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[ Giran

LA PRATIQUE
DE LA

DEVOTION A N.-D. RECONCILIATRICE

DE LA SALETTE
PAR
Un Missionnaire de N.-D. de la Salette ;
OUVRAGE
Approuvé par Mgr l'Evêque de Grenoble.

Eh bien! mes Enfants , vous


le ferez passer à tout mon Peu-
ple.
(Paroles de N.-D. de la Salette.)

A N.-D. DE LA SALETTE (ISÈRE),


CHEZ LES MISSIONNAIRES ;
A GRENOBLE, A PARIS,
PRUDHOMME, GIROUD et Cir, VICTOR SARLIT,
LIBRAIRES , LIBRAIRE,
Rue Lafayette , 44. Rue St-Sulpice , 25.
1865.
༠༩༡༩
A 17 c

LA PRATIQUE
DE LA

DEVOTION A N.-D. RÉCONCILIATRICE

DE LA SALETTE .

HEQUE
BIBLIOT S. J.

LY
CHANTIL
Imprimerie de PRUDHOMME , rue Lafayette , 14 , à Grenoble.
LA PRATIQUE
DE LA

DEVOTION A N.-D. RÉCONCILIATRICE

DE LA SALETTE
PAR
Un Missionnaire de N.-D. de la Salette ;
OUVRAGE
Approuvé par Mgr l'Evêque de Grenoble .

Eh bien! mes Enfants , vous


le ferez passer à tout mon Peu-
[ Giraud ple.
(Paroles de N.-D. de la Salette.)

IOTHEQUE ..
Fonteine

A N.-D. DE LA SALETTE (ISÈRE ),


CHEZ LES MISSIONNAIRES ;
A GRENOBLE , A PARIS ,
PRUDHOMME, GIROUD et Cie, VICTOR SARLIT,
LIBRAIRES , LIBRAIRE,
Rue Lafayette , 14. Rue St-Sulpice , 25.
1863 ,
PROPRIÉTÉ .

APPROBATION.

Après avoir fait examiner l'ouvrage : La Pra-


tique de la Dévolion à N.-D. Réconciliatrice de
la Salette, Nous le recommandons à nos diocé-
sains comme un fidèle exposé du merveilleux
événement de l'Apparition de la Sainte Vierge,
et des fruits de sanctification qu'il doit produire
dans les âmes.

Grenoble, le 29 juillet 1863.

M. ACH., évêque de Grenoble.


AU CŒUR

IMMACULÉ ET COMPATISSANT

DE MARIE

MÈRE DE DIEU

NOTRE MÈRE

NOTRE VIE , NOTRE DOUCEUR , NOTRE ESFERANCE


N.-D. RECONCILIATRICE DE LA SALETTE.

A LA MENGIKE DE SES ENFANTS DÉTOUÉS


NOS BIEN-AIMĖS FÈRES
FIERRE DENAZ , FELIX BRUN ET JULES FETIT
DECEDES LES PREMIERS
Dans la petite Communauté des Missionnaires de N.-D. de la Salette.
1
PRÉFACE .

Selon l'usage, pieux Lecteur , nous venons


d'abord vous dire quelques mots sur le petit
ouvrage que nous livrons au public .
Ce livre est écrit principalement pour les
Associés de l'Archiconfrérie de N.-D. Ré-
conciliatrice de la Salette, pour tous les Pè-
lerins de la sainte Montagne , et pour cette
multitude d'âmes qui , à notre époque sur-
tout, se sentent attirées, par une grace spé-
ciale , vers la divine Reine de nos cœurs .
Nous avons prié cette Mère de miséricorde
de bénir ce modeste travail, et nous la sup-
plions maintenant de le rendre utile à ses
enfants, afin qu'il serve à la plus grande
gloire de son Fils Jésus, à la consolation de
son Cœur affligė , et au profit spirituel des
âmes.
On s'apercevra , sans doute , que nous
VIII
avons été frappé des paroles du V. Grignon
de Montfort, annonçant que bientôt Maric
<< sera plus connuc , plus aimée et plus ho-
norée que jamáis¹ . » Nous ne serions même
pas étonné que l'Apparition de notre auguste
Mère, à laSalette, contribuât singulièrement
à répandre cette connaissance plus complète,
cet amour plus effectif et plus pratique , ce
culte plus parfait dont parle le grand servi-
teur de Marie que nous venons de nommer.
Nous avons eu le désir bien sincère et
bien constant de ne rien avancer , ni propo-
sition , ni expression , qui ne fût rigoureuse-
ment conforme à la saine doctrine . Si ce-
pendant, pieux Lecteur, vous trouviez dans
ce livre quelque expression qui vous parût
inexacte, ayez la charité de croire que nous

Traité de la vraie dévotion à la T.-S. Vierge, p.


37. - Inutile de dire que ceci ne doit s'entendre quo
des individus et de la masse des fidèles , et non de
l'Eglise enseignante qui connait toutes les préroga-
tives de Marie , et qui rend à cette auguste Mère le
culte qu'elle mérite. - La même observation se rap-
porte au texte du chancelier Gerson , que nous citons,
p . 36 .
IX
ne voulons rien enseigner , ni même rien
penser que selon la Foi , et l'enseignement de
notre sainte Mère, l'Eglise Catholique-Apos-
tolique-Romaine , dont le Pape est le Chef
visible et infaillible , et au jugement de la-
quelle nous soumettons pour toujours et
sans réserve aucune , nos écrits et nos pa-
roles .
Quelques lecteurs nous feront peut-être
une autre observation : ils nous témoigne-
ront le regret de ne trouver , dans ce nouvel
ouvrage sur l'Apparition , la relation d'au-
cun miracle. Mais nous leur ferons re-
marquer que le but que nous voulions al-
teindre n'appelait pas naturellement l'intro-
duction de ces sortes de récits , tout édifiants
qu'ils sont , dans aucune partie de notre
ouvrage. D'autre part, nous voulions éviter
de trop grossir ce petit volume . Si ce-
pendant nous venons à apprendre que la
relation des faits miraculeux ou extraordi-
naires les plus récents est généralement
désirée, il sera facile, dans une seconde édi-
tion ou dans un autre ouvrage , de satisfaire
X
ce pieux désir. Car notre aimable Mère se
montre toujours digne , et spécialement sur
cette Montagne bénie, du beau titre que lui
donnait , dans sa ferveur , un de ses servi-
teurs les plus dévoués : Fluentum perenne
medicaminum, Fons miraculorum¹ , Marie
est une fontaine intarissable de remèdes
divers, une véritable source de miracles.
Nous terminerons là ces explications que
nous devions vous donner , pieux Lecteur ,
car, pour ce qui est du plan , de la division ,
des sujets traités, etc. , un simple coup - d'œil
jeté sur les titres des trois parties de l'ou-
vrage suffira pour vous en instruire.
Maintenant , donc , usez de ce livre avec
simplicité. Si vous y trouvez beaucoup d'im-
perfections (ce qui ne peut manquer) , soyez
indulgent , et faites , en passant , cet acte
de charité chrétienne . Que si , en même
temps , à côté de ces défauts , vous apercevez
quelque bien , sachez que toute la gloire en

' S. Joan. Damasc. in Paraclet. B. M. V. , et in


Oratione 1 de Ejusd. B. V. Nativit. ap. Marracci , Po-
lyanthea Mariana, 1. 6.
XI
revient à Celle qui a présidé constamment à
ce travail. Si nous pouvions prévoir qu'il en
fût autrement , si la pensée de la glorieuse
Reine de nos cœurs ne devait pas tout do-
miner, nous jetterions, à l'heure même , ces
pages au feu .
Nous écrivons cette petite préface, le jour
de la fête de sainte Marie-Madeleine . C'est
donc sous le patronage de cette illustre Pé-
nitente, que nous publions ce livre , destiné
à parler au monde de l'esprit de contrition
et de pénitence, aujourd'hui si inconnu ou
si peu pratiqué . Il nous semble donc que ce
jour est, pour ce petit livre, un jour heureux .
22 juillet , fête de Ste Marie Madeleine , 1863.
1
1

1
LA DÉVOTION

A N.-D. RECONCILIATRICE DE LA SALETTE .

PREMIÈRE PARTIE.

Origine Fondements. ---- Excellence. Esprit propre.


Archiconfrérie.

CHAPITRE 1er.
ORIGINE DE LA DÉVOTION A N.-D. RÉCONCILIATRICE
DE LA SALETTE .
L'origine de la dévotion à N.-D. Réconciliatrice ,
c'est l'Apparition elle-même de l'auguste Mère de
Dieu sur la montagne de la Salette. C'est pour-
quoi nous en rappellerons ici l'histoire authenti-
que et détaillée :
L'Apparition eut lieu le 19 septembre 1846 .
C'était le dernier jour des quatre-temps de sep-
tembre, un samedi , veille , cette année-là, de la
fête de N.-D. des sept douleurs, et à l'heure des
premières vêpres, c'est-à-dire au moment même
où l'Eglise chantait dans son office ces paroles :
« Oh ! de quelle abondance de larmes est inondée
la Vierge Mère ! Quelle angoisse ! Quelle dou-
leur ! '. »

1 Hymne des premières vêpres .


1
2
Les deux petits bergers qui furent les heureux
témoins du miracle sont l'un et l'autre natifs de
Corps , petite ville du département de l'Isère ,
située à 9 kilomètres de la sainte montagne. Ils
habitaient en ce moment le hameau des Ablandins .
commune de la Salette, chez des maîtres diffé-
rents. La petite fille, Mélanie Mathieu , âgée de
14 ans, était au service de Baptiste Pra depuis le
mois de mars de la même année ; Maximin
Giraud, le petit garçon , âgé de 11 ans, remplaçait
pour quelques jours seulement le berger alors
malade de Pierre Selme , et n'était à la Salette que
depuis le lundi précédent.
Ces deux enfants , qui se connaissaient à peine
(ils s'étaient vus la veille pour la première fois) ,
arrivèrent ensemble, accompagnant Pierre Selme,
dans la matinée du 19 septembre , sur le versant
méridional du mont Planeau. A l'heure de midi,
que les deux petits bergers reconnurent au son
de l'Angelus, ils se munirent de leurs petites pro-
visions et allèrent prendre leur repas tout près
d'une source appelée Fontaine des hommes '
dans le pays . Le repas fini , ils descendirent quel-
ques mètres plus bas et déposèrent leurs sacs sé-
parément près d'une autre fontaine alors tarie.
Il y avait là quelques pierres superposées, ils

Par opposition à une autre nommée Fontaine des ani-


maux, parce que c'est à celle-ci que les bergers des mon-
tagnes allaient abreuver leurs troupeaux .
's'assirent à deux ou trois pas l'un de l'autre et
ils s'endormirent.
Ici commence le récit des enfants eux-mêmes ,
tel que nous le trouvons dans le rapport lu par
M. Rousselot, vicaire général , au sein de la com-
mission nommée et présidée par Mgr Philibert de
Bruillard pour l'examen du miracle. Les déposi-
tions de l'un et l'autre enfant étant substantielle-
ment les mêmes malgré quelques légères diffé-
rences , nous donnons ici la concordance des
deux récits , en laissant toutefois tour à tour la
parole à l'un ou à l'autre des deux petits bergers .
Après avoir fait boire nos vaches et avoir
goûté (dîné, expression locale), dit Maximin , nous
nous sommes endormis à côté du ruisseau , tout
près d'une fontaine tarie. Puis Mélanie s'est éveil-
lée la première et m'a éveillé pour aller chercher
nos vaches. Nous avons passé le ruisseau , nous
avons monté vis-à-vis , et nous avons vu de l'au-
tre côté nos vaches couchées . Elles n'étaient pas
loin . Je suis redescendue la première , dit Méla-
nie ; lorsque j'étais à 5 ou 6 pas avant d'arriver
au ruisseau , j'ai vu une clarté comme le soleil ,
encore plus brillante, mais pas de la même cou-

« Différences insignifiantes qui , au sens de S. Tho-


mas, comme de tous les théologiens et de tous les juris-
tes, rendent le témoignage plus indubitable. Aliqua dis-
cordia in talibus facit testimonium credibilius (S. Thom. 2.
2. q.70. a. 2). » Mand . de Mgr Ginoulhiac , du 4 nov. 1854.
4
leur. Et j'ai dit à Maximin : viens vite voir, une
clarté là-bas ; et Maximin est descendu en me di-
sant où elle est ? Je lui ai montré avec le doigt
vers la petite fontaine, et il s'est arrêté quand il
l'a vue. Alors nous avons vu la clarté s'ouvrir , et
nous avons vu une dame dans la clarté : elle était
assise la tête dans ses mains. Et nous avons eu
peur, continue Maximin, et Mélanie dit : Ah ! mon
Dieu et elle a laissé tomber son bâton . Et je lui
ai dit Garde ton bâton , va ; moi je garde le mien.
S'il nous fait quelque chose , je lui donne un bon
coup . Et la dame s'est levée . Elle a croisé ses bras
et nous a dit : Avancez , mes enfants , n'ayez pas
peur. Je suis ici pour vous conter une grande
nouvelle . Et nous n'avons plus eu peur, puis
nous nous sommes avancés et nous avons passé
le ruisseau , et cette Dame s'est avancée vers nous
autres , à quelques pas de l'endroit où elle était
assise, à l'endroit où nous nous étions endormis .
Elle était entre nous deux et Elle nous a dit, en
pleurant tout le temps qu'Elle nous a parlé . J'ai
bien vu couler ses larmes . (Cette dernière re-
marque est de la petite bergère. )

Discours de la sainte Vierge.

« Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je


suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils.
Il est si lourd et si pesant, que je ne puis plus le
retenir. Depuis le temps que je souffre pour vous
autres ! Si je veux que mon Fils ne vous aban-
5
donne pas , je suis chargée de le prier sans cesse ' .
Et pour vous autres , vous n'en faites pas cas.
» Vous aurez beau prier, beau faire , jamais vous
ne pourrez récompenser la peine que j'ai prise
pour vous autres.
> Je vous ai donné six jours pour travailler ;
je me suis réservé le septième ; et on ne veut pas
me l'accorder 2. C'est ça qui appesantit tant le
bras de mon Fils.
» Ceux qui conduisent les charrettes ne savent
pas jurer sans mettre le nom de mon Fils au mi-
lieu .
» Ce sont les deux choses qui appesantissent
tánt le bras de mon Fils .
» Si la récolte se gâte , ce n'est rien qu'à cause
de vous autres . Je vous l'ai fait voir l'année der-
nière par la récolte des pommes de terre ³ , vous
1.Je suis chargée. Marie a été établie, en effet, par la
volonté même de Dieu, notre Avocate, notre Médiatrice,
notre Réconciliatrice . Voyez les belles leçons du 2 et du
3 noct. de l'office de N. D. Auxiliatrice, 24 mai . V. aussi
Marracci, Polyanth. Mar. , voc. Mediatrix , Reconciliatrix ,
Advocata, etc.
2 Notre divine Mère ne parle pas ici en son nom propre,
mais au nom de Celui qui l'envoie. Avant ces mots : Je
vous ai donné sixjours. , etc. , il faut sous-entendre : LeSei-
gneur a dit... mon Fils a dit. Cette omission, qui rappelle
le style vif et animé des prophètes, se trouve fréquem-
ment dans nos saints livres. V.notamment Isaïe , 40, 1-6;
29, 1-3, etc., etc.
3 Je vous l'aifait voir l'année dernière. Voila une expres-
6
n'en avez pas fait cas. C'est au contraire , quand
vous trouviez des pommes de terre gâtées , vous
juriez , vous mettiez le nom de mon Fils . Elles
vont continuer à pourrir, et à Noël il n'y en au-
ra plus. »
Ici la petite fille fait cette remarque : Et moi je
ne comprenais pas ce que cela voulait dire : des
pommes de terre . J'allais demander à Maximin
ce que ca voulait dire. Et la Dame nous dit :
« Ah ! mes enfants , vous ne comprenez pas ? Jo
m'en vais vous le dire autrement . »

sion bien extraordinaire, et favorable au sentiment qui


attribue à Marie, en sa qualité de Mère de Dieu, un droit
spécial sur toutes les créatures. Suarez . in 3. p . Th. disp.
22 sect. 2.-- Sedlmayr Theol. Mar. p. 2. q. 41 : De Maternit.
divinà quatenùs radicante rerum dominium.
' La sainte Vierge savait bien que les enfants ne com-
prenaient pas ce qu'Elle leur disait ; mais la remarque
qu'Elle fait ici rappelle la conduite que tient fré-
quemment Notre-Seigneur dans l'Evangile, quand il de-
mande, par exemple, avant le miracle de la multiplica-
tion des pains : Combien avez-vous de pains ? Il en savait
certainement le nombre. Notre-Seigneur et la sainte
Vierge parlent comme on le fait parmi les hommes. Les
divers auteurs qui ont résolu cette apparente difficulté
ont trouvé d'excellentes raisons pour expliquer la con-
duite de la sainte Vierge dans l'Apparition . Nous ne les
rapportons pas ici. Ajoutons seulement cette remarque :
Notre divine Mère constate que les enfants ne compren-
nent pas le français. Or, ils ont parfaitement retenu do
mémoire et la première partie du discours et les deux
secrets qui sont en cette langue. Done, il y a eu de la
77
La sainte Vierge reprend l'alinéa précédent et le
répète en patois du pays . Le reste du discours est
aussi en patois . Nous en donnons ici la traduc-
tion.
« Si vous avez du blé, il ne faut pas le semer.
Tout ce que vous sèmerez , les bêtes le mangeront.
Ce qui viendra, tombera tout en poussière quand
vous le battrez.
Il viendra une grande famine. Avant que la
famine vienne, les petits enfants au-dessous de

part du Ciel une assistance surnaturelle, et la difficulté


se change en preuve.
Du reste, s'il se rencontrait dans le discours de notre
divine Mère quelques points difficiles à expliquer, rap-
pelons-nous les paroles si dignes de remarque de Mgr
l'Evêque (Mgr Ginoulhiac ) dans son mandement du
novembre 1854 : « Qui ne sait que le langage prophéti-
que a des formes qui lui sont propres ? Que si l'on y
trouve des clartés qui consolent, on y rencontre toujours
des obscurités qui embarrassent. Lorsque les prédictions
ont pour objet des promesses ou des menaces condition-
nelles, les unes et les autres ne se vérifient entièrement
que dans le cas où leurs conditions respectives sont en-
tièrement remplies . On peut s'en convaincre aisémentpar
l'histoire du peuple Juif. Et c'est surtout à l'égard des
prophéties conditionnelles que l'on ne devrait jamais
perdre de vue ces belles paroles de Bossuet : « L'avenir
se trouvé toujours autrement que nous ne pensons ; et
les choses mêmes que Dieu ena révélées, arrivent en des
manières que nous n'aurions jamais prévues. » (Préface
del'Apocal. , n. XV.)
8
sept ans prendront un tremblement et mourront
entre les mains des personnes qui les tiendront.
Les autres feront leur pénitence par la famine .
Les noix deviendront mauvaises. Les raisins
pourriront. >>
Après ces mots , la sainte Vierge continue de par-
ler ; mais Mélanie ne l'entend plus. Maximin re-
çoit son secret qui est resté jusqu'à ce jour abso-
lument impénétrable. -Un peu après , Maximin à
son tour n'entend plus rien ; il voit remuer les
lèvres de la Belle Dame, mais pas un son n'arrive
à son oreille . La sainte Vierge parlait à Mélanie
seule et lui donnait aussi un secret qui n'est pas
moins inconnu que celui de Maximin . Ces deux
secrets cachetés furent portés à Rome et remis à
notre Saint-Père le Pape par M. Rousselot et M.
Gerin, dans une audience du 18 juillet 1851. Le
Saint-Père, en lisant la rédaction du petit berger,
dit simplement : « C'est bien là la naïveté d'un en-
fant. » Et après avoir pris connaissance du secret
de Mélanie, il devint fort triste et dit : « Ce sont
des fléaux qui menacent la France ; mais la France
n'est pas seule coupable. L'Italie l'est bien aussi ,
et l'Europe entière . Ce n'est pas sans raison que
l'Eglise est appelée militante ; et vous en voyez
ici le Capitaine. » -- Les secrets des deux enfants
sont en français . La sainte Vierge reprend en-
suite dans le patois du pays :
« S'ils se convertissent, les pierres et les rochers
se changeront en monceaux de blé, et les pommes
9
de terre se trouveront ensemencées par les ter-
res
La sainte Vierge s'adresse ensuite plus directe-
ment aux petits bergers :
« Faites-vous bien votre prière , mes enfants ? >>
- Tous deux répondent : « Oh ! non, Madame,
bien peu. Notre divine Mère continue : Ah ! mes
enfants, il faut bien la faire soir et matin . Quand
vous n'aurez pas le temps et que vous ne pour-
rez pas mieux faire , dites au moins un Pater et un
Ave Maria ; et quand vous aurez le temps , (il faut)
en dire davantage .
' La sainte Vierge ne parle ici que de prospérités tem-
porelles. Cela peut tenir à plusieurs raisons. D'abord ,
dit M. Nicolas (La Salette devant la raison et le devoir d'un
catholique, 2e édit. , p. 144), puisque la sainte Vierge est
venue déplorer les crimes des peuples comme peuples,
des nations comme nations, et que peuples et nations ne
sont tels que sur la terre et dans le temps, il est naturel
qu'elle leur promette des biens temporels, et qu'elle les
menace de fléaux de même nature . Ensuite , si la sainte
Vierge a recours à ces menaces et à ces promesses, ce
n'est qu'à cause denous autres, c'est-à-dire qu'elle a égard,
dans sa commisération, à l'état de matérialisme dans le-
quel nous sommes tombés. Elle condescend à parler le
langage qui est de nature à nous frapper davantage .
Ajoutons cependant que, sans doute, la Mère dé la di-
vine grâce a voulu employer aussi , en cet endroit , les
expressions figurées dont se servent souventles écrivains
sacrés, et nous annoncer, dans ces termes communs , les
plus grandes bénédictions spirituelles.
1.
10
» Il ne va que quelques femmes un peu âgées
à la messe ; les autres travaillent le dimanche
tout l'été, et l'hiver, quand ils ne savent que faire,
ils ne vont à la messe que pour se moquer de la
Religion. Et le carême, ils vont à la boucherie
comme des chiens ¹. »
Ensuite , disent les Enfants, la Belle Dame nous
a dit :
<< N'avez-vous jamais vu du blé gâté, mes en-
fants ? »
Maximin répondit : Oh ! non, Madame. Moi,
ajoute Mélanie , je ne savais pas à qui Elle de-
mandait cela, et je répondis bien doucement :
Non, Madame , je n'en ai point vu. »
La sainte Vierge s'adressant à Maximin :
<< Mais toi , mon enfant, tu dois bien en avoir
vu, une fois vers le Coin avec ton père. L'homme
de la pièce dit à ton père : Venez voir mon blé
gâté. Vous y allâtes tous les deux . Il prit deux ou
trois épis dans sa main , et puis il les froissa, et
tout tomba en poussière . Et puis , en vous en re-
tournant, quand vous n'étiez plus qu'à une demi-
heure loin de Corps , ton père te donna un mor-
ceau de pain en te disant : Tiens , mon petit, mange
Cette parole paraît duré. Notre-Seigneur et les pro-
phètes l'ont employée quelquefois pour désigner une
certaine classe de pécheurs. Qu'ils sont à plaindre ceux
qui méritent un pareil reproche de la part de Celle qui
est pourtant la Mère de Miséricorde !
2 Nom d'un pelit hameau à quelque distance de Corps .
11
ce pain ; car je ne sais pas qui en mangera l'an-
née prochaine , si le blé continue comme ça (à se
gâter) ¹ . »
« Je lui répondis, dit le petit garçon : C'est bien
vrai , Madame ; je ne me le rappelais pas. »
" Après cela, Elle nous dit en francais :
» Eh bien ! mes enfants, vous le ferez passer à
tout mon peuple 2 .
» Puis elle a passé le ruisseau , et à deux pas
du ruisseau, sans se retourner vers nous , Elle
nous a dit encore :
Eh bien mes enfants, vous le ferez passer à
tout mon peuple.

' Ces détails paraissent de prime abord sans portée ; ils
sont en réalité singulièrement remarquables et fou-
chants. La divine Marie est la souveraine universelle .
Elle règne au ciel sur les chœurs des Anges et sur le peuple
des Saints, et Elle exerce une grande et sainte influence
sur les choses de ce monde. Elle est attentive à la gloire
et au bonheur des Elus ; mais son cœur maternel l'in-
eline à s'occuper de ses plus humbles sujets et des moin-
dres circonstances de leur vie : un morceau de pain...
donné à un pauvre enfant... par un pauvre ouvrier, son
père, surun chemin solitaire, dans un pays presque in-
connu, quel trait de divine tendresse ! et qu'elle est vrai-
ment Mère celle qui, dans une apparition où les plus
grands intérêts sont en cause, descend avec tant de bonté
à d'aussi humbles détails !
2 Interrogés sur ce qu'ils avaient compris par ce mot :
tout mon peuple, les enfants disent : « Nous avons pensé
que c'était tout le monde. »
12
Les deux enfants ajoutent : « Puis Elle a mon-
té une quinzaine de pas jusqu'à l'endroit où
nous étions montés pour regarder nos vaches . Ses
pieds ne touchaient que le bout de l'herbe . Elle
marchait en glissant sur la cime de l'herbe sans la
faire plier, comme si Elle était suspendue et qu'on
l'eût poussée . Nous la suivîmes sur la hauteur .
Mélanie a passé par-devant la Dame, et moi , dit
Maximin , à côté, à deux ou trois pas 3. Et puis
cette Dame s'est élevée un peu en haut (les en-
fants indiquent une hauteur d'un mètre à un mè-
tre 50 c. ) . Elle resta ainsi suspendue en l'air un
moment . Puis Elle regarda le ciel, puis la terre.
Puis nous n'avons plus vu la tête, plus vu les
bras, plus vu les pieds. Elle semblait se fondre .
On n'a plus vu qu'une clarté en l'air . Et j'ai dit a
Maximin , continue la petite fille, c'est peut -être
une grande sainte. Et Maximin m'a dit : Si nous
avions su que c'était une grande sainte, nous luj
aurions dit de nous mener avec Elle. Et je lui ai
dit Oh ! si Elle y était encore ! Alors Maximin
lan:ça la main pour attraper un peu de la clarté,
mais il n'y eut plus rien . Et nous regardâmes bien
pour voir si nous ne la voyions plus. Et je dis :
Elle ne veut pas se faire voir pour que nous ne

Une quinzaine de pas ou même 20 à 25 en ligne di-


40 mètres en suivant le son-
recte; mais il y a bien 35
r nte
tie que la sai Vie rge a par couru .
Sur la gauche .
13
voyions pas où elle va. Ensuite nous fûmes gar-
der nos vaches. Après, nous avons été bien con-
tents, et nous avons parlé de tout ce que nous
avons vu. ».
La petite fille décrit ainsi le costume que portait
la sainte Vierge : « Elle avait des souliers blancs
avec des roses autour des souliers (il y en avait
de toutes couleurs) , des bas jaunes , un tablier jau-
ne '), une robe blanche avec des perles partout,
un fichu blanc, des roses autour ; un bonnet aussi
blanc, un peu courbé en avant ; une couronne au-
tour de son bonnet avec des roses ; Elle avait une
chaîne très-petite qui tenait une croix avec son
Christ ; à droite étaient des tenailles, à gauche un
marteau. Aux extrémités de la croix, une autre
grande chaîne tombait comme les roses autour
de son fichu. Elle avait la figure blanche, allon-
gée. Je ne pouvais pas la voir longtemps, pour-
quoi qu'Elle nous éblouissait.
A ce récit, dont il n'est pas possible de contes-
ter l'authenticité, les petits enfants ont ajouté
dans différentes circonstances quelques détails
que nous reproduisons ici.
L'Apparition doit avoir eu lieu vers deux heu-
La sainte Vierge portait un vêtement de lumière. Les
enfants se sont servi, dans cette description , des seules
expressions qu'ils avaient alors à leur usage. Qui ne sait,
par l'histoire des révélations des Saints, que Dieu a
voulu ordinairement s'accommoder ainsi à notre igno-
rance?
14
res et demie de l'après-midi , et duré environ une
demi-heure. Ce ne fut que graduellement que la
sainte Vierge se montra aux enfants dans la lu-
mière. Ils virent d'abord les mains, puis la tête,
puis distinctement toute la personne qui leur ap
paraissait. Le globe lumineux avait environ 6 à 8
mètres de diamètre. La sainte Vierge était envi-
ronnée de deux lumières différentes, une pre-
mière immédiatement autour de son corps glo-
rieux qui scintillait, une seconde lumière immo-
bile ; c'est dans celle-ci que se trouvaient les deux
enfants pendant le discours . Nous étions , disent-
ils , si près de la Belle Dame, qu'une personno
n'aurait pas pu passer entre Elle et nous . La sainte
Vierge était d'une très-belle et très-haute taille.
Sa voix ressemblait à une douce mélodie. Ses
paroles arrivaient à l'intelligence des petits en-
fants d'une manière en quelque sorte mysté-
rieuse. Maximin a dit ce mot remarquable, Pen-
dant que la Belle Dame nous parlait, il semblait
que nous mangions ses paroles . » La couronne de
roses que la sainte Vierge portait sur sa tête ca-
chait tout à fait ses cheveux ; ses mains étaient
aussi entièrement couvertes par les longues man-
ches de sa robe ; et la petite fille a cru remar-
quer autour de son cou un léger voile semblable
à la guimpe d'une religieuse . Maximin n'a jamais
pu voir, quelqu'effort qu'il fit, le visage de la di-
vine Vierge. Il était ébloui par l'éclat extraordi-
naire de ses traits divins. L'enfant voyait cepen-
15
dant l'extrémité de la lumineuse coiffure ou bril-
lant diadème qu'Elle portait, et la partie infé-
rieure du visage jusqu'aux lèvres ; mais rien de
plus, ni le front ni les yeux ; Mélanie seule a pu
nous assurer que la sainte Vierge pleurait. Ses
larmes ne descendaient pas jusqu'à terre ; mais
s'évanouissaient un peu plus bas que la ceinture
dans la lumière qui l'enveloppait. Au moment
même où la sainte Vierge allait disparaître , ses
larmes cessèrent de couler ; mais son visage fut
toujours empreint d'une grande tristesse. Maxi-
min était alors sur la droite à quelques pas de dis-
tance, et Mélanie la regardait en face. En général ,
cette enfant a été plus impressionnée , et il semble-
rait aussi qu'elle ait été plus favorisée que le pe-
tit garçon, qui paraissait moins attentif.
Quant à la source appelée miraculeuse, les
deux enfants ne nous apprennent qu'une chose,
c'est qu'elle était tout à fait tarie, le 19 septem-
bre à une heure de l'après-midi . Il est pareille-
ment attesté par quelques témoins qu'elle cessait
ordinairement de couler dans le cours de la sai-
son d'été , et il est démontré qu'elle n'a jamais
cessé de couler depuis. Tout porte donc à croire
qu'elle est un bienfait de notre divine Mère. C'est
du reste presque toujours à l'occasion de l'usage
de cette eau si vénérée des pèlerins, que les grâces
demandées ont été obtenues.
Les deux enfants racontèrent le soir même ce
qu'ils avaient vu.
16
Le lendemain Maximin retourna à Corps dans
sa famille. Tout le pays ne tarda pas à s'émouvoir
du récit des deux petits pâtres. La même année,
Mgr de Bruillard nomma, pour l'examen du fait,
deux commissions dont le rapport est daté du
15 décembre 1846. Une nouvelle commission est
formée dans le courant de l'année 1847. Elle se
réunit huit fois, aux mois de novembre et de dé-
cembre. L'avis général est favorable au fait.
L'examen de l'Apparition elle-même, des miracles ,
guérisons et faits extraordinaires que l'on raconte ,
se poursuit quatre ans encore. Mgr de Bruillard
donne son mandement doctrinal le 19 septembre
1851. Cependant le premier anniversaire 1847 avait
vu réunis sur la sainte Montagne plus de 50,000
pèlerins venus de tous les points de la France et
de l'Etranger. On pensa à la construction d'une
église et de bâtiments propres à recevoir les pieux
visiteurs. La pose de la première pierre eut lieu le
25 mai 1852. Ce monument de la piété catholique
est maintenant presque achevé , grâce à la cha-
rité spontanée du monde chrétien. Les paroles et
les enseignements de Notre- Dame de la Salette ont
été portés jusqu'aux extrémités de la terre , et par-
tout les âmes reconnaissantes et dociles ont éprou-
vé par des grâces sans nombre la bonté de Celle
qui est venue visiter son Peuple .
17

T
1
CHAPITRE II.

FONDEMENTS DE LA DÉVOTION A NOTRE- DAME


RÉCONCILIATRICE DE LA SALETTE.

Les fondements sur lesquels s'appuie notre dé-


votion à Notre-Dame Réconciliatrice de la Salette,
ne sont pas autres que les différentes preuves qui
établissent la réalité de l'Apparition. Nous les
rappelons donc pour la consolation des pieux
Associés , en reproduisant l'excellent opuscule de
M. Rousselot, intitulé : Résumé court et clair des
motifs qu'a un catholique de croire à la réalité
d'une apparition de la sainte Vierge sur la mon-
tagne de la Salette le 19 septembre 1846 ¹ .
1° L'Apparition de la sainte Vierge de la Salette
eut lieu le 19 septembre 1846. Dès le lendemain , le
fait fut connu au village de la Salette et dans le
bourg de Corps . Il fut accueilli avec confiance
par les uns, avec défiance par d'autres , avec in-
crédulité par un grand nombre ; celá devait être.
2º Au bout de quelques jours , il fut connu dans
les pays environnants ; il parvint bientôt jusqu'à
Grenoble. Dès lors l'autorité diocésaine eut à s'en
occuper comme d'un fait sortant de l'ordre com-
mun.

¹ Cet ouvrage porte la date du 8 septembre 1858.


18
Elle commença à informer, mais prudemment ,
avec une sage lenteur, sans prévention comme
sans enthousiasme. Il fut défendu au clergé d'en
parler en chaire et de se prononcer prématuré-
ment avant la décision de l'autorité.
3° La croyance à la réalité d'une apparition ga-
gna bientôt la presque totalité des habitants de la
Salette, du canton de Corps et des cantons limi-
trophes. Un changement notable en bien s'opéra
subitement dans les mœurs et les habitudes de
ces contrées peu religieuses. En dehors de toute
action du clergé , et malgré son silence absolu , les
habitants du canton commencèrent à se transpor-
ter sur la montagne en vrais et pieux pèlerins ;
ils cessèrent leurs blasphèmes, leurs travaux du
dimanche, et furent plus fidèles à fréquenter les
églises.
4º Une guérison arrivée à Corps, celle de la
femme Laurent, malade depuis plus de vingt ans,
connue de tous, fit la plus profonde impression .
Elle avait déjà invoqué Notre-Dame de la Salette
et s'était fait apporter de l'eau de la montagne.
Il fut bientôt reconnu que d'intermittente la fon-
taine était devenue intarissable , ce qui accrut la
foi et la confiance.
5º Cependant, et quelques jours seulement après
le 19 septembre, des prêtres et des laïques ins-
truits accoururent à Corps , visitèrent les lieux ,
et firent subir de longs et minutieux interroga-
toires aux deux bergers, tantôt réunis , tantôt sé-
19
parés. On fat étonné de la sagacité de ces petits
påtres à répondre à de nombreuses questions, à
des difficultés , à des subtilités par lesquelles on
voulait s'assurer qu'ils disaient vrai , et qu'ils ne
se contredisaient ni entre eux ni avec eux-mê-
mes.
Bientôt le bruit des miracles opérés dans les
lieux étrangers au département, se répand , s'ac-
crédite et détermine les populations lointaines à
se rendre en pèlerinage à la Montagne devenue
célèbre, et dès lors regardée comme sainte , mais
sur laquelle il n'y avait encore , ni chapelle , ni au-
tel, ni prêtres , ni rien qui pût attirer ou satisfaire
la piété ou même la simple curiosité . Les pèle-
rins commencèrent à emporter de l'eau de la fon-
taine. La sœur Saint- Charles d'Avignon fut, au
yu et au su de toute la ville, retirée des portes du
tombeau par le recours à Notre-Dame de la Sa-
lette et par l'usage de cette eau réputée merveil-
leuse. Beaucoup d'autres guérisons extraordi-
naires, arrivées ailleurs, frappaient d'étonnement
et faisaient grossir de jour en jour le nombre des
pèlerins. Il y en eut près de cent mille la pre-
mière année , et au premier anniversaire soixante
mille couvrirent la montagne.
7 Deux commissions formées par Mgr l'évêque,
délibérèrent séparément et secretement. Elles con-
clurent qu'il ne fallait s'opposer à rien , puisque
tout se passait régulièrement et religieusement,
mais aussi qu'il n'était pas encore temps de se
20
prononcer et qu'il fallait attendre. Toujours
profond silence de la part de l'évêque et de son
clergé.
8° Deux prêtres délégués en 1847 parcourent
neuf diocèses du midi de la France. Partout il
n'est bruit que de la Salette et des miracles opé-
rés par l'intercession de Notre-Dame de la Sa-
lette . Ils s'assurent en particulier de la guérison
de la sœur Saint-Charles , et sur cette question
ils consultent Mgr Naudo , archevêque d'Avignon,
qui leur répond qu'il ne doute pas plus de la gué-
rison de cette sœur qu'il ne doute de la résurrec-
tion de Lazare .
9 En novembre et décembre 1847 , une grande
commission de seize membres du clergé est réunie
au palais épiscopal sous la présidence de Mgr l'E-
vêque. La question de la Salette y est débattue
contradictoirement, et le rapport des deux délé-
gués y est discuté sérieusement dans huit séan-
ces. A la fin , Mgr l'Evêque déclare se réserver la
décision quand il en sera temps.
10° Cependant le bruit des miracles va toujours
grandissant ; le pèlerinage devient toujours plus
nombreux, nonobstant la révolution de 1848 ; il
est de plus en plus édifiant , et présente un con--
cours soutenu de pèlerins de toutes nations, de
toutes langues , de tous états, de toutes condi-
tions. Tous les pèlerins , pendant quatre ans , peu-
vent voir, interroger, sonder les deux petits pâ-
tres , auteurs de tout ce grand mouvement . Tous
21
jugent que ces enfants n'ont pu être trompeurs
ni trompés.
11° Huit mois après l'apparition , on commence
à répandre des écrits sur le fait. L'apparition est
racontée, discutée et prouvée véritable. D'autre
part, arrivent à l'évêché de Grenoble des difficul-
tés , des objections. Tout est recueilli , examiné ,
apprécié et réduit à sa juste valeur. La plupart
des pèlerins, parmi ceux surtout que distinguent
la piété, leur savoir, et leur position dans l'Eglise
ou dans le monde, en passant par la ville épisco-
pale, font part au prélat ou à ses conseillers , de
leurs impressions et de leurs convictions , pres-
que toutes favorables au fait de l'apparition.
12º En 1848 , Monseigneur autorise la publication
de la Vérité sur l'événement de la Salette , et en
1850 celle des Nouveaux documents sur la Sa-
lette, mais ne se prononce pas encore comme
juge du fait . Cependant il prépare son mande-
ment, l'élabore au sein de son conseil , le commu-
nique à quelques-uns de ses vénérables collègues,
et finit par l'envoyer à Rome, d'où il lui revient
avec quelques observations auxquelles le prélat
s'empresse d'obtempérer. Enfin , en novembre
1851 , après un délai et un examen de cinq ans,
ce mandement ardemment sollicité par le plus
grand nombre des diocésains et des étrangers,
prêtres et laïques, quelque peu redouté par un
petit nombre d'opposants, est mis au jour, publié
et lu dans les 600 églises du diocèse . Il est en-
22
voyé à presque tous les évêques du monde. Bien-
tôt il est traduit en plusieurs langues . A Rome, il
est imprimé dans les journaux soumis à la cen-
sure pontificale. De nombreuses adhésions arri-
vent de toutes parts au vénérable auteur de ce
jugement doctrinal. L'année suivante, Sa Sainteté
Pie IX, par neuf rescrits expédiés en moins de
trois mois, accorde les plus précieuses faveurs au
nouveau sanctuaire de la Salette , aux mission-
naires qui le desservent, aux pèlerins qui le fré-
quentent. Par le dernier, du 2 décembre 1852,
Sa Sainteté permet à tout le diocèse de célébrer
chaque année , par l'office et la Messe de la sainte
Vierge, l'anniversaire de l'Apparition .
D'après cet aperçu historique , auquel je pour-
rais ajouter beaucoup d'autres choses, voici ma
profession de foi sur la Salette :
Je crois à la vérité de l'apparition de la sainte
Vierge sur la montagne de la Salette , qui eut lieu
le 19 septembre 1846 :
1 Parce que d'un examen de cinq ans, et de
toutes les précautions prises pendant ce long
laps de temps, il résulte pour moi une certitude
morale ou la plus grande probabilité que l'on
puisse humainement et religieusement acquérir,
que les deux petits bergers de la Salette, dans leur
récit de l'Apparition , n'ont été ni trompeurs ni
trompés.
2º Parce que depuis dix ans et sans disconti-
nuation , et dans une infinité de lieux, et sur un
23
grand nombre de malades, ont été opérées des
guérisons tellement merveilleuses , tellement en
dehors de toutes les lois de la nature , et d'ailleurs
si parfaitement constatées par la voix publique ,
et quelques-unes même par un jugement épisco-
pal, qu'elles constituent de vrais miracles opé-
rés par l'invocation de Notre-Dame de la Salette
et par l'usage de l'eau de la fontaine merveil-
leuse . Or je crois en même temps que Dieu ne
peut, par de vrais miracles , autoriser ni une
abominable imposture ni une jonglerie sacrilége.
3° Parce qu'en fait d'événements religieux et
surnaturels, je dois m'en rapporter, non à mon
sens privé, non à mon examen particulier, comme
font les protestants, mais à la décision doctrinale
et canonique des deux évêques de Grenoble , unis
de communion avec le Souverain pontiſe , et agis-
sant même avec son assentiment. Or, ces deux
évêques ont publié sur la vérité du fait de la Sa-
lette , des mandements très-explicites , qui ont
reçu des adhésions nombreuses d'un très-grand
nombre d'évêques ..... Et ainsi l'Apparition a pour
elle la plus haute sanction qu'elle puisse avoir,
celle de l'autorité compétente.
4 Parce qu'en dehors d'une intervention di-
vine et surnaturelle , on n'expliquera jamais ,
d'une manière vraiment raisonnable, ce qui se
passé sous nos yeux depuis dix ans :
1° Un pèlerinage toujours soutenu, toujours
nombreux, toujours édifiant, composé non-seu-
24
lement de simples fidèles , mais d'un grand nom-
bre d'hommes éminents par le caractère , par le
rang, par la vertu et les lumières, dans l'Eglise
et dans l'Etat ;
2 Une fontaine intermittente devenue intaris-
sable, reconnue merveilleuse, dont l'eau est en-
voyée ou emportée dans toutes les directions ;
3º Un sanctuaire magnifique qui s'élève sur une
hauteur de 1,800 mètres , en l'honneur de Marie,
et à la construction duquel l'univers entier con-
tribue par les dons les plus généreux ;
4° 250 églises , sanctuaires, chapelles, oratoires ,
qui, dans toutes les parties du monde, se sont
élevés comme par enchantement en l'honneur de
Notre- Dame de la Salette ; qui tous se relient au
sanctuaire de la montagne, et dont un grand
nombre est aussi fréquenté par les pèlerins que
le sanctuaire du mont révéré ;
5º Des conversions sans nombre , des conver-
sions inespérées, des conversions plus extraordi-
naires que les guérisons corporelles ;
6 Un archiconfrérie établie par l'autorité du
Souverain Pontife, qui compte déjà ses affilia-
tions par centaines, et ses associés par centaines
de mille ;
7° Une correspondance unique , extraordinaire,
entre la Salette et l'univers entier ; correspon-
dance qui, en dix ans , se monte au moins à
40,000 lettres ;
8° Tant de confessions , de communions et d'œu-
25
vres de charité, de zèle, de piété , de générosité,
de pénitence qu'a fait faire la Salette ;
9° Onze évêques et plus de trente prêtres ou
laïques instruits se sont faits les historiens, les
apologistes, les apôtres de Notre-Dame de la Sa-
lette ;
10° L'inutilité des efforts tentés, des difficultés
soulevées , des objections imaginées, des injures
prodiguées, etc. , pour anéantir, affaiblir la foi à
la Salette, et qui , loin de lui nuire , n'ont servi
souvent qu'à la faire connaître ;
11° L'accomplissement progressif des menaces
prophétiques faites sur la montagne maladie de
la vigne, des pommes de terre , etc .;
12° Enfin, avertissements salutaires , solennels ,
adressés par la Mère de Dieu à l'univers entier ;
avertissements qui ont retenti partout, qui sont
si bien adaptés aux besoins de l'époque ; avertis-
sements qui obtiennent les plus heureux résul-
tats par la diminution du blasphème, de la profa-
nation des saints jours, par les associations ré-
cemment formées pour l'extirpation des blas-
phèmes et pour la sanctification du dimanche.
Voilà les motifs de ma foi , motifs si puissants
qu'ils me font regarder le fait comme certain et
indubitable....
J'ajoute La Salette, en dehors de l'interven- .
tion divine , en dehors d'une apparition céleste ,
devient inexplicable ; et, pour échapper à un mi-
racle, il faut admettre une multitude de miracles.
2
26
Si la Salette n'est qu'une fourberie et une jon-
glerie, comment , depuis dix ans, produit-elle
tant de bien et ne produit-elle que du bien ? De
bons effets peuvent-ils provenir d'une cause
mauvaise ?
On compte les sanctuaires de Marie par cen-
taines . En est-il un seul qui doive son origine à
une fausseté reconnue ?
Je ne condamne pas , à la vérité , ceux qui ne
croient pas ; je ne les accuse pas d'incrédulité ; je
ne les taxe pas d'hérésie ; je ne les mets pas hors
de l'Eglise. Mais il m'est permis de les regarder
comme de mauvais raisonneurs, comme peu rai-
sonnables, comme ayant fait divorce avec la lo-
gique. Mais je blâme hautement, et tout homme
sensé flétrira énergiquement l'opposant systéma-
tique qui , pour combattre le fait de la Salette ,
emploie l'injure , la fausseté, le mensonge , la ca-
lomnie, les réticences malignes et autres armes
dont les incrédules et les hérétiques se servent
habituellement dans leurs attaques contre la re-
ligion.

CHAPITRE III.

EXCELLENCE DE LA DÉVOTION A NOTRE-DAME RÉ-


CONCILIATRICE DE LA SALETTE .

I. La dévotion à Notre-Dame de la Salette,


c'est la dévotion à MARIE. Voilà en un seul mot
27
une infinité de choses grandes et douces au cœur.
Ici comme à l'Osier, comme au Laus , à la Garde,
à Fourvières , comme récemment dans la grotte
de Lourdes , comme partout où ses enfants l'ai-
ment et la bénissent, c'est Marie notre Mère.
Nous disons Notre-Dame de la Salette , pour rap-
peler en un mot son apparition, ses enseigne-
ments, ses larmes ; mais c'est la Mère de Dieu,
la Souveraine universelle, celle que nous aimons
dans tous ses sanctuaires comme dans tous ses
mystères , Celle qui est partout et toujours notre
Vie, notre Douceur et notre Espérance.
Cette première considération suffirait sans
doute pour enflammer notre cœur d'amour pour
la céleste Apparition ; mais allons plus avant, et
par dévotion et avec action de grâces reconnais-
sons ce qu'il y a de singulièrement admirable
dans le miracle de la Salette. Si nous étudions
l'histoire des diverses Apparitions de la très-
sainte Vierge. nous remarquons ceci : cette au-
guste Mère s'est ordinairement montrée aux
hommes pour remplir auprès d'eux un de ces mi-
nistères touchants qu'elle a reçus de Dieu et que
la sainte Eglise lui rappelle sans cesse dans ces
invocations Refuge des pécheurs , Consolation
des affligés, Secours des chrétiens, priez pour
nous d'autres fois c'est un simple trait de sa vie
mortelle, ou un mystère de la vie de son divin
Fils qu'elle vient remettre sous nos yeux. Dans
tous ces cas, l'Apparition ne prend jamais un ca-
28
ractère universel et la dévotion qui lui doit son
origine est toujours particulière et locale. Or , pre-
mièrement, il paraît évident que l'universalité
est le caractère propre du miracle de la Salette.
Ici l'auguste Vierge dit par deux fois que c'est à
tout son peuple qu'il faut annoncer la nouvelle
de sa miséricordieuse visite, et ses enseignements
et ses menaces ; et, en vérité, voilà 16 ans à peine
qu'elle est venue faire entendre sa voix sur cette
montagne déserte , et déjà sa parole a retenti dans
tout le monde ¹ . Mais , en second lieu , ce qui in-
téresse plus encore notre piété, c'est que l'au-
guste Vierge ne reproduit pas seulement, ici , un
mystère de sa vie mortelle ; Elle ne vient pas
simplement remplir, comme ailleurs , quelque
ministère de charité et de miséricorde ; mais il
semble qu'Elle ait voulu reproduire en un seul
mystère tous ses mystères, et se montrer en
même temps à nous avec toute l'humilité de sa
vie sur la terre, et avec toute la gloire, toute la
puissance, toute l'autorité dont elle est couronnée
au ciel . Marie à la Salette (qu'on nous permette
ce mot) c'est Marie tout entière , telle qu'Elle
apparaît dans l'Evangile , telle que la tradition et
la théologie catholique nous la montrent, telle,
en un mot, que Dieu a voulu qu'Elle soit à la
place sans pareille qu'Elle occupe dans le plan
divin . En effet, considérez de près , un instant, la

Voyez l'opuscule de M. Rousselot, ci-devant page 24.


29
sainte Apparition . Ne remarquez-vous pas d'a-
bord la Vierge modeste, humble, cachée aux re-
gards des hommes, Marie de Nazareth , parlant un
langage qui est celui du peuple, portant un cos-
tume dont la forme est austère , et choisissant de
préférence la compagnie des humbles, des petits
et des pauvres ? -- Ensuite ne reconnaissez-vous
pas dans cette Mère qui pleure, qui porte la croix
de Jésus, qui prie sans cesse pour ses enfants
coupables , la Mère affligée du Calvaire, Celle que
l'Eglise nous représente dans le mystère de dou-
leur, toute inondée de ses larmes, Celle dont les
saints Pères disent qu'elle était Elle seule la vé-
ritable croix , le véritable autel sur lequel Jésus
s'immolait ' , et qui devint, en ce jour de notre
rédemption, notre Mère à tous, la Mère des justes
et des pécheurs ? Et puis, n'est- Elle pas encore
ici, telle qu'Elle apparaît dans la tradition, après
l'Ascension du Sauveur, pleine de solicitude et
de charité pour l'Eglise qui est son peuple ? Enfin ,
nous voyons là notre Mère comme les anges la
contemplent au ciel, la puissante médiatrice qui
intercède sans cesse pour nous, la divine Gar-
dienne des trésors célestes, la libérale Dispensa-
trice des grâces , la douce Providence du monde,
la Reine miséricordieuse qui tient entre ses mains

' Dico Mariam esse crucem. S. Epiph. ap. Nicol. La


Vierge et le Plan divin , t. 1 , p . 308. - Id . S. Epiph. in serm.
de Laud. Virg. Voy. plus bas , 3º p. p..
2.
30
tous les intérêts de ses enfants , les intérêts de la
vie présente comme ceux de l'éternité.
Or, tout cela est merveilleusement beau, et
nous n'avançons rien qui ne ressorte d'une ma-
nière frappante et admirable, et de l'Apparition
elle-même et des paroles et des actes de notre
Mère. Ce simple événement, qui a retenti dans le
monde avec tant d'éclat, est peut-être une su-
blime leçon donnée par le ciel lui - même de cette
science de Marie , de cette théologie de la Mère de
Dieu qui semble devenir toujours plus complète
dans la sainte Eglise, comme il est, sans doute,
une révélation nouvelle des desseins de Jésus sur
le monde par sa Mère . Mais les pensées de Dieu
nous sont souvent cachées, et la manifestation
du sens de ses œuvres , comme ses œuvres elles-
mêmes, ont une heure et un temps qui ne sont །
au pouvoir que du Père qui est aux cieux.
II. L'excellence de la dévotion de Notre-Dame
Réconciliatrice de la Salette ressort encore de la
considération des principes de vie et de force
qu'elle porte en elle pour le salut du monde.
Il est évident pour quiconque ouvre les yeux,
qu'un mal effroyable a gagné notre société mo-
derne, c'est l'esprit de révolte , c'est le mépris de
l'autorité et une aspiration violente vers l'indé-
pendance absolue , la liberté sans limites. Ce mal
est grand , et on dirait qu'il s'étend toujours da-
vantage sur le corps social, pour y dévorer tous
les principes de vie . Qui ne voit que le péril est
31
extrême et que sans un secours particulier et
extraordinaire de la Providence de Dieu , tous ces
éléments de désordre ne peuvent qu'amener les
plus effroyables catastrophes ? Le salut est ce-
pendant quelque part ; car les nations ont été
faites guérissables. Le salut est dans l'obéissance
et la soumission à Dieu , à sa parole , à ses com-
mandements , à son Eglise , et en même temps , à
tous ceux qui le remplacent en ce monde dans
l'ordre temporel, les puissances qui sont élevées
au-dessus de nous et qui le sont par sa volonté.
Or, ce respect, cette soumission à toute autorité
dans l'Eglise, dans les sociétés temporelles, dans
la famille, cette loi de l'obéissance si essentielle
à la vie des âmes et des peuples, quelle est la
grande autorité qui vient nous la rappeler ? C'est
la glorieuse Apparition de notre Mère . Ecoutez
cette solennelle parole, qui est la première que
nous adresse la Reine du Ciel : « Si mon peuple
ne veut pas se soumettre, je suis forcée de lais-
ser aller le bras de mon fils. » Si mon peuple ne
veut pas se soumettre.... Tout est dans ce mot.
Si mon peuple , c'est-à- dire, toutes les nations , la
multitude des âmes rachetées , qui est le peuple
de Marie, ne veut pas se soumettre , à qui ? à Dieu
sans doute, à sa volonté sainte, que les comman-
dements nous font connaître mais en même
temps et par là même à toute puissance qu'il a
établie et qui le représente , à la sainte Eglise , aux
puissances de ce monde ; car, celui qui résiste au
32
pouvoir, résiste à la volonté même de Dieu ' .
Qu'elle est pleine d'enseignements cette simple
parole de l'auguste Marie ! Elle nous menace ;
mais elle nous instruit. Rien de plus élémen-
taire, mais rien de plus nécessaire que la grande
vérité qu'elle renferme. Ah ! si le monde la com-
prend, s'il se rend à cette invitation si pleine d'a-
mour, une nouvelle ère de bonheur va commen-
cer pour lui ; le repos, la sécurité, le salut nous
sont assurés , et les sociétés inclinées vers leur
ruine se relèveront pour marcher heureuses et
bénies de Dieu, dans les voies d'une prospérité
toujours plus grande et d'une paix toujours plus
parfaite.
Ainsi , pieux Associés , étudions-nous à ré-
pondre, pour notre part, aux vues de notre di-
vine Mère , efforçons-nous de pratiquer nous-
mêmes les premiers , ses enseignements, le res-
pect pour toute autorité légitime , la vénération
du nom adorable de Dieu , l'observation fidèle du
repos du dimanche et des devoirs religieux par
lesquels on le sanctifie, l'obéissance aux saintes
lois de l'Eglise autant de points fondamentaux
de cette grande loi du respect et de la soumission
si méconnue mais si nécessaire , et dont l'ac-
complissement est toute notre fin sur la terre.
Soyons donc parfaitement dociles à la voix de la
divine Souveraine du monde ; travaillons ensuite

' Rom . 13. 2.


33
suivant la mesure de notre influence , à lui sou-
mettre beaucoup de cœurs et de volontés (ce qui
n'est autre chose , du reste , que pratiquer la dévo-
tion à Notre-Dame Réconciliatrice) , et nous aurons
concouru véritablement et peut-être même de la
manière la plus efficace , à amener cette paix , cette
prospérité des âmes dont le monde a tant besoin .
Notre-Dame de la Salette vient sauver le
monde des malheurs qui le menacent ; mais elle
vient aussi éclairer la piété de notre temps , la
fortifier et lui donner la vie dont elle semble
manquer.
La chaire chrétienne a souvent retenti de cette
plainte Que la piété de notre temps est bien su-
perficielle , bien faible, bien inconstante, et que
l'on ne trouve presque plus, dans le monde, de
ces âmes fortes , énergiques , qui tendent à la per-
fection chrétienne avec ardeur, avec persévérance,
au prix de tous les sacrifices ; mais, qu'au con-
traire, le nombre est incalculable de celles qui
passent toute leur vie dans la plus déplorable
tiédeur ; âmes languissantes ou légères qui ne
présentent toutes à ce siècle si superficiel et si
oublieux de sa foi , qu'un christianisme sans éner-
gie, des habitudes religieuses sans influence , une
piété sans vigueur , sans profondeur, sans vie vé-
ritable . Et cependant, dans une multitude de ces
âmes, il y a une incontestable bonne volonté
pour la pratique du bien, il y a parfois de sin-
cères et généreuses aspirations vers un état de
34
conscience meilleur, il y a des habitudes conso-
lantes de charité chrétienne en faveur des di-
verses œuvres catholiques . A quoi tient donc ce
malheur que nous déplorons ?
Bien des causes plus ou moins prochaines en
sont la source ; mais nous croyons que la plus
certaine et la plus immédiate , c'est le manque
d'esprit de contrition et de pénitence dans la spi-
ritualité de notre temps . L'infaillible remède sera
donc dans le retour des âmes à cette disposition
si éminemment chrétienne. Une vive haine du
péché, le sentiment profond que nous sommes
pécheurs, que nous avons offensé et blessé le
cœur de notre Père céleste et que nous sommes
capables de le faire encore, la pensée douloureuse
que nous avons rendues inutiles, autant qu'il était
en nous , les souffrances de Jésus-Christ et les
larmes de sa sainte Mère au pied de la croix,
toutes ces considérations , ces dispositions, ces
sentiments , voilà proprement ce qui sera la ruine
radicale, souveraine, de cet esprit superficiel et
léger, de cette tiédeur dont nous sommes presque
tous atteints et voilà, en même temps, ce qui
donnera à notre dévotion ce sérieux, cette pro-
fondeur, cette énergie sans lesquelles notre chris-
tianisme n'est qu'un ensemble de pratiques sans
vie. L'esprit de contrition est la véritable force de
notre vie spirituelle. C'est à lui principalement
qué nous devons notre persévérance dans le
bien. Il rend la rechute en quelque sorte impos→
35
sible , et il appelle à lui les plus belles vertus
pour lesquelles il est ensuite comme une essence
précieuse qui les conserve et les fortifie . Qu'elle
est belle l'humilité dans une âme qui nourrit en
elle cet esprit intérieur de pénitence , cette dou-
leur constante du péché commis ! Ou plutôt l'hu-
milité est-elle bien possible dans nous , natures
déchues, sans cette admirable disposition ? Et la
reine des vertus, la charité , qu'elle est profonde,
qu'elle est vraie dans le cœur contrit ! comme
elle est indulgente , tendre et pure ! Et l'espérance
chrétienne, et la patience , et la douceur, et la
mortification , et la plupart de nos habitudes sur-
naturelles ne tirent-elles pas de l'esprit de con-
trition cette vigueur , cette constance, cette soli-
dité sans lesquelles elles ne seraient pas vraies ?
Heureuses donc, mille fois heureuses les âmes
qui portent toujours en elles le riche trésor d'une
constante et habituelle contrition !!
Or, tournez vos regards vers la céleste Appa-
rition. Ce trésor est là. Celle qui se montre à
nous , nous l'apporte et nous l'offre. C'est l'ensei-
gnement de ses larmes, de ses paroles, de son
crucifix , de tout l'ensemble de ce touchant mys-
tère de douleurs . O pieux fidèle , enfant béni de
Notre-Dame de la Salette , entrez bien avant, tou-
jours plus avant dans l'intelligence, l'amour et
la pratique de la dévotion à laquelle vous avez
donné votre foi , et cette forte grâce de la contri-
tion , cet esprit essentiel du christianisme et de la
36
perfection du christianisme vous sera donnée, et
vous aurez, en ce monde, tout ce qu'on peut pos-
séder de plus désirable avec l'amour divin.
La dévotion à la très-sainte Vierge. - La sainte
Apparition vient apporter la lumière , la force
et la vie à notre piété languissante : il y a une
dévotion en particulier à laquelle elle rend son
véritable et essentiel caractère . C'est la dévotion
la plus populaire, la plus aimable , une des plus
nécessaires à la vie chrétienne, celle qui a l'au-
guste Marie elle- même pour objet. Le culte de
notre Mère devient de jour en jour plus univer-
sel, et nous pouvons nous aussi constater ce que
le pieux et illustre chancelier Gerson disait de
son temps : Dans la science de la Mère de Dieu,
l'Eglise a fait sans cesse depuis le commencement
de nouveaux progrès. Elle est maintenant éclai-
rée d'une lumière plus vive , et nous vénérons
avec piété dans cette divine Vierge un grand
nombre de grâces que nos pères connaissaient à
peine '.
¹ In cognitione eorum quæ ad Deiparam spectant, Ec-
clesiam majores in dies progressus fecisse, mihi comper-
tum est. Constat enim antiquitatem multa Virginis en-
comia aut prorsus ignorasse aut minus rectè calluisse
quæ hodie Ecclesia, nova luce profusa, piè amplectitur
et veneratur. Ita ut putem id sibi Virginem divinasse
cùm in domo Zachariæ ita cecinit : Ecce enim ex hoc
beatam me dicent omnes generationes. Quod quidem ita
accipiendum est, etc. - (Apud Xim. Samaniego , Episc.
Placent., in Prolog. gener. in Civit. Mystic.)
37
Enfants de Maric ! c'est le Règne de notre
Mère qui commence..... Prédit par les saints , il
est inauguré par les grands évènements dont nous
sommes témoins la Médaille Miraculeuse en
septembre 1830 , - quelques années après , les mer-
veilles de Notre-Dame des Victoires ; - plus tard,
Rimini, Lourdes, Spolète ; - le 8 décembre 1854 ,
la grande proclamation du dogme de l'Immaculée
Conception , et , huit ans avant, notre belle Appa-
rition de la Salette : que de prodiges de l'amour de
notre Mère et que de raisons d'espérer, pour un
avenir prochain , ce siècle de paix et de gloire ,
après l'épreuve , que prophétisait le B. Léonard
'Nous voudrions citer les pages admirables où le vé-
nérable Louis-Marie Grignon de Montfort annonce le
règne de Marie. Nous préférons renvoyer nos lecteurs à
son Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge, p . 31 à
41 et 171 ; Nous supplions les enfants de Notre-Dame
Réconciliatrice de se procurer ce livre d'or, et de se nour-
rir sans cesse des sublimes enseignements qu'il ren-
ferme. Le B. Amadée avait dit avant lui ces paroles
prophétiques : Sciendum certissimè quod creberrima
miracula, spirituales visiones, cœlestes revelationes, su-
blimes consolationes almæ Parentis Domini orbi terra-
rum assiduè coruscabunt , donec finem mundus iste se-
nescens inveniat. Dans les derniers temps du monde,
l'aimable Mère du Seigneur multipliera ses révélations,
ses miracles, favorisera ses enfants de visions spirituel-
les plus fréquentes , et les remplira de sublimes conso-
lations. Et il faut tenir tout cela pour incontestable et
certain . B. Amad. Episc. Lausan . Hom. 8 in B. M. V.
3
38 1
de Port-Maurice ' , comme devant suivre la dé-
finition du dogme de l'Immaculée Conception !
Aussi , de toute part les âmes s'émeuvent et se
tournent vers leur glorieuse et aimable Souve-
raine..... Et partout , dans le monde , ses confré-
ries, des instituts même qui portent son nom , se
multiplient , son Mois béni se fait chaque année
avec une solennité qui semble toujours grandir,
ses louanges retentissent sur toute la terre......
O !.... ADVENIAT REGNUM TUUM, O MARIA ! ...
Mais, hélas ! au milieu de tant de témoignages
d'amour dont notre auguste Mère est l'objet, que
voyons-nous trop souvent? Une dévotion toute
extérieure et presque sans profit pour les âmes ;
dévotion vague , entretenue et nourrie malheu-
reusement par la lecture de cette multitude de ré-
centes publications sans fond , sans théologie , où
la véritable onction est si rare et d'où les saines
et pures doctrines chrétiennes sont presque tou-
jours exclues pour faire place à des phrases d'un
sentimentalisme enthousiaste , qui n'apporte à
l'esprit aucune lumière, aucune pensée sérieuse,
et laisse le cœur vide et sans volonté forte pour
le bien. C'est la piété moderne dans la dévotion
à Marie. Puis , dans le culte extérieur qui est
tout pour ces âmes , beaucoup de chants , de
fleurs, d'illuminations et de fêtes ; et quand tout
cela a réussi , vous diriez que la ferveur est à

Lettre 66º de sa correspondance. Edit. Casterm .


39
'son comble. Or , voilà une déplorable illusion.
Assurément , ces manifestations extérieures de
piété viennent d'une intention bonne et répon-
dent à l'amour que la sainte Eglise porte à sa Sou-
veraine ; et que n'avons-nous, nous aussi , pour
satisfaire un besoin de notre cœur, une voix as-
sez puissante pour crier à toute la terre , avec saint
Thomas de Villeneuve : Multipliez vos efforts ;
que votre zèle, que votre enthousiasme s'élève
toujours plus haut ; chantez, glorifiez , louez ! Ma-
rie sera toujours au-dessus de vos éloges , Elle
méritera toujours plus que vos fêtes, vos can-
tiques, vos acclamations ' . --- Mais si notre dé-
votion s'arrête là , et que les vertus de notre
Mère, sa vie , le sens de ses mystères ne soient
pas principalement l'objet de nos méditations,
de nos ferventes prières , de notre imitation , notre
religion est vaine, et nous trompons nous -mêmes
notre cœur. Pensons-y sérieusement , Enfants de
Marie , pour l'amour de notre tendre Mère....
Vous, pieux Enfants de Notre- Dame Réconci-
liatrice, si vous avez compris (et même n'auriez-
vous fait que commencer à comprendre ) le tou-
chant spectacle de Marie versant des larmes, por-
tant sur son cœur Jésus crucifié , nous appelant à
la conversion , choisissant de préférence les pe-
tits et les pauvres , vêtue elle-même comme les
'Quantum potes tantum auge, quantum vales tantum
adde : Major est ista Virgo, superior est Virgo ista, etc.
etc. ap . X. Saman. ubi sup.
40
plus humbles servantes, nous donnant l'exemple
des grandes et fortes vertus , de patience, d'hu-
milité, de charité , de zèle , si vous avez com-
mencé à méditer, à approfondir, à aimer, à goû-
ter et à pratiquer ce beau mystère , Marie sera
pour vous, dans votre dévotion d'enfant , tout ce
qu'Elle veut être , votre Réconciliatrice , votre
Avocate, votre Modèle surtout, ― Modèle ravis-
sant qu'il faut sans cesse avoir devant les yeux
pour le reproduire fidèlement dans notre vie.
Voilà en ce monde le caractère essentiel de notre
dévotion à notre Mère porter en nous les traits
bénis de celle que nous honorons , que nous
louons, et dont nous portons avec tant de joie le
nom et les livrées.
III. Ce qui nous reste à dire de l'excellence de
la dévotion à Notre Dame Réconciliatrice , paraf-
tra d'abord difficile à prouver ; mais nous ne dou-
tons pas qu'une étude plus sérieuse du Mystère
de la Salette ne justifie , aux yeux des pieux
fidèles , notre manière de le considérer. Voici
notre proposition : La dévotion à Notre- Dame de
la Salette bien comprise suffit à elle seule pour
élever l'âme à la perfection chrétienne, - ou, en
d'autres termes , la sainte Apparition de notre
Mère est toute une école de Théologie mystique.
Nous allons expliquer notre pensée.
La Théologie mystique est la partie de la Théo-
logie qui traite des principes et donne les règles
41
propres à faire avancer l'âme chrétienne jusqu'à
la plus haute perfection , qui est la charité par-
faite. Sous ce point de vue, la Théologie mystique
est une vraie science. Considérée pratique-
ment, elle est le chemin lui-même qui conduit à
la perfection . Or , dans cette voie spirituelle , les
auteurs qui en ont traité , distinguent trois degrés
ou ascensions de l'âme, qu'ils appellent, voie pur-
gative , voie illuminative et voie unitive , et ils en
décrivent ainsi les œuvres : Dans le premier degré,
l'âme s'attache principalement à détruire en elle le
péché et toutes les sources de péché , en mortifiant
courageusement ses mauvaises passions par les
œuvres de la pénitence et par la prière ; dans le
deuxième degré , elle s'exerce surtout à la pra-
tique des vertus chrétiennes , éclairéc , soutenue
et fortifiée par la méditation des exemples de
Notre-Seigneur, de la sainte Vierge et des Saints ;
enfin , le troisième degré , c'est l'union de l'âme à
Dieu par la charité parfaite, autant que cette
union est possible dans cette vie. On dirait alors
que la charit qui est dans cette âme, l'a purifiée
de tout mal, et que le souverain Bien s'est donné
à elle par une union désormais indissoluble. Le
caractère le plus parfait de cet état sublime , c'est
une participation plus abondante , plus intime à
l'esprit de Jésus crucifié et l'amour héroïque de
la souffrance acceptée et désirée pour la plus
42
grande gloire de Dieu, son suprême bon plaisir
et le salut des âmes ' .
C'est là en peu de mots l'ensemble de la pra-
tique de la perfection chrétienne. Or, tout cela se
trouve d'une manière admirable dans la céleste
Apparition . Nous ne pourrons ici le montrer que
très-brièvement. Il faudrait un ouvrage à part
pour exposer et développer convenablement à ce
point de vue le ravissant mystère de notre tendre
Mère de la Salette 2.

' Schram , Theol. myst., t. 1 , § 332-5. Transformationis


passivæ (quæ supremus est contemplationis gradus pri-
mum signum est : si anima intimis visceribus Christo
crucifixo uniatur. Secundum signum est : pati cum desi-
derio patiendi, etc.
2 Nous avions conçu déjà cette manière d'envisager
l'Apparition, lorsque , il y a quelque temps, lisant avec
le plus vif intérêt un ouvrage déposé par l'auteur lui-
même aux pieds de Notre-Dame de la Salette, sur la
sainte montagne, et sorti de cet illustre oratoire de Lon-
dres qui nous a déjà donné tant de livres remarquables
nos yeux s'arrêtèrent sur ce passage : « Les paroles (de
» la sainte Vierge dans ses diverses apparitions ) pren-
nent rarement la tournure dogmatique , et semblent
plus précieuses par les germes de vie divine qu'elles
» contiennent, que par leur propre importance . Cepen-
» dant je ne doute pas que leur ensemble ne puisse for-
» mer un corps de théologie mystique admirable. » (R.
P. Philpin, Union de Marie au fidèle et du fidèle à Marie,
p. 186. ) Ces paroles furent pour nous une nouvelle lu-
mière, une consolation et un encouragement. Le pieux
43
En général , les paroles de la très-sainte Vierge,
dans l'apparition , se rapportent au premier de-
gré de la vie spirituelle qui est la vie purgative .
La Mère de miséricorde y invite le pécheur à
quitter le péché en se soumettant à Dieu , à en
comprendre toute la malice par ce qu'il est en
lui-même et par les châtiments épouvantables
qu'il attire sur le pécheur ; et enfin à se porter
généreusement , par le motif puissant de son
propre exemple et de la reconnaissance que ses
enfants lui doivent, aux pratiques de la prière et
de la mortification chrétienne .
L'âme fidèle à la voix de Marie peut passer en-
suite aux exercices de la vie illuminative , à l'école
de la céleste Apparition . Il est , en effet , bien re-
marquable de voir le nombre et l'excellence des
vertus dont notre auguste Mère nous donne
l'exemple ou qu'elle nous recommande : c'est la
religion envers Dieu , la confiance , l'humilité , la
pénitence, la modestie , la pureté , la patience , la
charité surtout, avec la variété des objets qu'elle
embrasse : charité envers Dieu , zèle de sa gloire et
amour de tous ses intérêts , charité envers le pro-
chain, les pécheurs , les affligés, les petits , les en-
fants , les ignorants , les pauvres, les ennemis . En-
fin , Jésus crucifié que notre Mère nous présente est
à lui seul le modèle parfait des âmes qui avancent
écrivain signale seulement les paroles de la sainte Vierge
en général ; ici nous avons tenu compte des moindres
circonstances de l'Apparition.
44
dans la voie illuminative. Ainsi , rien ne manque,
dans la sainte Apparition , pour répondre aux exi-
gences de ce deuxième degré de la Théologie mys-
tique. Mais ce grand miracle est aussi l'école des
âmes parfaites. Les états surnaturels de la sainte
Vierge répondent particulièrement aux merveilles
de la vie unitive. Contemplez , méditez , méditez
sans cesse, âmes choisies , cet état d'immolation
dans lequel Elle se montre , cette attitude de vic-
time anéantie devant la grandeur et la justice de
Dieu, cette souffrance extrême qui la tient proster-
née vers la terre, la peine qu'elle prend pour nos
ames, peine si grande qu'aucun dévouement, au-
cun sacrifice de notre part ne pourrait la récom-
penser, et ce zèle dévorant pour la gloire et l'hon-
neur de Dieu, et l'union étroite à Jésus crucifié
qu'elle porte sur son cœur , et en même temps,
dans sa douleur , cette gloire qui l'environne , celle
élévation mystérieuse au-dessus du sol , ces larmes
qui coulent en abondance et qui sont cependant
brillantes comme des perles de lumière , tant
d'admirables détails de ce merveilleux événement;
méditez, priez, contemplez, nourrissez - vous , dés-
altérez - vous, enivrez-vous , comedite , bibite,
inebriamini ' ; vous trouverez là , dans ce beau
mystère d'amour, toutes les richesses de cette vie
d'union à laquelle la divine bonté vous appelle.
La sainte Apparition de notre Mère est compa-
' Cant. Cant. 5-1.
45
rable au champ de la parabole qui renferme un
riche trésor ' . Heureux l'homme qui acquerra ce
trésor au prix de tous les sacrifices ; c'est-à-dire ,
heureux celui qui , par la mort au péché , au monde
et à lui-même, arrivera à l'intelligence et à la pra-
tique de ces sublimes enseignements ! Notre ai-
mable et miséricordieuse Mère semble nous dire,
à la Salette, les paroles qu'elle nous adresse dans
les offices de ses Fêtes : J'aime ceux qui m'aiment,
et ceux qui me cherchent me trouvent. Le bonheur
est assuré à l'âme fidèle qui écoute mes paroles ,
et qui veille à l'entrée de ma demeure el au seuil
de ma porte. Celui qui me trouve, trouve la vie, et
il puisera en moi le salut qui vient du Seigneur 2.

