus élevé du monde.

3. On obtient approximativement le taux d’intérêt « réel » en soustrayant du taux d’intérêt du marché le taux d’ination anticipé.
88 CHAPITRE 4

4.1.3 Le pouvoir d’achat ou la valeur Le tableau 4.2 présente l’évolution du salaire


réelle de la monnaie minimum au Québec. En dollars courants, ce
salaire est passé de 7,20 $ à 10,35 $ entre 2002
Nous venons de voir qu’il est possible de connaître la
et 2014, ce qui correspond à une augmentation
variation relative en pourcentage du pouvoir d’achat
d’environ 40 % :
en calculant la diérence entre la variation rela-
tive en pourcentage du revenu et la variation relative
en pourcentage du niveau moyen des prix. Cepen-
dant, cette démarche ne nous donne qu’une approxi-
( 10,35 $ – 7,20 $
7,20 $
× 100
)
mation. Pour avoir une mesure précise du pouvoir
Toutefois, ces valeurs ne permettent pas de distin-
d’achat, ou de la valeur réelle de la monnaie, on doit
guer l’eet de la croissance des prix de l’eet des
transformer les dollars de l’année courante en dol-
variations du salaire minimum. Pour connaître
lars constants, c’est-à-dire en dollars d’une année de
la variation du pouvoir d’achat des bas salariés, il
référence. Ce calcul s’eectue de la manière suivante :
faut transformer ce salaire minimum exprimé en
Valeur nominale dollars courants en un salaire minimum exprimé
Valeur réelle = × 100
Indice de prix en dollars constants, à l’aide de l’IPC :

On qualie de valeur réelle toute variable


qui tient compte d’un changement du niveau Valeur réelle Valeur corrigée pour tenir compte de
moyen des prix, et de valeur nominale toute l’ination. Elle s’exprime en dollars constants, c’est-
variable qui n’en tient pas compte. An de bien à-dire en dollars de l’année de référence.
comprendre la distinction entre valeur réelle Valeur nominale Valeur qui ne tient pas compte de
et valeur nominale, examinons une variable l’ination. Elle s’exprime en dollars courants, c’est-
économique qui vous est bien familière, le sa- à-dire en dollars de l’année en cours.
laire minimum.

TABLEAU 4.2 Évolution du salaire minimum nominal et réel au Québec, 2002-2014

Salaire
Salaire minimum Variation IPC Variation Variation
Année minimum réel
(en $ courants) relative (en %) (2002 = 100) relative (en %) relative (en %)
(en $ de 2002)
2002 7,20 — 100,0 — 7,20 —
2003 7,30 1,4 102,8 2,8 7,10 –1,4
2004 7,45 2,1 104,7 1,8 7,12 0,3
2005 7,60 2,0 107,0 2,2 7,10 –0,3
2006 7,75 2,0 109,1 2,0 7,10 0,0
2007 8,00 3,2 111,5 2,2 7,17 1,0
2008 8,50 6,3 114,1 2,3 7,45 3,9
2009 9,00 5,9 114,4 0,3 7,87 5,6
2010 9,50 5,6 116,5 1,8 8,15 3,6
2011 9,65 1,6 119,9 2,9 8,05 –1,2
2012 9,90 2,6 121,7 1,5 8,13 1,0
2013 10,15 2,5 122,8 0,9 8,27 1,7
2014 10,35 2,0 125,2 2,0 8,27 0,0
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 326-0021 ; Institut de la statistique Québec. (2015). Rémunération horaire, hebdomadaire et salaire
minimum. .
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 89

salaire minimum nominal Donc, en dépit des apparences, les calculs nous
Salaire minimum réel = × 100
IPC démontrent que, durant cette période, l’accrois-
sement du pouvoir d’achat des personnes rému-
Ainsi, en dollars de 2002, on s’aperçoit nérées au salaire minimum n’aura été en fait que
que le salaire minimum réel est passé de de 14,9 % :
7,20 $
( 7,20 $
100,0
× 100
) à 8,27 $
( 10,35 $
125,2
× 100
) ( 8,27 $ – 7,20 $
7,20 $
× 100
)
EXEMPLE 4.1 Les droits réels de scolarité à l’université
En se référant au tableau ci-dessous présentant l’évolution Pour déterminer l’année où les droits de scolarité étaient les plus
des droits de scolarité et de l’IPC au Québec, il est possible de faibles, il faut calculer les droits réels de scolarité (en dollars
comparer l’évolution des droits de scolarité universitaire entre de 2002), c’est-à-dire diviser leur prix en dollars courants
les années 1968-1969 et 2013-2014. (nominal) par l’IPC de ces années, puis multiplier par 100.
En 1968-1969 : (547 $/19,7) × 100 = 2776,65 $
Droits de scolarité IPC
Année En 1994-1995 : (1668 $/87,6) × 100 = 1904,11 $
(en $ courants) (2002 = 100)
En 2011-2012 : (2168 $/121,7) × 100 = 1781,43 $
1968-1969 547 19,7 En 2012-2013 : (2493 $/122,8) × 100 = 2030,13 $
1994-1995 1 668 87,6 En 2013-2014 : (2657 $/125,2) × 100 = 2122,20 $

2011-2012 2 168 121,7 En tenant compte de l’ination, c’est donc en 2011-2012 que les
droits de scolarité étaient les plus faibles (1781,43 $ en dollars de
2012-2013 2 493 122,8 2002).
2013-2014 2 657 125,2
Source : Données tirées de Économie autrement. « Frais de scolarité » ;
De combien les droits réels de scolarité ont-ils varié entre
Éducation, Enseignement supérieur et Recherche. (Avril 2013). « Chantier sur le 2011-2012 et 2013-2014 ?
nancement des universités ».
De 2011-2012 à 2013-2014, les droits de scolarité ont
Durant laquelle de ces années les droits de scolarité étaient- augmenté de 340,77 $ (2122,20 $ – 1781,43 $), soit de 19,1 %
ils les plus bas ? [(340,77 $/1781,43 $) × 100].

La lutte contre la hausse des droits de scolarité mobilise la jeunesse québécoise, comme lors de cette manifestation du Printemps
érable en 2012.
90 CHAPITRE 4

Liens entre la théorie et la réalité économiques


L’ination, l’hyperination et la déation : le cas argentin
L’ination (imprévue), l’hyperination inationniste sans précédent qui arri- restaurants payaient au moment de la
et la déation sont des phénomènes vera à son apogée pendant les mois de commande par crainte de voir les prix
que redoutent les économistes et mai, juin et juillet, alors que la hausse grimper pendant le repas.
surtout les autorités gouvernemen- mensuelle des prix atteint respecti-
tales. En effet, ils accompagnent et vement 78,5 %, 114,5 % et 196,6 %. Les périodes d’hyperinflation ne
aggravent régulièrement les grandes C’est donc dire qu’au cours du dernier créent pas seulement une réduction
crises économiques, comme ce fut le mois le taux d’ination moyen a été de quotidienne de la valeur réelle de la
cas en Argentine. 2,2 % par jour. Ainsi, un livre d’écono- monnaie ; elles paralysent aussi l’in-
mie qui coûtait 40 $ un certain lundi du vestissement – étant donné la hausse
mois de juillet pouvait coûter 40,88 $ des taux d’intérêt – et perturbent les
L’hyperination le lendemain et 43,64 $ à la n de la recettes du gouvernement.
Il arrive que l’augmentation des prix semaine. En un mois, le même livre est Tout cela engendre une instabilité
devienne excessive, hors de contrôle ; passé de 40 $ à 118,64 $, soit près de générale qui se traduit presque tou-
on parle alors d’hyperination. Les trois fois le prix initial. jours en crise sociale et politique.
cas d’hyperination sont particulière-
ment intéressants pour comprendre Une telle hausse des prix réduit En Argentine, l’ampleur de la crise a
les effets néfastes de l’ination sur le considérablement l’horizon tempo- entraîné des vagues de violence qui
pouvoir d’achat de la monnaie et sur rel des agents économiques, c’est- se sont soldées, pour la seule journée
l’économie. à-dire la période de temps où ils du 1er juin, par 14 morts et plus de
peuvent prévoir raisonnablement ce 80 blessés, ainsi que par la sortie préci-
Même si les économistes ne s’en- qui devrait se passer dans leur vie. pitée du président issu du Parti radical,
tendent pas tous sur un seuil à partir Ces derniers ne peuvent plus conser-
Raúl Alfonsín.
duquel utiliser le terme hyperina- ver leur pouvoir d’achat, puisque les
tion, plusieurs la dénissent comme prix sont révisés de jour en jour, voire
une hausse du niveau moyen des prix d’heure en heure.
qui excède 50 % par mois, soit un peu Hyperination Hausse rapide
plus de 1,3 % par jour. Le temps joue donc un rôle capital du niveau moyen des prix qui
dans la prise de décision. D’ailleurs, à excède 50 % par mois, soit un
La gure 4.2 illustre le cas argentin. cet effet, une Argentine racontait que, peu plus de 1,3 % par jour.
En 1989, l’Argentine connaît une crise durant cette période, les clients des

FIGURE 4.2 Évolution du taux d’ination en Argentine de janvier 1989 à décembre 1989

Source : Données tirées de Instituto Nacional de Estadistica y Censos de Argentina. (2014). « Índice de Precios al Consumidor GBA,
base abril 2008=100 ».
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 91

Liens entre la théorie et la réalité économiques


L’ination, l’hyperination et la déation : le cas argentin (suite)
La déation : la baisse généralisée des prix des biens et des ménages et les entreprises, anticipant
des prix est aussi néfaste services ne favorise pas le dévelop­ de nouvelles baisses de prix dans le
pement des entreprises, qui peuvent futur, retardent leurs achats), ce qui
L’Argentine continue de faire les frais de
alors difcilement espérer des prots diminue l’emploi. Cette faiblesse de
mauvais choix nanciers. Après l’hy­
intéressants. La déation peut donc l’activité économique maintient un
perination de la n des années 1980,
conduire à une récession ou même climat de morosité dont il est dif­
l’Argentine est entraînée dans une
une dépression, mais heureusement, cile de sortir. C’est également ce qu’a
déation sévère. La déation dimi­
cela se produit plutôt rarement. Dans vécu le Japon entre 2000 et 2015.
nue la valeur des actifs réels (celle des
un contexte de baisse générale des
maisons, par exemple), ce qui peut
prix, comme en Argentine entre 1999
occasionner des difcultés nancières,
voire l’insolvabilité pour de nombreux
et 2001 (voir la gure 4.3), la demande À vous de jouer !
globale et la production globale
ménages. De même, une baisse
décroissent (notamment parce que les 1 Qu’est­ce que l’hyperination ?
En quoi se différencie­t­elle
de l’ination ?
2 Comment peut­on qualier la
période 1999­2001 ? Justiez
votre réponse.
3 Comment peut­on qualier la
période 1992­1996 (voir la -
gure 4.3) ? Justiez votre
réponse.
4 Selon la gure 4.3, de com­
bien les salaires doivent­ils
augmenter en 2013 pour que les
Les Argentins se sont habitués aux épisodes inationnistes pendant lesquels le Argentins conservent leur pou­
prix des marchandises, y compris celui des aliments, comme on le voit dans la photo, voir d’achat de 2012 ? Justiez
pouvait augmenter de façon fulgurante. Le taux d’ination a atteint 3000 % en 1989 ! votre réponse.

FIGURE 4.3 Évolution du taux d’ination en Argentine, 1992-2013

Source : Données tirées de Instituto Nacional de Estadistica y Censos de Argentina. (2014). « Índice de Precios al Consumidor GBA,
base abril 2008=100 ».
92 CHAPITRE 4

4.2 CHÔMAGE mensuellement un échantillon aléatoire par strates


et par grappes auprès de ménages représentatifs
Lorsque, au terme de vos études, vous intégrerez de l’ensemble de la population canadienne. Le son-
le marché du travail, trouverez-vous facilement dage se fait avec renouvellement de l’échantillon,
un emploi ? Correspondra-t-il à votre formation ? un sixième des ménages étant renouvelés chaque
Le salaire sera-t-il conforme à vos attentes ? La mois, de sorte que chaque ménage demeure dans
réponse à ces questions dépend en partie du taux l’échantillon pendant six mois consécutifs. On
de chômage, considéré comme un baromètre de établit la situation des individus de l’échantillon
la situation du marché du travail et de la perfor- en leur posant des questions quant à leur parti-
mance de l’économie. cipation au marché du travail. Une fois l’enquête
terminée, Statistique Canada répartit la popula-
tion non institutionnalisée et en âge de travailler
4.2.1 La dénition et la mesure en trois catégories qui s’excluent mutuellement, à
du chômage savoir les personnes occupées, les chômeurs et les
La notion de chômage trouve son origine dans le inactifs (voir la gure 4.4).
modèle de l’ore et de la demande. En eet, comme
Les personnes occupées sont celles qui, au
nous l’avons vu au chapitre 2, elle correspond à
cours de la semaine de référence de l’enquête, tra-
une ore de travail excédentaire, c’est-à-dire à un
vaillaient à temps plein ou à temps partiel. Les
surplus de main-d’œuvre. Cette caractérisation du
chômeurs sont les personnes qui étaient sans
chômage semble toutefois un peu trop théorique.
emploi au cours de la semaine de référence, qui
Plus concrètement, on le dénit comme la dié-
avaient cherché activement un emploi au cours des
rence entre la population active, ou main-d’œuvre
disponible, et l’emploi.
Comment mesure-t-on le chômage ? Comme pour Chômage Différence entre la population active, ou
la production globale et le niveau moyen des prix, main-d’œuvre disponible, et l’emploi.
Statistique Canada recueille, depuis 1945, des Personnes occupées Nombre de personnes qui, au
données relatives au chômage à l’a ide d’une vaste cours de la semaine de référence de l’enquête, tra-
enquête appelée Enquête sur la population active vaillent à temps plein ou à temps partiel.
(EPA). Pour la réaliser, les enquêteurs prélèvent

Les chances de se trouver un emploi dépendent fortement de la conjoncture économique.


INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 93

FIGURE 4.4 Répartition de la population canadienne selon l’enquête de Statistique Canada, en 2014

Note : La somme des personnes en chômage et des personnes occupées n’est pas exactement de 19,125 millions parce qu’on a arrondi à trois décimales.
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 282-0002.
Caractéristiques de la population active (Statistique Canada)

quatre semaines précédentes et qui étaient consi- Le taux de chômage


dérées comme aptes et disponibles au travail. La Le taux de chômage est le pourcentage des chô-
somme des personnes occupées et des chômeurs meurs par rapport à la population active :
donne la population active. En sont exclus les
personnes qui vivent dans les réserves amérin- Taux de chômage =
Nombre de chômeurs
× 100
diennes, les pensionnaires d’établissements insti- Population active
tutionnels (les prisonniers, par exemple) ainsi que
les membres des Forces armées canadiennes.
Quant à la population inactive, elle est com- Chômeurs Nombre de personnes qui, au cours de la
posée des personnes âgées de 15 ans et plus ne semaine de référence de l’enquête, sont sans emploi,
travaillant pas et ne cherchant pas d’emploi, des ont cherché activement un emploi au cours des quatre
retraités, des étudiants à temps plein, des mères ou semaines précédentes et sont considérées comme
aptes et disponibles au travail.
des pères au foyer et de toutes les autres personnes
qui se déclarent non disponibles pour occuper un Population active Partie de la population civile âgée
emploi rémunéré. de 15 ans et plus qui est occupée ou en chômage.
Population inactive Partie de la population civile âgée
C’est à partir des données contenues dans chaque de 15 ans et plus qui ne travaille pas et qui ne cherche
catégorie de la population que Statistique Canada pas d’emploi.
estime le taux de chômage, mais aussi d’autres Taux de chômage Pourcentage des chômeurs par
indicateurs de base du marché du travail comme le rapport à la population active.
taux d’activité et le taux d’emploi.
94 CHAPITRE 4

Au Canada, en 2014, la population active comptait expliquer ces diérences. Nous reviendrons sur les
19,125 millions de personnes, dont 1,322 million causes du chômage au chapitre 5.
de chômeurs. Le taux de chômage s’élevait donc à :
Le taux d’activité
Bien que généralement utilisé pour décrire l’évolu-
 )
1,322 million
6,9% × 100
19,125 millions tion du marché du travail, le taux de chômage tel
qu’il est calculé par Statistique Canada demeure
un indicateur incomplet de la situation réelle de
La gure 4.5 illustre l’évolution du taux de chô- l’emploi au pays. En eet, le taux de chômage d’un
mage au Canada, aux États-Unis et en France, de pays pourrait diminuer sans qu’il y ait eu créa-
1983 à 2014. On peut voir que le Canada a connu tion d’emplois. C’est ce qui se produit lorsque des
des uctuations similaires à celles des États-Unis, personnes, que l’on qualie alors de découragées,
avec des sommets lors des récessions de 1982, de cessent de chercher activement du travail parce
1990-1991 et de 2008-2009. On voit aussi que qu’elles croient nulles les possibilités d’en trouver.
le Canada a été plus performant que la France, Pour avoir un portrait plus complet du marché
notamment de 1986 à 1990, ainsi qu’au cours de du travail au pays, les économistes ont recours au
la période 1993-2014, mais moins que les États- taux d’activité, que l’on dénit comme le pour-
Unis, sauf durant la période 2009-2013 où la centage de la population active par rapport à la
récession a frappé plus durement ces derniers. Les
population âgée de 15 ans et plus :
écarts persistants entre ces trois pays industriali-
sés pourraient s’expliquer en partie par le fait que
Population active
le système de protection sociale est beaucoup plus Taux d’activité = × 100
Population âgée de 15 ans ou plus
généreux en France qu’aux États-Unis (le Canada
se situant entre les deux), de sorte qu’en France les
travailleurs qui perdent leur emploi sont peu inci-
tés à en trouver un autre, alors qu’aux États-Unis Taux d’activité Pourcentage de la population active
ils doivent en trouver un très rapidement. Bien sûr, par rapport à la population âgée de 15 ans et plus.
d’autres facteurs entrent en ligne de compte pour

FIGURE 4.5 Évolution du taux de chômage en France, aux États-Unis et au Canada, 1983-2014

Source : OCDE. « Données, Taux de chômage ».


INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 95

En 2014, au Canada, la population active et la Taux d’emploi =


Population occupée
× 100
population en âge de travailler comptaient res- Population âgée de 15 ans ou plus
pectivement 19,125 millions et 28,981 millions
de personnes. Le taux d’activité canadien de 2014
était donc de 66,0 % : En 2014, la population en âge de travailler du
Canada comptait 28,981 millions de personnes,

 )
19,125 millions dont 17,802 millions étaient occupées. Le taux
× 100 d’emploi canadien en 2014 s’élevait donc à 61,4 % :
28,981 millions

Un taux d’activité élevé est le reet de certaines


valeurs sociales, mais aussi d’une économie dyna-  17,802 millions
28,981 millions
× 100
)
mique, puisqu’il signie qu’une grande partie de
la population en âge de travailler souhaite parti- Cet indicateur est particulièrement intéressant
ciper au marché du travail ; à l’inverse, une baisse parce qu’il n’est pas inuencé par les entrées et
dénote un ralentissement de l’économie ou l’eet sorties de la population active, lesquelles peuvent
d’un changement structurel (le vieillissement de la parfois faire varier le taux de chômage sans qu’il
population, par exemple). y ait nécessairement un lien avec le dynamisme
de l’économie.
Le taux d’emploi
Le taux d’emploi, indicateur de la disponibilité
des emplois, est une mesure aussi importante que
le taux de chômage et le taux d’activité. C’est le Taux d’emploi Pourcentage de la population occupée
pourcentage de la population occupée par rapport par rapport à la population âgée de 15 ans et plus.
à la population âgée de 15 ans et plus :

EXEMPLE 4.2 La situation sur le marché du travail des nouveaux titulaires d’un baccalauréat en sciences humaines
Le tableau suivant présente la situation d’emploi des personnes La population active est égale au nombre de personnes
titulaires d’un baccalauréat en sciences humaines au Québec occupées (en emploi) plus le nombre de chômeurs (à la
(en janvier 2013). À partir de celui-ci, on désire connaître le taux recherche d’un emploi), soit 2349 personnes (2192 + 157).
de chômage, le taux d’activité ainsi que le taux d’emploi de ces Le taux de chômage est le pourcentage de chômeurs dans la
personnes. population active, soit 6,7 % :

Caractéristiques de la population
en âge de travailler
Nombre ( 157
2349
× 100 )
Ensemble des personnes diplômées Le taux d’activité est le pourcentage de la population active
de l’enquête 4120 dans la population en âge de travailler (ensemble des personnes
(personnes de 15 ans ou plus) diplômées de l’enquête), soit 57,0 % :

En emploi
(personnes occupées)
2192 ( 2349
4120
× 100 )
À la recherche d’un emploi Le taux d’emploi est le pourcentage de personnes occupées
157
(chômeurs) (en emploi) dans la population en âge de travailler (ensemble
des personnes diplômées de l’enquête), soit 53,2 % :
Source : Données tirées de Gouvernement du Québec. (2013). « La Relance

( )
à l’université 2013, La situation d’emploi des personnes diplômées », 2192
Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et × 100
de la Technologie, p. 12. 4120
96 CHAPITRE 4

4.2.2 Les conséquences du chômage 4.2.3 Les types de chômage


Le chômage est considéré avant tout comme un Pour expliquer les causes du chômage, les écono-
problème économique. En eet, la sous-utilisation mistes en distinguent trois types, qu’ils quali-
des ressources humaines entraîne des coûts éco- ent respectivement de conjoncturel, frictionnel
nomiques globaux et des pertes de revenus indivi- et structurel.
duels considérables.
Le chômage conjoncturel
Les plus durement touchés sont évidemment Le chômage conjoncturel ou cyclique résulte
les chômeurs eux-mêmes. En fait, leur manque à d’une diminution de l’activité économique. Il peut
gagner correspond, du moins pour les « heureux » survenir, par exemple, lorsqu’une diminution
bénéciaires de l’assurance-emploi, à l’écart entre de la demande des consommateurs entraîne un
les prestations et le salaire gagné. D’autres agents surplus de production des entreprises. Ces der-
économiques subissent aussi les eets du chômage : nières se voient alors dans l’obligation de réduire
le programme de prestations d’assurance-emploi leur personnel en fonction du volume de la pro-
constitue un coût économique pour les entreprises duction. Ainsi, les mises à pied se multiplient et
et les travailleurs qui y cotisent ; les gouvernements le niveau de chômage augmente. Ce type de chô-
accusent eux aussi des pertes, car ils perçoivent mage se résorbe habituellement lorsque l’éco-
moins d’impôts tandis que leurs dépenses d’aide nomie retrouve son dynamisme. Nous verrons
sociale augmentent, fragilisant ainsi les nances dans les chapitres 6 et 7 comment l’État peut
publiques. En somme, la conséquence macroécono- relancer l’activité économique et résoudre le chô-
mique la plus évidente du chômage est qu’on n’at- mage conjoncturel.
teint pas le PIB potentiel (plein-emploi) en raison de
la non-participation des chômeurs à la production. Le chômage frictionnel
Le chômage frictionnel résulte de la mobilité
Non seulement le chômage a des conséquences
normale de la main-d’œuvre. Chaque jour, de nou-
économiques pour les diérents acteurs de l’éco-
veaux diplômés recherchent un premier emploi,
nomie, mais ces conséquences se répercutent
tandis que d’autres personnes tentent de réinté-
également sur les plans psychologique et social.
grer le marché du travail. Parallèlement, certains
Dicilement quantiables, les coûts humains et
travailleurs quittent leur emploi pour en cher-
sociaux n’en sont pas moins lourds.
cher un autre, et d’autres sont temporairement
Le chômage peut occasionner une perte d’estime licenciés lors d’une réorganisation d’entreprise,
de soi, particulièrement chez les chômeurs de par exemple. Dans une économie dynamique
longue durée, qui voient leur qualication profes- comme celle du Canada, il y a toujours un cer-
sionnelle se déprécier. Plus leur période de chô- tain nombre de travailleurs en mouvement, c’est-
mage se prolonge, plus il devient dicile pour eux à-dire qu’ils sont entre deux emplois au moment
de réintégrer le marché du travail. Cela peut avoir où l’on prend le pouls du marché du travail. Tou-
des conséquences désastreuses sur le plan psycho- tefois, le chômage frictionnel est habituellement
logique : dépression, divorce, voire suicide. peu problématique, car généralement de courte
durée ; il est en quelque sorte naturel, donc iné-
On observe aussi un accroissement du taux de
vitable et ainsi difficile à contrer.
criminalité durant les périodes où le taux de chô-
mage est élevé. En eet, certains individus inca-
pables de trouver un emploi peuvent être tentés Chômage conjoncturel (ou cyclique) Chômage
de recourir à des activités criminelles telles que résultant d’une diminution de l’activité économique.
le vol, le trac de drogue ou la prostitution pour Chômage frictionnel Chômage résultant de la mobi-
hausser leur revenu et subvenir à leurs besoins lité normale de la main-d’œuvre.
les plus élémentaires.
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 97

Le chômage structurel normal d’observer une hausse de l’embauche dans


Les grands bouleversements de l’économie ces secteurs en période estivale, puisque c’est à ce
entraînent des ajustements sur le marché du tra- moment de l’année que l’activité y est la plus forte.
vail, lesquels impliquent parfois du chômage. Le Étant donné ces variations saisonnières, Statis-
chômage découlant d’une non-concordance entre tique Canada publie mensuellement des données
la demande et l’ore de travail est appelé chômage désaisonnalisées. Le taux désaisonnalisé du chô-
structurel, et il peut être : mage indique l’état réel de l’économie, puisqu’il a
été corrigé pour tenir compte du biais saisonnier.
● technologique. Des changements technologiques
dans les moyens de production ou encore l’aban- Le concept de plein-emploi ou
don de secteurs traditionnels pour de nouveaux de chômage naturel
secteurs qui requièrent des compétences dié- Dans une économie, le plein-emploi ne signie
rentes entraînent un problème de chômage dû pas qu’il n’y a pas de chômage. Il y aura toujours
à la non-concordance entre la qualication pro- des déplacements d’un emploi à un autre et des
fessionnelle demandée par les employeurs et les changements structurels. C’est pourquoi on consi-
compétences que possèdent les travailleurs ; dère généralement que le plein-emploi, aussi
● démographique. Des chocs démographiques, tels appelé taux de chômage naturel, équivaut à la
que l’arrivée des jeunes ou des femmes sur le marché somme du taux de chômage frictionnel et du taux
du travail, peuvent y causer un déséquilibre, donc du de chômage structurel (puisque ces deux types de
chômage. Parallèlement, on peut penser que le vieil- chômage sont inévitables, du moins à court terme).
lissement de la population aura l’eet inverse ; En d’autres termes, c’est le taux qui subsiste lorsque
le chômage conjoncturel n’existe plus, c’est-à-dire
● institutionnel. Nous avons vu dans le chapitre 2 lorsque l’économie fonctionne à son plein potentiel.
que l’accroissement du salaire minimum est de Au Canada, les économistes évaluent le taux de chô-
nature à accentuer le chômage structurel. On con- mage naturel autour de 6 % de la population active.
sidère aussi que les divers programmes sociaux
oerts à la population augmentent le temps de Chômage structurel Chômage découlant d’une non-
recherche d’un nouvel emploi puisque l’incita- concordance entre la demande et l’offre de travail.
tif et la nécessité sont moindres, ce qui aurait Chômage saisonnier Chômage lié à des facteurs
pour eet de diminuer la mobilité de la main- climatiques.
d’œuvre et d’accroître le chômage structurel ; Plein-emploi (ou taux de chômage naturel) Taux de
chômage qui subsiste lorsque le chômage conjoncturel
● saisonnier. Certaines activités de production, n’existe plus, c’est-à-dire lorsque l’économie fonctionne
comme la pêche et la construction, sont liées à à son plein potentiel. Il équivaut à la somme du taux de
des facteurs climatiques et entraînent donc un chômage frictionnel et du taux de chômage structurel.
chômage saisonnier. Au Canada, il est en eet
98 CHAPITRE 4

Actualité économique
Le chômage a-t-il un sexe au Québec ?
Au cours des dernières décennies, la du nombre d’enfants par famille,
présence des femmes sur le marché du etc.), les écarts de taux de chômage À vous de jouer !
travail québécois a considérablement entre hommes et femmes semblent
évolué. En fait, depuis 1976 (moment déconcertants. En effet, en exami- 1 Qu’est-ce que le taux d’activité ?
où le gouvernement canadien a com- nant la gure 4.7, on constate que,
Comment a-t-il évolué depuis
mencé à compiler des données relatives de 1976 à 1989, le taux de chômage
1976 au Québec ?
à l’activité des Québécois sur le marché chez les femmes a été habituelle-
du travail), le taux d’activité des femmes ment supérieur à celui des hommes.
2 Si, en 2014, la population active du
n’a cessé de progresser, passant de La seule exception à cette tendance Québec était de 2 314 300 hommes
41,4 % à 60,7 % en 2014, soit une aug- s’est produite lors de la période et 2 085 800 femmes, et la popu-
mentation de 19,3 %. Par contre, durant 1982-1984, lorsque la récession a lation occupée, de 2 106 300
la même période, le taux d’activité des touché davantage d’hommes que hommes et 1 953 500 femmes,
hommes a diminué légèrement, soit de de femmes. Depuis 1990, toutefois, quel est le taux de chômage des
76,7 % à 68,8 % (voir la gure 4.6). cette tendance s’est inversée, et le hommes ? Celui des femmes ?
taux de chômage des femmes a été 3 Donnez deux raisons susceptibles
Si la progression vers l’égalité des constamment plus faible que celui d’expliquer pourquoi le taux de
sexes en matière de taux d’activité des hommes. chômage est plus faible chez les
s’explique aisément (progrès techno- femmes que chez les hommes.
logique, tertiarisation de l’économie, Les données de 2014 montrent que 4 À part les hommes, quels sont,
conciliation travail-famille, garderies à le taux de chômage des femmes
selon vous, les groupes les plus
7,30 $, plus grand nombre de pères au était de 6,3 %, et celui des hommes,
touchés par le chômage ?
foyer, structure par âge, diminution de 9,0 %.

FIGURE 4.6 Évolution du taux d’activité des hommes et des femmes au Québec, 1976-2014

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 282-0002.


INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 99

Actualité économique
Le chômage a-t-il un sexe au Québec ? (suite)
Bien que le taux de chômage
des femmes au Québec soit
moins élevé que celui des
hommes, on observe encore
des iniquités sur le marché du
travail. Plus de la moitié des
diplômés universitaires sont de
sexe féminin, mais le salaire des
femmes est en général plus bas
et les postes de pouvoir sont
majoritairement occupés par des
hommes. Autant à l’échelle des
entreprises qu’à celle des États,
il existe une corrélation entre les
possibilités offertes aux femmes
et la réussite économique.
Ici comme ailleurs dans le
monde, il importe donc aux
gouvernements et aux individus
en poste d’y voir.

FIGURE 4.7 Évolution du taux de chômage des hommes et des femmes


au Québec, 1976-2014

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 282-0002.


100 CHAPITRE 4

Grands courants de la pensée économique


La féministe et révolutionnaire Rosa Luxemburg
En science économique, on asso- La socialiste Luxemburg, « Rosa la forme de démocratie, c’est-à-dire l’in-
cie souvent l’avènement de l’époque rouge », est aussi souvent associée au clusion du plus grand nombre dans un
moderne aux classiques européens développement des idées politiques projet de réformes sociales. En plus
du xviiie siècle qui élaboraient une sociales-démocrates puisqu’elle reje- de servir de modèle pour les femmes
théorie du capitalisme et du libéra- tait tout rapprochement entre le de l’époque, Rosa Luxemburg
lisme en rupture avec les modèles socialisme et l’autoritarisme (ou une militait pour la solidarité de tous,
traditionnels. Ces débuts du capita- quelconque dictature, si bien inten- y compris les opprimés de tous
lisme sont associés à des boulever- tionnée soit-elle), y voyant plutôt une les pays, hommes ou femmes.
sements économiques importants
qui se traduisirent par du chômage
de masse ou de l’ination hors de Rosa luxemburg est née le 5 mars 1871 à Zamosc, en Pologne, et est décédée
contrôle, phénomènes fortement le 15 janvier 1919 à Berlin, en Allemagne.
dénoncés par les défenseurs des
plus démunis.
À cette époque, peu de voix de
femmes pouvaient se faire entendre
dans les lieux reconnus du pouvoir
et de la pensée. Il fallut attendre
celle de Rosa Luxemburg, née en
Pologne en 1871 et morte assas-
sinée en Allemagne en 1921.

Grande militante politique, elle a


contribué à la pensée économique
dans la continuité des théories
marxistes et communistes. Comme
Marx avant elle, Rosa Luxemburg
ne croyait pas à la survie du nou-
veau système capitaliste basé sur
une industrialisation et des rapports
sociaux qui ne pouvaient se maintenir.
Dans la conclusion de son livre Intro-
duction à l’économie politique paru
en 1925, elle écrira : « plus la produc-
tion capitaliste remplace les modes
de production plus arriérés, plus
deviennent étroites les limites du mar-
ché créé par la recherche du prot,
par rapport au besoin d’expansion des
entreprises capitalistes existantes. »
Les capitalistes, par leur inévitable
exploitation des salariés, devaient
fatalement courir à leur perte. Com-
ment continuer à accumuler des
prots dans un monde où les déci-
deurs économiques contribuent
à étouffer leur propre marché ?
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 101

En un clin d’œil

Indice des prix à la consommation (IPC)


Moyenne pondérée des prix des biens et des services consommés
habituellement par les ménages au cours d’une période donnée.

Indice implicite des prix (IIP)


Mesure de l’ination Moyenne pondérée des prix de l’ensemble des biens et
des services produits à l’intérieur d’un pays au cours
d’une période donnée.

Taux d’ination
IPC(t) − IPC(t − 1)
Δ IPC % = × 100
IPC(t − 1)

Valeur réelle (ou $ constants)


Ination Mesure du pouvoir
d’achat Valeur nominale (ou $ courants)
× 100
Indice de prix

Déation
Baisse du niveau moyen des prix observée sur une
période donnée.

Désination
Types
Baisse du taux d’ination.

Hyperination
Hausse du niveau moyen des prix qui excède 50 % par mois,
soit un peu plus de 1,3 % par jour.
102 CHAPITRE 4

Taux de chômage
Nombre de chômeurs
× 100
Population active

Taux d’activité
Mesures Population active
× 100
Population âgée de 15 ans ou plus

Taux d’emploi
Population occupée
× 100
Population âgée de 15 ans ou plus

Chômage
Chômage conjoncturel
Résulte d’un ralentissement de l’activité économique.

Chômage frictionnel
Résulte de la mobilité normale de la main-d’œuvre.

Types

Chômage structurel
Découle d’une non-concordance entre la demande
et l’offre de travail.

Concept de plein-emploi (chômage naturel)


Équivalent à la somme du taux de chômage frictionnel
et du taux de chômage structurel.
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 103

Testez vos connaissances


c) Trouvez un exemple de consommation qui a
Questions de révision baissé d’une année à l’autre.
1 Comment appelle-t-on une hausse du niveau
moyen des prix au cours d’une période donnée ? 2012 2013 2014
Composantes Variation des indices
2 La désination est-elle caractérisée par une baisse de prix en %
du niveau moyen des prix ou une baisse du taux
d’ination ? Aliments 2,4 1,2 2,3

3 Vrai ou faux ? Durant une période d’ination, le Logement 1,2 1,3 2,7
prix de certains biens peut diminuer. Dépenses courantes,
ameublement et équipe- 1,9 1,2 1,9
4 Quel est le taux d’intérêt réel d’un placement si le ment du ménage
taux d’intérêt nominal est de 3 % et le taux d’ina-
Vêtements et chaussures 0,1 0,1 1,2
tion, de 2 % ?
Transports 2,0 0,7 1,1
5 Pourquoi l’ination est-elle néfaste ?
Soins de santé et
6 Qu’est-ce que le chômage ? Comment le mesure-t-on ? 1,4 –0,3 0,6
soins personnels
7 Le chômage est-il considéré comme un problème Loisirs, formation
0,6 0,3 1,1
purement économique ? et lecture
8 Énumérez et distinguez les trois types de chômage. Boissons alcoolisées
1,5 2,0 4,4
et produits du tabac
9 À quel type de chômage les nouveaux diplômés
(personnes qui viennent de terminer leur DEC, par IPC 1,5 0,9 2,0
exemple) risquent-ils de faire face ? Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 326-0021.
10 Commentez l’armation suivante : « Le plein-
emploi signie que le taux de chômage est nul. » 13 Le tableau suivant décrit l’évolution de l’IPC au
Japon de 2010 à 2014.

Questions d’application Année IPC (2010 = 100)


2010 100,0
11 Un marchand prépare des mélanges de graines et
de noix. Pour un de ces mélanges, les dépenses se 2011 99,7
répartissent comme suit : 25 % pour l’achat des ara- 2012 99,7
chides, 35 % pour l’achat des amandes et 40 % pour
2013 100,0
l’achat des noix de cajou. Sachant que les indices
des prix des trois ingrédients sont respectivement 2014 102,8
de 102,6, 104,7 et 105,1, calculez l’IPC de ces trois Source : Données tirées de OCDE. (2014). « Prix ».
produits alimentaires.
12 Le tableau suivant décrit l’évolution de la consom- a) Quelle est l’année de référence ? Justiez votre
mation des ménages canadiens dans les prin- réponse.
cipales catégories de produits et de services, b) Comparez l’IPC de 2014 à celui de 2010 et expli-
2012 à 2014. quez ce que cette diérence indique par rapport
a) Trouvez la composante qui a subi la plus forte au pouvoir d’achat et au niveau des prix.
progression d’une année à l’autre. c) Calculez et interprétez le taux d’ination en 2011.
b) Trouvez la composante dont la progression a d) S’agit-il d’une déation ou d’une désination ?
ralenti le plus d’une année à l’autre (sans baisser). Justiez votre réponse.
104 CHAPITRE 4

14 Les données du tableau qui suit portent sur l’ina- 16 Le tableau suivant brosse un portrait du marché
tion au Canada pour le mois de février 2015. du travail dans une ville ctive en l’an 1.

Indice de Situation sur le marché Nombre de personnes


Facteur de
Composantes février du travail (en milliers)
pondération
(2002 = 100)
Population inactive 5,0
Aliments 139,5
Logement 133,1 Personnes occupées 15,0

Dépenses courantes, Chômeurs 5,0


ameublement et 118,9
équipement du ménage
Vêtements et chaussures 93,3 a) Calculez le taux de chômage.
Transports 124,3 b) Calculez le taux d’emploi.
Soins de santé et
120,1
c) Quel est l’eet sur les taux de chômage et d’em-
soins personnels ploi si, en l’an 2, les cinq milliers de chômeurs
Loisirs, formation
107,9
cessent de chercher activement du travail
et lecture parce qu’ils pensent n’avoir aucune chance d’en
Boissons alcoolisées
150,3
trouver ?
et produits du tabac
17 Voici certaines données concernant le marché du
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 326-0020. travail au Canada en 2014.
a) Laquelle des composantes a subi la plus forte aug-
mentation de 2002 à 2015 ? Population Personnes Taux de
Chômeurs
b) En supposant que chaque composante a la même Mois active occupées chômage
(en milliers)
(en milliers) (en milliers) (en %)
importance, complétez le tableau ci-dessus et cal-
culez l’IPC d’ensemble de février 2015. Avril 17 577,4 1381,6
c) Quel aurait été le taux d’ination en février 2016
si l’IPC de février 2016 avait été de 125,3 ? Mai 19 313,9 17 924,3

d) À l’aide de la réponse en c), dites ce qu’il est advenu Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau
du pouvoir d’achat des travailleurs au salaire 282-0007.
minimum si, de février 2015 à février 2016, leur
salaire horaire est passé de 10,35 $ à 10,55 $. Jus- a) Complétez le tableau en calculant les valeurs
tiez votre réponse à l’aide de calculs. manquantes.
15 « Entre 2000 et 2009, le salaire des enseignants a b) Quelle a été la variation (l’écart) du taux de chô-
augmenté en valeur réelle dans la plupart des pays mage d’avril à mai 2014 ?
[...]. Les seuls pays qui échappent à ce constat sont c) Quelle a été la variation du nombre de chômeurs
l’Australie, la France, le Japon et la Suisse4 ». d’avril à mai 2014 ?
À la lumière de ce texte, peut-on conclure assuré- d) Les réponses obtenues aux questions b) et c) vous
ment que les enseignants australiens, français, semblent-elles paradoxales ? Expliquez de quelle
japonais et suisses ont subi une réduction de leur façon il peut y avoir à la fois une baisse du taux de
salaire nominal ? Justiez votre réponse. chômage et une hausse du nombre de chômeurs.

4. OCDE. (2011). « Quel est le niveau de salaire des enseignants ? », Regards sur l’éducation.
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 105

18 La gure suivante illustre l’évolution du taux de


chômage (en %) dans certains pays de l’Union Question d’intégration
européenne de 2008 à 2013.
Reliez les indicateurs vus dans ce chapitre ainsi que
a) Décrivez de façon générale l’évolution des taux de dans le chapitre 3 aux questions fondamentales de
chômage de ces pays. la science économique présentées au chapitre 1, puis
b) Quel pays semble avoir été le plus touché par la évaluez-les.
récession de 2008-2009 ? Justiez votre réponse.

Source : OCDE. (2015). « Données - Taux de chômage total, % de la population active ».

Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions a) De façon générale, dans quelle province le taux de
détaillées.) chômage est-il le plus faible ?
Statistique Canada b) Quelle province semble avoir été la plus tou-
chée par la récession de 2009 ? Justiez
1 Au Canada, aucune des provinces n’est également votre réponse.
touchée par le chômage. Pour comparer le taux de 2 An d’étudier l’ination au Canada, consultez le
chômage du Québec à celui des autres provinces, site de Statistique Canada et recueillez des don-
consultez le site de Statistique Canada. nées sur l’indice des prix à la consommation.
Dans la section « En vedette », en bas à droite de
Dans la section « Parcourir par sujet », en bas de
l’écran, cliquez sur CANSIM. Inscrivez le numéro
l’écran, cliquez sur le lien « Prix et indices des
282-0002, puis cliquez sur « Recherche ». En cliquant
prix ». Ensuite, choisissez « Indices des prix à la
sur l’onglet « Ajouter/Enlever des données », vous
consommation », puis « Tableaux sommaires »
pouvez sélectionner les options désirées. Sectionnez
et « Indice des prix à la consommation, aperçu
« Tout » (à l’étape 1), « Taux de chômage » (en désélec-
historique ».
tionnant d’abord « Emploi ») (à l’étape 2), puis unique-
ment « 15 ans et plus » (à l’étape 4) et la période allant a) Décrivez l’évolution du taux d’ination.
de « 2008 » à l’année la plus récente (à l’étape 5). Pour b) Déterminez le nombre de fois que le Canada a
terminer, cliquez sur l’onglet « Appliquer » (à l’étape 7). connu une désination. Justiez votre réponse.
106 CHAPITRE 4

Appendice mathématique

Quelques mesures statistiques TABLEAU A-4.1 Répartition de la population du Québec,


selon le sexe, en 2014
d’usage en économie Sexe Nombre de personnes En %
Hommes 4 081 169 49,7
Les indicateurs sont des données statistiques indis-
Femmes 4 133 503 50,3
pensables à la compréhension des phénomènes écono-
Total 8 214 672 100,0
miques. Or, ces données sont construites à l’aide de
mesures descriptives. Cet appendice présente les quatre Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 051-0001.
types de mesures descriptives les plus couramment uti-
lisées en économie : les taux, les variations, les indices et La variation
la moyenne.
Un grand nombre de variables quantitatives évoluent
avec le temps, c’est-à-dire qu’elles uctuent entre deux
moments précis. Voyons deux concepts qui servent à
Observer des escargots étudier avec plus de précision une variable qui uctue en
avancer nous indique que le fonction du temps : la variation et la variation relative.
temps est relatif et variable.
Même s’ils ne parviendront
pas tous à la ligne La variation dans le temps
d’arrivée en même temps, La variation, notée ∆ (ce symbole se nomme « delta »),
chacun d’eux l’atteindra. mesure la diérence de la valeur d’une variable entre
Les mesures relatives deux périodes données. Elle compare deux situations
permettent notamment
de calculer les variations
dans un intervalle de temps [t − 1 ; t].
d’une variable en fonction Le tableau A-4.2 met en évidence l’évolution du prix de
du temps. l’essence (exprimé en cents au litre) au Québec entre
2008 et 2014. Le tableau indique, par exemple, que le
prix de l’essence est passé de 2013 à 2014 de 134,7 ¢ à
Le taux 134,2 ¢. On dit qu’il a subi une variation de –0,5 ¢ (soit
134,2 ¢ – 134,7 ¢) entre les deux périodes.
Le taux constitue l’une des mesures les plus couram-
ment utilisées pour présenter des données. Le terme La variation du prix de l’essence de 2013 à 2014 se note
« taux » signie simplement que le résultat du quotient ∆P (qui se lit « delta P ») et se calcule comme suit :
de deux quantités a été multiplié par une puissance de
∆P = P (2014) – P (2013)
10. Un taux s’exprime souvent en pourcentage, précisé- = 134,2 ¢ – 134,7 ¢
ment lorsqu’il s’agit d’une proportion par centaine, ou
= –0,5 ¢
« par mille » dans le cas du rapport entre deux quantités
de nature diérente. Le symbole est alors « ‰ ».
On peut également choisir d’autres bases de comparai-
son, soit les nombres 1 (taux de change du dollar cana- Indicateur Manifestation observable d’un concept
dien par rapport au dollar américain, par exemple), 10, abstrait ou d’une variable.
10 000 ou même un nombre encore plus grand (100 000
dans le cas du taux de criminalité ou de suicide). En fait, Taux Rapport entre deux quantités de même nature ou
plus le phénomène est rare, plus le multiplicateur est de nature différente. Il s’exprime en pourcentage, « par
grand. En sciences humaines, il est possible de calculer mille » ou par toute autre puissance de 10.
une diversité de taux. Le tableau A-4.1 en montre un Proportion Rapport de la fréquence d’une modalité
exemple. Ainsi, pour obtenir le taux de masculinité, on (ou d’une valeur) divisée par le total des fréquences ;
divise le nombre d’hommes par le nombre total de per- autrement dit, rapport de la taille d’un sous-ensemble
sonnes, puis on multiplie le quotient par 100 % : sur le total. On l’exprime généralement en pourcentage.
Variation Différence de la valeur d’une variable entre
4 081 169 deux périodes données.
Taux de masculinité = × 100 = 49,7 %
8 214 672
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 107

TABLEAU A-4.2 Évolution du prix moyen de l’essence généralement sur les grandeurs qui varient dans le
au Québec, de 2008 à 2014 temps. Un indice élémentaire à base temporelle d’une
Prix Variation relative
variable au temps t, noté I (t), est déni comme le rap-
Année port, multiplié par 100, de la valeur d’une variable au
(en ¢ au litre) (en %)
2008 118,3 —
temps t sur la valeur de la même variable mesurée à la
période de référence. Il se calcule de la façon suivante :
2009 96,7 –18,3
2010 105,9 9,5 Valeur de la variable au temps t
l(t) = × 100
2011 127,9 20,8 Valeur de la variable à la période de référence
2012 134,0 4,8
2013 134,7 0,5 Le tableau A-4.3 reprend l’exemple du prix de l’es-
2014 134,2 –0,4 sence au Québec, de 2008 à 2014. Ainsi, si le prix de
Source : Données tirées de Régie de l’énergie du Québec. (2015). « Essence
l’essence en 2008 (année qui est considérée comme
ordinaire/Prix moyen – Relevé hebdomadaire ». l’année de référence) est de 118,3 ¢ et qu’il est de 134,2 ¢
en 2014, alors l’indice prix de l’essence en 2014 est de :
La variation relative
La variation relative, notée ∆ %, mesure la variation 134,2 ¢
I(2014) = × 100 = 113,4
d’une variable entre deux périodes données par rap- 118,3 ¢
port à la période initiale. Elle s’exprime habituellement
en pourcentage :
TABLEAU A-4.3 Évolution du prix moyen de l’essence
au Québec, de 2008 à 2014
valeur nale (temps t) – valeur initiale (temps t – 1)
∆% = × 100 Prix Indice
Année
valeur initiale (temps t – 1) (en ¢ au litre) (2008 = 100)
2008 118,3 100,0
2009 96,7 81,7
Ainsi, de 2013 à 2014, le prix de l’essence a diminué de
0,5 ¢, soit une baisse de seulement 0,4 %. Le calcul s’ef- 2010 105,9 89,5
fectue ainsi : 2011 127,9 108,1
2012 134,0 113,3
2013 134,7 113,9
P(2014) – P(2013)
ΔP % = × 100 2014 134,2 113,4
P(2013)
Source : Données tirées de Régie de l’énergie du Québec. (2015). « Essence
134,2 ¢ – 134,7 ¢ ordinaire/Prix moyen – Relevé hebdomadaire ».
= × 100 = –0,4%
134,7 ¢

Variation relative Rapport, habituellement exprimé


L’indice à base 100 en pourcentage, entre la variation d’une variable entre
Un indice représente une série statistique qu’on recal- deux périodes données et sa valeur à la période initiale.
cule sur une autre base pour faciliter son analyse. Pour Série chronologique Ensemble des valeurs d’une
obtenir un indice d’une série chronologique, on variable quantitative observées à intervalles de temps
eectue le rapport de la valeur d’une variable mesurée réguliers.
à un instant donné sur la valeur de la même variable
mesurée à un autre instant, appelé période de réfé- Point de référence (ou base) Période initiale (ha­
rence (ou base). bituellement d’indice 100) où on mesure la valeur
d’une variable.
La plupart du temps, par convention, on choisit de
prendre comme base, ou comme valeur de référence, la Indice à base 100 Rapport, multiplié par 100, de la
valeur 100 pour faciliter ensuite l’interprétation en valeur d’une variable mesurée à une période donnée et
pourcentage ou la comparaison des variables ayant des de la valeur de la même variable mesurée à une autre
unités ou des ordres de grandeur diérents. On parle période, appelée « période de référence » ou « base ».
alors d’indice à base 100. Cette dénition porte
108 CHAPITRE 4

Le nombre obtenu, soit 113,4, n’est pas un prix ; il ne TABLEAU A-4.4 Salaire hebdomadaire brut moyen des
représente pas non plus l’écart entre deux valeurs. Il nouveaux titulaires d’un baccalauréat,
indique seulement que le prix de l’essence en 2014 est Québec, janvier 2013
égal à 113,2 % du prix de 2008. Autrement dit, le prix de Salaire hebdomadaire
l’essence a augmenté de 13,4 % entre 2008 et 2014. Sexe Fréquence brut moyen
(en $)
La moyenne Femmes 10 949 880
Hommes 7 265 995
La moyenne est sans aucun doute la mesure de ten-
dance centrale la plus fréquemment utilisée et, de ce Ensemble des deux sexes 18 214 926
fait, la mieux connue. Note : Cette étude n’indique pas les disciplines étudiées selon le genre, ce qui
pourrait peut-être expliquer la différence de revenu entre les hommes et les femmes.
Elle se calcule en additionnant toutes les valeurs d’une Source : Données tirées de Gouvernement du Québec. (2013). « La Relance à
distribution, puis en divisant la somme par le nombre l’université 2013, La situation d’emploi des personnes diplômées », Ministère de
total de données. Dans le cas de données groupées par l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, p. 6.

valeurs, pour appliquer la formule de la moyenne, on Dans la mesure où les salaires et le nombre de femmes
doit additionner plusieurs fois la même valeur. et d’hommes sont connus, on peut aisément calculer le
An de simplier les calculs, on multiplie chaque valeur salaire d’ensemble des personnes titulaires d’un
par sa fréquence, puis on additionne les produits, ce qui baccalauréat :
revient à additionner toutes les données à considérer :
(10 949 × 880 $) + (7 265 × 995 $)
Moyenne pondérée =
18 214
Somme des produits des
= 925,87 $
valeurs par leur fréquence
Moyenne pondérée =
Nombre total de données
En janvier 2013, le salaire hebdomadaire brut moyen
des nouveaux titulaires d’un baccalauréat au Québec
était approximativement de 926 $.
An d’illustrer cette mesure, prenons l’exemple du
salaire hebdomadaire brut moyen des femmes et des
hommes titulaires d’un baccalauréat environ vingt Moyenne Somme des données divisée par le nombre
mois après l’obtention de leur diplôme (voir le total de données.
tableau A-4.4).
TENDANCES
CHAPITRE
5 ET FORCES
GLOBALES

5.1 Tendances économiques d’un pays


industrialisé .............................................................. 111
5.2 Forces du marché global ........................................ 115
5.3 Modèle traditionnel : l’offre globale
de court terme et de long terme ........................... 121
5.4 Expliquer la réalité à l’aide du modèle
de l’offre et de la demande globales ................... 123
5.5 Multiplicateur des échanges .................................. 129
En un clin d’œil .......................................................... 132
Testez vos connaissances ...................................... 134
Laboratoire informatique ........................................ 135
Appendice mathématique ...................................... 136

« La Joconde, vue de près,


ressemble à un désert craquelé ;
il faut du recul pour apprécier
le mystère de son regard ! »
CHAPITRE
5 OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• reconnaître les tendances et les relations entre les principaux indicateurs
macroéconomiques ;
• comprendre comment les principaux indicateurs macroéconomiques sont
déterminés par les forces du marché ;
• expliquer graphiquement les causes de l’ination et du chômage ;
• analyser les effets du multiplicateur des échanges sur le PIB.

omment gérer les ressources rares de manière à améliorer de façon

C durable les conditions de vie d’une population ? Voilà la question fonda­


mentale à laquelle tente toujours de répondre la science économique.

À chacun des trois principaux indicateurs macroéconomiques vus aux chapi­


tres 3 et 4 correspond une situation idéale, un objectif à atteindre :
l la croissance économique, c’est­à­dire une augmentation soutenue du PIB réel ;
l la stabilité des prix, c’est­à­dire un taux d’ination relativement bas ;
l le plein­emploi, c’est­à­dire la mise à contribution de toutes les ressources
disponibles, particulièrement les ressources humaines, donc un faible taux
de chômage.
L’incapacité d’une société à atteindre l’un ou l’autre de ces objectifs ne se traduit
pas seulement par des données statistiques servant à alimenter les journaux et à
justier le travail des économistes ! Derrière ces indicateurs, il y a des milliers de
personnes qui souffrent d’un contexte général défavorable, parce qu’elles n’ont
plus rien pour nourrir leur famille, parce qu’il leur est impossible de trouver un
emploi décent, parce que tout coûte si cher qu’avec un budget limité on ne peut
même plus acheter l’essentiel, parce qu’il est impossible de prendre des décisions
d’affaires pour l’avenir dans un environnement instable, agressif ou démotivant.
Quand on vit tous les jours dans un système économique complexe et performant,
on peut en venir à en oublier la fragilité, comme ce fut souvent le cas au cours de
l’histoire. Il est en effet facile, en période de prospérité économique, de relâcher
la vigilance pourtant nécessaire à son maintien. Pour exercer cette vigilance, les
acteurs économiques doivent comprendre et faire respecter les grands principes
à la base de notre système économique qui permettent une amélioration de notre
niveau de vie.
Dans ce chapitre, nous verrons comment se comportent les forces du marché
global et comment les indicateurs économiques vus précédemment permettent
d’en dégager les tendances.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 111

5.1 Tendances économiques FIGURE 5.1 Cycle économique

d’un pays industrialisé


Depuis la révolution industrielle, dont les débuts
remontent au e siècle en Angleterre, les re­
cherches se sont intensiées pour tenter de repro­
duire, de comprendre et d’expliquer l’évolution
globale d’une économie industrialisée. Y parvenir
nous permettrait en eet de mieux nous ajuster à
cette évolution ou encore de prendre les moyens
nécessaires pour prévenir les mauvais coups du
sort. Bien qu’on arrive dicilement à trouver le
modèle précis de l’évolution de la production glo­
bale d’un pays, on a été en mesure de constater que
cette évolution ne se fait pas de façon complète­
ment désordonnée, mais plutôt de façon cyclique,
ce qui est déjà assez rassurant.

