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Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 : un

tuteur de résilience pour les personnes en situation d'échec


professionnel ?
Julien Cusin
Dans @GRH 2012/4 (n° 5), pages 75 à 112
Éditions Association de Gestion des Ressources Humaines
ISSN 2034-9130
ISBN 9782804175870
DOI 10.3917/grh.124.0075
© Association de Gestion des Ressources Humaines | Téléchargé le 28/12/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.203.210.109)

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Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 75

LE CONSEILLER EN BILAN
DE COMPÉTENCES DU CIBC 33 :
UN TUTEUR DE RÉSILIENCE
POUR LES PERSONNES EN SITUATION
D’ÉCHEC PROFESSIONNEL ?
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Julien Cusin
Maître de Conférences – IAE de Bordeaux, erm / IRGO
E-mail : julien.cusin@u-bordeaux4.fr

Résumé FR

Dans le contexte économique actuel, la carrière des individus est de plus en plus jalonnée
de moments de rupture et de situations d’échecs. Pour autant, même si ces situations-
là se banalisent, elles constituent toujours une épreuve sur le plan psychologique, dont
l’intensité varie selon le degré de résilience des personnes. Certaines peuvent s’appuyer
sur leurs ressorts internes pour surmonter le choc subi, là où d’autres auront besoin d’un
soutien et d’un encouragement externes appropriés. En l’occurrence, dans cette recherche
qualitative, nous nous demandons si les conseillers du Centre Interinstitutionnel de Bilans
de Compétences de la Gironde (CIBC 33) peuvent faire office de tuteurs de résilience
pour des personnes faisant face à une déconvenue dans leur parcours professionnel.
Pour traiter cette question, nous adaptons la grille théorique de Bégin et Chabaud (2010),
qui nous sert de canevas pour coder nos entretiens et structurer les données recueillies.
Nous étudions ainsi le rôle joué par les consultants en matière d’absorption du choc, de
reconstruction d’un plan de carrière et d’appropriation de l’expérience vécue. Nous arri-
vons notamment à la conclusion que le conseiller aide incontestablement le bénéficiaire à
reprendre confiance en lui et à élaborer une feuille de route grâce au travail de formalisa-
tion des compétences. En revanche, il a plus de mal à favoriser un processus d’apprentis-
sage par l’échec, en raison de sa posture de neutralité bienveillante et de non jugement.
Du fait d’un environnement psychologiquement rassurant et valorisant, l’individu manque
ainsi de réflexivité et sombre très souvent dans la victimisation et l’externalisation.
Mots clefs :
résilience individuelle – bilan de compétences – carrière – échec professionnel – conseil.
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Abstract EN

In the current economic context, the careers of individuals are increasingly marked by
moments of rupture and by failure situations. And yet, even if these situations are com-
monplace, they still constitute a psychological shock, whose intensity varies with the
degree of resilience of people. Some people may rely on their internal strengths to over-
come this shock. Conversely, others will need external support and encouragement. In
this qualitative research, we wonder if the consultants in skills assessments of the CIBC
33 can act as resilience’s support for individuals facing a failure in their careers. To
address this issue, we adapt the theoretical framework of Bégin et Chabaud (2010),
which serves as framework for encoding our interviews and for structuring the data col-
lected. We study the role played by consultants in the absorption of the shock, in the
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reconstruction of a career plan and in the appropriation of the experience. We come
to the conclusion that the counselor helps the recipient to regain his confidence and to
develop a roadmap through the work of formalizing skills. However, it is more difficult to
foster a learning through failure process, due to his posture of benevolent neutrality and
of non-judgment. Because of a psychologically reassuring and rewarding environment,
the individual lacks of reflexivity and often falls in victimization and self-indulgence.

Keywords:
individual resilience – skills assessment – career – professional failure – consulting.

INTRODUCTION
En septembre 2010, les médias annoncent que le groupe Siemens a l’intention d’offrir
la garantie d’emploi à vie pour ses 128.000 salariés allemands. En réalité, le texte signé
avec le syndicat IG Metall prévoit qu’il n’y aura pas de délocalisation ou de fermeture de
site ni de licenciement possible sans l’aval du comité central d’entreprise jusqu’en 2013.
Par la suite, l’accord pourra être renouvelé par tacite reconduction, en fonction de la
situation économique de l’entreprise et du climat social1. Malgré la prolifération actuelle
de discours sur la RSE, la démarche de Siemens semble quelque peu anachronique.
En effet, dans le contexte actuel d’hyper-compétitivité, le parcours professionnel des
individus est de plus en plus jalonné de moments de rupture (démissions, licenciements,
ruptures conventionnelles,...). De tels évènements sont généralement vécus comme des

[1] http://www.intelligence-rh.com/
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 77

échecs et se révèlent souvent traumatisants. Certaines personnes peuvent d’ailleurs


se montrer impuissantes à rebondir seules et ont besoin d’une main tendue (De Bry,
2008). Le cas échéant, la possibilité existe de bénéficier de l’accompagnement d’un
conseiller en transition de carrière. Dans cet article, nous cherchons justement à savoir
si ce dernier peut faire office de tuteur de résilience (Cyrulnik, 1999) pour les personnes
en situation d’échec professionnel. Pour traiter cette problématique, nous adaptons la
grille théorique de Bégin et Chabaud (2010), qui nous sert de canevas, non seulement
pour coder les dix entretiens réalisés au Centre Interinstitutionnel de Bilans de Compé-
tences de la Gironde (CIBC 33), mais aussi pour structurer les données qualitatives ainsi
recueillies. Nous étudions ainsi le rôle joué par les conseillers en bilan de compétences
en matière d’absorption du choc, de reconstruction d’un plan de carrière et d’appropria-
tion de l’expérience vécue. Nous arrivons notamment à la conclusion que le consultant
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n’intervient que de façon partielle dans le processus de résilience du bénéficiaire du fait
de sa posture de non directivité.

1. ÉTAT DE L’ART
Un tour d’horizon de la littérature en management et en psychologie sociale nous per-
met, ci-après, de construire une grille théorique adaptée à notre problématique et d’affi-
ner cette dernière à travers un questionnement plus précis.

›› 1.1. L’insécurité de l’emploi dans la société contemporaine


Dans notre société, une culture de la performance prévaut, comme l’illustre notam-
ment le développement rapide du management par objectifs (Réale et Dufour, 2005). La
logique de réussite professionnelle est présentée comme une nécessité non seulement
économique, mais aussi morale. Il faut toujours faire plus, toujours mieux et toujours plus
vite. Être le meilleur est ainsi devenu l’impératif catégorique de notre temps (Aubert,
1997). Les individus qui ne se plient pas à cette éthique de l’excellence sont aussi-
tôt écartés pour insuffisance de résultat. Selon la même logique, les restructurations
d’entreprises en vue de renforcer la compétitivité font partie intégrante de l’environne-
ment hyperconcurrentiel contemporain (Igalens et Vicens, 2005 ; Guyonvarch, 2008).
Les alliances de longue durée entre l’employeur et ses employés sont donc aujourd’hui
révolues. Dans ces conditions, mieux vaut renoncer à s’accrocher désespérément à un
emploi, à une tâche, à une entreprise ou à un projet de carrière. Ce qui prime désormais,
c’est l’employabilité, l’adaptabilité et la mobilité, soit le fait de disposer des capacités
requises pour retrouver facilement un travail intéressant le moment venu (Waterman et
al., 1994 ; London, 1998 ; Guyonvarch, 2008). En définitive, les individus doivent prendre
conscience que leur carrière sera probablement jalonnée de moments de rupture et de
situations d’échecs – London (1998) parle de « barrières de carrière » – si bien que leur
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parcours professionnel sera rarement stable, linéaire et sans risque. D’ailleurs, pour
Aquilanti et Leroux (1999), l’aptitude à faire face aux transitions durant la vie active est
devenue l’un des principaux challenges actuels.

›› 1.2. L’impact émotionnel d’une rupture


dans son parcours professionnel
London (1998) souligne néanmoins l’impact émotionnel de ce type de cassures dans
une trajectoire professionnelle. Ainsi, malgré la banalisation du licenciement, ce dernier
constitue toujours une épreuve sur le plan psychologique pour les salariés (Guyonvarch,
2008). Parfois, la perte d’un travail peut même avoir des effets dévastateurs sur la santé
psychologique et physique des individus (London, 1996). Par exemple, dans ce genre de
situation, quelqu’un peut très bien perdre définitivement confiance en soi (Coutu, 2002 ;
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Margolis et Stoltz, 2010). Or, sans conscience de son efficacité et de sa valeur, l’indi-
vidu ne sera pas en mesure de se relever (Bout-Vallot, 2008). Pour les victimes d’un
licenciement, l’épreuve traversée sera a priori d’autant plus douloureuse que le proces-
sus de reclassement sera difficile. Il subsiste notamment une catégorie de salariés dits
« fragiles » (âge élevé, forte ancienneté dans l’entreprise, faible qualification, itinéraires
professionnels instables,...), pour lesquels la réinsertion reste problématique (Igalens et
Vicens, 2005). D’une façon générale, la plupart des transitions de carrières soudaines
et inattendues sont des moments de stress, de découragement et de doute (London,
1996). Pour Margolis et Stoltz (2010), les individus concernés tombent généralement
dans une (ou deux) trappe(s) émotionnelle(s) :
–– la « déflation » : une personne qui a connu de nombreux succès peut avoir le senti-
ment d’être un « héros », capable de résoudre facilement n’importe quel problème.
Un évènement traumatisant peut alors constituer un dur retour à la réalité.
–– la « victimisation » : face à l’adversité, les individus endossent généralement le cos-
tume du spectateur impuissant. Ils montrent ainsi du doigt ceux qui les ont mis dans
cette position inconfortable, ils écartent toute critique et suggestions utiles, et ils
continuent leur chemin en se persuadant qu’ils ont raison et que tout le monde a tort.
Selon De Bry (2008), les travaux sur la violation du contrat psychologique nous per-
mettent de comprendre que la réaction du salarié sera d’autant plus vive qu’il se sentira
floué par son entreprise. Dans certains cas, il peut notamment se replier sur soi, éprou-
ver un sentiment d’insécurité, voire tomber en dépression, au point que l’on peut par-
ler de véritable traumatisme remettant en cause son équilibre social et psychologique.
D’ailleurs, Aquilanti et Leroux (1999) considèrent que la personne congédiée traverse
tout simplement les cinq étapes du deuil identifiées par Kubler-Ross (1969) : le déni,
la colère, la négociation, la dépression et l’acceptation. Sachant que le temps passé
pour chacune des étapes varie selon les individus et que le modèle n’est pas linéaire,
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 79

mais circulaire par nature. Tout dépend, en fait, du degré de résilience de la personne
en termes de carrière (Waterman et al., 1994). En effet, tout le monde ne réagit pas de
façon identique à un évènement d’une même gravité (Bernard, 2008).

›› 1.3. La résilience comme modérateur psychologique


d’un choc professionnel
La résilience apparaît ainsi comme un modérateur psychologique clé de l’impact d’une
« barrière de carrière » sur le fonctionnement global d’un individu et son bien-être psy-
chologique (London, 1998). Plus précisément, elle renvoie à la capacité de ce dernier à
traverser les épreuves les plus sévères, à rebondir face à l’adversité et à continuer de se
développer malgré les traumatismes subis (Cyrulnik, 1999). En l’occurrence, certaines
personnes peuvent s’appuyer sur leurs ressorts internes – innés ou acquis – non seule-
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ment pour surmonter les difficultés aiguës rencontrées, mais aussi pour saisir éventuel-
lement de nouvelles opportunités (De Bry, 2008). D’autres auront, au contraire, besoin
d’un soutien et d’un encouragement externes appropriés (London, 1996). À l’arrivée,
nous dit Cyrulnik (1999), la résilience relève d’un processus dynamique et complexe d’in-
teractions entre l’acteur et son environnement. Ce n’est donc pas une simple capacité
à détenir. En l’occurrence, l’auteur envisage une résilience en deux temps. La première
phase consiste en l’absorption du choc à travers un réflexe de résistance à la désorga-
nisation. S’ensuit une phase d’intégration et de reconstruction largement dépendante
des ressources internes et externes de l’individu (Bout-Vallot, 2008). La résilience ne
se construit donc pas de façon instantanée. Elle possède, au contraire, une épaisseur
temporelle, sans doute nécessaire à son élaboration et à sa maturation (Hollnagel et
al., 2009). Bégin et Chabaud (2010) s’inscrivent pleinement dans cette perspective et
proposent d’opérationnaliser le concept de résilience autour de trois dimensions, for-
tement imbriquées les unes aux autres, que nous synthétisons et adaptons dans le
tableau N°12 :

[2] Même si l’unité d’analyse retenue par les auteurs est celle de l’organisation, il semble possible de transposer leur
cadre conceptuel au niveau individuel, en le modifiant de façon marginale.
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Tableau N°1 : Opérationnalisation du concept de résilience

Capacité Elle permet de... Il faut pouvoir...


