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REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON

Paix-Travail-Patrie Peace-Work-Fatherland
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UNIVERSITE DE DSCHANG
UNIVERSITY OF DSCHANG
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Faculty of Law and political science Paix-Travail-Patrie
----------------------------- Peace-Work-Fatherland
Département de droit des Affaires et de l’Entreprise
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Département de Droit Public -------------------------------------------------
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BP 66 Dschang

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COURS D’INTRODUCTION AU DROIT DE LA


------------------------- DECENTRALISATION

Dispensé PAR :

Dr. SOH MBOGNE HERMANN THIERRY


Phd en Droit Public
Enseignant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang
Président de l’Association Camerounaise pour l’Environnement, le Droit, la Décentralisation et le
Développement Durable (ACE4D)
Email : thierrysohmbogne86@yahoo.com

A l’endroit des étudiants de DEUP (DIPLOME D’ETUDES


UNIVERSITAIRES PROFESSIONNELLES)
Niveau 1
Assistance juridique
&
Ingénierie juridique des collectivités territoriales décentralisées

ANNEE ACADEMIQUE 2023/2024

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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

A. OUVRAGES

ABANE ENGOLO Patrick Edgard, La décentralisation. (Re)présentation, financement et évolution


récentes, Paris, L’Harmattan, 2022, 440 p.

EDIMO MBOO Mariette, Décentralisation et coopération décentralisée au Cameroun, Afredit, 2019,


153 p.

ESSAME Isaac, Visage et usinage de la décentralisation au Cameroun, Système et techniques


d’administration locale, Edilivre, 2019, 122 p.

KOUEMEGNE NOUBISSI Hilaire, Décentralisation et centralisation au Cameroun. La répartition des


compétences entre l’Etat et les collectivités locales, Paris, L’Harmattan, 2013, 509 p.

MGBATOU François, Le budget participatif. Un outil d’accélération de la décentralisation au


Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2019, 324 p.

ONDOA Magloire et ABANE ENGOLO Patrick Edgard, Les transformations contemporaines du droit
public en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2018, 222 p.

OWONA Joseph, La décentralisation camerounaise, Paris, L’Harmattan, Paris, 2011, 172 p.

B. ARTICLES DE DOCTRINE

ALIYOU Sali, « Décentralisation territoriale et développement au Cameroun », Mosaïque, Revue


Panafricaine des Sciences Juridiques Comparées, n° 18/2022, pp. 124 – 153.
GUIMDO DONGMO Bertrand-Raymond, « Les bases constitutionnelles de la décentralisation au
Cameroun (Contribution à l’étude de l’émergence d’un droit constitutionnel des collectivités territoriales
décentralisées) », Revue Générale de Droit, volume 29, numéro 1, décembre 1998, pp. 79-100.
HERNU Paul, « La décentralisation territoriale : une réforme inabouti », Gestion et Finances Publiques,
2017/6, pp. 42-50.
KANKEU Joseph, « L’autonomie des collectivités territoriales décentralisées : Quelles autonomie ? »,
Juridis périodique, n° 85, Janvier-Février-Mars 2011, pp. 90-99.
KEUDJEU DE KEUDJEU John Richard, « Réflexions sur une ambiguïté institutionnelle locale
camerounaise : la communauté urbaine », Mosaïque, Revue Panafricaine des Sciences Juridiques
Comparées, n° 07/2022, pp 23-64.
KEUTCHA TCHAPNGA Célestin, « Désétatisation et nouvelle configuration du pouvoir en Afrique
subsaharienne », La Revue du CERDIP, volume 3, n° 5, Janvier-Juin 2007, pp. 38-49.

1
MINKONDA Hermann et al., « Les enjeux de la création du ministère de la décentralisation et du
développement local au Cameroun » in Revue ivoirienne de Gouvernance et d’Etudes
Stratégiques, No 10/ 2, 2020.
NGUENA DJOUFACK Arsène Landry, « La Constitution camerounaise et la fonction du législateur en
matière de décentralisation territoriale », Revue RAMRES/S.J.P., n° 2, juillet 2020, pp. 156-178.
PONTIER Jean Marie, « Compétence locales et politiques publiques » in Revue Française
d’Administration Publique, 2012/1, n° 141, pp. 139-156.
UNTERMAIER-Kerleo Elise, « Pour la reconnaissance d’une responsabilité disciplinaire des
élus locaux en cas de manquement à leurs obligations déontologiques » in JCP/La
Semaine Juridique, éd Administration et collectivités Territoriales, n° 18, mai 2022.
C. LEGISLATION :
- Constitution du 18 janvier 1996
- La loi n° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code général des CTD
- La loi n° 2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités
publiques
- La loi n° 2018/11 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la
gestion des finances publiques au Cameroun
- Le décret n°2022/354 du 09 août 2022 fixant les modalités d’exercice de la police municipale
- Les six décrets du 28 décembre 2021 portant notamment sur l’Organisation-type de l’administration
territoriale, la Répartition de la Dotation Générale de la Décentralisation au titre de l’exercice
budgétaire 2021, les Modalités d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux
Régions en matière d’urbanisme, d’organisation et de la gestion des transports publics interurbains,
de protection de l’environnement, de tourisme et loisirs
- Le Décret n° 2020/773 du 24 décembre 2020 déterminant les modalités d’exercice des fonctions de
public independant conciliator auprès des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
- Le Décret n° 2020/676 du 03 novembre 2020 portant organisation et fonctionnement du Conseil
National de la Décentralisation.
- Le Décret n° 2020/689 du 09 novembre 2020 portant organisation et fonctionnement du Comité
Interministériel des Services Locaux.
- Le Décret n° 2020/6635 du 21 décembre 2020 portant organisation et fonctionnement du Comité
National des Finances Locales.
- Le Décret n° 2018/190 du 02 mars 2018 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n°
2011/408 du 09 décembre 2011 portant organisation du Gouvernement (qui crée et organise le
Ministère de la Décentralisation et du Développement Local (MINDDEVEL)

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INTRODUCTION GENERALE

L’organisation des pouvoirs publics dans les sociétés contemporaines conditionne l’efficacité et
l’efficience de l’action publique. La rationalisation des différents niveaux d’intervention et de compétences
est un facteur-clé d’une bonne gouvernance.

Dans ce contexte, la recherche du niveau pertinent d’intervention dans la définition et la mise en


œuvre des politiques publiques est essentielle. De ce fait, la nécessité de promouvoir la proximité de l’action
publique dans un cadre national cohérent et performant pour le citoyen conduit à s’interroger sur l’équilibre
entre l’action de l’État et l’action décentralisée. Trop fortement centralisée, l’organisation des pouvoirs
publics affaiblit l’initiative locale et en compromet le libre développement. Décentralisée sans
accompagnement de l’échelon déconcentré, l’organisation administrative est soumise au risque
d’inefficacité et de manque de cohérence.

Le Cameroun, comme beaucoup d’autres pays africains post-indépendantistes, s’inscrit


parfaitement dans une importante dynamique de la décentralisation. Comme on a pourtant pu le relever, la
décentralisation ne date pas d'aujourd'hui. Elle commence entre les deux guerres mondiales, d'abord au
Cameroun britannique, avec le système de gouvernement « indirect rule », pratiqué par la Grande-Bretagne
et impliquant les Chefs traditionnels dans l'administration et la gestion des affaires de la cité ; enfin, au
Cameroun français dès 1941, avec la création des Communes mixtes urbaines (CMU) de Yaoundé et
Douala. Elle est constitutionnalisée par la Constitution camerounaise du 2 juin 1972 qui confère aux
communes un cadre juridique en faisant d'elles des personnes morales de droit public jouissant d'une
autonomie financière, juridique et administrative. La loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la
constitution du 2 juin 1972 vient créer une deuxième catégorie de collectivité territoriale décentralisée : la
région.

Les collectivités territoriales décentralisées du Cameroun ont deux statuts juridiques : celles qui
bénéficient d'une constitutionnalité directe car créées par la Constitution (commune et région) et celles dont
la constitutionnalité est indirecte car créées par la loi. En effet, l'article 55, alinéa 1 de la Constitution permet
au législateur de créer "tout autre type de collectivité décentralisée. La suppression des premières nécessite
une révision de la Constitution alors qu'un simple texte du législateur suffit pour mettre fin à l'existence des
collectivités de type 2 sus-citées.

Les principaux objectifs de la décentralisation sont d’assurer une meilleure prestation de services
par le secteur public et d’améliorer la qualité de vie des citoyens. La décentralisation a été considérée
comme une partie intégrante de la réponse à certains défis tels que celui de l’accroissement de la demande

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à l’égard des services publics et de l’augmentation des attentes des citoyens quant à la qualité de ces
services. D’un point de vue politique, la décentralisation devrait améliorer la planification et la délivrance
des services publics en tenant compte des exigences et des conditions locales, tout en répondant aux
objectifs régionaux et nationaux.

Dans de nombreux pays, la décentralisation a été proposée pour des raisons économiques. Il peut en
effet y avoir des économies d’échelle dans la fourniture de certains services au niveau national ou même
régional, ce qui signifie que la prestation locale de services peut être moins onéreuse.

La décentralisation est aussi proposée pour renforcer la démocratie en rapprochant le niveau de prise
de décisions de ceux qui sont le plus touchés par les mesures gouvernementales. L’espoir est que la
prestation de services soit meilleure si une réponse aux exigences et aux besoins divers de la population est
donnée par des fonctionnaires locaux disposant d’informations plus précises concernant ces souhaits. La
décentralisation devrait être caractérisée par la reddition de comptes publics afin que les autorités locales
puissent faire l’objet d’un contrôle démocratique. Les citoyens devraient ainsi influer sur les décisions
prises par les conseils locaux élus.

