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• EL AMMARI CHAIMAE
• EL MEZIANE TOURIA
Version provisoire
Introduction
Le développement socio-économique du Maroc ne peut être envisagé sans
intégration des collectivités territoriales dans ce processus du fait de leur proximité
et connaissance de leurs territoires.
SM Le Roi à travers son discours du 6 novembre 20081 a lancé le chantier
de la régionalisation avancée en tant que « prélude à une réforme globale et
ambitieuse de l’Etat »2 répartissant les rôles entre l’Etat et les collectivités
territoriales3 dans un souci de rationalisation des tâches et de lutte contre les
disparités sociales. La régionalisation avancée a été relevée au rang constitutionnel
ainsi la constitution de 2011, notamment son article premier, précise que « (…)
l’organisation territoriale du Royaume est décentralisée Elle est fondée sur la
régionalisation avancée. ». Dans le cadre du processus de décentralisation, la
régionalisation se traduit par le transfert d’une partie des pouvoirs de l’Etat central
aux différents échelons des collectivités territoriales.
Néanmoins, le développement du territoire commence par le développement
de la région, qui est considérée comme l'acteur clé pour la mise en place d'une
stratégie de développement durable et jouent un rôle crucial dans la
croissance économique, l'innovation et l'amélioration de la qualité de vie des
citoyens.
La loi organique n° 111-14 relative aux régions a assigné à la région un
certain nombre de compétences en matière de développement économique, social et
environnemental, tout en la dotant des outils nécessaires pour l’exercice ces
compétences. En effet, les conseils régionaux peuvent faire appel aux procédés
suivants : la gestion déléguée, partenariats public-privé, contractualisation avec le
secteur privé et création des sociétés de développement régional (SDR) ou
participation à leur capital.
Dans son rapport le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE)
a insisté sur le fait que les régions doivent œuvrer à créer des richesses à travers des
initiatives telles que : « La promotion de sociétés de développement régional en
partenariat avec le secteur privé pour l’exploitation du potentiel régional lié aux
activités économiques relevant des compétences de la région, notamment pour les
secteurs de transport, du tourisme rural et de l’artisanat »4.
La constitution des sociétés de développement régional est un mode de
gestion innovant mis à disposition des élus régionaux, leurs permettant d’améliorer
l’attractivité territoriales et renforcer la compétitivité économique.
1
Discours du 6 novembre 2008 prononcé par S M le Roi Mohammed VI à l’occasion du 33è anniversaire de la
Marche verte.
2
Exigences de la régionalisation avancée et défis de l’intégration des politiques sectorielles, Rapport du conseil
économique, social et environnemental, auto-Saisine n° 22/2016.
3
Conformément à l’article 135 de la constitution de 2011 « Les collectivités locales du Royaume sont les
régions, les préfectures -provinces et communes ».
4
Rapport de la commission consultative in http://www.regionalisationavancee.ma
Vu l’importance de ce moyen innovant mis à la disposition des régions, il y a
lieu de poser la problématique suivante : Dans quelle mesure on peut considérer
les SDR comme étant un outil performant de l'intervention de la région dans le
développement de l'économie ?
Le présent travail vise à répondre à cette question à travers le plan suivant :
Chapitre 1 : Les SDR : des sociétés anonymes en charge des compétences de la région
Section 1 : L’objet sociale et choix des partenaires des SDR
Section 2 : Les contrôles à priori et à posteriori effectués sur les SDR
Chapitre II : les SDR : évaluation de ce mode de gestion :
Section 1 : Les secteurs d’action des SDR
Section 2 : Les risques liés à la création des SDR
5
Dahir n° 1-21-75 du 3 hija 1442 (14 juillet 2021) portant promulgation de la loi n° 19-20 modifiant et
complétant la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes.
❖ Le choix des partenaires des SDR :
Les Collectivités territoriales ou leurs groupements disposent de plusieurs choix juridiques dans
la gestion de leurs services publics. A la lecture de la loi organique 111-14, il s’avère que les
régions disposent d’une pleine autonomie en matière de création des SDR mais également dans
les modalités de choix des partenaires car, à aucun moment il n’est stipulé un recours aux règles
de concurrence telles qu’exigées dans le cadre des PPP contractuels tels que les contrats de
gestion déléguée6, sauf bien entendu à l’exception faite des cas d’urgence dans le but d’assurer
la continuité du service public.
La région peut donc recourir à l’entente directe publicité qui pourrait, grâce à la mise en
concurrence, solliciter l’attention d’opérateurs-partenaires dotés d’une véritable expertise
revêtant un caractère marchand en adéquation avec l’objet de la SDR.