CHAPITRE IV.

DE L'ESPRIT DE LA DÉVOTION A NOTRE- DAME


RECONCILIATRICE DE LA SALETTE .

L'esprit de la dévotion à Notre- Dame Réconci-


liatrice, c'est la disposition intérieure et surna-
turelle qui, fondée sur l'intelligence des vues de
notre Mère apparaissant à la Salette, nous porte à
les remplir et à les réaliser dans la pratique de la

' Matth., 43, 44.


Proverb. 8 et 9. Off. B. M. V. per annum.
3.
46
vie chrétienne . Or, les vues de l'auguste Marie,
dans son apparition , semblent avoir été principa-
lement d'inspirer à tous ses enfants , par amour et
par reconnaissance pour elle , la crainte d'offenser
Dieu , l'horreur du péché et la satisfaction pour
le péché . C'est le sens général et des paroles de
cette divine Mère, et de ses larmes et des états
surnaturels dans lesquels elle se montre à nous,
et de tout ce mystère de douleur : de sorte que,
pour le dire en un mot, l'esprit de Notre- Dame de
la Salette est un esprit d'expiation en union
avec Marie ; et les âmes qui auront le bonheur de
recevoir en elles cet esprit, d'en faire le caractère
spécial de leur vie , et de l'imprimer comme un
sceau à toutes leurs œuvres , seront de véritables
victimes d'expiation en union avec la divine Ré-
conciliatrice, pour leurs propres péchés , d'abord ,
et ensuite pour ceux de tous les pécheurs de la
terre.
Nous allons expliquer, par une analyse simple
et succincte , les dispositions particulières et les
degrés qu'embrasse cet esprit de la dévotion à
Notre-Dame de la Salette.
I Le premier degré , c'est la Contrition de
nos propres péchés . - Nous avons été transfé-
rés , comme parle saint Jean , de la mort à la vie ',
par le saint baptême, et vous avez maintenant,
enfant de Notre -Dame de la Salette , l'humble

14. Joan, 3, 14.


47
confiance que vous jouissez du bonheur de l'état
de grâce, et vous faites, sans doute, tous vos ef-
forts pour le maintenir en vous . Mais n'avez-vous
jamais , dans toute votre vie , offensé mortellement
le Dieu d'amour, et fait couler les abondantes
larmes de notre Mère ? Si vous l'avez fait une
seule fois , n'oubliez pas que cela suffit pour que
vous en portiez la douleur jusqu'au jugement par-
ticulier. Considérez les Saints qui ont le plus aimé,
saint Pierre et sainte Madeleine ils sont, toute
leur vie , inconsolables dans leur amour d'avoir
contristé autrefois le Dieu d'éternelle charité.
Avant eux, David avait sans cesse son péché
devant les yeux , et il ne se lassait pas de dire :
Seigneur, purifiez- moi toujours davantage de
mon iniquité ' . Sans doute que votre péché vous
a été pardonné, mais le péché , même pardonné,
dit le Saint-Esprit, ne laisse pas d'être à crain
dre , non en lui- même, mais dans ses suites ;
en séjournant dans votre âme , il a fortifié votre
inclination pour le mal , il a rendu pour vous l'il ,
lusion plus facile , il a donné plus de hardiesse à
vos ennemis. De quelle profonde haine il doit
donc être l'objet ! Et puis , songez que le péchéque
Vous avez commis vous méritait des tourments
éternels dans l'enfer ; ce n'est donc pas trop que
de le poursuivre et de l'expier par une contrition
Ps . 50. Amplios lava me ab iniquitate mea. -- Et pec-
catum meum contra me est semper.
2 Eccli. , 5, 5.
48
qui ne s'affaiblisse jamais en vous toute la vie.
Enfin, sans cette haine profonde du péché mortel,
sans cette horreur de l'offense de Dieu , sans cette
vive et douloureuse peine d'avoir contristé notre
Mère , comment seriez-vous reçus à vous pré-
senter à elle, afin de satisfaire pour les pécheurs ,
en union avec son cœur brisé de la douleur qu'elle
ressent des péchés du monde ?
Mais peut-être avez-vous cette confiance que
yous n'avez jamais commis que des péchés véniels
(qui peut cependant se rendre ce témoignage ?) :
eh bien, même dans ce cas , n'oubliez pas que la
contrition , la douleur de l'offense de Dieu , la
haine de toutes les occasions qui l'amènent , ne
doivent pas être moins profondément imprimées
dans notre âme. D'abord , sans ce sentiment sur-
naturel, vous pourriez bien vous - même , avec les
illusions et les faiblesses qui vous sont si natu-
relles, passer un jour ou l'autre du péché véniel ,
médiocrement har et redouté, dans l'abîme du
péché mortel ; et cette seule possibilité n'est-elle
pas effroyable , quand on porte un cœur d'enfant
de Dieu et de Marie, et ne suffit-elle pas pour nous
inspirer la plus vive horreur de nos moindres
fautes ? Mais ensuite vous voulez être l'enfant de
celle qui pleure sans cesse sur les péchés des
hommes ; or, pourriez -vous convenablement être
admis à vous associer à elle, à vous unir à son
cœur, sans ce sentiment douloureux et profond,
que vous avez vous même fait couler ses larmes?
49
Car cette digne Mère de Jésus, cette incompara-
ble Servante de Dieu , comprend d'une manière si
parfaite l'injure, qu'un seul péché, celui qui nous
touche le moins , fait à la majesté et à l'amour de
notre Dieu , qu'une seule de ces fautes que nous
regrettons si peu , suffirait , si c'était possible, pour
altérer tout le bonheur dont elle jouit au ciel.
Et c'est le sens des larmes qu'elle versait dans son
apparition , des paroles si pleines de tristesse
qu'elle adressait à tous, dans la personne des
petits enfants : « Depuis le temps que je souffre
pour vous ! Vous aurez beau prier, beau faire,
jamais vous ne pourrez récompenser la peine que
j'ai prise pour vous. »
Ainsi , un enfant de Notre-Dame Réconciliatrice
véritablement uni à cette Mère affligée , par l'a-
mour, la reconnaissance, le dévouement, portera
désormais , comme un caractère propre à sa vie
chrétienne , la contrition douloureuse et cons-
tante dans son cœur des péchés commis par lui,
mortels et véniels , avec la résolution énergique,
efficace, de les éviter désormais, d'en fuir toutes
les occasions, d'en redouter même les apparen-
ces. Et c'est pourquoi , dans cet esprit :
1° I observera fidèlement tous les commande-
ments de Dieu et de l'Eglise , accomplissant sur-
tout d'une manière aussi parfaite et aussi méri-
toire que possible ceux que notre divine Mère a
recommandés dans son Apparition , le deuxième
50
et le troisième des commandements de Dieu , le
cinquième et le sixième de l'Eglise ;
2º Il s'attachera à la pratique généreuse de tous
les conseils évangéliques qui lui sont nécessaires,
eu égard à ses dispositions particulières , pour évi-
ter le mal et faire le bien , comme sont la fréquen-
tation des sacrements , l'oraison mentale , cer-
taines pratiques de pénitence et de charité, etc.;
3º Il s'exercera à la mortification des passions
mauvaises en général , mais particulièrement à
celle de la passion dominante qui est la source
de la plupart des péchés mortels et véniels que
nous commettons ;
4º Il portera en son cœur une aversion profonde
pour l'esprit du monde, ses maximes, tout ce qu'il
aime ; il aura en horreur les mauvaises lectures ,
les discours pernicieux , toutes les compagnies
dangereuses , et évitera même celles qui sont pu-
rement profanes ;
5° Enfin , il aimera à se nourrir du pain des
larmes , comme parle David , c'est-à-dire , qu'il
aimera à repasser dans son cœur les motifs de
contrition que la foi nous fournit , s'attachant à
ceux qui le portent davantage à la ferveur et à
l'amour de Dieu . Ces divers motifs sont les Per-
fections et la Bonté de Dieu que nous avons of
fensé, la Passion et toutes les souffrances de
N.-S. Jésus · Christ que nous avons rendues
inutiles pour nous ; le Ciel que nous avons
perdu ; l'enfer que nous avons mérité ; la perte de

2
51
l'état de grâce et de l'amitié de Dieu ; la diffor-
mité et le désordre du péché , et les suites malheu-
reuses qu'il entraîne.
Et tout cela en union avec Notre- Dame Récon-
ciliatrice , c'est-à- dire , demandant sans cesse avec
confiance sa maternelle assistance , nous portant
à toutes ses œuvres , en quelque sorte en sa douce
présence et sous ses regards , aimant cet esprit
comme étant le sien , et désirant qu'il se fixe et
demeure en nous pour sa consolation , pour la
gloire et l'honneur de son divin Fils, pour le sa-
lut de toutes les âmes qu'elle porte en son cœur,
en un mot, portant perpétuellement en nous cette
intention en toute chose que les vues miséricor-
dieuses de son Apparition soient remplies .
II. Le second degré de l'esprit d'Expiation , en
union avec Notre Dame de la Salette , c'est la
Pénitence. La pénitence ainsi comprise, c'est
la disposition intérieure et surnaturelle qui nous
porte non-seulement à haïr le péché que nous
avons commis et à l'éviter à l'avenir , mais encore
à satisfaire à Dieu , par l'affliction de l'âme et du
corps . Toutes les œuvres que nous faisons dans
cette disposition , se rapportent d'abord à nous ,
c'est-à-dire que le fruit nous en est appliqué pour
l'acquit de nos dettes envers la divine justice ;
mais en vertu de la communion des Saints et par
un secret admirable de la bonté de notre Dieu ,
nous pouvons aussi les offrir à ce Dieu de misé-
ricorde pour l'expiation des péchés de tous les
52
hommes. C'est en ce sens que saint Paul disait :
J'accomplis en moi , pour le corps mystique de
Jésus-Christ, qui est l'Eglise , ce qui manque aux
souffrances de ce divin Sauveur ' . Assurément ,
rien ne manque à la Passion de Notre- Seigneur,
quant à l'efficacité nécessaire pour opérer notre
salut , puisque les satisfactions qu'il a présentées
à son père sont non -seulement suffisantes , mais
surabondantes . Il est vrai , cependant , que ce divin
Rédempteur qui a souffert une fois , dans son corps
naturel, au Calvaire, veut encore souffrir jusqu'à
la fin des siècles, dans son corps mystique² ; et,
de même que le fruit de sa première passion fut
le salut du monde, le fruit de ces perpétuelles
souffrances dans le corps mystique de l'Eglise ,
c'est-à-dire en chacun de nous, c'est l'expiation
des crimes des hommes et leur réconciliation
avec son Père. Hé bien ! ces intentions du divin
Maître, le grand Apôtre veut les remplir par ses
œuvres de pénitence , et c'est ainsi qu'il accom-
plira suivant la mesure de sa grâce , ce qui manque
aux souffrances de son Sauveur. Entrons , nous
aussi, dans cette voie d'amour. Avant saint Paul,
Marie l'avait parcourue la première.
On distingue deux sortes de pénitences : la péni-
tence passive et la pénitence active. La première
consiste principalement dans l'acceptation volon-
taire de toutes les épreuves et peines actuelles
Coloss. 1, 24.
Cornel. à Lap. in Colosa., 1 , 24.
53
de la vie en expiation du péché . Cette disposition
n'est donc autre chose que la résignation chré-
tienne, mais la résignation dans une âme qui re-
connaît qu'il n'y a que justice dans l'épreuve, et
que mème celle-ci , eu égard à la malice du péché ,
devrait être mille et mille fois plus douloureuse .
N'avons-nous pas mérité tous les coups de la co-
lère de Dieu , en méprisant son amour par le
péché ? N'avons - nous pas mérité l'enfer éternel ?
Et si nous prétendons offrir à Dieu notre peine
en satisfaction pour les péchés du monde , la né-
cessité de nous résigner, quelle que soit l'intensité
de la douleur, n'est-elle pas plus pressante encore?
- Ainsi, dans cette disposition d'expiation et de
satisfaction à Dieu , un véritable enfant de Notre-
Dame de la Salette recevra avec humilité et même
avec reconnaissance toutes les épreuves de la vie :
maladies, infirmités , malheurs publics , fléaux ,
revers de fortune, perte de biens, insuccès, ca-
lomnies , persécutions des hommes , et en géné .
ral tout ce qui de leur part exerce notre patience :
leurs contradictions , leurs défauts, leur humeur,
leurs travers , etc. A ces diverses épreuves se joi-
gnent celles qui tiennent à notre position particu-
lière, celles qu'imposent la pauvreté et un travail
nécessaire et force ; et puis les peines intérieures
sans nombre, les appréhensions , les tristesses,
les incertitudes, les découragements , les dégoûts ,
les aridités spirituelles , les scrupules exagérés ; en
un mot, toutes ces douleurs du corps et de l'âme
54
qui oppressent les enfants d'Adam , depuis le jour
de leur naissance jusqu'à la mort, et qui sont la
suite inévitable et naturelle de notre condition de
créature déchue et sujette au péché .
Il y a, en second lieu , la pénitence active ; c'est
celle dont les œuvres dépendent absolument de
notre volonté. Au premier rang, il faut placer la
pénitence.d'obligation qui consiste dans l'obser-
vation fidèle et aussi parfaite que nous le pou-
vons des jeûnes et abstinences de l'Eglise . Vient
ensuite la pénitence qui est tout à fait de notre
choix, et qui est, suivant les œuvres auxquelles
elle nous porte, privation , affliction ou labeur.
La privation comprend les jeûnes, les veilles ,
toutes les mortifications des divers sens, du
goût, de l'ouïe , de la vue , de l'odorat, du toucher
et de la parole , et aussi les mortifications inté-
rieures des passions, de l'imagination , de la vo-
lonté, du cœur. L'affliction embrasse toutes les
œuvres et pratiques qui réduisent le corps en
servitude ; c'est principalement le rôle des ins-
truments de pénitence et des mille moyens de
mortifier sa chair ; mais les âmes ferventes sont
ingénieuses à affliger leurs sens par les pratiques
les plus variées . Enfin , la pénitence compte , parmi
les œuvres qu'elle inspire , une multitude de
saints exercices qui sont en même temps le fruit
de la charité l'aumône spirituelle et corporelle ,
l'instruction des ignorants , la visite des prison-
niers, le soin des malades et des infirmes , toute
55
démarche pénible que nous faisons pour procurer
la gloire de Dieu ou le bien de nos frères , tout ce
qui , pour la même fin , nous fait sacrifier quelque
chose de notre repos , de notre temps , de notre
bien.
Or, toutes ces pénitences, toutes ces œuvres sa-
tisfactoires dans la vue d'expier le péché , de coo-
pérer à la rédemption des âmes, de mériter les
miséricordes de Dieu aux pauvres pécheurs , de
quelque rang qu'ils soient et dans quelque position
qu'ils se trouvent , et tout cela dans la pensée de
répondre aux intentions de l'auguste Mère , appa-
raissant sur cette montagne , de s'unir à ses pro-
pres souffrances , et de nous associer à la peine
extrême qu'elle a prise pour nous , toute sa vie, et
surtout au Calvaire et qu'elle prend encore main-
tenant au ciel par ses supplications : voilà le
deuxième degré de la vraie dévotion à Notre - Dame
de la Salette , et de cet esprit de victime unie à
Jésus qui est le seul Rédempteur, et à Marie , la
divine Réconciliatrice , pour la gloire de Dieu et
le salut du inonde.
III. Le troisième degré de l'esprit de la dévo-
tion à Notre-Dame de la Salette , c'est la Répara-
tion . - Ce troisième degré , qui est le plus élevé
et la perfection même de l'esprit de l'Apparition,
est un état surnaturel digne de nos plus ferven-
tes prières , et il est aux yeux de Dieu d'une beauté
inexprimable. Nous décrivons ici, en quelques
56
mots, les dispositions intérieures de l'âme que
Dieu appelle à cette sublime grâce .
Toutes nos satisfactions n'ont quelque valeur
qu'en Jésus - Christ et par Jésus - Christ. C'est donc
en union avec lui , et en entrant dans l'esprit de sa
réparation et de son sacrifice que nous serons de
vraies victimes sacrifiées et réparatrices pour la
gloire de son Père et le salut des pécheurs . Mais
le cœur de Jésus et le cœur de Marie ne sont-ils
pas un même cœur, et au calvaire , Jésus et Marie
n'étaient-ils pas une même victime ? En nous unis-
sant donc à Jésus , dans le sacrifice de nous-mêmes,
nous nous unissons à Marie ; et pareillement , en
entrant directement dans l'esprit de Marie , nous
nous associons éminemment à l'esprit de Jésus.
Or l'esprit de cette tendre Mère, dans son Appari-
tion , est celui des victimes. Voyez son état avant
qu'elle se lève pour parler, voyez ses larmes , con-
sidérez sur son cœur l'image et les emblêmes du
Sauveur crucifié , approfondissez quelques-unes
de ces paroles : c'est essentiellement l'état de l'âme
anéantie, immolée devant Dieu , en sacrifice pour
sa gloire et pour les âmes, Entrons dans le dé-
tail de ces dispositions admirables .
Le grand moyen de la réparation , c'est l'Immo-
lation : I'Immolation est naturellement précédée
de l'Oblation . En entrant dans le monde , dit saint
Paul, Jésus s'adressa ainsi à son Père : Mon Père,
vous n'avez point trouvé dignes de vous les an-
ciennes offrandes ; mais vous m'avez donné un
57
corps. Alors j'ai dit : voici que je viens , il est
écrit de moi que je ferai votre volonté . Oui ! mon
Dieu , j'ai placé dans mon cœur la loi que vous
m'avez donnée , afin que je sois substitué aux vic-
times anciennes qui ne peuvent point expier le
péché¹ . Cette oblation fut acceptée, et l'immola-
tion vint ensuite , quand Jésus et Marie se trou-
vèrent sur le Calvaire. Mais l'oblation s'était faite
par Jésus et Marie et avec la très-sainte humanité
que le divin Sauveur avait reçue de sa Mère . Et
c'est là une nouvelle raison de ne point séparer
dans notre vœu de nous offrir comme victimes à
Dieu, le grand et unique Rédempteur et sa digne
et fidèle Coopératrice.
Oblation et Immolation , voilà donc l'esprit pro-
pre de la dévotion à Notre-Dame de la Salette :
1° Oblation . Dans cet esprit, les vrais Enfants
de l'Apparition feront, en union avec Notre - Sei-
gneur et sa sainte Mère et par les mains de cette
divine Réconciliatrice , un abandon absolu d'eux-
mêmes à Dieu, se remettant entièrement, pleine-
ment, amoureusement, à sa disposition adorable,
à sa merci , livrant leur âme et leur corps à son
action , à sa souveraine puissance sur eux , pour
qu'il lui plaise de les faire servir , suivant son
bon vouloir, à sa gloire et au bien des âmes, et
acceptant par là-même , dans cette remise totale
à ses vues et à ses desseins , toutes les disposi-
' Hebr., 40, 5.
58
tions de justice comme de miséricorde de sa vo-
lonté toujours sainte sur eux ; se regardant dès
lors comme une chose qui est toute à lui , qui a
passé définitivement sous son domaine , et qui est
heureusement abandonnée à son divin et toujours
aimable bon plaisir.
En conséquence de cette donation , Dieu pourra
faire tomber sur ces âmes les traits de la juste
colère que méritent les pécheurs , cette divine jus-
tice devant nécessairement être vengée, et Dieu
les mettant en la place de ces créatures révoltées
et criminelles , comme Notre- Seigneur fut autre-
fois mis en leur place dans son sacrifice ; mais afin
que cette substitution soit faite d'une manière
pleinement profitable aux coupables , ces âmes
destinées au sacrifice s'exerceront à haïr toujours
davantage les œuvres du péché, comme il est dit
de la grande et unique victime , qu'elle était tout
à fait séparée des pécheurs ; elles s'exerceront à
l'humilité, afin de pouvoir expier tout orgueil ; à
la religion , afin de satisfaire pour les blasphèmes ,
et ainsi de suite pour chacune des vertus chré-
tiennes. Et cette donation et oblation n'a point de
limite non- seulement elle embrasse tout dans
l'âme qui l'a faite , mais elle s'étend à tous les
temps ; non par manière de vœu , ce qui serait
l'objet d'explications particulières, mais au moins
par l'effet d'une disposition ferme , généreuse et
sincère , que l'on veut rendre autant qu'il est en
soi irrévocable et absolue dans tous les sens.
59
2° L'Immolation. L'Immolation est le parfait
accomplissement de ce qui manque à la Passion
de Jésus -Christ ; c'est par elle que nous désaltė-
rons la soif de souffrances qui est en son cœur et
en celui de sa divine Mère , mais qu'il ne peut sa-
tisfaire depuis sa Résurrection , qu'en souffrant
dans les membres de son Eglise , qui sont les
membres de son corps mystique.
C'est pourquoi, premièrement, les vrais enfants
et serviteurs de Jésus en Marie, Notre- Dame
Réconciliatrice de la Salette, se réjouiront d'en-
trer par toutes les voies crucifiantes où Dieu les
fera passer, dans l'entier accomplissement des
vues du divin Sauveur et de sa sainte Mère, pour
la rédemption des âmes. Ils se considéreront sans .
cesse comme des victimes mortifiées et immolées ,
et dans cet esprit, ils accepteront avec le plus
grand amour, toute la part qu'il plaira aux Cœurs-
Sacrés de leur donner des mystères de la Passion
et de la Compassion , recevant toujours en union
à ces mystères toutes les épreuves qui leur vien-
dront de Dieu et toutes les contradictions des
créatures. Ils pratiqueront en même temps, de la
manière la plus parfaite, tout ce qui est dit dans
le premier et le second degré, c'est-à-dire qu'ils
porteront dans leur âme le sentiment habituel et
profond de la malice du péché et de la haine et de
la punition qu'il mérite , et crucifieront leur chair
avec tous ses vices et ses concupiscences, faisant
aux inclinations du vieil homme une guerre in-
60
cessante, et portant partout et toujours dans leur
âme et dans leur corps la mortification de Jésus-
Christ.
En second lieu , ces vrais enfants de Notre - Dame
Réconciliatrice s'appliqueront aux vertus qu'elle
a elle -même recommandées ou pratiquées dans
son Apparition , et qui sont les vertus propres de
cet état de victimes immolées, sacrifiées avec Elle ;
et ils s'exerceront à les pratiquer actuellement
dans leurs œuvres, avec la plus grande perfec-
tion c'est une Religion parfaite envers Dieu , un
zèle ardent de sa gloire et de l'accroissement de
son règne et de la sanctification universelle de
son nom, un esprit d'adoration , de louanges,
d'actions de grâces , de supplication , de prière, de
prière habituelle , avec notre Mère , puisqu'Elle a
dit : Je prie sans cesse pour vous.... ; un amour
tendre, compatissant , désintéressé des âmes et de
tous leurs intérêts éternels , amour qui nous porte
à prendre sur nous l'infection de leurs péchés et
le châtiment qui leur est dû , charité infatigable
que rien ne rebute ni ne ralentisse et dont les œu-
vres soient, en quelque sorte , nombreuses comme
la multitude des âmes à qui elles peuvent servir ;
c'est en même temps une humilité et un esprit
d'anéantissement et d'humiliation très- profond ,
l'amour de la croix , la pauvreté , la modestie , la
charité, l'obéissance, la patience, pratiquées au
degré le plus parfait, pour Dieu seul . En un mot,
ces âmes privilégiées de la divine Réconciliatrice
61
porteront en elles-mêmes tous ses traits , et seront
extérieurement auprès des hommes comme une
sainte et admirable reproduction et révélation
d'Elle-même . Elles seront véritablement nourries
en leur intérieur de son esprit , et seront extérieu-
rement revêtues de son touchant mystère .
Après cela, il ne nous appartient pas de dire les
grâces et les états surnaturels dont Dieu daignera
les favoriser ; mais de quelles bénédictions ne se-
ront pas comblées les âmes qui se livrent ainsi à
la grâce et qui ne veulent, pour l'amour de Marie,
que cette grâce, au détriment de tout ce que la
nature aime le plus . Dieu n'est- il pas abondant
dans ses largesses , et se laisse-t- il vaincre en
générosité? Attendez donc de Lui ', vrais Enfants
de Marie, d'ineffables faveurs.
Voilà en quelques mots ce que nous avions à dire
de l'esprit dans lequel entreront les vrais enfants
de la sainte Apparition . Nous disons : entreront,
non pour donner à entendre que notre auguste
Mère n'ait pas encore trouvé un grand nombre
d'âmes qui aient compris son esprit et qui le pra-
tiquent, mais pour indiquer la voie à ceux qui
voudront répondre aux vues de cette Bien-Aimée .
Nous croyons même que ces vues sont dès main-
tenant remplies par une multitude d'âmes fer-
ventes et généreuses dans la sainte Eglise . Plu-
sieurs sont les enfants de l'Apparition sans con-
naître l'Apparition , parce que ces âmes sont
livrées à l'Esprit de Dieu, et l'Esprit de Dieu est
62
indépendant des circonstances qui n'ont pas per-
mis que cet évènement leur fût connu ; mais il les
revêt du mystère de l'Apparition , parce qu'il est
le salut du monde coupable. Il y a ainsi des com-
munautés entières, et dans diverses communau-
tés , des âmes isolées, conduites dans ces voies
d'immolation , et dans le monde bien des person-
nes qui ont reçu la même grâce, et elles ont toutes
l'esprit de la Salette. Mais il y a aussi d'autres
âmes qui ont cet esprit et qui tiennent à l'Appa-
rition par une relation de cœur et de volonté
directe et immédiate ; et celles-ci sont plus parti-
culièrement les enfants de l'Apparition . Qu'il
plaise à la divine Miséricorde de les multiplier
sans cesse, et de les diriger dans leur voie, et d'ê-
tre jusqu'à la fin glorifiée en elles .

CHAPITRE V.

DE L'ARCHICONFRÉRIE DE NOTRE - DAME RÉCONCI-


LIATRICE DE LA SALETTE .

1. Origine de l'Archiconfrérie . Erection. -


Faveurs du Saint Siége. Notre auguste Mère
avait dit : « Si je veux que mon Fils ne vous
abandonne pas , je suis chargée de le prier sans
cesse. » On sentit de bonne heure la nécessité de
s'unir à cette miséricordieuse Médiatrice, pour
63
fléchir la juste colère de son Fils. Dès le mois de
mai 1848, M. le curé de la Salette, autorisé par
Mgr l'Evêque, et dans la pensée de répondre à la
piété de toutes les âmes qui goûtaient déjà le
don de Dieu , ouvrit un registre et commenca à
recueillir les noms de cette multitude d'âmes fer-
ventes. Les témoignages de foi et d'adhésion à la
parole des petits enfants de la Salette arrivèrent
de toutes parts. On demanda , avec un peu d'eau et
quelques prières, la faveur de faire inscrire son
nom pour l'association , et au bout de quelques
années , comme l'atteste la lettre du R. P. Bur-
noud que nous citerons plus bas , le nombre des
associés s'éleva à près de 50,000.
Cependant le mandement doctrinal du véné-
rable Evêque était vivement attendu . Ce juge-
ment décisif était indispensable avant de procéder
à l'érection canonique de la Confrérie . Il fut en-
fin porté à la grande joie de tous les enfants de
Notre-Dame de la Salette déjà répandus dans le
monde entier. Le 19 septembre 1851 parut ce
mandement à jamais mémorable qui déclarait :
Que l'Apparition de la sainte Vierge à deux
bergers, le 19 septembre 1846 ...., portait en elle-
même tous les caractères de la vérité, et que les
fidèles étaient fondés à la croire indubitable et
certaine . » Un second mandement, daté du
1er mai 1852, fonda la communauté des Mission-
naires de Notre-Dame de la Salette. Ces heu-
reux enfants de Marie ne tardèrent pas d'arriver
64
à la sainte Montagne . Un de leurs premiers soins
fut de continuer l'œuvre de l'association de priè-
res, commencée par le digne curé, M. Perrin. Le
nombre des associés se multiplia d'une manière
prodigieuse. C'est alors que le R. P. Burnoud,
supérieur de la communauté naissante, sollicita
de Mgr de Bruillard l'érection canonique de la
Confrérie, par une lettre datée du 22 août de la
même année. Nous la reproduisons ici , parce
qu'elle nous fait connaître l'esprit qui , dès les pre-
miers temps, poussait toutes les âmes vers la
sainte Montagne .

Lettre du P. Burnoud.
MONSEIGNEUR ,
Plusieurs personnes , profondément touchées
des reproches qu'a fait entendre , sur la montagne
de la Salette , la Mère des miséricordes ; justement
effrayées des maux qui nous sont annoncés par la
divine Messagère ; ardemment désireuses d'en
trer dans l'esprit de cette miraculeuse Apparition,
dont le but est de nous engager à fléchir la co-
lère du Seigneur, par un retour sincère à l'ob-
servation des commandements de Dieu et de
l'Eglise , se sont depuis plusieurs années réunies
à cet effet, en association de prières et de bonnes
œuvres, sous le vocable de Notre - Dame Récon-
ciliatrice de la Salette. Un registre fut ouvert pour
recueillir leurs noms ; et depuis notre récente
65
installation sur la sainte Montagne , le nombre
des associés est toujours allé en augmentant ;
aujourd'hui le nombre des personnes inscrites
s'élève à près de cinquante mille. Un bon nombre
appartient à votre diocèse ; cependant la plus
grande partie est , non -seulement de la France,
mais encore de presque tous les Etats de l'Europe,
et de quelques - uns de l'Amérique.
Je ne doute pas , Monseigneur , que cette asso-
ciation ne soit appelée à prendre de plus grandes
proportions et à opérer un bien immense , soit en
faveur des personnes qui en feront usage , soit en
faveur des pécheurs en général , si Votre Gran-
deur daigne l'ériger canoniquement et en dresser
et approuver le règlement.
Veuillez agréer, Monseigneur , l'assurance de la
vénération profonde et de l'obéissance sans
bornes de votre très- humble serviteur ,
BURNOUD ,
Chan . hon., supérieur des miss.
de N.-D. de la Salette.
Au Pèlerinage de Notre-Dame de la Salette, le
22 du mois d'août 1852.
2
Mgr de Bruillard répondit par l'ordonnance
suivante :

Ordonnance de Mgr Philibert de Bruillard.


Philibert de Bruillard , par la miséricorde di-
vine et la grâce du saint Siége apostolique , Evê-
que de Grenoble ; 4.
66
Vu la supplique à nous adressée par le Père
Burnoud, supérieur des missionnaires de Notre-
Dame de la Salette, tendant à ce qu'il nous plaise
d'ériger canoniquement, dans le sanctuaire de
Notre-Dame de la Salette, une pieuse association
de prières et de bonnes œuvres ;
Après avoir apprécié le but principal de cette
Association exposé dans le règlement qui suit la
présente ordonnance ;
Vu les précieuses indulgences que , sur notre
demande et par un bref du 26 août 1852 , le sou-
verain Pontife Pie IX a daigné accorder à cette
pieuse Association en vue de son érection cano-
nique indulgences dont on trouvera le tableau
à la suite du règlement ci -joint ;
Vu l'érection par notre très- saint Père le Pape
Pie IX, de la même association en Archiconfrérie ,
sous le vocable de Notre-Dame Réconciliatrice
de la Salette , érection prononcée par un bref en
date du 7 septembre 1852 ;
Voulant donner un nouveau témoignage de
notre foi à la miséricordieuse Apparition de l'au-
guste Mère de Dieu sur la montagne de la Sa-
lette ; de notre reconnaissance envers la divine
Messagère dont l'amour et la sollicitude mater-
nelle se sont si admirablement manifestés dans
cette miraculeuse Apparition ; de notre ardent dé-
sir de voir, enfin , les pécheurs convertis , les lois
de Dieu et de l'Eglise observées, les maux dont
la justice céleste nous menace, conjurés ;
67
Nous avons érigé et nous érigeons par les pré-
sentes, dans le sanctuaire de Notre-Dame de la
Salette, canton de Corps, de notre diocèse , une
pieuse Association de prières et de bonnes œu-
vres, sous le vocable d'Association en l'honneur
de Notre-Dame Réconciliatrice de la Salette.
Cette association sera régie par le règlement
ci-joint, que nous avons revêtu de notre appro-
bation.
Donné, à Grenoble, en notre palais épiscopal,
le 21 novembre 1852.
+ PHILIBERT ,
Evêque de Grenoble.
Par mandement :
AUVERGNE ,
Chanoine honoraire, secrétaire.

Règlement de l'Archiconfrérie de Notre-Dame


Réconciliatrice de la Salette.

1. - Une association de prières et de bonnes


œuvres est établie dans le sanctuaire de Notre-
Dame Réconciliatrice de la Salette , diocèse de
Grenoble. 3
---
ᏞᎥ . - Le but de l'association est :
1º D'apaiser, par la médiation de la très-sainte
Vierge, sous le vocable de Notre -Dame Réconci-
liatrice de la Salette, la colere de son divin Fils
spécialement irrité par la violation des premier,
second et troisième commandements de Dieu,
68
et des cinquième et sixième commandements de
l'Eglise ;
2º D'obtenir de Notre - Seigneur Jésus-Christ,
par l'intercession de Notre -Dame Réconciliatrice
de la Salette , des grâces spéciales de conversion
pour les pécheurs , leur retour à l'observation des
commandements de Dieu et de l'Eglise , mais spé-
cialement à la pratique du premier , par la foi ,
l'espérance, la charité et la prière ; du second ,
par le respect pour le saint nom de Dieu et par
le zèle par rapport à l'extinction du blasphème ;
du troisième, par la sanctification du dimanche et
des fêtes, c'est-à-dire par l'assistance assidue à la
sainte messe et l'abstention des œuvres serviles ;
du cinquième et du sixième commandements de
l'Eglise, par le jeûne et l'abstinence des aliments
gras les jours où l'obligation en est prescrite et
lorsqu'il n'y a pas des motifs de dispense ;
3º D'obtenir, enfin , les grâces spirituelles et
temporelles dont les met.bres de l'association
peuvent avoir besoin.
III. Les associés s'efforceront d'atteindre ce
triple but :
1° En priant beaucoup à cette intention ;
2º En observant eux- mêmes et en faisant ob-
server par toutes les personnes qui leur sont
soumises, tous les commandements de Dieu et
de l'Eglise, mais spécialement ceux désignés ci-
dessus ;
3º En faisant passer à tous le peuple de Marie
69
les reproches, les recommandations et les menaces
de la divine Mère ;
4º En mettant en commun toutes leurs prières ,
leurs bonnes oeuvres et leurs mérites ;
5º En récitant à la fin de leurs prières du ma-
tin et du soir cette invocation : Notre- Dame de
la Salette, Réconciliatrice des pécheurs, priez
sans cesse pour nous qui avons recours à vous ;
ou cette autre : Notre-Dame Réconciliatrice de la
Salette, ne cessez pas de soutenir le bras de
votre divin Fils et de le prier pour nous ; ou le
Sub tuum præsidium , et enfin un Pater et un Ave
Maria en latin ou en français . Le Pater et l'Ave
Maria sont seuls d'obligation . On peut appliquer
à cette intention le Pater et l'Ave de la prière du
matin ou du soir.
IV. -- Tous les catholiques , hommes et femmes,
sont appelés à entrer dans cette association . Les
enfants eux-mêmes peuvent y être admis.
V. - Chaque associé donnera au directeur de
l'Archiconfrérie ses noms de baptême et de fa-
mille pour être inscrits sur les registres de l'As-
sociation . Il suffit que les religieux et religieuses
donnent leurs noms de religion.
VI. Une indulgence plénière étant accordée
pour le jour de l'entrée dans l'Association , il est
très-désirable que la réception des membres ait
lieu dans l'église et avec solennité , et que cha-
cun d'eux reçoive en ce jour une image de Notre-
70
Dame de la Salette et une médaille bénite qu'ils
sont invités à porter sur eux.
VII. Le Supérieur des missionnaires de
Notre-Dame de la Salette est le directeur de l'As-
sociation . Il nomme, s'il le juge à propos, un ou
plusieurs autres Pères de sa congrégation pour le
représenter en cette occasion et le suppléer en
tout ce qui a rapport à l'Association.
VIII. Les fêtes de l'Association sont : 1° l'an-
niversaire de l'Apparition , que l'on célèbre le 19
septembre ou le dimanche d'après , quand le 19
re tombe pas le dimanche , et il y a indulgence
plénière pour cette fête ; 2 la Présentation de la
sainte Vierge, 21 novembre ; 3º la Purification de
la sainte Vierge, 2 février ; 4° la Compassion de
la sainte Vierge , le vendredi de la semaine de la
Passion , ou le jour où elle est fixée par l'Evêque
du diocèse : 5º la fête de Notre-Dame du Mont
Carmel, le 16 juillet. Pour ces quatre dernières
fêtes, déterminées par Mgr l'Evêque, en vertu du
bref du 26 août 1852, il y a indulgence de sept ans
et de sept quarantaines.
IX. Tous les dimanches, sur la sainte Mon-
tagne et dans la chapelle de Notre- Dame de la
Salette, desservie à Grenoble par les Mission-
naires, et une fois par mois , le dimanche , dans
les autres paroisses où la Confrérie de Notre-
Dame Réconciliatrice sera établie, il y aura un
exercice d'expiation pour fléchir le Seigneur . On
71
y chantera le Miserere , le Parce, trois fois , puis le
Sub tuum præsidium et le Tantum ergo, qui sera
suivi de la bénédiction du très-saint Sacrement et
du Laudate. Après la bénédiction , on récitera un
Pater et un Ave pour les associés et les bienfai-
teurs du sanctuaire de Notre -Dame Réconcilia-
trice de la Salette, et un De profundis pour les
bienfaiteurs et les membres de la Confrérie dé-
cédés. Une allocution précédera d'ordinaire cet
exercice ' .
X. - Tous les premiers samedis de chaque
mois, un des missionnaires offrira, dans le sanc-
tuaire de Notre- Dame de la Salette , le saint sacri-
fice de la messe pour tous les associés vivants et
morts et pour les bienfaiteurs du sanctuaire. De
plus , le 20 septembre , s'il ne tombe pas un di-
manche, il y aura une messe de morts pour tous
les associés défunts.
XI. Le centre de l'association , devenue Ar-
chiconfrérie en vertu d'un bref apostolique en
date du 7 septembre 1852 , est fixé dans le sanc-
tuaire de l'Apparition au pèlerinage de Notre-
Dame de la Salette. On y tiendra un registre
exact de tous les diplômes d'agrégation qu'on y
délivrera.
XII. - Le Supérieur des missionnaires , direc-
teur de l'Archiconfrérie, agrégera les associations

1 On trouvera , dans la troisième partie de l'ouvrage ,


52, les prières de l'exercice public de l'Archiconfrérie.
72
particulières, signera et délivrera les diplômes
d'agrégation. Ce diplôme , convenablement en-
cadré, sera mis dans l'église, à la place que dési-
gnera le curé ou le chef de la confrérie agrégée .
XIII. - Le curé de la paroisse , l'aumônier ou
le supérieur de la communauté où il y aura une
association agrégée , sera de droit directeur de
cette association . Il aura un registre où seront
inscrits les noms des associés , comme il a été dit
à l'article V.
Dressé et approuvé par nous, soussigné, en
notre palais épiscopal, ce 21 novembre 1852 , fête
de la Présentation de la sainte Vierge.
PHILIBERT ,
Evêque de Grenoble.
Par mandement :
AUVERGNE ,
Chanoine honor. , secrétaire.
Nous venons de voir par l'ordonnance du véné-
rable Prélat, qu'en même temps que les mission-
naires sollicitaient l'érection canonique de la Con-
frérie, la demande de diverses grâces particu-
lières avait été faite au Saint- Siége pour le pèleri-
nage de la Salette et l'association de prières, et
notamment, pour celle- ci , la faveur d'être élevée
au rang d'Archiconfrérie . Les Brefs , Indults et
Rescrits de Rome qui arrivèrent à la même époque,
furent une nouvelle consolation pour les associés
et les pèlerins, dont la dévotion à l'Apparition
73
de notre Mère devenait par là même autorisée ;
par Celui qui en ce monde nous tient la place de
Dieu.
Les Brefs , Indults ou Rescrits sont au nombre
de neuf. Nous reproduisons içi seulement les deux
Brefs qui regardent plus directement l'Archicon-
frérie. *

Bref de N. S. Père le Pape Pie IX , du 26 août


1852 , qui accorde diverses indulgences à la¨
Confrérie de Notre-Dame Réconciliatrice de
la Salette.
PIE IX, PAPE..
En perpétuelle mémoire de la chose.
Attendu qu'il nous a été rapporté qu'il existe
dans l'église dédiée à Notre Dame de la Salette ,
diocèse de Grenoble, une pieuse Association ou
union de fidèles de l'un et de l'autre sexe (ne se
composant pas toutefois d'hommes exerçant le
même métier), érigée ou à ériger canoniquement ,
dont les confrères et consœurs ont la coutume ou
l'intention d'exercer le plus d'œuvres possibles
de piété et de charité ; désirant que cette associa-
tion auginente de plus en plus ; Nous confiant
dans la Miséricorde divine et nous appuyant sur
l'autorité des SS . Apôtres Pierre et Paul , Nous ac-
cordons à tous les fidèles de l'un et de l'autre
sexe, qui entreront dans ladite Association , une
indulgence plénière le premier jour de leur en-
5
74
trée, pourvu que , vraiment repentants de leurs
péchés, ils les confessent et communient. - Pa-
reille indulgence à l'article de la mort, en faveur
des membres inscrits ou à inscrire de cette Asso-
ciation , pourvu que, vraiment repentants , ils con-
fessent leurs péchés et communient, et que, s'ils
ne peuvent se confesser ni communier , ils soient
vraiment contrits et invoquent de bouche, s'ils le
peuvent, ou au moins de cœur , le nom de Jésus .
- Pareille indulgence encore aux associés actuels
et futurs qui , sincèrement contrits , se confesse-
ront et communieront , visiteront dévotement
chaque année l'église, la chapelle ou l'oratoire de
ladite association , depuis les premières Vêpres
jusqu'au coucher du soleil du jour de la fête prin-
cipale de cette même Association , lequel , pour une
fois seulement, sera laissé au choix des associés ,
sous l'approbation de l'Ordinaire, et la prieront
pour la concorde des princes chrétiens, l'extir-
pation des hérésies , l'exaltation de notre Mère la
sainte Eglise . Nous accordons , en outre , une in-
dulgence de sept ans et de sept quarantaines aux
mêmes associés , pourvu que, vraiment contrits,
ils se confessent et communient, visitent l'église,
la chapelle ou l'oratoire de l'Association , aux
quatre autres jours de l'année , fériés ou non fé-
riés, pour une fois , au choix des associés , sous
l'approbation de l'Ordinaire, et prient à chacune
de leur visite pour les fins ordinaires de l'Eglise .
- Soixante jours d'indulgence , en la forme or-
75
dinaire de l'Eglise , toutes les fois que les asso-
eiés exerceront une bonne œuvre , comme assister
aux messes et offices divins qui seront célébrés
ou récités dans l'église , ou la chapelle , ou l'ora-
toire, ou réunions de l'Association , n'importe où
ses réunions aient lieu , recevoir les pauvres dans
un hospice, réconcilier ou faire réconcilier des
ennemis , ensevelir les corps des défunts de
l'association ou d'autres , suivre les processions
faites avec l'autorisation de l'Ordinaire , accom-
pagner le saint Sacrement, soit dans les proces- '
sions, soit lorsqu'il est porté aux infirmes ou à
d'autres, ou quelque part que ce soit, ou bien , si,
étant empêchés , dire , lorsqu'ils entendront le son
de la cloche, une fois l'Oraison Dominicale et la
Salutation Angélique , ou cinq fois l'Oraison et la
Salutation pour les âmes des confrères et con-
sœurs défunts, ramener dans la voie du salut
quelqu'un qui s'en était écarté, instruire les igno-
rants de ce qu'il est nécessaire de savoir pour
être sauvé, ou enfin , exercer toute œuvre de piété
ou de charité.
Nous accordons par les présentes , que toutes
ces indulgences qui précèdent puissent être ap-
pliquées par manière de suffrages, aux âmes des
fidèles qui ont quitté ce monde en la grâce de Dieu .
Si quelqu'autre semblable indulgence devant du-
rer toujours , ou jusqu'à un temps qui n'est pas
écoulé, a été accordée aux associés pour la pra-
tique des bonnes œuvres susdites , nous voulons
76
qu'elles soient révoquées, comme nous les révo-b
quons par les présentes, en vertu de notre auto-
rité Apostolique.
-Nous voulons, de plus , que si cette Association
se trouve agrégée dès maintenant, ou vient à être
agrégée plus tard à une autre Confrérie, ou s'y
unit pour quelque raison ou de quelque manière
que ce puisse être , les premières lettres aposto-
liques et toutes autres, quelles qu'elles soient, ne
leur servent en aucune manière et soient dès lors
nulles par là même.
Donné à Rome , près Saint- Pierre, sous l'anneau
du Pêcheur, le 26 août de l'an 1852, de notre Pon-
tificat le Septième.
Pour S. Em. le Cardinal LAMBRUSCHINI ,
J.-B. BRANCALEONI CASTELLANI , Substitut.

Bref de N. S. Père le Pape Pie IX , du 7 septem-


bre 1852, qui élève la Confrérie de Notre-Dame
Réconciliatrice au rang d'Archiconfrérie.
PIE IX , PAPE.
En perpétuelle mémoire de la chose.
Nous comblons volontiers des faveurs de la li-
béralité Apóstolique les pieuses confréries des fi-
dèles de Jésus -Christ canoniquement instituées
dans le but d'exercer en commun les œuvres de
piété et de charité, dès que nous voyons dans le
Seigneur que cela est salutairement convenable.
77
Donc, comme d'après ce qui nous a été dernière-
ment exposé de la part de notre vénérable frère
l'Evêque actuel de Grenoble , une pieuse associa-
tion ou confrérie des fidèles des deux sexes , sous
le titre de Notre-Dame réconciliatrice de la Sa-
lette , a été canoniquement érigée ou sera dans
peu érigée en l'église ou sanctuaire dit de la Sa-
lette , diocèse de Grenoble , comme aussi d'après
l'avis dudit prélat, il serait favorable à l'honneur
de cette confrérie, à son accroissement et au bien
de la piété chrétienne que nous voulussions bien ,
par Notre bonté Apostolique , l'honorer du titre
d'Archiconfrérie, lui accorder l'Indult ou le pri-
vilége de s'agréger des confréries instituées ca-
noniquement sous le même vocable et la faculté
de leur communiquer les grâces et les indulgen-
ces dont elle serait enrichie : nous avons cru de-
voir déférer à ces vœux .
En conséquence, voulant, par nos soins pater-
nels , relever et augmenter ladite Confrérie et
couvrir d'une bienfaisance particulière tous et
chacun de ceux que ces lettres ont en vue , les
absolvant uniquement pour ce fait de toutes les
sentences d'excommunication et d'interdit , de
toutes les autres condamnations, censures et pei-
nes qu'ils auraient encourues de quelque manière
et pour quelque causé que ce soit, et, les consi-
dérant comme absous , nous érigeons et insti-
tuons pour toujours en Archiconfrérie avec toutes
les prérogatives générales et particulières , les
78
droits , les honneurs et les prééminences usitées
et habituelles , la pieuse Association ou Confrérie
ci-dessus nommée sous le titre de Notre-Dame
Réconciliatrice de la Salette , diocèse de Grenoble,
érigée canoniquement, et ce , par Notre autorité
apostolique , par la teneur des présentes, sans pré-
judice de personne . Nous accordons encore à per-
pétuité que les directeurs et membres présents et
futurs de cette pieuse Association ou Archicon-
frérie ainsi érigée puissent lui agréger toutes con-
fréries qui existeraient sous le même vocable et
institut , dans l'univers entier , excepté à Rome ,
suivant la forme de la Constitution du Pape Clé-
ment VIII d'heureuse mémoire, notre prédéces-
seur, sur cette matière ; qu'ils puissent librement
et licitement leur communiquer toutes et chacune
des indulgences , le pardon des péchés et les remi-
ses des pénitences accordées par le Saint-Siége à
cette confrérie que nous venons d'ériger en Archi-
confrérie, ainsi que toutes les autres grâces qui
peuvent être communiquées, et que le tout vaille
par l'autorité et la teneur des présentes . Nous
voulons que ces mêmes lettres soient à présent et
toujours fermes , valides et efficaces ; qu'elles
aient leur plein et entier effet et l'obtiennent en
tout ; qu'elles servent pleinement à ceux qu'elles
concernent et qu'elles concerneront à l'avenir .
En faveur de la susdite confrérie , nous dérogeons,
en tant que de besoin , aux constitutions et or-
donnances , même confirmées par serment ou de
79
toute autre manière par le Saint-Siége apostoli-
que, en tant qu'elles seraient d'une manière quel-
conque contraires aux présentes.
Et par la teneur du présent Indult, nous décla-
rons que les constitutions auxquelles nous déro-
geons sont suffisamment mentionnées et aussi
parfaitement rappelées que si elles étaient ici in-
sérées mot à mot ; voulant d'ailleurs que ces
constitutions conservent toute leur force , et dé-
clarant y déroger pour cette fois seulement et à
l'effet des présentes , ainsi qu'à toutes les autres
choses qui y seraient contraires .
Donné à Rome, près Saint-Pierre , sous l'anneau
du Pêcheur, le 7 septembre de l'an 1852 , de notre
pontificat le septième.
A Card. LAMBRUSCHINI .
Nous avons vu les présentes et voulons qu'elles
vaillent suivant leur teneur.
PHILIBERT, évêque de Grenoble.

Ces deux Brefs portent la date de la même an-


née (1852) . Depuis , l'Archiconfrérie s'est affiliée un
nombre déjà considérable de confréries particu-
lières. On en compte en ce moment cent soixante-
deux en France et soixante et douze à l'Etranger.
Les registres qui sont ouverts sur la sainte Mon-
tagne se remplissent des noms des pieux pélerins,
et le nombre des Associés est aujourd'hui vérita-
blement incalculable.
80

Indulgences de l'Archiconfrér
L ie .
1
Par le Bref qui est daté du 26 août 1852, le Sou-
verain Pontife accorde à tous les membres de l'Ar-
chiconfrérie les indulgences suivantes : "
1. Une Indulgence plénière le jour de leur ré-
ception , pourvu qu'ils se confessent et commu-
nient saintement.
2. Une Indulgence plénière, chaque année , le
19 septembre ou le dimanche suivant, fête patro-
nale de l'Archiconfrérie , désignée par Mgr l'Evê-
que de Grenoble, aux termes du Bref. Pour la ga-
gner, il faut se confesser vraiment pénitent , com-
munier, visiter l'Eglise ou l'Oratoire de la Con-
grégation , et y prier selon les intentions du
Souverain Pontife.
3. Une Indulgence de sept ans et sept quaran-
taines , aux quatre fêtes suivantes, désignées par
Mgr de Grenoble , aux termes du même Bref le
2 février, fête de la Purification ; le jour de la
Compassion de la Sainte -Vierge ; le 16 juillet ,
fête de Notre-Dame du Mont- Carmel ; le 21 novem-
bre, fête de la Présentation de la Sainte-Vierge,
si, après s'être confessés et avoir communié , ils
visitent l'Eglise ou l'Oratoire de la Confrérie , et y
prient quelques instants .
4. Une Indulgence de soixante jours , pour cha-
que œuvre de piété ou de charité accomplie en
état de grâce.
5. Enfin, une Indulgence plénière à l'article de
81
la mort, si , après s'être confessés avec repentir,
ils reçoivent la sainte communion . S'ils sont dans
l'impossibilité de le faire, ils invoqueront de bou-
che, ou, ne le pouvant, de cœur le saint Nom de
Jésus.
Toutes ces Indulgences sont applicables aux
âmes du purgatoire .

Esprit propre et but de l'Archiconfrérie .

L'esprit de l'Archiconfrérie n'est évidemment


pas autre que l'esprit de la dévotion elle-même à
N.-D. Réconciliatrice.Son but particulier est aussi
celui que cet esprit nous fait atteindre . Notre pro-
pre conversion avant tout, conversion sincère et
généreuse , — la pratique fidèle des commande-
ments de Dieu et de ceux de l'Eglise , l'amour et
la pratique des conseils évangéliques suivant nos
forces, notre position , et la mesure de grâce qu'il
plaît à Dieu de nous donner, - la mortification
chrétienne, l'habitude de la prière , de la prière en
famille, de la prière mentale ou oraison, -le zèle
de la gloire de Dieu,- un amour ardent des âmes,
une dévotion constante , tendre , active, éclairée
envers Marie, notre miséricordieuse Mère , pour
qu'elle soit consolée, pour que le monde se sou-
mette à son Fils , pour que le règne de ce Dieu
d'amour et le sien , le règne de Jésus par Marie
arrive dans le monde : voilà les dispositions dans
lesquelles les pieux associés s'efforceront d'entrer.
5.
82
Ce que nous avons écrit précédemment de l'esprit
de la dévotion à N.-D. Réconciliatrice ; ce que
l'on trouvera sur ce sujet dans les méditations de
la 2 partie , dit aux pieux associés toute notre
pensée sur le caractère spécial de l'Association à
laquelle ils ont donné leur nom, pour la sanctifi-
cation de leur âme.

Manière de procéder pour établir la Confrérie


de N.-D. Réconciliatrice de la Salette dans
une Eglise paroissiale ou une Chapelle quel-
conque, et pour l'affilier ensuite à l'Archicon-
frérie :
1° Il est nécessaire que le lieu où l'on veut avoir
une Confrérie de N.-D. Réconciliatrice soit éloigné
au moins d'une lieue de l'église ou chapelle voi-
1
sine qui possède déjà la même Confrérie ;
2º Le véritable nom de la Confrérie , c'est : Con-
frérie de N.-D. Réconciliatrice de la Salette ;
3º Le prêtre qui désire l'établir en dressera ou
fera dresser le règlement.- (Voir comme modèle
celui qui est à la p. 67) ;
4° Il ouvrira en même temps un registre , qui
sera le registre de la Confrérie et sur lequel il
inscrira le nom de quelques personnes ;
5° Il demandera à l'Ordinaire de son diocèse
l'érection canonique de la susdite Confrérie ;
6° L'ordonnance épiscopale obtenue , il l'enverra
ou en enverra la copie visée par son Ordinaire, au
R. P. Supérieur des missionnaires de la Salette .
83
On est prié de vouloir bien donner en latin le
nom de la paroisse , du diocèse et le prénom de
Mgr l'évêque, et de donner aussi , mais non en la+
tin, son propre nom et celui de Mgr l'Evêque
qu'on est prié d'écrire , comme tous les autres ,
bien lisiblement;
7°Le prêtre- directeur recevra sans délai, franco
et gratuitement, le diplôme d'affiliation.
L'observation de ces divers points est indispen-
sable, surtout depuis le dernier Bref de N. S. P. le
Pape, relatif aux confréries et affiliations en gé-
néral, en date du 8 janvier 1861.9
Pour être membre de l'Archiconfrérie, il est né-
cessaire et il suffit : 1º de faire inscrire son nom
et son prénom, ou bien le nom de religion pour
les religieux , sur les registres de la Salette ou sur
un des registres des lieux où se trouve une Con-
frérie affiliée ; 2º de réciter un Pater et un Ave
auxquels on ajoute ordinairement (mais sans
obligation pour gagner les indulgences) : N.-D.
de la Salette, Réconciliatrice des pécheurs , priez
sans cesse pour nous qui avons recours à vous.

Arrivé à ce point de notre travail et avant de


passer à la deuxième partie , il nous a semblé
qu'il manquerait quelque chose d'essentiel à la
première si , sous prétexte de ne pas trop grossir
ce petit livre, nous nous abstenions d'insérer les
84
deux mandements de Mgr Philibert de Bruillard ,
pièces mémorables et si dignes de respect où se
trouvent à la fois réunies tant de sagesse et tant
de piété, et qui sont, du reste, le principal fonde-
ment sur lequel notre dévotion s'appuie. Tous les
enfants de N.-D. de la Salette nous auraient re-
proché cette lacune , avec justice. Nous allons
donc les reproduire textuellement.

Premier Mandement, qui contient le jugement


doctrinal sur l'Apparition de la sainte Vierge,
à la Salette .

Philibert de Bruillard , par la miséricorde di-


vine et la grâce du saint Siége apostolique , Evė-
que de Grenoble ,
« Au clergé et aux fidèles de notre diocèse , Salut
et Bénédiction en Notre- Seigneur Jésus -Christ.
» Nos très-chers Frères ,
» Un événement des plus extraordinaires , et
qui paraissait d'abord incroyable , nous fut an-
noncé , il y a cinq ans, comme étant arrivé sur
une des montagnes de notre diocèse . Il ne s'agis-
sait de rien moins que d'une Apparition de la
sainte Vierge que l'on disait s'être montrée à
deux bergers ' le 19 septembre 1846. Elle les au-
rait entretenus de malheurs qui menaçaient son
Maximin Giraud , né à Corps , le 27 août 1835, et Mé-
lanie Matthieu , née à Corps, le 7 novembre 1834.
85
peuple , surtout à cause des blasphèmes et de la
profanation du dimanche , et aurait confié à cha-
cun d'eux un secret particulier avec défense de le
communiquer à qui que ce fût.
Malgré la candeur naturelle des deux bergers ,
malgré l'impossibilité d'un concert entre deux
enfants ignorants , et qui se connaissaient à
peine ; malgré là constance et la fermeté de leur
témoignage qui n'a jamais varié ni devant la jus-
tice humaine, ni devant des milliers de personnes
qui ont épuisé tous les moyens de séduction
pour les faire tomber en contradiction ou pour
obtenir la révélation de leur secret , nous avons
dû, pendant longtemps, nous montrer difficile à
admettre comme incontestable un évènement
qui nous semblait si merveilleux . Notre précipi-
tation n'eût pas été seulement contraire à la pru-
dence que le grand apôtre recommande à un
évêque , mais elle eût été de nature à fortifier les
préventions des ennemis de notre foi et de tant
de catholiques qui ne le sont plus , pour ainsi
dire, que de nom . Aussi , pendant qu'une foule
d'âmes pieuses accueillaient ce fait avec un grand
empressement, nous recherchions avec soin tous
les motifs qui auraient été capables de nous le
faire rejeter , s'il ne devait pas être admis. Nous
avons même bravé jusqu'ici le blâme dont nous
n'ignorions pas que nous pouvions être l'objet
de la part des personnes les mieux intentionnées
d'ailleurs , qui nous accusaient peut-être d'in-
86
différence ou même d'incrédulité sur ce point.
Nous savions , au reste , que la religion de Jésus-
Christ n'a nul besoin de ce fait particulier pour
établir la vérité de mille autres apparitions cé-
lestes que l'on ne saurait rejeter sans une dispo-
sition d'impiété et de blasphème à l'égard de
l'Ancien et du Nouveau Testament. Notre silence ,
il est vrai, n'était pas l'effet d'une vaine crainte
qu'auraient pu nous inspirer les déclamations
dont certains esprits faisaient retentir la France,
à l'égard de ce fait comme à l'égard de tant d'au-
tres qui intéressent la religion . Ce silence résul-
tait de l'avis de l'Esprit-Saint lui-même , qui
enseigne que celui qui croit trop précipitamment
n'est qu'un esprit léger : qui credit citò , levis
corde est (Eccl . 19 , 4) . C'est là ce qui nous faisait
un devoir de la plus sévére circonspection , prin-
cipalement à cause de notre qualité de premier
pasteur.
» D'un autre côté , nous étions strictement tenu
à ne pas regarder comme impossible un événe-
ment que le Seigneur (qui oserait le nier ?) avait
bien pu permettre pour en tirer sa gloire ; car son
bras n'est pas raccourci , et sa puissance est la
même aujourd'hui que dans les siècles passés .
» Nous avons aussi médité souvent , au pied
des autels, ces paroles que le grand Apôtre adres-
sait à un saint évêque à qui il avait imposé les
mains : « Si nous manquons de foi , notre incré-
» dulité n'empêche pas ce Dieu , qui ne peut se
87
» renier lui-même, d'être fidèle dans ce qu'il an-
> nonce : Si non credimus, ille fidelis permanet ;
» negare seipsum non potest (2 Tim. 2, 13) .
» Donnez ces avertissements aux fidèles , et ren-
» dez témoignage à la vérité devant le Seigneur.
» Ne perdez pas pour cela le temps à disputer en
» paroles , ce qui n'est bon qu'à pervertir ceux
» qui les écoutent (Ibid ,, v. 14 et 15) . »
Pendant que notre charge épiscopale nous
faisait un devoir de temporiser, de réfléchir , d'im-
plorer avec ferveur les lumières de l'Esprit- Saint,
le nombre des faits prodigieux qui se publiaient
de toutes parts allait toujours croissant. On an-
nonçait des guérisons extraordinaires , opérées en
diverses parties de la France et de l'étranger,
dans les contrées même fort éloignées. C'étaient
des malades désespérés et condamnés par les mé-
decins à une mort prochaine ou à des infirmités
perpétuelles que l'on disait rendus à une santé
parfaite par suite de l'invocation de Notre- Dame
de la Salette , et de l'usage qu'ils avaient fait avec
foi de l'eau d'une fontaine sur laquelle la Reine
du ciel aurait apparu aux deux bergers . Dès les
premiers jours, on nous avait parlé de cette fon-
taine . On nous avait assuré qu'elle était intermit-
tente et ne fluait qu'après la fonte des neiges ou
après des pluies abondantes. Elle était à sec le
19 septembre ; dès le lendemain , elle commença
à couler et sans interruption depuis cette épo-
que eau merveilleuse , sinon dans son origine,
au moins dans ses effets .
88
De nombreuses relations , tant sur l'événe-
ment de la Salette que sur les guérisons mer-
veilleuses qui l'ont suivi , nous étaient arrivées et
nous arrivaient des lieux voisins et de divers
diocèses , les unes manuscrites , les autres impri-
mées. Une de ces relations a pour auteur un de
nos vénérables collègues , qui s'est transporté des
bords de l'Océan sur ladite montagne , et a pa-
ternellement entretenu les deux bergers pendant
une journée presque entière ¹ .
Un autre fait qui nous a paru tenir du pro←
dige, c'est l'affluence à peine croyable et néan-
moins au-dessus de toute contestation , qui a eu
lieu sur cette montagne à diverses époques , mais
spécialement au jour anniversaire de l'Appari-
tion affluence devenue plus étonnante et par
l'éloignement des lieux, et par les autres difficul
tés que présente un tel pélerinage.
» Quelques mois après l'événement , nous avions
déjà consulté notre chapitre et les professeurs de
notre grand séminaire ; mais après tous les faits
indiqués ci-dessus et beaucoup d'autres qu'il se-
rait trop long d'exposer , nous jugeâmes conve
nable d'organiser une commission nombreuse ,
composée d'hommes graves , pieux et instruits ,
qui devaient mûrement examiner et discuter le
fait de l'Apparition et ses suites. Les séances de
! Monseigneur l'Evêque de la Rochelle (aujourd'hui
S. E. le cardinal Villecourt).
89
cette commission ont eu lieu devant nous. Les
deux bergers qui se disaient favorisés de la Mes-
sagère céleste, y ont été interrogés séparément
et simultanément ; leurs réponses ont été pesées
et discutées ; toutes les objections qui pouvaient
être opposées aux faits racontés ont été présent
tées librement. Un de nos vicaires généraux qui
avait été chargé par nous de recueillir tous les
faits , l'a été également de rendre compte des
séances de la commission et de consigner les ré-
ponses aux objections. Ce travail consciencieux
et impartial , intitulé : La Vérité sur l'Evénement
de la Salette, qui a été imprimé et revêtu de
notre approbation , montre jusqu'à quel point
on a porté l'attention et prolongé l'examen .
» Quoique notre conviction fût déjà entière et
sans nuage à la fin des séances de la commission
qui se terminèrent le 13 décembre 1847 , nous ne
voulûmes pas encore prononcer de jugement
doctrinal sur un fait d'une telle importance. Ce-
pendant , l'ouvrage de M. l'abbé Rousselot reçut
bientôt l'adhésion , et réunit les suffrages de plu-
sieurs évêques et d'une foule de personnes émi-
nentes en science et en piété . Nous avons su que
ce livre était traduit dans toutes les langues eu-
ropéennes . Plusieurs nouveaux ouvrages paru-
rent en même temps et en diverses contrées sur
le même fait, publiés par des hommes recomman-
dables , venus exprès sur les lieux pour recher-
cher la vérité. Le pèlerinage ne se ralentissait pas!
90
Des personnages graves , des vicaires généraux,
des professeurs de théologie , des prêtres et des
laïques distingués sont venus de plusieurs cen-
taines de lieues pour offrir à la Vierge puissante
et pleine de bonté leurs pieux sentiments d'a-
mour et de reconnaissance pour les guérisons et
autres bienfaits qu'ils en avaient obtenus. Ces
faits prodigieux ne cessaient d'être attribués à
l'invocation de Notre-Dame de la Salette , et nous
savons que plusieurs d'entre eux sont regardés
comme vraiment miraculeux par les évêques
dans les diocèses desquels ils se sont accomplis.
Tout cela est constaté dans un second volume pu-
blié par M. Rousselot en 1850 , qui a pour titre :
Nouveaux documents sur les Evénements de la
Salette. L'auteur aurait pu ajouter que d'illustres
prélats de l'Eglise prêchaient l'Apparition de la
très-sainte Vierge ; qu'en plusieurs lieux, et avec
l'assentiment au moins tacite de nos vénérables
collègues , des personnes pieuses avaient fait
construire des chapelles déjà très -fréquentées
sous le vocable de Notre-Dame de la Salette , ou
avaient fait placer dans les églises paroissiales
de belles statues en son honneur ; qu'enfin de
nombreuses demandes étaient adressées pour l'é-
rection d'un sanctuaire qui perpétuât le souvenir
de ce grand événement.
» On sait que nous n'avons pas manqué de
contradicteurs. Quelle vérité morale, quel fait
humain ou même divin n'en a pas eu? Mais pour
91
altérer notre croyance à un événement si ex-
traordinaire , si inexplicable sans l'intervention
divine , dont toutes les circonstances et les suites
se réunissent pour nous montrer le doigt de
Dieu, il nous aurait fallu un fait contraire, aussi
extraordinaire , aussi inexplicable que celui de
la Salette, ou du moins qui expliquât naturelle-
ment celui-ci ; or , c'est ce que nous n'avons pas
rencontré, et nous publions hautement notre con-
viction.
» Nous avons redoublé nos prières, conjurant
l'Esprit-Saint de nous assister et de nous com-
muniquer ses divines lumières. Nous avons éga-
lement réclamé en toute confiance la protection
de l'immaculée Vierge Marie , Mère de Dieu , re-
gardant comme un de nos devoirs les plus doux
et les plus sacrés de ne rien omettre de ce qui
peut contribuer à augmenter la dévotion des fi-
dèles envers elle , et de lui témoigner notre gra-
titude pour la faveur spéciale dont notre diocèse
aurait été l'objet . Nous n'avons , du reste , jamais
cessé d'être disposé à nous renfermer scrupuleu-
sement dans les saintes règles que l'Eglise nous
a tracées par la plume de ses savants docteurs ,
et même à réformer sur cet objet , comme sur
tous les autres , notre jugement , si la chaire de
saint Pierre , la mère et la maîtresse de toutes les
églises, croyait devoir émettre un jugement con-
traire au nôtre.
» Nous étions dans ces dispositions et animé
92 >
de ces sentiments lorsque la Providence divine
nous a fourni l'occasion d'enjoindre aux deux
enfants privilégiés de faire parvenir leur secret à
notre très-saint Père le pape Pie IX. Au nom du
Vicaire de Jésus- Christ, les bergers ont compris
qu'ils devaient obéir. Ils se sont décidés à révéler
au souverain Pontife un secret qu'ils avaient
gardé jusqu'alors avec une constance invincible ',
et que rien n'avait pu leur arracher. Ils l'ont
donc écrit eux-mêmes , chacun séparément.; ils
ont ensuite plié et cacheté leur lettre en présence
d'hommes respectables que nous avions désignés
pour leur servir de témoins , et nous avons chargé
deux prêtres, qui ont toute notre confiance , de
porter à Rome cette dépêche mystérieuse. Ainsi
est tombée la dernière objection que l'on faisait
contre l'Apparition , savoir qu'il n'y avait point
de secret, ou que ce secret était sans importance,
puéril même , et que les enfants ne voudraient
pas le faire connaître à l'Eglise .
་་་ ་་་
» A ces causes
>> Nous appuyant sur les principes enseignés par le
pape Benoît XIV, et suivant la marche tracée par lui
dans son immortel ouvrage De la béatification et de
la canonisation des Saints (liv. II, chap. I, nº 12) ,
» Vu la relation écrite par M. l'abbé Rousselot,
l'un de nos vicaires généraux , et imprimée sous ce
titre : La vérité sur l'Evénement de la Salette , Gre
noble, 1848 ;
930
» Vu aussi les Nouveaux documents sur l'Evéne
ment de la Salette , publiés par le même auteur en
1850 l'un et l'autre ouvrage revêtus de notre ap-
probation ;
» Ouï les discussions en sens divers qui ont eu lieu
devant nous sur cette affaire dans les séances des 8 ,
15 , 16 , 17 , 22, et 29 novembre , 6 et 13 décembre
1847 ; ཏི
» Vu pareillement ou entendu ce qui a été dit et
écrit depuis cette époque , pour ou contre l'évène-
ment ;
>> Considérant , en premier lieu , l'impossibilité où
nous sommes d'expliquer le fait de la Salette autre-
ment que par l'intervention divine , de quelque ma--
nière que nous l'envisagions , soit en lui même , soit
dans ses circonstances , soit dans son but essentielle-
ment religieux ;
» Considérant, en second lieu , que les suites mer→ ›
veilleuses du Fait de la Salette sont le témoignage
de Dieu lui-même , se manifestant par des miracles ,
et que ce témoignage est supérieur à celui des hom-
mes et à leurs objections ;
D' Considérant que ces deux motifs, pris séparé
ment, et à plus forte raison réunis , doivent dominer
toute la question et enlever toute espèce de valeur à
des prétentions ou suppositions contraires dont nous
déclarons avoir une parfaite connaissance ;
» Considérant enfin que la docilité et la soumission
aux avertissements du ciel peut nous préserver des
nouveaux châtiments dont nous sommes menacés,
94
tandis qu'une résistance trop prolongée peut nous
exposer à des maux sans remèdes ;
» Sur la demande expresse de tous les membres de
notre vénérable Chapitre et de la très -grande majo-
rité des prêtres de notre diocèse ;
>> Pour satisfaire aussi la juste attente d'un si grand
nombre d'âmes pieuses , tant de notre patrie que de
l'étranger, qui pourraient finir par nous reprocher de
retenir la vérité captive ;
L'Esprit-Saint et l'assistance de la Vierge imma-
culée de nouveau invoqués ;
» Nous déclarons ce qui suit :
ART. 1er . Nous jugeons que l'Apparition de la
sainte Vierge, à deux hergers , le 19 septembre 1846 ,
sur une montagne de la chaîne des Alpes , située dans
la paroisse de la Salette , de l'archiprêtré de Corps ,
porte en elle-même tous les caractères de la vérité ,
et que les fidèles sont fondés à la croire indubitable
et certaine.
ART. 2. Nous croyons que ce fait acquiert un nou-
veau degré de certitude par le concours immense et
spontané des fidèles sur le lieu de l'Apparition , ainsi
que par la multitude des prodiges qui ont eté la suite
dudit événement , et dont il est impossible de révo-
quer en doute un très-grand nombre sans violer les
règles du témoignage humain.
ART. 3. C'est pourquoi, pour témoigner à Dieu et à
la glorieuse vierge Marie notre vive reconnaissance ,
nous autorisons le culte de Notre-Dame de la Salette.
Nous permettons de le prêcher et de tirer les consé-
95
quences pratiques et morales qui ressortent de ce
grand événement.
ART. 4. Nous défendons néanmoins de publier au-
cune formule particulière de prières , aucun cantique,
aucun livre de dévotion , sans notre approbation
donnée par écrit.
ART. 5. Nous défendons expressément aux fidèles
et aux prêtres de notre diocèse de jamais s'élever
publiquement , de vive voix ou par écrit , contre le
Fait que nous proclamons aujourd'hui , et qui , dès
lors, exige le respect de tous.
ART. 6. Nous venons d'acquérir le terrain favorisé
de l'Apparition céleste. Nous nous proposons d'y cons-
truire incessamment une église qui soit un monument
de la miséricordieuse bonté de Marie envers nous et
de notre gratitude envers Elle . Nous avons aussi formé
le projet d'y établir un hospice pour abriter les pè→
lerins. Mais ces constructions dans un lieu d'un accès
difficile et dépourvu de toutes ressources , exigeront ,
des dépenses considérables. Aussi avons-nous compté
sur le concours généreux des prêtres et des fidèles ,
non-seulement de notre diocèse, mais de la France et
de l'étranger. Nous n'hésitons pas à leur faire un
appel d'autant plus empressé que déjà nous avons
reçu de nombreuses promesses , mais toutefois insuffi-
santes pour l'œuvre à entreprendre. Nous prions les
personnes dévouées qui voudront nous venir en aide,
d'adresser leurs offrandes au secrétariat de notre
évêché. Une commission , composée de prêtres et de
laïques, est chargée de surveiller les constructions et
l'emploi des offrandes.
96.
1 ART. 7. Enfin, comme le but principal de l'Appari-
tion a été de rappeler les chrétiens à l'accomplisse-
ment de leurs devoirs religieux , au culte divin , à
l'observation des commandements de Dieu et de l'E-
glise, à l'horreur du blasphème , et à la sanctification
du dimanche , nous vous conjurons , nos très-chers
Frères, en vue de vos intérêts célestes et même ter-
restres , de rentrer sérieusement en vous-mêmes , de
faire pénitence de vos péchés, et particulièrement de
ceux que vous avez commis contre le deuxième et le
troisième commandement de Dieu . Nous vous en con-
jurons, nos Frères bien-aimés, rendez - vous dociles à
la voix de Marie qui vous appelle à la pénitence, et
qui , de la part de son Fils , vous menace de maux
spirituels et temporels , si , restant insensibles à ses
avertissements 1 maternels , Vous endurcissez VOS
cœurs.
» ART. 8. Nous voulons et ordonnons que notre
présent Mandement soit lu et publié dans toutes les
églises et chapelles de notre diocèse , à la messe 'pa-
roissiale ou de communauté, le dimanche qui en
suivra immédiatement la réception .
« Donné à Grenoble, soug notre seing, le sceau de
nos armes et le contre-seing de notre secrétaire , le
19 septembre 1851 ( cinquième anniversaire de la cé-
lèbre Apparition) .
» PHILIBERT , Erèque de Grenoble.
Par Mandement :
» AUVERGNE ,
» Chanoine' honoraire , secrétaire. "
97

