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2005-2006
Économie globale
Les principes fondamentaux 4e édition
Économie globale
Les principes fondamentaux 4e édition
Réviseur scientique
Douglas Blanchet
Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne
Banque de questions
Dominic Roy
Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne
ISBN 978-2-89732-033-1
Dépôt légal : 1er trimestre 2016
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Imprimé au Canada
2 3 4 5 6 ITIB 21 20 19 18 17
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de
livres – Gestion SODEC.
AVANT-PROPOS
L’attention de plus en plus soutenue qui est portée au cours du pétrole, aux taux
d’intérêt, aux taux de change (du dollar canadien, par exemple), aux inégalités et à la
mondialisation a rendu omniprésents les concepts de l’analyse économique. Dès lors,
il est essentiel que tout individu puisse saisir les rouages de l’économie an de prendre
les meilleures décisions, celles qui maximisent son bien-être et celui de la société.
C’est dans cette perspective que ce manuel, maintenant oert en livre numérique,
a été longuement rééchi et conçu. Dans cette quatrième édition, les auteurs
répondent encore mieux aux besoins des étudiants en mettant l’accent sur les
éléments essentiels au moyen d’illustrations concrètes, notamment dans une
nouvelle rubrique d’exemples qui ponctue les explications théoriques.
En plus de présenter les principes fondamentaux de l’économie et certaines nou-
velles théories, telle la théorie des jeux, les auteurs ont procédé à une révision
importante du contenu : utilisation du nouveau Système des comptes écono-
miques nationaux du Canada, nouvelles sections sur les inégalités économiques,
les politiques d’austérité et le modèle global traditionnel, statistiques mises à jour
et ajout d’une quinzaine de nouvelles rubriques « Liens entre la théorie et la réalité
économiques », « Actualité économique » et « Grands courants de la pensée écono-
mique », dont plusieurs abordent la crise et les enjeux d’une reprise économique.
Comme dans l’édition précédente, les « Appendices mathématiques » à la n de
plusieurs chapitres permettent d’approfondir la compréhension, sans alourdir le
propos. Les questions « À vous de jouer ! » à la n des rubriques, les exercices de n
de chapitre et les laboratoires informatiques sont autant d’outils pour bien saisir
les concepts théoriques et faire le lien avec la réalité économique.
Dans la plateforme numérique i+ Interactif, l’étudiant a accès à une annexe d’ap-
profondissement sur « Les grands penseurs économiques », aux gures du manuel
selon le modèle traditionnel, à un test de lecture et un atelier thématique pour
chaque chapitre ainsi qu’à la liste des hyperliens du livre numérique. L’enseignant
dispose en plus des corrigés des exercices du manuel, d’une banque de questions
avec corrigé et des activités d’apprentissage « L’économie en vidéo », réalisées à par-
tir de vidéos libres d’accès en ligne et accompagnées d’un solutionnaire.
Remerciements
Un ouvrage de cette envergure nécessite la collaboration de nombreuses per-
sonnes. Nous voulons d’abord témoigner notre gratitude à François St-Onge, du
Collège de Bois-de-Boulogne, et Aldo Mercier, du Cégep de Limoilou, qui ont lu
et commenté le manuscrit, en plus de collaborer aux ressources pédagogiques en
ligne, ainsi qu’à Douglas Blanchet, du Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne,
qui participe au projet depuis des années en tant que réviseur scientique. Nous
tenons également à remercier les personnes suivantes pour leurs remarques per-
tinentes : Esther Berton, du Collège Ahuntsic, Yassir Joti, du Cégep de l’Outaouais,
Soulama Makieti, du Cégep de l’Outaouais, Nathalie Malo, du Cégep Édouard-
Montpetit, Jean-Francis Matteau et Silvi Mathieu, du Cégep Garneau.
Enn, nous remercions toute l’équipe du Groupe Modulo, notamment Bianca
Lam, Martine Rhéaume, Jacinthe Laforte et Julie Pinson, ainsi que nos étudiants
pour leurs questions et leurs commentaires.
CARACTÉRISTIQUES DE L’OUVRAGE
La section « En un
clin d’œil » ore une
récapitulation visuelle
du contenu du chapitre.
Jetez-y un œil pour voir
quelles notions vous
gagneriez à réviser.
CARACTÉRISTIQUES DE L’OUVRAGE v
Un manuel branché !
Dans le livre numérique, cliquez sur ce pictogramme pour accéder à des sites Web
qui complètent votre apprentissage ou fournissent les données à jour pour certains tableaux.
Utilisez le code oert sur la première page du manuel pour accéder au matériel Web :
● Tests de lecture et ateliers thématiques pour vous préparer aux examens
● Annexe « Les grands penseurs économiques »
● Figures selon le modèle traditionnel
● Liste des hyperliens du livre numérique
TABLE DES MATIÈRES
LA CONNAISSANCE
ÉCONOMIQUE
Source : Ricard, Matthieu. Plaidoyer pour l’altruisme, La force de la bienveillance, Paris, Nil Éditions, p. 737.
CHAPITRE
1 NATURE DE
L’ÉCONOMIQUE
il vise à simplier une réalité trop complexe pour L’économique ne peut prétendre donner une expli-
être examinée en un seul bloc. Par exemple, cation complète du chômage et encore moins y
pour analyser le comportement du consom- apporter seule des solutions. Il s’agit donc d’une
mateur, on peut partir de l’hypothèse selon la- science non homogène, en raison de sa complé-
quelle les individus sont rationnels (principe de mentarité avec les autres sciences. Cependant,
rationalité), c’est-à-dire qu’ils recherchent uni- compte tenu des particularités de sa démarche et
quement la maximisation de leur satisfaction. de sa fréquente utilisation de modèles mathéma-
Même si cela n’est pas toujours vrai, l’important tiques, l’économique se distingue souvent des
est que le modèle explique bien les décisions des autres sciences humaines. Elle est d’ailleurs tou-
consommateurs. jours la seule de ces sciences pour laquelle un
prix Nobel est décerné (en fait, il s’agit du prix de
On trouvera ces théories et ces modèles tout au la Banque de Suède en sciences économiques en
long de ce livre. La théorie des choix économiques mémoire d’A lfred Nobel, aussi appelé prix Nobel
se fonde sur le modèle de la limite des possibilités d’économie).
de production (voir la section 1.3). L’explication de
la gestion des ressources dans une économie
de marché s’appuie sur le modèle de l’ore et de 1.1.4 La microéconomie
la demande (voir les chapitres 2 et 5). Pour expli- et la macroéconomie
quer les échanges commerciaux, on utilise la théo- La complexité des événements économiques a
rie des avantages comparatifs (voir le chapitre 8). conduit les scientiques à fragmenter la science
économique en deux grands champs d’application
Notons que les mots « loi », « théorie » et « modèle » étroitement liés et se soutenant mutuellement :
peuvent être interchangeables et qu’il devient la microéconomie et la macroéconomie. Cette
alors dicile de les distinguer. Disons tout de spécialisation des connaissances permet d’ana-
même qu’habituellement les lois ou les théories lyser le même phénomène selon des points de
constituent les explications générales, alors que vue diérents.
les modèles utilisent le langage mathématique.
La microéconomie est la branche de l’écono-
Cependant, comme dans toute démarche scienti- mique qui étudie les comportements individuels
que, les théories et les modèles sont confrontés des agents économiques. Ainsi, elle étudie la ges-
aux faits. Ainsi, avant d’adopter une théorie, il faut tion des ressources d’une composante de l’éco-
d’abord s’assurer que les prédictions du modèle cor- nomie d’un pays. La plupart du temps, il s’agit
respondent à la réalité économique. Si ce n’est pas d’étudier les caractéristiques d’un marché pré-
le cas, on modie la théorie ou on la rejette pour en cis, les variables qui inuencent les acheteurs (la
adopter une autre. demande) et les vendeurs (l’ore) de ce marché.
1.1.3 L’économique :
Rationalité Principe de la théorie économique
une science humaine néoclassique selon lequel les individus cherchent à
La science économique fait partie des sciences utiliser au mieux les ressources dont ils disposent
humaines parce que son objet d’étude porte an de maximiser leurs gains (les consommateurs
maximisant ainsi leur satisfaction et les entreprises,
directement sur l’être humain. Le chômage, par leurs prots).
exemple, est un problème économique, mais il
comporte aussi une dimension psychologique Microéconomie Branche de l’économique qui étudie
les comportements individuels des agents écono-
(perte de l’estime de soi), sociologique (exclusion, miques. Elle s’intéresse à l’offre et à la demande
marginalité) et politique (sous-représentation au d’un bien ou d’un service en particulier.
sein des institutions).
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 7
La macroéconomie étudie plutôt les compor- Certains besoins qu’on peut qualier de vitaux,
tements collectifs des agents économiques et les comme se nourrir, se vêtir et se loger, doivent
phénomènes économiques dans leur ensemble, être comblés quotidiennement.
de façon globale, à l’échelle d’un pays (comme
Lorsqu’ils sont satis faits, d’autres besoins appa-
l’ination et le produit intérieur brut). On ne
parlera pas des revenus des joueurs de hockey raissent. Soulignons que ces besoins sont en
ou des médecins, mais des revenus de l’ensemble constante évolution et peuvent diérer selon
des particuliers. On ne parlera pas des prots du les individus et les sociétés. C’est parce que les
Canadien de Montréal, mais des prots de l’en- besoins sont si variés et qu’ils peuvent être satis-
semble des entreprises. Alors que la microécono- faits continuellement qu’on les dit illimités.
mie s’intéresse à l’ore et la demande d’un bien
ou d’un service en particulier, la macroéconomie 1.2.2 Les ressources
s’intéresse plutôt à l’ore et à la demande globales. An de répondre aux besoins exprimés par les
individus, les sociétés produisent des biens et
des services à l’aide des ressources disponibles.
1.2 Problème de rareté, Celles-ci peuvent être classées en quatre catégories.
choix et coût d’option ● Les ressources naturelles, qui comprennent
notamment la terre, l’eau, les forêts, les miné-
Nous avons vu précédemment que c’est le phéno-
raux ainsi que le pétrole.
mène de la rareté des ressources qui procure à
la science économique son objet d’étude et qui ● Les ressources humaines, qui incluent toutes les
contraint les individus et les sociétés à choisir le activités humaines, qu’elles soient physiques ou
plus ecacement possible ce qu’ils consomment intellectuelles. Ces ressources sont elles aussi
ou produisent. Le problème de la rareté, illustré limitées, pour des raisons tant quantitatives
à la gure 1.1, repose donc sur deux prémisses : des que qualitatives.
besoins illimités et des ressources limitées.
● Le capital physique, qui regroupe tout ce qui
est fabriqué par les individus pour favoriser
FIGURE 1.1 Nature de la problématique économique la production d’autres biens et services. Par
exemple, les outils, la machinerie, l’é quipe-
ment, les bâtiments, les moyens de commu-
nication, etc., constituent du capital physique
qu’il ne faut pas confondre avec les biens et les
services utilisés lors du processus de produc-
tion (aussi appelés biens et services non finis
ou intermédiaires).
● La technologie, c’est-à-dire le savoir-faire (indivi-
duel ou collectif), la connaissance et l’innovation
(acte par lequel les entreprises conçoivent de
nouvelles fonctions technologiques incorporées
dans des produits ou des processus).
1.2.1 Les besoins
L’étude de l’économique repose sur la reconnais- Macroéconomie Branche de l’économique qui étudie
sance du fait que les individus et les groupes qui les comportements collectifs et la relation entre les
composent la société ont divers types de besoins à phénomènes globaux. Elle s’intéresse à l’offre et à la
satisfaire. Ces besoins peuvent être d’ordre physio- demande globales d’un pays.
logique, psychologique ou social.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 9
Les ressources productives sont aussi appelées d’un autre bien (ou service) (voir l’exemple 1.1). Ainsi,
« facteurs de production », car elles servent à pro- un cégépien qui étudie à temps plein renonce à une
duire des biens et des services. Les biens sont des autre possibilité, celle de naviguer dans Internet, de
produits tangibles (une voiture, un livre), alors que regarder le dernier match du Canadien ou d’eec-
les services sont intangibles (un voyage, un cours tuer un travail rémunéré. Dans cette situation, le
d’économie). temps est une ressource limitée, car on ne peut être
à deux endroits en même temps. Quant au véritable
1.2.3 Le choix coût (le coût économique) associé aux études, par
Étant donné le caractère illimité des besoins, d’une exemple, il correspond aux coûts nanciers ou coûts
part, et la rareté des ressources, d’autre part, les indi- comptables (droits de scolarité, achat de manuels
vidus et les sociétés doivent constamment faire des scolaires) auxquels on ajoute tout ce à quoi le cégé-
choix. Comme le dit le dicton, « on ne peut pas avoir pien renonce (un salaire, par exemple).
le beurre et l’argent du beurre ». Alors, comment s’y
prennent-ils ? Tout choix suppose une comparaison
des bénéces et des coûts des éléments entre lesquels Ressources productives Facteurs de production qui
servent à produire des biens et des services.
il faut choisir. C’est en fonction de cette comparaison
qu’un individu – ou une société – essaie de prendre la Biens Produits qui sont tangibles (une voiture, un livre).
meilleure décision possible, celle qui optimise son bien- Services Produits qui sont intangibles (un voyage,
être. Les agents économiques doivent donc opérer ce un cours d’économie).
qu’en science économique on appelle un « arbitrage ». Coût d’option (ou de renonciation) Ce à quoi il faut
renoncer pour obtenir un bien ou un service.
1.2.4 Le coût d’option
Coût économique Coût comprenant le coût comp-
De même que la rareté implique un choix, le choix table et le coût d’option.
implique un coût. Le coût d’option, ou coût de Coût comptable Coût associé aux dépenses nan-
renonciation, représente la quantité d’un bien (ou cières. Il correspond aux coûts directs.
service) que l’on doit sacrier pour obtenir davantage
1.3 Limite des possibilités FIGURE 1.3 Courbe des possibilités de production
de production
Les concepts de rareté, de choix et de coût d’op
tion peuvent être analysés à l’aide d’une courbe
appelée limite des possibilités de production.
Cette courbe donne les combinaisons optimales
des produits qu’une société peut produire. Puisque
tout choix implique un coût, il est fondamental
que toute société produise le plus ecacement
possible, c’estàdire qu’elle satisfasse le plus grand
nombre d’individus au moindre coût.
Pour simplier la présentation graphique de la
limite des possibilités de production d’un pays,
nous utiliserons un modèle économique. Ce modèle
s’appuie sur les hypothèses suivantes :
● le pays ne produit que deux catégories de biens,
soit des camions militaires pour transporter les
troupes au combat et des denrées alimentaires
TABLEAU 1.1 Possibilités de production de camions
pour nourrir la population ; militaires et de denrées alimentaires
● la quantité des ressources disponibles pour la Camions militaires
Denrées
alimentaires
production de ces deux biens est xe ; Possibilités (en milliers
(en milliers de
par année)
tonnes par année)
● les ressources doivent être utilisées optimalement ;
A 0 10
● la technologie est constante. B 1 9
C 2 7
La gure 1.3 illustre les possibilités de produc D 3 4
tion du pays. Ce pays peut, par exemple, pro E 4 0
duire 10 000 tonnes de denrées alimentaires ou
4000 camions militaires. Entre ces deux choix
extrêmes se situent diverses possibilités combi 1.3.1 Le calcul du coût d’option
nant la production des deux biens. Pour connaître le coût d’option d’un bien, on doit
Le tableau 1.1 résume ces possibilités. Cinq calculer la pente de la limite des possibilités
combinaisons optimales y sont représentées. de production. Cette pente n’étant pas constante,
La combi naison A implique que le pays consacre il faut la calculer chaque fois que l’on veut com
la totalité de ses ressources à la production de parer deux possibilités, c’estàdire deux points
denrées alimentaires. S’il désire produire des sur la courbe (pour plus de détails concernant la
camions militaires, il devra, étant donné la pente, voir l’appendice mathématique à la page 26).
quantité limitée des ressources, sacrifier une
certaine quantité de denrées alimentaires,
comme l’illustrent les combinaisons B, C et D. Limite des possibilités de production Courbe
Quant à la combinaison E, elle suppose que le qui donne les combinaisons optimales des produits
pays utilise toutes ses ressources pour la produc qu’une société peut produire.
tion de camions militaires.
12 CHAPITRE 1
Par exemple, entre les possibilités A et B, le coût des coûts unitaires liés à la production de denrées
d’option d’un camion militaire est égal à : alimentaires et donc une diminution de la produc-
tion par heure de travail additionnelle, c’est-à-dire
∆ Denrées alimentaires = 9000 – 10 000 = –1 tonne de de la production marginale.
∆ Camions militaires 1000 – 0 denrées / camion
Quel devrait être l’effet sur la courbe des possibilités Quel devrait être l’effet sur la courbe des possibilités de production
de production de la France d’un attentat terroriste? du Québec d’une augmentation de travailleurs agricoles étrangers ?
La courbe des possibilités de production illustrée La courbe des possibilités de production illustrée
ci-dessous représente les possibilités d’arbitrage entre les ci-dessous représente les possibilités d’arbitrage entre les
biens de consommation (aliments, vêtements, tourisme, etc.) biens de consommation (aliments, vêtements, tourisme, etc.)
et les biens d’équipement (machinerie, outils, etc.). et les biens d’équipement (machinerie, outils, etc.).
Une plus grande incertitude (comme celle qui découle d’un En supposant que le Québec ne puisse produire que des biens
attentat terroriste) peut provoquer une perte de conance et, de consommation et des biens d’équipement, la venue de
par conséquent, une diminution des investissements, ce qui milliers de travailleurs agricoles étrangers augmenterait la
réduit la capacité de production de biens de consommation capacité de production de biens alimentaires, donc de biens de
et d’équipement du pays. Il en résulte un déplacement vers la consommation, peu importe le niveau de production de biens
gauche de la courbe des possibilités de production. d’équipement. Par conséquent, la courbe des possibilités de
production se déplacerait vers la droite, mais uniquement pour
ce bien (biens de consommation). Si l’économie québécoise se
déplace du point A au point B, alors la production de biens de
consommation et d’équipement s’accroit.
14 CHAPITRE 1
Actualité économique
Les inondations en Corée du Nord ont fait au moins 119 morts
L’agence ofcielle nord-coréenne plus de 30 000 hectares de cul- en cas de pluies violentes. La Corée
KCNA a annoncé que des inondations tures céréalières. du Nord souffre de pénuries alimen-
survenues en juillet avaient causé la taires chroniques en raison d’une
mort d’au moins 119 personnes, fait Une déforestation intensive a rendu économie en lambeaux, après des
quelque 84 000 sans-abri et détruit le pays vulnérable aux inondations décennies de centralisation et d’allo-
cation des ressources principalement
à l’armée et au programme nucléaire.
Les Nations unies estimaient en
novembre que trois millions de Nord-
Coréens, sur une population de
vingt-quatre millions, avaient besoin
d’une aide alimentaire d’urgence.
À vous de jouer !
Source : Adapté de Le Monde.fr. (1er août 2012). « Les inondations en Corée du Nord ont fait au moins 119 morts » ; 20 minutes.fr. (1er août 2012).
« Inondations Corée du Nord : Au moins 119 morts, besoin d’aide. »
Pour qui produire ? Dans une économie de marché, les décisions des
agents économiques sont entièrement soumises
C’est le problème de la répartition de la production.
aux lois du marché, c’est-à-dire en fonction de l’ore
Doit-on laisser les agents économiques libres ?L’État
et de la demande. Si la demande (les intentions
doit-il intervenir ? Dans l’armative, quel rôle doit-
d’achat des consommateurs) est supérieure à l’ore
il jouer ? Doit-il satisfaire le plus grand nombre pos-
(les intentions de vente des entreprises), le prix
sible de besoins ou doit-il plutôt assurer l’essentiel et
augmente. Inversement, si l’ore est supérieure à
laisser la loi du plus fort faire son œuvre ?
la demande, le prix diminue. Par conséquent, l’État
n’a pas à intervenir puisque le système des prix agit
1.4.2 Les modèles comme un régulateur de l’activité économique.
d’organisation économique L’économie de marché s’appuie donc sur la libre inte-
En somme, une économie est une organisation qui raction entre les entreprises et les consommateurs.
tente de répondre aux trois questions que nous
venons de soulever. Cependant, la façon dont elle L’économie planiée (modèle socialiste)
s’y prend pour y répondre dépend grandement Dans une économie planiée, la propriété des
du modèle d’organisation économique, ou moyens de production est collective, et l’économie
système économique, dont elle s’est dotée. On dis- est centralisée. En Corée du Nord, qui demeure
tingue généralement trois modèles d’organisation avec Cuba et le Vietnam l’un des derniers bastions
économique, qui sont fonction de la propriété des ociellement socialistes de la planète, les entre-
moyens de production, laquelle peut être privée ou prises appartiennent à l’État et sont exploitées
collective, et de la coordination de l’activité écono-
mique, qui peut être centralisée ou décentralisée.
L’économie de marché (modèle libéral
ou capitalisme libéral)
Dans une économie de marché, la propriété des
moyens de production est privée et l’économie est
selon ses directives. Celles-ci sont émises par un producteur de certains biens et services qu’il ore à
comité central de planication chargé d’établir sa population, généralement à des tarifs accessibles,
les besoins de la population et de coordonner les parfois même gratuitement, la ponction scale sur
activités économiques. C’est donc lui qui répond les revenus des individus sera importante, per-
aux trois questions fondamentales. En eet, le mettant de nancer ces services et réalisant ainsi
comité central xe les quantités que les entre- la fonction redistributive mentionnée précédem-
prises vont produire et détermine la façon dont ment. Le tableau 1.2 résume les caractéristiques des
elles vont les produire. Et, dans la mesure où il xe principaux modèles d’organisation économique.
les salaires des employés, le comité central déter-
mine également la consommation de chacun.
L’économie mixte (modèle social-démocrate)
1.5 Historique des grands
L’économie mixte est le type d’économie privilégié courants de la pensée
par la majorité des pays du monde. On parle d’éco- économique
nomie mixte pour désigner la double régulation
de l’économie par le marché et l’État. Au Canada, Depuis l’avènement de l’économie moderne, dont on
près de 40 % de la production de l’économie est fait remonter les débuts à la révolution industrielle,
eectuée directement par l’État, ce qui représente le débat fait rage entre ceux qui défendent l’idée
que pour atteindre la meilleure organisation écono-
à peu près la moyenne des pays les plus industriali-
sés membres de l’Organisation de coopération et de mique possible, il faut laisser les agents économiques
développement économique (OCDE). Ainsi, l’État poursuivre leur meilleur intérêt, et ceux qui croient
est le maître d’œuvre en santé, en éducation et en plutôt qu’il faut restreindre l’initiative des agents
infrastructures. Il intervient aussi indirectement, économiques pour parvenir à un meilleur niveau de
notamment en redistribuant les revenus sous forme vie. Les grands courants de la pensée économique
de pensions de vieillesse, de prestations d’assurance- sont décrits ci-après et résumés à la gure 1.5. L’an-
emploi et de subventions versées aux entreprises. nexe Web intitulée « Les grands penseurs écono-
miques » vous permettra également d’approfondir
Les économies mixtes se caractérisent générale- vos connaissances en histoire de l’économie.
ment par la présence d’une majorité d’entreprises
privées. Toutefois, l’État y intervient de façon mar- Économie mixte Système économique dans lequel il
quée, notamment en légiférant sur les prix ou en les y a une double régulation de l’économie par le marché
inuençant indirectement par des taxes ou des sub- et l’État.
ventions. Par ailleurs, comme l’État lui-même est le
Économie mixte
Base du système Économie de marché (Libérale) Économie planiée (Socialiste)
(Social-démocrate)
Recherche de l’intérêt individuel et Libéralisme économique nuancé
Recherche d’une société égalitaire
Idéologie du prot (priorité aux individus et par l’intervention de l’État dans
(priorité à la collectivité).
aux entreprises privées). l’économie.
Les moyens de production et les
Les moyens de production et ressources appartiennent en partie
Propriété des moyens les ressources appartiennent Les moyens de production et les au privé. Toutefois, l’État est le
de production aux individus et aux entreprises ressources appartiennent à l’État. maître d’œuvre dans les domaines
privées. qu’il juge essentiels au bien-être
de la collectivité.
Les quantités de biens produites
Les quantités de biens produites et L’activité économique (production,
et les prix sont xés selon les
Coordination de les prix sont xés selon les lois du consommation, prix, salaires, etc.)
lois du marché. Toutefois, l’État
l’activité économique marché (l’offre et la demande) (voir est contrôlée et réglementée
intervient pour tenter de corriger
le chapitre 2 ). par l’État.
les défaillances du marché.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 17
Dans son œuvre intitulée Recherches que de laisser sa place au socialisme, nouveau
sur la nature et les causes de la système dans lequel la propriété des moyens de
richesse des nations (1776), Adam production serait collective et l’exploitation, abo-
Smith énonce le célèbre principe lie. Parmi ceux qui ont été inuencés par l’idéo-
de la main invisible : en pour- logie marxiste gure Vladimir Ilitch Oulianov,
suivant son intérêt person- dit Lénine (1870-1924), révolutionnaire russe et
nel, chaque individu conduit, meneur de la Révolution d’octobre, survenue en
comme par l’eet d’une main 1917. Cette révolution allait donner naissance au
invisible, à la réalisation de l’in- premier État socialiste de la planète : l’Union des
térêt collectif, et ce, plus ecace- républiques socialistes soviétiques (URSS).
ment que dans le cas où il aurait
réellement l’intention de le faire. Cette
philosophie de l’ordre naturel joue 1.5.3 Les néoclassiques :
un rôle essentiel dans le développe- la révolution marginaliste
ment du libéralisme économique, Vers 1870, alors que le processus d’industrialisa-
qui s’épanouit avec le triomphe tion suit son cours, l’économie politique subit une
du capitalisme. transformation importante avec ce qu’on appelle la
révolution marginaliste, point de départ de
Bien que les questions d’ordre économique aient été abor‑ la théorie néoclassique (ou néoclassicisme).
dées par plusieurs penseurs avant lui, Adam Smith (1723‑1790)
est considéré comme le véritable père de la science écono‑ Pour comprendre cette révolution, disons que
mique moderne. la science économique reposait à l’époque sur la
méthode de l’argumentation critique plutôt que
1.5.2 Les marxistes sur le principe des démonstrations réfutables, qui
Au début du e siècle, les excès des premières forme la base de la méthode scientique moderne.
phases d’industrialisation et la succession régu- Les marginalistes ont développé des outils mathé-
lière de crises économiques entraînent une vio- matiques pour représenter le comportement des
lente réaction au capitalisme. agents économiques et ainsi faire des prévisions, ce
Le marxisme prévoit la rup- qui est fort utile si nous voulons éviter de répéter
ture du système capitaliste, les mêmes erreurs. On les appelle « marginalistes »
car ce dernier est, selon le phi- parce qu’ils ont fait la démonstration que les
losophe et économiste alle-
mand Karl Marx (1818-1883), Main invisible Principe économique selon lequel
condamné à disparaître. chaque individu, en poursuivant son intérêt per‑
sonnel, conduit à la réalisation de l’intérêt collectif.
Dans son œuvre intitulée Le
Capital (1867), Marx explique Marxisme Doctrine philosophique, politique et écono‑
que l’accumulation de capital mique de Karl Marx (1818‑1883) qui prône la rupture
du système capitaliste et la naissance d’une société
physique aux dépens des travail- sans classes.
leurs est à l’origine de ces crises.
Ainsi, en raison des contradic- Révolution marginaliste Théorie fondée sur le prin‑
cipe de l’utilité marginale, c’est‑à‑dire sur la satisfac‑
tions internes du système capi- tion additionnelle que procure la consommation d’une
taliste libéral, le capitalisme de unité supplémentaire.
l’époque n’aurait d’autre choix
Néoclassicisme Théorie selon laquelle chaque agent
e
Karl Marx (1818‑1883). Au xix siècle, les marxistes ne
économique optimise de façon rationnelle l’utilisation
prédisaient pas une longue vie au système capitaliste naissant. des biens dont il dispose et qui reprend la conclusion
Ils croyaient que l’appétit démesuré des propriétaires du capital du classicisme selon laquelle les marchés se régulent
mènerait à une exploitation telle de la masse des travailleurs que eux‑mêmes.
cela conduirait inévitablement à un effondrement du système.
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 19
En un clin d’œil
Microéconomie
Branche de l’économique qui étudie
les comportements individuels
Économique des agents économiques.
Étude de l’utilisation des
ressources rares pour satisfaire
des besoins illimités.
Macroéconomie
Branche de l’économique qui étudie
les comportements collectifs et la relation
entre les phénomènes globaux.
Besoins illimités
Coût d’option
Problème Choix
de rareté Ce à quoi il faut renoncer pour
Ressources limitées obtenir un bien ou un service.
• Ressources naturelles
• Ressources humaines
• Capital physique
• Technologie
Organisation économique
Modèles d’organisation économique
• Économie de marché (modèle libéral ou capitalisme libéral)
• Économie planiée
• Économie mixte
24 CHAPITRE 1
Classicisme
(Adam Smith)
Politique du laisser-faire
Néoclassicisme
(Léon Walras)
Révolution marginaliste
École autrichienne
Libéralisme économique (Friedrich A. Hayek )
Efcacité de l’économie de marché
Monétarisme
(Milton Friedman)
Politique de contrôle strict de
la croissance de l’offre de monnaie
Nouvelle macroéconomie
classique
(Robert Lucas)
Inefcacité des politiques
Courants de pensée macroéconomiques
Marxisme
(Karl Marx)
Socialisme
Keynésianisme
Interventionnisme (John Maynard Keynes)
Interventionnisme de l’État
Nouvelle macroéconomie
keynésienne
Efcacité des politiques
macroéconomiques
NATURE DE L’ÉCONOMIQUE 25
5 Selon vous, à quel principe fondamental de l’éco- a) À partir de ces données, tracez sur un graphique
nomie fait-on allusion lorsqu’on arme : « on ne la courbe des possibilités de production (mettez
peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre » ? sur l’axe des « Y », c’est-à-dire sur l’axe vertical, le
6 Pourquoi la pente de la courbe des possibilités de nombre de biens civils par année).
production est-elle négative ? b) Expliquez comment la courbe des possibili-
7 Quelles sont les trois questions fondamentales tés de production illustre le principe des coûts
auxquelles doit répondre toute organisation croissants.
économique ? c) Si la production de l’Iran se situe actuellement au
8 Pourquoi dit-on que la Corée du Nord a une écono- point B, quel serait le coût d’option en biens civils
mie planiée ? pour la production d’une bombe nucléaire de
plus ? Expliquez votre réponse à l’aide de calculs.
9 Quels sont les deux grands courants de la pensée d) Illustrez graphiquement l’eet sur l’économie
économique ? Associez à chacun d’eux les écono- iranienne d’une diminution de la main d’œuvre
mistes suivants : Adam Smith, Milton Friedman, disponible.
John M. Keynes.
13 Au terme de votre DEC, vous prévoyez sans doute
10 Décrivez le célèbre principe de la main invisible poursuivre vos études au niveau universitaire
qu’a formulé Adam Smith. ou entrer sur le marché du travail an de gagner
rapidement de l’argent. Le tableau ci-dessous
illustre les diérentes combinaisons optimales qui
Questions d’application s’orent à vous.
11 Considérons le cas de Mélanie, qui est avocate et Combinaisons possibles
mère de trois enfants. À l’exclusion de ses heures Activités
A B C D E F
de sommeil, Mélanie dispose de 16 heures par
jour. Une partie de son temps est consacrée à ses Cours universitaires
0 1 2 3 4 5
(par semaine)
enfants et une autre, à son travail. Pour chaque
heure de travail, elle touche une rémunération de Heures travaillées
40 32 24 16 8 0
(par semaine)
90 $, qu’elle peut ensuite dépenser pour sa consom-
mation de biens et de services. a) À partir du tableau ci-dessus, tracez sur un gra-
a) Si Mélanie ne désire pas travailler, combien phique la courbe des possibilités de production
d’heures par jour peut-elle consacrer à ses enfants ? (mettez sur l’axe des Y le nombre de cours univer-
b) Quelle somme d’argent dispose-t-elle par jour si sitaires par semaine).
elle décide de travailler toute la journée ? b) Quel est le coût d’option ? De quel type de coût
c) Quel est le coût horaire (le manque à gagner) lié s’agit-il ?
au temps consacré aux enfants ? c) Combien d’heures pourriez-vous travailler si vous
d) Comment appelle-t-on ce type de coût ? ne suiviez pas de cours à l’université ?
12 On nous donne souvent l’exemple de l’Iran comme d) Si vous décidiez de vous inscrire à un cours à
faisant une utilisation catastrophique de ses res- l’université, combien d’heures pourriez-vous
sources rares pour des usages militaires ou de sécu- travailler ?
rité. Pourtant, Téhéran ne cesse de déclarer qu’elle e) Comment pourriez-vous arriver à travailler
ne cherche pas à enrichir de l’uranium à des ns 40 heures par semaine tout en suivant un cours
militaires, mais plutôt pour produire de l’électricité. à l’université ?
26 CHAPITRE 1
14 L’Ukraine est soumise à un arbitrage entre l’acier 16 Choisissez un économiste célèbre sur lequel vous
et le fer. En utilisant toutes ses ressources pour avez déjà certaines connaissances. À l’aide d’une
la production d’acier (bien Y), l’Ukraine peut recherche à la bibliothèque ou dans Internet,
produire 35 millions de tonnes par année ; en décrivez-le brièvement (renseignements bio-
consacrant les mêmes ressources à la production graphiques, courants de pensée, etc.) et dites en
de fer (bien X), elle en produirait annuellement quoi il a contribué à façonner l’économie (œuvre
70 millions de tonnes. Le rendement est considéré importante, concepts fondamentaux, principales
comme étant constant. idées ou théories, etc.).
a) Tracez sur un graphique la courbe des possibilités
de production.
b) Indiquez une combinaison optimale, une combi-
Question d’intégration
naison inaccessible et une combinaison inecace. Nous avons vu dans ce chapitre que la science éco-
c) Calculez le coût d’option de l’acier et interprétez nomique n’est pas homogène et qu’elle ne peut à elle
votre réponse. seule expliquer le fonctionnement de notre société. En
tenant compte des autres cours de votre programme,
d) Illustrez l’eet d’une invasion armée et de l’occu-
précisez comment ces disciplines des sciences hu-
pation de la Russie.
maines peuvent aider à mieux cerner l’aspect écono-
15 Quel lien peut-il y avoir entre la pensée écono- mique de notre vie en société.
mique et les décisions politiques ?
Appendice mathématique
Enn, il arrive souvent qu’une variable ne dépende pas points. Par exemple, entre les points A et B, la pente
d’une autre variable. Par exemple, en c), on constate que est égale à :
le prix de la poutine n’a aucun eet sur la note obtenue
en économie. Inversement, en d), on voit que le prix de ∆Y Y2 – Y1 85 – 55 30
= = = = 7,5
la poutine ne dépend aucunement des notes que les ∆X X 2 – X1 7 –3 4
étudiants obtiendraient en économie. Dans ces deux
derniers cas, les variables X et Y sont indépendantes FIGURE A-1.2 Relation non linéaire entre deux variables
(lorsqu’une des deux varie, l’autre ne varie pas).
MODÈLE DE
CHAPITRE
2 L’OFFRE ET DE
LA DEMANDE
sont sur le marché du travail et celles qui FIGURE 2.1 Coordination des décisions des agents
désirent en faire partie forment la main- économiques dans les trois marchés
d’œuvre. Les salaires constituent le prix du
travail et sont déterminés par les forces de
ce marché.
● Le marché des capitaux est le lieu où se
rencontrent l’ore et la demande de capitaux
nanciers à court et à long terme (il ne faut pas
confondre ces capitaux avec le capital physique).
Ce marché est représenté par tous les interve-
nants qui désirent acheter ou vendre des titres. Il
est à noter qu’il existe diérents marchés de capi-
taux selon la nature et la durée du titre. Il faut
distinguer le marché monétaire, où s’échangent
les titres à court terme (bons du Trésor, cer-
ticats de dépôt, etc.), le marché nancier, où
circulent les titres à long terme (actions et obliga-
tions), et le marché des changes, où s’échangent
les devises. Les principaux intervenants, comme
nous le verrons plus tard, sont les institutions 2.1.2 Les marchés selon le nombre
nancières et les autres entreprises, mais il y de participants
a aussi les particuliers eux-mêmes qui, grâce à
La dynamique des échanges dépend grandement
Internet, peuvent être des acteurs quotidiens sur du nombre de vendeurs. Les économistes désignent
le marché des capitaux. par l’expression structure de marché le degré de
La gure 2.1 illustre l’interdépendance des agents concurrence déni par le nombre d’entreprises et la
économiques dans une économie de marché. Ce nature du produit sur un marché, qui a une inuence
schéma simplié compte deux types d’agents : déterminante sur le prix et les quantités échangées
les entreprises, d’une part, et les ménages et les d’un bien ou d’un service. Le tableau 2.1 résume les
individus, d’autre part. Les individus travaillent diérentes structures de marché possibles.
à produire un ou plusieurs biens ou services et
reçoivent un salaire en échange de leur travail. Marché des capitaux Lieu où se rencontrent l’offre et la
Ils utilisent ensuite ce revenu pour acheter un demande de capitaux nanciers à court et à long terme.
large éventail de produits de consommation.
Structure de marché Degré de concurrence déni par
Quant au marché des capitaux, son existence per- le nombre d’entreprises et la nature du produit sur un
met aux agents économiques d’obtenir des fonds marché, qui a une inuence déterminante sur le prix et
pour nancer leurs activités de production ou les quantités échangées d’un bien ou d’un service.
de consommation.
Structures de marché
Caractéristiques
Monopole Oligopole Concurrence monopolistique Concurrence parfaite
Nombre d’entreprises Un Quelques-unes Multitude Multitude
Produits identiques
Type de produit Produit unique Produits similaires Produits identiques
ou similaires
Caractéristique clé Une entreprise Interactions stratégiques Produits plus ou moins différenciés Preneuses de prix
Exemples de marché Alcool, électricité Pétrole, téléphonie mobile Édition, restaurants Essence, pain
32 CHAPITRE 2
TABLEAU 2.2 Barème de la demande d’essence vos 10 $ vous permettent d’acheter davantage de
bœuf ou d’autres produits. C’est l’eet de revenu.
Prix Quantité demandée
(en ¢ au litre) (en millions de litres par jour) Ensuite, elle réduit le coût d’option du bœuf, qui
100 80 devient relativement moins cher que les côtelettes
105 70
de porc. C’est l’eet de substitution.
110 60 En fait, toute modication du prix d’un produit
115 50 entraîne simultanément l’eet de revenu et l’eet
120 40 de substitution, et c’est ainsi que ces deux eets
expliquent la loi de la demande.
le barème de la demande d’essence, c’est-à-dire la
Selon une autre interprétation de la loi de la
quantité d’essence demandée pour chaque prix.
demande, le prix que le consommateur est prêt
En reportant ces données sur un graphique, on à payer pour un produit diminue pour chaque
obtient la courbe de la demande (voir la gure 2.2). unité additionnelle. En eet, il est plutôt rare
La pente de la demande reète la relation néga- qu’un individu consomme deux ou trois steaks de
tive entre la variable dépendante (la quantité suite. Le deuxième steak est habituellement moins
demandée) et la variable indépendante (le prix)1. désiré que le premier, le troisième l’est moins que
Ainsi, la loi de la demande établit, toutes choses le deuxième et ainsi de suite. Il s’agit de la loi de
étant égales par ailleurs, que la quantité demandée l’utilité marginale décroissante.
d’un produit diminue à mesure que le prix aug-
mente, et vice versa. 2.2.2 Les déterminants « hors prix »
Comment expliquer ce phénomène ? Supposons que de la demande
vous vous rendiez au supermarché pour acheter Il convient ici de faire une distinction fondamen-
votre souper. Vous disposez de 10 $ et hésitez entre tale entre un déplacement le long de la demande
des côtelettes de porc et un steak. Si le steak est et un déplacement de la demande. Nous venons
en promotion, comment réagissez-vous ? D’abord, de voir que la loi de la demande reète la relation
cette diminution du prix du bœuf entraîne une négative entre le prix d’un produit et la quantité
augmentation de votre pouvoir d’achat, puisque demandée de ce même produit. Graphiquement,
elle correspond à la pente, c’est-à-dire à un déplace-
FIGURE 2.2 Courbe de la demande d’essence ment d’un point à l’autre sur la droite. Par ailleurs,
nous avons supposé que toutes les variables autres
1. Exceptionnellement, dans le modèle de l’offre et de la demande, la variable dépendante est représentée en abscisse.
34 CHAPITRE 2
que le prix du produit étaient constantes. Dans la provoque un déplacement vers la gauche de la
réalité, d’autres facteurs sont toutefois susceptibles courbe de la demande (de D1 à D3).
d’inuer sur la demande. Lorsqu’une des variables
autres que le prix du produit varie, il s’opère un Le prix des produits substituts
changement des quantités demandées pour tous Deux biens (ou services) sont dits substituts
les niveaux de prix, et il en résulte un déplacement lorsque la consommation de l’un peut remplacer la
de la courbe de la demande. consommation de l’autre. Le cinéma et la location de
Pour vous permettre de bien saisir tout ce que nous lms, le beurre et la margarine, ou encore la voiture
venons d’énoncer, nous analyserons les six prin- et le transport en commun en sont des exemples.
cipaux facteurs pouvant généralement entraîner Ainsi, s’il y a une réduction substantielle des tarifs
un déplacement de la courbe de la demande d’un du transport en commun, la demande d’automo-
produit. Il s’agit du revenu des consommateurs, du biles diminuera, car les consommateurs substitue-
prix des produits substituts, du prix des produits
ront le transport en commun, devenu moins cher,
complémentaires, des goûts et préférences des
à la voiture.
consommateurs, du nombre de consommateurs
et les anticipations à l’égard du prix.
Le prix des produits complémentaires
Le revenu des consommateurs Deux biens (ou services) sont dits complémentaires
Le niveau de revenu des consommateurs consti- lorsque la consommation de l’un incite à la consom-
tue souvent le principal déterminant « hors prix » mation de l’autre, comme l’automobile et l’essence.
de la demande. Avec un revenu plus élevé, on peut Par exemple, si le prix de l’essence augmente, les
acheter davantage de biens ou de services. Ainsi, consommateurs auront tendance à moins utiliser
plus le revenu des consommateurs est élevé, plus la la voiture. Ils commenceront à faire du covoiturage
consommation est élevée à chaque niveau de prix. ou à prendre l’autobus. Résultat : il y aura une dimi-
Graphiquement, une augmentation du revenu nution de la demande d’automobiles pour chaque
se traduit par un déplacement vers la droite de
niveau de prix et, conséquemment, un déplace-
la courbe de la demande (de D1 à D2), comme à la
ment vers la gauche de la courbe de la demande.
gure 2.3. Inversement, une diminution du revenu
qui a frappé le Népal en avril 2015 a provoqué des FIGURE 2.6 Offre et demande sur le marché
dégâts à l’agriculture, aux infrastructures et aux de l’essence
installations touristiques. Cela s’est traduit par un
déplacement vers la gauche de la courbe de l’ore
de plusieurs produits, notamment les denrées ali-
mentaires et les services touristiques.
Maintenant que nous savons comment se dé- point (70, 120). À ce niveau, le prix n’est plus censé
termine le prix d’équilibre dans une économie de varier.
marché, voyons comment les prix et les quantités
réagissent à la loi de l’ore et de la demande. 2.4.3 Le déséquilibre provenant
de l’offre
2.4.2 Le déséquilibre provenant De la même façon, si des changements se pro-
de la demande duisent du côté de l’ore (hausse du coût de
Pendant la saison estivale (surtout durant les production, par exemple), il faudra tracer une nou-
deux semaines de vacances dans le domaine de la velle courbe de l’ore d’essence, comme on peut le
construction), on observe sur les routes du Québec voir à la gure 2.8.
une hausse de la circulation, ce qui se traduit par
une augmentation de la consommation d’essence Le pétrole brut étant la principale composante
(augmentation du nombre de consommateurs). du coût de production du prix de l’essence (plus
Graphiquement, cela signie un déplacement vers de 50 % du prix à la pompe, selon les données de
la droite de la courbe de la demande, de D1 à D2 2010 de la Régie de l’énergie du Québec), toute aug-
(voir la gure 2.7). La demande ayant augmenté, le mentation de son prix incite les stations-service à
prix passe de 110 ¢ à 120 ¢ et les quantités échan- orir, pour le même prix, une quantité inférieure
gées, de 60 à 70. d’essence. Ainsi, la hausse du prix du pétrole brut
entraîne un déplacement vers la gauche de la
Cela s’explique comme suit : à 110 ¢ le litre d’es- courbe de l’ore (de O1 à O2) et, du même coup, une
sence, la quantité demandée (90) surpasse la quan-
pénurie d’essence sur le marché. L’équilibre ne peut
tité oerte (60). Il y a donc pénurie. Cette situation
n’est cependant que temporaire, car la demande être rétabli que par une hausse du prix de vente au
excédentaire entraîne bientôt une hausse graduelle détail. C’est pourquoi il en résulte une augmenta-
des prix, qui, selon la loi de l’ore et de la demande, tion du prix de l’essence (de 110 ¢ à 115 ¢) et une
décourage la demande des consommateurs et incite diminution de la quantité oerte (de 60 à 50). La
les entreprises à produire davantage, jusqu’à ce que rubrique « Exemple 2.1 » donne des illustrations de
l’équilibre soit de nouveau atteint, c’est-à-dire au tels déplacements d’équilibre dans divers marchés.