5.1.1 Les cycles économiques


Un cycle économique est constitué de phases de
contraction de l’activité économique suivies de Cycle économique Fluctuations du PIB réel compo­
sées d’une alternance de phases d’expansion, de ralen­
phases d’expansion, et il se répète à intervalles plus tissement, de récession et de reprise qui se répètent à
ou moins réguliers. La gure 5.1 illustre l’évolution intervalles plus ou moins réguliers.
de l’activité économique sur un certain nombre
d’années. En partant d’un
point précis et arbitraire de
cette évolution, marqué par
la première ligne verticale sur
la gure, on observe d’abord
une période d’« expansion » de
l’activité économique (mesu­
rée le plus souvent par le PIB
réel). Cette croissance, forte
au début, se fait à un rythme
de moins en moins rapide
(on parle alors de « ralen­
tissement »), jusqu’à ce que
soit atteint un « sommet » ; la
production se met ensuite à
décroître : c’est la « récession ».
On suppose que la récession
provoque un assainissement
des conditions économiques
générales qui permettra de
stopper la décroissance, d’at­
teindre un « creux » et de favo­
Outre les hausses et les baisses de l’activité économique habituelle (les cycles écono­
riser de nouveau la « reprise » miques), le monde économique peut connaître des chocs extérieurs d’impor tance plus ou
de l’activité économique. moins grande, comme quand Haïti a subi un terrible tremblement de terre.
112 CHAPITRE 5

FIGURE 5.2 Évolution du PIB réel au Canada, 1981-2014

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 380-0064.

En excluant les uctuations de l’activité éco- ne sont pas concluantes. Les analyses les plus cou-
nomique (les cycles économiques), on observe, sur rantes suggèrent qu’après une période de croissance
une plus longue période, une tendance générale, les entreprises eectuent une révision de leurs
représentée par la ligne pointillée sur la gure, cor- activités de production, qu’on appelle « rationalisa-
respondant à une croissance continuelle de l’acti- tion », ce qui entraîne un recul de l’activité écono-
vité économique et donc du niveau de vie. Mais en mique. L’aspect cyclique de l’activité économique
est-il ainsi dans la réalité ? porte aussi à croire que les agents économiques ont
un certain comportement de groupe, obéissant aux
En observant la gure 5.2, qui illustre l’évolution mêmes signaux et ajustant leurs activités de façon
du PIB réel du Canada depuis 1981, on s’aperçoit assez similaire en fonction de ceux-ci.
que la réalité ne s’éloigne pas trop du scénario idyl-
lique. En eet, on constate que le PIB réel n’a reculé
que trois fois, soit en 1982, en 1991 et en 2009. 5.1.2 Les relations entre
Toutes les autres années ont été marquées par une les principaux indicateurs
hausse de l’activité économique. Même la récente macroéconomiques
période de recul économique généralisée à l’échelle Le taux de chômage et le taux d’ination dépendent
mondiale de 2008-2009 ne semble pas s’être pro-
grandement de la phase du cycle économique. À la
longée plus de trois trimestres au Canada puisque
gure 5.3, on constate une relation inverse assez
les données de Statistique Canada, pour le troi-
nette entre le taux de chômage et le PIB réel. Par
sième trimestre de 2010 nous apprennent que le
exemple, lorsque l’économie canadienne est en
PIB réel avait presque regagné tout le terrain perdu
récession, comme en 1982 et en 1991, le taux de
pendant la récession ou la crise économique (voir
chômage a tendance à augmenter. Inversement, il a
la rubrique « Liens entre la théorie et la réalité éco-
tendance à diminuer durant les phases de croissance
nomiques » à la page 114, qui explique la diérence
entre les deux concepts). comme celle de 1993-2007. Concrètement, cela
signie que les entreprises licencient des employés
Qu’est-ce qui pourrait expliquer le caractère cyclique quand l’économie tourne au ralenti et qu’elles en
de l’activité économique ? Sur ce point, les recherches embauchent quand l’économie se porte mieux.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 113

FIGURE 5.3 Évolution indicielle des trois grands indicateurs macroéconomiques au Canada, 1981-2014

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 380-0064, 282-0002 et 326-0021.

Toutefois, lorsqu’on examine le taux d’ination, on chômage ; cependant, le taux d’ination est un peu
s’aperçoit que sa relation avec le PIB réel est bien plus volatil (hausse suivie d’une baisse). Par contre,
moins claire. éoriquement, on devrait observer lors de la récession mondiale de 2008-2009, les
une augmentation des prix lorsque l’économie indicateurs réagirent selon le scénario prévisible :
croît et l’inverse lors d’une récession. Or, ce n’est la récession fut en eet accompagnée d’une hausse
pas toujours le cas. Par exemple, lorsqu’on observe du taux de chômage et d’une baisse prononcée du
l’évolution des principaux indicateurs depuis 2010, taux d’ination. Évidemment, les mesures de l’État
on s’aperçoit que le PIB était à la hausse, ce qui, (voir les chapitres 6 et 7) peuvent altérer cette rela-
comme on pouvait s’y attendre, t baisser le taux de tion entre les grands indicateurs.

Selon le Fonds monétaire international, la Chine est devenue en 2014 la première économie du monde si on évalue sa production en
parité de pouvoir d’achat : 17 632 milliards de dollars en PPA, devant les États-Unis qui obtenaient un total de 17 416 milliards de dollars
en PPA. De plus en plus, de nouveaux joueurs internationaux inuencent l’évolution de notre économie nationale.
114 CHAPITRE 5

Liens entre la théorie et la réalité économiques


Une récession, une crise économique ou une dépression ?
À partir de la seconde moitié de l’année partir de quel moment une récession pour chaque pays et à une collabora-
2007, d’importants groupes nanciers devient-elle une crise ? Pour tenter de tion beaucoup plus poussée à l’échelle
dans les pays les plus riches de la répondre, on pourrait utiliser deux internationale pour faire respecter ces
planète ont connu des problèmes de éléments : l’ampleur de la situation et règlements. Cette orientation marque
liquidités majeurs à la suite de l’effon- ses répercussions dans l’économie une rupture certaine avec les trente
drement des cours des produits nan- réelle. La crise économique se années précédentes, alors que le dis-
ciers les plus risqués. De nombreux caractérise par une détérioration cours dominant de ces organismes de
pays moins riches ont connu de telles inhabituelle des conditions écono- référence prônait généralement une
situations au cours des cinquante der- miques révélée par la plupart des indi- déréglementation de l’activité écono-
nières années, mais leur importance cateurs de l’activité économique : la mique. L’autre élément nouveau qui
relative moindre dans l’économie baisse du PIB réel est accompagnée semble ressortir de cette crise, c’est
mondiale n’a remis en question ni la d’une forte augmentation du taux de que la reprise est surtout l’affaire de
croissance économique dans les pays chômage et d’une baisse marquée de ce qu’on appelle les pays émergents
riches, ni la gouvernance de l’écono- l’emploi, des investissements et des alors que les pays riches devraient
mie mondiale. Cette fois, ce sont de dépenses de consommation. L’impor- connaître une plus ou moins longue
grandes banques aux États-Unis et en tance de ces perturbations entraîne période de reprise de faible ampleur.
Europe qui se sont retrouvées en faillite nécessairement une certaine restruc- Cette crise économique est-elle suf-
turation des règles de fonctionnement samment grave pour la qualier
ou qui en ont été empêchées par les
de l’économie. Par ailleurs, si cette de dépression ? Malheureusement,
pouvoirs publics. Cette situation éco-
crise économique est accompagnée comme il arrive très souvent, ce n’est
nomique délicate a été suivie en 2009-
d’une grave crise nancière qui dure qu’après coup qu’on pourra mesurer
2010 par la crise de la dette souveraine
plusieurs trimestres, on parle généra- plus précisément l’ampleur des dégâts
(dette de l’État) de certains pays d’Eu- et savoir si cette crise est une dépres-
lement d’une dépression.
rope comme la Grèce, l’Espagne et sion, mais il semble qu’on ait réussi à
la Hongrie. Des pays ayant un niveau En se basant sur ces éléments, on limiter la durée de la crise nancière.
économique moyen éprouvent ainsi peut qualier de crise les difcul-
des problèmes de remboursement ou tés qu’ont eues les pays riches dès
de nancement de leurs emprunts. 2007-2008. Toutes les autorités éco-
nomiques – Fonds monétaire inter- À vous de jouer !
Cette situation a pour effet de con- national, Organisation de coopération
traindre sévèrement le nancement et de développement économique, 1 Quel a été le déclencheur de la
des activités économiques à tous les banques centrales – s’entendent pour crise de 2007 ? Quelle est sa
niveaux, plongeant l’économie mon- dire que le recul économique a été particularité ?
diale dans un ralentissement de la signicatif à plusieurs égards, même
croissance, puis dans un recul de la pro- s’il n’a pas atteint les sommets dra-
2 Quelle est la dénition générale
duction réelle. Lorsqu’il est question matiques de la grande dépression d’une récession ?
de cette période, les autorités parlent des années 1930. De plus, cette crise 3 Selon le texte, quels sont les
généralement d’une crise nancière constituera à coup sûr un tournant deux grands éléments qui dis-
et économique. Dans le cas de 2008- dans la gouvernance mondiale. Bien tinguent une récession d’une crise
2010, on parle aussi du plus sévère qu’il faille toujours jouer de prudence économique ?
recul économique depuis la grande avec les prévisions, on peut s’attendre 4 Selon le texte, quels seraient les
dépression des années 1930. entre autres à la mise en place d’une deux changements structurels qui
structure réglementaire des activités accompagnent la crise écono-
Alors, quelle est la différence entre nancières beaucoup plus élaborée
une crise économique, une récession mique de 2007-2009 ?
économique et une dépression ? Il n’y
a guère de consensus dans la commu-
nauté scientique pour distinguer net- Crise économique Situation caractérisée par une forte baisse de
tement ces concepts. Si le concept de l’activité économique, accompagnée d’une certaine restructuration du
récession est généralement déni fonctionnement de l’économie.
comme un recul du PIB réel durant au Dépression Crise économique accompagnée d’une crise nancière.
moins deux trimestre consécutifs, à
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 115

Quant à la relation entre le taux d’ination et le 5.2 Forces du marché global


taux de chômage, on devrait normalement s’at-
tendre à ce qu’elle soit inverse : lorsque le taux de Pour comprendre l’évolution économique d’un
chômage diminue, signe d’une amélioration des pays, il faut avoir une vision globale de la vie en
conditions économiques générales, la pression société. C’est ce qu’apporte la notion de marché.
sur les prix devrait augmenter, et cela devrait se En eet, on peut répartir les millions de déci-
traduire par une hausse du taux d’ination. Et sions des agents économiques en deux grandes
l’inverse devrait se produire lorsque le taux de composantes : des milliers d’entreprises qui four-
chômage augmente. En observant la  gure 5.4, nissent des biens et des services si les conditions
on s’aperçoit que c’est habituellement le cas. Par générales le permettent, et des millions d’ache-
exemple, au cours de la période 1994-2000, le teurs qui se les procurent s’ils en ont la possibi-
taux de chômage a diminué alors que le taux d’in- lité. Cet immense encan détermine le nombre
ation a augmenté modérément. Cependant, au de biens et de services vendus (le PIB réel), leur
cours de la période 1983-1988, les taux d’ina- prix de vente (l’indice implicite des prix [IIP] ou
tion et de chômage ne semblent pas avoir varié en le taux d’ination) et la main-d’œuvre nécessaire
sens inverse. à leur production (le taux de chômage). Nous
retrouvons donc ici les trois grands indicateurs
Comment expliquer macroéconomiques dont nous avons parlé aux
Présentation de la
ces variations parfois
conjoncture (Institut chapitres 3 et 4.
de la statistique imprévisibles ? C’est
du Québec) parce que nous sommes Comme pour les composantes de la vie écono-
habitués à porter mique en société (les marchés individuels), les
notre attention sur la demande, mais que nous économistes utilisent le modèle de l’ore et de la
oublions souvent de considérer aussi l’ore, c’est- demande pour expliquer ce qui se passe globa-
à-dire le comportement des entreprises dans le lement, à l’échelle d’un pays. Comprendre ce qui
processus de xation des prix et de l’emploi (et se passe dans nos sociétés, c’est comprendre les
donc du taux de chômage). En tenant compte des grandes variables qui inuencent les deux grands
deux groupes d’agents économiques, on peut expli- groupes d’agents de la vie économique, les oreurs
quer plus adéquatement l’évolution des grands et les demandeurs. Pour ce faire, nous reprenons le
indicateurs économiques. modèle de l’ore et de la demande du chapitre 2, à

FIGURE 5.4 Évolution des taux de chômage et d’ination au Canada, 1981-2014

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 282-0002 et 326-0021.


116 CHAPITRE 5

la diérence qu’il sera utilisé pour l’économie dans FIGURE 5.5 Demande globale de biens et de services
son ensemble. Cela nous servira de cadre d’analyse
pour illustrer le fonctionnement global de nos mar-
chés et nous permettra aussi d’expliquer les causes
du chômage et de l’ination.

5.2.1 La demande globale


La demande globale (appelée « demande agré-
gée » par certains auteurs) représente l’ensemble
des quantités de biens et de services que les agents
économiques sont disposés à acheter à diérents
niveaux de prix. Elle n’est ni plus ni moins que le
PIB réel mesuré selon la méthode des dépenses.
Rappelons que ces dépenses proviennent
essentiellement des consommateurs (C),
des gouvernements (G), des entreprises (I) et des
étrangers (X) :
DG = C + G + I + (X - M) autant pour les consommateurs que pour les
entreprises et le gouvernement, ce qui se tra-
La courbe de la demande globale duit par une diminution des intentions d’achat
La courbe de la demande globale illustre un barème (l’effet de revenu). Ensuite, elle incite les agents
théorique entre diérents niveaux de prix globaux économiques à retarder leurs achats ou encore
possibles et les quantités globales correspondantes à remplacer certains produits par des produits
de biens et de services qu’aimeraient se procurer les étrangers, devenus plus attrayants (l’effet de
agents économiques à l’échelle du pays. Bien sûr, ce substitution).
barème n’existe pas réellement, quoiqu’on puisse
tenter d’en dresser le portrait à l’aide d’une étude de Les déterminants de la demande globale
marché, par exemple. Comme la loi de la demande Si les différents niveaux de prix expliquent les
que nous avons vue au chapitre 2 dans le cas d’un variations de la quantité demandée et la pente
marché particulier, la loi de la demande globale est de la demande globale, d’autres facteurs, qui
fondée sur le principe selon lequel, toutes choses interviennent aussi dans les intentions d’achat
étant égales par ailleurs, les agents économiques des agents économiques, influent sur la quan-
désireraient acheter une quantité moindre de biens tité demandée, quel que soit le niveau de prix ;
et de services lorsque le niveau des prix augmente et c’est alors toute la courbe de la demande qui
une quantité plus importante lorsque le niveau des se déplace, vers la gauche s’il y a diminution
prix diminue. La demande globale est représentée (DG 3), vers la droite s’il y a augmentation
graphiquement à la gure 5.5. (DG2). Ces déplacements sont illustrés à la
La pente négative de la demande globale s’explique figure 5.6.
principalement par deux eets, que nous avons On appelle ces facteurs qui aectent toute la
vus au chapitre 2 (voir la page 33) : demande globale les « déterminants de la demande
● l’eet de revenu ; globale ». On imagine aisément que ces déter minants

● l’eet de substitution. Demande globale Ensemble des quantités de biens


D’abord, une hausse du niveau moyen des prix et de services que les agents économiques sont
disposés à acheter à différents niveaux de prix.
(IIP) signifie une perte du pouvoir d’achat
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 117

FIGURE 5.6 Déplacement de la demande globale Le tableau 5.1 donne quelques exemples de ces
déterminants de la demande globale de biens et
de services dans un pays.

5.2.2 L’offre globale


L’ore globale désigne l’ensemble des quantités
de biens et de services que les entreprises sont dis-
posées à orir à diérents niveaux de prix. Elle est
donc directement associée à la production globale,
c’est-à-dire au PIB réel (Y) :
OG = PIB réel

La courbe de l’offre globale


Les entreprises productrices de biens et de ser-
vices réagissent elles aussi aux prix du marché,
mais pas dans le même sens que les acheteurs.
Pour les entreprises, une hausse du niveau des
prix signifie généralement davantage de profits
sont innombrables, d’autant plus que notre ana- et donc la possibilité de produire de façon plus
lyse se situe à l’é chelle globale de l’économie. rentable ; inversement, une baisse du niveau des
Certaines variables ou certains déterminants sont prix signifie moins de profits et une rentabilité
cependant plus signicatifs que d’autres. C’est plus faible. C’e st la loi de l’o ffre. Cette loi concorde
ce que la science économique tente d’é tablir et de avec la loi générale des coûts croissants de court
mesurer. Par exemple, on peut penser que des terme, selon laquelle, toutes choses étant égales
dicultés économiques aectant les pays étran- par ailleurs, on utilise les ressources les plus pro-
gers, surtout les États-Unis dans le cas du Canada, ductives au début de la production, de sorte que,
puisqu’ils sont de loin notre principal partenaire à la fin, on a besoin de plus de ressources pour
commercial, auront pour eet de diminuer les
intentions d’achat de biens et de services au Offre globale Ensemble des quantités de biens et de
Canada et donc de diminuer la demande globale, et services que les entreprises sont disposées à offrir à
inversement lorsque la croissance économique est différents niveaux de prix.
forte chez ces mêmes partenaires commerciaux.

TABLEAU 5.1 Principaux déterminants de la demande globale

À la hausse À la baisse
Hausse des revenus des consommateurs (C) Baisse des revenus des consommateurs (C)
Conance plus grande en l’avenir Conance moins grande en l’avenir
Plus d’agents économiques Moins d’agents économiques
Augmentation des dépenses d’investissement (I) Diminution des dépenses d’investissement (I)
Les politiques macroéconomiques*
Baisse des impôts Hausse des impôts
Hausse des dépenses publiques (G) Baisse des dépenses publiques (G)
Baisse des taux d’intérêt Hausse des taux d’intérêt
Dépréciation de la monnaie Appréciation de la monnaie

* Les modalités des politiques macroéconomiques sont présentées en détail aux chapitres 6, 7 et 9.
118 CHAPITRE 5

produire la même quantité. L’offre globale théo- En observant bien le graphique, on remarque
rique de biens et de services est représentée à la que les intentions de production augmentent
figure 5.7. généralement à mesure que le niveau moyen des
prix augmente, mais que cette augmentation
atteint un plafond. En eet, on estime qu’à par-
FIGURE 5.7 Offre globale de biens et de services
tir d’un certain niveau, que nous avons appelé
PIBplein-emploi (c’est-à-dire la quantité de plein-
emploi), la production globale ne peut plus
augmenter, et ce, même si les prix continuent
d’augmenter. Pourquoi ? Parce qu’à l’intérieur
d’une certaine période (le court terme) les en-
treprises doivent composer avec des contraintes
de ressources.
On comprend bien que, si demain matin tous les
pays du monde venaient acheter leurs biens et leurs
services au Canada, les entreprises canadiennes
ne pourraient sure à la demande, puisque leurs
capacités physiques sont limitées et que la main-
d’œuvre utile ne peut être multipliée du jour au
lendemain, et cela, qu’on produise du bois d’œuvre
ou qu’on ore des services nanciers, ou encore des
services médicaux ultramodernes.

Pour un pays industrialisé comme le Canada, la production de services dépasse largement celle des biens. La capacité de production
dépend alors des immenses tours à bureau modernes de nos centres-villes. On voit ici celui de Toronto.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 119

Les déterminants de l’offre globale TABLEAU 5.2 Principaux déterminants de l’offre globale
Si les diérents niveaux de prix expliquent les
À la hausse À la baisse
variations de la quantité oerte et la pente de
Baisse des coûts de l’énergie Hausse des coûts de l’énergie
l’ore globale, d’autres facteurs, qui interviennent
Stabilité politique, sociale Instabilité politique et sociale,
aussi dans les intentions de produire des entre- et environnementale catastrophes naturelles
prises, inuent sur la quantité oerte, quel que Baisse des coûts Hausse des coûts
soit le niveau des prix ; c’est alors toute la courbe de la main-d’œuvre de la main-d’œuvre
de l’ore qui se déplace, vers la gauche s’il y a Amélioration des techniques Baisse de la productivité
diminution (OG3), vers la droite s’il y a augmen- de production (technologie)
et hausse de la productivité
tation (OG 2). Ces déplacements sont illustrés à la
Les politiques macroéconomiques*
gure 5.8.
Baisse des impôts Hausse des impôts
sur les bénéces** sur les bénéces
Ces facteurs qui affectent toute l’offre globale
Réglementations
sont appelés « déterminants de l’offre globale ». Subventions
plus nombreuses
Comme pour la demande globale, ces détermi- Encadrement nancier Accès restreint au capital
nants sont innombrables, puisque notre analyse rigoureux de risque
se situe à l’échelle globale de l’économie. Cer- * Les modalités des politiques macroéconomiques sont présentées en détail
aux chapitres 6, 7 et 9.
taines variables ou certains déterminants sont
** Une variation des impôts peut aussi provoquer une modication des inves-
cependant plus significatifs que d’autres. Par tissements (I) et donc de la demande globale.
exemple, on peut penser (mais cela devra être
prouvé) qu’une augmentation significative du 5.2.3 L’équilibre sur le marché
fardeau fiscal des entreprises aura pour effet
de diminuer les intentions des entreprises de
global des biens et de services
produire des biens et des services au Canada, et Nous savons que le marché global est composé
donc de diminuer l’offre globale, et inversement d’agents économiques ayant le désir et la capa-
lorsque le fardeau fiscal diminue significative- cité de se procurer des biens et des services (la
ment. Le tableau 5.2 donne quelques exemples de demande globale solvable) et d’entreprises dési-
ces déterminants de l’offre globale de biens et reuses de les produire de façon protable. Tous
de services dans un pays. les jours, des millions de décisions de production
et de consommation contribuent à déterminer les
conditions macroéconomiques générales au pays :
FIGURE 5.8 Déplacement de l’offre globale le niveau moyen des prix, la production globale
et le chômage. Ce marché global est représenté
graphiquement à la gure 5.9 (voir la page suivante).
Évidemment, la réalité est beaucoup plus complexe,
mais ce modèle relativement simple nous permet
d’analyser les milliers d’événements de la réalité
économique et de réduire la multiplicité des cas de
l’économie globale à trois situations seulement :
une économie de plein-emploi, une économie de
sous-emploi et une économie de suremploi que
l’on appelle généralement « économie ination-
niste ». Voyons en détail ces trois types d’équilibre
macroéconomique.

L’économie de plein-emploi
Le graphique de la gure 5.10 (voir la page suivante)
représente une économie qui ache un niveau de
120 CHAPITRE 5

FIGURE 5.9 Marché global des biens et des services FIGURE 5.10 Marché global des biens et des services
en plein-emploi

production globale (PIB réel) de plein-emploi. Ici, La situation de sous-emploi survient quand la
les ressources sont utilisées au maximum, ce qu’on demande globale est insusante pour l’utilisation
peut constater par la forme de la courbe de l’ore maximale des capacités des entreprises.
globale qui, au niveau de production de 1800 mil-
liards (une valeur ctive), devient verticale. Même Cette situation est représentée à la gure 5.11,
si la demande globale augmentait pour une raison lorsque l’économie globale est en équilibre entre
ou pour une autre, la production ne pourrait aug- OG1 et DG2, avec un niveau des prix égal à 110 et
menter au-delà de ce niveau maximal, du moins un PIB réel de 1700 milliards de dollars de 2007.
tant que les ressources demeureraient inchangées. On constate alors que les entreprises pourraient

L’économie de plein-emploi, c’est la situation opti-


FIGURE 5.11 Marché global des biens et des services
male : la croissance économique est soutenue, les en sous-emploi
ressources productives sont pleinement utilisées
et le niveau des prix est stable et acceptable. Si on
pouvait y maintenir l’économie globale de façon
permanente, ce serait l’idéal. Mais les innom-
brables forces qui viennent perturber les échanges
entre les agents économiques font que l’économie
globale se retrouve la plupart du temps en situa-
tion de sous-emploi ou de suremploi.

L’économie de sous-emploi
ou de suremploi
Pour plusieurs raisons, il peut arriver que les
intentions d’achat des agents économiques (C, G, I, X)
ne correspondent pas exactement à ce que les entre-
prises aimeraient orir en utilisant toutes les res-
sources disponibles. L’économie globale se retrouve
alors en situation de sous-emploi ou de suremploi.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 121

produire pour un montant supérieur, puisque 5.3 Modèle traditionnel :


leur production maximale correspond à 1800 mil-
liards de dollars de 2007. Cet écart de production l’offre globale de court
est appelé « écart récessionniste ». terme et de long terme
Il se peut aussi que les agents économiques Il existe une innité de variables inuençant
veuillent acheter davantage de biens et de services l’évolution de la gestion des ressources à l’échelle
que ce que les entreprises peuvent fournir, du d’un pays (la macroéconomie). Il n’est donc pas
moins à court terme. Cette situation est représen- surprenant que les modèles explicatifs du fonc-
tée à la gure 5.12, lorsque l’économie globale est tionnement global d’une économie ne fassent pas
en équilibre entre OG1 et DG2, avec un niveau des l’unanimité dans la communauté scientique.
prix égal à 125 et un PIB réel de 1800 milliards de
Par exemple, au lieu de présenter une ore glo-
dollars de 2007. Dans ce cas, on constate qu’une
bale qui devient verticale lorsqu’on atteint le plein
demande globale DG2 plus élevée qu’une demande
emploi des ressources productives, le modèle
globale DG1 n’a pas eu pour eet de faire augmen-
théorique traditionnel apporte une distinction
ter la production réelle de biens et de services ;
à l’ore globale selon la possibilité ou non de
l’ore globale est verticale, c’est donc que les entre-
changer les ressources productives ; quant à la
prises fonctionnent à plein régime. Tout ce que
demande globale, elle est dénie de la même façon
cette demande globale excédentaire a provoqué,
que nous l’avons vu précédemment dans ce cha-
c’est un niveau des prix plus élevé, donc un taux
pitre, et inuencée par les mêmes déterminants.
d’ination plus élevé. L’écart entre le niveau des
prix du plein-emploi et ce niveau des prix résul- L’ore globale représente une évaluation du lien entre
tant d’une demande excédentaire est appelé « écart le niveau moyen des prix d’une économie et ce que
inationniste ». Cela signie, dans la réalité, qu’une les entreprises sont en mesure de produire. De façon
demande globale qui dépasse ce que les entreprises générale, à un moment donné, plus les prix sont éle-
peuvent orir, compte tenu de leurs capacités de vés, plus les entreprises d’un pays sont en principe
production, ne se traduit que par un taux d’ina- désireuses de produire des biens et des services, étant
tion plus élevé. donné les prots espérés (voir la gure 5.13). Mais à

FIGURE 5.12 Marché global des biens et des services


en suremploi FIGURE 5.13 Offre globale de court terme
122 CHAPITRE 5

court terme, les entreprises font face à la contrainte la gure 5.15) ou au-delà de celui-ci (voir la
des ressources disponibles et elles ne peuvent aug- gure 5.16) ; l’économie globale se trouvera alors
menter indéniment leur production. en sous-emploi (écart récessionniste) ou en surem-
ploi (écart inationniste).
L’évaluation de la production maximale et normale
de la production d’un pays (PIB potentiel) indépen- Lorsque survient un événement qui modie la
damment du niveau des prix, c’est ce qu’on appelle capacité de production des entreprises (leurs res-
l’ore globale de long terme (voir la gure 5.14). sources) et non leurs coûts de production (salaires,
Les évènements économiques (déterminants) qui frais d’emprunts), cela inuence à la fois l’ore
aectent la capacité de production des entre- globale de court terme et celle de long terme.
prises aecteront l’ore globale de court terme et Si l’économie globale se trouvait au départ en
de long terme. sous-emploi, cela signie qu’elle le restera (voir la
gure 5.17).
L’équilibre macroéconomique pourra se situer
en de çà du PIB potentiel (plein-emploi) (voir

FIGURE 5.14 Offre globale de long terme FIGURE 5.16 Équilibre macroéconomique de suremploi

FIGURE 5.15 Équilibre macroéconomique FIGURE 5.17 Économie globale avec augmentation
de sous-emploi des capacités
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 123

5.4 Expliquer la réalité à FIGURE 5.18 Hausse du taux de chômage


par diminution de la demande globale
l’aide du modèle de l’offre
et de la demande globales
Les modèles théoriques doivent nous permettre
de rééchir avec méthode, certes, mais aussi nous
aider à comprendre le monde dans lequel nous vi-
vons. C’est ce que fait le modèle de l’ore et de la
demande globales. On peut en eet l’utiliser pour
expliquer des événements qui se sont produits
dans le passé, ou encore pour prédire ce qui advien-
drait si tel ou tel événement se produisait.

5.4.1 Les causes du chômage


conjoncturel
Les pages économiques des journaux annoncent
qu’une hausse du taux de chômage est survenue
pendant la dernière année au Canada. Comment
expliquer une telle situation à l’aide du modèle
d’équilibre global ? Figure 5.18W (modèle global traditionnel)

On sait qu’habituellement une hausse du taux de


chômage est associée à une baisse de l’activité éco- FIGURE 5.19 Hausse du taux de chômage
nomique et donc à une baisse du PIB réel. Selon le par diminution de l’offre globale
modèle global, une telle situation ne peut avoir que
deux explications : une baisse de la demande glo-
bale (voir la gure 5.18) ou encore une baisse de
l’ore globale (voir la gure 5.19).
À la gure 5.18, on voit que le point d’équilibre se
déplace sur la courbe de l’ore, le niveau moyen
des prix passant de 110 à 105 et le PIB réel, de
1700 à 1650. À la gure 5.19, c’est sur la courbe
de la demande que se déplace le point d’équi-
libre, le niveau moyen des prix et le PIB réel pas-
sant, dans ce cas, de 110 à 115 et de 1700 à 1650
respectivement.
L’exemple 5.1 (voir la page 125) illustre l’impact
de diérentes variables sur l’ore et la de-
mande globales.

5.4.2 Les causes de l’ination


Figure 5.19W (modèle global traditionnel)
Pour contrôler l’inflation, il faut évidemment
être en mesure d’en expliquer les causes. Bien
que, dans la réalité, plusieurs facteurs puis- excès de la demande globale de biens et de ser-
sent être à l’origine d’une hausse du niveau vices par rapport à la capacité de production
moyen des prix, on observe invariablement un des entreprises.
124 CHAPITRE 5

L’ination par la demande situation est illustrée à la gure 5.21. Ce déplace-


Une augmentation non anticipée de la demande ment de l’ore devrait avoir pour conséquences
globale aura pour eet de faire augmenter le niveau une diminution du PIB réel et une augmentation
moyen des prix (voir la gure 5.20). Même si une rapide du niveau moyen des prix. On appelle
telle ination est accompagnée d’une hausse du stagation cette crise de l’ore qui combine
PIB réel, et donc d’une certaine amélioration des chômage et ination.
conditions économiques, elle pourrait, si elle était Le même phénomène joue également en sens
excessive, créer des conditions défavorables pour les inverse. Si les coûts de production des entreprises
périodes subséquentes. diminuent de façon assez généralisée, par exemple
s’il y a une baisse des coûts de nancement, cela
L’ination par l’offre ou les coûts devrait favoriser la croissance de l’ore globale,
En science économique, lorsqu’on parle de coûts, une baisse du taux d’ination et une croissance
on n’entend pas ce qu’il en coûte au consomma- du PIB réel.
teur pour obtenir un bien ou un service, mais
plutôt les coûts de production des entreprises, Voilà comment s’expliquent les situations où le
c’est-à-dire ce que celles-ci doivent débourser pour taux de chômage et le taux d’ination augmentent
payer les biens intermédiaires, les salaires et les simultanément, comme c’est parfois le cas (voir la
matières premières, par exemple. gure 5.4 à la page 115).

Ainsi, si un événement inue de façon impor-


tante sur les coûts de production des entreprises Stagation Conjoncture économique défavorable
en général (on parle alors d’une variable signi- caractérisée par la coexistence d’un taux de chômage
cative, comme la hausse du prix du pétrole), et d’une ination relativement élevés.
l’ore globale se déplacera vers la gauche. Cette

FIGURE 5.20 Ination due à une hausse FIGURE 5.21 Ination due à une baisse
de la demande globale de l’offre globale

Figure 5.20W (modèle global traditionnel) Figure 5.21W (modèle global traditionnel)
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 125

EXEMPLE 5.1 L’impact sur l’offre et la demande globales de différentes variables


Des difcultés économiques chez nos partenaires
commerciaux
Quel devrait être l’impact sur le marché global canadien
de difcultés économiques marquées dans un pays
faisant partie de nos partenaires commerciaux les
plus importants ?
La demande globale devrait diminuer puisqu’on peut
penser que notre partenaire commercial diminuera Réponse
ses achats à l’étranger s’il connaît des problèmes Niveau moyen
économiques assez importants (↓ X). des prix : diminue
L’offre globale au Canada devrait demeurer la même à PIB réel : diminue
court terme étant donné que les difcultés économiques
de notre partenaire commercial ne devraient pas modier
immédiatement notre capacité de production.

Un crédit d’impôt à l’innovation


Quel est l’impact sur le marché global canadien d’un crédit
d’impôt à l’innovation octroyé par les divers paliers de
gouvernements au Canada ?
L’offre globale de biens et de services des entreprises
au Canada devrait augmenter : effectivement, ce crédit
d’impôt devrait inciter les entrepreneurs à élaborer de Réponse
nouvelles techniques de production et de nouveaux Niveau moyen
projets d’entreprises, des investissements qui devraient des prix : diminue
augmenter la capacité de production de l’économie PIB réel : augmente
canadienne.
La demande globale devrait demeurer à peu près
inchangée, car cette mesure ne vise pas prioritairement
à faire augmenter l’achat de biens et de services chez les
quatre grandes catégories d’agents économiques. Les
achats nouveaux des « innovateurs » ne sont pas d’une si
grande importance dans la totalité des achats au pays.

Une appréciation de la devise de nos principaux


partenaires commerciaux
Quel devrait être l’impact sur le marché global canadien
d’une appréciation (hausse de la valeur) de la devise de Réponse
nos principaux partenaires commerciaux ? Niveau moyen
des prix : augmente
La demande globale devrait augmenter, car nos parte­
PIB réel : augmente
naires gagnent du pouvoir d’achat avec l’appréciation de
leur devise.
L’offre globale de biens et de services des entreprises
au Canada ne devrait pas augmenter dans l’immédiat
puisqu’une telle augmentation découle de décisions de
planication à plus long terme.

Une dégradation relative des ressources naturelles


Quel devrait être l’impact sur le marché global canadien
d’une dégradation relative des ressources naturelles ?
L’offre globale de biens et de services des entreprises au
Canada devrait diminuer puisque la production de ces dernières Réponse
est directement liée à l’utilisation des ressources naturelles. Niveau moyen
des prix : augmente
La demande globale devrait demeurer la même puisque les PIB réel : diminue
agents économiques conservent les mêmes intentions d’achat.

Figures Exemple 5.1W (modèle global traditionnel)


126 CHAPITRE 5

5.4.3 La relation entre l’ination


et le chômage
Nous venons de voir que le modèle de l’ore et de
la demande globales constitue un cadre d’a nalyse
ecace pour bien comprendre les causes du chô-
mage et de l’ination. Toutefois, puisqu’il ne les
place pas à l’avant-plan, ce modèle ne permet pas
de déduire facilement la relation entre les deux.
En novembre 1958, William A. Phillips (1914-1975),
ingénieur néo-zélandais, publia, dans la revue Eco-
nomica, un article faisant apparaître une relation
inverse entre le niveau de chômage et le pourcen-
tage de variation des salaires en Grande-Bretagne,
de 1861 à 1957. Quelques années plus tard, certains
économistes américains trouvèrent que le niveau
des salaires était représentatif du niveau moyen des
prix et que leur évolution correspondait au taux William A. Phillips (1914-1975) est un ingénieur néo-zélandais
d’ination. C’est ainsi qu’on considéra que la courbe qui a consacré une grande partie de ses travaux à la modélisation
de Phillips faisait partie intégrante de la macroé- économétrique (corrélation négative entre le taux de chômage et
les salaires nominaux en Grande-Bretagne, par exemple).
conomie dans les années 1960.
La représentation graphique de la relation ination- faible (au point A), et vice versa (au point B). Mais
chômage, illustrée à la gure 5.22, démontre que, d’où provient cette corrélation négative entre ces
toutes choses étant égales par ailleurs, le taux deux malaises de l’économie ? En réalité, elle n’est
d’ination est élevé lorsque le taux de chômage est que le reet du modèle ore globale – demande
globale. Quand la demande globale croît (voir la
gure 5.20 à la page 124), la demande de biens et
de services et de main-d’œuvre est élevée, de sorte
FIGURE 5.22 Courbe de Phillips
que l’ination augmente et le chômage baisse.
À l’inverse, lorsque la demande globale diminue
(voir la gure 5.18 à la page 123), la demande de
biens, de services et de main-d’œuvre est faible,
de sorte que l’ination baisse et le chômage
augmente.
Mais la courbe de Phillips ne pouvait expliquer les
situations où le taux de chômage et le taux d’ina-
tion diminuaient simultanément. Cela se produit
lorsque surviennent des changements structurels
qui font se déplacer toute la courbe de Phillips (voir

Courbe de Phillips Courbe qui montre la relation


négative entre l’ination et le chômage.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 127

la gure 5.23) et qui se répercutent la plupart du FIGURE 5.23 Déplacement de la courbe de Phillips
temps sur l’ore globale. Par exemple, une régle-
mentation plus sévère du marché du travail entraî-
nerait un déplacement de la courbe de Phillips vers
la droite.
Ainsi, pour un même taux d’ination, le taux de
chômage serait plus élevé (voir le point c de la
gure 5.23) ; de même, pour un même taux de chô-
mage, le taux d’ination serait plus élevé (voir le
point d de la gure 5.23). On observerait donc une
augmentation simultanée du taux de chômage et
du taux d’ination à la suite du changement sur-
venu sur le marché du travail.

Déterminants de la conjoncture au Canada et aux


États-Unis (Banque royale du Canada)

Liens entre la théorie et la réalité économiques


La courbe de Phillips au Canada
La gure 5.24 illustre la relation entre le taux de chômage d’ination de seulement 0,1 %. En 2011, le scénario était
et le taux d’ination au Canada pour la période 1994-2011. quelque peu inversé : le taux de chômage était de 7,4 %,
En 1994, le taux de chômage était de 10,4 % et le taux alors que le taux d’ination s’élevait à 2,9 %.

À vous de jouer ! 2 Sur quelle théorie la réponse obtenue en 1 repose-


t-elle ? En d’autres mots, qu’est-ce qui explique une telle
relation entre le taux de chômage et le taux d’ination ?
1 Quelle est la relation entre le taux d’ination et le taux 3 Quelle distinction fondamentale y a-t-il entre l’analyse
de chômage au Canada pour la période 1994-2011 ? que vous avez faite en 1 et l’analyse de la courbe des
possibilités de production (voir le chapitre 1) ?

FIGURE 5.24 Courbe de Phillips au Canada, 1994-2011

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 282-0002 et 326-0021.


128 CHAPITRE 5

Actualité économique
Le pétrole : un produit qui a de l’impact
Les uctuations du prix et de la pro- de moins de 50 $US le baril au début dans l’Ouest, baisse des entrées s-
duction de ce seul produit, le pétrole, des années 1990 à plus de 100 $US cales en Alberta et au gouvernement
engendrent des impacts importants pour en 2014, a stimulé la recherche et la fédéral, économies substantielles
toute l’économie canadienne, même s’il production de ce produit indispen- pour le transport et le chauffage des
s’agit d’une économie développée. sable. Le résultat : en janvier 2015, familles, économies de coûts de pro-
sous l’impact d’un ralentissement de duction pour les entreprises en géné-
De 1990 à 2014, la croissance éco- l’économie mondiale et de l’explosion ral. Au total, la Banque du Canada
nomique mondiale a projeté à la de l’offre (notamment avec le pétrole estimait qu’une baisse importante du
hausse le prix mondial du baril de de schiste et celui des sables bitu- prix du baril de pétrole aurait davan-
pétrole. Même si le retour à la crois- mineux), le prix du baril s’effondre tage d’effets négatifs que positifs
sance après la crise de 2009 s’effec- pour redescendre à moins de 50 $US. (Banque du Canada, 2015).
tue lentement pour nombre de pays
parmi les plus industrialisés, il n’en Pour un pays comme le Canada, à
reste pas moins que les pays qu’on dit la fois grand producteur et grand
émergents comme la Chine, l’Inde ou consommateur, cette baisse subite À vous de jouer !
le Brésil prennent une part beaucoup du prix du pétrole inuence plusieurs
plus importante qu’avant dans l’éco- variables économiques : baisse de la 1 À l’aide du modèle de l’offre et de la
nomie mondiale et que leur production valeur du dollar canadien (en 2014, le demande globales présenté dans
et leur consommation nécessitent un pétrole constitue presque 15 % de nos ce chapitre, expliquez pourquoi la
vaste apport énergétique. exportations) (voir le chapitre 9 pour Banque du Canada estime qu’une
plus de détails et pour un concept lié, forte chute du prix du pétrole aurait
Mais l’appréciation considérable du celui du syndrome hollandais), dimi- plus d’effets négatifs que positifs
prix mondial du pétrole, qui est passé nution des investissements pétroliers pour l’économie canadienne.

Par ailleurs très controversée, la production de pétrole à partir des sables


bitumineux canadiens a contribué à faire exploser l’offre, entraînant, avec le
ralentissement de l’économie mondiale, un effondrement du prix du baril.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 129

Actualité économique
Le Japon : l’histoire d’une déation
Au cours des années 1980, le Japon à l’irrésistible ascension de l’archipel entreprise risque de ne pas pouvoir
s’est imposé comme une puissance Nippon, et dont le pays n’a toujours honorer) des entreprises nippones.
économique mondiale de premier pas réussi à s’extirper. Les banques se sont donc retrou-
rang, faisant même dire que ce pays vées à devoir supporter un risque
pouvait dépasser les États-Unis Deux éléments sont à l’origine de ce de défaut (dettes effectivement non
comme puissance économique domi- mécanisme de déation au Japon. remboursées) important. Parallèle-
nante […]. Or, les années 1990 sont Tout d’abord, (1) la monnaie nationale ment, (2) les spéculations immobi-
venues mettre un terme au « miracle (le Yen) s’est fortement appréciée lière et nancière ont entraîné des
japonais » pour enchaîner avec deux (hausse de la valeur) entre 1985 et bulles d’actifs nancées à crédit,
décennies « perdues » où progressi- 1988, ce qui a entraîné des faillites c’est-à-dire que les ménages et les
vement une « déation rampante » et l’augmentation des créances dou- entreprises se sont surendettés pour
s’est installée, mettant ainsi un terme teuses (montant des dettes qu’une accéder à ces actifs mobiliers et
immobiliers. La situation était sous
contrôle jusqu’au début des années
1990 mais l’apparition d’un krach est
venu remettre en cause ce modèle.
[…] An de se désendetter et de
faire face à cette situation d’insolva-
bilité, les agents économiques privés
contractent leurs dépenses. […]

À vous de jouer !
1 Qu’est-ce que la déation (voir la
page 84 du chapitre 4) ?
2 À l’aide du modèle de l’offre et de
la demande globales, expliquez
et représentez graphiquement les
Au Japon, les ménages et les entreprises se sont surendettés pour accéder à des causes possibles de la déation
actifs mobiliers et immobiliers. au Japon.

Source : L’Économiste. (5 février 2014). « Japon : l’histoire d’une déation ».

5.5 Multiplicateur sut à nous convaincre que les dés à relever sont
de taille. C’est parce qu’une dynamique macroéco-
des échanges nomique, lorsqu’elle est enclenchée, n’est pas facile à
À la sous-section 5.2.3 (voir la page 119), nous maîtriser ou à détourner de sa route. Cela s’explique
avons présenté trois états statiques de l’économie en partie par le multiplicateur des échanges,
globale : l’équilibre macroéconomique de long terme, parfois appelé « retombées économiques ».
une économie de sous-emploi et une économie en
surchaue inationniste. Résumée de cette façon,
Multiplicateur des échanges Concept utilisé par John
l’évolution de l’économie globale semble assez facile Maynard Keynes qui montre comment une variation des
à maîtriser et ne devrait pas poser de diculté parti- dépenses autonomes des agents économiques peut
culière à nos dirigeants. Toutefois, une observation, provoquer une variation plus importante du revenu global.
même sommaire, du monde dans lequel nous vivons
130 CHAPITRE 5

Le principe du multiplicateur est assez simple : 1 $ l’appendice de ce chapitre, nous démontrons pour-
dépensé par un agent économique constitue un quoi l’eet multiplicateur d’une dépense initiale
revenu pour un autre qui le dépensera en tout ou n’est pas inni).
en partie, et ainsi de suite. C’est la dynamique des
échanges globaux qui engendre la croissance écono- Bien sûr, l’eet multiplicateur des dépenses des
mique d’une période à l’autre, lorsque les conditions agents économiques ne fonctionne pas toujours
favorables aux échanges sont réunies. Cet eet mul- aussi ecacement : des fuites dans la cascade des
tiplicateur est illustré à la gure 5.25. dépenses viennent en réduire l’ampleur (voir le
tableau 5.3).
Supposons qu’au départ l’économie globale se
trouve au point a, en situation de sous-emploi. À
la suite d’une augmentation des dépenses d’un TABLEAU 5.3 Effet multiplicateur : les injections
et les fuites
groupe d’agents économiques (dans le secteur
de la construction résidentielle, par exemple), la Les injections
demande globale augmente et l’économie globale Dépenses des agents économiques (C, I)
se retrouve au point b. Or, si on tient compte des
Mesures gouvernementales (G)
revenus qu’ont perçus les diérents agents écono-
miques et qui leur permettent de dépenser davan- Exportations (X)
tage, l’eet nal induit est plus important que les Les fuites
seules dépenses du secteur de la construction. Ainsi,
à la n, l’économie globale se retrouve non pas au Épargnes des agents économiques
point c, impossible à atteindre étant donné les Impôts et taxes
capacités de production, mais au point f, beaucoup
Importations
plus près du plein-emploi que le point a (dans

FIGURE 5.25 Effet multiplicateur des dépenses des Comme l’eet multiplica-
agents économiques
teur se produit autant dans
le sens positif que dans le
sens négatif, on peut com-
prendre l’eet boule de
neige de l’évolution d’une
économie globale. Lorsqu’à
la suite d’un choc important
(une crise énergétique, par
exemple) les agents écono-
miques cessent de dépen-
ser, l’eet multiplicateur
peut faire sombrer assez
rapidement l’économie glo-
bale. Aux chapitres 6 et 7,
nous verrons, à ce propos,
de quelle façon il est pos-
sible d’éviter le pire grâce à
certains instruments de la
politique économique.
Figure 5.25W (modèle global traditionnel)
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 131

Grands courants de la pensée économique


L’économie globale en équilibre permanent ?
Faut-il laisser agir les forces du marché elle-même pourrait se retrouver pendant
ou intervenir ? Deux visions s’affrontent une période relativement longue en désé-
depuis deux siècles : le libéralisme et quilibre global de sous-emploi ou d’ina-
l’interventionnisme. tion exagérée, ce qui aurait, on s’en doute,
des conséquences désastreuses sur le
Adeptes du libéralisme, les théoriciens niveau de vie de la population. Ainsi, tan-
de la pensée classique, comme Adam dis qu’une approche, dite keynésienne,
Smith (1723-1790) et Jean-Baptiste prône l’intervention de l’État pour corriger
Say (1767-1832), soutiennent que, les déséquilibres macroéconomiques,
dans une situation de concurrence par- l’autre, dite classique, considère qu’une
faite où les forces du marché sont telle intervention serait nuisible.
libres d’agir (il n’y a donc aucune inter-
vention gouvernementale), l’économie Les théoriciens modernes de l’école
globale revient toujours, à la longue, à classique, dont Milton Friedman, repré-
un équilibre général de plein-emploi. sentent verticalement l’offre globale de
Selon eux, toute intervention de l’État long terme, comme dans la gure 5.26,
fausse les signaux sur lesquels se fondent c’est-à-dire qu’elle correspond toujours
les agents économiques pour prendre les au niveau des capacités de production
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
décisions qui permettent de corriger présentes dans l’économie. économiste classique français très
rapidement les dysfonctionnements célèbre dont la principale contribution
des échanges. est la loi de Say : l’offre crée sa propre
Qui a tort, qui a raison ? demande, ce qui revient à dire que la
Selon les interventionnistes, comme John Réunissez deux économistes, vous aurez création d’un produit trouverait toujours
Maynard Keynes ou John Kenneth trois opinions, dit-on. Mais voyons plutôt un débouché à d’autres produits.
Galbraith, une économie globale laissée à le consensus qui se dégage des faits.

FIGURE 5.26 Équilibre de long terme selon les théoriciens Peu d’experts recommandent de laisser
modernes de l’école classique les marchés complètement libres de
fonctionner à leur guise, bien que la plu-
part des économistes s’entendent pour
dire que les forces du marché sont de
puissants mécanismes qui ont fait leurs
preuves en matière de gestion des
ressources. Néanmoins, on considère
généralement que le coût d’option
qu’entraîne la décision de laisser le mar-
ché global revenir de lui-même au plein-
emploi sans ination exagérée est si
élevé qu’on ne peut se permettre de le
faire. Une politique économique appro-
priée doit donc compenser les faiblesses
du marché à résoudre lui-même les pro-
blèmes de chômage et d’ination excé-
dentaires en un temps raisonnable. Les
modalités d’application d’une telle poli-
tique seront expliquées dans les deux
chapitres suivants.
132 CHAPITRE 5

En un clin d’œil

Ralentissement Sommet

Cycles
Expansion Récession
économiques

Reprise Creux

Taux d’ination

Tendances
économiques

Varient
habituellement
dans le
même sens.

Relations entre Varient


les indicateurs PIB habituellement
macroéconomiques en sens inverse.

Varient en
sens inverse.

Taux de chômage
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 133

Déterminants
• Revenus des consommateurs
Demande globale • Niveau de conance
Ensemble des quantités de biens • Nombre d’agents économiques
et de services que les agents • Dépenses d’investissement
économiques sont disposés
à acheter à différents niveaux
• Impôts
de prix. • Dépenses publiques
• Taux d’intérêt
• Taux de change

Équilibre de suremploi
La demande globale excède la capacité de
production maximale et normale des entreprises.

Forces du Équilibre de plein-emploi


Équilibre Les ressources sont utilisées au maximum.
marché global

Équilibre de sous-emploi
Le PIB réel est insufsant pour que soient utilisées
toutes les ressources.