Les raisons pour lesquelles un gouvernement décide d’entreprendre une décentralisation sont donc
notamment les suivantes:

- Efficacité: L’amélioration de l’efficacité administrative et économique dans l’allocation de


ressources limitées grâce à une meilleure compréhension des besoins locaux.
- Transparence: Il existe un lien clair entre les paiements effectués par les contribuables locaux
et le niveau des services fournis localement.
- Subsidiarité: Assurer la responsabilité des fonctionnaires démocratiquement élus à l’égard de
l’électorat permet des gains d’efficacité.
- Mobilisation: Une plus grande participation collective des citoyens au sein des institutions
locales devrait renforcer la prise de décisions et le processus démocratique.

La principale orientation de la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND30) en


matière de décentralisation et de développement local au Cameroun est d’accélérer et d’approfondir le
processus de décentralisation et de renforcer la gouvernance locale pour faire des Collectivités Territoriales
Décentralisées (CTD), des pôles de croissance et de développement aux niveaux régional et local. Toutes
choses qui favorisent l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) en faveur des populations
à la base à travers l’amélioration de leurs conditions de vie.

Le processus de la décentralisation ainsi déclenché au Cameroun, qui vise à susciter le


développement à partir de la base et permettre d’atteindre plus facilement les Objectifs de Développement
Durables, connait une véritable accélération notamment depuis les années 2018 à 2019.

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En effet, le Grand Dialogue national, a été convoqué par le Chef de l’État du 30 septembre au 04
octobre 2019, dans l’optique d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des
populations des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, mais aussi de toutes les autres composantes de la
Nation camerounaise. Des huit thématiques examinées par les participants, figurait en bonne place celle
relative à la décentralisation et au développement local. A l’issue de ces assises, des recommandations
fortes ont été formulées pour une modernisation du cadre juridique de la décentralisation, la consolidation
du cadre institutionnel, la disponibilité de ressources humaines qualifiées, avec notamment la mise en
place de la fonction publique locale, la mobilisation et l’optimisation des ressources financières
en direction des CTD, le renforcement de la participation des populations à la gestion des affaires publiques
au niveau local et la consécration du statut spécial pour les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

C’est dans ce contexte qu’il importe d’étudier les éléments fondamentaux qui caractérisent
actuellement la décentralisation au Cameroun. Avant de procéder à une présentation générale des grandes
lignes du droit de la décentralisation au Cameroun, il convient de procéder à une clarification de certaines
notions.

CLARIFICATION TERMINOLOGIQUE

Il est nécessaire de mettre en exergue la notion de droit de la décentralisation (A) avant de procéder
à une esquisse de définition de la décentralisation (B) et des collectivités territoriales décentralisées (C).

A- Le droit de la décentralisation

Le droit de la décentralisation s’appréhende comme l’ensemble des règles juridiques qui régissent
le système décentralisé, son organisation, son fonctionnement, son application et implémentation et sa
limitation aux actes et domaines spécifiques.

Il s’agit en d’autres termes de l’ensemble des règles qui président à l’organisation et à la gestion des
affaires publiques à la base par les populations concernées.

B- La décentralisation

La Charte africaine des valeurs et principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et


du développement local définit la décentralisation en son article premier comme le transfert des pouvoirs,
des responsabilités, des capacités et des ressources du niveau national à tous les niveaux sous-nationaux de
gouvernement afin de renforcer la capacité des gouvernements sous-nationaux à promouvoir la
participation des populations et la fourniture de service de qualité.

Selon l’article 5 (1) de la loi N°024 du 24 décembre 2019 portant Code général des collectivités
territoriales décentralisées (CGCTD), la décentralisation consiste en un transfert par l’Etat aux
collectivités territoriales de compétences particuliers et de moyens appropriés. L’alinéa 2 précise son

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importance en affirmant qu’elle constitue l’axe fondamental de promotion du développement, de la
démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local.

A la lecture de cette disposition législative, il y a décentralisation lorsque les décisions


administratives ne sont plus prises par le pouvoir central ou ses agents déconcentrés, mais par des
autorités locales élues au suffrage universel et dotées d’une autonomie à l’égard du Gouvernement.

La décentralisation consiste donc dès lors à reconnaître à d’autres personnes publiques que l’Etat
des pouvoirs administratifs qu’elles exercent de manière autonome dans le cadre des lois.

Pour mieux comprendre ce concept, il est important de déterminer ses conditions (1) et ses
composantes (2).

1- Les conditions de la décentralisation


Généralement, trois conditions essentielles sont nécessaires à l'existence de la décentralisation : la
personnalité juridique (a), l'indépendance personnelle des autorités décentralisées (b) et les moyens
financiers propres (b).
a. La personnalité juridique des autorités décentralisées
Le concept de personnalité juridique repose sur l'individualisation d'une institution particulière afin
qu'elle puisse accomplir des actes juridiques et plus légalement être soumise à des droits et obligations. Par
conséquent, en ce qui concerne les autorités décentralisées, les affaires qu'elles gèrent leur sont propres et
sont donc séparées des affaires de l'Etat central. Toutefois, il convient de noter que cette distinction n'est
pas un cloisonnement dans le sens où la décentralisation ne met pas fin à l'unité de l'Etat.
b. L’autonomie des autorités décentralisées
L’autonomie des autorités décentralisées signifie que les autorités décentralisées ne dépendent pas
directement du pouvoir central de l'Etat. C'est pourquoi leur statut exige deux éléments clés.
Premièrement, les autorités décentralisées doivent être élues, ce qui leur confère une légitimité
démocratique qui, malgré son caractère local, doit néanmoins les protéger des vicissitudes ou des aléas du
pouvoir central. Avec la fin des délégués du Gouvernement autrefois nommés à la tête des communautés
urbaines, l’élection est désormais la seule modalité de désignation des autorités locales au Cameroun.
Deuxièmement, leur situation doit être suffisamment garantie pour qu'elles ne puissent pas être
dépossédées de leurs pouvoirs par les autorités centrales, même si elles exercent sur elles un pouvoir de
contrôle (maîtrise) conformément à la loi.
Il s’agit donc d’une autonomie juridique, d’une autonomie organique et d’une autonomie
fonctionnelle.
c. La possession de ressources financières propres
Les ressources financières des autorités décentralisées doivent être non seulement bien définies,
mais aussi suffisantes. La loi devrait dès lors développer un système fiscal spécifique afin de donner aux
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collectivités décentralisées les sources de revenus qui leur sont intrinsèques. En outre, ces ressources
financières doivent être suffisantes pour leur permettre de répondre aux besoins locaux de la collectivité.
Toutes ces conditions sont susceptibles de protéger la collectivité décentralisée contre les pressions
du gouvernement central. L'Etat peut approuver des subventions aux collectivités décentralisées. Mais le
pourcentage des subventions doit être minimal par rapport aux ressources propres de la collectivité.
Cependant, la mise en œuvre de ces conditions varie selon le type de décentralisation.
2- Les types de décentralisation
Il existe au moins deux formes de décentralisation : la décentralisation territoriale qui sera retenue
dans le cadre de ce cours (a) et la décentralisation des services (b).
a) La décentralisation territoriale
La décentralisation territoriale est encore dite "géographique" car elle repose sur une portion bien
définie de l'Etat. Dans le contexte camerounais, les collectivités locales suivent généralement les contours
des circonscriptions administratives déconcentrées. C'est pourquoi il est important de qualifier ces deux
éléments afin de déterminer leurs spécificités. Il est donc important de comprendre que, contrairement à la
structure déconcentrée qui découle simplement du travail d'organisation administrative, la décentralisation
territoriale dépasse le cadre d'une simple technique administrative et a une connotation politique pour deux
raisons :
Tout d'abord, la municipalité prend la forme d'un véritable gouvernement local qui, bien
qu'incomplet, reflète un embryon de démocratie. Alexis de TOCQUEVILLE a déclaré à ce propos que « le
conseil est pour la démocratie ce que les écoles primaires sont pour l'éducation ».
Secondement, l'existence de ces démocraties locales est importante pour la démocratie politique qui
y est naturellement liée. Maurice HAURIOU déclarait à cet égard que : « Les raisons de la décentralisation
ne sont pas administratives mais constitutionnelles. Si ce n'était que d'un point de vue administratif, la
déconcentration donnerait au pays une administration plus impartiale, plus intégrée et plus économique
que la décentralisation. Mais les pays modernes n'ont pas seulement besoin d'une bonne administration,
ils ont aussi besoin de liberté politique ». Des considérations qui n’existent pas dans le cadre de la
déconcentration, encore moins dans celui de la décentralisation technique.

b) La décentralisation technique
La décentralisation technique est aussi appelée décentralisation par service ou décentralisation
verticale. Elle implique de permettre à un ensemble de personnes de gérer les affaires correspondant à la
spécialité de l'institution par l'intermédiaire de leur représentant. Mais il faut noter que, contrairement à la
décentralisation territoriale, la décentralisation technique a un caractère administratif très fort, surtout dans
le contexte des pays en développement en général, et du Cameroun en particulier. Il s'ensuit que les autorités
décentralisées dans le cadre de la décentralisation technique ne sont pas nécessairement élues, mais sont
plutôt nommées par le gouvernement central, qui, en outre, pourvoit presque entièrement à leurs besoins

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financiers par le biais de subventions. Mais qu'elle soit territoriale ou technique, la décentralisation produit
nécessairement les mêmes effets.