Absorption du ... ne pas s’effondrer ... s’appuyer sur des moyens/ressources,
choc face au choc. ainsi que sur une volonté de continuer
malgré les difficultés rencontrées.
Renou­vellement ... de s’inventer de ... agir et imaginer des solutions inédites
nouveaux futurs. (i.e. développer de nouvelles façons de
faire et/ou repenser les façons de faire
existantes) face à une situation défavorable
inattendue.
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Appropriation ... de devenir plus fort ... donner du sens au choc subi et en
de ses expériences. tirer des leçons afin d’en sortir grandi et
d’apprendre par soi-même (autoréflexion).

Il apparaît immédiatement, à la lecture de cette grille, que la capacité d’appropriation ne


va pas de soi. London (1998) souligne effectivement que tirer les enseignements de ses
difficultés et d’évènements traumatisants est délicat3. Tout d’abord, on peut devenir
cynique et fataliste. De surcroît, les émotions vécues par un individu en cas d’échec
peuvent avoir un impact sur l’attention qu’il portera à cette expérience douloureuse
et, par conséquent, sur l’apprentissage qui en résultera (Cusin, 2009). En particulier, la
personne peut préférer refouler ce souvenir malheureux plutôt que de s’engager dans
une démarche d’autoréflexion, courant alors le risque de reproduire certaines erreurs à
l’avenir (Shepherd, 2003). En tant que théoricien de l’attribution causale, Hilton (2002)
fait toutefois remarquer que les individus éprouvent généralement le besoin de trouver
des explications satisfaisantes aux expériences qu’ils vivent, a fortiori lorsque celles-ci
sont désagréables ou imprévues. En effet, l’idée selon laquelle de tels évènements se
produisent sans raison ou de façon aléatoire n’est pas acceptable pour les personnes
concernées. Cependant, la plupart des travaux sur le sujet suggèrent qu’il y a, chez
chacun d’entre nous, une propension à trouver des causes étrangères à nous-mêmes
quand cela ne va pas (Elliott et al., 2000). Senge (1991) parle d’ailleurs de syndrome
« l’ennemi est au-dehors » pour décrire un tel phénomène. Les individus vont ainsi avoir
tendance à rattacher leurs échecs à la malchance ou à d’autres facteurs externes,
quelles qu’en soient les vraies raisons, afin de ne pas paraître responsables de cette
situation (Elliott et al., 2000). De tels biais cognitifs – qui empêchent évidemment de

[3] Pour Bégin et Chabaud (2010), l’apprentissage nécessite du temps de réflexion, ainsi qu’une prise de recul. Il y a
donc un décalage entre le moment où surviennent les chocs et leur éventuelle appropriation. Les apprentissages qui
participent à la construction de la capacité de résilience ne se font donc pas de manière immédiate.
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 81

conduire une analyse efficace de l’échec (Cannon et Edmondson, 2005) – relèvent en


fait des stratégies de « coping ». En effet, modifier ses cognitions et/ou changer la
représentation qu’on a d’une situation défavorable et stressante font partie des adapta-
tions possibles pour faire face à l’adversité (Meyer, 2005). Certains auteurs voient dans
la manifestation du biais d’auto-complaisance une tentative ou un désir de protéger
son estime de soi. Il constitue ainsi un moyen de protection contre les explications qui
pourraient nous mettre en difficulté (Miller et Ross, 1975). D’autres travaux mettent
plutôt l’accent sur le fait que les individus cherchent à protéger leur image publique aux
yeux des autres (Weary et Arkin, 1981). Pour Staw (1981), cela correspond simplement
à une application de la théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1962). Une telle
situation est susceptible de survenir en cas de décalage entre, d’un côté, la conviction
profonde de l’individu quant à la pertinence de ses décisions passées et, de l’autre, les
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mauvais résultats auxquels celles-ci ont donné lieu. Dans un tel cas de figure, l’individu
peut chercher à réduire la dissonance, en attribuant l’échec à des causes externes, au
lieu d’en assumer la responsabilité ultime (Baumard et Starbuck, 2005).

›› 1.4. Le rôle d’accompagnement des conseillers en transition de carrière


Nous avons vu supra qu’il y a plusieurs aspects importants dans le concept de résilience,
les uns sont rattachés à la personnalité de l’individu, les autres sont reliés aux dimen-
sions externes (Cyrulnik, 1999). Sachant que, pour l’auteur, un tuteur de résilience peut
servir de support à la transformation interne de la personne (Bernard, 2008). Pour des
individus en situation d’échec sur le plan professionnel, on peut alors se demander si ce
rôle-là ne peut pas être tenu par les conseillers en transition de carrière. Un tel accom-
pagnement peut effectivement leur permettre de reprendre confiance en eux, d’avoir
davantage conscience de leurs capacités et d’envisager de nouvelles orientations (Lon-
don, 1996). Certains programmes d’outplacement offrent ainsi un conseil personnalisé
approfondi comprenant une évaluation psychologique, alors que d’autres cabinets se
contentent de proposer un conseil rudimentaire focalisé sur les techniques de recherche
de travail (Aquilanti et Leroux, 1999). Dans tous les cas, les consultants valorisent la
mobilité et atténuent le phénomène de rupture que constitue le licenciement, en appré-
hendant ce dernier comme un simple repositionnement ou comme une transition de
carrière que le salarié doit transformer en opportunité (Guyonvarch, 2008).
Igalens et Vicens (2005) soulignent que de nombreuses critiques sont adressées à ces
dispositifs d’accompagnement, jugés iniques, inadaptés et inefficaces. Pourtant, cer-
taines études suggèrent que les individus congédiés, bénéficiant de l’accompagnement
d’un cabinet en outplacement, sont plus optimistes, moins dépressifs et plus efficaces
dans leur recherche de travail que ceux qui n’y ont pas recours. En particulier, le conseil-
ler aide à maintenir le niveau de stress lié à la perte de travail à un niveau modéré
(Latack et Dozier, 1986 ; Vinokur et Caplan, 1987 ; Aquilanti et Leroux, 1999). D’ailleurs,
82 @GRH • 05/2012

pour Kirk (1994), la première étape d’une démarche d’outplacement consiste à regagner
l’équilibre sur le plan émotionnel. Il s’agit ainsi de gérer le traumatisme psychologique
lié au fait d’avoir été écarté de façon inattendue. Le conseiller va notamment rassurer la
personne sur le fait que ses réactions de colère, de déception et de désespoir sont tout
à la fois naturelles et saines. Il fait preuve d’écoute empathique et épaule l’individu pour
qu’il gère ses sentiments de honte et de culpabilité et pour qu’il préserve son estime de
soi. En résumé, le conseiller contribue à ce que le candidat regagne les compétences
de base en matière de « coping » (Aquilanti et Leroux, 1999). Les conseillers savent,
de toute façon, qu’un client ne doit pas prendre une décision relative à sa carrière tant
qu’il n’a pas digéré la perte de son travail (Kirk, 1994). Une fois cet objectif atteint, il
s’agit d’amener le bénéficiaire à faire des choix professionnels sans se substituer à lui ni
l’influencer, avec l’objectif de le rendre autonome et acteur de la démarche, en l’aidant
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à développer des modalités de questionnement ainsi qu’une méthodologie de résolution
de problèmes. Selon cette perspective, le consultant reste volontairement en retrait et a
un rôle essentiellement pédagogique à jouer. Il ne s’agit pas, pour lui, de donner de bons
conseils, mais plutôt de produire de la compétence à faire par soi-même (Bouder et al.,
1992 ; Lhotellier, 2003 ; Doublet, 2006).
Lhotellier (2000) souligne toutefois un paradoxe entre, d’un côté, le développement
extrêmement rapide de la pratique du conseil et, de l’autre, le manque d’intérêt des
universitaires pour cette question-là. On constate notamment qu’il n’y a pas beaucoup
de travaux sur le conseil en transition de carrière dans la littérature en management,
hormis dans des revues très ciblées telles que le Journal of Employment Counseling,
où l’on retrouve quelques articles centrés sur l’outplacement manquant généralement
de fondements théoriques. Ainsi, on a affaire à des modèles pratico-pratiques, censés
guider les conseillers dans leur démarche d’accompagnement des personnes licenciées.
Aquilanti et Leroux (1999) en proposent une synthèse, à travers un modèle en quatre
phases (cf. encadré N°1) :
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 83

Encadré N°1 : Le modèle d’Aquilanti et Leroux (1999)

–– Perte, deuil et transition : dans cette première phase, il est important que le conseiller
développe une relation chaleureuse et ouverte avec les candidats. Ces derniers ont
besoin de sentir qu’ils peuvent avoir confiance dans le conseiller, que celui-ci ne va pas
les juger et sera toujours prêt à les écouter. Les conseillers doivent, quant à eux, avoir
conscience de l’état émotionnel des bénéficiaires.
–– Développement personnel : à ce stade, la première étape est l’évaluation (capacités,
rêves, limites, valeurs, volontés, besoins, intérêts, tempérament, traits, accomplis-
sements, réalisations,...). Cela peut passer par des tests, des questionnaires ou des
exercices écrits. Ensuite, le conseiller travaille sur le stress personnel du candidat lié à
sa réorientation de carrière. Enfin, un planning financier est élaboré.
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–– Recherche de travail : les éléments clés à ce stade sont : les entretiens d’information
auprès de professionnels déjà en poste, la rédaction de CV, ainsi que l’acquisition de
compétences en termes de networking et de conduite d’entretien de recrutement.
–– Conseil et soutien en cours de recherche : le soutien ne s’achève pas dès que le candi-
dat décroche son premier entretien d’embauche. Le conseiller doit, au contraire, aider
l’individu pour que la transition soit la plus douce possible. À ce stade, les personnes
ont notamment l’opportunité de réfléchir au processus de transition qu’ils ont vécu. Il
est important, pour elles, de pouvoir apprendre de leurs expériences. À travers leur
réflexion, les candidats sont finalement capables de mieux comprendre leurs com-
portements, leurs actions ainsi que leurs réactions après leur licenciement et dans le
cadre de la recherche de travail. Cela peut les aider dans leur carrière future.

En psychologie du travail, il existe en revanche une littérature relativement abondante


sur les dispositifs d’orientation professionnelle des adultes, et notamment sur le plus
emblématique d’entre eux : le bilan de compétences4 (François, 1988 ; Levy-Leboyer,
1993 ; Michel, 1993 ; Lemoine, 1994 ; Kop et al., 1997 ; Ripon, 1998 ; Lhotellier, 2003 ;
Doublet, 2006). Doublet (2006) rappelle, à ce titre, qu’on peut distinguer deux types de
recherche dans ce champ :
–– celles mesurant la satisfaction post-bilan des bénéficiaires à travers l’adéquation
entre leurs attentes et les résultats.
–– celles s’intéressant aux processus psychologiques impliqués dans le travail de bilan :
estime de soi, sentiment d’efficacité, auto-analyse.

