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DEUXIEME PERSPECTIVE : LA CONNAISSANCE

Notions principales : le langage / la nature / la raison / la science / la vérité

CHAPITRE IV : QUE PEUT-ON DIRE DU REEL ?

A. La vérité : un problème de jugement

La VERITE est le problème central de la philosophie (philo-sophia : aimer, rechercher la


vérité et la sagesse). Toutes les questions philosophiques se rencontrent dans une quête de la
vérité. Or, si le philosophe cherche la vérité (il ne la détient pas), c’est qu’elle n’est pas
immédiatement accessible. Partons de l’idée que la vérité est cachée, qu’elle ne se donne pas
d’emblée. Exemple : l’allégorie de la vérité : une femme voilée, cachée au fond d’un puits et
tenant à la main un miroir (voir le tableau d’Edouard Debat-Ponsan, La vérité sortant du puits).
Penser aussi à expliquer le mot grec désignant la vérité : aletheia, dévoiler, découvrir. Afin
d’accéder au vrai, nous aurons besoin d’une médiation, d’un chemin ou d’une méthode. Le
problème sera alors de savoir quelle méthode utiliser, et pour atteindre quelle vérité.
Il est important, pour commencer, de ne pas confondre VERITE et REALITE. Le vrai n’est pas
systématiquement le réel. La VERITE réside toujours dans le jugement d’un sujet, c’est une
relation établie au sein de la pensée. Ainsi, la vérité est une propriété du LANGAGE ; elle est
toujours de l’ordre du discours (en grec, discours se dit logos et ce mot sert aussi à désigner la
RAISON). Ce qu’on dit peut être vrai de deux façons. On appelle, tout d’abord, vraie une
proposition qui est cohérente (la pensée est en accord avec elle-même, il n’y a pas de
contradiction). Ensuite, on appelle vraie une proposition qui correspond à la réalité. Prenons un
exemple de proposition simple : « le chat est noir » (sujet/verbe/prédicat). C’est dans l’exercice de
la prédication que l’erreur peut s’immiscer ; c’est donc aussi le lieu de la vérité. Même s’il existe
des domaines de vérité indépendants de l’expérience, on a besoin, la plupart du temps, de s’en
référer au réel pour déterminer le vrai. La REALITE désigne de façon très générale tout ce qui est
extérieur à nous, matériel, tangible ; c’est le monde extérieur tel qu’on peut l’appréhender
empiriquement (avec nos cinq sens), ce sont les choses qui nous entourent, mais aussi les choses
qui sont en nous : nos sentiments sont bien réels (le réel, c’est l’ensemble des choses : res, rei). Or,
le réel n’est en lui-même ni vrai ni faux : il est ou bien il n’est pas. Ainsi, un vrai et un faux billet
sont tous les deux bien réels. La réalité n’est donc pas le seul indicateur de la vérité d’une chose ; il
faut toujours qu’un jugement intervienne. Lisons, pour clarifier encore ces distinctions, un texte de
Marcel Aymé.

TEXTE : Marcel AYME, Les Contes rouges du chat perché, « Le problème ».


« - Je vais te lire l’énoncé, proposa Delphine. « Les bois de la commune ont une étendue de seize
hectares. Sachant qu’un are est planté de trois chênes, de deux hêtres et d’un bouleau, combien
les bois de la commune contiennent-ils d’arbres de chaque espèce ? »
- Je suis de votre avis, dit le chien, ce n’est pas un problème facile. (…)
- C’est très simple, répondit la petite poule blanche, et je m’étonne que personne n’y ait pensé. Les
bois de la commune sont tout près d’ici. Le seul moyen de savoir combien il y a de chênes, de hêtres et de
bouleaux, c’est d’aller les compter. A nous tous, je suis sûre qu’il ne nous faudra pas plus d’une heure pour
en venir à bout. (…)

[La maîtresse :] Nous allons voir comment vous vous êtes tirées du problème des bois de la
commune. Quelles sont celles d’entre vous qui l’ont fait ?
Delphine et Marinette furent seules à lever la main. Ayant jeté un coup d’œil sur leurs cahiers, la
maîtresse eut une moue qui les inquiéta un peu. Elle paraissait douter que leur solution fût exacte.
- Voyons, dit-elle en passant au tableau, reprenons l’énoncé. Les bois de la commune ont une
étendue de seize hectares…