3- Les effets de la décentralisation


L'un des effets ultimes de la décentralisation est qu'elle donne naissance au pouvoir de tutelle. En
droit administratif, la notion de tutelle a une connotation particulière, contrairement à la conception du droit
civil. En effet, en droit civil, la tutelle renvoie à l'idée de protection exercée par un être supérieur au profit
d'un être inférieur considéré comme faible ou incapable. En droit administratif, en revanche, la tutelle
renvoie davantage à l'idée de contrôle exercé par l'Etat sur les collectivités décentralisées en vue de
préserver l'intérêt général de l'Etat. Il en résulte que l'Etat exerce un contrôle défini avec des
composantes spécifiques sur l'ensemble des collectivités décentralisées. La présentation de la portée de la
tutelle (a) est indissociable de celle de ses composantes (b).
a) La portée de la tutelle
En général, l'Etat exerce un contrôle sur les autorités décentralisées, tant sur les personnes que sur
les actes des collectivités locales décentralisées.
- La tutelle sur la personne
Elle est aussi appelée tutelle sur les entités car elle reflète le contrôle que le gouvernement central
exerce sur les institutions de gouvernance des communautés décentralisées. Il peut s'agir d'entités
individuelles telles que le maire dans les communautés urbaines et/ou les villes. Mais il peut s'agir d'organes
tels que le conseil municipal, le conseil régional ou le conseil d'administration d'une institution. Comme on
le verra, l'autorité de contrôle peut donc prendre des mesures disciplinaires à l'encontre des entités de la
collectivité décentralisée, soit en les suspendant, soit en les dissolvant, soit en les révoquant. Voir, par
exemple, la partie II, chapitre III de la loi n° 2019/024 portant CGCTD.
- La tutelle sur les actes
C'est au niveau des actes des autorités décentralisées que l'autorité de contrôle détient des pouvoirs
étendus. En particulier, l'autorité de contrôle doit s'assurer que les actes des autorités décentralisées sont
conformes à la loi, c'est-à-dire qu'ils respectent le principe de légalité. (Voir la partie V, chapitre I de la loi
n° 2019/024 portant CGCTD intitulé : contrôle de la légalité).
b) Les composantes des pouvoirs de contrôle
Le pouvoir de contrôle comporte quatre éléments :
- Le pouvoir d'annulation (cf. article 77 en général et plus particulièrement la sous-section 4) ;
- Le pouvoir d'approbation (voir article 76) ;
- Le pouvoir de substitution des actes ;
- Le pouvoir d'autorisation.
Contrairement au pouvoir hiérarchique qui se manifeste spontanément, le pouvoir de tutelle n'est
possible que si un texte le prévoit expressément. Ainsi, selon la loi, il n'y a pas de tutelle sans texte. Par
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exemple, la tutelle de l'Etat sur les CTD ou sur d’autres entités publiques comme les établissements publics
et les entreprises publiques est définie par un texte.
- Le pouvoir d'annulation
Ce pouvoir permet à l'autorité de contrôle d'avoir un accès rétroactif à la possibilité d'éliminer les
décisions prises par une autorité décentralisée. Ce pouvoir peut intervenir après que l'autorité de contrôle
ait préalablement suspendu l'autorité décentralisée.
- Le pouvoir d'approbation
Ce pouvoir est applicable aux décisions prises par les organes des CTD mais qui ne peuvent entrer
réellement en vigueur que si l'autorité de contrôle les approuve. Dans ce cas, l'effet de la décision est
rétroactif à la date à laquelle la décision a été prise par l'autorité décentralisée. Ce pouvoir limite fortement
les possibilités d'action des autorités décentralisées puisque, pour les actes dont l'approbation est nécessaire,
cette formalité est une condition de validité. C’est le cas notamment en matière budgétaire.
- Le pouvoir de substitution des actes
C'est un pouvoir qui permet à l'autorité de contrôle de se substituer à l'autorité décentralisée pour
agir à sa place, tout en engageant la responsabilité de la collectivité décentralisée. C'est un véritable déni de
la liberté des collectivités décentralisées. Parce que le pouvoir de substitution d'action est un pouvoir
exorbitant, la législation et la doctrine l'instaurent dans des conditions strictement limitées.
Tout d'abord, l'autorité de contrôle ne peut se substituer à l'autorité décentralisée que si elle
manifeste une abstention grave, un refus d'agir après une mise en demeure de l'autorité de contrôle.
D'autre part, le pouvoir de substitution est également limité par le fait que les mesures susceptibles
d'être prises par l'autorité de tutelle doivent correspondre à une nécessité mais surtout être conformes à la
loi. C'est la raison pour laquelle ces décisions peuvent être contestées en justice pour des raisons de légalité
par l'autorité décentralisée. C’est le cas par exemple en matière de convocation des sessions du conseil
municipal ou en matière de police municipale.
- Le pouvoir d'autorisation
Pour certains actes ou pour certains domaines de compétence, l'autorité décentralisée ne peut décider
que sur autorisation de l'autorité de contrôle qui peut être explicite ou tacite. (Voir l'article 74, paragraphe
1 du CGCTD qui semble prévoir une autorisation tacite et l'article 75, paragraphe 5, habilitant le
Représentant de l'Etat à demander une deuxième lecture de leurs décisions, ainsi que l'article 76, paragraphe
3, exigeant la soumission des résolutions et décisions des organes locaux et régionaux à l'approbation du
Représentant de l'État qui a 30 jours pour y réagir).
Comme sus-évoqué, en pratique, la décentralisation revêt surtout un aspect territorial : elle consiste
alors à reconnaître un pouvoir de décision à des collectivités territoriales décentralisées bénéficiant d’une
certaine marge de liberté en ce qui concerne certaines prérogatives qui leur sont confiées par l’Etat. C’est
cette notion de collectivités territoriales décentralisées qu’il convient de mettre en lumière.

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C) La notion de collectivités territoriales décentralisées

Selon l’article 8 de la loi de 2019 portant CGCTD, les collectivités territoriales sont appréhendées
comme des personnes morales de droit public jouissant de l’autonomie administrative et financière pour la
gestion des intérêts régionaux et locaux et réglant par délibération, les affaires de leurs compétences.

Ce statut de « personne morale » trouve son fondement constitutionnel au Titre X de la


Constitution de 1996 relatif aux Collectivités Territoriales Décentralisées.

Ce sont ces institutions qui constituent la pierre angulaire dans l’édifice de la décentralisation au
Cameroun. Pour s’en convaincre, il convient de ressortir le cadre normatif et le cadre institutionnel.

PARTIE 1 : LE CADRE NORMATIF DE LA DECENTRALISATION AU CAMEROUN

Il convient de présenter les sources du droit de la décentralisation et les principes consacrés en


matière de décentralisation au Cameroun (chapitre 1), les compétences et les moyens des CTD (chapitre
2).

CHAPITRE 1: LES SOURCES ET PRINCIPES DU DROIT DE LA


DECENTRALISATION

L’évocation des sources (section 1) précèdera celle des principes (section 2).

Section 1 : Les sources de la décentralisation

On distingue selon qu’il s’agit des sources nationales ou internationales.

Concernant les sources nationales de la décentralisation, on peut d’abord évoquer la Constitution.


La loi fondamentale dispose en son article 55 (1) que la Commune et la Région constituent les deux types
de Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD). L’alinéa 2 du même article de cette loi précise par
ailleurs les principes directeurs de la décentralisation que sont l’autonomie administrative et financière, la
libre administration par des conseils élus, l’exercice de la tutelle de l’État dans les conditions définies par
la loi et le développement harmonieux de toutes les CTD sur la base de la solidarité nationale,
des potentialités régionales et de l’équilibre interrégional.

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Concernant les textes législatifs, il convient de rappeler que, pour rendre opérationnelles les
dispositions constitutionnelles, de nombreuses lois ont été adoptées dans le domaine de la décentralisation.
Le texte majeur récemment adopté pour booster le processus est la loi n° 2019/024 du 24 décembre 2019
portant CGCTD. On peut également citer la loi n° 2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de
l’Etat et des autres entités publiques, la loi n° 2018/11 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et
de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun.

Quant aux sources réglementaires, elles sont en nombre important comme présentées dans la
bibliographie ci-dessus.

En ce qui concerne les sources internationales, on peut évoquer à titre illustratif la Charte
africaine des valeurs et principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local
et quelques directives adoptées au niveau de la CEMAC. On peut par exemple rappeler la directive relative
au tableau des opérations financières des Etats (directive 5), la directive n° 06/11-UEAC-190-CM-22
relative au Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques du 19
décembre 2011, la directive portant Règlement général sur la comptabilité publique (directive 2 du 19
décembre 2011), la directive relative au plan comptable de l’Etat en zone CEMAC (directive 3 du 19
décembre 2011), la directive portant nomenclature budgétaire de l’Etat (directive 4).

Ces textes consacrent de façon explicite un ensemble de principes qui doivent guider les politiques
en matière de décentralisation.

Section 2 : Les grands principes en matière de décentralisation

Il convient de distinguer les principes directeurs de la décentralisation (paragraphe 1) des autres


principes consacrés dans en la matière (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les principes directeurs de la décentralisation

- Le principe de l’élection des organes des CTD


- Le principe de l’autonomie administrative et financière
- Le principe de responsabilité des CTD
- Le principe du transfert des compétences : ce principe génère lui-même d’autres principes tels que :

Le principe de subsidiarité : les compétences sont transférées et exercées au niveau de


l’échelon territorial le plus approprié ou le plus proche des populations concernées. Aussi
convient-il de distinguer les compétences dévolues aux Régions de celles dévolues aux
Communes sans oublier celles dévolues à l’Etat.

Le principe d’exclusivité : certaines compétences transférées au CTD relèvent exclusivement dans


ce cadre de leur ressort;

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Le principe de progressivité : qui veut que le transfert des compétences soit étalé dans le temps
et s’effectue par paquets ou paliers ;

Le principe de complémentarité : les compétences transférées par l’Etat n’excluant pas ce


dernier de continuer à les exercer lui-même. En clair, les compétences sont exercées de façon
concurrente par l’Etat, les Régions et les Communes.

Paragraphe 2 : Les autres principes consacrés en matière de décentralisation

Ils sont variés. Nous avons :

- Les principes liés au fonctionnement des CTD : le principe de la légalité de l’action communale
et régionale ; le principe de la participation citoyenne à l’action communale et régionale, le principe
du respect de l’unité nationale, de l’intégrité du territoire et de la primauté de l’Etat, le principe de
l’égale dignité des CTD, (aucune CTD ne pouvant établir ou exercer une tutelle sur une autre), le
principe de solidarité et d’équité entre les communes (qui se matérialise par exemple par l’existence
d’une catégorie d’impôt soumis à la péréquation et reversés au Fond Spécial d’Equipement et
d’Intervention Intercommunale (FEICOM) qui à son tour reverse ou redistribue aux CTD).
- Les principes consacrés en matière budgétaire : ils sont consacrés par les articles 375 à 384
DU CGCTD : le principe de l’annualité budgétaire, le principe de l’universalité budgétaire, le
principe d’équilibre, le principe d’unité budgétaire, je principe de spécialité des crédits, le principe
de la séparation des ordonnateurs et des comptables, le principe d’autorisation, le principe
d’approbation, le principe de sincérité, le principe d’information et de publicité.

