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"Pour celui qui ne peut se dérober, pour celui dont la vie s'ouvre à
l'exubérance, l'érotisme est par excellence le problème personnel. C'est en
même temps, par excellence, le problème universel"

(BATAILLE)

"Increscunt animi, virescit volnere virtus"

Georges BATAILLE

(1897- 1962)

Chronologie Technique de l'impossible

Bataille, auteur inconnu La messe Georges Bataille

La fascination du dernier instant Oeuvres de Georges Bataille

L'échéance de la conscience Etudes sur Georges Bataille

Téléchargez une thèse sur BATAILLE

Mercredi 30 avril 1997. 23h00

Un film réalisé par André S. Labarthe

Avec la voix de Jean- Claude Dauphin

"Comment saisir à mains nues la pensée la plus volcanique du siècle ?

Comment approcher par le film ce qui se dérobe à toute approche ?

Comment le cinéma" art de l'image" dit- on- peut-il accueillir et laisser


vivre les images inadmissibles qui tissent les récits tels que Madame
Edwarda et Le Mort ?

Bref, comment parler de Georges Bataille dans un film quand on sait le film
impossible ? "

A. S. Labarthe

BATAILLE

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CHRONOLOGIE

Par Michel Surya (Magazine littéraire juin 1987.

1897

Naissance à Billom, Puy- de- Dôme, le 10 septembre, de Georges Bataille.


Son père, Joseph- Aristide Bataille, syphilitique, est aveugle. Georges
Bataille ne vécut que peu à Billom. Sans doute jusqu’à trois ou quatre ans.
N’y revint vraisemblablement jamais.

1901- 1912

Joseph- Aristide, son épouse Marie- Antoinette et leurs deux fils, Martial et
Georges, s’installent à Reims. Georges est inscrit au lycée de garçons de
Reims. Commence là sa scolarité. Il l’y poursuivra jusqu’en janvier 1913. A
sa demande devient pensionnaire, fuyant une situation familiale se
dégradant: un père tout à fait infirme, souffrant "

à hurler ", "fou ", ajoutera-t- il, une mère vivant un calvaire. Sur cette
situation, les témoignages des deux frères, quoique se contestant sur
certains points, concordent.

1913

Quitte le lycée en cours d’année, en janvier: " Pratiquement mis à la porte ".
En octobre est inscrit comme pensionnaire au Collège d’Epernay en
première année du baccalauréat.

1914

Année charnière. Rompt avec l’irréligiosité familiale (" père incroyant,


mère indifférente ". Se convertit au catholicisme, en août. Découvre que "
son affaire en ce monde est d’écrire, en particulier d’élaborer une
philosophie paradoxale ".

En août, quitte Reims avec sa mère (son frère est au front) laissant son père
aux soins d’une femme de ménage.

Vit cette fuite comme un abandon: " Ma mère et moi l’avons abandonné,
lors de l’avance allemande, en août 14

". Entreprend de passer son deuxième baccalauréat de philosophie, par


correspondance.

1915

Songe se destiner à la prêtrise; ou à se faire moine. Délires dépressifs de sa


mère: tentatives de suicide. Elle lui refuse de rejoindre son père à Reims.
Refuse aussi de l’accompagner. Le 6 novembre, à huit heures du matin,
celui- ci décède seul à Reims. Sa femme et son fils ne le verront que couché
en bière: " Personne, sur terre, aux cieux, n’eut souci de l’angoisse de mon
père agonisant ".

1916

En janvier, est mobilisé. Ne connaîtra pas le front. Tombé malade


(pulmonaire) fut réformé un an après, en janvier 1917. Prend des notes,
depuis détruites, qu’avec un " orgueil triste " il intitule Ave Caesar.

1917

Démobilisé, revient à Riom- és- Montagne. N’est pas moins dévot, ni pieux.
Reste " rarement une semaine sans confesser (ses) fautes ". S’impose une
austère discipline de travail et de méditation. S’inscrit au séminaire de
Saint- Flour (Cantal, évêché. Dut y passer l’année scolaire 1917- 1918.
1918

Publie son premier livre, sous son nom: une plaquette de six pages portant
le titre Notre- Dame de Reims.

Abandonne le séminaire, sans pourtant tout à fait renoncer à l’idée de la


prêtrise ou du monachisme. Est admis en première année de l’École des
Chartes, à Paris. S’installe dans la capita1e.

Paraît encore hésiter entre la vie laïque et la vie religieuse. Pourtant, son
désir le plus déterminant semble être de voyager, en Orient, essentiellement.
En septembre, séjour à Londres pour recherches au British Museum.
Premier contact, de hasard, avec la " philosophie "; dîne avec Henri
Bergson. Pour cette occasion, lit hâtivement Le rire.

Lequel le déçoit. Même décevant, découvre combien le rire est essentiel: il


est le fond des mondes; la clé. Suite à ses recherches à Londres, séjourne
quelques jours dans le monastère de Quarr Abbey sur l’Île de Wight. Ce
séjour semble mettre fin à sa vocation monastique; ne met pas fin,
contrairement à ce qu’il dira, à sa foi.

BATAILLE

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1922

Soutient, entre le 30 janvier et le 1er février, sa thèse de sortie de l’École


des Chartes. Est nommé archiviste- paléographe. Courant février, part à
Madrid à l’Ecole des Hautes Etudes hispaniques, qu’on appellera plus tard
la Casa Velasquez. Le 22 mai, assiste, dans les arènes de Madrid, à la mort
du jeune torero Manuelo Granero, corne plantée dans l’oeil et le crâne.
Songe plus que jamais à voyager: " La seule chose qui soit sérieuse dans
notre bonne petite existence est de s’agiter ". Commence un roman " à peu
près dans le style de Proust "; "
Je ne vois plus bien comment écrire autrement ". Le 10 juin, est nommé
bibliothécaire- stagiaire à la Bibliothèque Nationale. Revient à Paris, et
entre au département des Imprimés en juillet. Lit Nietzsche (Par- delà le
bien et le mal. Lecture décisive: ". pourquoi envisager d’écrire, puisque ma
pensée — toute ma pensée — avait été si pleinement, si admirablement
exprimée ? " Sans doute faut-il dater la perte définitive de la foi de cette
période.

1923

Découvre Freud. Rend de fréquentes visites à Léon Chestov qui l’initie à la


lecture de Dostoïevski. mais aussi à celle de Kierkegaard, de Pascal et de
Platon. L’oriente davantage dans celle de Nietzsche. Par une lettre du 10

juillet à Léon Chestov, lui dit son intention de commencer une étude sur son
oeuvre. Chestov lui propose son aide.

L’étude projetée est sans suite. Mais, collabore à la traduction d'un livre de
lui, L’idée de Bien chez Tolstoï et Nietzsche.