Déterminants
Offre globale
• Coût de l’énergie
• Stabilité politique et sociale
Ensemble des quantités de biens et
de services que les entreprises sont
• Coût de la main-d’œuvre
disposées à offrir à • Technologie
différents niveaux de prix. • Impôts sur les bénéces
• Subventions
• Accès au capital de risque

Causes possibles
Chômage conjoncturel • Baisse de la demande globale
• Baisse de l’offre globale
Problèmes
macroéconomiques
Causes possibles
Ination • Hausse de la demande globale
• Baisse de l’offre globale

Augmentent l’effet multiplicateur


• Dépenses des agents économiques
• Mesures gouvernementales
• Exportations
Multiplicateur
des échanges
Réduisent l’effet multiplicateur
• Épargne des agents économiques
• Impôts et taxes
• Importations
134 CHAPITRE 5

Testez vos connaissances Niveau Demande


Offre
globale
Offre
globale
moyen globale
(court terme) (long terme)
des prix
Questions de révision (IIP) PIB réel
(en milliards de devises burdistanaises)
1 Peut-on dire que, dans la réalité, l’évolution de 90 700
l’économie est prévisible ? 100 800 450 700
104 750 500 700
2 Qu’est-ce qui caractérise une crise économique ?
108 700 550 700
3 Quelle est la relation habituelle entre le PIB réel
112 650 600 700
et le taux de chômage ? entre le PIB réel et le taux
d’ination ? 116 600 650 700
120 550 700 700
4 Comment peut-on expliquer la pente positive de
l’ore globale ? 124 500 750 700
128 450 800 700
5 Comment peut-on expliquer la pente négative de
la demande globale ?
13 Le tableau suivant indique les niveaux de l’ore
6 Quelles sont les trois conditions macroéconomi- et de la demande globales observés dans un pays
ques devant être remplies pour qu’une économie ctif au cours d’une période donnée.
globale soit en équilibre de plein-emploi ?
7 Quels sont les déterminants qui pourraient inuer Demande Offre
positivement sur la demande globale ? Niveau moyen globale globale
des prix (IIP) PIB réel
8 Trouvez un déterminant qui, dans la réalité, pour- (en milliards de $ de 2012)
rait expliquer une ination généralisée par les
105 1450 1150
coûts à l’échelle d’un pays.
110 1400 1200
9 Quelles sont, à l’échelle globale, les deux princi-
pales causes du chômage conjoncturel ? Quelles 115 1350 1250
sont celles de l’ination ? 120 1300 1300
10 Si, en voulant défendre un projet particulier, on 125 1250 1350
parle de retombées économiques importantes, à 130 1200 1400
quel concept économique fait-on allusion ? 135 1150 1450

a) Tracez sur un graphique les courbes de l’ore et de


Questions d’application la demande globales.
b) Trouvez le PIB réel et le niveau moyen des prix
11 À l’aide du modèle de l’ore et de la demande glo- à l’équilibre.
bales, représentez les eets sur l’économie alber- c) En supposant que, pour l’année suivante, l’indice
taine des événements suivants. des prix s’élève à 125 et le PIB réel d’équilibre à
a) Une croissance marquée de la démographie 1350, calculez le taux d’ination et la variation
b) Une hausse du prix du pétrole relative en pourcentage du PIB réel.
c) Une augmentation des investissements privés d) Les réponses obtenues en c) peuvent-elles décou-
ler d’un déplacement de l’ore globale ou de la
12 Le tableau suivant indique les barèmes de l’ore et demande globale ? Justiez votre réponse.
de la demande globales du Burdistan (pays ctif)
au cours d’une période donnée. e) En vous appuyant sur un exemple concret, dites ce
qui pourrait provoquer un tel déplacement et expli-
a) Tracez sur un graphique les courbes de l’ore et de quez son eet sur le chômage.
la demande globales.
14 Expliquez et représentez graphiquement l’eet sur
b) Quel est l’équilibre de court terme ?
l’économie globale qu’aurait une période d’instabi-
c) Quel est l’équilibre macroéconomique de lité politique majeure due à des conits entre des
plein emploi ? groupes de la société. S’agit-il d’un déterminant de
d) De quel type d’équilibre macroéconomique la demande globale, d’un déterminant de l’ore
s’agit-il ? Justiez votre réponse. globale ou des deux ?
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 135

15 Voici un texte qui pourrait être extrait du Rapport En utilisant le modèle de l’ore et de la demande
sur la politique monétaire de la Banque du Canada : globales, dans quel état se trouve l’économie glo-
« Au premier trimestre de l’année, le niveau du bale selon la description qui en est donnée dans cet
PIB réel a remonté pour se rapprocher du sommet extrait ? Expliquez votre raisonnement.
atteint avant la récession, sous l’eet des mesures 18 Dans sa publication Perspectives économiques de l’OCDE
de relance budgétaire en cours, de la vigueur des (mai 2010, p. 238), cet organisme établit des scénarios
dépenses de consommation et de la robustesse de prévision pour ses pays membres. À la suite de la
des investissements dans le logement. » crise économique de 2008-2009, elle souligne que :
À l’aide du modèle de l’ore et de la demande glo- « Le scénario [de prévision] intègre une diminu-
bales, expliquez et représentez graphiquement tion de la production potentielle par suite des
cette armation en représentant initiale- eets de la crise, de sorte que, par rapport aux
ment l’économie canadienne en sous-emploi. projections à moyen terme de l’OCDE datant
16 Compte tenu de ce que vous avez lu dans ce chapitre, d’avant la crise, le niveau de la production
dites quel serait le danger d’une générosité subite et potentielle pour l’ensemble de la zone subit une
excessive des autorités gouvernementales destinée baisse d’environ 3 %. Cet écart est principale-
à stimuler la demande globale. ment dû au ralentissement des taux d’activité et
de la population en âge de travailler, qui est bien
17 Voici le type de textes qu’on retrouve dans les Pers- plus une conséquence des évolutions démogra-
pectives économiques de l’OCDE : phiques que des retombées de la crise. »
« Plusieurs facteurs pourraient contrarier la Démontrez cette réduction du PIB potentiel obser-
reprise de l’investissement dans le court terme : vée dans la zone des pays membres de l’OCDE à
le taux d’utilisation des capacités reste proche l’aide du modèle de l’ore et de la demande globales.
des points bas historiques dans les secteurs
industriels, les taux de locaux inoccupés restent
élevés dans de nombreux segments de l’immo- Question d’intégration
bilier commercial et les banques sont soumises
à des pressions continues pour reconstituer 19 Le modèle de l’ore et de la demande globales
leurs bilans. Pour autant, les marges de crois- fournit une représentation générale et théorique
sance de l’investissement des entreprises sont de la réalité économique. Reliez les éléments de ce
considérables étant donné que la reprise prend modèle aux indicateurs de la réalité économique
de l’ampleur. » présentés aux chapitres 3 et 4.

Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions l’onglet « Télécharger », puis sélectionnez « Période =
détaillées.) lignes » comme format de sortie des données.
a) Commentez l’évolution du PIB réel de 1981 à l’an-
Statistique Canada née la plus récente.
1 Recueillez des données sur le PIB réel canadien b) Relevez les périodes d’expansion et de récession
en consultant le site de Statistique Canada. Dans ainsi que les sommets et les creux.
la section « En vedette », en bas à droite de l’écran, 2 Comme il a été mentionné précédemment, le taux de
cliquez sur CANSIM. Inscrivez le numéro 380- chômage est directement lié aux cycles économiques.
0064, puis cliquez sur « Recherche ». Vous obtien-
Toujours dans CANSIM, inscrivez le numéro 282-
drez le PIB exprimé en dollars de 2007 et plusieurs
0002. Sous l’onglet « Ajouter/Enlever des données »,
composantes du PIB par les dépenses. En cliquant
sélectionnez les options « Canada », « Taux de chômage »,
sur l’onglet « Ajouter/Enlever des données », vous
« Les deux sexes » et « 15 ans et plus ». Sélectionnez de
pouvez sélectionner la période correspondant à la
nouveau la période allant de « 1980 » à l’année la plus
série désirée. Désélectionnez « Tout » et sélection-
récente, puis cliquez sur « Appliquer ». Cliquez sur l’on-
nez « Produit intérieur brut aux prix du marché » (à
glet « Télécharger » en sélectionnant les mêmes para-
l’étape 4) et la période allant de « 1981 » à l’année la
mètres que pour le PIB en dollars constants.
plus récente (à l’étape 5). Ensuite, pour obtenir des
données annualisées, cliquez sur l’onglet « Mani- a) Décrivez l’évolution du taux de chômage.
puler », puis sélectionnez la fréquence des données b) Comparez la courbe à celle du cycle économique.
« Annuelle (moyenne) ». Pour terminer, cliquez sur Repérez-vous les trois périodes de récession ?
136 CHAPITRE 5

Appendice mathématique
Équilibre macroéconomique simplié
Le modèle keynésien simple FIGURE A-5.1
des dépenses et des revenus
et le multiplicateur
John Maynard Keynes fut sans contredit l’économiste
le plus inuent du e siècle. L’une de ses préoccupa-
tions était d’expliquer les désordres globaux d’une éco-
nomie. Cela se comprend, puisqu’il a vécu les deux
grandes guerres et, entre les deux, la Grande Dépres-
sion qui a frappé tout l’Occident.
Selon Keynes, pour qu’une économie globale soit en
équilibre, il doit y avoir correspondance entre les
dépenses des agents économiques et les revenus géné-
rés par la production. Or, ce n’est pas toujours le cas,
car, bien qu’elles dépendent du revenu global, les
dépenses des agents économiques subissent l’inuence
de nombreux autres éléments, comme nous l’avons vu
dans ce chapitre.
Toutefois, il existe un mécanisme fondamental qui réta-
blit cet équilibre entre le revenu global et les dépenses
globales. Si les agents économiques ne dépensent pas
susamment l’argent reçu, les stocks des entreprises
s’accumulent et la production doit s’ajuster à la baisse.
À l’inverse, si les dépenses excèdent le revenu global, dans une proportion de 0,6 pour chaque dollar de
les entreprises ont tendance à augmenter la produc- revenu supplémentaire (Y). Les consommateurs ne
tion, et les revenus suivent. Ainsi, pour un niveau de dépensent pas tout le revenu supplémentaire puisqu’ils
revenu global généré par la production, il n’existe qu’un épargnent. La proportion consommée du revenu sup-
seul niveau de dépenses des agents économiques pour plémentaire, que les économistes appellent propen-
que l’économie soit en équilibre. sion marginale à consommer (PmC), correspond à
la pente de la droite de consommation :
L’équilibre macroéconomique simplié
La gure A-5.1 représente ce mécanisme d’équilibre ∆C C(2) – C(1)
PmC = =
macroéconomique. La droite à 45° représente toutes ∆Y Y(2) – Y(1)
les combinaisons possibles où les revenus corres-
pondent exactement aux dépenses (Y = C). Les La PmC est toujours positive, car plus on est riche, plus
dépenses de consommation (C) correspondent à la on dépense ; et elle est inférieure à 1, car la hausse de la
fonction simpliée suivante : consommation est moins rapide que la hausse du
C(t) = a + bY(t) revenu. Par exemple, si la PmC est égale à 0,6, cela
signie que, pour chaque dollar de revenu additionnel,
où b est la pente, et a, l’ordonnée à l’origine1. le particulier augmentera sa consommation de 0,60 $.
Supposons que a = 200 (milliards de dollars) et Le reste s’ajoutera à l’épargne.
b = 0,60. La fonction de consommation est donc : La portion de la droite qui se situe au-dessus de la
courbe à 45° correspond à un surplus de dépenses par
C(t) = 200 + 0,6Y(t)
rapport à la production et au revenu, alors qu’il y aurait
Ainsi, on suppose que les dépenses de consommation décit de consommation pour les niveaux de revenu
autonomes s’établissent à 200 et qu’elles augmentent supérieurs au revenu d’équilibre de 500.

1. Dans ce modèle, nous supposons qu’il n’y a pas d’impôt, donc que le revenu disponible correspond au revenu global.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 137

L’effet multiplicateur
Si les dépenses de consommation autonomes passaient Ye − 0,6 Ye = 200
à 300, le nouveau revenu d’équilibre s’établirait à 750,
comme on peut le voir à la gure A-5.2. Ye(1 − 0,6) = 200
1
Ye = × 200
1 - 0,6
FIGURE A-5.2 Effet multiplicateur d’une augmentation
des dépenses de consommation Ye = 2,5 × 200
autonomes
Ye = 500

Qu’arrive-t-il lorsque les dépenses de consommation


augmentent de 100 $ ?
Ye = 2,5 × 300

Ye = 750

Le multiplicateur keynésien M correspond donc, dans


ce cas-ci, à :
1 1
ou
1 - 0,6 1 - PmC

Une théorie révolutionnaire


Ce que Keynes démontra, c’est que l’équilibre obligatoire
entre le revenu global et les dépenses globales des agents
économiques, un équilibre du plein-emploi macroéco-
nomique donc, ne supposait pas nécessairement que
l’économie ait atteint le niveau de plein-emploi des
ressources.
C’est pourquoi il proposa que l’on donne un coup
On remarque que, pour une augmentation des de pouce à l’économie an qu’un niveau d’emploi
dépenses de 100 $, le revenu global a augmenté de satisfaisant soit atteint et qu’ainsi de nombreuses
250 $, c’est-à-dire que la dépense supplémentaire a familles puissent jouir d’un niveau de vie acceptable.
été multipliée par 2,5. C’est le fameux multiplicateur Or, en l’absence d’une demande susante des agents
keynésien. économiques privés, ce coup de pouce ne pouvait venir
Comment avons-nous trouvé ces chires ? Par un rai- que de l’État.
sonnement mathématique… simple lorsqu’on le sait. Pas si révolutionnaire que cela, dites-vous ? Il faut bien
Nous avons mentionné qu’en théorie, lorsqu’il y a un sûr se replacer dans le contexte de l’époque, alors que
équilibre macroéconomique, C = Y. Donc, la fonction de l’économie libérale dominait la pensée économique et
consommation, à l’équilibre, peut s’écrire ainsi : que la moindre intervention de l’État était associée
C = Ye = 200 + 0,6Ye au monstre socialiste et communiste, c’est-à-dire à
l’enfer !
Ce système ne comporte qu’une équation et une Pour pouvoir stimuler l’économie lors d’une situation
inconnue, soit Y : d’équilibre de sous-emploi, l’État n’avait d’autre choix
Ye = 200 + 0,6Ye que l’endettement, tout aussi inconcevable à l’époque.
Il fallut malheureusement une deuxième guerre mon-
En ramenant tous les termes en Y à gauche de l’éga- diale pour que la légitimité d’une certaine intervention
lité et en mettant en facteur le membre de gauche de de l’État soit enn reconnue… et que le nom de Keynes
l’équation, on obtient successivement : passe à l’histoire !
3
PARTIE

RÔLE DE L’ÉTAT
DANS L’ÉCONOMIE

L’ÉGALITÉ DES CHANCES POUR


LE PROGRÈS DU DÉVELOPPEMENT
HUMAIN

Dans un pays bien gouverné, la pauvreté est une honte. Dans un pays
mal gouverné, la richesse est une honte.

Principe de Confucius
Les mesures prises au niveau politique peuvent combler les écarts entre
les personnes et les pays, et consolider la résilience et les capacités des
personnes qui, autrement, resteraient constamment vulnérables. Les
politiques destinées à prévenir les ravages causés par les risques naturels,
à encourager l’extension des avantages de la prospérité pour tous et à
favoriser une résilience sociale plus large peuvent à la fois protéger et
pérenniser le progrès humain. Cependant, aucune d’elles n’est appliquée
automatiquement. Elles sont le résultat d’une action collective vigoureuse,
de réponses institutionnelles équitables et efcaces, et d’un leadership
clairvoyant à l’échelle locale, nationale et mondiale. Toutes les sociétés
tirent nalement prot d’une plus grande égalité des chances. Et à moins
que ces vulnérabilités multidimensionnelles et croisées soient reconnues et
systématiquement réduites, le progrès continu du développement humain
peut être interrompu, voire inversé.

Source : Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). (2014). Rapport sur le développement 2014,
p. 91 et p. 4.
POLITIQUE
BUDGÉTAIRE
CHAPITRE
1
6 ET FINANCES
PUBLIQUES

6.1 État .............................................................................. 141


6.2 Politique budgétaire conjoncturelle ..................... 146
6.3 Contraintes budgétaires ......................................... 149
6.4 Décits et dette publique ...................................... 154
6.5 Le Québec et l’austérité .......................................... 158
En un clin d’œil .......................................................... 161
Testez vos connaissances ...................................... 163
Laboratoire informatique ........................................ 165

L’économie est un cheval puissant, mais seule


la politique peut en être le cavalier et lui
imprimer un rythme enn humain.
John Maynard Keynes (1883-1946), économiste anglais
CHAPITRE
6 OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• reconnaître le rôle de l’État dans l’économie ;
• expliquer les effets d’une politique budgétaire sur l’économie ;
• distinguer les composantes d’un budget gouvernemental ;
• analyser les conséquences du décit budgétaire et de la dette publique ;
• expliquez les effets d’une politique d’austérité sur l’économie.

eu de gens n’ont rien à redire contre l’État. Mais bien peu pourraient

P complètement s’en passer. Et voilà que resurgit la grande question


qui préoccupe les économistes en particulier et tous les analystes de
la vie en société de façon générale : pour améliorer le niveau de vie
des populations, doit-on laisser les agents économiques entièrement libres de
prendre leurs décisions ou vaudrait-il mieux contrôler, planier le fonctionnement
des marchés ? Répondre à cette question revient à juger de la pertinence de
l’intervention de l’État dans l’économie. Vif débat, qui peut avoir lieu aussi bien
dans les couloirs des universités que sur la place publique, en particulier lors
d’élections. Bien que la question semble assez théorique et très loin de la réalité,
la réponse, quelle qu’elle soit, a des conséquences directes sur notre façon de
vivre au quotidien. Trop souvent, d’ailleurs, la façon de défendre son point de vue
sur cette question économique a pris la forme de guerres civiles ou de guerres
entre États. Il vaut donc la peine de s’arrêter pour y rééchir de façon méthodique.
Nous avons vu brièvement au chapitre 1 que les tenants du libéralisme consi-
déraient comme nuisible toute intervention de l’État dans l’économie, alors que
les socialistes prônaient au contraire la gestion de toutes les ressources par l’État.
Si tous ou presque s’entendent aujourd’hui pour dire que ni l’un ni l’autre des
modèles économiques extrêmes ne sont souhaitables, il n’en va pas de même
pour le dosage de libéralisme et de socialisme qui donnerait les meilleurs résultats
quant à la croissance économique et à l’amélioration des conditions de vie. Cela
n’a rien de bien surprenant, tant les conditions de vie changent dans le temps et
dans l’espace ; il est en effet peu probable qu’une norme stricte puisse déterminer
une fois pour toutes et de façon satisfaisante l’espace économique dévolu à
l’initiative privée et celui attribué à l’État. Or, s’il n’existe pas de large consensus
sur le « combien » (dans quelle mesure l’État devrait intervenir), il en existe un sur
le « comment » : comment il devrait intervenir et, surtout, comment évaluer cette
intervention. C’est ce que nous vous présentons dans ce chapitre.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 141

6.1 État gouvernement central du Canada consiste essen-


tiellement à assurer les services touchant simul-
L’État est composé de toutes les institutions dont tanément l’ensemble des Canadiens, comme la
s’est dotée une communauté : le gouvernement, protection du territoire, les aaires extérieures
l’appareil administratif public, les sociétés d’État, ainsi qu’une certaine redistribution des ressources
les infrastructures, les lois, etc. On confond sou- nancières entre les personnes et les provinces,
vent État et gouvernement. À strictement parler, les gouvernements des provinces et des munici-
le gouvernement ne représente que les personnes palités nancent davantage les services de proxi-
chargées de gérer l’ensemble de l’appareil public. mité : santé, services sociaux et éducation dans
Au Canada, comme dans la plupart des pays du le cas des provinces ; rues, routes, loisirs, services
monde, c’est le texte de la Constitution qui établit la de protection contre les incendies dans le cas des
répartition des pouvoirs entre les diérents paliers municipalités. Chaque gouvernement peut former
de gouvernement, soit le gouvernement fédéral, les des entreprises publiques autonomes (des sociétés
gouvernements provinciaux et les gouvernements d’État), dont il est partiellement ou entièrement
municipaux (voir la gure 6.1 à la page suivante). propriétaire, de façon à rendre plus indépendants
Chaque gouvernement peut légiférer à sa guise dans de l’appareil politique certains aspects de la ges-
son champ de compétence, et on ne peut modier la tion des ressources publiques. Le découpage de ces
Constitution qu’en suivant des règles strictes ; cela responsabilités, constamment remis en question,
assure une certaine stabilité dans la conduite des permet en principe une gestion optimale du patri-
aaires du pays. moine commun que la population canadienne a
voulu se donner.
Lorsqu’on observe l’organigramme
de la gure 6.1, on s’aperçoit
de la complexité des struc- 6.1.1 Deux niveaux d’intervention
tures publiques en En science économique, l’analyse porte essentiel-
place. Alors que lement sur deux aspects : l’aspect structurel et
la mission du l’aspect conjoncturel. Étudier la structure
de notre système économique, c’est en
étudier les caractéristiques fondamen-
tales ; en étudier la conjoncture,
c’est en étudier les caractéris-
tiques particulières au cours d’une
période donnée.

Ministère des Finances du


Canada, à Ottawa.

État Ensemble des institutions publiques d’une nation.


Structure économique Caractéristiques fondamen-
tales d’un système économique.
Conjoncture économique Caractéristiques parti-
culières d’un système économique au cours d’une
période donnée.
142 CHAPITRE 6

FIGURE 6.1 Organigramme du secteur public

Source : Statistique Canada. (2008). « Guide du secteur public du Canada », no 12-589-X au catalogue.

Ainsi, lorsqu’on dit que l’économie canadienne structurel de son fonctionnement. Il en va de même
est basée à la fois sur les échanges entre les agents lorsqu’on traite de la répartition géographique ou sec-
économiques et sur une certaine intervention de torielle de l’activité économique : on suppose que ces
l’État (économie mixte), cela correspond à un trait éléments ne changeront pas du jour au lendemain,
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 143

à moins de circonstances particulières. Par contre, coûts qu’elles engendrent. Pensons notamment à
si l’économie canadienne connaît une période de une entreprise qui se débarrasserait de ses déchets
ralentissement, on dira que la conjoncture est défa- dans un cours d’eau ; ce sont les autres entreprises
vorable. En fait, étudier la structure économique du ou citoyens situés en aval qui auraient à payer
Canada revient à le situer dans son évolution globale, pour éliminer ces nuisances, si cela était possible.
souvent en comparaison avec les autres économies On parle d’externalités positives lorsqu’un
du monde, alors qu’en étudier la conjoncture écono- agent économique assume des coûts pour générer
mique revient à se demander où en est l’économie des bénéces qui ne lui reviennent pas. Pensons à
canadienne dans le cycle économique. un propriétaire de restaurant qui engagerait des
sommes importantes en publicité an d’attirer
Certaines mesures économiques que prend l’État la clientèle, mais qui verrait celle-ci, une fois sur
visent plus particulièrement l’un ou l’autre de ces place, se diriger vers son concurrent. Il peut aussi
aspects, tandis que d’autres agissent tant sur la s’agir d’une entreprise qui dépense pour la forma-
structure que sur la conjoncture. Par exemple, un tion de ses employés, mais qui les verrait ensuite
désinvestissement dans le secteur de l’éducation démissionner pour obtenir un salaire plus élevé
publique changerait considérablement la réparti- ailleurs, dans une entreprise qui ne paierait pas de
tion entre le secteur public et le secteur privé en tels coûts de formation.
éducation, et il inuerait aussi sur l’évolution de
l’activité économique courante en ralentissant la Ces eets externes négatifs ou positifs ont pour
croissance de la demande globale ; cette mesure conséquence la réduction des dépenses et des
gouvernementale aurait donc des répercussions investissements des entreprises, car ils repré-
structurelles et conjoncturelles. sentent des risques supplémentaires. Ainsi, à
moins que l’État n’intervienne pour contrôler les
règles du jeu, tout le développement économique
6.1.2 La structure d’une économie s’en trouve handicapé.
On s’entend généralement pour dire qu’une éco-
L’ecacité économique n’est pas toujours au
nomie structurellement saine assure à la popu-
rendez-vous non plus dans le cas des biens publics
lation un niveau de vie qui est satisfaisant et qui
ou semi-publics. Un bien est dit « public » lorsqu’il
s’améliore. Pour atteindre cet objectif global, l’État
est impossible d’instaurer un système de paiement
devrait viser une gestion ecace des ressources,
privé ou semi-public, ou si, en instaurant un tel
d’une part, et une répartition adéquate des revenus
système, on réduisait l’accès à un point tel que c’est
et de la richesse, d’autre part.
toute la société qui serait perdante. Les parcs natio-
La gestion efcace des ressources naux, les rues des villes ou le réseau d’aqueduc sont
Quand les conditions du marché libre ne sont pas des exemples de biens publics1 ou semi-publics.
favorables, l’État devrait adopter des mesures pour
obtenir davantage des ressources humaines et
physiques (améliorer la productivité). Par exemple, Externalités négatives Nuisances que des agents
il devrait intervenir lorsque les activités écono- économiques occasionnent sans avoir à assumer les
miques privées génèrent des externalités posi- coûts qu’elles engendrent.
tives ou négatives importantes. Les externalités Externalités positives Bénéces que produit un
négatives sont des nuisances que des agents éco- agent économique sans en tirer directement prot.
nomiques occasionnent sans avoir à assumer les

1. Dans le cas des parcs nationaux, il est intéressant de noter que, en raison du coût prohibitif qu’entraîneraient l’instauration et le contrôle
d’un système de paiement par visiteur, les autorités de certains parcs comptent sur l’honnêteté et la conscience des utilisateurs
en installant des boîtes de paiement automatique. Mais une entreprise privée pourrait-elle s’offrir le luxe de compter sur la bonne volonté
de sa clientèle pour mener à bien ses affaires ?
144 CHAPITRE 6

Actualité économique
Le poids de l’état ne diminue pas
Après plus de trente ans de pression du publiques ont continué à croître plus vite
libéralisme, le poids des recettes scales que le PIB durant cette période, sous À vous de jouer !
(impôts et cotisations sociales) dans le la pression de la demande sociale et
produit intérieur brut (PIB) est supérieur des transformations démographiques, 1 Comment mesure-t-on le poids dans
à ce qu’il était au début des années sociales et économiques. C’est le cas
l’économie ?
1980, aussi bien au sein de la zone notamment des retraites, des dépenses
euro que dans l’ensemble de l’OCDE, de soins ou de l’éducation. 2 Comment peut-on expliquer l’aug-
qui rassemble les pays riches : dans la mentation du poids de l’État dans
zone OCDE, il est passé de 30,9 % en l’économie au cours des trente der-
1980 à 37,6 en 2013 (de 31 à 33,3 % au nières années ?
Canada [41,9 % en 2013 au Québec], de 3 Peut-on dire que la tendance des
26,4 à 33,2 % aux États-Unis, de 33,3 pays les plus riches est de se diriger
à 46,6 % dans la zone euro). En fait, vers davantage de libéralisme ou vers
de nombreux secteurs des dépenses davantage de socialisme ?

Source : Adapté de Alternatives économiques. (Avril 2004). « Le poids de l’État ne diminue pas » ; OCDE. « Perspectives économiques – Annexe statistique ».

La répartition adéquate des revenus Au cours des ans, surtout depuis la Seconde
et de la richesse Guerre mondiale, on a mis en place un ensemble
Pour un grand nombre de raisons, certaines d’ordre de mesures qui touchent tous les aspects de la vie
naturel, d’autres d’ordre culturel, les individus et en société : politique, culturel, artistique, spirituel,
etc., et bien sûr économique. Dans le but général
les familles n’ont pas tous les mêmes possibilités
d’obtenir davantage de nos ressources, d’assurer
de réussite sur le plan économique. Il s’agit d’une
une répartition plus équitable des revenus et de
caractéristique structurelle, donc fondamentale,
la richesse et de stabiliser les échanges qui ne le
de la vie en société. Or, de grands écarts de revenus font pas d’eux-mêmes (ce sont là les trois grands
ou de richesse, entre les individus comme entre les objectifs de l’intervention de l’État dans la vie éco-
sociétés, sont peu propices à l’amélioration géné- nomique), les mesures visant à améliorer plus par-
rale des conditions de vie, ne serait-ce qu’à cause ticulièrement l’aspect structurel d’une économie
des tensions qu’ils engendrent continuellement. sont les suivantes : lois, services sociaux universels,
En eet, de telles tensions nissent par faire fuir programmes de transfert, nationalisation. Nous
les investissements productifs, l’innovation et le verrons par la suite les mesures qui concernent
capital nancier, éléments essentiels à la produc- plus spéciquement l’amélioration conjoncturelle
tion de biens et de services qui satisfont les besoins de l’économie, soit la politique budgétaire (voir la
de la population. Il revient donc à l’État de réduire section 6.2 du présent chapitre) et la politique moné-
l’ampleur des inégalités en redistribuant les reve- taire (voir le chapitre 7).
nus et la richesse, de même qu’en développant un
ensemble de mesures propres à assurer des possi- Les lois
bilités égales de s’en sortir dans notre système éco- Les nombreuses lois qui encadrent maintenant l’ac-
nomique basé essentiellement sur la concurrence. tivité économique d’un pays n’ont pour but premier
que de créer un environnement propice au déve-
loppement économique de ce pays sur une longue
6.1.3 Les mesures structurelles période. Par exemple, en rééquilibrant le rapport de
De nos jours, dans les pays les plus industrialisés, force entre les employés et les employeurs, les lois
l’appareil de l’État a pris une ampleur considérable. du travail contribuent à créer un environnement
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 145

de travail plus favorable et à améliorer le niveau exemple, que le fait d’en priver des personnes ou des
de vie en général, ce qui entraîne des retombées familles serait nettement plus grave que peuvent
économiques ; les lois de l’environnement visent l’être les abus inhérents à un système public dicile
à assurer une certaine pérennité des ressources à contrôler. Dans ce type d’intervention, là encore,
et donc à favoriser le niveau de vie futur ; le Code l’évaluation objective n’est pas facile à faire, d’où la
des professions protège la population de même diculté de trancher nettement entre les mérites
que les professionnels et assure ainsi une expan- d’un système privé, ceux d’un système public et
sion de certains secteurs des services ; les lois du ceux d’une intervention diérente s’appuyant sur
secteur nancier, dont il sera amplement question d’autres outils de la politique économique.
au chapitre suivant, sont là pour assurer la crédibi-
lité des établissements nanciers et de la monnaie, Les programmes de transfert
crédibilité sans laquelle notre niveau de vie serait Pour assurer une meilleure équité entre les per-
de beaucoup moins élevé. sonnes, entre les familles et entre les régions, l’État
transfère à des individus, à des entreprises ou à
Cependant, certains diront qu’une telle multiplica- d’autres administrations une partie des impôts
tion de contraintes, parce qu’elle nuit à l’initiative et des taxes perçus. Ce sont les programmes de
économique, nit par devenir improductive. « On transfert. Le programme d’a ide sociale2 en est
ne peut plus rien faire ! » se plaisent à répéter les un exemple. Le programme d’assurance-emploi du
représentants du milieu des aaires, qui, il faut le gouvernement fédéral assure un certain transfert
dire, sont généralement allergiques à toute forme de ressources entre les personnes qui y cotisent et
de réglementation. Il faut toutefois convenir qu’une celles qui perdent leur emploi dans certaines cir-
réglementation trop lourde devient improductive si constances. Les programmes de pension publics
ses inconvénients surpassent ses eets bénéques. fédéral et provinciaux assurent aussi un certain
Ici encore, l’intervention est bien délicate, tant les transfert entre les personnes actives sur le marché
variables en cause sont nombreuses et complexes. du travail et les personnes ayant pris leur retraite
Les services sociaux universels dénitive à partir d’un certain âge. Il existe aussi,
au gouvernement fédéral, le régime de péréquation
L’une des façons pour l’État d’intervenir dans qui prévoit un transfert allant des provinces plus
l’économie consiste à rendre accessibles à tous, riches vers les provinces plus pauvres. Ce ne sont
indépendamment de toute considération nan- là que quelques exemples de redistribution de la
cière ou autre, des biens ou des services. On pense richesse par l’État au Canada.
notamment aux services de santé, à de nombreux
services sociaux ou à l’enseignement primaire et
Section « Économie » de Ici Radio-Canada.ca
secondaire oerts au Canada. Dans de tels cas, les
prix ne peuvent plus jouer leur rôle de mécanisme La nationalisation
régulateur pour équilibrer l’ore et la demande.
Un autre moyen pour l’État d’intervenir dans
Il revient donc aux agents économiques d’agir
le fonctionnement des marchés, c’est de jouer le
avec discernement lors de l’utilisation de ces ser-
rôle d’un agent économique privé (produire ou
vices, dont la disponibilité est déterminée par les
transformer) par l’intermédiaire d’une entreprise
élus selon les ressources que l’on est prêt à y consa-
crer collectivement.
L’inconvénient de l’accessibilité universelle, c’est la Programme de transfert Partie des impôts et des
diculté d’en contrôler l’ecacité comme l’équité. taxes perçus que l’État transfère à des individus, à des
entreprises ou à d’autres administrations pour assurer
C’est pourquoi elle ne s’applique habituellement une meilleure équité entre les personnes, entre les
qu’aux biens et aux services jugés vraiment essen- familles et entre les régions.
tiels par la population, tellement essentiels, par

2. La Constitution canadienne oblige toutes les provinces à offrir un tel programme de soutien de dernier recours aux personnes seules et aux familles.
146 CHAPITRE 6

partiellement ou entièrement sous son contrôle. ou en dépression si aucun mécanisme n’a ssure un
Ainsi, une telle entreprise poursuit des objectifs qui certain contrôle. Les échanges évoluent globale-
visent à faire bénécier l’ensemble de la collectivité ment en cycles non périodiques (c’est-à-dire qu’ils
plutôt que seuls les propriétaires privés. Les enjeux ne se reproduisent pas à des fréquences bien déter-
doivent être de taille pour que l’État décide de rem- minées) et d’amplitude variée. Outre les dérapages
placer l’entreprise privée dans un secteur d’activité. majeurs que peut connaître l’activité économique,
ces variations imprévisibles ont pour eet global de
Il en est ainsi lorsque le travail des propriétaires créer de l’incertitude, bête noire dans la prise des
privés va à l’encontre de l’intérêt collectif. Par décisions importantes des agents économiques.
exemple, on a estimé que c’était le cas, au Québec
comme dans de nombreux pays du monde, dans le On comprend aisément qu’une période de réces-
secteur des vins et spiritueux. Laisser l’entreprise sion se transformant en dépression n’est pas sou-
privée maximiser le développement de ce secteur haitable, tant les eets dévastateurs se font sentir
pour empocher le maximum de prots pourrait cruellement sur l’emploi, le pouvoir d’achat et donc
engendrer une société fortement dépendante de le niveau de vie. Ce qui est toutefois paradoxal, c’est
l’alcool, ce qui aurait de graves conséquences. que même les périodes de croissance économique
doivent être surveillées de près, puisqu’elles risquent
Dans le domaine de l’électricité, le raisonnement de créer une situation inationniste dégénérant en
est tout autre : une entreprise privée qui s’attribue hyperination, aussi destructrice pour le niveau
le monopole d’un cours d’eau en y érigeant un bar- de vie des populations que les dépressions asso-
rage peut en tirer un maximum de prots et ainsi ciées à la déation. Il faut donc assurer une gestion
jouir de la maîtrise absolue d’une ressource essen- des aaires économiques de manière à pousser la
tielle ; or, la production d’énergie est importante machine économique dans le sens de la croissance,
pour le développement de bien d’autres secteurs de mais une croissance modérée non inationniste.
la vie économique.
Les mesures que nous venons de décrire visent-
elles à améliorer la conjoncture économique du 6.2 Politique budgétaire
pays ou plutôt à en améliorer la structure écono-
mique ? Comme nous l’avons mentionné précé-
conjoncturelle
demment, elles peuvent agir sur les deux aspects Il existe deux instruments dont le but évident est
de l’économie, selon qu’elles relèvent plus fonda- d’améliorer la conjoncture économique quand celle-
mentalement des grands principes de fonctionne- ci connaît des dérapages plus ou moins importants ;
ment de notre société ou qu’elles visent plutôt, ou ce sont la politique budgétaire (ensemble des
également, à améliorer les conditions économiques mesures que l’État prend pour inuer sur la conjonc-
pendant une période bien déterminée. ture économique en faisant varier ses dépenses et ses
revenus) et la politique monétaire (ensemble des
mesures que la banque centrale prend pour inuer
6.1.4 Les objectifs conjoncturels sur la conjoncture économique en faisant varier la
L’État peut aussi inuer sur l’évolution de l’éco- quantité de monnaie en circulation). La première fait
nomie an d’atteindre certains objectifs globaux ;
il tente alors d’améliorer la stabilité des échanges
Politique budgétaire Ensemble des mesures que
de façon à obtenir une croissance modérée sur
l’État prend pour inuer sur la conjoncture économique
une longue période. Nous avons expliqué au cha- en faisant varier ses dépenses et ses revenus.
pitre précédent que, par l’interdépendance entre
Politique monétaire Ensemble des mesures que la
les agents économiques (l’eet multiplicateur des
banque centrale prend pour inuer sur la conjoncture
dépenses ou « multiplicateur des échanges » [voir la économique en faisant varier la quantité de monnaie
page 129]), les échanges connaissent d’importantes en circulation.
uctuations qui peuvent parfois dégénérer en crise
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 147

l’objet de la présente section, tandis que la seconde FIGURE 6.2 Effet d’une politique budgétaire
sera traitée dans le chapitre suivant, puisqu’il faudra expansionniste
d’abord, pour en saisir toute la portée, expliquer le
rôle de la monnaie dans le jeu économique.

6.2.1 L’orientation de la politique


budgétaire
L’État (ou le gouvernement) peut tenter, à l’aide de
son budget, de diriger l’économie dans le sens
de ses objectifs prioritaires liés à la conjoncture :
croissance, plein-emploi, stabilité des prix. Pour
espérer y arriver et assurer une certaine stabilité
des échanges, il devrait gérer ses revenus et ses dé-
penses de façon anticyclique, c’est-à-dire à contre-
courant. Voyons ce que cela signie concrètement.

En période de ralentissement
ou de récession Figure 6.2W (modèle global traditionnel)
Si l’économie progresse au ralenti et que l’on craint
un eondrement des échanges (encore l’eet mul- augmentant les impôts et les taxes, ce qui devrait
tiplicateur), l’État peut se servir de sa capacité avoir pour eet de réduire le revenu disponible des
nancière pour inverser la tendance et favoriser le agents économiques privés. On parle alors d’une
retour à la croissance. Agissant contre le cycle éco- politique restrictive, qui se répercute sur la
nomique, il augmentera ses dépenses si celles du demande globale, la faisant passer de DG1 à DG2,
secteur privé sont décientes, ou il laissera aux et qui ramène l’ination à un niveau plus confor-
agents économiques une plus grande marge de table (de 125 à 120). La gure 6.3, à la page suivante,
manœuvre en réduisant les impôts et les taxes ; on illustre les eets d’une politique budgétaire restric-
parlera alors d’une politique expansionniste. tive. Remarquez que, dans le cas présenté, le PIB
On espère ainsi que, en augmentant le paramètre G n’a pas diminué, puisque le niveau de la demande
de l’équation C + G + I + X − M, on verra la demande globale demeure susant pour assurer une pleine
globale se stabiliser ou même s’accroître, ce qui utilisation des ressources (PIB potentiel), tout en
entraînerait une hausse du PIB réel. diminuant les pressions inationnistes.
La gure 6.2 illustre les eets d’une politique bud-
gétaire expansionniste sur la demande globale. 6.2.2 Les instruments de la politique
Finances Québec
Celle-ci se déplace vers budgétaire
la droite (de DG1 à DG2), Nous venons de voir que, selon la conjoncture
entraînant une hausse du PIB (de 1700 à 1750) économique, la politique budgétaire peut être
et, par conséquent, une baisse du chômage. expansionniste, si elle vise à stimuler l’économie
En période de croissance
Politique expansionniste Politique mise en œuvre
Les périodes de croissance économique peuvent tou- par l’État pour favoriser la croissance économique et la
jours donner lieu à un emballement des échanges création d’emplois.
qui se traduirait par une hyperination. Si tel est
Politique restrictive Politique mise en œuvre par
le cas, le gouvernement peut ralentir la croissance l’État pour ralentir la croissance économique et enrayer
et s’assurer qu’elle demeure dans des limites accepta- l’ination.
bles. Il peut le faire en réduisant ses dépenses ou en
148 CHAPITRE 6

FIGURE 6.3 Effet d’une politique budgétaire restrictive de l’État est celui des salaires versés aux employés de
la fonction publique et parapublique. Fixés en vertu
de conventions collectives, ces salaires ne peuvent
évidemment pas être changés du jour au lende-
main. Certains États ont procédé, par voie législa-
tive, à des baisses de salaires dans le secteur public,
mais non sans avoir dû démontrer l’urgence d’une
telle mesure. En plus de ces obstacles juridiques, il
faut aussi compter sur les obstacles politiques qui
limitent d’autant la marge de manœuvre des États.
En eet, si la population réagit normalement assez
bien aux politiques budgétaires expansionnistes,
recevant avec plaisir les largesses gouvernementales
(surtout pendant un ralentissement économique),
elle n’accueille jamais avec grand enthousiasme les
contraintes qu’entraîne une politique budgétaire
restrictive. Le tableau 6.1 résume les mesures dis-
crétionnaires prises par l’État selon la conjoncture.
Figure 6.3W (modèle global traditionnel) Les stabilisateurs automatiques
Comme on peut le constater, la marge de manœuvre
pour accroître la création d’emplois, ou restrictive, dont disposent les États pour appliquer une poli-
si elle consiste à freiner la croissance économique tique budgétaire stabilisatrice n’est pas très grande.
de manière à enrayer les pressions inationnistes. Toutefois, les programmes publics existants ont eux-
Mais, concrètement, comment l’État arrive-t-il mêmes un eet stabilisant. Lorsque l’activité éco-
à ses ns ? À l’aide des deux types d’instrument nomique évolue au ralenti, des entreprises ferment
budgétaire dont il dispose : les mesures discrétion- leurs portes, ce qui fait augmenter le chômage et la
naires et les stabilisateurs automatiques. pauvreté. Cela a pour conséquence une augmenta-
tion de la demande pour les services de l’État, telles
Les mesures discrétionnaires l’assurance-emploi ou l’aide sociale, donc une crois-
Lorsqu’un État change les paramètres de son bud- sance automatique des dépenses budgétaires. Inver-
get (les sommes allouées aux diérents postes du sement, si l’économie se porte mieux, le nombre de
budget) de façon à inuer sur l’évolution de l’acti- requérants des services de l’État diminue ; il se pro-
vité économique, on dit qu’il emploie des mesures duit alors une diminution des dépenses et une aug-
discrétionnaires. Bien sûr, ce ne sont pas tous les mentation des revenus de l’État (taxes et impôts).
paramètres du budget de l’État qui peuvent être
ainsi manipulés à la discrétion des autorités, car un Mesures discrétionnaires Mesures que l’État prend
grand nombre d’éléments font l’objet de contrats. pour inuer sur l’évolution de l’activité économique.
Par exemple, le poste budgétaire le plus important

TABLEAU 6.1 Politique budgétaire et mesures discrétionnaires selon la conjoncture

Conjoncture Politique budgétaire Mesures discrétionnaires Exemples


Loi décrétant un gel des salaires des
Diminution des dépenses de l’État
Problème d’ination Restrictive employés du secteur public
Augmentation des revenus de l’État Augmentation des taxes et des impôts
Programme spécial pour soutenir les
Ralentissement Augmentation des dépenses de l’État municipalités qui doivent renouveler les
Expansionniste réseaux d’égouts et d’aqueduc
ou récession
Diminution des revenus de l’État Diminution des taxes et des impôts
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 149

Les stabilisateurs automatiques correspondent institutions communes. Pour cette raison, on consi-
donc aux politiques et aux programmes gouverne- dère généralement que l’impôt doit être ecace,
mentaux qui sont automatiquement plus ou moins c’est-à-dire que les impôts et les taxes ne doivent pas
utilisés selon la performance de l’économie et qui avoir pour eet de réduire la taille de l’économie
ont pour eet de la stabiliser. globale (que l’on mesure le plus souvent par le PIB
réel), mais bien de l’augmenter. Or, si, par sa forme
Outre les programmes d’assurance-emploi et d’aide ou son ampleur, l’impôt décourage les agents écono-
sociale, d’autres programmes ont un rôle stabili- miques de travailler, de créer, d’investir, d’épargner,
sateur, bien que ce ne soit pas évident à première vue. de consommer, il nuira bien plus à la productivité
Le système d’enseignement public voit sa clientèle qu’il n’ajoutera au bien-être économique.
automatiquement augmenter lors des périodes de
ralentissement économique, car certaines personnes L’impôt doit aussi être équitable, c’est-à-dire que
ne trouvant pas d’emploi décident de retourner aux les agents économiques qui possèdent davantage
études. L’impôt progressif (voir la sous-section 6.3.1) devraient en principe supporter un fardeau scal
contribue aussi à stabiliser l’économie. Les barèmes plus lourd ; et les personnes qui se situent à un
de l’impôt sont tels que l’on passe à un taux d’imposi- niveau économique équivalent devraient supporter
tion plus élevé lorsque le revenu augmente. Ainsi, en à peu près le même fardeau scal. C’est pourquoi on
période de croissance économique, les personnes qui considère généralement que l’impôt sur le revenu
voient leur situation nancière s’améliorer passent doit être progressif3 : le taux marginal d’imposi-
à un taux d’imposition supérieur, ce qui permet à tion des tranches de revenu les plus élevées devrait
l’État d’augmenter ses revenus et limite d’autant les être supérieur au taux d’imposition des tranches de
dépenses privées ; cela contribue à ralentir la crois- revenu inférieures.
sance et à prévenir les poussées inationnistes. Le À titre d’exemple, le tableau 6.2 (voir la page sui-
principe s’applique inversement lorsque l’activité vante) donne les taux d’imposition prévus par
économique ralentit ; les personnes dont le revenu les barèmes provincial et fédéral au Québec pour
diminue sont imposées à un taux moindre, ce qui a l’année 2015. Dans le cas du système scal qué-
plus de chances de leur laisser les moyens de consom- bécois, la progressivité va comme suit : 16 % sur
mer et d’ainsi contribuer à relancer l’économie. les revenus imposables (revenus dont on a enlevé
l’exemption de base de 11 425 $) inférieurs à
41 935 $, 20 % sur les revenus se situant entre
6.3 Contraintes budgétaires 41 935 $ et 83 865 $, 24 % sur les revenus se
Comme tous les agents économiques, l’État (ou le situant entre 83 865 $ et 102 040 $ et 25,75 % sur
gouvernement) doit exercer sa mission et chercher les revenus excédant 102 040 $. Notons qu’il ne
à atteindre les objectifs économiques qu’on lui xe faut pas confondre le taux d’imposition moyen
tout en respectant ses limites budgétaires. Car, loin (soit l’impôt total ÷ revenu total × 100) et le taux
d’être inni, l’espace budgétaire dépend largement d’imposition marginal (taux d’imposition par
de la capacité des agents économiques privés à tranche de revenu).
payer les taxes et les impôts qui serviront à nan-
cer les programmes mis en place.
Stabilisateurs automatiques Mesures dont l’utilisa-
tion varie automatiquement selon la performance de
6.3.1 La scalité l’économie et qui ont pour effet de la stabiliser.

Recueillir des fonds du public n’est pas chose facile. Impôt progressif Taux d’imposition qui croît à
mesure que la dernière tranche de revenu augmente.
Cela repose sur un contrat social non écrit, en vertu
duquel la population accepte de payer les impor- Taux d’imposition moyen Rapport en pourcentage
de l’impôt total sur le revenu.
tantes sommes nécessaires au nancement des
Taux d’imposition marginal Pourcentage du revenu
supplémentaire consacré à l’impôt.
3. Par opposition à un impôt proportionnel, qui signie un taux d’imposition unique.
150 CHAPITRE 6

TABLEAU 6.2 Taux d’imposition selon le revenu L’importance des prélèvements obligatoires de l’État
des Québécois en 2015 nous donne une bonne idée de la part du secteur
Fiscalité provinciale Fiscalité fédérale
public dans l’économie. La gure 6.4 trace un portrait
Tranches Taux Tranches Taux
de l’évolution des recettes scales globales au Canada,
de revenu (en $) d’imposition de revenu (en $) d’imposition aux États-Unis et en Suède ainsi que la moyenne
(en %) (en %) pour les pays membres de l’OCDE de 1965 à 2013.
0 – 41 935 16 0 – 44 700 15 Dans les quatre cas, on observe une croissance de la
41 935 – 83 865 20 44 700 – 89 401 22 part du secteur public dans l’activité économique glo-
83 865 – 102 040 24 89 401 – 138 586 26 bale ; on voit aussi de très grandes diérences entre
102 040 et plus 25,75 138 586 et plus 29 ces trois pays parmi les plus industrialisés de l’OCDE.
Source : Données tirées de Revenu Québec. (2015). « Taux d’imposition » ; Le cas de la Suède est particulièrement spectacu-
Agende du revenu du Canada. (2015). « Les taux d’imposition pour les
particuliers – année courante et années passées ».
laire : de 31,4 % en 1965, la part des recettes scales a
grimpé jusqu’à atteindre 49,5 % de son PIB en 1987.
Ce qui vient compliquer ce portrait théorique, c’est La n des années 1990 marque un tournant puisque
la batterie d’exemptions et de crédits d’impôt que les recettes scales ont depuis tendance à régresser.
les diérents gouvernements ont ajoutés à la loi s- Toutefois, pour la très grande majorité des pays de
cale au cours des années pour orienter l’activité éco- l’OCDE, à l’exception notable des États-Unis où la
nomique dans une direction ou une autre, ou pour tendance est moins claire, cette présence de l’État
répartir autrement le fardeau scal. Par exemple, dans les revenus globaux demeure aujourd’hui signi-
une tendance que l’on observe depuis quelques cativement plus élevée qu’elle ne l’était en 1965.
années en Amérique du Nord est un glissement
du fardeau scal allant de l’impôt sur le revenu
(impôt perçu directement par l’État) vers les taxes Impôt sur le revenu Impôt perçu directement par l’État.
indirectes (taxes perçues par les entreprises et Taxes indirectes Taxes perçues par les entreprises
remises par la suite à l’État ; par exemple, les taxes et remises par la suite à l’État.
de ventes fédérale [TPS] et provinciale [TVQ]).

FIGURE 6.4 Évolution des recettes scales en % du PIB, Canada, États-Unis, Suède, 1965-2013

Source : Données tirées de OCDE. (2015). « Revenue Statistics – Comparative tables ».


POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 151

Liens entre la théorie et la réalité économiques


La courbe de Laffer : trouver le taux d’imposition optimal
L’économiste américain Arthur Laffer dit, une trop grande intervention de élevé avant d’atteindre la pente néga-
est devenu célèbre grâce à sa théo- l’État dans l’économie ne donnerait tive de la courbe de Laffer (en compa-
rie stipulant qu’à vouloir trop imposer aucun résultat puisque cela démotive- raison avec la gure 6.5) À cet égard, il
les agents économiques privés, on se rait les gens à travailler et à investir ou existe des différences énormes même
retrouve à récolter moins d’impôts. acheter localement. À vouloir trop aider entre les pays les plus industrialisés :
On aurait donc avantage à chercher l’économie, on tuerait l’économie ! aux États-Unis, les recettes scales
un taux d’imposition optimal visant à représentaient 25,4 % du PIB en 2013
récolter les recettes scales néces- La théorie de Laffer a le mérite de alors que c’était 30,6 % au Canada,
saires au nancement des différentes bien résumer la question des impacts 36,7 % en Allemagne et 48,6 % au
missions de l’État. Dans un premier de l’impôt sur l’activité économique. Danemark (une moyenne de 36,7 %
exemple, la gure 6.5, qui présente Cela dit, elle est loin de clore le débat pour tous les pays de l’OCDE) (voir la
différentes hypothèses de recettes puisque ses fondements font l’objet gure 6.4).
scales selon différents taux d’impo- d’âpres discussions. Les gouverne-
sition envisagés, illustre cette théorie. ments ont parfois donné raison aux
opposants à l’intervention de l’État en
À mesure que le taux d’imposition À vous de jouer !
augmente, l’État récolterait davantage baissant les impôts, mais il existe peu
d’impôts (de recettes scales), jusqu’à (ou pas) de cas où cela s’est traduit
par une croissance des recettes s- 1 Nommez et dénissez les deux
un taux d’imposition maximal. À partir
cales. On a expliqué cette apparente variables que la courbe de Laffer
de ce point, augmenter le taux d’im-
contradiction avec la théorie de Laffer met en relation.
position entraînerait des nuisances
économiques potentielles (baisse des en disant que contrairement à ce qu’on 2 Expliquez dans vos mots pourquoi
investissements) telles que l’État, loin pensait, les économies qui ont offert la partie droite de la courbe de
d’augmenter ses recettes scales, en ces baisses d’impôt n’avaient pas Laffer décroît.
récolterait moins. Cela est représenté atteint le taux optimal d’imposition. 3 La courbe de Laffer de l’écono-
par la pente négative de la courbe de Quand on effectue des comparaisons mie danoise devrait-elle ressem-
Laffer à la droite du taux d’imposi- à l’échelle internationale, on s’aperçoit bler à celle de la gure 6.5 ou à
tion maximal, qui est donc considéré que tous les pays n’ont pas la même celle de la gure 6.6 ? Expliquez
comme optimal pour les recettes s- réaction par rapport à l’impôt ; dans votre réponse.
cales de l’État. un deuxième exemple, la gure 6.6
Les personnes qui s’opposent à l’inter- montre le cas d’un pays qui pourrait
vention de l’État, en ce qui concerne atteindre un taux d’imposition plus
la société en général et l’économie en
particulier, se servent souvent de la Courbe de Laffer Théorie montrant qu’au-delà d’un certain seuil, plus le
théorie de Laffer pour expliquer que taux d’imposition augmente, plus les recettes scales diminuent.
trop d’impôts tue l’impôt. Autrement

FIGURE 6.5 Courbe de Laffer – Exemple 1 FIGURE 6.6 Courbe de Laffer – Exemple 2
152 CHAPITRE 6

Si on compare les recettes scales du gouverne- qu’il constitue près de la moitié des recettes du
ment du Québec avec celles du gouvernement du gouvernement fédéral. Il en va de même pour les
Canada, on constate certaines diérences (voir les recettes provenant des impôts sur le revenu des
gures 6.7 et 6.8). L’impôt sur le revenu des parti- sociétés, 6,4 % au provincial comparativement
culiers, par exemple, représente seulement 28,1 % à 12,7 % au fédéral. Par ailleurs, une proportion
des recettes du gouvernement du Québec, alors signicative des recettes du gouvernement du
Québec, soit 19,4 %, provient des transferts
FIGURE 6.7 Répartition des revenus du gouvernement du gouvernement fédéral eectués dans le
du Québec, 2015-2016
cadre du programme de péréquation et des
contributions du gouver nement fédéral au
nancement des programmes sociaux de
compétence provinciale. Au total, ce sont
715 milliards de dollars que les diérents
paliers de gouvernement au Canada ont pré-
levés sous la forme d’impôts et de taxes de
toutes sortes pour l’année 2013, alors que ce
montant était de 641 milliards de dollars
en 2008 ; cela représente une augmentation
de 11,5 %.

6.3.2 Les dépenses


Les dépenses du gouvernement du Québec et
celles du gouvernement du Canada reètent
leurs missions respectives (voir les gures 6.9
et 6.10). Si le gouvernement du Québec
Source : Données tirées de Ministère des Finances du Québec. (2015). « Notre
plan économique ». consacre la majeure partie de son budget à
la santé et aux services sociaux, d’une part,
FIGURE 6.8 Répartition des revenus du gouvernement et à l’éducation et la culture d’autre part, le
du Canada, 2015-2016 gouvernement fédéral dépense davantage
pour les pensions de vieillesse, l’assurance-
emploi et les transferts. Dans les deux cas,
le service de la dette, remboursement des
emprunts arrivés à échéance et des intérêts
courus, absorbe encore une partie impor-
tante des ressources ; il représentait en eet,
pour l’exercice nancier 2015-2016, 10,5 %
des dépenses du gouvernement du Québec et
8,9 % des dépenses du gouvernement fédéral
pour l’exercice 2015-2016.

Service de la dette Partie du budget d’un


gouvernement consacrée au remboursement
de la dette et des intérêts courus.

Source : Données tirées de Orfali, Philippe. (22 avril 2015). « Le budget du gouvernement
fédéral 2015-2106 », Le Devoir, p. A2.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 153

FIGURE 6.9 Répartition des dépenses du gouvernement FIGURE 6.10 Répartition des dépenses du gouvernement
du Québec, 2015-2016 du Canada, 2015-2016

Source : Données tirées de Ministère des Finances du Québec. (Mars 2015). Source : Données tirées de Orfali, Philippe. (22 avril 2015). « Le budget du
« Budget 2015-2016 – Extrait : Tableaux et graphiques ». gouvernement fédéral », Le Devoir, p. A2.