Ayant expliqué aux élèves comment il fallait raisonner, elle fit les opérations au tableau et
déclara :
- Les bois de la commune contiennent donc quatre mille huit cents chênes, trois mille deux cents
hêtres et seize cents bouleaux. Par conséquent, Delphine et Marinette se sont trompées. Elles auront une
mauvaise note.
- Permettez, dit la petite poule blanche. J’en suis fâchée pour vous, mais c’est vous qui vous êtes
trompée. Les bois de la commune contiennent trois mille neuf cent dix-huit chênes, douze cent quatorze
hêtres et treize cent deux bouleaux. C’est ce que trouvent les petites.
- C’est absurde, protesta la maîtresse. Il ne peut y avoir plus de bouleaux que de hêtres. Reprenons
le raisonnement…
- Il n’y a pas de raisonnement qui tienne. Les bois de la commune contiennent bien treize cents deux
bouleaux. Nous avons passé l’après-midi d’hier à les compter. Est-ce vrai, vous autres ?
- C’est vrai, affirmèrent le chien, le cheval et le cochon.
- J’étais là, dit le sanglier. Les arbres ont été comptés deux fois.

La maîtresse essaya de faire comprendre aux bêtes que les bois de la commune dont il était
question dans l’énoncé, ne correspondaient à rien de réel, mais la petite poule blanche se fâcha
et ses compagnons commençaient à être de mauvaise humeur. « Si l’on ne pouvait se fier à
l’énoncé, disaient-ils, le problème lui-même n’avait plus aucun sens. » La maîtresse leur déclara
qu’ils étaient stupides. »

Puisque le vrai se trouve dans le jugement, partons de sa formulation la plus classique qu’on
appelle la VERITE comme ADEQUATION : (« Veritas adaequatio rei et intellectu est ») « La vérité
réside dans l’adéquation entre la chose et l’esprit. » Le problème de cette formulation, c’est
qu’elle comporte une ambiguïté : est-ce à l’esprit de se conformer à la chose, ou bien à la chose de
se conformer à l’esprit ? En quoi consiste le vrai ? Précisons le problème en développant chacun
des deux membres de l’alternative.
- « Veritas adaequatio rei cum intellectu est » (« esse in intellectu solo » : l’être de la vérité se
trouve dans l’esprit) : « la vérité réside dans la conformité de la chose avec l’esprit. ». C’est aux
choses de se conformer à l’esprit, comme si la vérité existait préalablement aux choses dans
l’esprit, en Idées. Celles-ci seraient comme des modèles auxquels les choses devraient se plier.
C’est dans l’esprit seul (« in intellectu solo ») que l’on trouverait le vrai. Il y a dans, l’esprit, des
règles ou des critères du vrai. Telle est la position que soutient l’IDEALISME.
- « Veritas adaequatio intellectus cum re est » (« esse in re » : l’être de la vérité se trouve dans la
chose) : « La vérité réside dans la conformité de l’esprit avec la chose. ». Dans ce cas, c’est la
réalité qui commande le questionnement et la connaissance ; les choses gardent l’initiative : elles
sont le critère de validation du jugement. La vérité serait dans les choses (« esse in re »). Telle est
la position empirique, celle du REALISME.

On voit, à partir de ces deux sens de l’adéquation, se dessiner deux grands chemins ; nous
allons pouvoir les suivre, éprouver différentes méthodes afin de voir si, au bout de ces chemins,
nous trouverons la vérité et laquelle. Car, il y a deux grandes familles de vérités, les vérités
formelles qui seront le fruit du seul raisonnement, comme dans les SCIENCES FORMELLES que sont
la logique et les mathématiques ; puis, les vérités matérielles qui surgiront de la confrontation de
la pensée avec le réel, dans les SCIENCES EXPERIMENTALES et les SCIENCES HUMAINES, par
exemple. Mais avant de distinguer ces domaines de scientificité, nous allons voir en quoi le
langage se trouve au cœur de toute recherche de vérité.

TEXTES : PLATON, « L’allégorie de la caverne », République, Manuel, p. 473-474 ; David HUME,


Enquête sur l’entendement humain, p. 482.

