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RDST

Recherches en didactique des sciences et des


technologies
8 | 2013
Activité d’élèves, activité d’enseignants en éducation
scientifique et technologique

Modélisation et représentations des états de l’eau


par des élèves de SEGPA
Modelling and representing states of water. A case study with students with
recognized learning difficulties

Gilles Aldon et Karine Bécu-Robinault

Éditeur
ENS Éditions

Édition électronique Édition imprimée


URL : http://rdst.revues.org/758 Date de publication : 31 décembre 2013
DOI : 10.4000/rdst.758 Pagination : 9-22
ISSN : 2271-5649 ISBN : 978-2-84788-481-4
ISSN : 2110-6460

Référence électronique
Gilles Aldon et Karine Bécu-Robinault, « Modélisation et représentations des états de l’eau par des
élèves de SEGPA », RDST [En ligne], 8 | 2013, mis en ligne le 17 février 2016, consulté le 31 janvier
2017. URL : http://rdst.revues.org/758 ; DOI : 10.4000/rdst.758

Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.

© Éditions de l’École normale supérieure de Lyon


Modélisation et représentations des états
de l’eau par des élèves de SEGPA
Gilles ALDON
Karine BÉCU-ROBINAULT
Université Lyon 1, ENS de Lyon, Ifé, S2HEP

RÉSUMÉ • Dans une séance de physique dont l’objectif est de comprendre le phénomène
d’augmentation du volume de l’eau dans le passage de l’état liquide à l’état solide,
le professeur met en place une situation de modélisation combinant des concepts
mathématiques et physiques. L’objet de l’analyse est de comprendre les éléments
permettant de favoriser la construction du modèle explicatif et de pointer les difficultés
liées à l’utilisation des représentations des objets physiques ou mathématiques mobilisés
et à leurs interprétations en mathématiques et en physique. Le cadre théorique mobilisé,
combinant des analyses des milieux de la situation avec représentations sémiotiques, nous
amène à proposer les ajustements nécessaires pour mettre en adéquation les intentions
du professeur et l’apprentissage des élèves.
MOTS-CLÉS • Modélisation, milieu, représentation, sémiotique.

Introduction
Depuis le rapport Bach 1, le collège s’est engagé dans une rénovation de
l’enseignement des sciences visant des démarches communes et des incitations
à la convergence entre les disciplines. Cette rénovation s’inscrit dans le cadre de
la loi d’orientation de 2005 visant à une refondation des dispositifs d’aide aux
élèves en difficulté. Dans ce contexte, nous nous sommes intéressés à la manière
dont les enseignants de sciences des SEGPA (Sections d’enseignement général et
professionnel adapté) mobilisaient des concepts et des outils initialement conçus
pour des élèves en filières ordinaires. Si ce choix implique la prise en compte de
particularités de ces sections, comme la formation initiale et la polyvalence des
enseignants, mais aussi/ou les caractéristiques des élèves accueillis, il apporte
des informations utilisables dans les filières ordinaires, les enseignants devant se

1 Groupe de relecture des programmes de collège, Pôle des sciences, sous la présidence de Jean-François Bach.
En ligne : <http://pedagogy.free/images/rapport_bach.pdf>(consulté le 1er mars 2013).

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conformer aux mêmes programmes. Les SEGPA accueillent des élèves en grande
difficulté d’apprentissage, auxquelles n’ont pu remédier les actions traditionnelles
de remédiation. Les collégiens des filières SEGPA suivent des enseignements adaptés
(effectifs réduits, suivi individualisé) visant l’acquisition du socle commun de
compétences et de connaissances. Dans la classe de quatrième suivie, l’enseignante,
professeur des écoles et de formation universitaire en philosophie, a en charge les
enseignements de mathématiques et de sciences physiques. Notre étude est centrée
sur une séance visant à construire un modèle explicatif au niveau microscopique
des états macroscopiques de l’eau et mobilisant des productions élaborées en cours
de mathématiques.
La séance étudiée a été élaborée au sein d’un projet de recherche collaborative
visant à mettre en évidence l’évolution des représentations mobilisées
spontanément par les enseignants dans leur classe, de la maternelle à la fin du
collège, autour du thème de l’eau. L’objectif initial du projet étant d’identifier
les pratiques « naturelles » des enseignants, nous leur avons proposé de collecter
leurs préparations de cours et d’observer plus particulièrement une séance qu’ils
jugeaient importante. Il s’agit donc de séances de classe ordinaire (Aldon, 2011)
dans lesquelles la responsabilité de l’enseignement incombe à l’enseignant dans une
perspective d’action conjointe (Sensevy & Mercier, 2007). Les activités choisies et le
déroulement de la classe sont sous la responsabilité des enseignants. Ces derniers
pouvaient toutefois se référer à un document élaboré collectivement concernant la
démarche d’investigation. Cette référence a notamment conduit tous les enseignants
à déclarer s’appuyer sur des hypothèses d’apprentissage socio-constructivistes et
favoriser les interactions entre les élèves.
L’objet de cet article est d’étudier ce qui, dans une situation combinant des
concepts mathématiques et physiques, permet ou perturbe la construction d’un
modèle explicatif.

1. Cadre théorique
Notre cadre théorique vise à permettre la mise en relation de l’analyse de la
situation, des activités des élèves en lien avec les objectifs d’apprentissage, des
intentions du professeur ainsi que des réajustements opérés par l’enseignante
pendant la séance.
1.1. Le milieu didactique
Les approches théoriques de l’apprentissage pointent l’importance des relations
du sujet avec son milieu. Il en est de même pour la théorie des situations didactiques
(Brousseau, 2004). Dans cette théorie, le milieu est considéré comme un système
autonome « antagoniste du système enseigné, ou plutôt précédemment enseigné »
(Brousseau, 1986, p. 347). L’étude des situations amène à considérer les interactions
entre maître et élèves ainsi que les interactions des acteurs avec le milieu et ce,

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à différents moments du jeu didactique. Ce point de vue conduit à attribuer au


milieu une structure et incite plus précisément à considérer des milieux comme
autant de situations dans lesquelles les acteurs interagissent (tableau 1). La structure
des milieux s’appuie sur les rôles des acteurs, dans une construction emboîtée, le
milieu de niveau n constituant la situation de niveau n-1. Le schéma proposé par
Margolinas (2004, p. 52) prend en compte à la fois le « jeu du maître » dans son rôle
de dévolution et d’institutionnalisation des connaissances et la situation de l’élève
depuis son entrée dans le problème posé jusqu’à son acquisition de connaissances
et sa réflexion sur le jeu joué dans la situation.

M+3: P+3: S +3 : Situation


M-construction P-noosphérien noosphérienne
M+2: P+2: S + 2 : situation Niveaux
M-projet P-constructeur de construction sur-didactiques
M+1: E+1: P+1: S + 1 : situation
M-didactique E-réflexif P-projeteur de projet
M0 : P0 : S0 : situation
E0 : élève
M-apprentissage professeur didactique
S – 1 : situation
M–1: E–1: P–1:
adidactique
M-référence E-apprenant P-observateur
d’apprentissage
Niveaux
M–2: E–2: S – 2 : situation
sous-didactiques
M-objectif E-agissant de référence
M–3: E–3: S – 3 : situation
M-matériel E-objectif objective
Tabl. 1 : la structuration du milieu.

