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Pièce 5

Avis rendus sur le projet de classement en SPR


Pièce 5.1
Avis de l’Inspection des Patrimoines et de l’Architecture
Direction générale des patrimoines et de l’architecture
Délégation à l’inspection, à la recherche et à l’innovation

SITE PATRIMONIAL REMARQUABLE DE LA BUTTE-ROUGE


à
CHÂTENAY-MALABRY
(Île-de-France - Hauts-de-Seine)

Commission nationale du patrimoine et de l’architecture


Séance du 14 septembre 2023

Jardin, place François Simiand à la Butte-Rouge, par André Riousse, paysagiste


1945 - 2023

Philippe HENAULT
Inspection des patrimoines et de l’architecture -Collège AEP-

1
Le contexte

LA CITE-JARDIN DE LA BUTTE-ROUGE (données IAURIF)

Maître d’ouvrage : OPHBMDS


Architectes : Joseph Bassompierre ; Paul De Rutte ; André-Louis Arfvidson ; Paul et Pierre
Sirvin
Paysagiste : André Riousse (tranches 1-4) ; Jean-Claude Saint Maurice (tranches 5-6)
Réalisation : 1931-1940 + 1949-1965
Nombre de logements (avant-guerre) : 1 573 dont 32 individuels et 1 541 collectifs
(après guerre) collectifs : 2200 (les seules tranches 3, 4, 5, totalisant 1 517 collectifs)
Surface du site : environ 70 ha

Comparatif ville/cité-jardin
Châtenay- Butte-Rouge
Malabry
Surface 6,4 km² 0,7 km²
Population 32 083 9 478
Densité bâtie 202 lgts/km² 609 lgts/km²
Logements HLM 41,5% 83,5%
Nombre total de 12 997 3 976
ménages
Taille des ménages 2,3 2,4
Données INSEE 2011

La cité-jardin représente spatialement une part importante du territoire communal. Elle ne constitue
pas seulement environ 10 % de la superficie totale de Châtenay-Malabry, mais compte aussi près
d’un tiers de la population et des logements de la commune, soit un espace quasiment trois fois plus
dense. La cité, qui abritait près de la moitié de la population communale en 1968, n’en loge plus
qu’environ un tiers aujourd’hui.
Contrairement a une idée reçue, le profil de population était sensiblement différent suivant les cité-
jardins. A Châtenay-Malabry, il y avait majoritairement des classes moyennes venant de Paris
(employés, travailleurs du livre), à l’opposé par exemple, de Suresnes où l’on trouvait plutôt des
ouvriers (aviation, automobile). Dans sa programmation initiale, la cité-jardin bénéficiait d’un
niveau de services et d’équipements important par rapport à la moyenne des services offerts dans les
bourgs ou les ensembles nouveaux de grande banlieue.

2
C’est au lendemain de la guerre de 1914, que débute le mouvement des cités-jardins et presque tous
les pays développés de l’Europe vont avoir recours à ce modèle théorisé par l’urbaniste Ebenezer
Howard.
A l'instar d'autres grandes villes européennes, le premier projet d’envergure de l’office public
d'HBM du département de la Seine, qui a été créé en 1915, est une ceinture de cités-jardins en
banlieue parisienne, en vue de la réalisation du « plan d’aménagement et d’extension de Paris »1. En
dix ans, à partir de 1921, quinze opérations sont mises en chantier dans ce qui est aujourd’hui la
petite couronne parisienne. Dans le même temps, il s'en crée ailleurs en France, à Grenoble 2, mais
aussi en Belgique3, en Allemagne, et en Autriche.

Le projet initial de la cité de la Butte-Rouge dessiné par les architectes Rutté, Sirvin, Payret-Dortail
et Bassompierre, formalisait une cité-jardin de plus de 100 000 habitants qui faisait directement
référence aux principes des cités-jardins anglaises, notamment celles de Letchworth (1903) et
surtout Hampstead Gaarden (1909) réalisée par Raymond Unwin et Barry Parker. En définitif, le
projet qui sera mis en œuvre est assez conforme a ce qu’Unwin expose dans « Town Planning in
Practice » publié en 1909, dans lequel est décrit ce que devait être la forme urbaine d’un quartier-
jardin sorte de croisement entre le parc paysager, le pittoresque « médiéval » de Camillo Sitte et les
grands tracés urbains du XVIIIe siècle.
Le site réservé à la Butte-Rouge répond aux enjeux de l'époque notamment celui de salubrité en
réponse à la lutte des pouvoirs publics face à la prolifération des taudis. En effet, implantée à
proximité de la vallée aux Loups, bordant la forêt domaniale de Verrières, tout près de Paris et
alimentée par la RN 186 de Versailles à Choisy-le-Roi, le site réunit toutes les qualités pour
l’implantation d'une cité-jardin moderne.