Remarque : lorsque la demande change, toutes choses étant égales par ailleurs, Remarque : lorsque l’offre change, toutes choses étant égales par ailleurs, les prix
les prix et les quantités varient dans le même sens. et les quantités varient en sens inverse.
40 CHAPITRE 2
Actualité économique
La hausse du prix des aliments : le cas du blé
[Voici un avis adressé à la clientèle de 3. Le développement d’un nouveau
la boulangerie Première Moisson.] marché en Chine. À vous de jouer !
Chers clients et clientes, Ceci crée une diminution importante
des réserves de blé mondiales, ce qui 1 À l’aide du modèle de l’offre et de
Vous êtes probablement informés que a pour conséquence de faire grimper la demande, représentez graphi-
le prix du blé subit une ination due les prix. quement l’effet sur le marché du
aux facteurs suivants : Le résultat de tous ces bouleverse- blé de chacun des trois facteurs
ments nous oblige à réviser nos prix à dont il est question dans cet avis
1. La demande grandissante pour et qui expliqueraient la hausse du
l’éthanol qui incite les agricul- la hausse.
prix du blé.
teurs à produire du maïs et du Nous vous remercions de votre
soya plutôt que du blé. compréhension. 2 À l’aide des réponses en 1, illus-
2. Une grande sécheresse depuis Liliane Colpron trez graphiquement la résultante
2 ans en Australie qui est le deu- Présidente de Première Moisson de tous ces bouleversements sur
xième producteur mondial de blé. Le 28 février 2008 le prix du pain.
se livrent régulièrement les compagnies pétrolières, comme un monopole, an d’obtenir le prix le plus
lesquels sont des facteurs déterminants dans la élevé possible. Collectivement, elles ne peuvent
uctuation des prix à court terme. faire mieux. Toutefois, un cartel est instable, car
chaque station-service, prise individuellement,
2.5.1 La guerre des prix a intérêt à baisser son prix de manière à obtenir
une plus grande part de marché et à accroître
Une guerre des prix s’amorce lorsqu’une grande
son prot. Il s’agit d’une situation stratégique
compagnie (comme Ultramar ou Petro-Canada,
où le prix optimal d’une station-service est
dans ce cas-ci) baisse légèrement son prix de
fonction de celui d’une autre station-service.
manière à accroître sa part de marché. Le prix
De plus, une telle collusion est illégale dans la plu-
étant bien en évidence, les autres stations- service
part des pays développés, car elle constitue une
s’empressent de l’imiter pour éviter de perdre des
entrave à la concurrence.
clients. L’issue de cette guerre est que le prix s’ap-
proche du coût unitaire. Il arrive même que le Le problème de la coordination des décisions
prix aché à la pompe soit en dessous du coût individuelles peut être abordé sous forme de
total moyen, ce qui signie que la station-service jeu stratégique, au sens de la théorie des jeux.
perd de l’argent à chaque litre d’essence vendu. Celle-ci étudie la façon dont les agents prennent
des décisions stratégiques pour servir leur propre
Il est à noter que, depuis 1996 (année de l’entrée en
intérêt et anticiper les réactions des autres, sans
vigueur d’un prix plancher au Québec), il semble y
nécessairement y parvenir (pour plus de détails
avoir de moins en moins de guerres des prix dans
concernant la théorie des jeux, voir la rubrique
le marché de l’essence. Aujourd’hui, il est fréquent
« Grands courants de la pensée économique »
d’observer le comportement inverse, c’est-à-dire
à la page 47). L’exemple 2.2
une collusion entre les stations-service.
présente une application
pratique de la théorie
2.5.2 La coopération des jeux au marché
Il y a collusion (ou cartel) lorsqu’un petit nombre de l’essence.
d’entreprises s’entendent pour maintenir les prix
élevés. Remarquons que les stations-service ont
intérêt à coopérer et à se comporter conjointement
Pourquoi les stations-service d’une région afchent-elles les mêmes prix ? N’est-il pas préférable de vendre de l’essence à un prix
légèrement plus bas que son concurrent ?
2. Bureau de la concurrence du Canada. (2013). « Liste des accusations et peines dans l’affaire du cartel de xation du prix de l’essence au Québec ».
44 CHAPITRE 2
Actualité économique
L’effet de la guerre des tarifs en infonuagique
« […] La guerre des tarifs en info- d’annoncer une réduction de ses tarifs un prot de 1 M$ chacune. Si l’une
nuagique* s’est intensiée au cours de 27 à 65 %. […]. des entreprises réduit ses tarifs, elle
des derniers mois. Google a diminué réalise un prot de 1,5 M$, et l’autre
les siens de 32 à 85 %, selon les ser- Les géants ont une capacité d’écraser essuie une perte de 0,5 M$. Si les
vices proposés, à la n du mois de la concurrence. Les plus petites entre- deux réduisent leurs tarifs, elles ne
mars. Deux jours plus tard, Amazon prises n’ont pas les reins assez solides font aucun prot (voir le tableau 2.7).
Web Service répliquait en réduisant et assez de capitaux pour suivre les Aucune des deux ne peut surveiller
ses tarifs de 27 à 65 %. Une semaine baisses de tarifs. Il y aura une sorte les actions de sa concurrente.
plus tard, c’était au tour de Microsoft d’épuration », ajoute [Pierre Tocci,
spécialiste en info-
nuagique] […]3 ».
TABLEAU 2.7 Microsoft et Google : la guerre
des tarifs À vous de jouer !
Supposez que Google
Microsoft et Microsoft sont les
seules entreprises à
1 Pourquoi parle-t-on d’une guerre
Réduit Ne réduit de prix ?
ses tarifs pas ses tarifs offrir des services in-
fonuagiques. Si toutes 2 Quel est l’équilibre – ou l’issue –
Réduit 0 –0,5
ses tarifs 0 1,5 deux s’entendent du jeu ?
Google pour ne pas réduire 3 Ce jeu correspond-il au dilemme du
Ne réduit pas 1,5 1
ses tarifs –0,5 1 leurs tarifs, elles font prisonnier ? Justiez votre réponse.
* L’infonuagique (ou cloud computing) désigne un ensemble de processus qui permettent d’utiliser la puissance de stockage de serveurs informatiques
distants grâce à Internet.
2.6 PRIX ARTIFICIELS Ce prix ne peut produire les eets attendus que s’il
est inférieur au prix d’équilibre du marché.
Dans une économie mixte comme celle du Canada,
il arrive parfois que l’État intervienne sur un mar- Dans le marché des centres de la petite enfance
ché en xant, par réglementation, un prix plafond (CPE), il existe un prix plafond, c’est-à-dire un ta-
ou un prix plancher dans le but de protéger cer- rif relativement bas pour toutes les familles, soit
tains groupes contre les mécanismes du marché. 7,30 $ en 20154. Il est interdit d’orir le service au-
On parle alors de prix articiels parce qu’ils ne delà du prix réglementaire. Ce marché se caracté-
reètent pas la valeur réelle associée à la rareté des rise par une problématique sociale selon laquelle
biens et des services. Les prix plafonds et les prix
planchers en sont des exemples. Prix articiels Prix réglementés par l’intervention de
l’État. Il s’agit essentiellement du prix plafond et du
prix plancher.
2.6.1 Le prix plafond
Prix plafond Prix maximal xé au-dessous du prix
Le prix plafond est un prix maximal xé d’équilibre dans le but de favoriser un groupe précis sur
au-dessous du prix d’équilibre dans le but de un marché donné.
favoriser un groupe précis sur un marché donné.
un prix jugé excessivement élevé constituerait un Le plafonnement des prix peut également mener
frein à l’accès au service de garde, notamment pour à la corruption. En eet, les consommateurs
les personnes à faible revenu. Dans ce contexte, désirant un accès aux services de garde à des
l’objectif que vise l’intervention de l’État consiste à prix articiellement bas pourront être tentés de
protéger les consommateurs en xant un prix infé- contourner les listes d’attente en orant des
rieur au prix du marché. avantages indus aux fournisseurs de ces services
ou en protant d’une situation de favoritisme.
Le prix plafond entraîne certaines conséquences Par exemple, lorsqu’un ménage a déjà un enfant
sur le marché des places en garderie (voir la en CPE subventionné, il arrivera qu’on attri-
gure 2.10). En eet, la baisse du prix pro- bue une place à son deuxième enfant sans qu’il
voque une hausse de la quantité demandée (à ait à l’inscrire sur une liste d’attente. Ce genre
270 000) puisque le service devient plus abor- de passe-droit peut aussi s’étendre à d’autres
dable, donc attrayant aux yeux des consomma- membres du réseau sociofamilial. Il est donc
teurs. Toutes choses étant égales par ailleurs, évident que l’application d’un prix plafond, bien
puisque les consommateurs paient une plus faible qu’elle vise l’accessibilité, peut engendrer des
part des coûts, la quantité oerte est réduite (à eets pervers non négligeables.
90 000 places). Conséquemment, il en résulte une
pénurie de 180 000 places (270 000 – 90 000) et,
ultimement, dans l’exemple des CPE, des listes 2.6.2 Le prix plancher
d’attente. Un marché parallèle apparaît alors pour Le prix plancher est un prix minimal xé au-
répondre à la demande. Ce marché non réglementé dessus du prix d’équilibre dans le but de favoriser
impose le prix du marché. Dans ce marché global, un groupe précis sur un marché donné. Le salaire
un certain nombre de consommateurs ont le privi- minimum en est un exemple caractéristique. Une
lège de payer un prix réglementé, plus faible que le telle intervention vise à protéger les travailleurs en
prix du marché, tandis que d’autres contribuables leur accordant un revenu décent.
doivent payer le prix du marché. Cette situation
Quel est l’eet du salaire minimum sur l’emploi ?
soulève un problème sur le plan de l’équité.
Pour répondre à cette question, il serait utile
Coût de garde au quotidien d’examiner le marché du travail. La gure 2.11
(voir la page suivante) illustre les
forces en présence sur ce marché.
FIGURE 2.10 Effet d’un prix plafond sur le marché des places en CPE
Comme pour le prix de l’essence
ou de tout autre produit, l’axe
horizontal indique la quantité de
travail (nombre d’emplois) et l’axe
vertical correspond au prix de la
main-d’œuvre, donc du salaire.
N’oubliez pas que la courbe de
l’ore représente les travailleurs,
et la courbe de la demande, les
entreprises. Ainsi, selon le modèle
de l’ore et de la demande, on
voit que l’application du salaire
horaire minimum de 10,55 $ FIGURE 2.11 Effet du prix plancher sur le marché du travail
entraîne une ore de travail
excédentaire, donc un surplus de
main-d’œuvre peu qualiée ou
non expérimentée (N02 – Nd 2). En
eet, pour un salaire plus élevé,
les travailleurs sont davantage
disposés à orir leurs services,
alors que certaines entreprises
(comme les PME) renoncent à
engager du personnel car le coût
de la main d’œuvre est supérieur.
Il en résulte une suppression
de postes et, par conséquent,
une hausse du chômage. Il est à
noter que, pour avoir un eet sur
le marché, le salaire minimum
doit être supérieur au salaire Remarque : lorsque la quantité offerte excède la quantité demandée, la quantité échangée ou vendue
d’équilibre. correspond à la plus petite de ces deux quantités, c’est-à-dire à la quantité demandée.
Le 1er mai 2015, le salaire minimum a augmenté de 0,20 $ au Québec, passant de 10,35 $ à 10,55 $ l’heure. Près de 270 000 salariés
ont bénécié de cette augmentation.
Taux du salaire minimum
Modèle de l’offre et de la deMande 47
5. Ministère des Finances du Québec. (Février 2002). « Impact du salaire minimum sur l’emploi », Rapport d’analyse 2001-2002.
6. Fortin, Pierre. (1997). Salaire minimum au Québec : trop élevé ou trop bas ? Montréal, Université du Québec à Montréal.
48 CHAPITRE 2
* Ceux et celles qui s’intéressent davantage à la théorie des jeux et à ses applications économiques peuvent consulter l’ouvrage Comportement stratégique
en économie. Une introduction à la théorie des jeux de Dominic Roy (2006), ou encore Thinking Strategically. The Competitive Edge in Business, Politics,
and Everyday Life de Avinash K. Dixit et Barry Nalebuff (1993). Pour une présentation plus légère et moins théorique, on peut lire le roman Le dilemme du
prisonnier de François Lepage (2008) ou voir le lm de Ron Howard, Un homme d’exception (2001), sur la vie de John Forbes Nash.
Extrait du lm Un homme d’exception.
Modèle de l’offre et de la deMande 49
En un clin d’œil
Monopole
Une seule entreprise
Oligopole
Interactions stratégiques
Structures de marché
Concurrence monopolistique
Produits plus ou moins différenciés
Concurrence parfaite
Preneuses de prix
Loi de la demande
Toutes choses étant égales par ailleurs, la quantité demandée d’un produit diminue
à mesure que le prix augmente, et vice versa.
Loi de l’offre
Toutes choses étant égales par ailleurs, la quantité offerte d’un produit augmente
à mesure que le prix augmente, et vice versa.
Changement de la demande
Toutes choses étant égales par ailleurs, lorsque la demande change,
les prix et les quantités varient dans le même sens.
Équilibre et déséquilibre
du marché
Changement de l’offre
Toutes choses étant égales par ailleurs, lorsque l’offre change,
les prix et les quantités varient en sens inverse.
Guerre de prix
Phénomène qui s’amorce lorsqu’une entreprise baisse légèrement son prix
de manière à accroître sa part de marché.
Guerre de prix
et coopération
Coopération : collusion ou cartel
Groupe d’entreprises qui s’entendent pour baisser leur production
ou augmenter leur prix.
7. Losson, Christian et de Filippis, Vittorio. (21 novembre 2014). « Pourquoi l’or noir ne vaut plus de l’or », Libération.fr.
52 CHAPITRE 2
b) Déterminez le prix et la quantité d’équilibre 1591 demandes et 773 ores d’admission au bac-
pour ce marché. calauréat en administration.
c) Déterminez le prix auquel les hôteliers ne sont a) Dans l’hypothèse d’un marché parfaitement
pas disposés à orir des chambres. concurrentiel, expliquez comment évolueraient
d) Qu’adviendrait-il de l’équilibre du marché les droits de scolarité pour que l’équilibre se
si Montréal se voyait retirer un événement rétablisse.
spécial tel le Grand Prix de Formule 1 ? Tra- b) Sachant que les droits de scolarité ne peuvent ser-
duisez graphiquement cet événement par vir de mécanisme pour rétablir l’équilibre, déter-
le déplacement approprié d’une des deux minez le nombre d’étudiants qui seront admis en
droites de 6000 chambres d’hôtel à chaque administration et comment ils seront sélectionnés.
niveau de prix. c) Qui sont les gagnants et les perdants d’un gel des
e) À partir de la réponse obtenue en d), déterminez droits de scolarité ?
le prix auquel les consommateurs ne sont pas 18 À l’aide du tableau suivant indiquant le barème ctif
disposés à louer une chambre d’hôtel. d’ore et de demande de caisses de 24 bouteilles de
16 Les fonctions suivantes présentent l’ore et la bière, répondez aux questions.
demande pour des caisses de bleuets : a) Tracez dans un graphique les courbes de l’ore et
P = 75 − 0,25Q d et P = 0,50Qo de la demande de ce marché. Déterminez le prix
et la quantité d’équilibre sur ce marché.
a) Déterminez le prix et la quantité d’équilibre sur le
marché des bleuets. b) « De passage à l’Université Laval hier, le député
conservateur Maxime Bernier a reproché au
b) Y a-t-il un surplus ou une pénurie au prix de 40 $ ? gouvernement de traiter les gens comme des
Comment l’équilibre sera-t-il établi ? enfants en leur imposant un prix minimum
17 Selon les statistiques de l’Université du Québec à sur la bière. “Eh oui, la bière pourrait coûter
Montréal, il y a eu, à la session d’automne 2014, moins cher, mais le gouvernement a peur que
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) est constituée de 12 pays : l’Algérie, l’Angola, la Libye, le Nigéria, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes
unis, l’Irak, l’Iran, le Koweit, le Qatar, l’Équateur et le Venezuela. Des désaccords concernant le prix du pétrole peuvent subvenir au sein même de l’organisation.
Modèle de l’offre et de la deMande 53
8. Porter, Isabelle. (11 novembre 2010). « La bière, nouvel argument de la droite », Le Devoir.com.
9. Agence France-Presse. (14 janvier 2015). « L’Arabie saoudite essuie le tir croisé des producteurs pétroliers », Le Devoir.com.
54 CHAPITRE 2
Appendice mathématique
L’équilibre du marché
Le marché est en équilibre à l’intersection des deux
droites, c’est-à-dire lorsque la quantité demandée
par le consommateur coïncide avec la quantité
oerte par l’entreprise. On a alors :
QD = Q O
En résolvant le système d’équations à l’aide de la FIGURE A-2.3 Offre et demande sur le marché
méthode par comparaison, on peut établir que : de l’essence
–2P + 280 = P – 50
=> 330 = 3P
=> P = 110
=> Q = 60
FONDEMENTS
MACROÉCONOMIQUES
Source : Harribey, Jean-Marie. (2004). La démence sénile du capital. Fragments d’économie critique, Paris, Éditions
du Passant, p. 28.
INDICATEURS DE
LA PRODUCTION
CHAPITRE
#
3 ET DES INÉGALITÉS
ÉCONOMIQUES
trimestrielles (trois mois) ou mensuelles. Le PIB ● Les biens semi-durables, tels les vêtements, les
est donc un ux, parce qu’il est mesuré sur une chaussures, les pneus, etc.
période donnée, contrairement à la richesse, que
beaucoup confondent avec le PIB, mais qui est
● Les biens non durables, biens qui sont détruits
lors de leur première consommation, comme
un stock, variable mesurée à un moment précis
dans le temps. La richesse équivaut à la valeur les aliments.
totale des actifs d’un agent économique à un ● Les services, produits intangibles tels les services
moment donné (propriétés, actions, dépôts, etc.). des coieurs, des esthéticiens, des dentistes, des
Bien sûr, le PIB ne mesure que les biens et les ser- avocats, des comptables, etc.
vices naux ayant fait l’objet d’une transaction Notez que l’achat d’une maison neuve n’entre pas
nancière déclarée. Il ne mesure donc ni les tran- dans cette catégorie, mais plutôt dans la catégorie
sactions qui se font hors marché, comme le béné- « des investissements bruts » puisqu’il est considéré
volat et les travaux domestiques non rémunérés, ni comme un investissement de capital de production.
le produit du travail au noir, ni celui du crime orga-
nisé. Les transactions non productives, comme Les dépenses de consommation
les ventes de biens usagés et les transferts de des institutions sans but lucratif
propriété, sont aussi exclues du PIB parce qu’elles au service des ménages (Cisblsm)
n’ajoutent rien à la production courante. Cette catégorie comprend les dépenses en salaires,
Ainsi, le calcul du PIB consiste à déterminer la valeur en loyer et en fournitures eectuées par les insti-
totale des biens et des services produits durant une tutions sans but lucratif au service des ménages
année donnée. Or, on sait que, d’une part, ces biens et qui fournissent des biens ou, plus généralement,
ces services sont achetés par les agents économiques des services dont leurs membres sont les princi-
et que, d’autre part, les propriétaires de ressources paux bénéciaires. On peut penser, par exemple,
(travail, capital, terre, entrepreneuriat), ayant parti- aux associations professionnelles, aux partis
cipé à la production, ont reçu une rémunération. On politiques, aux syndicats des salariés, aux clubs
peut donc évaluer le PIB selon deux approches : celle sociaux, culturels, récréatifs et sportifs.
des dépenses et celle des revenus1. Les dépenses de consommation
des administrations publiques (G)
3.1.1 Le calcul du PIB selon l’approche Les dépenses de consommation des admi-
des dépenses nistrations publiques sont les achats de biens
L’approche des dépenses consiste à additionner les et de services eectués par les diérents paliers
dépenses nales liées à la production de biens et de de gouvernement. Il s’agit essentiellement des
services eectuées par divers agents économiques
au cours d’une période donnée. Ces dépenses se
divisent en six catégories.
Flux Valeur (ou quantité) mesurée sur une
À propos du PIB (Statistique Canada) période donnée.
Les dépenses de consommation Stock Valeur (ou quantité) mesurée à un moment
des ménages (Cm) précis dans le temps.
Les dépenses de consommation des ménages Dépenses de consommation des ménages Achats
peuvent être réparties en quatre types de biens de biens et de services effectués par les ménages.
et de services : Dépenses de consommation des administrations
publiques Achats de biens et de services effectués
● Les biens durables, tels les meubles, les électro- par les gouvernements.
ménagers, les voitures, etc.
1. Il est à noter que les comptes nationaux ont été modiés en 2012 an de respecter les nouvelles normes internationales.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 61
On obtient la valeur du PIB selon l’approche des Le tableau 3.1 donne la valeur du PIB du Canada
dépenses en faisant la somme des dépenses et la part relative des catégories de dépenses pour
des divers types d’agents économiques que nous l’année 2014. On constate que les dépenses des
venons de décrire : consommateurs représentent près de 56 % (54,3 %
+ 1,4 %) des dépenses totales, et on comprend alors
PIB = C m + C isblsm + G + I b + Is + (X – M) facilement que les économistes et les décideurs
politiques observent de très près les données rela-
tives à cette catégorie. C’est pourquoi, lorsque le
Souvent, les économistes, dans le but de simpli-
Conference Board annonce une baisse du niveau
er les éléments du PIB considéré sous l’angle des
de conance des consommateurs, on peut généra-
dépenses, intègrent les dépenses de consomma-
lement s’attendre à un ralentissement de la crois-
tion des institutions sans but lucratif au service
sance de l’économie canadienne.
des ménages (Cisblsm) aux dépenses de consom-
mation des ménages (Cm) et regroupent les deux
types d’investissement. Ces deux agrégations sont 3.1.2 Le calcul du PIB selon
représentées sous les vocables suivants : C, I. En l’approche des revenus
tenant compte de ces deux agrégations, on obtient L’approche des revenus consiste à additionner les
le calcul suivant pour le PIB : revenus gagnés par les propriétaires des ressources
ou des facteurs de production (travail et capital)
PIB = C + G + I + (X – M) entrant dans la production des biens et des ser-
vices naux, d’y ajouter les taxes et d’en soustraire
C : valeur des dépenses eectuées par les consom- les subventions de façon à obtenir une mesure
mateurs (ou les ménages) ; équivalant à celle du PIB en termes de dépenses2.
Les principaux éléments à considérer sont la rému-
G : valeur des dépenses eectuées par les gouver- nération des salariés, l’excédent d’exploitation
nements (ou l’État) ; brut et les revenus mixtes bruts.
I : investissements des entreprises privées et La rémunération des salariés (S)
publiques (principalement) ;
C’est la rémunération totale brute des travail-
X – M : exportations nettes. leurs (tous les salaires avant impôts versés par les
27 879
54,3
1,4
entreprises, incluant les avantages sociaux comme (taxes) sur la production versés par l’entreprise
les cotisations de l’assurance-emploi et les alloca- (impôts fonciers, taxes sur la masse salariale,
tions de retraite) ayant participé à la production. taxes sur le capital) et les subventions perçues.
Il s’agit des travailleurs provenant de tous les sec- ● Les impôts nets sur les produits (Tn2), qui corres-
teurs d’activité. Cette catégorie est la plus impor-
tante, puisqu’elle représente généralement plus de pondent à la diérence entre les impôts (taxes)
la moitié du PIB. sur les produits versés par l’entreprise (taxes de
vente comme la TPS et la TVQ, taxes d’accise,
L’excédent d’exploitation brut (EEb) droits de douane) et les subventions perçues.
Cette catégorie comprend le bénéce brut des Ainsi, on obtient le PIB, en faisant la somme de
sociétés (les entreprises incorporées, les com- tous ces éléments :
pagnies), mais aussi celui des administrations
publiques et des institutions sans but lucratif au PIB = (S + EEb + RM b) + Tn1 + Tn2
service des ménages (ISBLSM) ; celles-ci, même si
elles ne devraient normalement pas faire de béné- Le calcul du PIB selon l’approche des revenus est
ces, doivent quand même générer des revenus présenté au tableau 3.2. En théorie, on obtient le
pour compenser la dépréciation de leur capital. En même résultat en utilisant l’une ou l’autre des deux
réalité, on obtient l’excédent d’exploitation brut des approches. En pratique, cependant, étant donné
sociétés en soustrayant de leurs recettes de ventes que Statistique Canada procède à partir d’une en-
leurs coûts en salaires versés aux travailleurs, en quête par sondage, il y a toujours une diérence
achats de biens et de services intermédiaires et entre les résultats des deux méthodes de calcul.
en taxes remises aux gouvernements.
An d’obtenir le résultat le plus able possible,
Les revenus mixtes bruts (RM b) Statistique Canada estime la valeur du PIB en
Le revenu mixte brut désigne le revenu d’exploi- calculant la moyenne des deux résultats. La dié-
tation des entreprises individuelles (c’est-à-dire rence entre le PIB et la valeur calculée par les deux
des entreprises non incorporées en société). Il se méthodes s’appelle « divergence statistique ». C’est
compose essentiellement des bénéces bruts des pourquoi nous trouvons l’élément « divergence sta-
entreprises avant impôt sur le revenu, y compris tistique » dans le calcul du PIB.
les provisions pour consommation de capital
(la valeur de la dépréciation de l’équipement
que les entreprises ont déduite de leurs revenus), TABLEAU 3.2 Produit intérieur brut en termes
les revenus divers de placements, les dividendes de revenus, au Canada, en 2014
versés moins les dividendes reçus, l’intérêt versé Catégories de revenus
En millions
En % du PIB
de $
moins l’intérêt reçu et l’ajustement de la valeur des
Rémunération des salariés (S) 994 219 50,3
stocks (ajustement apporté pour tenir compte de
Excédent d’exploitation
la variation de la valeur des stocks non agricoles 558 030 28,3
brut (EEb)
résultant de la variation des prix). Sont exclus
Revenu mixte (RMb) 224 855 11,4
de l’excédent d’exploitation les gains et pertes de
détention, comme les gains en capital réalisés sur Impôts moins subventions sur
77 368 3,9
la production (Tn1)
la vente d’actifs.
Impôts moins subventions
sur les produits et les 120 623 6,1
À cela, il faut donc ajouter les deux types de taxes
importations (Tn2)
indirectes des gouvernements pour obtenir le PIB
Divergence statistique –270 0,0
aux prix du marché.
Produit intérieur brut (PIB) 1 974 825 100,0
● Les impôts nets sur la production (Tn1), qui Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 380-0063.
correspondent à la diérence entre les impôts
64 CHAPITRE 3
3.2 Du PIB nominal Le tableau 3.3 donne les valeurs du PIB nominal, de
l’IIP et du PIB réel du Canada pour les années 2007
au PIB réel à 2014.
Prenons le cas d’une entreprise qui produit uni- Ainsi, en 2014, le PIB nominal du Canada était
quement des camions militaires. Si un camion se de 1974,8 milliards de dollars et l’indice impli-
vend 80 000 $, une production de 100 camions cite des prix, de 113,0. Le PIB réel était donc
rapporte 8 millions de dollars (80 000 $ × 100). Or, celui-ci :
si l’année suivante le revenu de l’entreprise atteint
12 millions de dollars, peut-on armer que la PIB nominal (2014) 1974,8 milliards $
× 100 = × 100
hausse découle d’une augmentation de la produc- IIP (2014) 113,0
tion ? Pas nécessairement ! = 1747,6 milliards $ de 2007
Comme pour cette entreprise, lorsqu’on veut 2009 1567,0 101,6 1542,3
connaître l’augmentation (ou la diminution) de la 2010 1662,8 104,4 1592,7
production d’un pays, on doit éliminer l’eet des 2011 1770,0 107,9 1640,4
prix dans le calcul du PIB. On parlera alors de PIB
2012 1831,2 109,6 1670,8
réel, par opposition au PIB nominal dont les
variations peuvent provenir des changements tant 2013 1893,8 111,0 1706,1
des prix des biens et des services que des quantités 2014 1974,8 113,0 1747,6
réelles produites. Pour s’assurer que l’indicateur
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 380-0064 et
ne reète que ce dernier aspect (les quantités de 380-0066.
biens et de services produites), on eectuera le
calcul du PIB réel à l’aide de l’indice implicite
des prix (IIP) (voir l’appendice mathématique du
chapitre 4 à la page 106 pour plus d’information PIB réel PIB auquel on a enlevé l’effet de l’ination. Il
sur les indices). s’exprime en dollars constants, c’est-à-dire en dollars
de l’année de référence.
Cet indicateur, aussi appelé « déateur », permet de
PIB nominal PIB qui ne prend pas en considération la
convertir rapidement le PIB en dollars de l’année uctuation des prix. Il s’exprime en dollars courants,
en cours (disons 2014) en dollars d’une année de c’est-à-dire en dollars de l’année en cours.
référence (disons 2007). Le calcul du PIB réel s’ef-
Indice implicite des prix (IIP) Indicateur qui donne
fectue de la façon suivante3 : la moyenne pondérée des prix de l’ensemble des biens
et des services produits à l’intérieur d’un pays au
PIB nominal cours d’une période donnée.
PIB réel = × 100
IIP
3. La méthode présentée ici est la méthode traditionnelle, c’est-à-dire fondée sur les prix de l’année de base. Toutefois, depuis le 31 mai 2001, Statistique Canada
utilise une nouvelle méthode (plus complexe) de calcul pour le PIB réel en termes de dépenses, celle de l’« indice de volume en chaîne » ou « enchaîné » (basée sur
les prix de deux années). Pour plus d’information, consultez le document de Statistique Canada à l’adresse www.publications.gc.ca/Collection/Statcan/13-604-M/
13-604-MIF2003042.pdf.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 65
Ce montant indique quelle aurait été la valeur TABLEAU 3.4 Croissance du PIB canadien, 2008-2014
du PIB canadien en 2014 si les prix avaient été
PIB réel
ceux de 2007. En résumé, le PIB réel représente (en milliards
PIB réel
Année (variation relative
la valeur de la production mesurée en dollars de $ enchaînés
en %)
de 2007)
constants, c’est-à-dire en dollars de l’année de réfé-
rence. On parlera toujours du PIB réel lorsqu’on 2007 1 565,9 —
4. Elle peut aussi être dénie comme une augmentation soutenue de la productivité, c’est-à-dire de la production par habitant.
66 CHAPITRE 3
3.4 Indicateurs de la richesse le PIB puisque les familles ont recours plus souvent
à des services de garde rémunérés et déclarés.
et du bien-être
d’une société Le PIB n’est pas non plus l’indicateur unique du
bien-être d’une société, quoiqu’on observe une rela-
Le PIB reète assez dèlement l’état de santé et tion positive entre les deux. Certes, plus une société
la performance économiques d’un pays. Ce n’est a de biens à se partager, plus le niveau de vie des
cependant pas une mesure exacte de la richesse et citoyens est susceptible d’augmenter. Mais le bien-
du bien-être d’une société. être est autre chose que la somme des biens et des
services produits au cours d’une année : la santé, le
Même si beaucoup l’interprètent sans nuances
niveau d’éducation, le temps de loisir et la qualité de
comme un indicateur de la richesse d’une éco-
l’environnement entrent aussi en ligne de compte.
nomie, le PIB mesure seulement ce qui est produit.
En fait, le PIB est à la richesse d’un pays ce que le sa- C’est pourquoi, pour mesurer la richesse et le bien-
laire est à la richesse d’un individu. De même qu’une être d’un pays, on complètera le PIB avec d’autres
personne ayant un salaire élevé est plus susceptible types d’indicateurs comme le PIB par habitant, le
d’être fortunée qu’une autre ayant un salaire bas, coecient de Gini, l’indicateur de développement
un pays ayant connu par le passé des niveaux de humain ou le PIB vert.
production élevés est plus susceptible d’être riche
que celui qui maintient de faibles niveaux de pro- 3.4.1 Le PIB par habitant
duction. Mais qu’est-ce au juste que la richesse d’un
pays ? À strictement parler, c’est le total de son Un pays ayant un PIB plus élevé qu’un autre pays
actif, c’est-à-dire l’ensemble de ses infrastructures est-il plus performant économiquement ? Pas
(hôpitaux, écoles, routes, ponts, bâtiments, etc.). nécessairement. Par exemple, en 2012, les États-
Unis avaient un PIB près de neuf fois plus élevé
Le PIB ociel mesure aussi seulement ce qui est que celui du Canada. Cet écart qui à première vue
échangé et déclaré. Il exclut donc les activités du semble immense est tout à fait normal puisque
marché noir (économie souterraine), les activités les Américains sont neuf fois plus nombreux que les
criminelles ou les biens et les services autopro- Canadiens. Quand on compare le PIB de deux pays,
duits. Pour certains pays, cette exclusion peut faire il est important de tenir compte de la taille de la
une énorme diérence. Dans un pays moins indus- population. C’est pour cette raison que les écono-
trialisé par exemple, la garde des enfants est à la mistes considèrent le PIB par habitant comme une
charge autonome des familles. Pour un pays comme mesure plus dèle de la performance économique
le Canada, cette même activité est enregistrée dans d’un pays.
La qualité de l’environnement, qui contribue grandement au bien-être d’une société, n’est pas prise en compte
dans le calcul du PIB. C’est pourquoi on a essayé de mettre au point d’autres indices comme le PIB vert.
68 CHAPITRE 3
Actualité économique
La croissance économique [la richesse et le bien-être matériel] est-elle
plus faible au Québec qu’ailleurs au Canada ?
On rapporte généralement la per- Par exemple, selon le Fonds monétaire Le revenu moyen des Norvégiens
formance économique d’une région international, la Norvège a enregistré était supérieur de 6 % à celui des
pour une année donnée en se basant en 2012 un PIB total de 275 milliards Américains.
sur le taux de croissance de son pro- de dollars ; les États-Unis, eux, un PIB
duit intérieur brut (PIB) par rapport à total de 16 250 milliards. La conclusion qui s’impose, c’est que
l’année précédente. la performance économique d’une
Est-ce que cela veut dire que les région doit s’évaluer en suivant l’évolu-
Le PIB mesure la valeur des biens Américains étaient plus riches que tion de son PIB par habitant, et non pas
et des services que la région a pro- les Norvégiens ? Pas du tout. Il y avait l’évolution de son PIB total. La crois-
duits dans l’année. (C’est identique à seulement 5 millions d’habitants en sance du PIB par habitant (ination
la valeur des revenus qu’elle a ainsi
Norvège en 2012, contre 315 millions déduite, bien sûr) est celle qui compte
engendrés.) Pour estimer de com-
bien le volume réel des biens et des aux USA. Le PIB par habitant était vraiment lorsqu’on veut apprécier la
services produits a augmenté depuis donc de 55 000 dollars en Norvège progression du bien-être matériel des
un an, il faut évidemment retrancher et de 51 600 dollars aux États-Unis. habitants de la région. […]
de la hausse du PIB la partie qui
résulte purement de prix plus élevés
(l’ination).
Source : Fortin, Pierre. (10 janvier 2014). « La croissance économique a-t-elle été plus faible au Québec qu’ailleurs au Canada? » L’actualité.com.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 69
C’est donc souvent à l’aide du PIB par habitant développement économiques (OCDE) a calculé ces
que l’on fait des comparaisons internationales. taux de conversion (voir le tableau 3.6).
Or, comme la production de chacun des pays est
évaluée selon sa devise nationale, il faut également En 2000, l’écart de prix moyen d’un échantillon
de biens et de services entre le Canada et les États-
convertir toutes les valeurs en une monnaie de
référence. Par convention, on utilise le dollar amé- Unis était de 1,23. Ce qui signie que ce qui coû-
ricain. Étant donné que le niveau des prix change tait en moyenne 100 $ aux États-Unis se vendait
d’un pays à l’autre, il est important d’ajuster l’indi- en moyenne 123 $ au Canada. Un Canadien devait
cateur pour tenir compte de cette diérence. Les gagner 123 $CA pour que son pouvoir d’achat
organismes internationaux utilisent souvent le corresponde à celui d’un revenu de 100 $ aux
PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat, États-Unis. Pour comparer la richesse moyenne
ce qui signie que l’on a pris en compte les écarts de chacun des pays en parité du pouvoir d’achat
de prix et de taux de change (voir le chapitre 9). (PPA), on doit diviser les valeurs en dollars cana-
diens par le taux de conversion. Ainsi, de 2000 à
La parité de pouvoir d’achat (PPA) 2013, la richesse moyenne des Canadiens est pas-
Il est dicile de faire des comparaisons interna- sée de 33 035 $US en PPA à 36 157 $US en PPA.
tionales lorsque les indicateurs sont exprimés en Ces montants représentaient respectivement
monnaie nationale. Si le salaire moyen d’un Japo- 80,7 % et 79,2 % de la richesse moyenne des Amé-
nais est de 5,5 millions de yens alors que celui d’un ricains, alors qu’on aurait pu croire, si nous avions
Canadien est de 32 000 dollars canadiens, lequel utilisé le taux de change pour eectuer la comparai-
des deux est le plus élevé ? Le moyen de compa- son, que la richesse moyenne des Canadiens avait
raison le plus facile est d’utiliser le taux de change rattrapé celle de nos voisins du Sud. Cela aurait été
courant des deux monnaies, en espérant que celui- vrai si nous achetions tous nos biens et tous nos
ci reète bien les écarts de niveau de vie moyen services aux États-Unis, ce qui n’est pas le cas.
entre les deux pays. Or, comme nous le verrons au
chapitre 9, les taux de change dépendent des tran-
sactions internationales tandis que les monnaies TABLEAU 3.6 PIB comparés, Canada, États-Unis,
2000-2013
nationales servent d’abord et avant tout aux tran-
sactions nationales. Si le dollar canadien est forte- Années 2000 2005 2010 2013
ment évalué sur le marché international, le revenu PIB per capita É.-U.
40 911 44 237 43 900 45 665
( $US constants de 2005)
moyen des Canadiens paraîtra s’apprécier forte-
ment lorsqu’il sera converti en devises étrangères. PIB Canada per capita
40 551 43 749 44 032 45 258
( $CA constants de 2005)
Mais sur notre marché, toutes choses étant égales,
Taux de conversion — prix
nous aurons gardé le même niveau de vie. C’est ce relatifs CAN/US
1,2275 1,2136 1,2207 1,2517
qui s’est passé avec le dollar canadien par rapport
au dollar américain entre 2000 et 2013 : le taux de Taux de change $CAN/$US 1,4851 1,2118 1,0302 1,0298
change du dollar canadien a progressé de 31 %, mais
PIB réel per capita CAN en
la richesse moyenne des Canadiens a-t-elle suivi 33 035 36 049 36 071 36 157
PPA (taux de conversion)
une progression équivalente ? Pas nécessairement. PIB réel per capita Canada
27 305 36 103 42 741 43 948
( $US taux de change courant)
Une comparaison Canada-États-Unis
Source : Données tirées de OCDE. « StatExtracts ».
Pour bien comparer cette richesse moyenne, il
vaut mieux calculer le pouvoir d’achat des habi-
tants de chacun des pays en prenant en considé-
PIB par habitant en parité de pouvoir
ration les revenus, mais aussi les prix des biens et d’achat Mesure du PIB qui tient compte de la taille
des services moyens qui nous serviront à faire la de la population et des écarts de prix et de taux de
conversion (voir l’« indice BigMac » à la page 232 change des pays comparés.
du chapitre 9). L’Organisation de coopération et de
70 CHAPITRE 3
Pour conclure sur le PIB par habitant exprimé en La répartition du revenu par quintile
dollars américains, soulignons qu’il s’agit essen- Une des façons de mesurer l’inégalité des revenus
tiellement d’une moyenne. En ce sens, il n’est pas au sein d’une société consiste à classer les individus
complet lui non plus comme indicateur de bien- par ordre croissant de revenu, et de les regrouper en
être, puisqu’il ne tient pas compte de la répartition cinq quintiles. On examine ensuite le pourcentage
des revenus des habitants. En eet, si toute la pro- du revenu total que reçoit chacun de ces quintiles.
duction sert les intérêts de quelques personnes, le
niveau de bien-être de la population entière sera Plus les diérences sont importantes, plus le
très bas. Il faut que la production soit répartie de degré d’inégalité est élevé et, inversement, plus
façon que chacun puisse bénécier des biens et elles sont faibles, plus le degré d’inégalité est
des services produits. faible. Le tableau 3.7 présente la répartition du
revenu disponible des particuliers canadiens selon
les quintiles.
3.4.2 Les indicateurs de l’inégalité
des revenus Comme vous pouvez le constater dans le
Il n’est pas surprenant que les inégalités de reve- tableau 3.7, le revenu n’est pas réparti également
nus soient la première forme d’inégalités à laquelle au Canada. En 2011, les particuliers du pre-
on pense lorsqu’il est question d’inégalités sociales mier quintile (soit les 20 % des particuliers qui
(sexuelles, culturelles, ethniques, écologiques, de touchent les revenus les plus faibles) recevaient
santé, etc.), puisque les inégalités sont le résultat seulement 5,1 % du revenu total disponible, alors
d’une distribution inégale, au sens mathématique que les particuliers du cinquième quintile (soit
de l’expression, d’une ressource entre les membres les 20 % des particuliers qui touchent les reve-
d’une même société. nus les plus élevés) en recevaient 43,0 %.
Selon une étude d’Oxfam sur les inégalités publiée en janvier 2015,
48 % de la richesse mondiale était détenue par le 1 % le plus riche. Le ratio interquintile
Quelle est la situation du Canada comparative-
ment aux autres pays en ce qui concerne la répar-
tition du revenu au sein de la population ? Étant
donné les diérences internationales dans la dé-
nition du revenu et la disponibilité des données
dans certains pays, il est dicile de répondre à
cette question avec certitude.
En dépit de ces lacunes, plusieurs comparaisons
internationales de répartition du revenu ont été
faites.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 71
Le tableau 3.8, construit à partir des données de la TABLEAU 3.9 Répartition en pourcentage du revenu
Banque mondiale, présente le ratio interquintile disponible des particuliers, selon
les quintiles, au Canada, en 2011
de quelques pays, c’est-à-dire le rapport entre le cin-
quième quintile (les 20 % les plus riches) et le pre- Pourcentage
Quintiles Pourcentage
cumulé
mier quintile (les 20 % les plus pauvres) de chacun
1er quintile 5,1 5,1
de ces pays. Moins ce nombre est élevé et moins le
2e quintile 11,5 16,6
niveau d’inégalité entre les plus riches et les plus
3e quintile 16,5 33,1
pauvres est important. Parmi ces pays, on remarque e
4 quintile 23,9 57,0
que le Japon se trouve premier au classement, tan-
5e quintile 43,0 100,0
dis que le Canada se classe sixième sur dix (et 36e
Total 100,0 –
sur les 141 pays de ce classement). C’est la Namibie
qui est en dernière position, avec un ratio de 52,2. Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 202-0701.
La gure 3.2 montre la répartition réelle du TABLEAU 3.10 Classement mondial de certains pays
revenu des Canadiens en 2011 à l’aide d’une selon le coefcient de Gini, en 2013
courbe de Lorenz. Rang Pays Coefcient de Gini
1 Suède 25,0
FIGURE 3.2 Courbe de Lorenz au Canada en 2011 2 Ukraine 25,6
3 Norvège 25,8
4 Slovaquie 26,0
5 Belarus 26,5
10 Allemagne 28,3
25 Canada 32,6
83 États-Unis 40,8
89 Chine 42,1
126 Brésil 54,7
135 Afrique du Sud 63,1
136 Namibie 63,9
138 Les Seychelles 65,8
dans trois dimensions clés du développement éco- de développement du pays est élevé. La Norvège
nomique et social : une vie longue et saine (la santé), se trouve première au classement mondial selon
l’acquisition de connaissances (l’éducation) et un l’IDH, tandis que le Canada se classe huitième (voir
niveau de vie décent (le niveau de vie). On le calcule le tableau 3.11 à la page suivante).
à l’aide de quatre indicateurs (un pour la santé, deux
pour l’éducation et un pour le niveau de vie) : 3.4.4 Le PIB vert et
● L’espérance de vie à la naissance (dimension de le développement durable
la santé). Le PIB mesure toute l’activité déclarée qui passe
par le marché. On mesure ce qu’on produit, mais pas
● Le nombre d’années de scolarisation pour les
ce qu’on détruit. Or, certains types de production ont
adultes âgés de 25 ans et la durée attendue
des eets néfastes sur l’environnement : dégradation
de scolarisation pour les enfants en âge d’en-
de la couche d’ozone et des écosystèmes, pollution de
trer à l’école (dimension de l’éducation). Les
l’air et de l’eau, destruction du couvert forestier,
deux indices sont combinés en un seul à l’a ide
contamination et assèchement des nappes d’eau
d’une moyenne.
souterraine, etc. Idéalement, pour tracer un meilleur
● Le revenu national brut (RNB) par habi- portrait de notre activité économique, il faudrait
tant exprimé en dollars et en parité du pouvoir donc soustraire du PIB les dommages causés à l’envi-
d’achat (PPA) (dimension du niveau de vie). ronnement, ce qu’on pourrait appeler un PIB vert.
L’IDH est la moyenne de ces trois indices dimen-
sionnels, ramenée sur une échelle de 0 à 1 (voir Revenu national brut (RNB) Somme des revenus des
l’appendice mathématique à la page 80). Plus résidents d’un pays au cours d’une période donnée.
cet indicateur se rapproche de 1, plus le niveau
74 CHAPITRE 3
Actualité économique
Le classement IDH 2014 : les 20 pays où la vie est plus belle
Le rapport sur le développement scolarisation obligatoire et la protec- pas à décrire la situation écono-
humain 2014 révèle les États qui tion sociale y ont été établies dès la mique et sociale d’un pays ?
offrent à leurs citoyens la meilleure n du XIXe siècle. [...] 2 Quels sont les trois indices utilisés
qualité de vie. dans la construction de l’IDH ?