B. Comment parler des choses en vérité ?

Afin de cerner les enjeux relatifs à la notion de LANGAGE commençons par procéder à quelques
précisions de vocabulaire :

LE LANGAGE : au sens large, le langage signifie tout système ou ensemble de SIGNES permettant
l’expression ou la communication. On parle ainsi du langage informatique, du langage des
animaux, du langage du corps, etc.

TEXTE : Ferdinand de SAUSSURE, Cours de linguistique générale, 1916 [Manuel, p. 220].

LA LANGUE : c’est le produit social de la faculté du langage, autrement dit l’ensemble des
conventions nécessaires adoptées par le corps social. La langue est le moyen par lequel les
hommes d’une certaine communauté se comprennent. Il y a des langues vivantes, des langues
mortes. La science qui étudie le fonctionnement des langues est la linguistique (problèmes de
l’origine des langues, de la pluralité des langues).

LA PAROLE : C’est l’utilisation que chaque individu fait de sa langue en énonçant des mots et en
les articulant au moyen de la voix. On distingue la parole et l’écriture.
Du langage à la parole en passant par la langue, s’établit une gradation du général au singulier : le
langage touche des réalités qui ne sont pas exclusivement humaines ; la langue concerne une
communauté linguistique donnée (langue française, latine, etc.) ; la parole est toujours liée à un
exercice individuel (singularisation par la voix, les intonations, etc.). SAUSSURE, Cours de
linguistique générale : « En séparant la langue de la parole on sépare du même coup : 1) ce qui est
social de ce qui est individuel ; 2) ce qui est essentiel de ce qui est accessoire. »

LE DIALOGUE : du grec dialogos : de dia, à travers et logos, la parole. Sens ordinaire : discussion
entre deux ou plusieurs personnes visant à produire un accord. Le dialogue est le propre de
l’homme. Seul l’homme est capable, non seulement de communiquer avec autrui, mais encore
d’échanger avec lui, de questionner et de répondre. C’est que, pour l’homme, le langage n’est pas
essentiellement, comme chez les animaux, un outil de communication, un simple relais de l’action
–bien qu’il puisse l’être parfois, notamment lorsqu’il sert à donner des ordres-, mais ce par quoi il
accède à la pensée et à la représentation ; c’est aussi en cela qu’il est l’instrument de la VERITE. Le
dialogue est un échange d’idées. Davantage encore, il est ce par quoi nos idées se forment.
Dialoguer c’est moins communiquer à autrui des pensées déjà faites, que s’efforcer de les produire
en les formulant devant lui, en acceptant de s’exposer à la critique. Dialoguer c’est aussi, en
prévoyant les objections, éprouver la solidité de ses arguments. Le dialogue est donc fécond et
porte plus loin l’exigence de la pensée.

Les dialogues de Platon mettent en scène la pensée en train de se constituer. Les