La réalisation de la Butte-Rouge qui commence réellement en 1931, ce qui justifie le recours à


l’écriture architecturale du mouvement moderne (toiture terrasse, simplification des volumes et des
façades, etc.…) s’étend sur cinq décennies. Elle comporte sept phases qui présentent des
caractéristiques modérément différentes en fonction des époques et toujours dans le respect du
concept de la ville parc et dans la volonté de conserver une cohérence urbaine architecturale et
paysagère.

En 1978, l’architecte Thierry Roze conduit une étude préalable pour l'Institut d'aménagement et
d’urbanisme de la région Île-de-France (IAURlF} qui mène à sa réhabilitation entre 1985 et 1995.
Lors de cette réhabilitation, 5 cm de polystyrène enduit viennent recouvrir les façades de la presque
totalité des bâtiments alors que les soubassements en ciment cannelés sont conservés. Les
menuiseries sont également remplacées (PVC) et les pièces d’eau des appartements sont
reconfigurées pour améliorer le confort intérieur. Cette réhabilitation de type PALULOS, que
regrettera ultérieurement l’architecte, est en particulier à l’origine des problèmes sanitaires que
rencontrent certains logements aujourd’hui.

Une partie minime de la Butte-Rouge au nord-est est aux abords d’un MH. En outre, la partie
postérieure à la seconde guerre mondiale est labellisée « Architecture Contemporaine
Remarquable » dés 20084. Une protection au titre des sites, en vogue pour les cités-jardins dans les
années 80, a été soumise à la ville en 1984, qui l’a refusée.
1 Datée du 14 mars 1919, la loi dite Cornudet, en raison de la prolifération des taudis, impose aux communes de plus
de 10 000 habitants, ou présentant certaines caractéristiques, l’obligation d’établir un plan d’aménagement,
d’embellissement et d’extension dans un délai maximum de trois ans après sa promulgation.
2 La cité-jardin du Rondeau, construite en 1923, aujourd’hui disparue.
3 Comme Paris, Bruxelles a fait l'objet, à la même époque, d'un schéma d'extension prévoyant une
"constellation de faubourgs-jardins", dont quatre ont été réalisés entre 1921 et 1936. La cité-jardin du Logis est la
plus importante.

3
Le caractère exemplaire de cette réalisation urbaine a été abondamment décrit et souligné
récemment, tant par les urbanistes que par les architectes et les paysagistes.

En région parisienne, on peut constater que les villes et les offices HLM varient fortement sur la
prise en compte du patrimoine des cités-jardins, Par exemple, en Seine-Saint-Denis, la question de
la conservation/réhabilitation des cités-jardins du Grand Paris a fait l’objet d’une attention
particulière, depuis de nombreuses années, de la part de Seine-Saint-Denis habitat qui vient de
réhabiliter de façon exemplaire une partie la cité-jardin Henri Sellier au Pré-Saint-Gervais5.

On observe également que d’autres cités-jardins européennes à l’exemple des ensembles de Berlin 6
(88 ha) très comparables à la Butte-Rouge ont fait l’objet d’une inscription en 2008 sur la Liste du
Patrimoine Mondial et sont aujourd’hui devenues des sites attractifs, autant pour des visiteurs que
pour les habitants.

La Butte-Rouge fait l’objet d’un projet urbain. Il est à noter que les premières phases de la
construction de la cité s’inscrivent dans le cadre du PNRU de l’ANRU (convention de 2017).

Dans le PLUi en cours et qui devrait être approuvé courant 2024, l’ensemble de la cité-jardin, y
compris le SPR projeté, mais non compris la cité des peintres (phase 6, réalisée après les années 60)
sera couvert par une OAP en cours d’élaboration.

Le projet de SPR

Le projet de SPR porté par la collectivité est pour le moins atypique d’abord en raison de sa nature
puisqu’il s’agit d’un quartier homogène d’habitations exclusivement du XX e siècle et ensuite parce
qu’il s’inscrit dans une démarche de renouvellement urbain qui tranche avec le projet patrimonial
conservateur revendiqué habituellement par les villes qui se présentent devant cette commission.

