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L'HYPNOSE
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Résumé : La présence d’un état dissociatif joue un rôle majeur dans l’induction et le maintien
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of a painful scene “hidden” under a protective level of consciousness, the mode of hypnotic
communication seems to foster the exchange with the dissociated patients, then to facilitate
the access to the traumatic material. The pathological reaction of defence can be overtaken
with the reelaboration of the traumatic scenario by the patient himself. However, hypnosis
always arouses criticisms : can we be afraid of an heightening of the dissociatives symptoms
or painful reviviscences ? Do we risk the emergence of false recollections ? We show that
these criticisms are not relevant with the current methods used in hypnotherapy.
Keywords : hypnotherapy, dissociation, trauma, PTSD.
La dissociation « quotidienne »
Un premier type de dissociation, la transe quotidienne spontanée, correspond
aux capacités naturelles d’absorption dont disposent les sujets. Cette dissocia-
tion « normale » recouvre la possibilité de se protéger d’une situation perçue
comme menaçante en se « coupant » de ses sensations douloureuses. Ainsi, dans
la vie quotidienne, les individus traversent différents états de conscience pour
s’adapter à des rôles et des situations variés qui traduisent leurs ressources et
leurs limites. Il s’agit d’un processus dynamique de dissociation/association
permettant de compartimenter des expériences distinctes de la vie, et en parti-
culier d’écarter stress ou tracas de façon plus ou moins durable.
Cette aptitude innée, naturelle, impliquant des comportements réflexes et
automatiques [3] reflète la capacité à s’intérioriser par le recours à l’imaginaire,
l’esprit s’affranchissant des contraintes du réel. C’est ce savoir-faire paradoxal
d’altération de l’état de sa propre conscience qui est utilisé lors de l’hypnose
de façon contrôlée et thérapeutique, une autre personne accompagnant alors le
sujet en transe dans ce but.
La dissociation traumatique
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La fragmentation du Moi
Le troisième type de dissociation peut être défini par la fragmentation du
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moi, en jeu notamment la classe des troubles dits « dissociatifs ». Dès sa thèse
sur l’Automatisme Psychologique [7], Janet fait référence à une rupture d’unité
personnelle : lorsqu’un trop grand nombre de sensations est isolé en dehors de
la perception consciente, un nouveau type de perception se forme, et l’on peut
parler alors de personnalité secondaire ou subconsciente, parallèle à la person-
nalité principale. Le Moi se trouve donc divisé, dissocié en deux. D’après Janet,
la rencontre avec la mort crée des émotions si fortes que la capacité ordinaire
de synthèse psychique est perturbée et ne permet pas de traiter les souvenirs
traumatiques, stockés dès lors dans le subconscient.
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lequel conduit cette technique. Janet, comme nombre de ses successeurs, consi-
dérait l’hypnose d’un point de vue dissociatif, où il était question d’une réor-
ganisation structurale de la conscience. On parle aujourd’hui d’« hypnose »
lorsque le sujet a expérimenté une perception de l’environnement et de son
monde intérieur différente de son expérience habituelle, et qu’il répond aux
suggestions autrement que s’il était dans un état normal de conscience (mouve-
ments saccadés, lenteur de réponse…). L’accessibilité à différents niveaux ou
états de conscience naturels est donc nécessaire pour expérimenter l’hypnose.
L’état dissociatif traumatique et l’état dissociatif hypnotique ont ainsi en
commun une altération de la perception et des fonctions normales d’intégration
des souvenirs, de la conscience, du contrôle des mouvements corporels et de
l’identité [9].
Les principales caractéristiques de l’événement traumatique, telles que la
surprise, la peur, la saturation sensorielle, la confusion induite par une sidéra-
tion de la pensée, permettent de considérer cet événement comme induction
hypnotique et l’effet du traumatisme comme agent hypnotique (focalisation
de l’attention) [5].
Par ailleurs les trois critères diagnostiques de l’ESPT peuvent être rappro-
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À l’instar d’Erickson qui utilisait des états de transes naturels dans ses
thérapies, l’hypnose s’appuie sur le savoir-faire des « survivants » considérés
comme « experts en transe ». Ces sujets, si l’on admet qu’ils « savent » revivre
l’expérience traumatique dans d’autres contextes que la situation d’origine,
disposent également de facilités pour expérimenter un souvenir agréable ou
développer leur capacité imaginative, facilités que l’hypnothérapie les aidera
à dévoiler dans le traitement même du traumatisme.
La mémoire explicite, liée aux informations verbales, étant débordée lors
d’un traumatisme, la traduction en mots de l’expérience est difficile, ce qui
implique l’inaptitude à conceptualiser un récit. Il faut donc contourner cette
carence pour accéder aux informations recueillies à travers les perceptions et
les sensations, et mettre en œuvre les capacités de symbolisation du sujet [10].