La construction des connaissances est le résultat d’un processus dynamique


prenant en compte les positions des acteurs. Il est possible de lire cette grille depuis
le bas, en prenant le point de vue de l’élève qui se trouve confronté à un milieu
matériel, sans intentions didactiques, constitué d’objets matériels mais aussi de
connaissances conformes ou non au savoir enseigné. C’est à partir des interactions
avec ce milieu matériel que les élèves investissent la situation de référence ;
dans la situation d’apprentissage, les E-apprenants mettent en correspondance
les éléments du milieu objectif avec les résultats des expériences pour construire
des connaissances que le P-observateur pourra institutionnaliser dans la situation
didactique. On peut illustrer ce tableau en utilisant la situation du puzzle de
Brousseau (Brousseau & Brousseau, 1987) ; à partir d’un puzzle de 6 pièces les élèves
doivent en fabriquer un nouveau en respectant la règle : « le segment qui mesure
4 cm sur le modèle devra mesurer 7 cm ». Le milieu matériel de cette situation est
constitué des pièces du puzzle et des connaissances des élèves. Dans la situation S-2,
E-2 agit sur les pièces et compare le puzzle agrandi avec le puzzle initial : formes
identiques, nécessité d’emboîtement ; dans la situation S-1 d’apprentissage, E-1 est
confronté au milieu M-1 constitué des formes agrandies et du résultat à obtenir.

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La règle s’applique et si une procédure additive est utilisée, le milieu M-1 renvoie
l’invalidation de la construction effective, l’assemblage des pièces agrandies ne
formant pas la forme attendue.
Symétriquement, la situation S + 3 (situation noosphérienne 2) représente la
situation des interactions du professeur et de son épistémologie personnelle
avec le milieu de construction. Dans la situation S + 2, le professeur construit
les éléments d’une situation pour un élève générique ; il s’agit de la situation
dans laquelle le professeur fait des choix didactiques en s’appuyant sur ses
conceptions de l’enseignement et de la discipline enseignée. Pour reprendre
l’exemple du puzzle, dans les situations S + 3 et S + 2, le professeur construit dans
une perspective socioconstructiviste un problème dont l’enjeu est la construction
du concept de proportionnalité. Dans la situation de projet, P-projeteur prend
en compte la réalité des conditions de son enseignement et l’élève est modélisé
dans cette situation comme E-réflexif s’interrogeant sur les intentions didactiques
de l’enseignant.
Les intentions didactiques sont les résultats des interactions de P + 3 avec les
milieux sur-didactiques. Le concept de bifurcation didactique (Margolinas, 2004)
résulte d’un décalage entre les intentions du professeur et la compréhension de la
situation au travers du contrat didactique. La situation objective, interprétée par
les élèves, fait fonctionner des connaissances non conformes à celles attendues par
l’enseignant. Ces éléments permettent d’analyser les décalages dans les situations
de classes observées.
Les analyses a priori peuvent être conduites en lisant le tableau 1 du bas vers
le haut, c’est à dire en partant du point de vue des élèves, ou du haut vers le bas,
en partant cette fois du point de vue du professeur. L’analyse a priori en termes
de milieu permet la compréhension des difficultés rencontrées par les élèves, les
objets du milieu matériel ne pouvant être manipulés que s’ils ont un sens pour les
élèves. La séance observée mettant en jeu deux domaines de connaissances, il est
crucial de s’interroger sur les opportunités offertes par les différents milieux pour
construire du sens aux représentations manipulées en relation à l’explication des
phénomènes.
1.2. Les activités de modélisation et l’apprentissage
1.2.1. Modélisation
Les recherches en didactique des sciences et des mathématiques (Cabassut
& Vilette, 2012) ont conduit à considérer la modélisation soit comme outil de
catégorisation des activités des élèves en phase d’élaboration de connaissances
(Tiberghien, 1994), soit comme outil précisant les contraintes d’un projet
d’enseignement de la modélisation en science (Martinand, 1992). Les distinctions

2 Le mot noosphère proposé par Chevallard (1985) se construit sur νοοζ : intellect, intelligence et σφερια :
champs social, sphère.

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entre l’enseignement de la modélisation et l’enseignement par la modélisation


sont parfois difficiles à opérer (Coquidé & Le Maréchal, 2006). Les études
indiquent également que les élèves peinent à établir des liens entre les objets
et événements et les concepts et lois permettant de les étudier (Tiberghien
& Vince, 2005 ; Bécu-Robinault, 2004). Il s’agit pourtant de l’un des objectifs
affichés des enseignements de la physique et des mathématiques, inhérent au
fonctionnement même de ces disciplines (MEN, 2010 ; MEN, 2011). Notre but
est de rendre compte des activités des élèves dans le cadre d’un enseignement
par la modélisation, le modèle et les propriétés des représentations associées
étant en partie à construire par les élèves.
1.2.2. Les recherches sur les modèles particulaires
Les recherches conduites depuis 1988 (Chomat, Larcher & Méheut, 1988) sur
les modèles particulaires ont permis de proposer des stratégies d’enseignement
concernant les gaz, la cinétique chimique, les états de la matière, diffusées par les
documents d’accompagnement des programmes officiels (MEN, 2008).
La séquence étudiée vise à faire construire aux élèves un modèle explicatif lié
aux changements d’état de l’eau. Pour cela, l’enseignante introduit un modèle
microscopique permettant de rendre compte de phénomènes macroscopiques. Cette
dualité entre modèle microscopique et phénomènes macroscopiques, rend difficile
l’enseignement de la chimie, même à l’université (Barlet & Plouin, 1997). Cette
dualité est présente dans notre situation concernant les propriétés physiques de la
matière. Dans les programmes de quatrième, suite à une approche macroscopique
des propriétés de la matière en cinquième, les instructions officielles imposent une
description moléculaire des trois états de l’eau. Les documents d’accompagnement
introduisent le modèle particulaire pour interpréter la compressibilité des gaz
avant l’organisation des particules dans les trois états. Quatre propriétés du modèle
particulaire sont initialement fournies : insécabilité, indéformabilité, conservation
de la masse et des dimensions. L’enrichissement du germe de modèle est assuré
par l’introduction de nouvelles règles.
Les élèves se représentent fréquemment les particules comme de petites billes
qui peuvent avoir des propriétés physiques différentes (Méheut, 1996). Les propriétés
macroscopiques étant associées aux propriétés microscopiques, l’identité des
particules entre elles n’est pas spontanée. Dans la séance analysée, cette propriété
est prise en charge par l’enseignante, suite à un mime collectif des états de l’eau :
elle impose aux élèves deux représentations possibles des particules. Les particules
seront représentées par des triangles (activité 2A), ou par des disques (activité 2B).
Les élèves devront inventer les règles d’agencement au niveau microscopique, pour
interpréter les phénomènes observés au niveau macroscopique. Dans de nombreux
pays, les modèles particulaires sont introduits avec succès dès les premières années
d’enseignement (Chomat, Larcher & Méheut, 1992). Il semble donc raisonnable de
faire l’hypothèse que ce type de modèle soit accessible à des élèves de SEGPA.