[4] Le bilan de compétences permet à tout salarié de faire un point sur ses compétences, aptitudes et motivation afin
de définir et/ou valider un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation. Il relève du droit individuel du
salarié dans la mesure où l’employeur ne peut, en aucun cas, exiger de ce dernier qu’il fasse un bilan de compétences
(Baruel-Bencherqui et al., 2010). Il a été créé en 1986, sous forme d’expérimentation, et est devenu un droit ouvert à
chaque salarié en décembre 1991.
84 @GRH • 05/2012

Par contre, l’auteur souligne que les travaux empiriques centrés sur les effets des bilans
de compétences sont plutôt rares, même s’il existe quelques exceptions, à commencer
par l’étude d’Alther et al., (2011) dans le contexte des institutions en Suisse Romande.
De même, Doutre (2003) ou Robert et Cuny (2000) montrent que le bilan de compé-
tences renforce l’internalité chez les bénéficiaires5. Un tel dispositif est effectivement
censé convaincre les individus qu’ils maîtrisent leur devenir sur le plan professionnel.
Mais, si tel est bien le cas, le risque est grand que le bilan de compétences soit peu
adapté pour les personnes en situation d’échec. En effet, comment considérer comme
dépendant de soi une histoire personnelle marquée par une déconvenue ? (Gaudron et
Croity-Belz, 2005).
Quoi qu’il en soit, les ressources externes semblent jouer un rôle crucial pour gérer
une transition de carrière et rebondir après une rupture. Certains individus semblent
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effectivement avoir besoin de l’accompagnement personnalisé d’un consultant – c’est-
à-dire d’une main tendue (De Bry, 2008) – pour ne pas s’effondrer face au choc, pour
être capables de s’inventer de nouveaux futurs et pour devenir plus forts de leurs expé-
riences. Dans cette recherche, nous nous poserons donc la question suivante : « Dans
quelle mesure le conseiller en bilan de compétences peut-il jouer le rôle de tuteur de
résilience pour des personnes en situation d’échec sur le plan professionnel ? ». Nous
faisons ainsi le choix de nous centrer sur le bilan de compétences, essentiellement pour
des raisons méthodologiques. En effet, même si les outils mobilisés sont relativement
semblables à ceux utilisés dans le cadre de l’outplacement (entretiens individuels, tests,
questionnaires, travail de documentation, techniques de recherche d’emploi,...), le bilan
de compétences est une démarche d’orientation très encadrée par le Code du Travail
(Gaudron et Croity-Belz, 2005). Ainsi, son déroulement est expressément prévu par la
loi de 1991 (cf. encadré N°2). Ce point paraît important dans le cadre d’une étude empi-
rique exploratoire comme la nôtre, car il garantit a priori que la méthodologie utilisée
d’un conseiller à l’autre est suffisamment similaire pour autoriser des comparaisons
pertinentes.

[5] « Le locus of control est considéré comme [...] une prédisposition de l’individu à privilégier a priori un type d’explica-
tion causale plutôt qu’un autre (Rotter, 1966) [...]. Si un individu perçoit ce qui lui arrive comme dépendant de son propre
comportement ou de ses caractéristiques personnelles, on parle de contrôle interne. En revanche, s’il perçoit ce qui lui
arrive comme le résultat de la chance ou du hasard, on parle alors de contrôle externe » (Gaudron et Croity-Belz, 2005 :
p. 105).
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 85

Encadré N°2 : Présentation du bilan de compétences 6

Le bilan de compétences est une prestation progressive qui se déroule sur un à trois mois
(entre 16H et 24H) afin de favoriser réflexion et maturation. Il fait l’objet d’une convention
tripartite entre l’organisme de bilans, le client et l’organisme financeur et se découpe en
trois phases :
1. Phase préliminaire d’accueil : pré-accueil et premier entretien ; information sur le bilan
de compétences ; présentation des méthodes et techniques mises en œuvre ; analyse
des besoins de la personne ; confirmation de l’engagement du bénéficiaire.
2. Phase d’investigation
2.1. Connaissance de soi : identification et analyse des compétences personnelles et
professionnelles ; élaboration du profil de personnalité ; détermination des capaci-
tés et possibilités d’évolution professionnelle ; analyse des motivations et intérêts
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professionnels.
2.2. Connaissance de l’environnement socioprofessionnel : informations sur les métiers,
fonctions, secteurs d’activité, entreprises ; informations sur le marché du travail.
2.3. Projet professionnel : étude des pistes d’orientation (contenus, conditions d’exercice,
logiques d’accès, évolutions professionnelles) ; informations sur les formations.
3. Phase de conclusion : détermination du projet d’évolution professionnelle ; vérification
de la faisabilité du projet ; détermination des étapes de la mise en œuvre (y.c., le cas
échéant, un projet de formation) ; plans d’action à court, moyen, long terme ; remise au
bénéficiaire d’un document de synthèse confidentiel.

Pour traiter notre problématique, nous reprendrons finalement la grille théorique de


Bégin et Chabaud (2010), en nous posant trois questions distinctes sur le conseiller en
bilan de compétences :
–– Dans quelle mesure permet-il aux individus victimes d’une rupture dans leur carrière
d’absorber ce choc, c’est-à-dire de l’accepter, d’y faire face et de le digérer ?
–– Dans quelle mesure leur permet-il de se relancer, en les aidant à reconstruire un pro-
jet professionnel et un plan de carrière solides pour se projeter dans l’avenir ?
–– Dans quelle mesure leur permet-il de s’approprier leur expérience malheureuse et de
leur donner du sens afin que les leçons ainsi tirées leur permettent de grandir dans
l’adversité ?

2. MÉTHODOLOGIE
Pour répondre à ces différentes questions, nous avons réalisé une étude qualitative
exploratoire. Nous précisons, ci-dessous, le mode de recueil et d’analyse des données.

[6] Adapté de : http://www.cibc-idf.net/bdc.html


86 @GRH • 05/2012

›› 2.1. Recueil des données


En décembre 2009, nous avons rencontré le directeur du CIBC 33 afin d’effectuer un
premier cadrage du sujet et de préciser le profil des personnes qui allaient constituer
l’échantillon théorique. Pendant plus d’an, les conseillers ont ensuite identifié quelques
cas susceptibles de s’inscrire dans notre programme de recherche. En février 2011, le
directeur du CIBC 33 est finalement revenu vers nous, en évoquant neuf situations sélec-
tionnées au fil de l’eau par son équipe (cf. encadré N°3) :

Encadré N°3 : Liste des candidats potentiels pour l’étude de terrain


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1. Dirigeante d’une entreprise qu’elle avait créée, l’entreprise n’a pas survécu à la crise,
elle se retrouve Demandeur d’emploi et fait un bilan de compétences approfondi (pres-
tation Pôle Emploi).
2. Dirigeant actionnaire, l’individu rentre en conflit avec l’actionnaire majoritaire, est
obligé de partir de la société et suit un bilan repreneur.
3. Responsable d’atelier, la PME est rachetée, il est démis de ses fonctions et fait un bilan
de compétences.
4. Responsable méthode « mis au placard » suite à un conflit, fait un bilan de compé-
tences.
5. Détaché syndical (à 100 %), on lui reproche un manque de « performance », fait un bilan
de compétences pour réintégrer le statut de salarié.
6. Cadre commercial « mis au placard » suite à des résultats considérés comme insuffi-
sants, fait un bilan de compétences.
7. Logisticien, ses objectifs de mission ne sont pas atteints, fait un bilan de compétences
suite à son licenciement.
8. Coordinatrice lancement de produit, sa direction souligne son manque d’impact, fait un
bilan de compétences.
9. Assistante de recrutement dans une entreprise de travail temporaire, ses compétences
sont remises en question, fait un bilan de compétences.

Nous avons aussitôt validé ces différents profils auprès du directeur. En effet, le sen-
timent d’échec sur le plan professionnel ne se limite pas aux cas de licenciements
pour insuffisance de résultats. Les « barrières de carrière » sont, au contraire, multiples
(London, 1996, 1998). Dans la foulée, ces neuf personnes ont été contactées par les
conseillers en bilan de compétences. Seules six d’entre elles ont accepté le principe d’un
entretien, réalisé en février/mars 2011 (cf. tableau N°2).
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Tableau N°2 : Caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des répondants

Profil1 Sexe Âge Formation Ancienneté Date de Début Date de Situation au


initiale dans l’expé­rience du bilan l’entretien moment de l’entretien
le poste mal­heureuse de compé­ de de recherche
tences recherche
N°1 F 48 Bac + 3 en 22 mois Juillet Juillet Février Est en recherche d’emploi après
littérature 2009 2010 2011 plusieurs évaluations en milieu de
espagnole (dépôt de travail dans le domaine de l’insertion
bilan) professionnelle. Envisage de faire
une formation de conseiller en
insertion professionnelle
N°4 H 53 Bac 14 ans Janvier Juin Mars A suivi une formation en tant
professionnel 2008 2008 2011 qu’acheteur professionnel et s’est
en (mise au ensuite reconverti dans ce domaine-
comptabilité placard) là au sein de l’entreprise
N°5 F 46 Bac + 5 en 18 mois Juin Octobre Février Travaille toujours dans la même
communi­ 2010 2010 2011 entreprise, mais sur un autre
cation (fin de la site du groupe très éloigné
mission) géographiquement

1. Le numéro renvoie à la liste de l’encadré N°3. Cela permet ainsi d’avoir des informations sur l’emploi occupé par le répondant ainsi que sur la nature de l’échec vécu.
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33
87

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88
Tableau N°2 : Caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des répondants

Profil1 Sexe Âge Formation Ancienneté Date de Début Date de Situation au


@GRH • 05/2012

initiale dans l’expé­rience du bilan l’entretien moment de l’entretien


le poste mal­heureuse de compé­ de de recherche
tences recherche
N°7 H 31 Bac + 5 en 5 ans Juillet Mai Février Travaille toujours dans les métiers de
management 2009 2009 2011 la logistique. A connu deux nouvelles
de la chaîne (rupture expériences professionnelles dans
logistique conven­ ce domaine après une période de
globale tionnelle) chômage
N°8 F 38 Bac + 3 en 10 ans Mai Juillet Février Suit une formation de deux ans en
chimie 2010 2010 2011 aménagement de l’espace
(licenciement)
N°9 F 26 Bac + 3 en 18 mois Juin Juillet Février Est en recherche d’emploi après avoir
gestion et 2009 2009 2011 suivi une formation de conseiller en
administration (licenciement) insertion professionnelle et avoir
du personnel occupé un premier poste en CDD
dans ce domaine-là

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Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 89

Ces six interviews nous ont offert des premiers éléments de réponse par rapport à
notre problématique, mais ne nous ont pas permis de saturer les données. Il nous a
donc paru intéressant d’interroger directement les conseillers en bilans de compétences
dans une logique de triangulation, afin de savoir s’ils se considèrent eux-mêmes comme
des tuteurs de résilience. Nous avons donc interviewé trois consultants, en adaptant
évidemment notre guide d’entretien initial. La difficulté était liée au fait que les person-
nels des CIBC sont tenus au secret professionnel, la violation de celui-ci pouvant être
condamné pénalement7. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes limités aux
conseillers ayant accompagné des personnes qui avaient donné leur accord pour cette
étude. Par ailleurs, nous n’avons demandé aucun nom de bénéficiaire, ni d’entreprise
durant les interviews afin de ne pas mettre les consultants en porte-à-faux. Enfin, nous
avons rencontré, une nouvelle fois, le directeur du CIBC 33. Dans un premier temps, nous
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lui avons administré le même guide d’entretien qu’à ses collaborateurs, puis, dans un
second temps, nous lui avons fait part de nos réflexions afin de recueillir ses réactions
« à chaud ». Grâce aux précisions apportées et aux commentaires effectués à cette
occasion, nous avons ainsi pu enrichir et préciser notre argumentation. Notons, à ce
titre, que notre travail a également été présenté, en septembre 2011, à l’ensemble des
conseillers du CIBC 33. La qualité des échanges ayant eu lieu à l’occasion de cette réu-
nion technique a permis d’affiner nos idées.
D’une durée moyenne supérieure à une heure, les dix entretiens semi-directifs centrés
effectués dans le cadre de cette recherche ont tous été enregistrés et retranscrits, ce
qui correspond à un corpus de données primaires de 160 pages Word. Ces interviews
ont ensuite été complétées par la collecte de données secondaires via la base de don-
nées FACTIVA. En l’occurrence, nous avons sélectionné 22 articles de presse dans des
journaux comme Les Échos, L’Expansion, Le Figaro, Le Monde, Ouest France, Le Progrès
ou encore La Tribune. Cela nous a permis notamment de recueillir des témoignages de
personnes ayant effectué un bilan de compétences. Nous avons ainsi pu les croiser avec
nos propres verbatims.

