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ANALYSE AVANCÉE DES STRUCTURES

ET ÉLÉMENTS FINIS
– CIV6502 –

Prof. Najib Bouaanani, ing., Ph.D.


Département des génies civil, géologique et des mines
École Polytechnique de Montréal

Tous droits réservés


 Najib Bouaanani, École Polytechnique de Montréal, 2004–2012

Cet ouvrage est exclusivement réservé à l’usage du cours


Analyse avancée des structures par éléments finis (CIV6502)

On ne peut reproduire ni diffuser aucune partie


du présent ouvrage, sous quelque forme ou par quelque procédé
que ce soit, sans avoir obtenu au préalable l’autorisation écrite de l’auteur.
Chapitre 2

Mécanique des solides – Élasticité

2.1 Les ingrédients d’un problème de la mécanique des solides


La figure 2.1 montre les principaux ingrédients d’un problème typique de la mécanique des solides, à savoir
les forces, les contraintes, les déformations et les déplacements. En général, la résolution d’un tel problème
implique l’utilisation des équations d’équilibre reliant les forces aux contraintes, des lois constitutives reliant
les contraintes aux déformations, et des conditions de compatibilité reliant les déformations aux déplace-
ments. En tenant compte des conditions aux frontières, les équations différentielles obtenues permettent de
déterminer les inconnues du problème, incluant les efforts internes, les contraintes et les déformations au sein
du solide étudié. Dans le cas d’un problème dynamique, la variation de ces inconnues en fonction du temps
est également recherchée. La figure 2.2 illustre la terminologie et les étapes de résolution d’un problème
simple de la mécanique des solides consistant à étudier la déformation axiale d’une barre.

Figure 2.1– Principaux ingrédients d’un problème de la mécanique des solides.

2.2 Notion de continuité


La structure microscopique de la matière est par nature discontinue et hétérogène, étant constituée de mo-
lécules, d’atomes et de particules. Nous adoptons dans ce qui suit l’hypothèse de la mécanique des milieux
continus, consistant à considérer que les domaines de matière étudiés sont continus et homogènes. Cette
hypothèse implique que l’on peut définir sur tout élément de volume découpé du solide, aussi petit soit-il,
des grandeurs physiques représentées par des fonctions mathématiques continues (masse volumique, tempé-
rature, contraintes, déformations, vitesse, accélération, etc.).

1
2.3. SYSTÈMES DE FORCE 2-2

Figure 2.2– Application de la mécanique des solides à l’étude de la déformation d’une barre : (a) Configurations
initiale et déformée ; (b) Ingrédients et étapes de résolution.

2.3 Systèmes de force


2.3.1 Forces extérieures

La figure 2.3 montre un corps solide déformable occupant un volume V , délimitée par une surface libre S et
une surface à déplacements imposés S.e Les forces extérieures s’exerçant sur le solide se distinguent en :

Figure 2.3– Forces exté-


rieures s’exerçant sur un solide
déformable.

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2.3. SYSTÈMES DE FORCE 2-3

ú forces de volume (ou volumiques) : réparties sur l’ensemble du solide, ces forces agissent à distance
sur chaque élément de volume dV . Elles sont généralement définies par unité de volume

df V = f V dV (2.1)

où df V est la force de volume élémentaire et où f V est un vecteur représentant l’intensité de la force


par unité de volume dV . Les forces de gravité et les forces d’inertie constituent des exemples de forces
de volume ;
ú forces de surface (ou surfaciques) : s’exerçant sur une partie S̄ de la surface extérieure, une telle force
est définie par unité de surface
df S = f S dS (2.2)
où f S est l’intensité de la force pas unité de surface. Les forces de frottement ou de contact entre deux
solides, la pression de l’eau et la pression (ou la succion) du vent rentrent sous cette catégorie. La
figure 2.3 montre également des forces concentrées Fi . Celles-ci peuvent être considérées comme des
forces de surface dont le point d’application est une surface d’aire infiniment petite.
Les intensités des forces de volume f V et de surface f S , et des forces concentrées Fi sont généralement
définies par leurs projections dans un système d’axes cartésien x, y et z
[ ]T [ ]T [ ]T
f V = fxV fyV fzV , f S = fxS fyS fzS , Fi = Fxi Fyi Fzi (2.3)

2.3.2 Forces internes et notion de contrainte

Le solide de la figure 2.4 est en équilibre sous l’action des forces extérieures de volume, de surface et des
forces concentrées. Considérons un point P à l’intérieur du solide et effectuons, par la pensée, une coupe
selon un plan Π passant par P , séparant ainsi le solide en deux parties occupant les volumes V1 et V2 comme
illustré sur la figure 2.4a. Conservons pour les fins de l’illustration seulement l’une des deux parties, celle
occupant le volume V2 par exemple. Sur la surface de coupe, considérons un élément d’aire dA contenant le
point P tel qu’indiqué sur la figure 2.4b. Un tel élément d’aire est appelé facette. Chaque facette est associée
à sa normale unitaire n. La normale n est toujours orientée vers l’extérieur de la partie conservée. Les deux
parties du solide sont maintenues ensemble en équilibre grace à des forces de cohésion internes. Ces forces
sont représentées par des vecteurs force df , s’exerçant sur chacune des facettes dA appartenant à la surface
de coupe. Notons dfn et dft les composantes normale et tangentielle résultant de la projection du vecteur
force df , respectivement, selon la normale n, et sur le plan de coupe Π. Cette décomposition permet d’écrire

df = dfn + dft (2.4)

Par ailleurs, d’après le principe de Cauchy, il existe un champs de vecteurs t, tel que la résultante des forces
élémentaires internes t dA soit équivalente à l’ensemble des forces internes transmises à travers la surface
de coupe. Ce champs est appelé vecteurs de contraintes, et nous pouvons écrire

df = t dA (2.5)

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-4

Figure 2.4– Corps solide en équilibre sous l’action des forces extérieures de volume, de surface et des forces concen-
trées.

On définit alors les contraintes normale σ et tangentielle ou de cisaillement τ par

dfn dft
σ = tn = , τ = tt = (2.6)
dA dA
où dfn et dft sont les valeurs algébriques des projections dfn et dft , respectivement. Il est important de noter
que ces contraintes dépendent du point P et de l’orientation de la facette dA, définie par sa normale n.

2.4 Tenseur des contraintes


Nous pouvons conclure du paragraphe précédent qu’il existe autant de vecteurs contraintes en un point qu’il
y’a de plans passant par ce point, donc une infinité. Nous allons toutefois démontrer qu’il suffit de connaître
les vecteurs contraintes s’exerçant sur trois facettes deux à deux perpendiculaires contenant un point P , pour
définir le vecteur contrainte correspondant à n’importe quel plan passant par ce point.

Considérons le solide étudié au paragraphe précédent, et associons le point P à un système d’axes carté-
sien (x1 , x2 , x3 ) tel qu’illustré sur la figure 2.5. Effectuons cette fois-ci des coupes suivants des plans per-
pendiculaires aux axes xi . Notons t(i) le vecteur contrainte agissant sur la facette perpendiculaire à l’axe xi
de normale n(i) . Chaque vecteur contrainte t(i) est projeté pour donner une contrainte normale σii et deux
contraintes de cisaillement σij , i ̸= j, où l’indice j fait référence à la direction de l’axe xj . Cette notation
est dite indicielle.

Les informations de la figure 2.5 sont généralement représentées de façon plus compacte à l’aide d’un cube
illustré sur la figure 2.6a. Notons que ce cube est imaginaire car les facettes, en réalité infiniment petites et

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-5

Figure 2.5– Plans de coupe et tenseur des contraintes.

