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Si le terme « agroécologie » est ancien, son utilisation dans le monde agronomique

européen est assez récente (Wezel et al., 2009).


L’agroécologie est une notion polysémique qui regroupe des méthodes de production
et des pratiques agricoles, des approches de protection de l’agroécosystème, ainsi que des
savoir-faire utilisant les fonctionnalités écosystémiques dans la production (Bellon et Ollivier
2018). Altieri (1989), définit l’agroécologie comme la science de la gestion des ressources
naturelles au bénéfice des plus démunis confrontés à un environnement défavorable. Cette
science, de nature biophysique au sens large, porte ainsi sur l’accumulation de connaissances,
sur les fonctionnements des écosystèmes (cultivés). Elle conduit à la conception, à la création
et à l’adaptation sous la forme participative de systèmes de culture complexes productifs et
par suite attractifs malgré un milieu défavorable et malgré un recours très faible aux intrants.
Gliessman et al. (1998) précisaient que l’agroécologie est « l’application de l’écologie
à l’étude, la conception et la gestion des agro-systèmes », avec des objectifs de consolidation
la résilience des systèmes agricoles par la diversification des cultures ou des variétés
cultivées, l’autonomie, et la résistance aux aléas climatiques. Wezel et collaborateurs ont
souligné récemment la double nature que l’agroécologie a pris au fil du temps, en désignant
‘soit une discipline scientifique, soit une pratique agricole’, voire un mouvement social ou
politique’ (2014)
L’agroécologie s’oppose à l’agriculture dite "intensive" basée sur un modèle productif
inspiré des processus industriels, qui s’est répandu en Europe à partir de la moitié du XXe
siècle dans le but d’augmenter la productivité des animaux et des surfaces grâce à la
mécanisation et à la mobilisation d’intrants (engrais de synthèse, pesticides, aliments achetés
pour le bétail) (Aubron, 2021).
L’agroécologie constitue de ce fait une voie pour assurer la durabilité d’exploitations
ayant peu de ressources financières. Elle ouvre ainsi des pistes prometteuses, pour rendre
l’agriculture plus durable, tant aux plans social et économique qu’environnemental
(Gliessman, 2007).
Une des préoccupations majeures de l’agroécologie, est la réduction de l’utilisation
des produits phytosanitaires. Cela passe donc par la réduction progressive de l’utilisation de
ces produits de synthèse et par conséquence une augmentation des méthodes de lutte
biologique envers les bioagresseurs (Cardinale et al., 2006). Il s’agit donc de chercher à
maximiser les « effets de la biodiversité » au sein des parcelles agricoles sur le modèle de ce
qui se passe dans les écosystèmes naturels. Ainsi, Deguine et al. (1997) définissent la
protection agroécologique des cultures comme la mise en place des mesures préventives
visant à établir des équilibres bioécologiques entre les communautés animales et végétales de
l’agrosystème dans le but de prévenir ou de réduire les risques d’infestations et de pullulations
des bioagresseurs.
Ainsi, l’on distingue différents programmes de lutte biologique. Il existe ainsi la lutte
biologique par introduction ou acclimatation, qui consiste à introduire dans un milieu un
auxiliaire (espèces généralement exotiques) afin de réguler les populations d’un ravageur
d’une culture ciblée (Wright et al., 2017). Concernant la culture des Agrumes plusieurs
introductions ont eu lieu dans différents DOM. En effet, Tamarixia radiata a été introduite en
Guadeloupe en 1999 afin de lutter contre le psylle asiatique Diaphorina citri (Etienne et al.,
2001) et Ageniapsis citricola fut introduite en 2006 à la Réunion pour lutte contre
Phyllocnistis.