1924

Rencontre à la fin de l’année Michel Leiris, lequel l’introduit parmi ses


amis de la rue Blomet, ceux que regroupe dans son atelier le peintre André
Masson. A l’intention de fonder un mouvement littéraire, Ouïr, " impliquant
un perpétuel acquiescement à toutes choses. ".

1925

Vit le ralliement de ses nouveaux amis (Leiris, Masson) au surréalisme


comme une exclusion. " Je souhaitais soustraire à cette influence ceux que
j’aimais ou qui m’importaient ". Rencontre Adrien Borel, psychanalyste.

Convient d’entreprendre avec lui une analyse. Celui- ci lui communique des
clichés du " supplice des cent morceaux " pris par Carpeaux en 1905. Ces
clichés eurent un rôle considérable, " décisif " dans sa vie. Bataille vit la
nuit, " boit ", " joue dans des petits cercles où il prenait des culottes terribles
" (Leiris, fréquente assidûment les bordels et les boîtes de femmes nues. Le
16 juillet, pour Breton, transcrit " en français moderne une ou deux des plus
significatives fatrasies " (poèmes médiévaux dénués de tout sens. Celles- ci
sont prévues de paraître dans le numéro d’octobre de La Révolution
Surréaliste. Lit les surréalistes, Lautréamont. Commence de lire Hegel;
Alfred Métraux l’initie à Marcel Mauss dont il suit les cours.

1926

Commence, ou poursuit, toute cette année son analyse avec Adrien Borel. Y
met un terme prématurément. au bout d’un an. En retire toutefois un
bénéfice considérable. Surtout lui doit, dit- il, de pouvoir enfin écrire. En
mars, paraissent les Fatrasies dans le n° 6 de La Révolution Surréaliste.
Parution anonyme: ni son nom, ni ses initiales n’apparaissent. Constitue son
unique collaboration à La Révolution Surréaliste. Fait à cette occasion la
connaissance de Breton. C’est pourtant moins Bataille que Breton qui se
montre hostile. Aux dires de Leiris, celui- ci le qualifiera " d’obsédé ". Ecrit
son " premier " livre (le premier dont il fasse mention): W. C. " assez
littérature de fou ". " Un cri d’horreur, horreur de moi, non de ma débauche
"; " Violemment opposé à toute dignité ". Détruit le manuscrit. Commence,
en juillet, de collaborer à la revue Aréthuse, revue trimestrielle d’art et
d’archéologie. Y collaborera jusqu’à la fin du premier trimestre 1929.

1927

En janvier, élabore " l’image " de l’oeil pinéal, embryon d’oeil situé au
sommet du crâne, permettant, le jour où il transpercera la boîte crânienne,
de regarder le soleil à la verticale. Conçue en janvier 27, cette " image " se
conceptualisera jusqu’en 1930. En janvier, écrit L’anus solaire: " Si l’on
craint l’éblouissement au point de n’avoir jamais vu () que le soleil était
écoeurant et rose comme un gland, ouvert et urinant comme un méat, il est
peut- être inutile d’ouvrir encore, au milieu de la nature, des yeux chargés
d’interrogation ". En juillet, séjourne à Londres. La vue d’une saillie anale
de singe au Zoological Garden le bouleverse et le jette " dans une sorte
d’abrutissement extatique ". Entreprend d’écrire Histoire de l’oeil.

Rend de fréquentes visites aux occupants de la rue du Château: " On y était


très ouvert à l’influence d’un personnage de grande stature, un vrai solitaire,
dont l’oeuvre est modelée par une philosophie cohérente ", André Thirion.
1928

BATAILLE

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Le 20 mars, à Courbevoie, épouse Sylvia Maklès. Achève et publie Histoire


de l’oeil sous le pseudonyme de Lord Auch (Lord: Dieu, dans l’anglais des
Ecritures; Auch: abréviation de " aux chiottes ". 134 exemplaires vendus
clandestinement. Donne aux Cahiers de la République des Lettres des
Sciences et des Arts, n° XI, consacré à l’art précolombien, un important
article " L’Amérique disparue ".

1929

Georges Wildenstein finance une revue nouvelle, en remplacement


d’Aréthuse. Carl Einstein en prend la direction. Bataille en est le secrétaire
général. Son titre: Documents. En avril, paraît le n° 1. Y collaborent des
membres de l’Institut, des conservateurs de musées et de bibliothèques. et
des surréalistes dissidents ralliés à Bataille: Limbour, Boiffard, Desnos,
Vitrac et Leiris. Nominalement, Einstein dirige. Soutenu par Rivière,
Bataille a le pouvoir. Publie dans le n° 1, " Le cheval académique ", article.
Donne en juin, pour le n° 3, un article ostensiblement anti- idéaliste " Le
langage des fleurs ". Celui- ci attire l’attention — agacée — de Breton.
Donne aussi " Matérialisme ". A l’évidence, fait de Documents une
machine de guerre contre le surréalisme. Nouvelle offensive anti- idéaliste
avec " Le gros orteil " publié dans le n° 6, novembre, de Documents. Breton
est le premier à l’accuser de complaisance dans un monde " souillé, sénile,
rance, sordide, égrillard, gâteux ". Est le plus longuement et le plus
violemment pris à partie par Breton dans le Deuxième Manifeste du
surréalisme Pêle- mêle: ". raisonne comme quelqu’un qui a une mouche sur
le nez ce qui le rapproche plutôt du mort que du vivant. "; "

Un état de déficit conscient à forme généralisatrice "; " malhonnête et


pathologique "; " signe classique de psychasténie ", etc. Le soupçonne enfin
de vouloir rassembler autour de lui un groupe de surréalistes dissidents.
1930

Prend avec Robert Desnos l’initiative d’une réponse en forme de pamphlet


au Deuxième Manifeste du surréalisme qui s’intitule Un Cadavre et groupe
nombre de ceux que Breton prend à partie: Ribemont- Dessaignes, Jacques
Prévert, Queneau, Vitrac, Leiris, Limbour, Boiffard, Morise, Baron et Alejo
Carpentier. Desnos traite Breton d" âme de limace "; Prévert de " Fregoli à
tête de Christ occulte " et de "

Déroulède du rêve "; Vitrac d" escroc "; Leiris de " nécrophage " et
Ribemont- Dessaignes de " délateur ".

Bataille, lui: " de vieille vessie religieuse ", de " gidouille molle ", d" abcès
de phraséologie cléricale ", de " lion châtré ", de " tête à crachats ", etc.

Poursuit, au moyen de Lettres ouvertes, sa polémique avec André Breton.


La plus importante d’entre elles " La valeur d’usage de D. A. F. de Sade ".

1931

Suppression de Documents. Quinze numéros ont paru. Fait la connaissance


de Boris Souvarine et entre au "

Cercle Communiste Démocratique ". Ecrit en 1927, L’anus solaire est


publié en novembre, illustré de pointes sèches d’André Masson.