Deuxième Mandement qui annonce la pose de


la première pierre du sanctuaire de N.-D. de
la Salette.
« Au Clergé et aux fidèles de notre diocèse , sa
lut et bénédiction en Notre-Seigneur Jésus-
Christ.
» Nos très-chers Frères ,
>> Depuis l'origine du Christianisme , il est ar-
rivé bien rarement qu'un évêque ait eu à pro-
clamer la vérité d'une Apparition de l'auguste
Mère de Dieu . Ce bonheur, le ciel nous le réser-
vait sans que nous l'ayons mérité personnelle-
ment, comme une preuve sensible de sa miséri-
cordieuse bonté envers nos bien-aimés diocésains .
C'est une mission infiniment honorable qu'il
nous a été donné de remplir ; c'est un devoir
sacré dont nous avions à nous acquitter ; c'est
un droit qui nous est conféré par les saints ca-
nons et dont nous avons dû faire usage , sous
peine d'une résistance coupable à la voix du
ciel et d'une opposition blâmable aux vœux que
l'on nous exprimait de toutes parts .
>> Aussi notre Mandement du 19 septembre a-t-
il été accueilli avec une satisfaction universelle.
L'opinion générale avait précédé notre décision ,
et notre jugement doctrinal n'a fait que donner
la sanction qui lui manquait pour devenir une
certitude pleine et entière .
98
» Nous avons reçu des adhésions , des félicita-
tions, divers dons et des promesses de secours
pour le sanctuaire de la Salette , de la part de
plusieurs princes de l'Eglise et d'un grand nom-
bre de nos vénérables collègues. Plusieurs même
d'entre eux ont fait publier dans leurs diocèses
notre Mandement , surtout le dispositif où nous
faisons appel au concours généreux des prêtres
et des fidèles , tant de la France que de l'étranger.
Nous ne parlons pas ici des adhésions du clergé
de second ordre , des fidèles pieux et instruits :
elles sont sans nombre. Il y en a de beaucoup
de diocèses et de tous les pays , de l'orient et du
couchant, du nord et du midi.
» Notre Mandement a aussi été reproduit par
la presse religieuse de la capitale et des départe-
ments. Huit jours après sa publication dans notre
diocèse , le vénérable' évêque de Gand le faisait
traduire en flamand et le répandait dans toute la
Belgique. Bientôt après , il paraissait traduit en
anglais, dans une feuille catholique de Londres .
Une feuille religieuse de Soleure ( Suisse) et deux
autres d'Augsbourg le publiaient en Allemand .
Traduit en italien , il a paru d'abord à Milan , à
Gênes, et enfin , le 1er du mois dernier, l'Osserya-
tore Romano recevait la permission de lui don-
ner place dans ses colonnes.
» Il devait en être ainsi , nos très-chers Frères.
Ce n'est pas en vain que la Mère de miséricorde
a daigné visiter les enfants des hommes . Ce n'est
099
pas en vain qu'à la vue des désordres qui exci+
tent la colère de son Fils, elle est venue en quel
que sorte se réfugier dans nos montagnes , verser
des larmes, nous avertir des châtiments qui nous
étaient réservés si on ne se convertissait pas ;
nous rappeler la crainte de Dieu, le respect pour
son saint Nom, la sanctification du dimanche ,
l'observation de tous les commandements de
Dieu et de son Eglise . Des paroles descendues
de si haut devaient avoir un immense retentisse-
ment et être entendues de toutes les nations ,
comme le lieu où elle s'est montrée devait , ce
semble, être assez haut pour être vu de tous les
peuples. Reportez-vous à l'origine de ce grand
événement : voyez sa naissance presque incon-
nue, sa diffusion prompte , rapide à travers la
France et l'Europe , son vol dans les quatre par-
ties du monde, enfin son arrivée providentielle
dans la capitale du monde chrétien . A Dieu seul
honneur et gloire ! Nous n'avons été qu'un faible
instrument de sa volonté adorable. C'est à l'au
guste Vierge de la Salette qu'est dû ce succès
inouï, prodigieux ; elle seule avait tout disposé
pour amener ce résultat inespéré ; elle seule
avait triomphe de tous les obstacles, résolu toutes
les objections , anéanti toutes les difficultés ; elle
seule avait préparé le succès ; elle seule saura
couronner son œuvre. Pour notre part , nous
n'avons qu'à la remercier mille fois du choix
tout gratuit qu'elle a fait de nous pour être le
100
héraut de sa gloire et de la miséricordieuse pro-
tection dont elle veut bien toujours couvrir notre
bien-aimé diocèse , notre chère patrie et le monde
entier.
» I. Cependant , nos très-chers Frères , nous
n'avons encore rempli qu'une partie de la grande
mission que le ciel nous a donnée : une autre,
non moins belle , non moins importante à la
gloire de Dieu , à l'honneur de la Vierge sans
tâche, au bonheur de notre diocèse et au bien de
la France entière , nous reste à accomplir ; et
pour l'accomplir , nous n'épargnerons ni soins ,
ni peines, ni sacrifices trop heureux de consa-
crer les restes de notre longue carrière à la fon-
dation d'un nouveau pèlerinage en l'honneur de
Celle qui est si justement proclamée le secours
des chrétiens, le refuge des pécheurs , la conso-
latrice des affligés , le salut des infirmes ; pèle-
rinage qui sera pour le peuple chrétien, dans la
suite des temps , la forteresse de Sion , une ville
de refuge, un asile contre les coups de la justice
du ciel , si souvent provoquée par les crimes de
la terre.
>> Rappelez -vous ici l'époque à laquelle Marie
apparut sur la montagne de la Salette . Cette ap-
parition, le 19 septembre 1846 , n'a-t- elle pas été
comme la préface des plus grands événements ?
Voyez les agitations populaires , les trônes ren-
versés , l'Europe bouleversée , la société sur le
penchant de sa ruine. Qui nous a préservés , qui
101
nous préservera encore des plus grands malheurs,
si ce n'est Celle qui est venue d'en haut sur nos
montagnes, pour y planter en quelque sorte un
signe de ralliement et de salut , un'phare lumi-
neux , un serpent d'airain vers lequel les âmes
pieuses ont levé les yeux pour détourner le
courroux céleste et nous guérir de blessures in-
curables !
» Le pèlerinage de Notre- Dame de la Salette
existe donc déjà , et depuis l'Apparition de la
bienheureuse vierge Marie , il est en plein exer-
cice. Il n'y a eu jusqu'ici , il est vrai , qu'une pau-
vre chapelle en planches, sans prêtres spécialement
chargés de la desservir. Mais tout le monde a
senti le besoin de se faire un temple en ce lieu
privilégié ; chacun s'est fait son temple sur cette
montagne solitaire. La piété , les soupirs , les
larmes en ont été les ornements . Avec quelle
confiance, quelle foi, des milliers de pèlerins në
sont-ils pas venus annuellement courber leurs
fronts sur cette terre bénie, baiser respectueu-
sement les traces de Marie ! Quels sacrifices de
voyage n'ont ils pas fait pour venir chanter avec
le roi Prophète : Fundamenta ejus in montibus
sanctis . Elle a établi sa demeuré sur une
montagne qu'elle a sanctifiée ! » « Nous la véné-
rerons dans un lieu où Elle a reposé ses pieds
sacrés » Adorabimus in loco ubi steterunt pe-

Ps. 86, 1.
6.
102
des ejus ! Combien de fois aussi n'avons-nous
pas vu de pieux pèlerins déposer d'avance , et
1
pour un sanctuaire qui n'existait encore que
dans leurs vœux , des ornements de prix et même
des souvenirs d'affection ? Ne nous ont-ils pas
rappelé cette spontanéité de dons offerts par les
enfants d'Israël pour le tabernacle de Moïse et
pour le temple de Salomon ? Si le fait de la Sa-
lette avait encore besoin de confirmation , il la
trouverait dans ce concours , dans cette piété ,
dans cette joie céleste, dans un si grand nombre
de sacrifices . Et quelles merveilles de tout genre
n'ont pas été la récompense de tant de foi , de
tant de dévotion !
» Vous l'avez compris , nos très-chers Frères :
il s'agit maintenant de la construction d'un sanc-
tuaire en l'honneur de notre auguste Mère , sur
la montagne privilégiée qu'elle a daigné honorer
de sa présence, sur laquelle a, retenti sa céleste
voix .
» Ce sanctuaire doit être digne de la Reine du
ciel et un témoignage de notre reconnaissance
envers elle ; digne de notre diocèse privilégié ,
du pieux concours qui nous édifie, et des géné-
reuses offrandes qui nous parviennent ; car , di-
sons-le , ce n'est pas pour une localité plus ou
moins restreinte , c'est pour l'univers que nous
bâtissons. En quel lieu , en effet , n'a pas retenti

¹ Ps. 134 , 7.
1
103
le nom de Notre-Dame de la Salette ? En quel
lieu ne l'a-t-on pas invoquée ? Et quel pays,
proclamons-le hautement, n'a pas été signalé par
quelque faveur temporelle ou spirituelle due à
son intercession ? ..
» Au milieu du concours général que tout nous
fait espérer pour cette noble entreprise , notre
diocèse, nous en sommes sûr , ne restera pas en
arrière ; il se maintiendra , au contraire, à la tête
du grand mouvement qui se manifeste de toute
part. Notre diocèse, qui a tant de fois répondu si
généreusement à notre appel , même en faveur
d'œuvres étrangères, entendra notre voix ; il ré-
pondra à l'appel que nous lui adressons en faveur
d'une œuvre qu'il a connue le premier , qu'il
aime , dont il a ressenti les heureux effets , d'une
œuvre qui est véritablement la sienne, par la vo-
lonté du Très- Haut et par le choix tout gratuit
de Celle qu'il a depuis des siècles pour première
patronne, pour avocate et pour Mère.
» La facilité que nos chers diocésains ont de
puiser à cette source de grâces , et la proximité
des lieux , leur assurent sur les pèlerins étrangers
des avantages économiques dont les constructions
projetées doivent profiter.
» Nous voici arrivés au beau Mois de Mai , à
ce mois consacré d'une manière toute spéciale
au culte de Marie, à ce mois où tant d'hommages
lui sont adressés de toutes les parties de la terre,
à ce mois de conversions parmi les pécheurs, de
104
gråces pour les justes, de bonnes œuvres multi-
pliées en l'honneur de Celle que l'on n'invoqua
jamais en vain. Eh bien ! nos chers Frères, c'est
ce mois que nous avons voulu choisir pour la
bénédiction et la pose de la première pierre du
sanctuaire de Notre-Dame de la Salette. Nous
avons voulu que cette cérémonie se fit avec un
appareil digne de son objet ; nous avons invité
un de nos plus chers collègues à faire ce qu'il
nous eût été si doux de faire nous-même en per-
sonne, si, plus encore que l'âge , des souffrances
habituelles nous l'eussent permis. En cela , nous
avons dû nous résigner à la volonté de Dieu et
faire le sacrifice de nos affections .
» Nous vous invitons également, nos chers et
bien-aimés Frères , à vous rendre vous-mêmes
sur la Sainte Montagne, et à augmenter , par votre
pieux concours , la magnificence de ce jour qui
doit réjouir le ciel et faire tressaillir la terre
d'allégresse .
» 'C'est aussi durant ce mois de Marie que dans
toutes les églises et chapelles de notre diocèse
seront recueillies les offrandes de la piété pour
la construction du nouvel édifice .
» II. Mais , nos très-chers Frères , quelque im-
portante que soit l'érection d'un sanctuaire , il
est quelque chose de plus important encore : ce
sont des ministres de la religion destinés à le
desservir , à recueillir les pieux pèlerins , à leur
105
faire entendre la parole de Dieu , à exercer en-
vers eux le ministère de la réconciliation , à leur
administrer l'auguste sacrement de nos autels, et
à être pour tous , les dispensateurs fidèles des
mystères de Dieu et des trésors spirituels de
*
l'Eglise.
» Ces prêtres seront appelés les Missionnaires
de Notre-Dame de la Salette ; leur création et
leur existence seront , ainsi que le sanctuaire
lui-même , un monument éternel , un souvenir
perpétuel de l'Apparition miséricordieuse de
Marie .
» Ces prêtres choisis entre beaucoup d'autres,
pour être les modèles et les auxiliaires du clergé
des villes et des campagnes , auront une rési-
dence habituelle dans la ville épiscopale. Ils sé-
journeront sur la montagne pendant la saison
du pèlerinage ; et pendant l'hiver, ils évangélise-
ront les différentes paroisses du diocèse.
» C'est donc un corps de missionnaires diocé-
sains quenous instituons dès à présent, que nous
voulons vivifier et agrandir de tout notre pou-
voir, au prix de tous les sacrifices et avec le con-
cours de nos pieux diocésains et surtout de notre
bien-aimé clergé.
» Ces missionnaires suppléeront à ce que ne
peuvent faire les corps religieux que nous avons
appelés , accueillis , dont nous avons reçu tant

1 I Cor. 4 , 1.
106
d'éminents services , dont nous proclamons hau-
tement le dévouement au diocèse, les vertus re-
ligieuses , le savoir, le zèle et les succès. Daignent
la Vierge immaculée, le grand saint Dominique,
l'illustre saint Ignace , faire descendre sur leurs
enfants chéris une pluie abondante de grâces !
Cependant ne pouvons-nous pas dire avec le di-
vin maître La moisson est abondante et les ou-
vriers en petit nombre : Messis quidem multa,
operarii autem pauci¹ ? Puissent- ils être bientôt
assez nombreux pour que les paroisses de notre
diocèse jouissent tour à tour des bienfaits inesti-
mables d'une mission après un certain nombre
d'années Déjà d'autres diocèses possèdent ce
précieux avantage.
» Ce corps de missionnaires est comme le
sceau que nous voulons mettre aux autres œuvres
que , par la grâce de Dieu , il nous a été donné de
créer. C'est , pour ainsi dire , la dernière page de
notre testament ; c'est le dernier legs que nous
voulons faire à nos bien-aimés diocésains. C'est
un souvenir vivant que nous voulons laisser à
toutes et à chacune de nos paroisses ; nous vou-
lons revivre au milieu de vous, nos chers Frères,
par ces hommes respectables qui , en vous par-
lant de Dieu , vous feront souvenir de prier pour
nous.
» Aussi , nos chers coopérateurs , avez -vous
Matth. 9, 37.
107
salué avec des acclamations de joie notre pensée,
dès qu'elle vous a été connue , preuve éclatante
de la communauté de vues et de sentiments, qui
existe entre
1 vous et celui que Dieu a placé à vot
tre tête. !
» Cette société, de prêtres , destinés à devenir
vos puissants auxiliaires , et qui, pour le deve-
nir, font le sacrifice de leur personne , de leur)
position avantageuse , et embrassent la vie paur ,
vre, dure , laborieuse de l'homme apostolique ,
réclame votre généreux concours , ainsi que
celui de vos honorables paroissiens . Il leur faut
nécessairement à Grenoble une maison qui leur
serve de noviciat pour former les jeunes prêtres ,
où, dans le recueillement et l'étude , ils se pré-,
parent à de nouveaux travaux et dans laquelle
ils puissent honorablement abriter leur vieil-
lesse. Il leur faut un modeste mobilier , du linge,
une bibliothèque , etc. Tout cela leur viendra de
votre générosité qui nous est si bien connue !
Tant d'autres œuvres dans notre diocèse ont
commencé sans autres ressources que celles qui
leur étaient réservées par la Providence , et sont
aujourd'hui en voie de prospérité !
» Une des plus belles œuvres que vous puissiez
créer , nos chers collaborateurs , et la chose est
possible dans plusieurs paroisses, c'est une fon-
dation qui assure une mission à votre troupeau,
tous les huit, ou dix ans. Il en existe déjà de ce
108
genre, et on peut réussir à en augmenter le nom-
bre. Jamais on ne dira assez de quel prix est
aux yeux de Dieu une telle œuvre, de quel mérite
elle est pour le fondateur.
» La sainte Vierge a apparu à la Salette pour
l'univers entier , qui en peut douter ? Mais elle a
apparu aussi spécialement pour le diocèse de
Grenoble, qui va en retirer deux avantages inap-
préciables : un nouveau sanctuaire à Marie , un
corps de missionnaires diocésains . Ces deux œu-
vres ne sont devenues possibles que par l'Appa-1
rition, et pour toujours elles perpétueront le sou-
venir de l'Apparition.
» A ces causes , le saint nom de Dieu invoqué ,
nous avons arrêté les dispositions suivantes :
» ART. 1. La bénédiction solennelle et la pose de
la première pierre par Mgr l'Evêque de Valence, as-
sisté d'une députation de notre Chapitre et d'un
nombreux clergé, aura lieu le mardi 25 mai.
» ART. 2. Il y aura sermon, vêpres et bénédiction
du saint sacrement, à l'heure la plus convenable,'
c'est-à-dire vers midi.
» ART. 3. Une quête sera faite parmi les pèle-"
rins, ce jour-là , par quelques prêtres choisis à cet
effet.
» ART. 4. Le dimanche qui suivra la lecture de no-
tre Mandement, une quête en faveur du sanctuaire
et des missionnaires sera faite dans les églises et
chapelles du diocèse. Cette quète pourra avoir lieu ¹
109
même à domicile, là où les pasteurs lejugeront con-
venable. Cependant , les dons qui nous arrivent des
diocèses étrangers au nôtre restent toujours et exclu-
sivement affectés à la fondation du pèlerinage.
» ART. 5. Les dons en vases sacrés , ornements et
linge d'église, etc. , seront, ainsi que ceux en argent
qui seraient faits de la main à la main , consignés
dans un registre , et les noms des bienfaiteurs seront
ensuite reportés sur le registre général , qui est déjà
déposé dans les archives de l'évêché et dont un dou-
ble sera placé dans les archives du sanctuaire de la
Salette. Des prières à perpétuité seront faites pour les
bienfaiteurs tant du sanctuaire que des prêtres des-
tinés à le desservir.
» Nous saisissons avec bonheur cette occasion d'of-
frir nos actions de grâces les plus solennelles à nos
vénérables collègues , ainsi qu'aux prêtres zélés et
aux pieux fidèles de tout pays, qui nous ont déjà en-
voyé ou ont promis de nous envoyer de généreuses
offrandes. Ces dons , inspirés par la foi , joints à des
prières ferventes , sont , nous n'en doutons pas , ce
qu'il y a de plus propre à honorer l'auguste Reine
du ciel et à désarmer le bras de son Fils , justement
irrité par la multitude et l'énormité de nos péchés.
Chaque jour nous élevons nos mains suppliantes vers
le ciel pour en faire descendre les bénédictions les
plus abondantes sur tous et chacun des bienfaiteurs,
présents et à venir, connus et inconnus.
» Et sera notre présent Mandement lu et publié
dans toutes les églises et chapelles de notre diocèse,
7
110
à la messe paroissiale ou de communauté , le diman-
che qui en suivra immédiatement la réception .
Donné à Grenoble, sous notre seing, le sceau de
nos armes, et le contre-seing de notre secrétaire , le
1er mai 1852.
+ PHILIBERT, Evêque de Grenoble.
» Par mandement :
» AUVERGNE , chan. honor. , secrét. »

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.


111

DEUXIÈME PARTIE.

Exercice fondamental de la dévotion à N.-D. Réconcilia-


trice, ou Méditation de la sainte Apparition.
(Pour servir à une retraite sur la sainte Montagne ¹ ) .

AU PIEUX SERVITEUR DE MARIE, EN RETRAITE SUR


LA SAINTE MONTAGNE DE LA SALETTE .

. Venez à l'écart en un lieu désert et reposez-


vous un peu * ; » disait un jour le divin Maître à
ses apôtres. Notre auguste Mère, pieux Pèlerin,
vous a tenu le même langage pour vous attirer
sur la montagne de ses larmes Venez, vous a-t-

La méditation de la sainte Apparition, pour être


complète, devrait embrasser tout ce que renferme d'ad-
mirables enseignements cetouchant mystère. Nous avons
indiqué précédemment le plan que l'on pourrait suivre
dans cette pieuse étude. (1re part. , ch. 3.) Les 14 Médi-
tations que nous donnons ici sont empruntées à ce plan
général ; mais le cadre restreint de ce petit livre ne nous
permet pas de nous étendre davantage.
2 Marc. 6. 31 .
112
Elle dit, ne demeurez pas toujours au milieu du
monde où votre âme est exposée à perdre de vue
les grands intérêts de la gloire de mon Fils et de
votre propre salut ; quittez quelque temps ce
monde où l'illusion est si facile , où le péché est
si commun ; venez, àme bien-aimée, venez à moi ,
hâtez-vous ! Je parlerai à votre cœur ; je vous
donnerai la paix , la liberté, la lumière , la force,
toutes les grâces dont vous avez besoin . ·- Venez
sur ma montagne , dans ce lieu désert, et reposez-
vous doucement dans la méditation de mon
amour, de mes douleurs et des grandes vérités
que je suis venue rappeler aux hommes.
Vous avez entendu la voix de votre Mère, pieux
Pèlerin, et maintenant vous êtes à ses pieds , sous
son regard si doux ; et vous allez passer avec
Elle ce temps précieux des saints Exercices. Ap-
prenez donc avec docilité les dispositions que cette
tendre Mère demande de vous .
1º Le recueillement. Cette disposition inté-
rieure, ou plutôt cet état habituel de l'âme, est
nécessaire dans toutes les retraites . Vous êtes venu
dans la solitude pour entendre la voix de Dieu, ses
doux reproches , ses enseignements paternels, ses
encouragements, les inspirations de sa grâce. Mais
cette voix ne parle qu'aux cœurs bien attentifs ;
elle craint le bruit et le tumulte.
Et cet état de recueillement, de silence, de sépa-
ration de tout bruit, n'est-il pas du reste la pré-
caution que nous prenons , quand il s'agit pour
113
nous de penser à une affaire de grande impor-
tance ? Et quelle affaire est comparable à celle que
nous traitons pendant le temps d'une retraite ?
Le recueillement, le grand silence intérieur et
extérieur, est toujours très-utile ; mais il l'est
bien davantage dans une retraite que nous con-
sacrons à méditer le touchant mystère de l'Appa-
rition de notre Mère . Elle-même nous en avertit
et par ses paroles et par la conduite qu'Elle ins-
pire aux deux petits enfants témoins de son Ap-
parition . Elle leur dit : « Approchez , mes enfants ,
n'ayez pas peur ; je suis ici pour vous conter une
grande nouvelle ; » et les deux petits bergers
disent : « Nous nous sommes approchés , et nous
étions si près de cette belle Dame , qu'une per-
sonne n'aurait pas pu passer entre Elle et nous ; »
et ils ont tout vu , et tout retenu jusqu'à la moin-
dre de ses paroles , et pas un détail de son cos-
tume et de ses actions n'a échappé à leur atten-
tion. Or, pieux Pèlerin , n'est- il pas juste de dire
que ce bonheur qu'ils ont eu de remarquer, de
retenir tout ce qui tient à ce grand miracle,
est le fruit du recueillement de leur esprit, tout
entier occupé à ce qui se passait devant eux ? A
cet égard , ces deux enfants sont nos modèles ;
oublions tout pour n'avoir qu'un objet devant nos
yeux, notre divine Mère inondée de ses larmes et
nous communiquant le sujet de son immense
douleur.
Vous éviterez donc tout ce qui peut vous dis-
114
traire. Vous prendrez quelque temps de récréa-
tion , comme le porte le règlement, mais en ayant
soin de ne point vous laisser aller à une dissi-
pation d'esprit qui pourrait être bien nuisible à
votre retraite . Saint Jérôme dit : Je n'appelle
dans ma solitude que ceux qu'il me plaît. Je ne
veux pour ma société que les Saints et les Anges,
et je jouis ainsi des entretiens de Jésus-Christ ' .
Vous pouvez ajouter , pieux Pèlerin et de ceux
de sa sainte Mère , qui est aussi la mienne. Saint
Bernard vous donne le conseil suivant : 0 âme
chrétienne, soyez bien seule, afin d'être tout en-
tière à Celui qui n'a pas son égal et que vous avez
choisi entre tous. Séparez-vous de vos amis les
plus intimes ; et sachez même vous priver de la
présence et des soins de votre serviteur. Vous
savez bien que vous avez un Epoux réservé à
l'excès qui ne veut pas venir vous visiter, si vous
n'éloignez toute autre personne 2. Enfant de Ma-
rie ; dites-le aussi de cette auguste Mère . Elle
peut avoir à vous parler, et ses paroles ne regar-
deront que vous ; soyez donc bien seule avec Elle.
2º La bonne volonté.- Que peut-on faire en ce
monde sans la bonne volonté ? Elle est néces-
saire pour réussir dans tous les états , et la moin-
dre affaire la réclame. Jetez un moment les yeux
sur la scène du monde. Que d'efforts ! que de sa-
crifices ! que de peines on s'y donne ! Et pourquoi?
Hier. in. op. cui tit. Manrèse, p . 22.
2 S. Bern., Ibid.
115
Que cherchent-ils, que poursuivent-ils, ces pau-
vres mondains ? Hélas ! rien autre chose que la
vanité. Assurément leurs vues peuvent être bon-
nes et légitimes ; mais , au fond , qu'est- ce que for-
tune et honneurs et joies terrestres ? J'ai vu , dit
le Sage , tout ce qui est sous le soleil , et tout cela
n'est que vanité et affliction d'esprit ' . Si l'énergie
de l'âme, la constance , la bonne volonté , sont né-
cessaires pour réussir dans les affaires du monde ,
comment ne seraient-elles pas indispensables
quand il s'agit de l'affaire du salut ? Quelle n'est
pas l'importance de celle - ci ? A proprement parler
c'est l'unique affaire , celle dont le succès décide de
notre sort éternel , mais qui présente ici- bas des
difficultés sans nombre. Pour la mener à bonne
fin, il faut remporter tant de victoires et sur le
monde et sur le démon et sur nous-mêmes !
Après une victoire , il faut tant de soins , tant de
vigilance , pour que nos ennemis ne nous sur-
prennent pas de nouveau ! Et jusqu'au terme de
la vie nous avons à déployer tant de courage
pour ne point nous lasser dans ces luttes inces-
santes , tant d'énergie pour assurer toujours
mieux notre triomphe et ne point faiblir miséra-
blement ; que cette volonté ferme , généreuse et
persévérante , que le monde regarde comme indis-
pensable en ses affaires , devient ici de la plus
évidente et de la plus absolue nécessité . Ecoutez
1 Eccle. 4.14.
116
les enseignements de la Vérité éternelle : Le
royaume des cieux souffre violence , et les violents
seuls , les cœurs généreux , les âmes fortes et con-
stantes, le ravissent ' . Faites effort pour entrer par
la porte étroite 2 , parce qu'elle est bien large la
porte et bien spacieuse la voie qui conduit à la
perdition ; mais qu'elle est petite la porte et qu'elle
est étroite la voie qui conduit à la vie ³ !
Il n'est donc pas possible de douter qu'une
volonté résolue , forte et véritablement bonne , ne
soit nécessaire à la vie chrétienne . Vous aurez à
en faire bien souvent des actes dans cette retraite ;
vous aurez à haïr davantage le péché , à avancer
dans les voies de la Charité , et à vouloir imiter
toujours mieux vos modèles , Jésus et Marie .
Tiède au service de Dieu , vous savez le travail
qui vous attend ; et pauvre pécheur , de quel
abîme vous avez à sortir , de quel fardeau vous
devez vous débarrasser ; et quelles chaînes , peut-
être mille fois rivées par le péché sur votre âme,
vous avez à briser !..
Mais , pieux Pèlerin , n'oubliez pas de considérer
、 sans cesse Celle qui sera toujours avec vous ,
dans ce travail , dans cette lutte spirituelle. Rap-
pelez -vous aussi le grand exemple qu'elle nous
a donné dans son Apparition , de cette volonté
forte et persévérante. Elle nous dit : Le bras de
mon Fils est si lourd , si pesant, que je ne puis
1 Matth. 44.12. 2Luc. 13. 24. - 3 Matth. 7. 14.
117
plus le retenir. Depuis le temps que je souffre
pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne
vous abandonne pas , je suis chargée de le prier
sans cesse. Vous aurez beau prier, beau faire,
jamais vous ne pourrez récompenser la peine que
j'ai prise pour vous.
3° La Confiance. - Vous garderez , durant ces
exercices, le plus profond recueillement, le plus
grand silence intérieur et extérieur ; vous y ap-
porterez une volonté vraiment bonne , bien géné-
reuse, bien résolue ; mais écoutez , Enfant bien-
aimé de N.-D. de la Salette : Avant tout cela et
au-dessus de tout cela , remplissez votre âme de
la plus douce confiance . Oui , confiance ! confiance
toute filiale , toute de cœur ! Qu'elle soit abon-
dante , inaltérable , absolue ! Qu'elle soit comme
l'air que vous respirez , qu'elle soit l'aliment de
votre âme et sa vie. Ainsi le veut le Cœur adora-
ble de Jésus ; c'est essentiellement l'esprit des
âmes rachetées de son précieux Sang ; c'est l'es-
prit, c'est la vie des enfants de son aimable Mère.
Que faisons-nous sur cette pauvre terre si notre
âme ne se dilate pas sans cesse dans la confiance ?
Ecoutez le bon Maître ; Il ne veut attirer les
âmes à son cœur que par elle : Apprenez de moi
que je suis doux et humble de cœur, c'est - à - dire
tout à fait abordable , indulgent , miséricordieux .
Venez à moi , vous tous qui êtes chargés et qui
succombez sous le poids de vos peines , et je vous
soulagerai ! Ecoutez aussi les paroles de sa très-
7.
118
douce Mère apparaissant ici . Les petits bergers
disent Puis cette belle Dame s'est levée , a
croisé les bras et nous a dit : Avancez , mes en-
fants, n'ayez pas peur ! » Avancez ! .... mes en-
fants ! ... n'ayez pas peur ! ... quelles paroles ! quel
est le cœur qui les entendra sans être ému ? Les
petits enfants en faisant leur récit ajoutent : Et
nous nous sommes avancés , et nous n'avons plus
eu peur ; et nous étions si près de cette grande
Dame , qu'une personne n'aurait pas pu passer
entre Elle et nous ! O Pèlerin de la sainte mon-
tagne, vous n'êtes pas sans doute un pécheur en-
durci dans le mal ; mais quand votre vie n'aurait
été jusqu'à ce jour qu'une longue suite de crimes
et un long désespoir , ne vous troublez pas , de
grâce ! Avancez , n'ayez pas peur ! Celle qui fut
toujours votre Mère , pauvre prodigue , laissera
tomber sur vous l'abondance de ses larmes , et
votre cœur sera touché , et il se repentira de tant
d'offenses dont vous êtes coupable envers Dieu,
et vous rentrerez en grâce avec Lui . Pauvre âme
tiède, cœur indifférent et froid , ou livré peut-
être à une désespérante légèreté , vous avez le
plus grand besoin de ces saints exercices ; ne
yous rebutez pas de tout ce que demande d'efforts
et de courage le bien de votre âme ; avancez ,
n'ayez pas peur .... Le joug de Marie est doux et
son fardeau léger.
Avancez tous , cœurs souffrants, âmes affligées,
vous que la tentation fatigue à l'excès, vous que
119
l'épreuve visite depuis longtemps ; n'ayez pas
peur. Toutes les grâces , toutes les consolations
vous sont assurées , une vie nouvelle , la vie véri-
table vous sera donnée, si vous êtes fidèle dans
cette retraite. Votre auguste Mère vous accompa-
gnera partout. Dans vos méditations, vos lectures ,
vos examens , vos confessions , vos visites à la
Fontaine miraculeuse, dans vos rapports avec le
directeur spirituel, dans vos doutes et dans vos
craintes, dans vos consolations et dans les résolu-
tions que vous prendrez , Elle sera avec vous,
auprès de vous ; Elle parlera à votre cœur, Elle
sera votre première directrice . Croyez-le , Elle
tient tant à vous voir heureuse , chère Ame, heu-
reuse du bonheur des âmes saintes ; Elle a pour
vous tant d'amour, tant de tendresse , tant de com-
mi sération , tant de dévouement ! .... Avancez
donc, Enfant bien-aimé , allez auprès de votre Mère,
et, durant ces jours de bénédiction , ne vivez plus
que sous ses yeux et dans sa sainte compagnie.

Manière particulière de méditer sur la sainte


Apparition de notre Mère .
L'Apparition de notre bonne Mère n'est pas seu-
lement un fait surnaturel qu'il faut recevoir avec
reconnaissance ; elle est surtout un aliment céleste
dont nous devons nourrir notre âme. Le petit
berger a dit un mot bien remarquable : Pendant
que la belle Dame parlait , il semblait que nous
120
mangions ses paroles ' . » C'est là un grand en-
seignement il faut donc que tout ce mystère
passe en nous, dans la pratique de notre vie chré-
tienne, comme les aliments se transforment en
notre corps et deviennent le principe de cette vie
terrestre 2.
Mais par quel moyen , direz-vous , pouvons-nous
nous assimiler cet aliment celeste ? C'est par le
saint exercice de la méditation. Ainsi parlent les
auteurs qui en ont traité 3. Approchons-nous dono
du festin préparé par notre auguste Mère Elle-
même. Ne nous semble-t-il pas qu'Elle nous dise
ici, comme aux jours de ses solennités : Si quel-
qu'un est petit et simple, qu'il vienne à moi ! Oui !

Un Pèlerinage à la Salette , par M. l'abbé Gobert ,


p. 63.
2 Cette manière de considérer la parole de Dieu et les
enseignements célestes est fondée sur l'Ecriture elle-
même. Notre-Seigneur nous dit ( S. Matth . 4. ) que l'homme
ne vit pas seulement de pain , mais de toute parole qui
sort de la bouche de Dieu; et la remarque du pelit berger
que nous venons de citer reproduit d'une manière vrai-
ment frappante le Comede volumen istud de S. Jean (Apoc.
40.9 .) et d'Ezechiel (3. 3. ) . Dans ce dernier prophète , le
livre qu'il doit dévorer ne renferme que lamentations,
chants lugubres et menaces, Lamentationes et carmen et
vce: Quel autre saisissant rapprochement avec l'Appari-
tion de notre Mère !
3 Schram. Theol. myst. , t .1 , p . 1 , c. 2, 554.
121
venez et mangez le pain que j'ai fait moi-même ,
et buvez le vin que j'ai mêlé pour vous '.
Maintenant , sans user de figures , pieux Enfant
de Marie, nous vous donnons la méthode à suivre
dans la méditation de la sainte Apparition .
Cette méthode comprend trois parties principa-
les : le Prélude, le Corps de l'oraison et le Collo-
que. Nous allons les expliquer. Disons auparavant
que le Prélude est toujours précédé de la prépa-
ration qui consiste, suivant l'attrait de chacun , en
prières vocales : comme le Veni , sancte Spiritus...
le Pater...., des actes d'adoration , de contrition ,
etc., ou bien en ces mêmes sentiments produits
mentalement. On arrive ensuite au Prélude .
I. Le Prélude. - 1. Représentez-vous la Sainte
Vierge assise ou bien debout (suivant le sujet) près
de la Fontaine miraculeuse ; considérez- la avec le
costume qu'Elle porte, la lumière qui l'environne
et les larmes qui coulent de ses yeux ; pensez en
même temps qu'Elle apparaît pour vous et enten-
dez-la vous adressant ces paroles : Avancez , mon
enfant, n'ayez pas peur.... ; 2° Allez à cette misé-
ricordieuse Mère avec respect et confiance ; met-
tez-vous humblement à genoux devant Elle et ren-
dez-lui vos hommages : louez , bénissez, remerciez,
demandez pardon , demandez la grâce de bien com-
prendre ses maternelles intentions, - suivant l'at-
1 Parab. Salom. , c. 9, in festis B. M. V. per annum,
I noct.
122 ,
trait intérieur et le sujet de l'oraison ..,. ; 3° Dites
avec beaucoup d'amour : J'écouterai les paroles
de ma Mère et de ma souveraine : Audiam quid
loquatur in me ' . Je suis votre serviteur et votre
enfant ; donnez-moi la lumière et l'intelligence ,
afin que je comprenne vos saints enseignements :
Tuus sum ego... da mihi intellectum , et discam
mandala lua².
II. Le Corps de l'oraison. Cette partie com-
prend trois points qui sont les Réflexions , les
Affections et les Résolutions.
1° Les réflexions. Nous trouverons , dans les
méditations suivantes, les principales réflexions
que l'on peut faire sur le sujet qui est indiqué .
Il faut avoir soin d'en faire la lecture quelque
temps avant la méditation . Si vous pouvez compter
ensuite sur votre mémoire, laissez le livre ; sinon ,
relisez à cet endroit de la méditation ce qui est
écrit sur le sujet de l'oraison , et réfléchissez sé-
rieusement sur les considérations qui y sont fai-
tes . N'oubliez pas qu'il est nécessaire que vous
atteigniez ce double but : 1° Une solide conviction
de la vérité du sujet médité ; 2º la nécessité pour
vous de le mettre en pratique ;
2º Les affections. -- Elles naissent naturelle-
ment de ce qui précède. C'est la louange , l'admi-
ration, l'amour, l'action de grâces, la crainte, la

1. Ps. 84, 9. -- 1 Pg. 418.


123
confiance , le repentir, etc. Votre cœur doit les
produire comme elles naissent en vous, c'est-à-
dire simplement et sans contrainte ni effort. Il est
tout naturel aussi que la Bien-Aimée Mère , aux
pieds de laquelle vous faites votre méditation , ne
soit jamais étrangère à ces actes, quels qu'ils
soient ;
3º Les résolutions. ― - Les résolutions suivent
encore naturellement les considérations et les af-
fections. Elles doivent toujours être telles que le
besoin présent de votre âme le réclame , et toutes
accompagnées d'humilité et de confiance en Dieu
et en notre miséricordieuse Mère . Ayez soin
qu'elles attaquent directement votre défaut domi-
nant.
III. Le Colloque ou Conclusion. La conclu-
sion de l'oraison sera un colloque affectueux avec
Notre Mère. Le sujet de la méditation a pu vous
distraire de sa sainte présence. Maintenant voyez-
vous de nouveau à genoux devant Elle ; présen-
tez-lui vos résolutions et priez -la de les bénir ;
parlez-lui , comme un enfant simple , respectueux
et confiant , de votre faiblesse , de votre incon-
stance , de tous les autres défauts et des peines
de votre âme. Ce moment de l'oraison est bien
précieux. Ne craignez pas de laisser aller votre
cœur à toutes sortes de saintes affections , de
demandes , de supplications . Mais , comme le
mot l'indique, un colloque est un entretien. Ayez
124
donc soin de ne pas toujours parler vous seul ;
entremêlez votre prière de pauses pour écouter
votre compatissante Mère . Elle a parlé aux deux
petits enfants de la Salette ; Elle a peut-être quel-
que parole particulière pour vous. Sur la fin de
votre exercice , priez pour l'Eglise , pour les Sémi-
naires, pour toutes les âmes qui sont particuliè-
rement dévouées à Marie . Accordez surtout un
souvenir particulier aux pauvres agonisants et
aux pécheurs , aux pieds de N.-D. Réconciliatrice.
Avant de vous retirer, demandez encore une
fois la bénédiction de l'auguste Reine du Ciel, et
récitez le Sub tuum, la prière à N.-D. de Compas-
sion (3 partie) , ou toute autre, suivant l'attrait
intérieur de la grâce et le sujet de la méditation .

Principaux exercices d'une Retraite particu-


lière.

Après le lever, Prière vocale et première Médi-


tation. Sainte Messe ' .
Sept heures et demie. - Déjeuner.
Huit heures . -- Première partie du Rosaire,
suivie d'une demi -heure de lecture spirituelle et
préparation de la seconde Méditation .
Dix heures . Seconde Méditation.
Onze heures. · Exercice public du Récit de
l'Apparition , sur les lieux mêmes .

' Voir, pour tous ces exercices : sainte Messe , Vépres,


Chemin de Croix, etc., etc., la 3 partie de l'ouvrage.
}

125
Onze heures trois quarts. - Examen particulier,
dans l'Eglise.
Midi . Dîner suivi de la récréation .
Deux heures. - Vêpres de la Sainte-Vierge ;
suivies de la deuxième partie du Rosaire, et pré-
paration de la troisième méditation , si on doit la
faire. Elle sera ordinairement la répétition des
deux Méditations du matin réunies .
Trois heures. -Exercice particulier de la visite
à la Fontaine miraculeuse , suivi du Chemin de
la Croix .
Quatre heures et demie. -- Lecture spirituelle.
Cinq heures et demie. -- Troisième Méditation .
Six heures et demie. - Souper suivi de la ré-
création .
Sept heures et demie. Examen de conscience
devant le Saint- Sacrement .
Huit heures. Exercice public à l'Eglise : troi-
sième partie du Rosaire , Prière du soir , etc.
Avant le coucher , préparation de la première
Méditation du lendemain .
Dans les temps libres , préparation de la con-
fession , de la direction ; - notes , mémorial de la
Retraite, résolutions ; dévotions particulières , etc.
Régler d'avance avec le directeur de la Retraite
les sujets de méditation (surtout si on ne devait
pas les méditer tous) , - l'observation du silence ,
- les exercices de pénitence , - - les livres dont on
peut se servir pour la lecture spirituelle . - Pren-
126
dre pour sujet des premières lectures la première
partie de cet ouvrage .
Comme le but de la Retraite n'est presque ja-
mais le même chez les personnes qui en font les
exercices, nous n'entrerons pas dans d'autres dé-
tails.
127

MÉDITATION PRÉPARATOIRE.

La Céleste Messagère.

Cette Méditation, quel que soit le temps que


l'on consacre à la Retraite , ne doit jamais être
omise. Elle est comme la préparation de toutes
les autres . On aura même soin de la faire à plu-
sieurs reprises, si elle produit quelque impres-
sion particulière , comme serait un sentiment plus
vif, plus intime de la présence de notre Mère , un
besoin plus sérieux de nous appliquer à l'Appari-
tion, de vivre au milieu de ce mystère, etc. etc.
1 RÉFLEXIONS.
I. Quelle est Celle qui se montre à nous ?... Oh !
ue toute la création se lève et s'incline , que tout
sprit soit tourné vers Elle, que tous les cœurs
tessaillent d'amour..... c'est MARIE ! la grande,
glorieuse, la compatissante, l'aimable , l'in-
emparable Marie... AVE MARIA !
Marie, c'est-à-dire la Mère de Dieu ; la vérita-
bl, la digne Mère de Dieu ; Celle qui a reçu , par-
m toutes les créatures, la plus haute , la plus su-
bine de toutes les dignités... Marie, la digne
Fil de Dieu le Père ; Marie , la vraie Mère du
Fil Verbe Eternel ... ; Marie, l'Epouse accomplie
de Esprit saint par l'opération ineffable duquel
128
Elle a conçu son Fruit divin . Consanguinea Sanc-
tissimæ Trinitatis ¹ . Aussi , par delà cette créa-
tion visible, par delà le monde invisible des Saints
et par delà la hiérarchie des chœurs angéliques,
dans le sanctuaire même de la suradorable Tri-
nité, dont Elle est l'Euvre excellente et la Gloire ',
Elle a son trône sans égal .... Son titre de Mère
de Dieu l'a élevée jusque-là..... et son humilité et
sa virginité sans tache l'élevèrent à la Maternité
divine . O Gloires ! O Grandeurs ineffables ! O
Mérites ! O Excellences de Marie ! ..... Quand Elle
fut conçue Immaculée entre toutes les âmes , Dieu
la placa à ces hauteurs de la sainteté où s'arrê
tent les Saints les plus parfaits, les plus favorisé:
par la grâce , et c'est de ces hauteurs que cette
créature sans égale s'est élancée dans ces voies
incomparables de perfection qui ne sont connues
que de Dieu.... Omnia tua ingentia ! Omnia tu
admirabilia 5 !
1 Cornelius à Lap. in Prov. 8 23.
2 Opus Domini mirabile, antonomastice, de quo dicitur
in Eccli. 43. 2. Vas admirabile, opus Excelsi. (S. Bonv.
in Spec. B. V. C. 7.) — Per quam SS . Trinitas in univeso
orbe glorificatur et adoratur. (Concil. Ephes . C. 6. —
Id. habet S. Bern . serm. 98. — Quelques Docteurs apel-
lent même Marie : Universum Trinitatis complementim.
Contenson. Theol. ment. et cordis , lib. 40, diss . 6, . 2,
Spec. 2. Et d'Argentan, Conf. sur les Grand. de laste-
Vierge. Conf. 4™ .
3Virginitate placuit, humilitate concepit. S. Berard,
Serm . 1. in Missus est. 4 Suarez. in 3. p. Thom .. 27.
disp. 4, sec. 1.5S. Germ. Constant. Orat. in Zon B. V.
129
Quelle est grande Celle qui vient à nous ! Elle
est la très-digne Reine du monde, comme parle
la sainte Eglise¹ ; Elle a sur lui d'incontestables
droits 2 ; Elle en est la douce et miséricordieuse
Protectrice . Toutes les créatures qui servent Dieu
lui sont aussi soumises³ ; à son nom tout genou
fléchit au ciel , sur la terre et dans les enfers ; et
Dieu lui-même veut bien encore se soumettre à
ses volontés . Ainsi parlent les Saints.- Et cette
grande puissance, c'est son humilité qui la lui mé-
rita, le jour de son consentement au glorieux mys-
tère de l'Incarnation du Verbe dans son sein ".
Omnia tua ingentia ! Omnia admirabilia !
Qu'elle est grande Celle qui vient à nous !... Et
malgré tant de gloire , Marie se plaît à être appe-
lée notre Mère, - et Elle l'est en effet ! ... Ah ! si
Elle est Mère !... Et quel cœur ! quel dévouement !
quelle générosité ! quelle ardeur ! quelle cons-
tance !...que de peine Elle a prise depuis le temps
qu'Elle souffre pour nous ! ... Mère des justes et
Mère des pécheurs , Mère des affligés et des pau-
¹ Regina mundi dignissima. (Miss. Rom. in fest. B. M.
V. de Monte Carmelo.- 2 Cornel. à Lap. in Prov. 8. 15.
P. Poiré, Triple Couronne, Traité 2 : Couronne de pouvoir.-
Suarez, in 3. p. Th. disp. 1. s. 2. n. 7. - 3 S. Bernard. Se-
nens. pro festis B. V. , serm . 5. c. 6.- S. Ildefons, ap.
Jos. à S. Michael Bibl. Mar. - 5 S. Bernard. Senens. , pro
festis B. V., serm. 5. c. 6. Imperio Virginis omnia famu-
lantur, etiam Deus. S. Bern. Sen. , ibid., c. 3. In illo
consensu meruit primatum orbis , dominium mundi ,
sceptrum regni super omnes creaturas.
130
vres , et des petits, et de ceux qu'on méprise, et
de toutes les âmes sur lesquelles a coulé le Sang
Précieux de son Fils. Oh ! bonne Mère !... Nous
reviendrons plus tard sur ce titre , qui est, pour
nous, son titre par excellence.
Qu'elle est bonne Celle qui vient à nous!... C'est
notre Médiatrice toute-puissante , notre Avocate
pleine de zèle , notre Réconciliatrice pleine d'a-
mour. C'est Celle qui intercède sans cesse pour
nous ' ; Celle qui retient le bras de son Fils irrité
contre nous ' , qui lui réconcilie nos âmes ' , qui
est la Trésorière et la Dispensatrice des grâces * ;
Celle qui est toute vie , toute douceur, toute espé-
rance pour ceux qui aiment Dieu comme pour les
désespérés ; en un mot, Celle qui est Tout pour
nos âmes , après Jésus, le principe et la source
adorable de tout ce qu'Elle est.
Et vous êtes à ses pieds, et vous allez vivre
sous ses regards , en son aimable compagnie , pen-
dantces jours de Retraite... Quel honneur : quelle
grâce !... Dans quelles dispositions toutes parfai-

' B. Albert. Magn . sup. Missus est. c. 59.-S. Bonavent.


Specul. B. V. , lect. 7-44. Detinet Filium ne peccatores
percutiat; nemo tam idoneus qui gladio Domini manum
objiciat. S. Chrysost. in Nativ. B. V. - S. Bern. in
vig. Nativ. Dni , Serm. 3 et alibi, de Aquæd . -- S. Bern.
Senens. pro festis B. V., Serm. 13. c. 3. - S. Joan . Da-
masc. apud S. Liguori, Gloires de Marie, p. 1. c. 3.- 6 Om-
nia omnibus Maria. S. Antonin. in Summ., p . 4 , tit. 45, c.
26. - S. Bern . - Alb. Magn . ap. Marracci.
131
tes il faut que vous entriez ! Profond respect.
Recueillement et silence. Paix . -- Reconnais-
sance. Abandon.
11. Pour qui vient Elle ? - Elle vient pour tout
son Peuple . Eh bien ! mes enfants , dit-Elle , vous
le ferez passer à tout mon peuple . Elle est la
Reine de toutes les âmes rachetées : c'est à toutes
les âmes qu'Elle s'adresse et qu'Elle veut que sa
parole soit portée . C'est ainsi que Notre- Seigneur
disait autrefois à ses apôtres : Allez , enseignez
toutes les nations ' . Aussi avons-nous ce senti-
ment bien intime dans l'âme qu'un jour viendra
où les nations , comme telles, c'est-à-dire par des
témoignages publics et populaires , reconnaîtront,
bénirontetexalteront l'Apparition de notre Mère…..
Oui ! il en est ainsi ! Et comme la neige et la pluie
descendent du ciel et n'y retournent plus , mais
pénètrent la terre et la fécondent , pour la vie de
l'homme , de même les paroles de l'Auguste Marie
ne reviendront pas à Elle sans fruit ; elles répon-
dront à ses desseins et le monde verra l'accom-
plissement de ses vues miséricordieuses *.
Mais quand le divin Maître envoyait ses apô-
tres aux nations, et qu'il leur disait de les bapti-
ser au nom du Père et du Fils et du S. Esprit,
il entendait bien leur recommander chacune des
âmes qu'il avait rachetées de son sang ; aussi
Matth. 28. 19. 2 Isaï. 35. 10. 11. Quomodo descendit
imber, etc., sic erit verbum meum... Faciet quæcumque
volui, etc.
132
S. Paul parlant un peu plus tard aux Galates de la
Passion de ce divin Rédempteur , ne manquait-il
pas de dire qu'il était mort pour tous les hommes,
pour chacun en particulier, pour lui Paul mainte-
nant apôtre et autrefois persécuteur : Dilexit me et
tradidit semetipsum pro me ¹ . Par ces paroles , dit
S. Jean Chrysostôme , il nous apprend que les mé-
rites des souffrances du bon Maître sont appliqués
à chaque âme prise séparément avec autant
d'abondance que si elle était seule en ce monde ? .
Cette doctrine nous incline naturellement à pen-
ser que si la divine Mère est venue pour tout son
Peuple, Elle était aussi là pour chacune de ses
chères âmes, - pour moi en particulier qui en ce
moment, attiré par Elle, me trouve à ses pieds
pour méditer sa sainte Apparition . Du reste, Elle
même nous incline à le croire, quand nous la
voyons porter la condescendance jusqu'à con-
verser avec ces deux pauvres petits pâtres , et
faire à Maximin seul une question si peu im-
portante en apparence , que celle qui regarde le
blé gâté, et la terre du Coin et le champ du voisin ...
O Mère !... quand le soleil brille au firmament, il
éclaire la terre et les cieux, et il n'y a pas jusqu'au
moindre insecte qui n'ait toute sa lumière et toute
sa chaleur ; et vous , doux Soleil de nos âmes
¹ Galat. 2. 20. - 2 S. Chrys . apud Cornel. à Lap. in Galat.
2. 20. 3 Nous avons compté au moins 120 fois ce nom
glorieux donné par la tradition catholique à la divine
Marie. V. P. Hipp. Marracci, Polyanth. Mariana, lib. 46.
133
qui brillez avec tant d'éclat au firmament des mi-
séricordes divines , laisseriez -vous une seule âme
privée de votre bienfaisante lumière et de votre
vivifiante chaleur ?... Oh non ! ... Je connais trop
votre cœur de Mère ; comme vous êtes venue pour
toutes les âmes , vous êtes venue pour moi ... Je le
crois , je le sens , surtout ici sous vos regards, à
vos pieds bénis....
Ainsi, quand Elle était assise , quand Elle repo-
sait sa tête dans ses mains et qu'Elle versait tant
de larmes , Elle pensait à moi... Mais, hélas ! mon
souvenir l'a- t-il consolée ?... N'a-t-il pas, au con-
traire, provoqué des larmes nouvelles , plus abon-
dantes et plus amères ?... Quand Elle se leva et
qu'Elle dit : Approchez , mes enfants..., Elle parla
de moi... Quand son doux regard s'abaissa sur la
terre, Elle me vit à travers le temps et l'espace ;
où me vit- Elle ?...... dans quelles voies ? Je suis à
ses pieds maintenant pour la bénir et pleurer avec
Elle...
Elle est aussi venue pour vous , justes de la
terre, ses enfants d'amour, vous qui la consolez ;
Elle est venue vous demander votre aide, vous
demander vos prières , vos pénitences , vos œuvres
de réparation et d'expiation ... Car , pour vous,
l'esprit de son Apparition et l'intention de son
cœur si jaloux de la gloire de Jésus et du salut
des âmes , c'est la Réparation , c'est la Réconcilia-
tion... Méditez ... Approfondissez cette parole .....
Elle était là pour vous , comme si vous eussiez
8
134
été seule au monde, âme tiède ! ... Sa voix si
douce vous dit aussi : Avancez , mon enfant !....
C'est de vous qu'Elle parlait en ces termes : Et
vous n'en faites aucun cas ! ...... Ah ! chère âme !
ses larmes sont brûlantes... Approchez ! si une
seule tombait sur votre cœur si insensible , il de-
viendrait à l'heure même une fournaise d'amour...
O larmes ! O effusion du cœur de l'Immaculée ,
du cœur de ma mère ! tombez , tombez sur moi et
que je brûle ; que cette tiédeur intolérable finisse,
et que je sois à vous , ô Marie ! par l'amour le
plus ardent , pour la vie et l'éternité...
Pauvres , affligés , désespérés, où êtes - vous ?
pourquoi êtes vous tristes et désolés ?....... Elle
était aussi là pour vous ; Elle vous portait dans
son cœur.... Ne l'oubliez pas : Elle vous a aimés ,
Elle vous aime encore ; que votre âme s'ouvre
donc à l'espérance ! ... - Mais , avant tout, quelles
que soient nos peines , Enfant de Marie ! soyons
résolus de faire amoureusement toute sa volonté,
de répondre à toutes ses vues.
III. A quelles fins vient Elle? ―― Elle vient nous
visiter pour remplir les fins les plus nobles , pour
accomplir les desseins les plus miséricordieux.
Elle nous dit Elle- même , dès le début, toute la
gravité de sa démarche : Approchez , mes enfants...
Je suis ici pour vous dire une grande nouvelle .
Une grande nouvelle ! Enfants de Marie ! Que
notre âme se recueille pour entendre les paroles
solennelles de la divine Messagère ! Pesons - les...
135
Approfondissons - les dans le silence de la Re-
traite...
Si mon peuple ne veut pas se soumettre , je suis
forcée de laisser aller le bras de mon Fils . Il est
si lourd et si pesant que je ne puis pas le retenir.
Depuis le temps que je souffre pour vous ! Si
je veux que mon Fils ne vous abandonne pas , je
suis chargée de le prier sans cesse... et vous n'en
faites pas cas.
Vous aurez beau prier , beau faire , jamais vous
ne pourrez récompenser la peine que j'ai prise
pour vous !
Je vous ai donné six jours pour travailler . Je
me suis réservé le septième et on ne veut pas
me l'accorder....
Ceux qui conduisent les charrettes ne savent pas
jurer sans mettre le nom de mon Fils au milieu ...
Ils ne vont à l'Eglise que pour se moquer de
la Religion ... Le carême, ils vont à la boucherie
comme des chiens...
Il viendra une grande famine ..... Les petits
enfants mourront.... >>
Et la petite bergère ajoute : Et Elle a pleuré
tout le temps ; j'ai bien vu couler ses larmes....
Et Elle portait sur son sein une croix avec des te-
nailles et un marteau.... Et puis en finissant Elle
a dit : Eh bien, mes enfants, vous le ferez passer
à tout mon Peuple .
Vous le voyez, Elle vient demander la conver-
sion de son peuple ; - Elle vient le rappeler à la
136
pénitence. Elle proclame de nouveau les droits si
méconnus de Dieu et de Jésus-Christ ; Elle nous
menace de leur redoutable et trop juste colère , si
nous refusons obstinément de nous soumettre à
leur amour.... Vous étudierez , dans le recueille -
ment et le silence des saints Exercices, ce grand
mystère, et notre miséricordieuse Mère vous en
dévoilera tous les enseignements , ceux surtout
qui vous regardent.
Que ses larmes provoquent nos larmes. Elle
pleure sur nos péchés ; Elle veut nous apprendre
à les pleurer. La vraie contrition , la contrition
surnaturelle est si rare !... Nous sommes si tôt
fatigués de faire pénitence pour un passé qui de-
manderait peut-être une longue expiation .....
Elle rappelle à chacun de nous la pratique plus
fréquente et plus fervente de la prière ; Elle vient
nous recommander les œuvres de pénitence ,
l'humilité, la charité, le zèle des âmes, une vie
chrétienne plus sérieuse; un plus grand détache-
ment de cette pauvre terre d'exil, un plus grand
désir des biens célestes .... Il y a d'autres ensei-
gnements ; il y en a pour toutes les âmes , tous
les besoins , tous les états, toutes les vocations....
Qui facit veritatem venit ad lucem ' . Celui qui
accomplit la vérité qu'il connaît , arrive à une in-
telligence toujours plus parfaite de ce qui lui reste
à comprendre. Ah ! que vous seriez heureux ,
Pèlerin de la Montagne des Larmes de Marie , si
Joan. 3. 24.
137
ce mystère du cœur de cette Bien - Aimée passait
en vous , comme la nourriture que le corps prend
et qui devient sa vie ! Car c'est là la fin qui do-
mine toutes les autres dans l'esprit de notre
Mère nous donner la vie , la vraie vie , celle qui
est dans l'accomplissement simple et entier de la
volonté de son Fils ¹ , celle dont l'abondante
communication était le but unique de la venue de
ce même Fils Jésus , sur la terre , aux jours de
son Incarnation 2.
Affections . Bénie soit Celle qui vient au nom
du Seigneur ! .... O Mère ! je n'ai pas besoin de
vous demander comme autrefois au prophète :
Votre arrivée est -elle pacifique ? Ecce super
montes pedes evangelizantis pacem ! Voilà , voilà
sur la montagne vos pieds si beaux , les pieds de
Celle qui nous évangélise , qui nous annonce la
paix , qui apporte le salut et qui dit à Sion : Le
Seigneur règnera sur vous 5 !... Oui ! Mère , soyez
consolée ! Nous nous soumettrons à Dieu et à Jé-
sus-Christ , nous , votre peuple , et vous régnerez
sur nous , Vous et Votre Fils . Et ce bras que le
Seigneur a levé et ces foudres qu'il a préparées ,
ne nous menaceront plus , et toutes les nations de
la terre verront le salut de notre Dieu ; et Dieu

'Et vita in voluntate ejus. Ps. 29. 6.— 2 Joan. 10.10. ----
31 Reg. 16. 4. - Nahum. 4. 15. - 5 Isaï 52. 7.- 6 Judic .
8. 22.-- Isaï. 52.10.
8.
138
consolera son peuple 1 par Vous, ô notre Espé-
rance, ô notre puissante Réconciliatrice .
Résolutions..... et Colloque avec notre bonne
Mère , p . 123.
Bouquet spirituel.— Ces paroles de notre Mère :
<< Avancez , mes enfants .... Je suis ici pour vous
dire une grande nouvelle. » Et unde hoc mihi ut
veniat Mater Domini mei ad me ! Et d'où me vient
ce bonheur que la Mère de mon Dieu vienne me
visiter 2 ?

PREMIÈRE MÉDITATION .

Que la grande affaire de la vie présente est la


soumission à Dieu et l'accomplissement de
sa volonté .

Sur ces paroles de la Très-Sainte Vierge : « Si mon Peu-


ple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser
aller le bras de mon Fils. »
« Si mon Peuple ne veut pas se soumettre, je
suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils. »
Le Fils de Marie est le Dieu éternel lui- même , le
Créateur de toutes choses , le Roi immortel des
siècles. - Ce peuple rebelle, c'est la multitude des
pauvres pécheurs. Or, les plus effroyables mal-
heurs vont tomber sur eux , s'ils ne veulent pas se
soumettre à la volonté de Dieu , formulée dans
Ild. ibid.9. 2 Luc. 1.43.
139
les commandements qu'il a donnés, soit par lui-
même, soit par son Eglise. Rien de plus inévitable;
car la divine Vierge ajoute Que le bras qui est
levé sur nous est si lourd , qu'Elle ne peut plus le
soutenir ; et rien de plus juste , puisque c'est de la
part du Dieu de toute sainteté et de toute justice
que nous vient cette formidable menace. Quelle est
donc la grande vérité que nous rappellent ces pre-
mières paroles de l'auguste Marie ? La voici : Dieu
est notre Créateur ; à ce titre , il a les droits les plus
incontestables à notre soumission absolue ; car ,
nous ayant créés, nous sommes à lui , et il ne nous
a créés qu'afin d'avoir en nous des sujets obéis-
sants et fidèles ; notre devoir, sur ce point, est
tellement inviolable, que son bras nous frappera
sans relâche en ce monde même et certainement
dans l'autre, si nous ne voulons pas le remplir.
« Si mon peuple ne veut pas se soumettre , etc. »
Méditons donc aujourd'hui, dans le recueillement
de la Retraite , cette grande et fondamentale vérité :
Que nous sommes à Dieu.... et que notre fin sur
la terre est d'obéir à sa volonté souverainement
juste et adorable.
RÉFLEXIONS .
1.-Je suis à Dieu... Il a sur moi un domaine
certain , absolu , essentiel, universel et suprême,
1° Parce qu'il m'a créé, en me tirant du néant.
En effet, évidemment , je ne me suis pas créé moi-
même, puisque, pour se créer, il faudrait exister
140
auparavant.... Je ne dois pas mon existence au
hasard, qui n'est absolument rien....Je ne dois pas
non plus ce que je suis à mes parents qui ont
sans doute mille droits à ma reconnaissance, nais
qui me disent avec la même foi que la mère des
Machabées à son plus jeune fils : Non ! ce n'est
pas nous qui vous avons donné l'esprit et la vie ;
mais c'est le seul Créateur qui a fait l'homme dès
sa naissance et à qui toute chose doit son com-
mencement ¹.
Il ne me reste donc qu'à m'écrier avec le pro-
phète Seigneur ! vous êtes mon Père et le véri-
table auteur de mon être ; c'est vous qui m'avez
formé et je suis l'ouvrage de vos mains ' ; et j'en-
tonnerai cet autre cantique avec le roi David :
Terre, soyez dans la joie devant Dieu ; servez le
Seigneur dans l'allégresse, car le Seigneur est vrai-
ment Dieu, et ce n'est pas nous qui nous sommes
donné l'être et la vie ; mais c'est lui seul, notre
Créateur et notre Maître³.
Dieu m'a créé; il y a quelques années à peine
que je n'étais rien , absolument rien ; mais il m'a
tiré de ce néant d'où je ne serais jamais sorti
sans lui, et il m'a donné l'existence et tous les au-
tres bienfaits qui accompagnent l'existence : un
corps admirablement coordonné et organisé , une
âme avec les plus belles puissances et facultés :
la mémoire , l'intelligence , la volonté, la liberté...

Il Machab . 7. 22. 2 Isaï. 64. 8. 3 Ps. 99. 1.3.


141
Tout ce que je suis, sans rien excepter, me vient
de lui. Manus tuæ fecerunt me et plasmaverunt
me totum in circuitu ' . Donc, en toute justice,
je suis à cet unique et libéral Auteur de ma vie :
mon corps avec tous ses sens ; mon âme avec
toutes ses facultés ; ma vie tout entière : pensées ,
projets, œuvres de toute espèce ; en un mot, à la
vie et à la mort, je suis à Dieu.
2. Je lui appartiens pleinement, d'abord à titre
de création ; mais encore et d'une manière non
moins absolue à titre de conservation.
Dieu nous a créés ; mais après nous avoir ainsi
mis en ce monde, il ne nous abandonne pas. Hélas !
que deviendrions-nous, s'il nous abandonnait un
seul instant ?... et voilà la vérité que nous devons
encore graver dans notre esprit. Supposez que ce
Dieu qui nous a tirés du néant nous laissât un
instant à nous-mêmes , à notre propre énergie ,
immédiatement nous retomberions dans ce même
néant. Il ne faudrait pas un décret de sa puissance
pour nous anéantir, comme il a été nécessaire qu'il
portât un de ces décrets pour nous créer ; il sìf-
firait qu'il ne nous soutînt plus , qu'il ne nous
maintînt plus dans la vie qu'il nous a donnée,
avec tous les biens qui l'accompagnent : santé ,
force , intelligence , raison , liberté , etc. De sorte
qu'en réalité , chacun de nous appartient autant
de fois à son Créateur qu'il y a dans la vie d'ins-
tants dans lesquels nous pourrions être anéantis ...
' Ps. 148. - Job. 10. 8.
142
Oh ! comme cette vérité est donc certaine : je suis
à Dieu et tout à Dieu : Quis ego ? ..... Tuus sum
ego.., Tua sunt omnia ' .
Je puis encore remarquer, pour fortifier da-
vantage, si c'est possible, cette conviction dans
mon âme, que je suis aussi à Dieu à titre de pos-
session et de prescription ; car, enfin , si , d'une
part, il est incontestable que je suis son sujet et
son serviteur, n'est- il pas également évident qu'il
a rempli à mon égard toutes les obligations du
maître le plus accompli , en me donnant tous les
moyens nécessaires et même surabondants pour
me faire reconnaître et aimer ma condition et ma
dépendance ? Il a même fait plus ; car, pour té-
moigner que le domaine qu'il a sur moi est un
droit dont il ne veut nullement se départir, il
m'a marqué de son sceau , en imprimant en moi ,
par une faveur qui rend le bienfait de la création
plus précieux encore , son image et sa ressem-
blance : Signatum est super nos lumen vultûs
tui, Domine ".
II. Je suis tout à Dieu, j'appartiens à Dieu . Point
de vérité plus incontestable et mieux démontrée .
Mais à quelle fin m'a- t-il créé, et quel est le té-
moignage qu'il veut que je lui donne de mon
absolue dépendance ? Cette fin, ce témoignage,
c'est l'accomplissement de sa volonté . Voici ce
que dit le Seigneur : « Garde mes commandements
1 1 Paralipp. , 29 , 14. Ps. 448. 2 Ps 4,7. Genes..
4, 26.
143
et pratique la justice ' . » Et David proclame de-
vant tous les siècles que la volonté de ce Maître
adorable et souverain est que ses préceptes soient
remplis avec la plus rigoureuse fidélité : Tu
mandasti mandata custodiri nimis 2. Pour
nous en convaincre, considérons premièrement
que la loi de la soumission et de l'obéissance à ses
ordres divins est la loi commune et générale qui
régit toute la création .
1º En effet, il a dit expressément qu'il est la fin
et le commencement de toute chose , et que
toute chose a été créée pour sa gloire . Aussi ,
voyez comme la création tout entière est attentive
à accomplir sa volonté sainte . Adonaï , vous êtes
grand ! s'écrie Judith : que toutes les créatures vous
obéissent, car elles sont à vous. Vous avez dit et
tout a été créé ; vous avez envoyé votre esprit
et tout est sorti des abîmes da néant , et rien ne
résiste à votre commandement 5. Il appelle la lu-
mière, ajoute le prophète, et elle obéit avec trem-
blement ; il parle aux astres du ciel et ils ré-
pondent : Nous voici . La suite des saisons et
des temps est réglée par son ordre ; et la
vaste et impétueuse mer ne dépasse jamais les
limites, pourtant si faibles , que son doigt a tra-
cées ". Ainsi le monde entier est soumis à Dieu:

Isaie , 56, 1.— 2 Ps. 118.--- 3 Apoc. , 1 , 3. Prov. , 16, 4.