De même, la lutte par augmentation consiste quand-à elle, à multiplier les populations
de l’auxiliaire (présente sur les parcelles, mais ne suffisant pas à réguler les populations du
ravageur) en laboratoire et d’effectuer des lâchers périodiques ou ponctuels. On parle alors de
lâchers de renforcement (quantités d’auxiliaires faibles à moyennes) ou de lâchers inondatifs
(grandes quantités d’auxiliaires). Enfin, la lutte biologique par conservation, stratégie mise en
place pour cette étude consiste à « améliorer » l’environnement dans lesquels se trouve les
auxiliaires afin d’en augmenter l’efficacité vis-à-vis des ravageurs de cultures
L’utilisation d’une culture-piège implique la conduite d’une culture dans le temps et
dans l’espace dans l’objectif de concentrer les ravageurs dans la culture piège au lieu dans la
culture principale. Une telle technique est pratiquée depuis de longue date et a connu du
succès dans le contrôle de certains insectes, comme par exemple Lygus elisus du coton en
Californie, de Nezara viridula du soja (Newsom et Herzog, 1977). Enfin, il pourrait y avoir
des cas dans lesquels les cultures pièges peuvent devenir source d’infestation pour la culture
principale si elles abritent certains insectes et agents pathogènes qui pourraient être nuisibles à
la culture principale. D’après Shelton (2006), les succès obtenus avec les cultures pièges dans
le contrôle de certains insectes sont variables, donc ce qui aurait augmenté le risque de perte
économique pour le producteur. Etant donné qu’une culture piège a aussi coût d’entretien, son
utilisation peut être optimisée si elle peut être utilisée à des fins supplémentaires, telles que la
consommation humaine, l’alimentation animale, ou comme engrais vert, ou si elle peut servir
d’habitat pour les ennemis naturels utiles dans les cultures voisines.
L’agroécologie privilégie généralement un travail minimal du sol en combinaison avec
d’autres pratiques de conservation du sol. Le passage à des techniques de réduction ou
d’abandon du travail des sols en combinaison avec des pratiques de diversification et de
couverture de sol permettent de mieux conserver la structure, la stabilité et la dynamique des
sols (Thierfelder et Wall, 2012). Cela permet aux sols de conserver leur capacité à soutenir
une production agricole. Contrairement au profond labour du sol, le travail mécanique
minimal du sol n’inverse pas les couches pédologiques et diminue la fréquence de
perturbations (Wezel et al., 2014). Ainsi, la microbiologie du sol conserve davantage son
intégrité, l’activité biotique est favorisée et la proportion de matière organique dans le sol
augmentent par la conservation des résidus de cultures au sol (Ball et al., 1998 ; Buerkert et
al., 2002 ; Lahmar et al., 2012). Les propriétés chimiques, physiques et hydrologiques des
sols sont améliorées et permettent d’augmenter la disponibilité des nutriments pour les plantes
dans les sols (Buerkert et al., 2002). En outre, en conservant son intégrité, le sol est davantage
protégé de l’érosion de la matière organique à sa surface, puisqu’il n’est pas aussi vulnérable
à la force des éléments érosifs (e.g. vent, eau) (Ball et al., 1998 ; Tittonell et al., 2012 ; Wezel
et al., 2014).
Plusieurs pratiques agroécologiques sont utilisées aujourd’hui et continuent d’être
améliorées afin de répondre adéquatement aux besoins en eau des agroécosystèmes en
fonction de leur type de climat et d’environnement. Parmi ces pratiques, on retrouve entre
autres l’irrigation au goutte-à-goutte qui permet de mieux contrôler la quantité d’eau
disponible pour les cultures horticoles, l’utilisation de cultures de couverture ainsi que la
plasticulture qui assurent une plus grande conservation de l’humidité des sols (Wezel et al.,
2014). Les cultures de couverture augmentent l’efficacité d’utilisation des ressources en eau
en permettant de réduire l’évaporation des sols à découvert, participent à l’augmentation de la
matière organique des sols et peuvent augmenter la concentration en azote dans les sols si des
légumineuses sont utilisées (Wezel et al., 2014). Une parcelle irriguée adéquatement
minimise l’utilisation d’eau, répond mieux aux demandes d’irrigation des cultures dans
l’espace et dans le temps, augmente l’efficacité d’utilisation des ressources en eau de
l’agroécosystème tout en minimisant les risques de salinisation des terres (Wezel et al., 2014).
Les mauvaises herbes, les ravageurs et les maladies représentent un problème majeur
dans les agroécosystèmes. Les conditions microclimatiques, la rotation des cultures, la
diversité d’espèces cultivées, la diversité génétique des individus d’une variété et les types de
plantes cultivées jouent des rôles importants dans le développement et la sévérité des maladies
végétales (Ratnadass et al., 2012). La gravité des impacts d’attaques d’insectes herbivores et
des maladies est généralement diminuée dans un système diversifié en termes de culture, de
cultivar et de rotation (Colbach et al., 1997 ; Ratnadass et al., 2012). Par exemple, Mitchell et
al. (2002) ont trouvé qu’une augmentation de la diversité d’espèces diminuait la sévérité des
attaques d’une maladie sur 24 espèces végétales en raison de la diminution de la densité de
l’hôte. En effet, une métaanalyse récente (Letourneau et al., 2011) indiquait que la
diversification végétale a des effets bénéfiques clairs sur les systèmes agricoles par la
diminution des insectes herbivores, l’augmentation de la présence d’ennemis naturels des
ravageurs et la réduction des dommages causés aux cultures.
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