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-6

passant par le point P , sont ici amplifiées et décalées par rapport au point P pour les besoins de l’illustra-
tion. La figure 2.6b montre le même cube avec une notation dite de l’ingénieur, équivalente à la notation
indicielle. Ces deux notations seront utilisées invariablement dans le cadre de ce texte. Une facette du cube
de la figure 2.6 est dite positive si sa normale est orientée selon le sens d’un des axes xi . Nous adopterons
également une convention de signe voulant qu’une contrainte soit positive lorsqu’elle agit sur une facette
positive et selon le sens d’un des axes xi .

Figure 2.6– Décomposition des contraintes selon trois facettes orthogonales : (a) Notation indicielle ; (b) Notation de
l’ingénieur.

Supposons que les contraintes agissant sur les facettes orientées selon un système d’axes (x, y, z) soient
connues. Cherchons à déterminer les contraintes agissant sur un plan quelconque passant par un point P , de
vecteur normal unitaire n. Cette situation est illustrée sur la figure 2.7a. L’approche adoptée ici consiste à
décaler virtuellement le point P et le plan Π tout en conservant son orientation n. Il se forme alors un élément
tétraèdre infiniment petit montré sur la figure 2.7b. Le tétraèdre est constitué d’une facette ABC appartenant
au plan Π, et des facettes CPB, CPA et PAB perpendiculaires aux axes x, y, et z, respectivement. Cherchons
à déterminer le vecteur contrainte t s’exerçant sur la facette ABC d’aire dA. Rappelons que les données du
problème sont le vecteur n et les contraintes sur les trois facettes CPB, CPA et PAB.

Notons nx , ny , et nz les cosinus directeurs de n, définis par ses projections dans le système d’axes (x, y, z).
On démontre aisément que les aires des facettes CPB, CPA et PAB sont données par

aire(CPB) = nx dA ; aire(CPA) = ny dA ; aire(PAB) = nz dA (2.7)

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-7

Figure 2.7– Tétraèdre élémentaire.

En écrivant l’équilibre de l’élément tétraèdre et en projetant sur les trois axes x, y et z, on obtient

− σx nx dA − τyx ny dA − τzx nz dA + tx dA + fxV dV = 0


− τxy nx dA − σy ny dA − τzy nz dA + ty dA + fyV dV = 0 (2.8)
− τxz nx dA − τyz ny dA − σz nz dA + tz dA + fzV dV =0

où tx , ty et tz sont les composantes du vecteur contrainte t dans le système d’axes (x, y, z). Les forces
volumiques dans Eq. (2.8) sont d’ordre supérieur et peuvent donc être négligées. Les composantes du vecteur
contrainte t deviennent
tx = σx nx + τyx ny + τzx nz
ty = τxy nx + σy ny + τzy nz (2.9)
tz = τxz nx + τyz ny + σz nz

soit, en notation indicielle


tj = σij ni (2.10)
ou encore sous forme matricielle
t = σTn (2.11)
Les composantes normale tn et de cisaillement tt du vecteur contrainte sont alors données par

tn = nT σ T n = σij ni nj (2.12)
√ √
tt = ||t||2 − t2n = ||t||2 − (σij ni nj )2 (2.13)

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-8

Les équations (2.10) à (2.13) montrent qu’il suffit de connaître les vecteurs contrainte sur trois plans ortho-
gonaux passant par un point donné pour définir le vecteur contrainte sur n’importe quel plan passant par
ce point. Les neufs composantes σij constituent un tenseur de second ordre, dit tenseur de contraintes de
Cauchy    
σ11 σ12 σ13 σx τxy τxz
   
σ = σ21 σ22 σ23  = τyx σy τyz  (2.14)
σ31 σ32 σ33 τzx τzy σz

À titre d’exemple, mentionnons quelques états de contraintes particuliers :

– État de contraintes de traction pure (Figure 2.8a)


 
σ1 0 0
 
σ =  0 0 0 (2.15)
0 0 0

– État de contraintes cylindriques (Figure 2.8b)


 
σ1 0 0
 
σ =  0 σ2 0  (2.16)
0 0 σ2

– État de contraintes hydrostatiques (Figure 2.8c)


 
σ̄ 0 0
 
σ =  0 σ̄ 0  (2.17)
0 0 σ̄

– État de contraintes principales triaxiales (Figure 2.8d)


 
σ1 0 0
 
σ =  0 σ2 0  (2.18)
0 0 σ3

– État de contraintes de cisaillement pure (Figure 2.8e)


 
0 τ12 τ13
 
σ = τ21 0 τ23  (2.19)
τ31 τ32 0

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-9

Figure 2.8– Exemples d’états de contraintes : (a) Contraintes de traction pure ; (b) Contraintes cylindriques ;
(c) Contraintes hydrostatiques ; (d) Contraintes principales triaxiales ; (e) Contraintes de cisaillement pure.

2.4.1 Équations d’équilibre

La figure 2.9a montre les contraintes au sein d’un élément de volume dV = dx dy dz. Les notations suivantes
sont adoptées
∂σx ∂τxy ∂τxz
σx′ = σx + dx ′
τxy = τxy + dx ′
τxz = τxz + dx
∂x ∂x ∂x
′ ∂τyx ∂σy ∂τyz
τyx = τyx + dy σy′ = σy + dy ′
τyz = τyz + dy (2.20)
∂y ∂y ∂y
′ ∂τzx ′ ∂τzy ∂σz
τzx = τzx + dz τzy = τzy + dz σz′ = σz + dz
∂z ∂z ∂z
Écrivons la projection des équations d’équilibre sur chacune des directions x, y et z. La figure 2.9b montre
les composantes des forces selon l’axe x. L’équilibre des forces selon cet axe donne

σx′ dy dz − σx dy dz + τyx
′ ′
dx dz − τyx dx dz + τzx dx dy − τzx dx dy + fxV dx dy dz = 0 (2.21)

d’où, en utilisant Eq. (2.20)


∂σx ∂τyx ∂τzx
+ + + fxV = 0 (2.22)
∂x ∂y ∂z

De façon similaire, on obtient en projetant sur les axes y et z


∂τxy ∂σy ∂τzy
+ + + fyV = 0 (2.23)
∂x ∂y ∂z
∂τxz ∂τyz ∂σz
+ + + fzV = 0 (2.24)
∂x ∂y ∂z
Les équations (2.22), (2.23), et (2.24) se résument en notation indicielle à
∂σij
+ fjV = 0 (2.25)
∂xi

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-10

Figure 2.9– Cube élémentaire : (a) Contraintes sur les six facettes ; (b) Équilibre des forces selon la direction x.

Dans le cas d’une excitation dynamique, le même raisonnement s’applique, et l’équation (2.25) se généra-
lise à
∂σij
+ fjV = ρaj (2.26)
∂xi
où ρ est la masse volumique et aj l’accélération selon l’axe xj .

2.4.2 Symétrie du tenseur des contraintes

Reprenons l’élément de volume de la figure 2.9. Considérons une droite D parallèle à l’axe x et passant par
le centre O de l’élément de volume. La figure 2.10 montre les seuls vecteurs contrainte ayant un moment
non nul par rapport à D.

L’équilibre des moments par rapport à D donne

′ dy dy ′ dz dz
τyz dx dz + τyz dx dz − τzy dx dy − τzy dx dy =0 (2.27)
2 2 2 2
d’où, en utilisant Eq. (2.20)
( ) ( )
∂τyz dy dy ∂τzy dz dz
τyz + dy dx dz + τyz dx dz − τzy + dz dx dy − τzy dx dy =0 (2.28)
∂y 2 2 ∂z 2 2

soit, en ne conservant que les termes de premier ordre

τyz = τzy (2.29)

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-11

Figure 2.10– Symétrie du tenseur de contraintes.