CHAPITRE 2 : LES COMPETENCES ET MOYENS DES CTD

Nous distinguerons d’une part compétences des CTD (section 1) et d’autre part les moyens qui leurs
sont accordés (section 2).

Section 1 : Les compétences des CTD

Certaines compétences sont classiques alors que d’autres sont soit nouvelles (paragraphe 2), soit
spéciales (paragraphe 3).

Paragraphe 1 : Les compétences classiques

Sous l’égide des lois de décentralisation de 2004, de nombreuses compétences étaient transférées
aux communes et aux régions, dans les domaines du développement économique, sanitaire, social, éducatif,
sportif et culturel.

12
La loi portant Code Général des CTD, en même temps qu’elle maintient les compétences transférées
tant aux communes qu’aux régions, les élargit, ceci afin de permettre une meilleure application du principe
de subsidiarité, c’est-à-dire agir de manière à donner une plus grande satisfaction aux attentes et besoins de
proximité de leurs habitants. Cet élargissement vise également à matérialiser la prescription insistante du
Président de la République en cette matière.

En supprimant le principe de l’exercice concurrent par l’Etat des compétences transférées aux CTD,
ces dernières en conservent désormais l’exclusivité, pour plus d’efficacité et d’efficience. En effet, l’Etat
ne peut dorénavant intervenir dans le champ des compétences transférées que dans deux cas prévus à
l’article 18, à savoir:

- une intervention ponctuelle dans le cadre du développement harmonieux du territoire ou en vue


de résorber une situation d’urgence ;

- en cas de carence de la CTD, dument constatée par arrêté du Ministre chargé des collectivités
territoriales.

Paragraphe 2: Les compétences nouvelles

Outre les compétences transférées par les lois de 2004 et reprises par le CGCTD, onze (11) nouvelles
compétences sont transférées aux CTD, à raison de sept (07) pour les Communes et quatre (04) pour les
Régions.

Pour les communes, il s’agit : de l’exploitation des substances minérales non concessibles ; de
l’élaboration et de la mise en œuvre des plans communaux spécifiques de prévention des risques et
d’intervention d’urgence en cas de catastrophes ; de la pré-collecte et de la gestion au niveau local des
ordures ménagères ; du recrutement et de la gestion du personnel médical des centres de santé intégrés et
des centres médicaux d’arrondissement ; du recrutement et de la prise en charge du personnel enseignant
et d’appoint dans les écoles maternelles et primaires, ainsi que les établissements pré scolaires ; de la
création et de l’exploitation les parcs de loisirs ; de l’organisation des manifestations socio-culturelles à des
fins de loisirs.

Quant aux régions, les compétences nouvellement transférées portent sur : le recrutement et la
gestion du personnel infirmier et paramédical des hôpitaux régionaux et de district ; du recrutement et de
la gestion du personnel enseignant et d’appui des lycées et collèges ; de la création et de l’exploitation des
parcs de loisirs d’intérêt régional ; de l’organisation des manifestations socioculturelles à des fins de loisirs
d’intérêt régional.

Paragraphe 3: Les compétences additionnelles spéciales des régions spéciales

En sus de l’exercice de la totalité des compétences dévolues aux autres régions, les régions du Nord-
Ouest et du Sud-Ouest bénéficient des compétences additionnelles. Il s’agit de trois groupes de
13
compétences, tel qu’il ressort de l’article 328 de la loi n°2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code
Général des Collectivités Territoriales Décentralisées. Ces compétences additionnelles portent sur :

- la participation à l’élaboration des politiques publiques nationales relatives au sous-système éducatif


anglophone ;
- la création et la gestion des missions régionales de développement ;
- la participation à l’élaboration du statut de la chefferie traditionnelle.

Ces compétences additionnelles s’inscrivent dans la trajectoire historique de ces régions. Ce sont
des attributions que les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont eu à exercer pendant la période coloniale
ou celle de la fédération. Elles visent à promouvoir la participation effective de ces régions à la vie politique
de la nation sur le plan éducatif, notamment dans le sous-système anglophone. Cette participation n’est pas
une faculté pour l’Etat, mais une obligation. L’Etat est désormais tenu, dans l’élaboration de cette politique
publique, d’associer les deux régions. Cette obligation est la même s’agissant de la participation à
l’élaboration du statut de la chefferie traditionnelle.

En outre, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest peuvent désormais créer et gérer des missions
régionales de développement dans le cadre de l’aménagement de leurs localités. Elles peuvent créer des
missions sur le modèle de la « South West Development Authority » (SOWEDA), de la « Mission de
Développement du Nord-Ouest » (MIDENO). Cela n’implique pas que les sociétés existantes appartenant
à l’Etat seront transférées aux régions. Elles resteront la propriété de l’Etat, à moins qu’il n’en dispose
autrement.

Par ailleurs, ces régions peuvent être consultées sur les questions liées à l’élaboration de politiques
publiques de la justice dans le sous-système de la Common Law. Il s’agit de prendre en compte les
particularités de ces régions basées sur l’héritage historique rappelé à l’article 3 du CGCTD. Cette
consultation est facultative parce que la justice ne constitue pas une compétence transférable conformément
à l’article 56 (1) de la Constitution. Bien qu’un pouvoir réel en matière de justice ne peut être donné à ces
régions dans une loi qui traite de la décentralisation, il reste que l’Etat consultera forcément ces régions car,
mention n’aura pas été faite de cette attribution s’il n’y avait pas l’intention de la faire appliquer.

Enfin, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest peuvent être associées à la gestion des services
publics de l’Etat implantés dans leurs territoires respectifs. Ainsi, la possibilité de siéger au sein des
instances décisionnelles desdits services peut leur être ouverte à la diligence de l’Etat. A titre d’illustration,
l’administration régionale pourra être associée à la gestion des lycées et collèges créés par l’Etat. Au
surplus, l’Etat ne peut intervenir dans le fonctionnement ou la gestion de l’administration régionale, en
dehors des cas expressément prévus par la loi.

14
Section 2 : Les moyens des collectivités territoriales décentralisées

Conformément à l’article 21 du CGCTD, tout transfert de compétence à une CTD s'accompagne


du transfert, par l'Etat à celle-ci, des ressources et moyens nécessaires à l'exercice effectif de la compétence
transférée. Nous distinguerons d’une part les moyens financiers et matériels (paragraphe 1) et d’autre part
les moyens humains (paragraphe).

Paragraphe 1: Les moyens financiers et matériels des CTD

L’examen des moyens financiers (A) précèdera celui des moyens matériels (B).

A) Les moyens financiers

La question du financement de la décentralisation figure en bonne place dans la loi portant Code
Général des Collectivités Territoriales Décentralisées.

La consécration du principe de libre administration des collectivités territoriales, sous-tendue par


l’affirmation de leur autonomie administrative et financière, matérialise la personnalité juridique des CTD.
L’article 11 dispose sans ambigüité que « les collectivités territoriales disposent de budgets et de
ressources propres pour la gestion des intérêts régionaux et locaux », suivant des modalités énumérées
par la suite.

Bien plus, la loi précise que « les ressources nécessaires à l’exercice par les collectivités
territoriales de leurs compétences leur sont dévolues soit par transfert de fiscalité, soit par dotations, soit
par les deux à la fois ».

Le transfert de fiscalité dont il est fait mention renvoie d’une part aux impôts et taxes locaux
propres, sur lesquels le législateur a légiféré par la loi de 2009 portant fiscalité locale, qui, avec ses
modificatifs subséquents, a été intégrée au Code général des impôts en son livre troisième. D’autre part, le
transfert de la fiscalité renvoie aussi à ceux des impôts de l’Etat, dont le produit est affecté en totalité ou en
partie aux CTD.

S’agissant des dotations, il est institué une Dotation Générale de la Décentralisation destinée au
financement partiel de la décentralisation. Cette ressource indexée sur une fraction des recettes annuelles
de l’Etat que la loi fixe à au moins 15%, apparait désormais comme la principale source de financement de
la décentralisation, au regard de l’évolution sans précédent qui en résulte (article 25).

Afin de doter les collectivités territoriales des moyens appropriés pour leur développement dans les
divers domaines objets du transfert des compétences, une évaluation préalable des charges que nécessite
leur exercice servira de base à l’allocation des ressources correspondantes.

15
Des dotations spéciales peuvent également être octroyées aux collectivités territoriales par l’Etat,
au cas où l’insuffisance de leurs ressources financières risque de compromettre la réalisation ou l’exécution
des missions de service public (article 26).

Des ressources propres résultant des activités génératrices de revenus, du produit des services, des
prises de participations, de la création des établissements ou société à capital public locaux, ou de la
coopération décentralisée constituent autant de sources de financement pour les collectivités locales qui ont
été envisagées par la loi.

Le CGCTD précise en son article 4 que des mesures d’incitation fiscales et économiques spéciales
peuvent, en tant que de besoin, être accordées à certaines régions en fonction de leur contexte.

B) Les moyens matériels

Les CTD disposent de moyens matériels leur permettant d’assumer les compétences qui leur sont
dévolues. Comme le mentionne l’article 24 alinéa 1, le transfert d’une compétence entraine, de plein droit,
la mise à la disposition de la collectivité territoriale bénéficiaire de l’ensemble des biens meubles et
immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence. Les modalités de
dévolution de ces moyens sont déterminées par un décret du Premier Ministre.

De même, les biens des CTD sont aussi composés des biens meubles et immeubles acquis à titre
onéreux ou gratuit. Ces biens relèvent soit du domaine public des CTD soit de leur domaine privé.