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1.3. Les représentations sémiotiques et multimodales


L’apprentissage des concepts et des modèles en mathématiques et en sciences
physiques est lié à la mobilisation de systèmes de représentations. Nous adhérons
à l’hypothèse que l’acquisition des connaissances passe par la mobilisation et
la mise en relation de systèmes de représentations (Duval, 1995), tels que les
graphiques, formules algébriques, dessins, figures géométriques, le langage naturel
et l’incarnation qui fait référence à la façon de construire des concepts à partir
d’expériences sensorielles (embodiment selon Tall, 2006). Inversement, le traitement
et la coordination de ces systèmes de représentations sont des manifestations de
l’apprentissage. D’autres représentations peuvent être mobilisées (Ainsworth, 2006 ;
De Vries, 2007) auxquelles nous ajoutons les gestes. La situation d’enseignement
analysée incluant un mime par les élèves des différents états de l’eau, il paraît
essentiel d’inclure cette représentation gestuée.

2. Questions de recherche et méthodologie d’analyse


2.1. Questions de recherche
Les éléments théoriques présentés nous conduisent à formuler les questions de
recherche suivantes : quels sont les milieux avec lesquels les élèves interagissent ?
Quelles sont les propriétés mises en œuvre par les élèves in situ ainsi que les
disciplines convoquées pour construire du sens aux représentations manipulées et
élaborer des propriétés du modèle physique visé ? Quels sont les ajustements du
milieu opérés par l’enseignante et l’influence de ces ajustements sur les propriétés
construites et mises en œuvre par les élèves ?
Nous souhaitons à terme rendre compte de la manière dont l’enseignant parvient
à faire construire un modèle explicatif aux élèves, sur la base de différents systèmes
de représentations, et fournir des pistes de perfectionnement de la séquence
développée par l’enseignante.
2.2. Données collectées
La classe suivie est composée de 10 élèves. Pour nos analyses, nous avons
pris en compte les documents élaborés par l’enseignante, les interactions entre
l’enseignante et les élèves et les productions des élèves. Lors de la séance, les élèves
sont temporairement répartis en deux groupes. Les productions écrites des élèves
utilisant les formes en carton ont été photographiées et le mime, la situation TBI
(tableau blanc interactif) et l’institutionnalisation ont été filmés. Les élèves ne devant
pas coller les formes en carton sur leur feuille, il leur était possible à tout moment de
modifier leur réponse. Il a en conséquence été difficile d’identifier et de photographier
ce qu’ils considéraient comme leur production finale. Seules 5 productions sur les 7
ont pu être photographiées. Les productions verbales ont été transcrites littéralement
et une description des gestes associés aux paroles a été intégrée aux transcriptions et
illustrée de photos des productions des élèves (mimes, gestes, dessins, assemblages).

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2.3. Critères d’analyse


Les données seront analysées en termes de milieu, et de propriétés construites
ou mises en œuvre pour la manipulation des représentations des particules. Une
analyse a priori des milieux nous permettra de prévoir des décalages entre les
attentes de l’enseignante et les activités potentielles des élèves. L’analyse des
productions des élèves in situ (dessins, gestes, paroles) nous conduira à identifier
les propriétés et connaissances antérieures mobilisées et les règles inventées. La
mise en lumière de ces dernières devra être mise en relation avec les éléments
initialement offerts par le milieu ou les ajustements opérés par l’enseignante
pour pallier d’éventuels « manques » du milieu. En parallèle, nous chercherons
à catégoriser les propriétés mobilisées en fonction du domaine de connaissance
(physique ou mathématiques). Nous étudierons également comment les élèves
passent d’une représentation à l’autre.

3. Analyse a priori de la situation étudiée


3.1. Objectifs d’enseignement et synopsis de la séance étudiée
La séance étudiée a été conçue sur la base d’une séance de quatrième
« classique ». L’enseignante (Martine dans la suite) veut faciliter la conceptualisation
des objets en proposant plusieurs représentations possibles des particules. Elle
souhaite également faire un lien entre ses enseignements de mathématiques
et de physique et, de ce fait, articule deux séances consécutives, la première en
mathématiques et la seconde en physique.
Lors de la séance de mathématiques, Martine a travaillé sur la technique de
construction du triangle équilatéral. Les élèves partaient d’un segment de 10 cm à
reprendre au compas pour déterminer le troisième sommet. Ensuite, ils devaient
repérer à la règle tous les centimètres sur les côtés du triangle, tracer des parallèles
au premier côté du triangle à l’aide des repères, puis au second, puis au troisième
(figure 1). L’activité mathématique se clôturait par un découpage des cent petits
triangles équilatéraux de 1 cm de côté ainsi obtenus.

Fig. 1 : dessin des triangles équilatéraux sur la base d’un segment de 10 cm.

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Martine prévoit ensuite une séance de physique, visant à construire une


explication à un phénomène observé auparavant, à savoir qu’à quantité égale,
l’eau solide occupe un volume plus important que l’eau liquide. C’est sur cette
séance que porte plus spécifiquement notre analyse. Cette situation, intégrée à son
projet d’enseignement, fait intervenir les petits triangles équilatéraux découpés
dans le papier cartonné. L’objectif de Martine est de mettre en évidence que la
représentation des molécules d’eau par des triangles permet, mieux qu’avec des
disques, de fournir une explication de cette augmentation de volume.
La séance de physique analysée comporte différentes activités :
Une première activité (activité 1) permet aux élèves, en classe entière, de mimer
les particules d’eau. Ce mime avait déjà été réalisé par certains des élèves lors d’une
précédente séance.
Dans une deuxième activité, les élèves sont séparés en deux groupes travaillant
en parallèle, chacun devant manipuler les représentations des particules fournies
pour expliquer le phénomène observé. Le premier groupe travaille avec les triangles
découpés qui doivent être positionnés sur des feuilles de papier (activité 2A),
le deuxième groupe (activité 2B) travaille avec le TBI, les particules étant alors
représentées par des disques (figure 2).

Fig. 2 : copie d’écran des éléments initialement fournis aux élèves sur le TBI.

La situation se termine par une phase de mise en commun des productions des
élèves visant à discuter la pertinence des représentations utilisées.
3.2. Analyse du modèle à construire
Il est intéressant de faire une analyse du modèle choisi par Martine au regard
de son caractère théorique et fonctionnel (Walliser, 1977). L’analyse du caractère
théorique permet de faire émerger le domaine de validité du modèle à construire.