1932

Donne en mars 32, à La Critique Sociale, avec Raymond Queneau un long


article " La critique des fondements de la dialectique hégélienne ".

1933

Série d’articles dans La Critique sociale. Janvier, " La notion de dépense ",
" qu’il faut considérer comme un des textes majeurs du siècle " (A. Thirion.
Septembre, " Le problème de l’État ": l’avenir " dépend tout entier de la
désorientation générale "; et en deux parties (novembre et mars 1934) un
article capital, " La structure psychologique du fascisme ". Fait partie,
d’octobre 33 à janvier 34, du groupe " Masses ".
1934

Suit à partir de janvier le séminaire d’Alexandre Kojève, lecture, traduction


et commentaire improvisés de La Phénoménologie de l’esprit de Hegel.
Une découverte bouleversée (le Hegel de Bataille restera kojévien) qui le
laisse " rompu, broyé, tué dix fois: suffoqué et cloué ". A le projet d’un
livre, Le fascisme en France. Participe à la manifestation du 12 février sur
le Cours de Vincennes. Est convaincu de la victoire à venir du fascisme.

L’échec de l’insurrection socialiste de Vienne, le même jour, lui donne


raison: " De toutes parts, dans un monde qui cessera vite d’être respirable,
se resserre l’étreinte fasciste ". En mars, onzième et dernier numéro de La
Critique sociale. Va mal; parle de crise grave. Se sépare de sa femme,
multiplie les relations éphémères, se rend assidûment dans les bordels et les
boîtes de femmes nues (toutes choses qu’à l’évidence, il n’a jamais cessé de
faire régulièrement depuis dix ans, boit beaucoup plus que sa santé ne le lui
permet. Ce qu’il dira plus tard de Tropmann (le bleu du ciel) lui est sans
grand risque d’erreur attribuable: " se dépense jusqu’à toucher la mort à
force de beuveries, de nuits blanches et de coucheries ". Revient à Paris en
mai. Voit Colette Peignot, avec BATAILLE

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laquelle il ne se lie vraiment que le 3 juillet, veille du départ de celle- ci


pour l’Autriche avec Souvarine, avec lequel elle vit depuis 1930.

1935

Part à Tossa de Mar en Espagne, chez André Masson. Y séjourne du 8 au 30


mai. Finit d’écrire Le bleu du ciel (le 29. Sauver ce monde du " cauchemar
", de " l’impuissance et du carnage où il sombre ". C’est le sens de "

Contre- Attaque ". Se réconcilie avec A. Breton et obtient le ralliement des


surréalistes: " Les analyses de " Contre- Attaque " étaient celles de Bataille
" (H. Dubief. Son but: retrouver " la violence révolutionnaire ". Ses axes: un
antinationalisme violent; l’anticapitalisme; l’antiparlementarisme, voire
l’antidémocratie. Son ambition: substituer aux mythes victorieux du
fascisme des mythes nouveaux. La révolution sera morale
(affranchissement des enfants, sexuelle (libre jeu de passions. Ses auspices:
Sade, Fourier, Nietzsche. 7 octobre, manifeste inaugural: Union de lutte des
intellectuels révolutionnaires.

1936

" Contre- Attaque " participe à la manifestation du 17 février, de


protestation contre l’agression faite à Léon Blum.

Diffuse le tract " Camarades, les fascistes lynchent Léon Blum ". Fin
février, tract rédigé par Bataille, seul: "

Appel à l’action ": " Nous affirmons que ce n’est pas pour un seul mais
pour TOUS que le temps est venu d’agir en MAITRES ". En mars, Jean
Dautry, un proche de Bataille, rédige le tract: " Sous le feu des canons
français ".

De celui- ci datera l’accusation de " surfascisme " faite par les surréalistes
aux batailliens. Rupture des surréalistes, et dissolution de " Contre- Attaque
". Séjourne tout le mois d’avril à Tossa de Mar. Parution le 24 juin du
premier numéro d’Acéphale, Religion, Sociologie, Philosophie. Titre du
n°l: " La Conjuration sacrée ".

Publie en décembre Sacrifices, texte accompagnant cinq eaux- fortes


d’André Masson.

1937

Constitue la société secrète d’Acéphale, versant ésotérique de la revue du


même nom et du Collège de Sociologie bientôt créé. " J’étais résolu, sinon à
fonder une religion, du moins à me diriger dans ce sens ". Parution du N° 2

d’Encéphale " Réparation à Nietzsche ". Avec Roger Caillois et Michel


Leiris, entreprend de créer un Collège de Sociologie sacrée. Rédige, en
mars, la " déclaration relative à la fondation du Collège de Sociologie ".
Constitution en avril à la demande d’Allendy, Borel, Bataille et Leiris,
d’une Société de Psychologie collective.

Thème d’étude pour 1938: " Les attitudes devant la mort ", Pierre Janet,
président, Bataille, vice- président.

Parution du N° 3-4 d’Acéthale en juillet, consacré à " Dionysos ": "


L’élément émotionnel qui donne une valeur obsédante à l’existence
commune est la mort ". Séjourne avec Colette Peignot en Italie: à Sienne,
Florence. et en Sicile. Se rendent sur l’Etna: " Il était impossible d’imaginer
quelque lieu où l’horrible instabilité des choses fût plus évidente ". Retour à
Paris, fin septembre. Le 20 novembre, séance inaugurale des activités du
Collège de Sociologie.

1938

Le 13 janvier, prononce la conférence d’introduction à la Société de


Psychologie collective. Prononce le 22

janvier et le 5 février, les cinquième et sixième conférences du Collège de


Sociologie, " Attraction et répulsion ".

Prend, à la sortie de St- Germain- en- Laye, un appartement dans une


maison, 59 bis, rue de Mareil. Est initié au yoga. Le pratique de façon peu
orthodoxe, mais " (mis à nu) dans un désespoir ". L’applique à la
contemplation du supplice chinois des 100 morceaux. Signe le 1er
novembre avec Caillois et Leiris une déclaration du Collège de Sociologie
sur " la crise internationale ", stigmatisant " l’attitude immanquablement
apeurée et consciente de son infériorité d’un peuple qui refuse d’admettre la
guerre dans les possibilités de sa politique en face d’une nation qui fonde
sur elle la sienne ".

Mort, le 7 novembre, à St- Germain- en- Laye, de Colette Peignot. Crise


profonde. Continue néanmoins Acéphale.