Actualité économique
Les relances budgétaires efcaces
Les mesures budgétaires, telles que des deux tiers des mesures discré- l’économie en allégeant les impôts
la réduction des impôts et l’aug- tionnaires ont été des dépenses et ou en majorant les dépenses – est
mentation des dépenses, sont un le reste des réductions d’impôts. alors appropriée et que la stimula-
élément essentiel de la réaction des Les investissements en infrastruc- tion doit être forte, assez durable,
gouvernements à la crise nancière tures représentent près de la moitié diversiée […] et soutenable. […]
mondiale. Tous les pays du Groupe de la stimulation dans les écono- Cependant, dans les pays assez
mies émergentes du G-20, contre à lourdement endettés, […] les effets
des Vingt ont pris des initiatives
peu près 20 % dans les économies bénéques de l’expansion budgétaire
budgétaires pour contrecarrer la
avancées. Les allégements scaux, ont été annulés par le niveau élevé
récession déclenchée à la mi-2007 d’endettement.
par une crise nancière et bancaire notamment sur les sociétés et les
née sur le marché américain du cré- revenus personnels, sont un élément (Les économies avancées du G-20
dit immobilier. Destinées à stimuler signicatif de la relance budgétaire sont l’Allemagne, l’Australie, le
la demande globale, elles devraient dans les économies avancées. Canada, la Corée du Sud, les États-
s’élever à quelque 2 % du PIB des Unis, la France, l’Italie, le Japon et
[…] La politique budgétaire s’avère le Royaume-Uni et l’Union euro-
pays du G-20 en 2009 et à 1,6 %
particulièrement efcace pour réduire péenne. Les économies émergentes
en 2010.
la durée des récessions. On peut en sont l’Afrique du Sud, l’Arabie Saou-
[…] L’essentiel de la stimulation conclure qu’une orientation bud- dite, l’Argentine, le Brésil, la Chine,
a consisté en une majoration des gétaire fermement anticylique – l’Inde, l’Indonésie, le Mexique, la
crédits budgétaires. En 2009, plus qui contrecarre la tendance de Russie et la Turquie.)
154 CHAPITRE 6

Actualité économique
Les relances budgétaires efcaces (suite)
par les gouvernements du G-20. 5 Les auteurs précisent les condi-
À vous de jouer ! Quelles sont-elles ? tions pour qu’une relance budgé-
3 Les mesures de relance adoptées par taire donne des résultats. Quelles
1 Quelle est la distinction entre des les gouvernements sont-elles anticy- sont-elles ?
mesures budgétaires discrétion- cliques ? Pourquoi ? 6 Selon les auteurs, il semble qu’un
naires et non discrétionnaires ? 4 Quel devrait être l’effet des mesures effet d’éviction se produise pour les
2 Le texte donne deux exemples de de relance adoptées par les gouver- pays les plus lourdement endettés.
mesures discrétionnaires adoptées nements du G-20 sur leurs décits Qu’est-ce que cela signie ?
publics et sur la dette publique ?

Source : Baldacci, Emanuele et Sanjeev Gupta. (Décembre 2009). « Les relances budgétaires efcaces », Finances et développement, p. 33-37.

6.4 Décits et dette publique une nette distinction de perspective selon qu’on ana-
lyse la dette absolue à la hausse depuis 2010, et celle
Pour pouvoir appliquer leurs politiques écono- relative au PIB, à la baisse depuis cette même période.
miques, en particulier lorsque la conjoncture défa-
vorable engendre une diminution des revenus et
une augmentation des dépenses de l’État, les auto- 6.4.1 Le nancement et le paiement
rités gouvernementales doivent pouvoir recou- d’une dette
rir aux décits budgétaires et aux emprunts. Lorsque les fonds deviennent insusants pour
Un décit budgétaire survient lorsque, au cours les projets à réaliser, il faut rechercher un nance-
d’un exercice nancier (généralement un an), le ment, autrement dit, s’endetter. Financer une dette
solde budgétaire de l’État est négatif, c’est-à-dire signie prendre les moyens pour obtenir ce nan-
lorsque les dépenses globales excèdent les revenus cement, contracter une dette. Les États nancent
globaux tirés des impôts et des taxes. leur manque à gagner (décits et projets particu-
Pour nancer les décits, les États doivent emprun- liers, généralement des projets d’investissement)
ter. La dette publique totale représente la somme en émettant des obligations et des bons du Trésor
totale des engagements nanciers de l’État envers ses
créanciers, à un moment donné. De toutes les admi-
nistrations publiques canadiennes, c’est évidemment Décit budgétaire Excédent des dépenses globales
sur les revenus globaux de l’État au cours d’une
l’État fédéral qui a la dette la plus importante. Au période donnée.
31 mars 2014, la dette portant intérêt du gouverne-
ment fédéral se chirait à 889,4 milliards de dollars. Si Solde budgétaire Différence entre les revenus et les
dépenses publiques au cours d’un exercice nancier
on retranche de cette dette les actifs nanciers et non donné. Lorsque les dépenses excèdent les revenus
nanciers (tels que les terrains et les infrastructures), (solde < 0), il y a décit budgétaire. Quand les revenus
la dette fédérale résultant des décits accumulés attei- excèdent les dépenses (solde > 0), il y a surplus bud-
gnait la somme de 611,9 milliards de dollars à la n gétaire. Finalement, il y a équilibre budgétaire lorsque
mars 2014 ; cela représente 32,3 % du PIB annuel du les dépenses correspondent aux revenus (solde = 0).
Canada (c’est ce qu’on appelle le poids de la dette. Dette publique Somme totale des engagements nan-
La gure 6.12, à la page 156, présente l’évolution de ciers de l’État envers ses créanciers, à un moment donné.
la dette nette (celle que considère l’OCDE) du gou- Poids de la dette Pourcentage de la dette par rapport
vernement du Canada entre les états nanciers de au PIB.
2000-2001 et ceux de 2013-2014. Elle nous montre
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 155

(voir le chapitre 7), alors que les ménages obtiennent Une fois la dette contractée, il faut la rembourser ;
généralement leur nancement auprès d’établisse- c’est ce qu’on appelle payer une dette. Le paiement
ments nanciers. s’échelonne habituellement sur plusieurs périodes
et se fait à partir des revenus.
FIGURE 6.11 Détail de la dette publique
du gouvernement fédéral du Canada, L’État ne nance pas ses décits en empruntant
exercice nancier 2013-2014 à sa banque centrale, car, comme nous le verrons
(en milliards de $). au chapitre 7, c’est là une façon de procéder non
recommandée. Comme les agents économiques
privés, il doit passer par les marchés nanciers en
émettant des titres de nancement (obligations ou
bons du Trésor transigés par l’entremise des cour-
tiers en valeurs mobilières). La gure 6.11 illustre
la provenance des sommes constituant la dette
fédérale au 31 mars 2014.
Toutefois, une partie des engagements
nanciers de l’État ne requiert pas un nance-
ment immédiat sur les marchés nanciers ; c’est
le cas des contributions devant être versées
aux régimes de retraite, mais dont les sommes
ne sont pas exigibles immédiatement. Ces
sommes sont simplement inscrites aux
registres comptables de l’État comme montants
à payer.
Si on observe l’évolution de la dette fédérale
nette (c’est-à-dire le total de ses passifs moins le
total de ses actifs nanciers) (voir la gure 6.12
à la page suivante), on constate qu’elle perd de
l’ampleur en proportion du PIB depuis l’exercice
2000-2001 (une baisse de 20,2 points de pour-
centage [52,1%-31,9 %]) et en valeur absolue.
Toutefois, cette tendance semble s’être inver-
sée depuis le 27 janvier 2009, quand le
regretté ministre des Finances, Jim Flaherty, a
déposé un budget contenant des mesures dis-
crétionnaires interventionnistes de l’ordre de
23 milliards de dollars pour lutter contre la
récession. Résultat : entre 2008 et 2014, la dette
publique nette du gouvernement fédéral canadien
a bondi de 166 milliards de dollars en valeur
absolue (passant de 516,3 G$ à 682,3 G$) ; tou-
tefois, en proportion du PIB, elle s’est maintenue
autour de 37 %.
Pour comparer la situation nancière du Canada
avec les autres économies industrialisées, il faut tenir
Source : Données tirées de Ministère des Finances du Canada. (2014). « Tableaux
compte de l’ensemble des administrations publiques
de références nanciers – Octobre 2014 ». du pays (les trois paliers de gouvernement, fédéral,
156 CHAPITRE 6

FIGURE 6.12 Évolution de la dette nette du gouvernement fédéral, Canada, de 2000-2001 à 2013-2014

Source : Données tirées de Ministère des Finances du Canada. (2014). « Tableaux de références nanciers – Octobre 2014 ».

provincial et municipal). La gure 6.13 illustre le On comprend bien qu’il ne s’agit pas de s’endet-
poids de la dette (des engagements nanciers nets ter pour s’endetter. S’endetter pour acheter des
des administrations publiques) dans la zone de armes, des votes ou des châteaux luxueux, comme
l’OCDE. En 2014, les pays les plus endettés du monde cela s’est déjà vu dans de nombreux pays, risque
industrialisé sont le Japon, la Grèce et l’Italie, avec davantage de détruire les bases de la société, de
un pourcentage de la dette publique par rapport au l’assiette scale et, par conséquent, la capacité
PIB qui dépasse les 100 %. Quant à future de remboursement plutôt que de favoriser
OCDE
lui, le Canada se classe, sur les l’essor de l’activité économique.
34 pays que compte l’OCDE, au quinzième rang avec
un taux de 40,9 %.
6.4.3 Les désavantages
de l’endettement public
6.4.2 Les avantages
S’endetter consiste à remettre à plus tard le paie-
de l’endettement public ment des dépenses faites aujourd’hui. Or, l’État,
Il peut y avoir des avantages à s’endetter. Vous êtes comme l’agent économique privé, doit pouvoir
sceptique ? S’endetter signie utiliser les ressources eectuer ses paiements et il a besoin pour cela
nancières mises de côté par certains agents écono- de l’argent provenant des impôts et des taxes. Ce
miques pour les rendre productives et ainsi amélio- sont donc les contribuables de demain qui devront
rer le niveau de vie. Par exemple, un État qui s’endette
pour bâtir un réseau routier de qualité favorise le
développement d’activités économiques nouvelles Assiette scale Total des revenus et des transactions
qui lui permettront d’élargir son assiette scale à partir desquels l’État récolte les impôts et taxes.
et donc de rembourser ses dettes dans l’avenir.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 157

FIGURE 6.13 Dette publique nette de dix pays membres de l’OCDE, en 2014 l’État sur la demande globale
est donc amoindri, sinon nul,
voire, dans le pire des scé-
narios, contraire à l’objectif
poursuivi.
L’endettement public dimi-
nue aussi la marge de
manœuvre des gouverne-
ments dans leur planica-
tion budgétaire annuelle.
Chaque année, il doivent
rembourser une partie de
la dette échue et les intérêts
courants dus aux créan-
ciers. Plus ce service de la
dette est important, moins
il reste de ressources nan-
Source : Données tirées de OCDE. (2015). « Perspectives économiques – Annexe statistique ». cières pour les programmes
sociaux. Lorsque la dette est
contractée à l’étranger, on
faire les sacrices nécessaires pour rembourser est aussi soumis aux risques des variations du taux
les dettes contractées aujourd’hui, ce qui pose un de change de la monnaie nationale ; dans certains
problème d’équité entre les générations. De plus, cas, une dépréciation de la monnaie augmente
toutes les ressources qui devront servir à rem- considérablement le service de la dette.
bourser une dette devenue énorme ne pourront
évidemment pas être employées à d’autres ns, ce Il n’existe pas de consensus clair sur l’existence
qui risque de paralyser l’activité économique de ces d’un niveau universel souhaitable de l’e ndette-
futures générations. Il est donc clair que l’État ne ment, même si, dans de nombreux cas, on a éta-
devrait pas s’endetter au-delà d’une certaine limite. bli des barèmes pour juger de l’e ndettement des
agents économiques, des familles ou des entre-
Lorsque l’État alourdit considérablement le fardeau prises 4. En fait, juger de la pertinence d’une dette
scal en dépensant inconsidérément et en s’endet- relève de la subjectivité. Alors, place aux débats !
tant outre mesure, cela pourrait avoir comme consé- D’un côté, le Japon a une dette publique nette qui
quence d’évincer le secteur privé et donc d’annuler frôle les 150 % de son PIB annuel, mais cela lui a
les eets recherchés. On appelle ce phénomène eet permis de passer, depuis la Seconde Guerre mon-
d’éviction. Si l’endettement de l’État atteint des pro- diale, d’un niveau de sous-développement généra-
portions démesurées en période de dicultés écono- lisé à un niveau d’industrialisation parmi les plus
miques, il entre alors en concurrence avec le secteur
privé pour l’utilisation de l’épargne, laquelle se fait
plus rare étant donné le ralentissement économique.
La pression nancière de l’État crée une pression à Effet d’éviction Diminution des dépenses de consom-
mation et d’investissement du secteur privé causée
la hausse sur les taux d’intérêt pratiqués au pays, ce par la poussée des taux d’intérêt, résultant d’une
qui décourage les investisseurs privés d’entreprendre expansion scale nancée par un accroissement des
des projets majeurs propres à sortir l’économie de sa emprunts de l’État.
situation défavorable. L’eet net de l’endettement de

4. À titre d’exemple, lorsqu’elles accordent un prêt pour l’achat d’une maison, les banques considèrent généralement que le montant consacré au remboursement
du capital et des intérêts ne doit pas dépasser le tiers du revenu brut du ménage pour une période donnée.
158 CHAPITRE 6

élevés de la planète. D’un autre côté, les États-Unis peut empêcher d’eectuer les dépenses cou-
ont maintenu un niveau de croissance très élevé rantes essentielles. C’est la même chose pour
pendant la même période avec un endettement un gouvernement.
public beaucoup plus modéré. Pour l’adhésion à ● Le niveau d’endettement doit permettre un heu-
la monnaie unique, soit l’euro, on a xé le plafond
d’endettement souhaitable à 60 % du PIB annuel. reux compromis entre le présent et l’avenir. Il est
généralement assez sage de penser au lendemain,
On peut néanmoins retenir certaines balises pour mais il faut quand même manger tous les jours.
l’analyse de l’endettement public. Rembourser une dette revient à sacrier le présent
pour privilégier l’avenir. Mais vaut-il la peine de se
● On ne s’endette pas pour l’épicerie (les dépenses sacrier pendant 30 ans pour connaître 20 ans
courantes), mais seulement pour des actifs qui d’allégresse en n de vie ? Voilà une question que
serviront pendant une assez longue période. Cela se posent encore souvent les agents économiques
signie qu’une famille ne devrait pas s’endetter
lorsqu’ils ont à prendre des décisions dans la
pour acquérir des produits et services d’utilisa- vie quotidienne.
tion courante (nourriture, vêtements, essence,
logement), mais pour une auto qui sert au tra-
vail, les études des enfants, la maison. Un État ne
devrait pas s’endetter pour payer ses employés, 6.5 Le Québec et l’austérité
mais plutôt pour développer les infrastructures En 2015, un nouveau terme a fait son apparition
du pays : réseaux d’égout et d’aqueduc, écoles. dans l’actualité économique et sociale du Québec :
● Le niveau d’endettement doit être compatible l’« austérité ». Il n’existe pas vraiment en science
avec un service de la dette qui ne grève pas tout le
budget annuel de fonctionnement. Par exemple, Austérité Orientation budgétaire générale d’un
pour une famille, si les paiements mensuels pour gouvernement vers la prudence et donc l’équilibre
rembourser les dettes prennent une part trop budgétaire.
importante de son revenu, cet endettement

EXEMPLE 6.1 Une économie inationniste et la politique économique


Au bulletin d’informations, on annonce que l’économie globale du d’édices publics). Comme ils payeront un pourcentage plus
pays connaît une èvre inationniste puisque le taux d’ination élevé de taxes et d’impôts et qu’ils recevront moins de services
atteint 4,2 % ; les autorités prennent cette situation très au sérieux de l’État, les consommateurs auront moins d’argent à dépenser.
et envisagent d’adopter des mesures énergiques pour rétablir une Aussi, une famille qui devrait débourser le plein prix d’une
situation jugée satisfaisante. garderie en raison des coupures dans les places en centre de
la petite enfance (CPE) aura moins d’argent pour se procurer
Quel rôle jouent les stabilisateurs automatiques ? des biens et des services courants, achats qui font augmenter
exagérément la demande globale dans le cas d’une économie
Lors d’une situation inationniste, le niveau des prix augmente inationniste. Cette politique de prudence (d’austérité)
et, conséquemment, les contribuables payent plus d’impôts contribuerait à ralentir la croissance de la demande globale,
sur le revenu et de taxes diverses étant donné que ceux-ci ce qui permettrait de maîtriser de l’ination.
représentent un pourcentage des montants déboursés et
reçus ; peut-être un milliard de dollars de plus avec les taxes
Quel effet cela aurait-il sur les nances publiques ?
à la consommation et les taux d’imposition plus élevés. Cette
réponse automatique à la conjoncture peut limiter la croissance Si le gouvernement se trouve initialement en situation de
excessive de la demande globale, puisque les consommateurs décit budgétaire, l’action combinée des stabilisateurs
ont alors moins d’argent à dépenser (stabilisateur automatique). automatiques et d’une politique budgétaire restrictive devrait
diminuer le décit budgétaire, ce qui limiterait la croissance
Quelle serait une politique budgétaire appropriée ? de la dette publique et en réduirait son poids par rapport au
PIB. C’est généralement la situation qu’on retrouve dans les
Il serait prudent que le gouvernement adopte une politique pays industrialisés.
budgétaire restrictive (politique discrétionnaire) en augmentant
volontairement les impôts et taxes ou en coupant dans ses Si le gouvernement se trouve initialement en situation
dépenses de programmes discrétionnaires (par exemple, d’excédent budgétaire, celui-ci sera alors maintenu et on
remettre à plus tard un projet d’autoroute ou la construction réduira le niveau total de la dette publique.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 159

économique de dénition consensuelle de


ce terme. On l’associe généralement à une
préoccupation pour l’équilibre des nances
publiques qui se manifeste par une dimi-
nution des dépenses de l’État, cela dans un
contexte de dette publique élevée. En ce
domaine, le Québec se distingue des autres
provinces du Canada, et encore davan-
tage des états américains, ce qui engendre
un débat houleux au sein de la société
québécoise.
En 2014, par rapport aux autres provinces
canadiennes, la dette publique nette du Qué-
bec en proportion de son PIB était la plus
élevée (voir la gure 6.14) ; comme dans la
plupart des provinces, cette proportion est
en augmentation : de 40,7 % du PIB en 2008 à
50,2 % en 2014. Entre 1990 et 2014, la dette
publique nette du gouvernement du Québec
est passée de 34,6 à 182 milliards de dollars. Selon le McKinsey Global Institute, l’endettement de tous les acteurs
économiques dans le monde (États, entreprises, ménages, etc.) a
Par habitant, cette dette québécoise est pas- progressé de 57 000 milliards de dollars entre 2007 et 2014, pour frôler les
sée de 4 994 $ en 1990 à 22 316 $ en 2014. 200 000 milliards de dollars. En 2014, les dettes représentaient 286 % du
Le portrait est moins sombre si on compare PIB mondial, contre 269 % en 2007.
le Québec avec l’ensemble des pays de l’OCDE,
puisque la dette nette en proportion du PIB de nouvelles immobilisations du gouvernement sont
ceux-ci se situait en moyenne à 70,5 % en 2014. nancés par l’emprunt.
La progression de la dette publique du Québec L’importance du secteur public dans l’économie
s’explique par le fait que les décits budgétaires d’une région relève de choix sociaux qui prêtent à
annuels récurrents de même que la totalité des des discussions complexes. Le Québec a notamment

FIGURE 6.14 Évolution de la dette nette des provinces et territoires canadiens, de 2008 à 2014

Source : Adapté de Institut de la statistique du Québec. (8 février 2016). « Les nances publiques », p. 70.
160 CHAPITRE 6

choisi de se doter de programmes sociaux uniques des centres hospitaliers universitaires, réseaux
au Canada et en Amérique du Nord (par exemple, d’égout et d’aqueduc, ponts et routes, etc.) et des
les centres de la petite enfance) et d’infrastructures services sociaux (santé, CPE, organismes commu-
(par exemple, Télé-Québec) qui expliquent son haut nautaires, etc.) de qualité et accessibles à tous. Selon
niveau d’endettement. Les frais annuels découlant eux, à trop vouloir assainir les nances publiques
de ces dettes occupaient 10,5 % des dépenses du par des coupures de dépenses, on risque de précipi-
gouvernement du Québec en 2015-2016 (voir la ter l’économie du Québec en récession.
gure 6.9 à la page 153). Certains croient que cela a
atteint un niveau contre-productif et qu’on devrait Encore une fois, avec le débat, on peut suppo-
mettre un frein à cette croissance de l’endettement ser qu’émergent les décisions les plus judicieuses :
public. De même, les Québécois semblent réticents revoir les dépenses publiques et maintenir celles qui
à supporter les impôts qui vont avec ces choix nous apparaissent les plus justiées, notamment
sociaux. D’un autre côté, d’autres défendent un cer- celles pour des programmes sociaux de qualité qui
tain maintien de l’endettement public permettant contribuent à la force de la société québécoise dans
de maintenir des infrastructures (reconstruction l’environnement compétitif de l’Amérique du Nord.

Grands courants de la pensée économique


Pour ou contre l’état ?
Lorsque le régime impérial était le régime des débuts de l’industrialisation par maximisation du bien-être de la popu-
politique dominant sur la planète, il n’était lesquelles se détérioraient les condi- lation. Pour lui, comme pour Alfred
pas inapproprié d’associer l’État aux tions de vie de la population, il se déve- Marshall (1842-1924) et les autres
empereurs, auxquels tout appartenait. loppa un courant révolutionnaire qui économistes de l’école néoclassique, le
Depuis l’avènement des nations, les gou- exigeait de l’État une intervention rôle de l’État était limité et ne dépassait
vernements en place, plus ou moins beaucoup plus musclée : Karl Marx guère celui que voulaient lui voir jouer
démocratiques selon le cas, ont pour (1818-1883) réclama rien de moins les tenants de l’école classique.
fonction de gérer les institutions qui que l’abolition complète de la propriété
appartiennent à l’ensemble de la collecti- privée pour éliminer la tendance natu- Durant la première moitié du xxe siècle,
vité. La théorie économique du bien public relle des capitalistes à exploiter les tra- les travaux révolutionnaires de John
regorge de millions de pages qui font état vailleurs et à engendrer des crises. Des Maynard Keynes (1883-1946) et de
de vifs débats sur le rôle qu’on voudrait lui critiques moins radicaux comme Robert ses disciples, les keynésiens, rent la
voir jouer dans la vie économique d’une Owen (1771-1858) prônèrent davan- démonstration qu’une économie libé-
nation. Selon les époques, cependant, des tage des solutions de rechange, telles rale pouvait connaître des périodes
courants idéologiques dominent. des lois permettant la création de prolongées de sous-emploi et de
coopératives et de syndicats. crises. Dans ce contexte, il n’y avait
D’après les théoriciens classiques des que l’État pour sortir l’économie de ces
xviiie et xixe siècles, dont Adam Smith Devant ces critiques, les tenants de la périodes de marasme aux consé-
(1723-1790), David Ricardo (1772- théorie libérale afnèrent leurs argu- quences désastreuses. Ce n’est cepen-
1823) et John Stuart Mill (1806-1873), ments en ajoutant l’outil mathématique dant qu’après la Seconde Guerre
l’intervention de l’État dans le jeu éco- à leurs démonstrations ; c’est ce que mondiale que l’on mit en pratique les
nomique devait être limitée et consister l’on appela « le courant néoclassique ». idées de Keynes et que le rôle de l’État
essentiellement à offrir des biens L’économiste français Léon Walras prit de l’ampleur. Les crises pétrolières
publics indispensables ou à corriger (1834-1910) développa, à l’aide d’ou- des années 1970 mirent brusquement
certaines imperfections du marché tils mathématiques, la théorie de l’équi- n à cette tendance, les difcultés éco-
(notamment les monopoles). libre général, démontrant que, sans nomiques liées à l’explosion des coûts
l’intervention de l’État, les forces du de l’énergie faisant renaître le courant
En réaction à cette idéologie libérale et marché libre conduisaient à un équi- de la théorie libérale, que l’on rebaptisa
surtout pour dénoncer les injustices libre général de l’économie et à la « néolibéralisme ».
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 161

En un clin d’œil

Structure Objectifs
Caractéristiques • Gestion efcace des ressources.
fondamentales d’un • Répartition adéquate des revenus
système économique. et de la richesse.
Niveaux
d’intervention
Conjoncture
Caractéristiques particulières Objectif
d’un système économique au Stabilité des échanges.
cours d’une période donnée.

État
Lois

Services sociaux universels


Services de santé, éducation, etc.
Mesures
structurelles
Programmes de transfert
Aide sociale, assurance-emploi, péréquation, etc.

Nationalisation
Remplacement de l’entreprise privée par l’État dans un secteur d’activité.

Expansionniste
En période de ralentissement ou de récession.

Orientation

Restrictive
En période de croissance.
Politique
budgétaire
conjoncturelle
Mesures discrétionnaires
Mesures que l’État prend pour inuer sur l’évolution
de l’activité économique.

Instruments
Stabilisateurs automatiques
Mesures qui changent automatiquement selon la performance
de l’économie et qui ont pour effet de la stabiliser.
162 CHAPITRE 6

Fiscalité
Les impôts et taxes des gouvernements

Contraintes
budgétaires
Dépenses
Dépenses des programmes gouvernementaux
et service de la dette.

Décit budgétaire
Excédent des dépenses globales sur
les revenus globaux de l’État.
Avantage
Décits et Amélioration structurelle et conjoncturelle
dette publique de l’économie.
Dette publique
Somme totale des engagements
nanciers de l’État envers
ses créanciers. Inconvénients
• Effet d’éviction : diminution possible
des dépenses de consommation et
d’investissement.
• Problèmes d’équité intergénérationnelle.

Orientation budgétaire générale d’un


Austérité gouvernement vers l’équilibre budgétaire.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 163

Testez vos connaissances


À partir des données de la gure 6.4 (voir la
Questions de révision 13
page 150), peut-on dire que le poids de l’État a ten-
dance à diminuer ou à augmenter au Canada
1 Quelle est la diérence formelle entre l’État et le
depuis quelques années ? Comment le Canada se
gouvernement ?
compare-t-il aux autres régions représentées ?
2 Quelle est la diérence entre une intervention de 14 À partir des données de la gure 6.12 (voir la
l’État de nature structurelle et une intervention
page 156) concernant la dette du gouvernement
de l’État de nature conjoncturelle ?
fédéral, répondez aux questions suivantes.
3 Outre la politique budgétaire, quelles sont les a) À partir de quel moment la dette, en valeur abso-
quatre autres principales mesures de la politique lue, du gouvernement fédéral a-t-elle commencé
économique ? à croître de nouveau ?
4 Quel est l’objectif d’une politique budgé- b) Calculez le décit budgétaire pour l’exercice
taire restrictive ? d’une politique budgétaire nancier 2013-2014.
expansionniste ?
c) La situation nancière du gouvernement fédé-
5 Quels sont les deux types d’instrument de la poli- ral s’est-elle améliorée ou détériorée durant cette
tique budgétaire ? période ? Justiez votre réponse.
6 Comment dénit-on un régime d’imposition e- 15 Les données ci-après, en milliards de dollars,
cace ? un régime d’imposition équitable ? portent sur les revenus et les dépenses du gouver-
7 Quels sont, en général, les deux principaux postes nement fédéral du Canada en 2013-20145.
de dépenses et de revenus du gouvernement fédé- – Prestations aux aînés : 41,8
ral ? du gouvernement du Québec ? – Prestations d’assurance-emploi : 17,3
8 Quelle diérence y a-t-il entre le décit budgétaire – Prestations pour enfants : 13,1
et la dette publique ? – Impôt sur le revenu des particuliers : 130,8
9 Dites quels sont les aspects positifs et négatifs de – Impôt sur le revenu des sociétés : 36,6
la dette publique.
– Frais de la dette : 28,2
10 Expliquez pourquoi la dette publique a potentielle-
– Principaux transferts aux provinces, territoires et
ment un eet d’éviction. villes : 60,5
– Taxes et droits d’accise (TPS, droits de douane,
etc.) : 46,1
Questions d’application – Cotisations d’assurance-emploi : 21,8
11 Quel serait l’eet nal d’une politique budgétaire qui – Autres revenus : 36,4
prévoirait à la fois une augmentation des paiements – Charges de programmes directes : 115,9
de transfert (pensions de vieillesse, aide sociale, etc.) a) Calculez le solde budgétaire du Canada en
et une hausse des impôts ? 2013-2014.
12 En suivant les régimes d’impôt provincial et fédé- b) Calculer le montant de la dette en 2013-2014
ral sur le revenu des contribuables pour l’année si elle était de 606,8 milliards de dollars en
2015 (voir le tableau 6.2 à la page 150), et en tenant 2012-2013.
compte des exemptions de base (qui sont respecti- c) Calculez le poids de la dette du Canada en 2013-
vement de 11 425 $ et de 11 327 $), déterminez le 2014, sachant que le PIB est de 1 893,8 milliards
montant en impôt que devra payer un contribuable de dollars.
québécois dont le revenu annuel est de 85 000 $.

5. Ministère des nances du Canada. (6 octobre 2014). « Rapport nancier annuel du gouvernement du Canada, Exercice 2013-1014 ».
164 CHAPITRE 6

16 « Si le Parti libéral du Canada prend le pouvoir toujours une lourde dette publique équivalant à plus
à Ottawa, les Québécois qui gagnent plus de de deux fois (226 %) la taille de l’économie7. »
200 000 $ verront leur taux d’impôt marginal a) En lisant ce texte, quelle politique budgétaire peut-
grimper à 53 %, au-dessus du seuil “psychologique” on supposer que le Japon a utilisé depuis 1997 ?
de 50 %. Est-il si grave de dépasser le fameux b) Expliquez et représentez graphiquement les
seuil de 50 % d’impôt ? Pourquoi pas 51 %, 52 % eets réels de la politique budgétaire du Japon
ou davantage ? À 53 % au Canada, on serait loin du sur son économie globale.
75 % [sic] de la France. Les contribuables feraient-ils
leurs bagages ? Pas nécessairement. Mais plusieurs c) Lisez l’article « Japon : quand le premier ministre
risquent de redoubler d’imagination pour réduire joue au golf pour relancer l’économie », et dites
leur fardeau scal. Les comptables et les scalistes quelle politique économique le premier ministre
ne manquent pas d’imagination6. » À quelle théorie du Japon a suggérée aux grands de l’indus-
ce texte fait-il référence ? Justiez votre réponse. trie nippone.
17 L’économie du Burdistan a connu des dicultés d) Selon vous, pourquoi le premier ministre
au cours de l’année qui vient de s’écouler. Le PIB Japonais a pris cette initiative ?
réel a diminué pour le sixième trimestre consécu- 19 Quand il est question des orientations budgétaires
tif, tandis que le taux de chômage a gagné deux d’un gouvernement dans l’actualité, il arrive fré-
points, pour s’établir à 11,5 %. Ce ralentissement quemment qu’on l’associe avec l’austérité.
n’a pas été susant pour freiner la hausse des prix, a) Qu’est-ce qu’une politique d’austérité ?
alors que le taux d’ination se maintenait à 5,4 %.
Pendant ce temps, les autorités gouvernementales b) Quel est son l’objectif ?
devaient faire face à une lourde dette, puisque c) Pourquoi certains décideurs politiques pensent-
celle-ci a atteint 82 % du PIB du pays au cours de ils que des mesures d’austérité peuvent pré-
l’année qui vient de s’écouler. cipiter le Québec en récession ? Justiez
a) Quelle politique budgétaire pourriez-vous sug- votre réponse à l’aide du modèle de l’ore et
gérer au gouvernement du Burdistan ? la demande.
b) Expliquez et représentez graphiquement les d) À votre avis, le Québec vit-il à l’heure de l’austérité ?
eets que devrait avoir votre suggestion de
politique budgétaire sur l’économie globale du
Burdistan. Question d’intégration
c) À quelles dicultés les autorités gouvernemen-
tales devraient-elles s’attendre lors de l’application Le chapitre 6 présente les grands éléments de la poli-
de votre politique économique ? tique budgétaire d’un gouvernement pouvant inuer
sur l’évolution de l’économie globale réelle. Au cha-
d) Quels outils de la politique économique struc-
pitre 1, nous avons vu qu’au cours des deux derniers
turelle pourraient appuyer votre politique
siècles diérents courants de pensée ont préconisé des
budgétaire et en accroître l’ecacité ?
orientations originales à donner à la vie économique
18 « Le pays se relève péniblement de sa sixième réces- d’une société. En passant en revue ces courants de
sion depuis 1997. La consommation des ménages est pensée, imaginez ce qu’ils pouvaient suggérer de faire
en panne. Et si la déation menace de revenir dans avec la politique budgétaire d’un pays (imaginez les
le paysage après un dur combat de 10 ans pour l’éloi- mesures concrètes qu’auraient suggérés les classiques,
gner, le Japon et sa population vieillissante portent les marxistes, les keynésiens, les néolibéraux).

6. Grammond, Stéphanie. (9 mai 2015). « Le fameux seuil “psychologique” de 50 % d’impôt », La Presse.ca.


7. Dupaul, Richard. (23 février 2015). « Japon : quand le premier ministre joue au golf pour relancer l’économie », La Presse.ca.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 165

Laboratoire informatique
1 An de connaître les plus récentes données sur c) Quelle est la source des dépenses qui a connu la
l’état des nances du gouvernement fédéral, plus forte augmentation ? Aide : voir la dernière
consultez le site du ministère des Finances du colonne du tableau portant sur les charges.
Canada. Une fois sur le site, cliquez sur le lien
« Publications et rapports » situé en haut de l’écran, 2 Toujours dans le site du ministère des Finances
puis choisissez « La revue nancière » et « Les résul- du Canada, consultez « Les résultats nanciers [du
tats nanciers [du mois de l’année la plus récente] ». mois de l’année la plus récente] », voir au numéro 1
Enn, déplacez le curseur vers le bas pour obtenir la marche à suivre pour y accéder.
les tableaux relatifs aux résultats nanciers du a) Mettez à jour les données des gures 6.8 et 6.10
gouvernement fédéral. aux pages 152-153.
a) Commentez le solde budgétaire du gouver- b) Notez-vous des changements dans les don-
nement du Canada pour l’exercice nancier nées relatives aux divers postes de revenus de
en cours. dépenses ?
b) Quelle est la source de revenu qui a connu la
plus forte augmentation ? Aide : voir la dernière
colonne du tableau portant sur les revenus.
MONNAIE
CHAPITRE
7 ET POLITIQUE
MONÉTAIRE

7.1 Qu’est-ce que la monnaie ? .................................. 168


7.2 Système nancier canadien ................................. 172
7.3 Politique monétaire canadienne.......................... 176
En un clin d’œil ........................................................ 187
Testez vos connaissances .................................... 188
Laboratoire informatique ...................................... 189
Appendice mathématique ..................................... 190

« L’ination est partout et toujours


un phénomène monétaire ».
Milton Friedman (1912-2006), économiste américain,
Prix Nobel d’économie en 1976
OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• reconnaître le rôle de la monnaie dans la vie économique ;
• identier les rôles de la Banque du Canada et des
établissements nanciers ;
• expliquer les effets d’une politique monétaire sur l’économie.

u’est-ce qui fait à la fois courir et râler tout le monde ? Beaucoup de réponses

Q sont sans doute possibles, mais s’il en est une qui fait l’unanimité, c’est
bien l’argent ! Dès l’enfance, on apprend qu’il faut de l’argent pour se
procurer les gâteries ou les jouets que l’on convoite. On imagine alors
ses parents comme une banque inépuisable dont on peut obtenir de l’argent
en usant de charme ou de pleurs. Plus tard, cependant, on comprend qu’il faut
normalement travailler fort pour en gagner.
L’argent, on l’aura vite compris, est une chose rare, tout comme les biens et
les ressources. Mais à quoi sert-il exactement ? Essayons d’imaginer un monde
où il n’y en aurait pas. Que se passerait-il ? Eh bien, nous n’aurions d’autre
possibilité que de produire nous-mêmes ce dont nous avons besoin, c’est-à-dire
être autosufsants, ou d’échanger le fruit de notre production contre celui des
autres, ce qu’on appelle « faire du troc ». Pour les nostalgiques de la société
artisanale ou les apôtres de la simplicité volontaire, ce type de société doit
sembler bien attrayant. Toutefois, le problème de l’autosufsance ou du troc,
c’est qu’ils réduisent considérablement l’efcacité : l’absence de spécialisation
des travailleurs ou même une spécialisation limitée comportent un coût d’option
qui se traduit par une disponibilité globale moindre de biens et de services. En
fait, même pour les adeptes de la simplicité volontaire, l’efcacité que permet
l’argent présente un avantage : cela laisse plus de temps pour les activités
d’épanouissement humain.
Dans ce chapitre, nous nous pencherons d’abord sur la monnaie et son utilité,
puis nous décrirons le fonctionnement du système bancaire canadien. Par la
suite, nous verrons comment l’État, par des politiques monétaires, peut encore
agir sur l’économie.
168 CHAPITRE 7

7.1 Qu’est-ce que La monnaie duciaire


La monnaie duciaire est la forme de monnaie
la monnaie ? connue de tous, celle à laquelle on pense spon-
La monnaie (terme que l’on utilise en science éco- tanément lorsqu’on parle de monnaie. Elle est
nomique pour parler de l’argent) est un outil que composée des pièces et des billets de banque en
les humains ont inventé pour faciliter les échanges. circulation et repose entièrement sur la conance
Il peut s’agir d’un bien existant ou fabriqué, pourvu des utilisateurs, sa valeur intrinsèque ne corres-
qu’il soit : pondant aucunement à sa valeur nominale (valeur
inscrite sur le billet ou la pièce). Le métal contenu
● accepté de tous ; dans une pièce de un dollar, par exemple, vaut en
● indestructible lors de son utilisation ; eet beaucoup moins qu’un dollar. Auparavant,
les billets de banque et les pièces en circulation
● relativement rare ; au Canada (aussi appelés « le numéraire ») étaient
● divisible. convertibles, c’est-à-dire que les banques qui les

Au cours de l’histoire, toutes sortes de monnaies


ont été utilisées. Il y eut d’abord les biens tangibles : En 2011, la Banque du Canada a introduit les billets de banque
pierres précieuses, denrées non périssables, coquil- en polymère, pour des raisons de sécurité et pour accroître leur
durée de vie, qui auparavant allait de 1 à 9 ans selon les coupures
lages, etc. Par la suite apparurent les premières (les billets de 100 $ durant plus longtemps que ceux de 5 $).
formes de la monnaie que l’on connaît aujourd’hui : Les billets en polymère dureront deux fois
des papiers signés par des autorités reconnues. et demie plus longtemps.

Au Canada, on utilisa d’abord des fourrures ou des


cartes à jouer comme instrument d’échange, puis
les premiers billets de banque furent créés par les
banques privées à partir de 1817. La abilité de
ces billets était toutefois soumise aux aléas des
aaires de ces banques, en plus de subir les hauts
et les bas d’une économie
Le dollar canadien : en construction. Il fallut
une perspective attendre 1866 pour voir les
historique (Banque
premiers billets de banque
du Canada)
émis par le gouvernement
du Canada, des billets à cours légal, garantis par
des réserves d’or. Ce dollar canadien naissant n’em-
pêchait pas les banques privées d’émettre leurs
propres billets, ce qu’elles rent jusqu’en 1935,
année où fut constituée la Banque du Canada.
Bien que la monnaie canadienne actuelle satis-
fasse aux quatre critères mentionnés ci-dessus,
nous verrons qu’il faut exercer une étroite surveil-
lance pour qu’il en demeure ainsi.

Monnaie Outil inventé par les humains pour faciliter


7.1.1 Les formes de monnaie les échanges.
Comme nous allons le voir, il existe essentiellement Monnaie duciaire Monnaie dont la valeur repose
deux formes de monnaie : la monnaie duciaire et entièrement sur la conance des utilisateurs.
la monnaie scripturale.
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 169

émettaient s’engageaient à les convertir en métal Une réserve de valeur


précieux sur demande. Les banques privées ne La monnaie sert de réserve de valeur, autrement
pouvaient en eet faire autrement que d’orir dit de moyen d’épargne. C’est sans conteste la meil-
une telle garantie si elles voulaient que les clients leure façon que nous ayons trouvée d’étaler notre
aient susamment conance en leurs billets pour consommation dans le temps. À l’époque où l’activité
les garder en leur possession. économique reposait principalement sur la produc-
Le système international de l’étalon or prit n en tion agricole, il était fort dicile d’accumuler de la
1947 avec la signature des accords de Bretton Woods. richesse en vue de la retraite, puisqu’on ne disposait
alors que de denrées périssables ! Grâce à la monnaie,
La monnaie scripturale il est possible d’accumuler de la valeur pour l’utiliser
La monnaie scripturale est la monnaie qui plus tard. Bien sûr, la monnaie n’est pas le seul moyen
existe sous forme d’écritures dans les établisse- d’accroître son actif (on pourrait posséder des ter-
ments nanciers. Évidemment, ce ne sont pas rains ou des actions, par exemple), mais elle demeure
toutes les écritures qui font oce de monnaie, le moyen le plus commode de le faire.
mais seulement celles qui nous servent à eec- Une unité de compte
tuer nos transactions, c’est-à-dire les dépôts.
La monnaie sert aussi à mesurer la valeur relative
Cette forme de monnaie ne nécessite aucun
des biens et des services ; c’est pourquoi on dit
support matériel, si ce n’est le papier qui sert à
qu’elle est une unité de compte. On le sait, c’est par
l’impression des chiers informatiques faisant
les valeurs monétaires que l’on parvient à estimer
état des écritures comptables eectuées par
la valeur de la production d’un pays. La monnaie
l’établissement nancier.
permet aussi de comparer la valeur de plusieurs
Avant l’avènement de l’électronique, la trans- biens ou de plusieurs services. Dans une écono-
parence et la crédibilité du système nancier mie de marché comme la nôtre, c’est donc le mar-
exigeaient que ces jeux d’écritures soient rappor- ché, parfait ou imparfait, qui détermine la valeur
tés dans des reçus et des rapports comptables. monétaire des biens et des services, du travail (le
C’est encore le cas aujourd’hui, mais ces rapports salaire) et des capitaux (les taux d’intérêt). Cette
sont conservés dans des mémoires d’ordinateurs fonction qui consiste à attribuer une valeur aux
et transmis par voie électronique. biens et aux personnes est parfois fortement criti-
quée, mais c’est encore la moins mauvaise que l’on
Même si la forme de monnaie à laquelle on pense ait trouvée ; d’autant plus que les avantages qu’elle
le plus souvent est le « liquide » que l’on transporte présente surpassent largement ses inconvénients.
sur soi, c’est la monnaie scripturale que l’on uti-
lise le plus de nos jours pour eectuer des tran-
sactions, surtout les plus importantes. En eet, la
7.1.3 Les indicateurs de la monnaie
grande majorité des dépenses que l’on fait au cours Nous avons vu que la monnaie canadienne,
d’une année sont payées par des moyens électro- comme celle de tous les pays, d’ailleurs, prend
niques. Notons en passant que les cartes de débit la forme de pièces et de billets de banque, mais
et de crédit ne sont pas de la monnaie, mais surtout de dépôts divers dans les établissements
plutôt des instruments permettant de transiger nanciers, et qu’elle sert non seulement à eectuer
la monnaie. des transactions, mais aussi à évaluer le produit de
l’activité humaine et à entreposer de la valeur. Il
7.1.2 L’utilité de la monnaie est important de ne pas tenir pour acquis cet ingé-
nieux système, car on risquerait de le fragiliser.
Bien sûr, la monnaie a une fonction d’échange,
comme nous venons de le voir. Cependant, elle
possède encore deux grandes utilités dans le sys- Monnaie scripturale Monnaie qui existe sous forme
tème économique complexe qui est le nôtre : elle d’écritures dans les établissements nanciers.
sert de réserve de valeur et d’unité de compte.
170 CHAPITRE 7

Il peut sembler facile, à première vue, de mesurer la TABLEAU 7.1 Offre de monnaie au Canada : les
quantité de monnaie présente à un moment donné dénitions les plus courantes, mars 2015
dans l’économie. En eet, si on suit la démarche pré- Moyenne
sentée au chapitre 3 au sujet du PIB, on n’aurait qu’à Dénitions annuelle
(en millions de $)
mesurer la valeur totale des pièces et des billets en
circulation (chose facile, puisqu’ils passent par les Monnaie hors banque 70 105
établissements nanciers) et à ajouter la valeur des Dépôts des particuliers transférables
233 554
par chèque
dépôts dans ces mêmes établissements. En réalité,
cependant, étant donné la multiplication des titres Dépôts des particuliers non transférables
277 164
par chèque
nanciers et des entreprises reliées de près ou de loin
au marché monétaire, il devient même dicile de Dépôts des particuliers à terme xe 311 418

trouver une dénition satisfaisante de la monnaie, Dépôts à vue et à préavis autres que ceux
388 633
des particuliers transférables par chèque
c’est-à-dire de déterminer ce qu’on devrait compter
comme faisant partie de la masse monétaire. Dépôts à vue et à préavis autres que
ceux des particuliers non transférables 40 180
par chèque
À l’heure actuelle, les autorités canadiennes
retiennent un grand nombre de dénitions de la Ajustements –2 621
monnaie, selon les titres nanciers qu’on y inclut. Total M2 (brut) 1 315 245
Pour les ns de cet ouvrage, nous en avons retenu Total M2 (brut) 1 315 245
deux : M2 (brut) et M2+ (brut), dont nous retrou-
Dépôts des sociétés de ducie
vons les composantes au tableau 7.1. La dénition ou de prêt hypothécaire
25 104
la plus étroite de la monnaie est donc celle qui com-
Caisses populaires et
prend les formes de monnaie les plus utilisées dans 268 269
coopératives d’épargne et de crédit
la vie courante, c’est-à-dire la monnaie duciaire Compagnies d’assurance vie
41 548
(le numéraire hors banque) et les dépôts à vue, (rentes individuelles)
dépôts à partir desquels on peut généralement Dépôts des particuliers aux caisses
12 613
eectuer des retraits sans préavis. d’épargne publiques
Fonds communs de placements
Sa dénition la plus large, M2+ (brut), comprend 21 925
du marché monétaire
la valeur de la monnaie accumulée sous forme de
Ajustements 3 399
dépôts divers dans toutes sortes d’établissements
Total M2+ (brut) 1 688 102
nanciers et du numéraire hors banque. M2+ s’éle-
vait à près de 1700 milliards de dollars au mois de Note : Les données du tableau étant désaisonnalisées, les totaux peuvent différer.
mars 2015. Or, cette même année, le PIB nominal du Source : Données tirées de Banque du Canada. (12 juin 2015). «Bulletin hebdoma­
daire de statistiques nancières», p. 11­12.
Canada devrait s’approcher des 2000 milliards de
dollars. La valeur des transactions nales annuelles avec cette réserve de valeur. Malgré tout, la déni-
dépasse donc la valeur totale de la monnaie pré- tion la plus couramment utilisée pour mesurer la
sente dans l’économie. On en déduit alors que la valeur de la monnaie présente dans l’économie est
même monnaie peut servir à eectuer plus d’une M2 (brut). Selon cette dénition, il y avait plus de
transaction au cours d’une année ; c’est pourquoi 1300 milliards de dollars accumulés dans l’écono-
on dit que la monnaie circule (alors que l’écono- mie en 2015 sous forme de pièces et de billets, ou
mie roule !). Évidemment, ce ne sont pas toutes les de dépôts relativement « liquides ».
valeurs monétaires qui circulent au même rythme.
Les dépôts à terme, comme leur nom l’indique, Dépôt à vue Dépôt à partir duquel on peut générale­
peuvent être retirés sans pénalité seulement à la ment effectuer des retraits sans préavis.
n du terme prévu, qui s’échelonne parfois sur Dépôt à terme Dépôt pouvant être retiré sans péna­
plus d’une année, ce qui limite considérablement lité seulement à la n du terme prévu.
le nombre de transactions pouvant être eectuées
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 171

7.1.4 La monnaie et au chapitre 6, les grandes entreprises et les gouver-


les produits nanciers nements nancent leur développement par l’émis-
sion d’obligations qui ne sont rien d’autre que des
On attribue souvent à la monnaie un caractère
contrats d’emprunt particuliers. Les entreprises
occulte ou abstrait ainsi qu’une grande complexité,
nancières ont depuis longtemps développé les
mais il s’agit en fait du plus simple des produits
options, des sous-produits de ces premiers pro-
nanciers. La monnaie ne représente eective-
duits nanciers, pour se prémunir des risques ou
ment qu’un élément parmi la vaste gamme de pro-
des variations de prix. Par exemple, il existe des
duits nanciers développés au cours des siècles,
bourses de produits de base (produits agricoles,
qui peuvent se dénir comme des contrats négo-
matières premières) qui permettent d’acheter à un
ciés entre des agents économiques volontaires
prix xé à l’avance des denrées de toutes sortes.
pour favoriser la bonne gestion des ressources. À
Comme on peut le constater, ces produits moné-
notre époque, ces contrats ne sont plus seulement
taires et nanciers sont très variés et sont devenus
basés sur la conance et la bonne foi des parties,
indispensables au développement des multiples
mais prennent place dans un contexte juridique
activités économiques.
qui assure leur validité ou leur solidité.
On considère généralement que la monnaie
Par exemple, un travailleur reçoit de la monnaie
constitue la forme la plus exible de tous ces
(qui est souvent directement déposée à la banque)
produits nanciers, à la portée de tous les agents
en reconnaissance des eorts fournis. Une famille
économiques.
qui veut posséder une maison contracte une
hypothèque avec une institution nancière auto-
risée. Pour se prémunir contre le feu ou le vol, on 7.1.5 La création de la monnaie
fait aaire avec une entreprise d’assurances qui Abordons maintenant un aspect plus abstrait de la
assumera le risque. Si un épargnant désire faire réalité monétaire, mais essentiel à la compréhen-
fructier ses épargnes en investissant dans la pro- sion du rôle que joue la monnaie dans la vie éco-
duction de biens ou de services, il se procurera des nomique d’aujourd’hui : la création de la monnaie.
actions d’une entreprise. Comme nous l’avons vu Bien sûr, il est facile de comprendre comment on
crée la monnaie duciaire (des pièces et des bil-
On imagine souvent que le pouvoir de créer la monnaie relève
de la fameuse « planche à billets » des banques centrales. En
lets), mais qu’en est-il de la monnaie scripturale ?
réalité, il dépend bien davantage de l’activité des banques qui ont Nous vous surprendrons peut-être : ce n’est pas
la capacité de créer de l’argent à partir de références comptables par la monnaie duciaire que l’on crée la monnaie
et juridiques qui reposent sur des activités économiques réelles.
scripturale, mais plutôt le contraire. Il faut d’abord
créer de la monnaie scripturale, c’est-à-dire des
dépôts dans les établissements nanciers, dont
une partie est convertie en pièces et en billets. Et la
monnaie scripturale se crée… tout simplement par
les prêts du secteur nancier, qui nissent invaria-
blement par retourner dans le système nancier
sous la forme de dépôts.
Obtenir l’autorisation d’exploiter une entreprise
du secteur nancier signie en fait obtenir le
pouvoir de créer de la monnaie. À partir des prêts
accordés aux agents économiques et des transac-
tions qui en découlent, les établissements nan-
ciers constituent des réserves excédentaires qu’ils
peuvent prêter, ce qui donne lieu à de nouvelles
transactions, à de nouveaux dépôts, à de nouveaux
172 CHAPITRE 7

prêts, etc. (voir la gure 7.1). Ce processus pourrait monnaie qu’ils désirent détenir ou leur préférence
se répéter à l’inni, si ce n’était que les établisse- pour des actifs autres que nanciers, etc.
ments ne peuvent prêter la totalité du montant
initial en raison des réserves qu’ils maintiennent
pour parer aux éventuels retraits de la part des 7.2 Système nancier
épargnants, an de ne pas être à court de liquidi-
tés, car cela minerait la conance de leurs clients. canadien
La multiplication monétaire se fait donc de façon Comme la monnaie est composée très majoritaire-
inversement proportionnelle aux réserves déte- ment d’écritures qui possèdent un caractère intan-
nues, ce que l’on peut résumer par la formule
gible, tout repose sur la qualité de ces écritures (la
simple suivante :
solvabilité des transactions nancières et écono-
miques) et donc sur les acteurs du marché nan-
MM = 1 cier. Avec les années, comme dans de nombreux
R
secteurs de la vie économique, l’ore de produits
où R = taux de réserve des banques et autres éta- monétaires et nanciers s’est grandement diversi-
blissements de prêts ée. Pour ce marché également, on peut se deman-
der si l’ore de produits crée de nouveaux besoins
et MM1 = multiplicateur monétaire (voir l’ap- et donc une demande, ou si la diversication pro-
pendice mathématique à la page 190). vient des besoins exprimés par les agents écono-
Par exemple, à partir d’un prêt initial de 1000 $ miques. La réponse la plus probable pour résoudre
garanti par un actif réel (par exemple, un terrain, ce vieux dilemme serait que les deux segments du
une entreprise ou une maison), si on suppose que marché ont eu une inuence sur cette évolution.
les établissements prêteurs gardent des réserves Traditionnellement, pour des raisons de sécurité
équivalant à 5 % des dépôts reçus du public, la créa- du système, le secteur des services nanciers était
tion maximale de la monnaie s’élèverait à 20 000 $, cloisonné hermétiquement par une réglementa-
le montant initial étant multiplié par 20 ( 1 ). tion en quatre divisions bien étanches :
0,05
La création de la monnaie se fait au rythme de ● les banques à charte fédérale, qui agissent
l’activité économique. En n de compte, ce sont comme intermédiaires nanciers en recevant les
les agents économiques qui dictent la vitesse à dépôts et en eectuant des prêts ;
laquelle elle s’eectue, selon leur désir d’emprun-
ter ou de garder un montant plus ou moins élevé ● les sociétés d’assurance, qui assument des risques
en numéraire hors banque, selon la forme de contre rémunération ;
● les sociétés de ducie qui, comme leur nom l’in-
FIGURE 7.1 Création de la monnaie au rythme dique, sont les duciaires des sommes mises à
de l’activité économique leur disposition, c’est-à-dire qu’elles reçoivent le

Taux de réserve Pourcentage des dépôts que les


établissements nanciers détiennent sous forme
de réserves.
Multiplicateur monétaire Quantité de monnaie que
le système nancier peut créer à partir d’un dollar de
dépôt. De façon générale, il correspond au montant
du dépôt initial divisé par le taux de réserve.