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Dans les documents d’accompagnement, le modèle particulaire est introduit dans


la partie « l’air qui nous entoure » et il est indiqué qu’il est possible d’utiliser ce
modèle pour faire représenter aux élèves les états de l’eau au niveau microscopique.
Mais il n’est pas indiqué de l’utiliser pour rendre compte de l’augmentation de
volume lors du passage de l’état liquide à solide. En effet, à l’état solide, l’eau est
un des rares éléments à avoir un volume plus important qu’à l’état liquide. Ce
phénomène, observable à l’échelle macroscopique, peut s’interpréter à l’échelle
microscopique. En effet, à l’état liquide, les molécules d’eau sont toujours
entourées de quatre molécules voisines, et sont organisées globalement selon une
géométrie tétraédrique. A l’état solide, les molécules forment des mailles sous forme
hexagonale, ce qui implique un vide plus important entre les molécules. Ce n’est
donc pas tant la forme des molécules qui explique l’augmentation de volume, mais
leur agencement dans l’espace. Toutefois, dans la situation conçue, Martine fait le
pari que les formes géométriques choisies peuvent influencer la manière dont les
élèves disposeront les représentations des molécules, en relation avec l’utilisation
des propriétés mathématiques de ces formes.
Notons que Martine a élaboré un modèle explicatif en adéquation avec les
capacités cognitives présumées des élèves, sur la base d’une réflexion prenant en
compte la nécessité d’articuler différents registres de représentations et de laisser
les élèves agir sur les objets mis à disposition. Ainsi, son choix repose sur le fait
que les représentations classiques de dispositions de disques ne permettent pas de
trouver une règle d’agencement des particules, contrairement aux représentations
« triangles ». C’est le caractère fonctionnel qui a été pris en compte, le caractère
théorique étant comme bien souvent sous-estimé (Méheut, 1996).
3.3. Les représentations choisies et leurs propriétés mathématiques et physiques
Il est possible de prévoir les propriétés attribuées aux représentations fournies
en relation aux disciplines enseignées et aux éléments à disposition. Une
contradiction apparaît dans la consigne : les particules sont représentées à une
échelle microscopique, les récipients sont dessinés à une échelle macroscopique.
L’enseignante fournit initialement peu de règles concernant la manipulation des
représentations : les particules doivent occuper tout l’espace à l’état gazeux, se
déplacer librement les unes par rapport aux autres à l’état liquide, et se tenir les
unes les autres à l’état solide. Ainsi, on pourrait s’attendre à des productions d’élèves
telles que représentées dans le tableau 2.
Seules les organisations 2 pour les disques et les triangles expliquent
l’augmentation de volume dans le passage de l’état liquide à l’état solide. Avec
le choix des disques, l’espacement entre chacun des disques à l’état liquide
et solide (organisation 2) apparaît comme arbitraire, même s’il est obligatoire
pour expliquer l’augmentation de volume. Aucune règle, ni mathématique ni
physique, n’est envisagée par l’enseignante pour justifier de cet espacement.
Pour expliquer l’organisation des triangles à l’état solide, deux règles sont

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envisageables. La première articule la physique avec les mathématiques : à l’état


solide, les triangles ne peuvent se toucher que par un sommet. La deuxième serait
strictement liée à la physique : à l’état solide, les particules deux à deux ne doivent
avoir qu’un seul point de contact. Les triangles sont équilatéraux, construits
sur la base des propriétés mathématiques. Ils peuvent donc être disposés en
quinconce (organisation 1) ou se toucher par un sommet (organisation 2) de
manière régulière. En physique, les représentations tiennent pour des objets ou
des concepts. Les propriétés des représentations sont données par les théories
sous-jacentes et non par les caractéristiques de la représentation choisie. Si
l’enseignante choisit des disques pour représenter les molécules, les propriétés
de cette représentation ne sont pas liées à celles du cercle, mais au modèle
particulaire que ces disques matérialisent.

État solide
Formes État liquide État gazeux
Organisations 1 Organisations 2

Disques

Avec les
Triangles

Tabl. 2 : prévisions des organisations des particules selon les états et les formes géométriques fournies.

Les représentations utilisées par les élèves et leur articulation ont du sens si elles
ont des propriétés communes (mathématiques ou physiques) : les triangles en carton
ne sont plus à mettre en relation avec l’objet mathématique triangle mais sont des
représentations des particules. C’est pourtant bien avec l’objet mathématique
« triangle » que ces formes en carton ont été dessinées et découpées le matin. Un
calcul des densités des agencements avec disques ou triangles montre que Martine
pouvait expliquer l’augmentation de volume en s’appuyant sur les propriétés
géométriques des formes utilisées pour modéliser les particules (triangle : densité
entre 0,5 et 1 ; disques : densité entre π/4 et π/2√3). La relation mathématiques-
physique peut conduire à des productions d‘élèves non conformes aux attentes
de l’enseignante. Les élèves ayant découpé les triangles dans le cadre d’un pavage
d’un triangle équilatéral, peuvent spontanément reproduire ce pavage pour l’état
« solide » de l’eau, la reconstruction du pavage permettant de reconstruire la forme
« solide » du triangle initial.

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3.4. Analyse des tâches relatives aux trois activités en termes de milieux
Pour chacune des activités de cette situation, nous procédons à des analyses
descendante et ascendante. La mise en regard de ces deux analyses nous conduit
à prévoir des décalages entre les tâches demandées aux élèves et les attentes de
Martine.
3.4.1. Activité 1 : le mime
Analyse descendante. Les élèves doivent mimer les trois états de l’eau. Martine
souhaite que les élèves explicitent les règles d’arrangement des particules dans
les trois états. Pour l’état gaz, les élèves-particules doivent occuper tout l’espace à
disposition et se déplacer librement dans cet espace. Pour l’état liquide, les élèves-
particules doivent occuper moins d’espace, car ils doivent se toucher, tout en ne
s’opposant pas à la déformation occasionnée par le passage d’un poisson, d’une main.
Pour l’état solide, les élèves-particules doivent se toucher, ils forment une structure
rigide, et sont disposés selon une forme géométrique donnée qui contient du vide.
Analyse ascendante. Le milieu matériel est ici composé des élèves pouvant se
déplacer dans l’espace délimité par Martine. Les particules sont mimées par les
corps en mouvement des élèves : il s’agit d’une représentation dynamique des états
de l’eau. Les élèves-particules ont des formes qui peuvent varier selon les besoins
(bras plus ou moins éloignés du corps, corps recroquevillés, etc.). Les élèves peuvent
s’éloigner plus ou moins, se tenir pour représenter l’espacement entre les particules
ou former une structure rigide. Leurs bras peuvent représenter des liaisons entre
les particules. Le mime peut se comprendre comme une représentation en deux
dimensions horizontale, les mouvements verticaux (se coucher, sauter, voler !)
n’étant pas prévus par l’enseignante. Toutefois, les élèves-particules sont en trois
dimensions et ils doivent mimer des particules toutes identiques les unes aux autres.
Les décalages prévisibles. Concernant la forme de l’eau solide, rien ne contraint
les élèves à adopter une organisation particulière. Dans le passage gaz à liquide,
l’espace occupé par les particules va varier. S’il n’y a pas de réduction explicite par
l’enseignante de l’espace à disposition, ni d’explicitation de règles concernant la
non-déformation de particules, il est difficile d’expliquer aux élèves de ne pas se
regrouper ni de se coucher sur toute la surface au sol. Les aspects microscopiques et
macroscopiques ne sont pas pris en compte, ce qui peut conduire à une confusion
entre ces deux niveaux.
3.4.2. Activité 2A : les triangles découpés et la feuille de papier
Analyse descendante. Martine souhaite que les élèves parviennent à une
organisation des triangles idéalement de type pavage semi-régulier 6,3 (figure 3)
conforme au manuel utilisé dans sa classe 3. Le mime est pensé pour être un élément
du milieu matériel de cette situation.

3 D. Regaud D. & R. Vento, Physique 4e, Bordas, 2011, p. 42.

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Fig. 3 : organisation des triangles souhaitée : pavage semi-régulier 6,3.