Continue aussi le " Collège ". Prononce le 13 décembre pour celui- ci la


conférence, " La structure des démocraties ".
1939

Publie, hors commerce, avec l’aide de Michel Leiris, le premier volume


posthume des écrits laissés par Laure (Colette Peignot) Le sacré, suivi de
Poèmes et de divers écrits. Publie en juin, rédigé par lui seul mais sans
signature, le n° 5 d’Acéphale. Le 4 juillet est seul à présenter le bilan de la
deuxième année d’activités du Collège de Sociologie. Ce bilan constitue la
dernière rencontre du Collège de Sociologie. En octobre, se lie avec Denise
Rollin Le Gentil. Commence d’écrire le 5 septembre Le coupable.
Entreprend d’écrire Le manuel de l’antichrétien qu’il poursuivra en 1940.
Inachevé.

1940

BATAILLE

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Le 11 juin, part vers l’Auvergne. Le 14, arrive à Ferluc où il séjourne avec


Denise. Rentre à Paris. Ecrit toute cette année Le coupable. Vit à Paris, 259,
rue St- Honoré. Organise des lectures- débats. Lit des passages de
L’Expérience intérieure en cours d’écriture. Travaille toujours à la
Bibliothèque Nationale. Fait la connaissance de Maurice Blanchot " auquel
le lient sans tarder l’admiration et l’accord ". Ecrit en septembre- octobre
Madame Edwarda peu avant d’écrire " Le supplice " (L’Expérience
intérieure, deux textes qu’il dit devoir être lus ensemble. En décembre,
paraît Madame Edwarda, aux Editions du Solitaire sous le pseudonyme de
Pierre Angélique.

1942

Atteint de tuberculose pulmonaire, doit quitter son emploi de bibliothécaire


à la Bibliothèque Nationale, le 20

avril. En août termine L’Expérience intérieure, à Boussy- le- Château où il


se repose. Séjourne de septembre à novembre à Panilleuse, par Vernon
(Eure. Est supposé y écrire Le Mort. Ne paraîtra toutefois pas de son vivant.
Revient à Paris, en décembre. Commence d’écrire L’Orestie. Ecrit La vie de
Laure. Publie " Le rire de Nietzsche " dans Exercice du silence, Bruxelles.

1943

Séjourne à Paris jusqu’en mars. Ecrit et lit à des amis, dont Blanchot, " Le
Collège socratique ": " Je propose d’élaborer un ensemble de données
scolastiques concernant l’expérience intérieure. Je crois qu’une expérience
intérieure n’est possible que si elle peut être communiquée. ". Publie aux
Editions Gallimard L ‘Expérience intérieure, " critique de la servitude
dogmatique et du mysticisme ". Quitte fin mars Paris pour Vézelay où il
s’installe au 59 rue Saint- Etienne. Continue d’écrire Le coupable.
Publication en mai d’un pamphlet dirigé contre lui, Nom de Dieu, signé de
proches du surréalisme pour beaucoup inconnus. Rencontre en juin Diane
Kotchoubey de Beauharnais qui a vingt- trois ans. Elle devient sa maîtresse.
Commence en août les poèmes de L’archangélique. Seront terminés en
décembre. Publie avec Michel Leiris, hors- commerce, la deuxième partie
des écrits de Laure (Colette Peignot): Histoire d'une petite fille. Première
édition de Le petit (daté de 1934, sans nom d’éditeur sous le pseudonyme
de Louis Trente. Finit en octobre Le coupable. Continue d’écrire les poèmes
plus tard réunis sous le titre La tombe de Louis XXX. " Un nouveau
mystique ", violent article de Sartre, paraît dans les numéros d’octobre,
novembre et décembre des Cahiers du Sud.

1944

Commence en février Sur Nietzsche. Prononce, le 5 mars, chez Marcel


More, une conférence portant sur le péché. Participent entre autres, à ce
débat, Adamov, Blanchot, S. de Beauvoir, Burgelin, Camus, Daniélou, de
Gandillac, Hyppolite, Klossowski, Leiris, Madaule, Gabriel Marcel,
Merleau Ponty, Paulhan, Sartre. Apparente réconciliation avec Sartre.
Publie en mars, aux Editions Gallimard, Le coupable. Quitte Paris, en avril,
pour Samois (Seine- et- Marne. Souffrant de nouveau de tuberculose se fait
réinsuffler un pneumothorax à Fontainebleau (distant de 3 km. Y écrit Sur
Nietzsche. Le termine en août. Guéri, revient à Paris, en octobre.

Commence d’écrire Histoire de rats et Dianus. Ecrit L’alleluiah, Catéchisme


de Dianus. Publie L’archangélique aux Editions Messages. Date de 1944
l’écriture de Julie. Ne paraîtra pas de son vivant.

1945

Publie en février Sur Nietzsche, Volonté de chance, aux Editions Gallimard:


" A peu d’exceptions près, ma compagnie sur terre est celle de Nietzsche. ".
Publie également Mémorandum, recueil de maximes choisies et présentées
par lui, aux Editions Gallimard. Publie L'Orestie aux Editions des Quatre
Vents. Paraît dans la revue Dieu vivant n° 4 la " Discussion sur le péché "
conférence- débat du 5 mars 1944, chez Marcel More. S’installe en mai à
Vézelay avec Diane Kotchoubey de Beauharnais. Publie aux Editions
Fontaine, Dirty, repris en introduction du Bleu du ciel. En août, finit la
Méthode de méditation.

1946

Travaille à la création d’une nouvelle revue. Initialement prévue s’appeler


Critica, s’appellera finalement Critique. Pierre Prévost, premier rédacteur
en chef. Maurice Girodias, éditeur, Editions du Chêne. Publie dans le n° 1
(juin. " Le sens moral, la sociologie " article sur Jules Monnerot, qui attire
l’attention d’André Breton. A le projet, avec Maurice Blanchot, Pierre
Prévost et Jean Cassou d’une revue qui s’appellerait Actualité. En fait de
revue, devient une série de cahiers chez Calmann- Lévy, dirigée par lui.
Premier volume paru en 1946: L’Espagne libre. Actualité ne connaîtra pas
de suite. Un second numéro à demi prêt ne paraîtra pas.

Donne aux Editions des Quatre- Vents une préface à l’édition de La sorcière
de Michelet. A pour amis Michaux, Giacometti et Genet. Divorce de sa
première femme, Sylvia. Celle- ci épousera Jacques Lacan.

1947

BATAILLE

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Publie en janvier L’Alleluiah, Catéchisme de Dianus, illustré par Jean
Fautrier. Publie Méthode de méditation, aux Editions Fontaine Paris: " Je
pense comme une fille enlève sa robe. A l’extrémité de son mouvement, la
pensée est l’impudeur, l’obscénité même ". Publie Histoire de rats Journal
de Dianus, accompagné de trois eaux- fortes de Giacometti, aux Editions de
Minuit. En mai, Critique quitte les Editions du Chêne et est reprise par
Calmann- Levy et paraîtra de juin 47 à septembre 49, des n° 13 à 40.

Vit à Vezelay où il connaît de grandes difficultés financières. Ne donne pas


moins de 20 articles à la revue Critique.