1. Nous utilisons le symbole « MM » pour distinguer le multiplicateur monétaire du multiplicateur keynésien des dépenses des agents économiques dont nous avons
parlé au chapitre 5.
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 173

mandat de gérer des actifs nanciers au nom de TABLEAU 7.2 Total des actifs des six grandes banques
tierces personnes ; canadiennes et du Mouvement
des caisses Desjardins, 2015
● les courtiers en valeurs mobilières spéciali- Fournisseurs Actif
sés dans le marché des actions, des obliga- de services nanciers (en milliards de $)
tions et des autres produits nanciers (voir la
Banque TD 944,7
section 7.1.4).
RBC 940,5
À la suite des déréglementations entreprises
au cours des années 1980, un grand branle-bas Banque Scotia 805,7
s’est emparé de ce secteur, de sorte qu’une même BMO Groupe nancier 633,0
entreprise peut aujourd’hui orir des produits
Banque CIBC 439,2
nanciers dans l’une ou l’autre des divisions qui
existaient auparavant. Cela a donné lieu à la nais- Desjardins (Mouvement des caisses) 229,4
sance de géants nanciers ayant des actifs impres-
Banque Nationale du Canada 205,4
sionnants et à l’arrivée de nouveaux acteurs. Pour
donner une petite idée de la vitalité et de la diver- Source : Données tirées de Les Affaires.com. « Les 500 au Québec – Le
classement des plus importantes sociétés québécoises en 2015 ».
sité du secteur des services nanciers, voici le
décompte eectué par l’A ssociation des banquiers - les acceptations bancaires (billet d’emprunt
canadiens en 2015 : garanti par une banque),
● 6 grandes banques canadiennes ; - le papier commercial (billet d’emprunt
des grandes entreprises non garanti par
● plus de 80 banques canadiennes et étrangères dont
une banque),
la moitié orent des services au consommateur ;
- les dépôts des banques (certicat de place-
● 24 liales de banques étrangères ; ment garanti).
● 35 sociétés de ducie ; ● Les produits nanciers de long terme du marché
● 90 compagnies d’assurance-vie ; des capitaux :
- les obligations d’entreprise ou des gouverne-
● 900 coopératives de crédit et caisses populaires ; ments (titres d’emprunt portant un intérêt
● un éventail d’organismes nanciers relevant de xe – coupon – remboursés à échéance),
la réglementation fédérale ou provinciale (cour- - les actions des entreprises (titres de propriété
tiers en valeurs mobilières, sociétés de fonds dont on peut tirer un revenu, le dividende),
d’investissement, gestionnaires de régimes de - les produits nanciers dérivés d’autres produits
retraite, courtiers indépendants en nances, en nanciers (options de vente ou d’achat de ces
dépôts et en hypothèques). produits à prix déterminé dans un temps déter-
Le tableau 7.2 donne pour sa part un bref aperçu miné pour se prémunir contre le risque des
des actifs des grands acteurs de l’industrie des ser- variations de prix).
vices nanciers au Canada. Ces produits nanciers sont appelés « valeurs
Comme c’est le cas pour bien d’autres secteurs mobilières » par opposition au marché de l’immo-
de l’activité économique, ces acteurs du domaine bilier. Bien sûr, il existe une multitude d’autres
nancier orent des produits qui se sont diversi- produits nanciers comme les cartes de crédit à
és au cours des années. Ces derniers comprennent la consommation, les prêts hypothécaires à l’habi-
deux catégories. tation ou commerciaux (emprunts comportant
un immeuble en garantie), le crédit-bail (emprunt
● Les produits de court terme du marché monétaire : pour la location d’équipements), les assurances
- les bons du Trésor du gouvernement fédéral, contre les risques divers, etc.
174 CHAPITRE 7

En principe, les acteurs nanciers développent FIGURE 7.2 Offre et demande de monnaie
des produits qui favorisent le nancement de pro- de long terme
jets, encourageant ainsi le développement écono-
mique et social. Toutefois, le bouillonnement
d’activités dans le secteur des services nanciers
nous amène à nous demander si le pouvoir que
détiennent les grands groupes ainsi créés ne fra-
gilise pas l’édice monétaire. Ce dernier, on le
sait, repose essentiellement sur la conance des
gens envers les acteurs du domaine, et les scan-
dales survenus récemment aux États-Unis, où de
grands groupes industriels furent accusés d’avoir
traqué les états nanciers de leurs entreprises,
laissent redouter le pire.
Le développement de produits nanciers très
risqués fragilise aussi tout le système. On en a
eu un exemple à l’été 2007 avec la débâcle des
subprimes. Ces papiers commerciaux adossés à
des actifs (PCAA) ont créé une importante crise
de liquidités des systèmes nanciers à l’échelle pays sur une longue période (long terme). En fait,
mondiale et ont obligé les grandes banques cen- il n’existe pas seulement un taux d’intérêt, mais
trales à intervenir pour éviter de graves réper- plusieurs variant selon le type de produit nan-
cussions économiques négatives (voir la section cier ; on parle alors de la structure des taux d’inté-
de ce chapitre « Les interventions sur le marché rêt (voir le tableau 7.3). Lorsque les taux montent
monétaire » à la page 178). En eet, la faillite d’un ou descendent, chaque taux garde habituelle-
acteur géant du secteur se répercuterait probable- ment sa position par rapport aux autres dans
ment sur tous les aspects de la vie économique. cette structure.
D’où l’importance de mettre en place des méca-
On arme trop souvent à tort que c’est la banque
nismes de surveillance ecaces et continuels,
centrale qui xe les taux d’intérêt au pays. Le pou-
de façon à prévenir les dérapages. C’est le rôle de
voir de la banque centrale se résume à exercer une
tous les acteurs économiques d’eectuer cette
inuence indirecte, quoique déterminante, sur le
surveillance, mais plus particulièrement celui des
marché monétaire. On peut d’ailleurs lire ce qui
organismes mandatés pour le faire. Au Canada,
suit dans les documents que la Banque du Canada
l’encadrement des activités monétaires et nan-
rend accessibles au grand public pour bien faire
cières est assuré principalement par la Banque
comprendre le but fondamental de ses actions :
du Canada.
« Certains peuvent s’interroger sur la raison
7.2.1 Le marché de la monnaie pour laquelle la Banque du Canada ne peut
accroître ou diminuer à volonté l’ore de
Si la monnaie est un bien, il doit exister un mar-
monnaie, dans la mesure où elle règle l’ore
ché pour ce bien. Comme tous les autres marchés,
de papier-monnaie en circulation.
le marché de la monnaie comporte des oreurs
et des demandeurs de monnaie. Les oreurs de
monnaie sont les épargnants qui possèdent les dif-
Subprime Terme anglais qui s’oppose à prime rate
férents comptes bancaires, et les demandeurs, les (taux de premier rang que les banques offrent aux
personnes qui utilisent ces fonds, c’est-à-dire les meilleurs clients). Les subprime sont des taux plus éle-
emprunteurs (voir la gure 7.2). C’est ce marché vés consentis à des clients jugés à très grand risque.
fondamental qui détermine les taux d’intérêt au
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 175

TABLEAU 7.3 Structure des taux d’intérêt au Canada, centrale sur les marchés nanciers et à quels objec-
août 2015 tifs elle répond. Ces objectifs et les mesures prises
Taux annuel sont dénis dans la politique monétaire de la
Taux d’intérêt
(en %) Banque du Canada.
Taux d’escompte ofciel (taux cible du
0,75
nancement à un jour + 0,25 %)
Fourchette opérationnelle 7.2.2 Le rôle de la Banque du Canada
Bas (taux de rémunération des dépôts) 0,25
Haut (taux d’escompte ofciel) 0,75 Créée en 1935 par le gouvernement fédéral, la
Taux cible du nancement à un jour 0,50 Banque du Canada est l’organisme indépendant
Taux de base des prêts aux entreprises 2,70 chargé d’encadrer le système monétaire et nan-
Taux hypothécaires cier du pays. Comme la monnaie et ses dérivés rem-
1 an 2,89 plissent une fonction essentielle à la bonne marche
5 ans 4,64
de la vie économique, son rôle a une importance
Dépôts d’épargne non transférables par chèque 0,05
capitale. L’intervention de la Banque du Canada
Certicats de placement garantis
1 an 0,73
dans le système monétaire et nancier comporte
5 ans 1,50 quatre aspects.
Bons du Trésor
1 mois 0,37 ● Contrôle de la monnaie duciaire. La Banque est
1 an 0,41 responsable de l’émission des billets de banque
Rendements d’obligations canadiens. Elle voit à leur conception, à la dis-
du gouvernement canadien
2 ans 0,37 tribution des billets neufs ainsi qu’au remplace-
10 ans 1,31 ment des billets endommagés. Ses numéraires
À long terme 2,05
sont introduits dans le marché nancier par un
Source : Données tirées de Banque du Canada. (21 août 2015). « Bulletin système d’échange et d’écriture comptables :
hebdomadaire de statistiques nancières », p. 8.
les établissements nanciers autorisés achètent
à la banque centrale ces numéraires selon les
Si la Banque ne le peut pas, c’est que les billets besoins exprimés par leurs clients pour ce type
de banque qu’elle émet ne représentent qu’une de monnaie.
petite fraction de l’ensemble de la monnaie
circulant dans l’économie à un moment ● Encadrement du système nancier. La Banque
donné. […] Les banques commerciales et veille à l’application de la réglementation du
autres institutions nancières créent la plus
grande partie des actifs servant de monnaie La Banque du Canada est chargée d’encadrer le système
en octroyant des prêts aux particuliers et aux monétaire et nancier du pays.
entreprises. En ce sens, les institutions nan-
cières sont créatrices de monnaie.
La Banque du Canada règle indirectement le
taux d’expansion monétaire par l’inuence
qu’elle exerce sur les taux à court terme ou
par la fourniture de réserves aux grandes
institutions de dépôt. Toute variation de ces
taux d’intérêt à court terme aura tendance à
se répercuter sur d’autres taux d’intérêt [...]2. »
On peut alors se demander comment, dans les
faits, s’exerce cette inuence indirecte de la banque

2. Banque du Canada. (2012). « L’offre de monnaie », Documents d’information.


176 CHAPITRE 7

système nancier. Il lui revient aussi d’inciter le ou la pénurie de ressources dans le domaine de la
public à adopter des comportements favorisant santé. Selon la plupart des économistes, les auto-
le maintien d’un système nancier de qualité rités monétaires doivent privilégier l’objectif de
(voir la sous-section « La persuasion morale » à la stabilité des prix (ce qui revient à maintenir un
la page suivante). taux d’ination modéré), alors qu’il revient aux
autres composantes de l’appareil gouvernemental
● Financement de la dette de l’État. La Banque du de viser l’atteinte des autres objectifs économi-
Canada joue le rôle d’agent nancier de l’État ques cruciaux.
fédéral. À ce titre, elle procède à la vente et au
rachat des obligations et des bons du Trésor ser-
vant à nancer la dette fédérale. 7.3.1 La fourchette cible de maîtrise
de l’ination
● Application de la politique monétaire. En accord
avec le gouvernement fédéral et surtout avec le Contrairement à beaucoup d’autres pays du
ministère des Finances, la Banque voit à la mise monde, le Canada n’a pas connu un grand
nombre de périodes inationnistes au cours du
en œuvre des objectifs généraux touchant la
dernier siècle. Ce n’est à peu près qu’au milieu des
croissance de l’ore de monnaie au pays.
années 1970 et au début des années 1980 que le
Ce dernier rôle de la banque centrale relève de la taux d’ination est devenu préoccupant, ayant
politique économique et a donc une incidence sur atteint, à la suite des deux crises pétrolières
le fonctionnement de l’économie globale. mondiales, un niveau maximal frôlant les 12 %.
Et cela peut sembler bien dérisoire quand on
pense que d’autres pays ont connu des taux d’in-
7.3 Politique monétaire ation annuels ayant parfois atteint 10 000 % !
De telles ambées des prix ont un coût écono-
canadienne mique et social areusement lourd qu’il convient
Par sa politique monétaire, l’État canadien éta- de prévenir… à tout prix. Il a fallu au Canada
blit des grands principes d’orientation en ce qui presque deux décennies pour revenir à un taux
concerne le secteur monétaire et nancier de l’éco- d’ination plus modéré, comme celui que nous
nomie, et il a élaboré au l des ans des moyens connaissons au début du troisième millénaire.
pour atteindre ses objectifs. Car le cycle inationniste est dicile à stopper,
tant l’interdépendance des agents économiques
Dans le cadre de la politique économique du est forte, vu l’eet multiplicateur des dépenses et
gouvernement fédéral, la Banque du Canada s’est de la monnaie. En matière d’ination, mieux vaut
vu coner un rôle bien précis : veiller à la stabilité donc prévenir que guérir.
des prix et donc au maintien d’un taux d’ination
stable, objectif qui a préséance sur tous les autres Les limites de la fourchette cible de maîtrise de
aspects de la vie économique. Dans le contexte l’ination ont été xées à 1 % et à 3 % par année.
économique actuel, cela signie que, quels que On estime qu’un tel taux d’ination représente
soient les problèmes de l’économie canadienne, une croissance des prix susante pour insuer
la banque centrale maintiendra la rigueur moné- un dynamisme au développement économique
taire, car on considère la stabilité des prix comme tout en ne minant pas le pouvoir d’achat des
le gage de l’atteinte de tous les autres objectifs ménages. De plus, en s’engageant à garder le taux
économiques. d’ination dans la fourchette cible, les autorités
monétaires garantissent aux agents économiques
Cette orientation peut surprendre, surtout si on
pense à certains problèmes économiques qui appa-
raissent plus graves qu’un taux d’ination trop Fourchette cible Taux maximal et taux minimal
élevé, comme la pauvreté d’une grande partie de d’ination xés par la banque centrale.
la population, la dégradation de l’environnement
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 177

du pays une certaine stabilité à long terme, ce qui de très courtes périodes. En eet, il arrive que, dans
facilite la prise de décisions importantes ayant leurs activités quotidiennes, les grandes banques et
une incidence sur le niveau de vie. les autres acteurs du marché nancier soient tem-
porairement à découvert, ce que la loi leur interdit
7.3.2 Les instruments formellement. Donc, si, au cours d’une journée, une
de la politique monétaire banque a davantage de sorties que d’entrées de
fonds, elle doit absolument couvrir son découvert.
Pour exercer son contrôle sur la quantité de mon-
naie en circulation, la Banque du Canada a princi- Préférablement, elle empruntera, à très court terme
palement recours à trois instruments monétaires : et au taux cible de nancement à un jour, aux grands
la persuasion morale, le taux directeur et les inter- établissements nanciers qui ont des surplus de
ventions sur le marché monétaire. liquidités. Si elle n’arrive pas à le faire, elle pourra se
tourner vers la Banque du Canada, qui lui facturera
La persuasion morale le taux d’escompte, c’est-à-dire le taux de nance-
La Banque du Canada peut aussi faire en sorte que les ment à un jour plus 25 points de base (0,25 %) d’inté-
agents économiques adoptent des comportements rêt (voir la gure 7.3 à la page suivante). La banque
qui vont dans le sens de ses objectifs. En les informant centrale ore ce service à un taux plus élevé pour
et en les sensibilisant par des annonces régulières dissuader les acteurs nanciers d’y avoir recours. Le
dans les médias, la Banque inuence les anticipations taux de nancement à un jour est xé par la banque
des agents économiques ; or, on le sait, ce sont les centrale dans le but d’être le baromètre des taux
anticipations qui dictent les comportements. Pour la d’intérêt au pays : si elle le modie, la banque cen-
population, elle représente une source d’information trale espère que les acteurs nanciers modieront
de qualité sur la conjoncture économique. leurs propres taux dans la même direction.
Par exemple, lorsqu’elle annonce ses cibles de maî- Le taux directeur n’étant pas un taux adminis-
trise de l’ination, la Banque du Canada démontre tré, donc pas une obligation juridique, on peut
sa ferme intention de s’assurer de la stabilité des prix se demander pourquoi les grands établissements
au pays. Ayant pris connaissance des orientations de nanciers suivraient forcément les directives de
la Banque, les agents économiques s’attendent à un la Banque du Canada. Réponse : en raison, juste-
taux d’ination stable, ce qui favorise la stabilité des ment, de la concurrence oerte par la Banque du
politiques de prix des entreprises, des revendications Canada. Un grand établissement nancier n’au-
salariales des employés et des intentions d’achat de rait aucune raison d’acquitter auprès d’un autre
biens de consommation ou de biens d’équipement. établissement nancier un taux supérieur à celui
Les décisions des agents économiques devraient auquel il peut obtenir des fonds de la Banque du
donc aller dans le sens de la croissance économique Canada. De même, un établissement prêteur ne
et non privilégier le court terme en visant une pro- serait pas très enclin à consentir des prêts à un
tection maximale de nature inationniste. taux inférieur à celui versé par la banque centrale.
Dans les faits, donc, le taux de nancement à un
L’annonce d’un taux directeur jour devient la norme entre les grands établisse-
Huit fois par année, selon un calendrier annoncé ments nanciers.
d’avance, la Banque du Canada indique ce qu’elle
appelle un « taux directeur », c’est-à-dire un taux
qui reète la direction dans laquelle elle aimerait Taux cible du nancement à un jour Taux directeur,
voir évoluer les taux d’intérêt au pays. c’est-à-dire taux auquel les grands établissements
nanciers se prêtent des fonds pour une journée.
Taux directeur Taux d’escompte Taux consenti aux grands établis-
sements nanciers lorsqu’ils empruntent à la banque
Le taux directeur est égal au taux cible du nan- centrale. Ce taux correspond à 0,25 % de plus que le
cement à un jour, soit le taux auquel les grands taux cible du nancement à un jour.
établissements nanciers se prêtent des fonds pour
178 CHAPITRE 7

FIGURE 7.3 Fourchette opérationnelle quand le taux cible du nancement à un jour est xé à 0,50 %

Source : Adapté de Couture, Thérèse L. et Bélisle, Christian. (2015). « Le volet “banque” de la Banque du Canada », Revue de la Banque du Canada, p. 41.

Par la suite, le taux de nancement à un jour de caractéristiques selon leur échéance, leur prix,
devient généralement la référence pour tous les leur rendement, leur garantie, etc. Les obligations
autres taux du marché (voir le tableau 7.3 à la d’épargne du Canada sont un exemple de titre de
page 175). Quand une banque paie elle-même plus nancement à terme xe.
cher pour les avances dont elle a besoin, elle exige
davantage de ses clients. Et vice versa : lorsqu’elle Lorsque la Banque du Canada veut réduire la crois-
paie moins cher, parce que la Banque du Canada sance de l’ore de monnaie, elle vend davantage
a réduit son taux directeur, elle demande moins à de fonds d’État ; les établissements nanciers qui
ses clients. se les procurent ont alors moins d’argent à prê-
ter, ce qui réduit la quantité de monnaie pouvant
Les interventions sur le marché monétaire être créée et donc l’ore de monnaie. Inversement,
Pour exercer une inuence sur le marché monétaire lorsque la banque centrale veut favoriser la crois-
et nancier au pays, la Banque du Canada peut sance monétaire, elle rachète les fonds d’État au
eectuer des opérations sur le marché monétaire. À public, qui dépose les liquidités ainsi recouvrées
titre d’agent nancier de l’État, la Banque achète et dans les établissements nanciers ; ces derniers
vend au public des bons et des obligations, titres de ont alors plus de fonds à prêter, de sorte que l’ore
nancement à terme xe comportant une variété de monnaie augmente.

EXEMPLE 7.1 La hausse du taux directeur


Si la banque centrale de notre pays, la Banque du Canada, xe Taux d’intérêt Février Mars Avril
en mars son taux directeur à 3,25 % alors qu’il était à 2,75 %
en février, cela devrait se répercuter concrètement sur les Taux directeur 2,75 % 3,25 % 3,75 %
taux d’intérêt pratiqués par les banques privées au Canada, Taux des dépôts chèques 1,0 % 1,5 % 2,0 %
que ce soit pour les intérêts perçus par les déposants ou pour
ceux payés par les emprunteurs. Si cette majoration a un effet Rendement d’obligations du
5,0 % 5,5 % 6,0 %
de la même ampleur sur tous les autres taux, on obtiendra le gouvernement canadien 5 ans
résultat présenté dans le tableau ci-contre. Taux des prêts personnels 7,0 % 7,5 % 8,0 %
En théorie, la politique de la banque centrale a un effet direct Taux des prêts hypothécaires* 6,0 % 6,5 % 7,0 %
sur les taux pratiqués par les acteurs nanciers de l’économie.
Bons du Trésor 1 an 3,25 % 3,75 % 4,25 %
Dans la réalité, cet effet direct existe, mais n’est pas toujours
aussi exact que dans cet exemple. * Il pourrait s’agir d’un taux variable dont le taux correspond au taux
préférentiel (taux accordé aux clients les plus solvables), plus 1,25 %.
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 179

Les bons du Trésor, l’un des titres les plus transigés de monnaie doit diminuer. La Banque du Canada
sur une courte période, servent d’outil de gestion procédera alors à une « cession en pension », c’est-
de la politique monétaire courante et sont utilisés à-dire qu’elle orira aux membres du STPGV de
pour la gestion des liquidités de court terme par leur vendre des titres du gouvernement canadien
les grandes entreprises, les établissements nan- pour un rachat le jour suivant à un prix convenu
ciers, les organismes gestionnaires de régimes de d’avance. Cette action aura pour eet de retirer
retraite, etc. Ils ne portent pas d’intérêt, mais sont des liquidités du système monétaire à court terme,
vendus à escompte. ce qui devrait faire remonter le taux d’intérêt des
transactions monétaires de très court terme vers
Les interventions sur le marché la cible de la Banque du Canada (0,50 %). Inver-
du nancement à un jour sement, quand la Banque du Canada veut faire
Les interventions de la Banque du Canada ont un diminuer le taux cible de nancement à un jour,
impact important sur le marché de la monnaie à elle procédera à une « prise en pension », c’est-
court terme. Comme la Banque du Canada déter- à-dire qu’elle orira aux membres du STPGV de
mine le taux d’intérêt de référence de ce marché et leur acheter des titres du gouvernement canadien
qu’elle prend les moyens pour y arriver, on consi- en s’engageant à leur revendre le jour suivant à un
dère généralement que l’ore de monnaie de court prix convenu d’avance, pour injecter des liquidités
terme est parfaitement inélastique (droite verti- dans le marché et faire augmenter l’ore de mon-
cale) et déterminée par la banque centrale (voir la naie. De cette façon, la Banque du Canada exerce
gure 7.4). une inuence signicative sur le marché moné-
taire et sur les taux d’intérêt.
Comment la Banque du Canada arrive-t-elle à ses
ns ? Supposons qu’elle veuille faire remonter le Nous avons eu un bel exemple de la mise en
taux de nancement à un jour pratiqué par les œuvre de cette politique lors de la récession de
entreprises membres du système de transfert de 2007-2009. La Banque du Canada a alors procédé
paiements de grande valeur (STPGV), principale- à une injection massive de capitaux dans le sys-
ment les grandes banques. Pour y parvenir, l’ore tème nancier canadien par le moyen de l’achat
de titres du gouvernement canadien. Les prises en
pension à plus d’un jour, qui étaient inexistantes
ou presque avant 2008, se sont élevées à 30 mil-
FIGURE 7.4 Marché du nancement à un jour liards par semaine à la n de 2008 et au début de
2009 (voir la gure 7.5 à la page suivante), soit
la période où le recul économique était le plus
important. La banque centrale a entrepris des
actions concrètes pour atteindre son objectif de
taux d’intérêt bas dans le but d’arrêter le recul
économique et de favoriser la reprise.
Il est cependant évident, comme nous l’avons
mentionné précédemment, que cette influence
joue surtout sur le marché de court terme. À
plus long terme, ce sont les forces présentes dans
l’économie qui détermineront le niveau des taux
d’intérêt. Toutefois, ce pouvoir de la banque
centrale a pour effet d’atténuer les tourmentes
au sein d’un marché qui, sans son intervention,
pourrait connaître des dérapages majeurs dont
tout le monde souffrirait.
180 CHAPITRE 7

FIGURE 7.5 Évolution des prises en pension à plus d’un jour, Banque du Canada, janvier 2007 à juillet 2010

Source : Données tirées de Banque du Canada. (Septembre 2010). « Statistiques bancaires et nancières de la Banque du Canada ».

7.3.3 L’effet recherché ● une baisse du taux directeur, qui donnerait aux
de la politique monétaire agents économiques le signal d’un relâchement
des taux d’intérêt au pays et d’un meilleur accès
Comme nous l’avons mentionné précédemment,
au crédit ;
la Banque du Canada est tout entière tournée vers
l’objectif de la stabilité des prix et du maintien du ● le rachat de fonds d’État, qui aurait pour eet
taux d’ination dans la fourchette cible de 1 % à de laisser davantage de liquidités en circulation
3 % reconduite depuis quelques années. Cet objec- dans le système nancier ;
tif correspond à la situation économique relative-
ment stable que l’on connaît au Canada depuis un ● l’annonce d’une intention de relâcher l’étau moné-
certain temps, mais qui pourrait changer advenant taire et de permettre la baisse des taux d’intérêt.
des événements importants qui nous en feraient Ces outils permettent d’encourager la croissance
dévier. Cela ne veut pas dire cependant que la poli- de la demande de biens et de services. C’est ce que
tique monétaire n’est pas également au service représente la gure 7.6 (voir la page 182). D’une
d’autres objectifs économiques, particulièrement part, la croissance de l’ore de monnaie a pour
lorsque l’objectif de la stabilité des prix est atteint. résultat de pousser à la baisse les taux d’intérêt
Comme la politique budgétaire, la politique moné- (voir la gure 7.6a), baisse qui devrait favoriser
taire peut être expansionniste ou restrictive. la croissance de la demande globale (voir la
gure 7.6b). Tant que l’économie globale n’a pas
Une politique monétaire expansionniste atteint son niveau de plein-emploi, les eets sur
Lorsque le taux d’ination se maintient à un le taux d’ination devraient être modérés. D’autre
niveau stable, mais que la croissance économique part, comme nous le verrons au chapitre 9, la baisse
fait défaut, les autorités doivent favoriser la crois- des taux d’intérêt provoque aussi une dépréciation
sance de l’ore de monnaie et ainsi stimuler l’acti- de la monnaie par rapport à celle des autres pays,
vité économique. La Banque du Canada peut utiliser ce qui entraîne une hausse de la demande étran-
un ou plusieurs des outils suivants : gère pour les biens et les services nationaux, tout
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 181

Actualité économique
La Banque du Canada abaisse encore son taux directeur
Présumant que l’économie canadienne avant de jouer partiellement leur rôle Canada fera connaître les données à la
était en récession technique au pre- de courroie de transmission de la poli- n août seulement.
mier semestre, la Banque du Canada tique monétaire. Leur taux préférentiel
choisit d’abaisser son taux directeur se situe à 2,85 %. Il est convenu de parler de récession
une deuxième fois cette année. Il technique quand on observe deux
passe de 0,75 % à 0,50 %. La Banque admet avoir sous-estimé la reculs trimestriels consécutifs du Pro-
durée du choc pétrolier qui a entraîné duit intérieur brut réel, c’est-à-dire de
L’économie canadienne subit un ajus- un repli plus prononcé que prévu des la taille de l’économie mesurée sans
tement notable et complexe. Un nouvel investissements des entreprises dans tenir compte de l’ination. […]
assouplissement de la politique moné- le secteur énergétique. La chute est
taire est nécessaire à l’heure actuelle désormais estimée à 40 % au lieu
an d’aider l’économie à retourner de 30 %, les entreprises ne pouvant À vous de jouer !
à son plein potentiel et l’ination à la compter sur une remontée aussi forte
cible de façon durable », lit-on dans le qu’anticipée des cours du brut.
1 Expliquez ce qu’est une récession
communiqué faisant part de sa déci-
Ni dans son communiqué ni dans technique.
sion à laquelle s’attendaient bien des
prévisionnistes. son Rapport sur la politique moné- 2 Pourquoi la Banque centrale
taire (RPM), la Banque n’utilise le mot mentionne-t-elle que le Canada est
Reste à voir maintenant si les institu- récession, qui semble faire aussi peur probablement en récession ? Justiez
tions nancières vont emboîter le pas aux marchés nanciers qu’un lm de votre réponse.
et abaisser à leur tour le taux préféren- vampires aux tout petits. 3 Qu’est-ce qu’un taux directeur ? Un
tiel auquel elles prêtent à leurs meil- taux préférentiel ?
leurs clients. Toutefois, après une croissance
annualisée négative de 0,6 % au pre- 4 Expliquez l’effet d’une baisse du taux
En janvier, lors de la première baisse mier trimestre, elle estime que celle directeur canadien sur les taux d’in-
du taux directeur en plus de quatre du deuxième se sera soldée par un térêt, la demande globale, le PIB réel
ans, elles avaient hésité plusieurs jours nouveau recul de 0,5 %. Statistique et le niveau moyen des prix.

Source : Le Cours, Rudy. (15 juillet 2015). « La Banque du Canada abaisse encore son taux directeur ». La Presse.ca.

en ralentissant les importations, et favorise donc ● une hausse du taux directeur, qui aurait pour
encore davantage la croissance de la demande incidence de resserrer le crédit et, par consé-
globale canadienne. quent, de ralentir l’e et multiplicateur de
la monnaie ;
Selon la Banque du Canada, les eets d’une telle
politique monétaire ne se font sentir qu’après 18 ou ● la vente de fonds d’État, par laquelle la
24 mois. C’est pourquoi les autorités monétaires Banque retirerait des liquidités du système
doivent se tenir à l’aût des moindres retourne- nancier ;
ments du cycle économique et agir avant que la
situation ne se détériore. ● des pressions visant à convaincre les agents éco-
nomiques d’accorder la priorité à l’objectif du
Une politique monétaire restrictive contrôle des prix.
Lorsque l’objectif de stabilité des prix n’est pas Ces mesures devraient faire diminuer l’ore de
atteint, les autorités doivent ralentir la croissance monnaie et pousser à la hausse les taux d’intérêt
de l’ore de monnaie et ainsi contenir les hausses au pays (voir la gure 7.7a à la page suivante). Si
de prix. La Banque du Canada peut utiliser un ou les agents économiques répondent conformément
plusieurs des outils suivants : aux attentes, il devrait y avoir une diminution de
182 CHAPITRE 7

FIGURE 7.6 Effets d’une politique monétaire expansionniste : a) sur le marché monétaire,
b) sur le marché global des biens et des services

Figure 7.6W b) (modèle global traditionnel)

la demande globale3 et un ralentissement de la C’est le prix à payer pour freiner l’ination. Le


hausse des prix (voir la gure 7.7b). Malheureuse- tableau 7.4 présente une synthèse des mesures
ment, une politique monétaire restrictive a aussi monétaires que les gouvernements peuvent adop-
pour eet de ralentir la croissance économique. ter selon la conjoncture.

FIGURE 7.7 Effets d’une politique monétaire restrictive : a) sur le marché monétaire, b) sur le marché global
des biens et des services

Figure 7.7W b) (modèle global traditionnel)

3. Dans ce cas, on parle de diminution ; cependant, en réalité, il s’agit généralement d’un ralentissement de la croissance.
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 183

TABLEAU 7.4 Mesures monétaires selon la conjoncture

Politique
Conjoncture Mesures discrétionnaires Exemples
monétaire
Problème d’ination Restrictive Hausse du taux directeur Le taux directeur passera de 1,75 à 2,0 %.
Vente d’obligations Une émission de 500 millions de bons du Trésor vendus
gouvernementales par l’intermédiaire des courtiers en valeurs mobilières.
Appel à la modération des Publication d’un rapport de la Banque du Canada pour
hausses de prix et de salaires sensibiliser les acteurs économiques à la situation.
Ralentissement Expansionniste Baisse du taux directeur Le taux directeur passe de 0,75 % à 0,5 %.
ou récession
Achat d’obligations La banque centrale intervient sur les marchés nanciers
gouvernementales pour racheter un milliard d’obligations du gouvernement
du Canada.
La banque centrale invite les Conférence du gouverneur de la Banque du Canada
entreprises à utiliser leurs fonds à la Chambre de commerce de Montréal.
propres et à investir

7.3.4 La création articielle Cependant, les pays les plus industrialisés ont eu
de monnaie recours à ce stratagème après la grande crise de
2008. Dans leur cas, il semble que cette politique
Selon une idée qui revient régulièrement dans l’ac-
ait réussi à atténuer la faiblesse de l’activité écono-
tualité et qui pourtant relève d’un non-sens écono-
mique et à prévenir la déation. Les pays les plus
mique, le gouvernement central, détenteur de tous
riches subissent dans une moins grande mesure la
les pouvoirs en ce qui concerne la monnaie, devrait
fuite des capitaux et des investissements lors des
injecter de l’argent dans l’économie, an d’en
périodes économiques diciles, ce qui fait qu’in-
favoriser l’essor, en empruntant à sa banque cen-
jecter de la monnaie articiellement nit par géné-
trale. Idée séduisante a priori, mais qui en réalité
rer des eets positifs sur l’ore globale, et donc le
se révèle fort dangereuse. Procéder de cette façon
retour à une croissance plus saine.
revient à créer articiellement de la monnaie.
Lorsqu’un gouvernement en est réduit à recourir à
FIGURE 7.8 Résultats de la création articielle
ce stratagème, c’est que l’état de l’économie ne lui de monnaie
permet pas de récolter les fonds nécessaires à même
l’épargne disponible dans le pays. Et dans un pays
où l’épargne est insusante pour les autorités gou-
vernementales, elle l’est certainement aussi pour
les investisseurs qui en ont besoin pour accroître
leur capacité de production.
Dans ce contexte, injecter articiellement de la
monnaie dans l’économie, lorsque les ressources
productives sont limitées, ne ferait qu’accroître
les pressions inationnistes ; on se retrouverait
donc avec un problème pire qu’auparavant : une
situation économique qui n’a pas changé et une
ination incontrôlable (voir la gure 7.8). C’est ce
qu’ont connu tous les pays qui ont opté pour cette
voie facile en vue d’améliorer les conditions écono-
miques. La gure 7.8 illustre l’eet de la création
articielle de monnaie. Figure 7.8W (modèle global traditionnel)
184 CHAPITRE 7

Actualité économique
La BCE donne le coup d’envoi à ses rachats géants de dettes publiques
La Banque centrale européenne lance La Banque centrale européenne (BCE) a Mario Draghi avait indiqué, jeudi
[...] la principale mesure de son vaste annoncé [...] avoir donné le coup d’envoi 5 mars, que l’institution commence-
programme destiné à redynamiser à ses rachats massifs de dette publique rait « le 9 mars à acheter des titres
l’économie de la zone euro. Cette sur les marchés. Cette mesure, dite du secteur public libellés en euro sur
opération dite « d’assouplissement d’assouplissement quantitatif (quanti- le marché secondaire ». Il avait ajouté
quantitatif » sera menée au rythme tative easing en anglais, ou QE), est la que les achats de « titres adossés à
de 60 milliards d’euros d’achats principale arme d’un vaste programme des actifs et des obligations sécuri-
par mois, soit 1000 milliards d’ici destiné à relancer la très faible dyna- sées », commencés « l’an dernier » se-
septembre 2016. mique des prix en zone euro. raient « poursuivis ».

La Fed tourne la page du stimulus monétaire


[…] Les trois cycles résoudre en novembre 2010 à lancer réduire ces achats d’actifs et nale-
d’injection monétaire un « QE 2 » et à entamer un nouveau ment les conclure ce mercredi. Au
cycle d’injections de liquidités. Dans total, cette troisième phase d’assou-
de la Fed depuis 2008 le détail, la Fed décide à la fois de plissement monétaire exceptionnel
Pour faire face à la crise nancière aux racheter pour 600 milliards de dollars a injecté quelque 1600 milliards de
États-Unis, la Banque centrale améri- de bons du Trésor pour faire baisser dollars supplémentaire dans le sys-
caine (Fed) a procédé depuis 2008 à les taux d’intérêt à long terme et de tème nancier.
trois phases d’injections massives de réinvestir les titres acquis au cours du
liquidités baptisées « assouplissement « QE 1 » et arrivés à maturité. Ce nou- Cette politique d’expansion moné-
quantitatif » ou quantitative easing [QE] veau cycle, qui s’achève en juin 2011, taire laisse la Fed avec 4500 milliards
et auxquelles elle a mis n mercredi. ne lève toutefois pas toutes les inquié- de dollars d’actifs à son bilan contre
tudes. Quelques mois plus tard, en 900 milliards avant la crise. Revenir à
La première vague a lieu n novembre un niveau plus normal prendra jusqu’à
septembre 2011, elle décide de troquer
2008, un peu plus de deux mois après la n de la décennie, a averti la pré-
ses obligations à court terme pour des
la faillite de la banque Lehman Bro- sidente Janet Yellen. La Fed a promis
titres à maturité plus longue, au cours
thers. En pleine tempête nancière et jusqu’ici, pour continuer à soutenir
d’une opération baptisée « Twist » et
crise des crédits immobiliers à risque la reprise, de ne pas vendre les titres
aujourd’hui achevée.
(subprime), la Réserve fédérale sort qu’elle a acquis et même de réinvestir le
alors de son rôle traditionnel. En plus Un an plus tard, la Fed doit se résoudre produit de ceux qui arrivent à maturité.
d’abaisser son principal taux directeur à enclencher une troisième vague
à un niveau proche de zéro, l’institu- d’injections monétaires, le « QE 3 ». En
tion annonce le début de rachats mas- septembre 2012, elle annonce l’achat
sifs d’actifs jusqu’en mars 2010 an mensuel de 40 milliards d’actifs, porté À vous de jouer !
de uidier le crédit, diminuer le coût de en janvier à 85 milliards, répartis entre
l’emprunt et stimuler l’investissement. 45 milliards de dollars de bons du Tré- 1 Selon les deux articles, quelle déni-
Entre les titres adossés à des créances sor et 40 milliards de titres adossés à tion donne-t-on au quantitative easing
immobilières – les obligations émises des créances immobilières. ou « assouplissement quantitatif » ?
par les géants du renancement immo- 2 À quel type de politique monétaire
bilier Fannie Mae et Freddie Mac − et Cette nouvelle phase marque une inno-
correspond un assouplissement
les bons du Trésor, la Banque centrale vation : la Banque centrale se donne
quantitatif ?
débourse entre novembre 2008 et une marge de manœuvre supplémen-
taire et n’annonce cette fois aucune 3 Quelle raison donne la BCE pour
mars 2010 quelque 1750 milliards de
date de n de ces achats mensuels, procéder à un assouplissement
dollars au cours de ce « QE 1 ».
conduisant les analystes à rebaptiser quantitatif ?
Face à la fragilité persistante de la pre- le « QE 3 » en « QE innity ». Ce n’est 4 Que peut-on déduire de la situation
mière économie mondiale et à la crise qu’à partir de décembre 2013 que la économique aux États-Unis selon la
en zone euro, la Fed doit toutefois se Banque centrale va progressivement politique monétaire de la FED ?

Source : Le Monde.fr. (5 mars 2015). « La BCE donne le coup d’envoi à ses rachats géants de dettes publiques » ; Montet, Virginie. (29 octobre 2014).
« La Fed tourne la page du stimulus monétaire ». La Presse.ca.
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 185

7.3.5 La politique monétaire camp comme pour l’autre, tant les variables en
cause sont nombreuses et difficiles à mesurer. En
est-elle efcace ?
réalité, cependant, un consensus semble se des-
Nous venons d’analyser les eets attendus des ins- siner, surtout depuis les poussées inflationnistes
truments de la politique monétaire sur le fonction- consécutives aux crises pétrolières des années
nement global de l’économie. Comme nous avons 1970. On admet généralement que la rigueur
présenté le point de vue exprimé par la Banque du monétaire est nécessaire pour maintenir la sta-
Canada en même temps que la théorie, on pourrait bilité des prix et que la croissance de l’o ffre de
en déduire que la politique monétaire en vigueur monnaie doit être contrôlée scrupuleusement
au Canada et dans d’autres pays industrialisés fait de façon qu’elle suive le rythme de l’é conomie
l’unanimité, mais ce n’est pas le cas. À ce sujet aussi, réelle et que la croissance des prix soit modérée.
il y a un débat entre les partisans de l’intervention- Pour atteindre les autres objectifs, comme la for-
nisme de l’État et ses opposants. Résumons briève- mation de la main-d’œuvre ou la création d’e m-
ment leur position respective. plois, il faut se tourner vers d’autres instruments
Pour les partisans d’une politique économique de la poli tique gouvernementale.
interventionniste, les outils de la politique
monétaire peuvent être utilisés pour favoriser la 7.3.6 La cohérence des politiques
croissance du PIB réel en période de stagnation économiques
économique. Une politique monétaire souple Le dé des responsables des politiques écono-
prévoyant des taux d’intérêt modérés aurait des miques consiste à réduire le temps de réaction
conséquences positives sur l’emploi et l’investis- aux signaux des marchés, an que la situation ne
sement, et donc sur le niveau de vie. Selon eux, se détériore pas de façon importante, et à assu-
un taux d’ination plus élevé aurait des consé- rer une certaine cohérence entre les politiques
quences économiques globales moins graves budgétaire et monétaire, ce qui n’est pas toujours
qu’une période de récession prolongée frappant facile étant donné les pressions exercées par les
durement les personnes les plus vulnérables. groupes organisés. Une politique budgétaire
expansionniste risque en eet d’atténuer, voire
Pour les opposants à l’interventionnisme, utiliser
d’annuler les eets recherchés d’une politique
une politique monétaire expansionniste en lais-
monétaire restrictive.
sant croître démesurément l’ore de monnaie an
de stimuler l’activité économique ne donne aucun Pour que soit atteinte une telle ecacité dans l’exé-
résultat à long terme ; tout ce que l’on obtient, c’est cution des politiques économiques, les agents éco-
une variation proportionnelle du niveau des prix, nomiques doivent participer à la
dont les conséquences détermination des objectifs
pourraient être désas- prioritaires (la croissance
treuses. C’est la à tout prix, par exemple)
théorie quantitative et à la mise en œuvre
de la monnaie (voir des moyens permet-
la rubrique « Grands tant de les réaliser. Ils
courants de la
doivent comprendre
pensée écono-
les choix essentiels
mique » à la
à faire pour qu’il
page suivante).
y ait cohérence et
Dans ce domaine les assumer, tant
aussi, la démons- dans la vie de tous
tration scienti- les jours qu’au
que est dicile à moment d’exercer
établir, pour un leur droit de vote.
186 CHAPITRE 7

Grands courants de la pensée économique


L’école monétariste de Milton Friedman
Certains économistes ne croient pas Jean Bodin (1530-1596), une modica- pourcentage de chaque côté de l’éga-
à l’efcacité de la politique moné- tion de l’offre de monnaie (M) se traduit lité. Ainsi, si V et Y sont constantes, on
taire pour inuer durablement sur le à plus ou moins long terme par une obtient successivement :
niveau de l’activité économique. C’est modication proportionnelle du niveau
notamment le cas de Milton Friedman moyen des prix (on considère V comme MV = PY
(1912-2006), chef de le de l’école de une constante, car elle n’évolue que M(V/Y) = P
Chicago, dont les travaux ont consisté à très lentement dans le temps). Les
démontrer la neutralité de la monnaie. changements de l’offre de monnaie, Δ %M = Δ %P
Sa théorie quantitative de la monnaie lui induits par une politique monétaire
valut un prix Nobel en 1976. Pour résu- expansionniste, par exemple, n’au- Donc, une hausse de 10 % de la
mer une telle théorie, on se sert géné- raient aucun effet sur le PIB réel. monnaie en volume conduira à une
ralement de l’équation suivante : hausse des prix de 10 %. Ce débat
Selon des monétaristes comme Robert sur l’efcacité de la politique moné-
MV = PY Lucas (1937-), les agents écono- taire a d’importantes conséquences
miques anticipent rationnellement la sur l’organisation de l’activité écono-
où M : offre de monnaie
manœuvre gouvernementale, qui n’au- mique et de l’intervention de l’État.
V : vélocité de la monnaie (le nombre de rait pas pour effet de changer leur com- La tendance actuelle donnerait plutôt
fois, en moyenne, qu’un billet change portement, car ce dernier dépend de raison aux partisans d’une politique
de main au cours d’une période) variables autres que l’offre de monnaie. monétaire qui serait efcace à court
terme pour inuer sur l’activité écono-
P : niveau moyen des prix On peut démontrer l’inefcacité de la mique. Quant à la tendance générale,
Y : production globale (PIB réel) politique monétaire en isolant le niveau elle semble donner raison aux parti-
moyen des prix (P) dans l’équation de sans d’une rigueur monétaire, l’objectif
Selon cette théorie, datant du xvie siècle la théorie quantitative de la monnaie premier étant le maintien de la stabilité
et attribuée généralement au Français et en calculant la variation relative en des prix.

Combien de fois ce billet de 20 roupies, qui sert à une transaction entre un passant et un marchand de thé dans une rue de
New Delhi, sera-t-il échangé en une semaine ? Cette question renvoie au concept de « vélocité de la monnaie » (le nombre de fois,
en moyenne, qu’un billet change de main au cours d’une période donnée).
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 187

En un clin d’œil

Formes
• Monnaie duciaire
• Monnaie scripturale
Indicateurs
• M2 (brut)
• M2+ (brut)
Utilité
• Moyen d’échange
Monnaie • Réserve de valeur
• Unité de compte

par les prêts des banques


Création
articielle
(par les banques centrales)

Établissements nanciers
• Banques à charte fédérale
• Sociétés d’assurance
• Sociétés de ducie
• Courtiers en valeurs mobilières

Système nancier Marché de la monnaie


canadien Détermine les taux d’intérêt.

Rôle de la Banque du Canada


• Contrôle de la monnaie duciaire
• Encadrement du système nancier
• Financement de la dette de l’État
• Application de la politique monétaire

Persuasion morale

Instruments Annonce d’un taux directeur

Interventions sur le marché monétaire

Politique monétaire
canadienne
Expansionniste
Lorsque le taux d’ination est stable,
mais que la croissance économique fait défaut.

Orientations
Restrictive
Lorsque l’objectif de stabilité des prix
n’est pas atteint.
188 CHAPITRE 7

Testez vos connaissances

Questions de révision 14 La situation économique montre des signes inquié-


tants. Alors que le taux de chômage se maintient
1 À quoi sert la monnaie ? Énumérez ses trois princi- aux alentours de 8 %, la croissance économique a
pales utilités. atteint son plus bas niveau depuis six trimestres,
soit 1,2 %. Par ailleurs, le taux d’ination a
2 La monnaie canadienne actuelle possède-t-elle les
atteint 3,8 % le mois dernier. Quant à la construc-
qualités d’une bonne monnaie ? Si oui, quelles sont
tion résidentielle et aux investissements, ils se
ces qualités ?
maintiennent depuis quatre trimestres à 2,4 %,
3 Pour créer de la monnaie, il faut d’abord créer de la en moyenne.
monnaie scripturale. Expliquez. a) Quelles orientations les autorités gouvernemen-
4 Les établissements nanciers ne prêtent pas la tales devraient-elles donner à la politique moné-
totalité des sommes mises à leur disposition sous taire et à la politique budgétaire dans le contexte
la forme de dépôts divers. Pourquoi ? économique décrit ci-dessus ? Suggérez une poli-
5 Dans la réalité, qui xe véritablement les taux d’inté- tique monétaire et une politique budgétaire, et
rêt ayant cours sur les marchés nanciers ? décrivez les instruments que vous utiliseriez pour
les mettre en œuvre.
6 Dans la réalité, il n’y a pas qu’un seul taux d’intérêt,
b) À l’aide du modèle de l’ore et de la demande glo-
mais plusieurs. Pourquoi ?
bales, démontrez et expliquez les eets attendus
7 Quel est le rôle de la Banque du Canada ? de vos suggestions sur l’économie globale.
8 Quels sont les instruments de la politique moné- c) Quel dilemme s’impose aux autorités gouver-
taire utilisés par la Banque du Canada ? nementales lors de la mise en œuvre de leurs
9 Quelles sont les deux grandes orientations (direc- politiques économiques ?
tions) possibles de la politique monétaire ? d) En donnant une orientation à la politique éco-
nomique que vous avez suggérée, vous avez dû
10 Les politiques économiques du gouvernement se
résoudre un dilemme. Quel est-il ?
doivent d’être cohérentes. Pourquoi ?
15 « Pour faire face à la crise nancière aux États-Unis,
la banque centrale américaine (Fed) a procédé
depuis 2008 à trois phases d’injections massives
Questions d’application de liquidités baptisées “assouplissement quantita-
tif”, ou “quantitative easing”, et auxquelles elle a
11 Nommez quelques facteurs qui auraient pour eet mis n mercredi4 . »
de faire augmenter les taux d’intérêt et représen-
tez votre analyse à l’aide du graphique du marché a) Pourquoi l’achat d’obligations d’État par la Fed
de la monnaie. entraîne-t-il une hausse du crédit dans l’économie ?
12 Démontrez l’eet d’un dépôt initial de 1000 $ sur
b) En vous inspirant de la gure 9.7 (voir la
page 228), montrez comment la décision de
la création monétaire maximale, en supposant que
la Fed aecte le dollar américain.
le taux de réserve des établissements nanciers
soit de 10 %. c) Selon vous, pourquoi s’agit-il d’un pari risqué pour
l’économie américaine ?
13 Si les établissements nanciers décidaient, peut-
être en réponse à l’insistance de la banque cen- 16 L’économie du Burdistan a connu des dicultés
trale, de maintenir un taux de réserve plus élevé, au cours de l’année qui vient de s’écouler. Le PIB
quelle incidence cela aurait-il sur le processus de réel a diminué pour le sixième trimestre consécu-
création monétaire ? Quelle serait la conséquence tif, tandis que le taux de chômage a gagné deux
de cette décision sur les prix et la croissance éco- points, pour s’établir à 11,5 %. Ce ralentissement
nomique ? Démontrez votre raisonnement à l’aide n’a pas été susant pour freiner la hausse des prix,
des graphiques appropriés du marché monétaire et alors que le taux d’ination s’est maintenu à 5,4 %.
du marché global des biens et des services. Pendant ce temps, les autorités gouvernementales

4. Le Devoir.com. (30 octobre 2014). « Trois cycles d’injection monétaire ».


MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 189

ont dû faire face à une lourde dette, puisque celle- a) Qu’est-ce qu’un taux de réserve ?
ci a atteint 82 % du PIB du pays au cours de l’année b) Quel est l’eet d’une réduction du taux de réserve
qui vient de s’écouler. chinois sur les dépôts bancaires et la création
a) Quelle politique macroéconomique pourriez- monétaire du pays ? Expliquez votre réponse.
vous suggérer au gouvernement du Burdistan ? c) Selon vous, pourquoi la Banque populaire de
b) Expliquez et représentez graphiquement les eets Chine a-t-elle réduit son taux de réserve ?
que devrait avoir votre suggestion sur l’économie 20 En Corée du Sud, les banques ont émis plus
globale du Burdistan. de 150 millions de cartes de crédit depuis
c) À quelles dicultés les autorités gouvernementales 10 ans. C’est presque trois fois la population du
devraient-elles s’attendre lors de l’application de pays. Un tel engouement pour le « plastique »
votre politique économique ? contribue à placer les Coréens parmi les
17 Le gouvernement d’un pays dont le niveau de vie consommateurs les plus endettés de la planète,
est peu élevé décide de se servir des pouvoirs qu’il se lon l’OCDE5.
détient sur la monnaie et d’emprunter à sa banque a) Pourquoi les banques de la Corée du Sud ont-elles
centrale pour développer ses ressources produc- émis autant de cartes de crédit ?
tives et améliorer le sort de ses habitants. Com- b) Quel est le danger d’une telle stratégie de la part
ment appelle-t-on cette politique économique ? de la Corée du Sud ?
Expliquez pourquoi une telle action ne serait pas
nécessairement une bonne idée et démontrez
graphiquement le danger auquel s’exposerait ce Question d’intégration
pays si son économie était au plein-emploi.
18 Selon la théorie quantitative de la monnaie pré- 21 Dans diérents cours des sciences humaines,
sentée dans la rubrique « Grands courants de la on décrit et explique des faits sociaux comme
pensée économique », à la page 186, quel devrait la pauvreté. Comment les économistes peuvent-
être le niveau d’ination anticipé au Canada si ils expliquer ce phénomène ? Comment peut-on
l’ore de monnaie et le PIB réel augmentaient res- le dénir et le mesurer en économie (voir les
pectivement de 5 % et de 3 % ? chapitres 3 et 4) ? Expliquez comment les poli-
19 Le 26 février 2015, la Banque populaire de Chine tiques économiques, dont les politiques budgé-
a réduit son taux – coecient – de réserve obliga- taire et monétaire, peuvent inuer sur l’évolution
toire de 50 points de base, à 8,0 %. de ce phénomène dans un pays.

Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions moyenne sur 7 jours ». Sélectionnez ensuite la
détaillées.) période de référence, de janvier 2000 à décembre
de la dernière année complète. À l’étape 4, sélec-
Statistique Canada tionnez « Tableau HTML, périodes = lignes ». En
1 Consultez le site Web de Statistique Canada et bas de la page, cliquez sur « Appliquer ». Une fois
recueillez des données sur le taux d’escompte, de retour à la page principale, cliquez sur « Mani-
le taux préférentiel et le taux de nancement puler les données » ; choisissez la fréquence des
à un jour (taux directeur). Cliquez sur CAN- données « Annuelle (moyenne) » et cliquez sur
SIM et inscrivez le numéro 176-0043, puis cli- « Appliquer ». Vous obtenez le tableau des données
quez sur « Recherche ». Pour extraire ces séries, que vous pouvez analyser à l’écran ou télécharger
sélectionnez (en cliquant d’abord sur l’onglet dans un chier Excel (menu principal).
« Ajouter/Enlever des données ») « Taux o- Quel est le lien entre le taux cible du nancement
ciel d’escompte », « Taux d’intérêt administrés à un jour (taux des fonds à un jour, moyenne sur
des banques à charte – taux de base des prêts 7 jours) et le taux d’escompte ociel ? Entre le
aux entreprises » et « Taux des fonds à un jour, taux d’escompte ociel et le taux préférentiel

5. Dupaul, Richard. (27 avril 2015). « Les Asiatiques accumulent les dettes », La Presse Affaires, p. 8.
190 CHAPITRE 7

(taux d’intérêt administrés des banques à du taux directeur et du Rapport sur la politique
charte – taux de base des prêts aux entreprises) ? monétaire » situé à droite en bas de l’écran.
Justiez votre réponse. a) Qu’est-ce que le taux cible du nancement à jour ?
2 Pour inuencer ou atténuer les cycles économiques,
b) À votre avis, depuis les derniers mois, la Banque du
le Canada peut utiliser plusieurs instruments.
Canada a-t-elle préconisé une politique monétaire
Celui dont on se sert le plus souvent actuellement
expansionniste ou restrictive ? Justiez votre réponse.
est le taux directeur de la Banque du Canada.
An de connaître les plus récentes données relatives c) Selon vous, quel est le but d’une telle politique ?
au taux directeur, consultez le site de la Banque du d) Selon le calendrier des annonces du taux directeur,
Canada à www.banqueducanada.ca. Une fois dans quelle est la prochaine date d’établissement du taux
le site, cliquez sur le lien « Calendrier des annonces cible du nancement à un jour ?