Paragraphe 2 : Les moyens humains des CTD

Conformément aux dispositions du CGCTD, les CTD recrutent et gèrent librement le personnel
nécessaire à l’accomplissement de leurs missions. Néanmoins, le personnel de l’Etat peut être affecté,
détaché ou mis à la disposition auprès des CTD lorsqu’elles en font la demande. La mise en place de cette
fonction publique locale ainsi que son statut sont effectués par décret du Président de la République.

Afin d’assurer l’efficacité, l’indépendance et la neutralité du contrôle de l’Etat sur les CTD, les
fonctionnaires ou agents des services déconcentrés de l’Etat, qui ont apporté directement ou indirectement
leur concours à une CTD pour la réalisation d’une opération, ne peuvent participer, sous quelque forme que
ce soit, à l’exercice du contrôle des actes afférents à cette opération.

16
PARTIE 2 : LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA DECENTRALISATION

Il convient de procéder à une présentation des acteurs majeurs de la décentralisation que sont les
collectivités territoriales décentralisées (chapitre 1) et les autres acteurs qui jouent un rôle non négligeable
(chapitre 2)

CHAPITRE 1 : LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DECENTRALISEES

Les CTD peuvent agir de manière individuelle ou se regrouper au sein d’organisation comme les
syndicats de communes qui sont régis par les articles 106 à 114 du CGCTD. Nous ne présenterons ici que
d’une part l’organisation et le fonctionnement des communes (section 1) et d’autre part l’organisation et le
fonctionnement des régions (section 2).

Section 1 : L’organisation et le fonctionnement des communes

On évoquera les organes et les modalités de fonctionnement de la commune (paragraphe 1) avant


de mettre en exergue ceux de la communauté urbaine (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les organes et les modalités de fonctionnement de la commune

C’est l’échelon de base, le premier niveau de la décentralisation au Cameroun. C’est par excellence
la collectivité de proximité en tant que celle qui se préoccupe des choses qui touchent
directement et immédiatement à la vie des populations. Au Cameroun elle se caractérise par :

- L’ancienneté : la commune au Cameroun est antérieure à l’avènement de l’Etat et plonge ses racine
au cœur de la période coloniale (1941 avec la création des communes urbaines de Yaoundé et
Douala) ;
- La multiplicité : elles sont plus de trente fois plus nombreuses que les régions ;
- L’exiguïté ;
- La paupérisation.

Selon l’article 164 alinéa 1 du CGCTD, les organes de la commune sont : le Conseil municipal et
l’exécutif municipal.

Ces deux organes concourent à l’administration de la commune.

A) Le conseil municipal

Il convient d’évoquer sa formation, ses attributions et son fonctionnement.

1- La formation du conseil municipal

17
Concernant la formation du conseil municipal, l’article 166 alinéa 1 du CGCTD précise que le
nombre de conseillers municipaux est fixé ainsi qu’il suit :

- Moins de 50 000 habitants : 25 conseillers


- De 50 000 à 100 000 habitants : 31 conseillers
- De 100 001 à 200 000 habitants : 35 conseillers
- De 200 001 à 300 000 habitants : 41 conseillers
- Plus de 300 000 habitants : 61 habitants

Le recensement officiel de la population précédant immédiatement les élections municipales sert de


base pour la détermination, par voie réglementaire, du nombre de conseillers municipaux par commune. De
même, le conseil municipal doit refléter les différentes composantes sociologiques de la commune. Il doit
notamment assurer la représentation des populations autochtones de la commune, des minorités et du genre.
Cette exigence est d’ailleurs requise dès la présentation de la liste de candidature lors de l’élection. Son
non-respect entraine le rejet de la liste par les instances chargées de l’organisation de l’élection. Il a en son
sein des commissions qui jouent un rôle précis dans leur domaine.

Ces conseillers municipaux sont élus pour un mandat de 5ans au scrutin universel de liste. Il s’agit
également d’un scrutin mixte.

2- Les attributions du conseil municipal

Elles sont déterminées par l’article 167 et suivants du CGCTD. De manière générale, le conseil
municipal est l’organe délibérant de la commune. A ce titre, il règle, par délibération, les affaires de la
commune. Il donne son avis lorsque celui-ci est requis par les lois et règlements ou à la demande du
représentant de l’Etat. Il peut formuler des vœux par résolution sur toutes les questions ayant un intérêt
local. Il informe de l’état d’avancement des travaux et actions financés par la commune ou réalisés avec sa
participation. Il est consulté pour la réalisation sur le territoire de la commune de tout projet d’aménagement
de l’Etat, de la région, de toute autre collectivité ou tous organismes publics ou privés.

L’article 168 du même texte énumère 24 domaines dans lesquelles le conseil municipal délibère et
qui ne peuvent faire l’objet de délégation au bénéfice du maire.

3- Le fonctionnement du conseil municipal

La loi détermine le lieu où doit siéger le conseil municipal. Par principe, il siège à l’hôtel de ville
de la commune ou dans un local servant de mairie. Exceptionnellement, le maire peut réunir le conseil dans
tout local approprié situé sur le territoire communal, lorsque les circonstances l’y obligent. Dans cette
hypothèse, il informe le représentant de l’Etat et les conseillers municipaux au moins 07 jours avant la date
retenue pour la session.

18
La présidence du conseil municipal est confiée au maire ou, en cas d’empêchement de celui-ci, par
un adjoint au maire par ordre de préséance.

Le conseil municipal se réunit en session ordinaire une fois par trimestre pendant une durée
maximale de 07 jours sur convocation du maire. En cas de défaillance du maire dans la convocation du
conseil, et après mise en demeure du représentant de l’Etat restée sans suite, le représentant de l’Etat peut
convoquer le conseil.

Le conseil municipal peut également se réunir en session extraordinaire sur convocation du maire
lorsqu’il le juge utile ou sur demande motivée à lui adressée par 2/3 des conseillers, ou demande du
représentant de l’Etat.

Le conseil municipal ne peut valablement siéger que lorsque les 2/3 de ses membres sont présents.
Néanmoins, lorsqu’après une convocation régulièrement faite, le quorum n’est pas atteint, toute
délibération votée après la seconde convocation qui ne peut intervenir que dans les trois jours au moins, est
valable si la moitié au moins des membres est présente. Les délibérations sont prises à la majorité simple
des votants. Le vote par procuration est possible. Dans tous les cas, un conseiller dûment convoqué qui,
sans motif légitime, a manqué à trois sessions successives peut, après avoir été invité à fournir des
explications par le maire, être déclaré démissionnaire par décision du ministre en charge des collectivités
après avis du conseil municipal. La démission peut aussi être volontaire.

Les sénateurs de la commune de rattachement peuvent assister aux travaux du conseil municipal
avec voix consultative. Il en est de même des conseillers régionaux dont la participation est de plein droit
avec voix consultative. Le maire juge également de l’opportunité de faire participer d’autres personnes.

Les séances du conseil municipal sont en principes publiques. Exceptionnellement, le huis clos peut
être demandé.

Le conseil municipal peut être suspendu pour une durée maximale de deux mois par arrêté du
ministre en charge des CTD (article 186) pour les causes suivantes : accomplissement d’actes contraires à
la Constitution, atteinte à la sécurité de l’Etat ou à l’ordre public, mise en péril de l’intégrité du territoire
national, impossibilité de fonctionner normalement. La suspension est aussi possible par décret du Président
de la République en temps de guerre jusqu’à la fin des hostilités

Il peut aussi être dissout par décret du Président de la République pour les mêmes causes. De
nouvelles élections sont organisées et si cela est impossible, il est institué une délégation spéciale dont les
compétences sont toutefois limitées.

B) L’exécutif municipal
Il convient de présenter sa composition et ses attributions.
1- La composition de l’exécutif municipal
19
L’exécutif municipal et composé du maire et de ses adjoints. Le maire est le chef de l’exécutif
communal. Il est assisté d’adjoints dans l’ordre de leur élection. Le nombre d’adjoint est déterminé de la
manière suivante selon le nombre de conseillers municipaux :

- Commune disposant de 25 à 31 conseillers municipaux : 02 adjoints


- Commune disposant de 35 à 41 conseillers municipaux : 04 adjoints
- Commune disposant de 61 conseillers municipaux : 06 adjoints

A ces adjoints ordinaires, la loi prévoit aussi le cas des adjoints spéciaux désignés par le conseil
municipal et approuvés par le représentant de l’Etat lorsqu’un obstacle quelconque ou l’éloignement rend
difficiles, dangereuses ou momentanément impossibles, les communications entre le chef-lieu et une
portion de la commune. Le CGCTD détermine le statut de l’élu local notamment en ce qui concerne ses
droits et ses obligations.

Le maire est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Les adjoints quant à eux sont élus
au scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Ils prêtent serment.

La qualité de membre de l’exécutif municipal est incompatible avec certaines fonctions.

2- Les attributions de l’exécutif municipal

Le maire représente la commune dans tous les actes de la vie civile et en justice. Il exerce de
nombreuses attributions sous le contrôle du conseil municipal et de l’Etat. Il peut déléguer certaines de ses
compétences à ses adjoints. Il recrute, suspend et licencie, affecte et gère le personnel communal. Il est
chargé de la publication et de l’exécution des lois, des règlements et des mesures à portée générale. Il
exécute les mesures de sûreté générale. Il est officier d’état civil au même titre que ses adjoints. Il prend
des arrêtés et est chargé de la police municipale sous le contrôle du représentant de l’Etat.

L’exécutif municipal est assisté d’un secrétaire général nommé par le ministre en charge des
collectivités territoriales.

L’exécutif municipal peut être suspendu en cas de violation des lois et règlements ou de faute lourde
par arrêté motivé du ministre en charge des CTD pour une durée maximale de trois mois. Au-delà de cette
période, il peut être soit réhabilité, soit révoqué. La révocation est prononcée par décret motivé du Président
de la République.

L’exécutif municipal peut aussi être destitué par le conseil municipal. Dans tous ces cas, le maire et
ses adjoints conservent leur qualité de conseiller municipal.