Ce projet de SPR est aussi singulier en raison de la reconnaissance nationale et internationale 7 de la


cité-jardin de la Butte-Rouge. Reconnaissance qui se justifie notamment parce que cet ensemble
offre un exemple magistral de ce qu’une génération d’architectes révélés à l’occasion de
l’élaboration en 1920 du « plan d’aménagement et d’extension de Paris », ont inventé, la cité-jardin
à la française. En particulier, à Châtenay-Malabry, ils se défont progressivement de l’influence
pittoresque anglaise, en innovant en termes de formes urbaines et architecturales et intègrent
d’emblée un paysagiste-concepteur dans l’équipe de projet. De plus, c’est un exemple
emblématique de la prise en compte de la dimension du paysage dans la fabrication de la ville.
4 Label octroyé dans le cadre de la campagne de le DRAC IdF de labellisation des ensembles groupés d’habitat
collectifs construits entre 1945 et 1975.
5 https://www.seinesaintdenishabitat.fr/notre-actualite/nos-actualites/?tag=80
6 Les Cités du style moderne de Berlin, en Allemagne, comprennent six ensembles de logements qui témoignent de
la politique de l’habitat innovante de 1910 à 1933, spécialement durant la République de Weimar, lorsque la ville
de Berlin était à l’avant-garde sur le plan social, politique et culturel. Ces cités constituent un exemple exceptionnel
de l’évolution des logements sociaux qui a contribué à améliorer l’habitat et les conditions de vie des personnes à
faibles revenus, grâce à des approches novatrices en matière d’urbanisme, d’architecture et de conception des
jardins. Le site offre des exemples remarquables de nouveaux types urbains et architecturaux avec des solutions
inédites en matière de design et des innovations techniques et esthétiques. Bruno Taut, Martin Wagner et Walter
Gropius ont été parmi les principaux architectes de ces projets qui ont exercé une influence considérable sur le
développement de l’habitat partout dans le monde. (extrait site UNESCO)
7 Notamment portée par Jean-louis Cohen dont la disparition récente a suscité un communiqué de l’Élysée en date du
12 août 2023. Extrait : « Attaché à la préservation de notre patrimoine architectural, (……..) il défendit les
logements sociaux de la cité-jardin de la Butte-Rouge, à Châtenay-Malabry, convaincu de l’aspect éminemment
démocratique de la beauté architecturale, qu’il voulait partager au plus grand nombre »

4
De fait, l’ensemble de la Butte-Rouge est un site patrimonial exceptionnel, d’autant que sa
réalisation s’étend sur presque 5 décennies, ce qui renforce encore son intérêt patrimonial, En effet,
la typologie des bâtiments permet de retracer l’histoire de l’évolution de la construction du
logement collectif social, depuis les petits collectifs des années 1930 avec des jardins familiaux en
cœur d’îlot, aux barres de l’après guerre hybridant le modèle du close avec les préceptes du
mouvement moderne. Enfin, la Butte-Rouge, qui est une des dernières cités-jardins du Grand Paris
réalisée et aussi la plus grande (70 ha), présente toutes les caractéristiques du modèle défendu par
Henri Sellier, y compris les deux phases de construction qui voient se succéder l'habitat individuel,
conformément au modèle initial, et l’habitat collectif.

En outre, il est utile de se rappeler que le mouvement des cités-jardins n’eut guère de descendance
immédiate. En particulier, les cités-jardins autour de Paris sont très peu nombreuses, quinze en tout,
dont beaucoup ont disparues ou sont dénaturées. La dernière réalisée fût celle de Drancy-La-Muette
de Beaudoin et Lods en 1934 qui introduit la période des grands ensembles.

L’environnement actuel de ce quartier, côté centre-ville, au-delà de l’avenue de la Division Leclerc,


est totalement transformé au regard de ce qu’il était jusque dans les années 60 en raison de son
urbanisation récente. De ce fait, on observe aujourd’hui une délimitation nette au nord, entre la cité-
jardin et la ville en vis-à-vis, fondée sur une opposition de morphologie, de volume et d’architecture
de part et d’autre de l’avenue de la Division Leclerc. En revanche, l’adossement initial de la cité-
jardin au bois de Verrière a permis de conserver le cadre paysager initial créant, également au sud,
une limite claire.

A l’intérieur de la cité, on constate la fermeture de quasiment tous les commerces, un


appauvrissement conséquent de nombreux espaces publics et paysagers, qui ont progressivement
perdu de leurs qualités et de leur fonctionnalité du fait, en particulier, du manque d’entretien, de
l’évolution intempestive des stationnements, et d’ajouts de constructions diverses.
Malgré tout, l’intérêt patrimonial des différents quartiers et l’unité urbaine architecturale et
paysagère de la cité se sont maintenus en dépit de la réhabilitation malencontreuse des années 80 et
les évolutions tendant à banaliser et à gommer certains attributs qualitatifs, tant du bâti que de
l’espace public, ce qui montre la résilience de la Butte-Rouge.
N’oublions pas que les cités-jardins ont traversé un passage à vide jusque dans les années 80,
notamment en raison de la construction des grands ensembles et ont été exclues de l’idéologie
fonctionnaliste dominante de l’habitat. Malgré cela, on constate que l’identité de la Butte-Rouge a
survécu a cet épisode de déqualification de l’après guerre.