›› 2.2. Analyse des données


Nous avons opté pour un codage thématique reprenant le cadre théorique de Bégin et
Chabaud (2010), tout en enrichissant cette grille à travers les éléments nouveaux issus
du terrain. Charreire et Durieux (2003) parlent, à ce titre, d’exploration hybride pour
décrire le processus de recherche consistant à procéder par des allers-retours perma-
nents entre le matériau empirique recueilli et les connaissances théoriques initialement
mobilisées.

[7] http://www.cibc-idf.net/bdc.html
90 @GRH • 05/2012

3. RÉSULTATS
Pour structurer la présentation de nos résultats empiriques, nous reprenons notre cane-
vas initial sur la résilience individuelle, tout en le complétant grâce aux données recueil-
lies. À l’issue de chacune des trois sections (absorption du choc, renouvellement et
appropriation), nous faisons figurer un tableau de synthèse résumant l’idée principale
de chaque paragraphe (cf. tableaux N°3, N°4 et N°5).

›› 3.1. Absorption du choc


Dans tous les cas auxquels nous nous sommes intéressés, une situation aiguë d’échec
sur le plan professionnel est à l’origine du bilan de compétences (licenciement pour
insuffisance de résultat, mise au placard, dépôt de bilan,...). Étant donné que ce dispo-
sitif de droit commun repose sur une démarche volontaire, on peut en déduire que les
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bénéficiaires ne sont pas dans le déni lorsqu’ils se présentent devant le conseiller. Une
telle initiative traduit effectivement une prise de conscience – même partielle – de la
situation. Lors des tout premiers échanges de la phase préliminaire, certains d’entre eux
peuvent néanmoins avoir du mal à reconnaître immédiatement la situation d’adversité
qu’ils ont vécue, et ce notamment parce qu’il s’agit là d’un sujet extrêmement sensible :
« Il y a des personnes qui commencent par évoquer tout leur parcours, qui tournent un
peu autour du pot. C’est délicat, parce qu’il y a beaucoup de personnes qui pleurent. C’est
vraiment très douloureux ! Et je pense que c’est peut-être la raison qui fait qu’elles n’ont
pas envie de parler de ce qui fait mal », nous explique ainsi une conseillère. Peu à peu,
le travail de questionnement et de reformulation permet néanmoins d’amener l’individu
à évoquer son expérience malheureuse. Assez rapidement, à défaut de parler ouverte-
ment d’échec, les bénéficiaires évoquent ainsi une « situation difficile », une « mauvaise
expérience » ou encore une « difficulté professionnelle ». Ce n’est qu’au fil des séances
que les bénéficiaires finissent par se livrer davantage et se mettent à utiliser ce vocable.
De toute façon, les personnes comprennent très vite que leurs interlocuteurs respec-
tifs – généralement diplômés en psychologie du travail – ne sont pas là pour les juger.
La disponibilité, l’attitude chaleureuse, l’écoute attentive, la considération positive,
l’empathie et la posture de « neutralité bienveillante » des conseillers constituent autant
d’éléments qui contribuent finalement à créer un climat de confiance. A fortiori parce
que les consultants obéissent – nous l’avons dit – aux dispositions pénales relatives au
secret professionnel : « Je me sentais tout à fait libre de m’exprimer et d’aller expliquer
tout ça. Sauf qu’à chaque fois – le pauvre ! – il finissait sa boîte de mouchoirs ! Il m’a
tout de suite mise à l’aise là-dessus. Je sentais que je pouvais parler librement, qu’il
n’y avait pas de jugement, que ça n’allait pas être rapporté à droite et à gauche [...].
J’avais confiance en lui [...]. J’ai été à l’aise pour vider tout ce que je pouvais avoir sur
le cœur », note ainsi l’une des bénéficiaires. Certains d’entre eux soulignent néanmoins
que ce cadre-là leur a donné, au départ, « l’impression d’être chez un psy », ce qui les
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 91

a mis relativement mal à l’aise et a eu tendance à les inhiber. Ils expliquent toutefois
avoir rapidement compris les enjeux de la phase préliminaire par rapport aux objectifs
du bilan et avoir, par conséquent, dépassé leur scepticisme initial, comme l’illustre le
verbatim ci-après : « Je ne suis jamais allé chez un psy, mais j’avais l’impression de me
retrouver un peu dans cette configuration [Rires gênés] ! [...]. Au début, ça m’a surpris.
Donc je suis resté – entre guillemets – un peu sur la défensive. Parce que ce n’est pas
facile, non plus, de se confier à des gens qu’on ne connaît pas ! [...]. Et puis, finale-
ment, de fil en aiguille, je me suis aperçu que c’était important d’échanger là-dessus. De
connaître un peu ce qui a pu amener à cette situation. Donc, voilà, au fil des séances, je
me suis un peu libéré. Je parlais plus ».
Si ces premiers moments d’échange sont aussi difficiles, c’est évidemment parce qu’ils
replongent les personnes dans l’expérience malheureuse qu’elles ont vécue. Il convient
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effectivement de souligner l’état d’esprit particulièrement négatif des répondants au
moment d’entamer le bilan de compétences. Suite à l’échec auquel ils ont été confron-
tés, les individus ont perdu énormément confiance en eux et doutent de leurs capacités ;
ils s’isolent ; ils remettent en question leur parcours antérieur ; ils se sentent perdus et
désorientés et ils se montrent très inquiets – voire pessimistes – quant à leur avenir
sur le plan professionnel : « J’avais perdu toute confiance en moi et je ne savais plus du
tout ce que je voulais faire professionnellement [...]. Remise en doute complète de mon
parcours professionnel et [formatif], en me disant que je m’étais peut-être complètement
fourvoyée et que je n’étais pas bonne pour faire ça. Complètement perdue et ne sachant
plus du tout ce sur quoi je pouvais m’orienter par la suite [...]. Je ne savais plus comment
avancer. Je n’avais plus d’idée du tout [...]. J’en suis ressortie pleine de doutes sur mes
capacités et sur mon orientation professionnelle [...]. J’avais été très affaiblie psycholo-
giquement par tout ce que l’on avait pu me dire au cours des derniers mois », se remé-
more l’une des bénéficiaires. Dans certains cas, on peut même aller jusqu’à parler de
traumatisme, tant le choc a été violent pour les individus, qui parlent alors d’humiliation,
de rabaissement, de souffrance, voire d’état dépressif. Dès lors, on comprend mieux les
attentes des personnes lorsqu’elles se tournent vers le CIBC 33. En l’occurrence, elles
sont à la recherche d’une aide extérieure pour les rassurer, les guider et les accompa-
gner dans leur transition de carrière, afin de sortir de cette période d’incertitude et de
confusion.
Le travail approfondi de formalisation des compétences réalisé durant la phase d’inves-
tigation permet justement aux individus, qui ont subi un échec et qui sont en plein déni-
grement, de reprendre confiance en eux. En règle générale, le bilan de compétences leur
permet ainsi de prendre conscience de l’étendue de leur portefeuille de compétences et
de la transférabilité de leurs connaissances dans d’autres secteurs d’activités, laissant
ainsi entrevoir d’éventuelles réorientations professionnelles. En définitive, si l’exercice
d’identification et d’analyse des compétences est évidemment – nous y reviendrons – le
92 @GRH • 05/2012

socle fondamental permettant de construire un projet professionnel, il constitue égale-


ment un outil de valorisation de l’individu. À ce titre, il est clairement le support d’un dis-
cours positif et encourageant du consultant visant à prouver au bénéficiaire sa capacité à
agir : « [Mon conseiller] a commencé par me faire travailler sur mes expériences passées.
Pour essayer de faire ressortir mes qualités professionnelles et personnelles [...]. Pour me
démontrer que je n’étais pas complètement [nulle et] que j’avais quand même quelques
qualités [...]. C’est vraiment là-dessus qu’on a travaillé. Faire émerger mes capacités, mes
qualités, que ce soit professionnelles ou personnelles, pour me permettre de reprendre
confiance en moi. Et de reprendre un projet professionnel du bon pied [...]. On allait voir
dans chaque profil de poste sur lequel, moi, j’ai pu être. Et il me disait : «Vous voyez bien
qu’il y a ça. Vous voyez bien qu’il y a ça». Au début, je disais «oui, oui». Et puis, bon, au
fur et à mesure, ça entrait dans ma tête [Rires] ! », nous explique ainsi une répondante.
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Ajoutons aussi que certains tests de personnalité utilisés lors de la phase d’investiga-
tion (GOLDEN, MBTI,...) ont des conclusions toujours formulées de façon positive afin
que le bénéficiaire regagne l’estime de soi. Signe des vertus thérapeutiques du bilan de
compétences, on note finalement que l’état d’esprit des bénéficiaires, à l’issue des 24H,
est très différent de celui qu’ils avaient deux mois plus tôt 8 : « Là, je me sens très bien.
J’ai envie d’avancer. J’ai la pêche quoi ! Je ne suis pas du tout démotivée. Non, non, j’ai
envie de manger la terre entière ! Je peux dire que c’est grâce au bilan de compétences,
ça c’est sûr ! », note, par exemple, l’une de nos répondantes.
Pour autant, pour les bénéficiaires les plus durement touchés par l’échec, le bilan de
compétences reste beaucoup trop court pour achever complètement le travail de deuil
et ne peut pas se substituer à une démarche médico-thérapeutique : « On en a parlé
[durant le bilan], mais je pense que le sentiment d’échec, c’est comme dans une relation
amoureuse : il n’y a que le temps qui guérit ! […]. Vous voyez, ça va faire deux ans en
juillet : ça s’estompe, mais bon, il y a toujours des choses qui reviennent. C’est normal ! »,
fait remarquer une personne ayant pleuré à plusieurs reprises durant l’interview. Préci-
sons que les deux personnes qui sont dans ce cas n’avaient pas encore achevé la mise
en œuvre de leur projet professionnel au moment de l’entretien (l’une était au chômage
et l’autre suivait une formation de deux ans), signe que l’épisode douloureux ne peut
être définitivement digéré que lorsque le bénéficiaire s’est repositionné, de façon stable,
sur le marché du travail. Cela souligne évidemment l’importance du renouvellement
dans le processus de résilience.

[8] En règle générale, au CIBC 33, un bilan de compétences comporte huit séances de trois heures, réparties sur
deux mois.
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 93

Tableau N°3 : Tableau de synthèse sur la dimension « absorption du choc »

Paragraphe Idée clef Lien avec l’absorption du choc


§1 Absence de déni du bénéficiaire. Le choc n’est pas nié par le
bénéficiaire dans la présentation de
son parcours professionnel.
§2 Climat de confiance durant le bilan. Le choc peut être évoqué d’autant
plus librement que le bénéficiaire a
confiance en son conseiller.
§3 Besoin d’un soutien externe. Le choc a été tellement
traumatisant pour l’individu qu’il
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nécessite l’intervention d’une
personne tierce.
§4 Sentiment de valorisation de Le choc est compensé par le
l’individu. sentiment d’efficacité, qui naît
du travail de formalisation des
compétences.
§5 Travail de deuil inachevé. Le choc laisse encore des traces
chez l’individu à la fin du bilan de
compétences.