Paragraphe 2 : Les organes et les modalités de fonctionnement de la communauté urbaine

Certaines agglomérations urbaines, en raison de leur particularité, peuvent être érigées en


communautés urbaines par décret du Président de la République qui en fixe le siège et le ressort territorial.
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La communauté urbaine est composée d’au moins deux communes qui prennent le nom de communes
d’arrondissement. Elle prend le nom de « ville de… ».

Les organes de la communauté urbaine sont encadrés par les articles 240 à 249 du CGCTD qui
déterminent leur organisation, leur fonctionnement et leurs attributions. De manière générale, la
communauté urbaine est compétente pour toute action relevant de l’intercommunalité, des grands travaux
et des projets structurants. Ce type de CTD a été créé conformément à l’ouverture constitutionnelle qui
autorise le législateur à créer d’autres catégories de collectivités territoriales. Elle fonctionne selon les
règles applicables aux communes.

L’organe délibérant est le conseil de communauté. Il est composé des maires des communes
d’arrondissement et des représentants désignés au sein des communes d’arrondissement.

L’organe exécutif est constitué du maire de la ville et de ses adjoints. Le nombre d’adjoints est
déterminé ainsi qu’il suit :

- Communauté urbaine disposant de 02 à 03 communes d’arrondissement : 02 adjoints


- Communauté urbaine disposant de 04 à 05 communes d’arrondissement : 03 adjoints
- Communauté urbaine disposant de 06 à 07 communes d’arrondissement : 04 adjoints
- Communauté urbaine disposant de plus de 07 communes d’arrondissement : 05 adjoints.
La répartition des postes d’adjoints doit autant que possible refléter la configuration du conseil de
communauté

Concernant leurs attributions et fonctionnement, ceux-ci sont, sauf cas spécifiques, identiques à
ceux de la commune.

Section 2 : Les organes et les modalités de fonctionnement de la région

La région est une CTD constituée de plusieurs départements. Elle couvre le même ressort territorial
que la région circonscription administrative avec qui elle ne doit pas être confondue. Il est opportun de
mettre en exergue les organes des régions à statut ordinaire (paragraphe 1) et ceux des régions à statut
spécial consacrés par le CGCTD (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les organes et modalités de fonctionnement des régions ordinaires

Ils sont au nombre de deux, le conseil régional et le président de l’exécutif régional (article 274
alinéa 1 du CGCTD).

Le conseil régional est l’organe délibérant de la région. Il est composé de 90 conseillers régionaux
élus pour un mandat de 5 ans. Il comprend les délégués des départements élus au suffrage universel indirect
et les représentants du commandement traditionnel élus par leurs pairs. Il doit refléter les différentes
composantes sociologiques de la région. Les parlementaires et les maires de la région peuvent assister à ses

21
travaux avec voix consultative. Il assure les attributions similaires à celles du conseil municipal évoquées
plus haut (délibération, avis, formulation des vœux, information et consultation…).

Concernant son fonctionnement, il se réunit en session ordinaire une fois par trimestre sur
convocation de son président pour une durée maximale de 08 jours à l’exception de la session budgétaire
qui peut aller jusqu’à 15 jours. Il peut également se réunir en session extraordinaire sur un ordre du jour
déterminé à la demande du président, 2/3 des membres ou du représentant de l’Etat pour une durée
maximale de 03 jours. Il a en son sein des commissions. Il peut également être suspendu pour deux mois
maximum par décret du Président de la République sur proposition du ministre en charge des collectivités.
Il peut être dissout par décret du PR après avis du Conseil constitutionnel. Dans ce cas, une délégation
spéciale est créée.

En ce qui concerne l’organe exécutif de la région, il convient de souligner que le président du


conseil régional est l’exécutif de la région. Il est assisté d’un bureau régional élu en même temps que lui au
sein du conseil. Ce bureau doit refléter la composante sociologique de la région et comprend : un premier
vice-président, deux questeurs, et deux secrétaires. Les fonctions de président du conseil régional sont
incompatibles avec certaines fonctions. Ses attributions sont déterminées par les articles 312 et 313 du
CGCTD. Il peut être suspendu, révoqué ou substitué.

Paragraphe 2 : Les organes et modalités de fonctionnement des régions à statut spécial

Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest disposent, comme les autres régions, d’un organe
délibérant et d’un organe exécutif. Cependant, elles s’en distinguent à travers la dénomination desdits
organes.

A) L’organe délibérant

L’organe délibérant y prend l’appellation d’Assemblée Régionale, constituée de deux (02)


chambres que sont : la house of divisional representatives et la house of Chiefs. Cette organisation
particulière s’appuie sur le passé de ces régions qui ont connu une tradition parlementaire. Elles disposaient
d’un parlement bicaméral avec une chambre des représentants et une chambre des chefs traditionnels. Le
Code général des CTD à travers le statut spécial, a voulu restaurer cette spécificité liée à l’histoire des
régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui accordait aux autorités du commandement traditionnel voix au
chapitre dans la gestion des affaires locales.

Le caractère bicaméral de l’Assemblée Régionale en deux chambres vise à améliorer la qualité des
débats et des délibérations qui en seront issus. La discussion d’un projet de délibération au sein de ces
chambres à travers le mécanisme de navette permettra de recueillir un maximum d’avis sur ledit projet et
participera à l’amélioration de sa valeur. De même, comme dans les systèmes de tradition parlementaire,

22
les membres de l’exécutif sont issus de l’Assemblée Régionale. A cet égard, l’organe délibérant garde la
possibilité, à travers la procédure de l’impeachment, de destituer l’exécutif.

La House of divisional representatives est composée de 70 membres élus par un collège électoral
constitué des conseillers municipaux de chaque département de la région. Elle statue sur toutes les matières
relevant de la compétence de l’Assemblée Régionale et dispose de cinq (05) commissions dont une
spécifique aux questions d’éducation. Elle est présidée par le Président du Conseil Exécutif Régional.

La House of Chiefs quant à elle comprend 20 membres issus du commandement traditionnel. En


plus de statuer sur toutes les matières relevant de la compétence de l’Assemblée Régionale, elle émet un
avis conforme sur :

- le statut de la chefferie traditionnelle ;


- l’organisation des manifestations culturelles et traditionnelles dans la Région ;
- la collecte et la traduction des éléments de la tradition orale ;
- la gestion et la conservation des sites, monuments et vestiges historiques.

Présidée par le Vice-Président du Conseil Exécutif Régional, la House of Chiefs dispose de deux
(02) commissions.

L’Assemblée Régionale dans les régions à statut spécial du Nord-Ouest et du Sud-Ouest comporte
en tout sept (07) commissions, contrairement aux autres régions qui n’en comptent que quatre (04).

Les deux chambres se réunissent séparément aux mêmes dates, et peuvent siéger en formation réunie
à l’ouverture et à la clôture de la session, lorsque des matières particulières sont inscrites à l’ordre du jour,
notamment le rapport d’activités, l’adoption du programme économique, la mise en œuvre de la procédure
d’impeachment, ou lorsque les circonstances l’exigent.

Leur mode de fonctionnement, intègre le principe de la navette pour l’adoption des délibérations
comme c’est le cas entre l’Assemblée Nationale et le Sénat. Chacune des chambres adopte séparément son
règlement intérieur, tandis que l’Assemblée Régionale adopte le règlement intérieur de la chambre entière,
lequel fixe la procédure de l’impeachment.

B) L’organe exécutif

Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest disposent, comme les autres régions, d’un organe
délibérant et d’un organe exécutif. Contrairement à celles-ci où seul le Président du Conseil Régional est
l’exécutif assisté d’un Bureau régional élu en même temps que lui au sein du conseil, dans les régions du
Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’exécutif est collégial et est appelé Conseil Exécutif Régional. Il se compose
d’un Président, d’un Vice-Président, de trois Commissaires, de deux Secrétaires et d’un Questeur, soit huit
(08) membres.

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Bien que collégial, l’exécutif a pour chef le Président du Conseil Exécutif Régional. Ce dernier,
personnalité autochtone élue au sein de l’Assemblée Régionale, est issu de la catégorie des délégués des
départements.

Le Vice-Président dudit Conseil, issu de la catégorie des représentants du commandement


traditionnel, est également une personnalité autochtone de la région conformément à l’article 57 alinéa 3
de la Constitution. Il assiste le Président dans l’exercice de ses fonctions et reçoit de lui délégation de
signatures pour l’exécution des missions qui lui sont confiées.

Les trois (03) Commissaires, spécificité propre aux régions susvisées, sont comparables à des
membres d’un Gouvernement dans un exécutif. Ils sont chargés de la mise en œuvre de la politique de la
Région relative à l’exercice des compétences transférées dans les trois grands domaines qui sont leurs
attributions spécifiques, à savoir :

- un (01) Commissaire chargé du développement économique ;


- un (01) Commissaire chargé du développement sanitaire et social ;
- un (01) Commissaire chargé du développement éducatif, sportif et culturel.

Les Secrétaires assurent le secrétariat dans chacune des chambres de l’Assemblée Régionale. Leurs
attributions sont définies par le règlement intérieur, au même titre que celles du Questeur.

Les membres du Conseil Exécutif Régional sont élus dans les mêmes conditions que les exécutifs
des autres régions. Ils prêtent serment devant la Cour d’Appel compétente avant leur entrée en fonction et
la formule du serment est prononcée en langue anglaise.

L’appartenance des membres du Conseil Exécutif Régional à l’Assemblée Régionale s’inspire du


modèle anglo-saxon dans lequel l’exécutif est issu du Parlement. A ce titre, le Président du Conseil Exécutif
Régional, qui préside l’Assemblée Régionale, peut être destitué par la procédure de l’impeachment, au
même titre que tous les autres membres du Conseil Exécutif Régional. L’administration régionale
fonctionne dans les mêmes conditions que celles des autres régions.

C) Le « Public Independent Conciliator »

Dans la tradition anglo-saxonne, il est de coutume d’instituer des autorités indépendantes chargées
de régler les différends entre l’administration et les particuliers.