5 Judith , 16, 16. - Baruch , 3. 33. 35. ? Ps. 118.
* Job, 38, 44.
144
les cieux racontent sa gloire ; le jour en parle au
jour et la nuit à la nuit, et ces voix et cette
louange retentissent partout dans l'univers '.
La loi générale est évidente . L'homme en serait-
il exempt? Il faudrait plutôt dire : En serait- il
privé ? Car il ne peut y avoir assurément que de la
gloire à servir ce grand Roi , ce Maître souverain
qui est au-dessus de toute puissance et de toute
domination. Un saint pape nous apprend même
que le service de Dieu est une véritable royauté * .
Or, l'homme qui est l'Euvre de Dieu par excel-
lence ³ , qui est le premier dans cette grande créa-
tion soumise à son Créateur , qui en est véritable-
ment le Roi , suivant l'expresse volonté de Dieu ¹,
serait-il étranger à cet accord , à ce concert uni-
versel de toutes les créatures qui proclament, par
cette obéissance universelle, la majesté, la gloire,
la suprême grandeur de leur Auteur ?... Oh ! non !
rassurons-nous . L'Esprit saint a rendu son oracle ;
et cet oracle divin ne pouvait pas être exprimé
d'une manière plus saisissante. Ecoute , ô mon
âme , avec admiration et amour , cette parole qui
embrasse et qui résume tout : Deum time et man-
data ejus observa : Hoç EST ENIM OMNIS HOMO.
Craignez Dieu et observez ses commandements ;
car voilà tout l'homme 5. Voilà sa fin en ce monde,
voilà sa raison d'être , le grand but de sa créa-
Ps. 48, 1. - 2 S. Leon. Ep . , ad Demetriad. , G. 4. Cui
servire regnare est . - 3 Habac. , 3, 2. - Genes. , 1 , 26.
Eccles. , 12, 13.
145
tion. I est vraiment lui-même , s'il se soumet à
ces commandements , à cette volonté de son Dieu.
Il n'est plus lui-même , c'est un être dégradé , il
n'est même rien , dit saint Augustin , s'il refuse
son obéissance : Quoniam qui hoc non est (custos
utique mandatorum Dei) , nihil est ¹ .
Or, Dieu tient à son œuvre , parce qu'elle est sa
gloire ; il ne veut pas qu'elle se dégrade à ce
point : il faut donc que l'homme , qui est celte
œuvre excellente , obéisse et se soumette à sa vo-
lonté sainte.... Du reste, les droits de Dieu sont
immuables , et le triomphe de ces droits est tou-
jours assuré ; car la parole divine est absolue , et
il faut que le règne de ce Maître adorable s'éta-
blisse sur nous , ou par notre soumission volon-
taire ou par les coups de sa juste et effrayante
colère .
C'est pourquoi l'arrêt en est porté ... et c'est la
douce, la ravissante Mère de nos âmes qui vient
nous le faire connaître , afin de nous gagner par
l'amour au service de notre Dieu : « Si.mon peu-

1 S. August. , lib. 20, de Civit. Dei, C. 3. apud A- Lapide


in Eccle. , 12.- Développez cette pensée avec les SS . PP. , si
vous y êtes porté dans votre oraison : C'est là tout l'hom-
me !.... donc , posséder de grands biens et en jouir, être
applaudi du monde , avoir toute sorte de succès , etc.,
etc., ce n'est pas l'homme...; mais , servir Dieu , même
dans l'abjection , la maladie , les calomnies , etc. , etc.
voilà l'homme , voilà notre fin , notre grande et unique
vocation, et, par conséquent , notre salut..... etc.
9
146
ple ne veut pas se soumettre , je suis forcée de
laisser aller le bras de mon Fils. »
Affections . - Acte de foi aux droits de notre
Dieu , comme Créateur, comme Conservateur de
notre être et de notre vie , comme souverain Maî-
tre. Acte de reconnaissance . - Acte de contri-
tion . - Dites du fond de votre âme : Tout mon
bonheur sera désormais de m'attacher à Dieu ' ,
de lui obéir avec docilité et avec amour. Heureux
les hommes irréprochables dans leurs voies , qui
marchent dans les sentiers de la loi du Seigneur .
- O mon âme , comment ne lui serais- tu pas
soumise? il est ton Dieu , et tu peux attendre de
lui tous les biens ³. Oui , Seigneur , je l'ai dit ,
je veux commencer ; je devrai cette résolu-
tion à la puissance de votre bras 4 qui me me-
nace. Je reconnais que la vie véritable est dans
l'accomplissement de votre volonté . A l'avenir,
je n'aurai plus d'autre nourriture que cette vo-
lonté sainte , et dans le ciel et sur la terre , je ne
veux que vous , ô Dieu , Dieu de mon coeur et mon
éternel héritage " .....
Résolutions..... et Colloque avec notre tendre
Mère.
Bouquet spirituel . - Les paroles de la Très-
Sainte Vierge : Si mon peuple ne veut pas se sou-
1 "
1 Ps. 72, 27. .2Ps. 118, 1 . -- 3 Ps. 61. 1 , 6. 4 Ps. 76, 11.
--- 5 Ps. 29, 6. - Joan. 4, 34. - Ps. 72, 25.
147
mettre, etc. , et celles- ci de saint Paul : Subditus
fiat omnis mundus Deo ! Que le monde entier se
soumette à Dieu ¹.

DEUXIÈME MÉDITATION .

Que l'obligation que nous avons de nous sou-


mettre à Dieu est devenue bien plus étroite par
le bienfait de la Rédemption.

Sur les mêmes paroles de la Très-Sainte Vierge: « Si


mon peuple ne veut pas se soumettre , je suis forcée de
laisser aller le bras de mon Fils. »

' Ce n'est pas , assurément , sans un dessein par-


ticulier que notre auguste Mère nous rappelle ici
que le Dieu, notre souverain Maître, auquel nous
devons la soumission et l'obéissance , est son pro-
pre Fils, N.-S. J.-C. , Sauveur et Rédempteur de
nos âmes . Elle veut ainsi nous faire sentir da-
vantage l'injustice du refus que nous faisons de
nous soumettre à Lui , le bienfait de la Rédemp-
tion ayant rendu bien plus étroite l'obligation de
servir Dieu et d'obéir à sa loi sainte . Méditons
cette importante vérité, gravons-la profondément
dans notre âme , en considérant combien la grâce
de la Rédemption et les qualités admirables du

' Rom. , 3, 19.

1
148
Rédempteur, nous pressent de lui soumettre no-
tre volonté sans réserve.
RÉFLEXIONS .
I. La grâce de la Rédemption. - Les droits de
Dieu sur nous ne peuvent jamais être perdus ,
quelles que soient notre ingratitude et nos révol-
tes . Il est notre Créateur , et , à ce titre , il a tou-
jours et il ne peut cesser d'avoir sa main , c'est-à-
dire, son autorité, son inévitable domination sur
nous ... Eh bien , par un mystère effroyable , il
est vrai cependant que nous sommes réellement
devenus , par le péché de notre premier père, les
sujets du démon , que N.-S. appelle, pour cette
raison, le Prince de ce monde 2 , et auquel la sainte
Eglise , dans les augustes cérémonies du Baptême,
adresse ces terribles paroles : Je t'exorcise, esprit
immonde , damné maudit.... Sors de cette œuvre
de Dieu ; je te le commande au nom de Dieu le
8
Père, etc. ... Etre sous la puissance de cet esprit
du mal , être comme son bien , comme une chose
qui est à lui , qui est tombée en son pouvoir !
O Dieu quelle condition , quelle dégradation
épouvantable ! L'esclave le plus abject , l'homme
le plus méprisé , le plus humilié dans les services
qu'on demande de lui, ne laisse pas , après tout ,
d'être soumis à son semblable. Mais l'âme sans
la grâce de la Rédemption , dans quelle lamentable
et honteuse servitude je la vois ! Elle est réelle-
' Ps. 138, 5. - Joan. 12, 31. --- 3 Rit. de Sacr. Bapt.
149
ment l'esclave de Satan ; elle a été livrée , elle
a été vendue à cet affreux tyran. Ainsi parlent
nos saints Livres '.
Après ces considérations, quelle est l'âme qui,
connaissant l'ignominie de son état , ne voudrait
en sortir à tout prix , s'il lui était possible d'avoir
un libérateur ?... et quelle est l'âme coupable qui,
après la délivrance d'une pareille captivité , ne
s'attacherait irrévocablement à son sauveur ?....
Pas une, sans doute ; convenez au moins, vous qui
êtes maintenant aux pieds de Marie , que ce Libé-
rateur méritera toute votre reconnaissance, et que
vous serez à son service à la vie et à la mort....
Eh bien , ce Libérateur nous a été donné ; son
nom même signifie : celui qui sauve et qui délivre :
c'est Jésus ! Il a versé son sang et il nous a ra
chetés par sa mort2 ; voilà comment il nous a
donné à tous la liberté 3 et la vie : c'est en abolis-
sant tous les titres de condamnation qui étaient
contre nous, et en désarmant toutes les puissan
ces ennemies qui nous avaient vaincus , triom-
phant d'elles ouvertement devant tous les siè
cles . Nous étions donc bien loin de Dieu , puis-
que nous étions de la famille de Satan : mais
maintenant l'amour a vaincu la haine et nous
avons été délivrés de la puissance des ténèbres ,
et nous avons été transférés , par l'amour du Père,
dans le royaume de son Fils bien-aimé " .

¹ Joan. 8, 34. - Rom., 7 , 14. --- 2 Apoc. 1. 5. - 3 Galat. ,
6, 31. Coloss., 2, 14.5 Joan. , 8, 44. -.6 Coloss., 1 , 13.
150
Mais si Jésus nous a ainsi rachetés et délivrés ,
nous sommes à lui de plein droit , nous lui ap-
partenons absolument. Même sans cette rédemp-
tion , nous étions sa propriété, ' puisqu'il nous a
créés ; mais maintenant il nous possède à deux
titres irrécusables et tout puissants ; car, si ce
que l'homme achète de son argent est à lui , com-
ment nommerons -nous les droits qu'il a sur ce
qu'il acquiert avec son sang et au prix sa vie ? ...
Or, ce n'est pas moins qu'au prix de son sang et
en donnant sa vie , que le bon Maître et Seigneur
Jésus nous a conquis sur le démon .... Il est
donc notre Roi ; nous sommes son peuple légiti-
mement acquis , populus acquisitionis ; il faut
donc qu'il règne sur nous , sans obstacle , sans
résistance : Oportet illum regnare 2.
II. Le bienfait de la Rédemption nous en fait
une obligation étroite ; mais les mérités et les
qualités royales du Rédempteur ne nous pressent
pas moins de lui soumettre notre volonté. — Qui
ne voudra, en effet, servir Jésus , quand il aura
connu ses ravissantes qualités : sa Majesté, sa
Puissance, sa Bonté ?
1 Sa Majesté : il est FNs unique de Dieu ...
Il est Dieu ... ; tout ce que les Ecritures nous
disent de la grandeur , de la magnificence , des
splendeurs de la gloire de Dieu , se rapporte

II Petr. , 2, 9. - Act. Apost. , 20. 28. etc. 21 Cor., 15.


25.
151
directement à Lui ; il est chef de toute principauté
et de toute puissance ' ; et , à son nom , tout ge-
nou fléchit au ciel , sur la terre et dans les enfers....
Comparez un moment la majesté empruntée des
rois de ce monde avec la glorieuse et éternelle
majesté de Jésus- Christ... O Dieu ! que devient,
devant ces splendeurs adorables, l'éclat des royau-
tés de la terre ? Entendez la louange de tous les
siècles : Rex regum et Dominus dominantium....
Tu solus Dominus, tu solus altissimus , Jesu-
Christe ..... Vous êtes le Roi des rois et le Sei-
gneur des seigneurs ! Vous êtes le seul Maître ,
le seul Très- Haut, ô Jésus - Christ 2 !
2º Sa Puissance : souvenez-vous de ce qui a été
dit précédemment de la force souveraine avec
laquelle il a vaincu les démons et toutes les puis-
sances de l'enfer. Quant à ses ennemis , qui s'ar-
ment contre lui sur la terre , il faut lire le Psaume
2º pour savoir quel est ensuite leur misérable
sort. Les rois de la terre se sont levés, dit David ;
les princes se sont ligués contre le Seigneur et
contre son Christ ; et voilà, Seigneur, que vous
les briserez avec un sceptre de fer, et vous les
réduirez en poussière comme une vase d'argi-
le . Et cette puissance formidable et irrésisti-
ble, il ne la dépouille jamais, quand même il n'en
exerce pas toujours les actes . Voyez ce qu'il peut

1 Philipp. , 2. 10. - 2 Apoc. , 19. 16. -— Hymn. Gloria.


3Ps. 2. 2, 9.
152
faire d'un mot, même dans sa Passion : il se
nomme seulement aux soldats qui viennent le
prendre et cela suffit pour les renverser contre
terre ....
Ainsi, pour sa puissance comme pour sa ma-
jesté incomparable, il mérite de régner sur toutes
les âmes : Oportet illum regnare.
K 3° Sa Bonté . - Remarquons plus particulière-
ment cette qualité ; car s'il n'était vrai que la ma-
jesté et la puissance sont infinies en lui , on pour-
rait dire que la bonté les surpasse. Il a dit lui-
même: Je suis doux et humble de cœur . Les
prophètes prédisaient de lui que sa conversation
n'aurait rien d'amer , sa compagnie rien de pé-
nible ; mais qu'il ne répandrait autour de lui que
la consolation et la joie 2. Il est venu en ce
monde pour régner , car il est Roi. Eh bien, con-
sidérez-le dans toute sa vie ! quelle miséricordet
quelle douceur ! quelle indulgence ! comme il ai-
me à répandre ses grâces ! comme il pardonne fa-
cilement ! ... Oh ! qu'il est bien celui dont Isaïe
disait Fille de Sion , voici votre Roi qui vient ,
rempli de mansuétude ³ . Il n'en est que plus
digne de régner sur les hommes. Oui ! il faut
qu'il règne ! il faut qu'il règne !
Affections. - Faites maintenant un retour sur
vous-même : n'êtes-vous pas du nombre de ces in-
grats et de ces obstinés qui , malgré tant d'amabi-

Matth., 11. 29. - 2 Isaïæ, 16. 1.3 Matth ., 21. 5.


153
lités et de grâces , refusent de se soumettre à ce
divin Roi ? Obéissez-vous à ses lois ?.... aux lois
de son Eglise ?.... à tous ceux des conseils évan-
géliques , dont la pratique vous serait facile et
que vous sentez qu'il demande de vous ?... enfin
aux douces inspirations de sa grâce ?……. Humi-
liez-vous, confondez-vous aux pieds de sa divine
Mère.... Si vous ne lui obéissez pas volontai-
rement, il vous soumettra par force , comme il
soumet ses ennemis , et vous savez ce qu'ils de-
viennent alors...- Contrition . - Ferme propos.
- - Oh ! Jésus que votre règne arrive ' ! Oh ! qu'il
vienne le règne de Dieu et de son Christ , main-
tenant et dans les siècles des siècles . -Et vous,"
Marie, régnez aussi sur nous avec votre Fils 3.
Résolutions.... et Colloque avec Notre-Dame
de la Salette....
Bouquet spirituel . Il faut absolument qu'il
règne sur nous : Oportet illum regnare. Et les
paroles même de la Très- Sainte Vierge : « Si mon
peuple ne veut pas se soumettre , je suis forcée
de laisser aller le bras de mon Fils. »

Matth . , 6. 10. - 2 Apoc . , 14.4. 3Judic., 8. 22.


154

TROISIÈME MÉDITATION .

De la malice du péché mortel, qui est la déso-


béissance à la loi de Dieu .

Sur ces mêmes paroles : « Si mon peuple ne veut pas se


soumettre , je suis forcée de laisser aller le bras de
mon Fils. «

Si mon peuple.... Toutes les âmes que Dieu


a créées sont à Marie. Toutes les nations de la
terre sont l'héritage de son Fils et le sien ¹ . Il y
a cependant dans le monde , un peuple, une
nation qui est à cette grande Reine , d'une
manière spéciale : c'est le peuple dont parle
S. Pierre en ces termes : Vous êtes la race choi-
sie, la nation sainte , le peuple racheté , vous qui
autrefois n'étiez pas le peuple de Dieu et qui
maintenant en portez le nom avec vérité : c'est
la sainte Eglise de Jésus-Christ . -- Mais voici le
désordre , voici le mal ! « Si mon peuple ne veut
pas se soumettre ...» Il n'est pas question, sans
doute , de tout le peuple , puisque la sainte
Eglise ne peut pas manquer d'être fidèle et sou-
mise à Dieu et à Jésus-Christ ; mais c'est la mul-
titude des pécheurs qui sont dans l'Eglise, que
Ps. 2, 8. Cohæres Filii sui , idem enim regnum et
eamdem hæreditatem participat cum Filio suo. B. Alb.
Magn. Serm. 3 in Assumpt. , B. V. 2 I. Petr. , 2.
155
notre Mère affligée vient reprendre et qu'elle vou-
drait ramener. Elle ne dit pas simplement : « Si
mon peuple ne se soumet pas ..., mais , ne veut
pas se soumettre ...., pour nous faire sentir le
désordre, la malice du péché mortel. Le péché
mortel, en effet, n'est autre chose que le refus
volontaire et réfléchi de se soumettre à Dieu . (S.
Thom., 1. 2. q. 72. a. 6.) Méditons sur ce mal qui
est le plus grand et le plus redoutable de tous les,
maux.
RÉFLEXIONS .

I. Le malheureux pécheur ne veut pas se sou-


mettre..., et c'est non-seulement à l'autorité la
plus sainte , la plus vénérable , la plus grande , la
plus incontestable, à l'autorité même de Dieu ;
mais c'est à cette même autorité qui a dit des mil-
liers de fois que sa volonté très- expresse , très-
formelle est que toute créature accomplisse ses
commandements . C'est pourquoi David s'écrie :
Qui Seigneur, vous l'avez voulu et ordonné : il
faut que votre loi , que tous vos préceptes soient
rigoureusement. observés Tu mandasti man-
data tua custodiri nimis . Tout l'Ancien Tes-
tament est plein de cet oracle , et le premier
homme dans le paradis , et les premiers patriar-
ches, et les Hébreux au pied du Sinaï , et , plus
tard, tous ceux à qui les prophètes étaient en-
voyés , l'ont entendu. Lé divin Maître l'a confirmé
! Ps. 118, 4.
156
de son autorité divine, et a lui-même gardé la
loi jusqu'à la moindre prescription. La sainte
Eglise le proclame sans cesse. Marie est venue
nous le rappeler avec larmes... Ainsi , nous ne
pouvons en douter : c'est la volonté formelle, L
irrévocable de notre Dieu , que nous gardions
ses saints commandements avec une parfaite
fidélité. Eh bien , que fait le malheureux pé-
cheur? il ne répond à cette volonté adorable que
par une parole, hélas ! qui retombera sur lui
comme la foudre : Non serviam Non ! jamais !..,
Je ne veux pas de votre loi ; je ne veux pas me
soumettre .... « Si mon peuple ne veut pas se
soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras
de mon Fils. »
II. Le malheureux pécheur ne veut pas se sou-*
mettre à son Dieu..., et c'est en la présence même
de ce Dieu tout-puissant, sous ses regards qui
sondent les reins et les coœurs , devant sa face
adorable , que le pécheur refuse d'obéir et se ré-
volte en disant : Je ne servirai pas ! Car Dieu est
partout, il est présent à tout , et pour lui tout est
à découvert et sans voile . Mais allez plus avant,
considérez un autre degré de sa malice . S. Paul
nous dit Nous vivons en Dieu , nous avons en
lui le mouvement et l'être 3. Que devons-nous
conclure ? sinon que c'est dans les bras , c'est dans
le sein même de ce Dieu qui ne peut pas supporter

' Daniel . 5, 23. - 2 Hebr . , 4. 18. - Act. Ap., 17, 27.


157
l'iniquité ' , que le pêcheur l'offense et l'outrage !...
O cieux ! s'écrie le Prophète, soyez dans l'étonne-
ment, et vous, Portes du Ciel, Anges , Principautés,
Hiérarchie céleste , soyez inconsolables d'une
semblable injure faite à Celui que vous n'adorez
qu'en tremblant... - Et nous qui sommes main-
tenant à genoux aux pieds de Marie désolée , ne
nous étonnons plus de l'abondance et de l'amer-
tume de ses larmes.....
III. Le malheureux pécheur ne veut pas se sou-
mettre à son Dieu..., et c'est au moment même
où ce Dieu le comble de ses bienfaits. Rappelons-
nous une grande vérité qui a déjà plusieurs fois
occupé notre esprit : Dieu nous a créés ; mais de
nous-mêmes , de notre propre fond , même après
la création, nous tendons naturellement , essen-
tiellement, à rentrer dans le néant ; de sorte que
si nous vivons et si nous jouissons avec la vie
des bienfaits qui l'accompagnent, comme la santé,
la force, la raison , la liberté , c'est parce que no-
tre Créateur , sans cesse , à chaque instant , nous
maintient dans l'existence, nous continue ses li-
béralités , verse sur nous , qui que nous soyons,
ses divines largesses. Vous levez le bras , vous
rendez votre pensée par la parole , etc. , etc .;'
c'est grâce à cette bonté du Créateur qui en ce mo→
ment même vous donne la vigueur nécessaire et la
liberté d'esprit pour faire ces actions ... Eh bien ,
' Habac. 1. 13. — 2 Jer. , 2, 12.
158
qu'est-ce que le péché mortel ? C'est un acte par
lequel le malheureux pécheur se sert des bien-
faits même de Dieu pour l'outrager, et des bien-
faits qu'il reçoit à l'heure même où il l'outrage...
O ingratitude ! ô malice inconcevable ! ô mépris
du plus aimable des bienfaiteurs ! ... Le pécheur
n'y pense pas, peut-être ; mais en réalité , son,
acte n'est-il pas tout ce qu'on peut concevoir de
plus abominable et de plus odieux ? ... Aussi,
écoutez les plaintes du Seigneur : Je les ai nour-
ris, dit-il, comme on élève des enfants ; je les ai
glorifiés... et ils m'ont méprisé ' . Ils ont même
voulu, abusant de mes dons , m'assujettir à leur
iniquité, et mes bienfaits n'ont servi qu'à multi-
plier leurs infidélités et leurs crimes ... Et la
plainte de notre Mère se mêle douloureusement
aux plaintes de notre Dieu...
IV. Le pécheur ne veut pas se soumettre ! ... et
par là même il se sépare de Dieu. Mais qu'arri-
verait-il si Dieu lui retirait, par un jugement sou-
verainement juste , cette vie dont il abuse à ce
point ? Qu'arriverait-il si Dieu appelait en ce
moment même cet infortuné à son redoutable
tribunal ? Le corps resterait ici pour être enseveli
le lendemain ; mais son âme , cette âme rebelle ,
quel serait son jugement ... et sa sentence.... et
son sort pour l'éternité? Un jour, Notre- Seigneur
montra à la R. M. Françoise de la Mère de Dieu,
Isaïæ 1, 2. 2 Id. 43, 24.
159
carmélite , une multitude de personnes de toute
condition qui étaient comme suspendues en l'air
et ne tenaient qu'à un fil qu'elles s'efforçaient de
rompre, tandis qu'au-dessous d'elles était un im-
mense précipice dans lequel elles paraissaient sur
le point de tomber ¹... Voilà l'image de l'extrémitá
dans laquelle se place le malheureux pécheur. O
folie des hommes ! ô aveuglement déplorable !
Mais disons aussi : ô longanimité ! ô patience ! ô
miséricorde de notre Dieu ! ... Ô toute-puissance
de Marie qui nous retient par ses prières sur
l'abîme ! ...
V. Le pécheur ne veut pas se soumettre ! ... et
c'est malgré la promesse du Ciel , que Dieu a faite
à sa fidélité. Le ciel est la vision et la possession
de Dieu ; c'est la société de Jésus-Christ et la
vision de son Coœur adorable ! ... c'est la société
et la vision de Marie, notre Mère , si aimable, si
admirable , si bonne !... c'est la Société des Anges
et des Saints !... Vision , possession , société éter-
nelle avec des biens, un bonheur , une gloire , en
comparaison desquels toutes les choses visibles
de la vie présente ne sont que fumée ..... Mais
qu'avons-nous à faire pour arriver à la jouissance
de cette gloire et de ce bonheur? C'est la demande
qu'adressa un jour un jeune homme au divin
Maître. Et que lui répondit le doux Sauveur ? Vous
* 1
Association de prières contre le blasphème , etc.
Tours, Mame, 1847.
160
connaissez les commandements , gardez -les et
vous aurez la vie éternelle . Tout est là ... — Et
les commandements sont- ils difficiles à suivre?
Ecoutez encore l'infaillible Vérité : Prenez sur
vous mon joug ; car mon joug est doux et mon
fardeau léger * ..... O infortunés pécheurs ! dou-
blement malheureux , mille fois malheureux ! 0
Marie ! ô amoureuse Mère ! ô puissante Réconci-
liatrice aidez-nous ! ouvrez nos yeux ! conver-
tissez-nous !
VI. Le pécheur ne veut pas se soumettre!... et
c'est malgré l'amour, la tendresse , les attentions
infinies dont le poursuivent sans cesse le Cœur
adorable de Jésus ... et le Cœur immaculé de sa
très-douce Mère... Ce pauvre obstiné , Jésus l'a
aimé de toute éternité . ; c'est pour lui qu'il
s'est fait homme , qu'il prié neuf mois dans le
sein de Marie ... Repassez ici toute la vie du di-
vin Sauveur ; considérez ses actions, ses prières,
ses paroles , ses souffrances , depuis l'Annoncia-
tion jusqu'à l'Ascension . Tout cela est pour cha-
que pécheur..., et puis , les grâces personnelles :
le saint baptême , la première communion, cette
multitude de bénédictions spirituelles qui ont été
versées sur lui : inspirations saintes, bons exem-
ples , pieux conseils , événements touchants ou
terribles .... Le bon Maître veut tout faire con-
courir au salut de chaque âme... et le pécheur ne
4
Marc. 40, 47. 2 Math. , 11 , 29.
161
veut pas se soumettre ! ... Marie lui a été donnée
pour Mère au pied de la Croix , et assurément
jamais mission de mère n'a été remplie comme
celle-là, à l'égard du moindre des enfants de Dieu ;
que de grâces , que de bénédictions particulières
elle a obtenues , cette Mère incomparable, à une
foule d'ingrats qui ne le sauront qu'au Juge-
ment.... Elle aussi , comme Jésus , se tient à la
porte et frappe ; Elle frappe et Elle attend , Elle
prie, Elle pleure ; Elle attendra jusqu'à l'agonie, à
la porte du cœur... et le malheureux ne veut pas
se soumettre ! ... « Si mon peuple ne veut pas se
soumettre , je suis forcée de laisser aller le bras
de mon Fils !... »
Affections . wxxxc Ne sommes-nous pas du nombre
des pécheurs obstinés ?... Si' ce n'est pas dans le
péché mortel que nous persévérons, ne serait-ce
point dans quelque affection au péché véniel ?
Dans ce cas, nous aussi nous ne voulons pas
nous soumettre parfaitement. Disons donc avec
la plus grande contrition : Je vous ai offensé , que
dois-je faire , ô Juge , ô Roi de tous les hommes ??
En vérité, je ne suis plus digne d'être appelé vo-
tre enfant . Je suis rempli de confusion , et je
n'ose plus, de honte, lever les yeux vers vous ; car
je reconnais que mes iniquités se sont élevées au-
dessus de ma tête et sont montées jusques au
ciel ; mais , Seigneur , la vérité est que votre mi-
' Apoc. , 3, 20.- 2 Job. 7, 20. 3 Luc. 15, 17. — ' I Esdr.,
9, 6.
F
162
séricorde est plus grande que mes crimes , et ja
mais vous ne méprisez un cœur contrit et humi-
lié '. Repassez dans l'amertume de votre âme
tous les péchés de votre vie.... et multipliez les
actes de contrition ....
Résolutions..... et Colloque avec notre bonne
Mère.....
Bouquet spirituel. - Les paroles de Notre-
Dame de la Salette : « Si mon peuple, etc. » Do-
mine, ne in furore tuo arguas me ; Seigneur ,
ne me jugez pas dans votre colère ; mais ayez
pitié de moi selon la grandeur de vos miséri-
cordes *.

QUATRIÈME MÉDITATION.

De la juste et effrayante Colère de Dieu."

Sur ces paroles de la Très-Sainte Vierge : « Si mon peu-


ple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser
aller le bras de mon Fils ; il est si lourd et si pesant que
je ne puis plus le retenir. »

Cette expression : « Le bras du Seigneur, » pour


dire sa justice vengeresse, est fréquente dans la
sainte Ecriture. Voyez le livre de la Sagesse,
ch. 2, v. 22, et ch . 16, v. 16 , les Psaumes , les
Prophètes, etc. , etc. Notre divine Mère l'avait'
P8. 50. Ps. , 6 , 2. - 50. 1.
163
déjà employée, cette image, dans son sublime
cantique Fecit potentiam in brachio suo , dis+
persit superbos, etc. Le Seigneur a déployé la
force de son bras ; il a dissipé les orgueilleux, il
a renversé les puissants ' .
Une méditation sur la colère de Dieu et ses jus-
tes vengeances peut nous faire le plus grand bien.
Elle répond, du reste , aux vues de notre Mère,
dont nous venons de citer les paroles . Le plus
souvent, nous nous faisons de Dieu une bien
fausse idée. Il semble que sa bonté infinie ab-
sorbe en quelque sorte tous ses autres attributs ,
et que la justice , en lui , n'est plus à craindre ;
mais il ne faut pas que les pécheurs se flattent
de cette bonté de Dieu , de laquelle ils ne connais-
sent pas la propriété . Il est bon , dit Tertullien ,
parce qu'il est ennemi du mal, et il est infiniment
bon, parce qu'il en est infiniment ennemi : Non
plene bonus , nisi mali æmulus ². » - De sorte
que , d'après cet ancien Père , c'est la bonté qui
paraît être la raison même de la justice et de la
vengeance divines. Humilions- nous aux pieds de
Marie et méditons en tremblant ce grand sujet.

RÉFLEXIONS .

I. Considérons ce qu'elle est , cette colère du


Tout- Puissant. Il n'est pas possible, sans doute,
¹ Luc, 4, 54. - 2 Bossuet, Sur la nécessité de la pénitence,
2º part.
164
de la connaître parfaitement. Qui peut compren→
dre , dit David , la puissance de votre courroux
et l'étendue de vos vengeances , Seigneur¹ ? Inter-
rogeons cependant les Ecritures , nous y trou-
verons l'enseignement dont nous avons besoin .
1º Cette colère est souverainement juste . Dieu
est infiniment saint, et c'est pourquoi il déteste
souverainement le péché. Les regards du Seigneur
sont très-purs , dit le prophète, et il ne peut pas
supporter la vue du mal . Il a donc le désir , la
volonté ferme et inflexible de le détruire. Quand
cette volonté sainte et parfaite se manifeste par les
châtiments dont elle afflige la terre, c'est sa colère
qui éclate sur nous. Mais qui ne voit combien
elle est juste ? — C'est pourquoi David dit au
Seigneur Vous êtes irréprochable, ô mon Dieu ,
et vos jugements sont toujours selon l'équité *.
En second lieu, revenons à une pensée que nous
a suggérée déjà Tertullien : « Il ne faut pas con-
cevoir en Dieu une bonté faible et qui souffre
tout...; mais une bonté vigoureuse qui exerce
l'amour qu'elle a pour le bien par la haine qu'elle
a pour le mal . Par conséquent, Dieu est en acte
et en exercice d'une juste aversion contre les pé-
cheurs. Ses foudres sont toujours prêts et sa co-
lère toujours enflammée . C'est pourquoi l'Ecri-
ture nous le représente comme toujours prêt à
' Ps. 89, 13..- Habac. 1. 13. 3 Ps. 118, 137.
165
frapper (Is. , 5, 28) 1 >. Enfin , comment cette
colère ne serait-elle pas juste , puisque nous som-
mes si coupables et si bien avertis ? Il suffit d'ou-
vrir, même au hasard , l'Ancien-Testament, pour y
lire à toutes les pages , que Dieu déteste le péché et
celui qui le commet volontairement² , et, qu'après
avoir été prévenus, nous serons frappés sept fois,
c'est-à-dire, sans remise , pour nos péchés ; il bri-
sera notre orgueil ' ; il règnera sur nous en nous
châtiant d'un bras puissant et en épuisant sur
nous sa colère *. et sous la loi de grâce , il nous fait
encore dire par son Apôtre : qu'il prépare aux es-
prits rebelles, qui ne veulent pas se soumettre à la
vérité, sa colère , son indignation , toutes les tribu-
lations, tous les malheurs". Nous sommes avertis ;
les saintes Ecritures ne peuvent pas être plus
claires.... Mais depuis que notre Mère est venue
nous visiter , qui pourrait se plaindre d'être sur-
pris : « Le bras de mon Fils est si lourd que je ne
puis plus le retenir... Il viendra une grande fa-
mine... Les petits enfants mourront... Le blé , les
raisins, les noix , les récoltes les plus nécessaires
à la vie seront perdues... » O notre Mère ! ô notre
salut! ne cessez pas de prièr pour nous !
2º Cette colère est juste , elle est adorable
comme l'éternelle miséricorde ......- - Considérons
qu'elle est aussi toute-puissante. Hélas ! que de-

1 Bossuet, loc. cit. 2 Sap. , 14 , 9.3 Levit . , 26. 18, 19.


Ezech . , 20, 33. - 5 Rom., 2. 6, 8.
166
vinrent les anges rebelles, ces Trônes, ces Princi-
pautés célestes, malgré leur audace, malgré leur
nombre, quand son bras s'appesantit sur eux ?…..
Que sont devenus tous ceux qu'il a frappés dans
son courroux ? Les impies Coré , Dathan et Abi-
ron, engloutis dans la terre..., l'armée de Pha-
raon submergée dans les flots... et la race des
hommes au temps du déluge universel ?..... Que
sont devant Lui , les puissants comme les faibles,
tous les peuples ensemble comme les individus
pris à part? Ils sont à peine comparables à une
goutte d'eau ' . Il a seul l'autorité souveraine et la
force ; il n'est personne qui puisse résister à la
vigueur de son bras2 ; il a la puissance de la vie
et de la mort : il conduit aux portes du tombeau ,
et il en ramène comme il lui plaît ; il enlève la
vie aux princes et aux grands , sans effort * ; il les
réduit à rien ; son souffle les frappe tout à coup,
et ils sont emportés comme une paille légère .
Ainsi , personne ne peut soutenir le poids de sa
colère et sous lui fléchissent ceux- là même qui
portent l'univers ... Qu'allons-nous devenir , s'il
exerce contre nous sa force souveraine ?..... Et
pourtant l'arrêt en est porté : « Si mon peuple ne
veut pas se soumettre , je suis forcée de laisser
aller le bras de mon Fils ; il est si lourd et si pe-
sant que je ne puis plus le retenir ! ... »

Sap , 14 , 23. - 2 Ibid . 22. -Sap. , 16, 13.-.--4 Ps. 75, 12.
- 5 Isaï. , 40, 23. — 6 Job . 9 , 13 .. 1
1
167
II. Considérons maintenant que cette colère ir-
résistible et juste a les secrets de vengeance les
plus épouvantables. Ses ressources, ses moyens
sont infinis . Cette colère éclate quelquefois comme
le bruit d'une tempête ' ; alors tout le ciel est dans
la confusion et la terre paraît chanceler et se dé-
placer , tant est puissante la fureur et l'indigna-
tion du Dieu des armées ! Le malheur des pé-
cheurs devient en ces jours sept fois plus insup-
portable. La mort, le sang, les querelles , le glaive,
l'oppression , la famine, toutes les calamités , tous
les fléaux tombent sur eux ; car c'est pour eux
qu'ils ont été créés ³ . Jours affreux ! jours de dé-
solation et de détresse même pour les plus forts ' !
Vous n'avez pas écouté ma voix, dit le Seigneur ;
vous avez méprisé mes commandements : toutes
sortes d'anathèmes vous sont réservés , et comme
je me réjouissais en vous faisant du bien , en vous
faisant prospérer , j'exercerai mon irrésistible
puisance à vous perdre et à vous exterminer de la
terre . Le malheur des pécheurs peut-il être plus
grand ?.... Continuez de méditer cet effrayant su-
jet.
Le Seigneur possède seul la sagesse, et il la
communique aux sages, et cette sagesse est le
bonheur des peuples ; mais il arrive que les ini-
quités des hommes montent et crient jusqu'à lui,
1 Isaïæ 28, 2. 2 Id ., 43, 43. - 3 Eccli., 40. 8, 9, 10 .
Soph., 4. 44, 45. Deuter., 28. 15. 63...
168
Alors sa colère a des inventions nouvelles . Ce
n'est plus par des coups qui ébranlent le monde
que sa fureur éclate ; il arrive à ses fins par des
voies plus désastreuses . Ecoutez Job : Il enlève
aux conseillers leur prudence , il les pousse à des
projets insensés ; il n'y a plus en eux que men-
songe et qu'erreur , et ils s'avancent dans un dé-
sert sans voies, et au milieu du jour , ils tâton-
nent comme dans les ténèbres et ils chancellent
comme des hommes ivres , et leur conduite n'est
plus qu'égarement et imposture... · Et quelle en
est la cause ? Propter peccata populi ' . « Si mon
peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de
laisser aller le bras de mon Fils . >>
Mais , allez plus avant , continuez cette acca-
blante méditation : le Seigneur tient dans sa main
une coupe d'un vin troublé. La lie de cette coupe
ne s'épuise pas . Voici un châtiment nouveau :
voici l'excès de la divine colère .
L'impie a provoqué le Seigneur , dit David ; eh
bien le Seigneur , dans le suprême effort de sa
vengeance, le laisse dans la paix : Propter mul-
titudinem iræ suæ non quæret ³ . Quand Dieu af-
flige les méchants par un coup de sa vengeance,
remarque l'historien des Machabées , et qu'il ne
les laisse pas vivre longtemps selon leurs désirs ,
il leur témoigne sa miséricorde . Ce fut la con-

Job. 12. 17, 20, 24, 25. 34. 30. Ps . 74 , 9.3 Ps.
10, 4. -- 犀 II, Mach . , 6, 13.
169
duite qu'il tint à l'égard des coupables Chana-
néens . Vous saviez , dit le Sage , que leur race était
inique et leurs œuvres détestables , et vous les
avez châtiés, afin qu'ils croient en vous , Sei-
gneur . Mais quand la mesure des crimes est à
son comble , c'est l'heure de la suprême ven-
geance Le Seigneur verse le calice de l'assou-
pissement . C'est alors que le pécheur dit , dans
son effrayante sécurité Le Seigneur a tout ou-
blié..... J'ai péché , je pèche tous les jours , sans
remords , et que m'arrive -t-il de fâcheux ? ... ...
ou si quelque inquiétude plus ou moins vive naît
dans ces consciences cautérisées , Dieu permet
que ceux qui devraient les troubler plus encore,
les rassurent et les tranquillisent , disant : La
paix ! la paix ! Hélas ! qu'elle est redoutable
cette paix Malheur à ces hommes coupables !
Malheur à cette race perverse ! Alors leurs eri-
mes se multiplient, et ces nouveaux péchés , dit
saint Augustin, sont le plus terrible châtiment des
péchés qui ont précédé 7. Les voilà donc livrés à
leurs sens réprouvés , à tous les désirs , à toutes
les concupiscences déréglées de leur cœur ; ils de-
viennent envieux , détracteurs , pleins de malice,
pleins de rapine , sans mœurs, sans affection , sans
T
1 Sap., 12. 2, 4 , 40. - 2 II Mach. , 6 , 14. — ³ Isaï. , 51 , 47 .
- Ps. 9, 34. Eccli. , 5 , 4.- 5 Jer., 8. 40, 14. - 6 IsaŸæ ,
1,4. 7 Ap. Cornel. in Rom ., 1 , 24.
C 10
170
foi . D'autre part , l'esprit des ténèbres , celui
dont l'œuvre est la perte des hommes 2 , celui qui
a tout pouvoir sur les enfants de rébellion ³ , tra-
vaille incessamment à consommer la ruine de
ces malheureux endurcis..., et, à la fin , dans les
âmes perdues et volontairement livrées au dé-
mon, on dirait qu'il n'y a plus de trace de la pri-
mitive création de Dieu , mais qu'elles n'ont plus
que la ressemblance de Satan : Unus ex vobis dia-
bolus est . « Si mon peuple ne veut pas se sou-
mettre, je suis forcée de laisser aller le bras de
mon Fils. Il est si lourd et si pesant, que je ne
puis plus le retenir !... I
Affections . - Parce , Domine , parce populo
tuo ; Epargnez, Seigneur , épargnez votre peu-
ple et ne soyez pas éternellement irrité contre
lui.... Si iniquitates observaveris, Doimne® : Sei-
gneur, si vous ne considérez que nos iniquités ,
qui pourra soutenir les coups de votre juste co-
lère ?...Domine, non secundum peccata nostra "...
Seigneur , ne nous traitez pas selon nos crimes,
mais montrez-nous votre inépuisable miséricorde .
Ingemisco tanquam reus .... Je gémis dans le
sentiment de mon péché.... ma face se couvre de
rougeur..... ayez pitié de votre pauvre serviteur
suppliant.... Contrition . Ferme propos .

1 Rom. , 1 , 24, etc. 2 Operatio eorum est hominis ever-


sio. Tertull. (Apolog . 22.) 3 Ephes. , 2, 2. 4Joan., 6, 74.
-Joel . 2, 17. - 6 Ps. 129, 3. 7 Ps . 102, 10. -8 Dies ira.
171
Résolutions .... et Colloque avec notre compa-
tissante Mère.
Bouquet spirituel . Les paroles de la Très-
Sainte Vierge. - Converte nos Deus , salutaris
noster, et averte iram tuam à nobis¹ : Convertis-
sez-nous, Seigneur, notre Salut ; et détournez de
nous les coups de votre colère.

CINQUIÈME MÉDITATION.

Du Malheur de l'Abandon de J.-C.

Sur ces paroles de la Très-Sainte Vierge : « Si je veux que


mon Fils ne vous abandonne pas , je suis chargée de
le prier sans cesse, et vous n'en faites pas cas. »

Jésus-Christ qui nous abandonne , c'est la grâce


qui nous manque . - Mais quelle grâce ? et com-
ment?
Dieu est charité sa miséricorde remplit toute
la terre, et il a voulu, dans sa bonté, nous faire
un commandement de compter toujours sur sa
grâce et d'espérer le salut éternel , tant que nous
sommes en ce monde . C'est dire, en d'autres ter-
mes, qu'il n'abandonne jamais une âme absolu-
ment. Il arrive cependant que le malheureux pé-
' Ps. 84, 5.
172
cheur a tant abusé de son amour, et laissé pren-
dre un tel empire à ses mauvaises passions , que
maintenant, pour sortir de l'état misérable où il
est, il lui faudrait, non plus seulement les grâces
ordinaires que Dieu accorde à tous les hommes ,
mais quelques-uns des changements prodigieux
de la droite du Très -Haut, un vrai miracle de sa
puissance. Or, ce miracle, ce trait singulier et
extraordinaire de la Miséricorde éternelle , le pé-
cheur ne le sollicite pas , il continue même de ne
faire aucun cas des bontés divines ; il va plus
loin, il provoque sans cesse la colère de ce Dieu
si bon... C'est pourquoi la grâce de choix, le se
cours miraculeux dont il a besoin et dont il ne
veut pas , ne lui sera pas accordé , et c'est en ce
sens qu'il devient comme abandonné de Dieu :
malheur effroyable qui fut celui de Caïn , de Saül ,
du mauvais larron , de Judas et de tant d'autres,
et dont la crainte a fait trembler les saints eux-
mêmes ' . 11.
RÉFLEXIONS .

I. Considérons l'effrayante réalité de ce malheur,


convainquons-nous que la menacé que nous fait
ici notre Mère éplorée n'est pas, il s'en faut bien,
une exagération de son cœur, épouvanté par les
inévitables suites de nos crimes..

Hæc est Sanctis causa tremendi, ne ope gratiæ de-


serti remaneant in infirmitate naturæ . S. Leon. Serm , 8,
in Epip .
173
Ils m'invoqueront , dit le Seigneur dans les
Proverbes , et je ne les exaucerai pas, parce qu'ils
ont résisté à mes conseils et qu'ils ont dédai-
gné ma menace . Notre Seigneur dit aux Juifs :
Le royaume des cieux vous sera ôté et il sera
donné à une nation qui en fera les œuvres 2. Cet
abandon est le châtiment cruel , le coup désas-
treux, la plaie incurable dont est frappée Jéru-
salem infidèle . C'est l'excès de malheur qui
menace Ephraïm, jusque-là si glorieux : Malheur
à vous , dit le Seigneur ; malheur à vous , quand
je vous aurai abandonné Alors , je vous le dis ,
vous ne serez plus mon peuple et je ne serai plus
votre Dieu ..... Sodome l'impudique et Damas
l'endurcie , furent abandonnées le jour où Dieu
disait de ces villes criminelles : La clameur de leurs
abominations est montée jusqu'à mes oreilles et
les a remplies ; le nombre de leurs péchés énor-
mes est maintenant complet . Je ne leur donne-
rai pas la grâce extraordinaire et singulière qu'il
leur faut pour se convertir " . Ils en étaient aussi
venus à ce malheur effroyable, ces hommes à qui
le Seigneur parle dans Isaïe Lorsque vous
tendrez les mains vers moi par un faux repentir,
je détournerai les yeux ; vos œuvres criminelles
me sont insupportables ; je suis fatigué de les

' Prov., 1 , 28, 30.2 Matt. , 24 , 43.3 Jerem. , 32, 14.


- Os. , 9 , 12. - Idem , 4, 9. 6 Genes. , 18 , 20.
7 Amos, 1 , 3.
10.
174
souffrir¹ , témoignant par ces paroles, dit saint
Jérôme, qu'il ne leur fera plus miséricorde, mais
qu'il les abandonne à sa juste colère . Ainsi ,
ajoute saint Basile, quand le pécheur a comblé la
mesure de ses iniquités, son mal est en quelque
sorte incurable ; il passe , par sa malice , de l'or-
dre de la miséricorde dans celui de la justice, et
il n'en sort plus ³....
II. Considérons , en second lieu , ce qui amène
ce malheur épouvantable . Notre divine Mère dit
deux fois , dans son Apparition, une parole qui
vient nous l'apprendre : << Et vous n'en faites
aucun cas ! » C'est la négligence volontaire de la
grâce. La grâce est le secours surnaturel que Dieu
nous donne en temps opportun pour nous faire
observer ses commandements et opérer notre sa-
lut; et ce secours divin , qui nous est communiqué
de bien des manières ; par une inspiration secrète,
par un bon conseil , etc. , etc. , nous est absolument
nécessaire pour aller au ciel . Ainsi l'enseigne l'E-
glise ¹ . Par conséquent, le prix de la grâce est au-
dessus de tout ce que nous pouvons concevoir.
C'est la semence du bonheur éternel ; c'est le ta-
lent avec lequel on achète le royaume du ciel ;
c'est la clef et la seule clef qui nous sert à en ou→
vrir les portes... Mais une fois ceci compris, quelle

Isaïæ , 4. 44, 45.2 Ap. Saint-Jure , Connaissance et


Amour deJ.-C. Liv. 3, ch 24. — 3 S. Bas. , in C,, ^ , Isaï.
Ibid. 4 Trident., sess. 6, c. 3.
175
n'est pas l'imprudence, l'aveuglement et la folie
de l'homme qui néglige la grâce et qui la mé-
prise ?.... C'est un aveuglement, c'est une folie ;
mais par-dessus tout c'est un crime , crime énor
me, impordonnable injure faite au divin Sauveur
Jésus ; car , savons-nous bien à quel prix nous
a été acquise la grâce que nous négligeons si fa,
cilement?... Il n'a pas moins fallu , d'après les des-
seins de l'infinie Sagesse , que tous les travaux du
Rédempteur, ses prières , ses larmes , toute sa vie,
toutes les ignominies et les souffrances de sa mort
Ainsi , voilà la malice du pécheur : cette grâce,
qui a tant coûté à un Dieu, il la méprise , de sorte
qu'il rend inutile et sans valeur pour lui l'indis-
pensable et unique moyen de salut qu'il puisse
avoir. Hélas ! hélas ! y a-t-il un danger plus grand
que le sien? Marchez pendant que la lumière brille
à vos yeux, dit le bon Maître lui-même , de peur
que vous ne tombiez sous l'empire des ténèbres ' .
Cette lumière, c'est la grâce qui nous fait connaître
le bien , qui nous en fait voir les charmes pour que
nous l'aimions ; ces ténèbres , c'est la triste nuit,
c'est l'horrible aveuglement de l'âme indifférente
qui va au hasard , qui marche à sa perte ... O triste
état ! Jésus- Christ ne donnera plus à cette âme
ses grâces particulières et puissantes dont elle
aurait besoin ! ...... Dans quels abîmes ne va-t-
elle pas tomber ?... Le cœur se serre, l'esprit se
Joan., 12, 35.
1

176
trouble... Seigneur ! O Dieu tout-puissant ! brisez-
moi, écrasez-moi à cette heure , mais ne permet-
tez pas que ma malice me fasse jamais mépriser
la moindre de vos grâces ... « Si je veux que mon
Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de
le prier sans cesse , ET VOUS N'EN FAITES AUCUN
CAS !....>>
III. Considérons maintenant quels sont , dans
l'âme infidèle , les effets de l'abandon de Jésus-
Christ. La grâce surnaturelle , c'est la lumière
qui éclaire notre âme pour lui faire aimer le bien,
et c'est la force divine qui lui est communiquée ,
pour qu'elle le pratique . Si donc la grâce n'agit
plus sur nous , la lumière et la force venant à
nous manquer, voilà l'heure effroyable de l'aveu-
glement de l'esprit et de l'endurcissement du
cœur.
1° L'aveuglement de l'esprit. Etat désolant ,
fruit amer de la malice du pécheur . -- La vérité
ne fait plus aucune impression sur lui , qu'elle
lui vienne d'un bon exemple, d'un bon conseil,
d'une lecture pieuse, d'une instruction , etc. ; ... Il
s'efforce d'en détourner la vue ; il la repousse ,
pour qu'elle ne lui rappelle pas ses devoirs³ . Le
malheureux voudrait même l'anéantir, s'il le pou-
vait, et il se fait l'ennemi de tous ceux qui tra-
vaillent à son triomphe , suivant cette parole de
saint Paul Vous me regardez comme votre en-

Soph ., 1 , 17. - Sap. , 2, 21. 2 Is ., 14 , 2. 3 Ps. 35, 4.


177
nemi pour vous avoir dit la vérité¹ . Ainsi , c'en
est fait, cette âme infortunée ne saura plus ce
que Dieu demande d'elle pour sa conversion et
pour son salut. Elle peut dire à son tour : Mes
iniquités sont comme un épais bandeau sur mes
yeux et je ne vois plus la lumière . Elle est aveu-
gle, non seulement à l'égard du bien qu'elle au-
rait à faire, mais pour le mal qu'elle devrait évi-
ter ; car, dit l'Esprit- Saint , les pécheurs confon
dent tout ; ils prennent le mal pour le bien et le
bien pour le mal³ ; leur voie est toute pleine
d'incertitude et d'obscurité, et ils ne savent même
pas dans quels abîmes ils se précipitent .... aure
-A ce premier malheur s'en joint un autre.
2º L'endurcissement du cœur. S. Bernard
l'a ainsi dépeint : Voulez-vous savoir ce que
c'est qu'un cœur endurci , dit-il ? C'est celui qui
ne saurait être ni déchiré par les remords , ni
attendri par la piété , ni touché par les prières,
qui ne cède point aux menaces , qui se raidit
contre la correction . C'est un cœur insensible aux
bienfaits, rebelle aux avis, indifférent aux dan-
gers , sans charité pour les hommes, sans religion
envers Dieu. Il oublie le passé, il néglige le pré-
sent, il ne prévoit point l'avenir... En un mot, c'est
un cœur qui n'a ni crainte de Dieu, ni égard pour
les hommes ... Et en ce même endroit , le saint

Galat., 4, 46. -2 Ps. 39, 13.- 3 Is. , 5, 20. 4 Prov.,


4, 19. "
178
Docteur ajoute un mot capable de nous remplir
d'effroi Mais ne me demandez pas davantage ,
dit-il , en quoi consiste l'endurcissement du cœur ;
si ce seul mot ne vous fait pas frémir, c'est que
ce mal est déjà le vôtre ' !... Le bruit que faisaient
les chaînes de ma misérable captivité , dit S. Au-
gustin, m'empêchaient d'entendre votre voix , Sei-
gneur' ! -ou , si la voix domine même ce bruit, le
pécheur reste sourd volontairement à ce miséri-
cordieux appel 3. Par toutes ses œuvres , le mal-
heureux ne dit plus qu'une parole désolante :
Qu'est-ce que le Seigneur , pour que je prête l'o-
reille à sa voix ? Je ne le connais pas .... Cher-
chez maintenant parmi toutes les infortunes hu-
maines s'il en est une comparable à celle -là .....
Prenez donc garde, mes frères , dit S. Paul, qu'il
ne se trouve quelqu'un parmi vous dont le cœur
soit assez mauvais pour se séparer du Dieu vi-
vant ; mais animez-vous chaque jour les uns les
autres pendant ce temps que l'Ecriture appelle
Aujourd'hui (aujourd'hui , si vous entendez la voix
du Seigneur, n'endurcissez pas votre cœur), dans
la crainte que cet endurcissement ne se consomme
par la séduction du péché 5. « Si je veux que
mon Fils ne vous abandonne pas ,ję suis chargée
de le prier sans cesse et vous n'en faites aucun
cas !... Je vous l'ai fait voir l'année dernière ... et
vous n'en avez pas fait cas ! ... »
t Libr. I De Consider. c. 2. 2 Confess . 1. 2. c. 2.
'Prov.1.24. - Exod . 5. 2. ·- Hebr. 3. 12, 13. Ps . 94. 8.
179
Affections . - Confige timore tuo carnes meas...
Seigneur, transpercez ma chair de la salutaire
terreur de vos jugements . La terreur et l'épou-
vante m'environnent : mais que je meure d'ef-
froi , si je dois oublier la grandeur de votre jus-
tice sur les pécheurs ... J'ai considéré vos œuvres,
les œuvres de cette justice terrible et adorable, et
je suis troublé , parce qu'il n'est personne qui
puisse ramener dans la voie du salut celui que
vous avez méprisé³ . - Coup d'œil sur l'abus que
nous avons fait de la grâce dans la vie passée.
Contrition... et ferme propos.
Résolutions .... et Colloque avec notre compa-
tissante Mère.
Bouquet spirituel.- « Si je veux que mon Fils
ne vous abandonne pas , je suis chargée de le prier
sans cessé, et pour vous autres, vous n'en faites
pas cas. » Domine, nomen tuum invocatum est
super nos ; ne derelinquas nos , Domine Deus nos-
ter. Votre nom , ô Jésus, a été invoqué sur nous
tant de fois !... Ne nous abandonnez pas , ô notre
Seigneur, ô notre Dieu ¹ .
1 Ps. 118. Ps. 54. 6. A 3 Eccle. 7. 44. Jerem.
14. 9.
180

SIXIÈME MÉDITATION .

Notre - Dame Réconciliatrice .

Sur ces paroles de cette divine Mère : « Depuis le temps


que je souffre pour vous ! Si je veux que mon Fils ne
vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans
eesse... Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous
ne pourrez récompenser la peine que j'ai prise pour
vous ! »

Si votre cœur est troublé par les grandes et ter-


ribles vérités que vous avez méditées précédem-
ment, si la juste crainte des jugements de Dieu
avait affaibli dans votre âme la confiance, ô Enfant
contrit et pénitent de la Mère des douleurs ! ras-
surez-vous ; voici maintenant le salut ! voici la di-
vine Réconciliatrice ! Désormais vous serez plus
directement occupé d'Elle , et l'œuvre de votre
conversion, de votre sanctification et de votre
salut va devenir plus facile. Mais , que ne pouvons-
nous , ô notre Frère en Marie ! faire passer dans
ces méditations les sentiments sublimes des
Saints sur cette Mère admirable, les belles paro-
les qu'ils ont dites , les louanges , les cris d'en-
thousiasme qui sont sortis de leurs cœurs embra-
sés ! Ah ! chère âme ! que ne devenez-vous dans
cette Retraite toute enflammée d'amour pour Elle
et à jamais éprise de cette Beauté , de cette Per-
181
fection, de cette ravissante Merveille d'amour , de
grâce et de gloire , qui est Marie , la divine Marie ;
que ne devenez-vous pour Elle un nouveau saint
Jean, une nouvelle sainte Madeleine par l'amour,
et dans la suite un Saint...., un grand Saint de ce
Siècle et de ce Règne de Marie dont il semble que
nous voyons les premiers temps ! Oui ! qu'il en
soit ainsi pour la gloire de cette incomparable
Mère et Souveraine , et pour le grand bien de
votre âme !
RÉFLEXIONS .

I. Notre divine Mère est toute consumée du dé-


sir ardent de notre conversion,
1º A cause de la grande gloire qui en revien-
dra à Dieu et à Jésus- Christ son Fils . La véritable
gloire de Dieu, c'est le salut des âmes : c'est leur
persévérance dans la grâce , quand elles la possè-
dent ; c'est leur sincère conversion , quand elles
l'ont perdue. Voilà le triomple de Dieu , dans ce
monde , et cette consolation dont les Ecritures
nous parlent et dont nous sommes nous-mêmes
le principe ' . Il semblerait cependant, d'après ces
mêmes Ecritures, que de ce double sujet de joie :
la persévérance du juste et la conversion du pé-
cheur, celle-ci, ce retour du prodigue , qui con-
fesse sa faute et qui pleure , apporte une conso-
lation particulière au cœur du Père que nous
12 Mach. 7. 6. Deuter, 32. 36.
11
182
avons au Ciel. C'est l'interprétation naturelle de
plusieurs paraboles de l'Evangile ; et nous avons .
du reste, une parole du bon Maître qui paraît dé-
cisive Il y a, dit-il , plus de joie au ciel sur le re-
tour d'un seul pécheur qui fait pénitence , que sur
la persévérance de quatre-vingt-dix-neuf justes
qui n'ont pas besoin de pardon '... Mais , s'il en est
ainsi , quelle ne doit pas être la sollicitude de Ma-
rie pour la conversion des pécheurs ! Car, voyez !
Elle est la Servante de Dieu par excellence ,
comme Elle s'est nommée elle-même... Elle est la
Fille du Père, mais si dévouée , si aimante ... Elle
est la Mère du Fils, mais quelle Mère !... Elle est
l'Epouse accomplie et parfaite du Saint Esprit.....
Quelles ne doivent donc pas être ses saintes et
dévorantes ardeurs pour la gloire et pour l'hon-
neur de la Très- Sainte Trinité ! Elle a plus aimé
Dieu, dès le premier moment de sa vie , que ne
l'ont aimé tous les anges et tous les saints ensem-
ble. Ainsi parle S. Liguori 2. Et le même fervent
serviteur de cette admirable Reine nomme une
sainte Religieuse à qui cette divine Vierge révéla
que le fen dont elle brûlait pour la gloire de Dieu
aurait suffi pour consumer tout l'univers .... Oh !
quel est donc son désir de nous voir tous soumis
à ce Dieu dont les perfections ont fait le ravisse-
ment de sa vie et sont maintenant le principe de
son ineffable bonheur dans le ciel , - et à Jésus.
Luc. 45. 7. 2 Gloires de Marie, p. 1. c . 1. § 3.
183
son Fils, son Créateur, son Père , son Tout, ' dont
les amabilités sans égales ont charmé , ont ravi,
ont enivré d'amour sa belle âme depuis qu'Elle a
connu tout ce qu'il est, ce Roi d'amour.
Ainsi, Marie ne soupire qu'après l'heure bénie
de notre conversion , pour l'amour qu'elle porte
à ce Dieu dont elle a tout reçu et dont elle est
excellemment la grande adoratrice et l'apôtre mo-
dèle ' .... Ses paroles, ses larmes , la mission
qu'elle donne dans sa céleste Apparition en sont
une preuve nouvelle et des plus touchantes....
2º Notre divine Mère est toute consumée de
l'ardent désir de notre conversion , parce qu'elle
aime les âmes des pécheurs , et que leur plus
grand bien , c'est la conversion . - Que cette ten-
dre Mère aime les pauvres pécheurs , point de
vérité plus certaine et plus éclatante. Ouvrez les
annales de l'Eglise , parcourez les écrits des SS.
Pères et des Docteurs , visitez tous les sanctuaires
qui portent son nom béni , considérez les murs de
cette Eglise, écoutez les touchants récits des per-
sonnes qui sont témoins ici des grâces de Marie...
et peut-être , pieux Pèlerin , devons-nous vous dire
à vous-même : Interrogez vos souvenirs ..... O
Dieu que de témoignages magnifiques, partout,

' Adoratrix filii sui. S. Anton. Summ. p. 3. tit. 31. c. 3.


-Apostola quæ habuit apostolatum in summo, illumi-
nans mundum et reconcilians peccatores. B. Alb . Magn.
super Missus est, c. 157.
184
dans tous les siècles de cette miséricorde qui dé-
borde sans cesse du cœur de cette Mère bien-aimée
sur les pauvres pécheurs... La difficulté n'est donc
pas de citer des milliers et des milliers de passa-
ges des écrits des Saints, ni de nommer des cen-
taines et des centaines de sanctuaires.... Tout
l'univers retentit de cette unanime acclamation
de tous les cœurs chrétiens : a Salve, Regina,
Mater misericordiæ ! Salut, ô Reine ! ô Mère de
miséricorde ! ... » Salut ! ô Ville de refuge ! Civitas
refugii ! O Port assuré des malheureux qui ont
fait naufrage ! Naufragorum Portus tutissimus !
Divin Hospice des malades spirituels ! Peccatorum
Hospitium ! Infaillible Espérance des pécheurs !
Spes unica delinquentium ¹ !
Bonne Mère !... C'est de toute éternité qu'il a été
décrété, dans les conseils de Dieu , qu'il en serait
ainsi ; et le cœur de Marie a été dès l'enfance ce
chef-d'œuvre d'amour, de commisération et de ten-
dresse qui devait donner la vie à l'Agneau qui lave
dans son sang les péchés du monde.... La miséri-
corde est son empire , et quelque désespéré que
paraisse aux yeux des anges mêmes l'état d'une
âme , elle ne cesse pas d'être sous le manteau
protecteur de cette douce et très- clémente Reine,
pourvu qu'elle aime cet asile . Sainte Gertrude vit
un jour un grand nombre de bêtes féroces : lions,

' S. Liguori, Gloires de Marie , p. 4. c. 3. § 11. --- Invoca.


tions de S. Ephrem , S. Augustin, S. Laurent Justinien,etc.
185
tigres et autres qui s'étaient réfugiés sous le man-
teau de notre miséricordieuse Souveraine , et
Marie le tenait ouvert comme pour inviter un
plus grand nombre encore à venir s'y abriter, et
elle regardait tous ces animaux sauvages avec
bonté ; elle les caressait même avec la main . Et la
Sainte eut connaissance qu'ils figuraient la multi-
tude des pécheurs , et que ceux -ci , quelque cou-
pables et dégradés qu'ils soient , sont toujours
bien reçus auprès de la bonne , de la compatissante
Marie , s'ils ont recours à Elle avec humilité et
confiance ' .
Marie aime les pauvres pécheurs.... Ah ! c'est
ici surtout qu'elle l'a témoigné d'une manière
bien touchante ! Que signifient en effet cette im-
mense douleur, ce repos , cet affaissement sur la
pierre de la montagne, cette tête si douloureuse-
ment appesantie et appuyée dans ses mains, et
ses larmes abondantes , intarissables , et ses
plaintes et ses menaces même, et cette mission
qu'Elle donne en finissant?... Elle aime , Elle aime,
Elle aime.... Disons-le, publions-le ; que tous les
échos de la terre le portent à toutes les âmes, aux
âmes découragées , désespérées , perdues ; Elle,
aime! Marie est toute charité ! Tota Charitas
est 2 !
Mais aimer, c'est vouloir, c'est désirer le bien
de l'objet qu'on aime. Or quel est le grand bien

' Apud eumd. S.Lig. ibid ., c. 2. §1. -S.Gertrud. Insin. 1.4.


e. 50.- 2 Jacob de Vorag. Archiep . Jan. in Marial. Serm . 5.
186
du pécheur ? C'est le retour à Dieu , parce que
Dieu est le Bien unique et souverain , comme le
péché est le mal , le seul mal véritable . Oh ! le
péché ! Qu'elle est pauvre , horriblement pauvre,
dénuée de tout, misérable à l'excès, une âme en
qui le péché règne ! .... Quel état ! quelle dégra-
dation ! .!. et dans quel péril et sur quel abîme elle
s'avance !... Pauvres pécheurs ! notre Mère le sait ;
Elle voit, avec ses yeux de Mère , votre épouvan-
table malheur .... et Elle voudrait vous en reti-
rer... Et pour cela Elle fait l'impossible : « Depuis
le temps que je souffre pour vous ! ... Vous aurez
beau prier, beau faire , jamais vous ne pourrez ré-
compenser la peine que j'ai prise pour vous ! .... »
Bonne Mère ! nous ne serons pas toujours insen-
sibles à tant d'amour !..
II. Marie est toute- puissante pour nous venir
en aide dans l'œuvre de notre réconciliation .
1° Elle est toute-puissante auprès de Dieu quand
elle intercède pour nous . Cette expression est de
S. Bernard ' . S. Bonaventure appelle ce crédit le
grand privilége de Marie Grande privilegium
Mariæ quod apud Deum potentissima est ². S.
Pierre Damien explique ainsi cette pensée en s'a-
dressant à cette tendre Mère : Tout pouvoir, dit-il,
vous a été donné au ciel et sur la terre , et rien ,
absolument rien n'est impossible pour vous, vous
qui pouvez consoler les désespérés eux-mêmes et

' Omnipotentia supplex. Specul. B. V. 1. 6.


187
les élever de nouveau à l'espérance du salut ; car
ce n'est pas comme une servante qui supplie que
Vous vous approchez de cet Autel de la Récon-
ciliation qui est Jésus ; mais on dirait plutôt, à
voir le prompt succès de vos démarches, que vous
commandez en souveraine . Et c'est le témoi-
gnage universel .... O Dieu ! que de belles paroles
à la louange de Marie on trouve dans les livres
de ses Enfants, les Saints ! ... On est même obligé
souvent de ne pas prendre à la lettre certaines
expressions que leur reconnaissance , leur admi-
ration et leur amour leur ont fait dire tant ils
sont allés loin dans ce zèle ardent de leur cœur
pour leur incomparable Bien-Aimée ! Et quelle est
la raison de la grande puissance des supplica-
tions de Marie sur le cœur de Jésus ? Tous s'accor→
dent à dire qu'elle le doit à son titre de Mère de
Dieu , titre infini en un sens , mais qu'elle a digne-
ment porté, qu'elle a véritablement mérité . De
là ces mots que Notre-Seigneur , suivant sainte
Brigitte, adressait un jour à sa sainte Mère : Mère ,
vous savez combien je vous suis redevable, de-
mandez-moi tout ce que vous voudrez ; com-
ment pourrais-je vous refuser quoi que ce soit au
ciel , à vous qui ne m'avez jamais rien refusé sur
la terre !
La sainte Apparition est venue confirmer cette

' In Nativ. B. V. , S. 1 . 2 Quia quem meruisti portare .'


Regina Cali. 3 Revel. 1, 6. c. 23 ; l. 1. c. 24.
188
croyance de toute la sainte Eglise . Quelle admira-
ble parole que celle -ci : « Si je veux que mon Fils
ne vous abandonne pas , je suis chargée de le prier
sans cesse ! » Elle résume une multitude de textes
des SS . Pères et de la Tradition . Que n'avons-
nous assez d'espace pour les citer tous! La sainte
Eglise, qui n'est pas moins infaillible quand elle
prie que lorsqu'elle enseigne , lui dit tous les
jours : Vous êtes notre Vie ! notre Douceur ! notre
Espérance,... O vraie Vie ! ô ineffable Douceur !.
◇ universelle, ô aimable , ô infaillible Espérance
du monde ! Soyez-le pour le pauvre enfant qui
est à genoux à vos pieds...
2º Marie est toute - puissante contre l'enfer. Il
est armé sans cesse contre nous ; il a juré notre
perte, et jusqu'à notre dernière heure il nous ten-
dra des piéges ; il soulèvera mille obstacles ; il in-
ventera mille ruses ; il multipliera ses efforts pour
arriver à sa fin , qui est notre ruine éternelle....
Mais d'abord , Enfant de Marie , s'il est vrai , comme
nous ne pouvons en douter, que le dragon infer-
nal rôde sans cesse autour de nous pour dévorer
notre âme, même pendant cette bénie retraite ,
n'oubliez pas que vous êtes sous les regards de
cette bonne Mère, et qu'elle est pour lui plus ter-
rible qu'une armée rangée en bataille..... Hélas !
le malheureux ! Il n'aime pas Marie ! Il ne L'ai-
me pas ; mais sachez-le , il redoute la puissance et
l'autorité de cette Vierge Immaculée et Reine
des humbles , plus que les tourments mêmes de
189
l'enfer . Son seul nom prononcé avec amour est un
coup de foudre qui le renverse et qui l'atterre ' .
Il sait bien qu'il porte sur son front la marque in-
délébile et la blessure incurable que lui a faite son
pied virginal. Aussi , que de glorieuses victoires,
les dévots serviteurs de Marie , et même les plus
pauvres pécheurs, ont remportées sur le démon par
une simple invocation de son nom béni ! .... mais
si cela est vrai de son seul nom , que dire de ses
commandements et de ses ordres à cet esprit
maudit.... Ah ! il aimerait mieux entendre le ton-
nerre de la divine vengeance ; et savez - vous
pourquoi ? c'est qu'il est , ce malheureux ! l'orgueil
même, l'orgueil vivant ; or, recevoir un comman-
dement , un ordre irrésistible de cette Vierge que
son humilité a fait monter si haut, quel sujet de
honte et d'humiliation pour lui ! Il en est écrasé !
et son désespoir et sa rage sont extrêmes !... Heu-
reux Enfants de Marie ! écrions-nous donc avec
les Saints Si j'espère en vous, ô ma Mère ! il est
certain que je ne succomberai pas ; sous vos re-
gards protecteurs , je poursuivrai mes ennemis,
et leur opposant comme un bouclier impénétrable
votre céleste protection, je suis assuré de les
vaincre 2 .
Ainsi Marie est toute bonne.... et Marie est

Thom. a Kemp. ad. Nov. Serm . 23. - S. Bonavent,


Specul. B. V. lec . 3, etc., etc., etc. 2 S. Joan. Damasc . in
Ann. D. Genit.
11.
190
toute-puissante ! toute bonne et toute puissante
dans la grande œuvre de notre conversion . Virgo
Clemens ! Virgo Potens !
Affections. - Salve Regina, Mater misericor-
diæ , vita, dulcedo et spes nostra, salve ! ... 0 Es-
pérance de mon âme ' O Refuge, ô Secours, ô
Asile ! Quis, ità nos defendit? ... Quis pugnat pro
peccatoribus ? Qui , comme vous , prend la défense
des pécheurs? O Réconciliatrice ! O Réparatrice
O Espoir des désespérés ! O Salut des abandon-
nés !... Isaïe se plaignait de ne voir personne se
lever devant le Seigneur irrité 3 pour arrêter son
bras prêt à frapper le monde ; il se plaignait parce
que vous , ô notre Mère, vous n'étiez pas encore
au monde ; mais maintenant vous êtes pour nous,
ô divine Médiatrice , ô puissante Réconciliatrice,
et vous retenez le bras de votre Fils pour qu'il ne
tombe pas sur nous . Detinet filium ne peccatores
percutiat * . Oh ! se peut-il qu'avec Marie il y ait
toujours des pécheurs obstinés sur la terre ?....

Tous ces textes et les suivants de divers saints Doc-


teurs sont empruntés au beau livre des Gloires de Marie.
de S. Liguori, et au Polyanthea Mariana, du P. Maracci.-
On pourrait faire un fort volume, rien qu'en réunissant
les invocations des Saints à Marie et les titres qu'ils ont
donnés à cette incomparable Mère.
2 S. Ephrem. S. Bernard . S. Bonavent. B. Albert. Magn.
etc., etc., etc. 3 Is. 64. 7.-S. Bonavent. , De laudib.
B. V. 1. 2. p . 5 .
191
Résolutions.... et Colloque avec notre divine
et bonne Mère .
Bouquet spirituel. - Les paroles de la Sainte
Vierge Si je veux que mon Fils , etc. Vita ! dul-
cedo ! spes nostra ! salve ! Vous êtes notre Vie,
notre Douceur, notre Espérance !

SEPTIÈME MÉDITATION.

De la Contrition que nous devons avoir de nos


péchés .