De la même façon, on démontre que

τxz = τzx (2.30)


τxy = τyx (2.31)

Les contraintes de cisaillement sur deux facettes adjacentes perpendiculaires sont donc égales. Notons ce-
pendant que leurs orientations sont simultanément convergentes ou divergentes par rapport à la droite de
jonction des facettes.

Les équations (2.29) à (2.31) démontrent la symétrie du tenseur des contraintes, soit en notation indicielle

σij = σji (2.32)

ou encore en notation matricielle


σT = σ (2.33)
L’état de contrainte tridimensionnel en un point est donc entièrement défini par seulement six composantes
indépendantes au lieu de neuf, à savoir les contraintes normales σx , σy , σz et de cisaillement τxy , τyz et τxz .
Le tenseur des contraintes est alors souvent remplacé par le vecteur-colonne
[ ]T
σ = σx σy σz τxy τyz τxz (2.34)

2.4.3 Contraintes principales

Reprenons la figure 2.5. En général, le vecteur contrainte t obtenu en effectuant un plan de coupe n’est pas
perpendiculaire à ce plan. Pour que ce soit le cas, le vecteur t doit être parallèle au vecteur normal au plan
de coupe n tel qu’indiqué sur la figure 2.11a. Ceci revient à admettre l’existence d’un scalaire λ tel que

t = λn (2.35)

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-12

Or, d’après Eq. (2.11) et en tenant compte de la symétrie du tenseur des contraintes, le vecteur contrainte t
s’exprime également par
t = σ T n = σn (2.36)
d’où
σn = λ n (2.37)
soit
(σ − λ I) n = 0 (2.38)

Figure 2.11– Tétraèdre élémentaire lorsque le plan de coupe est perpendiculaire au vecteur contrainte.

Ainsi, pour qu’un plan de coupe soit perpendiculaire à un vecteur de contrainte t, il faut que le vecteur
normal n à ce plan vérifie l’équation (2.38). Pour qu’un tel plan existe, il faut donc que l’équation (2.38)
admette des solutions n et λ non triviales. Soulignons que les composantes ni du vecteur normal n doivent
également satisfaire

3
||n|| = n2i = 1 (2.39)
i=1

En fait, l’équation (2.38) définit un problème aux valeurs propres. On démontre que, compte tenu de la
symétrie du tenseur des contraintes, ce problème admet toujours trois valeurs propres réelles. Explicitement,

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-13

Eq. (2.38) admet des solutions non triviales si


 
σ11 − λ σ12 σ13
 
det (σ − λ I) = det  σ21 σ22 − λ σ23  = 0 (2.40)
σ31 σ32 σ33 − λ
soit, tous calculs faits
λ3 − I1 λ2 + I2 λ − I3 = 0 (2.41)

I1 = tr σ
(2.42)
= σx + σ y + σz
[ ] [ ] [ ]
σ11 σ12 σ22 σ23 σ11 σ13
I2 = det + det + det
σ21 σ22 σ32 σ33 σ31 σ33 (2.43)
= σx σy + σy σz + σz σx − τxy
2
− τyz
2
− τxz
2

et
I3 = det σ
(2.44)
= σx σy σz − σx τyz
2
− σy τxz
2
− σz τyx
2
+ 2 τxy τyz τxz

Les valeurs propres du problème posé par l’équation (2.38) sont les trois racines réelles λ1 , λ2 et λ3 de
l’équation caractéristique (2.41). En utilisant les équations (2.11), (2.13) et (2.35), on démontre aisément que
les trois racines λi sont en fait les contraintes normales selon trois plans orthogonaux, et que les contraintes
de cisaillement selon ces plans sont nulles. Ces contraintes normales sont dites principales, et seront no-
tées σP1 , σP2 et σP3 . Elles sont généralement ordonnées comme suit

σP3 6 σP2 6 σP1 (2.45)

Les trois plans correspondants à ces contraintes sont appelés plans principaux. Les vecteurs normaux à ces
plans matérialisent les directions principales. Ils sont déterminées en remplaçant λ par ses valeurs σP1 , σP2
et σP3 , tour à tour dans Eq. (2.38), et en utilisant leur caractère unitaire [Eq. (2.39)].

Notons que dans le cas bidimensionnel, il est plus pratique d’utiliser la méthode du cercle de Mohr. Rappe-
lons que cette technique graphique est basée sur les équations
σx + σy σx − σy
σx ′ = + cos 2θ + τxy sin 2θ
2 2
σx + σy σx − σy
σy ′ = − cos 2θ − τxy sin 2θ (2.46)
2 2
σx − σy
τx′ y′ = − sin 2θ + τxy cos 2θ
2
reliant les contraintes σx , σy et τxy exprimées dans un système d’axes x et y, aux contraintes σx′ , σy′ et τx′ y′
exprimées dans un système d’axes x′ et y ′ , tournés d’un angle θ par rapport aux axes x et y. La figure 2.12
illustre les contraintes σx , τxy , σx′ et τx′ y′ , ainsi que l’angle de rotation θ.

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-14

Figure 2.12– Contraintes σx′ et τx′ y′ sur un plan


inclinée d’un angle θ par rapport au système
d’axes x et y.

Les équations (2.46) montrent que les contraintes σx′ et τx′ y′ varient de manière continue en fonction de
l’angle de rotation θ. L’angle de rotation θP tel que σx′ soit extremum (minimum ou maximum) est obtenu
en écrivant
dσx′
=0 (2.47)

soit, d’après Eq. (2.46)
− (σx − σy ) sin 2θ + 2τxy cos 2θ = 0 (2.48)
d’où
2τxy
tan 2θP = (2.49)
σx − σy

L’équation (2.49) donne deux valeurs de l’angle θP , permettant d’identifier les systèmes d’axes principaux,
selon lesquels seules les contraintes normales agissent. En comparant les équations (2.46) et (2.48), on vérifie
que la contrainte de cisaillement τx′ y′ est nulle.

En utilisant Eq. (2.46) et Eq. (2.49), on démontre que les contraintes principales maximum σ1 et minimum σ2
ont pour expressions
√( )
σx + σy σx − σy 2 2
σ1 = + + τxy (2.50)
2 2
√( )
σx + σy σx − σy 2
σ2 = − 2
+ τxy (2.51)
2 2

De la même manière, l’angle de rotation θS tel que τx′ y′ soit maximum est obtenu en écrivant
dτx′ y′
=0 (2.52)

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-15

soit, d’après (2.46)


(σx − σy ) cos 2θ + 2τxy sin 2θ = 0 (2.53)
d’où
σx − σy
tan 2θS = − (2.54)
2τxy

En comparant Eq. (2.49) et Eq. (2.54), il est aisé de voir que les axes principaux et les axes de cisaillement
maximum font un angle de 45◦ .

En utilisant Eq. (2.46) et Eq. (2.54), on obtient la contrainte de cisaillement maximum


√( )
σx − σ y 2 1
τmax = ± 2 = ± (σ − σ )
+ τxy 1 2 (2.55)
2 2
et la contrainte normale s’exerçant sur les plans de cisaillement maximum
1
σmoy = (σx + σy ) (2.56)
2

On retrouve aisément l’ensemble de ces résultats en utilisant la construction graphique du cercle de Mohr,
tel qu’illustré sur la figure 2.13.