Chaque année, dans son rapport sur 3 Quelle est l’utilité de l’IDH ?
le développement humain, le PNUD À vous de jouer ! 4 Parmi les pays présentés dans le
classe les pays en fonction de leur IDH. tableau, lequel a le revenu national
Voici les 20 premiers en 2014 (voir le brut (RNB) par habitant le plus élevé ?
tableau 3.11 ci-dessous). À l’aide du tableau 3.11 ci-dessous et 5 Un revenu par habitant élevé
de l’information fournie dans le texte, signie-t-il nécessairement un IDH
On observe peu de changements répondez aux questions suivantes.
dans ce palmarès. La Norvège élevé ? Justiez votre réponse.
occupe une nouvelle fois la première 1 Pourquoi le revenu (mesuré par le 6 Selon vous, l’IDH est-il un bon indi-
place du classement. Ses atouts ? La PIB ou RNB) par habitant ne suft-il cateur du développement humain ?
Revenu national
Espérance de vie Durée moyenne Durée attendue
brut (RNB)
Rang Pays IDH à la naissance de scolarisation de scolarisation
par habitant
(en années) (en années) (en années)
(PPA $ 2011)
1 Norvège 0,944 81,5 12,6 17,6 63 909
2 Australie 0,933 82,5 12,8 19,9 41 524
3 Suisse 0,917 82,6 12,2 15,7 53 762
4 Pays-Bas 0,915 81,0 11,9 17,9 42 397
5 États-Unis 0,914 78,9 12,9 16,5 52 308
6 Allemagne 0,911 80,7 12,9 16,3 43 049
7 Nouvelle-Zélande 0,910 81,1 12,5 19,4 32 569
8 Canada 0,902 81,5 12,3 15,9 41 887
9 Singapour 0,901 82,3 10,2 15,4 72 371
10 Danemark 0,900 79,4 12,1 16,9 42 880
11 Irlande 0,899 80,7 11,6 18,6 33 414
12 Suède 0,898 81,8 11,7 15,8 43 201
13 Islande 0,895 82,1 10,4 18,7 35 116
14 Royaume-Uni 0,892 80,5 12,3 16,2 35 002
15 Hong Kong 0,891 83,4 10,0 15,6 52 383
16 Corée du Sud 0,891 81,5 11,8 17,0 30 345
17 Japon 0,890 83,6 11,5 15,3 36 747
18 Liechtenstein 0,889 79,9 10,3 15,1 87 085
19 Israël 0,888 81,8 12,5 15,7 29 966
20 France 0,884 81,8 11,1 16,0 36 629
Source : Données tirées de Programme des Nations Unies pour le développement. (2014). Rapport sur le développement humain 2014, New York, p. 200.
Source : Journal du Net. (25 juillet 2014). « Classement IDH 2014 : les 20 pays où la vie est plus belle ».
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 75
Les premières tentatives de calcul d’un PIB vert Les gouvernements de plusieurs pays essaient
n’ont rien donné de concluant. On a proposé de désormais de s’appuyer sur la notion de dévelop-
déduire du PIB les dépenses en santé occasionnées pement durable : coordination du développement
par la pollution et de mesurer les dégâts causés par des villes et des régions, progrès socioéconomique,
la pollution en évaluant les coûts de dépollution. harmonisation des rapports entre l’humain et
Cependant, il s’est avéré extrêmement dicile de la nature. Toutefois, le développement durable
mesurer les dommages subis par les ressources. En consiste, avant tout, à faire évoluer les pratiques
eet, à combien évaluer la disparition des bancs de de consommation pour qu’elles soient soutenables
morue ou la déforestation ? à long terme.
En un clin d’œil
PIB nominal
Mesure du PIB réel × 100
IIP
PIB vert
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 77
Secteurs En %
Questions d’application Fabrication 13,9
Construction 7,0
11 Dites si les transactions suivantes sont comptabi Service public 3,7
lisées dans le PIB brésilien. Si elles le sont, identi Agriculture, foresterie, pêche et chasse 1,6
ez dans quelle catégorie de dépenses (C, G, I, X
Extraction minière, exploitation en carrière
ou M). et extraction de pétrole et de gaz
1,5
a) La vente d’équipements de transport à l’étranger. Sous-total, secteur des biens 27,7
b) L’achat de voitures d’occasion. Services nanciers, immobiliers, profes-
27,0
sionnels et administratifs
c) La construction de cinq nouveaux stades.
Enseignement, santé et assistance sociale 14,3
d) Les dépenses des Brésiliens pour des ballons
Commerce 10,7
de football.
Administrations publiques 7,6
e) Les dépenses des Brésiliens pour des souvenirs
achetés à l’étranger. Culture, information, loisirs et hébergement 6,5
Transport et entreposage 4,0
12 Le tableau suivant contient des données sur la
comptabilité nationale d’un État ctif. Autres services 2,2
Sous-total, secteur des services 72,3
a) Calculez le PIB selon l’approche des dépenses.
Précisez les composantes de la formule (C, G, I, Total 100,0
X, M). Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 379-0028.
78 CHAPITRE 3
a) Quelle est la part du secteur des services dans 2012 2013 Variation
l’économie québécoise en 2014 ? Catégories de dépenses (en milliards (en milliards relative
de $ 2007) de $ 2007) en %
b) Commentez l’armation suivante : « Le Plan
Nord, qui a pour but de mettre en valeur le poten- Consommation des
924,2 2,5
ménages (Cm)
tiel minier et énergétique du territoire québé-
cois au nord du 49e parallèle, est une excellente Consommation des
institutions sans but
idée, car il contribuera de façon signicative à 24,7 1,6
lucratif au service des
l’essor économique du Québec ». Justiez votre ménages (Cisblsm)
réponse à l’aide des données du tableau à la Consommation des
page précédente. dépenses des administra- 346,9 0,4
tions publiques (G)
14 Supposons qu’un pays ne produit que des iPad
et des DVD. Le tableau suivant fournit les infor- Investissements bruts (Ib) 403,1 0,4
mations sur les quantités produites et les prix de Investissements
7,4 67,6
vente de ces deux biens. en stocks (I s)
Exportations (X) 511,7 2,0
Moins : Importations (M) 554,6 1,3
2016 2017
PIB réel 1 663,4 —
Biens Quantité Prix Quantité Prix
iPad 40 500 $ 40 750 $ Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 380-0064.
18
Source : Bouret, R. (2013). Relations économiques internationales, 5e édition, Montréal, Chenelière Éducation, p. 237.
Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions 2 An d’étudier le revenu médian des Canadiens,
détaillées.) consultez le site de Statistique Canada. Dans la
section « En vedette », en bas à droite de l’écran,
Statistique Canada cliquez sur CANSIM. Inscrivez le numéro 111-0008,
puis cliquez sur « Recherche ». En cliquant sur
1 Comment se comporte l’économie canadienne ? l’onglet « Ajouter/Enlever des données », vous pouvez
Pour le savoir, vous devez vous rendre dans le site de sélectionner les options désirées. Sélectionnez
Statistique Canada. En bas de l’écran, dans la section uniquement « Québec » (à l’étape 1), « Les deux
« Parcourir par sujet », cliquez sur le lien « Comptes sexes » (à l’étape 2), « Tous les âges » (à l’étape 3),
économiques ». Ensuite, choisissez « Produit inté- respectivement « Total des personnes avec revenu »,
rieur brut », « Tableaux sommaires », puis « Produit « Personnes avec revenu, 250 000 $ et plus » et
intérieur brut réel en termes de dépenses ». Vous « Revenu total médian (dollars) » (à l’étape 4), et la
pouvez maintenant relever les montants du PIB réel période allant de « 2008 » à l’année de plus récente
pour les cinq dernières années et qui vont vous per- (à l’étape 5). Pour terminer, cliquez sur l’onglet
mettre de répondre aux questions suivantes. « Appliquer » (à l’étape 7).
a) L’économie canadienne connaît-elle, actuelle- a) Comment le revenu médian des Québécois a-t-il
ment, une période de récession ou d’expansion ? évolué depuis 2008 ?
b) Laquelle de ces années a connu la plus forte crois- b) Comment celui des plus riches a-t-il évolué durant
sance économique ? Justiez votre réponse à à la même période ? Aide : calculez le pourcentage
l’aide de calculs. des Québécois qui gagnent plus de 250 000 $.
80 CHAPITRE 3
Appendice mathématique
La gure A3.1 résume la façon dont se calcule L’IDH.
Le calcul de l’IDH L’IDH se situe toujours entre 0 et 1. Le niveau de déve
loppement d’un pays est d’autant plus élevé que son
Comme nous l’avons vu à la page 72, l’indice de déve IDH est proche de 1.
loppement humain (IDH) mesure le niveau moyen
atteint dans trois dimensions clés du développement À l’aide des données du tableau A3.2, calculons l’IDH
économique et social (la santé, l’éducation et le niveau du Canada en 2013.
de vie). On le calcule à l’aide de quatre indicateurs, pour
chacun desquels sont établies une valeur minimale et
une valeur maximale, comme le montre le tableau A3.1. TABLEAU A-3.2 Valeurs des différents indicateurs
du Canada en 2013
Indicateurs Valeur
TABLEAU A-3.1 Indicateurs de l’indice
de développement humain Espérance de vie à la naissance (en années) 81,5
Durée moyenne de scolarisation (en années) 12,3
Valeur Valeur
Dimension Indicateur
minimale maximale Durée attendue de scolarisation (en années) 15,9
Santé Espérance de vie à la naissance 25 ans 85 ans RNB par habitant (PPA $ 2011) 41 887 41 887
Nombre d’années de scolarisa-
tion actuelles pour les adultes 0 15 ans Ainsi, en 2013, l’espérance de vie à la naissance au
âgés de 25 ans et plus
Éducation* Canada était de 81,5 ans, alors que les valeurs minimale
Durée attendue de scolarisa- et maximale sont de 25 ans et de 85 ans. En attribuant
tion pour les enfants en âge 0 18 ans
d’entrer à l’école ces valeurs aux variables de la formule suivante, on
Revenu national brut (RNB) par
obtient l’indice d’espérance de vie à la naissance :
Niveau
habitant exprimé en dollars et en 100 $ 75 000 $
de vie
parité du pouvoir d’achat (PPA)
Valeur du pays – 25
* Les deux indices sont combinés en un seul indice d’éducation
Indice de l’espérance de vie =
85 – 25
à l’aide d’une moyenne.
81,5 – 25
Une fois qu’on connaît les valeurs des diérents indica = = 0,942
85 – 25
teurs, on calcule un indice pour chaque dimension. Ces
indices, appelés « indices dimensionnels », sont donnés
On calcule de façon analogue l’indice combiné de l’édu
par la formule générale suivante :
cation (moyenne des indices de la durée moyenne et de
la durée attendue de scolarisation) et l’indice du niveau
Indice Valeur du pays – Valeur minimale de vie (RNB par habitant, en PPA $) :
=
dimentionnel Valeur maximale – Valeur minimale
5. La méthode présentée ici est une méthode approximative. En réalité, l’IDH est égal à la moyenne géométrique des trois indices dimensionnels, soit :
IDH = (Indice de l’espérance de vie × Indice de l’éducation × Indice de revenu)1/3.
INDICATEURS DE LA PRODUCTION ET DES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES 81
L atteindre pour obtenir ce qu’on appelle une bonne gestion des ressources
dans un pays : une augmentation de la production des biens et des
services pour améliorer le niveau de vie, un marché du travail dynamique
qui procure des conditions essentielles à la participation du plus grand nombre
aux bénéces générés par la société et des prix globalement stables qui assurent
des transactions moins risquées et le développement des affaires.
Dans le chapitre 3, nous avons vu que le PIB réel fournit une bonne indication de
la situation économique globale d’un pays. Autour du PIB réel existe une panoplie
d’indicateurs qu’on appelle la comptabilité nationale. Or, qu’en est-il des données
du marché du travail, du chômage (ou son contraire, l’emploi) ? Le chômage au
Canada est-il élevé à l’heure actuelle, le sera-t-il au cours de la prochaine année ?
Affectera-t-il notre propre emploi ou nos revenus ? Les Canadiens auraient bien
voulu connaître la réponses à ces questions lorsque l’économie est tombée en
récession durant les six premiers mois de 2015. En effet, lorsque des gens
perdent leur emploi ou qu’ils ne se sentent pas en sécurité sur le plan nancier,
leurs habitudes de dépenses et d’épargne s’en trouvent forcément modiées.
Par exemple, au lieu d’acheter une nouvelle voiture, ils opteront pour une voiture
d’occasion. Et s’ils avaient l’habitude de regarder le Canadien de Montréal dans
un petit pub près de chez eux, ils se consoleront en le regardant à la maison avec
des amis.
Pour prendre des décisions nancières plus judicieuses, il est essentiel d’être
bien informé. C’est donc dans cette optique que nous poursuivons, dans ce
chapitre, l’étude des indicateurs macroéconomiques. Mais, avant d’aborder les
indicateurs du marché du travail, attardons-nous sur les indicateurs de prix, qui,
comme nous le verrons, sont également de bons instruments de mesure de la
conjoncture, notamment du niveau de vie d’un pays et de sa croissance.
84 CHAPITRE 4
1. Pour une explication des indices, voir l’Appendice mathématique à la page 106.
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 85
Pour déterminer l’IPC, il sut de calculer la moyenne données. Cette variation, qui porte le nom de taux
pondérée des indices de prix des diérentes compo- d’ination, se mesure ainsi :
santes (voir l’appendice mathématique à la page 106
pour le calcul de la moyenne pondérée) : Taux d’ination
= ∆ IPC %
(pour la periode t)
Somme (Facteur de pondération × Indice de prix) IPC(t) – IPC(t – 1)
IPC = = × 100
100 IPC(t – 1)
En se référant au tableau 4.1, on obtient l’IPC du De 2002 à 2014, l’IPC étant passé de 100 à 125,2, le
Canada pour l’a nnée 2014 de la façon suivante : taux d’ination a été de :
La facture du panier d’épicerie des Québécois ne diminuera Taux d’ination Variation relative en pourcentage
pas de sitôt. Le prix du bœuf (viande favorite des Québécois), par de l’IPC entre deux périodes données.
exemple, a connu une hausse d’environ 25 % en 2014.
86 CHAPITRE 4
La gure 4.1 illustre l’évolution des taux d’ina- (voir le chapitre 7). En eet, après une décennie
tion au Canada et dans les pays de l’Organisation de forte ination, causée essentiellement par les
de coopération et de développement écono- deux crises du pétrole de 1974 et 1979, l’ensemble
miques (OCDE) de 1971 à 2014. des pays industrialisés a donné à la lutte contre
l’ination la priorité absolue. Aujourd’hui, ces
Globalement, on observe que les taux d’ination, pays achent un taux d’ination inférieur à 3 %,
relativement bas en 1971, ont fortement pro- ce qui est généralement considéré comme accep-
gressé dans les années 1970 pour atteindre des table et souhaitable par les économistes. Outre les
sommets historiques de 12,5 % au Canada (en mesures prises par les banques centrales, la mon-
1981) et de 14,8 % dans les pays de l’OCDE (en dialisation des marchés, qui suscite une concur-
1980). Cependant, au début des années 1980, et de rence intense entre les entreprises et entre les
nouveau au début des années 1990, on constate, pays, contribue également à expliquer le maintien
au Canada et dans les pays de l’OCDE, une chute de ces faibles taux.
notable du taux d’ination. Ce phénomène, que
l’on appelle désination2, n’est pas étranger aux
politiques monétaires restrictives mises en place 4.1.2 Pourquoi l’ination
par les banques centrales de ces pays depuis 1980 est-elle néfaste ?
Nous sommes tous conscients de l’eet désagréable
que pourrait avoir sur nos habitudes de consomma-
Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) Organisation internationale tion une forte hausse du prix du billet de cinéma
multilatérale créée en 1960 et regroupant 34 pays ou encore une augmentation soudaine du prix de
industrialisés attachés aux principes de la démocratie l’essence (voir le chapitre 2). Toutefois, imaginez ce
et de l’économie de marché. qui arriverait si les prix de la plupart de nos achats
Désination Baisse du taux d’ination. augmentaient de façon importante. En sortirions-
nous gagnants au bout du compte ? Qu’en est-il
FIGURE 4.1 Évolution des taux d’ination au Canada et dans les pays de l’OCDE, 1971-2014
2. Il est important de ne pas confondre « désination » et « déation ». Comme nous l’avons vu plus tôt, on parle de déation lorsqu’il y a une baisse du niveau
moyen des prix, c’est-à-dire lorsque le taux d’ination est inférieur à zéro.
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 87
exactement des eets de l’ination sur l’ensemble En somme, l’inflation n’est pas néfaste en soi,
des consommateurs ? An d’y voir plus clair, exa- mais les variations imprévues du taux d’in-
minons deux exemples qui illustrent bien ces eets. flation, elles, le sont. Toute personne dont le
revenu ne suit pas l’évolution de l’IPC voit sa
● Les 271 500 Québécois qui touchent le salaire
situation financière se dégrader, du fait d’une
minimum ont vu leur taux horaire passer, entre érosion de son pouvoir d’achat. Une augmenta-
le 1er mai 2014 et le 1er mai 2015, de 10,35 $ à tion du taux d’inflation (à moins qu’elle ne soit
10,55 $, ce qui représente une hausse de 1,9 %. pleinement prévue) pénalise les prêteurs (les
Ces personnes se sont-elles réellement enrichies ? épargnants), qui voient leurs économies perdre
Tout dépend de la uctuation des prix durant de la valeur lorsqu’ils les retirent. Ainsi, plus le
cette période. S’il n’y a pas d’ination, leur pou- taux d’inflation est volatil, donc imprévisible,
voir d’achat croît forcément de 1,9 % (1,9 % – 0 %). plus les effets que nous venons de décrire se font
Par contre, si l’indice des prix à la consommation sentir. De façon générale, cela crée une incerti-
augmente de 2,5 %, leur pouvoir d’achat recule de tude qui décourage la consommation courante
0,6 %. Dans ce cas, ces travailleurs se sont appau- et, du même coup, nuit à l’activité économique et
vris, puisqu’ils ne peuvent plus acheter autant de à la création d’emplois. De la même façon, l’in-
biens et de services qu’auparavant. flation imprévue ou exagérée nuit aux inves-
● An de payer ses études universitaires, un étudiant tissements en capital physique des entreprises
place dans une institution nancière un montant puisque le prix des ressources et des biens inter-
de 2000 $ pour un an à un taux d’intérêt de 2 %. Si, médiaires souffre aussi de cette volatilité, ce qui
au cours de cette période, le taux d’ination se situe met à risque le rendement espéré. Les ventes à
à 3 %, l’étudiant aura-t-il réellement acquis davan- l’étranger deviennent aussi plus difficiles, car
tage d’argent pour payer ses études ? Non. Comme une hausse plus importante des prix nationaux
les prix auront augmenté de 3 %, le pouvoir d’achat rend les entreprises moins concurrentielles sur
de son placement diminuera de 1 % (2 % – 3 %)3. les marchés internationaux.
Qu’en est-il du salaire minimum dans le monde ? Contrairement à l’Allemagne, qui dispose d’un salaire minimum de 8,50 € depuis
2015, les Suisses ont le 18 mai 2015 opposé un refus marqué (à plus de 76 % du vote populaire) à l’introduction dans le pays d’un salaire
minimum mensuel d’environ 3300 € (4000 francs suisses), qui aurait été le plus élevé du monde.
3. On obtient approximativement le taux d’intérêt « réel » en soustrayant du taux d’intérêt du marché le taux d’ination anticipé.
88 CHAPITRE 4
Salaire
Salaire minimum Variation IPC Variation Variation
Année minimum réel
(en $ courants) relative (en %) (2002 = 100) relative (en %) relative (en %)
(en $ de 2002)
2002 7,20 — 100,0 — 7,20 —
2003 7,30 1,4 102,8 2,8 7,10 –1,4
2004 7,45 2,1 104,7 1,8 7,12 0,3
2005 7,60 2,0 107,0 2,2 7,10 –0,3
2006 7,75 2,0 109,1 2,0 7,10 0,0
2007 8,00 3,2 111,5 2,2 7,17 1,0
2008 8,50 6,3 114,1 2,3 7,45 3,9
2009 9,00 5,9 114,4 0,3 7,87 5,6
2010 9,50 5,6 116,5 1,8 8,15 3,6
2011 9,65 1,6 119,9 2,9 8,05 –1,2
2012 9,90 2,6 121,7 1,5 8,13 1,0
2013 10,15 2,5 122,8 0,9 8,27 1,7
2014 10,35 2,0 125,2 2,0 8,27 0,0
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 326-0021 ; Institut de la statistique Québec. (2015). Rémunération horaire, hebdomadaire et salaire
minimum. .
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 89
salaire minimum nominal Donc, en dépit des apparences, les calculs nous
Salaire minimum réel = × 100
IPC démontrent que, durant cette période, l’accrois-
sement du pouvoir d’achat des personnes rému-
Ainsi, en dollars de 2002, on s’aperçoit nérées au salaire minimum n’aura été en fait que
que le salaire minimum réel est passé de de 14,9 % :
7,20 $
( 7,20 $
100,0
× 100
) à 8,27 $
( 10,35 $
125,2
× 100
) ( 8,27 $ – 7,20 $
7,20 $
× 100
)
EXEMPLE 4.1 Les droits réels de scolarité à l’université
En se référant au tableau ci-dessous présentant l’évolution Pour déterminer l’année où les droits de scolarité étaient les plus
des droits de scolarité et de l’IPC au Québec, il est possible de faibles, il faut calculer les droits réels de scolarité (en dollars
comparer l’évolution des droits de scolarité universitaire entre de 2002), c’est-à-dire diviser leur prix en dollars courants
les années 1968-1969 et 2013-2014. (nominal) par l’IPC de ces années, puis multiplier par 100.
En 1968-1969 : (547 $/19,7) × 100 = 2776,65 $
Droits de scolarité IPC
Année En 1994-1995 : (1668 $/87,6) × 100 = 1904,11 $
(en $ courants) (2002 = 100)
En 2011-2012 : (2168 $/121,7) × 100 = 1781,43 $
1968-1969 547 19,7 En 2012-2013 : (2493 $/122,8) × 100 = 2030,13 $
1994-1995 1 668 87,6 En 2013-2014 : (2657 $/125,2) × 100 = 2122,20 $
2011-2012 2 168 121,7 En tenant compte de l’ination, c’est donc en 2011-2012 que les
droits de scolarité étaient les plus faibles (1781,43 $ en dollars de
2012-2013 2 493 122,8 2002).
2013-2014 2 657 125,2
Source : Données tirées de Économie autrement. « Frais de scolarité » ;
De combien les droits réels de scolarité ont-ils varié entre
Éducation, Enseignement supérieur et Recherche. (Avril 2013). « Chantier sur le 2011-2012 et 2013-2014 ?
nancement des universités ».
De 2011-2012 à 2013-2014, les droits de scolarité ont
Durant laquelle de ces années les droits de scolarité étaient- augmenté de 340,77 $ (2122,20 $ – 1781,43 $), soit de 19,1 %
ils les plus bas ? [(340,77 $/1781,43 $) × 100].
La lutte contre la hausse des droits de scolarité mobilise la jeunesse québécoise, comme lors de cette manifestation du Printemps
érable en 2012.
90 CHAPITRE 4
FIGURE 4.2 Évolution du taux d’ination en Argentine de janvier 1989 à décembre 1989
Source : Données tirées de Instituto Nacional de Estadistica y Censos de Argentina. (2014). « Índice de Precios al Consumidor GBA,
base abril 2008=100 ».
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 91
Source : Données tirées de Instituto Nacional de Estadistica y Censos de Argentina. (2014). « Índice de Precios al Consumidor GBA,
base abril 2008=100 ».
92 CHAPITRE 4
FIGURE 4.4 Répartition de la population canadienne selon l’enquête de Statistique Canada, en 2014
Note : La somme des personnes en chômage et des personnes occupées n’est pas exactement de 19,125 millions parce qu’on a arrondi à trois décimales.
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 282-0002.
Caractéristiques de la population active (Statistique Canada)
Au Canada, en 2014, la population active comptait expliquer ces diérences. Nous reviendrons sur les
19,125 millions de personnes, dont 1,322 million causes du chômage au chapitre 5.
de chômeurs. Le taux de chômage s’élevait donc à :
Le taux d’activité
Bien que généralement utilisé pour décrire l’évolu-
)
1,322 million
6,9% × 100
19,125 millions tion du marché du travail, le taux de chômage tel
qu’il est calculé par Statistique Canada demeure
un indicateur incomplet de la situation réelle de
La gure 4.5 illustre l’évolution du taux de chô- l’emploi au pays. En eet, le taux de chômage d’un
mage au Canada, aux États-Unis et en France, de pays pourrait diminuer sans qu’il y ait eu créa-
1983 à 2014. On peut voir que le Canada a connu tion d’emplois. C’est ce qui se produit lorsque des
des uctuations similaires à celles des États-Unis, personnes, que l’on qualie alors de découragées,
avec des sommets lors des récessions de 1982, de cessent de chercher activement du travail parce
1990-1991 et de 2008-2009. On voit aussi que qu’elles croient nulles les possibilités d’en trouver.
le Canada a été plus performant que la France, Pour avoir un portrait plus complet du marché
notamment de 1986 à 1990, ainsi qu’au cours de du travail au pays, les économistes ont recours au
la période 1993-2014, mais moins que les États- taux d’activité, que l’on dénit comme le pour-
Unis, sauf durant la période 2009-2013 où la centage de la population active par rapport à la
récession a frappé plus durement ces derniers. Les
population âgée de 15 ans et plus :
écarts persistants entre ces trois pays industriali-
sés pourraient s’expliquer en partie par le fait que
Population active
le système de protection sociale est beaucoup plus Taux d’activité = × 100
Population âgée de 15 ans ou plus
généreux en France qu’aux États-Unis (le Canada
se situant entre les deux), de sorte qu’en France les
travailleurs qui perdent leur emploi sont peu inci-
tés à en trouver un autre, alors qu’aux États-Unis Taux d’activité Pourcentage de la population active
ils doivent en trouver un très rapidement. Bien sûr, par rapport à la population âgée de 15 ans et plus.
d’autres facteurs entrent en ligne de compte pour
FIGURE 4.5 Évolution du taux de chômage en France, aux États-Unis et au Canada, 1983-2014
)
19,125 millions dont 17,802 millions étaient occupées. Le taux
× 100 d’emploi canadien en 2014 s’élevait donc à 61,4 % :
28,981 millions
EXEMPLE 4.2 La situation sur le marché du travail des nouveaux titulaires d’un baccalauréat en sciences humaines
Le tableau suivant présente la situation d’emploi des personnes La population active est égale au nombre de personnes
titulaires d’un baccalauréat en sciences humaines au Québec occupées (en emploi) plus le nombre de chômeurs (à la
(en janvier 2013). À partir de celui-ci, on désire connaître le taux recherche d’un emploi), soit 2349 personnes (2192 + 157).
de chômage, le taux d’activité ainsi que le taux d’emploi de ces Le taux de chômage est le pourcentage de chômeurs dans la
personnes. population active, soit 6,7 % :
Caractéristiques de la population
en âge de travailler
Nombre ( 157
2349
× 100 )
Ensemble des personnes diplômées Le taux d’activité est le pourcentage de la population active
de l’enquête 4120 dans la population en âge de travailler (ensemble des personnes
(personnes de 15 ans ou plus) diplômées de l’enquête), soit 57,0 % :
En emploi
(personnes occupées)
2192 ( 2349
4120
× 100 )
À la recherche d’un emploi Le taux d’emploi est le pourcentage de personnes occupées
157
(chômeurs) (en emploi) dans la population en âge de travailler (ensemble
des personnes diplômées de l’enquête), soit 53,2 % :
Source : Données tirées de Gouvernement du Québec. (2013). « La Relance
( )
à l’université 2013, La situation d’emploi des personnes diplômées », 2192
Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et × 100
de la Technologie, p. 12. 4120
96 CHAPITRE 4
Actualité économique
Le chômage a-t-il un sexe au Québec ?
Au cours des dernières décennies, la du nombre d’enfants par famille,
présence des femmes sur le marché du etc.), les écarts de taux de chômage À vous de jouer !
travail québécois a considérablement entre hommes et femmes semblent
évolué. En fait, depuis 1976 (moment déconcertants. En effet, en exami- 1 Qu’est-ce que le taux d’activité ?
où le gouvernement canadien a com- nant la gure 4.7, on constate que,
Comment a-t-il évolué depuis
mencé à compiler des données relatives de 1976 à 1989, le taux de chômage
1976 au Québec ?
à l’activité des Québécois sur le marché chez les femmes a été habituelle-
du travail), le taux d’activité des femmes ment supérieur à celui des hommes.
2 Si, en 2014, la population active du
n’a cessé de progresser, passant de La seule exception à cette tendance Québec était de 2 314 300 hommes
41,4 % à 60,7 % en 2014, soit une aug- s’est produite lors de la période et 2 085 800 femmes, et la popu-
mentation de 19,3 %. Par contre, durant 1982-1984, lorsque la récession a lation occupée, de 2 106 300
la même période, le taux d’activité des touché davantage d’hommes que hommes et 1 953 500 femmes,
hommes a diminué légèrement, soit de de femmes. Depuis 1990, toutefois, quel est le taux de chômage des
76,7 % à 68,8 % (voir la gure 4.6). cette tendance s’est inversée, et le hommes ? Celui des femmes ?
taux de chômage des femmes a été 3 Donnez deux raisons susceptibles
Si la progression vers l’égalité des constamment plus faible que celui d’expliquer pourquoi le taux de
sexes en matière de taux d’activité des hommes. chômage est plus faible chez les
s’explique aisément (progrès techno- femmes que chez les hommes.
logique, tertiarisation de l’économie, Les données de 2014 montrent que 4 À part les hommes, quels sont,
conciliation travail-famille, garderies à le taux de chômage des femmes
selon vous, les groupes les plus
7,30 $, plus grand nombre de pères au était de 6,3 %, et celui des hommes,
touchés par le chômage ?
foyer, structure par âge, diminution de 9,0 %.
FIGURE 4.6 Évolution du taux d’activité des hommes et des femmes au Québec, 1976-2014
Actualité économique
Le chômage a-t-il un sexe au Québec ? (suite)
Bien que le taux de chômage
des femmes au Québec soit
moins élevé que celui des
hommes, on observe encore
des iniquités sur le marché du
travail. Plus de la moitié des
diplômés universitaires sont de
sexe féminin, mais le salaire des
femmes est en général plus bas
et les postes de pouvoir sont
majoritairement occupés par des
hommes. Autant à l’échelle des
entreprises qu’à celle des États,
il existe une corrélation entre les
possibilités offertes aux femmes
et la réussite économique.
Ici comme ailleurs dans le
monde, il importe donc aux
gouvernements et aux individus
en poste d’y voir.
En un clin d’œil
Taux d’ination
IPC(t) − IPC(t − 1)
Δ IPC % = × 100
IPC(t − 1)
Déation
Baisse du niveau moyen des prix observée sur une
période donnée.
Désination
Types
Baisse du taux d’ination.
Hyperination
Hausse du niveau moyen des prix qui excède 50 % par mois,
soit un peu plus de 1,3 % par jour.
102 CHAPITRE 4
Taux de chômage
Nombre de chômeurs
× 100
Population active
Taux d’activité
Mesures Population active
× 100
Population âgée de 15 ans ou plus
Taux d’emploi
Population occupée
× 100
Population âgée de 15 ans ou plus
Chômage
Chômage conjoncturel
Résulte d’un ralentissement de l’activité économique.
Chômage frictionnel
Résulte de la mobilité normale de la main-d’œuvre.
Types
Chômage structurel
Découle d’une non-concordance entre la demande
et l’offre de travail.
3 Vrai ou faux ? Durant une période d’ination, le Logement 1,2 1,3 2,7
prix de certains biens peut diminuer. Dépenses courantes,
ameublement et équipe- 1,9 1,2 1,9
4 Quel est le taux d’intérêt réel d’un placement si le ment du ménage
taux d’intérêt nominal est de 3 % et le taux d’ina-
Vêtements et chaussures 0,1 0,1 1,2
tion, de 2 % ?
Transports 2,0 0,7 1,1
5 Pourquoi l’ination est-elle néfaste ?
Soins de santé et
6 Qu’est-ce que le chômage ? Comment le mesure-t-on ? 1,4 –0,3 0,6
soins personnels
7 Le chômage est-il considéré comme un problème Loisirs, formation
0,6 0,3 1,1
purement économique ? et lecture
8 Énumérez et distinguez les trois types de chômage. Boissons alcoolisées
1,5 2,0 4,4
et produits du tabac
9 À quel type de chômage les nouveaux diplômés
(personnes qui viennent de terminer leur DEC, par IPC 1,5 0,9 2,0
exemple) risquent-ils de faire face ? Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 326-0021.
10 Commentez l’armation suivante : « Le plein-
emploi signie que le taux de chômage est nul. » 13 Le tableau suivant décrit l’évolution de l’IPC au
Japon de 2010 à 2014.
14 Les données du tableau qui suit portent sur l’ina- 16 Le tableau suivant brosse un portrait du marché
tion au Canada pour le mois de février 2015. du travail dans une ville ctive en l’an 1.
d) À l’aide de la réponse en c), dites ce qu’il est advenu Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau
du pouvoir d’achat des travailleurs au salaire 282-0007.
minimum si, de février 2015 à février 2016, leur
salaire horaire est passé de 10,35 $ à 10,55 $. Jus- a) Complétez le tableau en calculant les valeurs
tiez votre réponse à l’aide de calculs. manquantes.
15 « Entre 2000 et 2009, le salaire des enseignants a b) Quelle a été la variation (l’écart) du taux de chô-
augmenté en valeur réelle dans la plupart des pays mage d’avril à mai 2014 ?
[...]. Les seuls pays qui échappent à ce constat sont c) Quelle a été la variation du nombre de chômeurs
l’Australie, la France, le Japon et la Suisse4 ». d’avril à mai 2014 ?
À la lumière de ce texte, peut-on conclure assuré- d) Les réponses obtenues aux questions b) et c) vous
ment que les enseignants australiens, français, semblent-elles paradoxales ? Expliquez de quelle
japonais et suisses ont subi une réduction de leur façon il peut y avoir à la fois une baisse du taux de
salaire nominal ? Justiez votre réponse. chômage et une hausse du nombre de chômeurs.
4. OCDE. (2011). « Quel est le niveau de salaire des enseignants ? », Regards sur l’éducation.
INDICATEURS DE L’INFLATION ET DU CHÔMAGE 105
Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions a) De façon générale, dans quelle province le taux de
détaillées.) chômage est-il le plus faible ?
Statistique Canada b) Quelle province semble avoir été la plus tou-
chée par la récession de 2009 ? Justiez
1 Au Canada, aucune des provinces n’est également votre réponse.
touchée par le chômage. Pour comparer le taux de 2 An d’étudier l’ination au Canada, consultez le
chômage du Québec à celui des autres provinces, site de Statistique Canada et recueillez des don-
consultez le site de Statistique Canada. nées sur l’indice des prix à la consommation.
Dans la section « En vedette », en bas à droite de
Dans la section « Parcourir par sujet », en bas de
l’écran, cliquez sur CANSIM. Inscrivez le numéro
l’écran, cliquez sur le lien « Prix et indices des
282-0002, puis cliquez sur « Recherche ». En cliquant
prix ». Ensuite, choisissez « Indices des prix à la
sur l’onglet « Ajouter/Enlever des données », vous
consommation », puis « Tableaux sommaires »
pouvez sélectionner les options désirées. Sectionnez
et « Indice des prix à la consommation, aperçu
« Tout » (à l’étape 1), « Taux de chômage » (en désélec-
historique ».
tionnant d’abord « Emploi ») (à l’étape 2), puis unique-
ment « 15 ans et plus » (à l’étape 4) et la période allant a) Décrivez l’évolution du taux d’ination.
de « 2008 » à l’année la plus récente (à l’étape 5). Pour b) Déterminez le nombre de fois que le Canada a
terminer, cliquez sur l’onglet « Appliquer » (à l’étape 7). connu une désination. Justiez votre réponse.
106 CHAPITRE 4
Appendice mathématique
TABLEAU A-4.2 Évolution du prix moyen de l’essence généralement sur les grandeurs qui varient dans le
au Québec, de 2008 à 2014 temps. Un indice élémentaire à base temporelle d’une
Prix Variation relative
variable au temps t, noté I (t), est déni comme le rap-
Année port, multiplié par 100, de la valeur d’une variable au
(en ¢ au litre) (en %)
2008 118,3 —
temps t sur la valeur de la même variable mesurée à la
période de référence. Il se calcule de la façon suivante :
2009 96,7 –18,3
2010 105,9 9,5 Valeur de la variable au temps t
l(t) = × 100
2011 127,9 20,8 Valeur de la variable à la période de référence
2012 134,0 4,8
2013 134,7 0,5 Le tableau A-4.3 reprend l’exemple du prix de l’es-
2014 134,2 –0,4 sence au Québec, de 2008 à 2014. Ainsi, si le prix de
Source : Données tirées de Régie de l’énergie du Québec. (2015). « Essence
l’essence en 2008 (année qui est considérée comme
ordinaire/Prix moyen – Relevé hebdomadaire ». l’année de référence) est de 118,3 ¢ et qu’il est de 134,2 ¢
en 2014, alors l’indice prix de l’essence en 2014 est de :
La variation relative
La variation relative, notée ∆ %, mesure la variation 134,2 ¢
I(2014) = × 100 = 113,4
d’une variable entre deux périodes données par rap- 118,3 ¢
port à la période initiale. Elle s’exprime habituellement
en pourcentage :
TABLEAU A-4.3 Évolution du prix moyen de l’essence
au Québec, de 2008 à 2014
valeur nale (temps t) – valeur initiale (temps t – 1)
∆% = × 100 Prix Indice
Année
valeur initiale (temps t – 1) (en ¢ au litre) (2008 = 100)
2008 118,3 100,0
2009 96,7 81,7
Ainsi, de 2013 à 2014, le prix de l’essence a diminué de
0,5 ¢, soit une baisse de seulement 0,4 %. Le calcul s’ef- 2010 105,9 89,5
fectue ainsi : 2011 127,9 108,1
2012 134,0 113,3
2013 134,7 113,9
P(2014) – P(2013)
ΔP % = × 100 2014 134,2 113,4
P(2013)
Source : Données tirées de Régie de l’énergie du Québec. (2015). « Essence
134,2 ¢ – 134,7 ¢ ordinaire/Prix moyen – Relevé hebdomadaire ».
= × 100 = –0,4%
134,7 ¢
Le nombre obtenu, soit 113,4, n’est pas un prix ; il ne TABLEAU A-4.4 Salaire hebdomadaire brut moyen des
représente pas non plus l’écart entre deux valeurs. Il nouveaux titulaires d’un baccalauréat,
indique seulement que le prix de l’essence en 2014 est Québec, janvier 2013
égal à 113,2 % du prix de 2008. Autrement dit, le prix de Salaire hebdomadaire
l’essence a augmenté de 13,4 % entre 2008 et 2014. Sexe Fréquence brut moyen
(en $)
La moyenne Femmes 10 949 880
Hommes 7 265 995
La moyenne est sans aucun doute la mesure de ten-
dance centrale la plus fréquemment utilisée et, de ce Ensemble des deux sexes 18 214 926
fait, la mieux connue. Note : Cette étude n’indique pas les disciplines étudiées selon le genre, ce qui
pourrait peut-être expliquer la différence de revenu entre les hommes et les femmes.
Elle se calcule en additionnant toutes les valeurs d’une Source : Données tirées de Gouvernement du Québec. (2013). « La Relance à
distribution, puis en divisant la somme par le nombre l’université 2013, La situation d’emploi des personnes diplômées », Ministère de
total de données. Dans le cas de données groupées par l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, p. 6.
valeurs, pour appliquer la formule de la moyenne, on Dans la mesure où les salaires et le nombre de femmes
doit additionner plusieurs fois la même valeur. et d’hommes sont connus, on peut aisément calculer le
An de simplier les calculs, on multiplie chaque valeur salaire d’ensemble des personnes titulaires d’un
par sa fréquence, puis on additionne les produits, ce qui baccalauréat :
revient à additionner toutes les données à considérer :
(10 949 × 880 $) + (7 265 × 995 $)
Moyenne pondérée =
18 214
Somme des produits des
= 925,87 $
valeurs par leur fréquence
Moyenne pondérée =
Nombre total de données
En janvier 2013, le salaire hebdomadaire brut moyen
des nouveaux titulaires d’un baccalauréat au Québec
était approximativement de 926 $.
An d’illustrer cette mesure, prenons l’exemple du
salaire hebdomadaire brut moyen des femmes et des
hommes titulaires d’un baccalauréat environ vingt Moyenne Somme des données divisée par le nombre
mois après l’obtention de leur diplôme (voir le total de données.
tableau A-4.4).
TENDANCES
CHAPITRE
5 ET FORCES
GLOBALES
En excluant les uctuations de l’activité éco- ne sont pas concluantes. Les analyses les plus cou-
nomique (les cycles économiques), on observe, sur rantes suggèrent qu’après une période de croissance
une plus longue période, une tendance générale, les entreprises eectuent une révision de leurs
représentée par la ligne pointillée sur la gure, cor- activités de production, qu’on appelle « rationalisa-
respondant à une croissance continuelle de l’acti- tion », ce qui entraîne un recul de l’activité écono-
vité économique et donc du niveau de vie. Mais en mique. L’aspect cyclique de l’activité économique
est-il ainsi dans la réalité ? porte aussi à croire que les agents économiques ont
un certain comportement de groupe, obéissant aux
En observant la gure 5.2, qui illustre l’évolution mêmes signaux et ajustant leurs activités de façon
du PIB réel du Canada depuis 1981, on s’aperçoit assez similaire en fonction de ceux-ci.
que la réalité ne s’éloigne pas trop du scénario idyl-
lique. En eet, on constate que le PIB réel n’a reculé
que trois fois, soit en 1982, en 1991 et en 2009. 5.1.2 Les relations entre
Toutes les autres années ont été marquées par une les principaux indicateurs
hausse de l’activité économique. Même la récente macroéconomiques
période de recul économique généralisée à l’échelle Le taux de chômage et le taux d’ination dépendent
mondiale de 2008-2009 ne semble pas s’être pro-
grandement de la phase du cycle économique. À la
longée plus de trois trimestres au Canada puisque
gure 5.3, on constate une relation inverse assez
les données de Statistique Canada, pour le troi-
nette entre le taux de chômage et le PIB réel. Par
sième trimestre de 2010 nous apprennent que le
exemple, lorsque l’économie canadienne est en
PIB réel avait presque regagné tout le terrain perdu
récession, comme en 1982 et en 1991, le taux de
pendant la récession ou la crise économique (voir
chômage a tendance à augmenter. Inversement, il a
la rubrique « Liens entre la théorie et la réalité éco-
tendance à diminuer durant les phases de croissance
nomiques » à la page 114, qui explique la diérence
entre les deux concepts). comme celle de 1993-2007. Concrètement, cela
signie que les entreprises licencient des employés
Qu’est-ce qui pourrait expliquer le caractère cyclique quand l’économie tourne au ralenti et qu’elles en
de l’activité économique ? Sur ce point, les recherches embauchent quand l’économie se porte mieux.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 113
FIGURE 5.3 Évolution indicielle des trois grands indicateurs macroéconomiques au Canada, 1981-2014
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 380-0064, 282-0002 et 326-0021.
Toutefois, lorsqu’on examine le taux d’ination, on chômage ; cependant, le taux d’ination est un peu
s’aperçoit que sa relation avec le PIB réel est bien plus volatil (hausse suivie d’une baisse). Par contre,
moins claire. éoriquement, on devrait observer lors de la récession mondiale de 2008-2009, les
une augmentation des prix lorsque l’économie indicateurs réagirent selon le scénario prévisible :
croît et l’inverse lors d’une récession. Or, ce n’est la récession fut en eet accompagnée d’une hausse
pas toujours le cas. Par exemple, lorsqu’on observe du taux de chômage et d’une baisse prononcée du
l’évolution des principaux indicateurs depuis 2010, taux d’ination. Évidemment, les mesures de l’État
on s’aperçoit que le PIB était à la hausse, ce qui, (voir les chapitres 6 et 7) peuvent altérer cette rela-
comme on pouvait s’y attendre, t baisser le taux de tion entre les grands indicateurs.
Selon le Fonds monétaire international, la Chine est devenue en 2014 la première économie du monde si on évalue sa production en
parité de pouvoir d’achat : 17 632 milliards de dollars en PPA, devant les États-Unis qui obtenaient un total de 17 416 milliards de dollars
en PPA. De plus en plus, de nouveaux joueurs internationaux inuencent l’évolution de notre économie nationale.
114 CHAPITRE 5
la diérence qu’il sera utilisé pour l’économie dans FIGURE 5.5 Demande globale de biens et de services
son ensemble. Cela nous servira de cadre d’analyse
pour illustrer le fonctionnement global de nos mar-
chés et nous permettra aussi d’expliquer les causes
du chômage et de l’ination.
FIGURE 5.6 Déplacement de la demande globale Le tableau 5.1 donne quelques exemples de ces
déterminants de la demande globale de biens et
de services dans un pays.