Sur l'ensemble de la sainte Apparition et particulière-


ment les larmes de Notre-Mère.
Notre divine Mère est toute consumée du désir
de notre conversion , et nous savons quelle
peine Elle prend pour nous en obtenir la grâce.
Depuis le temps que je souffre pour vous ! ...
Vous aurez beau prier , beau faire , jamais vous
ne pourrez récompenser la peine que j'ai prise
pour vous , etc. ! » Mais , ne l'oublions pas , l'œu-
vre de notre conversion est essentiellement per-
sonnelle , et malgré tant d'amour de la part de
cette Mère incomparable , nous pourrions nous
perdre . Hâtons-nous donc de répondre à sa misé-
ricordieuse charité par une sincère et profonde
contrition de nos fautes. - Du reste , c'est princi-
palement pour nous porter à cette disposition
192
surnaturelle que la Sainte Vierge pleure . La tris-
tesse qui vient de Dieu , dit S. Bernard , porte
l'âme fidèle à verser des larmes sur ses propres
péchés ou bien sur les péchés d'autrui ¹ . Or, cette
Vierge Immaculée n'a jamais dû pleurer sur Elle ,
et maintenant au Ciel il n'y a plus pour son cœur
que joie inaltérable et félicité éternelle. Elle vient
donc pleurer sur nos péchés , et Elle le fait de-
vant nous pour nous apprendre à pleurer nous-
mêmes, comme la mère qui , pour se mettre à la
portée de son enfant au berceau , lui tient un lan-
gage qui n'est pas le sien propre, mais qui est le
seul que son enfant puisse comprendre 2.
Notre Méditation , aux pieds de notre Mère
inondée de ses larmes , sera donc sur la contri-
tion. Ne la négligeons pas sous prétexte que
ce sujet nous est connu depuis longtemps . La
contrition ramène le pécheur à la vie de la grâce,
et c'est ce même esprit qui conserve , fortifie , dé-
veloppe et fait grandir toujours davantage cette
même vie dans les justes .

RÉFLEXIONS.

Le Concile de Trente a défini la contrition : Une


douleur intérieure et une détestation des péchés

S. Bern. Serm. de B. Maria Magd.


" Saint Augustin a dit aussi du divin Maître, que lors-
qu'il a pleuré, dans sa vie, il l'a fait principalement pour
provoquer les larmes des pécheurs : Quare enim flévit
Christus, nisi quia flere hominem docuit. (Tract. 49 in Joan.)
193
commis, accompagné de la résolution de ne plus
pécher à l'avenir¹ . Méditons chacune de ces pa-
roles si remplies de sens :
I. Une douleur intérieure... Il faut d'abord re-
marquer , pour éviter toute erreur , que ce mot
intérieure signifie naturellement qu'il n'est pas
nécessaire que la contrition soit manifestée par
des signes de douleur sensible, par des soupirs ,
par des larmes . L'âme a péché ; la douleur est
dans l'âme. Cette douleur consiste dans une peine
surnaturelle produite en nous par la connaissance
de l'offense que le péché fait à Dieu , qui est
notre Père, qui nous a comblés de tant de biens,
qui nous en prépare de plus grands encore ....
C'est une confusion intime et pleine de dou-
leur à la vue de l'état humiliant dans lequel nous
sommes tombés , de l'excès de notre malheur et
du danger épouvantable qui nous menace pour
l'éternité... Mais s'il n'est pas essentiel que cette
douleur soit extérieure et sensible, elle ne doit
pas moins être réelle dans l'âme du pécheur.
Aussi le catéchisme du S. Concile ne manque-t- il
pas de dire que c'est une chose fort à désirer que
les larmes , dans le Sacrement de Pénitence . Et il
cite , comme preuve , ces paroles de Saint Au-
gustin : Vous n'avez point les entrailles de la
piété chrétienne, si vous pleurez un corps , parce
que l'âme l'a abandonné , et si vous ne pleurez
Trident. sess. 14. c . 4.
194
pas l'âme où Dieu n'est plus ¹ . Il rapporte encore
celles- ci de Notre- Seigneur lui-même : Malheur
à toi, Corozaïn ! Malheur à toi, Bethsaïda, parce
que si les miracles dont vous avez été témoins
avaient été faits à Tyr et à Sidon , ces villes au-
raient fait pénitence dans le cilice et sous la
cendre . Et enfin il ajoute Joignez à cela les
exemples célèbres des Ninivites , de David , de la
Pécheresse et du Prince des Apôtres , qui tous im-
plorèrent avec des larmes abondantes la miséri-
corde de Dieu, et qui obtinrent par là le pardon
de leurs péchés ³.
Hélas ! hélas ! nous n'avons pas la foi , nous
qui pleurons pour la perte d'une bagatelle , et qui
restons si peu touchés , si insensibles même ,
après la perte du ciel , la perte de la grâce sancti-
fiante , la perte de Dieu ! Ah ! c'est de nous que S.
Bernard a dit : Ils méritent bien à leur tour d'être
pleurés ceux qui n'ont pas d'autres sentiments * .
- Considérez du reste le mot contrition ; il si-
gnifie brisement , pour exprimer , dit le caté-
chisme du Concile , la violence de la douleur
qu'elle cause 5. Les anciens Pères la nomment
componction , pour témoigner qu'elle doit être
comme un dard aigu qui perce notre cœur 6 ; et
Serm. 41. de Sanctis . - 2 Matth . 11. 21. - 3 Catech .
Conc. Trad. c. 23. -4 Plorandi enim sunt qui taliter plo-
rant. In Serm . de B. Maria Magd. apud Cornel. à Lap. in
Rom. 12. 15. 5 Loc . cit.-S. Chrys. ibid .
195
la sainte Ecriture l'appelle un véritable déchire-
ment de l'âme. Convertissez-vous à moi, dit le Sei-
gneur par le prophète Joël , dans le jeûne, dans
les pleurs , dans les gémissements , et déchirez vos
cœurs ¹ .
Enfant de Marie affligée ! quelle a été votre dou-
leur et votre componction ? Quel a été le brise-
ment et le déchirement de votre cœur, quand vous
avez examiné votre conscience ?....
II . Une détestation du péché commis....- Cette
détestation est essentiellement un acte de la vo-
lonté , et c'est en elle surtout que consiste la con-
trition . La douleur, dit S. Augustin , accompagne
le repentir, mais elle n'est pas le repentir ³ . Par
cet acte de notre volonté , nous haïssons , nous
avons en horreur le mal épouvantable, le seul vrai
mal qu'il y ait au monde , le péché , et non pas sim-
plement le péché en général , mais en tant qu'il
est en nous, qu'il est notre œuvre ; de sorte que
l'aversion , la détestation , la haine que nous
éprouvons se porte réellement sur nous- mêmes.
Oh ! que ceci est peu compris ! et par là même,
chose pénible à dire ! bien peu pratiqué !.... Voici
donc les sentiments que nourrit en lui un cœur
véritablement contrit et repentant : « Je déplore,
je déteste, je condamne ma conduite passée ; je
déclare indigne, et abominable telle pensée..., tel
¹Joël. 2. 12. 2 Catech . Conc . Trid. loc. cit. - 3 Homil.
30. ibid.
196
projet que j'ai formé....., tel acte que j'ai fait. Je
mérite réellement l'indignation et le mépris des
créatures ; je mérite tous les coups de la colère de
Dieu et sa haine ' , et ma place véritable est dans
l'enfer !!! »
Insistez , insistez sur ces aveux humiliants , En-
fants de Marie ! et plaise à cette divine Mère que
vous en compreniez bien toute l'importance !
Considérons maintenant les qualités que doit
avoir cette détestation du péché. Elle doit être
intérieure, souveraine , universelle et sur-
naturelle. Les réflexions que nous avons faites
précédemment se rapportent directement à la
première qualité de la contrition ; passons à la
considération des trois autres :
1° Elle doit être souveraine , en ce sens que
l'on ne puisse concevoir une douleur plus grande
que celle d'avoir offensé Dieu ; et pourquoi cela?
Premièrement parce qu'étant tenus d'aimer Dieu
par-dessus toutes choses, nous devons détester
plus que toutes choses ce qui nous éloigne essen-
tiellement de Dieu , c'est-à-dire le péché mortel .
Aussi les saintes Ecritures expriment-elles de la
même manière l'étendue de la charité et celle de
la contrition : Vous aimerez votre Dieu de tout
votre cœur, dit le Seigneur lui-même dans le Deu-
téronome ; et ailleurs : Convertissez-vous de tout
votre cœur . La seconde raison est que le péché
Odio sunt Deo impius et impietas ejus. Sap. 14. 9. -
Deuteron . 6. 5. Joel. 2. 12. Catech . C. Trid.
197
est sous tous les rapports le mal souverain , soit
qu'on le considère comme s'attaquant à Dieu , soit
qu'on l'envisage dans la dégradation qu'il opère
en notre âme et dans le malheur éternel qu'il
nous mérite . - Tirez donc cette conclusion toute
naturelle Perte de biens , revers de fortune , ma-
ladies , infirmités , calomnies , contradictions des
hommes, épreuves de tout genre, tous ces maux
ne sont rien en comparaison d'un seul péché .....
Est-ce ainsi que nous l'avions compris ? est-ce le
sentiment que nous portons au confessionnal ?....
2º Universelle , c'est-à-dire que la contrition
doit s'étendre à tous les péchés mortels sans
exception. Ce qui , sans doute , ne signifie pas que
le pénitent soit obligé de faire un acte de contri-
tion après chaque péché qu'il reconnaît en lui ;
mais il faut au moins qu'il n'en exclue aucun vo-
lontairement et qu'il les embrasse tous dans l'acte
de détestation qu'il en fait. Chaque péché mortel
est en effet ce mal épouvantable dont nous avons
parlé précédemment , et qui mérite, de notre part,
la haine la plus profonde, la plus vive et la plus
persévérante . Mais vous , Ames pieuses , qui
avez cette confiance , que par la grâce de Dieu
vous vivez dans sa sainte amitié , rappelez vous
ici que le moindre de vos péchés véniels est aussi
un mal au-dessus de tous les maux de la terre ,
et qu'il mérite lui aussi une détestation et une
haine qu'aucun autre n'égale ...
3° Surnaturelle . Cette qualité de la contri-
198
tion demanderait à elle seule une méditation
particulière : tant l'importance en est grande ....
et malheureusement méconnue !
La contrition surnaturelle est celle qui , nous
venant du Saint-Esprit , est excitée en nous par les
motifs que la foi nous fournit.
Premièrement, elle nous vient du Saint-Esprit.
La contrition est essentiellement une grâce, un
don de Dieu ; tous nos efforts, toute notre énergie
naturelle ne pourraient nous la procurer.... ; mais
nous pouvons l'obtenir par la prière ...... Donc,
nous devons la demander , la prière étant la con-
dition ordinaire de la grâce ; mais , ne l'oublions
pas, que notre prière soit accompagnée des qua-
lités qui seules la rendent efficace , qu'elle soit
humble , sérieuse, confiante , persévérante.... En
second lieu, la contrition est excitée en nous par
la considération des motifs de haïr le péché que
la foi nous fournit.... Or , ces motifs les voici : les
perfections de Dieu si aimable et si outragé..., la
Passion de N.-S. J.-C. rendue inutile pour nous...,
le ciel perdu.., l'enfer mérité...., la difformité de
l'âme en état de péché.... etc. Mais cela suppose
que le pénitent se recueille et médite, et cette mé-
ditation ne peut pas manquer d'être sérieuse et
persévérante, pour qu'elle excite en lui le senti-
ment douloureux qu'il faut apporter au saint Tri-
bunal ...... Ainsi , Prière et Méditation , voilà
les deux moyens indispensables de faire naître
dans nos cœurs la contrition surnaturelle . Pen-
199
sez-y ! pensez-y ! chères âmes de notre temps , si #
superficielles et si préoccupées des intérêts de ce
bas monde !
III. La contrition est une douleur et une dé-
testation du péché commis , avec la ferme résolu-
tion de ne plus le commettre.
Il faut enfin que le vrai pénitent prenne la
résolution ferme et sincère de réformer sa con-
duite. Ainsi l'enseigne Dieu lui-même par la
bouche de son prophète : Si le pécheur fait péni-
tence de tous les péchés qu'il a commis , et qu'il
observe, à l'avenir, tous mes commandements , et
qu'il pratique la justice et le jugement , il ne
mourra point , et je ne me souviendrai plus de
toutes les iniquités qu'il a commises. Plus loin,
ce Dieu de bonté dit encore : Lorsque l'impie
aura quitté l'impiété qu'il a commise et qu'il pra-
tiquera la justice et le jugement , il rendra la
vie à son âme . Enfin , il ajoute un peu après :
Convertissez-vous et faites pénitence de tous vos
péchés, et votre iniquité ne tournera pas à votre
ruine. Jetez loin de vous toutes vos prévarica-
tions , et faites-vous un cœur et un esprit nou-
veau ' . Mais cette recommandation ne se trouve
pas seulement dans l'Ancien Testament. N.-S. la
renouvelle expressément sous la loi de grâce . II
dit à la femme qui avait été surprise en adultère :
Allez et ne péchez plus ; au paralytique qu'il
Ezech. , 18. 21 et seqq. -22 Joan., 8, 11.
200
avait guéri près de la piscine : Voilà que vous êtes
guéri , mais gardez-vous de pécher de nouveau ¹ .
Du reste , la nature et la raison elles-mêmes
nous enseignent que le repentir du passé et la
résolution d'une vie meilleure pour l'avenir sont
deux choses absolument nécessaires pour rendre
la contrition sincère et véritable . Celui qui veut
se réconcilier avec l'ami qu'il a offensé doit tout
ensemble et avoir regret de l'outrage qu'il a com-
mis et prendre garde désormais de rien faire
qui puisse blesser les droits de l'amitié . L'enfant
coupable dit à sa mère , suivant un sentiment que
la nature elle-même lui inspire : J'ai bien regret
de vous avoir fait de la peine ; je ne vous en ferai
plus.
Mais ces deux choses , ajoute le même Caté-
chisme détestation du passé et ferme propos
pour l'avenir, ne sont pas vraies et sincères , si
l'on ne se propose de réparer le tort que l'on
aurait fait à autrui , dans ses biens , dans son
honneur ou dans sa réputation .
Enfin , le divin Maître met une dernière condi-
tion : c'est le pardon des offenses reçues. Si vous
´remettez aux hommes leurs fautes , dit- il , mon
Père vous remettra aussi vos péchés ; mais si
vous refusez le pardon, à votre tour vous ne l'ob-
tiendrez pas de mon père 2.

' Joan., 6, 44 ― 2 Matth. , 6, 14. Catech . Conc . loco


pluries cit.
201
Faites ici un sérieux retour sur vous-mêmes ;
reconnaissez la nécessité du Ferme Propos .... et
voyez si dans vos confessions vous n'avez rien à
réformer....
Affections. - Hélas ! Seigneur ma conversion
est votre œuvre , Converte me et convertar.....
ayez pitié de moi .... Vous voyez jusqu'à quel
point je suis superficiel , inconsidéré, léger même,
dans l'affaire qui demande tant de sérieux , tant
de véritable recueillement... O mon Dieu ! O mon
Père ! multipliez vos grâces, soyez victorieux de
mon insouciance , et c'est alors que je ferai la
pénitence qui m'est si nécessaire après tant de
péchés. Postquam enim convertisti me, egi pæni-
tentiam et... percussi femur meum ' , et mon
âme sera comme rajeunie et renouvelée 2. Et
vous , ô Mère ! ô source d'amour ! Me sentire vim
doloris fac , ut tecum lugeam . Faites que je res-
sente une vive douleur de mes péchés , afin que
je mêle mes larmes aux vôtres , et laissez tomber
sur votre enfant une de ces larmes bénies qui
peuvent nous donner le salut , et laver le monde
entier de ses crimes " , - - comme disait la Sainte
Eglise le jour même de votre miséricordieuse
Apparition.

¹ Jerem., 31, 18. - 2 Thren. , 5, 21. -3 Stabat Mater.


Hymn. ad Laud. off. vII Dolor . B. M. V. in Domin , 3
septemb.
202
Résolutions..... et Colloque avec notre Mère
affligée.
Bouquet spirituel : » Elle a pleuré tout le temps
qu'Elle nous a parlé ; j'ai bien vu couler ses lar-
mes. » Eia ! Mater , fons amoris ! me sentire vim
doloris fac, ut tecum lugeam.

AUTRE MÉDITATION .

De l'esprit d'Expiation et de Réparation..

Sur l'ensemble de l'Apparition et particulièrement sur


les larmes de notre divine Mère.

Marie pleurant sur nos péchés , souffrant pour


nous et se donnant , pour retenir le bras de son
Fils, la peine si grande dont elle parle ici¹ est le

1 Depuis le temps que je souffre pour vous ! Vous


aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez ré-
compenser la peine que j'ai prise , etc. Elle a pleuré tout
le temps, etc. » Ces paroles , ces larmes ne témoignent
pas sans doute d'une souffrance semblable à celle que
nous éprouvons ici-bas. Dans le ciel, Dieu a essuyé toutes
les larmes des yeux de ses élus , et il n'y a plus , dans ce
séjour de la paix, ni douleur , ni tristesse (Apoc. , 7, 17 et
alib .). Mais ces mêmes paroles et l'état d'affliction dans
lequel se montre la Reine du Ciel, sont l'expression la
plus sensible et la plus vive de la sollicitude de cette in-
comparable Mère pour ses enfants : sollicitude qui est la
plus tendre , la plus dévouée, la plus agissante qui fût
203
modèle des âmes que la divine Bonté appelle à la
vie d'expiation et de réparation pour le monde
coupable. Cette auguste Mère est appelée des cen-
taines et peut-être des milliers de fois Médiatrice,
Réparatrice , Réconciliatrice , Rédemptrice , Ex-
piation du monde ' , etc. , dans toute la tradition
catholique. Elle porte ici tous ces titres , mais elle
veut s'associer un grand nombre d'âmes dans son
œuvre. Heureuses celles qui seront ou qui sont
déjà choisies ; si elles répondent à leur grâce ,
elles auront dans toute sa perfection l'esprit du
mystère de notre Mère , et avec cet esprit toutes
les bénédictions du cœur de cette Reine incom-
parable. Mais que chacun se tienne, maintenant,
dans l'humilité et la simplicité . Rien n'est funeste
comme l'esprit propre , et la grâce veut toujours
avoir l'initiative. Si elle vient à vous, que votre
cœur soit prêt ; mais encore alors , que votre obéis-
sance et votre humilité soient les inséparables
compagnes et gardiennes de la charité qui est en
vous .

jamais, mais dont les célestes préoccupations et les œu


vres laissent le cœur qui les produit dans le bonheur le
plus inaltérable . Jam de sua immortalitate secura (turba
Sanctorum) de nostra salute sollicita ( S. Cyprian. Lib. de
immortalit. in fine) Sollicita non turbatur (Inscript. du
tombeau de Ste Marthe , à Tarascon, en Provence).
Vid. P. Hipp. Maracci jam plur . citat. Il cite le seul
titre de Médiatrice cent trente-huit fois, Polyant. 1. 14 .
204

RÉFLEXIONS.

I. Méditez ce qui est écrit sur le deuxième de-


gré de l'esprit de la Dévotion à N.-D. de la Sa-
lette, p . 51 .
II. Méditez ce qui est dit de l'esprit de Répara-
tion par l'Oblation et l'Immolation , p . 55.
Affections .... Résolutions..... Colloque avec la
divine Réconciliatrice....
Bouquet spirituel : « Elle a pleuré tout le
temps ! » Juxta crucem tecum stare et me tibi
sociare in planctu desidero . O Mère ! je veux
être comme vous victime au pied de la croix , et
m'associer pour toujours à votre douleur et à
vos larmes.

HUITIEME MÉDITATION.

Le Crucifix de notre Mère.

a Elle avait une chaîne qui tenait une croix avec son
Christ ; à droite étaient des tenailles, à gauche un mar-
teau. » (Paroles de la petite Bergère .)

Notre divine Mère peut dire ici avec bien plus


de raison que l'Epouse des Cantiques : Mon Bien-
Aimé repose sur mon cœur comme un faisceau
de myrrhe, et il ne me quittera jamais ' . Le Bien-
Cant., 4. 12.
205
Aimé comparé à un faisceau de myrrhe , n'est
autre, en effet, que Jésus crucifié ¹ . Marie se mon.
tre donc à nous avec l'image du bon Maître expi-
rant sur la croix ; mais dans quelles vues ? Quel a
été son dessein ? Il est impossible de dire toutes
les vues et tout le dessein de cette tendre Mère .
Jésus crucifié est tout il est tout pour toutes les
âmes pour le pécheur impénitent, comme pour
celui qui sort de l'état de péché, pour le chrétien
généreux qui s'avance sans cesse dans la voie du
bien, comme pour l'âme fidèle arrivée au sommet
de la sainteté. Il est tout pour Marie elle-même ;
il est seul la source, la cause, l'explication de toute
sa gloire , de tous ses titres , de tout son bonheur !
Il est le grand mystère de Dieu ! Et ce mystère ,
qui est plus profond , plus étonnant que tous les
autres , les éclaire tous . A sa lumière seulement
les choses divines et humaines , et le ciel , et là
terre , et l'enfer , nous apparaissent tels qu'ils
sont.... Jésus crucifié est tout pour le monde!
De là les paroles des Saints et leurs inexprima-
bles ardeurs, et leurs extases , toutes les fois qu'ils
ont été en présence de Jésus en croix , depuis
saint Paul jusqu'au Bienheureux Benoît Labre 2.
Que chacun reçoive donc des mains de notre
S. Gregor. Nyss. , Hom . 3.-S. Bernard . Serm . , 43.
2 Nous nous abstenons de citer tant d'admirables té-
moignages des Saints. Ils rempliraient des volumes. V. le
Livre des Elus, du P. S.-Jure ; Schram , Theol. Mystic., t. 4 ;
- etc. , etc.
12
206
Mère ce grand livre des Elus et le lise éternelle-
ment. Saint François d'Assise , menacé de per-
dre la vue , n'en voulait conserver l'usage que
pour lire continuellement ce livre adorable ; l'é-
ternité lui paraissait trop courte pour en décou-
vrir toutes les richesses ' . O Livre de Marie ! ô tré-
sor de la seule désirable science , remplissez mon
cœur, et je suis rassasié à jamais 2.
RÉFLEXIONS .

Considérons : I. l'excès des souffrances du di-


vin Crucifié , et II. l'excès de son amour.
I. L'excès de ses souffrances. 1° L'excès de
ses souffrances, dans son corps.
Il l'avait prédit lui -même, cet excès : en voici
maintenant le spectacle sous nos yeux. O vous
tous, qui que vous soyez , enfants d'Adam , dont
l'exil est souvent si amer et si triste , dites , y a-t-
il sur la terre , une douleur semblable à celle- ci¹?
Voyez dans tous ses membres : il n'y a partout
dans ce Corps adorable , que meurtrissures et
plaies sanglantes ; sa tête est couronnée d'épines
et ces épines se sont enfoncées dans la tête ... Le
sang coule ; il remplit ses yeux et couvre son vi-
sage.... Ses lèvres sont dessechées , décolorées ,
Ap. S.-Jure, p. 6. 2 Oh ! si Jesus crucifixus in cor
nostrum veniret, quam cito et sufficienter docti essemus !
— 3 Luc. 9, 31. - S. Chrys., Hom . 17,
De Imitat. , 1. 1, c. 25. --
in Matth.- Thren. , 4 , 12. 5 Isaïæ, 1 , 6.
207
brûlantes.... une soif intolérable le consume ...;
ses épaules ont été meurtries par le bois pesant de
la croix...; tous ses os sont disloqués ; on peut les
compter un à un..... Il porte sur tous ses mem-
bres les traces de la cruelle flagellation .... Les
fouets des bourreaux ont fait ici des blessures ,
ailleurs ils ont déchiré la chair , ailleurs ils ont
laissé des taches livides ... , et ses deux mains et
ses deux pieds sont percés par des clous .... Un
prophète avait prédit, depuis longtemps, cet état
de souffrance : De la plante des pieds au sommet
de la tête, son corps ne sera qu'une plaie ¹1…….. La
prophétie est maintenant accomplie .... Et , dans
le supplice, il est plein de vie et il porte le corps
le plus sensible à la douleur qui fut jamais ....,
et il ne meurt pas encore dans ses tortures qui
devraient depuis longtemps l'avoir délivré de la
souffrance en lui enlevant la vie ; mais la divinité
soutient miraculeusement , dans l'agonie , l'Hu-
manité sainte 2. Quel supplice ! ....
Quel supplice ! Voici pourtant une douleur à
part c'est celle qui lui vient de la nature même
de son supplice . Il est suspendu à ses plaies... Ce
sont les clous qui traversent ses mains et ses pieds
qui le retiennent sur la croix ! - Nous avons vu
quelquefois un malade sur son lit de souffrance :
il se tourne , il se retourne , il ne peut trouver
Isaiæ, 1. 6. -2 S. Laurent, Justin. de Triumph. agon.
Christi, c. 8.
208
une place qui repose ses membres fatigués ....
il en a un besoin impérieux, de ce repos qu'il
cherche, et rien ne peut le lui donner ; et parfois ,
quand la douleur est plus insupportable, le repos
de la mort lui apparaît comme un terme heu-
reux et désirable... ; et pourtant, le dévouement,
la charité, qui veillent auprès de lui, ont rendu
ce lit de souffrance aussi doux que possible ! ...,
et il n'entend que des paroles de consolation et
d'amour ! .... Hélas ! hélas ! quel a été l'excès de
la douleur de mon Dieu, suspendu en l'air , sou-
tenu par ses pieds percés, par ses mains dont
les plaies s'élargissent à mesure que l'agonie se
prolonge !! .... S'il demeure immobile , l'effort
qu'il doit faire est un surcroît de souffrance, et
s'il fait le moindre mouvement , quelle autre aug-
mentation de douleur ! S'il appuie sa tête contre
la croix , la couronne d'épines s'enfonce davantage
et les épines élargissent les plaies ; s'il se penche
en avant, les bras se tendent, les nerfs se frois-
sent, les plaies se rouvrent , et les clous qui le
retiennent par les mains creusent davantage les
plaies ; et si la chair des mains cède au poids ! ...
quel va être la position et le supplice de l'ado-
rable Victime ?.... O douleur ! ô torture ! ô sup-
plice au-dessus de tous les supplices ! ... ô Jésust
o Homme de douleur ! ... Que le prophète a bien
dit quand il a annoncé qu'il connaîtrait l'infirmitė
et la souffrance ! Virum dolorum et scientem in-
firmitatem ! et vidimus eum et non erat aspectus
209
et desideravimus eum . Nous l'avons vu ; mais ce
n'était plus lui ; il était défiguré comme un hom-
me couvert de lèpre, frappé de Dieu et humilié ".
2º Considérons l'excès de ses souffrances dans
son âme. - Nous venons de jeter un coup d'œil
sur des abîmes de douleur ; mais voici d'autres
abîmes plus vastes, plus profonds. Jésus est l'in-
fini dans tous ses mystères , et c'est à peine si
nous pouvons considérer de loin cet infini , ou
approcher du bord de cet océan sans limites et
sans fond... Les souffrances de l'âme de Jésus !...
Indiquons-en quelques-unes .
La première est cette inexprimable confusion
qu'il éprouve de se voir, de se sentir couvert de
tous les péchés du monde : péchés d'orgueil , sa-
criléges, impuretés, homicides , blasphèmes, etc. ,
etc. , toutes les abominations , toutes les infamies
de la terre..... Lui ! le Dieu d'éternelle et infinie
Sainteté !!.... Jamais , jamais nous ne pourrons
nous faire une idée , nous , créatures pécheresses
et familiarisées avec le péché , de la honte inté-
rieure , de l'humiliation extrême de ce très- pur
Agneau de Dieu , du Fils adorable qui , en se fai-
sant homme , n'a voulu naître que d'une Vierge
Immaculée !... Eh bien , tous nos crimes , nos hor-
ribles péchés lui sont réellement imputés , mais
d'une manière si particulière , on pourrait pres-
que dire si personnelle , que saint Paul a pu tenir

2 Isaïæ, 53. 3, 4.
12.
1

1
210
ce langage : Eum qui non noverat peccatum, pro
nobis peccatum fecit ( Deus) . Dieu , dans son
amour pour nous , a considéré et a traité comme
s'il était le péché même, celui qui n'avait jamais
connu le péché ' . O Jésus ! Jésus ! ....
Une autre honte, une autre confusion de la Vic-
time adorable , une de ces suprêmes tortures ,
celle qui a dû faire jaillir des larmes intarissables
de ses yeux et des yeux de sa Mère Immaculée ,
ce fut le dépouillement de l'Humanité sainte ,
l'intolérable humiliation du Roi des Anges ainsi
exposé , pendant trois heures , aux regards des
pécheurs ! ..... Oh ! les abîmes de la Passion se
multiplient et s'élargissent sans mesure !! ... Oh!
que le péché est haïssable ! O malheureux volup-
tueux et impudiques de la terre ! si vous saviez
ce que l'expiation de vos crimes si nombreux a
coûté à l'amour du très- saint Rédempteur !!
Il y avait d'autres sources d'humiliation et
d'angoisse pour le bon Maître : c'était la fuite
honteuse de ses disciples. Où était Pierre , qu'il
avait établi le chef de son Eglise et son vicaire
en ce monde? Où était Jacques à qui devait être
confiée l'Eglise particulière de Jérusalem ? Où
était Thomas, qui avait dit précédemment : Allons
et mourons avec lui ? Où étaient- ils tous ceux
qu'il appelait ses frères ?... Et Judas ! Ah ! quelle
autre source d'amère tristesse ! Son corps était

1 2 Cor., 5, 24. — Isaïæ, 53. 6, 11. 2 Joan. , 41 , 46.


211
maintenant même pendu hors de Jérusalem et
son âme était dans les tourments de l'enfer ! ... et
le mauvais larron , qui ne voulait pas de la Ré-
demption , et pour qui tant de souffrances deve-
naient inutiles ! ... Et à la vue de ce malheureux
obstiné, le très-doux Jésus considérait cette mul-
titude d'âmes infortunées qui abuseraient de sa
grâce et se perdraient volontairement pour l'éter-
nité !. O insondables abîmes ! ô infinités ! ô mys-
tères ! .... -Mais voici maintenant l'excès de la
Passion: le Délaissement du Père.
* La Théologie mystique a décrit toutes les épreu-
ves par lesquelles une âme peut passer ; mais
celle-ci est restée inconnue. L'union hypostatique
en Jésus fut toujours inaltérable et parfaite ; il est
de foi que la Divinité ne se sépara jamais de l'Hu-
manité sainte , même après la mort¹ . Et pourtant,
cette parole mille et mille fois plus douloureuse
que toute plainte qui soit jamais sortie d'une poi-
trine humaine , était vraie : Mon Dieu ! mon Dieu !
pourquoi m'avez-vous abandonné ? L'Humanité
sainte fut comme laissée à elle- même , sans se-
cours, sans assistance particulière de la Divinité
qu'elle portait, et c'était au milieu d'une tempête
de souffrances et de douleurs plus épouvantable,
plus désolante que tout ce que nous pourrions
concevoir ! ... quelle extrémité ! qui pourrait en

Fides enim docet, etc. , Cornel. à Lap. , in Matth. , 27 .


2 Matth. , 27, 46.
212
parler, si ce n'est, sans doute , Marie qui descen-
dit à la suite de l'Auguste Victime dans toutes ces
profondeurs inconnues de la Passion ! ..... Ah !
s'écrie ici un grand Docteur de l'Eglise, il fallait
bien nous préserver du châtiment de l'abandon
éternel ; il fallait bien nous délivrer du suprême
malheur de la mort éternelle. Derelictus est Do-
minus , ne nos derelinqueremur ; derelictus est
ut a peccatis æternaque morte liberaremur ' .
Cette remarque de saint Cyprien appartient
aux réflexions de la seconde partie de notre orai-
son. Mais avant de passer à celle- ci , revenons
sur les vérités que nous venons de méditer .....
Qu'elles pénètrent profondément notre âme ...
Que le souvenir en soit éternel.....
Considérons ensuite l'excès de l'amour de Jésus .
II. L'excès de son amour . Il n'y a pas de
charité plus grande, avait dit le bon Maître , que
celle qui porte un ami à mourir pour ses amis ²;
mais alors de quel nom appellerons -nous la cha-
rité qui a porté un Dieu à mourir pour des pé-
cheurs ..., pour des sujets rebelles ..., pour des
enfants ingrats ?... зaint Paul l'appelle une cha-
rité excessive, propter nimiam charitatem suam
qua dilexit nos³ Considérons , en effet, que c'est
pour nous, ingrats et rebelles , qu'il a souffert et
qu'il est mort.

' S. Cyprian. Tract . de Passione. 2 Joan. , 45 , 13.


3 Ephes., 2.
213
descen
utesca 1º Il est bien certain que ce n'est pas pour lui,
... pour ses propres fautes, qu'il a enduré de si hor-
ilfall ribles tourments et qu'il est mort d'une manière
abarda si ignominieuse et si cruelle. Il n'a point commis
de péché ' , dit le Prince des Apôtres ; il est l'in-
=uprè
estDr nocence même, la sainteté même 2 , nous dit saint
clus Paul . Ce n'est pas non plus la nécessité ni la
force et la violence des hommes qui l'ont réduit à
ur!
cette extrémité, puisqu'il est le Tout-Puissant et
parties
reor que ses ennemis n'ont pu le prendre et l'enchaî-
ner que lorsqu'il l'a voulu et de la manière qu'il
evenc
l'a permis. Il avait dit lui -même d'avance : Nul
er....
ne m'ôte la vie , mais je la quitte de moi- même ,
ne....
et j'ai le pouvoir de la quitter , et j'ai aussi celui
de la reprendre ³ .
Jésus Quelle est donc la véritable cause de ses tour-
pas d ments et de ses extrêmes douleurs ? C'est la
multitude de nos iniquités . Dieu nous l'apprend
amis dans son prophète : Je l'ai frappé , dit -il , pour
la cha le crime de mon peuple¹ . Une autre version est
des pe encore plus énergique : Il a été mené à la mort
Our des par les iniquités de mon peuple . Il a été cou-
e cha vert de plaies , dit Isaïe ; il a été brisé , frappé ,
broyé à cause de nos péchés . Dans un autre pro-
e c'est phète , l'âme fidèle dit au divin Sauveur : Qui
ertet vous a fait ces blessures que vous avez au milieu
de vos mains ? et le très-doux Agneau répond :

13.- I, Petr. , 2, 22. -x 2 Hebr. , 7, 26. - 3 Joan., 10, 18.


Isaï, 53, 7. 4 Isaïæ, 53, 8. - 5 Id. , Ibid.
214
Je les ai reçues de la part de ceux qui avaient
tant de raisons de m'aimer¹ ; ce qui veut dire
que c'est réellement chacun de nous qui a con-
damné au supplice et conduit à mort cette douce
Victime.
Sur quoi saint Augustin dit ces belles et tou-
chantes paroles : Qu'avez-vous donc fait, ô très-
doux Jésus ! pour être traité de la sorte par vos
juges et vos bourreaux ? Quelle faute avez-vous
commise, ô très-aimant Rédempteur , pour qu'on
exerce sur vous un tel excès de cruauté ? Quel
est donc votre crime ? Quelle est la cause de
votre mort et le sujet de votre condamnation ?...
Hélas ! hélas ! c'est moi , c'est moi , misérable , qui
suis la cause de vos souffrances et l'auteur de votre
mort... C'est moi , c'est moi , qui suis coupable
de tant d'iniquités que Dieu venge sur vous si
rigoureusement ! O secrets ! ô profondeurs d'un
mystère ineffable ! l'homme criminel commet la
faute, et le juste en est puni ; le coupable fait
le crime, et c'est l'innocent qui l'expie ; ce que
le méchant mérite, il faut que le bon l'endure ; ce
que l'esclave a fait de mal , il faut que le maître
le répare ; l'homme a péché, et Dieu souffre pour
le péché 2 !....
2º Charitas Christi urget nos³ ! La charité de
Jésus-Christ nous pousse . A quoi nous pousse-t-

Zachar. , 43, 6. S. August. , Medit. , c. 7. 3 II Cor.,


5 , 14.
215
elle, pauvres pécheurs ? 1. A la contrition ; 2. A
l'amour.
1. A la contrition . Si tu avais fait une faute,
dit à chacun de nous un pieux auteur ' , pour la
satisfaction de laquelle il fallût que le Roi, la
Reine, les Princes, et généralement tous les hom-
mes et toutes les femmes de ton pays fussent af-
fligés , endurassent la faim et la soif, allassent
vêtus pauvrement, versassent quantité de lar-
mes , ne serais-tu point tout à fait dénaturé et dé-
pourvu de sentiment, si tu n'étais contrit d'avoir
commis cette faute pour laquelle tant de gens de
bien et de personnes si éminentes seraient dans
l'affliction ?... Considère maintenant qu'il a été
nécessaire pour effacer tes péchés et les miens , et
pour apaiser un Dieu , irrité par la violation de
ses lois , que le Verbe Eternel soit descendu en
terre, se soit revêtu du méchant haillon de notre
mortalité , ait jeûné , pleuré et passé trente-trois
ans en de continuels travaux , et qu'il ait souffert
la mort la plus douloureuse et la plus infâme qui
fût jamais. Il a fallu , pour acquitter nos dettes et
réparer nos méfaits que la Majesté infinie devant
qui les colonnes du ciel tremblent , ait été mépri-
sée et moquée , que la Sainteté ait été mise au
nombre des pécheurs , la Sagesse tenue pour
folie, et le vrai Dieu réduit à cette extrémité pro-

1 S.-Jure , De la connaiss. et de l'amour de J.-C., 1. 2,


c. 7. - Vid. et. s. Bernard . Serm. 3, in Nativ. Dom.
216
digieuse qui épouvante l'univers, de mourir hon-
teusement en un gibet , par la main d'un bour-
reau ! .... Ne serions - nous pas , après cela , bien
méchants et bien insensibles si nous n'étions pas
fâchés de lui avoir causé tant de maux ! ....
2° La charité de J.-C. nous presse. Rien ne
presse tant que l'amour, dit sur ces paroles de
saint Paul, l'aimable saint François de Sales . Si
un homme sait être aimé de qui que ce soit , il
est pressé d'aimer réciproquement ; mais si c'est
un homme vulgaire qui est aimé d'un grand sei-
gneur, certes, il est bien plus pressé ; mais si c'est
d'un grand monarque, combien n'est-il pas pressé
davantage? Et maintenant, je vous prie , sachant
que Jésus-Christ, vrai Dieu éternel , tout-puis-
sant , nous a aimés jusqu'à vouloir souffrir pour
nous la mort et la mort de la croix , oh ! n'est- ce
pas avoir nos cœurs sous le pressoir ?.... Que
reste-t-il donc, quelle conclusion avons - nous
maintenant à prendre ? Que ceux qui vivent, dit
saint Paul en ce même endroit ' , ne vivent plus à
eux-mêmes, mais à celui qui est mort pour eux ;
c'est-à-dire , que nous consacrions au divin
amour de la mort de Notre Sauveur tous les mo-
ments de notre vie, rapportant à sa gloire toutes
nos conquêtes , toutes nos œuvres, toutes nos pen-
sées, toutes nos affections ".

II Cor. 5, 15. -2 S. Fr. de Sales, Traité de l'amour de


Dieu , L. 7, c. 8.
217
Affections. - Multipliez les actes de contrition
parfaite et d'amour. - Deduc quasi torrentem
lacrymas ... Que mes yeux versent des torrents
de larmes la nuit et le jour ! c'est moi qui ai fait
mourir ce Fils unique de Dieu ! O Jésus ! mon
doux amour, je vous parle comme si vous étiez là
présent avec vos plaies , vos douloureuses plaies !
O chef adorable ! ô traits si doux ! ô sacré côté ! ô
aimable ouverture du cœur ! ô mains percées ! ô
pieds miséricordieux ! je vous adore ! je vous
bénis je vous aime ! J'ai le regret de mes cri-
mes........ Je vous promets une reconnaissance
éternelle... un amour plus fort que la mort ! Oui ,
qui me séparera désormais de la charité de J.-C.?
Est-ce la tribulation ? est-ce la persécution ? est-
ce toute autre épreuve ? Non ! ni la vie, ni la mort,
ni rien en ce monde , ni rien au-delà , ne me sépa-
rera de la charité de mon Dieu 2.

Résolutions.... Colloque particulièrement af-


fectueux avec notre tendre Mère.....

Bouquet spirituel : « Elle portait sur son sein


une croix avec son Christ. » Mon Bien-Aimé est
à moi et je suis à lui ; il est sur mon sein comme
un faisceau de myrrhe, et il y demeurera tou-
jours 3 .

3 Thren., 2, 18.- 2 Rom., 6, 35. — 3 Cant . , 4 , 42. — 7, 40 .

13
218

NEUVIÈME MÉDITATION.

La Compassion de Marie.

Sur ces paroles : « Depuis le temps que je souffre pour


vous !... Elle a pleuré tout le temps. »

La'sainte Apparition de notre Mère considérée


dans son ensemble , son but , ses caractères dis-
tinctifs , est un mystère à part. Il se présente à
nous avec un dessein et une importance qui lui
sont propres. C'est à ce point de vue surtout
que nous devons l'étudier, pendant cette retraite .
Mais s'il est vrai que ce mystère a son carac-
tère spécial , il n'est pas moins certain qu'il
reste inséparablement uni à tout ce que l'Eglise
nous enseigne de l'auguste Reine du Ciel . Consi-
déré même comme mystère de douleur , peut-il
être autre chose que le touchant mémorial de la
Compassion de cette divine Mère au pied de la
croix ? Aussi , cette dernière pensée nous
amène - t-elle naturellement à proposer aux pieux
enfants de Marie , en retraite, les douleurs de cette
tendre Mère pour sujet de méditation : sujet si
propre à nous faire le bien dont nous avons be-
soin , que les Saints le placent , sous ce rapport.
immédiatement après la Passion du divin Maître ;
219
et il n'est pas difficile de le concevoir. Appli-
quons-nous donc , avec amour , à la contempla-
tion de ces grandes douleurs ; c'est au milieu de
cet océan d'afflictions que Marie devint notre
Mère.
RÉFLEXIONS ' .

Considérez les cinq sources principales des


douleurs de Marie au pied de la croix .
I. L'excès des souffrances de son divin Fils.
Rappelez-vous ici tout le premier point de la
méditation précédente. Il n'y avait pas une souf-
france dans le Fils qui n'eût un écho douloureux
dans la Mère, que des clous invisibles, une cou-
ronne d'épines invisible , etc. , crucifiaient et ré-
duisaient à l'agonie en même temps !
II. L'impuissance où était Marie de soulager
son Fils. Les cœurs compatissants , les cœurs de
mère surtout, pourront se faire quelque idée de
l'horrible souffrance de cette Mère incomparable
qui voit son Fils au milieu des plus intolérables
tortures, et qui ne peut rien faire pour le soula-
ger ...., ni soutenir sa tête et tout son corps......

La Compassion de Marie au pied de la croix nous


étant rappelée moins directement dans l'Apparition que
plusieurs autres mystères ou vérités pratiques , nous
n'avons fait qu'indiquer, sur ce beau sujet , quelques
considérations sommaires, que le pieux enfant de Marie
développera facilement.
220
ni essuyer son sang....., ni humecter ses lèvres
brûlantes , et que la soif dévore ..... Si Elle se
précipite vers son Fils , les bourreaux la repous-
sent.... O douleur ! ô martyre plus atroce que
mille morts !..... O péché ! que de souffrances
tu as fait endurer à ma Mère .
III. La pensée qu'Elle était elle-même une
source de douleurs pour Jésus ; - et cela pour
deux raisons : 1º parce que Jésus a réellement
versé son sang pour sa Mère . Il payait , en ce
moment, si l'on peut ainsi dire , le prix si grand
de son Immaculée Conception et de tous ses au-
tres priviléges ; et la Rédemption s'opérait, pour
Elle d'une manière spéciale et ineffable !!! .....
Quelle impression cette pensée devait faire en
Marie '!
2º Jésus qui avait résolu de descendre jusque
dans l'abîme effrayant du Délaissement de son
Père , ne voulut tirer de la présence et de la
beauté de l'âme de sa Mère aucune consolation ,
à ce moment où tout devait être expiation et
souffrance. La vue de ce cœur de Mère, où l'an-
goisse et la douleur étaient extrêmes et comme à
un degré infini , ne faisaient donc que multiplier
ses douleurs. Or , Marie le savait.... Quel surcroît
de douleurs nouvelles ! Pauvre Mère !
Plus pro Illa redimenda venit (Jesus) quam pro omni-
bus hominibus (etiam simul sumptis), S. Bern. Sen. ap.
Suarez. in 3 , p. Thom. disp. 3 , sect. 5. -- Vid. et ips.
Suarez. disp . 18, s. 4.
221
IV. La haine et la malice des hommes . -- Que
Jésus mourût et de la mort la plus cruelle , le
cœur de Marie pouvait encore le supporter, avec
l'assistance miraculeuse de Dieu . C'est dès le com +
mencement du monde qu'il avait été décrété que
l'Agneau serait immolé.... Mais il y avait , parmi
tous les glaives de la Passion qui transperçaient
l'âme de notre Mère , un glaive dont la pointe
acérée entrait dans cette âme avec une force et une
cruauté mille fois intolérables : c'était le glaive de
la haine des hommes. Jésus était haï ... haï de
ceux qu'il avait tant aimés et pour lesquels il mou-
rait !... Mais qu'y avait-il de haïssable en lui ?
Qu'avaient fait ces mains toujours ouvertes pour
répandre des bienfaits , toujours étendues pour
bénir ? Qu'avaient fait ces pieds qui s'étaient
lassés à la poursuite des âmes égarées , etc. ,
etc. ?
V. La prévision certaine de la multitude des
damnés . -- Comment pourrait-il y avoir encore
des damnés après tant de sang répandu et tant
de larmes versées ? Mais l'exemple de Judas et
celui du mauvais larron étaient là ! Pauvre Mère ,
que de peine elle prit en ce jour pour sauver ces
deux âmes ; mais tout fut inutile.….. … C'est , dans
ce mystère , qu'elle devint la Mère de tous les
hommes ; eh bien ! parmi ces enfants tant aimés ,
un grand nombre se perdraient volontairement ,
et pour avoir refusé de se baigner amoureuse-
222
ment dans les flots abondants du sang adorable ,
ils brûleraient éternellement dans l'étang de feu...
O angoisses pour le cœur de Marie O glaives de
la Passion du Fils et de la Mère !...
Affections . Repassez lentement et amouren-
sement les plus belles strophes du Stabat, surtout
depuis celle- ci : Eia ! Mater , fons amoris... O
Mère , source d'amour ! etc. (Voyez le Stabat ,
dans la 3 partie. )

Résolutions...... Colloque avec notre tendre


Mère.

Bouquet spirituel : Elle a pleuré tout le


temps. » Fac me verè tecum flere . O Mère ! unis-
sez-moi à vous dans votre douleur et dans vos
larmes.

DIXIÈME MÉDITATION .

De la Prière.

Sur ces paroles : << Ah! mes enfants ! il faut bien faire
votre prière. »

Il n'y a pas de pratique dans la vie chrétienne


qui ait été plus recommandée que celle de la
prière. La sainte Ecriture est pleine de textes qui
nous parlent de son importance, de sa nécessité ,
223
de ses qualités. Les saints Pères sont intarissa-
bles sur ce sujet ; plusieurs même lui ont con-
sacré des traités particuliers , comme S. Cyprien,
S. Chrysostôme , S. Grégoire de Nysse , etc. -
C'est que la prière est la vie de l'âme . Ainsi
parlent S. Chrysostôme , S. Jérôme , S. Augus-
tin ' et toute la tradition . La prière est nécessaire
au pécheur pour qu'il obtienne la grâce de la
conversion ; et elle l'est au juste qui veut persé-
vérer dans le bien. La divine Réconciliatrice
ne pouvait donc manquer de nous parler de la
prière et de nous en recommander la pratique.
Après avoir rappelé les crimes de son peuple et
les malheurs qui le menacent et parlé des biens
promis à sa fidélité , sa voix maternelle semble
devenir plus douce et plus bienveillante encore ,
si c'est possible. - Ecoutez ce touchant dialo-
gue « Faites-vous bien votre prière , mes en-
fants ? --- Oh non ! Madame , pas bien . — -- Ah !
mes enfants , il faut bien la faire soir et matin ,
etc. » Il faut bien la faire ! Que de choses dans
cette simple recommandation ! Il faut la faire ;
c'est le précepte rigoureux , indispensable. — II
faut bien la faire ; c'est la condition essentielle ,
c'est le mot qui résume toutes les qualités qu'elle

'Lib. de orando Deum.-S. Hieron . 1. 3. contr. Pelag.


S. Aug. cum Patr. Conc. Carthag. Ep. XC. - Innoc. I.
Summ. Pontif. , Ep. XCI. - Trident. sess. 6. c. 11 .
224
doit avoir devant Dieu , pour être exaucée ' . Ces
qualités nécessaires vont faire le sujet de notre
méditation , pour répondre aux vues de la Bien-
Aimée de nos cœurs .

RÉFLEXIONS .

1. La première condition d'une prière bien faite


est que nous demandions , en priant , une chose
nécessaire ou utile au salut. - Considérez d'a-
bord que notre Mère est ici notre modèle , comme

1 On définit communément la prière , avec S. Jean Da-


mascène : L'élévation de notre âme à Dieu et la demande
faite à Dieu de ce qui est convenable (S. J. Damasc. L. 5 de
Fide orth ., C. 44) . D'où l'on conclut que l'essence de la
prière est dans ces deux points : Elévation de l'âme à Dieu
et Demande. Les autres actes ( la Louange , l'Action de
grâce) ne sont regardés que comme parties intégrantes.
Ici, dans la méditation que nous allons faire, la prière est
seulement considérée comme la demande fuite à Dieu d'un
bien convenable, et les trois conditions que nous rappelons
au pieux exercitant ne se rapportent directement qu'à la
prière ainsi comprise. Forcé de nous tenir dans de cer-
taines limites pour ne pas sortir du plan de ce petit ou-
vrage, nous choisissons ce sujet , 1º parce que c'est de la
prière envisagée à ce point de vue que notre divine Mère
nous a donné surtout l'exemple, ici : Si je veux que mon
Fils, etc.; 2° parce que l'acte de religion le plus ordinaire
aux pieux pèlerins visitant la montagne, faisant des neu-
vaines , offrant leur aumône au sanctuaire , c'est la de-
mande, par l'intercession de Marie.
225
en toute chose. Elle nous assure qu'elle prie sans
cesse pour nous . Mais , quel est l'objet principal
de sa demande ? c'est la grâce la plus précieuse
et la plus indispensable au salut , c'est-à-dire la
miséricorde , la longanimité de Dieu à notre
égard. Si je veux que mon Fils ne vous aban-
donne pas , je suis chargée de le prier sans
cesse. » La grâce pour la vie présente.... la persé-
vérance finale au dernier jour... et le salut éter-
nel.... Voilà donc le grand objet de nos prières.
Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa jus-
tice, a dit le divin Maître , et tous le reste vous
sera donné par surcroît ' .
N.-S. avait dit ailleurs : Si vous demandez
quelque chose à mon père en mon nom , il vous
le donnera . S. Augustin commente ainsi ce mot
quelque chose : ce n'est pas véritablement quel-
que chose , mais plutôt rien que nous demandons,
quand nous ne pensons qu'à solliciter un bien de
ce monde périssable³ . Ce n'est pas sans doute qu'il
ne nous soit permis à nous , créatures remplies de
besoins, de demander des bénédictions temporel-
les ; l'Eglise nous en donne l'exemple dans ses
litanies solennelles . Notre divine Mère les a pro-
mises ici à notre fidelité . Et que de fois n'a-t-
1 Matth. 16. 33. - 2 Joan. 16. 23. 3 Tract. 102 in Joan.
Breviar. Rom. Dom. 5. post Pasch. 4 Ut fructus terræ
dare, etc. Litan . Sanct. -5 « S'ils se convertissent , les
pierres et les rochers seront changés en monceaux de blé,
etc. "
13 .
226
elle pas exaucé la prière d'un enfant sollicitant la
guérison d'un père ou d'une mère, et mille autres
demandes semblables ? S. Augustin lui-même dont
nous venons de citer les paroles nous dit qu'il
n'appelle rien les biens temporels qu'à raison du
prix infini de ceux de la Grâce et de la Gloire '.
Nous pouvons donc les demander ; mais ne l'ou-
blions pas, la promesse que Dieu a faite à la prière
d'être toujours exaucée ne regarde que les grâces
surnaturelles , puisque c'est alors seulement que
nous sommes certains de demander selon sa vo-
lonté. Quia quodcumque petierimus secundum
voluntatem ejus , audit nos 2. Notre prière qui se
rapporte aux biens de ce monde , au contraire, n'a
aucune promesse , et c'est toujours d'une manière
conditionnelle que nous devons l'adresser à Dieu .
<< Seigneur, accordez-moi cette guérison , ce suc-
cès, etc. , si cela doit m'être profitable pour le sa-
lut. >>
1 Est-ce ainsi que nous avions compris la prière ?
et ne nous est- il pas arrivé de nous plaindre et
de murmurer de ce que nous n'obtenions pas
l'objet de nos demandes? Hélas ! c'est bien le cas
de nous rappeler le mot du bon Maître : Vous ne
savez pas ce que vous demandez³ ; et si telle grâce
temporelle que nous désirons avec tant d'ambi-
tion nous était donnée , c'est notre malheur plu-
tôt que notre vrai bien que nous aurions reçu .
Loc. cit. --- I. Joan. 5. 14. -3 Marc. 10, 38.
227
II. La seconde condition de la prière bien faite,
c'est la piété ; ce qui veut dire en d'autres ter-
mes, qu'elle doit être faite avec foi , avec espé-
rance et avec charité.
Avec foi, d'abord . - La première condition que
nous venons de méditer le prouve évidemment .
Nous devons demander principalement les choses
nécessaires à notre salut ; or, la connaissance et
le désir de ces mêmes biens supposent la foi . Voici
d'ailleurs l'enseignement du Maître : Tout ce que
vous demandez dans la prière , avec foi , vous
l'obtiendrez ' ; et la leçon du disciple est la même :
Si quelqu'un manque de sagesse , qu'il la de-
mande à Dieu , mais qu'il le fasse avec foi 2. D'où
S. Thomas conclut que cette disposition surna-
turelle est nécessaire à la prière, pour que celle-ci
soit efficace³.
En second lieu , la prière bien faite doit être
le fruit de l'espérance et de la confiance chré-
tienne. Eh ! que serait -elle , en effet, sans ce sen-
timent surnaturel? Ce sentiment lui-même est
si bien fondé ! A qui nous adressons -nous ? C'est
à celui qui est Père par excellence , Père sou-
verainement bon , indulgent , libéral ...... dont
les largessés ont déjà rempli notre vie ..., et
dont la parole est engagée pour l'avenir : Quod-
1 Matth. 21 , 22. 2 Jac. 1 , 6. 3 Summ . 2, 2, c. 83, a.
15 ad 3. - - Pater noster. Ex quo omnis paternitas ,
etc. (Eph.3). Nemo tam Pater (Tertull .).
228
cumque petieritis .... Tout ce que vous deman-
derez, vous l'obtiendrez ' , si vous le demandez
bien. -Accedamus ergo cum fiducia... Allons
donc avec confiance devant le trône de la grâce ,
afin d'y trouver et d'y recevoir tout secours ,
toute miséricorde 2 ... Et que cette confiance soit
sans bornes ; et que la pensée même de notre
indignité ne l'affaiblisse pas ; qu'elle se fortifie
au contraire , puisqu'elle nourrit en nous cette
autre disposition également indispensable à la
prière , et à laquelle le succès est aussi promis :
l'humilité ! L'humilité, pour laquelle cette conso-
lante parole a été dite : La prière de l'homme qui
s'humilie pénétrera les cieux, et elle sera écoutée
du Seigneur ³ .
Enfin la prière , pour être vraiment pieuse et
par conséquent efficace , doit être accompagnée
de charité. Charité veut dire ici état de grâce ,
conscience pure de tout péché ; mais ce mot ne
doit pas être pris à la lettre , car, dans ce cas , il
faudrait dire que Dieu n'exauce pas les pécheurs .
Voici donc le vrai sens : Les promesses que Dieu .
a faites à la prière ne regardent que les âmes qui .
ne sont pas dans le péché ou qui , étant tombées
dans ce malheur, prennent les moyens d'en sortir “ .
C'est le seul sens qu'il faut donner à ces paroles
de David Si l'iniquité est dans mon cœur , le

Joan. 14, 13. 1 Ejusd. 3, 22. - 2 Hebr. 4, 16. -


3 Eccli. 35 , 24. Ps. 104 , 18. - S. Thom. ad 9 Joan.
229
Seigneur n'écoutera pas ma demande ' . Ainsi ,
que toutes les âmes qui ont recours à Marie et
qui sollicitent du Dieu des miséricordes , par
l'intercession de cette toute-puissante Réconci-
liatrice , quelque grâce particulière , n'oublient
pas cette importante condition : qu'elles se met-
tent d'abord en état de grâce, s'il le faut ; qu'elles
commencent leur neuvaine , leur quarantaine de
prières par une bonne confession... et assurément
elles auront, mieux qu'on ne peut même le pen-
ser, préparé les voies aux libéralités divines .
Mes bien-aimés , dit S. Jean , si notre cœur ne
nous reproche rien , nous pouvons nous présenter
auprès de Dieu avec confiance . Tout ce que nous
demanderons, nous le recevrons de lui , parce que
nous gardons sa loi sainte et que nous faisons
tout ce qui lui est agréable².
Ainsi , Foi vive et profonde qui nous fait esti-
mer les biens surnaturels de la grâce et du salut
par-dessus tous les autres , -- Espérance filiale et
inébranlable qui nous les fait attendre de la
main libérale du Père que nous avons au Ciel ,
Charité, état de grâce , union à Dieu par la pureté
de l'âme ou le désir sincère de la reconquérir par
une vraie pénitence : voilà les infaillibles moyens
de toucher Dieu et de l'incliner efficacement à
condescendre à nos désirs , quand l'humilité les
accompagne et que la persévérance les rend plus
méritoires .

Ps. 65, 18.2 I. Joan. 3. 24 , 22.


230
III . Il nous reste , en effet, à considérer cette
troisième qualité de la prière bien faite , la per-
sévérance. Oh ! que l'esprit du monde si mobile
et si appliqué à la terre fait de mal à la piété !
Quand mériterons - nous la bonne parole qu'un
ange dit trois fois au prophète Daniel : Vir desi-
deriorum es ¹ ? Vous êtes un homme de désirs ,
c'est-à-dire un homme qui soupire sans cesse
après les biens véritables , la gloire de Dieu , le
salut de son peuple 2. Quand est- ce que nous
imiterons surtout le grand exemple de notre
Mère qui nous a dit ici : Depuis le temps que je
souffre pour vous ! si je veux que mon Fils ne
vous abandonne pas , je suis chargée de le prier
sans cesse. Remarquez bien ce mot : sans cesse...
Oui ! la persévérance est nécessaire . Notre bon
Maître nous l'a enseigné avec un soin particulier
dans les deux paraboles de l'ami qui vient de-
mander quelques pains à son ami³, et de la pau-
vre veuve qui presse avec tant d'instance le juge
de lui rendre justice . Je vous l'assure , ajoute le
Sauveur , parlant du premier , s'il persévère , s'il
insiste, il obtiendrà ce qu'il demande ; et Jésus ne
donne la parabole de la veuve que pour confirmer
cette grande recommandation : Il faut prier tou-
jours et ne jamais se lasser. Oportet semper
orare et non deficere . S. Paul parle à son tour

' Dan. 9, 23. 2 Menoch. , Tirin ., in Dan . 9.— ³ Luc. 44.


- Luc. 18. - Id. , ibid., 1.
231
comme le divin Sauveur . Les SS. Pères vien-
nent après, apportant leur témoignage pour con-
firmer la parole infaillible du Maître et du dis-
ciple ; et S. Thomas conclut : Si donc quelque
chose peut rendre notre prière sans effet, c'est
le défaut de persévérance ³.
Mais les Saints se sont demandé quelles sont
les raisons qui portent Dieu à ne pas nous exau-
cer sans délai . La plupart nous sont peut -être in-
connues ; mais elles sont toutes infiniment justes.
S. Chrysostôme et S. Augustin nous donnent les
suivantes qui peuvent bien satisfaire notre piété¹ :
1. Dieu connaît mieux que nous nos dispositions
intérieures , et il sait le moment où le bienfait
demandé nous sera le plus utile ; — 2. Ce délai ,
si nous l'acceptons avec humilité , est un moyen
de nous faire désirer et estimer davantage ce
même bienfait ; - 3. Enfin , Dieu veut peut-être
exercer notre foi , nous porter à l'humilité , ex-
citer , activer davantage notre ferveur , et nous
faire souvenir que le bien que nous sollicitons
est une pure grâce et non point une dette.
Méditons sérieusement tous ces grands ensei-
gnements des Saints ; rappelons-nous souvent ces

Coloss., 4, 2.- 2 S. Basil. in 261 Reg. brev. ; - S. Chry-


sost., Hom. 30 in Genes.; -- S. August. , Tract. , 102 in
Joan., ele. - 3 Summ. 2 , 2, q. 83, a . 45, ad secund. -
4 S. Aug.; S. Chrysost., ap., Schram. , Theol. myst ., p. 4 ,
c. 2, § 45.
232
indispensables conditions de la prière 1 ; ne nous
étonnons plus d'avoir peut-être si peu réussi dans
nos neuvaines et malgré le grand nombre de pra-
tiques que nous nous étions imposées ; amen-
dons-nous, s'il y a lieu , et n'oublions jamais que
la prière dont l'obligation nous est imposée sous
peine de ne point faire notre salut , c'est la prière
bien faite.

Affections . -- O Dieu ! apprenez -moi à prier ³ .


Je reconnais avec confusion , que mes prières
passées, si imparfaites , si peu ferventes , ont été
pour moi plutôt une source de péché et de con-
damnation , qu'un moyen de grâce et de salut ;

Les théologiens donnent une quatrième condition


nécessaire à l'efficacité de la prière ; et c'est seulement,
disent-ils , à ces quatre conditions réunies que la pro-
messe de N.-S. est faite : Tout ce que vous demanderez...
vous l'obtiendrez (Joan., 14, 13). Et voici quelle est la
dernière : Il faut que le fidèle qui réunit les trois autres
prie pour lui-même. On conçoit , en effet, que les mauvaises
dispositions de celui en faveur de quinous prions puissent
arrêter l'effet de nos prières . C'est ce qui explique pour-
quoi notre divine Mère , malgré ses supplications d'ail-
leurs si puissantes, se voit forcée de laisser aller le bras de
sonFils. Exaudiuntur quippe omnes sancti pro seipsis,
non autem pro omnibus (S. Aug., tr. 102, in Joan.), prop-
ter impedimentum quod est ex parte ejus pro quo
oratur (S. Th. , 2. 2 , q. 83).
2 Catech. C. Trid. de Orat. -S Thom. in. 4 sent., d . 45,
q. 4, a. 1. -3 Luc. 11, 4. - Ps. 108, 7.
233
mais, par votre miséricorde , je veux qu'à l'avenir
elles s'élèvent devant vous comme un encens qui
vous est agréable . C'est alors que j'obtiendrai
abondamment ' tout ce qu'il me faut pour vous
plaire ; et la prière ainsi faite sera pour votre
pauvre enfant la véritable clef du ciel. Oratio
justi clavis est cœli³ .

Résolutions... Colloque avec Notre-Dame Sup-


pliante de la Salette....

Bouquet spirituel Les paroles de la T.-S.


Vierge : « Ah ! mes enfants ! il faut bien faire votre
prière... Si je veux que mon Fils ne vous aban-
donne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. »
-- Erant perseverantes unanimiter in oratione
cum Maria , Matre Jesu. Les apôtres et les dis-
ciples persévéraient unanimement dans la prière
avec Marie , Mère de Jésus .
"
Ps. 140 , 2. - 2 Jac. , 1 , 5. 3 S. Aug. , ser. 226.
Act. Apost. , 1 , 14.
234

ONZIÈME MÉDITATION .

Notre-Dame de la Salette , Modèle d'humilité et


de charité .

Sur tout l'ensemble de l'Apparition.

Humilité et charité ! voilà le but invariable de


toutes nos prières et de tous nos efforts. Dans nos
oraisons , nos communions , nos neuvaines , nos
exercices de piété les plus aimés , que toujours
une intention particulière soit pour ces deux
grandes vertus , puisqu'en effet c'est là le pre-
mier et le dernier mot, le commencement et la
fin de toute vie chrétienne. Mais à la prière fer-
vente , joignez la méditation de quelque grand
exemple. L'exemple a tant d'empire sur les
cours.... Or , voici que ces deux vertus brillent
d'un éclat merveilleux dans la céleste Apparition ;
voici que notre aimable Mère ne se contente pas
de s'y montrer notre Réconciliatrice , elle veut
encore donner à ses enfants les plus belles leçons
de cette vie parfaite qui lui a été si familière . --
Appliquons - nous donc avec amour , avec re-
connaissance à étudier ce divin Exemplaire de
toute sainteté que Dieu a montré sur la monta-
235
gne , pour le reproduire ensuite dans notre vie.
Si elle est notre Mère et que nous voulions être
ses véritables enfants , ne faut-il pas que nous
portions ces traits bénis ? Or, ces traits sont les
belles vertus chrétiennes , l'humilité surtout et la
charité. Que notre zèle à les acquérir devienne
donc à l'avenir plus fort et plus persévérant ,
après que nous aurons sérieusement médité les
grands exemples que notre Mère nous en donne
dans son Apparition .

RÉFLEXIONS .