2.4.4 Invariants et décomposition du tenseur des contraintes

Les entités I1 , I2 et I3 sont des invariants du tenseur des contraintes, autrement dit, ils ne dépendent pas
du système d’axes dans lequel le tenseur est défini. Ces invariants s’expriment en fonction des contraintes
principales

I1 = σP1 + σP2 + σP3


I2 = σP1 σP2 + σP2 σP3 + σP1 σP3 (2.57)
I3 = σP1 σP2 σP3

Notons σM , la contrainte normale moyenne, un autre invariant du tenseur des contraintes


1 1 1
σM = σii = (σx + σy + σz ) = I1 (2.58)
3 3 3
On vérifie aisément que le tenseur des contraintes σ peut être décomposé en deux tenseurs symétriques

σ = S + σM I (2.59)

où S est le tenseur déviateur des contraintes, défini par


 
σ11 − σM σ12 σ13
 
S =  σ21 σ22 − σM σ23  (2.60)
σ31 σ32 σ33 − σM

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2.4. TENSEUR DES CONTRAINTES 2-16

Figure 2.13– Construction graphique du cercle de Mohr en deux dimensions : (a) Cercle de Mohr ; (b) Contraintes
dans un système d’axes x et y ; (c) Contraintes dans un système d’axes x′ et y ′ tournés d’un angle θ par rapport aux
axes x et y ; (d) Contraintes principales ; (e) Contraintes de cisaillement maximum.

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2.5. TENSEUR DES DÉFORMATIONS 2-17

et où le tenseur σM I est appelé tenseur sphérique ou hydrostatique. L’équation caractéristique du tenseur


déviateur S s’écrit
µ3 − J1 µ2 + J2 µ − J3 = 0 (2.61)
où J1 , J2 et J3 sont des invariants du tenseur déviateur. On démontre que ces invariants s’expriment en
fonction des invariants du tenseur des contraintes I1 , I2 et I3

J1 = 0
1
J2 = I12 − I2 (2.62)
3
1 2
J3 = I3 − I1 I2 + I13
3 27
L’équation (2.61) se simplifient donc à
µ3 + J2 µ − J3 = 0 (2.63)
Remplaçons le tenseur de contraintes σ par sa décomposition [Eq. (2.59)] dans l’équation (2.38)
[ ] [ ]
σ − λI n = S − (λ − σM ) I n = 0 (2.64)

Il en résulte que le tenseur déviateur a les même directions principales que le tenseur des contraintes, et que
ses contraintes principales sPi s’obtiennent à partir de celles du tenseur des contraintes σPi en écrivant

sPi = σPi − σM (2.65)

et inversement
σPi = sPi + σM (2.66)
En pratique, compte tenu de la simplicité de l’équation (2.63) par rapport à Eq. (2.41), les contraintes prin-
cipales sPi sont souvent déterminées en premier. Les contraintes principales σPi sont obtenues par la suite à
partir de l’équation (2.66).

2.5 Tenseur des déformations


Un corps solide subit une déformation lorsque sa configuration géométrique change, et que la distance entre
au moins deux points du solide est modifiée lors de ce changement. La figure 2.14 montrent les deux confi-
gurations originale non déformée et déformée d’un corps solide. En analyse des structures, la configuration
originale correspond généralement à l’état de la structure avant l’application des charges.

Revenons à la figure 2.14 et considérons deux points infiniment voisins, initialement localisés en A et B.
Suite à la déformation, ces deux points se retrouvent en A′ et B′ . On démontre que A′ et B′ sont également
infiniment voisin. Notons
−→ −−→ −−→ −−→
dx = AB; dx′ = A′ B′ ; u(A) = AA′ ; u(B) = BB′ (2.67)

où dx et dx′ sont des infiniment petits vectoriels.

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.5. TENSEUR DES DÉFORMATIONS 2-18

Figure 2.14– Configurations originale non défor-


mée et déformée d’un corps solide.

Les relations de la géométrie vectorielle permettent d’écrire

dx′ − dx = u(B) − u(A) (2.68)

Le vecteur des déplacements u étant une fonction continue et dérivable, on peut écrire le développement en
série de Taylor de premier ordre
∂u
u(B) − u(A) = dxj (2.69)
∂xj
d’où en comparant avec Eq. (2.68)
∂u
dx′ = dx + dxj (2.70)
∂xj
soit en projetant sur xi , i = 1, 2, 3 ( )
∂ui
dx′i = δij + dxj (2.71)
∂xj
où δij est le symbole de Kronecker.

Par ailleurs, on peut écrire


∂x′i
dx′i = dxj (2.72)
∂xj
d’où, d’après (2.71)
∂x′i ∂ui
= δij + (2.73)
∂xj ∂xj

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.5. TENSEUR DES DÉFORMATIONS 2-19

Pour caractériser la déformation, calculons la différence des distances ||dx′ ||2 − ||dx||2 en utilisant Eq. (2.72)

||dx′ ||2 − ||dx||2 = dx′i dx′i − dxi dxi


∂x′i ∂x′i
= dxj dxk − δjk dxj dxk
∂xj ∂xk
( ′ ) (2.74)
∂xi ∂x′i
= − δjk dxj dxk
∂xj ∂xk
= 2 χjk dxj dxk
avec ( )
1 ∂x′i ∂x′i
χjk = − δjk (2.75)
2 ∂xj ∂xk

Les équations (2.75) définissent le tenseur des déformations de Green. Ce tenseur de second ordre est symé-
trique. Il est nul en absence de déformations, ou dans le cas où seuls des déplacements de corps rigides ont
lieu.

Remplaçons maintenant Eq. (2.73) dans Eq. (2.75)


[( )( ) ]
1 ∂ui ∂ui
χjk = δij + δik + − δjk
2 ∂xj ∂xk
( ) (2.76)
1 ∂uj ∂uk ∂ui ∂ui
= + +
2 ∂xk ∂xj ∂xj ∂xk

Les équations (2.76), dites cinématiques, établissent les déformations normales


[( ) ( )2 ( ) ]
∂u 1 ∂u 2 ∂v ∂w 2
χx = + + +
∂x 2 ∂x ∂x ∂x
[( ) ( )2 ( ) ]
∂v 1 ∂u 2 ∂v ∂w 2
χy = + + + (2.77)
∂y 2 ∂y ∂y ∂y
[( ) ( )2 ( ) ]
∂w 1 ∂u 2 ∂v ∂w 2
χz = + + +
∂z 2 ∂z ∂z ∂z

et les déformations tangentielles ou de cisaillement


( )
1 ∂u ∂v ∂u ∂u ∂v ∂v ∂w ∂w
χxy = χyx = + + + +
2 ∂y ∂x ∂x ∂y ∂x ∂y ∂x ∂y
( )
1 ∂v ∂w ∂u ∂u ∂v ∂v ∂w ∂w
χyz = χzy = + + + + (2.78)
2 ∂z ∂y ∂y ∂z ∂y ∂z ∂y ∂z
( )
1 ∂w ∂u ∂u ∂u ∂v ∂v ∂w ∂w
χxz = χzx = + + + +
2 ∂x ∂z ∂z ∂x ∂z ∂x ∂z ∂x

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.5. TENSEUR DES DÉFORMATIONS 2-20

2.5.1 Hypothèse de la petitesse des déformations et des déplacements

Les équations (2.76) ne posent aucune restriction sur les déplacements et les déformations. En analyse des
structures, on adopte souvent l’hypothèse de la petitesse des déformations, en négligeant les carrés des gra-
dients des déplacements et leurs produits par rapport aux autres termes du tenseur de déformation. Cette
hypothèse justifie l’utilisation de la configuration originale non-déformée d’une structure pour l’étudier dans
une configuration déformée.