À la hausse À la baisse
Hausse des revenus des consommateurs (C) Baisse des revenus des consommateurs (C)
Conance plus grande en l’avenir Conance moins grande en l’avenir
Plus d’agents économiques Moins d’agents économiques
Augmentation des dépenses d’investissement (I) Diminution des dépenses d’investissement (I)
Les politiques macroéconomiques*
Baisse des impôts Hausse des impôts
Hausse des dépenses publiques (G) Baisse des dépenses publiques (G)
Baisse des taux d’intérêt Hausse des taux d’intérêt
Dépréciation de la monnaie Appréciation de la monnaie
* Les modalités des politiques macroéconomiques sont présentées en détail aux chapitres 6, 7 et 9.
118 CHAPITRE 5
produire la même quantité. L’offre globale théo- En observant bien le graphique, on remarque
rique de biens et de services est représentée à la que les intentions de production augmentent
figure 5.7. généralement à mesure que le niveau moyen des
prix augmente, mais que cette augmentation
atteint un plafond. En eet, on estime qu’à par-
FIGURE 5.7 Offre globale de biens et de services
tir d’un certain niveau, que nous avons appelé
PIBplein-emploi (c’est-à-dire la quantité de plein-
emploi), la production globale ne peut plus
augmenter, et ce, même si les prix continuent
d’augmenter. Pourquoi ? Parce qu’à l’intérieur
d’une certaine période (le court terme) les en-
treprises doivent composer avec des contraintes
de ressources.
On comprend bien que, si demain matin tous les
pays du monde venaient acheter leurs biens et leurs
services au Canada, les entreprises canadiennes
ne pourraient sure à la demande, puisque leurs
capacités physiques sont limitées et que la main-
d’œuvre utile ne peut être multipliée du jour au
lendemain, et cela, qu’on produise du bois d’œuvre
ou qu’on ore des services nanciers, ou encore des
services médicaux ultramodernes.
Pour un pays industrialisé comme le Canada, la production de services dépasse largement celle des biens. La capacité de production
dépend alors des immenses tours à bureau modernes de nos centres-villes. On voit ici celui de Toronto.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 119
Les déterminants de l’offre globale TABLEAU 5.2 Principaux déterminants de l’offre globale
Si les diérents niveaux de prix expliquent les
À la hausse À la baisse
variations de la quantité oerte et la pente de
Baisse des coûts de l’énergie Hausse des coûts de l’énergie
l’ore globale, d’autres facteurs, qui interviennent
Stabilité politique, sociale Instabilité politique et sociale,
aussi dans les intentions de produire des entre- et environnementale catastrophes naturelles
prises, inuent sur la quantité oerte, quel que Baisse des coûts Hausse des coûts
soit le niveau des prix ; c’est alors toute la courbe de la main-d’œuvre de la main-d’œuvre
de l’ore qui se déplace, vers la gauche s’il y a Amélioration des techniques Baisse de la productivité
diminution (OG3), vers la droite s’il y a augmen- de production (technologie)
et hausse de la productivité
tation (OG 2). Ces déplacements sont illustrés à la
Les politiques macroéconomiques*
gure 5.8.
Baisse des impôts Hausse des impôts
sur les bénéces** sur les bénéces
Ces facteurs qui affectent toute l’offre globale
Réglementations
sont appelés « déterminants de l’offre globale ». Subventions
plus nombreuses
Comme pour la demande globale, ces détermi- Encadrement nancier Accès restreint au capital
nants sont innombrables, puisque notre analyse rigoureux de risque
se situe à l’échelle globale de l’économie. Cer- * Les modalités des politiques macroéconomiques sont présentées en détail
aux chapitres 6, 7 et 9.
taines variables ou certains déterminants sont
** Une variation des impôts peut aussi provoquer une modication des inves-
cependant plus significatifs que d’autres. Par tissements (I) et donc de la demande globale.
exemple, on peut penser (mais cela devra être
prouvé) qu’une augmentation significative du 5.2.3 L’équilibre sur le marché
fardeau fiscal des entreprises aura pour effet
de diminuer les intentions des entreprises de
global des biens et de services
produire des biens et des services au Canada, et Nous savons que le marché global est composé
donc de diminuer l’offre globale, et inversement d’agents économiques ayant le désir et la capa-
lorsque le fardeau fiscal diminue significative- cité de se procurer des biens et des services (la
ment. Le tableau 5.2 donne quelques exemples de demande globale solvable) et d’entreprises dési-
ces déterminants de l’offre globale de biens et reuses de les produire de façon protable. Tous
de services dans un pays. les jours, des millions de décisions de production
et de consommation contribuent à déterminer les
conditions macroéconomiques générales au pays :
FIGURE 5.8 Déplacement de l’offre globale le niveau moyen des prix, la production globale
et le chômage. Ce marché global est représenté
graphiquement à la gure 5.9 (voir la page suivante).
Évidemment, la réalité est beaucoup plus complexe,
mais ce modèle relativement simple nous permet
d’analyser les milliers d’événements de la réalité
économique et de réduire la multiplicité des cas de
l’économie globale à trois situations seulement :
une économie de plein-emploi, une économie de
sous-emploi et une économie de suremploi que
l’on appelle généralement « économie ination-
niste ». Voyons en détail ces trois types d’équilibre
macroéconomique.
L’économie de plein-emploi
Le graphique de la gure 5.10 (voir la page suivante)
représente une économie qui ache un niveau de
120 CHAPITRE 5
FIGURE 5.9 Marché global des biens et des services FIGURE 5.10 Marché global des biens et des services
en plein-emploi
production globale (PIB réel) de plein-emploi. Ici, La situation de sous-emploi survient quand la
les ressources sont utilisées au maximum, ce qu’on demande globale est insusante pour l’utilisation
peut constater par la forme de la courbe de l’ore maximale des capacités des entreprises.
globale qui, au niveau de production de 1800 mil-
liards (une valeur ctive), devient verticale. Même Cette situation est représentée à la gure 5.11,
si la demande globale augmentait pour une raison lorsque l’économie globale est en équilibre entre
ou pour une autre, la production ne pourrait aug- OG1 et DG2, avec un niveau des prix égal à 110 et
menter au-delà de ce niveau maximal, du moins un PIB réel de 1700 milliards de dollars de 2007.
tant que les ressources demeureraient inchangées. On constate alors que les entreprises pourraient
L’économie de sous-emploi
ou de suremploi
Pour plusieurs raisons, il peut arriver que les
intentions d’achat des agents économiques (C, G, I, X)
ne correspondent pas exactement à ce que les entre-
prises aimeraient orir en utilisant toutes les res-
sources disponibles. L’économie globale se retrouve
alors en situation de sous-emploi ou de suremploi.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 121
court terme, les entreprises font face à la contrainte la gure 5.15) ou au-delà de celui-ci (voir la
des ressources disponibles et elles ne peuvent aug- gure 5.16) ; l’économie globale se trouvera alors
menter indéniment leur production. en sous-emploi (écart récessionniste) ou en surem-
ploi (écart inationniste).
L’évaluation de la production maximale et normale
de la production d’un pays (PIB potentiel) indépen- Lorsque survient un événement qui modie la
damment du niveau des prix, c’est ce qu’on appelle capacité de production des entreprises (leurs res-
l’ore globale de long terme (voir la gure 5.14). sources) et non leurs coûts de production (salaires,
Les évènements économiques (déterminants) qui frais d’emprunts), cela inuence à la fois l’ore
aectent la capacité de production des entre- globale de court terme et celle de long terme.
prises aecteront l’ore globale de court terme et Si l’économie globale se trouvait au départ en
de long terme. sous-emploi, cela signie qu’elle le restera (voir la
gure 5.17).
L’équilibre macroéconomique pourra se situer
en de çà du PIB potentiel (plein-emploi) (voir
FIGURE 5.14 Offre globale de long terme FIGURE 5.16 Équilibre macroéconomique de suremploi
FIGURE 5.15 Équilibre macroéconomique FIGURE 5.17 Économie globale avec augmentation
de sous-emploi des capacités
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 123
FIGURE 5.20 Ination due à une hausse FIGURE 5.21 Ination due à une baisse
de la demande globale de l’offre globale
Figure 5.20W (modèle global traditionnel) Figure 5.21W (modèle global traditionnel)
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 125
la gure 5.23) et qui se répercutent la plupart du FIGURE 5.23 Déplacement de la courbe de Phillips
temps sur l’ore globale. Par exemple, une régle-
mentation plus sévère du marché du travail entraî-
nerait un déplacement de la courbe de Phillips vers
la droite.
Ainsi, pour un même taux d’ination, le taux de
chômage serait plus élevé (voir le point c de la
gure 5.23) ; de même, pour un même taux de chô-
mage, le taux d’ination serait plus élevé (voir le
point d de la gure 5.23). On observerait donc une
augmentation simultanée du taux de chômage et
du taux d’ination à la suite du changement sur-
venu sur le marché du travail.
Actualité économique
Le pétrole : un produit qui a de l’impact
Les uctuations du prix et de la pro- de moins de 50 $US le baril au début dans l’Ouest, baisse des entrées s-
duction de ce seul produit, le pétrole, des années 1990 à plus de 100 $US cales en Alberta et au gouvernement
engendrent des impacts importants pour en 2014, a stimulé la recherche et la fédéral, économies substantielles
toute l’économie canadienne, même s’il production de ce produit indispen- pour le transport et le chauffage des
s’agit d’une économie développée. sable. Le résultat : en janvier 2015, familles, économies de coûts de pro-
sous l’impact d’un ralentissement de duction pour les entreprises en géné-
De 1990 à 2014, la croissance éco- l’économie mondiale et de l’explosion ral. Au total, la Banque du Canada
nomique mondiale a projeté à la de l’offre (notamment avec le pétrole estimait qu’une baisse importante du
hausse le prix mondial du baril de de schiste et celui des sables bitu- prix du baril de pétrole aurait davan-
pétrole. Même si le retour à la crois- mineux), le prix du baril s’effondre tage d’effets négatifs que positifs
sance après la crise de 2009 s’effec- pour redescendre à moins de 50 $US. (Banque du Canada, 2015).
tue lentement pour nombre de pays
parmi les plus industrialisés, il n’en Pour un pays comme le Canada, à
reste pas moins que les pays qu’on dit la fois grand producteur et grand
émergents comme la Chine, l’Inde ou consommateur, cette baisse subite À vous de jouer !
le Brésil prennent une part beaucoup du prix du pétrole inuence plusieurs
plus importante qu’avant dans l’éco- variables économiques : baisse de la 1 À l’aide du modèle de l’offre et de la
nomie mondiale et que leur production valeur du dollar canadien (en 2014, le demande globales présenté dans
et leur consommation nécessitent un pétrole constitue presque 15 % de nos ce chapitre, expliquez pourquoi la
vaste apport énergétique. exportations) (voir le chapitre 9 pour Banque du Canada estime qu’une
plus de détails et pour un concept lié, forte chute du prix du pétrole aurait
Mais l’appréciation considérable du celui du syndrome hollandais), dimi- plus d’effets négatifs que positifs
prix mondial du pétrole, qui est passé nution des investissements pétroliers pour l’économie canadienne.
Actualité économique
Le Japon : l’histoire d’une déation
Au cours des années 1980, le Japon à l’irrésistible ascension de l’archipel entreprise risque de ne pas pouvoir
s’est imposé comme une puissance Nippon, et dont le pays n’a toujours honorer) des entreprises nippones.
économique mondiale de premier pas réussi à s’extirper. Les banques se sont donc retrou-
rang, faisant même dire que ce pays vées à devoir supporter un risque
pouvait dépasser les États-Unis Deux éléments sont à l’origine de ce de défaut (dettes effectivement non
comme puissance économique domi- mécanisme de déation au Japon. remboursées) important. Parallèle-
nante […]. Or, les années 1990 sont Tout d’abord, (1) la monnaie nationale ment, (2) les spéculations immobi-
venues mettre un terme au « miracle (le Yen) s’est fortement appréciée lière et nancière ont entraîné des
japonais » pour enchaîner avec deux (hausse de la valeur) entre 1985 et bulles d’actifs nancées à crédit,
décennies « perdues » où progressi- 1988, ce qui a entraîné des faillites c’est-à-dire que les ménages et les
vement une « déation rampante » et l’augmentation des créances dou- entreprises se sont surendettés pour
s’est installée, mettant ainsi un terme teuses (montant des dettes qu’une accéder à ces actifs mobiliers et
immobiliers. La situation était sous
contrôle jusqu’au début des années
1990 mais l’apparition d’un krach est
venu remettre en cause ce modèle.
[…] An de se désendetter et de
faire face à cette situation d’insolva-
bilité, les agents économiques privés
contractent leurs dépenses. […]
À vous de jouer !
1 Qu’est-ce que la déation (voir la
page 84 du chapitre 4) ?
2 À l’aide du modèle de l’offre et de
la demande globales, expliquez
et représentez graphiquement les
Au Japon, les ménages et les entreprises se sont surendettés pour accéder à des causes possibles de la déation
actifs mobiliers et immobiliers. au Japon.
5.5 Multiplicateur sut à nous convaincre que les dés à relever sont
de taille. C’est parce qu’une dynamique macroéco-
des échanges nomique, lorsqu’elle est enclenchée, n’est pas facile à
À la sous-section 5.2.3 (voir la page 119), nous maîtriser ou à détourner de sa route. Cela s’explique
avons présenté trois états statiques de l’économie en partie par le multiplicateur des échanges,
globale : l’équilibre macroéconomique de long terme, parfois appelé « retombées économiques ».
une économie de sous-emploi et une économie en
surchaue inationniste. Résumée de cette façon,
Multiplicateur des échanges Concept utilisé par John
l’évolution de l’économie globale semble assez facile Maynard Keynes qui montre comment une variation des
à maîtriser et ne devrait pas poser de diculté parti- dépenses autonomes des agents économiques peut
culière à nos dirigeants. Toutefois, une observation, provoquer une variation plus importante du revenu global.
même sommaire, du monde dans lequel nous vivons
130 CHAPITRE 5
Le principe du multiplicateur est assez simple : 1 $ l’appendice de ce chapitre, nous démontrons pour-
dépensé par un agent économique constitue un quoi l’eet multiplicateur d’une dépense initiale
revenu pour un autre qui le dépensera en tout ou n’est pas inni).
en partie, et ainsi de suite. C’est la dynamique des
échanges globaux qui engendre la croissance écono- Bien sûr, l’eet multiplicateur des dépenses des
mique d’une période à l’autre, lorsque les conditions agents économiques ne fonctionne pas toujours
favorables aux échanges sont réunies. Cet eet mul- aussi ecacement : des fuites dans la cascade des
tiplicateur est illustré à la gure 5.25. dépenses viennent en réduire l’ampleur (voir le
tableau 5.3).
Supposons qu’au départ l’économie globale se
trouve au point a, en situation de sous-emploi. À
la suite d’une augmentation des dépenses d’un TABLEAU 5.3 Effet multiplicateur : les injections
et les fuites
groupe d’agents économiques (dans le secteur
de la construction résidentielle, par exemple), la Les injections
demande globale augmente et l’économie globale Dépenses des agents économiques (C, I)
se retrouve au point b. Or, si on tient compte des
Mesures gouvernementales (G)
revenus qu’ont perçus les diérents agents écono-
miques et qui leur permettent de dépenser davan- Exportations (X)
tage, l’eet nal induit est plus important que les Les fuites
seules dépenses du secteur de la construction. Ainsi,
à la n, l’économie globale se retrouve non pas au Épargnes des agents économiques
point c, impossible à atteindre étant donné les Impôts et taxes
capacités de production, mais au point f, beaucoup
Importations
plus près du plein-emploi que le point a (dans
FIGURE 5.25 Effet multiplicateur des dépenses des Comme l’eet multiplica-
agents économiques
teur se produit autant dans
le sens positif que dans le
sens négatif, on peut com-
prendre l’eet boule de
neige de l’évolution d’une
économie globale. Lorsqu’à
la suite d’un choc important
(une crise énergétique, par
exemple) les agents écono-
miques cessent de dépen-
ser, l’eet multiplicateur
peut faire sombrer assez
rapidement l’économie glo-
bale. Aux chapitres 6 et 7,
nous verrons, à ce propos,
de quelle façon il est pos-
sible d’éviter le pire grâce à
certains instruments de la
politique économique.
Figure 5.25W (modèle global traditionnel)
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 131
FIGURE 5.26 Équilibre de long terme selon les théoriciens Peu d’experts recommandent de laisser
modernes de l’école classique les marchés complètement libres de
fonctionner à leur guise, bien que la plu-
part des économistes s’entendent pour
dire que les forces du marché sont de
puissants mécanismes qui ont fait leurs
preuves en matière de gestion des
ressources. Néanmoins, on considère
généralement que le coût d’option
qu’entraîne la décision de laisser le mar-
ché global revenir de lui-même au plein-
emploi sans ination exagérée est si
élevé qu’on ne peut se permettre de le
faire. Une politique économique appro-
priée doit donc compenser les faiblesses
du marché à résoudre lui-même les pro-
blèmes de chômage et d’ination excé-
dentaires en un temps raisonnable. Les
modalités d’application d’une telle poli-
tique seront expliquées dans les deux
chapitres suivants.
132 CHAPITRE 5
En un clin d’œil
Ralentissement Sommet
Cycles
Expansion Récession
économiques
Reprise Creux
Taux d’ination
Tendances
économiques
Varient
habituellement
dans le
même sens.
Varient en
sens inverse.
Taux de chômage
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 133
Déterminants
• Revenus des consommateurs
Demande globale • Niveau de conance
Ensemble des quantités de biens • Nombre d’agents économiques
et de services que les agents • Dépenses d’investissement
économiques sont disposés
à acheter à différents niveaux
• Impôts
de prix. • Dépenses publiques
• Taux d’intérêt
• Taux de change
Équilibre de suremploi
La demande globale excède la capacité de
production maximale et normale des entreprises.
Équilibre de sous-emploi
Le PIB réel est insufsant pour que soient utilisées
toutes les ressources.
Déterminants
Offre globale
• Coût de l’énergie
• Stabilité politique et sociale
Ensemble des quantités de biens et
de services que les entreprises sont
• Coût de la main-d’œuvre
disposées à offrir à • Technologie
différents niveaux de prix. • Impôts sur les bénéces
• Subventions
• Accès au capital de risque
Causes possibles
Chômage conjoncturel • Baisse de la demande globale
• Baisse de l’offre globale
Problèmes
macroéconomiques
Causes possibles
Ination • Hausse de la demande globale
• Baisse de l’offre globale
15 Voici un texte qui pourrait être extrait du Rapport En utilisant le modèle de l’ore et de la demande
sur la politique monétaire de la Banque du Canada : globales, dans quel état se trouve l’économie glo-
« Au premier trimestre de l’année, le niveau du bale selon la description qui en est donnée dans cet
PIB réel a remonté pour se rapprocher du sommet extrait ? Expliquez votre raisonnement.
atteint avant la récession, sous l’eet des mesures 18 Dans sa publication Perspectives économiques de l’OCDE
de relance budgétaire en cours, de la vigueur des (mai 2010, p. 238), cet organisme établit des scénarios
dépenses de consommation et de la robustesse de prévision pour ses pays membres. À la suite de la
des investissements dans le logement. » crise économique de 2008-2009, elle souligne que :
À l’aide du modèle de l’ore et de la demande glo- « Le scénario [de prévision] intègre une diminu-
bales, expliquez et représentez graphiquement tion de la production potentielle par suite des
cette armation en représentant initiale- eets de la crise, de sorte que, par rapport aux
ment l’économie canadienne en sous-emploi. projections à moyen terme de l’OCDE datant
16 Compte tenu de ce que vous avez lu dans ce chapitre, d’avant la crise, le niveau de la production
dites quel serait le danger d’une générosité subite et potentielle pour l’ensemble de la zone subit une
excessive des autorités gouvernementales destinée baisse d’environ 3 %. Cet écart est principale-
à stimuler la demande globale. ment dû au ralentissement des taux d’activité et
de la population en âge de travailler, qui est bien
17 Voici le type de textes qu’on retrouve dans les Pers- plus une conséquence des évolutions démogra-
pectives économiques de l’OCDE : phiques que des retombées de la crise. »
« Plusieurs facteurs pourraient contrarier la Démontrez cette réduction du PIB potentiel obser-
reprise de l’investissement dans le court terme : vée dans la zone des pays membres de l’OCDE à
le taux d’utilisation des capacités reste proche l’aide du modèle de l’ore et de la demande globales.
des points bas historiques dans les secteurs
industriels, les taux de locaux inoccupés restent
élevés dans de nombreux segments de l’immo- Question d’intégration
bilier commercial et les banques sont soumises
à des pressions continues pour reconstituer 19 Le modèle de l’ore et de la demande globales
leurs bilans. Pour autant, les marges de crois- fournit une représentation générale et théorique
sance de l’investissement des entreprises sont de la réalité économique. Reliez les éléments de ce
considérables étant donné que la reprise prend modèle aux indicateurs de la réalité économique
de l’ampleur. » présentés aux chapitres 3 et 4.
Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions l’onglet « Télécharger », puis sélectionnez « Période =
détaillées.) lignes » comme format de sortie des données.
a) Commentez l’évolution du PIB réel de 1981 à l’an-
Statistique Canada née la plus récente.
1 Recueillez des données sur le PIB réel canadien b) Relevez les périodes d’expansion et de récession
en consultant le site de Statistique Canada. Dans ainsi que les sommets et les creux.
la section « En vedette », en bas à droite de l’écran, 2 Comme il a été mentionné précédemment, le taux de
cliquez sur CANSIM. Inscrivez le numéro 380- chômage est directement lié aux cycles économiques.
0064, puis cliquez sur « Recherche ». Vous obtien-
Toujours dans CANSIM, inscrivez le numéro 282-
drez le PIB exprimé en dollars de 2007 et plusieurs
0002. Sous l’onglet « Ajouter/Enlever des données »,
composantes du PIB par les dépenses. En cliquant
sélectionnez les options « Canada », « Taux de chômage »,
sur l’onglet « Ajouter/Enlever des données », vous
« Les deux sexes » et « 15 ans et plus ». Sélectionnez de
pouvez sélectionner la période correspondant à la
nouveau la période allant de « 1980 » à l’année la plus
série désirée. Désélectionnez « Tout » et sélection-
récente, puis cliquez sur « Appliquer ». Cliquez sur l’on-
nez « Produit intérieur brut aux prix du marché » (à
glet « Télécharger » en sélectionnant les mêmes para-
l’étape 4) et la période allant de « 1981 » à l’année la
mètres que pour le PIB en dollars constants.
plus récente (à l’étape 5). Ensuite, pour obtenir des
données annualisées, cliquez sur l’onglet « Mani- a) Décrivez l’évolution du taux de chômage.
puler », puis sélectionnez la fréquence des données b) Comparez la courbe à celle du cycle économique.
« Annuelle (moyenne) ». Pour terminer, cliquez sur Repérez-vous les trois périodes de récession ?
136 CHAPITRE 5
Appendice mathématique
Équilibre macroéconomique simplié
Le modèle keynésien simple FIGURE A-5.1
des dépenses et des revenus
et le multiplicateur
John Maynard Keynes fut sans contredit l’économiste
le plus inuent du e siècle. L’une de ses préoccupa-
tions était d’expliquer les désordres globaux d’une éco-
nomie. Cela se comprend, puisqu’il a vécu les deux
grandes guerres et, entre les deux, la Grande Dépres-
sion qui a frappé tout l’Occident.
Selon Keynes, pour qu’une économie globale soit en
équilibre, il doit y avoir correspondance entre les
dépenses des agents économiques et les revenus géné-
rés par la production. Or, ce n’est pas toujours le cas,
car, bien qu’elles dépendent du revenu global, les
dépenses des agents économiques subissent l’inuence
de nombreux autres éléments, comme nous l’avons vu
dans ce chapitre.
Toutefois, il existe un mécanisme fondamental qui réta-
blit cet équilibre entre le revenu global et les dépenses
globales. Si les agents économiques ne dépensent pas
susamment l’argent reçu, les stocks des entreprises
s’accumulent et la production doit s’ajuster à la baisse.
À l’inverse, si les dépenses excèdent le revenu global, dans une proportion de 0,6 pour chaque dollar de
les entreprises ont tendance à augmenter la produc- revenu supplémentaire (Y). Les consommateurs ne
tion, et les revenus suivent. Ainsi, pour un niveau de dépensent pas tout le revenu supplémentaire puisqu’ils
revenu global généré par la production, il n’existe qu’un épargnent. La proportion consommée du revenu sup-
seul niveau de dépenses des agents économiques pour plémentaire, que les économistes appellent propen-
que l’économie soit en équilibre. sion marginale à consommer (PmC), correspond à
la pente de la droite de consommation :
L’équilibre macroéconomique simplié
La gure A-5.1 représente ce mécanisme d’équilibre ∆C C(2) – C(1)
PmC = =
macroéconomique. La droite à 45° représente toutes ∆Y Y(2) – Y(1)
les combinaisons possibles où les revenus corres-
pondent exactement aux dépenses (Y = C). Les La PmC est toujours positive, car plus on est riche, plus
dépenses de consommation (C) correspondent à la on dépense ; et elle est inférieure à 1, car la hausse de la
fonction simpliée suivante : consommation est moins rapide que la hausse du
C(t) = a + bY(t) revenu. Par exemple, si la PmC est égale à 0,6, cela
signie que, pour chaque dollar de revenu additionnel,
où b est la pente, et a, l’ordonnée à l’origine1. le particulier augmentera sa consommation de 0,60 $.
Supposons que a = 200 (milliards de dollars) et Le reste s’ajoutera à l’épargne.
b = 0,60. La fonction de consommation est donc : La portion de la droite qui se situe au-dessus de la
courbe à 45° correspond à un surplus de dépenses par
C(t) = 200 + 0,6Y(t)
rapport à la production et au revenu, alors qu’il y aurait
Ainsi, on suppose que les dépenses de consommation décit de consommation pour les niveaux de revenu
autonomes s’établissent à 200 et qu’elles augmentent supérieurs au revenu d’équilibre de 500.
1. Dans ce modèle, nous supposons qu’il n’y a pas d’impôt, donc que le revenu disponible correspond au revenu global.
TENDANCES ET FORCES GLOBALES 137
L’effet multiplicateur
Si les dépenses de consommation autonomes passaient Ye − 0,6 Ye = 200
à 300, le nouveau revenu d’équilibre s’établirait à 750,
comme on peut le voir à la gure A-5.2. Ye(1 − 0,6) = 200
1
Ye = × 200
1 - 0,6
FIGURE A-5.2 Effet multiplicateur d’une augmentation
des dépenses de consommation Ye = 2,5 × 200
autonomes
Ye = 500
Ye = 750
RÔLE DE L’ÉTAT
DANS L’ÉCONOMIE
Dans un pays bien gouverné, la pauvreté est une honte. Dans un pays
mal gouverné, la richesse est une honte.
Principe de Confucius
Les mesures prises au niveau politique peuvent combler les écarts entre
les personnes et les pays, et consolider la résilience et les capacités des
personnes qui, autrement, resteraient constamment vulnérables. Les
politiques destinées à prévenir les ravages causés par les risques naturels,
à encourager l’extension des avantages de la prospérité pour tous et à
favoriser une résilience sociale plus large peuvent à la fois protéger et
pérenniser le progrès humain. Cependant, aucune d’elles n’est appliquée
automatiquement. Elles sont le résultat d’une action collective vigoureuse,
de réponses institutionnelles équitables et efcaces, et d’un leadership
clairvoyant à l’échelle locale, nationale et mondiale. Toutes les sociétés
tirent nalement prot d’une plus grande égalité des chances. Et à moins
que ces vulnérabilités multidimensionnelles et croisées soient reconnues et
systématiquement réduites, le progrès continu du développement humain
peut être interrompu, voire inversé.
Source : Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). (2014). Rapport sur le développement 2014,
p. 91 et p. 4.
POLITIQUE
BUDGÉTAIRE
CHAPITRE
1
6 ET FINANCES
PUBLIQUES
eu de gens n’ont rien à redire contre l’État. Mais bien peu pourraient
Source : Statistique Canada. (2008). « Guide du secteur public du Canada », no 12-589-X au catalogue.
Ainsi, lorsqu’on dit que l’économie canadienne structurel de son fonctionnement. Il en va de même
est basée à la fois sur les échanges entre les agents lorsqu’on traite de la répartition géographique ou sec-
économiques et sur une certaine intervention de torielle de l’activité économique : on suppose que ces
l’État (économie mixte), cela correspond à un trait éléments ne changeront pas du jour au lendemain,
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 143
à moins de circonstances particulières. Par contre, coûts qu’elles engendrent. Pensons notamment à
si l’économie canadienne connaît une période de une entreprise qui se débarrasserait de ses déchets
ralentissement, on dira que la conjoncture est défa- dans un cours d’eau ; ce sont les autres entreprises
vorable. En fait, étudier la structure économique du ou citoyens situés en aval qui auraient à payer
Canada revient à le situer dans son évolution globale, pour éliminer ces nuisances, si cela était possible.
souvent en comparaison avec les autres économies On parle d’externalités positives lorsqu’un
du monde, alors qu’en étudier la conjoncture écono- agent économique assume des coûts pour générer
mique revient à se demander où en est l’économie des bénéces qui ne lui reviennent pas. Pensons à
canadienne dans le cycle économique. un propriétaire de restaurant qui engagerait des
sommes importantes en publicité an d’attirer
Certaines mesures économiques que prend l’État la clientèle, mais qui verrait celle-ci, une fois sur
visent plus particulièrement l’un ou l’autre de ces place, se diriger vers son concurrent. Il peut aussi
aspects, tandis que d’autres agissent tant sur la s’agir d’une entreprise qui dépense pour la forma-
structure que sur la conjoncture. Par exemple, un tion de ses employés, mais qui les verrait ensuite
désinvestissement dans le secteur de l’éducation démissionner pour obtenir un salaire plus élevé
publique changerait considérablement la réparti- ailleurs, dans une entreprise qui ne paierait pas de
tion entre le secteur public et le secteur privé en tels coûts de formation.
éducation, et il inuerait aussi sur l’évolution de
l’activité économique courante en ralentissant la Ces eets externes négatifs ou positifs ont pour
croissance de la demande globale ; cette mesure conséquence la réduction des dépenses et des
gouvernementale aurait donc des répercussions investissements des entreprises, car ils repré-
structurelles et conjoncturelles. sentent des risques supplémentaires. Ainsi, à
moins que l’État n’intervienne pour contrôler les
règles du jeu, tout le développement économique
6.1.2 La structure d’une économie s’en trouve handicapé.
On s’entend généralement pour dire qu’une éco-
L’ecacité économique n’est pas toujours au
nomie structurellement saine assure à la popu-
rendez-vous non plus dans le cas des biens publics
lation un niveau de vie qui est satisfaisant et qui
ou semi-publics. Un bien est dit « public » lorsqu’il
s’améliore. Pour atteindre cet objectif global, l’État
est impossible d’instaurer un système de paiement
devrait viser une gestion ecace des ressources,
privé ou semi-public, ou si, en instaurant un tel
d’une part, et une répartition adéquate des revenus
système, on réduisait l’accès à un point tel que c’est
et de la richesse, d’autre part.
toute la société qui serait perdante. Les parcs natio-
La gestion efcace des ressources naux, les rues des villes ou le réseau d’aqueduc sont
Quand les conditions du marché libre ne sont pas des exemples de biens publics1 ou semi-publics.
favorables, l’État devrait adopter des mesures pour
obtenir davantage des ressources humaines et
physiques (améliorer la productivité). Par exemple, Externalités négatives Nuisances que des agents
il devrait intervenir lorsque les activités écono- économiques occasionnent sans avoir à assumer les
miques privées génèrent des externalités posi- coûts qu’elles engendrent.
tives ou négatives importantes. Les externalités Externalités positives Bénéces que produit un
négatives sont des nuisances que des agents éco- agent économique sans en tirer directement prot.
nomiques occasionnent sans avoir à assumer les
1. Dans le cas des parcs nationaux, il est intéressant de noter que, en raison du coût prohibitif qu’entraîneraient l’instauration et le contrôle
d’un système de paiement par visiteur, les autorités de certains parcs comptent sur l’honnêteté et la conscience des utilisateurs
en installant des boîtes de paiement automatique. Mais une entreprise privée pourrait-elle s’offrir le luxe de compter sur la bonne volonté
de sa clientèle pour mener à bien ses affaires ?
144 CHAPITRE 6
Actualité économique
Le poids de l’état ne diminue pas
Après plus de trente ans de pression du publiques ont continué à croître plus vite
libéralisme, le poids des recettes scales que le PIB durant cette période, sous À vous de jouer !
(impôts et cotisations sociales) dans le la pression de la demande sociale et
produit intérieur brut (PIB) est supérieur des transformations démographiques, 1 Comment mesure-t-on le poids dans
à ce qu’il était au début des années sociales et économiques. C’est le cas
l’économie ?
1980, aussi bien au sein de la zone notamment des retraites, des dépenses
euro que dans l’ensemble de l’OCDE, de soins ou de l’éducation. 2 Comment peut-on expliquer l’aug-
qui rassemble les pays riches : dans la mentation du poids de l’État dans
zone OCDE, il est passé de 30,9 % en l’économie au cours des trente der-
1980 à 37,6 en 2013 (de 31 à 33,3 % au nières années ?
Canada [41,9 % en 2013 au Québec], de 3 Peut-on dire que la tendance des
26,4 à 33,2 % aux États-Unis, de 33,3 pays les plus riches est de se diriger
à 46,6 % dans la zone euro). En fait, vers davantage de libéralisme ou vers
de nombreux secteurs des dépenses davantage de socialisme ?
Source : Adapté de Alternatives économiques. (Avril 2004). « Le poids de l’État ne diminue pas » ; OCDE. « Perspectives économiques – Annexe statistique ».
La répartition adéquate des revenus Au cours des ans, surtout depuis la Seconde
et de la richesse Guerre mondiale, on a mis en place un ensemble
Pour un grand nombre de raisons, certaines d’ordre de mesures qui touchent tous les aspects de la vie
naturel, d’autres d’ordre culturel, les individus et en société : politique, culturel, artistique, spirituel,
etc., et bien sûr économique. Dans le but général
les familles n’ont pas tous les mêmes possibilités
d’obtenir davantage de nos ressources, d’assurer
de réussite sur le plan économique. Il s’agit d’une
une répartition plus équitable des revenus et de
caractéristique structurelle, donc fondamentale,
la richesse et de stabiliser les échanges qui ne le
de la vie en société. Or, de grands écarts de revenus font pas d’eux-mêmes (ce sont là les trois grands
ou de richesse, entre les individus comme entre les objectifs de l’intervention de l’État dans la vie éco-
sociétés, sont peu propices à l’amélioration géné- nomique), les mesures visant à améliorer plus par-
rale des conditions de vie, ne serait-ce qu’à cause ticulièrement l’aspect structurel d’une économie
des tensions qu’ils engendrent continuellement. sont les suivantes : lois, services sociaux universels,
En eet, de telles tensions nissent par faire fuir programmes de transfert, nationalisation. Nous
les investissements productifs, l’innovation et le verrons par la suite les mesures qui concernent
capital nancier, éléments essentiels à la produc- plus spéciquement l’amélioration conjoncturelle
tion de biens et de services qui satisfont les besoins de l’économie, soit la politique budgétaire (voir la
de la population. Il revient donc à l’État de réduire section 6.2 du présent chapitre) et la politique moné-
l’ampleur des inégalités en redistribuant les reve- taire (voir le chapitre 7).
nus et la richesse, de même qu’en développant un
ensemble de mesures propres à assurer des possi- Les lois
bilités égales de s’en sortir dans notre système éco- Les nombreuses lois qui encadrent maintenant l’ac-
nomique basé essentiellement sur la concurrence. tivité économique d’un pays n’ont pour but premier
que de créer un environnement propice au déve-
loppement économique de ce pays sur une longue
6.1.3 Les mesures structurelles période. Par exemple, en rééquilibrant le rapport de
De nos jours, dans les pays les plus industrialisés, force entre les employés et les employeurs, les lois
l’appareil de l’État a pris une ampleur considérable. du travail contribuent à créer un environnement
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 145
de travail plus favorable et à améliorer le niveau exemple, que le fait d’en priver des personnes ou des
de vie en général, ce qui entraîne des retombées familles serait nettement plus grave que peuvent
économiques ; les lois de l’environnement visent l’être les abus inhérents à un système public dicile
à assurer une certaine pérennité des ressources à contrôler. Dans ce type d’intervention, là encore,
et donc à favoriser le niveau de vie futur ; le Code l’évaluation objective n’est pas facile à faire, d’où la
des professions protège la population de même diculté de trancher nettement entre les mérites
que les professionnels et assure ainsi une expan- d’un système privé, ceux d’un système public et
sion de certains secteurs des services ; les lois du ceux d’une intervention diérente s’appuyant sur
secteur nancier, dont il sera amplement question d’autres outils de la politique économique.
au chapitre suivant, sont là pour assurer la crédibi-
lité des établissements nanciers et de la monnaie, Les programmes de transfert
crédibilité sans laquelle notre niveau de vie serait Pour assurer une meilleure équité entre les per-
de beaucoup moins élevé. sonnes, entre les familles et entre les régions, l’État
transfère à des individus, à des entreprises ou à
Cependant, certains diront qu’une telle multiplica- d’autres administrations une partie des impôts
tion de contraintes, parce qu’elle nuit à l’initiative et des taxes perçus. Ce sont les programmes de
économique, nit par devenir improductive. « On transfert. Le programme d’a ide sociale2 en est
ne peut plus rien faire ! » se plaisent à répéter les un exemple. Le programme d’assurance-emploi du
représentants du milieu des aaires, qui, il faut le gouvernement fédéral assure un certain transfert
dire, sont généralement allergiques à toute forme de ressources entre les personnes qui y cotisent et
de réglementation. Il faut toutefois convenir qu’une celles qui perdent leur emploi dans certaines cir-
réglementation trop lourde devient improductive si constances. Les programmes de pension publics
ses inconvénients surpassent ses eets bénéques. fédéral et provinciaux assurent aussi un certain
Ici encore, l’intervention est bien délicate, tant les transfert entre les personnes actives sur le marché
variables en cause sont nombreuses et complexes. du travail et les personnes ayant pris leur retraite
Les services sociaux universels dénitive à partir d’un certain âge. Il existe aussi,
au gouvernement fédéral, le régime de péréquation
L’une des façons pour l’État d’intervenir dans qui prévoit un transfert allant des provinces plus
l’économie consiste à rendre accessibles à tous, riches vers les provinces plus pauvres. Ce ne sont
indépendamment de toute considération nan- là que quelques exemples de redistribution de la
cière ou autre, des biens ou des services. On pense richesse par l’État au Canada.
notamment aux services de santé, à de nombreux
services sociaux ou à l’enseignement primaire et
Section « Économie » de Ici Radio-Canada.ca
secondaire oerts au Canada. Dans de tels cas, les
prix ne peuvent plus jouer leur rôle de mécanisme La nationalisation
régulateur pour équilibrer l’ore et la demande.
Un autre moyen pour l’État d’intervenir dans
Il revient donc aux agents économiques d’agir
le fonctionnement des marchés, c’est de jouer le
avec discernement lors de l’utilisation de ces ser-
rôle d’un agent économique privé (produire ou
vices, dont la disponibilité est déterminée par les
transformer) par l’intermédiaire d’une entreprise
élus selon les ressources que l’on est prêt à y consa-
crer collectivement.
L’inconvénient de l’accessibilité universelle, c’est la Programme de transfert Partie des impôts et des
diculté d’en contrôler l’ecacité comme l’équité. taxes perçus que l’État transfère à des individus, à des
entreprises ou à d’autres administrations pour assurer
C’est pourquoi elle ne s’applique habituellement une meilleure équité entre les personnes, entre les
qu’aux biens et aux services jugés vraiment essen- familles et entre les régions.
tiels par la population, tellement essentiels, par
2. La Constitution canadienne oblige toutes les provinces à offrir un tel programme de soutien de dernier recours aux personnes seules et aux familles.
146 CHAPITRE 6
partiellement ou entièrement sous son contrôle. ou en dépression si aucun mécanisme n’a ssure un
Ainsi, une telle entreprise poursuit des objectifs qui certain contrôle. Les échanges évoluent globale-
visent à faire bénécier l’ensemble de la collectivité ment en cycles non périodiques (c’est-à-dire qu’ils
plutôt que seuls les propriétaires privés. Les enjeux ne se reproduisent pas à des fréquences bien déter-
doivent être de taille pour que l’État décide de rem- minées) et d’amplitude variée. Outre les dérapages
placer l’entreprise privée dans un secteur d’activité. majeurs que peut connaître l’activité économique,
ces variations imprévisibles ont pour eet global de
Il en est ainsi lorsque le travail des propriétaires créer de l’incertitude, bête noire dans la prise des
privés va à l’encontre de l’intérêt collectif. Par décisions importantes des agents économiques.
exemple, on a estimé que c’était le cas, au Québec
comme dans de nombreux pays du monde, dans le On comprend aisément qu’une période de réces-
secteur des vins et spiritueux. Laisser l’entreprise sion se transformant en dépression n’est pas sou-
privée maximiser le développement de ce secteur haitable, tant les eets dévastateurs se font sentir
pour empocher le maximum de prots pourrait cruellement sur l’emploi, le pouvoir d’achat et donc
engendrer une société fortement dépendante de le niveau de vie. Ce qui est toutefois paradoxal, c’est
l’alcool, ce qui aurait de graves conséquences. que même les périodes de croissance économique
doivent être surveillées de près, puisqu’elles risquent
Dans le domaine de l’électricité, le raisonnement de créer une situation inationniste dégénérant en
est tout autre : une entreprise privée qui s’attribue hyperination, aussi destructrice pour le niveau
le monopole d’un cours d’eau en y érigeant un bar- de vie des populations que les dépressions asso-
rage peut en tirer un maximum de prots et ainsi ciées à la déation. Il faut donc assurer une gestion
jouir de la maîtrise absolue d’une ressource essen- des aaires économiques de manière à pousser la
tielle ; or, la production d’énergie est importante machine économique dans le sens de la croissance,
pour le développement de bien d’autres secteurs de mais une croissance modérée non inationniste.
la vie économique.
Les mesures que nous venons de décrire visent-
elles à améliorer la conjoncture économique du 6.2 Politique budgétaire
pays ou plutôt à en améliorer la structure écono-
mique ? Comme nous l’avons mentionné précé-
conjoncturelle
demment, elles peuvent agir sur les deux aspects Il existe deux instruments dont le but évident est
de l’économie, selon qu’elles relèvent plus fonda- d’améliorer la conjoncture économique quand celle-
mentalement des grands principes de fonctionne- ci connaît des dérapages plus ou moins importants ;
ment de notre société ou qu’elles visent plutôt, ou ce sont la politique budgétaire (ensemble des
également, à améliorer les conditions économiques mesures que l’État prend pour inuer sur la conjonc-
pendant une période bien déterminée. ture économique en faisant varier ses dépenses et ses
revenus) et la politique monétaire (ensemble des
mesures que la banque centrale prend pour inuer
6.1.4 Les objectifs conjoncturels sur la conjoncture économique en faisant varier la
L’État peut aussi inuer sur l’évolution de l’éco- quantité de monnaie en circulation). La première fait
nomie an d’atteindre certains objectifs globaux ;
il tente alors d’améliorer la stabilité des échanges
Politique budgétaire Ensemble des mesures que
de façon à obtenir une croissance modérée sur
l’État prend pour inuer sur la conjoncture économique
une longue période. Nous avons expliqué au cha- en faisant varier ses dépenses et ses revenus.
pitre précédent que, par l’interdépendance entre
Politique monétaire Ensemble des mesures que la
les agents économiques (l’eet multiplicateur des
banque centrale prend pour inuer sur la conjoncture
dépenses ou « multiplicateur des échanges » [voir la économique en faisant varier la quantité de monnaie
page 129]), les échanges connaissent d’importantes en circulation.
uctuations qui peuvent parfois dégénérer en crise
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 147
l’objet de la présente section, tandis que la seconde FIGURE 6.2 Effet d’une politique budgétaire
sera traitée dans le chapitre suivant, puisqu’il faudra expansionniste
d’abord, pour en saisir toute la portée, expliquer le
rôle de la monnaie dans le jeu économique.
En période de ralentissement
ou de récession Figure 6.2W (modèle global traditionnel)
Si l’économie progresse au ralenti et que l’on craint
un eondrement des échanges (encore l’eet mul- augmentant les impôts et les taxes, ce qui devrait
tiplicateur), l’État peut se servir de sa capacité avoir pour eet de réduire le revenu disponible des
nancière pour inverser la tendance et favoriser le agents économiques privés. On parle alors d’une
retour à la croissance. Agissant contre le cycle éco- politique restrictive, qui se répercute sur la
nomique, il augmentera ses dépenses si celles du demande globale, la faisant passer de DG1 à DG2,
secteur privé sont décientes, ou il laissera aux et qui ramène l’ination à un niveau plus confor-
agents économiques une plus grande marge de table (de 125 à 120). La gure 6.3, à la page suivante,
manœuvre en réduisant les impôts et les taxes ; on illustre les eets d’une politique budgétaire restric-
parlera alors d’une politique expansionniste. tive. Remarquez que, dans le cas présenté, le PIB
On espère ainsi que, en augmentant le paramètre G n’a pas diminué, puisque le niveau de la demande
de l’équation C + G + I + X − M, on verra la demande globale demeure susant pour assurer une pleine
globale se stabiliser ou même s’accroître, ce qui utilisation des ressources (PIB potentiel), tout en
entraînerait une hausse du PIB réel. diminuant les pressions inationnistes.
