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QUELQUES RAPPELS THEORIQUES

A PROPOS DE L’ENSEIGNEMENT DE LA CE

1. La lecture-compréhension
La lecture-compréhension peut être définie comme un processus interactif de construction
de sens. Le produit de la lecture, c’est-à-dire le sens construit, sera cognitivement la résultante
du traitement réalisé par un lecteur à partir d’un texte dans un contexte (G. Adams & al.,
1998 : 13). Autrement dit, le texte, le lecteur et le contexte constituent les trois composantes
indissociables de tout acte de lire en vue de comprendre et peuvent avoir un impact sur la
performance de la compréhension (A.-J. Deschênes 1988, J. Giasson 1996, Cl. Cornaire
1999).
- lecteur : connaissances (linguistiques, discursives, pragmatiques et encyclopédiques),
processus psychologiques (traitement et compréhension de l’information contenue
dans une phrase, traitement des relations locales du texte, traitement et intégration de
l’information des paragraphes ou de l’ensemble du texte, prédiction, critique,
processus métacognitifs), projets de lecture… ;
- texte : structure textuelle, contenu référentiel ;
- contexte : conditions de production et de réception.

(D’après M. Dabène, 2001)


2. La compétence de lecture
La compétence de lecture se compose de trois compétences de base (F. Cicurel, 1988 : 190) :
- compétence linguistique, c’est-à-dire la connaissance d’une partie de la syntaxe et du
lexique de la langue
- compétence textuelle, portant sur la façon dont l’enchaînement se fait entre les
éléments du texte
- compétence référentielle et socio-culturelle, constituée par la connaissance que le
sujet a du domaine de référence et qui lui permet d’entrer plus ou moins facilement
dans le texte. C’est grâce à la compétence socio-culturelle qu’il peut identifier les
types/genres de textes à lire et faire des hypothèses sur le contenu possible de ces
textes »
A ces trois compétences de base s’en ajoute une autre : la compétence stratégique (stratégies
cognitives et métacognitives).
3. Les objectifs de l’enseignement de la CE
L’objectif de cet enseignement est d’amener les apprenants à construire progressivement le
sens d’un écrit, à lire et comprendre différents genres de texte. L’objectif premier n’est
donc pas la compréhension immédiate d’un texte, mais l’apprentissage progressif de
stratégies de lecture : les apprenants vont acquérir petit à petit les méthodes qui leur
permettront plus tard de s’adapter et de progresser dans des situations authentiques de
compréhension écrite.
Tout comme en compréhension orale, les apprenants découvriront, grâce au texte, du lexique,
des faits de civilisation, des éléments de grammaire, de structures, qui vont les amener à
s’enrichir.
4. La démarche didactique de la CE en classe et quelques exemples d’activités
On peut répartir les activités de lecture en trois grandes catégories qui correspondent aux trois
phases d’une démarche didactique de la CE en classe :
- Activités de pré-lecture qui éveillent l’intérêt ou la curiosité de l’apprenant, l’aident à
anticiper le document, et l’incitent à parler de sa propre expérience, à exprimer son opinion et
ses sentiments à propos du thème évoqué ;
- Activité pendant la lecture qui orientent et contrôle la compréhension, et favorisent la mise
en œuvre de toute une gamme de stratégies de compréhension appropriées ;
- Activités post-lecture qui permettent à l’apprenant de réagir au document, d’en évaluer le
contenu et de le relier à sa propre expérience. Il peut aussi créer son propre document.
4.1. Activités de pré-lecture :
La préparation varie selon le genre du document et le niveau des apprenants. Quelques
possibilités :
- On encourage les apprenants à former des hypothèses à propos du document, en se fondant
sur les indices obtenus à partir des images ou des photographies qui l’accompagnent, du genre
de document, de sa disposition, des titres et sous-titres…
- On leur fournit ou leur rappelle les données contextuelles indispensables ou utiles, par
exemple : « Que savez-vous de … ? », « Vous rappelez-vous… ? ».