›› 3.2. Renouvellement
La première fonction du bilan de compétences est d’accompagner les bénéficiaires dans
l’élaboration d’un projet de carrière réaliste. Conscients de la difficulté à établir une
feuille de route définitive dans un environnement incertain, les conseillers du CIBC 33
cherchent aussi à transmettre une méthode d’investigation aux bénéficiaires, afin que
ces derniers soient en mesure de prendre des décisions de façon autonome. Travailler
sur la transition de carrière correspond d’ailleurs à l’attente principale des individus en
entamant leur bilan de compétences. Voilà, par exemple, comment un interviewé résume
ses objectifs initiaux : « [Je souhaitais] faire le point sur mes compétences. Savoir com-
ment rebondir avec ces compétences [...]. [Savoir] dans quel type de poste je me sentirais
le mieux, par rapport à l’expérience que j’ai eue [dans mon ancienne entreprise] […]. Et
puis [j’étais là pour] trouver – si nécessaire – une formation susceptible de m’aider à
rebondir. Et, surtout, ne pas me tromper dans mon choix ». Les bénéficiaires souhaitent
ainsi dépasser une situation douloureuse et se projeter dans l’avenir à travers un nou-
veau projet professionnel, ce qu’ils ne se sentent pas forcément capables de faire seuls.
Pour autant, le consultant n’est pas là pour se substituer à l’individu et n’a vocation
ni à prendre des décisions à sa place, ni à s’immiscer dans ses choix. Par le jeu du
94 @GRH • 05/2012

questionnement et de la reformulation, et en s’appuyant sur différents outils – tels que


des tests d’intérêt et de personnalité, par exemple – il aide simplement la personne à
réfléchir à son orientation professionnelle et à prendre elle-même position pour la suite
de sa carrière, de façon éclairée. Les conseillers font également profiter de leur réseau,
afin que les uns et les autres puissent entrer en contact avec des experts des différents
métiers auxquels ils s’intéressent. En permettant d’accéder plus facilement à certaines
informations – sur l’environnement socioéconomique, sur les référentiels métiers, sur
les débouchés ou encore sur les formations existantes – et en offrant une aide sur le
plan méthodologique, les conseillers en bilans de compétences font finalement gagner
du temps aux individus qu’ils accompagnent. Le dispositif est également rassurant pour
les bénéficiaires, qui se sentent soutenus et guidés dans leur démarche. Ils sont donc
beaucoup plus sereins quant à la pertinence et à la faisabilité du projet professionnel
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qu’ils ont défini. Toutefois, le fait que les conseillers ne soient pas là pour offrir des
solutions « clés en mains » peut parfois dérouter les bénéficiaires, comme l’illustrent les
propos suivants : « Ce qui m’a un petit peu surpris, c’est qu’au départ je m’attendais – très
naïvement – à passer un certain nombre de tests de personnalité, etc. Et puis que, tout
de suite, paf, ça me ressorte : «Vous êtes fait pour ce métier-là !». Et, en fait, non ! C’est
ce que [ma conseillère] me disait : l’idée, ce n’est pas que la personne vous dise tout de
suite au bout de quelques analyses, de quelques tests et de quelques discussions : «Ben,
voilà, c’est ça. Vous êtes fait pour ça !». Non ! Il faut que ça vienne de la personne qui
bénéficie du bilan. Donc [ma conseillère] est restée dans son rôle d’accompagnement et
d’aide à la prise à la décision. Mais la décision c’est, moi, de toute manière, qui avait à la
prendre ! Donc, c’est vrai qu’au début, [j’étais] un tout petit peu déçu ». Signe manifeste
d’une approche de « neutralité bienveillante », la politique du CIBC 33 est de se dégager
de ce rôle d’expert que le bénéficiaire est parfois tenté de lui attribuer. À ce titre, tout
interventionnisme des consultants est implicitement proscrit, tout simplement parce
qu’un individu est en perpétuel développement et qu’un métier pouvant éventuellement
paraître inaccessible aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain : « Je ne m’autoriserai
jamais à dire [à une personne qui semble avoir peur du conflit qu’un poste de manager
n’est pas fait pour elle] ! Parce que, quelqu’un qui a peur du conflit aujourd’hui n’est pas
quelqu’un qui aura peur du conflit demain [...]. Par contre, on va travailler sur ce que veut
dire «manager» [et sur] les risques du management », résume une conseillère.
Le rôle du consultant consiste donc ici à provoquer le doute chez son interlocuteur – par
le jeu du questionnement – lorsqu’il sent celui-ci s’engouffrer dans une voie sans avoir
pris suffisamment de recul. La posture idéologique de « non jugement » du CIBC 33
touche néanmoins ses limites lorsque la personne ne saisit pas le sens caché des inter-
rogations qui lui sont adressées, notamment lorsqu’elle est aveuglée par un enthou-
siasme excessif à l’égard de son projet. L’absence de contradiction ouverte du conseiller
peut alors conduire à des choix de carrière regrettés ultérieurement – au moins dans
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 95

une certaine mesure – par les bénéficiaires : « J’ai vraiment eu le sentiment que tout
ce que je disais [au niveau de mes choix], c’était forcément [très bien] pour moi. Avec le
recul, c’est vraiment l’impression que j’en ai. C’est-à-dire [que mon conseiller] n’est pas
allé à l’encontre des choix que j’avais faits. Quand j’ai décidé d’aller dans ce secteur-là,
il n’a pas dit : «Attention !». J’étais tellement positive. Je lui ai tellement transmis cet
enthousiasme qu’il n’y avait plus aucune barrière et que forcément j’allais y arriver ! [...].
En fait, je me plaisais dans ce que je faisais avant. Mais vu l’expérience négative que
j’ai eue, j’ai voulu complètement changer de secteur. Mais peut-être que ce secteur, au
final, m’aurait convenu. En changeant d’entreprise. Mais comme j’étais [très] négative,
du coup, on ne s’est pas du tout focalisés là-dessus [...]. Je me suis engouffrée là-dedans,
suite à ce qui s’est passé [dans mon ancienne entreprise]. Est-ce que ça a été la meilleure
solution ? Je ne sais pas », déplore une répondante, passée du métier de logisticien
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à celui de peintre décorateur. Les comportements de « fuite » des bénéficiaires sont
effectivement très classiques et traduisent un manque de recul, de lucidité et de discer-
nement suite à un échec passé. C’est notamment le cas des personnes qui sont rentrées
en conflit avec leur ligne managériale. En effet, elles ont tendance à généraliser la situa-
tion difficile vécue hic et nunc. Le désir de changer de voie du jour au lendemain – en
prenant parfois un virage à 180° – traduit alors simplement une volonté de solder une
expérience douloureuse. Ainsi, une relation conflictuelle avec un N+1 et/ou un N+2 dans
une entreprise donnée débouche souvent sur un rejet complet du parcours formatif et
professionnel antérieur de la personne, là où un simple changement de structure ferait
peut-être l’affaire. Ceci dit, lorsqu’un consultant provoque suffisamment de doutes chez
le bénéficiaire à travers son questionnement, cela peut amener ce dernier à prendre
conscience des biais cognitifs qui sont les siens dans sa démarche. Le conseiller peut
aussi mettre le bénéficiaire en relation avec des experts-métiers qui lui permettront
de réaliser que ses projets de réorientation ne sont pas forcément judicieux au regard
de son profil : « Mon souhait [c’était de] changer de secteur, de changer de métier [...].
C’est [lié] à l’environnement, qui était quand même assez difficile à l’époque [...]. Il y avait
des choses qui m’intéressaient, des métiers, des environnements différents. Mais c’était
aussi une fuite de l’environnement [de travail] dans lequel j’étais. C’est ce dont je me
suis rendu compte ensuite grâce au bilan de compétences », se rappelle, par exemple,
une personne qui a conservé son métier d’origine après avoir envisagé une reconversion
jugée périlleuse par les experts rencontrés durant son bilan de compétences.
Si tout le travail d’investigation effectué au cours de cette période est évidemment
un élément prépondérant du processus de résilience, il n’en demeure pas moins que
le « rebond » ne peut être réellement achevé que lorsque le bénéficiaire a retrouvé un
travail stable et satisfaisant. Or, ce n’est pas le cas des personnes qui sont au chômage
ou qui suivent une formation à l’issue du bilan : « Le but d’un bilan, c’est de rebondir
professionnellement. Aujourd’hui, [ce n’est pas le cas] [...]. On ne pourra dire que j’ai
96 @GRH • 05/2012

rebondi professionnellement que [lorsque] j’aurai décidé de créer mon entreprise après
la formation », fait ainsi remarquer une répondante. Bien souvent, le conseiller ne fait
donc qu’amorcer un processus de reconstruction sur le plan professionnel, car la phase
de renouvellement est rarement concrétisée à l’issue des 24H. À ce titre, les personnes
qui ont connu – ou qui connaissent – une longue attente avant de retrouver un travail
regrettent qu’il n’y ait pas de suivi formel à six mois et/ou à un an de la part du CIBC 33.
Ils se sentent un peu abandonnés du jour au lendemain, alors qu’ils ont bénéficié d’un
soutien précieux et rassurant pendant toute la durée du dispositif 9 : « [Pendant cette
période de chômage], il n’y a plus eu de contacts [...]. [Il y a] peut-être une petite forme
de regret [...]. [J’aurais souhaité] qu’il y ait quand même un petit suivi [...]. Dans le bilan
de compétences, on avait identifié des pistes et puis des actions à mener pour arriver à
ces objectifs. Et, du jour où on a fait la dernière séance, il ne s’est plus rien passé ! Donc
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peut-être qu’une prise de contact au bout [de quelques] mois, pour voir un petit peu où
j’en étais sur les actions que l’on avait définies, ça aurait été bien [...]. Je pense que ça
aurait été appréciable ! », souligne l’un d’entre eux, après avoir attendu huit mois avant
de retrouver un emploi. Profitons justement du caractère rétrospectif de cette étude
pour voir si les individus ont su tirer les enseignements de leurs déconvenues.

Tableau N°4 : Tableau de synthèse sur la dimension « renouvellement »

Paragraphe Idée clef Lien avec le renouvellement


§1 Travail méthodique sur un projet de La reconstruction d’un projet
carrière. professionnel suppose un travail de
formalisation des compétences.
§2 Posture du conseiller refusant le La reconstruction d’un projet
rôle d’expert. professionnel se fait selon une
communication dialogique.
§3 Posture du conseiller cherchant à La reconstruction d’un projet
provoquer le doute. professionnel suppose de transférer
des modalités de questionnement.
§4 Absence de suivi dans le temps par La reconstruction d’un projet
rapport au projet professionnel. professionnel n’est pas achevée à la
fin du bilan de compétences.