La gure 6.2 illustre les eets d’une politique bud-
gétaire expansionniste sur la demande globale. 6.2.2 Les instruments de la politique
Finances Québec
Celle-ci se déplace vers budgétaire
la droite (de DG1 à DG2), Nous venons de voir que, selon la conjoncture
entraînant une hausse du PIB (de 1700 à 1750) économique, la politique budgétaire peut être
et, par conséquent, une baisse du chômage. expansionniste, si elle vise à stimuler l’économie
En période de croissance
Politique expansionniste Politique mise en œuvre
Les périodes de croissance économique peuvent tou- par l’État pour favoriser la croissance économique et la
jours donner lieu à un emballement des échanges création d’emplois.
qui se traduirait par une hyperination. Si tel est
Politique restrictive Politique mise en œuvre par
le cas, le gouvernement peut ralentir la croissance l’État pour ralentir la croissance économique et enrayer
et s’assurer qu’elle demeure dans des limites accepta- l’ination.
bles. Il peut le faire en réduisant ses dépenses ou en
148 CHAPITRE 6
FIGURE 6.3 Effet d’une politique budgétaire restrictive de l’État est celui des salaires versés aux employés de
la fonction publique et parapublique. Fixés en vertu
de conventions collectives, ces salaires ne peuvent
évidemment pas être changés du jour au lende-
main. Certains États ont procédé, par voie législa-
tive, à des baisses de salaires dans le secteur public,
mais non sans avoir dû démontrer l’urgence d’une
telle mesure. En plus de ces obstacles juridiques, il
faut aussi compter sur les obstacles politiques qui
limitent d’autant la marge de manœuvre des États.
En eet, si la population réagit normalement assez
bien aux politiques budgétaires expansionnistes,
recevant avec plaisir les largesses gouvernementales
(surtout pendant un ralentissement économique),
elle n’accueille jamais avec grand enthousiasme les
contraintes qu’entraîne une politique budgétaire
restrictive. Le tableau 6.1 résume les mesures dis-
crétionnaires prises par l’État selon la conjoncture.
Figure 6.3W (modèle global traditionnel) Les stabilisateurs automatiques
Comme on peut le constater, la marge de manœuvre
pour accroître la création d’emplois, ou restrictive, dont disposent les États pour appliquer une poli-
si elle consiste à freiner la croissance économique tique budgétaire stabilisatrice n’est pas très grande.
de manière à enrayer les pressions inationnistes. Toutefois, les programmes publics existants ont eux-
Mais, concrètement, comment l’État arrive-t-il mêmes un eet stabilisant. Lorsque l’activité éco-
à ses ns ? À l’aide des deux types d’instrument nomique évolue au ralenti, des entreprises ferment
budgétaire dont il dispose : les mesures discrétion- leurs portes, ce qui fait augmenter le chômage et la
naires et les stabilisateurs automatiques. pauvreté. Cela a pour conséquence une augmenta-
tion de la demande pour les services de l’État, telles
Les mesures discrétionnaires l’assurance-emploi ou l’aide sociale, donc une crois-
Lorsqu’un État change les paramètres de son bud- sance automatique des dépenses budgétaires. Inver-
get (les sommes allouées aux diérents postes du sement, si l’économie se porte mieux, le nombre de
budget) de façon à inuer sur l’évolution de l’acti- requérants des services de l’État diminue ; il se pro-
vité économique, on dit qu’il emploie des mesures duit alors une diminution des dépenses et une aug-
discrétionnaires. Bien sûr, ce ne sont pas tous les mentation des revenus de l’État (taxes et impôts).
paramètres du budget de l’État qui peuvent être
ainsi manipulés à la discrétion des autorités, car un Mesures discrétionnaires Mesures que l’État prend
grand nombre d’éléments font l’objet de contrats. pour inuer sur l’évolution de l’activité économique.
Par exemple, le poste budgétaire le plus important
Les stabilisateurs automatiques correspondent institutions communes. Pour cette raison, on consi-
donc aux politiques et aux programmes gouverne- dère généralement que l’impôt doit être ecace,
mentaux qui sont automatiquement plus ou moins c’est-à-dire que les impôts et les taxes ne doivent pas
utilisés selon la performance de l’économie et qui avoir pour eet de réduire la taille de l’économie
ont pour eet de la stabiliser. globale (que l’on mesure le plus souvent par le PIB
réel), mais bien de l’augmenter. Or, si, par sa forme
Outre les programmes d’assurance-emploi et d’aide ou son ampleur, l’impôt décourage les agents écono-
sociale, d’autres programmes ont un rôle stabili- miques de travailler, de créer, d’investir, d’épargner,
sateur, bien que ce ne soit pas évident à première vue. de consommer, il nuira bien plus à la productivité
Le système d’enseignement public voit sa clientèle qu’il n’ajoutera au bien-être économique.
automatiquement augmenter lors des périodes de
ralentissement économique, car certaines personnes L’impôt doit aussi être équitable, c’est-à-dire que
ne trouvant pas d’emploi décident de retourner aux les agents économiques qui possèdent davantage
études. L’impôt progressif (voir la sous-section 6.3.1) devraient en principe supporter un fardeau scal
contribue aussi à stabiliser l’économie. Les barèmes plus lourd ; et les personnes qui se situent à un
de l’impôt sont tels que l’on passe à un taux d’imposi- niveau économique équivalent devraient supporter
tion plus élevé lorsque le revenu augmente. Ainsi, en à peu près le même fardeau scal. C’est pourquoi on
période de croissance économique, les personnes qui considère généralement que l’impôt sur le revenu
voient leur situation nancière s’améliorer passent doit être progressif3 : le taux marginal d’imposi-
à un taux d’imposition supérieur, ce qui permet à tion des tranches de revenu les plus élevées devrait
l’État d’augmenter ses revenus et limite d’autant les être supérieur au taux d’imposition des tranches de
dépenses privées ; cela contribue à ralentir la crois- revenu inférieures.
sance et à prévenir les poussées inationnistes. Le À titre d’exemple, le tableau 6.2 (voir la page sui-
principe s’applique inversement lorsque l’activité vante) donne les taux d’imposition prévus par
économique ralentit ; les personnes dont le revenu les barèmes provincial et fédéral au Québec pour
diminue sont imposées à un taux moindre, ce qui a l’année 2015. Dans le cas du système scal qué-
plus de chances de leur laisser les moyens de consom- bécois, la progressivité va comme suit : 16 % sur
mer et d’ainsi contribuer à relancer l’économie. les revenus imposables (revenus dont on a enlevé
l’exemption de base de 11 425 $) inférieurs à
41 935 $, 20 % sur les revenus se situant entre
6.3 Contraintes budgétaires 41 935 $ et 83 865 $, 24 % sur les revenus se
Comme tous les agents économiques, l’État (ou le situant entre 83 865 $ et 102 040 $ et 25,75 % sur
gouvernement) doit exercer sa mission et chercher les revenus excédant 102 040 $. Notons qu’il ne
à atteindre les objectifs économiques qu’on lui xe faut pas confondre le taux d’imposition moyen
tout en respectant ses limites budgétaires. Car, loin (soit l’impôt total ÷ revenu total × 100) et le taux
d’être inni, l’espace budgétaire dépend largement d’imposition marginal (taux d’imposition par
de la capacité des agents économiques privés à tranche de revenu).
payer les taxes et les impôts qui serviront à nan-
cer les programmes mis en place.
Stabilisateurs automatiques Mesures dont l’utilisa-
tion varie automatiquement selon la performance de
6.3.1 La scalité l’économie et qui ont pour effet de la stabiliser.
Recueillir des fonds du public n’est pas chose facile. Impôt progressif Taux d’imposition qui croît à
mesure que la dernière tranche de revenu augmente.
Cela repose sur un contrat social non écrit, en vertu
duquel la population accepte de payer les impor- Taux d’imposition moyen Rapport en pourcentage
de l’impôt total sur le revenu.
tantes sommes nécessaires au nancement des
Taux d’imposition marginal Pourcentage du revenu
supplémentaire consacré à l’impôt.
3. Par opposition à un impôt proportionnel, qui signie un taux d’imposition unique.
150 CHAPITRE 6
TABLEAU 6.2 Taux d’imposition selon le revenu L’importance des prélèvements obligatoires de l’État
des Québécois en 2015 nous donne une bonne idée de la part du secteur
Fiscalité provinciale Fiscalité fédérale
public dans l’économie. La gure 6.4 trace un portrait
Tranches Taux Tranches Taux
de l’évolution des recettes scales globales au Canada,
de revenu (en $) d’imposition de revenu (en $) d’imposition aux États-Unis et en Suède ainsi que la moyenne
(en %) (en %) pour les pays membres de l’OCDE de 1965 à 2013.
0 – 41 935 16 0 – 44 700 15 Dans les quatre cas, on observe une croissance de la
41 935 – 83 865 20 44 700 – 89 401 22 part du secteur public dans l’activité économique glo-
83 865 – 102 040 24 89 401 – 138 586 26 bale ; on voit aussi de très grandes diérences entre
102 040 et plus 25,75 138 586 et plus 29 ces trois pays parmi les plus industrialisés de l’OCDE.
Source : Données tirées de Revenu Québec. (2015). « Taux d’imposition » ; Le cas de la Suède est particulièrement spectacu-
Agende du revenu du Canada. (2015). « Les taux d’imposition pour les
particuliers – année courante et années passées ».
laire : de 31,4 % en 1965, la part des recettes scales a
grimpé jusqu’à atteindre 49,5 % de son PIB en 1987.
Ce qui vient compliquer ce portrait théorique, c’est La n des années 1990 marque un tournant puisque
la batterie d’exemptions et de crédits d’impôt que les recettes scales ont depuis tendance à régresser.
les diérents gouvernements ont ajoutés à la loi s- Toutefois, pour la très grande majorité des pays de
cale au cours des années pour orienter l’activité éco- l’OCDE, à l’exception notable des États-Unis où la
nomique dans une direction ou une autre, ou pour tendance est moins claire, cette présence de l’État
répartir autrement le fardeau scal. Par exemple, dans les revenus globaux demeure aujourd’hui signi-
une tendance que l’on observe depuis quelques cativement plus élevée qu’elle ne l’était en 1965.
années en Amérique du Nord est un glissement
du fardeau scal allant de l’impôt sur le revenu
(impôt perçu directement par l’État) vers les taxes Impôt sur le revenu Impôt perçu directement par l’État.
indirectes (taxes perçues par les entreprises et Taxes indirectes Taxes perçues par les entreprises
remises par la suite à l’État ; par exemple, les taxes et remises par la suite à l’État.
de ventes fédérale [TPS] et provinciale [TVQ]).
FIGURE 6.4 Évolution des recettes scales en % du PIB, Canada, États-Unis, Suède, 1965-2013
FIGURE 6.5 Courbe de Laffer – Exemple 1 FIGURE 6.6 Courbe de Laffer – Exemple 2
152 CHAPITRE 6
Si on compare les recettes scales du gouverne- qu’il constitue près de la moitié des recettes du
ment du Québec avec celles du gouvernement du gouvernement fédéral. Il en va de même pour les
Canada, on constate certaines diérences (voir les recettes provenant des impôts sur le revenu des
gures 6.7 et 6.8). L’impôt sur le revenu des parti- sociétés, 6,4 % au provincial comparativement
culiers, par exemple, représente seulement 28,1 % à 12,7 % au fédéral. Par ailleurs, une proportion
des recettes du gouvernement du Québec, alors signicative des recettes du gouvernement du
Québec, soit 19,4 %, provient des transferts
FIGURE 6.7 Répartition des revenus du gouvernement du gouvernement fédéral eectués dans le
du Québec, 2015-2016
cadre du programme de péréquation et des
contributions du gouver nement fédéral au
nancement des programmes sociaux de
compétence provinciale. Au total, ce sont
715 milliards de dollars que les diérents
paliers de gouvernement au Canada ont pré-
levés sous la forme d’impôts et de taxes de
toutes sortes pour l’année 2013, alors que ce
montant était de 641 milliards de dollars
en 2008 ; cela représente une augmentation
de 11,5 %.
Source : Données tirées de Orfali, Philippe. (22 avril 2015). « Le budget du gouvernement
fédéral 2015-2106 », Le Devoir, p. A2.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 153
FIGURE 6.9 Répartition des dépenses du gouvernement FIGURE 6.10 Répartition des dépenses du gouvernement
du Québec, 2015-2016 du Canada, 2015-2016
Source : Données tirées de Ministère des Finances du Québec. (Mars 2015). Source : Données tirées de Orfali, Philippe. (22 avril 2015). « Le budget du
« Budget 2015-2016 – Extrait : Tableaux et graphiques ». gouvernement fédéral », Le Devoir, p. A2.
Actualité économique
Les relances budgétaires efcaces
Les mesures budgétaires, telles que des deux tiers des mesures discré- l’économie en allégeant les impôts
la réduction des impôts et l’aug- tionnaires ont été des dépenses et ou en majorant les dépenses – est
mentation des dépenses, sont un le reste des réductions d’impôts. alors appropriée et que la stimula-
élément essentiel de la réaction des Les investissements en infrastruc- tion doit être forte, assez durable,
gouvernements à la crise nancière tures représentent près de la moitié diversiée […] et soutenable. […]
mondiale. Tous les pays du Groupe de la stimulation dans les écono- Cependant, dans les pays assez
mies émergentes du G-20, contre à lourdement endettés, […] les effets
des Vingt ont pris des initiatives
peu près 20 % dans les économies bénéques de l’expansion budgétaire
budgétaires pour contrecarrer la
avancées. Les allégements scaux, ont été annulés par le niveau élevé
récession déclenchée à la mi-2007 d’endettement.
par une crise nancière et bancaire notamment sur les sociétés et les
née sur le marché américain du cré- revenus personnels, sont un élément (Les économies avancées du G-20
dit immobilier. Destinées à stimuler signicatif de la relance budgétaire sont l’Allemagne, l’Australie, le
la demande globale, elles devraient dans les économies avancées. Canada, la Corée du Sud, les États-
s’élever à quelque 2 % du PIB des Unis, la France, l’Italie, le Japon et
[…] La politique budgétaire s’avère le Royaume-Uni et l’Union euro-
pays du G-20 en 2009 et à 1,6 %
particulièrement efcace pour réduire péenne. Les économies émergentes
en 2010.
la durée des récessions. On peut en sont l’Afrique du Sud, l’Arabie Saou-
[…] L’essentiel de la stimulation conclure qu’une orientation bud- dite, l’Argentine, le Brésil, la Chine,
a consisté en une majoration des gétaire fermement anticylique – l’Inde, l’Indonésie, le Mexique, la
crédits budgétaires. En 2009, plus qui contrecarre la tendance de Russie et la Turquie.)
154 CHAPITRE 6
Actualité économique
Les relances budgétaires efcaces (suite)
par les gouvernements du G-20. 5 Les auteurs précisent les condi-
À vous de jouer ! Quelles sont-elles ? tions pour qu’une relance budgé-
3 Les mesures de relance adoptées par taire donne des résultats. Quelles
1 Quelle est la distinction entre des les gouvernements sont-elles anticy- sont-elles ?
mesures budgétaires discrétion- cliques ? Pourquoi ? 6 Selon les auteurs, il semble qu’un
naires et non discrétionnaires ? 4 Quel devrait être l’effet des mesures effet d’éviction se produise pour les
2 Le texte donne deux exemples de de relance adoptées par les gouver- pays les plus lourdement endettés.
mesures discrétionnaires adoptées nements du G-20 sur leurs décits Qu’est-ce que cela signie ?
publics et sur la dette publique ?
Source : Baldacci, Emanuele et Sanjeev Gupta. (Décembre 2009). « Les relances budgétaires efcaces », Finances et développement, p. 33-37.
6.4 Décits et dette publique une nette distinction de perspective selon qu’on ana-
lyse la dette absolue à la hausse depuis 2010, et celle
Pour pouvoir appliquer leurs politiques écono- relative au PIB, à la baisse depuis cette même période.
miques, en particulier lorsque la conjoncture défa-
vorable engendre une diminution des revenus et
une augmentation des dépenses de l’État, les auto- 6.4.1 Le nancement et le paiement
rités gouvernementales doivent pouvoir recou- d’une dette
rir aux décits budgétaires et aux emprunts. Lorsque les fonds deviennent insusants pour
Un décit budgétaire survient lorsque, au cours les projets à réaliser, il faut rechercher un nance-
d’un exercice nancier (généralement un an), le ment, autrement dit, s’endetter. Financer une dette
solde budgétaire de l’État est négatif, c’est-à-dire signie prendre les moyens pour obtenir ce nan-
lorsque les dépenses globales excèdent les revenus cement, contracter une dette. Les États nancent
globaux tirés des impôts et des taxes. leur manque à gagner (décits et projets particu-
Pour nancer les décits, les États doivent emprun- liers, généralement des projets d’investissement)
ter. La dette publique totale représente la somme en émettant des obligations et des bons du Trésor
totale des engagements nanciers de l’État envers ses
créanciers, à un moment donné. De toutes les admi-
nistrations publiques canadiennes, c’est évidemment Décit budgétaire Excédent des dépenses globales
sur les revenus globaux de l’État au cours d’une
l’État fédéral qui a la dette la plus importante. Au période donnée.
31 mars 2014, la dette portant intérêt du gouverne-
ment fédéral se chirait à 889,4 milliards de dollars. Si Solde budgétaire Différence entre les revenus et les
dépenses publiques au cours d’un exercice nancier
on retranche de cette dette les actifs nanciers et non donné. Lorsque les dépenses excèdent les revenus
nanciers (tels que les terrains et les infrastructures), (solde < 0), il y a décit budgétaire. Quand les revenus
la dette fédérale résultant des décits accumulés attei- excèdent les dépenses (solde > 0), il y a surplus bud-
gnait la somme de 611,9 milliards de dollars à la n gétaire. Finalement, il y a équilibre budgétaire lorsque
mars 2014 ; cela représente 32,3 % du PIB annuel du les dépenses correspondent aux revenus (solde = 0).
Canada (c’est ce qu’on appelle le poids de la dette. Dette publique Somme totale des engagements nan-
La gure 6.12, à la page 156, présente l’évolution de ciers de l’État envers ses créanciers, à un moment donné.
la dette nette (celle que considère l’OCDE) du gou- Poids de la dette Pourcentage de la dette par rapport
vernement du Canada entre les états nanciers de au PIB.
2000-2001 et ceux de 2013-2014. Elle nous montre
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 155
(voir le chapitre 7), alors que les ménages obtiennent Une fois la dette contractée, il faut la rembourser ;
généralement leur nancement auprès d’établisse- c’est ce qu’on appelle payer une dette. Le paiement
ments nanciers. s’échelonne habituellement sur plusieurs périodes
et se fait à partir des revenus.
FIGURE 6.11 Détail de la dette publique
du gouvernement fédéral du Canada, L’État ne nance pas ses décits en empruntant
exercice nancier 2013-2014 à sa banque centrale, car, comme nous le verrons
(en milliards de $). au chapitre 7, c’est là une façon de procéder non
recommandée. Comme les agents économiques
privés, il doit passer par les marchés nanciers en
émettant des titres de nancement (obligations ou
bons du Trésor transigés par l’entremise des cour-
tiers en valeurs mobilières). La gure 6.11 illustre
la provenance des sommes constituant la dette
fédérale au 31 mars 2014.
Toutefois, une partie des engagements
nanciers de l’État ne requiert pas un nance-
ment immédiat sur les marchés nanciers ; c’est
le cas des contributions devant être versées
aux régimes de retraite, mais dont les sommes
ne sont pas exigibles immédiatement. Ces
sommes sont simplement inscrites aux
registres comptables de l’État comme montants
à payer.
Si on observe l’évolution de la dette fédérale
nette (c’est-à-dire le total de ses passifs moins le
total de ses actifs nanciers) (voir la gure 6.12
à la page suivante), on constate qu’elle perd de
l’ampleur en proportion du PIB depuis l’exercice
2000-2001 (une baisse de 20,2 points de pour-
centage [52,1%-31,9 %]) et en valeur absolue.
Toutefois, cette tendance semble s’être inver-
sée depuis le 27 janvier 2009, quand le
regretté ministre des Finances, Jim Flaherty, a
déposé un budget contenant des mesures dis-
crétionnaires interventionnistes de l’ordre de
23 milliards de dollars pour lutter contre la
récession. Résultat : entre 2008 et 2014, la dette
publique nette du gouvernement fédéral canadien
a bondi de 166 milliards de dollars en valeur
absolue (passant de 516,3 G$ à 682,3 G$) ; tou-
tefois, en proportion du PIB, elle s’est maintenue
autour de 37 %.
Pour comparer la situation nancière du Canada
avec les autres économies industrialisées, il faut tenir
Source : Données tirées de Ministère des Finances du Canada. (2014). « Tableaux
compte de l’ensemble des administrations publiques
de références nanciers – Octobre 2014 ». du pays (les trois paliers de gouvernement, fédéral,
156 CHAPITRE 6
FIGURE 6.12 Évolution de la dette nette du gouvernement fédéral, Canada, de 2000-2001 à 2013-2014
Source : Données tirées de Ministère des Finances du Canada. (2014). « Tableaux de références nanciers – Octobre 2014 ».
provincial et municipal). La gure 6.13 illustre le On comprend bien qu’il ne s’agit pas de s’endet-
poids de la dette (des engagements nanciers nets ter pour s’endetter. S’endetter pour acheter des
des administrations publiques) dans la zone de armes, des votes ou des châteaux luxueux, comme
l’OCDE. En 2014, les pays les plus endettés du monde cela s’est déjà vu dans de nombreux pays, risque
industrialisé sont le Japon, la Grèce et l’Italie, avec davantage de détruire les bases de la société, de
un pourcentage de la dette publique par rapport au l’assiette scale et, par conséquent, la capacité
PIB qui dépasse les 100 %. Quant à future de remboursement plutôt que de favoriser
OCDE
lui, le Canada se classe, sur les l’essor de l’activité économique.
34 pays que compte l’OCDE, au quinzième rang avec
un taux de 40,9 %.
6.4.3 Les désavantages
de l’endettement public
6.4.2 Les avantages
S’endetter consiste à remettre à plus tard le paie-
de l’endettement public ment des dépenses faites aujourd’hui. Or, l’État,
Il peut y avoir des avantages à s’endetter. Vous êtes comme l’agent économique privé, doit pouvoir
sceptique ? S’endetter signie utiliser les ressources eectuer ses paiements et il a besoin pour cela
nancières mises de côté par certains agents écono- de l’argent provenant des impôts et des taxes. Ce
miques pour les rendre productives et ainsi amélio- sont donc les contribuables de demain qui devront
rer le niveau de vie. Par exemple, un État qui s’endette
pour bâtir un réseau routier de qualité favorise le
développement d’activités économiques nouvelles Assiette scale Total des revenus et des transactions
qui lui permettront d’élargir son assiette scale à partir desquels l’État récolte les impôts et taxes.
et donc de rembourser ses dettes dans l’avenir.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET FINANCES PUBLIQUES 157
FIGURE 6.13 Dette publique nette de dix pays membres de l’OCDE, en 2014 l’État sur la demande globale
est donc amoindri, sinon nul,
voire, dans le pire des scé-
narios, contraire à l’objectif
poursuivi.
L’endettement public dimi-
nue aussi la marge de
manœuvre des gouverne-
ments dans leur planica-
tion budgétaire annuelle.
Chaque année, il doivent
rembourser une partie de
la dette échue et les intérêts
courants dus aux créan-
ciers. Plus ce service de la
dette est important, moins
il reste de ressources nan-
Source : Données tirées de OCDE. (2015). « Perspectives économiques – Annexe statistique ». cières pour les programmes
sociaux. Lorsque la dette est
contractée à l’étranger, on
faire les sacrices nécessaires pour rembourser est aussi soumis aux risques des variations du taux
les dettes contractées aujourd’hui, ce qui pose un de change de la monnaie nationale ; dans certains
problème d’équité entre les générations. De plus, cas, une dépréciation de la monnaie augmente
toutes les ressources qui devront servir à rem- considérablement le service de la dette.
bourser une dette devenue énorme ne pourront
évidemment pas être employées à d’autres ns, ce Il n’existe pas de consensus clair sur l’existence
qui risque de paralyser l’activité économique de ces d’un niveau universel souhaitable de l’e ndette-
futures générations. Il est donc clair que l’État ne ment, même si, dans de nombreux cas, on a éta-
devrait pas s’endetter au-delà d’une certaine limite. bli des barèmes pour juger de l’e ndettement des
agents économiques, des familles ou des entre-
Lorsque l’État alourdit considérablement le fardeau prises 4. En fait, juger de la pertinence d’une dette
scal en dépensant inconsidérément et en s’endet- relève de la subjectivité. Alors, place aux débats !
tant outre mesure, cela pourrait avoir comme consé- D’un côté, le Japon a une dette publique nette qui
quence d’évincer le secteur privé et donc d’annuler frôle les 150 % de son PIB annuel, mais cela lui a
les eets recherchés. On appelle ce phénomène eet permis de passer, depuis la Seconde Guerre mon-
d’éviction. Si l’endettement de l’État atteint des pro- diale, d’un niveau de sous-développement généra-
portions démesurées en période de dicultés écono- lisé à un niveau d’industrialisation parmi les plus
miques, il entre alors en concurrence avec le secteur
privé pour l’utilisation de l’épargne, laquelle se fait
plus rare étant donné le ralentissement économique.
La pression nancière de l’État crée une pression à Effet d’éviction Diminution des dépenses de consom-
mation et d’investissement du secteur privé causée
la hausse sur les taux d’intérêt pratiqués au pays, ce par la poussée des taux d’intérêt, résultant d’une
qui décourage les investisseurs privés d’entreprendre expansion scale nancée par un accroissement des
des projets majeurs propres à sortir l’économie de sa emprunts de l’État.
situation défavorable. L’eet net de l’endettement de
4. À titre d’exemple, lorsqu’elles accordent un prêt pour l’achat d’une maison, les banques considèrent généralement que le montant consacré au remboursement
du capital et des intérêts ne doit pas dépasser le tiers du revenu brut du ménage pour une période donnée.
158 CHAPITRE 6
élevés de la planète. D’un autre côté, les États-Unis peut empêcher d’eectuer les dépenses cou-
ont maintenu un niveau de croissance très élevé rantes essentielles. C’est la même chose pour
pendant la même période avec un endettement un gouvernement.
public beaucoup plus modéré. Pour l’adhésion à ● Le niveau d’endettement doit permettre un heu-
la monnaie unique, soit l’euro, on a xé le plafond
d’endettement souhaitable à 60 % du PIB annuel. reux compromis entre le présent et l’avenir. Il est
généralement assez sage de penser au lendemain,
On peut néanmoins retenir certaines balises pour mais il faut quand même manger tous les jours.
l’analyse de l’endettement public. Rembourser une dette revient à sacrier le présent
pour privilégier l’avenir. Mais vaut-il la peine de se
● On ne s’endette pas pour l’épicerie (les dépenses sacrier pendant 30 ans pour connaître 20 ans
courantes), mais seulement pour des actifs qui d’allégresse en n de vie ? Voilà une question que
serviront pendant une assez longue période. Cela se posent encore souvent les agents économiques
signie qu’une famille ne devrait pas s’endetter
lorsqu’ils ont à prendre des décisions dans la
pour acquérir des produits et services d’utilisa- vie quotidienne.
tion courante (nourriture, vêtements, essence,
logement), mais pour une auto qui sert au tra-
vail, les études des enfants, la maison. Un État ne
devrait pas s’endetter pour payer ses employés, 6.5 Le Québec et l’austérité
mais plutôt pour développer les infrastructures En 2015, un nouveau terme a fait son apparition
du pays : réseaux d’égout et d’aqueduc, écoles. dans l’actualité économique et sociale du Québec :
● Le niveau d’endettement doit être compatible l’« austérité ». Il n’existe pas vraiment en science
avec un service de la dette qui ne grève pas tout le
budget annuel de fonctionnement. Par exemple, Austérité Orientation budgétaire générale d’un
pour une famille, si les paiements mensuels pour gouvernement vers la prudence et donc l’équilibre
rembourser les dettes prennent une part trop budgétaire.
importante de son revenu, cet endettement
FIGURE 6.14 Évolution de la dette nette des provinces et territoires canadiens, de 2008 à 2014
Source : Adapté de Institut de la statistique du Québec. (8 février 2016). « Les nances publiques », p. 70.
160 CHAPITRE 6
choisi de se doter de programmes sociaux uniques des centres hospitaliers universitaires, réseaux
au Canada et en Amérique du Nord (par exemple, d’égout et d’aqueduc, ponts et routes, etc.) et des
les centres de la petite enfance) et d’infrastructures services sociaux (santé, CPE, organismes commu-
(par exemple, Télé-Québec) qui expliquent son haut nautaires, etc.) de qualité et accessibles à tous. Selon
niveau d’endettement. Les frais annuels découlant eux, à trop vouloir assainir les nances publiques
de ces dettes occupaient 10,5 % des dépenses du par des coupures de dépenses, on risque de précipi-
gouvernement du Québec en 2015-2016 (voir la ter l’économie du Québec en récession.
gure 6.9 à la page 153). Certains croient que cela a
atteint un niveau contre-productif et qu’on devrait Encore une fois, avec le débat, on peut suppo-
mettre un frein à cette croissance de l’endettement ser qu’émergent les décisions les plus judicieuses :
public. De même, les Québécois semblent réticents revoir les dépenses publiques et maintenir celles qui
à supporter les impôts qui vont avec ces choix nous apparaissent les plus justiées, notamment
sociaux. D’un autre côté, d’autres défendent un cer- celles pour des programmes sociaux de qualité qui
tain maintien de l’endettement public permettant contribuent à la force de la société québécoise dans
de maintenir des infrastructures (reconstruction l’environnement compétitif de l’Amérique du Nord.
En un clin d’œil
Structure Objectifs
Caractéristiques • Gestion efcace des ressources.
fondamentales d’un • Répartition adéquate des revenus
système économique. et de la richesse.
Niveaux
d’intervention
Conjoncture
Caractéristiques particulières Objectif
d’un système économique au Stabilité des échanges.
cours d’une période donnée.
État
Lois
Nationalisation
Remplacement de l’entreprise privée par l’État dans un secteur d’activité.
Expansionniste
En période de ralentissement ou de récession.
Orientation
Restrictive
En période de croissance.
Politique
budgétaire
conjoncturelle
Mesures discrétionnaires
Mesures que l’État prend pour inuer sur l’évolution
de l’activité économique.
Instruments
Stabilisateurs automatiques
Mesures qui changent automatiquement selon la performance
de l’économie et qui ont pour effet de la stabiliser.
162 CHAPITRE 6
Fiscalité
Les impôts et taxes des gouvernements
Contraintes
budgétaires
Dépenses
Dépenses des programmes gouvernementaux
et service de la dette.
Décit budgétaire
Excédent des dépenses globales sur
les revenus globaux de l’État.
Avantage
Décits et Amélioration structurelle et conjoncturelle
dette publique de l’économie.
Dette publique
Somme totale des engagements
nanciers de l’État envers
ses créanciers. Inconvénients
• Effet d’éviction : diminution possible
des dépenses de consommation et
d’investissement.
• Problèmes d’équité intergénérationnelle.
5. Ministère des nances du Canada. (6 octobre 2014). « Rapport nancier annuel du gouvernement du Canada, Exercice 2013-1014 ».
164 CHAPITRE 6
16 « Si le Parti libéral du Canada prend le pouvoir toujours une lourde dette publique équivalant à plus
à Ottawa, les Québécois qui gagnent plus de de deux fois (226 %) la taille de l’économie7. »
200 000 $ verront leur taux d’impôt marginal a) En lisant ce texte, quelle politique budgétaire peut-
grimper à 53 %, au-dessus du seuil “psychologique” on supposer que le Japon a utilisé depuis 1997 ?
de 50 %. Est-il si grave de dépasser le fameux b) Expliquez et représentez graphiquement les
seuil de 50 % d’impôt ? Pourquoi pas 51 %, 52 % eets réels de la politique budgétaire du Japon
ou davantage ? À 53 % au Canada, on serait loin du sur son économie globale.
75 % [sic] de la France. Les contribuables feraient-ils
leurs bagages ? Pas nécessairement. Mais plusieurs c) Lisez l’article « Japon : quand le premier ministre
risquent de redoubler d’imagination pour réduire joue au golf pour relancer l’économie », et dites
leur fardeau scal. Les comptables et les scalistes quelle politique économique le premier ministre
ne manquent pas d’imagination6. » À quelle théorie du Japon a suggérée aux grands de l’indus-
ce texte fait-il référence ? Justiez votre réponse. trie nippone.
17 L’économie du Burdistan a connu des dicultés d) Selon vous, pourquoi le premier ministre
au cours de l’année qui vient de s’écouler. Le PIB Japonais a pris cette initiative ?
réel a diminué pour le sixième trimestre consécu- 19 Quand il est question des orientations budgétaires
tif, tandis que le taux de chômage a gagné deux d’un gouvernement dans l’actualité, il arrive fré-
points, pour s’établir à 11,5 %. Ce ralentissement quemment qu’on l’associe avec l’austérité.
n’a pas été susant pour freiner la hausse des prix, a) Qu’est-ce qu’une politique d’austérité ?
alors que le taux d’ination se maintenait à 5,4 %.
Pendant ce temps, les autorités gouvernementales b) Quel est son l’objectif ?
devaient faire face à une lourde dette, puisque c) Pourquoi certains décideurs politiques pensent-
celle-ci a atteint 82 % du PIB du pays au cours de ils que des mesures d’austérité peuvent pré-
l’année qui vient de s’écouler. cipiter le Québec en récession ? Justiez
a) Quelle politique budgétaire pourriez-vous sug- votre réponse à l’aide du modèle de l’ore et
gérer au gouvernement du Burdistan ? la demande.
b) Expliquez et représentez graphiquement les d) À votre avis, le Québec vit-il à l’heure de l’austérité ?
eets que devrait avoir votre suggestion de
politique budgétaire sur l’économie globale du
Burdistan. Question d’intégration
c) À quelles dicultés les autorités gouvernemen-
tales devraient-elles s’attendre lors de l’application Le chapitre 6 présente les grands éléments de la poli-
de votre politique économique ? tique budgétaire d’un gouvernement pouvant inuer
sur l’évolution de l’économie globale réelle. Au cha-
d) Quels outils de la politique économique struc-
pitre 1, nous avons vu qu’au cours des deux derniers
turelle pourraient appuyer votre politique
siècles diérents courants de pensée ont préconisé des
budgétaire et en accroître l’ecacité ?
orientations originales à donner à la vie économique
18 « Le pays se relève péniblement de sa sixième réces- d’une société. En passant en revue ces courants de
sion depuis 1997. La consommation des ménages est pensée, imaginez ce qu’ils pouvaient suggérer de faire
en panne. Et si la déation menace de revenir dans avec la politique budgétaire d’un pays (imaginez les
le paysage après un dur combat de 10 ans pour l’éloi- mesures concrètes qu’auraient suggérés les classiques,
gner, le Japon et sa population vieillissante portent les marxistes, les keynésiens, les néolibéraux).
Laboratoire informatique
1 An de connaître les plus récentes données sur c) Quelle est la source des dépenses qui a connu la
l’état des nances du gouvernement fédéral, plus forte augmentation ? Aide : voir la dernière
consultez le site du ministère des Finances du colonne du tableau portant sur les charges.
Canada. Une fois sur le site, cliquez sur le lien
« Publications et rapports » situé en haut de l’écran, 2 Toujours dans le site du ministère des Finances
puis choisissez « La revue nancière » et « Les résul- du Canada, consultez « Les résultats nanciers [du
tats nanciers [du mois de l’année la plus récente] ». mois de l’année la plus récente] », voir au numéro 1
Enn, déplacez le curseur vers le bas pour obtenir la marche à suivre pour y accéder.
les tableaux relatifs aux résultats nanciers du a) Mettez à jour les données des gures 6.8 et 6.10
gouvernement fédéral. aux pages 152-153.
a) Commentez le solde budgétaire du gouver- b) Notez-vous des changements dans les don-
nement du Canada pour l’exercice nancier nées relatives aux divers postes de revenus de
en cours. dépenses ?
b) Quelle est la source de revenu qui a connu la
plus forte augmentation ? Aide : voir la dernière
colonne du tableau portant sur les revenus.
MONNAIE
CHAPITRE
7 ET POLITIQUE
MONÉTAIRE
u’est-ce qui fait à la fois courir et râler tout le monde ? Beaucoup de réponses
Q sont sans doute possibles, mais s’il en est une qui fait l’unanimité, c’est
bien l’argent ! Dès l’enfance, on apprend qu’il faut de l’argent pour se
procurer les gâteries ou les jouets que l’on convoite. On imagine alors
ses parents comme une banque inépuisable dont on peut obtenir de l’argent
en usant de charme ou de pleurs. Plus tard, cependant, on comprend qu’il faut
normalement travailler fort pour en gagner.
L’argent, on l’aura vite compris, est une chose rare, tout comme les biens et
les ressources. Mais à quoi sert-il exactement ? Essayons d’imaginer un monde
où il n’y en aurait pas. Que se passerait-il ? Eh bien, nous n’aurions d’autre
possibilité que de produire nous-mêmes ce dont nous avons besoin, c’est-à-dire
être autosufsants, ou d’échanger le fruit de notre production contre celui des
autres, ce qu’on appelle « faire du troc ». Pour les nostalgiques de la société
artisanale ou les apôtres de la simplicité volontaire, ce type de société doit
sembler bien attrayant. Toutefois, le problème de l’autosufsance ou du troc,
c’est qu’ils réduisent considérablement l’efcacité : l’absence de spécialisation
des travailleurs ou même une spécialisation limitée comportent un coût d’option
qui se traduit par une disponibilité globale moindre de biens et de services. En
fait, même pour les adeptes de la simplicité volontaire, l’efcacité que permet
l’argent présente un avantage : cela laisse plus de temps pour les activités
d’épanouissement humain.
Dans ce chapitre, nous nous pencherons d’abord sur la monnaie et son utilité,
puis nous décrirons le fonctionnement du système bancaire canadien. Par la
suite, nous verrons comment l’État, par des politiques monétaires, peut encore
agir sur l’économie.
168 CHAPITRE 7
Il peut sembler facile, à première vue, de mesurer la TABLEAU 7.1 Offre de monnaie au Canada : les
quantité de monnaie présente à un moment donné dénitions les plus courantes, mars 2015
dans l’économie. En eet, si on suit la démarche pré- Moyenne
sentée au chapitre 3 au sujet du PIB, on n’aurait qu’à Dénitions annuelle
(en millions de $)
mesurer la valeur totale des pièces et des billets en
circulation (chose facile, puisqu’ils passent par les Monnaie hors banque 70 105
établissements nanciers) et à ajouter la valeur des Dépôts des particuliers transférables
233 554
par chèque
dépôts dans ces mêmes établissements. En réalité,
cependant, étant donné la multiplication des titres Dépôts des particuliers non transférables
277 164
par chèque
nanciers et des entreprises reliées de près ou de loin
au marché monétaire, il devient même dicile de Dépôts des particuliers à terme xe 311 418
trouver une dénition satisfaisante de la monnaie, Dépôts à vue et à préavis autres que ceux
388 633
des particuliers transférables par chèque
c’est-à-dire de déterminer ce qu’on devrait compter
comme faisant partie de la masse monétaire. Dépôts à vue et à préavis autres que
ceux des particuliers non transférables 40 180
par chèque
À l’heure actuelle, les autorités canadiennes
retiennent un grand nombre de dénitions de la Ajustements –2 621
monnaie, selon les titres nanciers qu’on y inclut. Total M2 (brut) 1 315 245
Pour les ns de cet ouvrage, nous en avons retenu Total M2 (brut) 1 315 245
deux : M2 (brut) et M2+ (brut), dont nous retrou-
Dépôts des sociétés de ducie
vons les composantes au tableau 7.1. La dénition ou de prêt hypothécaire
25 104
la plus étroite de la monnaie est donc celle qui com-
Caisses populaires et
prend les formes de monnaie les plus utilisées dans 268 269
coopératives d’épargne et de crédit
la vie courante, c’est-à-dire la monnaie duciaire Compagnies d’assurance vie
41 548
(le numéraire hors banque) et les dépôts à vue, (rentes individuelles)
dépôts à partir desquels on peut généralement Dépôts des particuliers aux caisses
12 613
eectuer des retraits sans préavis. d’épargne publiques
Fonds communs de placements
Sa dénition la plus large, M2+ (brut), comprend 21 925
du marché monétaire
la valeur de la monnaie accumulée sous forme de
Ajustements 3 399
dépôts divers dans toutes sortes d’établissements
Total M2+ (brut) 1 688 102
nanciers et du numéraire hors banque. M2+ s’éle-
vait à près de 1700 milliards de dollars au mois de Note : Les données du tableau étant désaisonnalisées, les totaux peuvent différer.
mars 2015. Or, cette même année, le PIB nominal du Source : Données tirées de Banque du Canada. (12 juin 2015). «Bulletin hebdoma
daire de statistiques nancières», p. 1112.
Canada devrait s’approcher des 2000 milliards de
dollars. La valeur des transactions nales annuelles avec cette réserve de valeur. Malgré tout, la déni-
dépasse donc la valeur totale de la monnaie pré- tion la plus couramment utilisée pour mesurer la
sente dans l’économie. On en déduit alors que la valeur de la monnaie présente dans l’économie est
même monnaie peut servir à eectuer plus d’une M2 (brut). Selon cette dénition, il y avait plus de
transaction au cours d’une année ; c’est pourquoi 1300 milliards de dollars accumulés dans l’écono-
on dit que la monnaie circule (alors que l’écono- mie en 2015 sous forme de pièces et de billets, ou
mie roule !). Évidemment, ce ne sont pas toutes les de dépôts relativement « liquides ».
valeurs monétaires qui circulent au même rythme.
Les dépôts à terme, comme leur nom l’indique, Dépôt à vue Dépôt à partir duquel on peut générale
peuvent être retirés sans pénalité seulement à la ment effectuer des retraits sans préavis.
n du terme prévu, qui s’échelonne parfois sur Dépôt à terme Dépôt pouvant être retiré sans péna
plus d’une année, ce qui limite considérablement lité seulement à la n du terme prévu.
le nombre de transactions pouvant être eectuées
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 171
prêts, etc. (voir la gure 7.1). Ce processus pourrait monnaie qu’ils désirent détenir ou leur préférence
se répéter à l’inni, si ce n’était que les établisse- pour des actifs autres que nanciers, etc.
ments ne peuvent prêter la totalité du montant
initial en raison des réserves qu’ils maintiennent
pour parer aux éventuels retraits de la part des 7.2 Système nancier
épargnants, an de ne pas être à court de liquidi-
tés, car cela minerait la conance de leurs clients. canadien
La multiplication monétaire se fait donc de façon Comme la monnaie est composée très majoritaire-
inversement proportionnelle aux réserves déte- ment d’écritures qui possèdent un caractère intan-
nues, ce que l’on peut résumer par la formule
gible, tout repose sur la qualité de ces écritures (la
simple suivante :
solvabilité des transactions nancières et écono-
miques) et donc sur les acteurs du marché nan-
MM = 1 cier. Avec les années, comme dans de nombreux
R
secteurs de la vie économique, l’ore de produits
où R = taux de réserve des banques et autres éta- monétaires et nanciers s’est grandement diversi-
blissements de prêts ée. Pour ce marché également, on peut se deman-
der si l’ore de produits crée de nouveaux besoins
et MM1 = multiplicateur monétaire (voir l’ap- et donc une demande, ou si la diversication pro-
pendice mathématique à la page 190). vient des besoins exprimés par les agents écono-
Par exemple, à partir d’un prêt initial de 1000 $ miques. La réponse la plus probable pour résoudre
garanti par un actif réel (par exemple, un terrain, ce vieux dilemme serait que les deux segments du
une entreprise ou une maison), si on suppose que marché ont eu une inuence sur cette évolution.
les établissements prêteurs gardent des réserves Traditionnellement, pour des raisons de sécurité
équivalant à 5 % des dépôts reçus du public, la créa- du système, le secteur des services nanciers était
tion maximale de la monnaie s’élèverait à 20 000 $, cloisonné hermétiquement par une réglementa-
le montant initial étant multiplié par 20 ( 1 ). tion en quatre divisions bien étanches :
0,05
La création de la monnaie se fait au rythme de ● les banques à charte fédérale, qui agissent
l’activité économique. En n de compte, ce sont comme intermédiaires nanciers en recevant les
les agents économiques qui dictent la vitesse à dépôts et en eectuant des prêts ;
laquelle elle s’eectue, selon leur désir d’emprun-
ter ou de garder un montant plus ou moins élevé ● les sociétés d’assurance, qui assument des risques
en numéraire hors banque, selon la forme de contre rémunération ;
● les sociétés de ducie qui, comme leur nom l’in-
FIGURE 7.1 Création de la monnaie au rythme dique, sont les duciaires des sommes mises à
de l’activité économique leur disposition, c’est-à-dire qu’elles reçoivent le
1. Nous utilisons le symbole « MM » pour distinguer le multiplicateur monétaire du multiplicateur keynésien des dépenses des agents économiques dont nous avons
parlé au chapitre 5.
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 173
mandat de gérer des actifs nanciers au nom de TABLEAU 7.2 Total des actifs des six grandes banques
tierces personnes ; canadiennes et du Mouvement
des caisses Desjardins, 2015
● les courtiers en valeurs mobilières spéciali- Fournisseurs Actif
sés dans le marché des actions, des obliga- de services nanciers (en milliards de $)
tions et des autres produits nanciers (voir la
Banque TD 944,7
section 7.1.4).