1948

De mars à mai, écrit à partir de sa conférence " Schéma d’une histoire des
religions ", un livre intitulé Théorie de la religion. Non publié. Le 17 juillet
donne un entretien au Figaro Littéraire " Cinq minutes avec Georges
Bataille ", suite au prix obtenu par Critique de meilleure revue de l’année.
Prend la direction d’une nouvelle collection aux Editions de Minuit, "
L’usage des richesses " Premier titre: La fortune américaine et son destin de
Jean Piel.

22 articles dans Critique.

1949

Prononce deux conférences les 22 et 24 février: " A quoi nous engage notre
volonté de gouvernement mondial "

et " Philosophie de la dépense ". Publie, aux Editions de Minuit, dans la


collection " L’usage des richesses " qu’il dirige, La part maudite l, La
consumation, essai d’économie générale. Publie La scissiparité dans les
Cahiers de la Pléiade. Démuni, reprend son emploi de bibliothécaire. Il est
nommé le 17 mai, conservateur de la bibliothèque Inguimbertine de
Carpentras où il restera deux années. Publie Eponine aux Editions de
Minuit, " Nouvelles originales " IX, qui sera repris dans L’abbé C. En
septembre, cessation de parution de Critique, à son numéro 40.

Restera un an sans paraître.


1950

Publie aux Editions de Minuit, L’abbé C. Les Lettres Françaises (du 22


juin) s’indignent de cette publication.

Elles voient dans le personnage de l’abbé un homme qui a réellement


existé, abbé, résistant et délateur. En octobre, reparution de Critique aux
Editions de Minuit. Donne 7 articles des n° 40 à 43, dont " Nietzsche et
Jésus selon Gide et Jaspers ". Commence à Carpentras d’écrire Ma mère.
Sans doute le finit-il à Orléans. Ne paraîtra pas de son vivant. Donne à
Justine ou les malheurs de la vertu, de Sade, une préface.

1951

Le 16 janvier, épouse à Nantua (Ain) Diane Kotchoubey de Beauharnais.


Ecrit à l’hiver 50, jusqu’à son départ de Carpentras, Histoire de l’érotisme,
prévu de paraître comme tome 2 de La part maudite. Sera refondu dans la
version future de L’érotisme. Publication posthume. Est nommé
conservateur de la Bibliothèque municipale d’Orléans. Ecrit Le surréalisme
au jour, le jour, ébauche de récit autobiographique de ses rapports passés
avec les surréalistes. Inachevé. Ne parut pas de son vivant. Tente de
réconcilier Sartre et Camus au moment où la publication de L’homme
révolté fait polémique.

1952

Prononce plusieurs conférences, entre autres, le 24 novembre, " Le non-


savoir et la révolte ". Celles- ci devaient composer, avec Théorie de la
religion sous le titre de Mourir de rire et rire de mourir: les effets du non-
savoir, un ouvrage général qui ne verra finalement pas le jour.

1953

Ecrit en janvier et février, à Orléans, une postface à la réédition de


L’Expérience intérieure, Postscriprum 1953.

Commence, au printemps, le tome III de La part maudite. Après La


consumation (publié, Histoire de l’érotisme (inédit): La souveraineté.
Travaille aux deux livres prévus de paraître aux Editions Skira: Lascaux et
Manet.

Donne 6 articles à Critique dont " Le passage de l’animal à l’homme et la


naissance de l’art " et " Le communisme et le stalinisme "; " Sade (1740-
1814) ".

1954

Réédition aux Editions Gallimard de L’Expérience intérieure, premier


volume du triptyque La somme athéologique augmentée de la réédition de
La méthode de méditation et de Postscriptum 1953, inédit. Réunit sous le
titre de La tombe de Louis XXX des poèmes écrits entre 1942- 1945. Sans
suite. Ne donne aucun article à Critique, mais à Botteghe Oscure.

L’être indifférencié n’est rien, poèmes. Donne une préface, On reading


Sade, à la publication en anglais des 120

journées de Sodome (120 days of Sodom.

BATAILLE

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1955

Publie en mai, aux Editions Skira, Genève, La peinture préhistorique,


Lascaux ou la naissance de l’art. Publie aux Editions Skira Manet. A,
semble-t- il, eu ce livre en projet dès avant- guerre. Connaît de graves
problèmes de santé. D’une consultation organisée à Paris par Fraenkel
ressort le diagnostic d’artériosclérose cervicale. Est dit à ses proches être
condamné. Donne à la Nouvelle N. R. F, " Le paradoxe de l’érotisme "(
consacré à Histoire d’O

de Pauline Réage) et " L’au- delà du sérieux ".

Publie " Hegel, la mort et le sacrifice ", in Deucalion, n° 5. Martin


Heidegger: " Georges Bataille est aujourd’hui la meilleure tête pensante
française ".

1956

Réédition de Madame Edwarda, aux Editions Jean- Jacques Pauvert sous le


nom de Pierre Angélique augmentée d’une préface signée de Georges
Bataille. Dépose avec Breton, Cocteau et Paulhan au procès fait à Pauvert,
éditeur des 120 journées de Sodome. Donne 3 articles à Critique (dont un
sur Tristes Tropiques de C.

Lévi- Strauss. Et " L’érotisme fondamental " in Les Lettres Nouvelles.

1957

Donne le 12 février une conférence à Cercle ouvert. " L’érotisme et la


fascination de la mort ". Publie Le bleu du ciel chez J.J. Pauvert. Ecrit en
1935, " ce livre- clé de toute notre modernité " (Sollers) a attendu 22 ans
pour paraître. Gravement malade. Deux fois hospitalisé. Publie, en juillet,
aux Editions Gallimard, La littérature et le mal, recueil d’articles parus dans
Critique. Publie L’érotisme, aux Editions de Minuit: ". L’homme peut
surmonter ce qui l’effraie, il peut le regarder en face ". Travaille, dès juillet,
au projet d’une revue nouvelle avec Maurice Girodias pour éditeur, Patrick
Waldberg pour rédacteur en chef. Lui, directeur. Le premier titre envisagé,
Genèse est celui qui restera de ce projet. " Genèse, revue trimestrielle: la
sexualité dans la biologie, la psychologie, la psychanalyse, l’ethnologie,
l’histoire des moeurs, l’histoire des religions, l’histoire des idées, dans l’art,
la poésie, la littérature ". Parution dans Le Figaro littéraire du 12 octobre
d’un court entretien; titre: " La littérature est du côté du mal ". Accorde un
entretien à Marguerite Duras qui paraît dans France- Observateur le 12

décembre. Donne à Critique " Ce monde où nous mourons " (sur le livre de
Maurice Blanchot, Le dernier homme.

1958

Malade, continue de travailler à la bibliothèque municipale d’Orléans.