objections de Socrate obligent son interlocuteur à se mettre en quête d’une vérité qu’il croyait
déjà posséder. De l’opinion à la vérité, du particulier à l’universel, le dialogue est le chemin même
de la philosophie. A l’origine, il y a dialogue lorsque des individus ou des groupes humains en
désaccord sur un point qu’ils tiennent pour essentiel tentent de dénouer leur conflit en
échangeant arguments et objections, au lieu de s’en remettre à la lutte violente. Cette évolution
décisive se produit pour la première fois en Grèce où émerge une communauté politique tout
entière fondée sur le langage : c’est en dialoguant, au tribunal ou à l’assemblée, que le citoyen
obtient la reconnaissance de ses droits et participe aux décisions qui engagent la vie de tous et de
chacun. Encore faut-il que ce dialogue ne soit pas le substitut de la violence physique : s’il s’agit
simplement de triompher de son adversaire à l’aide de procédés habiles, le dialogue ne fait que
persuader et séduire en imposant la particularité d’un intérêt ou d’une opinion. Tel est le reproche
essentiel que Socrate adresse aux sophistes. Il refuse donc de réduire le dialogue à la mise en
œuvre de techniques rhétoriques. Sa valeur est infiniment plus élevée puisqu’il n’est autre que le
chemin vers la raison, la voie qui libère l’homme de son ignorance et lui donne accès au savoir
véritable, à l’entente sur le Bien, condition d’une vie morale et politique. Dans le Sophiste, Platon
définit la pensée comme « dialogue intérieur et silencieux de l’âme avec elle-même ». Cette
dernière formule peut surprendre, parce qu’alors autrui paraît absent du dialogue. Mais, à
l’inverse, il est bien certain que la simple présence d’autrui ne suffit pas pour dialoguer et donc
pour penser. On peut monologuer à plusieurs (dialogue de sourds ou encore consensus). Pourtant
peut-on dialoguer seul ? Oui, en un sens, car toute pensée véritable, même solitaire, est sous le
regard d’autrui, dans la mesure où elle tente de se formuler dans l’élément de l’universel (usage
de la langue qui est nécessairement social, la parole se déploie sur un fond commun ; introduction
d’une forme d’altérité dans la pensée réflexive : le moi et le soi). Autrui n’est pas seulement un
être idéal et abstrait auquel je m’adresse, ou sous le regard duquel j’accepte de me placer. Il est
celui qui s’adresse à moi, dans la réciprocité et me répond. « Penserions-nous beaucoup et
penserions-nous bien, si nous ne pensions pour ainsi dire en commun avec d’autres ? », Kant,
Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ? Autrui, en tant qu’il est un être différent de moi, enrichit
et élargit la conception que j’ai du monde. La philosophie contemporaine, et notamment la
phénoménologie, donnent au dialogue une importance primordiale, parce qu’il est constitutif d’un
monde véritablement humain, c’est-à-dire d’un monde commun et pourtant composé de
l’entrelacement des différences. Le dialogue est donc signe de tolérance ; c’est l’autre de toute
violence.

A partir de ces définitions, nous pouvons nous emparer du problème suivant : Le langage est-il
le miroir de la réalité ? Est-il un bon moyen pour atteindre une adéquation aux choses ? Les mots
parviennent-ils à dire ce que sont les choses ? Il s’agit de résoudre le problème du rapport entre la
généralité des catégories du langage et la singularité du réel, ce qu’on nomme aussi le problème
de l’essentielle imperfection du langage. Voyons plus précisément ce qu’il en est en analysant la
conception que se fait Nietzsche de la vérité et du langage.

LA VERITE ET LE LANGAGE CHEZ NIETZSCHE

Partons de l’explication d’une citation de NIETZSCHE dans Le Livre du philosophe :


« Nous croyons savoir quelque chose des choses elles-mêmes quand nous parlons d’arbres, de
couleurs, de neige et de fleurs, et nous ne possédons cependant rien que des métaphores des
choses qui ne correspondent pas du tout aux entités originelles. »

NIETZSCHE prend l’exact contre-pied de PLATON : il veut replacer la vérité, qui s’était
égarée dans les « arrière-mondes » intelligibles, dans le monde sensible. Le langage, par le biais
des CONCEPTS, nous trompe et nous éloigne de la seule chose vraie : l’infinie richesse du réel. Le
concept, et davantage encore l’Idée, trahit la réalité car il ne nous livre que la silhouette ou la
forme générale des choses. Toutefois, les idées, les concepts et donc les mots n’en demeurent pas
moins des outils indispensables. L’homme est victime d’une « illusion vitale ».
Précisons la portée de cette critique nietzschéenne de la vérité et du langage, car elle est
double :
a. Les vérités que nous tenons pour telles ne sont que des illusions, des métaphores dont on
a oublié l’origine. Le « vrai » est ici compris comme le produit d’une fabrication
conceptuelle ou langagière (quelque chose d’artificiel et donc de faux) ;
b. De plus, nous transformons ces illusions originelles en vérités parce que cela nous est utile.
Il y a donc, pour NIETZSCHE, une utilité du mensonge, de l’erreur, de l’illusion. C’est ce
qu’on appelle le PRAGMATISME. Ce mot désigne la conception selon laquelle la fonction
essentielle de l’esprit humain n’est pas de nous faire connaître les choses (et donc de
rechercher la vérité), mais de permettre notre ACTION sur elles. Une idée vraie, en ce sens,
c’est une idée qui réussit. NIETZSCHE cherche à démontrer que l’aspiration de l’homme à la
vérité cache en réalité un désir de sécurité.