La cité-jardin fait l’objet d’un projet de rénovation urbaine dont les principes actifs sont récurrents
dans ce type d’intervention, à savoir : désenclavement, mixité, densification mais aussi
résidentialisation. Le désenclavement est notamment affirmé par une transformation plutôt radicale
des franges de la Butte-Rouge, particulièrement le long du tramway ; l’objectif de densité est atteint
par une augmentation d’un peu plus d’un millier de logements passant ainsi le nombre de 3 300 à 4
300 soit 30 % supplémentaires. Quant à la mixité urbaine et la résidentialisation elles devraient à
priori concerner l’ensemble de la cité.

Au regard de l’histoire de la construction de la cité, pour caractériser et délimiter le périmètre


il y deux questions essentielles à poser ; d’abord s’interroger sur l’intérêt patrimonial des
différents quartiers qui la compose et ensuite se demander s’il y a une unité d’ensemble et si
oui quelle est-elle ?

5
Concernant la valeur patrimoniale des quartiers, je rappelle les conclusions de Bruno Dumétier
et Pascale Hannetel, respectivement architecte conseil et paysagiste conseil du ministère de la
Culture, conclusions qui ont été présentées lors de la CRPA d’Île-de-France en février 2019
consacrée à la Butte-Rouge. Cette présentation faisait suite aux travaux des conseils de l’État
missionnés par la ministre de la Culture dans le cadre des ateliers du « plan guide et des
prescriptions architecturales et paysagères de cité-jardin », conduits de juillet à novembre 20188.
Pour mémoire, l’analyse des quartiers avait été conduite en considérant plusieurs critères
notamment : la nature des typologies, la relation au relief, la qualité de l’architecture et des espaces
paysagers.
Sur les secteurs du belvédère et la vallée (tranches 1 et 2) qui rassemble le patrimoine historique le
plus ancien, les conseils de l’État les ont considérés comme étant à haute valeur patrimoniale et
recommandaient donc une préservation totale des bâtiments existants et des formes urbaines et
paysagères associées.
Une haute valeur patrimoniale était également attribuée au secteur du plateau-Parc (tranches 3, 4),
rassemblant le patrimoine historique de la mi-XX e, et les conseils préconisaient également une
préservation des édifices existants ainsi que les formes urbaines et paysagères associées. Cependant,
cette conservation pouvait être modulée en fonction des caractéristiques des bâtiments, les choix
devant se faire au cas par cas, c’est-à-dire permettant quelques possibilités de
démolition/reconstruction/densification, très ponctuelles soit pour des raisons de faible cohérence
urbaine du bâti existant soit de faible impact sur l’ensemble du dispositif urbain et paysager.
Pour ces deux secteurs, ils préconisaient une restructuration dans l’enveloppe bâtie.
Sur le secteur du coteau (tranches 5 et 7), qui rassemble le patrimoine historique le plus récent et
qui concentre la plus faible qualité des logements, de l’architecture et de l’inscription dans la
topographie, il était envisagé une transformation plus importante, voire profonde de la dernière
tranche (7) réalisée de 1963 à 1965 et composée principalement de plots.

On distingue donc trois entités qui présentent des intérêts patrimoniaux différents en décroissant du
plus ancien au plus récent. Les deux premières dont l’intérêt patrimonial est majeur, représentent en
surface la presque totalité de la Butte-Rouge au sud du tramway, contrairement au secteur le plus
récent, la tranche 7, en lisière de forêt, peu étendu, qui ne porte que peu ou pas d’enjeu.

Il convient en outre de souligner l’absence de pathologie structurelle du bâti sur tous les secteurs en
raison de la qualité de la construction de la Butte Rouge, certes de nature relativement modeste,
mais déjà à l’époque dans une recherche de frugalité constructive, objectif qui rejoint les
problématiques contemporaines. Toutes les tranches ont des qualités constructives indéniables, les
premières réalisations sont les plus remarquables, utilisant uniquement pour les porteurs, des
briques pleines, matériau d’une grande qualité. Par la suite, les briques pleines seront toujours
utilisées mais dans une ossature en béton armé.