- On communique aux apprenants le thème du document. Dans une activité de remue-
méninges, ils tentent d’anticiper quelques-uns des points principaux et proposent leurs propres
idées au cours d’une discussion de pré-lecture. On peut orienter la discussion à l’aide de
quelques questions d’ordre général.
- On produit un certain nombre d’énoncés à partir du thème. On demande aux apprenants de
marquer leur accord ou leur désaccord et d’en donner les raisons. Lors de la lecture du
document, ils vérifient si l’auteur partage ou non leur point de vue.
4.2. Activités pendant la lecture
Pendant cette étape, les apprenants sont amenés à procéder à des investigations diverses sur
des aspects du document et les consignes de lecture sont en quelque sorte un guide ou un
mode d’emploi. Quelques types d’activités possibles :
- Questions : Elles peuvent servir à orienter et à vérifier la compréhension. Elles peuvent être
posées à l’avance ou élaborées par les apprenants pour s’interroger mutuellement. Elles sont
de divers types :
+ QCM
+ Vrai / Faux / NSP (On peut demander aux apprenants de rectifier les énoncés
erronés ou de citer des fragments de textes correspondant aux énoncés justes)
+ Questions factuelles (elles peuvent porter simplement sur les faits (par exemple :
Qui a dit… ? Quel est le nom de… ?) ou avoir un champ d’investigation plus vaste et
solliciter la faculté d’interprétation des apprenants (par exemple : A votre avis
pourquoi X… ? Qu’auriez-vous fait à la place de X… ?)
- Reconnaître
+ le genre du document
+ le sujet
+ les lecteurs visés (grand public ou spécialistes
+ le but du document (informer, amuser, persuader…)
+ le paragraphe qui résume l’essentiel du contenu informatif du document
+ l’idée principale de chaque paragraphe
+ le ton du document (descriptif, satirique, ironique…)
+ la relation entre le scripteur et le lecteur
+ des fonctions spécifiques à l’intérieur du document (la façon d’exprimer
l’obligation, la gratitude, le doute…)
+ tous les mots du document relatifs à un thème donné
+ les marqueurs de cohésion (articulateurs, anaphores, chaîne anaphorique désignant
un personnage mis en scène dans le document…)
- Associer
+ des titres à des documents longs
+ des documents à des images ou à des schémas
+ des documents complémentaires (par exemple : des lettres et leurs réponses)
- Mettre en ordre
+ des paragraphes ou des phrases dans le désordre
+ une séquence d’images dans le désordre d’après le document auquel il correspond
(par exemple : récit, recette…)
+ une séquence de documents dans le désordre (par exemple : un échange de
correspondance entre deux personnes)
+ deux documents distincts qui ont été mélangés pour n’en former plus qu’un (par
exemple : deux lettres écrites chacune dans un registre différent)
- Prendre des notes
+ noter l’information dans telle ou telle rubrique d’un tableau ou d’un schéma
+ noter les idées principales, les arguments pour ou contre
- Compléter
+ insérer les phrases ou les mots manquants dans un texte lacunaire
+ compléter une carte ou un schéma à l’aide de l’information fournie par le document
+ faire des mots croisés
+ remplir un questionnaire
- Prendre des décisions / résoudre un problème
+ lire une brochure d’agence de voyages, et choisir la formule de vacances la mieux
adaptée aux goûts et désirs d’une personne donnée
+ lire un commentaire de film et décider de voir celui-ci ou non selon les conditions
données
+ résoudre un énigme ou découvrir le criminel
4.3. Activités post-lecture
Le travail pédagogique du document écrit ne s’arrête pas une fois que l’objectif de
compréhension est atteint. Après la lecture-compréhension du document, il est indispensable
d’encourager les apprenants à prendre une distance par rapport au texte, à réagir
personnellement au document, à donner leurs opinions, etc. Quelques exemples d’activités
d’extension :
- Exprimer leur point de vue sur le sujet du document et le relier à leur propre expérience et
à celles de leurs camarades ;
- Discuter des différentes interprétations d’un document et les justifier ;
- Créer de nouveaux documents (par exemple : créer un document sur le modèle de celui