Travaille, avec Waldberg, à établir les sommaires des premiers numéros de
Genèse. Le 21 mai, s’entretient avec Pierre Dumayet, à la télévision
française, dans l’émission " Lectures pour tous " de son livre La littérature
et le mal. La revue La Ciguë consacre dans son n° 1 un hommage à Georges
Bataille. Girodias, par une lettre du 6 décembre, met un terme au projet de
la revue Genèse. Travaille, depuis 1956, à la préface d’un livre consacré au
procès de Gilles de Rais. " En partie je suis réduit d’ailleurs à réfléchir au
délabrement au moins relatif de ma tête: je ne suis plus sûr de disposer des
quelques possibilités qui m’ont appartenu jadis " (lettre à Kojève.

1959

Commence de travailler au projet d’un livre prévu de paraître chez Jean-


Jacques Pauvert. Ouvrage sur l’érotisme en peinture avec J. M. Lo Duca
pour collaborateur. Donne le 24 juillet pour titre à ce livre, Les larmes
d’Eros.

Publie, au Club Français du livre, Le Procès de Gilles de Rais, introduction.

1960

S’inquiète auprès de ses amis de son état de santé et de sa difficulté


d’écrire. Le 25 mars: " le traitement que je suis n’a pas eu d’autre effet
jusqu’ici que de me mettre par terre " Le 15 juin: " Etat de santé de plus en
plus mauvais ".

1961

Le 21 février: " Les larmes d’Eros mettront l’accent sur le sens tragique de
l’érotisme " (lettre à Lo Duca. En février, s’entretient avec Madeleine
Chapsal, journaliste à l’Express. La reçoit à Orléans: " Je crois que. je vais
peut- être me vanter, mais la mort est ce qui me paraît le plus risible au
monde. Non pas que je n’en aie pas peur ! Mais on peut rire de ce dont on a
peur. Je suis même porté à penser que le rire () c’est le rire de la mort ".

L’article paraît le 23 mars (Express n° 510. En mai, achève, Les larmes


d’Eros. Parution en juin. Réédition du Coupable aux Editions Gallimard,
tome II de La somme athéologique, augmenté de la version définitive de
L’alléluiah.
BATAILLE

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1962

Prend de nombreuses notes pour le texte de préface à la réédition de Haine


de la poésie sous le titre nouveau de L'Impossible. Demande sa mutation de
la Bibliothèque municipale d’Orléans à la Bibliothèque Nationale.

Celle- ci est acceptée. Il n’y retravaillera pourtant pas. S’installe le 1er


mars, dans son nouveau domicile parisien.

Pense au projet d’une réédition très remaniée de La part maudite, I. La


consumation. Meurt le 8 juillet au matin.

Est inhumé à Vézelay, dans le petit cimetière proche de la basilique. Une


simple dalle funéraire, sans autre inscription que son nom et ses dates:
Georges Bataille, 1897- 1962.

BATAILLE, AUTEUR INCONNU

rencontre avec Jean- Jacques Pauvert: propos recueillis par Dominique


Leicoq (Magazine littéraire juin 1987) — Vous rencontrez Georges Bataille
au début des années cinquante, par votre activité d’éditeur.

•Il faut se reporter à la fin des années quarante: personne, dans le public, ne
connaissait Bataille. Quand je le rencontre, je me trouve en face de
quelqu’un qui bénéficie d’un prestige extraordinaire et qui est en même
temps complètement inconnu.

J’avais commencé à lire Bataille bien avant de le connaître. La même


année, en 1943 — j’avais dix- sept ans — je lis Sade Les cent vingt
journées de Sodome, et Bataille Histoire de l’oeil. Ces deux textes me
laissent pantois: bien qu’ayant lu déjà beaucoup de livres ou de revues
érotiques illustrées, je n’avais jamais connu une telle écriture. Ce que l’on
me disait de Bataille ne faisait qu’augmenter ma stupeur: le côté
séminariste, l’Ecole des Chartes, le conservateur à la Bibliothèque
Nationale. Un personnage mythique. Un jour de 1951, il est entré dans ma
librairie, rue des Ciseaux (c’est un restaurant japonais maintenant. Il
montrait un charme extraordinaire, une politesse exquise, onctueuse: ce
regard qu’il avait à cinquante- huit ans! Je trouvais Bataille extrêmement
impressionnant et respectable et nous sommes devenus amis. Il s’intéressait
à Sade que j'avais commencé à publier ouvertement sous mon nom
d’éditeur et nous avions de longues conversations. Avec des désaccords,
notamment sur le péché. Selon Bataille l’érotisme n’était pas concevable
sans le péché, moi je n’en étais pas sûr.

Et puis il y eut Sade: à l’époque j’étais très respectueux et n’osais pas lui
dire que l’idée qu’il se faisait de Sade n’était pas très juste: Bataille a parlé,
je crois, d’une conséquence de la lecture de Sade, jamais de Sade qu’il
voyait couleur de mort alors que Sade est la vie même.

Dans les années cinquante, Bataille n’avait plus d’éditeur: Gallimard n’en
voulait plus, les Editions de Minuit conservaient en stock des exemplaires
de La Part maudite qui avaient été soldés: ce livre était invendable. Peu à
peu il m’a apporté tout ce qu’il avait. En 1957, à l’occasion de la sortie de
L’Erotisme, du Bleu du ciel et de La Littérature et le mal, qui coïncidait
avec les soixante ans de Bataille, j’ai organisé un cocktail au bar du Pont
Royal. Gaston Gallimard est venu, mais ça n’a rien lancé du tout. Le
premier manuscrit inédit que Bataille m’a apporté, Le Bleu du ciel, fut tiré à
deux mille exemplaires: cinq à six ans après, j’en avais encore beaucoup. Il
m’a apporté Le Mort en me disant qu’il avait besoin d’argent et j’ai gardé
ce texte très court pendant plusieurs années sans savoir qu’en faire jusqu’au
moment où j’ai fait faire par Faucheux cette maquette assez délirante pour
Histoire de l'oeil et Le Mort vendus dans des petits coffrets.

— Et il y eut Les Larmes d’Eros, son dernier livre.

•C’est au moment où Georges était tombé très malade. Il était effrayant et


fascinant; cette espèce de décomposition intellectuelle était terrifiante. Lo
Duca a arraché le livre morceau par morceau à Bataille: il lui rapportait des
épreuves qu’il avait corrigées lui- même en lui demandant si c’était bien ce
qu’il voulait. Le livre a été interdit.
Et puis, après sa mort, on a commencé à parler de Bataille. Ma mère a été le
premier succès de librairie de Georges, le premier qui s’est vendu (trente-
cinq mille exemplaires en six mois) parce que c’était un roman et qu’il y
avait eu de longs articles sur Bataille.