[9] Certains financeurs demandent à ce qu’un suivi à six mois soit opéré, à travers l’envoi d’un questionnaire. Cepen-
dant, d’une façon générale, le CIBC 33 a très peu d’informations sur le devenir des bénéficiaires. De simples contacts
informels – très ponctuels – existent parfois entre ces derniers et les conseillers : « [On ne sait] pas du tout [ce que les
bénéficiaires deviennent] ! S’ils ne se rapprochent pas de nous pour nous dire où ils en sont, on ne sait pas ! », reconnaît
ainsi une consultante.
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 97

›› 3.3. Appropriation
Nous avons vu précédemment que le travail de formalisation des compétences permet
aux bénéficiaires d’apprendre sur eux-mêmes et de mieux se connaître. Plus exacte-
ment, ils mettent des mots sur des choses dont ils avaient conscience sans forcément
savoir les exprimer. Ils se rendent compte également de l’étendue des ressources qu’ils
peuvent mobiliser et mettre en avant pour retrouver un travail. Les individus déclarent
aussi que le bilan de compétences leur a permis de « prendre du recul ». Pourtant,
les entretiens que nous avons réalisés laissent apparaître que ces derniers tirent très
peu d’enseignements de leurs déboires. En effet, on constate que, plusieurs mois après
avoir achevé leur bilan de compétences, les bénéficiaires continuent de rattacher leurs
échecs à des facteurs uniquement externes – tels que la ligne managériale ou la crise
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économique, par exemple – afin de ne pas paraître responsables de cette situation. Les
propos ci-après constituent un exemple de ces phénomènes d’externalisation : « [Il y
avait] des désaccords entre les différentes hiérarchies. Moi, je me situais un petit peu au
milieu. Sachant que ma hiérarchie directe ne me soutenait pas vraiment en fonction des
différents points qui étaient abordés. Ils sont restés vraiment en-dehors […]. J’ai préféré
partir, plutôt que de subir encore des pressions morales [...]. En fait, il y a eu un change-
ment de hiérarchie N+2 [et] ça se passait moins bien qu’auparavant [...]. J’ai commencé à
avoir des petites remarques orales. C’était toujours assez sournois. Et puis je n’avais pas
de définition de poste. Donc, moi, je demandais à en avoir une. Et puis on reculait tou-
jours l’échéance. Et puis, une fois qu’on me l’a donnée, on a mis des axes d’amélioration
à réaliser en deux mois. Et puis, au bout de deux mois, on m’a dit que je ne convenais plus
au poste, alors que j’y travaillais depuis trois ans ! [...] Mais tout ça, jamais écrit. Tout ça,
très oral [...]. Et donc, plutôt que de continuer à travailler dans ces conditions, j’ai préféré
partir ! ». Ce point est d’ailleurs ouvertement reconnu par les conseillers en bilans de
compétences, qui s’accordent à dire qu’il s’agit là d’une réaction typique en cas d’échec.
Cette absence de remise en question de la part des bénéficiaires pourrait sembler, à
première vue, paradoxale vu que nous avons expliqué précédemment que ces derniers
doutaient énormément d’eux-mêmes du fait de leur échec. On pourrait ainsi penser
qu’ils ont perdu confiance en eux précisément parce qu’ils s’attribuent l’entière respon-
sabilité de leurs déboires. En pratique, ce n’est pas ce que l’on observe et les personnes
interrogées tiennent des discours assez ambivalents. En fait, elles s’interrogent sur leur
propre valeur, mais n’envisagent pas réellement avoir pu jouer un rôle quelconque dans
l’échec auquel ils ont été confrontés10. D’ailleurs, vu que le bilan de compétences répond

[10] Seule une personne note qu’elle aurait pu déceler plus rapidement des signaux avant-coureurs des difficultés à
venir. Mais, là encore, le conflit initial est attribué aux pressions excessives du management : « Quand on tombe dans
une pression toujours très négative, c’est destructeur ! [...]. À la fin, il y avait un ras-le-bol, parce que c’était une pression
de la part de ma hiérarchie qui était importante. Il y avait beaucoup coups de bâtons et pas beaucoup de carottes ! [...]. On
98 @GRH • 05/2012

à une logique de valorisation et permet d’identifier l’étendue des compétences détenue


par la personne, celle-ci se conforte finalement dans l’idée que l’échec n’était pas dû à
son manque de compétences, mais bien à des causes externes. La réassurance passe
donc par une certaine forme d’auto-complaisance de la part des bénéficiaires.
La posture de « neutralité bienveillante » du conseiller en bilan de compétences entre-
tient ce manque de réflexivité des individus. En effet, s’il est là pour provoquer des
doutes chez le bénéficiaire à travers son questionnement, le consultant se refuse à
écarter ouvertement le cadre de référence de son interlocuteur. Au contraire, il cherche
à saisir sa logique et son mode de raisonnement, préférant jouer le rôle du candide,
plutôt que celui de l’expert : « C’est sa lecture ! C’est sa lecture ! J’essaye de rester
neutre autant que faire se peut. Et d’entendre ce [que la personne] me dit. Mais, dans
tous les cas, de ne pas me positionner par rapport à ça […]. J’essaie de me concentrer
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sur la personne que j’ai en face de moi à un moment précis, et puis avec ses peurs, ses
douleurs […]. C’est sa logique. C’est sa vision. C’est sa parole. Moi, je la reçois. [Je ne
le contredis pas] », note ainsi une conseillère. Rappelons-nous effectivement que les
personnes en situation d’échec sont très marquées psychologiquement par leur décon-
venue. Aussi, les consultants cherchent prioritairement à les soutenir moralement et à
les rassurer, plutôt qu’à rentrer dans une logique de contradiction pouvant être perçue
comme un jugement – voire comme une nouvelle agression – par les bénéficiaires. Cela
risquerait surtout de créer un climat de défiance entre le bénéficiaire et le conseiller, qui
empêcherait ensuite de faire le travail d’investigation en toute sérénité. Cette posture
d’encouragement et de valorisation peut toutefois enfermer encore plus la personne
dans son externalisation : « [Mon conseiller] m’a démontré par A+B que toutes les fautes
que l’on m’avait incombées, c’était du grand n’importe quoi ! », retient ainsi une répon-
dante. En fait, plus l’individu semblera marqué psychologiquement par son expérience
malheureuse, moins le conseiller cherchera à le mettre face aux limites de son analyse :
« [Mon rôle par rapport à ce phénomène d’externalisation] dépend de l’état de la per-
sonne, j’ai envie de dire. C’est-à-dire que souligner des incohérences, c’est la mettre
face à ses incohérences. Il faut y aller, quand même, avec des pincettes ! Parce qu’on n’a
que 24H. Et donc il ne faut pas, non plus, aller là où on ne peut pas gérer ! [...] Donc si
je sens que je ne peux pas gérer, parce que je sens que la personne est trop mal, [je ne
vais pas], en plus, la titiller [...]. Il y a quelques personnes qui ne sont pas en très bon état
[quand elles viennent nous voir] et, du coup, là, il faut vraiment avancer tout doucement
[...]. [Dans ce cas-là], il faut faire vraiment très attention à la façon dont on présente les

n’est pas uniquement des pions qu’on peut déplacer comme ça ou qu’on peut traiter d’une manière que, moi, je ne trouve
pas correcte ! Pas respectueuse ! [...]. Au début, on est nouveau, donc on dit «oui» un peu à tout ! Et puis, après, on se rend
compte qu’on nous en demande toujours plus, et puis on nous impose toujours plus, et puis ça ne s’arrête pas ! Et puis,
il y a un moment, où on se dit qu’il y a quand même des barrières. C’est là où on rentre dans une relation conflictuelle. Et
puis, après, c’est assez difficile de s’en sortir ! ».
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 99

choses, au vocabulaire utilisé, au ton utilisé. Pour que la personne sente que c’est, de
notre part, une démarche bienveillante et pas une agression supplémentaire ! », résume
une consultante.
En définitive, les bénéficiaires ne semblent pas faire évoluer leur analyse au cours du
bilan. Ils arrivent, dès le départ, avec des convictions profondes sur l’expérience vécue
et n’ont généralement pas modifié leurs représentations sur la situation aux termes des
24H. Au contraire, ils restent solidement ancrés sur leurs positions initiales : « [L’ana-
lyse], je l’avais faite avant le bilan de compétences, par moi-même […]. C’est une ana-
lyse personnelle », note ainsi une bénéficiaire. La contrainte temporelle est, de toute
façon, un frein à la réflexivité, parce que le conseiller en bilan de compétences a des
objectifs à atteindre – à commencer par mettre sur pied un plan d’action avec le béné-
ficiaire – et parce que son travail est évalué in fine par rapport à cela. Le bénéficiaire
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est donc aussi un « client » à satisfaire11. D’ailleurs, les conseillers soulignent qu’ils
font preuve de souplesse et adaptent le dispositif en fonction des besoins de chaque
personne : « On est sur les trois grandes étapes [classiques du bilan de compétences].
Après, ça, c’est la théorie ! Dans la pratique, il se peut que je ne sois pas du tout ame-
née à suivre cet ordre-là. Alors, commencer par le parcours de la personne, oui. Mais
j’essaye, le plus possible, d’adapter à la demande de la personne [...]. J’essaye que le
dispositif soit le plus souple possible », explique une intervenante du CIBC 33. Or, les
bénéficiaires n’ont pas vraiment d’attentes en termes d’apprentissage, précisément
parce qu’au moment d’entamer le bilan ils estiment avoir déjà une assez bonne idée de
ce qui leur est arrivé lors de cette expérience. N’ayant pas conscience d’externaliser, ils
souhaitent ainsi « tourner la page » et aller de l’avant : « On a parlé de [mon expérience
de création d’entreprise]. Bien sûr qu’on l’a évoquée, mais, bon, le but n’est pas de se
lamenter sur ce qui n’est plus ou sur ce qui ne peut pas avancer ! On en a parlé, bien sûr.
Mais bon, malheureusement, je suis obligée d’avancer. Je ne peux pas rester sur ce qui
est fini », note ainsi une personne contrainte au dépôt de bilan. En fait, les individus qui
se présentent au CIBC 33 ont une vision restrictive du bilan de compétences, comme
outil permettant de travailler sur les compétences détenues et transférables, ainsi que
sur celles à acquérir en vue de trouver un emploi.

[11] Ce terme de « client » est délibérément écarté au CIBC 33, alors qu’il est utilisé dans les cabinets de conseil.
100 @GRH • 05/2012

Tableau N°5 : Tableau de synthèse sur la dimension « appropriation ».

Paragraphe Idée clef Lien avec l’appropriation


§1 Absence de remise en L’appropriation suppose
question du bénéficiaire. d’identifier son degré de contrôle
dans l’expérience vécue.
§2 Posture d’encouragement L’appropriation suppose une
de valorisation et délibération neutre en dehors
d’encouragement du de toute considération de l’état
conseiller. psychologique de l’individu.
§3 Analyse de l’échec L’appropriation suppose que
non prioritaire pour le le bénéficiaire n’ait pas la
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bénéficiaire. conviction, dès le départ, qu’il
sait ce qui s’est passé.

Après avoir montré le rôle du conseiller en bilan de compétences dans chacune des trois
dimensions du processus de résilience, mettons désormais en évidence les principales
avancées permises par cet article sur les plans théorique et pratique. Au préalable,
précisons que même si notre problématique est centrée sur le conseiller en bilan de
compétences, notre étude supposait également d’examiner le comportement du béné-
ficiaire. Ainsi, par exemple, en matière d’appropriation, nous avons été amenés à nous
demander :
–– d’une part, si le client est capable de s’approprier un vécu douloureux, mais poten-
tiellement riche d’opportunités formatives, et, si oui, dans quelles conditions et sous
quels délais ;
–– d’autre part, si le conseiller est bien formé et préparé à la tâche qui lui incombe et
s’il utilise les pratiques, méthodes et outils qui conviennent pour susciter l’évolution
positive espérée chez le client.
En l’occurrence, si le bénéficiaire est aussi présent dans notre analyse du rôle du conseil-
ler en bilan de compétences, c’est parce que nous adoptons ici la perspective de Lhotellier
(2003). Autrement dit, le consultant n’est pas envisagé comme celui qui détient un savoir
supérieur à celui de l’individu et qui doit à ce titre « donner des conseils ». Il se met au
contraire en retrait et questionne le bénéficiaire pour l’aider à conscientiser les choses, à
faire preuve de discernement dans ses analyses et à devenir un acteur autonome de son
parcours professionnel. Autrement dit, étudier le discours et l’attitude post-bilan de com-
pétences d’une personne ayant connu un échec professionnel permet de faire apparaître,
en creux, l’impact du consultant sur le processus de résilience de cet individu.
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 101