Appendice mathématique
créant ainsi 0,90 $ de dépôts. Ce dépôt ne tardera pas
Le multiplicateur monétaire à circuler et servira à régler un achat. La personne ou
Nous avons vu à la sous-section 7.1.5 que la création de l’entreprise qui reçoit cet argent possède un compte
la monnaie dans l’économie dépend du taux de réserve dans une autre banque. Cette dernière enregistre alors
des banques et autres établissements de prêts, c’est- 0,90 $ de dépôts supplémentaires (voir l’étape 2 du
à-dire du pourcentage des dépôts qu’ils détiennent tableau A-7.1) et devra garder dans ses réserves
sous forme de réserves. 10 % du dépôt, donc 0,09 $ (0,90 $ × 0,10). Ainsi, la
deuxième banque dispose maintenant de 0,81 $
Considérons le cas d’un système nancier où chaque (0,90 $ – 0,09 $) de liquidités disponibles pour
banque a un taux de réserve de 10 %, soit 0,10. De plus, octroyer un nouveau crédit. Et ainsi de suite.
supposons qu’à toutes les étapes du processus les
détenteurs de monnaie la maintiennent sous la forme Si on reprend les montants de la deuxième colonne du
de dépôts et non pas de pièces ou de billets. Au départ, tableau A-7.1 et qu’on poursuit cette séquence jusqu’à
une banque a reçu un dépôt de 1 $ (voir l’étape 1 du ce que le mécanisme des 10 % de réserves fasse tendre
tableau A-7.1). An de ne pas être à court de liquidités, les liquidités disponibles vers zéro, on obtient la
cette dernière maintient en réserve un montant de somme suivante :
0,10 $ (1 $ × 0,10). Les 0,90 $ restants (1 $ – 0,10 $) 1 + 0,90 + 0,81 + 0,729 + …
sont octroyés à un bénéciaire sous forme de crédit,
Si vous observez bien cette séquence, vous remarque-
rez qu’à chaque étape du processus le crédit octroyé à
TABLEAU A-7.1 Processus de création de la monnaie une étape donnée est égal à 0,90 (90 %) du crédit
octroyé à l’étape précédente (voir la dernière colonne
Réserves Crédit à
Étapes
Dépôts
bancaires (en $) l’économie (en $)
du tableau A-7.1). Plus précisément, si le taux d’accrois-
(en $) sement de la monnaie est égal à 0,90, alors un dépôt
(dépôt × 0,10) (dépôt × 0,90)
initial de 1 $ génère dans l’économie un montant de
1 1,00 0,10 0,90
0,90 $ à l’étape 1, de 0,90 2 $ à l’étape 2, de 0,903 $ à
2 0,90 0,09 0,81 l’étape 3, et ainsi de suite.
3 0,81 0,081 0,729
Si la séquence est répétée à l’inni, l’augmentation
4 0,729 0,0729 0,6561 totale des dépôts est égale à la somme (S) suivante :
: : : :
S = 1 + 0,90 + 0,90 2 + 0,903 + …
10 0,3874 0,0387 0,3487
Ce qui équivaut à 1/1 – 0,9 ou 1/0,1, car c’est une
: : : :
somme géométrique. En eet, en mettant en évidence
51 0,0051 0,0005 0,0046 le taux d’accroissement de la monnaie (0,9), on
: : : : a alors :
Total 10 1 9 S = 1 + 0,90[1 + 0,90 + 0,90 2 + …]
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 191

Le terme entre crochets est égal à la somme totale des monnaie, soit 10 fois le montant initial de dépôt (voir
dépôts dans l’économie (S). En remplaçant le terme par la dernière ligne du tableau A-7.1). On dit alors que le
S dans l’équation et en la résolvant, on obtient multiplicateur monétaire est de 10.
successivement : Si on note le multiplicateur monétaire MM et le taux
S = 1 + 0,90[S] de réserve des établissements nanciers R, alors on
peut résumer le multiplicateur monétaire par la for-
S – 0,90[S] = 1
mule simple suivante :
S[1 – 0,90] = 1
S= 1 MM = dépôt initial
1 – 0,90 R

S= 1 Le multiplicateur monétaire correspond donc au mon-


0,10
tant du dépôt initial divisé par le taux de réserve des
C’est ce que les économistes appellent le multiplicateur établissements nanciers. On comprend aisément avec
monétaire, c’est-à-dire la quantité de monnaie que le cette formule que plus le taux de réserve est faible,
système nancier peut créer à partir de 1 $ de dépôt. plus le pouvoir de création de la monnaie est élevé, et
Au total, dans cet exemple, il s’est créé 10 $ (1/0,10) de vice versa.
4
RELATIONS
PARTIE

ÉCONOMIQUES
MONDIALES

LES VARIANTES DU CAPITALISME


La planication centralisée n’est certes plus une forme d’organisation
économique crédible, mais il est évident que le combat pour ses rivaux,
le capitalisme de marché et la mondialisation, est loin d’être gagné.
Pendant la dizaine de générations écoulées, le capitalisme n’a cessé de
progresser, cependant que les niveaux et la qualité de vie s’élevaient dans
de larges parties du monde. La pauvreté a été considérablement réduite
et l’espérance de vie a plus que doublé. L’élévation du bien-être – qui,
depuis deux siècles, crû par un facteur de 10 en revenu réel par tête – a
permis à la planète de voir sa population se multiplier par six. Et pourtant,
il en demeure beaucoup qui trouvent le capitalisme difcile à accepter et
encore plus à adopter. Le problème est que la dynamique du capitalisme –
celle de l’impitoyable loi du marché – contrarie le désir humain de stabilité
et de sécurité. Face aux bénéces du capitalisme, une grande part de la
population éprouve un sentiment croissant d’injustice. La peur de perdre
son emploi en est l’une des causes majeures. Une autre anxiété, encore
plus profonde, est que la concurrence dérange sans cesse le statu quo et
le style de vie, bon ou mauvais, de la plupart des gens. Je suis sûr que les
sidérurgistes américains dont je fus le conseiller dans les années 1950
auraient été ravis que leurs collègues japonais n’eussent pas, ces dernières
années, tant amélioré leur productivité et la qualité de leur produits.
Et inversement, je doute qu’IBM ait été enchanté que le traitement de texte
ait détrôné la vénérable machine à écrire Selectric.

Source : Greenspan, Alan. (2009). Le temps des turbulences, Paris, Hachette Livre, p. 347-348.
CHAPITRE
8 RELATIONS
COMMERCIALES

8.1 Mondialisation : de l’internationalisation


à la globalisation ..................................................... 195
8.2 Développement des échanges
commerciaux ........................................................... 199
8.3 Protectionnisme et guerre commerciale ........... 201
8.4 Coopération internationale .................................. 204
En un clin d’œil ........................................................ 210
Testez vos connaissances .................................... 211
Laboratoire informatique ...................................... 213

« La mondialisation est-elle
une création politique ? »
Bernard Maris, économiste français, assassiné le 7 janvier
2015 à Paris dans l’attentat contre le Charlie Hebdo
CHAPITRE
8 OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• distinguer les trois phases de la mondialisation ;
• expliquer les avantages liés aux échanges commerciaux ;
• évaluer les effets positifs et négatifs du protectionnisme ;
• analyser l’inuence de la coopération internationale sur
le volume des échanges.

a mondialisation prend de plus en plus d’importance sur la scène

L médiatique, mais quel est son véritable effet sur la vie quotidienne ?
Ce matin, vous avez probablement appuyé sur le bouton de votre
réveille-matin japonais ; votre déjeuner était sûrement accompagné d’un
thé anglais ou d’un jus d’orange de la Floride ; la voiture que vous avez conduite
pour vous rendre au cégep provient peut-être de la Corée du Sud ou encore
de l’Allemagne. Et qui sait, vous dira-t-on aujourd’hui que votre nouveau jeans,
fabriqué en Chine, vous va à merveille !
On le voit, une part importante de nos biens de consommation courante provient
d’autres pays. En fait, lorsqu’on examine la performance globale de l’économie
canadienne, on s’aperçoit que les échanges extérieurs y jouent un rôle de
premier plan. Comme une bonne partie de notre production, soit plus de 30 %,
est vendue à l’étranger et qu’environ 75 % de celle-ci est destinée aux États-
Unis, il va sans dire que la santé de l’économie canadienne dépend beaucoup de
celle d’autres pays, particulièrement les États-Unis. D’ailleurs, un vieux dicton
rappelle que « lorsque les États-Unis toussent, le Canada attrape le rhume ». En
d’autres termes, quand l’économie américaine va mal, l’économie canadienne
s’en trouve grandement affectée.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’économie est dans une phase de
transformation profonde. La libéralisation graduelle des barrières aux échanges
(surtout les barrières tarifaires) et les nouvelles technologies de l’information et
des communications sont venues renforcer la concurrence à l’échelle mondiale,
nous rendant du même coup plus vulnérables à ce qui se passe à l’étranger. À
preuve, la crise nancière de 2008-2009, déclenchée par la vague de défauts
de remboursements des prêts subprime aux États-Unis, s’est transformée,
par effet domino, en crise économique mondiale. En 2009, la valeur totale des
exportations mondiales de marchandises dans le monde a dégringolé de 12 %,
marquant l’effondrement le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale
en raison d’une forte contraction de la demande mondiale. Les économies les
plus dépendantes des exportations ont bien sûr été les plus touchées. Au Canada,
le PIB réel a alors été négatif pour la première fois depuis 1991.
Le présent chapitre est consacré à un aspect des relations économiques
mondiales, les relations commerciales, c’est-à-dire les échanges mondiaux de
Relations commeRciales 195

biens et de services. Nous y retracerons l’histoire de la mondialisation, puis nous


verrons comment se sont développés les échanges commerciaux ; nous traiterons
ensuite du protectionnisme et de la guerre commerciale, ce qui nous mènera à
aborder la question de la coopération internationale.

8.1 Mondialisation : capables de survivre à la puissance des marchés. Il


n’est pas facile de s’y retrouver entre deux positions
de l’internationalisation si radicalement diérentes. Commençons donc par
à la globalisation dénir les termes employés.
C’est connu, la mondialisation occupe une place Contrairement à ce que plusieurs croient, la mon-
dominante dans l’actualité économique. Elle sus- dialisation n’est pas un phénomène nouveau,
cite des débats, provoque des manifestations et mais bien un processus multiforme devenu signi-
même des arontements. La mondialisation est catif dans la seconde moitié du e siècle, qu’on
devenue un sujet de réexion, sur les plans tant pourrait découper en trois phases : l’internationali-
théorique que pratique. Les économistes libéraux sation, la transnationalisation et la globalisation1.
la considèrent surtout comme un facteur d’ac-
croissement de la richesse et une source de bien- 8.1.1 L’internationalisation
être pour l’ensemble des individus de la planète,
tandis que les économistes interventionnistes En 1295, Marco Polo ouvrait la célèbre route de
la perçoivent généralement comme un facteur la soie pour les occidentaux, voie terrestre entre
de monopolisation de la richesse et une source de l’Europe et la Chine. La chute de Constantinople
prots surtout pour les multinationales, seules aux mains des Turcs en 1453 marque le début de
l’expansion du commerce maritime en Europe.
Ce n’est cependant qu’au milieu du
e siècle, avec la révolution indus-
trielle, que se produit la véritable
ouverture des pays aux échanges
de biens et de services. Dès lors, on
assiste à l’internationalisation
du commerce, première étape de la
mondialisation.

Mondialisation Terme général de l’économie inter-


nationale qui désigne l’augmentation signicative
des échanges (de biens, de services, de personnes
et de capitaux) entre les pays avec la mise en place
d’institutions pour les encadrer.
Internationalisation Première phase de la mondia-
lisation marquée par l’augmentation signicative des
En 1295, Marco Polo ouvrait la voie du commerce entre échanges de biens et de services entre les pays.
l’Europe et la Chine.

1. Presque tous les économistes s’accordent pour dire que le mot « mondialisation » ne désigne pas un phénomène nouveau. Toutefois, il est important de mentionner
qu’il n’y a pas de consensus clair sur la façon de le dénir, ni sur ses origines. Nous tenterons ici de présenter le mieux possible la mondialisation, sans toutefois
nous laisser entraîner dans la complexité du sujet ou les débats qui l’entourent. Il est à noter que la dénition que nous en donnons s’inspire grandement de celle
proposée par l’OCDE.
196 CHAPITRE 8

8.1.2 La transnationalisation entreprises (transports, communications), la plani-


Dans les années 1950 et 1960, les entreprises dési- cation des activités se fait maintenant à l’échelle
reuses de contourner les barrières commerciales de la planète. De plus en plus de marchés ne sont
décident de déplacer une partie de leurs unités de plus restreints aux espaces nationaux, et cela
production en installant des liales à l’étranger. s’applique particulièrement aux échanges nan-
Ces entreprises multinationales deviennent ainsi ciers. Ainsi, un investisseur ou une multinatio-
des transnationales, c’est-à-dire qu’elles planient nale peuvent emprunter ou placer de l’argent sans
leurs activités de production dans plus d’un pays limite, où ils le souhaitent, 24 heures sur 24. La
an d’esquiver les règles commerciales adoptées création de la zone euro (voir les pages 206 et 207)
par les États nationaux. Elles ne se contentent plus illustre bien la suprématie de la nance sur les pou-
d’exporter leurs produits, elles se déplacent doré- voirs politiques. Pensons, par exemple, à la Grèce :
navant à la recherche de conditions économiques depuis 2010, le pays doit emprunter à diérents
favorables. La mondialisation prend alors un nou- créanciers (Fonds monétaire international [FMI],
veau visage. À l’internationalisation du commerce Banque centrale européenne, institutions nan-
s’ajoute la transnationalisation des investisse- cières, etc.) pour réduire son endettement, tout en
ments directs. adoptant des mesures d’austérité, ce qui crée des
tensions politiques et sociales. Désormais, ce ne
sont plus seulement les entreprises qui dominent
8.1.3 La globalisation les États, mais également les marchés. Dans ce
Depuis 1980, la mondialisation connaît un nouvel contexte, il n’est pas étonnant de voir se mettre en
essor avec sa troisième et dernière phase : la glo- place l’embryon d’un État mondial pour encadrer
balisation. Avec l’amélioration considérable ce village global.
des outils techniques mis à la disposition des
Globalisation ou mondialisation ?
Même si le terme anglosaxon globalization est par-
La Chine est devenue en 2009 le plus
grand pays exportateur de marchan- fois traduit par « mondialisation », il est impéra-
dises du monde. Déjà en 2005, tif de ne pas confondre les deux phénomènes. La
elle produisait 60 % des mondialisation est un long processus entamé au
jouets du monde,
45 % des DVD e siècle, alors que la globalisation est une nou-
et 40 % des velle étape favorisée par quelques événements qui
téléviseurs. ont bouleversé l’économie : la remise en question
des politiques keynésiennes interventionnistes
(provoquée principalement par la crise du pétrole),
les victoires électorales de Ronald Reagan aux
États-Unis et de Margaret atcher au Royaume-
Uni, ainsi que la chute du mur de Berlin.

Transnationalisation Deuxième phase de la mondia-


lisation marquée par le développement d’une gestion
des ressources productives à l’échelle régionale ou
planétaire par certaines grandes entreprises.
Globalisation Troisième phase de la mondialisation, mar-
quée par le développement d’une gestion des ressources
à l’échelle planétaire par les acteurs économiques, avec la
mise en place d’institutions pour les encadrer.
Relations commeRciales 197

De l’économie internationale changement de terme permet de distinguer les


à l’économie mondiale frontières économiques des frontières géopoli-
Depuis quelque temps, le terme « économie mon- tiques. L’exemple 8.2 à la page 208 illustre le phé-
diale » (ou « globale », ou « planétaire ») tend à rem- nomène d’une production mondialisée.
placer « économie internationale ». L’économie
internationale étudie les relations économiques Économie internationale Discipline qui étudie les
entre les nations, dénies sur des bases géo- relations économiques entre les nations, dénies sur
graphiques et politiques, alors que l’économie des bases géographiques et politiques.
mondiale traite des relations économiques à Économie mondiale Discipline qui traite des relations
l’échelle de la planète ou entre des marchés réu- économiques à l’échelle de la planète ou entre des
nissant des blocs régionaux (l’Accord de libre- marchés réunissant des blocs régionaux.
échange nord-américain, l’Union européenne). Ce

Liens entre la théorie et la réalité économiques


La mondialisation : protable pour qui ?
Pour les partisans du processus, la la liste Forbes (voir le tableau 8.1 à pour subvenir aux besoins de l’hu-
mondialisation est un facteur d’ac- la page suivante), détenaient autant manité. Toutefois, si les émissions
croissement de la richesse et une de richesse que les 50 % les moins mondiales de CO2 étaient réduites
source de bien-être pour l’ensemble riches de la population mondiale. de 30 % par rapport à leur niveau
des sociétés et des individus de la pla- • Selon l’ONG Global Footprint actuel, on pourrait alors ramener
nète. Pour ses opposants, au contraire, Network, il faudrait 1,6 planète Terre cette estimation à 1,5 planète2.
elle est caractérisée par la monopo-
lisation de l’économie par quelques
grands acteurs tout-puissants qui font
la pluie et le beau temps partout sur la
planète. Quoi qu’il en soit, il est vrai que
l’on constate, depuis plusieurs années,
une accélération de la concentration
de la richesse aux mains d’une petite
élite fortunée. À qui appartient-elle ?
Qui sont ceux et celles qui détiennent
cette richesse dans le monde ? La
monopolisation de la richesse est-elle
américanisée ? An d’esquisser des
réponses à toutes ces questions, voici
quelques chiffres très révélateurs.
• Selon les données du Crédit Suisse,
depuis 2010, le premier centile de
la population mondiale, soit le 1%
le plus riche (voir la gure 8.1 à la
page suivante), a vu ses richesses
s’accroître considérablement. Si
cette tendance de concentration se
maintient, il possédera plus de 50 %
de la richesse mondiale d’ici 2016.
La création d’emplois dans des pays où la main-d’œuvre coûte moins cher (comme
• En 2014, les 80 personnes les plus ici dans une usine d’aluminium du Bangladesh) ne se fait pas toujours dans le respect
riches du monde, les milliardaires de des droits des travailleurs, ni des droits de l’enfant, ni de l’environnement.

2. Champagne, Éric-Pierre. (14 août 2015). « Depuis hier, la Terre vit à crédit ». La Presse.ca.
198 CHAPITRE 8

Liens entre la théorie et la réalité économiques


La mondialisation : protable pour qui ? (suite)

FIGURE 8.1 Évolution de la part des richesses mondiales des 1 % les plus riches
et des 99 % restants, 2000 à 2014

Source : Adapté de Crédit Suisse. (2014). « Global Wealth Databook », cité dans OXFAM. (Janvier 2015). « Insatiable richesse : toujours plus pour ceux
qui ont déjà tout », p. 2.

TABLEAU 8.1 Classement des 20 personnes les plus


riches du monde en 2015 À vous de jouer !
Origine de Fortune
Rang Nom Pays
la fortune (milliard $) 1 À partir de quelle année les écarts de richesse se
1 Bill Gates Microsoft États-Unis 79,2 sont accentuées entre les 1 % les plus riches et les
2 Carlos Slim Helu Télécoms Mexique 77,1 99 % restants.
3 Warren Buffett Berkshire États-Unis 72,7 2 Selon la gure 8.1, quelle est la part de la richesse mon-
Hathaway diale détenue par les 1 % les plus riches en 2014 ?
4 Amancio Ortega Zara Espagne 64,5 3 Selon vous, quels sont les effets positifs et négatifs de
5 Larry Ellison Oracle États-Unis 54,3 la mondialisation ?
6 Charles Koch Divers États-Unis 42,9
7 David Koch Divers États-Unis 42,9
8 Christy Walton Wal-Mart États-Unis 41,7 Avec une fortune évaluée à 79,2 $US en 2015, le
9 Jim Walton Wal-Mart États-Unis 40,6 cofondateur de Microsoft, Bill Gates, est encore une fois
l’homme le plus riche du monde, selon le magazine Forbes.
10 Liliane L’Oréal France 40,1
Bettencourt
11 Alice Walton Wal-Mart États-Unis 39,4
12 S. Robson Walton Wal-Mart États-Unis 39,1
13 Bernard Arnault LVMH France 37,2
14 Michael Bloomberg Bloomberg LP États-Unis 35,5
15 Jeff Bezos Amazon États-Unis 34,8
16 Mark Zuckerberg Facebook États-Unis 33,4
17 Li Ka-shing Divers Hong- 33,3
Kong
18 Sheldon Adelson Casinos États-Unis 31,4
19 Larry Page Google États-Unis 29,7
20 Sergey Brin Google États-Unis 29,2
Total 899,0

Source : Données tirées de Forbes. (Mars 2015). « Classement Forbes :


les 20 hommes les plus riches du monde en images », dans Journal du Net.
Relations commeRciales 199

8.2 Développement des Malgré un ralentissement en 1975, 1982 et 2009,


on estime que, de 1950 à 2013, le volume des expor-
échanges commerciaux
tations de marchandises dans le monde a été mul-
Bien que l’activité économique se déploie de plus
en plus à l’échelle du monde, la référence actuelle
tiplié par 36
 , soit une croissance presque
3629,4
100
demeure l’espace national ; c’est donc de ce point de quatre fois plus rapide que celle de la production
vue, toujours dominant dans la théorie économique,
que nous analyserons l’incidence économique des
relations entre les pays.
mondiale
 . Ces chires ne veulent pas dire
3629,4
920,9
qu’on exportait plus qu’on produisait, ce qui ne serait
pas logique. Simplement, la progression des expor-
8.2.1 L’évolution des échanges tations a été plus fulgurante que celle de la produc-
commerciaux tion, ce qui dénote sans contredit une accélération
Même si, comme nous l’avons mentionné précé- de l’interdépendance des économies nationales.
demment, les échanges commerciaux existent En outre, le tableau 8.2 (voir la page suivante)
depuis fort longtemps, ce n’est qu’au e siècle, sous montre que, si les marchandises restent le moteur
l’impulsion de la révolution industrielle qui se géné- des échanges commerciaux, la part des services
ralisait dans plusieurs pays, qu’ils ont connu une n’est pas négligeable. De 1980 à 2013, la crois-
progression sans précédent. Entre 1803 et 1913, le sance des services dans les exportations mon-
volume des échanges a été multiplié par 30 en rai- diales a été supérieure à celle des marchandises,
son notamment des innovations qui ont considéra-
blement réduit les coûts du transport. soit de 1165,4 %  4644 – 367
367
× 100
 comparativement
Après des reculs importants entre les deux grandes
guerres, les échanges commerciaux connaissent
dans les années 1950 un second soue avec le re-
à 830,9 %
 2036 
18954 – 2036
. Les principaux services
× 100

en question sont le tourisme (les voyages), le trans-


tour de la croissance économique. La gure 8.2 té- port, les télécommunications, les assurances et les
moigne de l’importance croissante de ces échanges. services nanciers.

FIGURE 8.2 Évolution indicielle du volume des exportations de marchandises et du PIB réel dans le monde,
1950 à 2013

Source : Données tirées de OMC. (2014). « Tableau A1a - Exportations mondiales de marchandises, production et produit intérieur brut ».
200 CHAPITRE 8

TABLEAU 8.2 Évolution des exportations mondiales (en au prot des pays de la BRIC (groupe de quatre pays
milliards de $US courants), 1980 à 2013 émergents formés par le Brésil, la Russie, l’Inde et
Année
Échanges de Échanges de Total des la Chine), les États-Unis demeurent le deuxième
marchandises services échanges exportateur mondial de marchandises derrière la
1980 2 036 367 2 403 Chine. Le Canada, quant à lui, occupe le treizième
1985 1 953 383 2 336 rang (voir la gure 8.3).
1990 3 490 789 4 279
1995 5 168 1 179 6 347
8.2.3 Les gains liés aux échanges
2000 6 458 1 491 7 949
2005 10 509 2 516 13 025
Pourquoi échanger des biens ou des services ? La
2010 15 301 3 828 19 129
réponse très largement partagée chez les écono-
2011 18 338 4 295 22 633
mistes, c’est que les échanges permettent d’aug-
menter le bien-être. Prenons, à titre d’exemple, deux
2012 18 496 4 397 22 893
élèves ayant des biens et des besoins diérents qui
2013 18 954 4 644 23 598
décident d’échanger des livres : l’un acquiert un
Source : Données tirées de OMC. (2015). « Base de données statistiques ». livre d’économie dont il avait besoin et l’autre,
un livre d’histoire. Ici, l’échange est avantageux
pour les deux parties. Prenons un autre exemple :
8.2.2 La structure géographique on assiste souvent, dans le sport professionnel, à
des échanges des échanges de joueurs, surtout à l’approche des
Les échanges mondiaux sont principalement le séries éliminatoires. Supposons que le Canadien
fait des pays développés. En eet, ces 25 pays3, qui de Montréal ait besoin de renforcer son attaque et
ne représentent que 16 % de la population de la qu’il décide d’échanger un de ses défenseurs aux
planète, eectuent près de la moitié de toutes les Flames de Calgary contre un marqueur de premier
exportations de marchandises. Malgré un déclin plan. L’échange, dans ce cas, viserait à améliorer

FIGURE 8.3 Répartition des exportations de marchandises selon les 15 plus grands exportateurs du monde, 2013

Source : Données tirées de OMC. (2015). « Données sur le commerce international et l’accès aux marchés ».

3. Pays membres de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), de l’Union européenne-15 et de l’Association européenne de libre-échange (AELÉ),
auxquels on ajoute l’Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande.
Relations commeRciales 201

les deux équipes en vue de gagner la coupe Stanley, moins grande. On pourrait démontrer qu’ainsi la
tant convoitée. production totale augmente et que la situation
économique des deux pays s’améliore.
Il en va de même pour les pays. Le Canada pro-
duit beaucoup plus de pommes que ne peuvent Pour comprendre le phénomène, on pourrait dire
en consommer les Canadiens, mais sa production qu’un médecin qui aurait aussi les compétences
d’oranges est quasi nulle. De leur côté, les États- pour construire sa maison avec ecacité ne
Unis récoltent plus d’oranges que les Américains ne devrait pas envisager de le faire lui-même, car ce
peuvent en manger, mais ont très peu de pommes. faisant, il perdrait un salaire potentiel très inté-
Dans ce cas, l’échange améliorera le sort des deux ressant ; en économie, on dit que son coût d’option
pays. En eet, le Canada vendra aux Américains pour la construction est trop élevé. On constate
l’excédent de sa production de pommes, qui autre- dès lors que les agents économiques, comme les
ment n’aurait pas trouvé preneur, et il achètera leur pays, ont intérêts à se spécialiser dans ce qu’ils
surplus d’oranges. C’est ce qu’on appelle un avan- font le mieux plutôt que de tenter de tout produire
tage absolu. Un pays a un avantage absolu s’il par eux-mêmes. Ils s’avèrent ainsi plus productifs
peut produire, avec le même niveau de facteurs de et améliorent alors leur propre bien-être et celui de
production, un bien en plus grande quantité qu’un l’ensemble de la société.
autre pays. Ainsi, le Canada a un avantage absolu à
produire des pommes, et les États-Unis à produire
des oranges. 8.3 Protectionnisme et
Qu’arrive-t-il si un pays ne bénéficie d’aucun guerre commerciale
avantage absolu ? A-t-il intérêt à faire du com-
merce ? Quel intérêt aurait-on à aller chercher Dès qu’on s’éloigne d’une liberté d’échange (libre-
ailleurs un bien qui est produit moins effica- échange) pour adopter une politique destinée à
cement que dans notre pays ? En 1817, David limiter les importations an de protéger les
Ricardo (1772-1823), dans sa théorie des avan- industries nationales de la concurrence mondiale,
tages comparatifs (voir la rubrique « Grands on parle de protectionnisme. Les politiques
courants de la pensée économique » à la page 209), protectionnistes les plus connues prennent géné-
a répondu à cette question en démontrant que ralement la forme de tarifs douaniers (ou droits
l’échange peut être bénéfique pour tous. Un de douane) ou de quotas4. Les premiers agissent
pays qui détient sur un partenaire un avantage
absolu sur tous les biens a quand même inté- Avantage absolu Avantage que détient un pays
rêt à se concentrer sur ce qu’il fait de mieux et lorsqu’il peut produire, avec le même niveau de fac-
à délaisser le secteur où sa supériorité relative teurs de production, un bien en plus grande quantité
est moindre. Si les États-Unis sont deux fois plus qu’un autre pays.
productifs que le Canada pour la bière et quatre Théorie des avantages comparatifs Théorie de
fois plus productifs pour le vin, il est préférable David Ricardo selon laquelle les nations sans avantage
qu’ils se spécialisent dans la production de vin et absolu doivent se spécialiser dans la production du
bien pour lequel elles connaissent le moindre désa-
abandonnent la production de bière, laissant la vantage, c’est-à-dire le bien dont le coût d’option est
place dans ce secteur au Canada. Comme corol- le plus faible.
laire à cette affirmation, on dira que si le Canada
Protectionnisme Politique qui vise à limiter les
est quatre fois moins productif pour le vin importations an de protéger les industries nationales
mais deux fois moins productif pour la bière, il de la concurrence mondiale. Les tarifs douaniers et les
devrait se spécialiser dans la production de bière quotas en sont des exemples.
puisque c’est là que son inefficacité relative est la

4. Il existe une multitude de mesures protectionnistes comme les subventions aux entreprises nationales, les règles administratives contraignantes, les droits
compensateurs, etc. Dans le présent ouvrage, nous ne mentionnons que les mesures les plus connues, soit les tarifs douaniers et les quotas d’importation.
202 CHAPITRE 8

directement sur le prix des produits, alors que les ecace, comment se fait-il qu’un pays comme les
seconds agissent sur les quantités. États-Unis, où l’on se proclame en faveur du libre-
échange, fait usage de protectionnisme ?
Le tarif douanier est une taxe qui s’applique
aux biens importés et qui a pour eet de rendre La raison fondamentale est relativement simple : le
les biens étrangers plus chers et donc moins concur- principe économique de la main invisible d’A dam
rentiels. Le quota est une mesure qui limite la Smith, base du libéralisme économique, ne conduit
quantité d’un bien pouvant être importé dans un pas toujours à une situation optimale5. Pour le
pays. Il en résulte une rareté du bien et, par consé- démontrer, nous avons vu au chapitre 2 que cette
quent, une hausse de son prix sur le marché inté- situation est identique à celle du dilemme du pri-
rieur, comme dans le cas du tarif douanier. sonnier (cas le plus célèbre de la théorie des jeux).
An d’y voir plus clair, analysons comment, en
En somme, les tarifs douaniers et les quotas matière de politique commerciale, l’adoption de
conduisent à faire payer un surcoût au consomma-
comportements individuels maximisateurs peut
teur, puisqu’ils entraînent une augmentation du conduire à des situations non optimales (voir
prix des produits touchés dans le pays concerné. l’exemple 8.1).
Dans la mesure où le coût supporté par les
consommateurs ne saurait être compensé par
le supplément de prot de quelques entreprises, Tarif douanier Taxe qu’un gouvernement impose sur
les consommateurs étant plus nombreux que ces un bien importé.
dernières, il serait dicile de concevoir que le pro- Quota Mesure qui limite la quantité d’un bien pouvant
tectionnisme accentue le bien-être de la société. Or, être importé dans un pays.
si le libre-échange semble être la solution la plus

EXEMPLE 8.1 Le problème de la guerre commerciale


Deux grands pays industrialisés, le Canada et les États-Unis, ont Dans le cas présent, quel que soit le choix des Américains,
le choix entre deux stratégies : pratiquer le libre-échange, c’est- le protectionnisme se révèle la meilleure stratégie pour le
à-dire laisser entrer librement les produits de son partenaire Canada. Parallèlement, les États-Unis ont toujours intérêt à
commercial, ou mettre en place une politique protectionniste de choisir le protectionnisme, car 15 et 5 sont supérieurs
façon à limiter les importations. Le tableau suivant décrit (avec à 10 et 0.
des chiffres ctifs) ce jeu sur un plan stratégique. Les quatre
L’adoption du protectionnisme par les deux pays semble
cases du tableau résument les gains respectifs du Canada (coin
donc être l’issue du jeu (5, 5). Cette solution est cependant
inférieur gauche) et des États-Unis (coin supérieur droit). Quel
non optimale, car les deux pays pourraient obtenir des gains
sera le résultat du jeu ? Du point de vue du Canada, si les États-
supérieurs en choisissant d’un commun accord le libre-
Unis optent pour le libre-échange, il est préférable de choisir le
échange (10, 10).
protectionnisme (gain de 15) plutôt que le libre-échange (gain
de 10). Si les États-Unis optent pour le protectionnisme, il est De toute évidence, le Canada et les États-Unis ont intérêt à
encore préférable pour le Canada de choisir le protectionnisme coopérer an d’éviter une guerre commerciale destructive.
(gain de 5) plutôt que le libre-échange (gain de 0). Alors comment est-il possible de résoudre ce dilemme du
prisonnier ? Comment peut-on s’assurer que chaque pays ne
se protégera pas contre les importations de son partenaire ?
États-Unis
Il faut trouver une façon d’inciter les pays à coordonner leurs
Libre-échange Protectionnisme politiques commerciales. Cela passe indéniablement par des
10 15 accords internationaux.
Libre-échange
10 0
Canada
0 5
Protectionnisme
15 5

5. Cet énoncé émane de l’hypothèse fondamentale selon laquelle les gouvernements agissent non seulement dans l’intérêt public, mais aussi dans leur propre
intérêt : un dollar perdu par le consommateur peut, par exemple, apparaître moins important qu’un dollar gagné par les entreprises qui créent des emplois.
Relations commeRciales 203

S’il est reconnu que les diverses restrictions au névralgiques (la culture, l’agriculture) ou straté-
commerce international peuvent comporter des giques (les industries militaires) ; ils peuvent aussi
coûts économiques importants sous la forme d’une prendre des moyens pour contrer les menaces à
baisse du niveau de vie, il existe toutefois certaines l’environnement ou à la santé publique. Dans tous
conditions dans lesquelles les pays peuvent y avoir les cas, ces manœuvres commerciales doivent être
recours. Ils ont notamment le droit de se proté- documentées adéquatement et encadrées par des
ger des partenaires commerciaux déloyaux (selon institutions supranationales qui en assurent les
les normes du droit international) ainsi que de la fondements légitimes. C’est dans ce contexte que
concurrence internationale, pendant un certain parallèlement à la croissance des échanges entre
temps, que ce soit pour jeter les bases d’une nou- les pays se met en place graduellement la coopé-
velle industrie ou défendre des secteurs considérés ration internationale régionale ou multilatérale.

Actualité économique
Le protectionnisme n’est pas la solution
Plutôt que le protectionnisme, c’est protectionniste comporterait lui aussi terme, qu’il s’agisse de produits de
une action internationale mieux coor- de nombreux pièges. base dont nous sommes dépourvus
donnée qui apporterait des réponses à ou de produits que nous ne fabri-
la crise et aux nombreux dysfonction- quons pas ou plus. En outre, du fait
nements de la mondialisation libérale.
Le protectionnisme de l’internationalisation des proces-
aiderait-il à sortir sus productifs, une grande partie des
La crise a traduit la faillite des dogmes de la crise ? importations est en réalité intégrée au
économiques qui ont prévalu depuis Sur une longue période, le libre- sein des produits made in France [pour
trente ans. Sa profondeur remet en échange généralisé est plutôt un han- ce pays] et contribue à leur compéti-
particulier en cause la volonté d’aller dicap pour le développement. Mais tivité. Enn, une montée du protec-
vers toujours plus de liberté dans les dans les circonstances actuelles, tionnisme risquerait de compromettre
échanges commerciaux et les inves- l’adoption de mesures protection- les relations politiques entre États,
tissements internationaux. Dans la nistes par les différents États risque- à un moment où l’action internatio-
plupart des pays développés, les rait au contraire d’aggraver la crise. nale coordonnée est plus que jamais
appels se multiplient en faveur d’un nécessaire pour mettre en place les
retour à une forme ou une autre de Le commerce international s’est déjà régulations indispensables an d’éviter
protectionnisme. Le libre-échange effondré [de 12 % en volume] en 2009 le retour de désordre de ce type. […]
généralisé n’était évidemment pas sous l’impact de la récession. Dans ce
la panacée, mais un retour de bâton contexte, le recours à un protection-
nisme accru déclencherait À vous de jouer !
probablement une réaction
en chaîne. Imaginons que
l’Europe décide de limiter les 1 Indiquez les quatre conséquences
importations de textiles ou de auxquelles devraient faire face les
produits électroniques. Les pays qui favoriseraient un retour au
pays lésés réagiraient pro- protectionnisme.
bablement en limitant leurs 2 Face à la crise, expliquez pourquoi
achats d’Airbus ou de cen- l’adoption de mesures protection-
trales nucléaires. Aggravant nistes par un État peut déclencher
au nal partout le marasme une réaction en chaîne chez ses
économique. Plus au fond, principaux partenaires commer-
une bonne partie de nos ciaux et entraîner pour tous ces
Avant 2016, l’Argentine était un des pays importations sont difcile- États des pertes de revenus consi-
les plus protectionnistes du monde. ment substituables à court dérables (voir l’exemple 8.1).

Source : Duval, Guillaume. (Avril 2010). « Le protectionnisme n’est pas la solution », Alternatives économiques Poche, no 043bis.
204 CHAPITRE 8

8.4 Coopération internationale 30 novembre 2015, le 162e membre de l’organisa­


tion) de se sortir d’un équilibre non coopératif et
Conscients à la fois des gains liés au libre­échange de résoudre, en partie, le problème du dilemme
et des conséquences néfastes que peuvent provo­ du prisonnier.
quer les guerres commerciales, de nombreux pays
se sont lancés dans une série de négociations et ont 8.4.2 La coopération régionale :
conclu divers accords visant à libéraliser le com­
les blocs économiques
merce international.
Au moment même où les négociations multilaté­
8.4.1 La coopération multilatérale : rales piétinaient, de nombreux pays se sont
regroupés pour former des blocs régionaux, comme
du GATT à l’OMC l’illustrent les cas de l’Accord de libre­échange
Les échanges internationaux devraient évoluer nord­américain et de l’Union européenne. Mais ces
dans un régime de droits et d’institutions qui accords sont­ils une bonne chose ? Si la majorité
visent le plus grand nombre de pays ; c’est ce qu’on des économistes s’accordent pour dire que l’objectif
appelle la coopération multilatérale. Après la d’une déréglementation du commerce constitue la
Seconde Guerre mondiale, 23 pays, sous l’égide des solution optimale, il existe en revanche des diver­
États­Unis, ont décidé de mettre en place un code gences d’opinion sur la façon de s’en approcher. En
de bonne conduite. C’est ainsi qu’ils ont créé, en eet, si la constitution de blocs régionaux se traduit
1947, l’Accord général sur les tarifs douaniers par une libéralisation des échanges au sein de la
et le commerce (connu sous son sigle anglais zone ainsi formée, elle représente aussi une forme
GATT), qui visait l’abolition graduelle des bar­ de protectionnisme à l’égard des autres pays qui
rières protectionnistes, grâce à des négociations n’en sont pas membres.
multilatérales. Malheureusement, dès sa création,
le GATT a vu se succéder une multitude de conits Avant d’examiner la portée de certains accords
commerciaux, qui ont mis en évidence la diculté régionaux, dénissons le concept d’intégration
de réaliser une véritable coopération multilaté­ économique et les diverses formes qu’elle peut
rale sans la présence d’une institution suprana­ prendre. L’intégration économique est géné­
tionale. Mais ce n’est que le 1er janvier1995, lors ralement dénie comme un espace économique
de la conclusion du huitième et dernier cycle de homogène dans lequel les pays membres éliminent
négociations (cycle de l’Uruguay, 1986­1993), que
l’accord du GATT a été remplacé par une véri­
table institution : l’Organisation mondiale du Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce (OMC). commerce (GATT) Accord intervenu en 1947 et
visant l’abolition graduelle des barrières protection-
Organisation mondiale du commerce (OMC) nistes, grâce à des négociations multilatérales. Il a
été remplacé en 1995 par l’Organisation mondiale
L’OMC se distingue du GATT par la présence en son du commerce (OMC).
sein d’un Organe de règlement des diérends Organisation mondiale du commerce (OMC)
(ORD), mis sur pied pour prévenir les conits Organisme créé en 1995 pour remplacer l’Accord
commerciaux et les résoudre le cas échéant. L’ORD général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).
est un tribunal composé de cinq experts indépen­ Organe de règlement des différends (ORD) Tribunal
dants chargés d’entendre les plaintes et de per­ de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) mis
mettre éventuellement aux plaignants de prendre sur pied pour prévenir les conits commerciaux et les
des mesures de représailles contre des membres résoudre le cas échéant.
qui ne respecteraient pas les règles du com­ Intégration économique Espace économique homo-
merce international. gène dans lequel les pays membres éliminent progres-
sivement et continuellement les discriminations dans
Aujourd’hui, ces mesures ont permis aux 162 pays leurs relations économiques.
membres (le Kazakhstan étant devenu, le
Relations commeRciales 205

progressivement et continuellement les discrimi- provenaient des États-Unis. Cette régionalisation


nations dans leurs relations économiques. Dans des échanges entre les deux plus grands parte-
ce processus, on reconnaît habituellement cinq naires commerciaux de la planète (avec un PIB de
formes d’intégration régionale, selon le degré 18 607 milliards $US en 2013, soit 24,6 % du PIB
d’intégration désiré par les pays : la zone de mondial6) résulte naturellement de l’ALÉNA, mais
libre-échange, l’union douanière, le marché aussi de leur proximité géographique (réduisant les
commun, l’union économique et l’union éco- coûts de transport), du degré de diversication des
nomique et monétaire. produits (favorisant la spécialisation) et de leurs
habitudes de consommation similaires (favorisant
L’Accord de libre-échange nord-américain les échanges).
L’Accord de libre-échange (ALÉ) entre le Canada
et les États-Unis est entré en vigueur le 1er janvier FIGURE 8.5 Répartition du commerce extérieur du
1989. Cinq ans plus tard, en 1994, il a été élargi Canada en 2013 – Importations de biens
au Mexique avec la mise en place de l’Accord
de libre-échange nord-américain (ALÉNA).
L’ALÉNA vise essentiellement à éliminer les tarifs
douaniers entre le Canada, les États-Unis et le
Mexique et à réduire progressivement les quotas.

Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA)


Comme en témoigne les gures 8.4 et 8.5, les
États-Unis sont, et de très loin, le principal par-
tenaire du Canada. En 2013, la part des exporta-
tions canadiennes de biens vers les États-Unis a
atteint 75,8 %, alors qu’elle n’était que de 71,4 %
en 1989. Parallèlement, durant la même période,
52,1 % des importations canadiennes de biens Source : Données tirées de OMC. (2014). « Prols commerciaux 2014 », p. 42.

FIGURE 8.4 Répartition du commerce extérieur du


Canada en 2013 – Exportations de biens Zone de libre-échange Zone pour laquelle les pays
membres ont conclu une libéralisation de la circulation
des biens et des services, tout en maintenant les tarifs
douaniers et les quotas appliqués au reste du monde.
Union douanière Zone de libre-échange pour laquelle
les pays membres ont harmonisé les barrières protec-
tionnistes extérieures.
Marché commun Union douanière à laquelle les pays
membres ont ajouté la libéralisation de la circulation
des personnes et des capitaux.
Union économique Marché commun dont les poli-
tiques économiques sont harmonisées.
Union économique et monétaire Union économique
dotée d’une monnaie commune (ou unique), et donc
d’une autorité monétaire supranationale.
Source : Données tirées de OMC. (2014). « Prols commerciaux 2014 », p. 42.
Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA)
Accord de libre-échange entre le Canada, les États-
Unis et le Mexique, entré en vigueur en 1994.
6. Banque mondiale. (2013). « Population, total ».
206 CHAPITRE 8

L’Union européenne Le mouvement géographique porte le nombre


L’institution de l’Union européenne (UE) ore d’États membres à 9 en 1973 (Danemark, Irlande
l’exemple de l’intégration économique la plus et Royaume-Uni), à 10 en 1981 (Grèce), à 12 en
avancée du monde. À l’origine de la construction 1986 (Espagne, Portugal), à 15 en 1995 (Autriche,
européenne se trouve la déclaration de Robert Finlande, Suède), à 25 en 2004 (Chypre, Estonie,
Schuman, alors ministre français des Aaires Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Répu-
étrangères, qui propose, le 9 mai 1950, d’unir les blique tchèque, Slovaquie, Slovénie), puis à 27 en
ressources de charbon et d’acier françaises et 2007 (Bulgarie et Roumanie) et nalement à 28
ouest-allemandes. Une telle mesure vise à favori- en 2013 (Croatie)7. Le mouvement économique se
ser la coopération entre les États européens an traduit par la libéralisation progressive de la cir-
de promouvoir la prospérité et d’éviter les vieilles culation des biens, des services, des personnes et
hostilités qui ont provoqué les deux guerres mon- des capitaux.
diales. Ce sont les premiers pas vers l’UE. Ce n’est que le 1er novembre 1993, lors de l’entrée
Le 18 avril 1951, l’A llemagne de l’Ouest, la en vigueur du traité de Maastricht, que la CEE
Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les franchit une nouvelle étape en instituant l’UE.
Pays-Bas signent le traité de Paris, instituant la L’accord établit les règles d’une union économique
première Communauté européenne du charbon et monétaire, et étend la coopération à la poli-
et de l’acier (CECA). Ce projet aboutit, le 25 mars tique étrangère, à la sécurité, à la justice, aux rela-
1957, à la signature du traité de Rome, qui entraîne tions diplomatiques, à la science et à l’éducation.
la création de la Communauté économique euro- La mise en circulation, le 31 décembre 2001 à
péenne (CEE). Dès lors, la CEE connaît un double minuit, de 56 milliards de pièces de monnaie et de
mouvement : géographique et économique. 14 milliards de billets de banque dans 12 pays de
la zone euro apparaît donc comme un achèvement
Union européenne
de l’unication économique entreprise à la n des
années 1950.
Située à Francfort (Allemagne), la Banque centrale européenne
(BCE) est responsable depuis le 1er janvier 1999 de la mise en Avec ses 28 États membres, l’UE constitue
œuvre de la politique monétaire dans la zone euro. aujourd’hui un marché de plus de 500 millions
d’habitants à l’intérieur duquel 19 pays disposent
d’une monnaie unique (voir le tableau 8.3). Le
transfert du pouvoir monétaire vers l’UE se tra-
duit par une diminution des coûts de transactions
nancières pour les banques, les consomma-
teurs, les entreprises et les gouvernements, mais
également par le plus important abandon de sou-
veraineté des États en matière de politique macro-
économique. En outre, la création d’une monnaie
européenne unique devrait permettre à l’UE
d’être un adversaire puissant en matière commer-
ciale et nancière, et de pouvoir ainsi concurrencer

Union européenne (UE) Organisation régionale


européenne créée par le traité de Maastricht en 1993.

7. Il est à noter que l’élargissement se poursuit toujours. Au moment d’aller sous presse, il était question que six autres pays, l’Albanie, l’Islande,
la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Turquie, y adhérent prochainement.
Relations commeRciales 207

le dollar américain à titre de monnaie internatio- des pays de l’UE pèsent autant que celle des États-
nale. Le tableau 8.4, à la page suivante, illustre bien Unis. Toutefois, en ce qui concerne les échanges
l’importance de l’UE dans l’économie mondiale. de biens, elles devancent largement la zone de
Avec environ 24 % du produit intérieur brut (PIB) l’ALÉNA, avec respectivement 32,1 % et 12,8 % des
mondial en 2013, les 28 économies de l’ensemble exportations mondiales.

TABLEAU 8.3 Statistiques sur les 28 États membres de l’Union européenne en 2013

Population Part dans le PIB Part dans les exporta-


Pays Adhésion à l’UE
(en millions) de l’UE-28 (en %) tions de l’UE-28 (en %)
Allemagne* 1957 80,6 20,8 23,9
Belgique* 1957 11,2 2,9 7,7
France* 1957 65,9 15,7 9,6
Italie* 1957 60,2 11,9 8,5
Luxembourg* 1957 0,5 0,3 0,3
Pays-Bas* 1957 16,8 4,8 11,0
Danemark 1973 5,6 1,9 1,8
Irlande* 1973 4,6 1,3 1,9
Royaume-Uni 1973 64,1 14,9 8,9
Grèce* 1981 11,0 1,3 0,6
Espagne* 1986 46,6 7,8 5,2
Portugal* 1986 10,5 1,3 1,0
Autriche* 1995 8,5 2,4 2,9
Finlande* 1995 5,4 1,5 1,2
Suède 1995 9,6 3,2 2,8
UE-15 — 401,3 91,9 87,3
Chypre* 2004 1,1 0,1 0,0
Estonie* 2004 1,3 0,1 0,3
Hongrie 2004 9,9 0,7 1,8
Lettonie* 2004 2,0 0,2 0,2
8
Lituanie * 2004 3,0 0,3 0,5
Malte* 2004 0,4 0,1 0,1
Pologne 2004 38,0 2,9 3,4
République tchèque 2004 10,5 1,2 2,7
Slovaquie* 2004 5,4 0,5 1,4
Slovénie* 2004 2,1 0,3 0,6
Bulgarie 2007 7,3 0,3 0,5
Roumanie 2007 20,0 1,1 1,1
Croatie 2013 4,3 0,3 0,2
Derniers membres — 105,3 8,1 12,7
UE-28 — 506,6 100,0 100,0
* Pays participant à la zone euro.
Source : Données tirées de Banque mondiale. (Mai 2015). « World Development Indicators Database » ; OMC. (2013). « Base de données statistiques ».

8. Le 1er janvier 2015, la Lituanie est devenue le 19e pays à adopter la monnaie unique.
208 CHAPITRE 8

TABLEAU 8.4 Importance relative de l’ALÉNA, de l’UE et Avant de conclure ce chapitre avec la
de la Chine dans l’économie mondiale, en 2013 théorie des avantages comparatif de
Taille de l’économie ALÉNA UE-28 Chine
Ricardo (voir la rubrique « Grands cou-
rants de la pensée économique » à la page
Part dans la population mondiale (en %) 6,7 7,1 19,1
suivante), voyons l’exemple 8.2, qui
Part dans le PIB mondial (en %) 26,3 23,7 12,6
présente une chaîne de production
Part dans les exportations mondiales (en %) 12,8 32,1 11,7
mondialisée, celle des voitures.
Source : Données tirées de Banque mondiale. (Mai 2015). « World Development Indicators Database » ;
OMC. (2013). « Base de données statistiques ».

EXEMPLE 8.2 Les voitures : une chaîne de production mondialisée


Entreprises et pays sources des différents composants 14. Antenne (Delphi, États-Unis/Japon/Brésil)
d’une voiture
15. Portières (Brase, Allemagne)
Les 23 points de la Volvo S40
16. Réservoir (Kutex Textron, Allemagne)
1. Turbo diesel (Sanden, Japon)
17. Airbags et ceintures de sécurité (Autoliv, Suède)
2. Radiateur (Behr, Allemagne)
18. Repose-tête (Kongsberg, Norvège)
3. Transmission automatique (Aisim AW, Japon)
19. Contrôle de navigation (Mitsubishi, Japon)
4. Phares (Automative Lighting, États-Unis/Canada)
20. Écran (Yazaki, Japon)
5. Unité de contrôle du moteur (Borgwarner, États-Unis)
6. Barre antiroulis (Allevard Rejna, France/Argentine) 21. Instruments de bord (Faurecia, France)

7. Vitres (Securit, France) 22. Haut-parleurs (Harman Becker, Allemagne)


8. Feux arrière (Selma, France) 23. Climatisation (Valéo, France)
9. Pare-choc arrière (Plastal, Suède/Pays-Bas) La provenance des sous-ensembles utilisés pour construire une
voiture montre que la valeur ajoutée intégrée dans ce genre de
10. Roues (Barbet, Allemagne) produit provient d’au moins dix pays différents. L’automobile
11. Sièges arrière (Johnson Controls, États-Unis) fait partie des secteurs où la chaîne de production est la plus
fortement mondialisée. Selon des estimations conjointes OMC-
12. Système antiblocage des freins (Continental
OCDE, entre le tiers et la moitié des composants et matériels
Teves, Allemagne)
de transport (essentiellement l’automobile) sont importés,
13. Rétroviseurs (Schefenacker, Allemagne) retravaillés et réexportés.

Source : Alternatives économiques. (Avril 2014). « Voitures : une chaîne de production mondialisée », hors-série n° 101 bis, p. 6-7.
Relations commeRciales 209

Grands courants de la pensée économique


La théorie des avantages comparatifs de Ricardo
Longtemps, on a cru qu’une nation, exporter davantage qu’il importait, de au Portugal. Pour produire une unité
pour s’enrichir, devait limiter ses façon à accumuler de grandes quan- de vin, 120 heures sont nécessaires
importations et développer au maxi- tités d’or (ou d’argent), source de en Angleterre, alors que 80 heures
mum ses exportations. C’est ce qu’on richesse et de pouvoir. sufsent au Portugal. Les résultats
appelait le mercantilisme. Cette sont représentés dans le tableau
doctrine, née au xvie siècle, reposait Toutefois, cette pensée économique ci-dessous.
en partie sur l’idée qu’un pays devait s’atténue au cours du xviiie siècle. En
1776, Adam Smith remet en cause On constate que l’Angleterre n’a
les principes du mercantilisme et sti- aucun avantage absolu, puisque
Un des principaux apports de pule que c’est de l’échange que naît la production de draps et de vin y
l’économiste anglais David Ricardo la richesse des nations. Trois décen- nécessite plus d’heures de travail
(1772-1823) est sans aucun doute son
nies plus tard, l’économiste anglais qu’au Portugal. Toutefois, l’Angleterre
analyse du commerce international
et la fameuse théorie des avantages David Ricardo (1772-1823) élabore, possède un avantage compara-
comparatifs (théorie démontrant dans son œuvre intitulée Des prin- tif dans la production de draps. En
la supériorité du libre-échange cipes de l’économie politique et de effet, en déplaçant vers la confection
par rapport au protectionnisme). l’impôt (1817), la théorie des avan- d’une unité de drap les 120 heures
tages comparatifs. Selon cette théo- nécessaires pour la production
rie, les nations sans avantage absolu d’une unité de vin, elle peut obte-
doivent se spécialiser dans la nir 1,2 unité de drap (soit 120/100),
production du bien pour lequel alors qu’au Portugal le même chan-
elles connaissent le moindre gement d’affectation des ressources
désavantage, c’est-à-dire le ne permet d’obtenir que 0,89 unité
bien dont le coût d’option est de drap (soit 80/90).
le plus faible.
Nombre d’heures de travail
On peut illus- pour produire 1 unité d’un bien
trer la théorie Pays
1 unité 1 unité
des avantages de drap de vin
comparatifs de
Angleterre 100 120
Ricardo à l’aide
d’un exemple, Portugal 90 80
demeuré célèbre,
portant sur la Ainsi, selon la théorie de Ricardo,
production de draps en l’Angleterre et le Portugal ont intérêt
Angleterre et de vin au à se spécialiser respectivement dans
Portugal. Pour produire la production de draps (220 heures)
une unité de drap, et de vin (170 heures). Ce faisant, la
il faut 100 heures production totale des deux pays aug-
de travail en mente (de 0,2 unité pour le drap et
Angleterre et de 0,125 unité pour le vin), grâce à
seulement la spécialisation à laquelle a conduit
90 heures l’échange.