Sous cette hypothèse, seuls les termes linéaires du tenseur de déformation sont conservés, et les équations
cinématiques [Eq. (2.76)] se simplifient donc à
( )
1 ∂uj ∂uk
εjk = + (2.79)
2 ∂xk ∂xj
Les déformations normales et de cisaillement deviennent alors
∂u ∂v ∂w
εx = ; εy = ; εz =
∂x ∂y ∂z
( ) ( ) ( ) (2.80)
1 ∂u ∂v 1 ∂v ∂w 1 ∂u ∂w
εxy = + ; εyz = + ; εxz = + ;
2 ∂y ∂x 2 ∂z ∂y 2 ∂z ∂x
où l’on a substitué ε à χ pour distinguer le tenseur des petites déformations. L’hypothèse de la petitesse des
déformations sera adoptée pour le reste du cours. Les équations (2.80) définissent le tenseur symétrique des
déformations  
εx εxy εxz
 
ε = εxy εy εyz  (2.81)
εxz εyz εz
La représentation graphique des déformations dans le plan (x, y) est illustrée sur la figure 2.15. La figure
montre les deux configurations : originale non déformée ABC, et déformée A′ B′ C′ . L’angle BACd à la confi-
guration originale est droit. Notons que les déplacements sont amplifiés sur la figure pour les fins de l’illus-
tration. Sur cette figure, l’angle γxy , appelé angle de glissement ou distorsion, caractérise la déformation
de cisaillement. On vérifie aisément à partir de la figure que cet angle vaut le double de la déformation de
cisaillement
∂u ∂v
γxy = + = 2εxy (2.82)
∂y ∂x
Le même résultat s’applique aux angles de glissement correspondants aux deux autres plans
∂v ∂w
γyz = + = 2εyz
∂z ∂y
(2.83)
∂u ∂w
γxz = + = 2εxz
∂z ∂x
Le tenseur des déformations s’écrit donc en fonction des angles de glissement
 1 1

εx 2 γxy 2 γxz
1 

ε =  2 γxy εy 1
γ  (2.84)
2 yz 
1 1
2 γxz 2 γyz εz

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.5. TENSEUR DES DÉFORMATIONS 2-21

Figure 2.15– Représentation graphique des dé-


formations dans le plan (x, y).

2.5.2 Modes de corps rigide

On appelle déplacement ou mode de corps rigide toute translation ou rotation d’un corps solide se produisant
sans aucune déformation interne. La figure 2.16a illustre un corps solide subissant un tel déplacement.

Considérons trois points infiniment voisins, initialement localisés en A, B et C. Après déplacement, les trois
points se retrouvent en A′ , B′ et C′ . Compte tenu de l’absence des déformations, l’angle BAC,d initialement
droit, se transforme en un angle également droit B\ ′ A′ C′ . Nous nous limiterons dans les développements qui

suivent aux translations et rotations infinitésimales. Ces déplacements sont amplifiés sur la figure 2.16b pour
les besoins de l’illustration.

Notons ωyz l’angle infinitésimal de rotation caractérisé par l’angle entre A′ B′ et l’axe y ′ , ou celui entre
l’axe z ′ et A′ C′ . D’après la figure 2.16b, ωyz peut s’exprimer par

∂w ∂v
∂y
dy − dz
ωyz = = ∂z′ (2.85)
dy ′ dz
Les déplacements étant infinitésimaux, on peut écrire

dy ′ ≈ dy
(2.86)
dz ′ ≈ dz

et l’équation (2.85) devient


∂w ∂v
ωyz = =− (2.87)
∂y ∂z
ou encore ( )
1 ∂w ∂v
ωyz = − (2.88)
2 ∂y ∂z

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.5. TENSEUR DES DÉFORMATIONS 2-22

Figure 2.16– Modes de corps rigide : (a) Configurations originale et déformée ; (b) Rotation de corps rigide.

Cette dernière équation peut être généralisée en écrivant


( )
1 ∂ui ∂uj
ωij = − (2.89)
2 ∂xj ∂xi
Les rotations ωij constituent un tenseur de second ordre antisymétrique
 
0 ωxy ωxz
 
ω = −ωxy 0 ωyz  (2.90)
−ωxz −ωyz 0

( ) ( ) ( )
1 ∂u ∂v 1 ∂u ∂w 1 ∂v ∂w
ωxy = − ; ωxz = − ; ωyz = − (2.91)
2 ∂y ∂x 2 ∂z ∂x 2 ∂z ∂y

Exprimons maintenant les gradients des déplacements sous la forme


( ) ( )
∂ui 1 ∂ui ∂uj 1 ∂ui ∂uj
= + + − (2.92)
∂xj 2 ∂xj ∂xi 2 ∂xj ∂xi
soit d’après Eq. (2.79) et Eq. (2.89)
∂ui
= εij + ωij (2.93)
∂xj
De manière générale donc, les gradients des déplacements peuvent être décomposés en une contribution, εij ,
provenant des déformations pures, et une autre, ωij , provenant des modes de corps rigides.

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.5. TENSEUR DES DÉFORMATIONS 2-23

2.5.3 Conditions de compatibilité

Au paragraphe 2.5, nous avons présenté des relations permettant de définir les déformations pour un champs
de déplacements donné. Le problème inverse, consistant à trouver les déplacements correspondant à un
champs de déformations donné, est beaucoup plus complexe. En effet, ce problème implique l’intégration
de six équations différentielles partielles pour déterminer seulement trois fonctions de déplacements incon-
nues. Pour assurer l’unicité et la continuité de la solution, des conditions supplémentaires, dites de compa-
tibilité, doivent être imposées au champs de déformations. Le développement détaillé de ces conditions ne
sera pas présenté ici. Nous démontrerons cependant que ces conditions sont vérifiées par tout champs de
déformations obtenus à partir d’un champs de déplacements donné.

Reprenons les expressions du tenseur des déformations en fonction des déplacements


∂u
εx = (2.94)
∂x
∂v
εy = (2.95)
∂y
∂w
εz = (2.96)
∂z
∂u ∂v
γxy = + (2.97)
∂y ∂x
∂v ∂w
γyz = + (2.98)
∂z ∂y
∂u ∂w
γxz = + (2.99)
∂z ∂x

Dérivons Eq. (2.94) et Eq. (2.95) deux fois par rapport à y et x, respectivement
∂ 2 εx ∂3u
2
= 2 (2.100)
∂y ∂y ∂x
∂ 2 εy ∂3v
= (2.101)
∂x2 ∂x2 ∂y
d’où
∂ 2 εx ∂ 2 εy ∂3u ∂3v
+ = + (2.102)
∂y 2 ∂x2 ∂y 2 ∂x ∂x2 ∂y

On peut également écrire à partir de Eq. (2.97)


∂ 2 γxy ∂3u ∂3v
= + (2.103)
∂x∂y ∂x∂y 2 ∂y∂x2
Compte tenu de la continuité des déplacements, les dérivées sont interchangeables, et les membres de droite
des deux équations (2.102) et (2.103) sont donc égaux, d’où
∂ 2 εx ∂ 2 εy ∂ 2 γxy
+ − =0 (2.104)
∂y 2 ∂x2 ∂x∂y

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.6. COMPORTEMENT LINÉAIRE ÉLASTIQUE ET ISOTROPE 2-24

De la même façon, on démontre que

∂ 2 εy ∂ 2 εz ∂ 2 γyz
+ − =0 (2.105)
∂z 2 ∂y 2 ∂y∂z
∂ 2 εz ∂ 2 εx ∂ 2 γzx
+ − =0 (2.106)
∂x2 ∂z 2 ∂z∂x

On peut écrire à partir des équations (2.94), (2.97), (2.98) et (2.99)