4. DISCUSSION
Dans la littérature en management, on trouve très peu d’études permettant d’évaluer
l’efficacité du bilan de compétences (Kop et al., 1997 ; Doublet, 2006). L’intérêt premier
de ce manuscrit est donc de se pencher sur la question des effets du bilan de compé-
tences, sous l’angle spécifique de la résilience individuelle. Il s’agit là d’une approche
d’autant plus intéressante que la presse managériale multiplie, depuis quelques années,
les discours de plus en plus emphatiques sur les vertus thérapeutiques de l’échec. En
2007, le mensuel Management publiait, par exemple, un dossier spécial intitulé « Tirez
parti de vos erreurs ! », dans lequel les journalistes nous expliquent que l’échec rend
plus fort et fait progresser. En 2011, le discours de la revue est encore plus incantatoire
à travers un article baptisé « Sachez transformer vos échecs en opportunités ! », sou-
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lignant qu’un coup dur est parfois une chance, à condition de savoir prendre le recul
nécessaire pour bien analyser la situation. Un mois plus tôt, le magazine Enjeux-Les
Échos sortait un texte dans la même veine, au titre tout aussi évocateur : « Manage-
ment : vive l’échec ! ». Il nous est alors précisé que derrière un ratage se cache souvent
une forte créativité, source d’innovation. Certains de nos répondants tiennent d’ailleurs
des propos symptomatiques de cette image d’Épinal, à commencer par ceux qui nous
renvoient à la célèbre citation de Friedrich Nietzsche : « Ce qui ne me tue pas me rend
plus fort ! ». Pourtant, notre étude confirme que le mot « échec » a une connotation
toujours aussi négative, voire infamante, dans notre société (Sitkin, 1992 ; Leonard-
Barton, 1995). Les conseillers évitent ainsi soigneusement d’utiliser ce terme pour avoir
une considération positive à l’égard de la personne et ne pas donner le sentiment de
la dévaloriser à travers un mot jugé trop lourd de signification et trop dur. Quant aux
bénéficiaires, ils parlent beaucoup plus volontiers de « situations difficiles » au cours des
premières séances. Le caractère stigmatisant de ce vocable trouve son origine dans une
valeur très profondément et historiquement enracinée dans notre culture : c’est l’idée
que l’erreur est la manifestation du mal et qu’elle doit être sanctionnée, afin qu’elle ne
se reproduise plus (Prax, 2000). En définitive, l’idée d’un échec positif, source d’appren-
tissage, relève – aujourd’hui encore – beaucoup plus du mythe que de la réalité. Pour
autant, si le déni peut être considéré parfois comme un frein à l’apprentissage en situa-
tion d’adversité (Cusin, 2008), il convient de souligner ici que les bénéficiaires ont tout
à fait conscience de leurs déboires. Tous finissent d’ailleurs, à un moment ou à un autre
du bilan, par parler ouvertement d’échec. Rappelons effectivement que ce dispositif est
fondé sur une démarche volontaire de la part des individus. Autrement dit, se présenter
au CIBC 33 constitue déjà, en soi, un premier signe indiquant que la personne admet
avoir rencontré des difficultés. De surcroît, le temps important consacré à la phase
préliminaire rend quasiment inévitable le « grand déballage » des bénéficiaires. Il ne
faut donc pas chercher de ce côté-là pour expliquer le manque de réflexivité à l’occasion
102 @GRH • 05/2012

d’un bilan de compétences. En revanche, le tableau N°6, ci-dessous, propose un certain


nombre d’explications rivales, qui constituent autant d’apports de cette recherche.

Tableau N°6 : Les freins à l’apprentissage par l’échec


dans le cadre du bilan de compétences

Refus de la Les conseillers du CIBC 33 sont dans une posture idéologique de non
confrontation jugement et de neutralité bienveillante. Ils refusent le rôle d’expert
directe. et n’interviennent pas de façon directe face à un bénéficiaire qui
externalise l’échec.
Temps limité à Le bilan de compétences ne dure que 24H et la phase d’investigation
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la disposition du est très chronophage. Or, c’est le cœur de métier du conseiller, qui est là
conseiller. pour accompagner le bénéficiaire dans sa transition de carrière.
Volonté des Les bénéficiaires du bilan de compétences n’attendent pas de ce
bénéficiaires de dispositif qu’il leur permette de réfléchir à une situation d’échec qu’ils
tourner la page. pensent avoir déjà analysé. Ils souhaitent aller de l’avant – en travaillant
sur l’élaboration d’un projet professionnel – et ne plus forcément revenir
sur cette expérience passée.
Évaluation du Même si ce vocable n’est pas utilisé au CIBC 33, le bénéficiaire est aussi
conseiller par le un client que les conseillers cherchent à satisfaire. Ils ne vont donc pas
bénéficiaire. aller réellement à l’encontre de quelqu’un qui est chargé in fine de les
évaluer. A fortiori parce que l’évaluation en question sera ensuite prise
en compte par le directeur de l’établissement.
État Remuer le couteau dans la plaie peut s’avérer très douloureux pour des
psychologique personnes durement touchées par l’échec. L’approche ne se voulant
du bénéficiaire. pas médico-thérapeutique, le conseiller peut préférer préserver l’état
psychologique de son interlocuteur.
Volonté de Le travail ultérieur d’investigation suppose que le bénéficiaire ait
maintenir confiance en son conseiller, sinon il peut être bloqué. Ne pas aller
un climat de trop directement à l’encontre de la personne permet ainsi d’éviter des
confiance. comportements défensifs.

Cette étude nous permet aussi de retrouver des biais cognitifs extrêmement classiques,
dont on sait qu’ils empêchent les personnes interrogées de conduire une analyse effi-
cace de l’échec. En particulier, nous avons constaté l’omniprésence du biais d’auto-com-
plaisance chez nos interlocuteurs. Pour Miller et Ross (1975), en situation d’ambiguïté,
un acteur a effectivement tendance à attribuer les causes de ses réussites à ses dispo-
sitions personnelles et celles de ses échecs à des facteurs externes à sa personne – tels
que la malchance, par exemple – afin de ne pas paraître responsable de cette situation.
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 103

Nous avons vu que les auteurs voient notamment dans la manifestation de ce biais une
tentative ou un désir de protéger son estime de soi. Cette posture soulève d’ailleurs un
véritable paradoxe chez les bénéficiaires12 :
–– D’un côté, ils évoquent les reproches de leur management qui les font douter de leurs
compétences et de leurs comportements. On décèle ainsi une perte de confiance et
une remise en question des individus.
–– D’un autre côté, ils attribuent systématiquement l’échec au management sans s’in-
terroger sur leur propre attitude. On constate alors un biais d’externalisation et une
absence de remise en question des personnes.
À ce titre, on peut certainement faire le lien ici avec le phénomène de dissonance cogni-
tive (Festinger, 1962), défini comme un état de tension désagréable dû à la présence
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simultanée de deux cognitions (idées, opinions ou comportements) psychologiquement
inconsistantes13. L’individu va alors rationaliser a posteriori dans l’analyse de son expé-
rience malheureuse, en rejetant la faute sur « les autres », afin d’éliminer les contradic-
tions existantes dans son esprit. Ce faisant, il va reprendre confiance en lui (cf. figure
N°1). Or, en évitant de s’interroger sur son propre comportement, il augmente le risque
de reproduire certaines erreurs à l’avenir (Shepherd, 2003).

Figure N°1 : Le biais d’auto-complaisance comme moyen de réduire


la dissonance cognitive

Si le bénéficiaire ne tire pas les leçons de son expérience durant le bilan de compé-
tences, c’est aussi parce que le conseiller ne se pose pas réellement en contradicteur
du syndrome « l’ennemi est en-dehors » (Senge, 1991). Plusieurs auteurs soulignent
effectivement les vertus de la divergence de vue pour éviter de tomber dans l’écueil

[12] Nous reprenons ici le cas d’individus licenciés pour faute.


[13] www.psychoweb.dnsalias.org
104 @GRH • 05/2012

d’un apprentissage mal fondé. Dit autrement, il ne saurait y avoir de réflexivité sans
confrontation d’idées (Levitt et March, 1988 ; Leonard-Barton, 1995). En somme, la
« neutralité bienveillante » du conseiller et sa posture de « non jugement » brident les
capacités critiques du bénéficiaire, qui reste prisonnier de ses convictions profondes.
En prenant le parti de la reformulation, le consultant va effectivement s’approprier le
cadre de référence de son interlocuteur, au lieu de lui proposer d’autres interprétations
pour stimuler sa réflexion. Dès lors, vu qu’il n’est pas réellement confronté à d’autres
perspectives que les siennes, l’individu ne remet pas en question son analyse sponta-
née de la situation, qui reste figée tout au long du bilan. On touche là, par conséquent,
aux limites de « l’effet miroir » et de la non-directivité – inspirés de l’approche rogé-
rienne (Rogers, 1942) – en matière d’apprentissage par l’échec. Ainsi, le fait pour le
consultant de se centrer sur les perceptions du bénéficiaire par rapport à l’expérience
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vécue et de les accepter en l’état, mais aussi de croire sans réserve en ses possibilités
de compréhension de la situation et d’évolution (Doublet, 2006), semble constituer un
frein à l’apprentissage. D’ailleurs, notre étude ne permet pas de confirmer les résultats
de Doutre (2003) ou Robert et Cuny (2000), selon lesquels le bilan de compétences
renforce l’internalité chez les bénéficiaires. Au contraire, la considération systémati-
quement positive du conseiller et sa démarche continue de valorisation renforcent le
biais d’auto-complaisance, car les individus sont alors convaincus que le problème ne
vient pas d’eux, mais bien de l’environnement externe. En effet, comment croire que
l’on puisse avoir une part de responsabilité dans l’échec quand on a la certitude d’être
extrêmement compétent suite au travail de formalisation réalisé avec le consultant ?
Il s’agit là d’un constat important. En effet, la littérature souligne traditionnellement
l’importance d’un « environnement psychologiquement rassurant » en matière d’appren-
tissage par l’échec. C’est le seul moyen, nous dit-on, pour que les individus ne soient
pas sur la défensive et s’expriment librement sur ce qui n’a pas marché et notamment
sur les erreurs commises, sans être stigmatisés (Sitkin, 1992 ; Carmeli et Gittel, 2009).
Nous montrons néanmoins ici qu’une sécurité psychologique excessive – fondée sur une
recherche permanente de valorisation des bénéficiaires – défavorise l’apprentissage par
l’échec, car elle a tendance à conforter l’individu dans ses schémas de pensée initiaux.
De même, il semble que la littérature sur la résilience porte en elle une contradiction.
Ainsi, un individu résilient a besoin d’estime de soi pour faire face à l’échec (coping).
Cela lui permet effectivement de prendre conscience de sa capacité à agir sur son envi-
ronnement à travers le jugement qu’il a de son efficacité (Bout-Vallot, 2008). Toutefois,
pour préserver cette estime de soi, l’individu sombre souvent dans la « victimisation »
(Margolis et Stoltz, 2010). Autrement dit, pour absorber le choc, l’individu développe
une attitude d’externalisation qui l’empêche d’opérer une analyse lucide de la situation
douloureuse qu’il vient de vivre. Or, la réflexivité sur les évènements vécus fait partie
intégrante du processus de résilience. Ainsi, au lieu de se confronter objectivement à la
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 105

réalité de l’échec et de tenter de résoudre les problèmes qui ont pu aboutir à une telle
issue, le bénéficiaire préfère être dans le contrôle de ses émotions, en niant sa part
de responsabilité et en cherchant le soutien indéfectible de son conseiller (Weiss et
Cropanzano, 1996). Par son empathie, ce dernier entretient ce phénomène de fuite. Pour
préparer au mieux la phase d’investigation et préserver un climat d’échange serein, le
consultant préfère effectivement redonner confiance à son interlocuteur en évitant de
le contredire ouvertement, lui empêchant ainsi de prendre du recul sur son expérience
passée.
En outre, en règle générale, le bénéficiaire ne souhaite pas spécialement s’appesantir
sur son échec, sa principale préoccupation étant de réfléchir à ses choix de carrière et
d’élaborer une feuille de route pour les mois et années à venir. Signe d’un souci mani-
feste de coller le plus possible aux attentes de leurs « clients », les conseillers du CIBC
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33 ont alors tendance à minorer leur rôle et ne se voient pas forcément comme des
tuteurs de résilience. Plus exactement, ils ont surtout l’impression d’intervenir au niveau
du renouvellement de la personne post-choc, non seulement en l’aidant à élaborer et à
mettre en œuvre un projet professionnel, mais aussi en lui transmettant une méthode
d’investigation qui lui permettra de devenir acteur de sa propre carrière (Waterman
et al., 1994). Les consultants se sentent finalement assez peu concernés par les deux
autres aspects du processus de résilience, que sont l’absorption et l’appropriation du
choc. Tout au plus concèdent-ils contribuer à amorcer un processus de résilience chez
les bénéficiaires. Là encore, ce point est crucial. En effet, on retrouve ici l’idée selon
laquelle ledit processus possède une certaine épaisseur temporelle nécessaire à son
élaboration et à sa maturation (Hollnagel et al., 2009), et ce pour deux raisons au moins :
–– La première est liée au fait que le bilan de compétences permet certes à des
personnes, moins marquées psychologiquement par l’échec de se relever plus rapi-
dement, mais il ne dure pas suffisamment longtemps pour que tous les bénéficiaires
achèvent réellement leur travail de deuil. Autrement dit, l’absorption du choc ne peut
pas toujours être terminée à l’issue des 24H. Elle est pourtant un préalable à la
reconstruction d’un projet professionnel (Kirk, 1994). À titre d’exemple, la tendance
des individus à fuir leur environnement de travail actuel suite à un échec illustre les
risques d’une réflexion prématurée sur les choix de carrière.
–– La seconde est liée au fait que la mise en œuvre du projet professionnel se fait,
elle aussi, à moyen/long terme. Ainsi, lorsqu’il achève son bilan de compétences, le
bénéficiaire a souvent devant lui un long chemin à parcourir (formation, recherche
d’emploi,...), a fortiori lorsqu’il a fait le choix d’un changement radical de carrière. Dès
lors, le renouvellement de la personne est rarement terminé au moment où le lien
formel se rompt avec le conseiller. Ce point est d’ailleurs lié au précédent, car une
personne tournera d’autant moins facilement la page d’une expérience malheureuse
qu’elle n’aura pas retrouvé un poste stable.
106 @GRH • 05/2012