La SDR serait une entreprise bénéficiant de la souplesse du droit privé, disposant de la liberté
d’entreprendre dans le respect des règles de la commande publique, ayant des objectifs de
rentabilité créant de la valeur territoriale et ayant comme finalité l’esprit de transparence.
6
Article 5 de la loi n° 54-05 relative à la gestion déléguée des services publics, promulguée par le Dahir n° 1- 06-
15 du 14 février 2006.
7
Article 6 Zaheer A., McEvily B., Perrone V. (1998), “Does trust matter? Exploring the effects of
interorganizational and interpersonal trust on performance”, Organization Science, Vol.9, n°2, 141-159.
8
Article 80 de la constitution marocaine de 2011.
le champ de compétences de cette dernière, mais porterait préjudice également à la crédibilité
des élus vis-à-vis de leurs électeurs.
➢ Le contrôle administratif de l’autorité gouvernementale chargée de l’intérieur :
Ce contrôle purement administratif s’effectue suite aux délibérations arrêtées par le conseil
d’administration qui peuvent porter sur « toute cession du capital d’une SDR, son augmentation
ou sa réduction sont réputées nulles si elles ne font pas l'objet d'une délibération du conseil
concerné, visé par l'autorité́ gouvernementale chargée de l’intérieur »9.
Dans le même registre « (...) les procès-verbaux des réunions des organes de gestion de la
société́ de développement régional doivent être notifiés à la région, à ses groupements et aux
collectivités territoriales actionnaires dans son capital et au wali de la région, dans un délai
de 15 jours qui suivent la date des réunions (...) ».
Cette veille permet à l’autorité gouvernementale de s’assurer qu’il y a une réelle synergie en
matière de gouvernance territoriale et que l’objet de la SDR est conforme aux objectifs qui lui
sont impartis dans le cadre de la politique nationale.
➢ Le contrôle pratiqué par les juridictions financières :
Conformément à l’article 117 de la loi 62-9910 formant codes des juridictions financières, les
cours régionales des comptes sont chargées d’assurer le contrôle des comptes et de gestion des
collectivités territoriales et de leurs groupements.
L’article 118 de la même loi prévoit également dans le cas où les collectivités territoriales
détiendraient une participation majoritaire et un pouvoir prépondérant dans les entreprises
gérant des services publics, ces dernières sont soumises au contrôle des cours régionales des
comptes. Par ailleurs, cette juridiction a également une fonction juridictionnelle à l’égard des
fonctionnaires ou agents rattachés à la SDR.
Traditionnellement la Cour des Comptes juge les comptes et contrôle la gestion des collectivités
territoriales, de leurs groupements et des établissements publics relevant de la tutelle de ces
dernières et de leurs groupements.
➢ Le contrôle a posteriori de l’Inspection générale de l’Administration territoriale :
L’inspection générale de l’Administration territoriale (IGAT)relevant de l’autorité
gouvernementale chargée de l’intérieur dispose conformément à l’article 2 du décret n°2-94-
100 du 16 juin 1994, a la possibilité de procéder « … au contrôle et la vérification de la gestion
administrative, technique et comptable des services relevant du ministère de l’intérieur, des
collectivités locales et de leurs groupements ».
Dans le cadre de ses missions d’audit, l’IGAT peut être chargée de mener toute mission
d’études et de réflexion visant la surveillance de la légalité des décisions rendues par le
président du conseil ou ses adjoints et d’exercer un contrôle d’opportunité afin d’évaluer la
performance et l’efficacité de ces prises de décision au sein des SDR.
9
Article 146 de la loi organique 111-14 relative aux régions.
10
Dahir n° 1-02-124 du 1er rabii II 1423 (13 juin 2002) portant promulgation de la loi n° 62-99 formant code des
juridictions financières
➢ Le contrôle de l’inspection générale des finances :
Instance supérieure d’inspection des finances publiques représentant le Ministère des finances
en matière de contrôle et du bon usage des budgets alloués aux organismes et aux collectivités
territoriales créée par Dahir du 14 avril 1960 se voit conformément à son article 2 confier aux
inspecteurs des finances « … d’effectuer les vérifications des services des services de caisse et
de comptabilité, deniers et matières , des comptables publics et de façon générale , des agents
de l’État , des collectivités locales, des établissements et entreprises publics et de tout
organisme public , de contrôler la gestion des entreprises et des établissements publics , des
sociétés concessionnaires ou gérantes d’un service public de l’État ou d’une collectivité
publique, de contrôler les personnes morales ou physiques qui bénéficient directement ou
indirectement d’un soutien financier de la part de l’État , des collectivités locales et des
entreprises publiques … ».