BATAILLE

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Dès qu’il a été plus connu, les gens ont reconstitué des histoires sur sa vie:
certains m’ont raconté des choses —vraies ou pas ? — sur les milieux
partouzards qu’il avait fréquentés.

— Pourtant Bataille a entretenu des relations avec des gens très différents:
des plus recommandables aux plus inquiétants.

•Oui, comme Chatte, un personnage étonnant dont je parlerai dans mes


mémoires. Un libraire en chambre, à Montmartre dont une des spécialités
était le livre érotique, à l’époque objet de contrebande. C’était l’obsédé
sexuel type: il en avait tellement la tête que c’était effarant; par ailleurs un
homme d’une excellente éducation.

Quand on allait le voir, il fallait sonner d’une manière convenue; on


montait, lui regardait par des trous dans la porte et il fallait s’annoncer. Il
avait raison parce qu’à l’époque les spécialistes de l’érotisme devaient se
méfier.

Chatte était un intime de Bataille et avait très bien connu Laure. Il m’avait
aussi raconté des histoires qui s’étaient passées avec Fautrier.

Bataille, c’était vers 1930 un très beau jeune homme à la mode, à la fois
Fitzgerald et Chevalier, et puis aussi ce monsieur qui parlait de saint
Augustin et le citait dans le texte. Une fois lors d’un dîner chez Pierre
Klossowski, ils commencèrent tous les deux une discussion théologique. Ils
n’étaient pas d’accord du tout: ils se renvoyaient des citations et la
discussion se poursuivait en latin. Les autres la bouclaient.
— Certains ouvrages de Bataille ont été illustrés par des peintres, Fautrier,
Bellmer, Hérold, Masson. A quelle nécessité cela répondait-il ?

•Il faut rester simple. Cela relevait d’une énorme question d’argent. Les
bouquins clandestins, comme Madame Edwarda, c’est Chatte qui les
publiait. Il s’agissait d’un montage financier pour trouver de l’argent à Jean
Fautrier et à Georges Bataille et pour en gagner un peu. Bataille n’était pas
très attentif à ce côté des choses. Quand il m’a passé Le Mort, il avait été
question un moment que ce soit une édition illustrée: elle aurait pu l’être par
n’importe qui, je n’ai pas l’impression que c’était essentiel pour lui. Il
faisait partie de cette catégorie d’écrivains qui donnent le manuscrit à leur
éditeur pour qu’il s’en débrouille.

— A quoi attribuez- vous cette influence qu'exerce aujourd'hui la pensée de


Bataille ?

•Je me demande, avec le recul, si ce n’est pas une pensée qui travaille
autant par sa réputation que par elle- même.

Peu de gens peuvent se vanter d’avoir compris la pensée de Bataille; moi-


même je ne m’y risquerais pas. La pensée de Bataille n’est jamais
conclusive. Ainsi écrivait-il que " l’érotisme c’est l’approbation de la vie
jusque dans la mort ". Qu’est- ce que ça veut dire ? Bataille ne répondait
jamais. Le seul point précis sur lequel je l’ai accroché, c’est le péché. Il se
refusait toujours: sa démarche était surtout poétique; il ne voulait ni ne
pouvait expliquer vraiment quelque chose; il faisait sentir, il communiquait
un état qui correspondait à un malaise profond.

— On retrouve là l’opposition avec André Breton et aussi, d’une autre


manière, avec Jean- Paul Sartre.

•Bataille a une pensée qui fonctionne surtout pour elle- même, et Breton
une pensée d’intercesseur. La pensée de Bataille n’est pas une pensée
didactique, mais une pensée qui propose des visions personnelles plus ou
moins nettes pour les autres. Ils m’ont fasciné tous les deux. J’étais plus
proche d’André Breton, affectivement d’abord puis intellectuellement parce
que Breton m’entraînait, tant par sa lecture que par sa fréquentation vers des
contrées où j’avais envie d’aller. Bataille ne m’offrait pas des contrées où
j’avais tellement envie d’aller, où j’aurais pu aller s’il me les avait
débroussaillées — ce qu’il ne faisait de toute manière pas. Leur
réconciliation sur la fin de leur vie paraît étonnante, sauf que dans la misère
contemporaine des gens de cette dimension ont pu se dire: à qui va-t- on
parler si on ne se parle pas ? Ils étaient consternés du niveau de l’époque.
Du niveau de Sartre, justement. Eux deux pouvaient se comprendre. Mais
comme chien et chat.

— Cette réconciliation a-t- elle eu un caractère profond ?

•Bataille a raconté sa réconciliation avec Breton; Breton l’a fait de son côté.
Elle était plus entière chez Breton parce que Bataille a fini sa vie
intellectuelle très enfermé, isolé: il pensait, je crois, ne plus rien avoir à
communiquer. Breton continuait d’être dans l’ouverture, la découverte, la
générosité: il a dû être heureux de ne pas mourir brouillé avec Bataille qui,
lui, a fini dans des terres de plus en plus lointaines.

BATAILLE

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LA FASCINATION DU DERNIER INSTANT

par Lo Duca (Magazine littéraire octobre 1970)

Lo Déca a bien connu Bataille, lorsqu’il préparait Les Larmes d’Eros et


s’intéressait au Dictionnaire de Sexologie. Il trace ici le portrait de l’oeuvre
autant que de l’homme, et de l’oeuvre poétique autant que de l’oeuvre
philosophique.

Qui parle ? Le témoin, le critique, le collaborateur, l’historien, l’ami ?


Chacun d’eux n’aurait pas assez d’une année pour esquisser un discours
sérieux ou, s’il agissait en disciple, pour se taire. Celui qui écrit ne dispose
que de quelques heures. Même sur les lisières extrêmes de l’intuition, il ne
pourra que jeter un coup d’oeil, en plein jour, sur la nuit de cette nouvelle
caverne de Platon que Georges Bataille a creusée pour y rationaliser les
ténèbres de l’indicible.
Le témoin est pourtant d’un secours inespéré. Il y avait un homme en
Bataille — et un homme très beau et très saint — et l’avoir vu vivre doit
libérer quelques étincelles sur la nuit de son oeuvre. Paul Valéry lui- même
n’aurait pas dédaigné suivre, ligne par ligne, image par images, légende par
légende, la fabrication d’un livre tout entier, d’un auteur infiniment paisible
et hanté par sa destinée. Je vois ainsi le doux conservateur avancer sur le
parquet très ciré de la Bibliothèque d’Orléans ou sous les caissons peints en
bleu et or de l’ancien archevêché de la ville.