Concernant la question de l’unité de la Butte-Rouge, je ferai référence à l’étude diagnostic


réalisée en 2015 qui est reprise partiellement dans le dossier de présentation réalisée par un
groupement d’architecte (agence BDAP - Patrimoine et architecture), d’urbaniste (Ville ouverte) et
de paysagiste (In Folio), étude présentée également à la CRPA de 2019.
Il n’est pas inutile de rappeler une de leurs conclusions : « La Butte-Rouge apparaît, lorsqu’on la
considère dans son ensemble, comme un quartier, au plein sens du terme, tel qu’il est défini par
Choay et Merlin dans leur dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. Elle s’inscrit en effet
dans un site distinctif et remarquable où le bâti relève, dans sa diversité architecturale, d’une
cohérence d’ensemble aisément lisible. L’identité urbaine historique associée à sa conception de
«cité-jardin» se traduit toujours dans sa fonction principale résidentielle et ses composantes. Il

8 Ateliers fait en concertation avec la ville et le bailleur social

6
apparaît important également de souligner que, d’un point de vue de la perception urbaine
analysée, c’est avant tout l’entité «Butte-Rouge» en tant que quartier qui porte une valeur
patrimoniale »

En effet, ce qui frappe encore aujourd’hui c’est que la cité-jardin constitue un ensemble identitaire
cohérent : unité de site, unité urbaine, unité paysagère. D’ailleurs il n’est pas inutile d’observer que
le projet construit reprend presque exactement le plan projeté dès 1930 (voir annexe 2).

Cependant, le périmètre du SPR tel que proposé par la collectivité ne comprend pas le site dans son
intégralité seulement environ 50 %. En effet, il intègre assez largement les tranches datant d’avant
45 mais seulement une faible représentation des périodes ultérieures.

Cependant, le périmètre du SPR tel que proposé par la collectivité ne comprend pas le site dans son
intégralité, mais seulement environ 50 %. En effet, il intègre assez largement les tranches datant
d’avant 45 mais seulement une faible représentation des périodes ultérieures.
En outre, indifféremment des périodes, la majeure partie des formes urbaines qui sont pourtant
encore aujourd’hui homogènes, cohérentes et qualitatives, sont fractionnées, notamment celles
inclues dans la proposition de périmètre, en conservant uniquement certains espaces paysagers,
certains bâtiments et certaines séquences bâties. D’ailleurs plus au regard du projet urbain que d’un
projet patrimonial et au détriment d’une valeur d’ensemble, d’abord historique mais en même temps
urbaine architecturale et paysagère. Cela aboutit à une transformation et une amputation de ces
quartiers, d’autant que nombre des bâtiments conservés ne seront pas réhabilités strictement dans
leur enveloppe et que l’on peut craindre également pour la conservation des espaces paysagers
intérieurs ne serait-ce qu’en raison de la création de places de stationnement qui devrait modifier
leur morphologie et la résidentialisation de leur fonctionnalité.

De plus, ce projet retient presque uniquement la composition monumentale de la Butte-Rouge et


une partie du bâti qui l’accompagne, certes qui formalise en partie l’ossature de la cité, mais qui
semble minimiser le rôle du réseau collectif des sentes et venelles qui parcourt toute le cité et qui est
l’autre dimension structurelle forte de la Butte-Rouge en cela qu’elle permet l’appropriation
collective du cadre paysager et constitue l’irrigation du quartier par la circulation piétonne au cœur
des jardins.

Ce projet est également oublieux des quartiers de l’immédiate après guerre dont l’intérêt
patrimonial est fort, notamment parce qu’ils donnent à lire tout le développement urbain et
architectural de la cité au fil du temps qui fait de la Butte-Rouge un ensemble unique parmi toutes
celles édifiées dans la cadre de l’embellissement du Grand Paris des années 20.

Le SPR proposé est d’ailleurs défini comme un témoignage 9 et comme un parcours, presque une
image répondant à un des caractères de la cité, son aspect le plus monumental qu’il soit bâti ou
paysager, qui s’apparente à un « façadisme urbain » et c’est d’ailleurs très exactement le cas dans la
partie ouest de la cité où seuls des bâtiments en bordure du parc, isolés de leur urbanité initiale sont
intégrés dans le SPR.

En conclusion, même si l’on ne peut pas nier la volonté de protéger le patrimoine de la Butte Rouge
par la collectivité, il reste que la proposition de SPR, en l’état, n’emporte pas la conviction au
regard des enjeux urbains, architecturaux et paysager de cette cité-jardin.

9 Extrait de l’étude préalable « Il s’agit de déterminer le plus précisément possible les bâtiments et lieux qui
assureront ce témoignage patrimonial et ceux qui porteront la novation nécessaire à la Cité Jardin du XXIè
siècle ».