La technique de réification, par laquelle le sujet est invité à donner forme à
une douleur ou un symptôme, permet par exemple d’être totalement et direc
tement présent à soi, à ses sensations et ses représentations sans les transformer
d’emblée par le langage. L’imagerie permet de changer les informations internes
propres à chaque expérience, en contournant les défenses verbales pour créer
de nouvelles connexions induisant un nouveau comportement. Or l’hypnose
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Controverses
Malgré son efficacité démontrée, l’image de l’hypnose reste affectée par
des polémiques qui semblent traverser le temps. La pratique thérapeutique de
l’hypnose est au cœur de controverses qui se concentrent aujourd’hui sur le
risque d’accroître la dissociation traumatique et de favoriser l’émergence de
faux souvenirs.
Une augmentation de la dissociation ?
Phillips & Frederick [3] et Hollander et Bender [27] rappellent une cri-
tique classique vis-à-vis de l’hypnose : utiliser une technique dissociative avec
des sujets déjà fortement dissociés serait dangereux. Le patient peut percevoir
cette technique comme étant intrusive, avec un sentiment de perte de contrôle,
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| PSN, vol. 10, n° 1/2012 | « Histoire » |
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notamment sur son corps, comme au cours d’un abus sexuel. Hammond (cité
par Hollander et Bender [27]) souligne que malgré le travail hypnotique engagé
par le sujet, la persistance de reviviscences traumatiques et le risque de boule-
versement émotionnel lors d’abréactions répétées sont à considérer. L’utilisation
de l’hypnose avec des patients souffrant de troubles dissociatifs sévères peut
entraîner de fortes résistances, les sujets se détournant de l’objectif thérapeu-
tique pour se laisser absorber par des rêveries.
Malgré ces réserves, la dissociation pathologique, loin de se renforcer,
semble en fait levée par les techniques dissociatives hypnotiques [21, 22].
Certes, le fait de « revisiter » les souvenirs traumatiques pourrait être contre-
productif si le patient n’expérimentait pas un sentiment de sécurité avec un Moi
suffisamment renforcé pour « gérer » le matériel traumatique. Néanmoins, cer-
taines techniques hypnotiques permettent d’éviter le débordement des affects,
comme l’utilisation d’un « lieu-sûr » mental. En particulier, la relation thérapeu-
tique peut être le pivot d’un travail s’appuyant sur la confiance et l’acceptation.
Cependant les « survivants » d’un ESPT peuvent rapidement entrer dans un
état d’hypnose très profond, où ils échappent au contrôle, et peuvent tendre
vers une confusion interne où il est difficile d’interagir avec le thérapeute.
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Conclusion
L’hypnose apparaît comme un outil efficient, pertinent et polyvalent dans
le traitement des ESPT, pouvant être utilisée de façon exclusive ou complé-
mentaire à d’autres thérapies. Son intérêt psychopathologique propre repose
sur l’utilisation du mécanisme au cœur de l’ESPT, la dissociation, avec une
reprise par le sujet lui-même de la situation traumatique dans un cadre qui
lui permet d’exploiter ses ressources au lieu d’être la victime paradoxale de
leur puissance. Ainsi, l’hypnose, technique dissociative utilisée dans un cadre
structuré, contrôlé et sécurisant permet aux sujets présentant un ESPT de béné-
ficier de leur savoir-faire de façon thérapeutique, voire d’accéder aux éléments
dissociés qui auraient été hermétiques à toute autre approche.
Bien entendu, l’hypnose n’est pas une thérapie efficace pour tout le monde.
Cet outil est avant tout une façon singulière de communiquer et d’être présent
| Marion Fareng & Arnaud Plagnol | Dissociation et syndromes traumatiques : apports actuels de l’hypnose | 45
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Références
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induite par les soins. Repéré à cnrd.fr/Les-applications-de-l-hypnose-dans.
html @.
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ciative symptomatology. American journal of psychiatry 153 : 41-63 @.
[1] Cardeña E. 1994. The domain of dissociation. In Lynn S.J. & Rhue J.W. (eds.).
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[17] Chan R. 2008. A case study of chronic post-traumatic stress and grief : hyp-
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Marion Fareng & Arnaud Plagnol, « Dissociation et syndromes traumatiques : apports actuels de l’hypnose »,
PSN. Psychiatre, Sciences humaines, Neurosciences [en ligne]. Nouvelle série, vol. 12, n° 4, 4e trimestre 2014,
Paris, Éditions Matériologiques, p. 29-46. URL : www.materiologiques.com
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