I. L'humilité de notre Mère dans son Appari-


tion .
Humilité et Marie , c'est une même chose...
Quel nom faut-il donner à cette vie de l'incompa-
rable Vierge , avec toutes les grâces qui sont en
elle , sinon la vie de l'Humilité même ? Les écrits
des saints Pères , les révélations des Saints justi-
fient cette manière un peu étrange de parler. Et

Divinum exemplar (B. Amad. , hom. 3) omnis sancti-


tatis (S. Antonin. in sumin. , p. 4 , t . 15 , c . 44), a Deo in
MONTE monstratum eis qui Spiritu Dei aguntur, ut illud
aspiciant , et proficiant , et ad ejus perfectionem , licet a
longe, nitantur dirigere gressus suos (Ern. Prag. in Ma-
rial., c . 84). Exemplum humilitatis (S. Bonavent . in Can-
tic., psalt. B. V.) . Exemplum charitatis.(S. Bern. Sen. , t.
4, in serm . extrord . serm. 7 de Flammis amoris in B,
V.). - Forma disciplinæ Christi ( S. Hieron. epist. sive
serm. de Assumpt. B. V.)
236
cette humilité était si profonde et en même temps
si suave, si simple , si pure , si vraie et si parfai-
tement aimable , que le Roi du ciel , qui accourt
aussitôt où il l'aperçoit ' , fut ravi d'une pareille
grâce et choisit cette admirable Enfant pour de-
venir sa Mère 3. Mais une fois élevée à cette di-
gnité qui n'a pas son égale parmi les créatures,
s'est-elle relâchée de sa ferveur première ? En
est-elle devenue moins humble ? O Dieu ! Elle
n'a fait que s'abaisser davantage , accomplissant
à la lettre et dans toute sa perfection la recom-
mandation de l'Esprit- Saint Plus vous êtes
élevé, plus vous devez descendre dans votre pro-
pre estime par une humilité parfaite. Aussi ,
voyez-la chez Elisabeth , à la Présentation au
Temple , dans tout le cours de la Vie publique
de Jésus , au Calvaire , - après l'Ascension :
partout et toujours cette humble Vierge aime le
dernier rang et s'y tient avec joie " .
1 Express. de S. François de Sales écriv. à Ste Chantal,
2 Cum essem parvula, placui Altissimo et de meis visce-
ribus genui Deum et Hominem. Offic . B. M. V. per annum .
Vulnerasti cor meum , soror mea , sponsa , in uno crine
colli tui (Cant. 4, 9) ; in uno crine, id est in nimia humi-
litate cordis tui (Abb. Rup . ap . S. Lig. , Gloires de Marie,
p. 4).
3 Humilitate concepit. S. Bern. , serm . 1 , in Missus est .
Eccli . 3, 20.- 5 Ita mulierem sese ultimam exhibe-
bat , ut novissima omnium poneretur. S. Bern. in illud
Apoc. 12 Signum magnum , allud . ad Act . Apost. 1 , 14 ,
ap. A Lap. hic .
237
Et maintenant, dans la gloire du ciel , ses incli-
nations sont-elles changées ? Non ! Marie est au
ciel plus humble que jamais , parce que mainte-
nant, elle voit bien mieux que sur la terre le grand
Tout de Dieu et le néant de la créature. La sainte
Apparition vient nous montrer d'une manière
bien frappante cet amour inaltérable de la grande
Reine des Anges pour la céleste humilité.
Considérons attentivement son langage , - le
vêtement qu'Elle porte , - les témoins qu'Elle se
choisit, -- et les lieux où Elle apparaît :
1° Son langage. ―― Pour Marie, la grande Reine
du ciel , toutes les langues de cette pauvre terre
sont également sans beauté et sans noblesse. Mais
puisqu'Elle daignait venir parmi nous , Elle devait
consentir à parler comme nous . Or , dans nos ap-
préciations, il y a des langues plus parfaites et
d'autres qui le sont moins . Certaines manières de
parler ne sont pas même considérées comme un
langage digne des personnes d'une condition éle-
vée. Aussi admirait- on l'aimable Saint François
de Sales quand , dans ses courses pastorales , il
s'abaissait jusqu'à parler le patois de ses diocé-
sains des montagnes ' . Et bien , c'est la même
condescendance et la même humilité dont la
divine Marie nous donne ici l'exemple . Elle s'ex-
prime d'abord en français ; mais comme les pau-
vres petits enfants ne la comprennent pas , Elle
In vita Ejus. Voyez le Récit de l'Apparition, 4re p .
ch. 1.
238
veut bien parler le patois du pays. O bonne Mère !
incomparable Mère !
Elle condescend à parler ce langage si commun;
mais alors même qu'Elle emploie la langue fran-
çaise , il n'y a rien dans ses paroles qui ne soit
simple, rien qui ressemble à notre triste affecta-
tion . Et si quelqu'un , oubliant les grandes lois de
l'éloquence évangélique tracées par Saint Paul
sous la dictée de l'Esprit de Dieu , voulait
relever, dans le discours de la divine Vierge, quel-
ques négligences de style et des défauts de forme,
qu'il se souvienne de cet oracle de l'éternelle Vé-
rité M Ce qui est folie à nos yeux, est pour Dieu
parfaite sagesse , et c'est par la folie de la prédi-
cation qu'il Lui a plu de sauver le monde 2.
- Ainsi Marie est humble dans son langage.
2 Elle est humble dans le costume qu'Elle
porte. O Mère ! qui nous donnera de vous bien
comprendre? Mais votre Apparition ne sera révé→
lée qu'aux âmes qui comprennent déjà les langes
de la Crèche et le manteau dérisoire de la Passion.
« Elle portait un simple fichu » comme les hum-
bles femmes , et un tablier devant elle » à la
manière des servantes . Quelle leçon ! Ce n'est pas
assurément une forme nouvelle de vêtement et
de costume qu'Elle veut introduire ; c'est un es-
prit perdu , inconnu parmi nous , qu'Elle voudrait
renouveler. Où est notre simplicité? Où en som-
1. Cor. 4.24. Ib . 2. 1 et 4. Ibid .
239
mes-nous de la modestie tant recommandée par
les saints Livres ?.... Tenons compte sans doute
de la position et du rang ; mais aussi , n'oublions
pas notre misérable fond d'orgueil , qu'il faudrait
déraciner et que nous sommes, volontairement ou
par illusion , si habiles à nourrir en nous ; veillons
sur cet esprit inné de sensualisme , sur ces ins-
tincts mauvais qu'il faudrait combattre sans cesse
et que le luxe étrange de ce siècle favorise d'une
manière si lamentable ; enfin souvenons-nous
des pauvres. Rien que dans nos dépenses exa-
gérées , que de pain pour ceux qui n'en ont pas !
que de remèdes nécessaires à des malades , à des
infirmes qui en manquent ! que de vêtements
chauds pour l'hiver , dont tant de malheureux
sont privés !...... α« Marie portait l'humble tablier
des servantes et le modeste fichu des simples fem-
mes.... Ses cheveux étaient si bien couverts par
sa lumineuse coiffure qu'on ne les voyait pas ; les
longues manches de sa robe cachaient entière-
ment ses mains. O leçon ! ô Humilité ! ô Simpli-
cité ! Modestie de Marie ! .....
3º Humilité de Marie dans le choix qu'Elle a
fait de ces deux petits pâtres. Ce sont des en-
fants qu'Elle choisit , c'est-à-dire ce qu'il y a de
plus faible et de moins estimé parmi les hommes .
Quel compte tient-on des enfants dans les affai-
res? quand sont-ils consultés ? leur donne-t-on
jamais une mission à remplir ? Mais au moins
y a-t-il en ceux-ci quelques qualités remarquables
240
qui , les mettant au-dessus de leur âge , leur mé-
ritent la préférence qu'on leur accorde ? Non ,
rien ne les recommande ; ce sont des enfants sans
éducation , sans instruction , et dépourvus des
connaissances les plus communes..... et ils sont
pauvres , mais vraiment pauvres , indigents, dé-
nués de tout.... Ils laissent même apercevoir cer-
tains défauts de caractère qui offenseraient la dé-
licatesse du siècle ; leurs manières sont peu
agréables , leur personne n'a rien d'attrayant….....
Eh bien ! ce sont là les élus de la Reine du Ciel !
Voilà ceux qui vont être les témoins de son grand
mystère, les confidents de ses secrets , de ses dou-
leurs , de ses desseins sur le monde , et ses pre-
miers apôtres auprès de son peuple ! O Altitudo ' !
Mais , en vérité , Marie ne fait que suivre le plan
de son Fils, dans le grand œuvre de son Incar-
nation. Ecoutez saint Paul : Vous trouverez parmi
nous peu de sages, peu de puissants ; mais Dieu
a choisi ce qu'il y a de plus vil et de plus mépri-
sable selon le monde , et ce qui n'était rien, pour
détruire ce qui est , afin que nulle créature ne se
glorifie devant Lui 2.....
Ainsi l'humilité est évidente dans le choix que
notre Mère a fait de ces deux pauvres pâtres .
4' Enfin , Elle ne se montre pas moins hum-
ble dans la préférence qu'Elle donne aux lieux
1
O Profondeur ! O Mystère ! (Rom. 14. 13. ) -
— ² I. Cor.
4. 26. - Et Jacob. 2.5.
241
où Elle descend. - L'humilité redoute l'éclat et le
bruit ; elle préfère la solitude et le silence. Aussi
les plus grands saints, qui ont été en même temps
les plus humbles , dit l'auteur de l'Imitation de
J.-C. , ont tous aimé singulièrement les lieux
écartés et solitaires ' . Mais, peut-on imaginer une
solitude plus profonde que celle qui régnait ici
avant l'Apparition , et la Salette n'était- elle pas
pour le monde une terre tout à fait ignorée ?
L'humilité veut se cacher aux regards du
monde ; mais elle ne se plaît pas moins dans l'hu-
miliation, que l'on peut appeler sa nourrice. Or,
il paraît que ces montagnes de la Salette étaient
méprisées de ceux qui pouvaient les connaître ;
et ce qu'on avait dit autrefois de Nazareth leur
était applicable dans toute sa rigueur. Peut-il
venir quelque chose de bon de ce pays ! Mais
le divin Sauveur Jésus n'avait pas craint de se
faire appeler Nazaréen , malgré le discrédit qui
était attaché à ce nom ; de même, la divine Marie.
notre Mère ne craindra pas d'être appelée Notre-
Dame de la Salette. Le monde pour lequel Jésus
Lib. 1. Cap . 20.- Libr. 2. C. 40.
2 Joan. , 1 , 45 : A Nazareth potest aliquid boni esse ?
Le commentaire ajoute : Nazareth était un lieu obscur et
sans gloire, et il était méprisé des Juifs. Corn. à Lap., in
illud Joan. - Voyez ce que rapporte M. Barthe (dans son
excellent ouvrage : Pourquoi je crois à l'Apparition de la
Salette, pag. 153), de la réputation de ces pauvres monta-
gnes.
14
242
n'a pas prié sourit peut-être encore à cette appel-
lation naïve et simple ; n'importe , Marie la garde
et l'aime ; et comme le salut nous vint de Naza-
reth, la grâce et la miséricorde sont descendues
des hauts sommets de la Salette.
Humilité de Marie dans le langage qu'elle parle,
- dans le costume qu'elle porte, - dans les té-
moins qu'elle choisit et dans les lieux qu'elle
préfère abondant et utile sujet de méditation
pour nous qui ne pensons presque toujours qu'à
nourrir notre orgueil par nos paroles, par nos
œuvres, par nos démarches.
II . Notre Mère , modèle de charité, dans son Ap-
parition . Marie et Humilité , c'est tout un ; Marie
et Charité n'est-ce pas aussi une même chose?
S. Jean a dit : Deus charitas est ; Dieu est cha-
rité ; mais ne pouvons-nous pas nous écrier nous
aussi : Maria charitas est ? ..... Oui ! oui ! cette
parole lui convient. Ecoutez les saints : Amatrix
hominum, amatrix animarum , amatrix amoro-
sissima universorum ' . Elle est tout amour pour
les âmes ! Voilà leur cantique , voilà leur joie !
Elle nous aime, elle nous aime d'un grand amour,
elle nous aime d'un indéfinissable amour. Par-
courez l'histoire évangélique , dit saint Bernard ;
voyez comme elle est bonne, miséricordieuse, in-

1° S. Joan. Damasc. , in Paracl., s. V. , et s . Bonavent.


in Cantic. Psalt. B. V. ; - 2° S. Anselm. Lucens. sup. Ave
Maria;-3° Dionys. Carthus. de Laud., v. lib. 4. a. 15, etc.
243
dulgente, condescendante , remplie de douceur ' {
Parcourez , dirons-nous à notre tour, l'histoire
universelle de l'Eglise ; qu'a-t-elle fait , Marie,
pour le monde ? Elle l'a rempli de ses bienfaits ;
Elle a couvert toutes les âmes de son amour2 ;
mais surtout méditez , étudiez , contemplez cet
amour admirable dans la céleste Apparition , et
arrivez à comprendre, si c'est possible, quelle est
la largeur et la longueur , et l'élévation et la pro-
fondeur de cette charité sans mesure qui débor-
dait ici du cœur de notre Mère.
Charité de Marie dans l'Apparition . — 1º Cha-
rité tendre : - Elle verse des larmes, des larmes
abondantes, douloureuses , continuelles . Elle voit
l'état misérable dans lequel le péché a fait des-
cendre nos âmes, et Elle pleure ....; Elle voit les
châtiments effroyables qui vont tomber sur nous
si nous ne faisons pas pénitence, et Elle pleure...;
Elle voit l'abandon de son Fils , et , à la suite,
l'enfer éternel pour ceux qu'Elle aime tant, pour
lesquels Elle a tant souffert , pour lesquels Elle a
tant prié, afin qu'ils aient au ciel une éternité
bienheureuse ... ; et ces craintes et ces prévisions

1 Brev. Roman . , offie. , B. M. V. , Auxiliatricis, 24 Mai., 2


et 3, Nocturn.- 2 Quiquid gratiarum, quiquid virtutum,
quiquid operationum cœlestium mundus accepit , emis-
siones tuæ sunt. (Rup. Abb . ap. Jos. de S. Miguel , ord.
prædic. Biblia Mariana.) - 3 Eph., 3, 18. S. Bern. ap.
Corn. à Lap. in Eccli. 24. 27.
244
font couler de ses yeux maternels des larmes
toujours plus amères .. Quelle tendresse ! quel
cœur ! Les SS. Pères nous disent qu'un des
signes de la vraie charité , c'est la compassion
pour ceux qui sont dans le malheur ' ; quelle
doit être donc la charité de Celle qui , malgré la
gloire qui l'environne et le bonheur inaltérable
dont elle jouit, se montre à nous dans un tel état
de tristesse et de désolation ! Nouvelle Rachel,
Elle pleure et ne veut point être la consolée
tant que ses enfants ne reviendront pas à la vie de
la grâce 2 ;.... véritable Respha, dont la première
n'était que la figure , Elle s'assied sur la pierre de
la montagne, écartant, par ses supplications et les
larmes qu'Elle présente à Dieu , les oiseaux de
proie, c'est-à-dire les démons, qui se précipitent
sur ses enfants morts à la grâce et voudraient en
faire leur pâture dans les abîmes de l'enfer³ . O
charité compatissante ! ô cœur le plus sensible et
le plus tendre ! que c'est bien à juste titre que les
saints vous appellent la Compassion et la Misé-
ricorde même *.
2. Charité agissante. La grande preuve de
la Charité, ce sont les œuvres . Saint Jean , dans

S. Basil., in Reg. brev., reg. 175.- S. Bernard. , serm.


de B. Magdalena . - 2 Jerem . , 31 , 15. — 3 II Reg., 21 , 10.
Misericordia ipsa. B. Alb . Magn. sup. , Missus est, c.
195.-S. Antonin . in Summ ., p . 4 , t . 15, c. 20.-- Præcipua
miseratrix miserorum. Dionys. Carth. , de laudib. Virg.,
c. 3. S. Bonavent. , psalter, B. V.
245
sa première épître, recommande d'abord la ten-
dresse, la commisération , les sentiments inté-
rieurs de charité ; mais il ajoute incontinent :
Aimons dans la vérité , aimons par les œuvres ';
aussi, un Père de l'Eglise ne craint pas d'affir-
mer que si l'amour est inactif, il est mort ' . Mais
l'amour de notre Mère est-il inactif ? écoutez l'ir-
récusable témoignage qu'Elle porte elle-même de
son dévouement pour ses enfants coupables :
<< Si je veux que mon Fils ne vous abandonne
pas, je suis chargée de le prier sans cesse ! .....
Son bras est si lourd et si pesant que je ne puis
plus le soutenir.
» Depuis le temps que je souffre pour vous ³ !
» Vous aurez beau prier, beau faire , jamais
vous ne pourrez récompenser la peine que j'ai
prise pour vous. » Quelles paroles vraiment di-
gnes de notre perpétuel souvenir et de notre éter-
nelle méditation ! -- Et les œuvres de la charité
-
I Joan., 3. 17, 18. - 2 S. Gregor. Homil., 3, in Evang.
3 L'amour appelle naturellement la souffrance. On ne
vit pas sans douleur dans l'amour, dit l'auteur de l'Imi-
tation ; mais quand l'amour pousse l'âme jusqu'à l'immo-
lation, il l'amène à donner la plus grande preuve d'a-
mour: Majorem dilectionem nemo habet. - L'état dans le-
quel la Sainte Vierge se montre à nous dans l'Appari-
tion, quand elle est assise sur la pierre, la tête dans ses
mains et pleurant, est peut-être l'image la plus expres-
sive, la plus saisissante de l'immolation qu'inspire l'a-
mour.
14.
246
de cette Mère sont singulièrement variées ; elle a
essayé de tous les moyens pour nous faire le
bien que son cœur nous désire : Elle a prié son
Fils , Elle a retenu son bras , Elle a pleuré , Elle
s'est humiliée devant lui ..., et tant de sollicitude
et de dévouement ont attiré sur nous des béné-
dictions sans nombre ; mais quand Elle a vu ses
enfants toujours endurcis , toujours rebelles.,
Elle a elle-même provoqué (que nul ne s'en éton-
ne) les châtiments de son Fils ; non ceux qui jet-
tent l'âme en quelque sorte hors de la grâce, puis-
qu'elle prie sans cesse pour nous, afin que ce
même Fils ne nous abandonne pas ; mais ces châ-
timents temporels où la miséricorde abonde , et
que le Père, qui est dans les cieux , n'inflige à ses
enfants que pour les ramener à lui. a Si la récolte
» se gâte , ce n'est qu'à cause de vous autres. Je
» l'ai fait voir l'année dernière. »
Mais le fait lui - même de son Apparition est une
œuvre excellente d'amour. C'est l'amour qui l'in-
cline vers nous ; par amour, Elle s'assied dans sa
tristesse et sa douleur; par amour, Elle nous ap-
pelle dans la personne des enfants ; Elle nous
parle , Elle se plaint, Elle menace , Elle promet,
Elle recommande que sa parole , que la grande
nouvelle de sa venue , de ses larmes , de son
amour, soit portée par toute la terre.
O verè charitas tota ! O véritable Reine de la

Charitas tota. Jacob. de Vorag. , Archiep. Januen. in


Mariali, serm. 5.
247
Charité parfaite ! ....... Qui me donnera tous les
cœrs des anges et des hommes pour vous les
offrir en témoignage de reconnaissance, de louange
et d'amour?
3° Charité de Marie , charité universelle . -Elle
s'étend à tous les hommes ¹. Voyez d'abord la
grande place qui est donnée aux pécheurs, dans
son Apparition . Il est incontestable qu'Elle est
venue surtout pour eux. Mais les pauvres , comme
ils préoccupent son bon cœur! Elle pleure, Elle gé-
mit sur les malheurs qui vont fondre sur nous, et
ces malheurs sont en partie la perte de nos ré-
coltes. Les noix deviendront mauvaises , les
raisins pourriront , etc. » Sur quoi vous pouvez
faire cette remarque : Le riche souffre peu dans
un temps de famine , parce qu'il lui reste les
moyens de se procurer sa nourriture ; mais le
pauvre , de quoi va -t-il se nourrir si son champ
ne donne plus les fruits de chaque année ? Ten-
dre Mère ! Cœur si bon ! voilà ce qui la met dans
la peine. Relisez ensuite ce passage touchant dans
le récit de son Apparition , où Elle rappelle au
petit Maximin un trait qui semble être sans im-
portance , mais qui révèle d'une manière si tou-
chante ce cœur de Mère, de vraie Mère, d'incom-
parable Mère ..... Enfin, considérez qu'Elle s'est

' Nous n'indiquons pas ici la charité de Marie pour


Dieu, dans l'Apparition . Ce devrait être le sujet d'une
méditation particulière, mais il faut nous borner.
248
montrée dans un pays pauvre..... et qu'Elle a
voulu parler le patois qui est la langue des pau-
vres et les choisir eux-mêmes pour ses témoins
et ses apôtres . Elle nous apprend donc à les aimer
beaucoup..... Elle nous montre ensuite sa charité
pour les affligés, les malades , tous ceux qui souf-
frent dans cette douloureuse vallée de larmes.
Voyez combien d'enseignements Elle leur donne
par ses larmes , ses paroles , son crucifix , la lu-
mière qui l'environne , son Assomption au ciel ! 9
Elle leur apprend , et la nécessité de la souffrance,
et ce qui en est la source , et le terme , et les con-
solantes espérances ... Elle est la consolatrice des
affligés ; Elle se fait aussi la Maîtresse des pau-
vres ignorants. Considérez comme elle les ins-
truit dans la personne des enfants ... ; et les pe-
tits enfants eux- mêmes , et les faibles et les délais-
sés , et tous ceux que le monde néglige ou mé-
prise , Elle les appelle encore dans les deux pe-
tits pâtres ; Elle les console disant : « Approchez ,
mes enfants , n'ayez pas peur ! » — Enfin , Elle
donne l'exemple de l'amour tendre , généreux ,
sincère des ennemis , puisque tous les pécheurs ,
pour lesquels Elle vient sur la terre , sont véri-
tablement des ennemis pour son Fils et pour
Elle.
Sa charité s'étend à tous les hommes ; elle
s'étend aussi à tous les lieux , et partout son
amour remplit de bénédictions les âmes qui ont
tourné leur cœur vers elle . Qui pourrait compter
249
en effet toutes les guérisons et les conversions
obtenues '? Ces prodiges de sa bonté sont véri-
tablement incalculables ; et il y a d'autres grâces
plus nombreuses encore , et naturellement incon-
nues , que la divine Bienfaitrice a répandues dans
les cœurs , suivant leurs besoins : grâces de voca-
tion religieuse , lumières obtenues dans quelque
affaire difficile, force pour surmonter une tenta-
tion , résolution efficace de sortir de quelque triste
état de tiédeur , nouveau degré de grâce acquis ,
etc. , etc. La sainte Apparition est un principe de
vie universelle ! et la source intarissable qui , le
jour béni de ce grand miracle , jaillit sous les
pieds de notre Mère immaculée , n'est qu'une faible
image des bénédictions de toute sorte qui , des
hauteurs de la Salette, s'épanchent sans cesse sur
le monde.
4º Enfin , charité de Marie , charité humble et
simple. Le propre de la charité , c'est d'être
humble. Que votre main gauche, a dit le bon
Maître, ne sache pas le bien que fait votre main
droite . Et , sur ces paroles de saint Paul :
< Soyez unis dans un même esprit ; ne vous éle-

C'est bien ici particulièrement que cette aimable


Mère porte le beau titre que lui ont donné les SS. Doc-
teurs : Sanatrix hominum secundum animam et cor-
pus, superans omnes in gratia sanitatum. B. Alb . Magn .,
Bup. Missus est, c. 151. — S. Anton. , in summ. , p. 4, t. 15,
C. 19.
2 Matth., 6, 3.
250
vez pas à des pensées trop hautes , mais abaissez-
vous jusqu'aux personnes les plus humbles ',
le célèbre interprète de l'Ecriture , Cornelius a-
Lapide, fait cette remarque : L'humilité doit tou-
jours être la compagne et l'assistante de la cha-
rité. C'est l'enseignement de l'Apôtre , qui nous
signale, dans ce chapitre 12 , les œuvres que pro-
duit la charité quand elle est humble ² . Le même
commentateur dit ensuite quelles sont ces œu-
vres. Nous en rapporterons quelques- unes et
nous n'en ferons pas l'application aux actes de
notre auguste Mère , parce que cette application
est facile.
1. La charité humble et simple n'affecte pas de
préférer les choses élevées. 2. Elle se plaît dans
les choses communes et les personnes viles. 3.
Elle ne rend à personne le mal pour le mal . 4. Elle
ne pense , au contraire , qu'à procurer aux hom-
mes toute sorte de biens. 5. Enfin , elle aime la
paix et cherche à l'affermir parmi les hommes ³.
Voilà notre douce Mère dans sa céleste visite.
Ainsi , comme Elle s'y montre admirable et
parfaite dans son humilité, Elle est parfaite , Elle
est admirable dans sa charité.

Affections. Maintenant , contemplez dans


son ensemble ce beau mystère d'humilité et de

Rom., 12, 16. -2 Cornel. à Lap. , in Rom. , 12, 16. ---


3 Id., ibid .
251
charité . Admirez .... , louez ...., remerciez ....,
aimez .... - Saluez notre bonne Mère avec les
Saints : Feu inextinguible de charité, Source in-
tarissable d'humilité , Modèle incomparable de
toute vertu excellente ' ... Que le regard de l'âme
se fixe amoureusement sur Marie, (Euvre dont la
beauté n'est surpassée que par celle de son Au-
teur2... Que votre cœur , avec tout ce qu'il con-
tient d'amour , s'arrête à cette contemplation et
qu'il ne s'en sépare plus ..... Répétez souvent :
◇ Ravisseuse des cœurs ! o Raptrix cordium³ !
que votre humilité me ravisse enfin à mon
triste orgueil ! que votre charité m'enlève pour
toujours à mon insupportable égoïsme ! ..... -— Et
ensuite , pieux Serviteur de Marie , multipliez
vos actes d'admiration , de louange, d'amour et de
demande......

Résolutions ...... Colloque avec notre divine


Měre.....

Bouquet spirituel . — Mater admirabilis ! Ma-


ter pulchræ dilectionis ³ ! Mater et Magistra Hu-
militatis ! Ora pro nobis. Mère admirable ! Mère

1 Ap. Marracci, Polyanth. Mar. , sic multotiès à plurib.


laud. - 2 S. P. Damian. ap. Suarez in 3 P. Th . d . 48. s.
n. 8. - S. Anselm . Lucens, super Ave Maria, et super
Salve, Regina. - S. Bernard. Medit. in Salve, Regina.
Litan. Lauret. - 5 Eccli ., 24, 24. - S. Ambros. Lib.
2, sup. Luc.; S. Brun. Carthus. Serm. de Assumpt. B. V.
252
du parfait Amour ! Mère et Maîtresse de l'Humi-
lité ! priez pour nous.

DOUZIÈME MÉDITATION .

La Voie du Ciel.

Sur les dernières circonstances de la sainte Apparition.


1
La vie est courte , le temps passe rapidement ,
nous allons à l'éternité !..... Nous traversons le
temps avec ses affaires, ses rares joies , ses nom-
breuses tristesses , et nous arriverons là , à ce
terme inévitable de toute vie, vie criminelle ou
sainte , heureuse ou remplie de tribulations ,
courte et achevée en peu de jours ou chargée
d'années : l'Eternité ! l'Eternité ! terme sans ter-
me , disent les Pères Fin qui est un commen-
cement et un commencement sans fin ! Sujet
de méditation qui accable l'âme , qui semble
suspendre en nous le mouvement de la vie, et
dont les impressions peuvent être telles que
tout le reste de notre existence en porte la pro-
fonde trace..... Hâtons-nous de dire cependant,
que pour le chrétien et particulièrement pour
l'Enfant de la Mère aimable , de la tendre Ma-

S. August. Finis sine fine, finis semper incipiens. —


S. Hilar., etc., ap. Martin, Panor. des Prédic.. 2. D. 150.
253
rie, la pensée de l'Eternité est avant tout la
pensée du Ciel. A ce nom , le cœur se dilate et
se remplit de joie et d'espérance , et le regard
tourné vers la glorieuse Reine Immaculée , cha-
cun de nous dit : « Avec Elle et par Elle , je serai
sauvé, j'arriverai là . » Oui ! nous serons sauvés ,
avec Marie et par Marie , c'est-à-dire en marchant
sur ses traces , en gardant ses recommandations
maternelles, en vivant et en mourant unis à son
cœur par l'amour le plus pur, le plus filial , le plus
généreux .
Trois circonstances particulières de l'Apparition
nous tracent le chemin du Ciel et les caractères
qui lui sont propres. 1. Marie cesse de parler ,
mais ne cesse pas de pleurer et arrose de ses lar-
mes le chemin qu'Elle suit, du lieu où Elle a parlé
à celui d'où Elle monte au Ciel. - - 2. Marie ne
touche pas la terre des pieds , et , avant de dispa-
raître, demeure quelques instants comme suspen-
due en l'air. 3. Les petits Enfants sont dans la
lumière qui l'environne , et ils ne se séparent pas
de cette aimable Mère , quand Elle gravit le petit
sentier de la colline. - Méditons ces trois cir-
constances remplies de graves enseignements.

RÉFLEXIONS.

I. Marie continue de pleurer après son dis-


cours et arrosé de ses larmes le sentier qu'Elle
suit jusqu'au moment où Elle monte au Ciel. -
15
254
Quelle est la signification de cette touchante con-
duite de notre Mère ? Elle ne parle plus , mais Elle
pleure encore ; Elle marche et Elle pleure ; Elle
gravit la colline, Elle va monter au Ciel et Elle .
pleure. Evidemment , notre divine Mère a voulu
nous apprendre ceci : Que le vrai caractère des
prédestinés , ce qui les maintient infailliblement
dans le chemin du Ciel , c'est la persévérance
dans la pénitence.
Nous avons déjà parlé de cette importante dis-
position (1 partie , ch. 3 et 4) . Il est véritable-
ment impossible d'en exagérer l'excellence . Elle
consiste à avoir sans cesse présente à la mé-
moire la pensée que nous sommes pécheurs ,
sans chercher à nous rappeler tel ou tel péché
en particulier, ce qui pourrait être contraire à la
prudence . Elle consiste aussi dans la crainte
du péché pardonné, non pas tant à cause du pur-
gatoire , qu'à raison de la facilité avec laquelle
les vieilles habitudes renaissent, et des péchés
anciens dont le souvenir peut souiller l'ima-
gination au point de compromettre l'état de
grâce . Cette douleur intérieure consiste encore
dans une horreur toujours plus vive pour le pé-

Ces diverses pensées, qui sont, du reste, si simples et


d'une vérité si évidente, sont empruntées à l'ouvrage du
P. Faber : les Progrès de l'âme ; livre remarquable qui ré-
vèle une si profonde connaissance du cœur humain et
des voies spirituelles . Voyez surtout les deux chap .
44° et 19º.
255
ché ; mais cette horreur n'a rien de triste et d'a-
mer ; elle procède beaucoup plus de l'amour du
Père qui est aux cieux , que de la haine du mal
lui-même qui est le péché. Sous l'action de ce
sentiment de contrition filiale et amoureuse, l'âme
sent naître les larmes de la pénitence et se porte
avec une simplicité et une générosité sublime
aux œuvres d'expiation . Et il lui arrive alors de
goûter ce que Tertullien appelle quelque part les
voluptés de la pénitence. Enfin , cette douleur
constante d'avoir offensé Dieu produit dans l'âme
une sensibilité de plus en plus délicate de la
conscience à pressentir le péché , et cette perfec-
tion nouvelle de la disposition qui nous occupe
est aussi le principe d'une ferveur nouvelle et
toute remplie d'une beauté surnaturelle inexpri-
mable. L'âme qui a mérité et reçu cette grâce
devient , singulièrement attentive à éviter toute
faute vénielle, et même toute imperfection volon-
taire et délibérée. Pour elle , pour son cœur d'en-
fant de Dieu , une semblable infidélité est toujours
grave ; car , pour l'amour véritable , rien n'est
léger ni indifférent , et c'est pourquoi , s'il arrive
à cette âme que cette infidélité soit commise, elle
l'expie généreusement et dans la paix de sa con-
fiance inaltérable en Dieu , par les plus rudes
pénitences.
La persévérance dans la contrition de nos pé-
chés , dans l'expiation que nous devons en faire,
dans la ferveur que nous devons avoir à les ren-
256
dre impossibles pour l'avenir ! Oh ! le beau fruit
de la dévotion à notre Mère de la Salette ! Et , en
même temps , quelle voie sûre pour aller au ciel !
Le danger qui est peut-être le plus sérieux de la
vie spirituelle , a dit l'illustre écrivain que nous
venons de citer, est dans cette grave erreur qui
consiste à abandonner trop tôt la vie purgative ' ,
c'est-à -dire ces premiers exercices de la vie spiri-
tuelle où l'âme se dépouille des habitudes du vieil
homme par les œuvres de la pénitence . Mais qui
évite mieux ce dangereux écueil que l'Enfant de
l'Apparition qui ne cesse , quelles que soient ses
grâces et le degré d'union où la divine Bonté l'a
fait monter, de pleurer sur lui-même et sur les
âmes des pécheurs, par le même motif d'expiation
et de réparation ?
Ainsi , jusqu'à la fin de notre vie , contrition ha-
bituelle et œuvres de pénitence , pour l'amour du
Coeur adorable que le péché offense et pour l'amour
des âmes que le péché fait périr misérablement.
Alors notre dévotion , notre vie spirituelle sera
toute remplie de lumière , de force et de charité ; et
voilà une marque infaillible de prédestination . O
Marie qui êtes la maîtresse accomplie de toute la
vie parfaite , la Directrice particulière de notre

P. Faber, op. cit. p. 170. 2 Magistra contempla-


tionis. S. Anton. in summ. p. 4 , t. 45 , c . 14. - Magistra
totius spiritualitatis. Dionys. Carth . de Laud. B. V. 1. 3,
a. 40.
257
conversion et de notre pénitence ' ! Soyez-le pour
tous vos enfants.
II. Tandis que cette divine Mère parle aux
petits bergers , Elle ne touche pas la terre des
pieds ; Elle garde cette position quand Elle suit
le sentier de la colline ; et , avant de disparaître ,
Elle demeure encore un moment comme suspen-
due en l'air, à un mètre ou deux de la terre. »
Les théologiens s'accordent à dire que les textes
de la sainte Ecriture peuvent avoir plusieurs
sens, et donner lieu, par conséquent, à plusieurs
interprétations même littérales . Il ne convien-
drait sans doute pas de comparer le récit de l'Ap-
parition à la sainte Ecriture ; mais puisque nous
savons que ce récit est vrai et que les paroles
que nous appelons le discours de N.-D. de la
Salette sont véritablement sorties de la bouche de
Marie, n'est-il pas permis de penser que ce récit
et ces paroles ont de quelque manière le privilége
des textes sacrés , qui est de renfermer diverses
significations ? Dans le silence et la douce lumière
de la retraite , cherchez, pieux Enfant de Marie , le
sens qui vous convient le mieux, soit en ce point
de la méditation , soit ailleurs ; mais voici celui

Magistra nostræ novæ religionis et pœnitentiæ . S.


Ignatius, I Epist. ad Joan. Evang. -
— 2 S. Thomas Aquin. ,
Melch. Canus , Bellarmin. etc. post SS. Patres Hieron.'
August., Chrysost. , — ap. J. Bonfrerium , S. J. Præloquia
in tot. Script. sacr.
258
que nous vous proposons. - Notre divine Mère
ne s'appuie pas sur le sol , touche à peine la cime
de l'herbe qu'Elle ne fait pas plier , pour nous
montrer que le chrétien doit vivre en ce monde
comme un étranger , — n'attacher aucun prix à
ses biens fragiles et périssables , - et tenir son
esprit et son cœur toujours libres de toute affec-
tion dangereuse. Oh ! la belle lecon !
1° Vivre en ce monde comme un étranger qui
passe et qui tend sans cesse vers sa patrie . Et en
effet, n'est-ce pas là notre véritable position au
milieu de la création qui nous entoure ? Avons-
nous ici-bas une demeure permanente ¹ ? Ne som-
ines-nous pas sur cette terre les pèlerins d'une
autre Terre, la seule qu'il soit permis de désirer* ?
N'est-ce pas le nom d'exilés que nous portons
toujours et partout, et que nous présentons même
comme un titre à la compassion de notre tendre
Mère ? Or , qui est plus étranger à la terre qu'il
traverse ou qu'il habite quelque temps , que le
voyageur qui passe et l'exilé qui n'y demeure que
par force ?
2° N'attacher aucun prix aux biens de ce monde.
Et pourquoi ? Parce qu'en réalité , tous les biens
de ce monde ne sont que vanité et affliction
d'esprit ; parce que , eu égard à notre extrême
penchant pour le mal , il est ordinaire qu'ils
Hebr. 13. 44. —- 2 Hebr. 11. 43, 14.3 Exules Filii Evæ ...
Eia ! ergo, etc. Eccle . 1. 2, 14.
259
deviennent pour nous un filet où nous nous lais-
sons prendre, un piége dans lequel nous tombons
misérablement , et qu'ainsi , contrairement à leur
destination première , ils nous éloignent de Dieu
et nous provoquent à l'offenser ' ; - parce qu'en-
fin , il est absolument déraisonnable de faire le
moindre état de leur propre valeur et de leur
mérite. - Ils sont tous comme ce roseau dont
parle l'Ecriture, qui se brise et qui perce la main
de celui qui en veut faire son appui . Ainsi santé,
richesses , crédit auprès des hommes , plaisirs ,
succès, tout ce qui passe si vite , tout ce qui périt
si misérablement.....: Vanité des vanités et rien
que vanité ! ....
3º Tenir son esprit et son cœur toujours libres de
toute affection dangereuse . Dans la dernière cène ,
le divin Maître pria son Père pour ses apôtres,
et entre autres demandes si dignes de son cœur,
il fit celle - ci O Père , je ne vous prie pas pour
que vous les enleviez de ce monde , mais afin que
vous les préserviez du mal qui est dans le monde³.
Voilà quel doit être , en effet , l'objet de notre
désir Vivre au milieu du monde , avoir part à
ses affaires , posséder ses biens , accepter même
ses faveurs , si elles n'ont rien de préjudiciable au
salut, mais garder notre âme libre de tout mal. Si
vous avez les richesses, dit le Roi-prophète , que
votre cœur ne s'y attache pas ; et S. Paul ajoute *:

¹ Sap. 44, 44. - Is . 36, 6.- 3 Joan. 47 , 45. -— Ps. 61 , 11 .


260
Voici , mes frères , ce que j'ai à vous dire Le
temps est court ; ainsi , que ceux qui ont des épou-
ses soient comme s'ils n'en avaient point ; ceux
qui se réjouissent, comme s'ils ne se réjouissaient
pas ; ceux qui achètent, comme s'ils ne possédaient
pas , et ceux qui usent de ce monde, comme s'ils
n'en usaient point ; car la figure de ce monde
passe ' . Mais dans quelle espérance nous privons-
nous de tous les biens périssables ? C'est dans
l'espérance certaine des biens célestes. De sorte
que notre corps est ici - bas , mais notre cœur ,
notre conversation est dans le Ciel ' . Et voilà le
grand enseignement de Marie , et la disposition
qu'elle demande de nous, afin que là où remonte
cette divine Mère, là se trouvent aussi réunis un
jour tous ses enfants.
III. « Les deux petits Bergers sont dans la lu-
mière même qui environne la divíne Marie , tandis
qu'Elle leur parle ; ils ne se séparent pas d'Elle ,
soit qu'Elle marche, soit qu'Elle gravisse le petit
sentier de la colline. »
Ici, ces petits enfants sont nos modèles. « Nous
étions si près de cette belle Dame , ont- ils dit
plus tard, qu'une personne n'aurait pas pu pas-
ser entre Elle et nous . » Et quand la sainte Vierge
quitte le lieu où Elle leur a parlé, ils la suivent,
ils l'accompagnent , c'est sous leurs yeux qu'Elle
disparaît ; et enfin , ils deviennent tout tristes ,
II Cor . 7. 29, 31. - 2 Philipp. 3, 20.
261
quand Elle n'est plus là : Nous aurions voulu ,
disent-ils, qu'Elle nous menât avec Elle . » Quel
est l'enseignement qu'il faut tirer de leur con-
duite et de leurs paroles? Il nous semble que le
plus naturel est celui- ci : Dans ce pèlerinage de
la vie , soyons toujours par la pensée et par le
cœur inséparablement unis à notre Mère. I.'union
à Marie , union intime , profonde , amoureuse ,
continuelle, voilà , pour nous que la divine Misé-
ricorde attire d'une manière spéciale au service
de cette aimable Mère , un troisième moyen de
salut, infaillible comme les deux premiers . Mais
qu'est-ce que l'union à Notre-Dame de la Salette?
L'union à Notre-Dame de la Salette consiste
principalement dans ces trois pratiques : Vivre
avec Elle , vivre d'Elle, vivre pour Elle.
1° Vivre avec Elle. La vie présente, pour le
chrétien , c'est la prière , la souffrance et l'action .
Vivre avec Marie, c'est donc, en premier lieu ,
prier avec Marie. Or , rien de plus facile que cette
union, puisque nous savons que cette divine Mé-
diatrice et Avocate de nos âmes prie sans cesse
pour nous. Ce qui fait dire à Saint Germain , de
Constantinople , qu'Elle est une Intercession con-
tinuelle ' . Lors done que nous devons prier, à quel-
que heure que ce soit, et quel que soit l'exercice

Intercessio insomnis, - pervigil ; - semper pervigil


deprecatio . Orat. 1. de Dormit. B. V. -- Orat. 2. de
Assumpt.
15.
262
de dévotion que nous avons à faire, n'oublions pas
que cette grande Adoratrice , cette incomparable
Suppliante, nous a prévenus dans l'œuvre d'ado-
ration, de supplication , d'action de grâces , d'ex-
piation ; unissons-nous à Elle , dans les actes de
religion qu'Elle produit ; et cette union sera une
source abondante de ferveur et un motif puissant
de confiance dans nos prières particulières , dans
les offices publics, dans la réception des sacre-
ments , dans toutes nos communications avec
Dieu .
Vivre avec N.-D. de la Salette , c'est encore
souffrir avec Elle. Or , souffrir avec cette aimable
Mère , c'est d'abord souffrir surnaturellement ,
c'est-à-dire , considérant la souffrance avec les
yeux de la foi, laquelle nous révèle que la dou-
leur et toutes les peines de la vie sont une expiation
de nos péchés en ce monde , et une semence de
gloire pour l'autre vie . Souffrir avec Marie ,
c'est encore souffrir selon son esprit et ses vues ;
c'est , par conséquent , souffrir pour les âmes ,
pour leur conversion , souffrir pour apaiser la co-
lère de son Fils , souffrir pour éviter aux pé-
cheurs les souffrances éternelles de l'enfer....
Enfin , vivre avec N.-D. de la Salette , c'est tra-
vailler avec Elle travailler sous ses regards, lui
offrant nos œuvres , la priant de les bénir ; tra-

Momentaneum et leve tribulationis nostræ æternum


gloriæ pondus operatur in nobis. 2 Cor . 4. 17.
263
vailler comme Elle, nous exerçant pour la gloire
de Dieu, aux œuvres de zèle qui répondent à ses
vues , et qui sont toutes celles qui se rapportent
directement ou indirectement au salut des pé-
cheurs, à l'instruction religieuse des ignorants, à
l'éducation chrétienne des enfants , à la consola-
tion des affligés par des motifs surnaturels , au
vrai bien des pauvres .
2º L'union à N.-D. de la Salette consiste à vivre
d'Elle, de son esprit, de sa doctrine , de ses exem-
ples . Mais pourquoi disons-nous vivre d'Elle ?
Parce que les enseignements et les exemples
qu'Elle nous donne sont comme le lait spirituel
dont Elle nous nourrit. Ne sommes-nous pas ses
enfants ? et quels que soient nos progrès dans la
vie chrétienne , ne devons-nous pas nous considé-
rer jusqu'à la fin comme étant du nombre de
ceux à qui saint Pierre parle en ces termes : Vous
êtes comme des nouveau-nés ; demandez avec
simplicité le lait dont vous avez besoin ' . Or, ce
lait, disent les Commentateurs , c'est la doctrine
évangélique ' . La céleste nourriture que nous
présente notre Mère , c'est donc la doctrine qu'elle
nous donne, ce sont les enseignements qu'elle a
tirés de son cœur dans son Apparition ; ce lait,
c'est l'esprit de son beau mystère . Voilà notre vé-

1 Petr. 2. 2. " Quæres , quodnam hoc lac ? Resp.


primo, est doctrina Evangelica , etc. Cornel. à Lap. in I
Petr. 2.Menoch., et alii.
264
ritable nourriture , suivant cette remarque du
petit berger : « Il semblait que nous mangions ses
paroles ; » voilà notre vraie vie. Vivre de Marie
Réconciliatrice , c'est donc vivre de son Appari--
tion . Et voici les trois mots qui en résument tout
l'esprit Charité aussi parfaite, aussi large, aussi
abondante que possible ; humilité aussi profonde,
aussi sincère, aussi vraie que vous pourrez la pra-
tiquer ; et pénitence da plus généreuse , la plus
surnaturelle, la plus universelle, la plus humble.
Hoc fac et vives, faites ceci et vous vivrez ' de la
vie de Marie en ce monde et de cette vie éternelle
que promet par ces mêmes paroles le bon Maître.
3° L'union de N.-D. Réconciliatrice de la Sa-
lette consiste enfin à vivre pour Elle . Notre- Sei-
gneur lui-même est ici , comme toujours , notre
parfait modèle. Ce divin Enfant de Marie, son pre-
mier-né , notre aîné à tous ³ , a fait principalement
trois choses pour sa Mère : 1. Il s'est donné à Elle,
il s'est soumis à son autorité , il a confié à son
cœur son enfance , son adolescence, sa vie, tout
Lui-même ; 2. Il a souffert pour Elle au Calvaire,
et l'oblation qu'il a faite de ses souffrances a été
bien plus pour Elle que pour toutes les autres
âmes ensemble, si bien qu'un saint évêque appelle
Marie le seul Ouvrage de l'Incarnation et de la

1 Luc. 10. 28. 2 Matth. 1. 25, - 3 Rom. 8, 29. -4 Et


erat subditus illis. Luc. 2. 51.
265
Rédemption ' ; 3. Enfin , Il l'a glorifiée devant
les anges et devant les hommes par le triomphe
de son Assomption , et les honneurs inenarrables
de son Couronnement....
De notre part, vivre pour cette grande Reine
apparue parmi nous, sera donc : 1. nous con-
sacrer à Elle , nous livrer à sa charité mater-
nelle, nous remettre entièrement, absolument à
sa direction, de sorte que nous ne voulions que
ce qu'Elle veut, et que nous n'ayons l'intention
de faire que ce qui Lui plaît ; ne voulant vivre
qu'autant que cela Lui est agréable, et ambition-
nant qu'Elle soit pour tout le reste Maîtresse sou-
veraine... Oh ! l'excellente et heureuse vie que
celle d'une âme qui est ainsi toute à Marie , toute
pour Marie, toute pour son amour, son bon plai-
sir et sa gloire ! O délicieux état ! 0 condition
mille fois désirable ! O voie spirituelle d'une sua-
vité et d'une sécurité incomparables ! ..... Quand
viendra l'heureux temps où cette voie sera com-
mune dans la sainte Eglise de Jésus-Christ?......
2º Vivre pour notre tendre Mère de la Salette,
c'est souffrir pour Elle. La souffrance sera la con-
dition naturelle des enfants de cette Mère déso-
lée et inondée de ses larmes . La souffrance s'of-
?
' S. Ildefons. de Virginit . B. M. V. Cap. 12 et ult. — Vid .
apud Suarez in 3 P. Th. disp . 3, s. 2 et 5. et disp. 18. s . 4 .
quon . speciali modo B. V. redempla sit. -- Item ap.
Sedlmayr, Theol. Mar. p. 1. q. 9. a. 6.
266
frira sur leur passage comme une compagne as-
sidue de leur vie : elle portera tantôt un nom ,
tantôt un autre , mais elle sera là près de nous ,
comme elle était sans cesse à côté du divin Ré-
dempteur et de sa divine Mère , durant leur vie
mortelle. La souffrance viendra quelquefois d'elle-
même visiter et affliger les Enfants de l'Appari-
tion , et quelquefois aussi il semblera qu'ils l'au-
ront provoquée et méritée par leur conduite et par
leurs œuvres..... Mais souffrir pour Marie est une
voie plus belle encore que celle que nous venons
de méditer ; ou plutôt elle sera la suite de la
première , puisque la souffrance est tout naturel-
lement la condition des âmes associées à la divine
Réparatrice.
3º Vivre pour Marie de la Salette , c'est la glori-
fier, c'est-à-dire , c'est ne pas se lasser de tendre à
ce qu'elle soit CONNUE..., AIMÉE... et surtout OBÉIR
dans le monde.... « Eh bien , mes enfants ! vous le
ferez passer à tout mon peuple ! C'est son in-
tention, c'est sa volonté. Suivant l'influence que
nous exerçons dans le monde et la position que
nous y occupons , sans craindre ni les hommes
qui nous condamnerónt, ' ni l'enfer qui nous sus-
citera mille embarras et nous dressera mille em-
bûches, travaillons à glorifier notre Mère. Répan-
dons parmi les âmes droites et simples , tout ce
qui est de nature à faire aimer, à propager son
culte: livres, images , objets divers de piété ; par-
lons d'Elle avec l'humilité et la charité qui sont
267
les caractères essentiels de notre dévotion ; par-
lons d'Elle aux pauvres, aux infirmes , aux ma-
lades , aux affligés ; ne craignons pas de porter son
nom même aux plus grands pécheurs... Inspirons
à tousla pratique des saintes neuvaines de prières,
de la communion à ses fêtes , et surtout de l'étude
sérieuse et fréquente de tous les grands enseigne-
ments de sa glorieuse Apparition , pour les goûter
toujours davantage et pour les faire passer dans
la vie de toutes les âmes, de tous les enfants de
cette Mère universelle. A ce zèle pour son hon-
neur, Elle-même a promis le ciel . Qui elucidant me ·
vitam æternam habebunt ' .
Que d'autres considérations il resterait à faire...
mais finissons- là , dans la douce confiance que
Marie dira à chaque âme, dans le silence de la re- ~
traite , tout ce qui sera le plus utile à son salut...
La voie du ciel qu'il ne faut plus quitter après
y être entré, en ces jours de grâce , mais dans la-
quelle il faut être résolu de marcher jusqu'à la
fin, sera donc infailliblement la PERSÉVÉRANCE
DANS LA PÉNITENCE , L'ENTIER DÉTACHEMENT 3
DES CRÉATURES , - ET L'UNION A MARIE.

Affections . - Laissez aller votre cœur aux af-


fections les plus tendres. Ces enseignements sont
les derniers que notre Mère nous donne, recueil-

Eccli. 24. 34. Ceux qui me font connaître auront la vie


éternelle.
268
lez-les avec une reconnaissance particulière.
Multipliez les actes de demande en même temps
que vos actions de grâces. Répétez souvent ces
paroles : 0 Mère ! je suis à vous, sauvez- moi .
Tuus sum ego, salvum me fac¹ . Dites-lui aussi ces
paroles de Ruth à Noëmi : Partout où vous irez,
j'irai, et là où vous vous arrêterez , moi aussi je
m'arrêterai. Votre peuple est mon peuple, et votre
Dieu est mon Dieu . Que le Seigneur me frappe
et me frappe encore si jamais autre chose que la
mort me sépare de vous . Et entrez , entrez bien
avant dans la céleste union à Marie , la divine Ré-
paratrice et Réconciliatrice .

Résolutions... Colloque avec notre bonne Mère


de la Salette.

Bouquet spirituel . Les paroles des petits


enfants : « Si nous avions su qu'elle était une
grande Sainte, nous lui aurions dit de nous me-
ner avec Elle. » Trahe me ; post te curremus in odo-
rem unguentorum tuorum. Attirez-nous , ô notre
Mère tous vos enfants courront à l'odeur de vos
parfums ³.

Ps. 148. - Ruth . 4. 16, 17. - Cant. 1. 3.

PIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.


269

TROISIÈME PARTIE.

Exercices et pratiques de piété qui se rapportent à la


Dévotion à N.-D. Réconciliatrice de la Salette.

I.

LE PÈLERINAGE DE N.-D. DE LA SALETTE.

Le P. Lacordaire a dit de la grotte célèbre où


sainte Madeleine passa trente années dans la
prière : « Il y a des lieux bénis par une prédesti-
nation qui se perd dans les secrets de l'éterni-
té ¹. » La Sainte-Baume méritait bien cette belle
parole, et nous éprouvions, à la lire , une conso-
lation particulière ; mais ensuite notre pensée
se portait ailleurs..... et maintenant que nous
venons de la citer , nous avons cette persua-
sion qu'il n'est pas un seul Pèlerin de la sainte

1 Sainte Marie-Madeleine, par le P. Lacordaire, pp . 6 et


165. -- Cette grotte est appelée, comme tout le monde
sait, la sainte Baume ( en Provence).
270
montagne qui ne l'applique comme nous à la
terre privilégiée et choisie entre toutes , pour être
le témoin de la grande Apparition de Marie dans
ces derniers temps.
Et , en vérité, le Mystère qui s'est passé dans
ces lieux déserts est si grand ; et cette solitude
profonde, et ces hauteurs pleines de majesté et de
silence , semblent si bien faites pour le recevoir !
Les Théologiens enseignent assez communément,
que c'est surtout pour l'Homme- Dieu et pour
son auguste Mère que le monde visible a été fait¹ ;
mais , s'il en est ainsi , qui peut s'empêcher
de penser que lorsque le Créateur jeta les fon-
dements de ces montagnes et donna à ces lieux

Voici quelques textes relatifs à la T.-S. Vierge : Do


Hac, et ob Hanc et propter Hanc omnis scriptura facta
est; propter Hanc totus mundus factus est, etc. (Serm .
1 in Salve Regina, inter op. S. Bern. ). — Dispositione tua,
Virgo sanctissima, perseverat dies quem et tu cum Deo
ab initio fundasti (S. Bonavent . psalt. B. V. ) — Propter
Hanc initio creatus est homo , et extensum cœlum, et
terra, et quidquid productum est propter hominem. (S.
Isidor. Thessalon. Serm. de Annun.) - - Sic S. Bernard .
Senens . B. Albert . Magn.- Cardin. de Lug., etc.- Do-
minus creavit et possidet B. V. quasi principium via-
rum , id est , operum suorum quia ut recte notat Suarez
(3 p. q. 27, d. 1. s . 3), Mater à Filio non fuit disjuncta in
electione divina. (Cornel. à Lap. in Prov. 8. 22). Voyez
dans ce célèbre commentateur tout ce chapitre 8 des
Proverbes. - Voyez aussi Seldmayr (Theol. Marian, p. 4 .
q. 2. a. 3. - et p. 3. q. 2. a. 9.)
271
l'aspect saisissant qui les distingue , il avait en
vue la glorieuse Apparition de la Reine du Monde ,
vers la fin des siècles ?... Oui , il y a des lieux que
Dieu a bénis dès l'éternité pour ses grandes œu-
vres , et la Salette est un de ces lieux prédestinés.
C'est ici que sont montés depuis 16 ans des
milliers et des milliers de pèlerins. Le monde
entier y est venu, représenté par cette multitude
incalculable de saintes âmes qui , ayant compris
la grâce de Dieu, ont voulu visiter et contempler
les lieux d'où elle s'est épanchée sur le monde.
C'est ici que montent en quelques mois, tous les
ans , plus de sept cents Ecclésiastiques de tous les
diocèses de la sainte Eglise , de tous les rangs de
la sacrée hiérarchie, de tous les instituts , de tous
les ordres religieux , suivant, dans leur confiance
et leur piété, le bel exemple de nos vénérés Pères
dans la foi , Nosseigneurs les Evêques , dont plu-
sieurs apportent , chaque année , au Pèlerinage ,
les sujets d'édification les plus touchants et les
fêtes inattendues les plus aimées ¹ .

Mgr l'Evêque de M. , dont la présence sur la sainte


Montagne nous a fait , l'année dernière , tant de bien à
tous, nous disait : « Je n'ai pas voulu rentrer dans mon
diocèse (il venait de Rome), sans visiter la sainte Monta-
gne ; je désire que mon pélerinage à la Salette en montre
le chemin à tous mes prêtres. » Nous avons recueilli
religieusement la remarquable parole d'un autre véné-
rable Prélat : « Quand on a visité une fois la Montagne
des larmes de Marie, on ne doit plus se contenter d'un
christianisme ordinaire. » ( Mgr de L. , Ev. de B.....)
272
Le Clergé, qui est la portion chérie du Peuple de
l'auguste Reine de l'Eglise, vient ici recevoir les
impressions de ce grand mystère , pour en faire
connaître ensuite à toutes les âmes les solennels
enseignements ; car c'est à lui principalement
qu'il a été dit dans la personne des deux petits pâ-
tres Eh bien ! vous le ferez passer à tout mon
Peuple. » Mais les pauvres , les petits, les affligés ,
les pécheurs , et les riches, et les grands , et les
heureux (s'il y en a sur la terre) , viennent aussi,
et ils voient , et ils écoutent avec respect , et le
mystère de douleur et d'amour pénètre aussi leur
âme , et nul ne quitte ces lieux bénis , sans avoir
compris que Marie est bonne plus qu'aucune lan-
gue ne peut dire , et que toute àme rachetée du
sang de Jésus, quels que soient ses besoins, ses
peines , ses demandes , trouve au pied de cette
incomparable Mère , la bénédiction et la grâce
qu'elle sollicite.
Oh ! que la Montagne est belle, quand toutes ces
âmes recueillies , pénétrées , reçoivent avec doci-
lité et amour les leçons du pieux mystère ! Qu'elle
est belle un jour de fête de Marie! Le 2 et le 16 juil-
let, le 15 août , le 8 septembre , et surtout le grand
jour de l'Anniversaire ! Il y a les pèlerins venus
de loin, il y a les processions montées des parois-
ses voisines . C'est pour la foi un spectacle ravis-
sant. - Mais en tout temps ces lieux sanctifiés
sont beaux .
Le plupart de nos pieux Visiteurs n'ont jamais
273
vula sainte Montagne , quand elle se revêt, à l'en-
trée de l'hiver , de son manteau de neige , quand on
n'arrive plus aux lieux bénis de l'Apparition que
par un escalier de neige, et que la grille de fer qui
entoure la source miraculeuse devient comme l'au-
tel d'un sanctuaire sans pareil assurément, avec
ses murs et sa voûte de neige... Alors , ce sont de
nouvelles impressions, devant ces aspects nou-
veaux de la solitude . Plus de bruit, plus de distrac-
tion . Quand la journée est belle (et cela est fré-
quent en hiver) , le soleil se lève sur les cimes
voisines du Chamoux , et il répand tout à coup ,
avec un éclat qui est plein de douceur, sa vive lu-
mière sur cette nature silencieuse . Il monte en-
suite dans le ciel, mais, à mesure qu'il s'élève , il
semble revêtir d'une majesté nouvelle ces hauteurs
toujours si tranquilles . Oh ! qu'alors aussi ces
montagnes sont belles ! Comme l'âme y respire à
l'aise ! comme on sent Dieu plus près de soi , et
Marie , l'aimable Marie, dont la douce compagnie
ne semble jamais nous manquer, plus tendre , plus
abordable que jamais.... O beata solitudo ! O sola
beatitudo..... In solitudine , aer purior, cœlum
apertius, familiarior Deus ' , amabilior Maria ! ...
-- Si nous ne craignions de donner un conseil peu
prudent, nous engagerions les plus intrépides de

S. Bernard. O bienheureuse solitude ! O seule béati-


tude Ici, l'air est plus pur, le ciel plus favorable, et Dieu
plus familier à l'âine.
274
nos pèlerins à choisir cette époque de l'année
pour faire leur retraite , au pied de la divine
Mère .
Quoi qu'il en soit, et en quelque temps que l'on
fasse son pèlerinage , l'essentiel est de le sancti-
fier, et c'est pourquoi , dans la pensée de répondre
aux désirs des enfants de N.-D. Réconciliatrice ,
nous leur rappelons les sages conseils que leur
donne, dans le Manuel du Pèlerin , le vénérable
M. Rousselot '.

Règle et conduite pour sanctifier un


Pèlerinage.
1° Réfléchir sur le but qu'on se propose , sur la
sainteté du lieu qu'on veut visiter , sur les grâces
à demander , sur la conduite à tenir et sur le mal
à éviter pendant le voyage ; en offrir d'avance à
Dieu les fatigues et les privations.
2' Consulter son confesseur sur son projet , sur
ses avantages, sur ses dangers ; demander le con-
sentement de ceux de qui on dépend , afin de ne
pas blesser la justice , la charité et l'obéissance
qu'on doit au prochain , en voulant faire une œuvre
pieuse à la vérité , mais de surérogation et nulle-
ment commandée.
3° Se mettre en état de grâce avant de partir,
soit pour n'être pas surpris par quelques acci-

' Manuel, etc., p . 64 .


275
dents , soit pour rendre agréables à Dieu et méri-
toires du salut les peines inséparables d'un pèle-
rinage lointain .
4º Choisir avec soin , discernement et prudence
la compagnie avec laquelle on veut voyager, pour
ne pas être exposé à pécher durant la route. Au-
tant que possible ne s'associer pour les pèleri-
nages qu'à des personnes qui aient les mêmes
vues, la même piété , la même foi ; avec lesquelles
on puisse prier, garder le silence, pratiquer le
bien sans gêne, sans respect humain .
5° En partant , se recommander à Dieu et se
mettre sous la protection de la sainte Vierge......
dont on va visiter le sanctuaire.
6º Pendant le voyage , faire ses exercices ordi-
naires de religion et de piété avec encore plus
de fidélité et d'attention ; réfléchir ensuite sur
les voyages que Notre- Seigneur faisait sur la
terre pour le salut du monde ; sur les voyages
que les Saints ont faits pour la gloire de Dieu et
le salut des âmes ; sur le grand et décisif voyage
que nous faisons tous , du temps à l'éternité .
7 Profiter de tout ce qu'on voit, de tout ce
qu'on entend, pour élever son cœur à Dieu . Les
merveilles de la nature , la vue d'une église , la
rencontre d'une croix : tout doit porter à Dieu
pendant le voyage .
8 Accepter et souffrir en esprit de pénitence les
désagréments du pèlerinage la faim , la soif, le
chaud, le froid, les privations, etc..
276
9 Pratiquer la mortification en ne s'arrêtant pas
pour voir tout ce qui peut piquer la curiosité ; en
ne se livrant point aux plaisirs de la bonne chère ,
en ne s'entretenant point de frivolités , de bagatel-
les ; en ne s'abandonnant point à la dissipation ...
10' Dans les auberges où l'on est forcé de s'ar-
rêter, prendre garde aux dangers de péché qui s'y
rencontrent assez fréquemment de la part d'étran-
gers de tout pays et différant de religion et de
incurs .
11 En arrivant sur le lieu du pèlerinage , se
rendre à l'instant dans le sanctuaire qui était le
but du voyage ; remercier Dieu de la protection
qu'il a accordée pendant le voyage ; invoquer la
sainte Vierge..... prendre tout de suite les moyens
de bien employer le temps que l'on veut consacrer
à la dévotion ; s'empresser de faire une bonne
confession , une sainte communion ; assister aux
exercices publics qui se font dans le sanctuaire
vénéré , etc.
12 Emporter avec soi quelque souvenir du
pieux pèlerinage , comme croix , images , chape-
lets, livres, etc .; mais surtout se munir de bonnes
résolutions pour l'avenir. Enfin , s'en retourner
de la même manière que l'on est venu, en évitant
soigneusement tout ce qui pourrait faire perdre
ou diminuer les grâces reçues, en pratiquant tout
ce qui peut affermir dans le bien , tout ce qui peut
édifier le prochain , etc.
Telles sont les règles d'un pèlerinage chrétien .
277

II.

EXERCICE DE L'ARCHICONFRÉRIE .

Cet Exercice a lieu tous les dimanches , sur la


sainte Montagne, et au sanctuaire de N.-D. de la
Salette , à Grenoble , à l'issue des vêpres . Après
l'antienne à la sainte Vierge , qui est toujours
chantée solennellement , le chœur entonne l'invo-
cation au saint Esprit : «༥ Esprit- Saint, descendez
en nous! n Ensuite, le Prêtre qui doit annoncer
la parole de Dieu monte en chaire. Il commence
par faire la lecture des Recommandations . On
appelle ainsi le nombre toujours considérable de
demandes de prières qui sont faites journelle-
ment, soit par lettres, soit de vive voix , aux deux
sanctuaires de la sainte Montagne et de Grenoble,
et qui sont, en ce moment de l'exercice , recom-
mandées à la piété des assistants . Cette longue
énumération de besoins si divers et exposés
avec une confiance touchante, fait toujours une
vive impression sur l'auditoire. Après la lecture
des intentions particulières , qui varient tous les
jours, le Prédicateur rappelle les intentions gé-
nérales de l'Archiconfrérie. Nous les énumérons
ici, afin qu'elles soient adoptées , si on le juge à
propos , pour tous les Exercices des Confréries
affiliées. -- " Nous prierons encore, dit le Prédi-
16
278
cateur , pour tous les pécheurs , les malades , les
âmes affligées et toutes les personnes qui, pré-
cédemment recommandées , n'ont pas encore ob-
tenu l'objet de leurs vœux ;
Pour tous les Bienfaiteurs vivants et défunts
du sanctuaire ;
Pour tous les membres de l'Archiconfrérie ;
Ensuite , et d'une manière toujours spéciale ,
pour NOTRE SAINT PÈRE LE PAPE ;
Pour Mgr l'Evêque de Grenoble , le clergé et les
fidèles de son diocèse ;
Pour tous les Prélats de l'Eglise ;
Pour tout le Clergé catholique ;
Pour les grands et les petits Séminaires ;
Pour les Communautés religieuses ;
Pour toutes les œuvres de zèle , et spécialement
celle de la Propagation de la Foi , de la Sainte-
Enfance , de Saint-Vincent-de-Paul et de Saint-
François - de- Sales ;
Pour la prospérité spirituelle et temporelle de
la France ;
Pour la conversion des hérétiques , des schis-
matiques et des infidèles ;
Pour les agonisants et les âmes du purgatoire ;
Enfin , aux intentions de toutes les personnes
qui sont ici présentes. »
Ici , le Prédicateur récite à genoux , avec l'as-
sistance, un Notre Père ; un Je vous salue , Ma-
rie , et l'invocation d'usage : « N.-D. de la Sa-
lette , Réconciliatrice des pécheurs , priez sans
cesse pour nous qui avons recours à vous. »
279
Immédiatement après , le sermon commence .
Le sujet en est ordinairement l'Apparition de
notre auguste Mère , une de ses paroles , un de
ses actes , ou quelque autre circonstance de ce
touchant Mystère d'amour et de pénitence ' .
Quand le sermon est terminé , le chœur entonne
le Parce, Domine , et un prêtre expose le saint
Sacrement (s'il ne l'est déjà, comme cela arrive,
sur la sainte Montagne, depuis le premier diman-
che de mai jusqu'à celui du saint Rosaire). Alors
commencent les prières d'expiation . On en trou-
vera la suite après les vêpres de la sainte Vierge
que nous plaçons ici pour la commodité des
pieux Associés.

Sur la sainte Montagne , le sermon est à la messe


principale (ou à la procession qui précède cette messe,
au moment où l'on arrive aux lieux de l'Apparition) . Ce
changement a paru nécessaire pour faciliter aux pèlerins
qui quittent le même jour la Salette, leur retour à Corps
ou aux pays voisins. Mais les prières d'expiation se font
toujours, sur la sainte Montagne et à Grenoble , à l'issue
des vêpres.
280

VEPRES DE LA TRÈS -SAINTE VIERGE.

Pater . Ave. Gloria Patri, etc.


Deus, inadjutorium meum Ant. Dum esset Rex in
intendé. accubito suo, nardus mea
Domine, ad adjuvandum dedit odorem suavitatis.
me festina .

Psaume 109.

Dixit Dominus Domino | Dominus a destris tuis,


meo Sede a dextris meis. confregit in die iræ suæ
Donec ponam inimicos reges .
tuos, scabellum pedum tuo- Judicabit in nationibus
rum . implebit ruinas conquas-
Virgam virtutis tuæ emit- sabit capita in terra multo-
tet Dominus ex Sion, domi- rum.
nare in medio inimicorum De torrente in via bibet :
tuorum. propterea exaltabit caput.
Tecum principium in die Gloria Patri, etc.
virtutis tuæ, in splendori- Ant. Dum esset Rex, etc.
bus sanctorum ex utero Ant. Læva ejus sub capite
ante luciferum genui te. meo, et dextera illius am-
Juravit Dominus, et non plexabitur me.
pœnitebit eum : tu es sacer-
dos in æternum secundum
ordinem Melchisedech.

Psaume 112.
Laudate , pueri , Domi- | A solis ortu usque ad oc-
num; laudate nomen Do- casum, laudabilenomen Do-
mini . mini.
Sit nomen Domini bene- Excelsus super omnes
dictum, ex hoc nunc et us- gentes Dominus , et super
que in sæculum. cœlos gloria ejus.
281
Quis sicut Dominus Deus! Qui habitare facit steri-
noster, qui in altis habitat lem in domo matrem filio-
et humilia respicit in cœlorum lætantem.
et in terrà. Gloria Patri, etc.
Suscitans à terrà inopem Ant. Læva ejus , ete.
et de stercore erigens pau- Ant. Nigra sum sed for-
perem. mosa, filiæ Jerusalem : ideo
Ut collocet eum cum prin- dilexit me Rex , et intro-
cipibus , cum principibus duxit me in cubiculum
populi sui. suum .

Psaume 124.
Lætatus sum in his quæ Fiat pax in virtute tua, et
dicta sunt mihi in domum abundantia in turribus
Domini ibimus. tuis.
Stantes erant pedes nos- Propter fratres meos, et
tri in atriis tuis , Jerusa- proximos meos , loquebar
lem. pacem de te.
Jerusalemquæ ædificatur Propter domum Domini
ut civitas, cujus participa- Dei nostri, quæsivi bona ti-
tio ejus in idipsum. bi.
Illuc enim ascenderunt Gloria Patri, etc.
tribus, tribus Domini ; tes- Ant. Nigra sum, sed for-
timonium Israël ad confi- mosa , filiæ Jerusalem : ideo
tendum nomini Domini. duexit me Rex, et intro-
Quia illic sederunt sedes duxit me in cubiculum
in judicio, sedes super do- suum .
mum David. Ant. Jam hiems transiit,
Rogate quæ ad pacem imber abiit et recessit :
sunt Jerusalem : et abun- surge , amica mea , et veni.
dantia diligentibus te.

Psaume 126 .
Nisi Dominus ædificaverit | cem surgere ; surgite post-
domum, in vanum labora- quam sederitis, qui mandu
verunt qui ædificant eam. catis panem doloris.
Nisi Dominus custodierit Cum dederit dilectis suis
civitatem , frustra vigilat somnum ecce hæreditas
qui custodit eam. Domini filii ; merces, fruc-
Vanum est vobis ante lu- tus ventris.
16.
282
Sicut sagittæ in mann po-| Gloria Patri, etc.
tentis : ita filii excussorum. Ant. Jam hiems transiit,
Beatus vir qui implevit imber abiit et recessit :
desiderium suum ex ipsis : surge, amica mea, et veni.
non confundetur cum lo- Ant. Speciosa facta es et
quetur inimicis suis in por- suavis in deliciis tuis, sancta
ta. Dei Genitrix.

Psaume 127..

Lauda, Jerusalem, Domi- [ sicut buccellas: ante faciem


num, lauda Deum tuum frigoris ejus quis sustine-
Sion. bit ?
Quoniam confortavit se- Emittet verbum suum, et
ras portarum tuarum ; be- liquefaciet ea : flabit spiri-
nedixit filiis tuis in te. tus ejus, et fluent aquæ.
Qui posuit fines tuos pa- Qui annuntiat verbum
cem, et adipe frumenti sa- suum Jacob, justitias et ju-
tiat te. dicia sua Israël.
Qui emittit eloquium Non fecit taliter omni na-
suum terræ velociter cur- tioni ; el judicia sua non na-
rit sermo ejus. nifestavit eis.
Qui dat nivem sicut la- Gloria Patri, etc.
nam, nebulam sicut cine- Ant. Speciosa facta es et
rem spargit. suavis in deliciis tuis, sancta
Mittit crystallum suum Dei Genitrix .

Capitule.

Ab initio et ante sæcula | sancta coram ipso minis-


creata sum , et usque ad fu- travi.
turum sæculum non desi- R Deo gratias.
nam , et in habitatione

Hymne.
Ave, maris stella, Sumens illud Ave,
Dei Mater Alma, Gabrielis ore,
Atque semper Virgo, Funda nos in pace,
Felix reli porta. Mufans Evæ nomen.
283
Solve vincla reis, Sit laus Deo Patri,
Profer lumen cæcis, Summo Christo decus,
Mala nostra pelle, Spiritui Sancto,
Bona cuncta posce. Tribus honor unus.
Moustra te esse matrem, Amen.
Sumat per te preces , y. Diffusa est gratia in
Qui, pro nobis natus, labiis tuis.
Tulit esse tuus.
Virgo singularis, R. Propterea benedixit te
Inter omnes mitis, Deus in æternum .
Nos culpis solutos, Ant. Beatam me dicent
Mites fac et castos. omnes generationes quia
Vitam præsta puram, ancillam humilein respexit
Iter para tutum, Deus.
Ut, videntes Jesum,
Semper collætemur.
Cantique de la Sainte Vierge.
Magnificat anima mea Do- Esurientes implevit bo-
minum, nis, et divites dimisit ina-
Et exultavit spiritus meus nes.
in Deo salutari meo. Suscepit Israël puerum
Quia respexit humilitatem suum, recordatus miseri-
ancillæ suæ ecce enim ex cordiæ suæ.
hoc beatam me dicent om- Sicut locutus est ad pa-
nes generationes. tres nostros, Abraham et
Quia fecit mihi magna semini ejus in sæcula .
qui potens est : et sanctum Gloria Patri, etc.
nomen ejus.
Et misericordia ejus a Ant. Beatam me dicent ,
progenie in progenies ti- etc.
mentibus eum.
y. Domine, exaudi oratio-
Fecit potentiam in bra- nein meam.
chio suo dispersit super-
bos mente cordis sui. R. Et clamor meus ad te
Deposuit potentes de sede, veniat.
et exaltavit humiles.
Oremus .
Concede nos famulos Deus, perpetuà mentis et
tuos, quæsumus, Domine corporis sanitate gaudere,
284
et gloriosâbeatæ Mariæ sem- y. Benedicamus Domino.
per Virginis intercessione à gratias .
præsenti liberari tristilià R. Deo
et æternà perfrui lætitiâ. V. Fidelium animæ per
Per Dominum nostrum Je- misericordiam Dei requies-
sum Christum, Filiumtuum, cant in pace.
qui tecum vivit et regnat in R. Amen.
unitate Spiritûs sancti
Deus, per omnia sæcu- Pater noster .
la sæculorum . Amen. Dominus det nobis suam
y. Domine exaudi oratio- pacem.
Et vitam æternam.
nem meam ;
Amen.
R. Et clamor meus ad te
veniat.

Antiennes à la Sainte Vierge.

De l'Avent à la Purification.

Alma Redemptoris Mater, ti, naturâ mirante, tuum


quæ pervia cœli porta ma- sanctum Genitorem. Virgo
nes, et stella maris, succur- prins ac posterius, Gabrielis
re cadenti, surgere qui cu- ab ore sumens illud Ave,
rat populo ; tu quæ genuis- peccatorum miserere.

De l'Avent jusqu'à Noël , on dit :

Y. Angelus Domini nun- R. Et concepit de Spiritu


tiavit Mariæ. sancto.

Oremus.
Gratiam tuam , quæsu- mus, per passionem ejus et
mus , Domine , mentibus crucem ad Resurrectionis
nostris infunde, ut qui An- gloriam perducamur: Per
gelo nuntiante Christi Filii eumdem Christum Domi-
tui incarnationem cognovi- num nostrum. Amen.
285
De Noël jusqu'à la Purification.
V. Post partum, Virgo, R. Dei Genitrix, intercede
inviolata permansisti. pro nobis.
Oremus.
Deus qui salutis æternæ, intercedere sentiamus, per
Beata Maria Virginitate fe- quam meruimus auctorem
cunda, humano generi præ- vitæ suscipere, Dominum
mia præstitisti ;tribue quæ- nostrum Jesum Christum
sumus, ut ipsam pro nobis Filium tuum. Amen.
De la Purification au Mardi saint.
Ave, Regina cœlorum ; R. Da mihi virtutem con-
ave, Domina angelorum; tra hostes tuos.
salve, radix, salve, porta, ex Concede, misericors Deus
qua mundo lux est orta : fragilitati nostræ præsidium
gaude, Virgo gloriosa, super ut qui sanctæ Dei Genitricis
omnes speciosa ; vale, ô memoriam agimus , inter-
valdè decora ! et pro nobis cessionis ejus auxilio, a nos-
Christum exora. tris iniquitatibus resurga-
y. Dignare me laudare te , mus. Per eumdem Christum
Virgo sacrata. Dominum nostrum . Amen.

De Pâques à la Trinité.
Regina cœli, lætare, Alle- Ora pro nobis Deum, Al-
luia. leluia .
Quia quem meruisti por- y. Gaude et lætare , Virgo
lare, Alleluia . Maria, Alleluia.
Resurrexit sicut dixit, Al- R. Quia surrexit Dominus
leluia. verè, Alleluia.
Oremus.

Deus, qui per Resurrec- genitricem Virginem Ma-


tionem Filii tui Domini nos- riam perpetuæ capiamus
tri Jesus Christi mundum gaudia vitæ. Per eumdem
lætificare dignatus es ; præs- Christum .
ta, quæsumus, ut per ejus
286
De la Trinité à l'Avent.
Salve, Regina, Mater mi- tum ventris tui, nobis post
sericordiæ ; vita , dulcedo et hoc exilium ostende ! o'cle-
spes nostra, salve . Ad te cla- mens ! o pia ! o dulcis vir-
mamus, exules filii Evæ ; ad go Maria !
te suspiramus, gementes et y . Genitr
Ora pro
flentes in hac lacrymarum Dei ix. nobis, sancta
valle. Eia ergo , Advocala
nostra, illos tuos misericor- R. Ut digni efficiamur
des oculos ad nos couverte, promissionibus Christi.
et Jesum, benedictum fruc-
Oremus.
Omnipotens sempiterne mur, ejus pia intercessione
Deus, qui gloriosæ Virginis ab instantibus malis, et a
Matris Mariæ corpus et ani- morte perpetua liberemur.
mam, ut dignum Filii tui Per eumdein Christum Do-
habitaculum effici merere- minum nostrum. Amen.
tur, Spiritu sancto coope- Divinum auxilium maneat
rante, præparasti ; da ut cu- semper nobiscum . Amen.
jus commemoratione læta-l

EXPOSITION DU TRÈS - SAINT SACREMENT


ET EXERCICE D'EXPIATION.