Mercantilisme Doctrine
selon laquelle une nation,
pour s’enrichir, doit limiter ses
importations et développer au
maximum ses exportations.
210 CHAPITRE 8

En un clin d’œil

Internationalisation
Ouverture des pays aux échanges
dedebiens
biensetetdeservices
services

Transnationalisation
Mondialisation Déplacement de la production

Globalisation
Interdépendance des marchés
à l’échelle mondiale

LaLacroissance
croissancedes
des exportations estsupérieure
exportations est supérieure Les pays exportateurs sont
à àlalacroissance
croissance de
de la
la production mondiale.
production mondiale. généralement des pays développés.

Échanges
Avantage absolu
commerciaux
Gain
Avantages comparatifs

Tarif douanier
Taxe sur les biens importés
Les pays exportateurs sont
Protectionnisme Guerre commerciale
généralement des pays développés.
Quota
Mesure limitant les importations

Coopération multilatérale
OMC (anciennement GATT) Formes d’intégration
économique
Coopération • Zone de libre-échange
internationale • Union douanière
Coopération régionale • Marché commun
• ALÉNA • Union
Unionéconomique
économique
• UE • Union économique et monétaire
Relations commeRciales 211

Testez vos connaissances


Questions de révision a) Quelle est l’évolution des revenus réels du premier
centile (le 1 % le plus riche) et des 99 derniers cen-
1 Expliquez la diérence entre les termes « mondia- tiles au Québec ? Que peut-on conclure ?
lisation » et « globalisation ». b) Commentez cette thèse, chère aux altermon-
2 Commentez l’armation suivante : « La mon- dialistes, selon laquelle « la mondialisation se
dialisation signie que tous les pays de la planète traduit par un appauvrissement des uns au prot
participent aux échanges. » des autres ».
3 Pourquoi les pays échangent-ils des biens et des 12 Supposons que la production d’une tonne de
services ? pétrole nécessite 5 heures de travail au Canada
4 Nommez les deux mesures protectionnistes les et 30 heures de travail en Chine, alors qu’il faut
plus courantes. 10 heures de travail au Canada et 20 heures de
travail en Chine pour produire une tonne d’acier.
5 Si le libre-échange semble être la solution la plus Les données sont représentées dans le tableau
ecace, comment se fait-il qu’un pays comme les ci-après. À partir de celles-ci, répondez aux ques-
États-Unis, où l’on se proclame en faveur du libre- tions suivantes.
échange, fait usage de protectionnisme ?
6 Quelle est la distinction fondamentale entre le Nombre d’heures de travail pour
GATT et l’OMC ? Pays produire 1 tonne d’un bien
7 Nommez et dénissez les cinq formes d’intégra- 1 tonne de pétrole 1 tonne d’acier
tion économique. Canada 5 10
8 Quel est le principal partenaire commercial du Chine 30 20
Canada ? Justiez votre réponse.
9 Qu’est-ce que l’Union européenne ? a) Quel pays détient un avantage absolu pour la pro-
10 Quels sont les atouts et les contraintes de la mon- duction de pétrole ? Pourquoi ?
naie européenne unique pour les 19 pays membres b) Quel pays détient un avantage absolu pour la pro-
qui l’ont adoptée ? duction d’acier ? Pourquoi ?
c) Selon la théorie des avantages comparatifs de
Questions d’application Ricardo, dans la production de quel bien chaque
pays devrait-il se spécialiser ?
11 À partir des données de la gure ci-dessous pré- d) Quel est le gain total (nombre de tonnes de
sentant les revenus réels du premier centile et pétrole et d’acier) provoqué par la spécialisation
des 99 derniers centiles au Québec, en 1973 et en de la production et de l’échange ?
2009, répondez aux questions suivantes.

Source : Données tirées de Zorn, Nicolas. (Novembre 2012). « Le 1 % québécois : martyr scal ? Étude sur l’évolution des revenus et de l’impôt du premier centile
québécois ». Institut de recherche en économie contemporaine.
212 CHAPITRE 8

13 Calculez, pour 1980, 1985, 1990, 1995, 2000, 15 La gure ci-dessus présente le marché de chaus-
2005, 2010, 2011, 2012 et 2013, la part (en %) des sures d’un petit pays ctif qui serait isolé du mar-
services dans les exportations mondiales (voir le ché mondial. Le prix mondial des chaussures est
tableau 8.2 à la page 200). Que constatez-vous ? de 60 $ la paire.
a) Quels sont le prix et la quantité d’équilibre des
14 Deux pays doivent choisir entre l’imposition au
chaussures sans échange international ?
partenaire commercial d’une taxe sur ses pro-
duits (protectionnisme) et l’entrée libre de ces b) Si le prix mondial des chaussures est de 60 $ la
produits (libre-échange). Le tableau ci-dessous paire, le pays est-il un importateur ou un exporta-
illustre en quoi les gains du pays 1 et du pays 2 teur de chaussures ?
peuvent dépendre de leurs décisions. Ainsi, chaque c) Quel sera cette quantité importée ou exportée ?
pays à lui seul pourrait tirer des gains substantiels
du protectionnisme, mais chacun subira des pertes 16 Dans la section 8.3, on donne à penser que le
si les deux pays prennent cette décision. À l’aide de protectionnisme est injustié. Pourtant, depuis
ce jeu, répondez aux questions suivantes. novembre 2008, on note une montée signicative
du protectionnisme dans le monde. Pensons, par
a) Trouvez l’issue du jeu. exemple, à la Russie qui continue d’imposer une
b) Expliquez quel raisonnement peut amener les taxe sur certains produits manufacturiers euro-
deux pays à choisir le protectionnisme. péens comme le papier. À l’aide d’une recherche sur
c) Expliquez pourquoi les deux pays ont intérêt à Internet ou à la bibliothèque, expliquez pourquoi
choisir conjointement le libre-échange. certains pays auraient de bonnes raisons de limi-
ter les échanges commerciaux.
d) De quelle façon la coopération peut-elle se réaliser ?

Question d’intégration
Pays 2
Libre-échange Protectionnisme 17 Les échanges de biens et de services avec les
autres pays inuent sur la performance de notre
10 20
Libre-échange économie et son fonctionnement. Expliquez de
10 –10
Pays 1 quelle façon en revoyant les principaux éléments
–10 –5 d’une économie globale présentés dans les chapi-
Protectionnisme
20 –5
tres précédents.
Relations commeRciales 213

Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions détaillées.)

1 Recueillez des données sur les relations commer- 2 Pour connaître les plus récentes données sur le
ciales du Canada. Vous les trouverez en consultant commerce international du Québec, consultez
le site de Statistique Canada. Dans la section « Par- la Banque de données des statistiques ocielles
courir par sujet », en bas de l’écran, cliquez sur le sur le Québec. Une fois sur le portail, cliquez
lien « Comptes économiques ». Ensuite, choisissez « Économie » dans la section « Statistiques et publi-
« Balance des paiements internationaux », puis cations », puis choisissiez « Commerce internatio-
« Tableaux sommaires » et « Balance des paiements nal » situé à gauche de l’écran. Enn, choisissez le
internationaux du Canada ». tableau « Exportations internationales annuelles
par produit, Québec et Canada ».
Statistique Canada
a) Pour chacune des quatre dernières années, calcu- Banque de données des statistiques ofcielles
lez la variation relative en pourcentage des expor- sur le Québec
tations canadiennes de biens et de services. Que a) Quels sont les deux principaux produits que le
constatez-vous ? Québec exporte vers d’autres pays ?
b) Pour chacune des quatre dernières années, cal- b) Quelle est, pour l’année la plus récente, la part de
culez la part (en %) des services dans les expor- ces deux biens dans l’ensemble des exportations
tations canadiennes de biens et de services. Que québécoises ? Que constatez-vous ?
constatez-vous ?
CHAPITRE
9 RELATIONS
FINANCIÈRES

9.1 Mesure des échanges extérieurs :


la balance des paiements ....................................... 216
9.2 Taux de change et marché des changes............. 219
9.3 Détermination du taux de change......................... 224
9.4 Pouvoir d’achat d’une devise ................................. 226
9.5 Relation entre taux de change et politique
monétaire canadienne ............................................. 227
9.6 Guerre des devises ................................................... 229
En un clin d’œil........................................................... 233
Testez vos connaissances....................................... 235
Laboratoire informatique ........................................ 237

« Les taux de change exercent une inuence


beaucoup trop importante dans l’économie
pour qu’on les abandonne à la psychologie trop
souvent irraisonnée du marché des changes. »
André Cartapanis, économiste français
OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• distinguer les divers comptes de la balance des paiements ;
• expliquer le fonctionnement du marché des changes ;
• expliquer comment le taux de change est déterminé par les forces
du marché ;
• mesurer le pouvoir d’achat d’une devise ;
• analyser les relations entre le taux de change et certains
indicateurs macroéconomiques ;
• expliquer comment les choix de politique monétaire dans un pays peuvent
inuer sur ses échanges extérieurs.

haque fois que vous traversez la frontière américaine pour un petit

C séjour à la plage, vous ne payez pas vos achats en dollars canadiens,


mais en dollars américains. Quand la Société des alcools du Québec
(SAQ) importe du vin de la France, elle doit le payer en euros. L’échange
des devises est donc une condition préalable aux échanges commerciaux. Il en va
de même pour les transactions nancières. Quand Bombardier installe une usine
en Irlande ou que Walmart ouvre une succursale dans un centre commercial,
ils payent généralement en devises du pays concerné. En fait, presque tous
les échanges commerciaux et nanciers à l’échelle mondiale nécessitent une
conversion des devises, sauf lorsque des pays partagent la même monnaie.
Mais en quoi les uctuations du dollar canadien touchent-elles une personne
qui n’a jamais voyagé ni acheté de titres étrangers comme des actions ou des
obligations ? Comment se xe le prix d’une devise ? Pourquoi, le 7 novembre 2007,
le dollar canadien valait 1,09 $US, sommet historique, alors qu’en janvier 2016,
il glissait sous la barre des 0,70 $US ? Notre dollar restera-t-il inférieur au dollar
américain ou atteindra-t-il de nouveau la parité ?
Dans ce chapitre, nous tenterons de répondre à ces questions, en traitant
d’abord des principaux échanges en jeu dans les relations économiques
mondiales. Ceux-ci sont recensés dans un outil comptable appelé « balance des
paiements », objet de la première section du chapitre. Après l’analyse de celle-ci,
nous aborderons successivement le taux de change et le marché des changes,
la détermination du taux de change, puis la relation entre le taux de change et la
politique monétaire. Finalement, nous présenterons un enjeu incontournable en
nances internationales : la guerre des devises.
216 CHAPITRE 9

9.1 Mesure des échanges TABLEAU 9.1 Compte courant et compte capital
du Canada en 2014 (en milliards de $)
extérieurs : la balance Compte courant Recettes (+) Paiements (–)
des paiements et de capital (exportations) (importations)
Solde

Compte courant 721,2 766,1 –44,9


Pour mesurer l’ampleur des échanges extérieurs et
avoir une image des relations commerciales et nan- Biens et services 624,6 643,2 –18,6
cières que les pays entretiennent avec le reste du Biens 528,8 524,1 4,8
monde, ces derniers utilisent un outil comptable : la
Services 95,7 119,2 –23,4
balance des paiements. Celle-ci recense l’ensemble
des transactions économiques qu’un pays eectue Revenus
primaires
avec les autres pays. Toute transaction qui conduit (rémunérations,
85,6 109,2 –23,7
à un prêt net fait à l’étranger est portée au crédit et placements)
aectée du signe « plus », alors que toute transaction Revenus
qui donne lieu à un emprunt net fait à l’étranger est secondaires
11,1 13,7 –2,6
portée au débit et aectée du signe « moins ». (transferts
courants)
La balance des paiements1 comprend le compte Compte capital 0,9 0,5 0,4
courant et le compte capital, d’une part, et le
compte nancier, d’autre part. Total 722,1 766,6 –44,5

Note : La somme des données ne correspond pas toujours exactement au solde des
lignes ou au total des colonnes parce qu’on les a arrondies à une décimale près.
9.1.1 Les comptes courant Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 376-0101.
et de capital
Au chapitre 3, nous avons vu que le PIB, mesuré par revenus primaires, qui comprennent la rému-
les dépenses, comprend la diérence entre l’achat nération des employés frontaliers et les revenus
de biens et de services nationaux par des étrangers de placements (c’est-à-dire les intérêts et les divi-
et l’achat de produits étrangers par des résidents dendes reçus par les résidents pour des investisse-
nationaux (X – M). Dans cette identité macroé- ments eectués à l’étranger et ceux qui sont versés
conomique, les exportations (X) et les importa- aux étrangers pour des investissements faits dans
tions (M) correspondent respectivement pour le pays).
une grande part aux recettes et aux paiements du
compte courant. Le tableau 9.1 présente le compte
courant du Canada en 2014. Balance des paiements Outil comptable qui recense
l’ensemble des transactions économiques qu’un pays
La première composante du compte courant effectue avec les autres pays.
nous donne le solde des échanges de biens (en Compte courant Compte de la balance des paiements
comptabilité nationale, on parle alors d’expor- qui recouvre les échanges de biens et de services, les
tations nettes de biens ou de balance com- revenus primaires et les revenus secondaires.
merciale2 et de services. On y retrouve donc les Balance commerciale Composante du compte cou-
exportations et les importations de biens, comme rant où sont comptabilisés les échanges de biens
les matières premières et les biens manufacturés, (de marchandises).
ainsi que les revenus et les dépenses liés au tou- Revenus primaires Éléments du compte courant
risme et aux transports. englobant la rémunération des employés frontaliers et
les revenus de placements des investisseurs (intérêts,
Le compte courant regroupe également un agré- dividendes, etc.).
gat de la balance des paiements. Il s’agit des

1. Nous utilisons la présentation en vigueur depuis 2012. Pour plus de renseignements, consultez Statistique Canada. (28 septembre 2012). « Sommaire des
révisions apportées aux Comptes internationaux du Système de comptabilité nationale du Canada 2012 ».
2. Notez que l’expression « balance commerciale » renvoie parfois à l’échange de biens et de services, et non seulement de biens.
RELATIONS FINANCIÈRES 217

Enn, la troisième composante du compte courant compte capital représentent une partie marginale
repose sur les revenus secondaires, qui sont des du compte. En 2014, le solde du compte capital a été
transferts de fonds privés ou publics entre les pays. excédentaire de 0,4 milliard de dollars.
Ils englobent les pensions, les bourses d’études,
Balance des paiements internationaux,
l’aide internationale, les sommes d’argent envoyées compte courant
aux familles, etc.
Malgré un premier surplus signicatif des échanges 9.1.2 Le compte nancier
de biens depuis 2008 (voir la gure 9.1), le Canada Le deuxième élément de la balance des paiements
a enregistré un décit de 44,5 milliards de dollars englobe le compte nancier. Le compte nan-
de son compte courant en 2014, ce qui signie que cier enregistre diérents types de ux nanciers.
les transactions courantes ont entraîné moins
d’entrées que de sorties de fonds.
Le compte de capital 3 enregistre des transferts Revenus secondaires Éléments du compte courant
englobant les transferts de fonds entre les pays
en capital (par exemple, les actifs des immigrants et
(les pensions, les bourses d’études, les dons et
des émigrants, les héritages, les remises de dettes et l’aide internationale).
de pertes sur les créances accordées aux pays du
Compte de capital Compte de la balance des paie-
tiers-monde qui ne peuvent honorer leurs engage-
ments qui enregistre les transferts en capital (actifs des
ments nanciers), mais également les acquisitions migrants, héritages, remises de dettes) et les transac-
et les cessions d’actifs non nanciers non produits tions portant sur les actifs non nanciers non produits
(c’est-à-dire les droits de propriété intellectuelle (brevets, terrain d’une ambassade).
comme les brevets, et les biens corporels comme Compte nancier Compte de la balance des paie-
le terrain d’une ambassade). Comme on peut le ments qui enregistre les ux nanciers.
constater au tableau 9.1, les transactions reliées au

FIGURE 9.1 Évolution des exportations nettes de biens du Canada, 1981-2014

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 376-0101.

3. Il est à noter qu’avant 2012, le compte capital était fusionné au compte nancier plutôt qu’au compte courant.
218 CHAPITRE 9

On y distingue plus particulièrement TABLEAU 9.2 Compte nancier du Canada en 2014


les investissements directs et les inves- (en milliards de $)
tissements de portefeuille. Les in- Acquisition Augmentation
Compte nancier
vestissements directs renvoient au nette nette des Solde
(ux nets)
d’actifs passifs
nancement de la mise sur pied d’unités
de production ou de mesures prises par Investissements directs –3,1
Canadiens à l’étranger 69,4
des entreprises existantes pour prendre
Étrangers au Canada –72,5
le contrôle de telles unités. Il pourrait
s’agir, par exemple, de la construc- Investissements –19,0
de portefeuille
tion, par Bombardier, d’une usine en
canadien (obligations,
Irlande (création ou acquisition d’actifs 56,4
actions étrangères, etc.)
à l’étranger) ou de l’implantation, par étranger (obligations,
–75,4
une entreprise étrangère, d’une liale actions canadiennes, etc.)
au Canada (hausse du passif au Canada, Réserves ofcielles 5,9
5,9
car l’investissement est destiné à retour- internationales Augmentation

ner un jour à l’étranger). Quant aux Autres investissements –27,0


investissements de portefeuille, ils canadiens 16,2
désignent les ux d’actions et d’obliga- étrangers –43,1
tions, comme l’achat (ou la vente) d’ac- Total 147,9 –191,1 –43,2
tions de Bombardier par un irlandais ou Source : Données tirées de Statistique Canada, « Balance des paiements internationaux du Canada » ;
bien l’achat (ou la vente) d’obligations CANSIM, tableau 376-0102.
américaines par un Canadien4. Ces tran-
sactions sont eectuées à des ns de placement seu- 43,2 milliards de dollars, parce que le passif
lement et non pour diriger directement l’entreprise. canadien (les investissements que font les étran-
gers au Canada) excède son actif (les investisse-
On trouve également dans le compte nancier les
ments que font les Canadiens à l’étranger)5.
réserves ocielles internationales du Canada.
Ces réserves sont des avoirs en devises détenus par les
banques centrales contre les mauvaises surprises éco- 9.1.3 L’équilibre de la balance
nomiques qui pourraient se produire dans la balance des paiements
des paiements. Elles permettent à la banque centrale En théorie, la balance des paiements d’un pays
d’intervenir directement sur le marché des changes doit toujours être en équilibre, c’est-à-dire que les
pour atténuer les uctuations trop importantes du
taux de change. En 2014, par exemple, les réserves
en devises internationales de la Banque du Canada Investissements directs Éléments du compte nan-
ont cru de 5,9 milliards de dollars (voir le tableau 9.2), cier correspondant au nancement de la mise sur pied
car les rentrées de fonds du compte nancier, qui d’unités de production ou de mesures pour prendre le
contrôle de telles unités.
se chirait à 50,4 milliards de dollars en incluant
l’erreur statistique de 1,3 milliards de dollars (3,1 + Investissements de portefeuille Éléments du
19,0 + 27,0 + 1,3), excédaient les sorties de fonds des compte nancier correspondant aux ux d’actions
et d’obligations.
comptes courant et capital (44,5 milliards de dollars).
Réserves ofcielles internationales Avoirs du
Pour l’ensemble de l’année 2014 (voir le tableau 9.2), gouvernement en devises et autres actifs de réserve.
le compte nancier présente un décit de

4. Notez que les transactions portant sur des actions d’entreprises sont inscrites dans les « investissements directs » lorsque la déclaration de l’acquéreur vise à
exercer un contrôle sur la direction de l’entreprise, même si cette participation ne lui procure pas la majorité absolue des actions en circulation.
5. En 2012, on a effectué un changement important en ce qui concerne l’interprétation des signes utilisés dans le compte nancier en inversant la présentation
traditionnelle. Compte tenu de l’utilisation de la nouvelle terminologie, « Acquisition nette d’actifs nanciers », un signe positif dans le compte nancier de
la balance des paiements représente maintenant une hausse des actifs du Canada à l’étranger, tandis qu’un signe négatif représente maintenant une baisse de
ces actifs détenus par les Canadiens.
RELATIONS FINANCIÈRES 219

totaux des deux comptes devraient être égaux. ont dépassé les entrées de fonds du pays au cours
Cette identité comptable s’explique de la façon sui- de la période étudiée. Par exemple, en 2014, elle
vante : lorsque le solde des comptes courant et de correspondait à 1,3 milliards de dollars (voir le
capital d’un pays est négatif (comme c’était le cas tableau 9.3).
du Canada en 2014), cela signie qu’il a acheté plus
de biens et de services qu’il n’en a vendu (situation
similaire à un agent dont les dépenses excèdent les 9.2 Taux de change et marché
revenus). Pour couvrir son dû, il doit nécessaire-
ment puiser dans son épargne (dans ses réserves de des changes
devises) ou emprunter à l’étranger. Bien entendu, Si chaque pays a sa propre unité de mesure moné-
l’inverse se produira aussi si les comptes courant et taire, comment les agents économiques font-ils
capital sont en surplus. pour régler leurs transactions commerciales et
nancières ? Le problème des échanges extérieurs
En pratique, comme les données proviennent de
sources multiples, les soldes de ces deux comptes se résout par le marché des changes, qui détermine
de la balance des paiements s’égalisent rarement. le taux de change.
Par conséquent, an de s’assurer que la balance
des paiements soit équilibrée, Statistique Canada 9.2.1 Le taux de change
introduit chaque année une rubrique intitulée Le taux de change est le prix en monnaie natio-
« divergence statistique », qui tient compte des nale d’une unité de devise (monnaie étrangère).
erreurs de mesure et des transactions non enre- Dans le cas du Canada, il indique le nombre de
gistrées. Cette divergence statistique englobe dollars canadiens nécessaires pour se procurer une
aussi la diérence entre les entrées et les sor- unité de devise :
ties de fonds au pays. La divergence statistique
est précédée d’un signe positif lorsque les sorties prix (nombre de dollars canadiens)
Taux de change =
1 unité de devise

TABLEAU 9.3 Résumé de la balance des paiements


du Canada en 2014 (en milliards de $) La dénition qui précède, également appelée « cota-
Balance des paiements Solde
tion à l’incertain », est celle du taux de change que
Comptes courant et capital –44,5
Compte nancier –43,2 Taux de change (cotation à l’incertain) Prix en
Divergence statistique 1,3 monnaie nationale d’une unité de devise.

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 376-0101 Devise Monnaie étrangère.
et 376-0102.

EXEMPLE 9.1 Décrire les comptes de la balance des paiements d’un pays
À partir des données ci-après, en milliards de dollars, on désire • Investissements par le Burdistan à l’étranger : 170
calculer le solde du compte courant, du compte capital et du
• Investissements par les étrangers au Burdistan : 155
compte nancier du Burdistan (pays ctif).
Le solde du compte courant est égal aux exportations nettes
• Exportations de biens et de services : 300
(300 – 300 = 0) plus les revenus de placement nets (65 – 55 = 10)
• Importations de biens et de services : 300 plus les transferts nets (0), soit +10 milliards de dollars. Le
solde du compte capital est égal à +5. Le solde nancier est
• Revenus de placement gagnés à l’étranger : 65
égal à l’écart entre les investissements par le Burdistan à
• Revenus de placement versés à l’étranger : 55 l’étranger (actifs de 170) et les investissements par les étrangers
au Burdistan (passif de 155), soit +15 milliards de dollars. La
• Transferts nets : 0
balance des paiements est donc en équilibre, puisque le solde des
• Entrée nette de capital : +5 comptes courant et capital (+15) correspond à celui du compte
nancier (+15).
220 CHAPITRE 9

l’on retrouve tous les jours dans la rubrique nan- TABLEAU 9.4 Cotation des devises au 27 janvier 2016
cière des journaux. Toutefois, aux informations
Taux de change
télévisées, on privilégie une autre dénition du Pays Devise
taux de change, appelée cotation au certain 6. (en $CAN) (en devises)
Cette dernière donne la valeur du dollar canadien
Argentine Peso 0,1009 9,9108
par rapport aux autres devises. Par exemple, si, le
27 janvier 2016, il fallait 1,4043 $CAN pour ache- Australie Dollar 0,9935 1,0065
ter 1 $US (voir le tableau 9.4), alors 1 $CAN valait États-Unis Dollar 1,4043 0,7121
0,7121 $US. Il s’agit en fait de la réciproque d’une Europe Euro 1,5261 0,6553
1
(
cotation à l’incertain soit 1,4043 que l’on calcule à) Japon Yen 0,01181 84,6740
l’aide d’une simple règle de trois : Mexique Peso 0,07640 13,0890

1,4043 $CAN = 1 $US Royaume-Uni Livre 2,0027 0,4993

1 $CAN = X Suisse Franc 1,3797 0,7248

Source : Données tirées de Banque du Canada. « Convertisseur de devises - dix


dernières années ».
Il est à noter que, dans ce manuel, nous tenterons
d’utiliser les deux dénitions du taux de change,
qui sont parfaitement équivalentes. une dépréciation de la monnaie. Par exemple, en
2012, le prix du dollar américain était de 1,00 $CAN
9.2.2 La conversion des prix et, en 2015, il était de 1,28 $CAN (voir l’axe vertical
à gauche du graphique de la gure 9.2). Il fallait donc
étrangers en prix nationaux débourser 0,28 $CAN de plus qu’en 2012 pour ache-
Le taux de change permet aux agents économiques ter un dollar américain. Inversement, une baisse du
de convertir le prix d’un bien étranger en la mon- taux de change constitue une appréciation de la
naie de leur pays, ou vice versa. On eectue une monnaie, puisqu’il faut moins de dollars canadiens
telle opération en multipliant le prix du produit pour acheter un dollar américain.
étranger par le taux de change (ou, dans le cas
contraire, en divisant le prix du produit national Convertisseur de taux de change de la Banque
du Canada
par le taux de change). Par exemple, combien coû-
tait, en dollars canadiens, une chambre d’hôtel à Attention ! Si le taux de change est exprimé en dol-
New York si sa valeur était de 150 $US le 27 janvier lars américains, la terminologie des variations du
2016 ? Compte tenu du taux de change en vigueur taux de change est alors inversée. Dans ce cas, une
à ce moment-là (voir le tableau 9.4), cette chambre baisse du taux de change (en $US) – de 1,00 $US à
d’hôtel coûtait 210,65 $CAN. Le calcul s’eectue 0,78 $US de 2012 à 2015 (voir l’axe vertical à droite
de la façon suivante : du graphique de la gure 9.2) – désigne une perte

150 $US × 1,4043 =


( )
$CAN
1 $US
= 210,65 $CAN Cotation au certain Valeur de la monnaie nationale
par rapport aux autres devises.
Dépréciation Baisse de la valeur d’une monnaie par
La terminologie des variations du taux rapport à une autre, correspondant à une hausse de
de change son prix (cotation à l’incertain) ou à une baisse de son
La gure 9.2 illustre l’évolution du taux de change prix (cotation au certain).
du dollar canadien, de 1970 à 2015, selon une cota- Appréciation Augmentation de la valeur d’une
tion à l’incertain et une cotation au certain. Dans monnaie par rapport à une autre, correspondant à
le cas d’une cotation à l’incertain (taux de change une baisse de son prix (cotation à l’incertain) ou à une
hausse de son prix (cotation au certain).
en $CAN), une hausse du taux de change signie
6. Ces appellations, « cotation au certain » et « cotation à l’incertain », sont des traductions des expressions anglaises indirect quotation et direct quotation.
RELATIONS FINANCIÈRES 221

FIGURE 9.2 Évolution du taux de change, Canada et États-Unis, 1970-2015

Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 176-0064.

de la valeur du dollar canadien (cela revient à dire ● Le système de taux de change xe est un sys-
que notre monnaie s’est dépréciée). En revanche, tème dans lequel le taux de change ne varie pas,
une hausse du taux de change signie que le dol- puisqu’il est xé par les autorités gouvernemen-
lar canadien a pris de la valeur par rapport au tales par rapport à un étalon (or, devise, panier
dollar américain. de devises).
Il est à noter que les termes « dépréciation » et Même si, depuis 1976, la majorité des pays laissent
« appréciation » ne doivent pas être confondus avec otter leur propre taux de change selon les forces
« dévaluation » et « réévaluation », qui sont utilisés du marché, les taux de change ne sont en réalité
lorsqu’une banque centrale décide volontairement jamais totalement libres. Au Canada, comme dans
de modier le cours des devises, dans un système la plupart des pays industrialisés, la banque cen-
où le taux de change n’est pas déterminé par le trale intervient régulièrement sur le marché des
marché, mais plutôt par les autorités gouverne- changes pour stabiliser ces taux. C’est ce que l’on
mentales. C’est ce que l’on appelle « un régime de appelle un « ottement contrôlé » ou « administré ».
taux de change xe ».
9.2.3 Le marché des changes
Les systèmes de taux de change Le marché des changes est composé de tous les
Le système de taux de change correspond au type intervenants qui ont besoin d’échanger des devises
de relation entre les devises. éoriquement, il
existe deux systèmes de taux de change : le sys- Système de taux de change exible (ou ot-
tème de taux de change exible et le système de tant) Système dans lequel le taux de change varie
taux de change xe. librement selon les forces du marché.
Système de taux de change xe Système dans
● Le système de taux de change exible lequel le taux de change est xé par les autorités gou-
(ou ottant) est un système dans lequel le vernementales par rapport à un étalon.
taux de change varie librement selon les forces Marché des changes Lieu où s’échangent les devises.
du marché.
222 CHAPITRE 9

pour eectuer des transactions. Il n’occupe pas de où les établissements nanciers sont à l’origine
lieu précis et passe plutôt par le bureau des changes de la majeure partie des activités du marché des
des grandes banques regroupées dans les princi- changes. En fait, les taux que l’on trouve dans
pales places nancières dans le monde. Surtout les journaux sont des taux interbancaires (ou
concentrées à Londres, New York, Tokyo, Genève taux « de gros »). Aucun montant inférieur à
et Singapour, celles-ci sont reliées par des réseaux un million n’est échangé à ces taux. Ceux qu’ap-
informatiques leur permettant d’agir rapidement pliquent les établissements nanciers sont, bien
et ecacement. De plus, en raison des décalages entendu, moins intéressants que les taux « de
horaires, le marché des changes fonctionne tous les gros », et on les appelle taux « des particuliers ».
jours, 24 heures sur 24. En fait de volume, ce marché L’écart entre ces deux taux correspond à la com-
est le premier en importance avec 5300 milliards de pensation que reçoit l’établissement nancier
dollars américains échangés quotidiennement7. pour le service rendu.
Les intervenants sur le marché Il est à noter que les établissements nanciers et
des changes les bureaux de change disposent de deux taux de
change : un pour l’achat et un autre pour la vente.
Parmi les intervenants sur le marché des changes (voir
La Banque Royale, par exemple, était prête à vous
la gure 9.3), on trouve les particuliers et les entre-
prises qui transmettent aux établissements nan- acheter, le 27 janvier 2016, un dollar américain
ciers ou aux courtiers leurs ordres d’achat et de vente pour 1,3616 $CAN et à vous le vendre pour
de devises. Ces derniers jouent donc un rôle d’inter- 1,4459 $CAN. La diérence entre les deux limites
médiaires. Toutefois, les établissements nanciers ne s’explique par l’évaluation du risque de change
font pas que répondre aux besoins de leurs clients ; ils entre le moment où l’établissement traite l’opé-
interviennent aussi régulièrement sur le marché des ration et le moment où il l’enregistre.
changes pour leur propre compte. Les banques centrales sont aussi des acteurs
D’ailleurs, on dit que le marché des changes est importants du marché des changes. En eet, nous
avant tout un marché interbancaire, dans le sens avons vu que certaines d’entre elles interviennent
régulièrement sur ce marché an de limiter les
uctuations des devises et de stabiliser les taux
FIGURE 9.3 Intervenants sur le marché des changes
de change. Enn, les grandes entreprises (multi-
nationales) ont développé une activité bancaire
dans la foulée de la globalisation des marchés.
Elles ont donc leur propre service doté d’équipes
de cambistes actifs sur le marché des changes.
Qu’en est-il du rôle des cambistes ? Ces individus
spécialisés dans les opérations de change sont au
service des établissements nanciers ; ils exécutent
au mieux les ordres de leurs clients et s’eorcent

Taux de change interbancaire (ou taux « de


gros ») Prix des devises appliqué par les grands inter-
médiaires du système nancier international.
Taux de change « des particuliers » Cotation des
devises par les établissements nanciers et les bureaux
de change destinée aux particuliers.

7. Bank for International Settlements. (8 décembre 2013). « Le bas niveau des taux stimule les marchés de la dette », Rapport trimestriel BRI.
RELATIONS FINANCIÈRES 223

En raison des décalages horaires, le marché des changes fonctionne tous les jours, 24 heures sur 24. En fait de volume, ce marché
est le plus important avec 5300 milliards de dollars américains échangés quotidiennement.

ainsi de réaliser des gains de change. Bref, leur rôle Prenons l’exemple de la SAQ, qui doit acquit-
consiste à réunir l’ore et la demande de devises. ter dans trois mois une facture de 50 000 $US
d’un fournisseur californien. Si, au moment de la
Les types de marché des changes commande, le taux de change est de 1,00 $US =
Sur le marché des changes, on distingue générale- 1,00 $CAN, le montant de la facture en dollars
ment le marché au comptant du marché à terme. canadiens s’élève alors à 50 000 $CAN.
● Le marché au comptant correspond à un Qu’arrivera-t-il dans trois mois ? Quel montant
marché où les transactions de devises se font à la SAQ devra-t-elle réellement débourser ? Cela
l’intérieur des deux jours ouvrables qui suivent dépend évidemment du taux de change qui sera
la négociation d’un contrat. Il s’agit du marché en vigueur à ce moment-là. Si, à l’échéance, le taux
le plus ancien et le plus courant. de change s’élève à 1,00 $US = 0,95 $CAN, la SAQ
fera un gain, puisqu’elle ne devra débourser que
● Le marché à terme correspond à un marché où
les transactions sont reportées à une échéance Marché au comptant Marché où les transactions de
(habituellement 30 jours, 90 jours ou 180 jours) devises se font à l’intérieur des deux jours ouvrables
et à un cours xés à l’avance, cours appelé taux qui suivent la négociation d’un contrat.
de change à terme. Il permet aux agents éco- Marché à terme Marché où les transactions sont
nomiques qui commercent avec d’autres pays de reportées à une échéance (habituellement 30, 90 ou
se couvrir contre le risque de change. 180 jours) et à un cours xés à l’avance.
Taux de change à terme Taux de change xé à l’avance
Pourquoi un importateur aurait-il intérêt à se pro- en vertu d’un contrat d’une durée de 30, 90 ou 180 jours.
téger contre les variations du taux de change ?
224 CHAPITRE 9

47 500 $CAN (soit 50 000 $US × 0,95), c’est-à-dire et de la demande que nous avons présenté au cha-
un montant inférieur aux 50 000 $CAN initiaux. pitre 2. Il convient donc ici de s’interroger sur les
Par contre, si le taux de change s’élève à 1,00 $US = forces qui déterminent le taux de change.
1,05 $CAN, la SAQ subira alors une perte, car elle
devra payer un montant de 52 500 $CAN (soit
50 000 $US × 1,05), qui est bien supérieur à celui qui 9.3.1 La demande et l’offre
prévaudrait si le taux de change était resté à parité. de devises
Ainsi, une entreprise canadienne qui importe des Qui sont les demandeurs de devises (ou les
produits a toujours deux possibilités. La première oreurs de dollars canadiens) ? Ce sont essen-
consiste à acheter ses devises sur le marché des tiellement des importateurs (M), c’est-à-dire des
changes au comptant et à prendre ainsi le risque de acheteurs de produits et d’actifs nanciers étran-
devoir payer davantage si la monnaie canadienne gers. En eet, chaque fois que la SAQ achète du vin
de la Californie ou qu’un Canadien voyage aux
vient à se déprécier. La seconde est d’accepter de
payer plus cher ses devises selon un taux de change États-Unis, ils consacrent des dollars canadiens
à terme, mais d’avoir la certitude de ne pas devoir à l’achat de dollars américains an de couvrir
les payer encore plus cher. leurs paiements. De même, lorsque Bombardier
décide de construire une usine en Irlande, il doit
payer en euros et devient donc un demandeur
de devises.
9.3 Détermination du taux
de change Qui sont les offreurs de devises (ou les deman-
deurs de dollars canadiens) ? Ce sont des expor-
Comme nous venons de le voir, le marché des tateurs (X), c’est-à-dire des vendeurs de produits
changes est complexe et fait appel à une multi- et d’actifs financiers nationaux. En principe,
tude d’intervenants qui, ensemble, déterminent une entreprise canadienne qui vend des pro-
les diérents taux de change partout dans le duits aux États-Unis désire se faire payer dans
monde. Pour étudier et expliquer de façon plus la monnaie de son pays. Dans le cas contraire,
systématique les marchés et leurs mouvements de elle offrira ses dollars américains contre des
prix, les économistes recourent au modèle de l’ore dollars canadiens.

Les bureaux de change, comme ceux que l’on trouve sur la rue Sainte-Catherine à Montréal, sont les endroits idéaux pour se procurer
des devises – $US ou euros –, car ces bureaux prennent moins de marges que les établissements nanciers quand ils vendent des devises.
RELATIONS FINANCIÈRES 225

9.3.2 L’équilibre sur le marché L’interaction des deux forces détermine le taux
des changes de change d’équilibre (1,00). À ce niveau, la quan-
tité de devises demandée et la quantité oerte
La gure 9.4 illustre comment le taux de change est
sont égales.
déterminé par les forces du marché du dollar amé-
ricain (voir la gure 9.4a) et du dollar canadien (voir
la gure 9.4b). Comme pour l’ensemble des mar- 9.3.3 Les déséquilibres sur
chés, l’a xe horizontal indique la quantité échangée le marché des changes
et l’axe vertical correspond au prix d’une devise (en En 2015, le dollar canadien s’est déprécié considé-
dollars canadiens à la gure 9.4a ou en dollars amé- rablement par rapport au dollar américain pour
ricains à la gure 9.4b), donc au taux de change. À se transiger à autour de 1,30 $CAN en août de la
la gure 9.4a, la courbe de l’ore de devises repré- même année. Mais pourquoi une telle déprécia-
sente les exportations canadiennes, et la courbe de tion ? Plusieurs raisons peuvent expliquer cette
la demande, les importations canadiennes. situation, mais un facteur a sans contredit joué
un rôle déterminant : le choc pétrolier, qui a été
Les pentes de l’ore et de la demande sont res-
plus brutal que prévu. Puisque la demande mon-
pectivement positive et négative, comme celles de
diale de pétrole et de métaux (tels l’aluminium,
toutes les courbes vues précédemment. Plus le taux
le cuivre, le nickel, l’uranium et le zinc) s’affaiblit
de change du dollar canadien par rapport au dol-
considérablement et que le Canada est un grand
lar américain augmente, plus nos exportations (X)
producteur et un exportateur net de ces produits
s’accroissent, car elles sont devenues relativement
de base, il en résulte une diminution des expor-
moins chères, et plus nos importations diminuent,
tations canadiennes, et donc de la demande de
puisque les produits et les actifs américains coûtent
dollars canadiens (ou de l’ore de devises).
plus cher (remarquez que les deux courbes illus-
trées à la gure 9.4b sont les réciproques de celles La gure 9.5, à la page suivante, résume la dyna-
de la gure 9.4a, puisque la demande de dollars mique en jeu. L’ore de dollars américains (ou la
canadiens reète exactement l’ore de dollars amé- demande de dollars canadiens) se déplace vers
ricains et que l’ore de dollars canadiens reète la gauche, entraînant une dépréciation de la mon-
exactement la demande de dollars américains). naie canadienne.

FIGURE 9.4 Équilibre sur le marché des changes lorsque le taux de change est à parité
226 CHAPITRE 9

FIGURE 9.5 Dépréciation du dollar canadien

EXEMPLE 9.2 Des facteurs entraînant des variations du dollar canadien


Quel devrait être l’impact sur le dollar canadien des fac- augmenter puisque les produits au Canada deviendraient
teurs suivants ? relativement moins chers par rapport aux produits américains.
Les Américains achèteraient donc plus de biens et de services
Des difcultés économiques marquées aux États-Unis canadiens (donc plus de $CAN) et les Canadiens moins de
biens et de services américains (donc moins de $US). Le dollar
On peut penser que les exportations canadiennes (donc la canadien s’apprécierait.
demande de dollars canadiens ou l’offre de dollars américains)
diminueraient puisque que notre partenaire commercial dimi- Un attentat terroriste au Canada
nuerait ses achats de biens et de services au Canada. Le dollar
canadien se déprécierait. L’effet immédiat devrait se produire sur l’achat de produits et
d’actifs provenant du Canada, qui devrait diminuer puisque la
conance des entreprises et des consommateurs (des touristes,
Une baisse du taux d’ination au Canada
par exemple) serait ébranlée. Il en résulterait une diminution des
En supposant que seul ce facteur change (la clause ceteris exportations canadiennes et donc de l’offre de devises (ou la
paribus), les exportations nettes canadiennes devraient demande de dollar canadien). Le dollar canadien se déprécierait.

9.4 Pouvoir d’achat connaître la force. En fait, une devise vaut ce qu’elle
nous permet réellement d’acheter. Par exemple, si,
d’une devise avec 10 $CAN, vous pouviez acheter, après les avoir
Bien que le taux de change nous soit familier, convertis en dollars américains, la même quan-
il n’en reste pas moins une source de confusion tité de biens et de services aux États-Unis qu’au
pour plusieurs. Ainsi, si on vous demandait Canada, le dollar canadien aurait alors la même
laquelle des devises est la plus forte, vous diriez valeur que le dollar américain. C’est ce qu’on appelle
sûrement, et avec raison, que c’est le dollar amé- « la parité des pouvoirs d’achat ». Notez que, selon
ricain ou l’euro. l’OCDE, la parité du pouvoir d’achat de notre dollar
avec le dollar américain était environ de 1,24 $CAN
Mais sur quoi vous seriez-vous basé pour répondre (ou 0,81 $US) en 20148. Cela signie qu’à ce taux de
à cette question ? Sur le fait que ces devises coûtent change, il y a égalité des pouvoirs d’achat entre les
plus cher que le dollar canadien ? Sachez que le prix deux devises (voir la rubrique « Grands courants de la
d’une devise est un indicateur insusant pour en pensée économique » à la page 231).
8. OCDE. « PPA et Taux de change ».
RELATIONS FINANCIÈRES 227

Liens entre la théorie et la réalité économiques


Le huard et le pétrole
De 2004 à 2015, le huard a accompli inverse : au mois d’août 2015, il ot­ faible ou atteindra­t­elle de nouveau
une grande boucle. En 2004, il cotait tait de nouveau autour de 0,77 $US. la parité ?
à 0,77 $US et, en 2011, à 1,03 $US. Tous les acteurs de la vie économique
Il ne lui a ensuite fallu que quel­ ne peuvent que spéculer sur l’ave­ À court terme, les marchés des
ques années pour refaire le chemin nir de notre monnaie : restera­t­elle changes demeurent imprévisibles, car
ils sont dominés par les ux de
capitaux. À long terme toutefois,
FIGURE 9.6 Évolution du dollar canadien et du pétrole brut, 2004-2015
la valeur du dollar canadien est
dictée par de nombreux facteurs
économiques plus fondamentaux,
comme les mouvements des taux
d’intérêt de long terme, de l’ina­
tion et des ressources naturelles
(comme le pétrole, par exemple).
La gure 9.6 montre la relation
entre le prix de l’or noir (le pétrole)
et la valeur du dollar canadien.

À vous de jouer !

1 Selon la gure 9.6, quelle est


la relation entre le dollar cana­
dien et le prix du pétrole ?
2 À l’aide du modèle de l’offre et
de la demande sur le marché
des changes, démontrez gra­
phiquement qu’une baisse des
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 176­0064 ; Ministère de l’écologie, du
développement durable et de l’énergie de la République française. (2015). « Historique du cours du Brent cours du pétrole entraîne une
daté, en dollar par baril ». dépréciation du dollar canadien.

9.5 Relation entre taux Supposons que la Banque du Canada applique


une baisse de son taux directeur (taux cible du
de change et politique nancement à un jour) dans le but de stimuler
monétaire canadienne les dépenses et la production. La baisse du taux
d’intérêt de référence de la banque centrale incite
Nous avons démontré au chapitre 7 que la politique
les autres institutions nancières à baisser leurs
monétaire a un eet, par le biais des taux d’intérêt,
propres taux d’intérêt, ce qui attire de nouveaux
sur l’activité économique. Nous allons maintenant
emprunteurs. En eet, ces derniers, protant d’un
voir que les décisions de la Banque du Canada ont
assouplissement des coûts d’un prêt bancaire,
aussi une incidence sur le taux de change.
désirent emprunter davantage en vue d’augmenter
L’évolution du taux de change consécutive aux leurs dépenses. La hausse de la consommation et
modications des taux d’intérêt repose sur la mobi- des investissements qui en découle équivaut à une
lité des capitaux. Les investisseurs sur les marchés augmentation de la demande globale et de la pro-
nanciers déplacent rapidement leurs fonds an de duction intérieure (PIB). Les objectifs intérieurs
proter du meilleur rendement possible. sont atteints.
228 CHAPITRE 9

Une politique monétaire expan- FIGURE 9.7 Effets d’une politique monétaire expansionniste sur l’économie
sionniste a donc permis de relan-
cer l’activité économique, mais il
ne faut pas oublier l’impact sur le
marché des changes. En eet, la
baisse généralisée des taux d’in-
térêt rend les actifs nanciers
canadiens moins intéressants,
ce qui suscite une sortie de capi-
taux. Toutes choses étant égales
par ailleurs, les investisseurs
se débarrassent donc de leurs
dollars canadiens et achètent
d’autres devises an d’obtenir
un rendement plus avantageux à
l’étranger. On assiste alors à une
hausse de l’ore de dollars cana-
diens et de la demande de devises
sur le marché des changes. Il en
résulte une dépréciation de la
monnaie canadienne. De sur-
croît, cette dépréciation stimule
les exportations et décourage les
importations devenues relative-
ment plus chères. L’accroissement
FIGURE 9.8 Effets d’une politique monétaire restrictive sur l’économie
des exportations nettes amplie
la relance économique, mais au
prix d’une monnaie plus faible,
avec les avantages (hausse de
la compétitivité des entreprises
canadiennes) et les inconvé-
nients (perte du pouvoir d’achat
mondial des consommateurs
canadiens) que cela comporte.
On peut aussi remarquer que le
raisonnement inverse engendre
le même dilemme pour l’État.
Un pays qui désire augmenter
ses taux d’intérêt pour soutenir
sa devise devra le faire au prix
d’un ralentissement de l’écono-
mie et d’une hausse du chômage.
Les gures 9.7 et 9.8 résument
les conséquences intérieures et
extérieures d’un changement
d’orientation de la politique
monétaire.
RELATIONS FINANCIÈRES 229

9.6 Guerre des devises


Nous avons vu à la section précédente qu’une
politique monétaire a une incidence sur le taux de
change. Voyons maintenant comment les choix
de politique monétaire dans un pays peuvent
dépendre des politiques économiques à l’étranger
(voir la rubrique « Actualité économique » à la page
suivante).
On peut présenter ce raisonnement sous forme d’un
modèle simple. Il y a deux grands pays, la Chine et
les États-Unis, et chacun a le choix entre deux stra-
tégies : mettre en place une politique monétaire
expansionniste modérée ou une politique moné-
taire expansionniste excessive, ce qui revient à une
forme de protectionnisme, puisqu’elle décourage les
importations en faisant déprécier une monnaie par
Guerre des monnaies ? L’expression a été lancée en 2010 par
rapport à une autre (voir aussi « Protectionnisme et le ministre des Finances brésilien, Guido Mantega, pour critiquer
guerre commerciale » à la page 201). l’attitude de certains pays qui affaiblissent volontairement leur
monnaie an de gagner en compétitivité.
Le tableau 9.5 indique les gains – calculés en Δ %
PIB réel – associés à ces politiques monétaires. Les expansionniste modérée (gain du PIB = 0 %). Dans
quatre cases du tableau résument les gains respec- le cas présent, quel que soit le choix de la Chine,
tifs de la Chine (coin inférieur gauche) et des États- une politique monétaire expansionniste excessive
Unis (coin supérieur droit). Quel sera le résultat du se révèle la meilleure stratégie pour les États-Unis.
jeu ? Du point de vue des États-Unis, si la Chine Parallèlement, la Chine a toujours intérêt à choisir
opte pour une politique monétaire expansionniste une politique monétaire expansionniste excessive,
modérée, il est préférable de mettre en place une car les hausses du PIB (1,5 % et 0,5 %) sont supé-
politique monétaire expansionniste excessive rieures à 1 % et 0 %.
(gain du PIB = 1,5 %) plutôt qu’une politique moné-
taire expansionniste modérée (gain du PIB = 1 %). L’adoption d’une politique monétaire expansion-
Si la Chine opte pour une politique monétaire niste excessive par les deux pays semble donc être
expansionniste excessive, il est encore préférable l’issue du jeu (0,5 %, 0,5 %). Cette solution est cepen-
pour les États-Unis de mettre en place une poli- dant non optimale, car les deux pays pourraient
tique monétaire expansionniste excessive (gain obtenir des croissances économiques supérieures
du PIB = 0,5 %) plutôt qu’une politique monétaire en choisissant d’un commun accord une politique
monétaire expansionniste modérée (1 %, 1 %).