∂ 2 εx ∂3u
= (2.107)
∂y∂z ∂y∂z∂x
∂ 2 γxy ∂3u ∂3v
= + (2.108)
∂x∂z ∂x∂z∂y ∂z∂x2
∂ 2 γxz ∂3u ∂3w
= + 2 (2.109)
∂x∂y ∂x∂y∂z ∂x ∂y
∂ 2 γyz ∂3w ∂3v
= + (2.110)
∂x2 ∂x2 ∂y ∂x2 ∂z
En additionnant les équations (2.108) et (2.109), et en retranchant Eq. (2.110) de la somme, on obtient

∂ 2 γxy ∂ 2 γxz ∂ 2 γyz ∂3u


+ − 2
=2 (2.111)
∂x∂z ∂x∂y ∂x ∂x∂y∂z
d’où, en utilisant Eq. (2.107)
( )
∂ ∂γxy ∂γyz ∂γzx ∂ 2 εx
− + −2 =0 (2.112)
∂x ∂z ∂x ∂y ∂y∂z
En suivant la même démarche, on établit également
( )
∂ ∂γyz ∂γzx ∂γxy ∂ 2 εy
− + −2 =0 (2.113)
∂y ∂x ∂y ∂z ∂z∂x
( )
∂ ∂γzx ∂γxy ∂γyz ∂ 2 εz
− + −2 =0 (2.114)
∂z ∂y ∂z ∂x ∂x∂y

Eqs. (2.104) à (2.106) et Eqs. (2.112) à (2.114) constituent les relations de compatibilité.

2.6 Comportement linéaire élastique et isotrope


2.6.1 Comportement tridimensionnel

Les contraintes au sein d’un matériau linéaire élastique obéissent à la Loi de Hooke, voulant qu’elles va-
rient proportionnellement aux déformations. Le matériau est dit isotrope s’il ne présente aucune direction
privilégiée de comportement. Dans le cas d’un matériau linéaire élastique isotrope, les relations entre les

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.6. COMPORTEMENT LINÉAIRE ÉLASTIQUE ET ISOTROPE 2-25

contraintes et les déformation au sein du matériau s’expriment en fonction de ses modules d’élasticité E et
de Poisson ν
σx σy σz σ x σy σz σx σy σz
εx = −ν −ν ; εy = −ν + −ν ; εz = −ν −ν +
E E E E E E E E E
(2.115)
τxy τyz τxz
γxy = ; γyz = ; γxz =
G G G
où G est le module de cisaillement (ou de rigidité) défini par
E
G= (2.116)
2(1 + ν)

L’équation (2.115) est généralement condensée sous la forme matricielle

ε = Dσ (2.117)

où D est dite matrice déformations-contraintes


 
1 ν ν
 − − 0 0 0
 E E E 
 
 ν 1 ν 
− − 0 0 0
 E E E 
 
 ν 
− −
ν 1
0
 0 0 
D= 
E E E 
 (2.118)
 1 
 0 0 0 0 0
 G 
 
 1 
 0 0 0 0 0
 G 
 
 1
0 0 0 0 0
G
À partir du système d’équations (2.117), on peut également déduire

σ = Cε (2.119)

où C est dite matrice contraintes-déformations, ou matrice constitutive


 
1 − ν ν ν 0 0 0 
 
 
 ν 1−ν ν 0 0 0 
 
 
 ν ν 1−ν 0 0 0 
E  
C=  1 − 2ν  (2.120)
(1 + ν)(1 − 2ν)  0 0 
 0 0 0 
 2 
 1 − 2ν 
 0 0 0 0 0 
 2 
 1 − 2ν 
0 0 0 0 0
2

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.6. COMPORTEMENT LINÉAIRE ÉLASTIQUE ET ISOTROPE 2-26

L’hypothèse d’élasticité plane permet de simplifier les équations de l’élasticité tridimensionnelle. On dis-
tingue deux types de comportement d’élasticité plane : (i) en contraintes planes, ou (ii) en déformations
planes. Ces deux types de comportement sont décrits dans ce qui suit.

2.6.2 État de déformations planes

Deux conditions doivent être vérifiées pour conclure à un état de déformations planes :
ú La géométrie du domaine d’étude est pratiquement constante selon une direction donnée, par exemple
celle de l’axe z. Le domaine d’étude est ainsi infiniment long selon cette direction, dite longitudinale.
Concrètement, cette situation se produit lorsqu’une dimension du domaine d’étude est très grande par
rapport aux autres dimensions.
ú Les charges appliquées agissent selon un plan perpendiculaire à la direction longitudinale, et sont pra-
tiquement constantes selon cette direction.
Quelques exemples de problèmes vérifiant un état de déformations planes sont montrés sur la figure 2.17.

Figure 2.17– Exemples de problèmes à déformations planes : (a) Barrage ; (b) Semelle filante ; (c) Tunnel.

Dans de tels problèmes, les déplacements, les déformations et les contraintes au sein d’une même tranche
perpendiculaire à l’axe z ne dépendent que des coordonnées x et y, pourvu que la tranche soit éloignée des
appuis. On choisit généralement une tranche d’épaisseur unité. Sous ces conditions, et en notant que les

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.6. COMPORTEMENT LINÉAIRE ÉLASTIQUE ET ISOTROPE 2-27

déplacements w selon z sont nuls, l’équation (2.80) se simplifie à

∂u ∂v
εx = ; εy = ; εz = 0
∂x ∂y
(2.121)
∂u ∂v
γxy = + ; γyz = 0 ; γxz = 0
∂y ∂x
et le vecteur-déformation ε se réduit à  
εx
 
ε =  εy  (2.122)
γxy
En introduisant εz = 0 dans Eq. (2.115), il résulte que la contrainte normale σz n’est pas nulle, et qu’elle
vaut
σz = ν (σx + σy ) (2.123)
Les déformations sont obtenues en remplaçant dans Eq. (2.115)
1+ν[ ]
εx = (1 − ν) σx − νσy
E
1+ν[ ]
εy = (1 − ν) σy − νσx (2.124)
E
τxy
γxy =
G
et l’équation (2.120) se simplifie dans ce cas à
    
σ
 x 1 − ν ν 0 ε
 x 
  E   
σ  =  1−ν 0    (2.125)
 y  (1 − ν)(1 − 2ν)  ν   εy 
    
1 − 2ν
τxy 0 0 γxy
2

2.6.3 État de contraintes planes

Deux conditions doivent être vérifiées pour conclure à un état de contraintes planes :
ú Une des dimensions du domaine d’étude, selon l’axe z par exemple, est constante et très petite par
rapport aux autres dimensions. C’est le cas notamment des parois, voiles ou plaques à épaisseur mince
constante. On définit alors un plan moyen perpendiculaire à la plus petite dimension, matérialisant le
plan de symétrie du domaine d’étude.
ú Les charges appliquées agissent parallèlement au plan moyen et sont constantes selon la plus petite
dimension du domaine d’étude.
La figure 2.18 montre deux exemples de problèmes vérifiant un état de contraintes planes à plan moyen (x, y).

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.6. COMPORTEMENT LINÉAIRE ÉLASTIQUE ET ISOTROPE 2-28

Figure 2.18– Exemples de problèmes à contraintes planes : (a) Mur de refend mince ; (b) Plaque d’acier soumise à un
essai de traction.