RBC 940,5
À la suite des déréglementations entreprises
au cours des années 1980, un grand branle-bas Banque Scotia 805,7
s’est emparé de ce secteur, de sorte qu’une même BMO Groupe nancier 633,0
entreprise peut aujourd’hui orir des produits
Banque CIBC 439,2
nanciers dans l’une ou l’autre des divisions qui
existaient auparavant. Cela a donné lieu à la nais- Desjardins (Mouvement des caisses) 229,4
sance de géants nanciers ayant des actifs impres-
Banque Nationale du Canada 205,4
sionnants et à l’arrivée de nouveaux acteurs. Pour
donner une petite idée de la vitalité et de la diver- Source : Données tirées de Les Affaires.com. « Les 500 au Québec – Le
classement des plus importantes sociétés québécoises en 2015 ».
sité du secteur des services nanciers, voici le
décompte eectué par l’A ssociation des banquiers - les acceptations bancaires (billet d’emprunt
canadiens en 2015 : garanti par une banque),
● 6 grandes banques canadiennes ; - le papier commercial (billet d’emprunt
des grandes entreprises non garanti par
● plus de 80 banques canadiennes et étrangères dont
une banque),
la moitié orent des services au consommateur ;
- les dépôts des banques (certicat de place-
● 24 liales de banques étrangères ; ment garanti).
● 35 sociétés de ducie ; ● Les produits nanciers de long terme du marché
● 90 compagnies d’assurance-vie ; des capitaux :
- les obligations d’entreprise ou des gouverne-
● 900 coopératives de crédit et caisses populaires ; ments (titres d’emprunt portant un intérêt
● un éventail d’organismes nanciers relevant de xe – coupon – remboursés à échéance),
la réglementation fédérale ou provinciale (cour- - les actions des entreprises (titres de propriété
tiers en valeurs mobilières, sociétés de fonds dont on peut tirer un revenu, le dividende),
d’investissement, gestionnaires de régimes de - les produits nanciers dérivés d’autres produits
retraite, courtiers indépendants en nances, en nanciers (options de vente ou d’achat de ces
dépôts et en hypothèques). produits à prix déterminé dans un temps déter-
Le tableau 7.2 donne pour sa part un bref aperçu miné pour se prémunir contre le risque des
des actifs des grands acteurs de l’industrie des ser- variations de prix).
vices nanciers au Canada. Ces produits nanciers sont appelés « valeurs
Comme c’est le cas pour bien d’autres secteurs mobilières » par opposition au marché de l’immo-
de l’activité économique, ces acteurs du domaine bilier. Bien sûr, il existe une multitude d’autres
nancier orent des produits qui se sont diversi- produits nanciers comme les cartes de crédit à
és au cours des années. Ces derniers comprennent la consommation, les prêts hypothécaires à l’habi-
deux catégories. tation ou commerciaux (emprunts comportant
un immeuble en garantie), le crédit-bail (emprunt
● Les produits de court terme du marché monétaire : pour la location d’équipements), les assurances
- les bons du Trésor du gouvernement fédéral, contre les risques divers, etc.
174 CHAPITRE 7
En principe, les acteurs nanciers développent FIGURE 7.2 Offre et demande de monnaie
des produits qui favorisent le nancement de pro- de long terme
jets, encourageant ainsi le développement écono-
mique et social. Toutefois, le bouillonnement
d’activités dans le secteur des services nanciers
nous amène à nous demander si le pouvoir que
détiennent les grands groupes ainsi créés ne fra-
gilise pas l’édice monétaire. Ce dernier, on le
sait, repose essentiellement sur la conance des
gens envers les acteurs du domaine, et les scan-
dales survenus récemment aux États-Unis, où de
grands groupes industriels furent accusés d’avoir
traqué les états nanciers de leurs entreprises,
laissent redouter le pire.
Le développement de produits nanciers très
risqués fragilise aussi tout le système. On en a
eu un exemple à l’été 2007 avec la débâcle des
subprimes. Ces papiers commerciaux adossés à
des actifs (PCAA) ont créé une importante crise
de liquidités des systèmes nanciers à l’échelle pays sur une longue période (long terme). En fait,
mondiale et ont obligé les grandes banques cen- il n’existe pas seulement un taux d’intérêt, mais
trales à intervenir pour éviter de graves réper- plusieurs variant selon le type de produit nan-
cussions économiques négatives (voir la section cier ; on parle alors de la structure des taux d’inté-
de ce chapitre « Les interventions sur le marché rêt (voir le tableau 7.3). Lorsque les taux montent
monétaire » à la page 178). En eet, la faillite d’un ou descendent, chaque taux garde habituelle-
acteur géant du secteur se répercuterait probable- ment sa position par rapport aux autres dans
ment sur tous les aspects de la vie économique. cette structure.
D’où l’importance de mettre en place des méca-
On arme trop souvent à tort que c’est la banque
nismes de surveillance ecaces et continuels,
centrale qui xe les taux d’intérêt au pays. Le pou-
de façon à prévenir les dérapages. C’est le rôle de
voir de la banque centrale se résume à exercer une
tous les acteurs économiques d’eectuer cette
inuence indirecte, quoique déterminante, sur le
surveillance, mais plus particulièrement celui des
marché monétaire. On peut d’ailleurs lire ce qui
organismes mandatés pour le faire. Au Canada,
suit dans les documents que la Banque du Canada
l’encadrement des activités monétaires et nan-
rend accessibles au grand public pour bien faire
cières est assuré principalement par la Banque
comprendre le but fondamental de ses actions :
du Canada.
« Certains peuvent s’interroger sur la raison
7.2.1 Le marché de la monnaie pour laquelle la Banque du Canada ne peut
accroître ou diminuer à volonté l’ore de
Si la monnaie est un bien, il doit exister un mar-
monnaie, dans la mesure où elle règle l’ore
ché pour ce bien. Comme tous les autres marchés,
de papier-monnaie en circulation.
le marché de la monnaie comporte des oreurs
et des demandeurs de monnaie. Les oreurs de
monnaie sont les épargnants qui possèdent les dif-
Subprime Terme anglais qui s’oppose à prime rate
férents comptes bancaires, et les demandeurs, les (taux de premier rang que les banques offrent aux
personnes qui utilisent ces fonds, c’est-à-dire les meilleurs clients). Les subprime sont des taux plus éle-
emprunteurs (voir la gure 7.2). C’est ce marché vés consentis à des clients jugés à très grand risque.
fondamental qui détermine les taux d’intérêt au
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 175
TABLEAU 7.3 Structure des taux d’intérêt au Canada, centrale sur les marchés nanciers et à quels objec-
août 2015 tifs elle répond. Ces objectifs et les mesures prises
Taux annuel sont dénis dans la politique monétaire de la
Taux d’intérêt
(en %) Banque du Canada.
Taux d’escompte ofciel (taux cible du
0,75
nancement à un jour + 0,25 %)
Fourchette opérationnelle 7.2.2 Le rôle de la Banque du Canada
Bas (taux de rémunération des dépôts) 0,25
Haut (taux d’escompte ofciel) 0,75 Créée en 1935 par le gouvernement fédéral, la
Taux cible du nancement à un jour 0,50 Banque du Canada est l’organisme indépendant
Taux de base des prêts aux entreprises 2,70 chargé d’encadrer le système monétaire et nan-
Taux hypothécaires cier du pays. Comme la monnaie et ses dérivés rem-
1 an 2,89 plissent une fonction essentielle à la bonne marche
5 ans 4,64
de la vie économique, son rôle a une importance
Dépôts d’épargne non transférables par chèque 0,05
capitale. L’intervention de la Banque du Canada
Certicats de placement garantis
1 an 0,73
dans le système monétaire et nancier comporte
5 ans 1,50 quatre aspects.
Bons du Trésor
1 mois 0,37 ● Contrôle de la monnaie duciaire. La Banque est
1 an 0,41 responsable de l’émission des billets de banque
Rendements d’obligations canadiens. Elle voit à leur conception, à la dis-
du gouvernement canadien
2 ans 0,37 tribution des billets neufs ainsi qu’au remplace-
10 ans 1,31 ment des billets endommagés. Ses numéraires
À long terme 2,05
sont introduits dans le marché nancier par un
Source : Données tirées de Banque du Canada. (21 août 2015). « Bulletin système d’échange et d’écriture comptables :
hebdomadaire de statistiques nancières », p. 8.
les établissements nanciers autorisés achètent
à la banque centrale ces numéraires selon les
Si la Banque ne le peut pas, c’est que les billets besoins exprimés par leurs clients pour ce type
de banque qu’elle émet ne représentent qu’une de monnaie.
petite fraction de l’ensemble de la monnaie
circulant dans l’économie à un moment ● Encadrement du système nancier. La Banque
donné. […] Les banques commerciales et veille à l’application de la réglementation du
autres institutions nancières créent la plus
grande partie des actifs servant de monnaie La Banque du Canada est chargée d’encadrer le système
en octroyant des prêts aux particuliers et aux monétaire et nancier du pays.
entreprises. En ce sens, les institutions nan-
cières sont créatrices de monnaie.
La Banque du Canada règle indirectement le
taux d’expansion monétaire par l’inuence
qu’elle exerce sur les taux à court terme ou
par la fourniture de réserves aux grandes
institutions de dépôt. Toute variation de ces
taux d’intérêt à court terme aura tendance à
se répercuter sur d’autres taux d’intérêt [...]2. »
On peut alors se demander comment, dans les
faits, s’exerce cette inuence indirecte de la banque
système nancier. Il lui revient aussi d’inciter le ou la pénurie de ressources dans le domaine de la
public à adopter des comportements favorisant santé. Selon la plupart des économistes, les auto-
le maintien d’un système nancier de qualité rités monétaires doivent privilégier l’objectif de
(voir la sous-section « La persuasion morale » à la stabilité des prix (ce qui revient à maintenir un
la page suivante). taux d’ination modéré), alors qu’il revient aux
autres composantes de l’appareil gouvernemental
● Financement de la dette de l’État. La Banque du de viser l’atteinte des autres objectifs économi-
Canada joue le rôle d’agent nancier de l’État ques cruciaux.
fédéral. À ce titre, elle procède à la vente et au
rachat des obligations et des bons du Trésor ser-
vant à nancer la dette fédérale. 7.3.1 La fourchette cible de maîtrise
de l’ination
● Application de la politique monétaire. En accord
avec le gouvernement fédéral et surtout avec le Contrairement à beaucoup d’autres pays du
ministère des Finances, la Banque voit à la mise monde, le Canada n’a pas connu un grand
nombre de périodes inationnistes au cours du
en œuvre des objectifs généraux touchant la
dernier siècle. Ce n’est à peu près qu’au milieu des
croissance de l’ore de monnaie au pays.
années 1970 et au début des années 1980 que le
Ce dernier rôle de la banque centrale relève de la taux d’ination est devenu préoccupant, ayant
politique économique et a donc une incidence sur atteint, à la suite des deux crises pétrolières
le fonctionnement de l’économie globale. mondiales, un niveau maximal frôlant les 12 %.
Et cela peut sembler bien dérisoire quand on
pense que d’autres pays ont connu des taux d’in-
7.3 Politique monétaire ation annuels ayant parfois atteint 10 000 % !
De telles ambées des prix ont un coût écono-
canadienne mique et social areusement lourd qu’il convient
Par sa politique monétaire, l’État canadien éta- de prévenir… à tout prix. Il a fallu au Canada
blit des grands principes d’orientation en ce qui presque deux décennies pour revenir à un taux
concerne le secteur monétaire et nancier de l’éco- d’ination plus modéré, comme celui que nous
nomie, et il a élaboré au l des ans des moyens connaissons au début du troisième millénaire.
pour atteindre ses objectifs. Car le cycle inationniste est dicile à stopper,
tant l’interdépendance des agents économiques
Dans le cadre de la politique économique du est forte, vu l’eet multiplicateur des dépenses et
gouvernement fédéral, la Banque du Canada s’est de la monnaie. En matière d’ination, mieux vaut
vu coner un rôle bien précis : veiller à la stabilité donc prévenir que guérir.
des prix et donc au maintien d’un taux d’ination
stable, objectif qui a préséance sur tous les autres Les limites de la fourchette cible de maîtrise de
aspects de la vie économique. Dans le contexte l’ination ont été xées à 1 % et à 3 % par année.
économique actuel, cela signie que, quels que On estime qu’un tel taux d’ination représente
soient les problèmes de l’économie canadienne, une croissance des prix susante pour insuer
la banque centrale maintiendra la rigueur moné- un dynamisme au développement économique
taire, car on considère la stabilité des prix comme tout en ne minant pas le pouvoir d’achat des
le gage de l’atteinte de tous les autres objectifs ménages. De plus, en s’engageant à garder le taux
économiques. d’ination dans la fourchette cible, les autorités
monétaires garantissent aux agents économiques
Cette orientation peut surprendre, surtout si on
pense à certains problèmes économiques qui appa-
raissent plus graves qu’un taux d’ination trop Fourchette cible Taux maximal et taux minimal
élevé, comme la pauvreté d’une grande partie de d’ination xés par la banque centrale.
la population, la dégradation de l’environnement
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 177
du pays une certaine stabilité à long terme, ce qui de très courtes périodes. En eet, il arrive que, dans
facilite la prise de décisions importantes ayant leurs activités quotidiennes, les grandes banques et
une incidence sur le niveau de vie. les autres acteurs du marché nancier soient tem-
porairement à découvert, ce que la loi leur interdit
7.3.2 Les instruments formellement. Donc, si, au cours d’une journée, une
de la politique monétaire banque a davantage de sorties que d’entrées de
fonds, elle doit absolument couvrir son découvert.
Pour exercer son contrôle sur la quantité de mon-
naie en circulation, la Banque du Canada a princi- Préférablement, elle empruntera, à très court terme
palement recours à trois instruments monétaires : et au taux cible de nancement à un jour, aux grands
la persuasion morale, le taux directeur et les inter- établissements nanciers qui ont des surplus de
ventions sur le marché monétaire. liquidités. Si elle n’arrive pas à le faire, elle pourra se
tourner vers la Banque du Canada, qui lui facturera
La persuasion morale le taux d’escompte, c’est-à-dire le taux de nance-
La Banque du Canada peut aussi faire en sorte que les ment à un jour plus 25 points de base (0,25 %) d’inté-
agents économiques adoptent des comportements rêt (voir la gure 7.3 à la page suivante). La banque
qui vont dans le sens de ses objectifs. En les informant centrale ore ce service à un taux plus élevé pour
et en les sensibilisant par des annonces régulières dissuader les acteurs nanciers d’y avoir recours. Le
dans les médias, la Banque inuence les anticipations taux de nancement à un jour est xé par la banque
des agents économiques ; or, on le sait, ce sont les centrale dans le but d’être le baromètre des taux
anticipations qui dictent les comportements. Pour la d’intérêt au pays : si elle le modie, la banque cen-
population, elle représente une source d’information trale espère que les acteurs nanciers modieront
de qualité sur la conjoncture économique. leurs propres taux dans la même direction.
Par exemple, lorsqu’elle annonce ses cibles de maî- Le taux directeur n’étant pas un taux adminis-
trise de l’ination, la Banque du Canada démontre tré, donc pas une obligation juridique, on peut
sa ferme intention de s’assurer de la stabilité des prix se demander pourquoi les grands établissements
au pays. Ayant pris connaissance des orientations de nanciers suivraient forcément les directives de
la Banque, les agents économiques s’attendent à un la Banque du Canada. Réponse : en raison, juste-
taux d’ination stable, ce qui favorise la stabilité des ment, de la concurrence oerte par la Banque du
politiques de prix des entreprises, des revendications Canada. Un grand établissement nancier n’au-
salariales des employés et des intentions d’achat de rait aucune raison d’acquitter auprès d’un autre
biens de consommation ou de biens d’équipement. établissement nancier un taux supérieur à celui
Les décisions des agents économiques devraient auquel il peut obtenir des fonds de la Banque du
donc aller dans le sens de la croissance économique Canada. De même, un établissement prêteur ne
et non privilégier le court terme en visant une pro- serait pas très enclin à consentir des prêts à un
tection maximale de nature inationniste. taux inférieur à celui versé par la banque centrale.
Dans les faits, donc, le taux de nancement à un
L’annonce d’un taux directeur jour devient la norme entre les grands établisse-
Huit fois par année, selon un calendrier annoncé ments nanciers.
d’avance, la Banque du Canada indique ce qu’elle
appelle un « taux directeur », c’est-à-dire un taux
qui reète la direction dans laquelle elle aimerait Taux cible du nancement à un jour Taux directeur,
voir évoluer les taux d’intérêt au pays. c’est-à-dire taux auquel les grands établissements
nanciers se prêtent des fonds pour une journée.
Taux directeur Taux d’escompte Taux consenti aux grands établis-
sements nanciers lorsqu’ils empruntent à la banque
Le taux directeur est égal au taux cible du nan- centrale. Ce taux correspond à 0,25 % de plus que le
cement à un jour, soit le taux auquel les grands taux cible du nancement à un jour.
établissements nanciers se prêtent des fonds pour
178 CHAPITRE 7
FIGURE 7.3 Fourchette opérationnelle quand le taux cible du nancement à un jour est xé à 0,50 %
Source : Adapté de Couture, Thérèse L. et Bélisle, Christian. (2015). « Le volet “banque” de la Banque du Canada », Revue de la Banque du Canada, p. 41.
Par la suite, le taux de nancement à un jour de caractéristiques selon leur échéance, leur prix,
devient généralement la référence pour tous les leur rendement, leur garantie, etc. Les obligations
autres taux du marché (voir le tableau 7.3 à la d’épargne du Canada sont un exemple de titre de
page 175). Quand une banque paie elle-même plus nancement à terme xe.
cher pour les avances dont elle a besoin, elle exige
davantage de ses clients. Et vice versa : lorsqu’elle Lorsque la Banque du Canada veut réduire la crois-
paie moins cher, parce que la Banque du Canada sance de l’ore de monnaie, elle vend davantage
a réduit son taux directeur, elle demande moins à de fonds d’État ; les établissements nanciers qui
ses clients. se les procurent ont alors moins d’argent à prê-
ter, ce qui réduit la quantité de monnaie pouvant
Les interventions sur le marché monétaire être créée et donc l’ore de monnaie. Inversement,
Pour exercer une inuence sur le marché monétaire lorsque la banque centrale veut favoriser la crois-
et nancier au pays, la Banque du Canada peut sance monétaire, elle rachète les fonds d’État au
eectuer des opérations sur le marché monétaire. À public, qui dépose les liquidités ainsi recouvrées
titre d’agent nancier de l’État, la Banque achète et dans les établissements nanciers ; ces derniers
vend au public des bons et des obligations, titres de ont alors plus de fonds à prêter, de sorte que l’ore
nancement à terme xe comportant une variété de monnaie augmente.
Les bons du Trésor, l’un des titres les plus transigés de monnaie doit diminuer. La Banque du Canada
sur une courte période, servent d’outil de gestion procédera alors à une « cession en pension », c’est-
de la politique monétaire courante et sont utilisés à-dire qu’elle orira aux membres du STPGV de
pour la gestion des liquidités de court terme par leur vendre des titres du gouvernement canadien
les grandes entreprises, les établissements nan- pour un rachat le jour suivant à un prix convenu
ciers, les organismes gestionnaires de régimes de d’avance. Cette action aura pour eet de retirer
retraite, etc. Ils ne portent pas d’intérêt, mais sont des liquidités du système monétaire à court terme,
vendus à escompte. ce qui devrait faire remonter le taux d’intérêt des
transactions monétaires de très court terme vers
Les interventions sur le marché la cible de la Banque du Canada (0,50 %). Inver-
du nancement à un jour sement, quand la Banque du Canada veut faire
Les interventions de la Banque du Canada ont un diminuer le taux cible de nancement à un jour,
impact important sur le marché de la monnaie à elle procédera à une « prise en pension », c’est-
court terme. Comme la Banque du Canada déter- à-dire qu’elle orira aux membres du STPGV de
mine le taux d’intérêt de référence de ce marché et leur acheter des titres du gouvernement canadien
qu’elle prend les moyens pour y arriver, on consi- en s’engageant à leur revendre le jour suivant à un
dère généralement que l’ore de monnaie de court prix convenu d’avance, pour injecter des liquidités
terme est parfaitement inélastique (droite verti- dans le marché et faire augmenter l’ore de mon-
cale) et déterminée par la banque centrale (voir la naie. De cette façon, la Banque du Canada exerce
gure 7.4). une inuence signicative sur le marché moné-
taire et sur les taux d’intérêt.
Comment la Banque du Canada arrive-t-elle à ses
ns ? Supposons qu’elle veuille faire remonter le Nous avons eu un bel exemple de la mise en
taux de nancement à un jour pratiqué par les œuvre de cette politique lors de la récession de
entreprises membres du système de transfert de 2007-2009. La Banque du Canada a alors procédé
paiements de grande valeur (STPGV), principale- à une injection massive de capitaux dans le sys-
ment les grandes banques. Pour y parvenir, l’ore tème nancier canadien par le moyen de l’achat
de titres du gouvernement canadien. Les prises en
pension à plus d’un jour, qui étaient inexistantes
ou presque avant 2008, se sont élevées à 30 mil-
FIGURE 7.4 Marché du nancement à un jour liards par semaine à la n de 2008 et au début de
2009 (voir la gure 7.5 à la page suivante), soit
la période où le recul économique était le plus
important. La banque centrale a entrepris des
actions concrètes pour atteindre son objectif de
taux d’intérêt bas dans le but d’arrêter le recul
économique et de favoriser la reprise.
Il est cependant évident, comme nous l’avons
mentionné précédemment, que cette influence
joue surtout sur le marché de court terme. À
plus long terme, ce sont les forces présentes dans
l’économie qui détermineront le niveau des taux
d’intérêt. Toutefois, ce pouvoir de la banque
centrale a pour effet d’atténuer les tourmentes
au sein d’un marché qui, sans son intervention,
pourrait connaître des dérapages majeurs dont
tout le monde souffrirait.
180 CHAPITRE 7
FIGURE 7.5 Évolution des prises en pension à plus d’un jour, Banque du Canada, janvier 2007 à juillet 2010
Source : Données tirées de Banque du Canada. (Septembre 2010). « Statistiques bancaires et nancières de la Banque du Canada ».
7.3.3 L’effet recherché ● une baisse du taux directeur, qui donnerait aux
de la politique monétaire agents économiques le signal d’un relâchement
des taux d’intérêt au pays et d’un meilleur accès
Comme nous l’avons mentionné précédemment,
au crédit ;
la Banque du Canada est tout entière tournée vers
l’objectif de la stabilité des prix et du maintien du ● le rachat de fonds d’État, qui aurait pour eet
taux d’ination dans la fourchette cible de 1 % à de laisser davantage de liquidités en circulation
3 % reconduite depuis quelques années. Cet objec- dans le système nancier ;
tif correspond à la situation économique relative-
ment stable que l’on connaît au Canada depuis un ● l’annonce d’une intention de relâcher l’étau moné-
certain temps, mais qui pourrait changer advenant taire et de permettre la baisse des taux d’intérêt.
des événements importants qui nous en feraient Ces outils permettent d’encourager la croissance
dévier. Cela ne veut pas dire cependant que la poli- de la demande de biens et de services. C’est ce que
tique monétaire n’est pas également au service représente la gure 7.6 (voir la page 182). D’une
d’autres objectifs économiques, particulièrement part, la croissance de l’ore de monnaie a pour
lorsque l’objectif de la stabilité des prix est atteint. résultat de pousser à la baisse les taux d’intérêt
Comme la politique budgétaire, la politique moné- (voir la gure 7.6a), baisse qui devrait favoriser
taire peut être expansionniste ou restrictive. la croissance de la demande globale (voir la
gure 7.6b). Tant que l’économie globale n’a pas
Une politique monétaire expansionniste atteint son niveau de plein-emploi, les eets sur
Lorsque le taux d’ination se maintient à un le taux d’ination devraient être modérés. D’autre
niveau stable, mais que la croissance économique part, comme nous le verrons au chapitre 9, la baisse
fait défaut, les autorités doivent favoriser la crois- des taux d’intérêt provoque aussi une dépréciation
sance de l’ore de monnaie et ainsi stimuler l’acti- de la monnaie par rapport à celle des autres pays,
vité économique. La Banque du Canada peut utiliser ce qui entraîne une hausse de la demande étran-
un ou plusieurs des outils suivants : gère pour les biens et les services nationaux, tout
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 181
Actualité économique
La Banque du Canada abaisse encore son taux directeur
Présumant que l’économie canadienne avant de jouer partiellement leur rôle Canada fera connaître les données à la
était en récession technique au pre- de courroie de transmission de la poli- n août seulement.
mier semestre, la Banque du Canada tique monétaire. Leur taux préférentiel
choisit d’abaisser son taux directeur se situe à 2,85 %. Il est convenu de parler de récession
une deuxième fois cette année. Il technique quand on observe deux
passe de 0,75 % à 0,50 %. La Banque admet avoir sous-estimé la reculs trimestriels consécutifs du Pro-
durée du choc pétrolier qui a entraîné duit intérieur brut réel, c’est-à-dire de
L’économie canadienne subit un ajus- un repli plus prononcé que prévu des la taille de l’économie mesurée sans
tement notable et complexe. Un nouvel investissements des entreprises dans tenir compte de l’ination. […]
assouplissement de la politique moné- le secteur énergétique. La chute est
taire est nécessaire à l’heure actuelle désormais estimée à 40 % au lieu
an d’aider l’économie à retourner de 30 %, les entreprises ne pouvant À vous de jouer !
à son plein potentiel et l’ination à la compter sur une remontée aussi forte
cible de façon durable », lit-on dans le qu’anticipée des cours du brut.
1 Expliquez ce qu’est une récession
communiqué faisant part de sa déci-
Ni dans son communiqué ni dans technique.
sion à laquelle s’attendaient bien des
prévisionnistes. son Rapport sur la politique moné- 2 Pourquoi la Banque centrale
taire (RPM), la Banque n’utilise le mot mentionne-t-elle que le Canada est
Reste à voir maintenant si les institu- récession, qui semble faire aussi peur probablement en récession ? Justiez
tions nancières vont emboîter le pas aux marchés nanciers qu’un lm de votre réponse.
et abaisser à leur tour le taux préféren- vampires aux tout petits. 3 Qu’est-ce qu’un taux directeur ? Un
tiel auquel elles prêtent à leurs meil- taux préférentiel ?
leurs clients. Toutefois, après une croissance
annualisée négative de 0,6 % au pre- 4 Expliquez l’effet d’une baisse du taux
En janvier, lors de la première baisse mier trimestre, elle estime que celle directeur canadien sur les taux d’in-
du taux directeur en plus de quatre du deuxième se sera soldée par un térêt, la demande globale, le PIB réel
ans, elles avaient hésité plusieurs jours nouveau recul de 0,5 %. Statistique et le niveau moyen des prix.
Source : Le Cours, Rudy. (15 juillet 2015). « La Banque du Canada abaisse encore son taux directeur ». La Presse.ca.
en ralentissant les importations, et favorise donc ● une hausse du taux directeur, qui aurait pour
encore davantage la croissance de la demande incidence de resserrer le crédit et, par consé-
globale canadienne. quent, de ralentir l’e et multiplicateur de
la monnaie ;
Selon la Banque du Canada, les eets d’une telle
politique monétaire ne se font sentir qu’après 18 ou ● la vente de fonds d’État, par laquelle la
24 mois. C’est pourquoi les autorités monétaires Banque retirerait des liquidités du système
doivent se tenir à l’aût des moindres retourne- nancier ;
ments du cycle économique et agir avant que la
situation ne se détériore. ● des pressions visant à convaincre les agents éco-
nomiques d’accorder la priorité à l’objectif du
Une politique monétaire restrictive contrôle des prix.
Lorsque l’objectif de stabilité des prix n’est pas Ces mesures devraient faire diminuer l’ore de
atteint, les autorités doivent ralentir la croissance monnaie et pousser à la hausse les taux d’intérêt
de l’ore de monnaie et ainsi contenir les hausses au pays (voir la gure 7.7a à la page suivante). Si
de prix. La Banque du Canada peut utiliser un ou les agents économiques répondent conformément
plusieurs des outils suivants : aux attentes, il devrait y avoir une diminution de
182 CHAPITRE 7
FIGURE 7.6 Effets d’une politique monétaire expansionniste : a) sur le marché monétaire,
b) sur le marché global des biens et des services
FIGURE 7.7 Effets d’une politique monétaire restrictive : a) sur le marché monétaire, b) sur le marché global
des biens et des services
3. Dans ce cas, on parle de diminution ; cependant, en réalité, il s’agit généralement d’un ralentissement de la croissance.
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 183
Politique
Conjoncture Mesures discrétionnaires Exemples
monétaire
Problème d’ination Restrictive Hausse du taux directeur Le taux directeur passera de 1,75 à 2,0 %.
Vente d’obligations Une émission de 500 millions de bons du Trésor vendus
gouvernementales par l’intermédiaire des courtiers en valeurs mobilières.
Appel à la modération des Publication d’un rapport de la Banque du Canada pour
hausses de prix et de salaires sensibiliser les acteurs économiques à la situation.
Ralentissement Expansionniste Baisse du taux directeur Le taux directeur passe de 0,75 % à 0,5 %.
ou récession
Achat d’obligations La banque centrale intervient sur les marchés nanciers
gouvernementales pour racheter un milliard d’obligations du gouvernement
du Canada.
La banque centrale invite les Conférence du gouverneur de la Banque du Canada
entreprises à utiliser leurs fonds à la Chambre de commerce de Montréal.
propres et à investir
7.3.4 La création articielle Cependant, les pays les plus industrialisés ont eu
de monnaie recours à ce stratagème après la grande crise de
2008. Dans leur cas, il semble que cette politique
Selon une idée qui revient régulièrement dans l’ac-
ait réussi à atténuer la faiblesse de l’activité écono-
tualité et qui pourtant relève d’un non-sens écono-
mique et à prévenir la déation. Les pays les plus
mique, le gouvernement central, détenteur de tous
riches subissent dans une moins grande mesure la
les pouvoirs en ce qui concerne la monnaie, devrait
fuite des capitaux et des investissements lors des
injecter de l’argent dans l’économie, an d’en
périodes économiques diciles, ce qui fait qu’in-
favoriser l’essor, en empruntant à sa banque cen-
jecter de la monnaie articiellement nit par géné-
trale. Idée séduisante a priori, mais qui en réalité
rer des eets positifs sur l’ore globale, et donc le
se révèle fort dangereuse. Procéder de cette façon
retour à une croissance plus saine.
revient à créer articiellement de la monnaie.
Lorsqu’un gouvernement en est réduit à recourir à
FIGURE 7.8 Résultats de la création articielle
ce stratagème, c’est que l’état de l’économie ne lui de monnaie
permet pas de récolter les fonds nécessaires à même
l’épargne disponible dans le pays. Et dans un pays
où l’épargne est insusante pour les autorités gou-
vernementales, elle l’est certainement aussi pour
les investisseurs qui en ont besoin pour accroître
leur capacité de production.
Dans ce contexte, injecter articiellement de la
monnaie dans l’économie, lorsque les ressources
productives sont limitées, ne ferait qu’accroître
les pressions inationnistes ; on se retrouverait
donc avec un problème pire qu’auparavant : une
situation économique qui n’a pas changé et une
ination incontrôlable (voir la gure 7.8). C’est ce
qu’ont connu tous les pays qui ont opté pour cette
voie facile en vue d’améliorer les conditions écono-
miques. La gure 7.8 illustre l’eet de la création
articielle de monnaie. Figure 7.8W (modèle global traditionnel)
184 CHAPITRE 7
Actualité économique
La BCE donne le coup d’envoi à ses rachats géants de dettes publiques
La Banque centrale européenne lance La Banque centrale européenne (BCE) a Mario Draghi avait indiqué, jeudi
[...] la principale mesure de son vaste annoncé [...] avoir donné le coup d’envoi 5 mars, que l’institution commence-
programme destiné à redynamiser à ses rachats massifs de dette publique rait « le 9 mars à acheter des titres
l’économie de la zone euro. Cette sur les marchés. Cette mesure, dite du secteur public libellés en euro sur
opération dite « d’assouplissement d’assouplissement quantitatif (quanti- le marché secondaire ». Il avait ajouté
quantitatif » sera menée au rythme tative easing en anglais, ou QE), est la que les achats de « titres adossés à
de 60 milliards d’euros d’achats principale arme d’un vaste programme des actifs et des obligations sécuri-
par mois, soit 1000 milliards d’ici destiné à relancer la très faible dyna- sées », commencés « l’an dernier » se-
septembre 2016. mique des prix en zone euro. raient « poursuivis ».
Source : Le Monde.fr. (5 mars 2015). « La BCE donne le coup d’envoi à ses rachats géants de dettes publiques » ; Montet, Virginie. (29 octobre 2014).
« La Fed tourne la page du stimulus monétaire ». La Presse.ca.
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 185
7.3.5 La politique monétaire camp comme pour l’autre, tant les variables en
cause sont nombreuses et difficiles à mesurer. En
est-elle efcace ?
réalité, cependant, un consensus semble se des-
Nous venons d’analyser les eets attendus des ins- siner, surtout depuis les poussées inflationnistes
truments de la politique monétaire sur le fonction- consécutives aux crises pétrolières des années
nement global de l’économie. Comme nous avons 1970. On admet généralement que la rigueur
présenté le point de vue exprimé par la Banque du monétaire est nécessaire pour maintenir la sta-
Canada en même temps que la théorie, on pourrait bilité des prix et que la croissance de l’o ffre de
en déduire que la politique monétaire en vigueur monnaie doit être contrôlée scrupuleusement
au Canada et dans d’autres pays industrialisés fait de façon qu’elle suive le rythme de l’é conomie
l’unanimité, mais ce n’est pas le cas. À ce sujet aussi, réelle et que la croissance des prix soit modérée.
il y a un débat entre les partisans de l’intervention- Pour atteindre les autres objectifs, comme la for-
nisme de l’État et ses opposants. Résumons briève- mation de la main-d’œuvre ou la création d’e m-
ment leur position respective. plois, il faut se tourner vers d’autres instruments
Pour les partisans d’une politique économique de la poli tique gouvernementale.
interventionniste, les outils de la politique
monétaire peuvent être utilisés pour favoriser la 7.3.6 La cohérence des politiques
croissance du PIB réel en période de stagnation économiques
économique. Une politique monétaire souple Le dé des responsables des politiques écono-
prévoyant des taux d’intérêt modérés aurait des miques consiste à réduire le temps de réaction
conséquences positives sur l’emploi et l’investis- aux signaux des marchés, an que la situation ne
sement, et donc sur le niveau de vie. Selon eux, se détériore pas de façon importante, et à assu-
un taux d’ination plus élevé aurait des consé- rer une certaine cohérence entre les politiques
quences économiques globales moins graves budgétaire et monétaire, ce qui n’est pas toujours
qu’une période de récession prolongée frappant facile étant donné les pressions exercées par les
durement les personnes les plus vulnérables. groupes organisés. Une politique budgétaire
expansionniste risque en eet d’atténuer, voire
Pour les opposants à l’interventionnisme, utiliser
d’annuler les eets recherchés d’une politique
une politique monétaire expansionniste en lais-
monétaire restrictive.
sant croître démesurément l’ore de monnaie an
de stimuler l’activité économique ne donne aucun Pour que soit atteinte une telle ecacité dans l’exé-
résultat à long terme ; tout ce que l’on obtient, c’est cution des politiques économiques, les agents éco-
une variation proportionnelle du niveau des prix, nomiques doivent participer à la
dont les conséquences détermination des objectifs
pourraient être désas- prioritaires (la croissance
treuses. C’est la à tout prix, par exemple)
théorie quantitative et à la mise en œuvre
de la monnaie (voir des moyens permet-
la rubrique « Grands tant de les réaliser. Ils
courants de la
doivent comprendre
pensée écono-
les choix essentiels
mique » à la
à faire pour qu’il
page suivante).
y ait cohérence et
Dans ce domaine les assumer, tant
aussi, la démons- dans la vie de tous
tration scienti- les jours qu’au
que est dicile à moment d’exercer
établir, pour un leur droit de vote.
186 CHAPITRE 7
Combien de fois ce billet de 20 roupies, qui sert à une transaction entre un passant et un marchand de thé dans une rue de
New Delhi, sera-t-il échangé en une semaine ? Cette question renvoie au concept de « vélocité de la monnaie » (le nombre de fois,
en moyenne, qu’un billet change de main au cours d’une période donnée).
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 187
En un clin d’œil
Formes
• Monnaie duciaire
• Monnaie scripturale
Indicateurs
• M2 (brut)
• M2+ (brut)
Utilité
• Moyen d’échange
Monnaie • Réserve de valeur
• Unité de compte
Établissements nanciers
• Banques à charte fédérale
• Sociétés d’assurance
• Sociétés de ducie
• Courtiers en valeurs mobilières
Persuasion morale
Politique monétaire
canadienne
Expansionniste
Lorsque le taux d’ination est stable,
mais que la croissance économique fait défaut.
Orientations
Restrictive
Lorsque l’objectif de stabilité des prix
n’est pas atteint.
188 CHAPITRE 7
ont dû faire face à une lourde dette, puisque celle- a) Qu’est-ce qu’un taux de réserve ?
ci a atteint 82 % du PIB du pays au cours de l’année b) Quel est l’eet d’une réduction du taux de réserve
qui vient de s’écouler. chinois sur les dépôts bancaires et la création
a) Quelle politique macroéconomique pourriez- monétaire du pays ? Expliquez votre réponse.
vous suggérer au gouvernement du Burdistan ? c) Selon vous, pourquoi la Banque populaire de
b) Expliquez et représentez graphiquement les eets Chine a-t-elle réduit son taux de réserve ?
que devrait avoir votre suggestion sur l’économie 20 En Corée du Sud, les banques ont émis plus
globale du Burdistan. de 150 millions de cartes de crédit depuis
c) À quelles dicultés les autorités gouvernementales 10 ans. C’est presque trois fois la population du
devraient-elles s’attendre lors de l’application de pays. Un tel engouement pour le « plastique »
votre politique économique ? contribue à placer les Coréens parmi les
17 Le gouvernement d’un pays dont le niveau de vie consommateurs les plus endettés de la planète,
est peu élevé décide de se servir des pouvoirs qu’il se lon l’OCDE5.
détient sur la monnaie et d’emprunter à sa banque a) Pourquoi les banques de la Corée du Sud ont-elles
centrale pour développer ses ressources produc- émis autant de cartes de crédit ?
tives et améliorer le sort de ses habitants. Com- b) Quel est le danger d’une telle stratégie de la part
ment appelle-t-on cette politique économique ? de la Corée du Sud ?
Expliquez pourquoi une telle action ne serait pas
nécessairement une bonne idée et démontrez
graphiquement le danger auquel s’exposerait ce Question d’intégration
pays si son économie était au plein-emploi.
18 Selon la théorie quantitative de la monnaie pré- 21 Dans diérents cours des sciences humaines,
sentée dans la rubrique « Grands courants de la on décrit et explique des faits sociaux comme
pensée économique », à la page 186, quel devrait la pauvreté. Comment les économistes peuvent-
être le niveau d’ination anticipé au Canada si ils expliquer ce phénomène ? Comment peut-on
l’ore de monnaie et le PIB réel augmentaient res- le dénir et le mesurer en économie (voir les
pectivement de 5 % et de 3 % ? chapitres 3 et 4) ? Expliquez comment les poli-
19 Le 26 février 2015, la Banque populaire de Chine tiques économiques, dont les politiques budgé-
a réduit son taux – coecient – de réserve obliga- taire et monétaire, peuvent inuer sur l’évolution
toire de 50 points de base, à 8,0 %. de ce phénomène dans un pays.
Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions moyenne sur 7 jours ». Sélectionnez ensuite la
détaillées.) période de référence, de janvier 2000 à décembre
de la dernière année complète. À l’étape 4, sélec-
Statistique Canada tionnez « Tableau HTML, périodes = lignes ». En
1 Consultez le site Web de Statistique Canada et bas de la page, cliquez sur « Appliquer ». Une fois
recueillez des données sur le taux d’escompte, de retour à la page principale, cliquez sur « Mani-
le taux préférentiel et le taux de nancement puler les données » ; choisissez la fréquence des
à un jour (taux directeur). Cliquez sur CAN- données « Annuelle (moyenne) » et cliquez sur
SIM et inscrivez le numéro 176-0043, puis cli- « Appliquer ». Vous obtenez le tableau des données
quez sur « Recherche ». Pour extraire ces séries, que vous pouvez analyser à l’écran ou télécharger
sélectionnez (en cliquant d’abord sur l’onglet dans un chier Excel (menu principal).
« Ajouter/Enlever des données ») « Taux o- Quel est le lien entre le taux cible du nancement
ciel d’escompte », « Taux d’intérêt administrés à un jour (taux des fonds à un jour, moyenne sur
des banques à charte – taux de base des prêts 7 jours) et le taux d’escompte ociel ? Entre le
aux entreprises » et « Taux des fonds à un jour, taux d’escompte ociel et le taux préférentiel
5. Dupaul, Richard. (27 avril 2015). « Les Asiatiques accumulent les dettes », La Presse Affaires, p. 8.
190 CHAPITRE 7
(taux d’intérêt administrés des banques à du taux directeur et du Rapport sur la politique
charte – taux de base des prêts aux entreprises) ? monétaire » situé à droite en bas de l’écran.
Justiez votre réponse. a) Qu’est-ce que le taux cible du nancement à jour ?
2 Pour inuencer ou atténuer les cycles économiques,
b) À votre avis, depuis les derniers mois, la Banque du
le Canada peut utiliser plusieurs instruments.
Canada a-t-elle préconisé une politique monétaire
Celui dont on se sert le plus souvent actuellement
expansionniste ou restrictive ? Justiez votre réponse.
est le taux directeur de la Banque du Canada.
An de connaître les plus récentes données relatives c) Selon vous, quel est le but d’une telle politique ?
au taux directeur, consultez le site de la Banque du d) Selon le calendrier des annonces du taux directeur,
Canada à www.banqueducanada.ca. Une fois dans quelle est la prochaine date d’établissement du taux
le site, cliquez sur le lien « Calendrier des annonces cible du nancement à un jour ?
Appendice mathématique
créant ainsi 0,90 $ de dépôts. Ce dépôt ne tardera pas
Le multiplicateur monétaire à circuler et servira à régler un achat. La personne ou
Nous avons vu à la sous-section 7.1.5 que la création de l’entreprise qui reçoit cet argent possède un compte
la monnaie dans l’économie dépend du taux de réserve dans une autre banque. Cette dernière enregistre alors
des banques et autres établissements de prêts, c’est- 0,90 $ de dépôts supplémentaires (voir l’étape 2 du
à-dire du pourcentage des dépôts qu’ils détiennent tableau A-7.1) et devra garder dans ses réserves
sous forme de réserves. 10 % du dépôt, donc 0,09 $ (0,90 $ × 0,10). Ainsi, la
deuxième banque dispose maintenant de 0,81 $
Considérons le cas d’un système nancier où chaque (0,90 $ – 0,09 $) de liquidités disponibles pour
banque a un taux de réserve de 10 %, soit 0,10. De plus, octroyer un nouveau crédit. Et ainsi de suite.
supposons qu’à toutes les étapes du processus les
détenteurs de monnaie la maintiennent sous la forme Si on reprend les montants de la deuxième colonne du
de dépôts et non pas de pièces ou de billets. Au départ, tableau A-7.1 et qu’on poursuit cette séquence jusqu’à
une banque a reçu un dépôt de 1 $ (voir l’étape 1 du ce que le mécanisme des 10 % de réserves fasse tendre
tableau A-7.1). An de ne pas être à court de liquidités, les liquidités disponibles vers zéro, on obtient la
cette dernière maintient en réserve un montant de somme suivante :
0,10 $ (1 $ × 0,10). Les 0,90 $ restants (1 $ – 0,10 $) 1 + 0,90 + 0,81 + 0,729 + …
sont octroyés à un bénéciaire sous forme de crédit,
Si vous observez bien cette séquence, vous remarque-
rez qu’à chaque étape du processus le crédit octroyé à
TABLEAU A-7.1 Processus de création de la monnaie une étape donnée est égal à 0,90 (90 %) du crédit
octroyé à l’étape précédente (voir la dernière colonne
Réserves Crédit à
Étapes
Dépôts
bancaires (en $) l’économie (en $)
du tableau A-7.1). Plus précisément, si le taux d’accrois-
(en $) sement de la monnaie est égal à 0,90, alors un dépôt
(dépôt × 0,10) (dépôt × 0,90)
initial de 1 $ génère dans l’économie un montant de
1 1,00 0,10 0,90
0,90 $ à l’étape 1, de 0,90 2 $ à l’étape 2, de 0,903 $ à
2 0,90 0,09 0,81 l’étape 3, et ainsi de suite.
3 0,81 0,081 0,729
Si la séquence est répétée à l’inni, l’augmentation
4 0,729 0,0729 0,6561 totale des dépôts est égale à la somme (S) suivante :
: : : :
S = 1 + 0,90 + 0,90 2 + 0,903 + …
10 0,3874 0,0387 0,3487
Ce qui équivaut à 1/1 – 0,9 ou 1/0,1, car c’est une
: : : :
somme géométrique. En eet, en mettant en évidence
51 0,0051 0,0005 0,0046 le taux d’accroissement de la monnaie (0,9), on
: : : : a alors :
Total 10 1 9 S = 1 + 0,90[1 + 0,90 + 0,90 2 + …]
MONNAIE ET POLITIQUE MONÉTAIRE 191
Le terme entre crochets est égal à la somme totale des monnaie, soit 10 fois le montant initial de dépôt (voir
dépôts dans l’économie (S). En remplaçant le terme par la dernière ligne du tableau A-7.1). On dit alors que le
S dans l’équation et en la résolvant, on obtient multiplicateur monétaire est de 10.
successivement : Si on note le multiplicateur monétaire MM et le taux
S = 1 + 0,90[S] de réserve des établissements nanciers R, alors on
peut résumer le multiplicateur monétaire par la for-
S – 0,90[S] = 1
mule simple suivante :
S[1 – 0,90] = 1
S= 1 MM = dépôt initial
1 – 0,90 R
ÉCONOMIQUES
MONDIALES
Source : Greenspan, Alan. (2009). Le temps des turbulences, Paris, Hachette Livre, p. 347-348.