Analyse ascendante. Le milieu comporte la feuille de consignes écrites de


l’enseignante sur laquelle sont dessinés trois béchers où placer les représentations
des particules. La représentation souhaitée est une coupe verticale des états de l’eau.
Les élèves auront à manipuler les triangles découpés lors de l’activité mathématique.
Ces triangles ne seront pas collés, de manière à opérer des ajustements si les
arrangements ne sont pas conformes aux attentes de l’enseignante. Martine
introduit ici son expertise dans le milieu des élèves, en affaiblissant ainsi les
rétroactions du milieu. Les triangles de papier cartonnés ayant été découpés sur
la base de propriétés des triangles équilatéraux, ils sont manipulés sur la base de
leurs propriétés mathématiques, et non en tant que représentations de particules
en lien avec des propriétés physiques.
Les décalages prévisibles. Pour Martine, l’activité mathématique n’est reliée à la
séance de physique que par les objets matériels. On peut à ce stade imaginer un
décalage entre l’intention du professeur et la réalité objective de ces objets dans
le milieu matériel des élèves du fait du travail minutieux de construction puis de
découpage. Si Martine imagine un lien matériel entre les activités en mathématiques
et en sciences, elle ne transfère pas les outils et les techniques investis par les
élèves. Les transferts de propriétés mathématiques sur les représentations du
modèle physique sont favorisés par la constitution du milieu matériel des élèves.
Ils pourront également tenter de reproduire avec des triangles les postures prises
dans le mime. Des difficultés peuvent surgir dans le changement de point de vue
horizontal à vertical, et dans la perte de l’aspect dynamique. La représentation
en carré des particules-triangles, originaire de l’activité mime, pourra être source
de confusion entre la représentation microscopique de l’état solide et de l’objet
macroscopique « glaçon ».
3.4.3. Activité 2B : les disques et le TBI
Analyse descendante. Martine prend appui sur l’intérêt des élèves à travailler sur
le TBI pour construire une situation adidactique. Le milieu matériel fourni est alors
le dessin initial des béchers représentés par des rectangles ouverts et les particules
d’eau, représentées par des disques à déplacer, initialement placés sous les dessins
des béchers. Bien que ce ne soit pas anticipé par l’enseignante, les disques peuvent

RDST | N° 8-2013
Modélisation et représentations des états de l’eau par des élèves de SEGPA 35

être déformés si l’on tire sur les poignées de la forme « disque ». Contrairement à
la situation 2A, le nombre de particules disponibles pour chacun des états est le
même. Sur le tableau, les légendes indiquent l’expérience réalisée : « laissé à l’air
libre, laissé à l’air mais avec un bouchon, placé au congélateur ». Il y a donc la
volonté du P-projeteur de faire entrer les élèves dans une phase d’investigation et
de formulation à travers les représentations proposées.
Analyse ascendante. Le milieu matériel dans la situation objective incite à
déplacer les disques-particules mais ne donne aucune rétroaction permettant de
valider les constructions réalisées. Autrement dit, le milieu permet des expériences
avec les objets virtuels à disposition mais n’est pas construit pour susciter une
réflexion sur l’expérience. En revanche la représentation des béchers incite à un
point de vue macroscopique, renforcé par la possibilité de déformer les disques.
Par ailleurs, le mime précédant cette activité, le milieu matériel comprendra les
résultats et les sensations éprouvés dans cette situation.
Les décalages prévisibles. La représentation proposée mélange les deux niveaux
microscopique et macroscopique et le milieu incite à construire une représentation
schématique des états de l’eau plus qu’une représentation particulaire. Par ailleurs,
le milieu ne permet pas directement la représentation du mouvement et la
traduction du registre sémiotique du mime au registre de représentation proposé
ne peut s’appuyer sur cette dimension pourtant cruciale. Le milieu construit dans le
mime et les résultats obtenus et institutionnalisés rentrent d’une certaine manière
en conflit avec le milieu matériel décrit ce qui tend à favoriser une représentation
macroscopique du phénomène.

4. Résultats
Pour chacune des activités, nous présenterons ce qu’il s’est passé dans
l’interaction des élèves avec le milieu, les ajustements opérés par l’enseignante
ainsi que les propriétés construites par les élèves.
4.1. Activité 1 : le mime
4.1.1. Ce qu’il s’est passé
Dans cette situation l’enseignante choisit les éléments du milieu matériel à
proposer aux élèves pour faciliter leur autonomie dans la situation d’investigation
imaginée. La situation didactique, dans les phases d’introduction, va mettre en œuvre
les choix didactiques locaux : permettre aux élèves de s’engager dans la résolution
d’une question en même temps que de conceptualiser la notion de particule. Martine
replace dans le milieu matériel des élèves les expériences des séances précédentes.
Elle délimite un espace pour le mime en début de séance et autorise les
déplacements des élèves. Elle fait également référence au mime réalisé lors de la
précédente séance pour demander aux élèves de comparer ce qu’ils font avec ce
qui a été fait. Afin d’expliciter les règles du mime des trois états, elle demande aux

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36 Gilles ALDON & Karine BÉCU-ROBINAULT

élèves ayant joué le mime précédemment de donner des consignes aux élèves qui
étaient absents. L’analyse des vidéos montre que pour l’état gaz, les élèves ont du
mal à occuper tout l’espace disponible. Pour l’état liquide, l’enseignante demande un
mime « sans se rouler par terre », et pour l’état solide, les élèves se disposent en cercle.
4.1.2. Les ajustements opérés par l’enseignante
Ces comportements d’élèves vont amener Martine à procéder à quelques
modifications du milieu. Concernant l’occupation de l’espace, elle rappelle le mime
précédemment réalisé à l’aide de questions-réponses, la situation précédente joue le
rôle de situation objective dans laquelle un certain nombre d’actions ont été légitimées.
P : « Est-ce que vous étiez en contact les uns avec les autres ? Est-ce que vous étiez
proches les uns des autres ? »
E : « Non »
Martine rappelle quelques règles comme « occuper tout l’espace » (elle pointe les
espaces encore libres), « donner de l’espace » pour laisser passer un poisson dans
l’eau liquide afin de ne pas opposer de résistance à son passage. Cette référence au
poisson vient de la séance précédente et est reprise par un élève :
P : « L’eau liquide, oui, alors, qu’est ce que vous donnez comme consigne à vos
camarades […] »
E : « C’est la, j’sais pas comment, en s’tenant, pis y’a un poisson qui doit passer
euh […] »
P : « Il est où le poisson ? Il a du mal à passer le poisson, hein ? Alors. Alors ! Allez,
allez, moi je voudrais le voir passer sans qu’il soit obligé de mettre des coups de coude. »
Les élèves formant un cercle, en lieu et place d’un carré à la séance précédente,
Martine interroge les élèves sur le choix de la forme. Elle associe ce cercle à une
goutte d’eau. Enfin, elle précise l’inutilité de mettre un poisson dans le glaçon. Les
élèves insistant, le « poisson » sert alors de testeur de la rigidité de la structure en
poussant les élèves-particules les uns après les autres.
4.1.3. Les propriétés construites
À la fin du mime, les élèves représentent l’eau solide par un carré. Les liens sont
plus forts dans l’eau solide que dans l’eau liquide. Les élèves-particules se tiennent
les uns les autres. Cette situation renforce la confusion micro-macro à différents
niveaux. Effectivement, le poisson est de la même taille que les particules, l’air
n’est pas représenté et les particules d’air dans l’eau à l’état de gaz sont invisibles,
et enfin, la représentation en carré au niveau microscopique est fortement liée à
l’objet macroscopique glaçon.
P : « Vous vous êtes organisés dans quel cadre ? Quand est-ce que vous avez fait
une organisation comme ça en disant toi tu te mets là, toi tu te mets là ? C’était pour
quel état ? »
E3 : « Le glaçon »