S’inscrivant dans cette logique, la loi n°2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code Général des
Collectivités Territoriales Décentralisées a institué dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest une
autorité indépendante appelée public independent conciliator (PIC). Il ne s’agit nullement d’une autorité
juridictionnelle ou d’un juge, car les compétences et pouvoirs qui lui sont reconnus ne sont pas de nature
juridictionnelle.

24
Le PIC est chargé, entre autres attributions, de régler à l’amiable les litiges entre les usagers et
l’administration régionale et communale, de défendre et protéger les droits et libertés des citoyens contre
les abus dont ils seraient victimes de la part des autorités régionales ou communales de la Région, de mener
toute investigation sur le fonctionnement des services publics régionaux et communaux et de dresser un
rapport sur le fonctionnement desdits services.

Comme l’indiquent les attributions susmentionnées, le champ d’action du PIC se limite à


l’administration régionale et communale, ainsi qu’aux services, établissements ou entreprises publics de sa
région de compétence. Aussi, le PIC n’a aucun pouvoir ni aucune compétence en ce qui concerne le
fonctionnement des services publics de l’Etat, notamment les services déconcentrés (Services du
Gouverneur, préfectures ou sous-préfectures, délégations régionales, départementales ou inspections
d’arrondissement, etc.) et les établissements et entreprises publics créés ou détenus directement ou
indirectement par l’Etat. Il ne peut contrôler l’Etat et ses démembrements.

Le PIC est nommé par décret du Président de la République, sur proposition concertée du Président
du Conseil Exécutif Régional et du représentant de l’Etat. Ce mode de désignation laisse présager de la
qualité de la personne qui assumera cette fonction, parce qu’il sera issu du consensus entre deux autorités
au sein de la région. En outre, le Code pose des critères dans le but de renforcer la crédibilité de cette
autorité. Elle doit être une personnalité jouissant d’une solide expérience et d’une réputation d’intégrité et
d’objectivité établie.

Afin de garantir son indépendance et sa neutralité, le PIC est désigné pour un mandat de six (06)
ans non renouvelable. L’impossibilité de renouveler le mandat accroit son indépendance en ce qu’il ne
s’attend pas à être reconduit, et n’aura de compte à rendre à personne. A ce titre, il ne reçoit ni ne sollicite
aucune instruction dans le cadre de ses attributions. Son mandat est plus long que celui des élus régionaux
et municipaux, permettant qu’il ait prise sur eux. Sa fonction est incompatible avec l’exercice d’un mandat,
d’un emploi public ou de toute autre activité professionnelle rémunérée. Il prête serment, avant son entrée
en fonction, devant la Cour d’Appel territorialement compétente. Le secret professionnel ne lui est pas
opposable. Autant d’éléments qui garantissent son indépendance.

Le PIC se veut une autorité accessible, démocratique, à la portée de tous. Il peut être saisi par toute
personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par l’administration régionale ou
communale. Il ne peut intervenir que dans des conditions précises énumérées par la loi.

Le PIC dispose d’actions à l’encontre des services publics régionaux et communaux. Il peut leur
adresser des recommandations ou des injonctions, lorsqu’il se rend compte que l’administration régionale
ou communale refuse de régler le litige qui lui est soumis ou de tenir compte de ses recommandations.
Enfin, il jouit de la faculté de publier les rapports élaborés contre les administrations relevant de sa
compétence.

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Le Décret n° 2020/773 du 24 décembre 2020 déterminant les modalités d’exercice des fonctions de
public independant conciliator auprès des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest donne plus de détail sur
les compétences, les missions attendues de cette institution spéciale, ainsi que sur la procédure à suivre
pour sa saisine.

CHAPITRE 2 : LES AUTRES ACTEURS DE LA DECENTRALISATION

L’impulsion de la décentralisation sur le plan institutionnel et opérationnel semble également


significative, même si certains y trouvent un moyen pour les administrations de l’Etat de « se mêler à la
direction des politiques locales ».

On peut avoir différentes catégories d’institutions intervenant en matière de décentralisation.


Certaines sont chargées du contrôle (section 1), alors que d’autres participent à d’autres missions
importantes en matière de décentralisation (section 2).

Section 1 : Les acteurs chargés du contrôle

Il s’agit tantôt de ceux qui exercent un contrôle de tutelle (paragraphe 1) et tantôt de ceux qui sont
chargés du contrôle administratif et financier (paragraphe 2). A leurs côtés, se déploient d’autres institutions
mettant en œuvre un contrôle juridictionnel (paragraphe 3).

Paragraphe 1 : Les acteurs en charge du contrôle de tutelle

Le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées apporte des innovations dans
l’exercice de la tutelle de l’Etat sur les Collectivités Territoriales.

Les dispositions y relatives sont regroupées dans le Titre V du Livre premier pour éviter un
éparpillement, ce qui peut à tort laisser l’impression d’une forte emprise du représentant de l’Etat sur les
Collectivités territoriales au détriment du renforcement de leur l’autonomie. Tel n’est pas le cas en réalité.
Il importe de ne pas perdre de vue que la décentralisation implique un transfert de compétences et de
ressources de l’Etat vers les collectivités territoriales, avec un droit de regard de l’Etat sur la conduite des
affaires locales découlant desdites compétences transférées.

L’exercice de ce droit de regard, appelé tutelle, se fait, sous l’autorité du Président de la République,
par le Ministre chargé des collectivités territoriales en l’occurrence le MINDDEVEL, ainsi que par le
Gouverneur pour la Région et le Préfet pour la Commune, représentants de l’Etat dans la Collectivité
Territoriale concerné.

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Dans le cadre de leurs pouvoirs de tutelle qui s’exerce à travers le contrôle de la légalité des actes
des CTD et l’appui-conseil (article 72), les représentants de l’Etat relèvent de l’autorité du Ministre chargé
des collectivités territoriales décentralisées et non du Ministre de l’Administration Territoriale.

Le contrôle de légalité signifie en réalité, que le représentant de l’Etat se limite uniquement au


contrôle de la régularité et de la conformité des actes des collectivités par rapport à la loi et aux textes
règlementaires, à l’exclusion de toute appréciation d’opportunité.

Le champ des actes soumis à approbation préalable du représentant de l’Etat autrement appelé
contrôle a priori est désormais limitativement circonscrit, au regard de l’impact des domaines concernés
tels que la préservation et la sauvegarde de la fortune publique, les questions foncières. L’article 76 du
Code en donne une énumération précise. Ils portent sur huit matières, à savoir :

- les budgets, les comptes et les autorisations spéciales de dépenses, en vue de maîtriser les dépenses
et s’assurer du respect des rations prescrits par la loi et des dépenses obligatoires ; les emprunts et
garanties d’emprunts, pour s’assurer de la viabilité et de la soutenabilité de l’endettement de la
collectivité, compte tenu de son potentiel impact sur le budget de l’Etat ;
- les conventions de coopération internationale, car les relations internationales et la diplomatie
relèvent de la souveraineté de l’Etat, et les engagements souscrits par une collectivité pourraient
avoir des répercussions sur celui-ci ;
- les affaires domaniales, puisque l’Etat est le gardien de l’ensemble des terres conformément à
l’ordonnance n°74/1 du 06 juillet 1974 fixant le régime foncier et l’administre dans l’intérêt des
populations et des autres personnes morales ;
- les délégations de services publics au-delà du mandat en cours de l’organe délibérant de la
Collectivité Territoriale, afin de veiller à une gestion optimale des services publics de la collectivité
et empêcher toute concession au détriment de celle-ci et au bénéfice du chef de l’exécutif qui
pourrait ne plus être en poste au mandat suivant ;
- les conventions relatives à l’exécution et au contrôle des marchés publics, sous réserve des seuils
de compétence prévus par la règlementation en vigueur, en vue de veiller à la régularité de la
contractualisation, compte tenu des conséquences qui pourraient en découler ;
- le recrutement du personnel, suivant les modalités fixées par voie règlementaire, dans le souci de
contrôler le rythme et la soutenabilité des recrutements au vu des capacités de la collectivité, et
empêcher la création de liens juridiques produisant des effets alors que la collectivité n’a pas la
capacité de les assumer ;
- les plans de développement et les plans d’aménagement du territoire, pour assurer la conformité et
la cohérence desdits plans avec les plans nationaux.

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Il est donc clair que le contrôle a posteriori, principe affirmé depuis les lois de 2004, a été conforté
par le Code. Par conséquent, le principe de libre administration des CTD ne s’en trouve que renforcé, avec
pour corolaire l’affirmation d’une plus grande autonomie.

Le contrôle de légalité s’effectue par le biais de la transmission, y compris par voie électronique, des actes
des collectivités territoriales aux représentants de l’Etat qui disposent de délais encadrés pour les examiner.
Ceux-ci peuvent déférer l’acte devant le juge, ou, en cas d’actes manifestement illégaux, l’annuler. La
décision d’annulation est susceptible de recours contentieux.

De plus, les exécutifs des CTD ne sont plus sans défense devant les agissements de la tutelle. Ils peuvent
désormais, en cas de refus d’approbation, saisir le juge administratif compétent dont la décision
d’annulation du refus vaudra approbation.

Paragraphe 2 : Les acteurs en charge du contrôle administratif ou financier

Il s’agit ici de certains acteurs de l’appareil administratif nommé au sein des CTD et qui sont
considérés comme des acteurs administratif exerçant un contrôle interne au sein des CTD ou les
accompagnant dans leurs missions. On peut citer les secrétaires généraux des communes et communautés
urbaines, des secrétaires généraux des régions nommés par décret du Président de la République, les
receveurs municipaux et régionaux, les contrôleurs financiers…

Il s’agit aussi est institutions de contrôle administratif externe au CTD et assurant la régularité de la
gestion des finances publiques locales. On peut citer le Consupe, le CDBF, l’ANIF, la CONAC…

Paragraphe 3: Les acteurs chargés du contrôle juridictionnel

Il s’agit principalement du juge administratif et accessoirement du juge des comptes et même du


juge pénal.