TABLEAU 9.5 Guerre des devises De toute évidence, la Chine et les États-Unis ont
intérêt à coopérer an d’éviter une guerre des
États-Unis
devises qui aurait surtout pour eet de raviver les
Politique Politique
monétaire monétaire pressions inationnistes et d’anéantir la croissance
expansionniste expansionniste économique. Comment peut-on résoudre alors le
modérée excessive
dilemme du prisonnier ? Comment peut-on s’assu-
Politique monétaire 1 1,5 rer que chaque pays ne va pas baisser articielle-
expansionniste
modérée 1 0 ment sa monnaie ? Il faut trouver une façon d’inciter
Chine
Politique monétaire 0 0,5 les pays à coordonner leurs politiques économiques
expansionniste internationales. Cela passe indéniablement par une
excessive 1,5 0,5
surveillance multilatérale renforcée.
230 CHAPITRE 9

Actualité économique
La guerre des devises : le retour
Lorsque l’économie stagne ou se Les manœuvres de la BdJ, annoncées lorsque la balance commerciale d’un
contracte, les remèdes généralement en octobre, sont surtout destinées à État s’améliore, c’est au détriment
recommandés sont bien connus : affaiblir le yen pour relancer les expor- d’une autre », explique M. Roubini.
il faut augmenter les dépenses de tations japonaises et sortir l’archipel de Bref, les « plus » et les « moins » s’an-
l’État, réduire les taxes ou abaisser la récession ; une tactique louable mais nulent, et on revient à la case départ,
les taux d’intérêt. qui provoque des réactions en cas- tôt ou tard. […]
cades en Asie et dans d’autres régions.
Mais si aucune de ces solutions n’est Une chose est certaine, cette guerre
disponible – simplement parce que le Craignant de perdre en compétitivité des monnaies prote au dollar améri-
budget ne le permet pas ou que les par rapport aux Japonais, les banques cain, qui grimpe par rapport à toutes
taux sont déjà au plancher –, alors on centrales de Chine, de Corée du Sud, de les devises. Reste à savoir si, dans
fait quoi pour sauver le patient ? Taïwan, de Singapour et de Thaïlande une confrontation monétaire à grande
ont commencé à abaisser leurs taux échelle, la Réserve fédérale osera
L’un des derniers médicaments dans d’intérêt et à assouplir leur politique augmenter les taux d’intérêt aux
la pharmacie des banques centrales monétaire... ou s’apprêtent à le faire. États-Unis, en 2015, si cela accélère la
est de dévaluer la devise nationale hausse du billet vert et, du coup, nuit
pour rendre les exportations plus Il est aussi probable que la Banque
centrale européenne (BCE) – qui mul- aux exportations américaines.
attrayantes. Et quand plusieurs pays
font la même chose en même temps, tiplie les efforts pour affaiblir l’euro « La guerre ! La guerre ! Ce n’est pas
c’est une « guerre de devises », disent – ainsi que les banques centrales une raison pour se faire mal ! », clamait
les experts. suisse, suédoise, norvégienne et un petit soldat dans le lm La guerre
d’Europe centrale en fassent autant des tuques, d’André Melançon.
Nouriel Roubini croit que le monde pour empêcher leur monnaie de s’ap-
est au bord d’une grande confronta- précier, prévient M. Roubini.
tion monétaire.
Depuis son sommet en mai, le yen a À vous de jouer !
Dans une analyse-choc la semaine plongé de 17 % par rapport au dollar
dernière, le célèbre économiste – américain, tandis que l’euro a chuté 1 Lorsque l’économie stagne ou
surnommé Dr. Doom (Docteur Catas- de 12 %. Faute de pouvoir recourir à se contracte, quels sont les deux
trophe) à cause de ses prédictions d’autres moyens, le Japon et la zone grands remèdes conjoncturels –
notoirement pessimistes – n’aime euro espèrent ainsi relancer leur éco- ou politiques macroéconomiques
pas ce qu’il voit sur les mar- nomie désespérément faible et lutter traditionnelles ?
chés nanciers. contre la déation. 2 Selon le texte, quel est le seul outil
Dans un environnement marqué par disponible que détiennent les pays
l’endettement élevé des gouverne-
Jeu à somme nulle ? pour dynamiser la demande et la
ments et l’austérité budgétaire, « la Or, les experts ne s’entendent pas croissance économique ?
politique monétaire [lire : le taux de sur l’impact d’une baisse des taux de 3 En vous inspirant de la section 9.5,
change] est devenue le seul outil dis- change lorsque plusieurs pays le font expliquez comment la Banque cen-
ponible pour dynamiser la demande en même temps. trale du Japon a tenté de dynami-
et la croissance ». […] Certains estiment que c’est un levier ser la demande globale et l’activité
efcace sur le plan économique. économique.
De l’avis général, un événement a
mené le monde au bord de la guerre : D’autres y voient un jeu dangereux, 4 Quelle réaction la décision du Japon
la décision récente de la Banque du qui attise les tensions commerciales a-t-elle provoquée chez ses parte-
Japon (BdJ) d’accroître ses injec- et qui, surtout, s’avère un jeu à somme naires commerciaux asiatiques ?
tions de liquidités dans le système nulle pour l’économie mondiale. 5 Quel est le danger lorsque plusieurs
nancier, au rythme de 60 milliards pays utilisent simultanément cette
« Lorsqu’une monnaie s’affaiblit, une
US par mois. politique économique ?
autre se renforce nécessairement ; et

Source : Dupaul, Richard. (8 décembre 2014). « La guerre des devises : le retour », La Presse.ca.
RELATIONS FINANCIÈRES 231

Grands courants de la pensée économique


La parité des pouvoirs d’achat
La parité des pouvoirs d’achat (PPA) L’équation ci-dessus signie que le L’indice Big Mac : une
a été développée par l’économiste sué- taux de change du dollar canadien mesure du pouvoir d’achat
dois Karl Gustav Cassel (1866-1945) par rapport au dollar américain est
en tant que théorie de la détermination égal au rapport des niveaux des prix
d’une devise
du taux de change. Aujourd’hui, la PPA (IPC) entre ces deux pays. Par dé- Vous voulez savoir si le dollar cana-
sert non seulement à déterminer et à nition, le taux de change de la PPA dien a un bon pouvoir d’achat à
prévoir les taux de change à venir, mais est celui qui assure le même pouvoir l’étranger ? Comparez le prix du Big
aussi à comparer le pouvoir d’achat d’achat dans les deux pays. Ainsi, Mac au Canada et dans le pays visité
relatif des devises entre les pays. une baisse du pouvoir d’achat du en tenant compte du taux de change.
dollar canadien (hausse de l’IPC du On estime que c’est un moyen assez
Canada) sera associée à une dépré- simple mais efcace pour mesurer la
La PPA : une théorie de force d’une monnaie sur le marché
ciation proportionnelle de la devise
la détermination du taux canadienne. Symétriquement, cette international. Depuis 1986, l’hebdo-
de change théorie prédit qu’une baisse de madaire nancier anglais The Eco-
Pour bien comprendre les forces du l’IPC du Canada sera suivie d’une nomist se sert du Big Mac, le plus
marché que prédit la PPA, simplions appréciation (baisse du taux de célèbre des hamburgers, pour com-
d’abord la théorie en introduisant une change) proportionnelle de la devise parer le coût de la vie dans différents
proposition connexe : la loi du prix canadienne. pays du monde. Pourquoi le Big Mac ?
unique. Cette loi nous dit que, dans Parce qu’il attire environ 69 millions
des marchés concurrentiels sans res- Si la PPA ne se vérie pas toujours de consommateurs chaque jour9. Le
triction à l’échange, deux biens homo- dans les faits, c’est parce que le Big Mac est donc un des produits les
gènes vendus dans deux pays différents marché des changes est soumis à plus universels, qu’on retrouve dans
doivent avoir le même prix lorsque celui- différentes forces qui font que les près de 120 pays10. Chaque année, la
ci est exprimé dans une même devise. prix ne sont pas toujours équiva- revue britannique compare le prix du
lents d’un pays à l’autre, une fois Big Mac à celui appliqué aux États-
PiCAN qu’on prend en compte le taux de Unis an d’évaluer le pouvoir d’achat
Taux de change =
PiUS change. Par exemple, les devises des d’une devise. Le tableau 9.6, à la
i
où P est le prix unique d’un bien pays économiquement plus faibles page suivante, indique les prix des
quelconque. connaissent des uctuations plus hamburgers dans certains pays. Les
Si, par exemple, une bière coûte amples, de sorte qu’elles sont pénali- prix sont d’abord exprimés en devises
2,10 $CAN au Canada et 2,00 $US aux sées par une prime de risque. Celle-ci nationales, puis convertis en dollars
États-Unis et que le taux de change du en atténue la valeur, fait directement américains.
dollar canadien par rapport au dollar augmenter la valeur des biens et des
services étrangers et fait paraître À titre d’exemple, prenons le cas d’un
américain est de 1,05, cela signie que Canadien qui a acheté, au Canada,
les devises ont la même valeur. les prix locaux moins élevés pour les
étrangers. un Big Mac au prix de 5,85 $CAN,
2,10 $CAN
= 1,05
2,00 $US
Parité des pouvoirs d’achat (PPA) Théorie selon laquelle le taux de
Lorsqu’on élargit la loi du prix unique change d’équilibre entre deux pays équivaut au rapport des niveaux
à l’ensemble des biens et des services des prix des deux pays.
produits par le Canada et les États-
Unis, on obtient la PPA : Loi du prix unique Loi selon laquelle deux biens homogènes vendus
dans deux pays différents doivent avoir le même prix lorsque celui-ci
IPC (du Canada)
Taux de change = est exprimé dans une même devise.
IPC (des États-Unis)

9. Hitek.fr. (28 octobre 2014). « Le compte est bon : McDonald’s, le nombre incroyable de burgers vendus, les burgers insolites et 20 autres chiffres surprenants ! ».
10. ConsoGlobe. (3 mai 2013). « Où peut-on échapper à McDonald’s dans le monde ? ».
232 CHAPITRE 9

Grands courants de la pensée économique


La parité des pouvoirs d’achat (suite)
TABLEAU 9.6 Indice Big Mac : le prix des hamburgers dans le monde ( 1,29 )
soit 4,54 $US 5,85 $CAN au taux de
Prix du Big Mac Taux de change change courant en vigueur au moment
Écart
par rapport de l’enquête. Or, si ce Canadien avait
Pays Indice
(en devise au $US acheté le même Big Mac aux États-
(en $US) Big Mac (16/07/15)
locale) (en %) Unis, celui-ci lui aurait coûté, en juillet
(PPA)
États-Unis 4,79 $US 4,79 2015, 4,79 $US. La valeur du dollar
canadien était donc plus faible que
Canada 5,85 $CAN 4,54 1,22 1,29 –5,4 celle du dollar américain en ce qui
Europe 3,70 euros 4,05 0,77 0,91 –15,4 concerne le pouvoir d’achat. Autrement
dit, les Américains pouvaient acheter
Grande-Bretagne 2,89 livres 4,51 0,60 0,64 –6,3 un Big Mac à meilleur prix au Canada,
Japon 370 yens 2,99 77,24 123,94 –37,7 alors que les Canadiens devaient
débourser davantage pour en manger
Suisse 6,50 FS 6,82 1,36 0,95 43,2 un aux États-Unis.
Chine 17,00 yuan 2,74 3,55 6,21 –42,8 Par dénition, on obtient l’indice
Big Mac en divisant le prix d’un Big
Source : Données tirées de The Economist. (7 janvier 2015). « The Big Mac Index ».
Mac dans un pays (dans sa monnaie) par le
prix d’un Big Mac aux États-Unis. Cette formule
n’est en réalité que la loi du prix unique (appli-
quée au cas du Big Mac). On l’obtient de la fa-
çon suivante :

Indice Big Mac =


Prix du Big Mac dans un pays
(en monnaie locale)
Prix du Big Mac aux États-Unis (en $US)

Ainsi, selon l’indice Big Mac, le taux de change


du dollar canadien par rapport au dollar améri-
( 4,79 $US )
cain devrait se situer autour de 1,22 5,85 $CAN ,
alors qu’il se situait à 1,29. En d’autres termes,
le dollar canadien est sous-évalué de 5,4 %

(1,221,29 × 100) par rapport au dollar américain.


− 1,29

Au départ, l’indice Big Mac était utilisé à des ns


pédagogiques, dans le but de rendre plus acces-
sibles des notions complexes comme la parité des
pouvoirs d’achat. Aujourd’hui, cet indice a fait ses
preuves et constitue pour les économistes un véri-
table indicateur qui leur sert à évaluer le coût de
Karl Gustav Cassel (1866-1945), économiste suédois à qui on doit la vie dans le monde et à prévoir les uctuations
le concept de la parité des pouvoirs d’achat. des devises.
RELATIONS FINANCIÈRES 233

En un clin d’œil

Les comptes courant et de capital recouvrent


les échanges de biens et de services, les
revenus primaires, les revenus secondaires
et les transferts en capital.

Balance des
paiements

Le compte nancier enregistre


les ux nanciers.

Dans un système de taux de change


exible, le taux de change varie selon
les forces du marché.

Taux de change
Prix en monnaie nationale d’une unité de
devise (ou valeur de la monnaie nationale
par rapport à une autre devise).

Dans un système de taux de change


xe, le taux de change ne varie pas.

Taux de change et
marché des changes

Sur le marché au comptant, les


transactions se font à l’intérieur de
deux jours ouvrables suivant la
négociation d’un contrat.

Marché des changes

Sur le marché à terme, les


transactions sont reportées à une
échéance (30, 90 ou 180 jours)
et à un cours xés à l’avance.
234 CHAPITRE 9

La demande de devises (ou l’offre de dollars canadiens)


provient essentiellement des importateurs (M).

Détermination
Équilibre
du taux de change

L’offre de devises (ou la demande de dollars canadiens)


provient essentiellement des exportateurs (X).

Loi du prix unique


Taux de change = prix d’un bien au Canada
prix d’un bien aux États-Unis

Pouvoir d’achat
du dollar canadien
Parité des pouvoirs d’achat (PPA)
Taux de change = IPC (du Canada)
IPC (des États-Unis)

Une politique monétaire expansionniste


entraîne une dépréciation de la monnaie.

Politique monétaire
et taux de change

Une politique monétaire restrictive entraîne


une appréciation de la monnaie.

Politique protectionniste visant à affaiblir une


Guerre des devises monnaie an de faciliter les exportations
et gagner en compétitivité.
RELATIONS FINANCIÈRES 235

Testez vos connaissances


a) Complétez le tableau en calculant les valeurs
Questions de révision manquantes.
1 Quels sont les deux principaux comptes de la b) Que déduisez-vous au sujet du solde du compte
balance des paiements ? courant ?
c) Commentez l’armation suivante : « Les États-Unis
2 Un pays peut-il avoir simultanément un décit de
ont un décit commercial de biens avec le Canada ».
son compte courant et un surplus de ses exporta-
tions nettes de biens ? 12 Classez chacune des transactions suivantes dans
3 Qu’est-ce que le taux de change ? la balance des paiements canadienne et dites si elle
contribue à un surplus ou à un décit.
4 Quelle est la valeur du dollar canadien par rapport
a) La société Bombardier construit une usine
au dollar américain si le taux de change est de 1,28 ?
en Irlande.
5 Vrai ou faux ? Une baisse du taux de change signi- b) Bombardier vend cinq avions commerciaux Q400
e que la devise se déprécie. à WestJet.
6 Pourquoi la cotation des devises qu’on retrouve c) Des touristes canadiens dînent dans un restau-
tous les jours dans la rubrique nancière des rant chic de Paris.
grands quotidiens ne correspond-elle pas à celle
qu’utilisent les institutions nancières et les d) La SAQ achète des caisses de vin provenant de
bureaux de change ? la Californie.
e) Des Canadiens achètent des actions d’une entre-
7 Qui sont les demandeurs et les oreurs de
prise allemande.
devises (ou les oreurs et les demandeurs de dol-
lars canadiens) ? f) Le gouvernement argentin verse au Canada des
intérêts sur sa dette.
8 Vrai ou faux ? L’achat de vin de la Californie
par la SAQ occasionne une dépréciation du dol- 13 Si le taux de change du dollar canadien par rapport
lar canadien. à l’euro est de 1,45, quel est le coût du loyer, en dol-
lars canadiens, d’un appartement à Marseille qui
9 Comment les commerçants et les investisseurs se loue 1500 euros par mois ?
peuvent-ils se protéger contre le risque de change ?
14 Un tablette iPad se vend 1000 $CAN au Canada et
10 Quelle est la relation entre les taux d’intérêt et le
900 $US aux États-Unis. Où l’achèteriez-vous si le
taux de change ?
taux de change (du dollar canadien par rapport au
dollar américain) était de 1,20 ?
Questions d’application 15 À la lumière du tableau 9.6 à la page 232, détermi-
nez laquelle des devises est la plus forte.
11 Voici certaines données (en milliards de dollars)
concernant le compte courant du Canada avec les 16 Une politique monétaire restrictive est généralement
États-Unis en 2014. mise en œuvre dans le but de régler un problème
d’ination. Tracez graphiquement les eets de cette
Recettes Paiements Solde politique sur le marché global des biens et des ser-
vices ainsi que sur le marché des changes.
Biens et services
Biens 400,1 350,4 49,7 17 Lisez le texte qui suit, puis répondez aux questions.
Services 52,7 66,8 « La baisse de taux directeur de la Banque du Canada
Revenus primaires [de 0,25 %] a vite fait de déprécier davantage le dol-
(rémunérations, 63,4 –27,1 lar canadien sur le marché des devises. Le huard a
placements)
encore reculé de plus de 1 %, hier, pour se retrouver à
Revenus secondaires 77 cents US. Il s’agit de sa valeur la plus basse depuis
5,8 2,5
(transferts courants) mars 2009, il y a six ans, alors que l’économie cana-
Total 483,1 dienne était en récession11 »
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 376-0101.

11. Vallières, Martin. (16 juillet 2015). « Baisse du huard : les vacances américaines plus chères », La Presse.ca.
236 CHAPITRE 9

a) Pourquoi le dollar canadien s’est-il déprécié ? Jus- joueurs – est en dollars américains, une règle de la
tiez votre réponse. convention collective. Cette saison, la masse sala-
b) Lesquels des agents économiques canadiens sont riale du Canadien est d’environ 63,6 millions $US. Si
les plus favorisés et les plus défavorisés par la l’équipe devait payer ses joueurs pour l’année d’un
situation décrite en a) ? seul coup au taux de change actuel, il lui en coûterait
79,5 millions $CAN.
18 La gure, au bas de la page, présente la variation
relative (en %) des principales devises durant la Un huard en déclin sera néfaste à long terme pour
crise économique de 2009. les finances des équipes canadiennes de la LNH.
C’était d’ailleurs pour venir en aide aux équipes
a) Quelle devise est ressortie comme l’une des prin- canadiennes à la fin des années 90 – quand le
cipales gagnantes de l’année 2009 ? Justiez dollar oscillait entre 64 et 70 cents US – que la
votre réponse. LNH a instauré son premier régime de partage
b) Selon vous, quels sont les principaux facteurs des revenus destiné uniquement aux équipes
ayant permis à cette devise de traverser la der- canadiennes ».
nière crise sans encombre ? a) Pourquoi le Canadien de Montréal et les autres
19 Voici un extrait de La Presse du 29 janvier 201512. équipes de hockey canadiennes devraient-ils se
« La baisse du dollar canadien devrait faire mal aux soucier d’une dépréciation à long terme du dol-
nances du Canadien de Montréal, non ? lar canadien ?
C’est que le Canadien se protège contre les uctua- b) Comment le Canadien de Montréal peut-il se pro-
tions du huard, au même titre que toutes les équipes téger contre une baisse du huard à court terme ?
canadiennes de la Ligue nationale de hockey (LNH), c) Quelle est la masse salariale du Canadien de Mon-
selon les renseignements recueillis par La Presse tréal au taux de change de juillet 2015 ?
Aaires auprès de plusieurs sources bien informées.
d) Quelle est la masse salariale du Canadien s’il a acheté
Une précaution qui aura rarement été aussi rentable
ses dollars américains avant la chute du huard ?
que cette saison, alors que le huard est passé de
0,94 $US à 0,80 $US depuis juillet dernier. e) Quel est le gain (bénéce) du Canadien dans
l’éventualité où la totalité des dépenses a été
Alors que la quasi-totalité des revenus est en dol-
eectuée au taux de change à terme ? Comparez
lars canadiens, le principal poste de dépenses d’une
les réponses en c) et d).
équipe canadienne de la LNH – les salaires des

Source : Données tirées de Banque du Canada. « Convertisseur de devises – dix dernières années ».

12. Brousseau-Pouliot, Vincent. (29 janvier 2015). « Comment le Canadien tirera prot de la baisse du dollar », La Presse.ca.
RELATIONS FINANCIÈRES 237

Question d’intégration
20 Selon un large consensus de la communauté scien- prochaines années. D’après ce que vous avez
tique, toutes les économies du monde seront pu lire dans le manuel, y compris dans ce chapitre,
confrontées à des degrés divers au réchaue- comment, selon vous, les économistes devraient-ils
ment de la planète au cours des cinquante étudier ce phénomène ?

Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page suivante pour des instructions b) Le Canada a-t-il enregistré un surplus ou un dé-
détaillées.) cit de sa balance commerciale (de ses échanges de
biens) ? De son compte courant ?
Statistique Canada
2 Consultez le site de Statistique Canada et recueil-
1 Recueillez des données sur le compte courant du lez des données sur les taux de change. Dans la
Canada. Vous les trouverez en consultant le site de section « Parcourir par sujet », en bas de l’écran,
Statistique Canada. Dans la section « Parcourir par cliquez sur le lien « Gouvernement ». Ensuite, choi-
sujet », en bas de l’écran, cliquez sur le lien « Comptes sissez « Autorités monétaires », puis « Tableaux
économiques ». Ensuite, choisissez « Balance des sommaires » et « Taux de change, taux d’intérêt,
paiements internationaux », puis « Tableaux som- masse monétaire et prix des actions ».
maires » et « Balance des paiements internationaux a) De façon générale, au cours des dernières années,
du Canada ». Relevez les recettes et les paiements du le dollar canadien s’est-il apprécié ou déprécié par
compte courant de l’année la plus récente. rapport au dollar américain ?
a) Construisez un tableau similaire au tableau 9.1 b) Lesquels des agents économiques sont les plus
(voir la page 216). favorisés par la situation décrite au point a) ?
ANNEXE
Comment utiliser le site de
Statistique Canada pour les
laboratoires informatiques
www.statcan.gc.ca

Recherche par sujet


Une fois dans le site de Statistique
Canada, la recherche se fait par sujet ou
en utilisant l’option « CANSIM »
(à sélectionner dans le milieu de la page,
colonne de droite), qui vous permet de
trouver des données en indiquant un
mot, une expression ou un numéro de
tableau.
CANSIM

Voici comment utiliser CANSIM :


1. Inscrivez le numéro de tableau,
puis cliquez sur « Recherche ».
Par exemple, 282-0002 pour des
données sur le taux de chômage
au Canada.

Inscrivez le numéro ici Cliquez ici

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2. Cliquez ensuite sur l’onglet « Ajouter/
Enlever des données » pour sélectionner
les options désirées.
ANNEXE 239

3. Cochez et décochez des cases pour sélectionner les caractéristiques souhaitées, la période de
référence et le format de sortie à l’écran (dans les laboratoires informatiques, nous vous indiquerons
lesquelles choisir).

4. Cliquez sur l’onglet « Appliquer » (à l’étape 7) pour obtenir la série désirée.

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GLOSSAIRE
Accord de libre-échange nord-américain fondateur de la science économique dite accompagnée d’une certaine restructuration
(ALÉNA) Accord de libre-échange entre le moderne. Son œuvre, Recherches sur la nature du fonctionnement de l’économie.
Canada, les États-Unis et le Mexique, entré et les causes de la richesse des nations et Croissance économique Hausse soutenue de
en vigueur en 1994. publiée pour la première fois en 1776, expose la production globale d’une économie ; elle se
Accord général sur les tarifs douaniers et le les vertus de l’industrialisation et de l’économie mesure par la variation relative en pourcentage
commerce (GATT) Accord intervenu en 1947 de marché (le capitalisme libéral) en rupture du PIB réel.
et visant l’abolition graduelle des barrières avec le modèle d’économie de subsistance.
Cycle économique Fluctuations du PIB réel
protectionnistes, grâce à des négociations Coefcient de Gini Indicateur qui mesure les composées d’une alternance de phases d’ex-
multilatérales. Il a été remplacé en 1995 par écarts de revenu au sein d’une population. Une pansion, de ralentissement, de récession et
l’Organisation mondiale du commerce (OMC). valeur de 0 représente l’égalité parfaite, une de reprise qui se répètent à intervalles plus ou
Agents économiques Individus ou groupes valeur de 1 (ou 100 %) une inégalité parfaite. moins réguliers.
d’individus qui prennent des décisions de Collusion (ou cartel) Groupe d’entreprises Décit budgétaire Excédent des dépenses
nature économique. Il s’agit essentiellement des qui s’entendent pour baisser leur production ou globales sur les revenus globaux de l’État au
consommateurs, des entreprises et de l’État. augmenter leur prix. cours d’une période donnée.
Appréciation Augmentation de la valeur d’une Compte courant Compte de la balance des Déation Baisse du niveau moyen des prix
monnaie par rapport à une autre, correspondant paiements qui recouvre les échanges de biens observée sur une période donnée.
à une baisse de son prix (cotation à l’incertain) et de services, les revenus primaires et les
Demande Ensemble des quantités d’un pro-
ou à une hausse de son prix (cotation au certain). revenus secondaires.
duit que les consommateurs sont disposés à
Assiette scale Total des revenus et des Compte de capital Compte de la balance des acheter à différents prix.
transactions à partir desquels l’État récolte les paiements qui enregistre les transferts en capi-
Demande globale Ensemble des quantités
impôts et taxes. tal (actifs des migrants, héritages, remises de
de biens et de services que les agents éco-
Austérité Orientation budgétaire générale dettes) et les transactions portant sur les actifs
nomiques sont disposés à acheter à différents
d’un gouvernement vers la prudence et donc non nanciers non produits (brevets, terrain
niveaux de prix.
l’équilibre budgétaire. d’une ambassade).
Dépenses de consommation des adminis-
Avantage absolu Avantage que détient un Compte nancier Compte de la balance des
trations publiques Achats de biens et de
pays lorsqu’il peut produire, avec le même paiements qui enregistre les ux nanciers.
services effectués par les gouvernements.
niveau de facteurs de production, un bien en Concurrence parfaite Situation où une multi-
Dépenses de consommation des mé-
plus grande quantité qu’un autre pays. tude d’entreprises offrent un produit identique.
nages Achats de biens et de services effec-
Balance commerciale Composante du Dans cette structure de marché, aucune entre-
tués par les ménages.
compte courant où sont comptabilisés les prise ne peut inuencer le prix du marché ; les
entreprises prennent donc le prix comme donné Dépôt à terme Dépôt pouvant être retiré sans
échanges de biens (de marchandises). pénalité seulement à la n du terme prévu.
(elles sont « preneuses de prix »).
Balance des paiements Outil comptable Dépôt à vue Dépôt à partir duquel on peut
qui recense l’ensemble des transactions éco- Conjoncture économique Caractéristiques
particulières d’un système économique au généralement effectuer des retraits sans préavis.
nomiques qu’un pays effectue avec les au-
tres pays. cours d’une période donnée. Dépréciation Baisse de la valeur d’une mon-
Cotation au certain Valeur de la monnaie naie par rapport à une autre, correspondant à
Biens Produits qui sont tangibles (une voiture, une hausse de son prix (cotation à l’incertain) ou
un livre). nationale par rapport aux autres devises.
à une baisse de son prix (cotation au certain).
Chômage Différence entre la population Courbe de Laffer Théorie montrant qu’au-
delà d’un certain seuil, plus le taux d’imposition Dépression Crise économique accompagnée
active, ou main-d’œuvre disponible, et l’emploi. d’une crise nancière.
augmente, plus les recettes scales diminuent.
Chômage conjoncturel (ou cyclique) Désination Baisse du taux d’ination.
Chômage résultant d’une diminution de l’acti- Courbe de Lorenz Courbe qui décrit le pour-
centage cumulé du revenu total en fonction du Dette publique Somme totale des engage-
vité économique.
pourcentage cumulé des ménages. ments nanciers de l’État envers ses créan-
Chômage frictionnel Chômage résultant de la ciers, à un moment donné.
mobilité normale de la main-d’œuvre. Courbe de Phillips Courbe qui montre la rela-
tion négative entre l’ination et le chômage. Devise Monnaie étrangère.
Chômage saisonnier Chômage lié à des fac-
Coût comptable Coût associé aux dépenses Dilemme du prisonnier Histoire propo-
teurs climatiques.
nancières. Il correspond aux coûts directs. sée en 1951 par le mathématicien Albert W.
Chômage structurel Chômage découlant Tucker, dont le propos a permis de remettre
Coût d’option (ou de renonciation) Ce à quoi il
d’une non-concordance entre la demande et en question le principe économique de la main
faut renoncer pour obtenir un bien ou un service.
l’offre de travail. invisible, selon lequel la recherche par chacun
Coût économique Coût comprenant le coût
Chômeurs Nombre de personnes qui, au de son intérêt personnel conduit à la réalisation
comptable et le coût d’option.
cours de la semaine de référence de l’enquête, de l’intérêt collectif.
sont sans emploi, ont cherché activement un Coût total Somme des coûts des facteurs de
École autrichienne École de pensée, dont les
emploi au cours des quatre semaines précé- production utilisé par entreprise.
principaux représentants furent Ludwig von
dentes et sont considérées comme aptes et Coût unitaire Rapport entre le coût total et la Mises et Friedrich A. Hayek, se caractérisant
disponibles au travail. quantité produite (ou vendue). par l’importance accordée aux prix relatifs en
Classicisme École de pensée associée à l’éco- Crise économique Situation caractérisée tant que coordination des décisions écono-
nomiste écossais Adam Smith (1723-1790), par une forte baisse de l’activité économique, miques des agents dans une économie.
GLOSSAIRE 241

Économie de marché Système économique Hyperination Hausse rapide du niveau Limite des possibilités de production
dans lequel la propriété des moyens de produc- moyen des prix qui excède 50 % par mois, soit Courbe qui donne les combinaisons optimales
tion est privée et l’économie est décentralisée. un peu plus de 1,3 % par jour. des produits qu’une société peut produire.
Économie internationale Discipline qui Importation Achat de biens et de services Loi de l’offre Loi qui établit, toutes choses
étudie les relations économiques entre les étrangers effectués par les résidants du pays. étant égales par ailleurs, que la quantité offerte
nations, dénies sur des bases géographiques Impôt progressif Taux d’imposition qui croît d’un produit augmente à mesure que le prix
et politiques. à mesure que la dernière tranche de revenu augmente, et vice versa.
Économie mixte Système économique dans augmente. Loi de l’utilité marginale décroissante
lequel il y a une double régulation de l’écono- Impôt sur le revenu Impôt perçu directement Loi stipulant que lorsque la consommation
mie par le marché et l’État. par l’État. d’un produit augmente, la satisfaction procu-
Économie mondiale Discipline qui traite des rée par chaque unité supplémentaire diminue.
Indicateur Manifestation observable d’un
relations économiques à l’échelle de la planète concept abstrait ou d’une variable. Loi de la demande Loi qui établit, toutes
ou entre des marchés réunissant des blocs choses étant égales par ailleurs, que la quantité
Indice à base 100 Rapport, multiplié par 100,
régionaux. demandée d’un produit diminue à mesure que
de la valeur d’une variable mesurée à une
Économie planiée Système économique le prix augmente, et vice versa.
période donnée et de la valeur de la même
dans lequel la propriété des moyens de variable mesurée à une autre période, appelée Loi des rendements décroissants Principe
production est collective et l’économie est « période de référence » ou « base ». selon lequel, lorsqu’une entreprise ajoute à
centralisée. des facteurs xes une quantité successive d’un
Indice de développement humain (IDH)
Économique Science qui étudie la façon dont facteur variable, la production augmente, mais
Indice synthétique qui mesure le niveau moyen
les agents économiques effectuent des choix à un rythme de plus en plus lent.
atteint dans trois dimensions clés du dévelop-
d’affectation de ressources rares pour satis- pement économique et social : la santé, l’édu- Loi du prix unique Loi selon laquelle deux
faire leurs besoins illimités. cation et le niveau de vie. biens homogènes vendus dans deux pays diffé-
Effet d’éviction Diminution des dépenses de rents doivent avoir le même prix lorsque celui-
Indice des prix à la consommation (IPC)
consommation et d’investissement du secteur ci est exprimé dans une même devise.
Indicateur qui donne la moyenne pondérée
privé causée par la poussée des taux d’intérêt, des prix des biens et des services consommés Macroéconomie Branche de l’économique
résultant d’une expansion scale nancée par habituellement par les ménages au cours d’une qui étudie les comportements collectifs et la
un accroissement des emprunts de l’État. période donnée. relation entre les phénomènes globaux. Elle
Effet de revenu Effet créé quand une variation s’intéresse à l’offre et à la demande globales
Indice implicite des prix (IIP) Indicateur qui
du prix d’un produit inuence le pouvoir d’achat d’un pays.
donne la moyenne pondérée des prix de l’en-
de l’acheteur. semble des biens et des services produits à l’in- Main invisible Principe économique selon
Effet de substitution Effet créé quand une térieur d’un pays au cours d’une période donnée. lequel chaque individu, en poursuivant son
variation du prix d’un produit inuence le coût intérêt personnel, conduit à la réalisation de
Inégalités Résultat d’une distribution inégale,
d’option de ce produit. l’intérêt collectif.
au sens mathématique de l’expression, d’une
État Ensemble des institutions publiques ressource entre les membres d’une même Marché Lieu abstrait qui rend possible la réa-
d’une nation. société. lisation d’échanges entre les demandeurs et
Expansion économique Augmentation du PIB les offreurs.
Ination Hausse soutenue du niveau moyen
réel sur une période donnée. des prix observée sur une période donnée. Marché à terme Marché où les transactions
Exportation Achat de biens et de services sont reportées à une échéance (habituelle-
Intégration économique Espace économique
intérieurs effectués par les étrangers. ment 30, 90 ou 180 jours) et à un cours xés
homogène dans lequel les pays membres
à l’avance.
Externalités négatives Nuisances que des éliminent progressivement et continuelle-
agents économiques occasionnent sans avoir à ment les discriminations dans leurs relations Marché au comptant Marché où les tran-
assumer les coûts qu’elles engendrent. économiques. sactions de devises se font à l’intérieur des
deux jours ouvrables qui suivent la négociation
Externalités positives Bénéces que produit Internationalisation Première phase de la
d’un contrat.
un agent économique sans en tirer directe- mondialisation marquée par l’augmentation
ment prot. signicative des échanges de biens et de ser- Marché commun Union douanière à laquelle
vices entre les pays. les pays membres ont ajouté la libérali-
Flux Valeur (ou quantité) mesurée sur une
sation de la circulation des personnes et
période donnée. Investissement brut Dépense en capital
des capitaux.
Fourchette cible Taux maximal et taux mini- physique effectuée par les entreprises, les
administrations publiques et les ménages an Marché des biens et des services Lieu où se
mal d’ination xés par la banque centrale.
d’accroître leur capacité de production et de rencontrent l’offre et la demande de biens et
Globalisation Troisième phase de la mondia- de services.
consommation.
lisation, marquée par le développement d’une
Investissement en stocks Variation des Marché des capitaux Lieu où se rencontrent
gestion des ressources à l’échelle planétaire
stocks des entreprises privées et publiques. l’offre et la demande de capitaux nanciers à
par les acteurs économiques, avec la mise en
court et à long terme.
place d’institutions pour les encadrer. Investissements de portefeuille Éléments
du compte nancier correspondant aux ux Marché des changes Lieu où s’échangent
Guerre des prix Phénomène qui s’amorce
d’actions et d’obligations. les devises.
lorsqu’une entreprise baisse légèrement son
prix de manière à accroître sa part de marché. Investissements directs Éléments du compte Marché du travail Lieu où se rencontrent
Le prix étant bien en évidence, les autres s’em- nancier correspondant au nancement de l’offre et la demande de travail.
pressent de les imiter pour éviter de perdre la mise sur pied d’unités de production ou de Marxisme Doctrine philosophique, politique
des clients. mesures pour prendre le contrôle de telles unités. et économique de Karl Marx (1818-1883) qui
242 GLOSSAIRE

prône la rupture du système capitaliste et la des années 1970, notamment sous l’impulsion Politique budgétaire Ensemble des mesures
naissance d’une société sans classes. de Robert Lucas, et qui se proposait de réhabili- que l’État prend pour inuer sur la conjoncture
Mercantilisme Doctrine selon laquelle ter les thèses des classiques pour bien marquer économique en faisant varier ses dépenses et
une nation, pour s’enrichir, doit limiter ses leur opposition au courant keynésien. ses revenus.
importations et développer au maximum ses Nouvelle macroéconomie keynésienne Politique expansionniste Politique mise en
exportations. (NMK) Courant de pensée né dans les années œuvre par l’État pour favoriser la croissance
Mesures discrétionnaires Mesures que l’État 1980 en réponse à la NMC et qui cherche à économique et la création d’emplois.
prend pour inuer sur l’évolution de l’activité expliquer les déséquilibres macroéconomiques Politique monétaire Ensemble des mesures
économique. à partir des comportements individuels, prô- que la banque centrale prend pour inuer sur
nant en conséquence l’intervention de l’État la conjoncture économique en faisant varier la
Microéconomie Branche de l’économique qui dans l’économie.
étudie les comportements individuels des agents quantité de monnaie en circulation.
économiques. Elle s’intéresse à l’offre et à la Offre Ensemble des quantités d’un produit que Politique restrictive Politique mise en œuvre
demande d’un bien ou d’un service en particulier. les entreprises sont disposées à vendre à dif- par l’État pour ralentir la croissance écono-
férents prix. mique et enrayer l’ination.
Modèle Représentation théorique de la réalité
basée sur des hypothèses restrictives. Offre globale Ensemble des quantités de
Population active Partie de la population
biens et de services que les entreprises sont
Modèle d’organisation économique Système civile âgée de 15 ans et plus qui est occupée
disposées à offrir à différents niveaux de prix.
économique sur lequel repose l’allocation des ou en chômage.
ressources rares de façon à répondre aux trois Organe de règlement des différends (ORD) Tri-
Population inactive Partie de la population
questions fondamentales : « Quoi produire ? Com- bunal de l’Organisation mondiale du commerce
civile âgée de 15 ans et plus qui ne travaille
ment produire ? Pour qui produire ? » (OMC) mis sur pied pour prévenir les conits
pas et qui ne cherche pas d’emploi.
commerciaux et les résoudre le cas échéant.
Mondialisation Terme général de l’écono- Pourcentage cumulé Pourcentage (ou fré-
mie internationale qui désigne l’augmentation Organisation de coopération et de dévelop-
quence relative en pourcentage) égal à la
signicative des échanges (de biens, de ser- pement économiques (OCDE) Organisation
somme du pourcentage d’une valeur ou d’une
vices, de personnes et de capitaux) entre les internationale multilatérale créée en 1960 et
classe et des pourcentages des valeurs ou
pays avec la mise en place d’institutions pour regroupant 34 pays industrialisés attachés aux
des classes inférieures.
les encadrer. principes de la démocratie et de l’économie
de marché. Prix articiels Prix réglementés par l’inter-
Monétarisme École de pensée représentée vention de l’État. Il s’agit essentiellement du
Organisation mondiale du commerce
par Milton Friedman (1912-2006) qui défend prix plafond et du prix plancher.
(OMC) Organisme créé en 1995 pour rempla-
une politique de contrôle strict de la croissance Prix plafond Prix maximal xé au-dessous
cer l’Accord général sur les tarifs douaniers et
de l’offre de monnaie. du prix d’équilibre dans le but de favoriser un
le commerce (GATT).
Monnaie Outil inventé par les humains pour groupe précis sur un marché donné.
Parité des pouvoirs d’achat (PPA) Théo-
faciliter les échanges.
rie selon laquelle le taux de change d’équi- Prix plancher Prix minimal xé au-dessus
Monnaie duciaire Monnaie dont la valeur libre entre deux pays équivaut au rapport des du prix d’équilibre dans le but de favoriser un
repose entièrement sur la conance des niveaux des prix des deux pays. groupe précis sur un marché donné.
utilisateurs.
Personnes occupées Nombre de personnes Produit intérieur brut (PIB) Indicateur mesurant
Monnaie scripturale Monnaie qui existe sous qui, au cours de la semaine de référence la valeur de l’ensemble des biens et des services
forme d’écritures dans les établissements de l’enquête, travaillent à temps plein ou à naux produits à l’intérieur des frontières d’un
nanciers. temps partiel. pays au cours d’une période donnée.
Monopole Situation de marché où il n’y a PIB nominal PIB qui ne prend pas en consi- Produit national brut (PNB) Indicateur mesu-
qu’une seule entreprise offrant un produit ou dération la uctuation des prix. Il s’exprime rant la valeur de l’ensemble des biens et des
un service. en dollars courants, c’est-à-dire en dollars de services naux produits par les résidents d’un
Moyenne Somme des données divisée par le l’année en cours. pays au cours d’une période donnée sur le ter-
nombre total de données. PIB par habitant en parité de pouvoir ritoire et à l’étranger.
Multiplicateur des échanges Concept utilisé d’achat Mesure du PIB qui tient compte de la Programme de transfert Partie des impôts
par John Maynard Keynes qui montre comment taille de la population et des écarts de prix et de et des taxes perçus que l’État transfère à des
une variation des dépenses autonomes des taux de change des pays comparés. individus, à des entreprises ou à d’autres admi-
agents économiques peut provoquer une varia- PIB réel PIB auquel on a enlevé l’effet de l’in- nistrations pour assurer une meilleure équité
tion plus importante du revenu global. ation. Il s’exprime en dollars constants, c’est- entre les personnes, entre les familles et entre
Multiplicateur monétaire Quantité de mon- à-dire en dollars de l’année de référence. les régions.
naie que le système nancier peut créer à par- Plein-emploi (ou taux de chômage natu- Proportion Rapport de la fréquence d’une
tir d’un dollar de dépôt. De façon générale, il rel) Taux de chômage qui subsiste lorsque le modalité (ou d’une valeur) divisée par le total
correspond au montant du dépôt initial divisé chômage conjoncturel n’existe plus, c’est-à-dire des fréquences ; autrement dit, rapport de la
par le taux de réserve. lorsque l’économie fonctionne à son plein poten- taille d’un sous-ensemble sur le total. On l’ex-
Néoclassicisme Théorie selon laquelle chaque tiel. Il équivaut à la somme du taux de chômage prime généralement en pourcentage.
agent économique optimise de façon ration- frictionnel et du taux de chômage structurel. Protectionnisme Politique qui vise à limiter
nelle l’utilisation des biens dont il dispose et Poids de la dette Pourcentage de la dette par les importations an de protéger les industries
qui reprend la conclusion du classicisme selon rapport au PIB. nationales de la concurrence mondiale. Les tarifs
laquelle les marchés se régulent eux-mêmes. Point de référence (ou base) Période initiale douaniers et les quotas en sont des exemples.
Nouvelle macroéconomie classique (habituellement d’indice 100) où on mesure la Quota Mesure qui limite la quantité d’un bien
(NMC) Courant de pensée apparu au début valeur d’une variable. pouvant être importé dans un pays.
GLOSSAIRE 243

Ratio interquintile Rapport entre le cinquième les autres stratégies, quelle que soit la stratégie Taux de chômage Pourcentage des chômeurs
quintile (les 20 % les plus riches) et le pre- de l’autre joueur. par rapport à la population active.
mier quintile (les 20 % les plus pauvres). Structure de marché Degré de concurrence Taux de réserve Pourcentage des dépôts que
Rationalité Principe de la théorie écono- déni par le nombre d’entreprises et la nature les établissements nanciers détiennent sous
mique néoclassique selon lequel les individus du produit sur un marché, qui a une inuence forme de réserves.
cherchent à utiliser au mieux les ressources déterminante sur le prix et les quantités Taxes indirectes Taxes perçues par les entre-
dont ils disposent an de maximiser leurs gains échangées d’un bien ou d’un service. prises et remises par la suite à l’État.
(les consommateurs maximisant ainsi leur Structure économique Caractéristiques fon- Théorie Ensemble de généralisations destiné
satisfaction et les entreprises, leurs prots). damentales d’un système économique. à expliquer et à prédire, au moyen d’un lien de
Récession Recul du PIB réel durant au moins Subprime Terme anglais qui s’oppose à prime causalité, des phénomènes.
deux trimestres consécutifs. rate (taux de premier rang que les banques Théorie des avantages comparatifs Théorie
Réserves ofcielles internationales Avoirs offrent aux meilleurs clients). Les subprime de David Ricardo selon laquelle les nations sans
du gouvernement en devises et autres actifs sont des taux plus élevés consentis à des avantage absolu doivent se spécialiser dans la
de réserve. clients jugés à très grand risque. production du bien pour lequel elles connaissent
Ressources productives Facteurs de pro- Système de taux de change xe Système dans le moindre désavantage, c’est-à-dire le bien
duction qui servent à produire des biens et lequel le taux de change est xé par les autorités dont le coût d’option est le plus faible.
des services. gouvernementales par rapport à un étalon. Théorie des jeux Branche du savoir qui traite
Revenu national brut (RNB) Somme des Système de taux de change exible (ou ot- des comportements stratégiques.
revenus des résidents d’un pays au cours d’une tant) Système dans lequel le taux de change Toutes choses étant égales par ailleurs
période donnée. varie librement selon les forces du marché. Expression qui signie que tous les autres fac-
Revenus primaires Éléments du compte cou- Tarif douanier Taxe qu’un gouvernement teurs sont maintenus constants.
rant englobant la rémunération des employés impose sur un bien importé. Transnationalisation Deuxième phase de la
frontaliers et les revenus de placements des Taux Rapport entre deux quantités de même mondialisation marquée par le développement
investisseurs (intérêts, dividendes, etc.). nature ou de nature différente. Il s’exprime en d’une gestion des ressources productives à
Revenus secondaires Éléments du compte pourcentage, « par mille » ou par toute autre l’échelle régionale ou planétaire par certaines
courant englobant les transferts de fonds entre puissance de 10. grandes entreprises.
les pays (les pensions, les bourses d’études, les Taux cible du nancement à un jour Taux Union douanière Zone de libre-échange pour
dons et l’aide internationale). directeur, c’est-à-dire taux auquel les grands laquelle les pays membres ont harmonisé les
Révolution marginaliste Théorie fondée sur établissements nanciers se prêtent des fonds barrières protectionnistes extérieures.
le principe de l’utilité marginale, c’est-à-dire pour une journée. Union économique Marché commun dont les
sur la satisfaction additionnelle que procure la Taux d’activité Pourcentage de la popula- politiques économiques sont harmonisées.
consommation d’une unité supplémentaire. tion active par rapport à la population âgée de Union économique et monétaire Union
Série chronologique Ensemble des valeurs 15 ans et plus. économique dotée d’une monnaie commune
d’une variable quantitative observées à inter- Taux d’emploi Pourcentage de la population (ou unique), et donc d’une autorité monétaire
valles de temps réguliers. occupée par rapport à la population âgée de supranationale.
Service de la dette Partie du budget d’un 15 ans et plus. Union européenne (UE) Organisation régionale
gouvernement consacrée au remboursement Taux d’escompte Taux consenti aux grands européenne créée par le traité de Maastricht en
de la dette et des intérêts courus. établissements nanciers lorsqu’ils empruntent 1993.
Services Produits qui sont intangibles (un à la banque centrale. Ce taux correspond à Utilité Mesure de la satisfaction ou du bon-
voyage, un cours d’économie). 0,25 % de plus que le taux cible du nance- heur que procure la consommation de biens ou
ment à un jour. de services.
Solde budgétaire Différence entre les revenus
et les dépenses publiques au cours d’un exercice Taux d’imposition marginal Pourcentage du Valeur nominale Valeur qui ne tient pas
nancier donné. Lorsque les dépenses excèdent revenu supplémentaire consacré à l’impôt. compte de l’ination. Elle s’exprime en dollars
les revenus (solde < 0), il y a décit budgétaire. Taux d’imposition moyen Rapport en pour- courants, c’est-à-dire en dollars de l’année
Quand les revenus excèdent les dépenses centage de l’impôt total sur le revenu. en cours.
(solde > 0), il y a surplus budgétaire. Finalement, Taux d’ination Variation relative en pourcen- Valeur réelle Valeur corrigée pour tenir
il y a équilibre budgétaire lorsque les dépenses tage de l’IPC entre deux périodes données. compte de l’ination. Elle s’exprime en dollars
correspondent aux revenus (solde = 0). Taux de change (cotation à l’incertain) Prix constants, c’est-à-dire en dollars de l’année
Stabilisateurs automatiques Mesures dont en monnaie nationale d’une unité de devise. de référence.
l’utilisation varie automatiquement selon la Taux de change à terme Taux de change xé Variation Différence de la valeur d’une
performance de l’économie et qui ont pour effet à l’avance en vertu d’un contrat d’une durée de variable entre deux périodes données.
de la stabiliser. 30, 90 ou 180 jours. Variation relative Rapport, habituellement
Stagation Conjoncture économique défa- Taux de change « des particuliers » Cota- exprimé en pourcentage, entre la variation
vorable caractérisée par la coexistence d’un tion des devises par les établissements d’une variable entre deux périodes données et
taux de chômage et d’une ination relative- nanciers et les bureaux de change destinée sa valeur à la période initiale.
ment élevés. aux particuliers. Zone de libre-échange Zone pour laquelle
Stock Valeur (ou quantité) mesurée à un Taux de change interbancaire (ou taux les pays membres ont conclu une libéralisa-
moment précis dans le temps. « de gros ») Prix des devises appliqué par les tion de la circulation des biens et des ser-
Stratégie dominante Stratégie qui procure à grands intermédiaires du système nancier vices, tout en maintenant les tarifs douaniers
un joueur des gains supérieurs à ceux de toutes international. et les quotas appliqués au reste du monde.
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INDEX
A économique, 65-66, 68, 130, G
Accord de libre-échange nord-américain limites (de la), 75 Galbraith, John Kenneth, 131
(ALÉNA), 197, 205 Cycle économique, 111 Gates, Bill, 198
Accord général sur les tarifs douaniers D Globalisation, 196
et le commerce (GATT), 204 Décit budgétaire, 154 Guerre
Administration publique, 142 Déation, 84, 90-91, 129 commerciale, 201-202
Agents économiques, 5, 29, 115 Demande, 32 des prix, 42-43
Appréciation, 220 courbe de la, 32-33 H
Assiette scale, 156 déséquilibre de la, 39 Hyperination, 90-91
Austérité, 158 déterminant de la, 33-34 I
Avantage absolu, 201 globale, 30, 116-117 Importations, 61
B Dépenses, 152 Impôt
Balance de consommation des administrations progressif, 149
commerciale, 216 publiques, 60 sur le revenu, 150
des paiements, 216, 218-219 de consommation des ménages, 60 Indicateur, 106
Banque du Canada, 175 Dépôts macroéconomique, 112
Besoins, 5, 8, 14 à terme, 170 Indice
Biens, 9, 60, 200 à vue, 170 à base 100, 107
BRIC (groupe de quatre pays émergents Dépréciation, 220 de développement humain
formés par le Brésil, la Russie, l’Inde Dépression, 114 (IDH), 72, 80-81
et la Chine), 200 Désination, 86 des prix à la consommation (IPC),
C Dette, 154-160 84-85, 87
Capital poids de la, 154
implicite des prix (IIP)
xe, 61 publique, 154
Inégalités, 70, 73
physique, 8 Devise, 219
Ination, 84-86, 90-91, 126, 176
Cassel, Karl Gustav, 232 Dilemme du prisonnier, 47
taux d’, 85-87, 112-113, 115, 127
Choix, 8 E
cause de l’, 123-125
Chômage, 92, 96, 98-99, 112-113, 115, 126 Écarts de revenus, 144
Intégration économique, 204
conjoncturel (ou cyclique), 96, 123 Échanges 199-200
Internationalisation, 195
frictionnel, 96 commerciaux, 199
Interventionnisme, 17, 19, 21
saisonnier, 97 mondiaux, 200
Investissements
structurel, 97 École autrichienne, 19
bruts, 61
taux de, 93, 94, 123, 127 Économie
de marché, 15-16, 19, 29, 30 de portefeuille, 218
Classicisme, 17 directs, 218
Coefcient de Gini, 72 de sous-emploi, 120
de suremploi, 120 en stocks, 61
Collusion (ou cartel), 42 J
Compte internationale, 197
mixte, 16 Jevons, W.S., 17
courant, 216 K
de capital, 217 mondiale, 197
nationale, 199 Keynes, John Maynard, 17, 19, 131,
nancier, 217-218 137, 160
planiée, 15-16
Concurrence Keynésianisme, 19, 21
Économique (science), 5-6, 22
monopolistique, 31-32 L
Effet,
parfaite, 31-32 Libéralisme économique, 16, 18-19, 22
de revenu, 33
Conjoncture économique, 141 Libre-échange, 201-202
de substitution, 33
Cotation au certain, 220 Limite des possibilités de production, 11
d’éviction, 157
Courants de pensée, 16-22 Loi, 6, 144-145
multiplicateur, 130, 137
Courbe de la demande, 33
Endettement public, 156
de Laffer, 151 Entreprise publique, 142 de l’offre, 36
de Lorenz, 71-72 État, 140-141 de l’utilité marginale décroissante, 33
de Phillips, 126-127 Expansion économique, 65 des rendements décroissants, 12
des possibilités de production, 12-13 Exportations, 61, 199-200 du marché, 15
Coût(s) Externalités du prix unique, 231
comptable, 9 négatives, 143 Lucas, Robert, 17, 21
direct, 10 positives, 143 Luxemburg, Rosa, 100
d’option (ou de renonciation), 8, 9, 10 F M
Calcul du, 11-12 Fiscalité, 149 Macroéconomie, 6, 8, 19, 121
économique, 9 Flux, 60 Main invisible, 18, 22
sociaux, 10 Fonction Malthus, Thomas, 75
total, 42 de la demande, 54 Marché, 30, 31, 32, 197
unitaire, 42 de l’offre, 54 à terme, 223
Crise économique, 114 Fourchette cible, 176 au comptant, 223
Croissance, 199 Friedman, Milton, 17, 20, 13, 166, 186 commun, 205
248 INDEX

de la monnaie, 174, 178 Politique sociaux, 145


des biens et des services, 30 budgétaire, 146, 147 Shapley, Lloyd S., 42
des capitaux, 31 du laisser-faire, 17, 21 Smith, Adam, 17, 22, 131, 160, 209
des changes, 49 expansionniste, 147 Solde budgétaire, 154
nancier, 49 keysiennes, 19, 196 Stabilisateurs automatiques, 148-149
monétaire, 49 macroéconomique, 119 Stagation, 124
des changes, 221-222, 225 monétaire, 146, 176-177, 180-182, 185, Stiglitz, Joseph, 17
déséquilibre du, 38 227-229 Stock, 60
du travail, 30 restrictive, 147, 148 Stratégie dominante, 48
équilibre du, 38, 54 Population Structure
global, 115, 119-120 active, 93 de marché, 31
individuel, 115 inactive, 93 économique, 141-143
Marshall, Alfred, 5, 160 Pourcentage cumulé, 71 Subprime, 174
Marx, Karl, 17-18, 160 Pouvoir d’achat, 88, 226, 231-232 Système
Marxisme, 18 Prix, 32 de taux de change xe, 221
Mercantilisme, 209 articiels, 44, de taux de change exible
Mesures plafond, 44-45 (ou ottant), 221
discrétionnaires, 148 plancher, 45-46 nancier, 172-174
structurelles, 144 Production mondiale, 199 T
Microéconomie, 6, 19 Produit intérieur brut (PIB), 59-60, 216 Tarif douanier, 202
Mill, John Stuart, 160 calcul du, 60, 62-63 Taux, 106
Modèle, 5-6 approche des dépenses, 76 cible du nancement à un jour, 177
de l’offre et de la demande globale, 123 approche des revenus, 62 d’activité, 94-95
des possibilités de production, 13 indice implicite des prix (IIP), 64 de change (cotation à l’incertain),
Modèle d’organisation économique, 15 nominal, 59, 64 219-220
libéral, 15-16 par habitant, 67 à terme, 223
social-démocrate, 16 en parité de pouvoir d’achat, 69 des particulier, 222
socialiste, 15-16 potentiel, 122 interbancaire (ou taux « de gros », 222
Mondialisation, 195-198 réel, 64-65, 111-113 d’emploi, 95
Monétarisme, 20 vert, 73 de réserve, 172
Monnaie, 168-170, 183 Produit national brut (PNB), 59 d’escompte, 177
duciaire, 168 Programmes de transfert, 145 d’imposition, 149-151
scripturale, 169 Proportion, 106 marginal, 149
Monopole, 31-32 Protectionnisme, 201-203 moyen, 149
Moyenne, 108 Q d’intérêt, 175
Multiplicateur Quota, 202 directeur, 177-178, 181
des échanges, 129 R Taxes indirectes, 150
monétaire, 172, 190 Rationalité, 6 Technologie, 8, 37
N Rareté, 5, 8, 14 Thatcher, Margaret, 196
Nash, John Forbes, 48 Ratio interquintile, 70-71 Théorie(s), 5, 6, 7
Nationalisation, 145-146 Reagan, Ronald, 196 de la destruction créative, 7
Néoclassicisme, 18 Récession, 65, 111-114, 147 de la prophétie autoréalisatrice, 7
Nouvelle macroéconomie Relations économiques, 197 des avantages comparatifs, 201
classique (NMC), 21 Réserves ofcielles internationales, 218
des jeux, 41, 42, 47-48
keynésienne (NMK), 21 Ressources, 5, 8, 143
du paradoxe de l’épargne, 7
O naturelles, 8
du ruissellement, 7
Offre, 35 humaines, 8
Offre et de la demande, De l’, 15, 29-38, 41 Toutes choses étant égales par ailleurs, 32
productives, 9
Transnationalisation, 196
courbe de l’, 36 Revenu(s)
Tucker, Albert W., 47
déséquilibre de l’, 39 national brut (RNB), 73
déterminants de l’, 36
U
primaire, 216
Union
globale, 30, 117-119, 121 secondaires, 217
Oligopole, 31-32 douanière, 205
Révolution marginaliste, 18
Organe de règlement des différends économique, 205
Ricardo, David, 160, 201, 209
(ORD), 204 Roubini, Nouriel, 230 économique et monétaire, 205
Organisation de coopération et de dévelop- S européenne (UE), 206-207
pement économique (OCDE), 16, 69, 85 Salaire minimum, 87, 88 Utilité, 19
Organisation mondiale du commerce Say, Jean-Baptiste, 131 V
(OMC), 204 Schuman, Robert, 206 Valeur
Owen, Robert, 160 Schumpeter, Joseph, 7 nominale, 88
P Science réelle, 88
Parité des pouvoirs d’achat (PPA), 231 économique, voir Économique (science) Variation, 106
Personnes occupées, 92 humaine, 6, 20 relative, 107
Phillips, William A., 126 Secteur Public, 142 W
Plein-emploi (ou taux de chômage naturel), Série chronologique, 107 Walras, Léon, 17, 19, 160
97, 118-119, 137 Service de la dette, 152 Z
Point de référence (ou base), 107 Services, 9, 200 Zone de libre-échange, 205
Économie globale
Les principes fondamentaux 4e édition

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Dominic Roy est titulaire d’une maîtrise de l’Université de Sherbrooke en économie


et d’un DEA de l’Université de la Méditerranée d’Aix-Marseille II en économie interna-
tionale et industrielle. Chez Modulo, il est notamment l’auteur de MQ, Agents écono-
miques et Comportement stratégique en économie. Une introduction à la théorie des
jeux. Il enseigne depuis 1998 au Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne.

Raymond Munger détient une maîtrise en sciences économiques de l’Université de


Sherbrooke ainsi qu’une formation complémentaire en développement économique
local de la Téluq. Auteur et coauteur de trois ouvrages en économie, il enseigne dans
le réseau collégial depuis 1985 et au Collège de Maisonneuve depuis 1997.

ISBN 978-2-89732-033-1

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