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Modélisation et représentations des états de l’eau par des élèves de SEGPA 37

Ce dernier exemple illustre que pour les élèves, la distinction entre l’état solide
(terme appartenant au modèle physique) et le glaçon (terme décrivant un objet)
n’est pas claire. Ce flou renforce la possibilité de confusion entre les descriptions
microscopiques et macroscopiques des phénomènes et pose le problème de la
modélisation des phénomènes macroscopiques par des entités microscopiques.
Les activités des élèves lors du mime relèvent néanmoins d’une modélisation en
physique, les élèves établissant des relations entre des phénomènes observés au
niveau macroscopique et des organisations spatiales d’entités microscopiques.
4.2. Activité 2A : les triangles découpés et la feuille de papier
4.2.1. Introduction aux activités 2A et 2B
L’activité 2A se déroule en parallèle avec l’activité 2B. Le milieu commun entre
les activités 2A et 2B comprend les résultats institutionnalisés des leçons précédentes
ainsi que de l’expérience corporelle du mime qui est rappelée :
P : « Alors moi je voudrais savoir, quand vous faites l’eau solide, comment vous
vous êtes organisés, là ? »
E : « Ben en carré… »
P : « Vous vous êtes organisés en carré, d’accord. Et comment vous avez fait pour
que ce soit bien solide ? » [Brouhaha. Les élèves montrent qu’ils se sont rapprochés
les uns des autres].
P : « Vous vous êtes ? »
E : « Serrés »
[P mime avec ses bras et ses poings fermés une position compacte.]
P : « Vous vous êtes pas seulement collés, vous vous êtes ? »
E : « Compacté »
E’ : « Tenus »
P : « Vous vous êtes tenus, là, d’accord ? Donc le lien est plus fort. Bon, ben c’est
bon, vous pouvez retourner à votre place. »
Dans la phase « papier-collage », Martine rajoute au milieu matériel les triangles
équilatéraux dessinés et découpés par ses élèves dans la séance de mathématiques.
Le milieu matériel des élèves comprend la question reconstruite avec la classe :
P : « Alors, pourquoi l’eau gonfle-t-elle ? Oui, je l’avais peut-être formulé autrement…
Pourquoi… » [P prend un stylo et écrit sur le tableau]. « Alors, pourquoi… Quand on
parle de place, hein ? » [P fait des gestes avec les bras pour embrasser un grand volume].
E : « De volume ! » [P se retourne en acquiesçant]
P [en écrivant] : « Pourquoi… l’eau… augmente de volume… lorsque, lorsque on la ? »
E : « Congèle »
P : « Euh, lorsque, alors, j’ai mis elle, alors, lorsqu’elle a été congelée ? Voilà, hein !
Je vous rappelle, c’est notre question de départ. »

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38 Gilles ALDON & Karine BÉCU-ROBINAULT

4.2.2. Ce qu’il s’est passé


Dans cette activité, les élèves utilisent les triangles construits dans la séance
de mathématiques, collectés par le professeur et redistribués personnellement.
Les élèves étaient organisés en deux tables de 3 et 4 élèves. L’analyse de leurs
productions individuelles, montre que les groupes géographiques d’élèves autour
d’une même table ont élaboré des réponses communes pour l’état solide. L’un des
groupes représente une organisation des particules en carré (figure 4 à gauche),
similaire à leur organisation spatiale lors du mime et l’autre groupe mobilise une
propriété mathématique des triangles équilatéraux pour organiser les particules
en hexagone compact (figure 4 au centre). Notons que l’un des élèves commence
par cette disposition en hexagone compact et complète ensuite en disposant les
triangles en quinconce (figure 4 à droite).

Fig. 4 : productions des élèves en carré (à gauche), en hexagone compact (au centre),
et complété en quinconce (à droite).

Dans cette activité, les élèves respectent la propriété d’indéformabilité. Les triangles
ayant été découpés précédemment, le redécoupage des formes géométriques semble
hors contrat.
Concernant l’état « gaz », les productions des élèves sont relativement uniformes : des
triangles sont disposés aléatoirement dans l’ensemble ou une partie de l’espace délimité
par les lignes représentant le bécher (figure 4). Une élève représente dans le bas de cet
espace une organisation de triangles qui s’apparente à sa représentation de l’eau liquide.
Pour l’état liquide, les élèves ont disposé les triangles, soit en quinconce, reconstruisant
l’organisation des triangles équilatéraux avant le découpage, soit de manière similaire
à l’organisation de l’état « gaz », en rapprochant les triangles les uns des autres. Un des
élèves a souhaité disposer ses triangles de manière aléatoire, certains se chevauchant.
Le chevauchement des triangles opéré par cet élève relève d’une représentation en trois
dimensions ce qui transgresse une règle implicite dans les consignes de l’enseignante et
les documents élaborés : la représentation des états de l’eau est en deux dimensions.
Ne disposant pas de traces vidéo ou audio des échanges pour cette activité, nous
ne pouvons faire état des ajustements opérés par l’enseignante.

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Modélisation et représentations des états de l’eau par des élèves de SEGPA 39

4.2.3. Les propriétés construites


Les propriétés sont reconstruites à partir de productions photographiées. Aucun
des élèves n’a respecté une règle, qui devait être fournie par l’enseignante selon la
préparation fournie, mais qu’elle semble avoir oublié de fournir aux élèves lors de
la présentation de cette activité : le nombre de particules à utiliser pour représenter
chacun des états doit être identique. Cette règle n’étant pas respectée, l’explication
de l’augmentation de volume d’une même quantité d’eau dans le passage de l’état
liquide à solide est difficile à établir.
L’état solide est soit associé à la forme du glaçon (carré), soit lié à la robustesse de
l’organisation des formes géométriques les unes par rapport aux autres. Les élèves
semblent donc faire référence soit au mime et donc aux connaissances de la vie
quotidienne, soit mobiliser implicitement des propriétés mathématiques des triangles
équilatéraux. Ainsi, pour les états solides et liquides, il semble que pour les élèves, il s’agisse
davantage d’une activité d’assemblage, mettant en jeu des propriétés mathématiques des
formes manipulées, qu’une activité de modélisation physique des états de l’eau.
4.3. Activité 2B : les disques et le TBI
4.3.1. Ce qu’il s’est passé
On peut véritablement parler de situation adidactique dans cette phase puisque
Martine place les élèves dans une situation objective et qu’après avoir donné les
consignes, elle les laisse gérer seuls le problème. Elle apporte un dessin réalisé dans
un logiciel (figure 2). Comme annoncé dans l’analyse a priori, les consignes sont un
élément important du milieu matériel. Dans un premier temps, Martine donne aux
élèves des renseignements uniquement techniques sur le fonctionnement du TBI :
« Vous avez différentes étiquettes qu’il faudra remettre par rapport à votre
situation. D’accord ? Et vous déplacez avec… [P prend le stylo optique du TBI et
montre comment déplacer les disques]. OK ? »
Elle signale alors qu’elle n’interviendra plus dans le travail :
« Quand vous avez terminé, vous m’appelez et j’enregistre le travail. »
Cependant, un des élèves, n’ayant pas compris la consigne, la rappelle et Martine
replace la situation 1 dans le milieu matériel :
« Ce que vous avez fait tout à l’heure, vous, je vous ai demandé de représenter les
trois états, maintenant c’est plus vous, c’est les petits ronds qui sont là. »
Martine montre alors sa volonté d’associer les différentes représentations et
de faire traduire la représentation corporelle dynamique dans la représentation
statique des disques sur le TBI. La situation se veut donc être une traduction d’un
système de représentation à un autre.
Un incident didactique (Aldon, 2011) va être à l’origine de la réponse apportée par
les élèves dans la situation de référence ; alors qu’il manipule un disque, un des élèves
attrape une poignée de l’image et transforme le disque-particule en un ovale (figure 5