CHAPITRE
8 RELATIONS
COMMERCIALES
« La mondialisation est-elle
une création politique ? »
Bernard Maris, économiste français, assassiné le 7 janvier
2015 à Paris dans l’attentat contre le Charlie Hebdo
CHAPITRE
8 OBJECTIFS
Après avoir lu ce chapitre, vous pourrez :
• distinguer les trois phases de la mondialisation ;
• expliquer les avantages liés aux échanges commerciaux ;
• évaluer les effets positifs et négatifs du protectionnisme ;
• analyser l’inuence de la coopération internationale sur
le volume des échanges.
L médiatique, mais quel est son véritable effet sur la vie quotidienne ?
Ce matin, vous avez probablement appuyé sur le bouton de votre
réveille-matin japonais ; votre déjeuner était sûrement accompagné d’un
thé anglais ou d’un jus d’orange de la Floride ; la voiture que vous avez conduite
pour vous rendre au cégep provient peut-être de la Corée du Sud ou encore
de l’Allemagne. Et qui sait, vous dira-t-on aujourd’hui que votre nouveau jeans,
fabriqué en Chine, vous va à merveille !
On le voit, une part importante de nos biens de consommation courante provient
d’autres pays. En fait, lorsqu’on examine la performance globale de l’économie
canadienne, on s’aperçoit que les échanges extérieurs y jouent un rôle de
premier plan. Comme une bonne partie de notre production, soit plus de 30 %,
est vendue à l’étranger et qu’environ 75 % de celle-ci est destinée aux États-
Unis, il va sans dire que la santé de l’économie canadienne dépend beaucoup de
celle d’autres pays, particulièrement les États-Unis. D’ailleurs, un vieux dicton
rappelle que « lorsque les États-Unis toussent, le Canada attrape le rhume ». En
d’autres termes, quand l’économie américaine va mal, l’économie canadienne
s’en trouve grandement affectée.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’économie est dans une phase de
transformation profonde. La libéralisation graduelle des barrières aux échanges
(surtout les barrières tarifaires) et les nouvelles technologies de l’information et
des communications sont venues renforcer la concurrence à l’échelle mondiale,
nous rendant du même coup plus vulnérables à ce qui se passe à l’étranger. À
preuve, la crise nancière de 2008-2009, déclenchée par la vague de défauts
de remboursements des prêts subprime aux États-Unis, s’est transformée,
par effet domino, en crise économique mondiale. En 2009, la valeur totale des
exportations mondiales de marchandises dans le monde a dégringolé de 12 %,
marquant l’effondrement le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale
en raison d’une forte contraction de la demande mondiale. Les économies les
plus dépendantes des exportations ont bien sûr été les plus touchées. Au Canada,
le PIB réel a alors été négatif pour la première fois depuis 1991.
Le présent chapitre est consacré à un aspect des relations économiques
mondiales, les relations commerciales, c’est-à-dire les échanges mondiaux de
Relations commeRciales 195
1. Presque tous les économistes s’accordent pour dire que le mot « mondialisation » ne désigne pas un phénomène nouveau. Toutefois, il est important de mentionner
qu’il n’y a pas de consensus clair sur la façon de le dénir, ni sur ses origines. Nous tenterons ici de présenter le mieux possible la mondialisation, sans toutefois
nous laisser entraîner dans la complexité du sujet ou les débats qui l’entourent. Il est à noter que la dénition que nous en donnons s’inspire grandement de celle
proposée par l’OCDE.
196 CHAPITRE 8
2. Champagne, Éric-Pierre. (14 août 2015). « Depuis hier, la Terre vit à crédit ». La Presse.ca.
198 CHAPITRE 8
FIGURE 8.1 Évolution de la part des richesses mondiales des 1 % les plus riches
et des 99 % restants, 2000 à 2014
Source : Adapté de Crédit Suisse. (2014). « Global Wealth Databook », cité dans OXFAM. (Janvier 2015). « Insatiable richesse : toujours plus pour ceux
qui ont déjà tout », p. 2.
FIGURE 8.2 Évolution indicielle du volume des exportations de marchandises et du PIB réel dans le monde,
1950 à 2013
Source : Données tirées de OMC. (2014). « Tableau A1a - Exportations mondiales de marchandises, production et produit intérieur brut ».
200 CHAPITRE 8
TABLEAU 8.2 Évolution des exportations mondiales (en au prot des pays de la BRIC (groupe de quatre pays
milliards de $US courants), 1980 à 2013 émergents formés par le Brésil, la Russie, l’Inde et
Année
Échanges de Échanges de Total des la Chine), les États-Unis demeurent le deuxième
marchandises services échanges exportateur mondial de marchandises derrière la
1980 2 036 367 2 403 Chine. Le Canada, quant à lui, occupe le treizième
1985 1 953 383 2 336 rang (voir la gure 8.3).
1990 3 490 789 4 279
1995 5 168 1 179 6 347
8.2.3 Les gains liés aux échanges
2000 6 458 1 491 7 949
2005 10 509 2 516 13 025
Pourquoi échanger des biens ou des services ? La
2010 15 301 3 828 19 129
réponse très largement partagée chez les écono-
2011 18 338 4 295 22 633
mistes, c’est que les échanges permettent d’aug-
menter le bien-être. Prenons, à titre d’exemple, deux
2012 18 496 4 397 22 893
élèves ayant des biens et des besoins diérents qui
2013 18 954 4 644 23 598
décident d’échanger des livres : l’un acquiert un
Source : Données tirées de OMC. (2015). « Base de données statistiques ». livre d’économie dont il avait besoin et l’autre,
un livre d’histoire. Ici, l’échange est avantageux
pour les deux parties. Prenons un autre exemple :
8.2.2 La structure géographique on assiste souvent, dans le sport professionnel, à
des échanges des échanges de joueurs, surtout à l’approche des
Les échanges mondiaux sont principalement le séries éliminatoires. Supposons que le Canadien
fait des pays développés. En eet, ces 25 pays3, qui de Montréal ait besoin de renforcer son attaque et
ne représentent que 16 % de la population de la qu’il décide d’échanger un de ses défenseurs aux
planète, eectuent près de la moitié de toutes les Flames de Calgary contre un marqueur de premier
exportations de marchandises. Malgré un déclin plan. L’échange, dans ce cas, viserait à améliorer
FIGURE 8.3 Répartition des exportations de marchandises selon les 15 plus grands exportateurs du monde, 2013
Source : Données tirées de OMC. (2015). « Données sur le commerce international et l’accès aux marchés ».
3. Pays membres de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), de l’Union européenne-15 et de l’Association européenne de libre-échange (AELÉ),
auxquels on ajoute l’Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande.
Relations commeRciales 201
les deux équipes en vue de gagner la coupe Stanley, moins grande. On pourrait démontrer qu’ainsi la
tant convoitée. production totale augmente et que la situation
économique des deux pays s’améliore.
Il en va de même pour les pays. Le Canada pro-
duit beaucoup plus de pommes que ne peuvent Pour comprendre le phénomène, on pourrait dire
en consommer les Canadiens, mais sa production qu’un médecin qui aurait aussi les compétences
d’oranges est quasi nulle. De leur côté, les États- pour construire sa maison avec ecacité ne
Unis récoltent plus d’oranges que les Américains ne devrait pas envisager de le faire lui-même, car ce
peuvent en manger, mais ont très peu de pommes. faisant, il perdrait un salaire potentiel très inté-
Dans ce cas, l’échange améliorera le sort des deux ressant ; en économie, on dit que son coût d’option
pays. En eet, le Canada vendra aux Américains pour la construction est trop élevé. On constate
l’excédent de sa production de pommes, qui autre- dès lors que les agents économiques, comme les
ment n’aurait pas trouvé preneur, et il achètera leur pays, ont intérêts à se spécialiser dans ce qu’ils
surplus d’oranges. C’est ce qu’on appelle un avan- font le mieux plutôt que de tenter de tout produire
tage absolu. Un pays a un avantage absolu s’il par eux-mêmes. Ils s’avèrent ainsi plus productifs
peut produire, avec le même niveau de facteurs de et améliorent alors leur propre bien-être et celui de
production, un bien en plus grande quantité qu’un l’ensemble de la société.
autre pays. Ainsi, le Canada a un avantage absolu à
produire des pommes, et les États-Unis à produire
des oranges. 8.3 Protectionnisme et
Qu’arrive-t-il si un pays ne bénéficie d’aucun guerre commerciale
avantage absolu ? A-t-il intérêt à faire du com-
merce ? Quel intérêt aurait-on à aller chercher Dès qu’on s’éloigne d’une liberté d’échange (libre-
ailleurs un bien qui est produit moins effica- échange) pour adopter une politique destinée à
cement que dans notre pays ? En 1817, David limiter les importations an de protéger les
Ricardo (1772-1823), dans sa théorie des avan- industries nationales de la concurrence mondiale,
tages comparatifs (voir la rubrique « Grands on parle de protectionnisme. Les politiques
courants de la pensée économique » à la page 209), protectionnistes les plus connues prennent géné-
a répondu à cette question en démontrant que ralement la forme de tarifs douaniers (ou droits
l’échange peut être bénéfique pour tous. Un de douane) ou de quotas4. Les premiers agissent
pays qui détient sur un partenaire un avantage
absolu sur tous les biens a quand même inté- Avantage absolu Avantage que détient un pays
rêt à se concentrer sur ce qu’il fait de mieux et lorsqu’il peut produire, avec le même niveau de fac-
à délaisser le secteur où sa supériorité relative teurs de production, un bien en plus grande quantité
est moindre. Si les États-Unis sont deux fois plus qu’un autre pays.
productifs que le Canada pour la bière et quatre Théorie des avantages comparatifs Théorie de
fois plus productifs pour le vin, il est préférable David Ricardo selon laquelle les nations sans avantage
qu’ils se spécialisent dans la production de vin et absolu doivent se spécialiser dans la production du
bien pour lequel elles connaissent le moindre désa-
abandonnent la production de bière, laissant la vantage, c’est-à-dire le bien dont le coût d’option est
place dans ce secteur au Canada. Comme corol- le plus faible.
laire à cette affirmation, on dira que si le Canada
Protectionnisme Politique qui vise à limiter les
est quatre fois moins productif pour le vin importations an de protéger les industries nationales
mais deux fois moins productif pour la bière, il de la concurrence mondiale. Les tarifs douaniers et les
devrait se spécialiser dans la production de bière quotas en sont des exemples.
puisque c’est là que son inefficacité relative est la
4. Il existe une multitude de mesures protectionnistes comme les subventions aux entreprises nationales, les règles administratives contraignantes, les droits
compensateurs, etc. Dans le présent ouvrage, nous ne mentionnons que les mesures les plus connues, soit les tarifs douaniers et les quotas d’importation.
202 CHAPITRE 8
directement sur le prix des produits, alors que les ecace, comment se fait-il qu’un pays comme les
seconds agissent sur les quantités. États-Unis, où l’on se proclame en faveur du libre-
échange, fait usage de protectionnisme ?
Le tarif douanier est une taxe qui s’applique
aux biens importés et qui a pour eet de rendre La raison fondamentale est relativement simple : le
les biens étrangers plus chers et donc moins concur- principe économique de la main invisible d’A dam
rentiels. Le quota est une mesure qui limite la Smith, base du libéralisme économique, ne conduit
quantité d’un bien pouvant être importé dans un pas toujours à une situation optimale5. Pour le
pays. Il en résulte une rareté du bien et, par consé- démontrer, nous avons vu au chapitre 2 que cette
quent, une hausse de son prix sur le marché inté- situation est identique à celle du dilemme du pri-
rieur, comme dans le cas du tarif douanier. sonnier (cas le plus célèbre de la théorie des jeux).
An d’y voir plus clair, analysons comment, en
En somme, les tarifs douaniers et les quotas matière de politique commerciale, l’adoption de
conduisent à faire payer un surcoût au consomma-
comportements individuels maximisateurs peut
teur, puisqu’ils entraînent une augmentation du conduire à des situations non optimales (voir
prix des produits touchés dans le pays concerné. l’exemple 8.1).
Dans la mesure où le coût supporté par les
consommateurs ne saurait être compensé par
le supplément de prot de quelques entreprises, Tarif douanier Taxe qu’un gouvernement impose sur
les consommateurs étant plus nombreux que ces un bien importé.
dernières, il serait dicile de concevoir que le pro- Quota Mesure qui limite la quantité d’un bien pouvant
tectionnisme accentue le bien-être de la société. Or, être importé dans un pays.
si le libre-échange semble être la solution la plus
5. Cet énoncé émane de l’hypothèse fondamentale selon laquelle les gouvernements agissent non seulement dans l’intérêt public, mais aussi dans leur propre
intérêt : un dollar perdu par le consommateur peut, par exemple, apparaître moins important qu’un dollar gagné par les entreprises qui créent des emplois.
Relations commeRciales 203
S’il est reconnu que les diverses restrictions au névralgiques (la culture, l’agriculture) ou straté-
commerce international peuvent comporter des giques (les industries militaires) ; ils peuvent aussi
coûts économiques importants sous la forme d’une prendre des moyens pour contrer les menaces à
baisse du niveau de vie, il existe toutefois certaines l’environnement ou à la santé publique. Dans tous
conditions dans lesquelles les pays peuvent y avoir les cas, ces manœuvres commerciales doivent être
recours. Ils ont notamment le droit de se proté- documentées adéquatement et encadrées par des
ger des partenaires commerciaux déloyaux (selon institutions supranationales qui en assurent les
les normes du droit international) ainsi que de la fondements légitimes. C’est dans ce contexte que
concurrence internationale, pendant un certain parallèlement à la croissance des échanges entre
temps, que ce soit pour jeter les bases d’une nou- les pays se met en place graduellement la coopé-
velle industrie ou défendre des secteurs considérés ration internationale régionale ou multilatérale.
Actualité économique
Le protectionnisme n’est pas la solution
Plutôt que le protectionnisme, c’est protectionniste comporterait lui aussi terme, qu’il s’agisse de produits de
une action internationale mieux coor- de nombreux pièges. base dont nous sommes dépourvus
donnée qui apporterait des réponses à ou de produits que nous ne fabri-
la crise et aux nombreux dysfonction- quons pas ou plus. En outre, du fait
nements de la mondialisation libérale.
Le protectionnisme de l’internationalisation des proces-
aiderait-il à sortir sus productifs, une grande partie des
La crise a traduit la faillite des dogmes de la crise ? importations est en réalité intégrée au
économiques qui ont prévalu depuis Sur une longue période, le libre- sein des produits made in France [pour
trente ans. Sa profondeur remet en échange généralisé est plutôt un han- ce pays] et contribue à leur compéti-
particulier en cause la volonté d’aller dicap pour le développement. Mais tivité. Enn, une montée du protec-
vers toujours plus de liberté dans les dans les circonstances actuelles, tionnisme risquerait de compromettre
échanges commerciaux et les inves- l’adoption de mesures protection- les relations politiques entre États,
tissements internationaux. Dans la nistes par les différents États risque- à un moment où l’action internatio-
plupart des pays développés, les rait au contraire d’aggraver la crise. nale coordonnée est plus que jamais
appels se multiplient en faveur d’un nécessaire pour mettre en place les
retour à une forme ou une autre de Le commerce international s’est déjà régulations indispensables an d’éviter
protectionnisme. Le libre-échange effondré [de 12 % en volume] en 2009 le retour de désordre de ce type. […]
généralisé n’était évidemment pas sous l’impact de la récession. Dans ce
la panacée, mais un retour de bâton contexte, le recours à un protection-
nisme accru déclencherait À vous de jouer !
probablement une réaction
en chaîne. Imaginons que
l’Europe décide de limiter les 1 Indiquez les quatre conséquences
importations de textiles ou de auxquelles devraient faire face les
produits électroniques. Les pays qui favoriseraient un retour au
pays lésés réagiraient pro- protectionnisme.
bablement en limitant leurs 2 Face à la crise, expliquez pourquoi
achats d’Airbus ou de cen- l’adoption de mesures protection-
trales nucléaires. Aggravant nistes par un État peut déclencher
au nal partout le marasme une réaction en chaîne chez ses
économique. Plus au fond, principaux partenaires commer-
une bonne partie de nos ciaux et entraîner pour tous ces
Avant 2016, l’Argentine était un des pays importations sont difcile- États des pertes de revenus consi-
les plus protectionnistes du monde. ment substituables à court dérables (voir l’exemple 8.1).
Source : Duval, Guillaume. (Avril 2010). « Le protectionnisme n’est pas la solution », Alternatives économiques Poche, no 043bis.
204 CHAPITRE 8
7. Il est à noter que l’élargissement se poursuit toujours. Au moment d’aller sous presse, il était question que six autres pays, l’Albanie, l’Islande,
la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Turquie, y adhérent prochainement.
Relations commeRciales 207
le dollar américain à titre de monnaie internatio- des pays de l’UE pèsent autant que celle des États-
nale. Le tableau 8.4, à la page suivante, illustre bien Unis. Toutefois, en ce qui concerne les échanges
l’importance de l’UE dans l’économie mondiale. de biens, elles devancent largement la zone de
Avec environ 24 % du produit intérieur brut (PIB) l’ALÉNA, avec respectivement 32,1 % et 12,8 % des
mondial en 2013, les 28 économies de l’ensemble exportations mondiales.
TABLEAU 8.3 Statistiques sur les 28 États membres de l’Union européenne en 2013
8. Le 1er janvier 2015, la Lituanie est devenue le 19e pays à adopter la monnaie unique.
208 CHAPITRE 8
TABLEAU 8.4 Importance relative de l’ALÉNA, de l’UE et Avant de conclure ce chapitre avec la
de la Chine dans l’économie mondiale, en 2013 théorie des avantages comparatif de
Taille de l’économie ALÉNA UE-28 Chine
Ricardo (voir la rubrique « Grands cou-
rants de la pensée économique » à la page
Part dans la population mondiale (en %) 6,7 7,1 19,1
suivante), voyons l’exemple 8.2, qui
Part dans le PIB mondial (en %) 26,3 23,7 12,6
présente une chaîne de production
Part dans les exportations mondiales (en %) 12,8 32,1 11,7
mondialisée, celle des voitures.
Source : Données tirées de Banque mondiale. (Mai 2015). « World Development Indicators Database » ;
OMC. (2013). « Base de données statistiques ».
Source : Alternatives économiques. (Avril 2014). « Voitures : une chaîne de production mondialisée », hors-série n° 101 bis, p. 6-7.
Relations commeRciales 209
Mercantilisme Doctrine
selon laquelle une nation,
pour s’enrichir, doit limiter ses
importations et développer au
maximum ses exportations.
210 CHAPITRE 8
En un clin d’œil
Internationalisation
Ouverture des pays aux échanges
dedebiens
biensetetdeservices
services
Transnationalisation
Mondialisation Déplacement de la production
Globalisation
Interdépendance des marchés
à l’échelle mondiale
LaLacroissance
croissancedes
des exportations estsupérieure
exportations est supérieure Les pays exportateurs sont
à àlalacroissance
croissance de
de la
la production mondiale.
production mondiale. généralement des pays développés.
Échanges
Avantage absolu
commerciaux
Gain
Avantages comparatifs
Tarif douanier
Taxe sur les biens importés
Les pays exportateurs sont
Protectionnisme Guerre commerciale
généralement des pays développés.
Quota
Mesure limitant les importations
Coopération multilatérale
OMC (anciennement GATT) Formes d’intégration
économique
Coopération • Zone de libre-échange
internationale • Union douanière
Coopération régionale • Marché commun
• ALÉNA • Union
Unionéconomique
économique
• UE • Union économique et monétaire
Relations commeRciales 211
Source : Données tirées de Zorn, Nicolas. (Novembre 2012). « Le 1 % québécois : martyr scal ? Étude sur l’évolution des revenus et de l’impôt du premier centile
québécois ». Institut de recherche en économie contemporaine.
212 CHAPITRE 8
13 Calculez, pour 1980, 1985, 1990, 1995, 2000, 15 La gure ci-dessus présente le marché de chaus-
2005, 2010, 2011, 2012 et 2013, la part (en %) des sures d’un petit pays ctif qui serait isolé du mar-
services dans les exportations mondiales (voir le ché mondial. Le prix mondial des chaussures est
tableau 8.2 à la page 200). Que constatez-vous ? de 60 $ la paire.
a) Quels sont le prix et la quantité d’équilibre des
14 Deux pays doivent choisir entre l’imposition au
chaussures sans échange international ?
partenaire commercial d’une taxe sur ses pro-
duits (protectionnisme) et l’entrée libre de ces b) Si le prix mondial des chaussures est de 60 $ la
produits (libre-échange). Le tableau ci-dessous paire, le pays est-il un importateur ou un exporta-
illustre en quoi les gains du pays 1 et du pays 2 teur de chaussures ?
peuvent dépendre de leurs décisions. Ainsi, chaque c) Quel sera cette quantité importée ou exportée ?
pays à lui seul pourrait tirer des gains substantiels
du protectionnisme, mais chacun subira des pertes 16 Dans la section 8.3, on donne à penser que le
si les deux pays prennent cette décision. À l’aide de protectionnisme est injustié. Pourtant, depuis
ce jeu, répondez aux questions suivantes. novembre 2008, on note une montée signicative
du protectionnisme dans le monde. Pensons, par
a) Trouvez l’issue du jeu. exemple, à la Russie qui continue d’imposer une
b) Expliquez quel raisonnement peut amener les taxe sur certains produits manufacturiers euro-
deux pays à choisir le protectionnisme. péens comme le papier. À l’aide d’une recherche sur
c) Expliquez pourquoi les deux pays ont intérêt à Internet ou à la bibliothèque, expliquez pourquoi
choisir conjointement le libre-échange. certains pays auraient de bonnes raisons de limi-
ter les échanges commerciaux.
d) De quelle façon la coopération peut-elle se réaliser ?
Question d’intégration
Pays 2
Libre-échange Protectionnisme 17 Les échanges de biens et de services avec les
autres pays inuent sur la performance de notre
10 20
Libre-échange économie et son fonctionnement. Expliquez de
10 –10
Pays 1 quelle façon en revoyant les principaux éléments
–10 –5 d’une économie globale présentés dans les chapi-
Protectionnisme
20 –5
tres précédents.
Relations commeRciales 213
Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page 238 pour des instructions détaillées.)
1 Recueillez des données sur les relations commer- 2 Pour connaître les plus récentes données sur le
ciales du Canada. Vous les trouverez en consultant commerce international du Québec, consultez
le site de Statistique Canada. Dans la section « Par- la Banque de données des statistiques ocielles
courir par sujet », en bas de l’écran, cliquez sur le sur le Québec. Une fois sur le portail, cliquez
lien « Comptes économiques ». Ensuite, choisissez « Économie » dans la section « Statistiques et publi-
« Balance des paiements internationaux », puis cations », puis choisissiez « Commerce internatio-
« Tableaux sommaires » et « Balance des paiements nal » situé à gauche de l’écran. Enn, choisissez le
internationaux du Canada ». tableau « Exportations internationales annuelles
par produit, Québec et Canada ».
Statistique Canada
a) Pour chacune des quatre dernières années, calcu- Banque de données des statistiques ofcielles
lez la variation relative en pourcentage des expor- sur le Québec
tations canadiennes de biens et de services. Que a) Quels sont les deux principaux produits que le
constatez-vous ? Québec exporte vers d’autres pays ?
b) Pour chacune des quatre dernières années, cal- b) Quelle est, pour l’année la plus récente, la part de
culez la part (en %) des services dans les expor- ces deux biens dans l’ensemble des exportations
tations canadiennes de biens et de services. Que québécoises ? Que constatez-vous ?
constatez-vous ?
CHAPITRE
9 RELATIONS
FINANCIÈRES
9.1 Mesure des échanges TABLEAU 9.1 Compte courant et compte capital
du Canada en 2014 (en milliards de $)
extérieurs : la balance Compte courant Recettes (+) Paiements (–)
des paiements et de capital (exportations) (importations)
Solde
Note : La somme des données ne correspond pas toujours exactement au solde des
lignes ou au total des colonnes parce qu’on les a arrondies à une décimale près.
9.1.1 Les comptes courant Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableau 376-0101.
et de capital
Au chapitre 3, nous avons vu que le PIB, mesuré par revenus primaires, qui comprennent la rému-
les dépenses, comprend la diérence entre l’achat nération des employés frontaliers et les revenus
de biens et de services nationaux par des étrangers de placements (c’est-à-dire les intérêts et les divi-
et l’achat de produits étrangers par des résidents dendes reçus par les résidents pour des investisse-
nationaux (X – M). Dans cette identité macroé- ments eectués à l’étranger et ceux qui sont versés
conomique, les exportations (X) et les importa- aux étrangers pour des investissements faits dans
tions (M) correspondent respectivement pour le pays).
une grande part aux recettes et aux paiements du
compte courant. Le tableau 9.1 présente le compte
courant du Canada en 2014. Balance des paiements Outil comptable qui recense
l’ensemble des transactions économiques qu’un pays
La première composante du compte courant effectue avec les autres pays.
nous donne le solde des échanges de biens (en Compte courant Compte de la balance des paiements
comptabilité nationale, on parle alors d’expor- qui recouvre les échanges de biens et de services, les
tations nettes de biens ou de balance com- revenus primaires et les revenus secondaires.
merciale2 et de services. On y retrouve donc les Balance commerciale Composante du compte cou-
exportations et les importations de biens, comme rant où sont comptabilisés les échanges de biens
les matières premières et les biens manufacturés, (de marchandises).
ainsi que les revenus et les dépenses liés au tou- Revenus primaires Éléments du compte courant
risme et aux transports. englobant la rémunération des employés frontaliers et
les revenus de placements des investisseurs (intérêts,
Le compte courant regroupe également un agré- dividendes, etc.).
gat de la balance des paiements. Il s’agit des
1. Nous utilisons la présentation en vigueur depuis 2012. Pour plus de renseignements, consultez Statistique Canada. (28 septembre 2012). « Sommaire des
révisions apportées aux Comptes internationaux du Système de comptabilité nationale du Canada 2012 ».
2. Notez que l’expression « balance commerciale » renvoie parfois à l’échange de biens et de services, et non seulement de biens.
RELATIONS FINANCIÈRES 217
Enn, la troisième composante du compte courant compte capital représentent une partie marginale
repose sur les revenus secondaires, qui sont des du compte. En 2014, le solde du compte capital a été
transferts de fonds privés ou publics entre les pays. excédentaire de 0,4 milliard de dollars.
Ils englobent les pensions, les bourses d’études,
Balance des paiements internationaux,
l’aide internationale, les sommes d’argent envoyées compte courant
aux familles, etc.
Malgré un premier surplus signicatif des échanges 9.1.2 Le compte nancier
de biens depuis 2008 (voir la gure 9.1), le Canada Le deuxième élément de la balance des paiements
a enregistré un décit de 44,5 milliards de dollars englobe le compte nancier. Le compte nan-
de son compte courant en 2014, ce qui signie que cier enregistre diérents types de ux nanciers.
les transactions courantes ont entraîné moins
d’entrées que de sorties de fonds.
Le compte de capital 3 enregistre des transferts Revenus secondaires Éléments du compte courant
englobant les transferts de fonds entre les pays
en capital (par exemple, les actifs des immigrants et
(les pensions, les bourses d’études, les dons et
des émigrants, les héritages, les remises de dettes et l’aide internationale).
de pertes sur les créances accordées aux pays du
Compte de capital Compte de la balance des paie-
tiers-monde qui ne peuvent honorer leurs engage-
ments qui enregistre les transferts en capital (actifs des
ments nanciers), mais également les acquisitions migrants, héritages, remises de dettes) et les transac-
et les cessions d’actifs non nanciers non produits tions portant sur les actifs non nanciers non produits
(c’est-à-dire les droits de propriété intellectuelle (brevets, terrain d’une ambassade).
comme les brevets, et les biens corporels comme Compte nancier Compte de la balance des paie-
le terrain d’une ambassade). Comme on peut le ments qui enregistre les ux nanciers.
constater au tableau 9.1, les transactions reliées au
3. Il est à noter qu’avant 2012, le compte capital était fusionné au compte nancier plutôt qu’au compte courant.
218 CHAPITRE 9
4. Notez que les transactions portant sur des actions d’entreprises sont inscrites dans les « investissements directs » lorsque la déclaration de l’acquéreur vise à
exercer un contrôle sur la direction de l’entreprise, même si cette participation ne lui procure pas la majorité absolue des actions en circulation.
5. En 2012, on a effectué un changement important en ce qui concerne l’interprétation des signes utilisés dans le compte nancier en inversant la présentation
traditionnelle. Compte tenu de l’utilisation de la nouvelle terminologie, « Acquisition nette d’actifs nanciers », un signe positif dans le compte nancier de
la balance des paiements représente maintenant une hausse des actifs du Canada à l’étranger, tandis qu’un signe négatif représente maintenant une baisse de
ces actifs détenus par les Canadiens.
RELATIONS FINANCIÈRES 219
totaux des deux comptes devraient être égaux. ont dépassé les entrées de fonds du pays au cours
Cette identité comptable s’explique de la façon sui- de la période étudiée. Par exemple, en 2014, elle
vante : lorsque le solde des comptes courant et de correspondait à 1,3 milliards de dollars (voir le
capital d’un pays est négatif (comme c’était le cas tableau 9.3).
du Canada en 2014), cela signie qu’il a acheté plus
de biens et de services qu’il n’en a vendu (situation
similaire à un agent dont les dépenses excèdent les 9.2 Taux de change et marché
revenus). Pour couvrir son dû, il doit nécessaire-
ment puiser dans son épargne (dans ses réserves de des changes
devises) ou emprunter à l’étranger. Bien entendu, Si chaque pays a sa propre unité de mesure moné-
l’inverse se produira aussi si les comptes courant et taire, comment les agents économiques font-ils
capital sont en surplus. pour régler leurs transactions commerciales et
nancières ? Le problème des échanges extérieurs
En pratique, comme les données proviennent de
sources multiples, les soldes de ces deux comptes se résout par le marché des changes, qui détermine
de la balance des paiements s’égalisent rarement. le taux de change.
Par conséquent, an de s’assurer que la balance
des paiements soit équilibrée, Statistique Canada 9.2.1 Le taux de change
introduit chaque année une rubrique intitulée Le taux de change est le prix en monnaie natio-
« divergence statistique », qui tient compte des nale d’une unité de devise (monnaie étrangère).
erreurs de mesure et des transactions non enre- Dans le cas du Canada, il indique le nombre de
gistrées. Cette divergence statistique englobe dollars canadiens nécessaires pour se procurer une
aussi la diérence entre les entrées et les sor- unité de devise :
ties de fonds au pays. La divergence statistique
est précédée d’un signe positif lorsque les sorties prix (nombre de dollars canadiens)
Taux de change =
1 unité de devise
Source : Données tirées de Statistique Canada, CANSIM, tableaux 376-0101 Devise Monnaie étrangère.
et 376-0102.
EXEMPLE 9.1 Décrire les comptes de la balance des paiements d’un pays
À partir des données ci-après, en milliards de dollars, on désire • Investissements par le Burdistan à l’étranger : 170
calculer le solde du compte courant, du compte capital et du
• Investissements par les étrangers au Burdistan : 155
compte nancier du Burdistan (pays ctif).
Le solde du compte courant est égal aux exportations nettes
• Exportations de biens et de services : 300
(300 – 300 = 0) plus les revenus de placement nets (65 – 55 = 10)
• Importations de biens et de services : 300 plus les transferts nets (0), soit +10 milliards de dollars. Le
solde du compte capital est égal à +5. Le solde nancier est
• Revenus de placement gagnés à l’étranger : 65
égal à l’écart entre les investissements par le Burdistan à
• Revenus de placement versés à l’étranger : 55 l’étranger (actifs de 170) et les investissements par les étrangers
au Burdistan (passif de 155), soit +15 milliards de dollars. La
• Transferts nets : 0
balance des paiements est donc en équilibre, puisque le solde des
• Entrée nette de capital : +5 comptes courant et capital (+15) correspond à celui du compte
nancier (+15).
220 CHAPITRE 9
l’on retrouve tous les jours dans la rubrique nan- TABLEAU 9.4 Cotation des devises au 27 janvier 2016
cière des journaux. Toutefois, aux informations
Taux de change
télévisées, on privilégie une autre dénition du Pays Devise
taux de change, appelée cotation au certain 6. (en $CAN) (en devises)
Cette dernière donne la valeur du dollar canadien
Argentine Peso 0,1009 9,9108
par rapport aux autres devises. Par exemple, si, le
27 janvier 2016, il fallait 1,4043 $CAN pour ache- Australie Dollar 0,9935 1,0065
ter 1 $US (voir le tableau 9.4), alors 1 $CAN valait États-Unis Dollar 1,4043 0,7121
0,7121 $US. Il s’agit en fait de la réciproque d’une Europe Euro 1,5261 0,6553
1
(
cotation à l’incertain soit 1,4043 que l’on calcule à) Japon Yen 0,01181 84,6740
l’aide d’une simple règle de trois : Mexique Peso 0,07640 13,0890
de la valeur du dollar canadien (cela revient à dire ● Le système de taux de change xe est un sys-
que notre monnaie s’est dépréciée). En revanche, tème dans lequel le taux de change ne varie pas,
une hausse du taux de change signie que le dol- puisqu’il est xé par les autorités gouvernemen-
lar canadien a pris de la valeur par rapport au tales par rapport à un étalon (or, devise, panier
dollar américain. de devises).
Il est à noter que les termes « dépréciation » et Même si, depuis 1976, la majorité des pays laissent
« appréciation » ne doivent pas être confondus avec otter leur propre taux de change selon les forces
« dévaluation » et « réévaluation », qui sont utilisés du marché, les taux de change ne sont en réalité
lorsqu’une banque centrale décide volontairement jamais totalement libres. Au Canada, comme dans
de modier le cours des devises, dans un système la plupart des pays industrialisés, la banque cen-
où le taux de change n’est pas déterminé par le trale intervient régulièrement sur le marché des
marché, mais plutôt par les autorités gouverne- changes pour stabiliser ces taux. C’est ce que l’on
mentales. C’est ce que l’on appelle « un régime de appelle un « ottement contrôlé » ou « administré ».
taux de change xe ».
9.2.3 Le marché des changes
Les systèmes de taux de change Le marché des changes est composé de tous les
Le système de taux de change correspond au type intervenants qui ont besoin d’échanger des devises
de relation entre les devises. éoriquement, il
existe deux systèmes de taux de change : le sys- Système de taux de change exible (ou ot-
tème de taux de change exible et le système de tant) Système dans lequel le taux de change varie
taux de change xe. librement selon les forces du marché.
Système de taux de change xe Système dans
● Le système de taux de change exible lequel le taux de change est xé par les autorités gou-
(ou ottant) est un système dans lequel le vernementales par rapport à un étalon.
taux de change varie librement selon les forces Marché des changes Lieu où s’échangent les devises.
du marché.
222 CHAPITRE 9
pour eectuer des transactions. Il n’occupe pas de où les établissements nanciers sont à l’origine
lieu précis et passe plutôt par le bureau des changes de la majeure partie des activités du marché des
des grandes banques regroupées dans les princi- changes. En fait, les taux que l’on trouve dans
pales places nancières dans le monde. Surtout les journaux sont des taux interbancaires (ou
concentrées à Londres, New York, Tokyo, Genève taux « de gros »). Aucun montant inférieur à
et Singapour, celles-ci sont reliées par des réseaux un million n’est échangé à ces taux. Ceux qu’ap-
informatiques leur permettant d’agir rapidement pliquent les établissements nanciers sont, bien
et ecacement. De plus, en raison des décalages entendu, moins intéressants que les taux « de
horaires, le marché des changes fonctionne tous les gros », et on les appelle taux « des particuliers ».
jours, 24 heures sur 24. En fait de volume, ce marché L’écart entre ces deux taux correspond à la com-
est le premier en importance avec 5300 milliards de pensation que reçoit l’établissement nancier
dollars américains échangés quotidiennement7. pour le service rendu.
Les intervenants sur le marché Il est à noter que les établissements nanciers et
des changes les bureaux de change disposent de deux taux de
change : un pour l’achat et un autre pour la vente.
Parmi les intervenants sur le marché des changes (voir
La Banque Royale, par exemple, était prête à vous
la gure 9.3), on trouve les particuliers et les entre-
prises qui transmettent aux établissements nan- acheter, le 27 janvier 2016, un dollar américain
ciers ou aux courtiers leurs ordres d’achat et de vente pour 1,3616 $CAN et à vous le vendre pour
de devises. Ces derniers jouent donc un rôle d’inter- 1,4459 $CAN. La diérence entre les deux limites
médiaires. Toutefois, les établissements nanciers ne s’explique par l’évaluation du risque de change
font pas que répondre aux besoins de leurs clients ; ils entre le moment où l’établissement traite l’opé-
interviennent aussi régulièrement sur le marché des ration et le moment où il l’enregistre.
changes pour leur propre compte. Les banques centrales sont aussi des acteurs
D’ailleurs, on dit que le marché des changes est importants du marché des changes. En eet, nous
avant tout un marché interbancaire, dans le sens avons vu que certaines d’entre elles interviennent
régulièrement sur ce marché an de limiter les
uctuations des devises et de stabiliser les taux
FIGURE 9.3 Intervenants sur le marché des changes
de change. Enn, les grandes entreprises (multi-
nationales) ont développé une activité bancaire
dans la foulée de la globalisation des marchés.
Elles ont donc leur propre service doté d’équipes
de cambistes actifs sur le marché des changes.
Qu’en est-il du rôle des cambistes ? Ces individus
spécialisés dans les opérations de change sont au
service des établissements nanciers ; ils exécutent
au mieux les ordres de leurs clients et s’eorcent
7. Bank for International Settlements. (8 décembre 2013). « Le bas niveau des taux stimule les marchés de la dette », Rapport trimestriel BRI.
RELATIONS FINANCIÈRES 223
En raison des décalages horaires, le marché des changes fonctionne tous les jours, 24 heures sur 24. En fait de volume, ce marché
est le plus important avec 5300 milliards de dollars américains échangés quotidiennement.
ainsi de réaliser des gains de change. Bref, leur rôle Prenons l’exemple de la SAQ, qui doit acquit-
consiste à réunir l’ore et la demande de devises. ter dans trois mois une facture de 50 000 $US
d’un fournisseur californien. Si, au moment de la
Les types de marché des changes commande, le taux de change est de 1,00 $US =
Sur le marché des changes, on distingue générale- 1,00 $CAN, le montant de la facture en dollars
ment le marché au comptant du marché à terme. canadiens s’élève alors à 50 000 $CAN.
● Le marché au comptant correspond à un Qu’arrivera-t-il dans trois mois ? Quel montant
marché où les transactions de devises se font à la SAQ devra-t-elle réellement débourser ? Cela
l’intérieur des deux jours ouvrables qui suivent dépend évidemment du taux de change qui sera
la négociation d’un contrat. Il s’agit du marché en vigueur à ce moment-là. Si, à l’échéance, le taux
le plus ancien et le plus courant. de change s’élève à 1,00 $US = 0,95 $CAN, la SAQ
fera un gain, puisqu’elle ne devra débourser que
● Le marché à terme correspond à un marché où
les transactions sont reportées à une échéance Marché au comptant Marché où les transactions de
(habituellement 30 jours, 90 jours ou 180 jours) devises se font à l’intérieur des deux jours ouvrables
et à un cours xés à l’avance, cours appelé taux qui suivent la négociation d’un contrat.
de change à terme. Il permet aux agents éco- Marché à terme Marché où les transactions sont
nomiques qui commercent avec d’autres pays de reportées à une échéance (habituellement 30, 90 ou
se couvrir contre le risque de change. 180 jours) et à un cours xés à l’avance.
Taux de change à terme Taux de change xé à l’avance
Pourquoi un importateur aurait-il intérêt à se pro- en vertu d’un contrat d’une durée de 30, 90 ou 180 jours.
téger contre les variations du taux de change ?
224 CHAPITRE 9
47 500 $CAN (soit 50 000 $US × 0,95), c’est-à-dire et de la demande que nous avons présenté au cha-
un montant inférieur aux 50 000 $CAN initiaux. pitre 2. Il convient donc ici de s’interroger sur les
Par contre, si le taux de change s’élève à 1,00 $US = forces qui déterminent le taux de change.
1,05 $CAN, la SAQ subira alors une perte, car elle
devra payer un montant de 52 500 $CAN (soit
50 000 $US × 1,05), qui est bien supérieur à celui qui 9.3.1 La demande et l’offre
prévaudrait si le taux de change était resté à parité. de devises
Ainsi, une entreprise canadienne qui importe des Qui sont les demandeurs de devises (ou les
produits a toujours deux possibilités. La première oreurs de dollars canadiens) ? Ce sont essen-
consiste à acheter ses devises sur le marché des tiellement des importateurs (M), c’est-à-dire des
changes au comptant et à prendre ainsi le risque de acheteurs de produits et d’actifs nanciers étran-
devoir payer davantage si la monnaie canadienne gers. En eet, chaque fois que la SAQ achète du vin
de la Californie ou qu’un Canadien voyage aux
vient à se déprécier. La seconde est d’accepter de
payer plus cher ses devises selon un taux de change États-Unis, ils consacrent des dollars canadiens
à terme, mais d’avoir la certitude de ne pas devoir à l’achat de dollars américains an de couvrir
les payer encore plus cher. leurs paiements. De même, lorsque Bombardier
décide de construire une usine en Irlande, il doit
payer en euros et devient donc un demandeur
de devises.
9.3 Détermination du taux
de change Qui sont les offreurs de devises (ou les deman-
deurs de dollars canadiens) ? Ce sont des expor-
Comme nous venons de le voir, le marché des tateurs (X), c’est-à-dire des vendeurs de produits
changes est complexe et fait appel à une multi- et d’actifs financiers nationaux. En principe,
tude d’intervenants qui, ensemble, déterminent une entreprise canadienne qui vend des pro-
les diérents taux de change partout dans le duits aux États-Unis désire se faire payer dans
monde. Pour étudier et expliquer de façon plus la monnaie de son pays. Dans le cas contraire,
systématique les marchés et leurs mouvements de elle offrira ses dollars américains contre des
prix, les économistes recourent au modèle de l’ore dollars canadiens.
Les bureaux de change, comme ceux que l’on trouve sur la rue Sainte-Catherine à Montréal, sont les endroits idéaux pour se procurer
des devises – $US ou euros –, car ces bureaux prennent moins de marges que les établissements nanciers quand ils vendent des devises.
RELATIONS FINANCIÈRES 225
9.3.2 L’équilibre sur le marché L’interaction des deux forces détermine le taux
des changes de change d’équilibre (1,00). À ce niveau, la quan-
tité de devises demandée et la quantité oerte
La gure 9.4 illustre comment le taux de change est
sont égales.
déterminé par les forces du marché du dollar amé-
ricain (voir la gure 9.4a) et du dollar canadien (voir
la gure 9.4b). Comme pour l’ensemble des mar- 9.3.3 Les déséquilibres sur
chés, l’a xe horizontal indique la quantité échangée le marché des changes
et l’axe vertical correspond au prix d’une devise (en En 2015, le dollar canadien s’est déprécié considé-
dollars canadiens à la gure 9.4a ou en dollars amé- rablement par rapport au dollar américain pour
ricains à la gure 9.4b), donc au taux de change. À se transiger à autour de 1,30 $CAN en août de la
la gure 9.4a, la courbe de l’ore de devises repré- même année. Mais pourquoi une telle déprécia-
sente les exportations canadiennes, et la courbe de tion ? Plusieurs raisons peuvent expliquer cette
la demande, les importations canadiennes. situation, mais un facteur a sans contredit joué
un rôle déterminant : le choc pétrolier, qui a été
Les pentes de l’ore et de la demande sont res-
plus brutal que prévu. Puisque la demande mon-
pectivement positive et négative, comme celles de
diale de pétrole et de métaux (tels l’aluminium,
toutes les courbes vues précédemment. Plus le taux
le cuivre, le nickel, l’uranium et le zinc) s’affaiblit
de change du dollar canadien par rapport au dol-
considérablement et que le Canada est un grand
lar américain augmente, plus nos exportations (X)
producteur et un exportateur net de ces produits
s’accroissent, car elles sont devenues relativement
de base, il en résulte une diminution des expor-
moins chères, et plus nos importations diminuent,
tations canadiennes, et donc de la demande de
puisque les produits et les actifs américains coûtent
dollars canadiens (ou de l’ore de devises).
plus cher (remarquez que les deux courbes illus-
trées à la gure 9.4b sont les réciproques de celles La gure 9.5, à la page suivante, résume la dyna-
de la gure 9.4a, puisque la demande de dollars mique en jeu. L’ore de dollars américains (ou la
canadiens reète exactement l’ore de dollars amé- demande de dollars canadiens) se déplace vers
ricains et que l’ore de dollars canadiens reète la gauche, entraînant une dépréciation de la mon-
exactement la demande de dollars américains). naie canadienne.