7
Annexe 1 : La Butte-Rouge : chronologie
• 1915 : création de l'office public des habitations à bon marché de la Seine (OPHBMS) par
Henri Sellier
• 1916 : acquisition de terrains par l'OPHBMS au lieu-dit de Malabry
• Décembre 1918 : la création de cités-jardins à Châtenay-Malabry et au Plessis-Robinson est
reconnue d'utilité publique par décret
• 1919 : concours pour le plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension de Paris ; P. de
Rutté et J. Bassompierre (avec M. Payret-Dortail) sont lauréats de la section « Dans les
jardins »
• 1929-1939 : secteurs 1 et 2 (1 500 logements)
• 1945-1965 : secteurs 3 et 4 (2 200 logements)
• 1981-1995 : réhabilitation dans le cadre de l'opération « Habitat et vie sociale » par l'office
interdépartemental HLM et le cabinet Sirvin
• 1985 : transformation de la piscine en théâtre par Reichen & Robert
• 1994 : la Butte-Rouge figure dans l'exposition « La ville, art et architecture en Europe, 1870-
1993 au centre Pompidou
• 2008 : Attribution du label « Patrimoine du XXe siècle »
• 2015 : Étude patrimoniale ; BDAP (architecture et patrimoine), infolio (paysage), Ville
Ouverte (urbanisme)
• 2017 : Concours pour la production d’un plan guide de la Butte-rouge (suite à l’étude de
2015)
• 2017 : signature d'un protocole de préfiguration dans le cadre d'un Nouveau Programme
national de renouvellement urbain (NPNRU), prévoyant la démolition-reconstruction de
1300 logements
• 2018 : ateliers de travail sur la Butte Rouge ; Etat (DRAC), Ville, bailleur.
• Février 2019 : CRPA ; examen du projet de travaux à la Butte-Rouge suite à la demande de
Mme Nyssen, ministre de la Culture10
• juillet 2019 : CRPA présentation orientations projet ville
• Août 2019 : CRPA présentation prescriptions projet ville
• Novembre 2020 : engagement de la modification (n°4) du PLU concernant la cité-jardin
(secteur UCJ).
• Février 2021 : malgré une enquête publique ayant recueilli 87 % d'avis défavorables, le
commissaire enquêteur donne son accord pour la modification du PLU (modification n°4)
modification n°4 concernant la cité-jardin : OAP secteur UCJ
• 2022 : la cité-jardin intègre la liste d'Europa Nostra relative aux 12 sites du patrimoine
européen les plus menacés
• 2023 : annulation de la modification 4 du PLU (OAP sur le Butte Rouge)
• 21 septembre 2023 : présentation du projet de SPR en CNPA

10 Lors de la CRPA de février 2019, les conclusions des ateliers ont été énoncées par Pacale Hannetel, paysagiste
conseil de l’État (culture) et Bruno Dumétier architecte conseil de la DRAC Île-de-France.

8
Annexe 2 : Plan de le Butte-Rouge en 1930 et description de Bassompierre

Source : Architecture aujourd’hui n°8, 1931, P. 57

9
Annexe 3 : Phasage des constructions de la cité-jardin

Source : Caisse des Dépôts (étude Butte Rouge)

10
Annexe 4 : Projet de SPR et OAP

11
Pièce 5.2
Avis de l’Architecte des Bâtiments de France des Hauts-de-Seine sur
la création du périmètre du Site Patrimonial Remarquable
Direction régionale
des affaires culturelles
d'Île-de-France

Châtenay-Malabry - cité jardin de la Butte Rouge

Avis de l’architecte des Bâtiments de France des Hauts-de-Seine


sur la création du périmètre du Site Patrimonial Remarquable

Le cadre législatif dans lequel l’architecte des Bâtiments de France s’inscrit


Le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables (SPR) se fonde sur une étude qui doit présenter les arguments
qui justifient ce classement et les objectifs poursuivis, afin de proposer un périmètre. La démarche pour un classement au
titre des SPR est fondée sur un partenariat entre l’État/ la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et la collectivité
territoriale. La maîtrise d’ouvrage de l’étude est généralement assurée par la collectivité territoriale en lien avec la DRAC.
L’ABF est membre de droit de la commission locale du site patrimonial remarquable (CLSPR) créée après le classement.
Il est en charge de la gestion des autorisations de travaux en SPR. Pour donner son accord sur ces autorisations, l’ABF s’assure
du respect de l’intérêt public attaché au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des
constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, et également du respect des règles du plan de
valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP) ou, le cas échéant, du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV).