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40 Gilles ALDON & Karine BÉCU-ROBINAULT

à gauche). Les élèves s’emparent de cette rétroaction du milieu pour représenter


d’abord le mouvement des particules, et plus particulièrement de celles proches du
haut du bécher « fais-y monter… Comme si ça s’évapore », puis la « surface » de l’eau
liquide (figure 5 à droite). Cette rétroaction du milieu leur permet alors de rapprocher
la représentation statique d’une représentation perceptive de l’état gazeux de l’eau
en imageant l’évaporation par un étirement du disque-molécule, ou de l’état liquide
par une représentation de la limite entre le liquide et l’air ambiant.

Fig. 5 : déformation des disques-particules pour le mouvement (à gauche) et la surface (à droite).

À partir de ces manipulations les élèves investissent ainsi une autre situation de
référence où il s’agit de représenter non plus le positionnement des particules dans les
trois états de l’eau mais plutôt l’image macroscopique de l’eau dans ces états. Comme la
situation est construite comme une situation adidactique, les rétroactions du milieu dans
la situation de référence au lieu d’invalider cette bifurcation la confortent et l’encouragent.

Fig. 6 : production finale des élèves au TBI.

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Modélisation et représentations des états de l’eau par des élèves de SEGPA 41

Dans la production finale des élèves (figure 6), nous constatons que les formes
mises à disposition tiennent pour des objets, des événements différents. Dans
l’état solide (à droite sur la photo de la figure 6) les molécules sont disposées de
manière compacte, et le volume occupé est moindre que dans la représentation
de l’état liquide.

4.3.2. Les ajustements opérés par l’enseignante


La réaction de l’enseignante concernant la déformation des disques est provoquée
par les élèves, lorsqu’ils l’appellent pour montrer leur réalisation. L’enseignante
n’invalide pas cette construction des élèves, et n’apporte pas non plus de critiques
à la situation de référence investie :
P : « C’est drôle de mettre les particules… Pourquoi tu me l’as déformée ? »
E : « Ça… c’est » [il mime l’horizontal avec les mains]
P : « Ah, vous avez voulu faire un niveau ? »
E : « Oui, voilà. »
P : « Vous auriez pu le faire d’une autre couleur, éventuellement. »
La remarque ne contredit pas la position des élèves dans la situation, et accepte
d’intégrer aux représentations ce nouvel élément (le niveau) pourtant hors de la
représentation attendue.

4.3.3. Les propriétés construites


Cette construction est révélatrice des difficultés des élèves à accepter la propriété
d’indéformabilité des particules et la confusion entre le modèle microscopique et
les observations macroscopiques des états de l’eau.
Au cours de cette activité, ce sont bien les propriétés physiques des événements
observés que les élèves choisissent de représenter, même si elles ne sont pas
conformes aux attentes de l’enseignante. Le modèle explicatif construit par les élèves
via les représentations fournies ne permet pas de rendre compte de l’augmentation
de volume lors du passage de l’état liquide à l’état solide.

4.4. Mise en commun


La séance se termine par une mise en commun visant à une institutionnalisation
des connaissances. Dans un souci de gestion du temps, Martine choisit les
représentations à présenter à la classe et conclut rapidement à la supériorité des
représentations triangles pour expliquer l’augmentation de volume. Cette conclusion
ne va pas de soi dans la classe, d’autant plus que les milieux proposés ne sont pas
suffisants pour convaincre les élèves qui terminent la séance en contestant les
relations établies entre les différentes représentations.

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42 Gilles ALDON & Karine BÉCU-ROBINAULT

5. Discussion
Au fur et à mesure de la séance, les élèves perdent de vue l’objectif initial
lié à l’explication de l’augmentation de volume pour construire du sens aux
représentations manipulées et à leurs règles d’agencement. Les élèves investissent
le milieu matériel dans la situation objective et interprètent ses rétroactions pour
construire leur propre situation de référence, distincte de la situation de référence
imaginée par le professeur (Margolinas, 2004). Ils mobilisent des connaissances
issues de la vie quotidienne : l’état solide, c’est l’eau à l’état « glaçon », avec une
forme de cube, représentée dans le plan par un carré. Les élèves forment donc un
carré lors du mime et avec les triangles. Le mime est révélateur de la prégnance
des connaissances communes dans les activités de modélisation en physique
(Bécu-Robinault, 2004). Il illustre également une confusion entre les aspects
microscopiques et macroscopiques de la matière (Barlet & Plouin, 1997) que l’on
retrouve à d’autres moments de la séance : lorsque les élèves représentent l’eau à
l’état liquide, ils reproduisent la surface plane observée à l‘échelle macroscopique
avec des représentations au niveau microscopique. Pour cela, soit ils organisent
les triangles dans une configuration alternée, soit ils étirent un disque pour en
faire une ellipse la plus plate possible. Les connaissances mobilisées lors du mime
sont réinvesties avec le TBI : les élèves représentent des molécules allongées pour
donner une impression de mouvement. Cette confusion est également associée à
un glissement vers des propriétés mathématiques pour l’activité avec les triangles,
ce qui n’est pas le cas pour l’activité avec les disques. Alors que l’enseignante
pensait que la forme triangle favoriserait l’élaboration d’un modèle explicatif de
l’augmentation de volume, il s’avère que ce choix de formes « triangles » oriente
les élèves vers la mise en œuvre de propriétés mathématiques, et non physiques,
contrairement aux représentations « disques ».
Les formes manipulées dans les activités 2A et 2B aident parfois à faire des liens
entre les différents milieux. Pour les triangles, les élèves représentent l’état solide
par un carré, les triangles se touchant par un angle, comme dans le mime lorsqu’ils
se touchaient par les mains. Ce n’est pas le cas pour les disques, pour lesquels
nous ne retrouvons pas cet agencement en carré pour l’état solide. En revanche,
la représentation proposée par les élèves au TBI tend à figurer l’aspect compact
de l’eau solide, occupant un volume moindre que l’eau à l’état liquide. En cela,
il semble que le choix des représentations fournies par l’enseignante soit adapté,
même si le modèle élaboré n’est pas conforme au point de vue scientifique.
L’investissement des différentes situations conduit les élèves à inventer ou
modifier des propriétés. Certaines propriétés semblent être issues du contrat
didactique, comme l’organisation des molécules différente dans les trois états.
D’autres sont liées à des contraintes matérielles comme le chevauchement possible
des disques du TBI et la difficulté de chevauchement pour les triangles en carton,
possédant déjà une épaisseur. Enfin, certaines sont liées au respect naturel de