Parce, Domine, parce po- irascaris nobis (trois fois).


pulo tuo , ne in æternum
Psaume 50.
Miserere mei, Deus, se- Quoniam iniquitatem
cundum magnam miseri- meam ego cognosco : et
cordiam tuami. peccatum meum contra me
Et secundum multitudi- est semper.
nem miserationum tuarum Tibi soli peccavi, et ma-
dele iniquitatem meam. Jum coram te feci : ut justi-
Amplius lava me ab ini- ficeris in sermonibs tuis et
quitale meâ, et a peccato vincas cum judicaris.
meo munda me. Ecce enim in iniquitati-
287
bus conceptus sum : et in jet impii ad te convertentur.
peccatis concepit me mater Libera me de sanguinibus
mea. Deus, Deus salutis meæ : et
Ecce enim veritatem di- exultabit lingua mea justi-
lexisti incerta et occulta tiam fuam .
sapientiæ tuæ manifestasti Domine, labia mea ape-
mihi. ries : et os meum annuntia-
Asperges me hyssopo, et bit laudem tuam.

mundabor lavabis me, Quoniam si voluisses sa-
et super nivem dealbabor. crificium, dedissem uti-
Auditui meo dabis gau- que : holocaustis non delec-
dium et lætitiam et exul- taberis .
tabunt ossa humiliata. Sacrificium Deo spiritus
Averte faciem tuam à contribulatus : cor contri-
pecratis meis : et omnes ini- tum et humiliatum, Deus,
quitates meas dele.
Cor mundum crea in me non despicies.
Benigne, fac Domine, in
Deus et spiritum rectum bonà voluntate tua Sion :
innova in visceribus meis. ut ædificentur muri Jerusa-
Ne projicias me à facie lem.
tuà et Spiritum Sanctum Tune acceptabis sacrifi-
tuum ne auferas à me. cium justitiæ oblationes et
Redde mihi lætitiam sa- holocausta : tunc imponent
lutaris tui et Spiritu prin- super altare tuum vitu-
cipali confirma me. los.
Docebo iniquos vias tuas : | Gloria Patri et Filio, etc.
Antienne à la Ste Vierge.
Sub tuum præsidium Virgo gloriosa et benedicta
confugimus , Sancta Dei
ỳ. rosi
Genitrix : nostras depreca- dolo proa, nobis, Virgo
Orassim
tiones ne despicias in ne-
cessitatibus : sed à periculis R. Ut digni efficiamur
cunctis libera nos, semper promissionibus Christi.
Oremus.
Interveniat pro nobis , sanctissimam animam in
quæsumus Domine Jesu hoc benedictæ Passionis fuæ
Christe, apud tuam clemen- doloris gladius pertransi-
tiam, nunc et in hora mor- vit. Qui vivis et regnas, in
tis nostræ, piissima Virgo sæcula sæculorum. Amen.
Maria, mater tua, cujus
288

Bénédiction du T.-St Sacrement.


Tantum ergo Sacramen- Salus, honor, virtus quo-
tum que
Veneremur cernui , Sit et benedictio ;
Et antiquum documentum Procedenti ab utroque
Novo cedat ritui : Compar sit laudatio.
Præstet fides supplemen- Amen .
tum . y. Panem de cælo præs-
Sensuum defectui. titisti eis.
Genitori, genitoque R. Omne delectamentum
Laus etjubilatio, in se habentem.

Oremus.
Deus qui nobis sub sacra- | Pastor et Rector, famulum
mento mirabili Passionis tuum PIUM quem pastorem
tuæ memoriam reliquisti : Ecclesiæ tuæ præesse volui-
tribue quæsumus ; ita nos sti, propitius respice : da ei,
Corporis et Sanguinis tui quæsumus, verbo et exem-
sacra mysteria venerari ; ut plo quibus præest profi-
redemptionis tuæ fructum cere ut ad vitam unà cum
in nobis jugiter sentiamus. grege sibi credito perveniat
Concede nos famulos sempiternam. Per Chris-
tuos, etc. p. 283. tum Dom. nostrum.
Deus omnium fidelium R Amen.

Après la Bénédiction.
Psaume 116.
Laudate Dominum, om- Gloria Patri , et Filio , et
nes gentes laudate eum, Spiritui sancto.
omnes populi. Sicut erat in principio, et
Quoniam confirmata est nunc, et semper, et in sæ-
supernos misericordia ejus: cula sæculorum. Amen.
et veritas Domini manet in
æternum.
289

On dit ici les prières suivantes , aux intentions qui


ont été recommandées.

Litanies de la T.-Ste Vierge.


Kyrie, eleison. Rosa mystica,
Christe, eleison . Turris Davidíca.
Kyrie, eleison. Turris eburnea,
miserere

Christe, audi nos. Domus aurea,


Fœderis arca,
nobis.

Christe, exaudi nos.


Pater de cœlis, Deus, Janua cœli,

nobis.
Fili, Redemptor mundi, Stella matutina ,

pro
ora
Deus, Salus infirmorum .
Spiritus Sancte , Deus, Refugium peccatorum,
Sancta Trinitas, unus Consolatrix afflictorum ,
Deus. Auxilium christianorum ,
SanctaMaria, orapro n. Regina Angelorum,
Sancta Dei Genitrix, Regina patriarcharum ,
Sancta Virgo Virginum, Regina prophetarum ,
Mater Christi, Regina apostolorum,
Mater divinæ gratiæ, Regina martyrum ,
Mater purissima, Regina confessoruin,
Mater castissima, Regina virginum,
Mater inviolata, Regina sanctorum om-
Mater intemerata, nium,
nobis.

Regina sine labe concepta ,


pro

Mater amabilis,
ora

Mater admirabilis, Agnus Dei, qui tollis pecca-


Mater Creatoris, ta mundi, parce nobis,
Mater Salvatoris, Domine.
Virgo prudentissima, Agnus Dei, qui tollis pecca-
Virgo veneranda, ta mundi , exaudi nos , Do-
Virgo prædicanda, mine.
Virgo potens, Agnus Dei qui tollis pecca-
Virgo clemens, ta mundi, miserere no-
Virgo fidelis, bis.
Speculum justitiæ, Christe, audi nos.
Sedes sapientiæ, Christe, exaudi nos.
Causa nostræ lætitiæ, Y. Ora pro nobis sancla
Vas spirituale , Dei,Genitrix,
Vas honorabile, B. Ut digni efficiamur
Vas insigne devotionis, promissionibus Christi.
17
290

Oremus.
Gratiam tuam, quæsu- nis gloriam perducamur :
mus , Domine , mentibus Per eumdem Christum do-
nostris infunde, ut qui, An- minum nostrum. Amen.
gelo nuntiante , Christi Filii NOTA- Indulgence de 300
fui incarnationem cognovi- jours , chaque fois qu'on les
mus, per passionem ejus recite. ( Pie VII, 30 septem-
et crucem ad Resurrectio- bre 1817.)
Pour les Défunts de l'Archiconfrérie.
De profundis clamavi ad que ad noctem speret Israël
te Doinine: Domine, exaudi in Domino.
Vocem meam. Quia apud Dominum mi-
Fiant aures tuæ inten- sericordia, et copiosa apud
dentes in vocem depreca- eum redemptio.
tionis meæ. Et ipse redimet Israël ex
Si iniquitates observave- omnibus iniquitatibus ejus.
ris, Domine , Domine, quis Requiem æternam dona
sustinebit ? eis, Domine. Et lux perpetua
Quia apud te propitiatio luceat eis.
est, et propter legem tuam Requiescant in pace.
sustinui te, Domine. Amen.
Sustinuit anima mea in y. Domine, exaudi ora-
verbo ejus ; speravit anima tionem meam. R. Et clamor
mea in Domino. meus ad te veniat.
A custodia matutina us-

Oremus.
Fidelium , Deus, omnium| Requiescant in pace.
conditor et redemptor , ani- Amen.
mabus famulorum famula- Notre Père. Je vous salue,
rumque tuarum remissio- Marie.
nem cunctorum tribue pec- Notre-Dame de la Salette,
catorum ; ut indulgentiam
quam semper optaverunt, Réconciliatrice des pé-
piis supplicationibus conse- cheurs, priez sans cesse
quantur. Quivivis et regnas pour nous qui avonsrecours
in sæcula sæculorum. à vous.
Amen.
291

III.

ŒUVRE DE L'ADORATION PERPÉTUELLE.

La plus belle, la plus touchante, la plus aima-


ble , la plus fructueuse de toutes les dévotions ,
celle qui est le centre et la vraie vie de toutes les
autres, est la dévotion à la divine Eucharistie .
Jésus présent , vivant parmi nous , Jésus victime
pour nous , Jésus nourriture de nos âmes , voilà
le trésor, la force, la joie, toute la vie de l'Eglise .
Or, la dévotion au S. Sacrement et celle qui a
pour objet la divine Marie s'appellent naturelle-
ment. - Qui peut douter, dit le P. Faber, qu'il
existe en effet la plus étroite et la plus inva-
riable affinité entre l'une et l'autre de ces deux
dévotions ? La force des termes suffirait pour le
prouver ; et la vie des Saints , et l'enseignement
des livres spirituels en sont remplis . Mais qu'a-
vons-nous besoin d'aller invoquer , ajoute-t-il ‚'
ces arguments étrangers ? L'expérience person-
nelle de chacun de nous ne le démontre-t-elle pas
d'une manière invincible , du moins à nous - mê-
mes ? Tous nous avons senti qu'à mesure que
nous aimions davantage la sainte Vierge , notre
dévotion envers le S. Sacrement devenait plus
tendre et plus respectueuse , et par contre - coup
que plus nous demeurions dans la présence du S.
Sacrement , même en apparence sans songer à
292
Marie , plus la dévotion envers cette aimable
Mère semblait prendre de profondes racines dans
notre cœur. C'est là un phénomène qui se repro-
duit universellement à toutes les époques de l'E-
glise , et qui ne demande plus de commentaires
quand on se rappelle que l'une est la Mère et
l'autre le Fils ¹ . »
S'il en est ainsi , la royale dévotion à Jésus,
divine Hostie , ne pouvait manquer d'être une
dévotion spéciale de la Salette ; on pouvait dire
d'avance que le doux soleil Eucharistique res-
plendirait avec ses rayons de grâce et d'amour
sur ses autels , que l'adoration perpétuelle et so-
lennelle serait une partie essentielle de sa vie , et
qu'ainsi l'œuvre qui porte le nom de la miséri-
cordieuse Réconciliatrice aurait son glorieux cou-
ronnement dans le culte assidu , solennel , plein
d'amour de Celui qui , sans cesse dans nos Taber-
nacles, sur l'Autel et dans l'Expositoire , récon-
cilie le monde coupable avec son Père . C'est, en
' P. Faber, Le Saint Sacrement, liv. 2, sect. 4. Une des
plus belles études que l'on puisse faire est assurément
celle qui a pour objet les rapports qui existent entre la
divine Eucharistie et la T.-S. Vierge. Nous ne pouvons
ici rien ajouter à ce que nous avons dit, pour éviter de
dépasser les bornes que doit avoir ce petit livre ; mais
qu'il nous soit permis de recommander à nos pieux lec-
teurs l'ouvrage tout rempli de bonne , théologie et de
piété que vient de publier un Père de la Compagnie de
Jésus Marie Réparatrice et l'Eucharistie ( par le P. Blot ).
293
effet, ce qui est arrivé. Tous les pieux pèlerins sont
témoins de ce qui se passe , à la Salette, chaque
nuit du samedi au dimanche , et le dimanche jus-
qu'après les offices, dans le temps du pèlerinage¹ ,

Un pieux écrivain, dont les ouvrages sont lus avec te


plus grand fruit par les pèlerins de la sainte montagne,
a décrit ainsi l'exposition et l'adoration solennelle du sa-
medi soir au dimanche après vêpres « Le samedi, après
cet exercice (l'exercice du soir, à 8 heures), le Roi de
gloire sort de son tabernacle pour recevoir solennelle-
ment les pieux hommages de la foi, de la reconnaissance,
de la réparation . Le Très-Saint Sacrement demeure ainsi
exposé jusqu'au lendemain après vêpres ; et durant
toute la nuit , les missionnaires viennent alternative-
ment faire chacun leur heure d'adoration et d'amende
honorable , qu'ils commencent par cinq Pater, cinq Ave
et cinq Gloria Patri auxquels s'unissent les personnes
présentes : car il y en atoujours qui se succèdent d'heure
en heure, ou même qui passent la nuit entière à faire
leur cour au Roi immortel des siècles, au plus aimable,
au plus tendre des amis et des pères. Le pèlerin , on le
comprend, se montre jaloux de trouver sa place parmi
ces adorateurs ; et quand, rentré tout doucement chez
lui pour continuer un repos interrompu par le besoin de
sa foi et de son amour, il cherche un sommeil qui ne
vient pas encore, et qu'il entend d'autres portes se fer-
mer ou s'ouvrir avec une délicate précaution, un senti-
ment d'édification et de plaisir pur dilate son cœur, du-
quel s'exhale ce souhait pieux : Béni soit-il celui qui
adore et qui prie au nom de tous ses frères ! » ( M. Ed .
Barthe, chan, de Rodez , Souvenirs et impressions d'un
pèlerinage à la Salette.)
294
et les 700 associés de l'Adoration perpétuelle de
Grenoble savent aussi dans quel sanctuaire pieux
ils se réunissent , quand ils veulent solenniser
leurs plus belles fêtes .
La dévotion au divin Sacrement et la dévotion
à Marie doivent donc se trouver réunies dans le
cœur de tous les vrais Enfants de N.-D. de la Sa-
lette. - Mais il y a pour eux une raison particu-
lière et très-frappante de rendre un culte spécial
au divin Roi de nos tabernacles , et de prati-
quer avec la plus grande ferveur l'Adoration per-
pétuelle.
Quel est le crime de notre temps? Notre Mère
est venue nous l'apprendre , c'est l'oubli de Jésus-
Christ et de ses droits à notre soumission . « Si
mon Peuple ne veut pas se soumettre , je suis
forcée de laisser aller le bras de mon Fils . » C'est
la révolte contre son immuable et souveraine au-
torité ; c'est le blasphème de son saint nom et la
violation de ses saints Jours. Remarquez, en effet,
que lorsque cette Mère désolée se plaint de l'of-
fense faite à Dieu par le péché, Elle ne parle que
de son Fils qui est Jésus-Christ . C'est donc ce Dieu
d'amour, ce Dieu toujours présent parmi nous ,
dont l'empire et les droits sont méconnus . Or,
quel est, dans le christianisme, l'acte de religion,
la pratique, la dévotion , l'œuvre qui répare direc-
tement cet oubli , ce blasphème, ce mépris des
droits, de l'autorité , de la majesté souveraine , de
la toute- puissance, de la divinité en un mot de
295
Jésus-Christ? N'est-ce pas l'Adoration , et surtout
l'Adoration publique, solennelle et perpétuelle qui
est la reconnaissance, la proclamation éclatante de
cette divinité méconnue, de ces droits , de ce sou-
verain empire, de ce domaine essentiel et absolu
du divin Sauveur sur nos âmes ? Le peuple ré-
volté se lève dans son orgueil contre ce Roi éter-
nel des siècles , et l'associé de l'Adoration se
prosterne dans son humilité et il adore ; l'un
blasphème, et l'autre fait monter la louange vers
le trône de Jésus ; ses fils ingrats méconnaissent
son amour et « ne font aucun cas de ses misé-
ricordes comme de sa justice et de sa colère , et
l'Enfant du S. Sacrement et de N.-D. Réconcilia-
trice est d'abord tout saisi de crainte et de respect
en entrant dans le sanctuaire , et remplit ensuite
son heure d'adoration , d'actes d'amour et de re-
connaissance. Ainsi , l'adoration est essentielle-
ment dans l'esprit et dans les vues de notre Mère.
Elle n'est pas cependant tout l'esprit de son Appa-
rition , comme elle n'est pas le seul acte de la
grande Victime de nos autels. L'œuvre de Jésus au
Sacrement, c'est la Réconciliation . Or , l'œuvre de
notre Mère , à la Salette , c'est aussi , en union
avec Jésus , victime éternelle, la Réconciliation
du monde . Mais la Réconciliation ne s'opère que
par la Réparation , et la Réparation c'est l'Adora-
tion dans l'Immolation , c'est la Louange , la
Prière, l'Action de grâces dans le Sacrifice . Ainsi,
Dieu nous l'a fait connaître dans le mystère de
296
l'Incarnation de son Fils et dans l'œuvre de la
Rédemption que ce divin Sauveur des âmes a
opérée sur le Calvaire.
Pieux et fervents Associés de l'Adoration Per-
pétuelle ! Courage et constance ! remplissez votre
vocation tout entière . « Qu'elle est belle votre
œuvre, et quel admirable mystère , que Dieu confie
une si sublime mission à de misérables créatures
telles que nous ! comme si nous pouvions re-
construire l'édifice renversé de sa gloire, et faire
sortir ses temples de leurs ruines , nous qui sa-
vons combien ceux qui nous connaissent le mieux
ont encore de nous une opinion infiniment trop
favorable ! La Réparation ! Mais c'est précisément
l'œuvre pour laquelle le divin Maître est dans le
S. Sacrement ; car , s'il n'avait pas été nécessaire
qu'il vînt sur la terre s'humilier pour nous ra-
cheter, il n'eût peut-être pas été nécessaire qu'il
se cachât au fond de cet abîme inventé par l'a-
mour. Est-il rien de plus touchant que la Répa-
ration , rien de plus joyeux , lors même que nous
gémissons? Qu'est- ce que la Rédemption , sinon
une Réparation ? La Compassion de Marie est-elle
autre chose? Le Sacré-Cœur avait- il une autre
occupation sur la terre ? et n'est-ce pas encore,
en ce moment même , son occupation dans la
gloire céleste , aussi bien que dans la mystérieuse
hostie '? »

Le P. Faber, le Saint-Sacrement, Epilogue.


297
Ainsi, heureux enfants du S. Sacrement ! Garde
d'honneur de l'Eucharistie ! Sentinelles placées
devant le Pavillon du Roi des Rois! Adorateurs
de tous les âges, de toutes les conditions , de tous
pays ; vous tous que le divin soleil Eucharistique
éclaire et vivifie de ses rayons d'amour, adorez !
louez ! rendez grâces ! sollicitez ! immolez-vous,
dans l'esprit de la sainte Apparition , pour le
monde oublieux et coupable ; et appuyés sur les
mérites de la divine Victime et unis à sa sainte
Mère, la Réconciliatrice , la Corédemptrice, l'Avo-
cate toute - puissante dans ses supplications , vous
retiendrez, vous aussi , le bras du Très- Haut qui
nous menace ; peut-être même écarterez-vous
pour toujours sa foudre de dessus nos têtes.
Nous avons pensé qu'il serait agréable aux En-
fants de N.-D. Réconciliatrice , de connaître le
règlement de l'œuvre de l'Adoration perpétuelle .
Nous en donnons ici la plus grande partie . Nous
le recommandons surtout à nos vénérés confrè-
res , les Directeurs des associations affiliées à
l'Archiconfrérie.

Extrait du Règlement de l'OEuvre de l'Adoration perpétuelle,


établie à Grenoble dans la chapelle de N.-D. Réconcilia-
trice de la Salette.

I. But et plan de l'Association.


4. L'Association de l'Adoration Perpétuelle du T.-S.
Sacrement est établie à Grenoble, pour adorer nuit et
17.
298
jour Notre-Seigneur J.-C. dans la divine Eucharistie, le
remercier des grâces dont il nous combledans cet auguste
mystère, réparer tous les outrages qui lui sont faits, et
obtenir par d'incessantes prières le triomphe de l'Eglise,
la conversion des pécheurs, la conservation et l'extension
de la foi.
2. L'Association se divise en trois sections : la première
est celle de l'Adoration Nocturne, pour adorer le T.-S.
Sacrement à chaque heure de la nuit ; la seconde, celie
de l'Adoration Diurne, pour l'adorer à chaque heure du
Jour ; et la troisième, celle de l'Adoration Solennelle, pour
lui rendre publiquement hommage quand il est solennel-
lement exposé .
II. Adoration Nocturne.
3. L'adoration Nocturne se fait de 8 heures du soir à
8 heures du matin.
4. L'obligation de chaque Associé de cette section est
d'adorer le T.-S. Sacrement une heure par mois pendant
la nuit. L'adoration ne pouvant avoir lieu à l'église, cha-
que Associé la fait chez soi.

6. Il y a pour chaque nuit une série de douze person-


nes, qui ont à leur tête une Zélatrice chargée de soutenir
leur zèle , et de s'assurer de leur exactitude à faire leur
heure d'adoration .
7. Les Zélatrices sont soumises à une Directrice qui cor-
raspond directement avec elles, tient un registre de tous
les membres de la section et de leurs divisions par séries,
veille à ce que toutes les listes soient complètes pour
chaque heure de la nuit, et travaille avec persévérance
au développement de l'OEuvre.
299
III. Adoration Diurne.
8. L'Adoration Diurne a lieu de 8 heures du matin à 8
heures du soir.
9. Les Associés de cette section font l'adoration une
fois par semaine, à une heure fixe et à un jour déterminé,
dans quelque église que se soit, ou chez eux quand ils ne
peuvent aller à l'église.

12. Chaque série de personnes composant un jour est


présidée par une Zélatrice qui veille à l'exécution du Rè-
glement.
13. Les Zélatrices ont à leur tête une Directrice .....

IV. Adoration Solennelle.


15. L'Adoration Solennelle est celle qui se fait devant
le T.-S. Sacrement exposé.
46. Le sanctuaire de cette adoration est la Chapelle de
N.-D. de la Salette .....
47. Pour être reçu Membre de cette section, il faut ap-
partenir déjà à l'une des deux autres.....

21. Les personnes qui s'engagent à prendre part à l'A-


doration à une heure fixe et déterminée, ont à leur tête
pour chaque heure une Zélatrice ou Chef d'heure.
22. Les Chefs d'heure veillent avec un soin particulier
à ce qu'à chaque Exposition les deux prie-Dieu dù sanc-
tuaire soient constamment occupés depuis 8 heures du
matin jusqu'à l'exercice du soir.....
23. Les Chefs d'heure sont soumises à une Direc-
trice.....
300
V. Administration de l'Euvre.
24. L'œuvre est administrée par un conseil composé
d'un Directeur ecclésiastique nommé par Mgr l'Evêque
de Grenoble, d'une Présidente, d'une Secrétaire et des
Directrices des trois sections.
25. Le Directeur nommé par l'Autorité ecclésiastique
est le R. P. Supérieur des Missionnaires de N.-D. de la
Salette......

34. Les Zélatrices des trois sections sont convoquées
en réunions générales au moins trois fois par année.
VI. Complément de l'Œuvre.
32. L'œuvre de l'Adoration Perpétuelle à Grenoble a
son couronnement par une section spéciale où les hom-
mes seuls sont admis. Les Associés passent la nuit au
sanctuaire de l'œuvre, quand le S. Sacrement y est ex-
posé, et complètent ainsi l'Adoration Solennelle du jour
par l'Adoration Solennelle de la nuit.
33. Cette Association d'hommes à un conseil particu-
lier, un règlement spécial, et des indulgences très-pré-
cieuses qui lui ont été concédées par Sa Sainteté Pie IX ,
par un Bref du 14 juin 1864.
(Suit le Catalogue des Indulgences.)

IV.
EXERCICE DU CHEMIN DE CROIX.

Il y a quelque chose de saisissant dans ce qu'on


nous raconte des premiers temps qui suivirent
l'Apparition . Immédiatement, ce mystère de dou-
301
leur porta son fruit dans les âmes simples et les
cœurs droits. La première personne qui entendit
les deux enfants , le jour même de l'Apparition ,
faire le récit de ce qu'ils avaient vu , se mit à
pleurer abondamment. Huit jours après, le petit
garçon fut pressé de faire faire une croix à son
père qui était ouvrier , et de la porter un jour
triomphalement , avec quelques-uns de ses amis,
pour la placer au lieu même d'où la sainte Vierge
était remontée au ciel . Mais ce qu'il y a de plus
remarquable, c'est la pensée qu'avaient, dans le
même temps, les bons habitants de la Salette , de
convertir en Calvaire les lieux parcourus par la
Mère de douleurs. Ils chargèrent d'abord l'un
d'eux , plus habile ou plus accoutumé à ces sortes
d'ouvrages , de faire douze croix ' . Nous pourrions
nommer le brave homme qui travailla plus d'un
mois pour répondre aux vœux de ses dévots con-
citoyens. Enfin, les croix furent achevées dans
les derniers jours du printemps de 1847, et ce fut
le 24 juin , que les plus intrépides , 150 de ces bra-
ves gens , pleins d'ardeur , gravirent, chargés de
leurs croix , priant, chantant des psaumes et des
hymnes, les rampes alors si abruptes de la mon-
tagne bénie. Le digne Curé de la Salette s'était

Ily en avait déjà deux sur les lieux de l'Apparition,


l'une à l'endroit même où la Sainte Vierge avait parlé
aux enfants, l'autre sur le point culminant où Elle avait
disparu.
302
joint à eux , entraîné lui aussi par cette même foi
simple et spontanée qui vient de Dieu , et dont
les œuvres obscures d'abord , et sans portée en
apparence , sont plus tard une des preuves sur
lesquelles s'appuie l'Eglise pour porter ses su-
prêmes décisions ; mais le vénéré Pasteur , dont
la prudence sacerdotale égalait la piété , avait eu
soin de ne porter avec lui aucun insigne de son
ministère . Il faisait son pèlerinage comme le plus
humble de ses paroissiens . Ils arrivèrent , enfin ,
sur les lieux que la divine Mère a visités , et là,
avec joie, avec reconnaissance , avec larmes , avec
ces sentiments variés que fait naître , dans une
foule , un même événement surnaturel , suivant
les dispositions et les besoins des âmes , ils plan-
tèrent les 12 croix . Ces croix furent témoins , dès
ce moment , de nombreuses prières ; mais aussi ,
pour l'honneur qu'elles avaient reçues , elles du-
rent subir, de la part des dévots Pèlerins, plus
d'une pieuse injure . Bientôt mutilées , il fallut
les remplacer , et celles que l'on voit aujourd'hui
n'ont pas succédé aux premières .
L'exercice du Chemin de la Croix est l'exercice
favori des pieux Pèlerins , venus de près ou de
loin. Il n'en est peut-être pas un qui ne le fasse , et
il n'y a point d'heure dans la journée qui ne voie
quelques-uns de ces dévots Enfants de N.-D. Ré-
conciliatrice agenouillés sur le sentier que la di-
vine Mère a parcouru . Plusieurs même, une fois à
genoux devant la statue qui est sur la Fontaine
303
miraculeuse , ne se relèvent plus , et se traînent ,
dans cette position pénible , d'une station à l'au-
tre, jusqu'à la dernière. Quand une des paroisses
voisines visite en procession la sainte Montagne ,
à un moment donné , le digne Pasteur qui la di-
rige convoque ses bons paroissiens , et alors le
pieux exercice prend un caractère singulièrement
touchant. Que de larmes d'attendrissement ont
fait verser aux pieux visiteurs venus des grandes
villes , ces religieux enfants de nos montagnes , si
simples dans leur foi , et pour cela même si bons
chrétiens!... Le Chemin de la Croix est fait solen-
nellement tous les vendredis , après les vêpres ,
à 2 heures et demie, par les deux communautés
des Missionnaires et des Religieuses auxquels se
joignent toutes les personnes qui se trouvent au
Sanctuaire . On part de l'Eglise. Au pied de l'au-
tel , l'officiant chante d'abord l'O Crux , Ave, et l'on
entonne ensuite le Stabat Mater, dont tous les
fidèles poursuivent le chant en se rendant aux
lieux de l'Apparition . Là , commencent les prières
et les considérations ordinaires . Nous en donne-
rons la suite ci -après .
Mais si l'on veut être témoin du triomphe du
Chemin de la Croix à la Salette, il faut s'y trou-
ver dans la nuit du 18 au 19 septembre de chaque
année. Nous allons laisser ici la parole à un des
nombreux Pèlerins de notre Mère :
« A dix heures du soir , la cloche est mise en
» branle pour préluder à cet exercice. La croix
304
» sort processionnellement de l'église . Les Pères
» de la Salette sont en habits de chœur ; un pré-
» dicateur choisi préside la cérémonie. La multi-
> tude aux rangs serrés s'ébranle , se déploie, se
» dispose lentement sur deux colonnes et , le
cierge à la main , s'avance dans le recueillement
⚫ le plus profond , vers les croix blanches éclairées
» chacune par une pâle lumière. On parcourt les
» 14 stations érigées sur toute la route sinueuse
» tracée par les pas de la sainte Vierge sur la
pente rapide qui sépare la fontaine de la cha-
» pelle de l'Assomption . Les pèlerins sont de-
bout sur les deux flancs de la colline . La pieuse
» harmonie des chœurs , les chants de O crux,
» Ave..., les prières auxquelles répondent toutes
> les bouches et qui remplissent toutes les vallées
» de leurs accents divins , l'heure avancée de la
nuit , les lumières vacillantes des cierges pro-
jetées sur cette multitude immense qui ondoie
» comme les flots d'une grande mer, et surtout,
» à chaque station , les exhortations pathétiques
» de l'orateur sacré, saisissent irrésistiblement
> l'imagination , l'esprit et le cœur, ravivent au
fond de l'âme la foi languissante, et rendent
⚫ sensible en ce lieu la présence de Dieu et de sa
> très-sainte Mère . Oh ! comme cette éloquence
» de la croix remue les cœurs dans ces mêmes
» lieux où la Mère de Jésus crucifié est apparue,
triste comme l'était son Fils au jardin des Oli-
» ves, laissant couler de grosses larmes , le front
» voilé par une amère affliction , tellement appe-
305
santi par la douleur qu'elle était comme obligée
de le reposer sur ses deux mains, et portant sur
» sa poitrine la croix du Calvaire avec les instru-
ments du supplice ¹ .
Et vous, pieux Enfant de la Mère des douleurs ,
prenez ici la résolution d'aimer et de faire sou-
vent le saint Exercice du Chemin de la Croix . Au-
trefois , dans sa vie mortelle, Marie en donna
l'exemple aux premiers chrétiens ; ici elle l'a ins-
piré à ses premiers enfants. N'oubliez pas que
rien n'est plus salutaire à l'âme que la pensée
fréquente de la Passion, dit S. Augustin² , et que
l'exercice du Chemin de la Croix est, suivant le
grand pape Benoît XIV, le moyen le plus efficace
pour convertir les pécheurs, pour rendre les tiè-
des fervents , et pour sanctifier de plus en plus
les justes ³.

CHEMIN DE LA CROIX.

Prière devant la Statue , à la source mira-


culeuse.

Je vous salue , Marie , pleine de douleurs , Jé-


sus crucifié est avec vous, vous êtes digne de

M. l'abbé Vial, Mémorial catholique (d'Orléans) octo-


bre 1856. -2 Nihil tam salutiferum quam quotidie cogi-
tare quanta pro nobis pertulit Deus-Homo. ( S. Aug.) -
3 Bref Cum tanta , 30 août 1741. Ap. Pallard, Recueil de
prières, etc. , p. 89.
306
compassion entre toutes les femmes, et digne de
compassion est Jésus , le fruit de vos entrailles .
Sainte Marie, Mère de Jésus crucitié , obtenez-
nous des larmes à nous qui avons crucifié votre
Fils, maintenant et à l'heure de notre mort. Ainsi
soit-il. - ( Indulgence de 100 jours . -- Pie IX,
23 décembre 1847.)
Avant chaque station :
. Adoramus te , Christe , et benedicimus tibi.
R. Quia per Crucem tuam redemisti mundum .

1re STATION.

Jésus est condamné à mort.


Cette condamnation cruelle est renouvelée en-
core tous les jours, par tous les pécheurs de la
terre.... Hélas ! ne suis -je pas du nombre de ces
malheureux ? J'ai réellement et efficacement de-
mandé la mort de mon Dieu , toutes les fois que
j'ai commis le péché morte .... Et voilà la cause
des abondantes larmes de notre Mère , dans sa cé-
leste Apparition .
O Jésus ! votre charité est éternelle , et votre
cœur est toujours ouvert pour répandre sur nous
ses miséricordes : daignez me donner la contrition
dont j'ai besoin . Et vous, Mère d'amour, ayez
pitié de votre enfant prodigue , et obtenez- moiles
larmes d'une sincère pénitence pour pleurer, avec
yous , tos mes péchés .
Notre Père. ― Je vous salue, Marie. -- Gloire P
307
au Père. Ayez pitié de nous, Seigneur. Ayez
pitié de nous .
Que par la miséricorde de Dieu , les âmes des
fidèles trépassés reposent en paix.
Une strophe du Stabat. ― Ces prières se disent
après chaque station.

2º STATION.

Jésus est chargé de sa croix.


La Croix est lourde et douloureuse ; mais la
multitude de mes iniquités pèse sur le cœur de
Jésus d'un poids mille fois plus douloureux et
plus insupportable. C'est le même poids de mes
crimes qui appesantit son bras ; c'est la pensée
affligeante de mes ingratitudes qui oppressait ici
le cœur de ma tendre Mère.
O Jésus ! Roi de miséricorde , supportez -moi
encore un peu de temps pour que je puisse , avec
votre secours , réparer les injustices de ma vie.
O Cœur de la plus compatissante des Mères , sou-
tenez toujours le bras de Jésus irrité, et obtenez
pour votre enfant coupable le temps de faire pé-
nitence.
3 STATION.
Jésus tombe une 1re fois.

Jésus tombe .... Sa face adorable est dans la


poussière, et la poussière se mêle au sang qui
308
coule des plaies de la couronne d'épines ... Il se
relève méconnaissable. C'est l'état dans lequel le
réduit encore en quelque sorte l'horrible péché
de blasphème dont se plaint si douloureusement
notre Mère... Ne l'ai-je pas commis ?... N'en ai -je
pas été témoin , sans frémir et sans me donner
aucune peine pour réparer l'injure qu'il fait à la
gloire de Dieu ?
O Jésus ! Roi de gloire éternelle ! soyez loué
par les anges du ciel et par toute l'église de la
terre, en réparation de tant d'outrages ! O Mère !
ces outrages font saigner votre cœur et couler vos
larmes ; que toute ma vie devienne une louange
perpétuelle de Jésus , par ma fidélité à ses divins
commandements .

4 STATION .

Jésus rencontre sa sainte Mère.

Jésus et Marie sont en présence l'un de l'autre;


mais dans quel état et sur quel chemin ! Qui
pourra peindre l'excès de leur douleur ?.. Hélas !
dans ces derniers temps , il s'est fait, au ciel , une
autre rencontre de Jésus et de sa sainte Mère .
Marie s'est présentée à son Fils, non plus souffrant
pour nous , mais irrité contre nous par la multi-
tude de nos péchés ..., et la douleur de cette ten-
dre Mère était grande et extrême comme sur le
chemin du Calvaire.
O Jésus souvenez-vous de la Voie doulou-
309
reuse, et des angoisses de votre Mère en ce jour
de votre Passion, et par amour pour cette Vierge
Immaculée , ayez pitié de nous . Et vous , Mère
incomparable, ne cessez de vous présenter à votre
Fils et de prier pour vos pauvres enfants.
5 STATION.
Jésus est aidé par Simon le Cyrénéen .
Ce ne fut que par force que Simon de Cyrène
porta la croix de Jésus. Or ce très-doux Sauveur
a dit : Si quelqu'un veut venir après moi , qu'il
porte sa croix et qu'il me suive , » non par néces-
sité mais avec amour, non avec tristesse mais
avec courage... La croix à porter, c'est d'abord
et surtout le châtiment dû au péché, ce sont les
souffrances de l'âme et du corps , ce sont les
malheurs publics et privés . Notre Mère est venue
nous le rappeler ici .
O Jésus ! que votre volonté miséricordieuse
s'accomplisse ! J'accepte tout ; mais que l'épreuve
et le châtiment me viennent de votre cœur, non de
votre juste colère. Et vous , Marie , ô divine Conso-
latrice , obtenez -moi de supporter avec foi et même
avec reconnaissance toutes les peines de la vie.
6 STATION.
Une femme pieuse essuie la face de Jésus .
Cette femme est notre modèle . Quel dévoue-
ment ! quel courage ! quelle intrépidité ! …….. Ah !
310
désormais, que la plus grande gloire de Jésus ,
son honneur devant les hommes, ses divins inté-
rêts soient l'objet principal de notre zèle , de nos
travaux et de nos sacrifices . C'est ainsi que nous
ferons connaitre aux hommes ses amabilités et
ses charmes adorables , que nous consolerons
sa Mère , et que nous tarirons la source de ses
larmes.
O Jésus ! la splendeur et la beauté des cieux ,
donnez-moi, avec la grâce d'une parfaite conver-
sion , le zèle de votre gloire ; ô Marie, ô ravissante
Mère, donnez-moi l'ineffable joie de pouvoir, par
une vie sainte , répondre à votre amour pour moi
et consoler votre coeur affligé .

7 STATION.

Jésus tombe une 2º fois.

Jésus retombe ... Ce doux Sauveur me rappelle


ici mes rechutes. Què de fois , en effet, je lui ai juré
un amour que j'appelais éternel ! Hélas ! un peu
après, tout était oublié , et je préférais de nouveau
le péché à l'amour de son cœur , et je renouvelais ,
sans honte, les douleurs de ma tendre Mère , et de
nouveau je la faisais pleurer ...
O Jésus ! de grâce , que votre miséricorde soit
toujours plus abondante que mes iniquités ! je les
déteste, je les déplore amèrement , à vos pieds .
O Marie , soutenez- moi toujours de votre main
311
puissante sur l'abîme épouvantable de ma corrup-
tion et de ma misère.

8 STATION.

Jésus rencontre les femmes de Jérusalem .

Jésus leur dit : « Ne pleurez pas sur moi , mais


sur vous et sur vos enfants ; » car de grands mal-
heurs vous menacent. La passion de Jésus et la
compassion de Marie , et les larmes de cette Mère
bien-aimée sur cette montagne, nous touchent et
nous portent à pleurer ; mais que ces larmes soient
versées sur nos péchés pour les laver, et sur les
péchés du monde pour fléchir la divine colère .
La contrition , la pénitence, voilà le remède à tous
nos maux.
O Jésus faites-moi comprendre le grand en-
seignement que vous donnez à ces pieuses fem-
mes. O Marie ! ô Dispensatrice des grâces ! daignez
communiquer à votre pauvre enfant l'esprit de
pénitence , et répandez-le sur toute la face de la
terre pour la renouveler.

9e STATION.
Jésus tombe une 3 fois.
La divine face de Jésus est encore dans la pous-
sière.... Pourquoi cette troisième chute ? Jésus
véut expier l'obstination des pécheurs dans le
312
mal. O mystère ! c'est ce secret de la malice des
hommes que révélait ici notre Mère : Si mon
Peuple NE VEUT PAS se soumettre..., et c'est cette
pensée qui tirait de son cœur cette plainte : De-
puis le temps que je souffre pour vous !
O Jésus ! Charité éternelle ! n'abandonnez pas
les infortunés pécheurs. Multipliez , multipliez
vos miséricordes ; nous sommes l'œuvre de vos
mains et le prix de tout votre sang .... O Mère !
O toute-puissante Suppliante ! ô parfaite Répara-
trice ! ô divine Réconciliatrice ! ne cessez de
prier, de supplier , d'intercéder pour nous .

10 STATION .

Jésus est dépouillé de ses vêtements et abreuvé


de fiel.

Jésus dépouillé ! .... Jésus abreuvé de fiel ! O


vanités , parures mondaines , sensualités , immo-
desties , gourmandises , violation volontaire du
jeûne et de l'abstinence, immortifications de toute
espèce, voilà votre œuvre ! Voyez la honte du di-
vin Agneau et le supplice qu'il endure ..... Ici ,
notre divine Mère, ne vous a pas moins condam-
nées et flétries , par ses paroles , par son austère
vêtement , par sa douleur et par ses larmes.
O Jésus ! Roi de la pureté ! brûlez , coupez ! ...
mortifiez , purifiez mon cœur et mes sens. Que
dans mon âme et dans mon corps , la mortifica-
tion soit la garde de l'innocence ..... Et vous,
313
Reine des cœurs purs ! Vierge sans égale ! couvrez-
moi de votre protection . Je veux vous ressem-
bler, je veux être à tout prix un enfant qui porte
vos traits .
11 STATION.
7
Jésus est crucifié.

Ses deux mains , ses deux pieds sont percés et


cloués à la croix ; sa tête porte la couronne d'é-
pines, tout son corps est couvert de plaies , et c'est
pour moi qu'il s'est réduit à cette extrémité . C'est
son amour pour mon salut qui l'a poussé à un tel
excès de souffrances .... En même temps, Marie
est devant Lui , debout ; sa douleur n'a point de
nom dans la langue des hommes , et, par amour
pour nous, Elle consent à la mort de son Fils.
O Jésus crucifié ! je suis à vous sans retour , je
veux crucifier ma chair avec ses vices , je vous
livre mon âme avec toutes ses puissances ..... O
Marie en vérité, nous aurons beau prier, beau
faire, jamais nous ne pourrons récompenser la
peine que vous avez prise pour nous ; mais ren-
dez efficace mon désir de vous rendre amour pour
amour.
12 STATION.

Jésus meurt sur la croix.

Jésus meurt ..... Son cœur est ouvert par la


lance ; son testament nous est connu l'Eucha-
18
314
ristie nous a été donnée et Marie est devenue notre
Mère. - Le sacrifice est consommé ; mais Jésus a
trouvé, dans les ressources de son amour tout-
puissant, le secret de le perpétuer jusqu'à la fin
des siècles, et celle qu'il nous a donnée pour Mère ,
est venue ici nous montrer que ce n'est pas en
vain qu'Elle en porte le nom.
O Jésus ! donnez-moi de comprendre et l'excel-
lence du saint Sacrifice de la messe, et le respect
que mérite le jour où vous nous faites une obli-
gation d'y assister . Eclairez les malheureux vio-
lateurs du saint jour de Dimanche ; ils ne savent
pas de quels biens ils se privent..... Et vous , ô
Marie, ô notre véritable Mère , ô notre Reine , Ô
divine Messagère de Jésus ! que votre peuple
entende votre voix , et que ce doux Sauveur règne
sur toutes les âmes rachetées ,

13 STATION .

Jésus est déposé de la croix et remis à sa


Mère.

Jésus déposé de la croix repose dans les bras de


sa Mère... Quel spectacle touchant ! quel mystère
de douleur et d'amour ! Le corps adorable ne pou-
vait être mieux placé : Jésus et Marie ne font
qu'un... Ni la vie, ni la mort, ni le temps, ni l'é-
ternité ne peuvent briser cette union ineffable .
N'est- ce pas l'enseignement que cette tendre Mère
315
nous donne, en son Apparition , quand Elle porte
sur son cœur l'image de Jésus crucifié?
O Jésus ! unissez-moi pour toujours à Marie,
c'est alors que mon union à Vous sera parfaite ;
car c'est par Elle seule que vous vous donnez à
vos Elus, et c'est en Elle que cette union sublime
s'accomplit... Et vous , ô union des âmes , ô Marie,
Mère de Jésus , unissez-moi, dans votre cœur, à
ce Roi adorable , votre seul amour et mon seul
amour.
14° STATION.

Jésus est déposé dans le tombeau.


Le tombeau, voilà le terme de toute vie humaine!
Cette pensée afflige la nature ; mais notre foi nous
montre le ciel qui s'ouvre , le jour même de la
mort, devant l'âme chrétienne qui a suivi Jésus jus-
qu'au Calvaire ; et la Résurrection de ce très-doux
Sauveur est le gage assuré de la nôtre à la fin
des temps . Marie apparaissant toute resplendis-
sante de la lumière des corps ressuscités , et mon-
tant au ciel, ici même, vers cette croix , vient con-
firmer notre consolante espérance .
O Jésust mon vivant Rédempteur ! je sais que
je ressusciterai au dernier jour , et maintenant
j'espère votre grâce en ce monde et votre gloire
en l'autre. O Marie , ma vie , ma douceur , mon
espérance ! Vous recevrez à mon heure der-
nière , je l'espère de votre miséricorde , l'âme de
316
votre cher enfant dans vos bras maternels. Ainsi
soit-il.
Après le Chemin de la Croix , on chante au pied
de l'autel :
Parce, Domine , parce populo tuo ; ne in æter-
num irascaris nobis (trois fois).
ŷ Pie Jesu , Domine , dona eis requiem
Sempiternar .
Un chantre dit : Jube, domne , benedicere .
L'officiant se lève et chante sur le ton des
leçons :
Benedicat nos Dominus noster Jesus Christus
qui pro nobis flagellatus est, crucem portavit et
fuit crucifixus . - R. Amen .
L'officiant donne la bénédiction avec la croix.
-- Avant de se retirer, il récite le Sub tuum à
haute voix .
V.

LA VISITE AUX SAINTS LIEUX DE L'APPARITION.

L'expérience a montré , depuis 17 ans , que la


visite aux saints lieux de l'Apparition est une
source abondante de grâces. Combien d'âmes qui
ont trouvé là la consolation dans leurs peines , la
lumière dans leurs doutes, la paix après le trouble,
la douce confiance depuis longtemps perdue ,
l'énergie et la force pour l'accomplissement du
devoir, la ferveur et un renouvellement de sé-
317
rieuse et bonne volonté pour le salut après plu-
sieurs années d'une vie tiède ...
C'est ici que la divine Marie s'est assise ..... ;
c'est là qu'Elle a parlé aux enfants ... . . . . ; ces 14
croix indiquent le sentier qu'Elle a parcouru et
arrosé de ses larmes....; la place qu'occupe l'autel
de la petite Chapelle est le lieu même de son As-
somption.... Rien qu'à dire ces choses , le cœur
s'émeut et les larmes viennent aux yeux.... Mais.
n'a-t-Elle pas laissé un souvenir de son passage ?
Le voici c'est cette source ; elle était auparavant
desséchée, et maintenant elle ne tarit plus . C'est
par l'usage de son eau bénie , que la plupart des
miracles ont été obtenus ; mais que de graves ré-
flexions elle fait naître ! desséchée avant la visite
de l'auguste Marie , et maintenant intarissable !
desséchée d'abord : Voilà l'état de mon âme avant
que Dieu la visitât ; hélas ! voilà mon âme , même
après les visites multipliées de mon Dieu…… .. In-
tarissable ensuite ; c'est ce que je dois être en cha-
rité et en toutes sortes d'œuvres surnaturelles,
après mon Pèlerinage , après que moi aussi
j'aurai senti la douce présence de Marie ....
Pieux Pèlerin, laissez aller votre âme à toutes
les saintes impressions que ces lieux feront naître
en vous ! Vous ne pouvez pas comprendre d'a-
vance combien sont précieux les moments que
vous allez passer ici , aux pieds de votre Mère ,
sous ses regards si doux et si près de son cœur .
Quand le temps ne vous permettra pas de descen-
18.
318
dre aux lieux mêmes de l'Apparition , allez vous
recueillir dans le petit oratoire de l'Assomption ,
ou bien dans l'église devant la statue de N.-D. de
la Salette ; mais tout le monde assure qu'on res-
sent sur les lieux bénis que notre Mère a visités ,
une impression particulière qui remplit l'âme de
paix et de confiance . Il en sort comme une vertu
qui commence déjà à nous donner le bien que
nous venons solliciter.
Dans les sanctuaires où se trouve érigée l'Archi-
confrérie de N.-D. Réconciliatrice , on fera cet
exercice à l'autel même de l'Archiconfrérie , et
dans les paroisses ou communautés où la dévo-
tion à la sainte Apparition n'est pas encore pu-
blique, les pieux fidèles sont invités à faire la vi-
site à l'autel de la très- sainte Vierge .
Nous indiquons ici quelques actes qui pourront
être utiles aux personnes qui ne connaîtraient pas
encore cette pratique . Toutes les heures sont
bonnes pour cette dévotion , mais celle de l'AP-
parition de notre Mère est peut-être la meilleure .
( De 2 à 3 heures de l'après-midi . )

I. Contemplation .

Contemplez notre auguste Mère , assise près de


la Source miraculeuse, ou debout au lieu de la
conversation ; mais ne voyez qu'Elle . Soyez bien
seul avec celte Mère de miséricorde , comme si
Elle apparaissait de nouveau pour vous seul ,
319
dans les mêmes circonstances qui accompagnèrent
son Apparition aux petits enfants de la Salette :
avec ses larmes abondantes , le crucifix qu'elle
porte sur son sein , son costume humble et sim-
ple, la lumière qui l'environne, etc. Fixez amou-
reusement votre esprit et votre cœur dans cette
douce contemplation .

II. Action de grâces .


Remerciez cette Reine miséricordieuse de sa
sainte Apparition , au nom de toute l'Eglise, -
pour toutes les âmes , et particulièrement pour
celles qui ont reçu d'Elle quelque grâce spéciale,
-- enfin pour vous. Insistez sur cet acte. La re-
connaissance est si rare , et elle est la source de
tant de biens ! Notre auguste Mère nous y invite
Elle-même à deux reprises dans son touchant
discours , une première fois en se plaignant de
notre indifférence et de notre ingratitude , une
seconde fois en nous recommandant directement
cette sainte disposition .

III. Congratulation .
Félicitez Marie, comme un enfant le ferait pour
sa mère, de l'amour qu'un grand nombre d'âmes
lui ont voué, de leur reconnaissance , de leur zèle ;
-de ce qu'Elle est honorée partout, sur toute la
terre , par des exercices publics , par des prédica-
tions remplies du zèle de sa gloire , par l'érection'
320
de statues et la construction de sanctuaires qui
lui sont dédiés , etc. , etc. Rappelez , avec joie , à
son cœur de Mère , la multitude des conversions
qui ont eu lieu à l'occasion de sa sainte Appari-
tion , et les grâces sans nombre reçues sur la
sainte Montagné et ailleurs, par son intercession ,
et louez-la de ce qu'Elle règne ainsi sur les âmes,
dans l'empire de Jésus.

IV. Compassion.

Mais ensuite compatissez à sa douleur, consi-


dérant que son amour et l'amour de son divin
Fils sont méconnus d'un grand nombre d'autres
âmes qui ne font aucun cas de ses larmes , de ses
inquiétudes maternelles , de ses plaintes et de ses
menaces, et qui continuent, par leurs crimes ou
leur coupable indifférence , à provoquer la colère
du Dieu tout-puissant. Pleurez avec Elle. Entrez
dans les sentiments de son cœur affligé . Faites-
lui avec l'amour d'un cœur d'enfant, cette prière
de l'Eglise Ah ! Mère, tendre Mère, source d'a-
mour, faites-moi sentir la violence de vos dou-
leurs , afin que je mêle amoureusement mes lar-
mes aux vôtres. Eia Mater, fons amoris, me sen-
tire vim doloris fac, ut tecum lugeam. Et par-
ce qu'en effet, vos propres péchés , vos résistances
à la grâce , vos négligences ont été aussi pour
cette tendre Mère une source de larmes , faites
ici un retour sur vous , et excitez-vous à une vive
contrition .
321

V. Demande.

Demandez ensuite , demandez avec instance,


d'une manière bien pressante, bien filiale , bien
confiante, l'intelligence , - l'amour, --- et la pra-
tique des enseignements de la sainte Apparition ,
pour vous d'abord , - puis pour toute la sainte
Eglise, pour le Clergé dont Elle est la Reine, pour
les Ordres religieux , pour les Séminaires , pour
tous les justes et tous les pécheurs. Demandez ,
pressez . C'est la cause de Dieu, de Marie et des
âmes . N'oubliez pas que vous devez prier avec
une ferveur qui réponde en quelque sorte à d'aussi
grands intérêts . Multipliez particulièrement cette
invocation si chère aux Enfants de Marie , dans
notre siècle Adveniat regnum tuum , o Maria !
Que votre règne arrive, le règne annoncé par les
Saints, le règne qui donnera tant de paix à l'E-
glise, tant de joie à vos enfants , tant de gloire
à Dieu . Que votre Peuple reçoive la bonne nou-
velle de votre apparition, et QU'IL SE SOUMETTE à
Jésus et à vous , à vous pour Jésus , à Jésus par
vous : Subditus fiat omnis mundus Deo (Rom. 3.
19) et Maria !

VI. Oblation.
Offrez-vous avec humilité et comme un enfant'
d'amour à sa tendre Mère , pour devenir, suivant
la mesure de votre influence , de votre grâce, de
322
vos forces , le missionnaire de sa sainte Appari-
tion, de ses larmes et de ses enseignements ma-
ternels. Promettez à cette Mère si digne , de tout
notre dévoûment et de tous nos sacrifices , de la
faire connaître et aimer, et de faire pratiquer, au
moins dans votre famille, ses célestes recomman-
dations : la prière , la sanctification du dimanche,
l'horreur du blasphème , l'observation de l'absti-
nence et du jeûne , etc. L'oblation peut avoir un
autre but plus élevé encore que celui que nous
venons d'indiquer ; mais nous laissons aux âmes
ferventes qui ont compris ce que nous avons dit
de l'Esprit propre de la dévotion à N.-D. Récon-
ciliatrice 1 le soin d'y tendre , si la grâce les y
incline.
VII. Prières d'expiation.

Avant de vous retirer, récitez en esprit de ré-


paration et d'expiation quelques-unes des prières
qui vous paraissent le plus propres à nourrir votre
piété les Litanies, le Stabat, l'Ave Maria dolori-
bus plena, quelques-unes de celles qui se trou-
vent plus bas dans cette troisième partie , - ου
toute autre qui réponde aux sentiments dont vo-
tre âme est remplie en ce moment. Ensuite ,
retirez-vous en silence , et pratiquez après cet
exercice les conseils que donnent les Saints ,
pour ne pas perdre les fruits de l'oraison en gé-

1 Are Partie, ch. 4 , n. 3.


323
néral. Evitez la dissipation , emportez avec vous
la bonne odeur de la présence de Marie , revenez
plus tard sur les bonnes pensées que vous avez
Ques , et faites fructifier le plus tôt possible les
grâces dont vous avez été l'objet.

VI.

DES NEUVAINES EN GÉNÉRAL, ET DE LA NEUVAINE


PRÉPARATOIRE AU 19 DE CHAQUE MOIS .

On appelle Neuvaine une suite d'exercices et


d'œuvres de piété pratiqués durant neuf jours,
à l'intention d'honorer Notre-Seigneur, la sainte
Vierge ou un saint, et d'obtenir par ce moyen
quelque grâce particulière .
Les neuvaines sont tout à fait conformes à
l'esprit de la sainte Eglise ; elle en a enrichi un
grand nombre de précieuses indulgences ' , et tout
le monde sait que c'est ordinairement dans le
cours ou à la fin de ces pieux exercices que les
plus grandes faveurs ont été obtenues.
Cette manière d'honorer N.-D. Réconciliatrice,
et de solliciter de son cœur miséricordieux quel-
qu'une de ses bénédictions , est peut-être la plus
habituelle de toutes les pratiques de dévotion en
usage sur la sainte Montagne , et chaque jour , les

Voir M. l'abbé Pallard , Recueil de prières , etc. , p. 287


et 320. Le nombre 40 est aussi consacré par la prati-
que de l'Eglise : 40 jours de jeûne et de prières , prières
des 40 heures, etc.
324
nombreuses lettres qui nous arrivent de tous les
pays , sont remplies de nouvelles demandes de
neuvaines de prières ou de messes ; de sorte
que l'on peut dire , si toutefois la ferveur inté-
rieure répond aux pratiques extérieures , que la
vie des Enfants de N.-D. Réconciliatrice répan-
dus dans tout le monde , est une vie de prière conti-
nuelle. Et, en vérité, n'est-ce pas là un des grands
caractères de l'Esprit de la céleste Apparition ,
notre auguste Mère nous ayant assuré qu'Elle
prie Elle-même sans cesse pour nous ?
Les pratiques que chacun peut faire pendant la
neuvaine sont très-variées , et dépendent de l'at-
trait particulier de la grâce , de l'objet de la neu-
vaine , etc. Nous en indiquons ici quelques - unes
qui seront très-utiles à tout le monde :
1 Faire chaque jour au moins une demi - heure
de méditation sur l'Apparition de la très- sainte
Vierge. - Choisir dans cet exercice si important
les sujets qui conviennent le mieux aux besoins
de notre âme. (Voir les divers sujets qui sont
traités dans la deuxième partie de l'ouvrage. )
Une méditation pourrait servir pour plusieurs
jours , ou bien fournir le sujet d'oraison à
plusieurs exercices d'un même jour.
2" Assister tous les jours à la sainte messe , au-
tant que possible.
3º Faire au moins deux visites devant quelque
image de la très-sainte vierge , et consacrer, si on
le peut, une de ces visites à faire les acles qui
325
sont indiqués dans le paragraphe précédent : Vi-
sile aux saints Lieux de l'Apparition . · Plu-
sieurs personnes ont la louable habitude de faire
brûler un cierge ou une lampe devant l'image de
Marie, pendant la neuvaine . - C'est dans l'une de
ces deux visites que l'on fait les prières que l'on
s'est imposées. Les plus usitées sont les Litanies
de la sainte Vierge , celles de N. -Dame de la Salette,
le Notre Père, le Je vous salue, Marie, avec l'in-
vocation N.-D. de la Salette, Réconciliatrice des
pécheurs, etc.
4 Faire chaque jour une lecture d'un quart
d'heure au moins , dans quelque livre qui traite
des gloires de la sainte Vierge ou de sa sainte
Apparition .
5º Jeûner un des jours de la neuvaine ou s'im-
poser quelque autre mortification extérieure , si
la santé le permet. - Faire une aumône aux pau-
vres ou pratiquer quelque autre œuvre de chari-
té, suivant sa condition et ses moyens.
6 Faire une bonne confession toute remplie
d'une véritable et profonde humilité , et de cet es-
prit de contrition qui est le grand enseignement
de notre Mère, à la Salette. Quel que soit l'objet de
notre neuvaine, appliquons-nous avant tout à pu-
rifier notre conscience et à nous renouveler dans
la ferveur. C'est l'infaillible moyen de nous ren-
dre Dieu et Marie favorables , suivant cette parole
de saint Jean : Si notre conscience ne nous re-
19
326
proche rien, nous avons conflance auprès de Dieu
d'être exaucés dans toutes nos demandes¹.
7° Enfin , faire une fervente communion , au
moins le dernier jour de la neuvaine . La sainte
Vierge révéla à une sainte âme , au rapport du
P. Crasset , qu'on ne pouvait rien lui présenter
de plus agréable que la sainte Communion . - Un
grand nombre de personnes font aussi offrir ce
jour-là le saint Sacrifice de la messe à leur in-
tention .
Comme on le voit , toutes ces pratiques sont
excellentes , mais encore une fois il n'est pas pré-
cisément nécessaire de s'en tenir à celles- là, et la
grande condition à laquelle le succès est promis ,
c'est la ferveur.
Outre les neuvaines particulières que chacun
fait, à son choix, suivant ses propres besoins et
ses intentions , nous recommandons aux person-
nes pieuses la neuvaine préparatoire au 19 de
chaque mois. Le but général est : 1º de se pré-
parer par la prière , la méditation et la pénitence,
à célébrér saintement le jour commémoratif de
l'Apparition de notre Mère ; 2° d'entrer toujours
plus avant dans l'intelligence , l'amour et la pra-
tique de ce touchant mystère'; et 3° d'obtenir au
plus tôt pour toutes les âmes les grâces que cette
Mère de miséricorde est venue nous apporter.

' I Joan. 3. 21. --2 Vérit. dévot. , p . 2, tr. 6 , pr. 6, ap.


S. Lig. Gloires de Marie, part . 5.
327
L'intention particulière , dans ce temps d'épreu-
ves, est de prier pour l'exaltation de la sainte
Eglise et la consolation de N. S. Père le Pape .
Les prières d'usage sont le Chemin de la Croix ,
les Litanies de N.-D. de la Salette , le Stabat,
le Pater et l'Ave , et une invocation pour le
S. Père .
En faisant cette neuvaine en l'honneur de N.-D.
des Sept - Douleurs ou du Patronage de la très-
sainte Vierge, dont l'office est celui qui a été dé-
signé par le Souverain Pontife, dans son rescrit
du 2 décembre 1852, pour célébrer la mémoire de
l'Apparition , on gagne chaque jour 300 jours
d'indulgence, et une indulgence plénière un des
jours de la neuvaine, pouvu qu'on remplisse les
conditions ordinaires de la confession et de la
communion ' .

VII.

LE MOIS DE N.-D. DE LA SALETTE.


+
Voici de tous les exercices publics , consacrés
au culte de N.-D. de la Salette, celui qui fera pé-
nétrer dans les âmes, avec plus d'efficacité , les
enseignements de cette miséricordieuse Mère.
Nous n'avons pas entendu dire qu'il soit en usage
ailleurs que sur la Sainte Montagne , et à Gre-
"
Pallard, op. citat. , p. 321.
328
noble dans la chapelle des Missionnaires ; mais
on peut tenir pour certain que partout où il sera
adopté, il portera les plus beaux fruits de grâce
et de salut. Nous l'avons dit précédemment, la
sainte Apparition n'est pas seulement un fait
qu'il faut confier à sa mémoire , c'est par-dessus
tout un aliment surnaturel dont nous devons
nourrir notre âme . Or , pour arriver à cette fin,
les retraites sont d'un puissant secours , mais
bien peu de personnes, surtout parmi le peuple,
ont le temps et les moyens de quitter leur fa-
mille et leur pays pour se retirer dans la solitude
et vaquer aux pratiques d'une retraite. Il reste
donc, pour le plus grand nombre , les exercices pu-
blics du mois de N.-D. de la Salette . Ces exer-
cices sont suivis à Grenoble avec une ferveur si
extraordinaire et par un nombre si considérable
de fidèles , que l'on pourrait croire avec vérité à
une action spéciale du cœur de notre miséricor-
dieuse Mère sur les âmes. -- Que tous les pieux
Directeurs des confréries affiliées voient donc ,
dans leur zèle et leur sagesse , par quel moyen
cette pratique si salutaire pourrait être intro-
duite dans les paroisses ou communautés qu'ils
dirigent. - Nous donnons ici la suite des exer-
cices qui sont en usage sur la sainte Montagne

Tout le monde sait que ce mois béni est le mois de


septembre qui fut celui de l'Apparition , en 1846, -- qui
fut aussi celui de la Médaille miraculeuse, en 1830.
329
et à Grenoble ; mais il est libre à chaque Directeur
d'en choisir d'autres, pour le plus grand bien des
personnes qui assisteraient à cette réunion . - On
commence ici par le Veni, Sancte Spiritus et l'on
récite le chapelet ; vient ensuite le chant d'un
cantique à N.-D. de la Salette, la lecture des Re-
commandations aux prières et l'instruction
dont le sujet est toujours l'Apparition de la T. - Ste
Vierge. L'Instruction est suivie de la Prière du
soir ; enfin l'exercice se termine, du moins plu-
sieurs fois la semaine , par la Bénédiction du
T.-St Sacrement.
S'il paraissait difficile de prêcher chaque soir
sur l'Apparition , on pourrait faire la lecture
d'un des nombreux ouvrages qui ont été com-
posés sur ce sujet. Quelques - uns ne le considèrent
qu'au point de vue pratique , et ceux-là sont cer-
tainement les meilleurs pour l'exercice dont nous
parlons. Nous signalons particulièrement : le
Mystère de la Salette, de M. Ed . Barthe , chan . de
Rodez ; Les Enseignements de la Reine du Ciel,
de M. l'abbé Hillaire, du diocèse d'Angers ; un
ouvrage de M. Viard , missionnaire apostolique de
Langres, intitulé : Pardon ! Miséricorde ! ou Cri de
repentir à la voix de N.-D. de la Saletie ; le Ma-
nuel de la dévotion ù N.-D. Réconciliatrice de
la Salette, par M. Doyen , curé de Gonrieux (Na-
mur) ; la Salette Réparatrice, par M. Vuillet , an-

Voyez paragraphe 2 de cette 3º partie.


330
cien capitaine en retraite (de si pieuse mémoire) ; I
et quelques autres moins remarquables ¹ . p
Tous ces ouvrages seront très - utiles aux pieux
Directeurs. Que notre divine Mère , qui ne se laisse
jamais vaincre en générosité , qui rend au cen- C
tuple en biens spirituels ce qu'on fait pour Lui
plaire, daigne continuer d'inspirer, de soutenir et
de récompenser la piété, le dévouement, le zèle P
de tous nos vénérés Confrères !

VIII.

LA SAINTE MESSE ENTENDUE EN UNION AVEC


MARIE. t
t
I. De l'union à Marie, en général . - Le plus
beau fruit de notre dévotion à la sainte Appari-
tion , c'est l'union à Marie, la divine Médiatrice.
Le but final de toutes les œuvres divines, c'est
l'union de nos âmes à Dieu ; mais il a plu à ce

La plupart de ces ouvrages se trouvent au magasin


du sanctuaire sur la sainte Montagne . On peut les deman-
der par la poste. - Nous ne nommons pas celui que
nous publions aujourd'hui (bien qu'il ressemble, quant
aux sujets traités, à la plupart de ceux que nous venons
d'indiquer), parce que nous n'avonspas eu l'intention do
faire un Mois de N.-D. de la Salette. Il serait cependant
facile de trouver un certain nombre de lectures dans les
trois parties de l'ouvrage, qui pourraient servir, en at-
tendant mieux , aux exercices que nous recommandons.
331
Dieu de sagesse infinie que cette union ne se fît
pas sans intermédiaire ; et c'est pourquoi il s'est
réconcilié le monde dans son Fils , Jésus- Christ ' ,.
qui est notre unique Rédempteur et Médiateur2 :
c'est, en effet, dans le sang de Jésus-Christ , que
ceux qui étaient éloignés, dit saint Paul , ont été
rapprochés, et nous avons tous accès auprès du
Père dans un seul esprit³ . Mais voilà qu'à son tour
ce divin Sauveur a voulu attirer tout à lui ' par sa
divine Mère. Et dans ce dessein , il l'a établie Elle>
aussi Médiatrice entre lui et le monde : non point
Médiatrice de justice (c'était impossible, ce titre ne
peut convenir qu'au Rédempteur) , mais Média-
trice de grâce et d'intercession . Il a voulu que
toutes les bénédictions qu'il accorderait à la terre
fussent le fruit de cette médiation miséricor-
dieuse , et qu'ainsi le salut ne s'opérât efficace -
ment que par Elle 5 .
Mais qui ne voit, par cette doctrine qui est.

II Cor. 5. 18. 21 Tim. 2. 5. - 3 Eph. 2. 43 , 48.


Joan. 12. 32.
5 Sic communiter Patres et Theologi.- Consule Suarez
in 3. part. Thoma disp. 48, sect . 4 ; Contenson , Theol. men-
tis et cordis, lib. 40. dissert. 6 , c. 2 ; Seldmayr, Theol . Ma-
rian. part. 3, q. 2 a. 9. — Et apud Marracci , Polyanth.
Marian. vocib. Mediatrix , Mediatio , Salus, Vita, etc., etc.
innumera refer. testim. Patrum, Doctor. et Scriptor. Ec-
clesiastic. Regula est, ait Sedlmayr, part. 2, q. 7. a. 7,.
à SS. Patribus tradita et firmissimè tenenda : Nihil boni
in nos conferri quod non veniat ad nos per Mariam.
332
celle des S. Docteurs , les relations étroites qui
existent entre Marie et nous ? Elle est donc, dans
les desseins de Dieu , la Voie nécessaire qui nous
conduit au Ciel ' ; Elle en est l'Echelle mysté
rieuse qui nous y fait monter 2 ; Elle est la Porte
même de cette Patrie céleste , suivant la sainte
Liturgie . Les Pères se sont servis d'un terme
plus expressif encore : Ils ont appelé Marie le
Cou mystique de l'Eglise , et voici la comparai-`
son qui en résulte : De même que les membres du
corps ne correspondent avec la tête que par celui
d'entre eux qui lui est immédiatement uni , de
même toutes nos relations de Jésus-Christ à nous
et de nous à ce divin Chef ne s'opèrent que par
Marie, qui est véritablement le Cou mystique de
ce corps dont Jésus est la Tête adorable et dont
tous les fidèles sont les membres 5.
O consolante doctrine ! O délicieuse union ! ...
Union nécessaire , essentielle, naturelle, et par là
même, source de toute sorte de grâces pour tous

S. Bonav. in psalt. min. B. V. S. Liguori, Gloires de


Marie, c. 5, paragr. 1 et alibi. — 2 S. Laurent Justin. apud
Suarez in 3 Thom. disp. 18 sect. 4. 3 Hymnus Ave Ma-
ris Stella.- Litan. Lauret. - Et nonnulli Patres et Script.
Eccles. apud Marracci, var. vocib ; Scala, Porta, Via, etc.
- S. Hieronym . apud Contenson , op . sup . cit. lib. 10 .
diss. 6, c. 1.- S. Bernard, ut refert P. Faber, Le S. Sacre-
ment, I. 2, s. 4, et alii apud Marrac. voc. Collum . 5 Voir
l'examen et la justification de cette doctrine dans Ana-
lecta Juris Pontificii, livr. 4, p. 755.
333
les membres de l'Eglise , qu'ils la connaissent ou
qu'ils l'ignorent ; mais union pleine de charme et
de délices, source de joie et principe des plas
grandes faveurs pour ceux qui l'aiment, et qui
la fortifient, et qui la consacrent en eux par tou-
tes les œuvres de l'amour... Union à Marie ! union
de cœur union éternelle ! ..... Oh ! que ces paro-
les sont douces ! Cher frère en Jésus et Marie , qui
en ce moment lisez ces lignes , dites ! avez-vous
faim et soif d'union à Marie ? mais , que faudra-t-
il faire pour entrer bien avant dans ce ravissant
mystère ?... O Dieu ! Que les Saints sont heureux !
Heureux saint Joseph , céleste époux de cette in-
comparable Vierge ! heureux saint Jean , son en-
fant bien-aimé ! heureux saint Bernard , qui reçut
de son lait ! saint Bonaventure , qui l'appelait son
Cœur et son Ame ! saint Bernardin de Sienne,
saint Philippe de Néri, saint Stanislas Kostka ,
saint Alphonse de Liguori , le B. Herman Joseph,
le vénérable M. Olier, et tant d'autres qui dans
l'extase et lajoie de leur amour avaient imaginé
les noms les plus tendres, les plus suaves , et ap-
pelaient Marie leurs Délices, leur Joie , le Bien
universel, le Tout des âmes après Jésus ' , et dont
la vie et les travaux et tous les désirs étaient pour
la gloire de cette aimable et ravissante Souve-
raine. Ah ! quand aurons -nous le bonheur d'arri-
1
Ap. Marracci, vocib. Delicie, Bonum, etc., etc.- et S.
Liguor. , Gloires de Marie, p . 1 , c. 4 , § III.
19.
334
ver nous-mêmes à cette union d'amour ! Quand
sera-ce que notre vie tout entière , avec tout ce
qu'il y a en nous de force, d'activité et de besoins
intimes, ira se perdre amoureusement dans cet
océan de toutes les grâces divines , de tant de char-
mes, de tant d'amabilités ? Et quand sera-t-il vrai
de toutes les âmes qu'elles sont entrées et qu'elles
se sont abîmées dans le même abîme des merveilles
de Dieu ? << Ah ! quand viendra ce temps, s'écrie
>> un des plus dévoués enfants de cette Mère d'a-
mour ¹ , cet heureux temps où la divine Marie
sera établie Maîtresse et Souveraine dans les
> cœurs pourles soumettre pleinement à l'empire
de son grand et unique Jésus ! Quand est-ce que
» les âmes respireront autant Marie que les corps
respirent l'air ! Pour lors, des choses merveil
» leuses arriveront dans ces bas lieux , où le Saint-
> Esprit, trouvant sa chère épouse comme repro-
» duite dans les âmes, y surviendra abondam-
ment et les remplira de ses dons, et particuliè
» rement du don de sa sagesse pour opérer des
merveilles de grâce. Mon cher frère , quand
viendra ce temps heureux et ce SIÈCLE DE
D MARIE, où les âmes se perdront elles-mêmes
» dans l'abîme de son intérieur, deviendront des
⚫ copies vivantes de Marie, pour aimer et glori-

¹ Vén. L. Marie de Montfort , Traité de la vraie dévot. à


la T.-S. V. , p. 171 (chez Gaume frères, rue Cassette, 4 ,
Paris).
335
» fler Jésus-Christ ? Ut adveniat regnum tuum
(o Jesu), adveniat regnum Mariæ. a
Cet illustre apôtre de Marie donne ensuite des
pratiques intérieures et extérieures qui peuvent
servir à entrer dans cet esprit d'union avec notre
divine Mère. Nous nous sommes inspiré de ses
pensées en écrivant le troisième point de la 12 ,
méditation . Nous renvoyons ici de nouveau le
pieux lecteur à l'ouvrage que nous venons de
citer, p. 177-205.
II. De l'union à Marie, dans l'audition de la
sainte Messe. - L'Esprit d'union à Marie accom-
pagne une âme que Dieu appelle à cette voie de
grâce, dans toutes ses oeuvres et toutes ses pra-
tiques. Mais s'il y a une œuvre de religion où la
pensée de cette auguste Mère doive être plus pré-
sente encore à l'esprit et au cœur de son enfant,
c'est assurément l'assistance au Saint Sacrifice
de la Messe. Nous venons de dire sur quels fon-
dements s'appuie notre union à Marie , en gẻ-
néral ; considérons les raisons que nous avons do
nous unir étroitement à cette Mère d'amour, du-
rant la Sainte Messe.
1° Il est de foi que le saint Sacrifice de l'autel
est essentiellement le même que celui du Cal-
vaire, et qu'entre ces deux Sacrifices , il n'y a de
différence que dans la manière de les offrir. Ainsi
l'a défini le saint Concile de Trente. Or , que li-,
sons-nous dans les écrits des saints Pères ? Nous
336
y voyons que sur le Calvaire, le véritable autel
de l'holocauste , la véritable croix de la victime,
c'était Marie. L'union de cette divine Vierge à Jé-
sus opérant notre salut était telle , qu'ils n'ont pas
craint de l'appeler notre Rédemptrice , notre Sau-
veur . Quelle est donc la conclusion que nous de-
vons en tirer ? Au moins celle-ci : La divine Marie
n'est étrangère à aucune des messes qui se célè-
brent chaque jour. Saint Ignace disait qu'il ne
voyait que Marie dans tout le cours du Canon 2 .
2º Chaque messe célébrée est réellement une
immense source de grâces pour le monde. Or, qui
est le canal des grâces ? ou , pour mieux dire , qui
est-ce qui détermine par ses prières , par sa puis-
sante intercession , l'application de toutes ces grå-
ces, n'est-ce pas Marie ? Marie, dont nous pou-
vons dire, toujours proportion gardée sans doute,
ce que saint Paul dit du très- doux Sauveur : Sem-
per vivens ad interpellandum pro nobis ? Elle
est sans cesse en prière pour nous. Son interces-
sion est perpétuelle , dit saint Germain , et sa sup-
plication est toute-puissante, ajoute S. Bernard '.
3° S'il est vrai que la douleur que manifeste

Vid. ap. Marracci, Polyanth. Mar. vocib. Redemptrix,


Salvatrix, Reparatrix , Crux, Altare, etc., etc., centum
testimon. quæ brevitatis causà omittimus. - " P. Faber,
Le Saint Sacrement , t. 2, p . 376. 3 S. German. Comt.
orat. 2, in Assumpt. - Id . de Zona Virg. S. Joan. Da-
masc. in Paracl . B. Virg.-S. Bernard, vocat Eam alicubi
Omnipotentiam Supplicem.
337
notre divine Mère, dans son Apparition , n'est pas
une douleur nouvelle, mais que l'état dans lequel
Elle se montre à nous n'est , comme on l'a dit
souvent, que le mémorial de sa Compassion au
Calvaire, ce rapport touchant de la sainte Appa-
rition et de la sainte Messe , qui est le mémorial
vivant de la Passion , nous est, à nous , Enfants
privilégiés de N.-D. de la Salette , une raison
particulière de n'assister au saint Sacrifice qu'en
union avec Marie.
4 Cette divine Mère nous parle de la sainte
Messe dans son Apparition , et se plaint avec
larmes de notre indévotion et de nos irrévé-
rences ; n'est-ce pas un autre motif de nous unir
à Elle, la véritable Adoratrice de son Fils, comme
l'appelle un saint Docteur , et la Réparatrice de
tous les outrages qu'il reçoit?
5º Enfin , dans la vie de la vénérable Marguerite-
Marie , de la Visitation , dont les révélations ont
été de quelque manière reconnues par l'Eglise
quand elle a autorisé la fête et le culte du Sacré-
Cœur, conformément à ces révélations , nous li-
sons le passage suivant : « Ce fut Notre- Seigneur
Jui-même qui enseigna à sa pieuse Servante à en-
tendre la sainte Messe avec les dispositions du
Cœur de Marie, au pied de la Croix , offrant au
Père Eternel la Passion et les souffrances de son

S. Anton. in summ. , p. 3, tit. 34, cap. 3.


338
Fils pour obtenir la conversion des cœurs infi-
dèles et endurcis . »
Après ces divers motifs, il ne reste plus qu'à
nous disposer à assister désormais au saint Sa-
crifice en union avec le Cœur de notre aimable
Mère. Mais comme, dans celle grande et sainte
action , Jésus et Marie sont absolument insépa-
rables, nous ne perdrons jamais de vue ces deux
Cœurs bénis dans chaque partie du Sacrifice et
dans chaque prière que nous ferons ; et parce
qu'enfin l'Autel est le mémorial du Calvaire , nous Cor
ferons passer successivement devant les yeux de
notre âme les principales et les plus touchantes
circonstances de la Passion de notre diyin Maître ' .