Dans de tels problèmes, les contraintes normale σz , et de cisaillement τxz et τyz sont pratiquement nulles sur
toute l’épaisseur du domaine d’étude. Les contraintes non nulles σx , σy et τxy demeurent approximativement
constantes selon toute l’épaisseur. Sous ces hypothèses, l’équation (2.115) devient
σx σy σ x σy σx σy
εx = −ν ; εy = −ν + ; εz = −ν −ν
E E E E E E
(2.126)
τxy
γxy = ; γyz = 0 ; γxz = 0
G
et l’équation (2.120) se simplifie à
    
 σx  1 ν 0   εx 
    
σ  = E ν 1 0    (2.127)
 y  1 − ν2    εy 
    
1−ν
τxy 0 0 γxy
2

Supposons que l’on dispose d’un outil développé initialement pour traiter des problèmes en contraintes
planes. En comparant les équations (2.124) et (2.126), il ressort que l’on peut utiliser ce même outil pour
E
effectuer un calcul en déformations planes en remplaçant le module d’élasticité E par , et le module
1 − ν2
ν
de Poisson ν par . À l’inverse, on peut également utiliser un outil spécialisé en déformations planes
1−ν
1 + 2ν
pour effectuer un calcul en contraintes planes en remplaçant le module d’élasticité E par E, et le
1 + ν2
ν
module de Poisson ν par .
1+ν

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.6. COMPORTEMENT LINÉAIRE ÉLASTIQUE ET ISOTROPE 2-29

2.6.4 Module de compressibilité et coefficients de Lamé

En utilisant l’équation 2.115 reliant les déformations aux contraintes, on démontre aisément que
( )
1 − 2ν
εx + εy + εz = (σx + σy + σz ) (2.128)
E

On démontre également l’expression de la dilatation volumique δV

dV ′ − dV
δV = = εx + εy + εz (2.129)
dV
où dV et dV ′ sont les éléments de volume, avant et après déformation, respectivement.

En introduisant la contrainte moyenne σM de l’équation (2.58), Eq. (2.128) devient


σM
δV = (2.130)
K
où K est le module de compressibilité défini par
E
K= (2.131)
3 (1 − 2ν)

On définit également les coefficients de Lamé


νE E
λ= ; µ=G= (2.132)
(1 + ν) (1 − 2ν) 2 (1 + ν)

2.6.5 Loi de Hooke généralisée

La loi de Hooke généralisée pour un matériau anisotrope s’écrit généralement sous la forme
    
1 ν12 ν13 ν14 ν15 ν16
− − − − −
 εx   E6 
σx 
   E 1 E2 E3 E4 E5  
    ν 1 ν23 ν24 ν25 
ν26   
 ε  − 21
− − − −  
 y   E1 E2 E3 E4 E5 E6   
 σ y
    
   ν31 ν32 1 ν34 ν35 ν36   
 ε  − − − − −   σz 

 z  E E6  
 = 1 E2 E3 E4 E5   (2.133)
   ν ν46   
   41 ν42 ν43 1 ν45  τxy 

γxy  − − − − − 
   E1 E2 E3 E4 E5 E6  
    
   ν51 ν52 ν53 ν54 1 ν56 
 τyz 

γyz  − − − − − 
   E1
   E2 E3 E4 E5 E6 


ν61 ν62 ν63 ν64 ν65 1  τ
γxz − − − − − xz
E1 E2 E3 E4 E5 E6

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2.6. COMPORTEMENT LINÉAIRE ÉLASTIQUE ET ISOTROPE 2-30

Si le matériau est orthotrope, Eq. (2.133) se simplifie à


    
1 ν12 ν13
− −
 εx  
0 0 0  σx
   E1 E2 E3  
    
 ν
 ε  − 21 1 ν23  

 y   E1 − 0 0 0   σy 
   E2 E3  
   ν31   
 ε  − ν32 1 
 z  E − 0  
 

0 0 σ z
 = 1 E2 E3   (2.134)
    
   1 
γxy   0 0 0 0 0  τxy 
   G4  

    
   1 
γyz   0 0 0 0 0  τyz 
   G5  

   
γxz 1  τ
0 0 0 0 0 xz
G6
Les conditions de symétrie dans le cas d’un matériau élastique s’écrivent
νij νji
= (2.135)
Ej Ei

Ces relations supplémentaires permettent de réduire à neuf le nombre des paramètres indépendants néces-
saires pour définir le comportement d’un matériau élastique orthotrope.

L’équation (2.134) est donnée dans un système d’axes confondus avec les axes d’orthotropie. Dans le cas
contraire, il faut avoir recourt à des équations reliant les entités exprimées dans un système d’axes quelconque
et dans celui des axes d’orthotropie.

Notons ε et D le vecteur déformations et la matrice déformations-contraintes dans n’importe quel système


d’axes, et b b le vecteur déformations et la matrice déformations-contraintes dans le système d’axes
ε et D
d’orthotropie. La figure 2.19 montre les deux systèmes d’axes.

Figure 2.19– Systèmes d’axes pour un matériau


orthotrope.

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2.6. COMPORTEMENT LINÉAIRE ÉLASTIQUE ET ISOTROPE 2-31

Établissons d’abord la relation entre ε et b


ε. Considérons le premier terme εxb. On peut écrire
∂b
u
εxb =
∂b
x
∂b
u ∂x ∂b u ∂y
= + (2.136)
∂x ∂b
x ∂y ∂b x
∂ ( ) ∂x ∂ ( ) ∂y
= u cos θ + v sin θ + u cos θ + v sin θ
∂x ∂b
x ∂y ∂b
x
b et yb sont reliés par
Or les coordonnées x, y, x

b cos θ − yb sin θ
x=x (2.137)
b sin θ + yb cos θ
y=x (2.138)

d’où
∂x ∂x
= cos θ ; = − sin θ
∂b
x ∂b
y
(2.139)
∂y ∂y
= sin θ ; = cos θ
∂b
x ∂b
y
Rappelons que nous avons également
∂u ∂v ∂u ∂v
εx = ; εy = ; γxy = +
∂x ∂y ∂y ∂x
En remplaçant dans Eq. (2.136)

εxb = (cos θ)2 εx + (sin θ)2 εy + cos θ sin θ γxy (2.140)

En suivant la même démarche pour εyb et γxbyb, on démontre que

b
ε = λε (2.141)

où λ est la matrice de transformation


 
(cos θ)2 (sin θ)2 cos θ sin θ
 
λ= (sin θ)2 (cos θ)2 − cos θ sin θ  (2.142)
−2 cos θ sin θ 2 cos θ sin θ (cos θ) − (sin θ)
2 2

Par ailleurs, l’énergie de déformation dans les deux systèmes d’axes étant la même, on peut écrire

b b ε = εT Cε
εT Cb (2.143)

d’où, en utilisant Eq. (2.141)


b
εT λT Cλε = εT Cε (2.144)
soit

C = λT C (2.145)

Analyse avancée des structures et éléments finis - Hiver 2012  Najib Bouaanani
2.7. NOTIONS DU TRAVAIL ET DE L’ÉNERGIE 2-32

2.6.6 Effets thermiques

Lorsque l’effet thermique est inclus dans la réponse du matériau à un changement de température ∆T , le
vecteur déformation ε doit être augmenté selon les cas suivants :
ú Cas anisothrope :
 
α1
 α2 
 
α 
 3
εth = ∆T   (2.146)
α12 
 
α21 
α31
ú Cas orthotrope :
 
α1
α2 
 
α 
 3
εth = ∆T   (2.147)
0
 
0
0
ú Cas isotrope :
 
1
1
 
1
 
εth = α∆T   (2.148)
0
 
0
0
Dans ces équations, les paramètres α, αi et αij constituent les coefficients de dilatation du matériau.

2.7 Notions du travail et de l’énergie


2.7.1 Le travail d’une force

Le travail d’une force s’exerçant sur une structure est défini par le produit de la dite force par le déplacement
de son point d’application, projeté sur sa ligne d’action. L’énergie quantifie la capacité d’exercer un travail.