Lisons, pour finir, une autre citation de NIETZSCHE extraite cette fois de La Volonté de
puissance, III :
« L’homme cherche la vérité : un monde qui ne puisse se contredire, ni changer, un monde vrai,
un monde où l’on ne souffre pas ; or, la contradiction, l’illusion, le changement sont cause de la
souffrance. »

En somme, NIETZSCHE ne critique pas le fait que l’on se trompe (il n’a rien contre l’erreur en
soi) ; il reconnaît même l’utilité de l’erreur et du mensonge en tant qu’ils servent la vie. Ce qu’il
critique, c’est l’illusion dans laquelle nous nous enfermons en croyant détenir des vérités. Il
demande de faire preuve de « probité », c’est-à-dire d’honnêteté intellectuelle.
EXERCICE SUR UN TEXTE :

« Pensons encore, en particulier, à la formation des concepts. Tout mot devient


immédiatement concept par le fait qu’il ne doit pas servir justement pour l’expérience originale,
unique, absolument individualisée, à laquelle il doit sa naissance, c’est-à-dire comme souvenir,
mais qu’il doit servir en même temps pour des expériences innombrables, plus ou moins
analogues, c’est-à-dire à strictement parler, jamais identiques et ne doit donc convenir qu’à des
cas différents. Tout concept nait de l’identification du non-identique. Aussi certainement qu’une
feuille n’est jamais tout à fait identique à une autre, aussi certainement le concept feuille a été
formé grâce à l’abandon délibéré de ces différences individuelles, grâce à un oubli des
caractéristiques, et il éveille alors la représentation, comme s’il y avait dans la nature, en dehors
des feuilles, quelque chose qui serait « la feuille », une sorte de forme originelle selon laquelle
toutes les autres feuilles seraient tissées, dessinées, cernées, colorées, crêpées, peintes, mais par
des mains malhabiles au point qu’aucun exemplaire n’aurait été réussi correctement et sûrement,
comme la copie fidèle de la forme originelle. (…)
Qu’est-ce donc que la vérité ? une multitude mouvante de métaphores, de métonymies,
d’anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et
rhétoriquement haussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple
fermes, canoniales et contraignantes : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le
sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de
monnaie qui ont perdu leur empreinte et qui entrent dès lors en considération, non plus comme
pièces de monnaie, mais comme métal. »

NIETZSCHE, Le livre du philosophe, « Sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral ».

1. Expliquer : « Tout concept naît de l’identification du non-identique. » (définir ce qu’est un


CONCEPT ; distinguer « analogue » et « identique » et se demander pourquoi on ne peut
pas faire, au sens strict du terme, deux expériences identiques) ;
2. Où se situe la critique de l’idéalisme platonicien dans le texte et en quels termes ?
3. Expliquer : « Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont. »
OBJECTION : Il nous est apparu que le langage était nécessairement imparfait et que cela
expliquait notre difficulté à dire la vérité. Mais cela est-il réellement le fait du langage lui-même ?
Le problème ne pourrait-il pas venir d’ailleurs ? Il semble, en effet, que le problème de l’accès à la
vérité soit un problème de pensée plutôt qu’un problème de langage. Ce n’est pas le langage qui
est imparfait, c’est notre pensée.

EXPLICATION D’UNE CITATION de BOILEAU, Art poétique, Chant I, vers 147 et suivants :
«Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d’un nuage épais toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Selon que votre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément. »

TEXTE : HEGEL, Philosophie de l’Esprit, Addition au § 462 [Manuel, p. 226].

Ainsi, une pensée aboutie, maîtrisée trouvera les moyens de son expression. Si les mots
nous manquent ou s’ils ne parviennent pas à dire la vérité, c’est que la pensée n’est pas encore
clairement élaborée. C’est la pensée qui est confuse et non les mots qui sont inadéquats.
L’ineffable (ou l’indicible) ne révèle pas un défaut du langage mais une pensée informe. Lorsque la
pensée est clairement élaborée et conduite, elle trouve exactement les mots qui lui conviennent. Il
semble que le discours scientifique soit emblématique de cette pensée maîtrisée. Voyons en quoi
la science est un champ privilégié de vérité.

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