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Modélisation et représentations des états de l’eau par des élèves de SEGPA 43

productions issues d’un travail préalable pour lequel les élèves ont investi du temps
et de l’énergie. Ainsi, si les élèves s’autorisent des déformations des molécules au
TBI cela n’est pas le cas pour les triangles découpés. Enfin, les élèves s’interdisent
de créer de nouveaux objets, et donc d’associer les particules à d’autres formes
géométriques, avec le TBI : ils se débrouillent avec les objets présents à l’écran,
quitte à les modifier, même si cela n’est pas explicitement autorisé par l’enseignant.
D’autres propriétés sont liées aux caractéristiques du milieu. Par exemple, les
représentations dans les activités 2A et 2B sont en deux dimensions, ce qui devrait
interdire la superposition des formes. C’est bien le cas pour les triangles, qui en
fait sont en trois dimensions, le papier cartonné ayant une épaisseur gênant la
superposition des triangles. Cela n’est pas le cas pour le TBI, la production finale
révélant une superposition des disques pour représenter l’état solide. En effet, le
fait que les élèves souhaitent construire une représentation très compacte, « on
les fait toutes bien serrées », les conduit involontairement à superposer les disques.
Dans cette situation, il s’avère que même si les élèves prenaient soin de ne pas
superposer les disques, le milieu ne réagissait pas suffisamment pour empêcher
ces superpositions.

6. Conclusion et perspectives
Le cadre théorique présenté nous a permis d’interroger une séance construite par
une enseignante dans le cadre d’un projet de recherche collaborative. L’enseignante
a souhaité étendre le modèle proposé dans les documents d’accompagnement pour
l’interprétation d’un phénomène différent, dont elle savait qu’il suscitait de l’intérêt
chez les élèves. Le modèle particulaire a donc été introduit non pas pour interpréter les
propriétés des gaz, mais pour expliquer l’augmentation de volume de l’eau lorsqu’elle
passe de l’état liquide à l’état solide. Sur la base de l’observation d’une séance conçue
par cette enseignante et visant cet objectif d’enseignement, nous avons analysé les
ajustements opérés par l’enseignante, et les propriétés construites par les élèves, en
relation avec des connaissances disciplinaires en jeu. Cette analyse met en lumière
la manière dont les connaissances quotidiennes, mathématiques et physiques sont
mobilisées lors de l’utilisation des représentations. En effet, si la signification d’objets
tels que des disques ou des triangles peut sembler relativement indépendante de la
discipline considérée, il s’avère que ces objets embarquent des propriétés et des sens
liés à la discipline de référence. Ces propriétés sont ensuite mobilisées, consciemment
ou non, par les élèves lorsqu’ils agencent ces objets les uns avec les autres. Ainsi, les
triangles restent des triangles équilatéraux permettant des agencements en lien avec
leurs propriétés mathématiques, alors que les disques, qui deviennent opportunément
déformables, peuvent représenter différents phénomènes physiques observés.
Notre étude semble indiquer que lorsque les propriétés physiques des
représentations manipulées ne sont pas explicitées par l’enseignant, ou lorsqu’elles
ne sont pas suffisamment prégnantes dans la situation proposée, elles ne sont pas

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44 Gilles ALDON & Karine BÉCU-ROBINAULT

accessibles aux élèves. En conséquence, les élèves se replient sur les propriétés
géométriques de ces représentations. Ces propriétés géométriques, impliquant
des contraintes matérielles de manipulation, sont mobilisées par les élèves pour
suppléer au manque de signification des objets manipulés. Le fait d’avoir construit
les triangles dans une activité mathématique justifie le recours aux connaissances
mathématiques lors de la manipulation des représentations des molécules.
Le choix des formes pour représenter les molécules n’est pas anodin. Pourtant,
la représentation de la molécule par une forme donnée n’a pas été explicitée
aux élèves. Le choix de la forme triangle devait permettre de justifier que l’eau
solide occupe un volume plus important, mais cela n’a pas été le cas dans les
productions des élèves car la règle : « les triangles ne peuvent se toucher que par
un point » ne leur avait pas été fournie. Les élèves ont manipulé des triangles,
pas des représentations de molécules et ont oublié l’enjeu de la situation, qui est
pourtant resté affiché au tableau tout au long de la séance, et qui est rappelé lors
de la discussion sur les productions.
Cette étude nous a permis de proposer à l’enseignante des pistes pour
transformer cette situation, sur la base des choix initialement opérés, en conservant
la dynamique créée dans la classe qui a permis une implication et un travail effectif
de tous les élèves. Les modifications prennent en compte la construction du milieu
pour éviter les bifurcations observées :
Le modèle particulaire, associé à des représentations « triangles » pourrait être
introduit pour proposer des organisations différentes selon les états de la matière.
Il s’agirait dans ce cas d’un germe de modèle, dont les propriétés initiales seraient
données de manière explicite, et les élèves auraient à leur charge d’enrichir ce modèle
en introduisant des propriétés supplémentaires (Chomat, Larcher & Méheut, 1992).
Dans un second temps, les élèves pourraient proposer une organisation spatiale
(pavage) particulière permettant de rendre compte de l’augmentation de volume
lors de la transformation état liquide à état solide. Il s’agira alors de mettre en
œuvre des règles fournies au préalable, qu’il faudra compléter par d’autres règles
d’organisation des particules au niveau microscopique, permettant d’expliquer le
phénomène observé.
Si notre recherche a permis de montrer la pertinence du recours à des cadres issus
de la didactique des mathématiques pour analyser une situation d’enseignement
en physique, elle a également pointé l’importance des spécificités disciplinaires
lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des propriétés des représentations
associées au modèle en jeu. Ces spécificités disciplinaires soulèvent la question
du travail en interdisciplinarité qui semble être une source de complexification
des tâches assignées aux élèves. Cela semble d’autant plus délicat en SEGPA,
du fait à la fois des difficultés d’apprentissage récurrentes des élèves, et de la
polyvalence des enseignants. Notre étude semble indiquer que dans une démarche
de modélisation, il est nécessaire d’aider les élèves à identifier les propriétés

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Modélisation et représentations des états de l’eau par des élèves de SEGPA 45

attribuées aux représentations manipulées en fonction de la discipline. Ce processus


d’identification met en jeu des aspects liés au contrat didactique et aux rétroactions
des milieux avec lesquels les élèves interagissent.
Gilles ALDON
gilles.aldon@ens-lyon.fr

Karine BÉCU-ROBINAULT
karine.robinault@ens-lyon.fr

BIBLIOGRAPHIE
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N° 8-2013 | RDST
46 Gilles ALDON & Karine BÉCU-ROBINAULT

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