La loi n°2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code Général des Collectivités Territoriales
Décentralisées fait du juge administratif un acteur central, un arbitre entre les collectivités territoriales
elles-mêmes, et entre ces dernières et le représentant de l’Etat.

En effet, l’article 77 donne la possibilité au représentant de l’Etat de déférer devant la juridiction


administrative les actes des collectivités territoriales qu’il estime entachés d’illégalité. De même, dans
l’hypothèse où ce représentant annule les actes des CTD qu’il juge manifestement illégaux (constitutifs
d’emprise ou de voie de fait), le chef de l’exécutif peut en saisir le juge administratif compétent.

Le juge administratif, notamment le président de la juridiction administrative, prononce le sursis à


exécution des actes des CTD que lui transmet le représentant de l’Etat aux fins d’annulation, y compris les
marchés publics pour lesquels il peut le faire sur sa propre initiative. Il se prononce en outre sur les actes
de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle.

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L’article 79 apporte une innovation en ce que le refus d’approbation des actes des collectivités
territoriales, sur le fondement de l’excès de pouvoir, est contestable devant le juge. La décision de la
juridiction équivaut à une approbation, dès sa notification à la collectivité. Il indique également à l’article
241 qu’en cas de conflit de compétences entre la Communauté Urbaine et la Commune d’Arrondissement,
le Maire de la Ville ou le Maire de la Commune d’Arrondissement peu en saisir le juge administratif
territorialement compétent.

Le juge administratif connaît également des actes du Ministre chargé des CTD déclarant un
conseiller démissionnaire.

Concernant le juge des comptes, il juge de la régularité des comptes des ordonnateurs et des
comptables, y compris les personnes qui s’immiscent frauduleusement dans la gestion des fonds
(comptables de fait). Telle est la quintessence des articles 475, 476 et 485.

Relativement au juge pénal, le CGCTD lui donne un rôle important. Selon l’article 129, il garantit
la protection de l’élu local contre les menaces, outrages, violences, injures ou diffamation dont il peut être
l’objet dans l’exercice ou en raison de son mandat. L’élu dispose dès lors d’une action civile à l’encontre
des auteurs de ces actes. Il est également chargé de sanctionner les infractions commises par les agents de
la police municipale. Il est aussi compétent pour connaitre des infractions de détournement de fonds publics
ou de corruption perpétrées par les gestionnaires locaux. Ces derniers peuvent être poursuivis soit devant
le juge pénal ordinaire (TPI, TGI, Cour d’appel et Cour Suprême), soit devant le juge pénal spécial (le
TCS).

Section 2 : Les organes de mise en œuvre et de suivi, d’appui-conseil et les partenaires au


développement

Il est opportun de présenter d’abord les organes de mise en œuvre (paragraphe 1), les organes
d’appui-conseil (paragraphe 2) et les partenaires au développement (paragraphe 3).

Paragraphe 1 : Les organes de mise en œuvre et de suivi

Au Cameroun, ce mouvement institutionnel est rendu manifeste avec la création et


l’opérationnalisation effective des institutions et instances dédiées à la mise en œuvre et au suivi de la
politique publique de la décentralisation. En ce qui concerne le suivi de la décentralisation, il convient de
relever la mise en place :

- du Conseil National de la Décentralisation (CND), créé le 03 novembre 2020, avec pour principal
mandat le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre effective de la décentralisation14 ;
- du Comité Interministériel des Services Locaux (CISL) mis en place le 09 novembre 2020, en tant
qu’organe de concertation interministériel placé sous l’autorité du Ministre chargé des CTD, avec

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pour mission d’assurer la préparation et le suivi des transferts des compétences et des ressources
aux Collectivités Territoriales Décentralisées ;
- du Comité National des Finances Locales (CONAFIL), créé le 21 décembre 2020, comme organe
de concertation placé sous l’autorité du Ministre chargé des CTD, chargé du suivi de la mobilisation
optimale des recettes des collectivités territoriales décentralisées et de la bonne gestion des finances
locales.

Il s’agit ensuite de l’organisation des Assises Générales de la Commune et du Grand Dialogue


National. En ce qui concerne les Assises Générales de la Commune tenues les 06 et 07 février
2019, sous la présidence du Premier Ministre, Chef du Gouvernement camerounais, qui ont
mobilisé l’ensemble des 360 exécutifs municipaux et des 14 Délégués du Gouvernement de la
République, si elles sont parvenues à la conclusion que les communes sont le moteur du
développement local et ont un rôle fondamental à jouer dans l’atteinte des objectifs de
développement durable (ODD) et les autres agendas mondiaux tels que le Nouvel agenda urbain
et les agendas panafricains à l’instar de l’agenda 2063 de l’Union Africaine, elles ont également,
tout en saluant l’élaboration des plans communaux de développement devenus systématique,
relevé les questions de cohérence, de faible ancrage de la planification locale dans celle faite au
niveau central et surtout les problèmes de suivi-évaluation.

Bien plus, ces Assises ont relevé que les points cruciaux relatifs aux ressources financières,
matérielles, logistiques et humaines sont au cœur de l’enjeu de l’autonomie des communes, si l’on veut
qu’elles exercent convenablement leurs compétences. En définitive, ces travaux ont permis de dresser un
diagnostic profond de la politique publique de la décentralisation, pour une institution communale rénovée
et afin de préparer l’opérationnalisation des régions.

Paragraphe 2 : Les organes d’appui-conseil

S’agissant de l’appui-conseil, il vise, à travers l’accompagnement des services de l’Etat, l’exercice


efficace des compétences transférées et le développement harmonieux sur la base de la solidarité nationale,
des potentialités régionales et communales et de l’équilibre interrégional et intercommunal. A cet égard,
l’Etat et ses démembrements (services déconcentrés, établissements et entreprises publics) ont la
responsabilité de fournir l’appui-conseil aux Collectivités Territoriales. Il consiste à formuler des conseils,
avis, suggestions et informations aux Collectivités Territoriales dans l’exercice de leurs compétences. Cela
se fera à la demande de la Collectivité Territoriale ou de manière spontanée par l’Etat ou son
démembrement. Il reste entendu que les conseils et avis ont un caractère consultatif et ne lient en rien la
collectivité territoriale. En outre, ils sont gratuits.

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Paragraphe 3 : Les partenaires du développement local

On peut évoquer le cas du FEICOM créé en 1974 et dont la principale mission est de contribuer au
développement harmonieux de toutes les CTD sur la base de la solidarité nationale et de l’équilibre inter-
régional et intercommunal, en liaison avec les administrations concernées.

On peut aussi mentionner l’appui des institutions comme la GIZ qui accompagne le Cameroun dans
la réalisation de sa stratégie et l’amélioration de la coopération entre les municipalités et les autorités
nationales, régionales et locales en charge de la mise en œuvre de la décentralisation. Le cas des
programmes CD2 issus de la coopération entre le Cameroun et la République Française est également
bénéfique au CTD.

On peut également souligner le rôle attribué à la NASLA (National School for Local
Administration) créée par décret du 02 mars 2020 afin de répondre aux besoins en quantité et en qualité des
ressources humaines des CTD. Il s’agit d’une école spécifique qui vient compléter l’offre de formation des
personnels des CTD en plein essor dans les universités, à l’instar des formations professionnelles
innovantes de la FSJP de l’Université de Dschang.

CONCLUSION

Les pesanteurs auxquelles fait face le processus de décentralisation au Cameroun restent


nombreuses à relever, il s’agit notamment de la gouvernance de l’action publique au niveau local,
de l’accélération du transfert effectif des compétences et des ressources aux CTD, et de
l’élaboration des référentiels de mesure des progrès accomplis en matière de décentralisation et
du développement local.

En ce qui concerne la gouvernance de l’action publique au niveau local, il est précisément


question de la répartition et de la compréhension des rôles et responsabilités entre les acteurs
de l’Etat et les acteurs locaux, et entre acteurs déconcentrés et décentralisés. En effet, compte tenu de la
nouveauté du processus de régionalisation, voire de décentralisation, le principal risque est que tous les
regards soient tournés vers l’Etat central et que rien ne se passe tant que de nouvelles décisions ne
viennent pas du Gouvernement.

De fait, pour accélérer le processus de décentralisation et du développement local, il est plus que
nécessaire, d’une part, de renforcer la mobilisation des ressources des collectivités, et d’autre part,
d’améliorer l’affectation et l'utilisation efficace de ces ressources pour la mise en œuvre, à partir de la base,
de la Vision 2035 du Cameroun, de sa stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND30) et de
l'Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable (ODD).

FIN
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TRAVAUX DIRIGES :

1. Définir les termes suivants : décentralisation, déconcentration, pouvoir de tutelle, collectivités


territoriales décentralisées, élection, démocratie locale, gouvernance locale, développement local.
2. Donnez quatre sources de la décentralisation au Cameroun.
3. Donnez deux raisons justifiant le recours à la décentralisation.
4. Enumérez les différentes CTD au Cameroun.
5. Donnez trois différences entre la décentralisation et la déconcentration.
6. Quelles sont les conditions de la décentralisation ?
7. Quelles sont les deux types de décentralisation ?
8. Expliquez deux principes consacrés en matière de décentralisation.
9. Donnez deux compétences reconnues aux CTD.
10. Quels sont les organes des CTD ?
11. Quel est le rôle de l’Etat en matière de décentralisation ?
12. Quels est l’importance et les limites du pouvoir de tutelle ?
13. Quels sont les acteurs de la décentralisation au Cameroun ?
14. Comment s’articule la spécialité des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ?
15. Quelle est l’étendue du pouvoir de tutelle ?
16. Quelles sont les composantes du pouvoir de tutelle ?
17. Quel est le rôle du juge administratif en matière de décentralisation ?
18. En quoi le citoyen est-il un acteur majeur de la décentralisation ?
19. Enumérez deux organes de suivi de la décentralisation au Cameroun.
20. Donnez le nom de deux conseillers municipaux et de deux conseillers régionaux de votre localité.

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