qui vient d’être lu, transformer un récit en saynète, un jeu de rôle en interviewant un
personnage du document ou son auteur…) ;
- Recréer le document (par exemple : le reconstituer à partir des mots clés, le résumer…).
Les activités post-lecture peuvent aussi se faire au niveau de l’extension des connaissances
linguistiques, par exemple :
- Faire des regroupements sémantiques
- Regrouper les mots de même famille
- Hiérarchiser les termes de signification proche
5. Quelques remarques à propos de l’enseignement de la CE
5.1. Les questions posées
Dans un cours de compréhension écrite, vous serez amené à poser des questions à vos
apprenants pour les guider progressivement dans la découverte et la compréhension d’un
document. Les questions posées devraient respecter les principes suivants :
- Il faut que les premières questions suggèrent une compréhension très globale du document
écrit.
- Les questions posées ne doivent pas faire appel à une compréhension linéaire du texte
- Il s’agit de poser des questions constructives. Evitez par exemple des questions fermées où
l’apprenant doit juste répondre par oui ou par non. En revanche, si certaines questions sont de
ce type, n’oubliez pas de lui demander de faire une phrase complète et de se justifier par un
retour au texte.
- Il faut veiller à ne pas formuler les questions de telle sorte qu’elle donne la réponse
- Les questions posées doivent être adaptées au niveau de vos apprenants
- Les questions posées doivent avoir pour but de favoriser la compréhension et non pas de
l’évaluer. Une place centrale doit donc être accordée non plus au produit de la lecture lui-
même, c’est-à-dire à la compréhension, mais plutôt aux processus qui y conduisent car les
étudiants sont ici en situation d’apprentissage et non en situation d’évaluation.
5.2. L’explication des mots dans une activité de CE
- Quand expliquer les mots ?
Pour ne pas décourager l’apprenant par un trop grand nombre de mots inconnus, on pourrait
faciliter la compréhension par l’explication des mots les plus difficiles. Ce travail peut se faire
avant la lecture du texte, en cours de lecture, ou après.
Si le nombre de mots à expliquer est trop élevé pour une séquence donnée, on fait le choix
d’expliquer avant ceux qui sont indispensables à la compréhension du texte, et d’éclairer le
sens des autres en cours de lecture ou après la lecture. Pourtant, pour les mots dont le sens
peut être déduit grâce au contexte, il vaut mieux ne pas les expliquer avant la lecture, mais
encourager l’apprenant à découvrir lui-même le sens de ces mots en s’appuyant sur le
contexte.
- Comment expliquer ces mots ?
Pour être bref, on préconise pour l’exploitation préalable des mots une pédagogie active et le
recours à la visualisation afin de favoriser l’activité de la mémoire. En ce qui concerne
l’explication des mots faite en cours de lecture, en revanche, on préconise d’être didactique et
rapide pour ne pas briser le flux de la lecture.

QUELQUES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ADAMS G. et al., 1998, Lisons futé : stratégies de lecture, Duculot, Bruxelles, 92p.
CICUREL F., 1988, « Cohésion textuelle et acquisition d’une compétence de lecture »,
dans Cahier du DLSL, n° 6, Université de Lausanne, pp. 189-206.
CICUREL F., 1991, Lectures interactives, Hachette, Paris, 157p.
CORNAIRE Cl., 1999, Le point sur la lecture, CLE International, Paris, 117p.
DABENE M., 2001, « Situations de lecture et quête du sens : cheminements et
fractures », dans Cahiers du français contemporain, n° 7, ENS Editions,
Lyon, pp. 9-20.
DESCHÊNES A.-J., 1988, La compréhension et la production de textes, Presses de
l’Université du Québec, Québec, 136p.
GIASSON J., 1996, La compréhension en lecture, Université de Boeck, Bruxelles,
255p.
MOIRAND S., 1979, Situations d’écrit : compréhension, production en langue
étrangère, CLE International, Paris, 175p.
NGO KIM THAO, 2005, Cours de méthodologie de français langue étrangère (tome
2), Maison d’Edition de l’Université de Pédagogie, Hanoi, 108p.

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