De ce fait, lors de ces contrôles sur la gestion des collectivités territoriales, les inspecteurs des
finances doivent garantir la sincérité des opérations incluses dans leurs comptes, la réalisation
effective des services fournis ainsi que la livraison des travaux effectués au sein de la SDR.
❖ Risques de non-contrôle :
Les SDR sont des entités instituées pour répondre aux besoins des régions, elles sont sous forme
des sociétés anonymes comme il est indiqué auparavant, une Société de Développement
Régional a le statut de personne morale donc elle est bien évidemment soumise aux contrôles
applicables aux entreprises. Ainsi en tant que personnes morales dont le capital est détenu par
les organismes publics, les SDR sont soumises à des contrôles spécifiques.
En dépit de la variété des contrôles sur les collectivités territoriales, le nombre des contrôles
effectués réellement sur la gestion de ces entités semble limité pouvant engendrer non
seulement une faiblesse de transparence budgétaire et fiscale mais également une dégradation
dans la qualité des services publics (Bassrih, 2019)
Donc il est essentiel de mettre en place des mécanismes de contrôle et de transparence efficaces
pour surveiller les activités des sociétés de développement régional et garantir que les fonds
publics sont utilisés de manière appropriée et efficace pour le développement régional.
➢ Ainsi le rapport annuel de la cour des comptes exercice 2021 a relevé d’autres
défaillances de ces SDR ; voici un extrait dudit rapport : « D'autre part, et s'agissant de
la gestion des régions de leur portefeuille financier constitué des participations dans le
capital des sociétés créées avec des partenaires du secteur public et privé, il a été relevé
un manque de suivi de l’usage des contributions mentionnées, et des activités des
entreprises concernées. Il a également été constaté que certaines régions se sont
engagées dans la création de sociétés de développement régional sans mener d'études
de faisabilité approfondies relatives aux aspects techniques, juridiques et financiers.
Dans ce sens, les CRC ont recommandé de renforcer les capacités des AREP et de veiller
à ce que des mécanismes efficaces et de coordination des actions, avec celles des régions
et des autres acteurs, territoriaux soient mis en place. En outre, Elles ont préconisé de
veiller à adapter les participations aux sociétés de développement créées aux
dispositions des lois organiques des collectivités territoriales, ainsi que de remédier aux
carences que connaissent les sociétés de développement régional, en termes de suivi
régulier par les régions de l’usage de leur participation ».11
Conclusion :
Dans le cadre de la régionalisation avancée de larges pouvoirs sont attribués aux conseils
régionaux du Royaume, et le recours à ce mode gestion innovant permettant la mise en œuvre
des engagements pris lors de l’élaboration du plan régional de développement.
Cependant, les timides expériences de constitution de société de développement régional ne
permettent pas de jurer l’efficacité de ce mode de gestion puisqu’il s’agit d’une expérience
nouvelle pour les élus régionaux. La mise en œuvre de dispositif d’évaluation et suivi de ces
sociétés permettra de se prononcer sur leur performance.
11
Rapport annuel de la cour des comptes année 2021.
Bibliographie :
❖ Les lois :
• Loi organique relative aux régions
• La loi n° 54-05 relative à la gestion déléguée des services publics,
promulguée par le Dahir n° 1- 06-15 du 14 février 2006.
• La constitution marocaine de 2011.
❖ Les dahirs :
• Dahir n°1-15-83 du 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation
de la loi organique n° 111-14 relative aux régions.
• Dahir n° 1-21-75 du 3 hija 1442 (14 juillet 2021) portant promulgation de la
loi n° 19-20 modifiant et complétant la loi n° 17-95 relative aux sociétés
anonymes.
• Dahir n° 1-02-124 du 1er rabii II 1423 (13 juin 2002) portant promulgation
de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières.
❖ Les rapports :
• Rapport annuel de la cours des comptes année 2021.
❖ Les articles :
• Les sociétés de développement régional : une confirmation juridique de
l’intervention économique des collectivités territoriales : Belhaj Nadia et
Professeur Moflih Youssef.
• Le partenariat public-privé institutionnel : les sociétés de développement
local au Maroc : Belhaj Nadia et Professeur Moflih Youssef.
❖ Les sites web :
• Site SDR souss-massa : https://sdrtourisme-sm.ma/
❖ Les ouvrages :
• Gouvernance des finances des collectivités territoriales au Maroc : Houfi
Mohammed 1ère édition 2022.