Méthode pour entendre la sainte Messe en union Di


avec les Sacrés - Cœurs de Jésus et de Marie.

PRIÈRE AVANT LA MESSE. la


Cœur adorable de Jésus, seul parfait adorateur
de la divine Majesté et unique médiateur entre 20
Dieu offensé et l'homme coupable , je m'unis aux
intentions qui vous portèrent à vous immoler sur
plo
la Croix, et qui vous portent à vous immoler en-
core tous les jours sur l'autel . Faites que j'assiste 001
to
Nous empruntons la méthode que l'on va lire à un
pieux ouvrage intitulé: L's quatre saisons sanctifiées par
la dévotion au Cœur immaculé de Marie (sans nom d'au-
teur). Pa
339
à cette Messe avec les sentiments dont était pé-
nétré le Cœur de Marie sur le Calvaire, et au pied,
des autels lorsqu'elle assistait à la Messe célébrée
par les Apôtres et les premiers prêtres.
Obtenez-moi , divin Cœur de Marie , la foi vive
et l'amour ardent avec lesquels vous vous immo-
liez vous-même en union avec la divine Vic-
time.
Pendant le Confiteor.

Considérez le Cœur de Jésus agonisant au Jardin


des Olives, et plongé dans la tristesse à la vue de vos
ingratitudes et des chàtiments qu'elles ont mérités,
et le Cœur de Marie, retirée dans sa cellule, parta-
geant toute la tristesse du Cœur de son divin Fils.
Divin Jésus, j'étais présent à votre pensée avec
le cortége affreux de mes péchés, lorsque votre
Cœur fut saisi de crainte , de tristesse et d'ennui ,
à la vue du calice amer de la Passion qui vous
était présenté pour les expier. C'est moi qui ai été,,
par mes ingratitudes, la cause de votre agonie
mortelle, et de la sueur de sang dont vous avez
arrosé le Jardin des Olives. C'est moi qui ai
plongé le Cœur de Marie dans un océan d'amer-
tume. Oui , c'est par ma faute que Jésus et Marie
ont enduré de si cruelles souffrances pendant
tout le cours de la Passion ; c'est par ma propre
faute, c'est par ma très-grande faute. Pardonnez-
moi, Cœur miséricordieux de Jésus, comme vous
pardonnâtes à Madeleine pénitente et au larron,
340
repentant et résigné sur sa croix . Je supplie le
Cœur de la bienheureuse Marie toujours Vierge
de vouloir bien intercéder pour moi , afin que
j'obtienne un cœur contrit et humilié qui me
fasse trouver grâce devant la divine Clémence.
* A l'Introït et au Kyrie.

Accompagnez en esprit Jésus-Christ qui est con-


duit, chargé de chaînes, devant le tribunal du Grand-
Prêtre.
C'est pour m'affranchir dés chaînes du péché
et me gratifier de la sainte liberté des enfants de
Dieu, que votre Cœur généreux , ô divin Sauveur,
a consenti à subir les chaînes et la prison . C'est
par le même sentiment de miséricorde et de cha-
rité que votre Cœur, ô Marie , a consenti à l'hu-
miliante captivité de votre Fils. Et moi , aveugle
et ingrat, j'ai renoncé, par le péché, au bienfait
de ma Rédemption , et je me suis engagé de nou-
veau dans le plus honteux esclavage, sous la ty-
rannie du démon et des mauvaises habitudes.
Cœurs sacrés de Jésus et de Marie , ayez com-
passion de ma misère et réclamez pour moi , je
vous prie , la miséricorde de la très-sainte Trinité,
afin que, renonçant aux habitudes et aux occa-
sions du péché, je rentre en possession des droits
que me conféra le baptême, et que j'honore dé-
sormais , par la sainteté de ma vie, le Père céleste
qui m'a adopté, le Fils de Dieu qui m'a fait mem-
341
bre de son corps mystique , et l'Esprit Saint qui veut
habiler en moi comme dans son temple vivant.
Au Gloria in excelsis.

Contemplez Jésus-Christ confessant sa divinité de-


vant le tribunal du Grand-Prètre , quoiqu'il sache
que cette généreuse confession ne lui attirera que des
outrages et une sentence de mort.
Dans les opprobres et les humiliations de la
Passion , le Cour de Jésus adore, loue , bénit et
glorifie les perfections divines qui ont trouvé le
secret admirable de punir le péché sans perdre les
pécheurs , en faisant tomber toute la rigueur de
la justice sur le Juste et le Saint, parce qu'il s'est
fait caution pour leurs crimes . Le Cœur de Marie
s'unit aux adorations , aux louanges et aux actions
de grâces du Cœur de Jésus.
Qu'il me soit permis , Trinité sainte, de m'unir
aux hommages que vous rendent ces divins
Cœurs , et de bénir votre sainteté , votre justice,
votre sagesse, votre miséricorde , votre bonté infi-
nie dans le temps et dans l'éternité.
Aux Oraisons.

Transportez-vous en esprit dans la prison où Jésus,


livré à la garde des soldats et des valets du Grand-
Pretre, est rassasié d'opprobres, pendant le reste de
la nuit de sa Passion .
Divin Agneau, votre langue était muette pen-
342
dant que vos ennemis vous donnaient des souf-
flets , souillaient votre auguste face d'horribles ď
crachats et blasphémaient contre votre divinité ;
mais votre Cœur charitable demandait grâce pour YO
ces impies et pour tous les pécheurs qui vous ont de
outragé par leur bouche et par leurs mains. Cœur les
aimable de Jésus, demandez grâce pour moi ; et
vous, auguste Marie, obtenez-moi de graver dans
mon cœur et d'imiter comme vous les exemples
de douceur, d'humilité, de patience et de charité
que m'a donnés votre adorable Fils.

A l'Epitre. ten
Ter
Suivez Jésus-Christ renvoyé du tribunal de Caïphe
à celui de Pilate, et du tribunal de Pilate à celui
d'Hérode.
C'est pour recevoir plus d'opprobres que vous
avez voulu comparaître successivement devant ald
les tribunaux de tant de juges iniques , ô divin
Jésus ! c'est afin de mériter à vos disciples fidèles
la grâce d'estimer leur bonheur, lorsqu'ils sontca- ti
lomniés et persécutés pour la justice. Tant votre
Cœur était avide d'humiliations ! tant il avait de R
zèle et de charité ! O Marie , vous fûtes la première
à vous pénétrer des sentiments du Cœur de votre
Fils, à profiter, à son école, de cette grande leçon ta
qu'il nous a donnée : Apprenez de moi que je suis te
doux et humble de Cœur. Vous pardonnâtes géné - re
reusement à ces juges injustes et cruels qui fai-
343
saient subir à l'envi au Saint des Saints tant
d'affronts et tant d'ignominies . Cœur de Marie,
obtenez-moi la grâce de me conformer comme
Vous aux sentiments du Cœur de votre Fils , et
de rendre à mes ennemis l'amour pour la haine.
les services pour les mauvais traitements , et les
bénédictions pour les malédictions.

A l'Evangile.

Ecoutez avec foi cette déclaration que Jésus fait à


Pilate Je suis venu dans le monde afin de rendre
témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la
vérité, écoute ma voix » (Joan. , 18 , 37) .
Oui, je crois, ô divin Jésus, que c'est pour ren-
dre témoignage à la vérité que vous êtes venu dans le
monde. Votre Cœur compatissant a été touché en
le voyant désolé par les erreurs et les vices , et
alors , pressé par les entrailles de votre miséricorde,'
Vous êtes venu lui enseigner , par votre doctrine
et vos exemples, la voie véritable qui conduit à la
vie. Ne permettez pas , Seigneur, que j'imite l'in-
fidèle Pilate et tant d'indifférents en matière de
Religion . Faites au contraire que, par ma docilité
à écouter votre voix , je me montre constamment
enfant de la vérité. O Marie ! qui conserviez avec
tant de respect dans votre Cœur les paroles sain-
tes, et qui avez mérité d'être proclamée bienheu-
reuse pour la vivacité de votre foi , obtenez-moi
la grâce d'imiter votre fidélité , en professant hau-
344
tement la foi catholique , et en pratiquant , sans
respect humain , tous les devoirs qu'elle m'im-
pose.
Au Credo.

Vous êtes bienheureuse , ô Marie, parce que


vous avez cru les mystères ineffables qui vous
ont été révélés d'en haut. Beata quæ credidisti
(Luc. , 1 , 44) , et c'est en récompense de votre foi
que vous avez été choisie pour être la Coopéra-
trice de leur accomplissement. Les anéantisse-
ments de l'Incarnation , les humiliations de la
Crèche et les opprobres de la Croix n'ont pu vous C
faire douter un seul instant de la divinité de votre
Fils, ni de la vérité des promesses du Ciel . Obte-
nez-moi , ô Mère du Verbe incarné , l'inébranlable
fermeté de votre Cœur, afin que je croie constam- C
ment toutes les vérités qui m'ont été révélées par
votre Fils et que m'enseigne l'Eglise catholique,
afin que jamais les scandales de l'incrédulité ni
les persécutions du monde ne m'empêchent de,
faire des vérités de ma foi , la règle de mes pen-
sées, de mes paroles et de toute ma conduite.

A l'Offertoire.
Considérez comment Pilate fait endurer à Jésus le
supplice de la flagellation et du couronnement d'é-
t
pines, et prononce contre le Fils de Dieu la sentence
de mort.
C'est pour expier nos péchés d'orgueil et de
345
sensualité que vous avec consenti , ô Jésus, à être
flagellé et couronné d'épines. C'est pour rendre
hommage au souverain domaine de votre Père
sur la vie et sur la mort, que vous voulez vous
soumettre à cet arrêt de mort prononcé par un
juge païen ; tant votre Cœur généreux a de zèle
pour la gloire de Dieu et le salut des hommes !
C'est dans le même esprit de zèle et de charité
que le Cœur de votre divine Mère acquiesce à
cette cruelle sentence , et consent à vous voir im-
molé sur la Croix . Adorable Rédempteur qui allez
encore vous immoler sur l'autel , agréez l'offrande
que je vous fais dans ce sacrifice de tout ce que
j'ai, de tout ce que je suis et de tout ce que je
possède ou pourrai jamais posséder sur la terre.
Trop heureux si, en union à votre sacrifice et à
celui de votre Mère , je pouvais m'immoler pour
la cause de la foi ou pour la sanctification des
âmes que vous avez rachetées de votre sang!

A l'Orate fratres et à la Secrète.

Considérez avec quel amour Jésus accepte la Croix,


instrument de notre salut, que l'on place sur ses
épaules.
Vous aviez dit, ô divin Jésus, en prédisant votre
passion : Je dois être baptisé d'un baptême de sang,
et combien me sens-je pressé jusqu'à ce qu'il s'accom-
plisse ! (Luc. , 12, 50) .
Avec quel empressement donc vous embras-
346
sâtes la croix qui devait être l'instrument de ce
baptême sanglant après lequel soupirait votre di-
vin Cour ! C'est la malice des hommes qui vous
l'a préparé ; mais vous l'acceptez de la main de
votre Père qui se sert de leurs mauvaises dispo-
sitions pour accomplir les éternels desseins de sa
miséricorde . Votre Cœur, ô Marie, partageait les
sentiments du Cœur de votre Fils , et se résignait
à porter une croix intérieure qui n'était pas moins
cruelle. Obtenez -moi la grâce de recevoir amou-
reusement les croix que me ménagera la divine
Providence , dans les peines et les afflictions de la
vie, et de les faire servir , suivant ses adorables
desseins, à l'expiation de mes péchés, à l'exer-
cice de l'humilité, de la patience , de la charité, et
à l'augmentation de mes mérites.

A la Préface et au Sanctus .

Contemplez Jésus s'acheminant du Prétoire au Cal-


vaire chargé de sa Croix.
Je veux entrer dans les intentions et les senti-
ments de votre Cœur , ô divin Jésus ! Vous montez
au Calvaire pour rendre à la divine Majesté l'hom-
mage souverain qui lui est dû, pour rendre à la di-
vine Bonté des actions de grâces proportionnées à
ses bienfaits, pour offrir à la divine Justice une
satisfaction qui compense parfaitement l'injure
que nos crimes ont faite à sa Sainteté , et enfin , 1
obtenir de la divine Clémence toute grâce et toute
347
bénédiction . Le Cœur de Marie s'unit à vos inten-
tions et à vos sentiments en vous accompagnant
au Calvaire . C'est dans les mêmes intentions et
les mêmes sentiments que je vous offre ce saint
Sacrifice, ô Trinité sainte, et je m'unis aux can-
tiques par lesquels les Anges et les Archanges, les
Trônes et les Dominations, et toutes les Puis-
sances de la milice céleste glorifièrent votre Sain-
teté infinie pendant le sacrifice du Calvaire , la
glorifieront jusqu'à la fin du monde pendant
l'oblation de la sainte Messe , et sans fin pendant
l'éternité.

Depuis le Sanctus jusqu'à la Consécration .

Contemplez Jésus , l'Agneau sans tache, dépouillé


de ses vêtements, étendu sur la Croix qui est l'autel
de son sacrifice.
C'est à ce point que vous m'avez aimé, ô divin
Jésus ! jusqu'à vous livrer pour mon amour aux
tourments du plus ignominieux et du plus cruel
des supplices.
Je vous offre, Père céleste , l'Agneau qui efface
les péchés du monde, en expiation de toutes les
fautes par lesquelles j'ai outragé votre Majesté
sainte ; daignez , en vue de ses mérites , m'en ac-
corder le pardon . Je vous offre la charité infinie
qui l'a porté à s'immoler pour votre gloire et le
salut du genre humain , en expiation de ma tiédeur
dans votre service. Je vous offre, pour les mêmes
348
fins , les douleurs cruelles du Coeur de Marie ,
lorsqu'elle entendit le bruit horrible des marteaux
qui enfonçaient les clous dans les pieds et les
mains de son Fils bien-aimé, et l'affreux écho du
Calvaire, qui, en répétant les coups , redoublait
ses tourments, et multipliait les glaives qui trans-
perçaient son âme.
C'est en vue des mérites de la charité infinie du
Cœur de votre Fils et des douleurs du Cœur im-
maculé de Marie que je vous supplie, ô Père
tout-puissant, de protéger votre Eglise et ceux
qui la gouvernent au milieu de tant de périls et
de combats . Accordez- leur à tous les lumières et
la force nécessaires pour nous diriger, sans nau-
frage, à travers tant d'écueils, et nous conduire au
port du salut. Daignez mettre un terme aux ra-
vages que causent l'incrédulité , le schisme et
l'hérésie dans la vigne arrosée du sang et des
sueurs de votre Fils , du sang et des sueurs des
Apôtres et des Martyrs ; accordez - nous à tous , et
spécialement aux personnes pour lesquelles je
suis obligé de prier, des jours paisibles sur la
terre, et le bonheur d'être comptés au nombre de
vos élus dans le Ciel.

Depuis l'Elévation jusqu'au Pater.


Contemplez Jésus-Christ élevé sur la Croix entre
le ciel et la terre et faisant l'office de Médiateur entre
Dieu et les hommes, tandis que Marie , debout au
349
pied de la Croix, remplit l'office de Médiatrice au-
près de Jésus, souverain Médiateur.
O Père saint, je crois fermement que votre ado-
rable Fils est en ce moment sur cet autel en qua-
lité de Victime. Je l'offre donc à votre glorieuse
Majesté cette hostie pure et sainte, cette hostie
immaculée , ce pain de la vie éternelle, ce calice du
salut. Ordonnez , Seigneur, que cette oblation sans
tache soit portée par la main de votre saint Ange
sur votre autel sublime, dans le Ciel , afin qu'elle
apaise votre justice et m'obtienne de votre misé-
ricorde toutes sortes de grâces et de bénédic-
tions.
Cœur de Marie, vous étiez plongé dans un océan
de douleur à la vue de Jésus immolé sur la Croix ,
et, pendant le reste de votre vie , la vue seule de
l'adorable Victime offerte sur l'autel, par les
mains des Apôtres et des prêtres, renouvelait tou-
tes vos douleurs du Calvaire, daignez me faire
participer à vos angoisses et aux plaies de votre
Fils mort pour me racheter ; obtenez-moi de com-
patir toute ma vie à sa Passion et à vos douleurs ;
obtenez-moi le zèle de la gloire de Dieu et du
salut des âmes dont le Coeur de Jésus embrasa
votre Cœur sur le Calvaire ; mais surtout un zèle
constant pour la sanctification et le salut de mon
áme rachetée à si grand prix.

20
350

Au Pater.

Ecoutez et méditez les sept paroles de Jésus en


Croix, et faites avec confiance les sept demandes de
l'Oraison Dominicale que Jésus-Christ lui-même nous
a enseignée.
(Récitez ici lentement et pieusement le Pater , en
latin ou en français . )

A la fraction de l'hostie, avant l'Agnus Dei.


Contemplez l'ouverture du sacré Côté, duquel dé-
coulent le sang et l'eau pour notre justification .
Votre Cœur ouvert par la lance m'invite à la
componction , ô divin Jésus, puisque ce sont mes
péchés qui vous ont fait cette cruelle et profonde
blessure ; mais cette blessure a été plus cruelle
encore pour votre Cœur, ô Marie, que pour celui
de Jésus . O tendre Mère , c'est bien alors , vous
dirai-je avec S. Bernard , que votre âme sainte
fut transpercée , suivant la prophétie de Siméon.
Car la cruelle lance ne pouvait atteindre l'âme
de Jésus qui n'était plus dans son corps ; mais
votre âme était tout entière dans son Cœur lors-
qu'il fut blessé par le fer du soldat. C'est alors
que vous avez mérité le titre de Reine des mar-
tyrs , parce que vous avez plus souffert que tous
les martyrs ensemble , et que la compassion de
l'âme est un plus grand supplice que toutes les
tortures du corps .
351
O Marie, qui, suivant une pieuse tradition , avez
recueilli avec tant de respect l'eau et le sang qui
découlèrent du sacré Côté entr'ouvert par la lance,
daignez m'appliquer les mérites de ce sang ado-
rable dont vous êtes la dispensatrice , et purifier
mon âme de ses souillures dans cette eau salu-
taire.
A l'Agnus Dei et à la Communion .

Contemplez le corps de Jésus-Christ déposé de la


Croix et remis à sa Mère, puis embaumé et mis dans
le tombeau.
O la plus affligée des mères, quelle était votre
douleur lorsque , assise sur le rocher du Calvaire,
vous teniez sur vos genoux et dans vos bras le
corps sanglant de votre Fils ! Vous contempliez
successivement sa face meurtrie de soufflets et
souillée de crachats , son front percé d'épines , ses
yeux éteints , sa bouche entr'ouverte ; vous par-
couriez des yeux les innombrables plaies dont ce
corps divin était couvert ; mais vous arrêtiez sur-
tout vos regards sur la large plaie de son sacré
Côté entr'ouvert par la lance ; vous couvriez de
vos larmes et de vos baisers maternels ce corps
inanimé, et vous le pressiez contre votre Cœur
brisé de douleur, parce qu'il était brûlant d'a-
mour. Faites passer dans mon cœur, ô tendre
Mère , votre douleur et votre amour, afin que la
contrition et la charité le disposent à recevoir di
352
gnement le corps et le sang de votre Fils dans la
sainte communion .
(Si vous devez faire la sainte communion , voyez
un peu plus bas , après la sainte Messe , la méthode
du Vénér. Grignon de Montfort . Si, au contraire, vous
êtes privé de ce bonheur, faites au moins la commu-
nion spirituelle, en excitant dans votre cœur un ar-
dent désir de recevoir réellement l'Eucharistie).
Suivant une pieuse tradition , vous avez aidé , ô
Mère affligée, Joseph d'Arimathie et Nicodème à
ensevelir et à embaumer le corps de votre Fils .
Permettez-moi , ô ma tendre Mère , d'offrir à Jé-
sus les dispositions de votre Cœur, en supplé-
ment à celles qui me manquent. Que ne puis-je;
en ce moment où il daigne descendre dans le
cœur des fidèles qui s'approchent du sacré ban-
quet , pour recevoir en eux une nouvelle sépul-
ture , lui offrir mon cœur renouvelé par la pé-
nitence ! Que ne puis-je représenter les suaires de
fin lin , par la pureté de ma conscience ; la myrrhe
et l'aloès , par la mortification intérieure et exté-
rieure ; la bonne odeur des parfums, par la sain-
telé et l'édification de ma vie ; la pierre , les scellés
et les gardes du sépulcre, par ma vigilance soute-
nue ! Faites-moi participer , ô Marie , aux senti-
ments dont votre Cœur était pénétré au moment
de l'Incarnation du Verbe dans votre chaste sein,
et à la ferveur de vos communions, lorsque vous
assistiez à l'auguste sacrifice de la Messe célébrée
par le disciple bien-aimé, votre fils adoptif.
353

De la Post-Communion à la fin de la Messe.

Contemplez Marie occupée, pendant que le corps


de Jésus repose dans le tombeau, à repasser, dans sa
cellule solitaire, les mystères de la Passion , en atten-
dant que son Fils ressuscité vienne la consoler par sa
présence.
Ce ne fut qu'avec peine, ô Marie , que vous
vous éloignâtes du sépulcre où vous aviez dé-
posé le corps adorable de votre Fils ; ce n'est
qu'avec peine aussi que je m'éloignerai des saints
autels où je l'ai vu offrir pour moi en sacrifice ,
( et de la table sainte où j'ai eu le bonheur de le
recevoir dans l'Eucharistie) . Mais, en vous reti-
rant du Calvaire , vous laissiez votre Cœur dans
le sépulcre uni à celui de Jésus, pendant que
votre âme accompagnait son âme sainte dans les
limbes. O Dieu des vertus ! je désire aussi que
mon âme soit toujours unie à votre âme sainte ;
en me retirant de votre temple , je veux laisser
mon cœur dans le tabernacle où vous êtes nuit
et jour présent pour mon amour. Ange saint , que
Dieu m'a donné pour guide , veuillez tenir ma
place aux pieds des autels, afin d'y continuer, en
mon nom , l'hommage de mes actions de grâces
pour les bienfaits sans nombre dont j'ai été com-
blé.
Je vous offre spécialement, ô mon Dieu , en re-
connaissance du bienfait de cette Messe ( et de
20.
354
cette communion) , les actions de grâces du Cœur
de Jésus le jour de l'institution de l'Eucharistie ,
et les actions de grâces du Coeur de Marie après
l'Incarnation du Verbe et après ses ferventes com-
munions.
Avec l'âme de Marie, mon âme glorifie le Sei-
gneur, et, en union à son esprit , mon esprit tres-
saille en Dieu mon Sauveur, parce que le Tout-Puis-
sant a fait aussi pour moi de grandes choses ; que
son saint nom en soit à jamais béni !
A la Bénédiction du Prêtre et au dernier Evangile.
Bénissez-moi , ô . Jésus , comme vous bénîtes
votre Mère en lui apparaissant après votre
Résurrection ; bénissez -moi comme Vous bé-
nîtes tous vos disciples réunis avec votre
Mère sur la montagne des Olives, le jour de
Votre Ascension . Bénissez-moi , Cœurs sacrés de
Jésus et de Marie qui êtes la source de toutes les
bénédictions ; faites-moi la grâce de conserver
jusqu'à la fin les fruits précieux du sacrifice du
Calvaire qui vient d'être représenté et renouvelé
d'une manière non sanglante sur cet autel.
O Jésus, faites-moi la grâce de persévérer dans
votre amour et de conserver jusqu'à la fin le
fruit des Messes que j'entends et des commu-
nions que j'ai le bonheur de faire, afin qu'à
votre dernier avénement, placé à votre droite
avec vos élus, je mérite d'entendre celte parole
de bénédiction éternelle : Venez , les bénis de mon
Père, posséder le royaume des Cieux qui vous a été
355
préparé dès le commencement du monde. C'est la
grâce que je vous demande par l'intercession
du Cœur immaculé de Marie , votre Mère et la
mienne.

LA PRATIQUE DE LA SAINTE COMMUNION


EN UNION AVEC MARIE ,
PAR LE VÉNÉR. L.-M. GRIGNON DE MONTFORT ' ,

I. Avant la communion.

1' Vous vous humilierez profondément devant


Dieu ; 2 vous renoncerez à votre fond tout cor-
rompu, et à vos dispositions quelque bonnes que
votre amour-propre vous les fasse voir ; 3º vous
renouvellerez votre consécration en disant : Tuus
totus ego sum , et omnia mea tua sunt ; Je suis
tout à vous, ma chère Souveraine, avec tout ce
que j'ai ; 4º vous supplierez cette bonne Mère de
vous prêter son cœur , pour y recevoir son Fils
dans les mêmes dispositions : vous lui représen-
terez qu'il y va de la gloire de son Fils de n'être
pas mis dans un cœur aussi souillé que le vôtre
et aussi inconstant, qui ne manquerait pas de lui
ôter de sa gloire ou de le perdre ; mais si Elle
veut venir habiter chez vous pour recevoir son
Fils , Elle le peut par le domaine qu'Elle a sur les

Traité de la vraie Devotion à la sainte Vierge, p . 203.


356
cœurs , et que son Fils sera par Elle bien reçu
sans souillures, et sans danger d'être outragė ni
perdu ; Deus in medio ejus , non commovebitur.
Vous lui direz confidemment que tout ce que
vous lui avez donné de votre bien est peu de
chose pour l'honorer ; mais que par la sainte
communion vous voulez lui faire le même pré-
sent que le Père éternel lui a fait , et qu'elle en
sera plus honorée que si vous lui donniez tous
les biens du monde , et qu'enfin Jésus , qui l'aime
uniquement , désire encore prendre en Elle ses
complaisances et son repos, quoique dans votre
âme plus indigne et plus pauvre que l'étable où
Jésus ne fit pas difficulté de venir avec sa sainte
Mère. Vous lui demanderez son cœur par ces ten-
dres paroles : ô Marie , daignez me donner votre
Cœur !
II. Dans la Communion.

Près de recevoir Jésus- Christ après le Pater ,


vous direz trois fois Domine , non sum dignus ,
etc. , comme si vous disiez la première fois au
Père éternel que vous n'êtes pas digne , à cause
de vos indignes pensées et ingratitudes à l'égard
d'un si bon Père , de recevoir son Fils unique ,
mais que voici Marie sa servante , Ecce ancilla
Domini, qui supplée à notre indignité et qui nous
donne une confiance et espérance singulière au-
près de Sa Majesté sainte .
Vous direz au Fils : Domine , non sum dignus,
357€
etc., que vous n'êtes pas digne de le recevoir, à
cause de vos paroles inutiles et mauvaises , et de
votre infidélité en son service , mais cependant
que vous le priez d'avoir pitié de vous, que vous
l'introduirez dans la maison de sa propre Mère
et de la vôtre, et que vous ne le laisserez point
aller, qu'il ne soit venu loger chez Elle. Tenui
eum, nec dimittam donec introducam illum in
domum Matris meæ , et in cubiculum Genitricis
mea (Cant. 3, 4) . Vous le prierez de se lever et de
venir dans le lieu de son repos et dans l'arche de
sa sanctification ; que vous ne mettez aucunement
votre confiance dans vos mérites ,, votre force et
vos préparations , comme Esau, mais dans celle
de Marie,votre chère Mère , comme le petit Jacob
dans les soins de Rébecca ; que , tout pécheur et
Esau que vous êtes , vous osez vous approcher
de Sa Sainteté , appuyé et orné des vertus de sa
sainte Mère.
Vous direz au Saint- Esprit : Domine, non sum
dignus, etc. , que vous n'êtes pas digne de rece-
voir le chef-d'œuvre de sa charité , à cause de la
tiédeur et iniquité de vos actions et de vos résis-
tances à ses inspirations , mais que toute votre
confiance est en Marie, sa fidèle épouse ; et vous
direz avec saint Bernard : Hæc mea maxima fi-
ducia, Hæc tota ratio spei meæ. Vous pourrez
même le prier de survenir en, Marie , son épouse
indissoluble , - que son sein est aussi pur et son
cœur aussi embrasé que jamais , que sans sa
358
descente dans votre âme , ni Jésus ni Marie ne
seront point formés , ni dignement logés.

III. Après la communion.

Après la sainte communion , étant intérieure-


ment recueilli et tenant les yeux fermés , vous in-
troduirez Jésus - Christ dans le cœur de Marie,
vous le donnerez à sa Mère , qui le recevra amou-
reusement , le placera honorablement , l'adorera
profondément , l'aimera parfaitement , l'embras-
sera étroitement , et lui rendra , en esprit et en
vérité, plusieurs devoirs qui dépassent toutes nos
conceptions ; ou bien , vous vous tiendrez pro-
fondément humilié dans votre cœur , en la pré-
sence de Jésus , résidant en Marie ; ou vous vous
tiendrez comme un esclave à la porte du palais
du Roi, où il est à parler avec la Reiné , et tandis
qu'ils s'entretiennent des intérêts de votre âme ,
vous irez en esprit au ciel et par toute la terre
prier les créatures de remercier, adorer et aimer,
avec Marie , Jésus , en votre place : Venite, adore-
mus, venite ; ou bien , vous demanderez vous-
même à Jésus , en union de Marie , l'avénement
de son règne sur la terre par sa sainte Mère, ou
la divine sagesse , ou l'amour divin , ou le pardon
de vos péchés , ou quelque autre grâce , mais
toujours par Marie et en Marie , disant : Ne respi-
cias, Domine, peccata mea , Seigneur, ne regar-
dez pas mes péchés ; sed oculi tui videant æqui-
1

359
tates Mariæ ; mais que vos yeux ne regardent en
moi que les vertus et mérites de Marie ; et, en
vous souvenant de vos péchés , vous ajouterez :
Inimicus homo hoc fecit , c'est moi qui ai fait
ces péchés ; ou bien : Ab homine iniquo et doloso
erue me ; ou bien : Te oportet crescere, me autem
minui ; mon Jésus , il faut que vous croissiez
dans mon âme et que je décroisse ; Marie , il
faut que vous croissiez chez moi et que je sois
moins que je n'ai été : Crescite et multiplicamini;
O Jésus et Marie , croissez en moi , et multipliez-
vous au dehors dans les autres .
Il y a une infinité d'autres pensées que le
Saint- Esprit fournit et vous fournira si vous
êtes bien intérieur , mortifié et fidèle à cette
grande et sublime dévotion que je viens de vous
enseigner ; mais souvenez - vous toujours que plus
vous laisserez agir Marie dans votre communion,
et plus Jésus sera glorifié ; et vous laisserez d'au-
tant plus agir Marie pour Jésus , et Jésus en
Marie, que vous vous humilierez plus profondé-
ment, et que vous les écouterez avec paix et si-
lence , sans vous mettre en peine de voir , goûter
ni sentir ; car le juste vit partout de la foi , et
particulièrement dans la sainte communion qui
est une action de foi : Justus meus ex fide vivit.

Nous ne doutons pas que cette pieuse pratique


que nous proposons aux enfants de N.-D. Récon-
360
ciliatrice ne leur soit d'un très-grand profit ;
l'expérience leur en montrera l'excellence.
Mais à propos de la sainte communion , nous
nous faisons un devoir de recommander à ces
mêmes enfants de Marie deux œuvres qui sem-
blent répondre d'une manière bien directe aux
vues de cette tendre Mère dans son Apparition.
La première est l'association de la Communion
Réparatrice , fondée , il y a une dizaine d'années ,
à Avignon , par les soins et le zèle d'un Père de
la Compagnie de Jésus. Nous ne pouvons entrer
ici dans aucun détail , mais il sera facile de se
procurer un petit opuscule qui donne sur l'œuvre
les renseignements les plus précis. Il est intitulé :
Le Cœur de Jésus consolé dans la sainte Eucha-
ristie par la pratique de la Communion Répara-
trice. On assure que cette pieuse Association
porte partout où elle existe les plus beaux fruits
de grâce et de salut .
L'autre œuvre que nous signalons aussi à la
piété des enfants de N.-D. Réconciliatrice est
l'Archiconfrérie de la Communion Réparatrice en
union avec Marie , ainsi érigée par un bref du
19 décembre de l'année dernière . Nous lisons
dans une petite brochure du P. Blot , jésuite (La
Communion Réparatrice en union avec Marie) ,
qu'il suffit , pour faire partie de l'Association ,
d'envoyer son nom à l'une des communautés de
Marie Réparatrice. L'opuscule dont nous venons
de parler est le petit Manuel de l'Association.
361
Ces deux œuvres, dont le but est la Réparation,
nous rappellent naturellement cette multitude
vraiment extraordinaire d'œuvres semblables ,
associations , congrégations , instituts religieux
qui ont été fondés en France depuis une quin-
zaine d'années. Ce besoin universel de s'unir
pour la réparation est un fait d'une immense
portée. L'avenir seul fera connaître , sans doute,
dans quel dessein particulier la divine Providence
a inspiré tant d'œuvres excellentes. Si quelque
chose est peut-être regrettable , c'est que leur ac-
tion ne soit pas plus puissante sur les âmes , à
cause de l'isolement dans lequel toutes ces forces
se meuvent les unes à l'égard des autres. Mais la
divine Miséricorde qui leur a donné l'être pour se
produire , leur donnera, s'il le faut, pour sa gloire
et pour le bien des âmes , cet esprit d'union qui
seul opère les grandes œuvres. - Mgr Ginoulhiac
signalait déjà ce merveilleux mouvement qui agite
le monde , dans son mémorable Mandement du 4
novembre 1854. « Mais ce que tout le monde ne
sait pas, ajoutait notre vénéré Prélat, ce qu'on
» n'a pas assez remarqué , c'est que ce mouvement
tient comme à sa source originaire et la plus
éclatante , aux paroles prononcées sur cette
D montagne reculée (de la Salette), le 19 septembre
1846 '. »

' Mandement du 4 novembre 1854, p. 44.


21
362

IX.

PRIÈRES DIVERSES .

Litanies de la T.-Ste Vierge , p. 289.


Antiennes de la T.-Ste Vierge , p . 284.

A la Mère de douleur.

Debout près de la croix Stabat Mater dolorosa,


où son Fils était suspendu , Juxta crucem lacrymosa,
Marie , cette Mère de dou- Dum pendebat Filius.
leur, pleurait.
Son ame navrée , gémis- Cujus animam gementem,
sante et désolée, était percée Contristatam et dolentem ,
d'un glaive cruel. Pertransivit gladius.
Oh! qu'elle était triste , O quam tristis et afflicta
qu'elle était affligée , cette Fuit illa benedicta
Mère chérie , près de son Mater Unigeniti !
Fils unique !
Elle était pleine d'an- Quæ merebat et dolebat
goisses, la très-douce Mère, Pia Mater , dùm videbat
en voyant les tourments de Nati pœnas inclyti.
son Fils bien-aimé.
Ah! qui pourrait retenir Quis est homo qui non
ses larmes , en voyant la fleret,
Mère de Jésus dans cet état Matrem Christi si videret
de douleur? In tanto supplicio?
Qui pourrait contempler , Quis non posset contris-
sans une profonde tristesse, tari ,
cette tendre Mère souffrant Christi Matrem contemplari
avec son Fils ? Dolentem cum Filio?
363
Pro peccatis suæ gentis Elle voit Jésus dans les
Vidit Jesum in tormentis tourments pour les péchés
Et flagellis subditum . de sa nation; elle voit ses
membres déchirés sous les
fouels.
Vidit suum dulcem Na- Elle voit ce Fils bien-ai-
tum mé, mourant et délaissé en
Moriendo, desolatum, ` rendant son dernier sou-
Dùm emisit spiritum. pir.
Eia Mater, fons amoris , O Mère: source d'amour!
Me sentire vim doloris faites-moi ressentir vos dou-
Fac, ut tecum lugeam . leurs , afin que je pleure
avec vous.
Fac nt ardeat cor meum Faites que mon cœur
In amando Christum Deum, s'embrase en aimant Jésus,
Ut sibi complaceam. et que je pense toujours à
lui plaire,
Sancta Mater, istud agas, O sainte Mère ! imprimez
Crucifixi fige plagas bien avant dans mon cœur
Cordi meo valide. les plaies de mon Sauveur
crucifié.
Tui Nati vulnerati Que je partage avec vous
Tam dignati pro me pati, tous les fourments que vo-
Pœnas mecum divide. tre Fils endure pour me
racheter.
Fac me tecum piè flere, Que je pleure avec vous,
Crucifixo condolére , que je souffre avec lui ,
Donec ego vixero. pendant tout le cours de
ma vie.
Juxta crucem tecumstare, Que je me tienne près de
Et me tibi sociare vous au pied de la croix ,
In planctu desidero . et que je m'associe à toutes
vos souffrances.
Virgo Virginum præcla- Vierge des Vierges , ne
ra! rebutez point ma prière ;
Mihi jam non sis amara, faites que je pleure avec
Fac me tecum plangere. vous.
Fac ut portem Christi Que je porte en moi la
mortem, mort de Jésus, le poids de
Passionis fac consortem , sa passion et le souvenir de
Et plagas recolere. ses plaies.
Fac me plagis vulnerari , Qu'il me blesse de ses
Fac me cruce inebriari , plaies adorables ; que je
Et cruore Filii. m'enivre de son sang et des
amertumes de sa croix.
364
Et pour éviter le feu de sa Flammis ne urar succen-
colère , que je mérite , ô SMS,
Vierge sainte , de trouver Per te , Virgo , sim defen-
en vous ma défense au jour su s,
duOjugement . In die judicii.
Jésus! puisqu'il faut Christe, cum sit hinc exire
mourir, accordez-moi , par Da, per Matrem, me venire
les mérites de votre Mère , Ad palmam victoriæ.
de gagner la couronne éter-
nelle.
Et lorsque mon corps Quandò corpus morietur,
tombera sans vie , obtenez Fac ut animæ donetur
pour mon âme la gloire et Paradisi gloria.
la félicité du ciel. Ainsi Amen .
Boit-il.
Indulgence de 100 jours, chaque fois. (Innocent XI, "
septembre 1681.)

Litanies de N.-D. de la Salette.

SEIGNEUR, ayez pitié de nous .


Jésus-Christ, ayez pitié de nous .
Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus-Christ, écoutez-nous.
Jésus-Christ, exaucez -nous.
Dieu le Père des Cieux où vous êtes assis, ayez
pitié de nous.
Dieu le Fils , Rédempteur du monde , ayez pitié
de nous.
Dieu le Saint- Esprit , ayez pitié de nous.
Trinité sainte, qui êtes un seul Dieu , ayez pitié
de nous.
Notre-Dame de la Salette , Réconciliatrice des
pécheurs , priez pour nous .
365
Notre - Dame de la Salette , soutien des justes,
priez pour nous.
Notre- Dame de la Salette , guérison des mala-
des , priez pour nous .
Notre- Dame de la Salette , consolatrice des
affligés, priez pour nous.
Notre-Dame de la Salette , qui êtes apparue à
de pauvres enfants des Alpes pour nous donner
de graves avertissements , priez pour nous.
Notre -Dame de la Salette, qui versiez des lar-
mes en songeant aux péchés des hommes, priez
pour nous.
Notre - Dame de la Salette, qui nous avez fait
entendre les menaces du Seigneur afin que nous
nous convertissions , priez pour nous.
Notre- Dame de la Salette, qui par vos supplica-
tions retenez le bras du Seigneur irrité contre
nous, priez pour nous.
Notre-Dame de la Salette , qui avez dit : Si
mon peuple ne veut pas se soumettre , je suis
forcée de laisser aller le bras de mon Fils, priez
pour nous.
Notre-Dame de la Salette, qui priez continuelle-
ment votre divin Fils , afin qu'il nous fasse misé-
ricorde, priez pour nous.
Notre-Dame de la Salette , qui avez tant de
peine à cause de nos péchés , priez pour nous.
Notre- Dame de la Salette , qui méritez toute
notre reconnaissance , priez pour nous .
Notre-Dame de la Salette , qui, après avoir donné
366
vos avertissements aux enfants de la Montagne ,
leur avez dit : Eh bien , mes Enfants , vous le
ferezpasser à tout mon peuple, priez p . nous .
Vous qui avez annoncé aux hommes des châti-
ments terribles , s'ils ne se convertissent pas.
priez pour nous.
Vous qui leur annoncez la miséricorde et le
pardon, s'ils reviennent à Dieu , priez pour nous.
Vous qui promettez des grâces abondantes si
l'on fait pénitence, priez pour nous.
Vous dont l'Apparition miraculeuse a retenti
dans les deux mondes , priez pour nous.
Vous dont les prodiges s'étendent en tout pays ,
priez pour nous.
Vous dont le culte s'accroît chaque jour, priez
pour nous.
Vous dont les bienfaits ravissent tous vos en-
fants, priez pour nous.
Vous qu'on n'invoque pas en vain , priez p . n .
Vous qui avez fait jaillir à vos pieds une eau
miraculeuse , priez pour nous .
Vous qui, à l'exemple de Jésus, rendez la vue
aux aveugles , le mouvement aux paralytiques , la
santé aux malades, priez pour nous.
Vous qui consolez toutes les infortunes, priez
pour nous.
Vous qui êtes apparue resplendissante de clarté.
priez pour nous.
Vous qui portiez sur la poitrine le crucifix et
des instruments de la Passion , priez pour nous.
367
Vous qui nous avez avertis de sanctifier le jour
du Seigneur, si nous voulons éviter des châti-
ments terribles, priez pour nous.
Vous qui avez dit que le travail du dimanche
et le blasphème excitent particulièrement la co-
lère de Dieu, priez pour nous.
Vous qui nous avez reproché de ne point gar-
der les jeûnes et abstinences de l'Eglise , priez
pour nous.
Vous qui nous avez annoncé les fléaux de Dieu,
si l'on continuait à violer ses commandements,
priez pour nous .
Vous qui avez recommandé la prière du matin
et du soir, priez pour nous.
Par votre puissante protection , délivrez - nous
des maux qui nous menacent, ô Marie !
Pauvres pécheurs que nous sommes, conver-
tissez-nous , ô Marie!
Dans l'accomplissement de nos devoirs, aidez-
nous, ô Marie !
Dans la solide piété , affermissez-nous, ô Ma-
rie !
Dans la pratique continuelle de toutes les ver-
tus, encouragez -nous , ô Marie !
Dans nos joies, soyez avec nous , ô Marie !
Dans nos douleurs , soutenez -nous, ô Marie !
Dans tous les événements de la vie , obtenez-
nous une soumission entière à la volonté de
Dieu, Marie !
368
Agneau de Dieu qui effacez les péchés du mon-
de, pardonnez-nous , Seigneur.
Agneau de Dieu qui effacez les péches du mon-
de, exaucez-nous , Seigneur.
Agneau de Dieu qui effacez les péchés du mon-
de, ayez pitié de nous , Seigneur.
Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous,
Afin que nous soyons dignes des promesses
de Jésus- Christ.
ORAISON.
O Dieu, qui ne cessez de nous montrer combien
la dévotion envers la très- sainte Vierge Marie
vous est agréable , par les prodiges multipliés que
nous obtient son intercession , faites-nous la grâ-
ce d'être toujours fidèles aux enseignements
qu'elle nous donne , afin qu'après avoir observé
vos commandements dans cette vie , nous ayons
le bonheur de vous posséder pendant toute l'éter-
nité. Ainsi soit-il.
(Indulgence de 40 jours. (Mgr de Bruillard , 15 janvier
1853.)

Parfaite Oblation et Donation de soi-même à


Marie.
(Composée par Mgr le Cardinal de Bérulle. )

O Marie ! Vierge et Mère tout ensemble! 0


Temple sacré de la Divinité ! ô Merveille du Ciel
369
et de la terre Mère de mon Dieu! je vous
fais à cette heure oblation entière, absolue et ir-
révocable de tout ce que je suis par la miséri-
corde de Dieu, en l'être et en l'ordre de la nature
et de la grâce, et de ce qui en dépend, et de toutes
les actions que j'opérerai à jamais : car je veux
que tout ce qui est à moi soit Vous !
Je vous choisis , ô Vierge très - sainte , et vous
regarde désormais comme l'unique Objet auquel,
après votre Fils et sous votre Fils, je confie mon
âme et ma vie, tant intérieure qu'extérieure , tout
ce qui est à moi généralement. Je mets ma vie et
mon âme en état de dépendance et de servitude
au regard de Vous ; je veux que ma vie de nature
et de grâce, et toutes mes actions soient à Vous
en cette qualité, comme chose qui vous appar-
tient par mon état et ma conduite de servitude
envers Vous, que je vous offre présentement , et
comme l'un de vos esclaves. Je vous offre ma
vie et mes actions, en l'honneur de votre vie et de
vos actions envers votre Fils unique , et de la vio
et des actions de votre Fils unique au regard de
Vous ; et si je connaissais un état plus humble,
plus assujettissant et plus correspondant à l'excès
de vos grandeurs , je le rechercherais par hommage
et par honneur envers Vous ; et je veux que, en
vertu de l'intention présente , chaque moment de
ma vie et chacune de mes actions vous appar-
tienne, autant que si je vous les offrais toutes en
particulier. Ainsi je vous offre tout ce que je suis,
21.
370
tout ce que je puis , pour rendre hommage à tout
ce que vous êtes , ô Vierge et Mère de Dieu ; car en
vous tout est grand , tout est saint, tout est digne
de vénération singulière , et vous êtes un abîme
de grandeurs , et un monde d'excellences et ra-
retés qui ravissent le Ciel en sa beauté , et sont
cachées à l'obscurité de la terre.
Mais en attendant qu'elles me soient toutes
connues , je veux regarder fixement et révérer
singulièrement votre Maternité , votre Souverai-
neté, votre Sainteté : - Votre Maternité , car elle
vous conjoint à Dieu d'un lien qui n'appartient
qu'à Vous, et vous donne un si haut degré d'affi-
nité avec lui, que nul ne l'eût osé penser ; — votre
Souveraineté , car cette qualité admirable de Mère
de Dieu vous donne non-seulement une émi-
nence , mais aussi une puissance et domination
sur toutes les créatures , comme Mère de leur
Créateur ; votre Sainteté , car le Saint des saints
qui veut vous avoir pour Mère, forme une sain-
teté nouvelle , et excédant tous les degrés et les
ordres de sainteté qu'il formera jamais , pour vous
faire digne d'un si grand office, et vous mettre en
un état correspondant à une si grande qualité .
En l'honneur donc de votre Sainteté , de votre
Maternité , de votre Souveraineté , je me dédie
et consacre tout à vous , ô Vierge des vierges ,
Sainte des saintes , Fille et Epouse du Père ,
Mère et Servante du Fils, et Sanctuaire du Saint-
Esprit. Je veux et désire de tout mon cœur que
371
vous ayez une puissance spéciale sur mon âme,
sur mon état , sur ma vie et sur mes actions ,
comme sur une chose qui vous appartient, et par
le titre de vos grandeurs et par un droit nouveau
et particulier , en vertu de l'élection que je fais
de dépendre entièrement de votre Sainteté , de
votre Maternité , de votre Souveraineté , à raison
de cette servitude que je vous offre pour jamais.
Mais cela ne suffit ni à vos grandeurs, ni à mes
désirs. Je vous supplie , ô Vierge sainte et Souve-
raine des cœurs et des esprits consacrés à Jésus,
de daigner prendre Vous -même sur moi la puis-
sance que je ne vous puis donner, et de me rendre
votre esclave en la manière que vous connaissez
et que je ne connais point ; je vous supplie de
m'enclore dans vos pouvoirs et vos priviléges,
et de faire que je sois à Vous en une manière par-
ticulière, et que je vous serve , non- seulement par
mes actions, mais encore par l'état et condition
de mon être et de ma vie intérieure et extérieure ;
et généralement je vous supplie de me tenir et
traiter en la terre comme votre serviteur qui
s'abandonne à tous vos vouloirs , et qui se livre à
tous vos pouvoirs et à tous les effets de votre
Grandeur et Souveraineté sur une chose qui vous
appartient.
Je vous supplie aussi , ô Jésus , mon Seigneur
et mon Dieu, de me tenir et considérer désor-
mais comme le serviteur de votre très- sainte Mère ,
en l'honneur de ce que Vous êtes son Fils , et
372
qu'Elle est votre Mère , et en l'honneur de ce
qu'Elle est seule entre toutes les créatures , qui a
cet état et ce rapport singulier et admirable avec
Vous, et je vous supplie qu'en cette qualité vous
daigniez me faire part de vos voies et miséricor-
des éternelles . Amen.

Fervente Consécration et prière à Marie ,


considérée comme Mère.

(Composée par S. François de Sales.)

Je vous salue, très-douce Vierge Marie, Mère


de Dieu , et vous choisis pour ma très- chère
Mère ; je vous supplie de m'accepter pour votre
fils et serviteur ; je ne veux plus avoir d'autre
Mère et Maîtresse que vous. Je vous prie donc,
ma bonne , gracieuse et douce Mère , qu'il vous
plaise vous souvenir que je suis votre fils, que
vous êtes très- puissante, et que je suis une pau-
vre créature, vile et faible. Je vous supplie aussi ,
très-douce et chère Mère , de me gouverner et dé-
fendre en toutes mes actions ; car, hélas ! je suis
un pauvre nécessiteux et mendiant, qui ai besoin
de votre sainte aide et protection . Eh bien donc !
très-sainte Vierge, ma' douce Mère , de grâce , fai-
tes-moi participant de vos biens et de vos vertus,
principalement de votre sainte humilité, de votre
excellente pureté et fervente charité ; mais accor-
dez -moi surtout ( Indiquez ici la grâce spéciale
373
que vous sollicitez) ... Ne me dites pas, gracieuse
Vierge, que vous ne pouvez pas ; car votre bien-
aimé Fils vous a donné toute puissance, tant au
ciel que sur la terre. Vous n'alléguerez pas non
plus que vous ne devez pas, car vous êtes la Mère
commune de tous les pauvres enfants d'Adam , et
singulièrement la mienne . Puisque donc , très-
douce Vierge, vous êtes ma Mère et quevous êtes
très-puissante , qu'est- ce qui pourrait vous excu-
ser si vous ne me prêtiez votre assistance? Voyez,
ma Mère, que vous êtes contrainte de m'accorder
ce que je vous demande et d'acquiescer à mes
gémissements . Soyez donc exaltée sous les cieux ,
et par votre intercession faites-moi présent de
tous les biens et de toutes les grâces qui plaisent
à la très-sainte Trinité , Père, Fils et Saint- Esprit,
l'objet de tout mon amour pour le temps présent
et pour la grande éternité . Ainsi soit -il.

Consécration de sa famille .
(Composée par S. Alphonse-Marie de Liguori.)

Vierge bénie et sans tache, notre Reine et notre


Mère, Refuge et Consolation de tous les malheu-
reux ! prosterné devant votre trêne avec toute
ma famille, je vous choisis pour ma Souveraine,
ma Mère, et mon Avocate auprès de Dieu . Je me
consacre pour toujours , avec tous ceux qui m'ap-
partiennent, à votre service ; et je vous prie, ô
374
Mère de Dieu ! de nous recevoir au nombre de
vos serviteurs , en nous prenant sous votre pro-
tection , en nous secourant durant notre vie , et
plus encore au moment de notre mort . O Mère
de miséricorde ! je vous établis Maîtresse et Gou-
vernante de toute ma maison , de mes parents,
de mes intérêts, de toutes mes affaires ; ne dédai-
gnez point d'en prendre soin , et disposez de tout
selon votre bon plaisir. Bénissez -moi donc avec
toute ma famille, et ne permettez pas qu'aucun
de nous offense jamais votre divin Fils . Défendez-
nous dans les tentations, délivrez -nous des dan-
gers, pourvoyez à nos besoins , conseillez- nous
dans les doutes , consolez -nous dans les afflic-
tions, assistez-nous dans les maladies , et principa-
lement dans les angoisses de la mort. Ne permettez
pas que le démon se glorifie jamais de tenir sous
son esclavage aucun de nous , qui vous sommes dé-
sormais consacrés ; mais faites que nous ailions au
ciel, pour vous remercier, et pour louer et aimer
notre Rédempteur, pendant toute l'éternité . Ainsi
soit-il.

Prière de Réparation .
Cette prière est prescrite à Rome par N. S. P. le Pape
Pie IX et récitée dans la ville sainte tous les jours après
la sainte Messe et au salut.
Dieu soit béni.
Béni soit son saint Nom .
375
Béni soit Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme.
Béni soit le nom de Jésus.
Béni soit Jésus au très-saint Sacrement de
l'autel .
Bénie soit l'incomparable Mère de Dieu, la très-
sainte Vierge Marie.
Bénie soit sa sainte et Immaculée Conception .
Béni soit le nom de Marie, Vierge et Mère .
Béni soit Dieu dans ses anges et dans ses saints.
Indulgence d'un an chaque fois ; plénière une fois lo
mois (Pie VII, 23 juillet 4801. Pie IX, 8 août 1847).

Prière à N.-S. J.-C.

Ame de Jésus, sanetifiez - moi .


Corps de Jésus , sauvez- moi.
Sang de Jésus , enivrez - moi.
Eau du côté de Jésus , purifiez-moi.
Passion de Jésus , fortifiez-moi .
O bon Jésus , exaucez - moi.
Cachez-moi dans vos plaies.
Ne permettez pas que je me sépare de vous .
Défendez-moi contre le malin esprit.
Appelez-moi à l'heure de ma mort.
Et commandez que je vienne à vous ,
Afin que je vous bénisse avec vos élus dans les
siècles des siècles . Ainsi soit- il.
Indulgence : 1º de 300 jours chaque fois ; 2º de 7 ans
376
à tous les prêtres qui récitent cette prière après avoir
dit la messe , et aux fidèles après avoir fait la commu-
nion ; 3º plénière une fois le mois à ceux qui la disent
au moins une fois par jour. (Pie IX, 9 juin 1854.)

Offrande du précieux Sang de N.-S. J.-C. 1

Père Eternel , je vous offre le Sang très- pré-


cieux de Jésus-Christ , en expiation de mes pé-
chés , et pour les besoins de la sainte Eglise . »
Indulgence de 100 jours chaque fois. (Pie VII , 29
mars 1817.)

Oraisons jaculatoires .
Mon Jésus, miséricorde . »
Indulgence de 100 jours chaque fois. (Pie IX, 23 sep-
tembre 1856.)
« O très-doux Jésus ! ne soyez point mon Juge,
mais mon Sauveur. »
Indulgence de 50 jours chaque fois . (Pie IX , 11 août
4851.)

Au Cœur agonisant de Jésus en faveur des qua-


tre-vingt mille agonisants de chaque jour.

O très-miséricordieux Jésus , plein d'amour


pour les âmes , je vous en conjure par l'agonie de
377
votre Sacré Coeur , et par les douleurs de votre
Mère immaculée , purifiez dans votre sang tous
les pécheurs de la terré qui sont maintenant à
l'agonie, et qui aujourd'hui même doivent mourir.
Ainsi soit-il.
Cœur agonisant de Jésus , ayez pitié des mou-
rants.
Indulgence de 100 jours, chaque fois. (Pie IX , 2 fé-
vrier 4850.)

A Jésus vivant en Marie.

O Jésus , vivant en Marie , venez et vivez dans


votre serviteur (ou servante) , dans votre esprit
de sainteté , dans la plénitude de votre puis-.
sance , dans la perfection de vos voies , dans
la vérité de vos vertus, dans la communion de
vos mystères ; dominez en moi sur toute puis-
sance ennemie , par votre esprit , pour la gloire
de votre Père. Ainsi soit-il.

A N.-D. de Compassion .

Ave, Maria, doloribus plena : Crucifixus tecum :


lacrymabilis tu in mulieribus , et lacrymabilis
fructus ventris tui, Jesus .
Sancta Maria, Mater Crucifixi , lacrymas imper-
378
tire nobis crucifixoribus Filii tui, nunc et in hora
mortis nostræ . Amen .
Indulgence de 100 jours , chaque fois. ( Pie IX , 23 dé-
cembre 1847. - La traduction française se trouve au
commencement de l'exercice du Chemin de la Croix.

Le Memorare.

Souvenez vous , ô très-douce Vierge Marie , qu'on


n'a jamais entendu dire qu'aucun de ceux qui
out eu recours à votre protection , imploré votre
assistance et réclamé votre intercession , ait été
abandonné. Animé d'une pareille confiance , o
Vierge des vierges et ma tendre Mère , je cours
me réfugier auprès de vous , et , gémissant sous
le poids de mes fautes, je me prosterne à vos
pieds. Veuillez, ô Mère du Verbe , ne point mé-
priser mes prières , mais écoutez -les favorable-
ment, et daignez les exaucer. Ainsi soit-il.
Indulgence de 300 jours, chaque fois . (Pie IX , 25 juillet
4846.)

A N.-D. Réconciliatrice.

Je vous salue , auguste Reine de la paix , très-


sainte Mère de Dieu. Par le sacré Cœur de Jésus
votre Fils , le Prince de la paix , faites que sa co-
379
lère s'apaise ; et qu'il règne pacifiquement sur
nous . Souvenez-vous, ô très-compatissante Vierge
Marie, qu'on n'a jamais entendu dire que celui
qui a eu recours à votre protection ait été aban-
donné. Animé d'une pareille confiance , j'ai re-
cours à vous . Ne rejetez point , ô Mère du Verbe ,
mes prières, mais daignez les écouter et les exau-
cer , ô clémente , ô pieuse , ô douce Vierge Marie !
Indulgence de 300 jours, chaque fois. (Pie IX, 23 sep-
tembre 1846.)

Consécration à Marie.

O ma Souveraine ! ô ma Mère ! Je m'offre tout


à vous , et pour vous prouver mon dévouement,
je vous consacre aujourd'hui mes yeux , mes
oreilles, ma bouche , mon cœur, tout moi-même.
Puisque je vous appartiens , ô ma bonne Mère !
gardez - moi , défendez-moi , comme votre bien et
votre propriété .
Indulgence de 100 jours, chaque jour , et plénière une
fois chaque mois , si l'on récite cette prière matin et
Boir, avec un Ave Maria et l'aspiration suivante :
O ma Souveraine , ma Mère ! souvenez-vous
que je vous appartiens. Gardez -moi , défendez-
moi comme votre bien et votre propriété.
Une indulgence de 40 jours est attachée à cette seule
380
aspiration, chaque fois qu'on la récite au moment de
la tentation. (Pie IX, 5 août 1851.)

Oraisons jaculatoires à Marie.

Doux Cœur de Marie , soyez mon salut.


Indulgence de 300 jours, chaque fois ; plénière , une
fois le mois. (Pie IX, 30 septembre 1852.)
Bénie soit la sainte et Immaculée Conception
de la bienheureuse Vierge Marie ! »
Indulgence de 100 jours, chaque fois. (Pie VI, 21 no-
vembre 1793.)

Invocation à Jésus , Marie , Joseph.

Jésus , Marie , Joseph , je vous donne mon


cœur, mon esprit et ma vie ;
Jésus , Marie , Joseph , assistez -moi dans ma
dernière agonie ;
Jésus , Marie , Joseph , que je meure paisible-
ment en votre sainte compagnie. »
Indulgence de 300 jours chaque fois. (Pie VII, 28
avril 1807.)
381

CONCLUSION.

Tirée des Gloires de Marie, de S. Alphonse de Liguori .)

Et maintenant, mon cher Lecteur et Frère , En-


fant affectueux de Marie , je vous quitte en vous
disant : Continuez de grand cœur à honorer et à
aimer cette bonne Mère , tâchez en outre de la
faire aimer des autres autant que vous le pour-
rez, et soyez persuadé , ayez la ferme confiance,
que si vous persévérez jusqu'à la mort dans la
vraie dévotion envers Marie , votre salut est as-
suré. Je finis, non parce que je n'ai plus rien à dire
des gloires de cette grande Reine et de l'amour
qu'Elle a pour nous, mais dans la crainte qu'un
plus long discours ne vous fatigue. Le peu que je
vous en ai dit suffit pour vous inspirer l'amour de
ce précieux trésor de la dévotion à la Mère de
Dieu , et Elle saura bien y répondre par les effets
de sa puissante protection . Agréez donc le désir
qui m'a fait entreprendre cet ouvrage , et qui n'est
autre que de vous voir arriver au salut et à la
sainteté, en devenant un enfant de cette aimable
Reine, et un enfant pénétré d'un ardent amour
382
pour Elle . Et si vous reconnaissez qu'en cela ce
petit livre vous a été de quelque utilité, je vous
prie d'avoir la charité d'en recommander l'auteur
à Marie , et de demander pour lui à cette tendre
Mère la grâce qu'il Lui demande pour vous , sa-
voir : Que nous nous voyons un jour en Paradis,
réunis à ses pieds avec tous ses autres enfants
chéris. Ainsi soit- il.
APPENDICE .

AVIS

DES MISSIONNAIRES DE NOTRE-DAME DE LA SALETTE,


ET RENSEIGNEMENTS UTILES .

1 Toutes les lettres contenant des demandes de


prières , de messes , de renseignements , d'eau de
la Salette , d'objets de piété , etc. , les lettres d'en-
voi d'argent, et tous les mandats, quelle que soit
leur destination , doivent toujours être à l'adresse
suivante :

Au R. P. Supérieur des Missionnaires de N.-D.


de la Salette, par Corps (Isère).

Jamais sur l'adresse de ces lettres et sur ces


mandals le nom propre du Supérieur ni d'aucun
Missionnaire.
2 Indiquer toujours à la tête des lettres , et
non à la fin, le nom du pays qu'on habite, le nom
du département ou de la province, le jour du mois
où l'on écrit.
384
3° Quand on fait des réclamations , rappeler la
date de sa lettre , ou la date de celle qu'on a reçue.
Ecrire très- lisiblement , et en toutes lettres,
son nom et le nom de son pays , avec les indica-
tions de rue et de numéro , si l'on habite une
ville , sous peine de n'avoir souvent point de ré-
ponse, malgré toute notre bonne volonté.
Autant que possible , envoyer des lettres sans
enveloppe.
Les sommes d'argent doivent être envoyées en
mandats sur la poste , en billets de banque , ou en
lettres de crédit à vue et sans frais.
7° Les envois d'eau de N.-D. de la Salette sont
ordinairement difficiles depuis la Toussaint jus-
qu'au mois d'avril. Les expéditionnaires ne ré-
pondent point des accidents qui peuvent arriver
en chemin. Les personnes fort éloignées de la
Salette doivent s'attendre à des frais de transport
considérables pour cette eau. - Elle est envoyée ,
l'hiver, dans des vases en fer-blanc , à cause du
froid, et l'été , dans des vases en verre. - Pour
frais de vases , de caisse , d'emballage et de trans-
port de la Montagne au bureau des voitures, on
doit un franc par litre. Le port est à la charge du
destinataire, et nous n'affranchissons pas.
8 L'eau de N.-D. de la Salette et les objets de
piété ne sont expédiés que par les grandes voies
de transport chemins de fer , messageries , etc. ,
pour plus de sûreté et de célérité.
9° Quand on demande des objets de piété , il
385
faut bien indiquer ce que l'on désire et le prix
qu'on veut y mettre . - Nous ne pouvons envoyer
franco que ce qui peut être expédié par la poste.
10° Les honoraires de messe sont fixés à deux
francs par l'Autorité diocésaine en faveur du
Sanctuaire.
11° Chaque jour , depuis le 19 mai jusqu'au 19
septembre, et tous les samedis de l'année , les
Missionnaires de N.-D. de la Salette disent une
messe pour les Bienfaiteurs vivants et défunts du
Sanctuaire.
12' On donne chaque année trois retraites : La
première , du 27 juin au 2 juillet ; la deuxième,
du 10 au 15 août ; la troisième , du 14 au 19 sep-
tembre .
13° On peut loger un assez grand nombre de
pèlerins sur la montagne de la Salette.
14° L'Eglise de N.-D. de la Salette n'est pas en-
core tout à fait achevée . Les tours de la façade
sont en ce moment en construction (juillet 1863).
15° Les personnes qui connaissent des traits
vraiment édifiants et authentiques concernant la
dévotion à N.-D. de la Salette sont instamment
priées d'en donner connaissance au R. P. Supé-
rieur des Missionnaires.
16 L'accès de la sainte Montagne est ordinai-
rement difficile depuis la Toussaint jusqu'à la
fin mars. Le reste de l'année , on peut y arriver
facilement.
FIN.
TABLE .

DEDICACE . ...
APPROBATION. VI
PREFACE. VII
PREMIERE PARTIE
Origine, Fondements , Excellence , etc. , de la
dévotion à N.-D. Réconciliatrice.
CHAPITRE Icr. - Origine de la dévotion à Notre-
Dame Réconciliatrice de la Salette. - Récit
de l'Apparition .....
CHAP. II. Fondements de la dévotion.- Preu-
111

ves du fait...... 17
CHAP. III. ― Excellence de la dévotion à N.-D.
Réconciliatrice de la Salette ...... 26
Get

L'Apparition et la dévotion à la Ste-Vierge.. 36


CHAP. IV. De l'esprit de la dévotion à N.-D.
Réconciliatrice de la Salette..... 45
1 Degré. La Contrition.... 46.
2 Degré. La Pénitence.. 51
3 Degré. La Réparation ... 55
CHAP. V. — L'Archiconfrérie de N.-D. Récon-
ciliatrice. Origine.- Erection canonique.
- Faveurs du Saint-Siége. 62
22
388
Indulgences de l'Archiconfrérie..... 80
Esprit propre et but de l'Archiconfrérie ………. 81
Manière de procéder pour établir et affilier
une Confrérie.... 82

MANDEMENT DOCTRINAL de Mgr de Bruillard ..... 84


MANDEMENT qui annonce la pose de la première
pierre du Sanctuaire et la fondation de la
Communauté des Missionnaires………. 97
DEUXIÈME PARTIE .
Méditation de l'Apparition, Exercice fondamental
de la dévotion à N.-D. de la Salette.
Avis au pieux serviteur de Marie en retraite .... 111
MANIÈRE PARTICULIÈRE de méditer sur l'Appari-
tion de la Ste-Vierge .... 119
PRINCIPAUX EXERCICES d'une retraite particulière. 124
MÉDITATION PRÉPARATOIRE. - La céleste Messa-
gère..... 127
1re MÉDITATION. -- De la grande affaire de la vie
présente . 138
2 MEDITATION. -- Droits particuliers de J.-C. à
notre soumission ... 147
3° MÉDITATION. - Le péché mortel.. 154
4 MEDITATION. - De la juste et effrayante colère
de Dieu... 162
5e MÉDITATION. - De l'abandon de J.-C... 171
Ge MÉDITATION. - N.-D. Réconciliatrice .. 180
7 MÉDITATION.- De la contrition de nos péchés. 191
389
AUTRE MÉDITATION. De l'esprit d'Expiation et
de Réparation.... 202
8 MÉDITATION. - Le Crucifix de notre Mère.... 204
9 MEDITATION. La Compassion de Marie.... 218
10° MÉDITATION. - La prière…………. 222
11º MEDITATION. - N.-D. de la Salette , modèle
d'humilité et de charité... 234
12 MÉDITATION. La voie du Ciel. 252

TROISIÈME PARTIE.

Œuvres et pratiques qui se rapportent à la dévotion


å N.-D. Réconciliatrice.
I. Pèlerinage de N.-D. de la Salette..... 269
Règles de conduite pour sanctifier le pèleri-
nage . 274
II. Exercice de l'Archiconfrérie .. 277
Vêpres de la T.-Ste Vierge. 280
Salve Regina...... 286
Exercice d'expiation. - Ps. Miserere.. 286
Sub tuum... 287
Tantum ergo. 288
Litanies de la T.- Ste Vierge... 289
De profundis.... 290
III. OEuvre de l'Adoration perpétuelle .. 291
Extrait du règlement de l'OEuvre... 297
IV. Exercice du Chemin de la croix.... 300
Considération et prières pour chaque station.. 305
V. La visite aux saints Lieux de l'Apparition... 316
390
VI. Des Neuvaines en général. - Pratiques et
exercices... 323
VII. Le Mois de N.-D. de la Salette.... 327
VIII. La sainte, Messe entendue en union avec
Marie. - - Considérations préliminaires . 330
Prières pour la sainte Messe.. 338
La Communion en union avec Marie.. 355
IX. Prières diverses. - Stabat Mater.. 362
Litanies de N.-D. de la Salette..... 364
Acte de donation de soi-même à Marie, par le
cardinal de Bérulle…………. 368
Acte de consécration, par Saint François de
Sales....... 372
Consécration de sa famille, par S. Alphonse
de Liguori ...... 373
Diverses prières . enrichies d'indulgences... 374-380
CONCLUSION ... 381
APPENDICE. Avis et renseignements utiles... 383
3
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