Considérons une structure soumise à un système de forces Fi , i = 1 . . . n. Chaque force est appliquée
statiquement et graduellement de 0 à sa valeur finale Fi . Sous l’effet de l’ensemble des forces, les points
d’applications de la force Fi se déplacent de Ai à A′i . Notons ui la projection de ce déplacement sur la ligne
d’action de Fi . Le travail dWi exercé par la force Fi lors du déplacement infinitésimal dui est donné par

dWi = Fi dui (2.149)

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2.7. NOTIONS DU TRAVAIL ET DE L’ÉNERGIE 2-33

Le travail total Wi exercé par Fi a pour expression


∫ ui
Wi = Fi dui (2.150)
0

Le travail est donc égale à l’aire sous la courbe force-déplacement. Pour une structure linéaire élastique,
l’expression (2.150) se simplifie à
1
Wi = Fi ui (2.151)
2
Il est important de noter que dans le cas où la force Fi demeure constante lorsque sont point d’application
subit un déplacement ui , le travail total a pour expression

Wi = Fi ui (2.152)

En vertu du principe de superposition, valable uniquement dans le cas d’un comportement linéaire, le travail
total exercé par l’ensemble des forces Fi est égal à la somme des travaux de chacune des forces

1∑
n
W= Fi ui (2.153)
2
i=1

ou sous forme matricielle


1 T 1
W= F u = F uT (2.154)
2 2
[ ]T [ ]T
où F = F1 F2 . . . Fn et u = u1 u2 . . . un sont, respectivement, le vecteur forces et le
vecteur déplacements correspondant.

2.7.2 Énergie de déformation

Les particules d’une structure déformée sont soumises à la somme des travaux des forces externes et internes.
Les forces internes dans une structure élastique ont la capacité de restituer le travail des forces externes. En la
déchargeant, une structure élastique non retenue reprend alors graduellement sa configuration géométrique
initiale avant déformation. On dit qu’une structure déformée possède une énergie de déformation 1 , emmaga-
sinée graduellement lors de sa déformation. Pour une structure élastique (absence de dissipation d’énergie),
l’énergie de déformation U est égale en valeur absolue, mais de signe opposé, au travail W exercé par les
forces externes.

Notons U la densité d’énergie de déformation 2 . On démontre que

dU = σij dεij (2.155)


∫ εij
U= σij dεij (2.156)
0
∂U
= σij (2.157)
∂εij
1. Les termes énergie interne ou énergie potentielle de déformation sont également utilisés.
2. Énergie de déformation par unité de volume.

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2.7. NOTIONS DU TRAVAIL ET DE L’ÉNERGIE 2-34

En intégrant U sur le volume V de la structure, l’énergie de déformation U emmagasinée s’exprime alors par

U= U dV (2.158)
V
Si le comportement de la structure est linéaire élastique, l’expression de U devient
1
U= σij εij (2.159)
2
ou sous forme vectorielle
1 T 1
U= σ ε = εT σ (2.160)
2 2
[ ] [ ]
où σ T = σx σy σz τxy τyz T
τxz et ε = εx εy εz εxy εyz εxz .

Les équations (2.159) et (2.160) montrent que U est une forme quadratique. On admet qu’elle est définie
positive. L’énergie de déformation totale U est alors donnée par
∫ ∫
1
U= U dV = σij εij dV (2.161)
V 2 V

2.7.3 Déplacements virtuels

Considérons la structure de la figure 2.20. Sous l’effet des forces appliquées, sa configuration géométrique
déformée u est définie par les déplacements transversal u(y) et axial v(y) de chaque point de coordonnée y.
Cette configuration géométrique, dite d’équilibre, ou réelle, est solution de l’équation différentielle traduisant
l’équilibre de la structure, munie des conditions aux frontières géométriques
du
u(0) = 0, v(0) = 0, =0 (2.162)
dy y=0

Considérons maintenant une configuration géométrique fictive ū, continue 3 , obtenue en s’écartant de la
configuration d’équilibre par des variations infinitésimales δu et δv, tout en respectant les conditions aux
frontières géométriques
ū = u + δu (2.163)
v = v + δv (2.164)
Une telle configuration géométrique, dite virtuelle, ne satisfait pas l’équation d’équilibre. Elle obéit cepen-
dant aux conditions aux frontières géométriques, et on la qualifie alors de configuration cinématiquement
admissible. On appelle déplacements virtuelles les déplacements incrémentaux δu et δv. À l’appui de la
structure de la figure 2.20, nous avons
dδu
δu(0) = 0, δv(0) = 0, =0 (2.165)
dy y=0

Plus généralement, les déplacements virtuels s’annulent là où les déplacements d’équilibre sont contraints à
des valeurs imposés, nulles ou non-nulles.
3. Cette condition assure la compatibilité interne. Elle est sous-entendue pour le reste du texte.

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2.7. NOTIONS DU TRAVAIL ET DE L’ÉNERGIE 2-35

Figure 2.20– Configurations réelle et


virtuelle.

2.7.4 Travaux virtuels

Considérons la structure de forme générale de la figure 2.21. Le volume V de la structure est délimitée par
e La structure est en équilibre sous l’effet des forces
la surface libre S et la surface à déplacements imposés S.
de volume f , des forces de surface f et des forces concentrées Fi .
V S

Figure 2.21– Travail virtuel sur une structure


deformable.

On appelle travail virtuel, celui effectué par une force réelle lorsque son point d’application subit un dépla-
cement virtuel. Les déplacements virtuels étant infinitésimaux, la valeur de la force est supposée demeurer
constante lors du déplacement.

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2.7. NOTIONS DU TRAVAIL ET DE L’ÉNERGIE 2-36

On définit alors le travail virtuel des forces externes δWext


∫ ∫ ∑
T V T
δWext = δu f dV + δuS f S dS + δui Fi (2.166)
V S i

et l’énergie de déformation interne virtuelle δU



δU = δεT σ dV (2.167)
V

où les composantes du vecteur des déformations virtuelles est donnée par


( )
1 ∂δui ∂δuj
δεij = + (2.168)
2 ∂xj ∂xi

2.7.5 Principe des déplacements virtuels

Le principe des déplacements virtuels stipule qu’une structure est en équilibre si, pour tous déplacements
virtuels cinématiquement admissibles, le travail externe virtuel est égal à l’énergie de déformation interne
virtuelle . En d’autres termes, la structure est en équilibre si pour tout déplacement virtuel δu, on a l’égalité
∫ ∫ ∫ ∑
T
δεT σ dV = δuT f V dV + δuS f S dS + δui Fi (2.169)
V V S i

Soulignons que le principe des déplacements virtuels ne fait pas appel à la nature du matériau, et qu’il n’est
donc pas restraint aux comportements linéaires et élastiques.

2.7.6 Énergie potentielle

Revenons à la structure deformable de la figure 2.21. L’énergie potentielle totale Π est définie par

Π=U +P (2.170)

où U est donnée par l’équation (2.158), et où P est le potentiel des forces externes défini par
∫ ∫ ∑
T
P=− u f dV −
T V
uS f S dS − ui Fi (2.171)
V S i

Pour une structure élastique en équilibre, l’énergie potentielle totale demeure constante, au second ordre près,
lorsque l’on s’écarte de la configuration d’équilibre par des variations infinitésimales. L’énergie potentielle
totale est stationnaire, sa première variation étant nulle

δΠ = δ(U + P) = δU + δP = 0 (2.172)

D’où le principe de l’énergie potentielle stationnaire énonçant que parmi toutes les configurations cinéma-
tiquement admissibles, celles qui satisfont l’équilibre rendent stationnaire l’énergie potentielle totale.

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