FIGURE 9.4 Équilibre sur le marché des changes lorsque le taux de change est à parité
226 CHAPITRE 9
9.4 Pouvoir d’achat connaître la force. En fait, une devise vaut ce qu’elle
nous permet réellement d’acheter. Par exemple, si,
d’une devise avec 10 $CAN, vous pouviez acheter, après les avoir
Bien que le taux de change nous soit familier, convertis en dollars américains, la même quan-
il n’en reste pas moins une source de confusion tité de biens et de services aux États-Unis qu’au
pour plusieurs. Ainsi, si on vous demandait Canada, le dollar canadien aurait alors la même
laquelle des devises est la plus forte, vous diriez valeur que le dollar américain. C’est ce qu’on appelle
sûrement, et avec raison, que c’est le dollar amé- « la parité des pouvoirs d’achat ». Notez que, selon
ricain ou l’euro. l’OCDE, la parité du pouvoir d’achat de notre dollar
avec le dollar américain était environ de 1,24 $CAN
Mais sur quoi vous seriez-vous basé pour répondre (ou 0,81 $US) en 20148. Cela signie qu’à ce taux de
à cette question ? Sur le fait que ces devises coûtent change, il y a égalité des pouvoirs d’achat entre les
plus cher que le dollar canadien ? Sachez que le prix deux devises (voir la rubrique « Grands courants de la
d’une devise est un indicateur insusant pour en pensée économique » à la page 231).
8. OCDE. « PPA et Taux de change ».
RELATIONS FINANCIÈRES 227
À vous de jouer !
Une politique monétaire expan- FIGURE 9.7 Effets d’une politique monétaire expansionniste sur l’économie
sionniste a donc permis de relan-
cer l’activité économique, mais il
ne faut pas oublier l’impact sur le
marché des changes. En eet, la
baisse généralisée des taux d’in-
térêt rend les actifs nanciers
canadiens moins intéressants,
ce qui suscite une sortie de capi-
taux. Toutes choses étant égales
par ailleurs, les investisseurs
se débarrassent donc de leurs
dollars canadiens et achètent
d’autres devises an d’obtenir
un rendement plus avantageux à
l’étranger. On assiste alors à une
hausse de l’ore de dollars cana-
diens et de la demande de devises
sur le marché des changes. Il en
résulte une dépréciation de la
monnaie canadienne. De sur-
croît, cette dépréciation stimule
les exportations et décourage les
importations devenues relative-
ment plus chères. L’accroissement
FIGURE 9.8 Effets d’une politique monétaire restrictive sur l’économie
des exportations nettes amplie
la relance économique, mais au
prix d’une monnaie plus faible,
avec les avantages (hausse de
la compétitivité des entreprises
canadiennes) et les inconvé-
nients (perte du pouvoir d’achat
mondial des consommateurs
canadiens) que cela comporte.
On peut aussi remarquer que le
raisonnement inverse engendre
le même dilemme pour l’État.
Un pays qui désire augmenter
ses taux d’intérêt pour soutenir
sa devise devra le faire au prix
d’un ralentissement de l’écono-
mie et d’une hausse du chômage.
Les gures 9.7 et 9.8 résument
les conséquences intérieures et
extérieures d’un changement
d’orientation de la politique
monétaire.
RELATIONS FINANCIÈRES 229
TABLEAU 9.5 Guerre des devises De toute évidence, la Chine et les États-Unis ont
intérêt à coopérer an d’éviter une guerre des
États-Unis
devises qui aurait surtout pour eet de raviver les
Politique Politique
monétaire monétaire pressions inationnistes et d’anéantir la croissance
expansionniste expansionniste économique. Comment peut-on résoudre alors le
modérée excessive
dilemme du prisonnier ? Comment peut-on s’assu-
Politique monétaire 1 1,5 rer que chaque pays ne va pas baisser articielle-
expansionniste
modérée 1 0 ment sa monnaie ? Il faut trouver une façon d’inciter
Chine
Politique monétaire 0 0,5 les pays à coordonner leurs politiques économiques
expansionniste internationales. Cela passe indéniablement par une
excessive 1,5 0,5
surveillance multilatérale renforcée.
230 CHAPITRE 9
Actualité économique
La guerre des devises : le retour
Lorsque l’économie stagne ou se Les manœuvres de la BdJ, annoncées lorsque la balance commerciale d’un
contracte, les remèdes généralement en octobre, sont surtout destinées à État s’améliore, c’est au détriment
recommandés sont bien connus : affaiblir le yen pour relancer les expor- d’une autre », explique M. Roubini.
il faut augmenter les dépenses de tations japonaises et sortir l’archipel de Bref, les « plus » et les « moins » s’an-
l’État, réduire les taxes ou abaisser la récession ; une tactique louable mais nulent, et on revient à la case départ,
les taux d’intérêt. qui provoque des réactions en cas- tôt ou tard. […]
cades en Asie et dans d’autres régions.
Mais si aucune de ces solutions n’est Une chose est certaine, cette guerre
disponible – simplement parce que le Craignant de perdre en compétitivité des monnaies prote au dollar améri-
budget ne le permet pas ou que les par rapport aux Japonais, les banques cain, qui grimpe par rapport à toutes
taux sont déjà au plancher –, alors on centrales de Chine, de Corée du Sud, de les devises. Reste à savoir si, dans
fait quoi pour sauver le patient ? Taïwan, de Singapour et de Thaïlande une confrontation monétaire à grande
ont commencé à abaisser leurs taux échelle, la Réserve fédérale osera
L’un des derniers médicaments dans d’intérêt et à assouplir leur politique augmenter les taux d’intérêt aux
la pharmacie des banques centrales monétaire... ou s’apprêtent à le faire. États-Unis, en 2015, si cela accélère la
est de dévaluer la devise nationale hausse du billet vert et, du coup, nuit
pour rendre les exportations plus Il est aussi probable que la Banque
centrale européenne (BCE) – qui mul- aux exportations américaines.
attrayantes. Et quand plusieurs pays
font la même chose en même temps, tiplie les efforts pour affaiblir l’euro « La guerre ! La guerre ! Ce n’est pas
c’est une « guerre de devises », disent – ainsi que les banques centrales une raison pour se faire mal ! », clamait
les experts. suisse, suédoise, norvégienne et un petit soldat dans le lm La guerre
d’Europe centrale en fassent autant des tuques, d’André Melançon.
Nouriel Roubini croit que le monde pour empêcher leur monnaie de s’ap-
est au bord d’une grande confronta- précier, prévient M. Roubini.
tion monétaire.
Depuis son sommet en mai, le yen a À vous de jouer !
Dans une analyse-choc la semaine plongé de 17 % par rapport au dollar
dernière, le célèbre économiste – américain, tandis que l’euro a chuté 1 Lorsque l’économie stagne ou
surnommé Dr. Doom (Docteur Catas- de 12 %. Faute de pouvoir recourir à se contracte, quels sont les deux
trophe) à cause de ses prédictions d’autres moyens, le Japon et la zone grands remèdes conjoncturels –
notoirement pessimistes – n’aime euro espèrent ainsi relancer leur éco- ou politiques macroéconomiques
pas ce qu’il voit sur les mar- nomie désespérément faible et lutter traditionnelles ?
chés nanciers. contre la déation. 2 Selon le texte, quel est le seul outil
Dans un environnement marqué par disponible que détiennent les pays
l’endettement élevé des gouverne-
Jeu à somme nulle ? pour dynamiser la demande et la
ments et l’austérité budgétaire, « la Or, les experts ne s’entendent pas croissance économique ?
politique monétaire [lire : le taux de sur l’impact d’une baisse des taux de 3 En vous inspirant de la section 9.5,
change] est devenue le seul outil dis- change lorsque plusieurs pays le font expliquez comment la Banque cen-
ponible pour dynamiser la demande en même temps. trale du Japon a tenté de dynami-
et la croissance ». […] Certains estiment que c’est un levier ser la demande globale et l’activité
efcace sur le plan économique. économique.
De l’avis général, un événement a
mené le monde au bord de la guerre : D’autres y voient un jeu dangereux, 4 Quelle réaction la décision du Japon
la décision récente de la Banque du qui attise les tensions commerciales a-t-elle provoquée chez ses parte-
Japon (BdJ) d’accroître ses injec- et qui, surtout, s’avère un jeu à somme naires commerciaux asiatiques ?
tions de liquidités dans le système nulle pour l’économie mondiale. 5 Quel est le danger lorsque plusieurs
nancier, au rythme de 60 milliards pays utilisent simultanément cette
« Lorsqu’une monnaie s’affaiblit, une
US par mois. politique économique ?
autre se renforce nécessairement ; et
Source : Dupaul, Richard. (8 décembre 2014). « La guerre des devises : le retour », La Presse.ca.
RELATIONS FINANCIÈRES 231
9. Hitek.fr. (28 octobre 2014). « Le compte est bon : McDonald’s, le nombre incroyable de burgers vendus, les burgers insolites et 20 autres chiffres surprenants ! ».
10. ConsoGlobe. (3 mai 2013). « Où peut-on échapper à McDonald’s dans le monde ? ».
232 CHAPITRE 9
En un clin d’œil
Balance des
paiements
Taux de change
Prix en monnaie nationale d’une unité de
devise (ou valeur de la monnaie nationale
par rapport à une autre devise).
Taux de change et
marché des changes
Détermination
Équilibre
du taux de change
Pouvoir d’achat
du dollar canadien
Parité des pouvoirs d’achat (PPA)
Taux de change = IPC (du Canada)
IPC (des États-Unis)
Politique monétaire
et taux de change
11. Vallières, Martin. (16 juillet 2015). « Baisse du huard : les vacances américaines plus chères », La Presse.ca.
236 CHAPITRE 9
a) Pourquoi le dollar canadien s’est-il déprécié ? Jus- joueurs – est en dollars américains, une règle de la
tiez votre réponse. convention collective. Cette saison, la masse sala-
b) Lesquels des agents économiques canadiens sont riale du Canadien est d’environ 63,6 millions $US. Si
les plus favorisés et les plus défavorisés par la l’équipe devait payer ses joueurs pour l’année d’un
situation décrite en a) ? seul coup au taux de change actuel, il lui en coûterait
79,5 millions $CAN.
18 La gure, au bas de la page, présente la variation
relative (en %) des principales devises durant la Un huard en déclin sera néfaste à long terme pour
crise économique de 2009. les finances des équipes canadiennes de la LNH.
C’était d’ailleurs pour venir en aide aux équipes
a) Quelle devise est ressortie comme l’une des prin- canadiennes à la fin des années 90 – quand le
cipales gagnantes de l’année 2009 ? Justiez dollar oscillait entre 64 et 70 cents US – que la
votre réponse. LNH a instauré son premier régime de partage
b) Selon vous, quels sont les principaux facteurs des revenus destiné uniquement aux équipes
ayant permis à cette devise de traverser la der- canadiennes ».
nière crise sans encombre ? a) Pourquoi le Canadien de Montréal et les autres
19 Voici un extrait de La Presse du 29 janvier 201512. équipes de hockey canadiennes devraient-ils se
« La baisse du dollar canadien devrait faire mal aux soucier d’une dépréciation à long terme du dol-
nances du Canadien de Montréal, non ? lar canadien ?
C’est que le Canadien se protège contre les uctua- b) Comment le Canadien de Montréal peut-il se pro-
tions du huard, au même titre que toutes les équipes téger contre une baisse du huard à court terme ?
canadiennes de la Ligue nationale de hockey (LNH), c) Quelle est la masse salariale du Canadien de Mon-
selon les renseignements recueillis par La Presse tréal au taux de change de juillet 2015 ?
Aaires auprès de plusieurs sources bien informées.
d) Quelle est la masse salariale du Canadien s’il a acheté
Une précaution qui aura rarement été aussi rentable
ses dollars américains avant la chute du huard ?
que cette saison, alors que le huard est passé de
0,94 $US à 0,80 $US depuis juillet dernier. e) Quel est le gain (bénéce) du Canadien dans
l’éventualité où la totalité des dépenses a été
Alors que la quasi-totalité des revenus est en dol-
eectuée au taux de change à terme ? Comparez
lars canadiens, le principal poste de dépenses d’une
les réponses en c) et d).
équipe canadienne de la LNH – les salaires des
Source : Données tirées de Banque du Canada. « Convertisseur de devises – dix dernières années ».
12. Brousseau-Pouliot, Vincent. (29 janvier 2015). « Comment le Canadien tirera prot de la baisse du dollar », La Presse.ca.
RELATIONS FINANCIÈRES 237
Question d’intégration
20 Selon un large consensus de la communauté scien- prochaines années. D’après ce que vous avez
tique, toutes les économies du monde seront pu lire dans le manuel, y compris dans ce chapitre,
confrontées à des degrés divers au réchaue- comment, selon vous, les économistes devraient-ils
ment de la planète au cours des cinquante étudier ce phénomène ?
Laboratoire informatique
(Voir l’annexe à la page suivante pour des instructions b) Le Canada a-t-il enregistré un surplus ou un dé-
détaillées.) cit de sa balance commerciale (de ses échanges de
biens) ? De son compte courant ?
Statistique Canada
2 Consultez le site de Statistique Canada et recueil-
1 Recueillez des données sur le compte courant du lez des données sur les taux de change. Dans la
Canada. Vous les trouverez en consultant le site de section « Parcourir par sujet », en bas de l’écran,
Statistique Canada. Dans la section « Parcourir par cliquez sur le lien « Gouvernement ». Ensuite, choi-
sujet », en bas de l’écran, cliquez sur le lien « Comptes sissez « Autorités monétaires », puis « Tableaux
économiques ». Ensuite, choisissez « Balance des sommaires » et « Taux de change, taux d’intérêt,
paiements internationaux », puis « Tableaux som- masse monétaire et prix des actions ».
maires » et « Balance des paiements internationaux a) De façon générale, au cours des dernières années,
du Canada ». Relevez les recettes et les paiements du le dollar canadien s’est-il apprécié ou déprécié par
compte courant de l’année la plus récente. rapport au dollar américain ?
a) Construisez un tableau similaire au tableau 9.1 b) Lesquels des agents économiques sont les plus
(voir la page 216). favorisés par la situation décrite au point a) ?
ANNEXE
Comment utiliser le site de
Statistique Canada pour les
laboratoires informatiques
www.statcan.gc.ca
Cliquez ici
2. Cliquez ensuite sur l’onglet « Ajouter/
Enlever des données » pour sélectionner
les options désirées.
ANNEXE 239
3. Cochez et décochez des cases pour sélectionner les caractéristiques souhaitées, la période de
référence et le format de sortie à l’écran (dans les laboratoires informatiques, nous vous indiquerons
lesquelles choisir).
Cliquez ici
GLOSSAIRE
Accord de libre-échange nord-américain fondateur de la science économique dite accompagnée d’une certaine restructuration
(ALÉNA) Accord de libre-échange entre le moderne. Son œuvre, Recherches sur la nature du fonctionnement de l’économie.
Canada, les États-Unis et le Mexique, entré et les causes de la richesse des nations et Croissance économique Hausse soutenue de
en vigueur en 1994. publiée pour la première fois en 1776, expose la production globale d’une économie ; elle se
Accord général sur les tarifs douaniers et le les vertus de l’industrialisation et de l’économie mesure par la variation relative en pourcentage
commerce (GATT) Accord intervenu en 1947 de marché (le capitalisme libéral) en rupture du PIB réel.
et visant l’abolition graduelle des barrières avec le modèle d’économie de subsistance.
Cycle économique Fluctuations du PIB réel
protectionnistes, grâce à des négociations Coefcient de Gini Indicateur qui mesure les composées d’une alternance de phases d’ex-
multilatérales. Il a été remplacé en 1995 par écarts de revenu au sein d’une population. Une pansion, de ralentissement, de récession et
l’Organisation mondiale du commerce (OMC). valeur de 0 représente l’égalité parfaite, une de reprise qui se répètent à intervalles plus ou
Agents économiques Individus ou groupes valeur de 1 (ou 100 %) une inégalité parfaite. moins réguliers.
d’individus qui prennent des décisions de Collusion (ou cartel) Groupe d’entreprises Décit budgétaire Excédent des dépenses
nature économique. Il s’agit essentiellement des qui s’entendent pour baisser leur production ou globales sur les revenus globaux de l’État au
consommateurs, des entreprises et de l’État. augmenter leur prix. cours d’une période donnée.
Appréciation Augmentation de la valeur d’une Compte courant Compte de la balance des Déation Baisse du niveau moyen des prix
monnaie par rapport à une autre, correspondant paiements qui recouvre les échanges de biens observée sur une période donnée.
à une baisse de son prix (cotation à l’incertain) et de services, les revenus primaires et les
Demande Ensemble des quantités d’un pro-
ou à une hausse de son prix (cotation au certain). revenus secondaires.
duit que les consommateurs sont disposés à
Assiette scale Total des revenus et des Compte de capital Compte de la balance des acheter à différents prix.
transactions à partir desquels l’État récolte les paiements qui enregistre les transferts en capi-
Demande globale Ensemble des quantités
impôts et taxes. tal (actifs des migrants, héritages, remises de
de biens et de services que les agents éco-
Austérité Orientation budgétaire générale dettes) et les transactions portant sur les actifs
nomiques sont disposés à acheter à différents
d’un gouvernement vers la prudence et donc non nanciers non produits (brevets, terrain
niveaux de prix.
l’équilibre budgétaire. d’une ambassade).
Dépenses de consommation des adminis-
Avantage absolu Avantage que détient un Compte nancier Compte de la balance des
trations publiques Achats de biens et de
pays lorsqu’il peut produire, avec le même paiements qui enregistre les ux nanciers.
services effectués par les gouvernements.
niveau de facteurs de production, un bien en Concurrence parfaite Situation où une multi-
Dépenses de consommation des mé-
plus grande quantité qu’un autre pays. tude d’entreprises offrent un produit identique.
nages Achats de biens et de services effec-
Balance commerciale Composante du Dans cette structure de marché, aucune entre-
tués par les ménages.
compte courant où sont comptabilisés les prise ne peut inuencer le prix du marché ; les
entreprises prennent donc le prix comme donné Dépôt à terme Dépôt pouvant être retiré sans
échanges de biens (de marchandises). pénalité seulement à la n du terme prévu.
(elles sont « preneuses de prix »).
Balance des paiements Outil comptable Dépôt à vue Dépôt à partir duquel on peut
qui recense l’ensemble des transactions éco- Conjoncture économique Caractéristiques
particulières d’un système économique au généralement effectuer des retraits sans préavis.
nomiques qu’un pays effectue avec les au-
tres pays. cours d’une période donnée. Dépréciation Baisse de la valeur d’une mon-
Cotation au certain Valeur de la monnaie naie par rapport à une autre, correspondant à
Biens Produits qui sont tangibles (une voiture, une hausse de son prix (cotation à l’incertain) ou
un livre). nationale par rapport aux autres devises.
à une baisse de son prix (cotation au certain).
Chômage Différence entre la population Courbe de Laffer Théorie montrant qu’au-
delà d’un certain seuil, plus le taux d’imposition Dépression Crise économique accompagnée
active, ou main-d’œuvre disponible, et l’emploi. d’une crise nancière.
augmente, plus les recettes scales diminuent.
Chômage conjoncturel (ou cyclique) Désination Baisse du taux d’ination.
Chômage résultant d’une diminution de l’acti- Courbe de Lorenz Courbe qui décrit le pour-
centage cumulé du revenu total en fonction du Dette publique Somme totale des engage-
vité économique.
pourcentage cumulé des ménages. ments nanciers de l’État envers ses créan-
Chômage frictionnel Chômage résultant de la ciers, à un moment donné.
mobilité normale de la main-d’œuvre. Courbe de Phillips Courbe qui montre la rela-
tion négative entre l’ination et le chômage. Devise Monnaie étrangère.
Chômage saisonnier Chômage lié à des fac-
Coût comptable Coût associé aux dépenses Dilemme du prisonnier Histoire propo-
teurs climatiques.
nancières. Il correspond aux coûts directs. sée en 1951 par le mathématicien Albert W.
Chômage structurel Chômage découlant Tucker, dont le propos a permis de remettre
Coût d’option (ou de renonciation) Ce à quoi il
d’une non-concordance entre la demande et en question le principe économique de la main
faut renoncer pour obtenir un bien ou un service.
l’offre de travail. invisible, selon lequel la recherche par chacun
Coût économique Coût comprenant le coût
Chômeurs Nombre de personnes qui, au de son intérêt personnel conduit à la réalisation
comptable et le coût d’option.
cours de la semaine de référence de l’enquête, de l’intérêt collectif.
sont sans emploi, ont cherché activement un Coût total Somme des coûts des facteurs de
École autrichienne École de pensée, dont les
emploi au cours des quatre semaines précé- production utilisé par entreprise.
principaux représentants furent Ludwig von
dentes et sont considérées comme aptes et Coût unitaire Rapport entre le coût total et la Mises et Friedrich A. Hayek, se caractérisant
disponibles au travail. quantité produite (ou vendue). par l’importance accordée aux prix relatifs en
Classicisme École de pensée associée à l’éco- Crise économique Situation caractérisée tant que coordination des décisions écono-
nomiste écossais Adam Smith (1723-1790), par une forte baisse de l’activité économique, miques des agents dans une économie.
GLOSSAIRE 241
Économie de marché Système économique Hyperination Hausse rapide du niveau Limite des possibilités de production
dans lequel la propriété des moyens de produc- moyen des prix qui excède 50 % par mois, soit Courbe qui donne les combinaisons optimales
tion est privée et l’économie est décentralisée. un peu plus de 1,3 % par jour. des produits qu’une société peut produire.
Économie internationale Discipline qui Importation Achat de biens et de services Loi de l’offre Loi qui établit, toutes choses
étudie les relations économiques entre les étrangers effectués par les résidants du pays. étant égales par ailleurs, que la quantité offerte
nations, dénies sur des bases géographiques Impôt progressif Taux d’imposition qui croît d’un produit augmente à mesure que le prix
et politiques. à mesure que la dernière tranche de revenu augmente, et vice versa.
Économie mixte Système économique dans augmente. Loi de l’utilité marginale décroissante
lequel il y a une double régulation de l’écono- Impôt sur le revenu Impôt perçu directement Loi stipulant que lorsque la consommation
mie par le marché et l’État. par l’État. d’un produit augmente, la satisfaction procu-
Économie mondiale Discipline qui traite des rée par chaque unité supplémentaire diminue.
Indicateur Manifestation observable d’un
relations économiques à l’échelle de la planète concept abstrait ou d’une variable. Loi de la demande Loi qui établit, toutes
ou entre des marchés réunissant des blocs choses étant égales par ailleurs, que la quantité
Indice à base 100 Rapport, multiplié par 100,
régionaux. demandée d’un produit diminue à mesure que
de la valeur d’une variable mesurée à une
Économie planiée Système économique le prix augmente, et vice versa.
période donnée et de la valeur de la même
dans lequel la propriété des moyens de variable mesurée à une autre période, appelée Loi des rendements décroissants Principe
production est collective et l’économie est « période de référence » ou « base ». selon lequel, lorsqu’une entreprise ajoute à
centralisée. des facteurs xes une quantité successive d’un
Indice de développement humain (IDH)
Économique Science qui étudie la façon dont facteur variable, la production augmente, mais
Indice synthétique qui mesure le niveau moyen
les agents économiques effectuent des choix à un rythme de plus en plus lent.
atteint dans trois dimensions clés du dévelop-
d’affectation de ressources rares pour satis- pement économique et social : la santé, l’édu- Loi du prix unique Loi selon laquelle deux
faire leurs besoins illimités. cation et le niveau de vie. biens homogènes vendus dans deux pays diffé-
Effet d’éviction Diminution des dépenses de rents doivent avoir le même prix lorsque celui-
Indice des prix à la consommation (IPC)
consommation et d’investissement du secteur ci est exprimé dans une même devise.
Indicateur qui donne la moyenne pondérée
privé causée par la poussée des taux d’intérêt, des prix des biens et des services consommés Macroéconomie Branche de l’économique
résultant d’une expansion scale nancée par habituellement par les ménages au cours d’une qui étudie les comportements collectifs et la
un accroissement des emprunts de l’État. période donnée. relation entre les phénomènes globaux. Elle
Effet de revenu Effet créé quand une variation s’intéresse à l’offre et à la demande globales
Indice implicite des prix (IIP) Indicateur qui
du prix d’un produit inuence le pouvoir d’achat d’un pays.
donne la moyenne pondérée des prix de l’en-
de l’acheteur. semble des biens et des services produits à l’in- Main invisible Principe économique selon
Effet de substitution Effet créé quand une térieur d’un pays au cours d’une période donnée. lequel chaque individu, en poursuivant son
variation du prix d’un produit inuence le coût intérêt personnel, conduit à la réalisation de
Inégalités Résultat d’une distribution inégale,
d’option de ce produit. l’intérêt collectif.
au sens mathématique de l’expression, d’une
État Ensemble des institutions publiques ressource entre les membres d’une même Marché Lieu abstrait qui rend possible la réa-
d’une nation. société. lisation d’échanges entre les demandeurs et
Expansion économique Augmentation du PIB les offreurs.
Ination Hausse soutenue du niveau moyen
réel sur une période donnée. des prix observée sur une période donnée. Marché à terme Marché où les transactions
Exportation Achat de biens et de services sont reportées à une échéance (habituelle-
Intégration économique Espace économique
intérieurs effectués par les étrangers. ment 30, 90 ou 180 jours) et à un cours xés
homogène dans lequel les pays membres
à l’avance.
Externalités négatives Nuisances que des éliminent progressivement et continuelle-
agents économiques occasionnent sans avoir à ment les discriminations dans leurs relations Marché au comptant Marché où les tran-
assumer les coûts qu’elles engendrent. économiques. sactions de devises se font à l’intérieur des
deux jours ouvrables qui suivent la négociation
Externalités positives Bénéces que produit Internationalisation Première phase de la
d’un contrat.
un agent économique sans en tirer directe- mondialisation marquée par l’augmentation
ment prot. signicative des échanges de biens et de ser- Marché commun Union douanière à laquelle
vices entre les pays. les pays membres ont ajouté la libérali-
Flux Valeur (ou quantité) mesurée sur une
sation de la circulation des personnes et
période donnée. Investissement brut Dépense en capital
des capitaux.
Fourchette cible Taux maximal et taux mini- physique effectuée par les entreprises, les
administrations publiques et les ménages an Marché des biens et des services Lieu où se
mal d’ination xés par la banque centrale.
d’accroître leur capacité de production et de rencontrent l’offre et la demande de biens et
Globalisation Troisième phase de la mondia- de services.
consommation.
lisation, marquée par le développement d’une
Investissement en stocks Variation des Marché des capitaux Lieu où se rencontrent
gestion des ressources à l’échelle planétaire
stocks des entreprises privées et publiques. l’offre et la demande de capitaux nanciers à
par les acteurs économiques, avec la mise en
court et à long terme.
place d’institutions pour les encadrer. Investissements de portefeuille Éléments
du compte nancier correspondant aux ux Marché des changes Lieu où s’échangent
Guerre des prix Phénomène qui s’amorce
d’actions et d’obligations. les devises.
lorsqu’une entreprise baisse légèrement son
prix de manière à accroître sa part de marché. Investissements directs Éléments du compte Marché du travail Lieu où se rencontrent
Le prix étant bien en évidence, les autres s’em- nancier correspondant au nancement de l’offre et la demande de travail.
pressent de les imiter pour éviter de perdre la mise sur pied d’unités de production ou de Marxisme Doctrine philosophique, politique
des clients. mesures pour prendre le contrôle de telles unités. et économique de Karl Marx (1818-1883) qui
242 GLOSSAIRE
prône la rupture du système capitaliste et la des années 1970, notamment sous l’impulsion Politique budgétaire Ensemble des mesures
naissance d’une société sans classes. de Robert Lucas, et qui se proposait de réhabili- que l’État prend pour inuer sur la conjoncture
Mercantilisme Doctrine selon laquelle ter les thèses des classiques pour bien marquer économique en faisant varier ses dépenses et
une nation, pour s’enrichir, doit limiter ses leur opposition au courant keynésien. ses revenus.
importations et développer au maximum ses Nouvelle macroéconomie keynésienne Politique expansionniste Politique mise en
exportations. (NMK) Courant de pensée né dans les années œuvre par l’État pour favoriser la croissance
Mesures discrétionnaires Mesures que l’État 1980 en réponse à la NMC et qui cherche à économique et la création d’emplois.
prend pour inuer sur l’évolution de l’activité expliquer les déséquilibres macroéconomiques Politique monétaire Ensemble des mesures
économique. à partir des comportements individuels, prô- que la banque centrale prend pour inuer sur
nant en conséquence l’intervention de l’État la conjoncture économique en faisant varier la
Microéconomie Branche de l’économique qui dans l’économie.
étudie les comportements individuels des agents quantité de monnaie en circulation.
économiques. Elle s’intéresse à l’offre et à la Offre Ensemble des quantités d’un produit que Politique restrictive Politique mise en œuvre
demande d’un bien ou d’un service en particulier. les entreprises sont disposées à vendre à dif- par l’État pour ralentir la croissance écono-
férents prix. mique et enrayer l’ination.
Modèle Représentation théorique de la réalité
basée sur des hypothèses restrictives. Offre globale Ensemble des quantités de
Population active Partie de la population
biens et de services que les entreprises sont
Modèle d’organisation économique Système civile âgée de 15 ans et plus qui est occupée
disposées à offrir à différents niveaux de prix.
économique sur lequel repose l’allocation des ou en chômage.
ressources rares de façon à répondre aux trois Organe de règlement des différends (ORD) Tri-
Population inactive Partie de la population
questions fondamentales : « Quoi produire ? Com- bunal de l’Organisation mondiale du commerce
civile âgée de 15 ans et plus qui ne travaille
ment produire ? Pour qui produire ? » (OMC) mis sur pied pour prévenir les conits
pas et qui ne cherche pas d’emploi.
commerciaux et les résoudre le cas échéant.
Mondialisation Terme général de l’écono- Pourcentage cumulé Pourcentage (ou fré-
mie internationale qui désigne l’augmentation Organisation de coopération et de dévelop-
quence relative en pourcentage) égal à la
signicative des échanges (de biens, de ser- pement économiques (OCDE) Organisation
somme du pourcentage d’une valeur ou d’une
vices, de personnes et de capitaux) entre les internationale multilatérale créée en 1960 et
classe et des pourcentages des valeurs ou
pays avec la mise en place d’institutions pour regroupant 34 pays industrialisés attachés aux
des classes inférieures.
les encadrer. principes de la démocratie et de l’économie
de marché. Prix articiels Prix réglementés par l’inter-
Monétarisme École de pensée représentée vention de l’État. Il s’agit essentiellement du
Organisation mondiale du commerce
par Milton Friedman (1912-2006) qui défend prix plafond et du prix plancher.
(OMC) Organisme créé en 1995 pour rempla-
une politique de contrôle strict de la croissance Prix plafond Prix maximal xé au-dessous
cer l’Accord général sur les tarifs douaniers et
de l’offre de monnaie. du prix d’équilibre dans le but de favoriser un
le commerce (GATT).
Monnaie Outil inventé par les humains pour groupe précis sur un marché donné.
Parité des pouvoirs d’achat (PPA) Théo-
faciliter les échanges.
rie selon laquelle le taux de change d’équi- Prix plancher Prix minimal xé au-dessus
Monnaie duciaire Monnaie dont la valeur libre entre deux pays équivaut au rapport des du prix d’équilibre dans le but de favoriser un
repose entièrement sur la conance des niveaux des prix des deux pays. groupe précis sur un marché donné.
utilisateurs.
Personnes occupées Nombre de personnes Produit intérieur brut (PIB) Indicateur mesurant
Monnaie scripturale Monnaie qui existe sous qui, au cours de la semaine de référence la valeur de l’ensemble des biens et des services
forme d’écritures dans les établissements de l’enquête, travaillent à temps plein ou à naux produits à l’intérieur des frontières d’un
nanciers. temps partiel. pays au cours d’une période donnée.
Monopole Situation de marché où il n’y a PIB nominal PIB qui ne prend pas en consi- Produit national brut (PNB) Indicateur mesu-
qu’une seule entreprise offrant un produit ou dération la uctuation des prix. Il s’exprime rant la valeur de l’ensemble des biens et des
un service. en dollars courants, c’est-à-dire en dollars de services naux produits par les résidents d’un
Moyenne Somme des données divisée par le l’année en cours. pays au cours d’une période donnée sur le ter-
nombre total de données. PIB par habitant en parité de pouvoir ritoire et à l’étranger.
Multiplicateur des échanges Concept utilisé d’achat Mesure du PIB qui tient compte de la Programme de transfert Partie des impôts
par John Maynard Keynes qui montre comment taille de la population et des écarts de prix et de et des taxes perçus que l’État transfère à des
une variation des dépenses autonomes des taux de change des pays comparés. individus, à des entreprises ou à d’autres admi-
agents économiques peut provoquer une varia- PIB réel PIB auquel on a enlevé l’effet de l’in- nistrations pour assurer une meilleure équité
tion plus importante du revenu global. ation. Il s’exprime en dollars constants, c’est- entre les personnes, entre les familles et entre
Multiplicateur monétaire Quantité de mon- à-dire en dollars de l’année de référence. les régions.
naie que le système nancier peut créer à par- Plein-emploi (ou taux de chômage natu- Proportion Rapport de la fréquence d’une
tir d’un dollar de dépôt. De façon générale, il rel) Taux de chômage qui subsiste lorsque le modalité (ou d’une valeur) divisée par le total
correspond au montant du dépôt initial divisé chômage conjoncturel n’existe plus, c’est-à-dire des fréquences ; autrement dit, rapport de la
par le taux de réserve. lorsque l’économie fonctionne à son plein poten- taille d’un sous-ensemble sur le total. On l’ex-
Néoclassicisme Théorie selon laquelle chaque tiel. Il équivaut à la somme du taux de chômage prime généralement en pourcentage.
agent économique optimise de façon ration- frictionnel et du taux de chômage structurel. Protectionnisme Politique qui vise à limiter
nelle l’utilisation des biens dont il dispose et Poids de la dette Pourcentage de la dette par les importations an de protéger les industries
qui reprend la conclusion du classicisme selon rapport au PIB. nationales de la concurrence mondiale. Les tarifs
laquelle les marchés se régulent eux-mêmes. Point de référence (ou base) Période initiale douaniers et les quotas en sont des exemples.
Nouvelle macroéconomie classique (habituellement d’indice 100) où on mesure la Quota Mesure qui limite la quantité d’un bien
(NMC) Courant de pensée apparu au début valeur d’une variable. pouvant être importé dans un pays.
GLOSSAIRE 243
Ratio interquintile Rapport entre le cinquième les autres stratégies, quelle que soit la stratégie Taux de chômage Pourcentage des chômeurs
quintile (les 20 % les plus riches) et le pre- de l’autre joueur. par rapport à la population active.
mier quintile (les 20 % les plus pauvres). Structure de marché Degré de concurrence Taux de réserve Pourcentage des dépôts que
Rationalité Principe de la théorie écono- déni par le nombre d’entreprises et la nature les établissements nanciers détiennent sous
mique néoclassique selon lequel les individus du produit sur un marché, qui a une inuence forme de réserves.
cherchent à utiliser au mieux les ressources déterminante sur le prix et les quantités Taxes indirectes Taxes perçues par les entre-
dont ils disposent an de maximiser leurs gains échangées d’un bien ou d’un service. prises et remises par la suite à l’État.
(les consommateurs maximisant ainsi leur Structure économique Caractéristiques fon- Théorie Ensemble de généralisations destiné
satisfaction et les entreprises, leurs prots). damentales d’un système économique. à expliquer et à prédire, au moyen d’un lien de
Récession Recul du PIB réel durant au moins Subprime Terme anglais qui s’oppose à prime causalité, des phénomènes.
deux trimestres consécutifs. rate (taux de premier rang que les banques Théorie des avantages comparatifs Théorie
Réserves ofcielles internationales Avoirs offrent aux meilleurs clients). Les subprime de David Ricardo selon laquelle les nations sans
du gouvernement en devises et autres actifs sont des taux plus élevés consentis à des avantage absolu doivent se spécialiser dans la
de réserve. clients jugés à très grand risque. production du bien pour lequel elles connaissent
Ressources productives Facteurs de pro- Système de taux de change xe Système dans le moindre désavantage, c’est-à-dire le bien
duction qui servent à produire des biens et lequel le taux de change est xé par les autorités dont le coût d’option est le plus faible.
des services. gouvernementales par rapport à un étalon. Théorie des jeux Branche du savoir qui traite
Revenu national brut (RNB) Somme des Système de taux de change exible (ou ot- des comportements stratégiques.
revenus des résidents d’un pays au cours d’une tant) Système dans lequel le taux de change Toutes choses étant égales par ailleurs
période donnée. varie librement selon les forces du marché. Expression qui signie que tous les autres fac-
Revenus primaires Éléments du compte cou- Tarif douanier Taxe qu’un gouvernement teurs sont maintenus constants.
rant englobant la rémunération des employés impose sur un bien importé. Transnationalisation Deuxième phase de la
frontaliers et les revenus de placements des Taux Rapport entre deux quantités de même mondialisation marquée par le développement
investisseurs (intérêts, dividendes, etc.). nature ou de nature différente. Il s’exprime en d’une gestion des ressources productives à
Revenus secondaires Éléments du compte pourcentage, « par mille » ou par toute autre l’échelle régionale ou planétaire par certaines
courant englobant les transferts de fonds entre puissance de 10. grandes entreprises.
les pays (les pensions, les bourses d’études, les Taux cible du nancement à un jour Taux Union douanière Zone de libre-échange pour
dons et l’aide internationale). directeur, c’est-à-dire taux auquel les grands laquelle les pays membres ont harmonisé les
Révolution marginaliste Théorie fondée sur établissements nanciers se prêtent des fonds barrières protectionnistes extérieures.
le principe de l’utilité marginale, c’est-à-dire pour une journée. Union économique Marché commun dont les
sur la satisfaction additionnelle que procure la Taux d’activité Pourcentage de la popula- politiques économiques sont harmonisées.
consommation d’une unité supplémentaire. tion active par rapport à la population âgée de Union économique et monétaire Union
Série chronologique Ensemble des valeurs 15 ans et plus. économique dotée d’une monnaie commune
d’une variable quantitative observées à inter- Taux d’emploi Pourcentage de la population (ou unique), et donc d’une autorité monétaire
valles de temps réguliers. occupée par rapport à la population âgée de supranationale.
Service de la dette Partie du budget d’un 15 ans et plus. Union européenne (UE) Organisation régionale
gouvernement consacrée au remboursement Taux d’escompte Taux consenti aux grands européenne créée par le traité de Maastricht en
de la dette et des intérêts courus. établissements nanciers lorsqu’ils empruntent 1993.
Services Produits qui sont intangibles (un à la banque centrale. Ce taux correspond à Utilité Mesure de la satisfaction ou du bon-
voyage, un cours d’économie). 0,25 % de plus que le taux cible du nance- heur que procure la consommation de biens ou
ment à un jour. de services.
Solde budgétaire Différence entre les revenus
et les dépenses publiques au cours d’un exercice Taux d’imposition marginal Pourcentage du Valeur nominale Valeur qui ne tient pas
nancier donné. Lorsque les dépenses excèdent revenu supplémentaire consacré à l’impôt. compte de l’ination. Elle s’exprime en dollars
les revenus (solde < 0), il y a décit budgétaire. Taux d’imposition moyen Rapport en pour- courants, c’est-à-dire en dollars de l’année
Quand les revenus excèdent les dépenses centage de l’impôt total sur le revenu. en cours.
(solde > 0), il y a surplus budgétaire. Finalement, Taux d’ination Variation relative en pourcen- Valeur réelle Valeur corrigée pour tenir
il y a équilibre budgétaire lorsque les dépenses tage de l’IPC entre deux périodes données. compte de l’ination. Elle s’exprime en dollars
correspondent aux revenus (solde = 0). Taux de change (cotation à l’incertain) Prix constants, c’est-à-dire en dollars de l’année
Stabilisateurs automatiques Mesures dont en monnaie nationale d’une unité de devise. de référence.
l’utilisation varie automatiquement selon la Taux de change à terme Taux de change xé Variation Différence de la valeur d’une
performance de l’économie et qui ont pour effet à l’avance en vertu d’un contrat d’une durée de variable entre deux périodes données.
de la stabiliser. 30, 90 ou 180 jours. Variation relative Rapport, habituellement
Stagation Conjoncture économique défa- Taux de change « des particuliers » Cota- exprimé en pourcentage, entre la variation
vorable caractérisée par la coexistence d’un tion des devises par les établissements d’une variable entre deux périodes données et
taux de chômage et d’une ination relative- nanciers et les bureaux de change destinée sa valeur à la période initiale.
ment élevés. aux particuliers. Zone de libre-échange Zone pour laquelle
Stock Valeur (ou quantité) mesurée à un Taux de change interbancaire (ou taux les pays membres ont conclu une libéralisa-
moment précis dans le temps. « de gros ») Prix des devises appliqué par les tion de la circulation des biens et des ser-
Stratégie dominante Stratégie qui procure à grands intermédiaires du système nancier vices, tout en maintenant les tarifs douaniers
un joueur des gains supérieurs à ceux de toutes international. et les quotas appliqués au reste du monde.
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INDEX
A économique, 65-66, 68, 130, G
Accord de libre-échange nord-américain limites (de la), 75 Galbraith, John Kenneth, 131
(ALÉNA), 197, 205 Cycle économique, 111 Gates, Bill, 198
Accord général sur les tarifs douaniers D Globalisation, 196
et le commerce (GATT), 204 Décit budgétaire, 154 Guerre
Administration publique, 142 Déation, 84, 90-91, 129 commerciale, 201-202
Agents économiques, 5, 29, 115 Demande, 32 des prix, 42-43
Appréciation, 220 courbe de la, 32-33 H
Assiette scale, 156 déséquilibre de la, 39 Hyperination, 90-91
Austérité, 158 déterminant de la, 33-34 I
Avantage absolu, 201 globale, 30, 116-117 Importations, 61
B Dépenses, 152 Impôt
Balance de consommation des administrations progressif, 149
commerciale, 216 publiques, 60 sur le revenu, 150
des paiements, 216, 218-219 de consommation des ménages, 60 Indicateur, 106
Banque du Canada, 175 Dépôts macroéconomique, 112
Besoins, 5, 8, 14 à terme, 170 Indice
Biens, 9, 60, 200 à vue, 170 à base 100, 107
BRIC (groupe de quatre pays émergents Dépréciation, 220 de développement humain
formés par le Brésil, la Russie, l’Inde Dépression, 114 (IDH), 72, 80-81
et la Chine), 200 Désination, 86 des prix à la consommation (IPC),
C Dette, 154-160 84-85, 87
Capital poids de la, 154
implicite des prix (IIP)
xe, 61 publique, 154
Inégalités, 70, 73
physique, 8 Devise, 219
Ination, 84-86, 90-91, 126, 176
Cassel, Karl Gustav, 232 Dilemme du prisonnier, 47
taux d’, 85-87, 112-113, 115, 127
Choix, 8 E
cause de l’, 123-125
Chômage, 92, 96, 98-99, 112-113, 115, 126 Écarts de revenus, 144
Intégration économique, 204
conjoncturel (ou cyclique), 96, 123 Échanges 199-200
Internationalisation, 195
frictionnel, 96 commerciaux, 199
Interventionnisme, 17, 19, 21
saisonnier, 97 mondiaux, 200
Investissements
structurel, 97 École autrichienne, 19
bruts, 61
taux de, 93, 94, 123, 127 Économie
de marché, 15-16, 19, 29, 30 de portefeuille, 218
Classicisme, 17 directs, 218
Coefcient de Gini, 72 de sous-emploi, 120
de suremploi, 120 en stocks, 61
Collusion (ou cartel), 42 J
Compte internationale, 197
mixte, 16 Jevons, W.S., 17
courant, 216 K
de capital, 217 mondiale, 197
nationale, 199 Keynes, John Maynard, 17, 19, 131,
nancier, 217-218 137, 160
planiée, 15-16
Concurrence Keynésianisme, 19, 21
Économique (science), 5-6, 22
monopolistique, 31-32 L
Effet,
parfaite, 31-32 Libéralisme économique, 16, 18-19, 22
de revenu, 33
Conjoncture économique, 141 Libre-échange, 201-202
de substitution, 33
Cotation au certain, 220 Limite des possibilités de production, 11
d’éviction, 157
Courants de pensée, 16-22 Loi, 6, 144-145
multiplicateur, 130, 137
Courbe de la demande, 33
Endettement public, 156
de Laffer, 151 Entreprise publique, 142 de l’offre, 36
de Lorenz, 71-72 État, 140-141 de l’utilité marginale décroissante, 33
de Phillips, 126-127 Expansion économique, 65 des rendements décroissants, 12
des possibilités de production, 12-13 Exportations, 61, 199-200 du marché, 15
Coût(s) Externalités du prix unique, 231
comptable, 9 négatives, 143 Lucas, Robert, 17, 21
direct, 10 positives, 143 Luxemburg, Rosa, 100
d’option (ou de renonciation), 8, 9, 10 F M
Calcul du, 11-12 Fiscalité, 149 Macroéconomie, 6, 8, 19, 121
économique, 9 Flux, 60 Main invisible, 18, 22
sociaux, 10 Fonction Malthus, Thomas, 75
total, 42 de la demande, 54 Marché, 30, 31, 32, 197
unitaire, 42 de l’offre, 54 à terme, 223
Crise économique, 114 Fourchette cible, 176 au comptant, 223
Croissance, 199 Friedman, Milton, 17, 20, 13, 166, 186 commun, 205
248 INDEX
ISBN 978-2-89732-033-1
www.groupemodulo.com/roy-munger