Le cadre de travail sur le projet de périmètre de SPR


Dans ce cadre énoncé, pour la définition du périmètre SPR de la Butte-Rouge, de nombreuses réunions (au nombre d'environ
65, parfois plusieurs par semaine) ont eu lieu depuis trois ans, compte tenu de ma prise de fonctions fin 2020, auxquelles
j’ai activement participé.

Les différents enjeux à prendre en compte pour définir le périmètre du SPR


La question qui a irrigué ce long processus de définition du périmètre SPR a été « où poser le curseur » en considération de
nombreux enjeux à l’œuvre en Île-de-France/ la petite couronne/ la Butte-Rouge :
- conservation - préservation du patrimoine naturel et bâti ;
- densification et lutte contre l’étalement urbain ;
- renouvellement urbain et mixité sociale ;
- lutte contre l’artificialisation des sols ;
- performance énergétique et habitabilité des logements / nouveaux besoins (surfaces, usages, stationnement…).

La pertinence du SPR et du PVAP pour la Butte-Rouge


Les cités-jardins en Ile-de-France bénéficient de différents types de protections :
- la cité-jardin de Suresnes : site inscrit en 1985, SPR avec AVAP en 2014 ;
- la cité-jardin de Gennevilliers : site inscrit en 1985, SPR avec ZPPAUP en 2006 ;

Unité départementale de l’architecture et du


patrimoine des Hauts-de-Seine
Standard : 01 46 02 03 96
- les cités-jardins de Stains et de Pré-Saint-Gervais : site inscrit en 1985 et 1986 respectivement ;
- la Cité expérimentale du Merlan à Noisy-le-Sec (43 maisons) : monument historique inscrit en 2000 (avec
proposition non réalisée d'une ZPPAUP comme plan de gestion).
Parmi ces dispositifs de protection, le site inscrit (code de l’environnement) n’est plus mis en œuvre par le ministère en
charge des sites. Par ailleurs, il n’offre pas toujours une protection efficace, notamment dans les sites soumis à des pressions
d’urbanisation, car l’avis de l’ABF est seulement de nature simple sur les projets de travaux et construction, et de type
conforme uniquement sur les projets de démolition. De plus, le site inscrit ne comporte pas de règlement. Ces fragilités ont
d’ailleurs conduit en 2022 le ministre en charge des sites à désinscrire certains sites en raison de leur état de dégradation
irréversible.
La protection au titre des monuments historiques (MH) comporte une certaine fragilité car elle emporte une protection
forte sur le bien concerné mais sans règlement portant tant sur le monument lui-même que sur le périmètre de ses abords.
Un tel règlement, sur les éléments bâtis et, surtout, non bâtis, serait utile pour que les services en charge des monuments
historiques et l’ABF puissent se fonder pour se prononcer sur les travaux de modification, construction ou démolition.
Le SPR quant à lui, bénéficie d’un plan de gestion présentant des règles précises. Le plan de valorisation de l’architecture et
du patrimoine (PVAP) comprend1 un rapport de présentation (avec des objectifs, fondé sur un diagnostic comprenant un
inventaire du patrimoine et des éléments paysagers) et un règlement avec des prescriptions relatives à la qualité
architecturale des constructions neuves ou existantes, notamment aux matériaux ainsi qu'à leur implantation, leur
volumétrie et leurs abords ; des règles relatives à la conservation ou à la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces
naturels ou urbains ; la délimitation des immeubles, espaces publics, monuments, sites, cours et jardins, l'identification des
plantations et mobiliers urbains à protéger et à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre
culturel, historique ou architectural et les prescriptions permettant d'assurer leur conservation ou leur restauration ; et
enfin un document graphique faisant apparaître le périmètre couvert par le plan, une typologie des constructions, les
immeubles protégés, bâtis ou non, dont la conservation, la restauration, la mise en valeur ou la requalification est imposée
et, le cas échéant, les conditions spéciales relatives à l'implantation, à la morphologie, aux dimensions des constructions et
aux matériaux du clos et couvert.
Sans oublier que, à compter de la publication de la décision de classement du SPR, il est institué une commission locale du
site patrimonial remarquable2, composée de représentants locaux, de représentants de l'État, de représentants
d'associations ayant pour objet la protection, la promotion ou la mise en valeur du patrimoine et de personnalités qualifiées.
Cette commission est consultée au moment de l'élaboration / révision / modification du PVAP et assure le suivi de sa mise
en œuvre après son adoption. Elle peut également proposer la modification / révision du PVAP.
Il est également intéressant de rappeler les délais d’instruction des autorisations de travaux : 1 mois pour une DP et 2 mois
pour un permis en SPR, et 6 mois pour une autorisation MH classé ou 4 mois pour un MH inscrit.