À l’arrivée, le cadre réglementaire du bilan de compétences semble aujourd’hui un peu


trop rigide (Pralong, 2010) pour aider réellement l’individu à aller au terme de son pro-
cessus de résilience. Le conseiller ne peut – au mieux – qu’initier ce travail-là. Cette
conclusion ouvre ainsi la voie à une première recommandation.

5. APPLICATIONS POUR L’ACTION


Une réelle aide à la construction de la résilience individuelle supposerait effectivement
un suivi dans le temps des bénéficiaires. Le directeur du CIBC 33 a d’ailleurs tout à fait
conscience des limites actuelles du dispositif de droit commun : « Il y a une chose qui me
préoccupe aujourd’hui, c’est comment décloisonner temporellement l’accompagnement
en orientation ? Comment opérationnaliser l’orientation tout au long de la vie ? J’ai le
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sentiment que le bilan de compétences a plus de passé que de futur ! Considérant que
cette approche d’un entretien par semaine, sur huit semaines, sur 24H de temps, ne
correspond pas à la vraie vie et aux vrais besoins. Les besoins, c’est : j’ai besoin de venir
vous voir trois fois dans la semaine, et de ne pas vous voir pendant quatre mois. Et puis,
quatre mois plus tard, avoir besoin de vous voir, parce que j’ai besoin d’un conseil de
carrière. Et ce tout au long de la vie ». D’ailleurs, certains bénéficiaires appellent impli-
citement de leurs vœux cette approche longitudinale, car ils se sont sentis quelque peu
abandonnés à l’issue des 24H. Autrement dit, le bilan de compétences ne doit surtout
pas se limiter à un simple inventaire des qualifications détenues par les bénéficiaires et
des postes auxquels ils pourraient postuler à un instant T, compte tenu de leur profil. A
fortiori dans un environnement socioéconomique que tout le monde s’accorde à recon-
naître comme particulièrement turbulent. L’idéal serait donc de faire évoluer le rôle du
conseiller en transition de carrière vers celui de tuteur de résilience, en envisageant
un accompagnement personnalisé dans le temps. En effet, au regard de notre étude, il
apparaît clairement que les individus en situation d’adversité sur le plan professionnel
ont besoin d’une « béquille », sur longue période, pour les soutenir dans leur processus
de résilience.
L’une des principales dérives d’un bilan de compétences circonscrit dans le temps est
la perspective étriquée qui peut en résulter progressivement dans l’esprit des béné-
ficiaires. À ce jour, la demande exprimée par les « clients » est déjà très restrictive
et court-termiste, faisant fi de toute démarche d’apprentissage autour de l’expérience
vécue. Or, l’absence de réflexivité des bénéficiaires – qui sont pressés d’entamer la
phase d’investigation – pose d’autant plus de problèmes qu’elle influence forcément
leur projet professionnel. Ainsi, par exemple, attribuer le dépôt de bilan de l’entreprise
que l’on a créée à l’environnement socioéconomique peut conduire une personne à écar-
ter définitivement toute ambition entrepreneuriale. Elle en déduira effectivement que
tout nouvel investissement est irrationnel, compte tenu du contexte externe. Välikangas
et al., (2009) parlent de « trauma d’innovation » pour décrire un tel comportement de
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 107

frilosité post-déconvenue14. Dès lors, il paraît indispensable d’aider les entrepreneurs


en situation d’échec à faire preuve de résilience. L’objectif des conseillers ne doit pas
être – bien entendu – de les encourager à foncer de nouveau « tête baissée », mais
plutôt de leur permettre de prendre conscience de leurs erreurs afin qu’ils évitent de les
reproduire. En définitive, le conseiller en bilans de compétences doit envisager de pas-
ser d’une posture de « neutralité bienveillante » à celle de « contradiction bienveillante ».
Il ne s’agit plus, dans ce cas-là, de valoriser la personne de façon inconditionnelle et, ce
faisant, de l’enfermer dans l’illusion qu’elle a agi de façon irréprochable. Au contraire,
il convient de l’aider à prendre conscience qu’échouer n’a absolument rien d’une abomi-
nation, qu’il s’agit là d’une situation quasiment inévitable dans une carrière (en citant
éventuellement des exemples célèbres : Henry Ford, Richard Branson, Steve Jobs,...) et
que cette mésaventure est riche de signification sur le comportement professionnel de
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la personne. En arrivant ainsi à créer du sens autour de son expérience malheureuse –
en combinant facteurs internes et externes dans son analyse – le bénéficiaire sera alors
mieux armé pour élaborer et mettre en œuvre son projet professionnel. Selon cette
perspective, le travail du consultant consisterait alors à dédramatiser l’échec, au lieu
d’éviter systématiquement l’utilisation de ce terme. L’individu préserve ainsi son estime
de soi, non plus parce qu’il externalise l’échec, mais parce qu’il comprend qu’échouer
n’a rien de honteux. Ghiglione et Blanchet (1991) rappellent, à ce sujet, que les contra-
dictions entre les représentations du sujet et la réalité entraînent la constitution de
schémas cognitifs déficients du type « pour valoir quelque chose je dois réussir tout ce
que j’entreprends » (Doublet, 2006), qui vont nécessairement avoir une incidence néga-
tive sur le comportement de l’individu confronté à un échec, en l’empêchant notamment
de progresser.
Il s’agit finalement pour le conseiller de générer de la diversité cognitive – pour réfléchir
aux erreurs éventuellement commises – tout en réussissant à préserver un climat de
confiance. L’individu ne peut évidemment pas exprimer spontanément cette attente,
dès lors qu’il n’a pas conscience d’être victime du biais d’auto-complaisance. C’est donc
au conseiller de le convaincre des vertus d’une telle démarche, au moment de l’analyse
de la demande. Il est clair néanmoins qu’accepter l’approche que nous préconisons ici
n’est pas chose aisée à l’heure où le CIBC 33 répond – comme tous les autres éta-
blissements – à une logique financière et cherche à satisfaire les attentes spontané-
ment exprimées par ses « clients ». Pour autant, nous restons convaincus que les trois

[14] Le cas d’une créatrice d’entreprise contrainte au dépôt de bilan illustre ce phénomène : « Maintenant, c’est vrai
que je reste un peu bloquée. Je n’arrive pas à me réinvestir plus profondément […]. J’ai vraiment le frein à main ! […].
On se dit : «Bon, quoiqu’on fasse, de toute façon, il y a une morosité économique». Franchement, ce n’est pas gai ! Quand
vous allumez la télé, que vous regardez les informations, il y a toujours des [mauvaises nouvelles]. On n’est pas un monde
d’effervescence ! Il y a quelques années, ce n’était pas du tout pareil ! On pouvait faire des projets, on pouvait [investir].
Maintenant, ça devient de plus en plus difficile, parce que tout peut basculer du jour au lendemain ! […]. En France, je
ne ferai pas de projet ! ».
108 @GRH • 05/2012

dimensions de la résilience (absorption du choc, renouvellement et appropriation) sont


intimement liées et qu’on ne peut pas travailler sur le projet professionnel sans faire, en
parallèle, un travail de deuil et de réflexion post-mortem. En effet, comment construire
un plan de carrière si l’individu n’a pas digéré son traumatisme ? De même, à quoi
cela sert-il d’élaborer une feuille de route si les mêmes causes produisent – à moyen
terme – les mêmes effets ?

6. LIMITES DE LA RECHERCHE ET PROLONGEMENTS


POSSIBLES
À ce stade de notre recherche exploratoire, il semble toutefois utile de nuancer nos
résultats, et notamment leur potentiel de généralisation à l’ensemble des conseillers en
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bilan de compétences accompagnant des personnes en situation d’échec professionnel.
Au niveau de la validité interne et externe de notre travail, deux limites importantes
doivent en effet être mentionnées et ouvrent immédiatement la voie à des prolonge-
ments possibles :
–– Tout d’abord, même si les dispositions réglementaires précisent le cadre et les prin-
cipales étapes du bilan de compétences ainsi que les obligations des prestataires
(Gaudron et Croity-Belz, 2005), Doublet (2006 : p. 6) fait remarquer que « les pra-
tiques de conseil ne s’appuient pas sur une conception théorique et méthodologique
unique. Chaque conseiller a développé de véritables patchworks de références plus
ou moins précises et claires, plus à même de répondre à la diversité des situations
rencontrées ». Face à un tel pluralisme des pratiques, on ne peut évidemment pas
affirmer que les observations effectuées au CIBC 33 – notamment pour ce qui a
trait à la non-directivité – auraient été forcément identiques dans d’autres CIBC ou
dans d’autres organismes spécialisés dans l’orientation professionnelle. La taille très
modeste de notre échantillon théorique invite, dès lors, à une certaine prudence par
rapport à nos différentes conclusions et suppose, par la suite, de répliquer cette
étude auprès d’autres populations de conseillers (par exemple, dans d’autres centres
du réseau des CIBC) afin d’en renforcer la fiabilité.
–– Par ailleurs, l’évaluation des effets d’un bilan de compétences dans le temps suppose
de prévoir plusieurs vagues de collecte de données (Alther et al., 2011). Ainsi, une
évaluation avant et juste après le bilan de compétences (pré-post) pourrait permettre
de mesurer, de façon plus sûre encore, le rôle du conseiller dans le processus de rési-
lience individuelle, en s’appuyant sur différentes échelles telles que l’image de soi,
l’estime de soi, le sentiment d’efficacité personnelle ou encore l’auto-connaissance
de soi (Gaudron et Croity-Belz, 2005 ; Doublet, 2006). On pourrait ensuite envisager
deux autres temps de passation, six mois, puis un an après la fin de l’intervention
du conseiller (follow-up), pour suivre la trajectoire professionnelle post-bilan du
Le conseiller en bilan de compétences du CIBC 33 109

bénéficiaire et tenir compte ainsi de toute l’épaisseur temporelle du processus de


résilience (Hollnagel et al., 2009). Outre l’aspect longitudinal, il faudrait également
comparer la population de bénéficiaires étudiés à un groupe de contrôle, compo-
sé d’individus en situation d’échec professionnel ne bénéficiant pas d’un bilan de
compétences. Une solution possible serait ainsi de collaborer avec Pôle Emploi afin
d’identifier, d’un côté, un échantillon de personnes récemment licenciées ayant déci-
dé de faire un Bilan de Compétences Approfondi et, de l’autre, un groupe de contrôle
avec des personnes également renvoyées depuis peu, mais qui ne bénéficient d’au-
cune prestation d’orientation professionnelle.
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