Sur le projet de périmètre proposé


Le projet de périmètre couvre les parties essentielles, significatives et les plus intéressantes de la cité-jardin en protégeant
l'organisation spatiale adaptée au terrain naturel, les espaces publics structurants ainsi que la composition urbaine des
parties anciennes et les architectures qui les bordent.
Dans la lignée de ce qui est attendu d'un SPR, 90 % des bâtiments d'habitation y sont conservés et préservés de toute
densification. Un bon nombre d’immeubles, repères, environ 19%, seraient restaurés en vue de retrouver leur épiderme
d’origine (matériaux, modénatures, traitement des baies, menuiseries…). Sur environ 70% d’immeubles, les façades
principales (façades sur rue et extrémités aux deux abouts de chaque bâtiment) seraient conservées dans leurs dispositions
actuelles et les logements pourraient être améliorés grâces aux adaptations et aux modifications limitées aux façades arrière,
selon les prescriptions définies dans le CPAUPE (cahier des prescriptions architecturales, urbaines, paysagères et
environnementales).
Cette délimitation permet à la cité-jardin de pouvoir évoluer sur ses franges, toute particulièrement sur les parties du Coteau
édifiées lors des dernières phases de réalisation de la Butte-Rouge. Cette capacité d'évolution concerne également, bien
entendu, l'ensemble de la façade le long de l'avenue de la Division-Leclerc. Cette façade est actuellement scandée par des
voies d'entrée dont les bâtiments qui les bordent seront préservés. En revanche, les autres bâtiments seraient remplacés
pour absorber l'effort de densification et pour recomposer la nouvelle façade urbaine de la cité, tout en ménageant des vues
depuis l'avenue vers l'intérieur de la cité. Le travail des architectes du patrimoine a permis de cerner et de définir une écriture
architecturale adaptée qui conduira à élever des nouveaux bâtiments accordés à l'esprit et à l'esthétique de la cité-jardin.

1
C.patr., L631-4
2
C.patr., L631-3

2
Gestion des demandes d'autorisation après classement du SPR et avant adoption du plan de gestion
Le classement SPR implique l'accord de l'ABF. Cet accord ne se fondera pas sur un règlement, mais comme aux abords d'un
monument historique il devra prendre en compte l'intérêt public attaché au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel
ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant.
Pendant cette période de transition et en l'absence de plan de gestion, je m'appuierai sur l'étude patrimoniale réalisée par
les architectes du patrimoine et le CPAUPE (cahier des prescriptions architecturales, urbaines, paysagères et
environnementales) préfigurant le règlement du plan de gestion.

Conclusion
En considération des différents enjeux à l’œuvre :
- de la nécessité de préservation de la cité-jardin de la Butte-Rouge ensemble urbain remarquable du XXe siècle ;
- de conservation des secteurs et immeubles identifiés grâce aux études patrimoniales réalisées,
le périmètre de SPR proposé est le plus adapté.
Il permet la conservation des immeubles, bâtis et non bâtis, sans modification des plus remarquables et avec des
modifications limitées et encadrées par un règlement pour les autres immeubles.
Les secteurs non-retenus dans ce périmètre n’ont pas démontré les mêmes qualités nécessitant une protection
règlementaire de type patrimoniale. L'évolution-adaptation de ces secteurs semble difficilement compatible avec la doctrine
du SPR et la légende des plans de gestion possibles.
Pour permettre à la cité-jardin de bénéficier d’une cohérence d’ensemble, les dispositions du futur plan de gestion seraient
transposées dans le document d’urbanisme, de manière à ce que les secteurs « hors SPR » puissent évoluer selon les mêmes
principes, en intégrant toutefois des capacités d'adaptation plus étendues du bâti existant (surélévations, élargissement…).
J'émets par conséquent, un avis favorable sur la création du périmètre du SPR présenté, ainsi que sur le principe d’un PVAP,
au regard du caractère fragmentaire et mal conservé des parties intérieures des immeubles.

Ana-Cristina NITESCU

3
Pièce 5.3
Avis de la Direction Régionale des Affaires Culturelles sur la création
du périmètre du Site Patrimonial Remarquable du 21 septembre
2023
Pièce 5.4
Relevé de conclusions de la séance du 21 septembre 2023 de la
Commission nationale du patrimoine et de l’architecture relatif au
projet de classement d’un site patrimonial remarquable sur le
territoire de la Cité Jardin de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry

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