J’ouvre mieux l’étui où cinquante- sept de ses lettres (quelques- unes de six
pages) parlent encore des lenteurs de l’écriture, des soucis de l’illustration
d’une thèse sur l’érotisme, devenue testamentaire, par la force du temps. Je
l’avoue: je suis fier de m’être trouvé juste à ce moment- là au coeur de
l’histoire de Georges Bataille. Des lettres viennent d’Orléans, bien sur, de
Fontenay- le- Comte, des Sables- d’Olonne, de Scillans et de Vézelay. J’ai
aussi, copié de sa main sur deux fragments de papier orange, le texte de
Georges Dumas sur Le Plaisir et la Douleur qui l’a tant marqué. Et ses
notes, l’avant- propos (neuf feuillets, et les premières épreuves
minutieusement corrigées.

Ainsi que la lettre, qui le remplit de joie, d’Henri Parisot accompagnant la


photographie en couleur de La leçon de guitare de Balthus (c’était l'époque
de Méthode de méditation.

C’est le 24 juillet 1959 que Bataille arrêta son titre: Les larmes d’Eros (" il
plaira à Pauvert, ajoutait-il avec malice. A la même date, il me demanda, à
propos du Nouveau dictionnaire de sexologie, de veiller à la présence
d’articles sur Gilles de Rais, Erzsébet Bâthory, le Sacré, la Transgression, la
Mode, la Nudité, Jean Genet, Pierre Klossowski. ses voix favorites.

L’idée des Larmes d’Eros ne le quitta plus et il le conçut jusque dans le plus
infime détail, de l’économie des chapitres à la coupe des clichés (il me fit
même le croquis d’une tapisserie de Rossé où je devais chercher un détail
auquel il tenait, en passant par un choix très élaboré d’images issues de la
préhistoire, de l’école de Fontainebleau, des Surréalistes, avoués ou
clandestins.
Durant deux ans, de juillet 1959 à avril 1961, il élabore le plan de l’ouvrage
sur tous les thèmes qu’il a aimés. La rédaction en était cependant d’une
grande lenteur et Les larmes d’Eros se traînait à travers les événements: "

Entre temps ma fille aînée a été arrêtée pour son activité pour l’Algérie " et
le déclin de ses forces physiques: " ..

je l’avoue, je ne vois pas bien clair. ". Le livre fut achevé — je dirai plus
loin dans quelles conditions — et il lui convint: c’était un tout, du choix des
caractères au rythme de la mise en page; il avait veillé à ce que sa pensée ne
fut ni retardée, ni entravée, ni trahie par une image déplacée.

Lui, si courtois, devenait péremptoire pour tuteler la forme matérielle de ses


idées. Les larmes d’Eros se tenait bien en effet et il avait pu réaliser en
quelque sorte le vécu de Valéry pour qui l’image remplace souvent et
avantageusement la description fallacieuse de l’écrivain. De Gautier
d’Agoty aux planches de Cranach et aux BATAILLE

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supplices chrétiens ou chinois, l’image disait tout en un raccourci pour


lequel les mots n’avaient été qu’un garde- fou. Le livre lui plut et je
présume qu’il en tira même une de ses dernières joies. Il n’eut pas
l’agacement de connaître la mise à l’index de notre censure misérable —
Malraux régnant — dans un de ses jours les plus sordides de la même série
qui lui fit accomplir la faute d’interdire Stekch Haveloch Epis et. Alban
Berg.

Bataille était alors hors d’atteinte. La censure dégusta seule sa honte (avec
toute la presse française, soit dit en passant, qui se tut.

Mon commerce avec Georges Bataille et le contexte des Larmes d’Eros —


qu’il écrivit pendant ce temps —contribuent à définir en moi une
hypothèse: Georges Bataille a dû s’abandonner de bonne heure à l’angoisse
de la mort peut- être même à une panique intérieure qui aboutit à un
système de défense; son oeuvre entière est dessinée sur ce voile. Pour
supporter l’idée de la mort dans ces conditions, il fallait à la fois l'habiller
de couleurs chatoyantes, la réduire à un instant sublime (le dernier instant,
en rire et faire " des choses horribles, la plus horrible " " l’unique port des
tourments de cette vie ". Enfin, il y a là trace de cette envie farouche d’en
prévenir l’éclat en renonçant à conclure. " Ces jugements devraient
conduire au silence et j’écris ce n’est nullement paradoxal. " Oui, mais pour
exprimer le silence, le silence ne suffit plus.

" Tu entendras, venant de toi- même une voix qui mène à ton destin. C’est
la voix du désir et non celle d’êtres désirables. " Ici se retrouve la poésie
aiguë de Bataille et sans vibrations littéraires comme lorsqu’il annonce: "

Le vent du dehors écrit ce livre " Il ne peut que savoir combien


l’impersonnalité invoquée de la pensée porte en réalité sa signature. Qu’il
veuille ou non, Hegel lui suggère que la vie qui supporte la mort et se
maintient en elle, est la vie de l’esprit, (je cite de mémoire. C’est la
supériorité de la pensée hégélienne faite de savoir et de science, sur les
autres courants qui n’ont que le savoir et qui, par cela, sont aveugles.

Hegel fait ici sa petite entrée. Non que nous voulions coûte que coûte relier
Hegel à Bataille. Les profondeurs et les spirales de sa pensée sont telles que
nous pourrions trouver au créateur d’Acéphale d’autres patrons et même
Héraclite nous conviendrait depuis le jeu de l’enfant qui rassemble des
pierres, édifie des châteaux et les détruit ensuite parfois avec la complicité
du ressac jusqu’au feu créateur. Nous pourrions chercher des ancêtres aussi
à chacune de ses remarques rationnelles et irrationnelles. D’où vient la
gratuité de l’activité humaine, son gigantesque gaspillage — deux millions
d’oeufs pour un seul être mortel — son goût de renaître au prix d’une action
destructrice ? D’où sort son intuition fondamentale — qui ne doit pourtant
rien à l’ethnologie ni à Marcel Griaude — de la prise de conscience de
l’homo sapiens par son sexe levé ? D’où part cette aptitude à transférer
l’inquiétude religieuse en fixation sexuelle ? D’où coule cette pensée
évidente que " la liberté souveraine, absolue, fut envisagée [] après la
négation révolutionnaire du principe de la royauté " ?

Ce serait un jeu — ce qui n’est pas méprisable — qui demeure en dehors de


nos préoccupations.
Encore des souvenirs, qui s’imbriquent dans mon propos. Orléans. Dernière
phase des Larmes d’Eros. Il y a dans cette ville une maison très étroite et
toute en hauteur, à la façade de marbre blanc dans le goût d’une
Renaissance tardive. Elle n’est, aujourd'hui, qu’un entrepôt de fromages
innombrables et cela se sent même au milieu du marché qui est en face.
Georges Bataille était fasciné par l’ensemble et l'incongruité de
l’architecture par rapport à ce négoce de fromages. De son esprit devaient
aussi jaillir des rapprochements étonnants. Je pouvais juger à froid, d’autant
que je déteste l’odeur du fromage. Au milieu du marbre orné, c’est donc
avec Monique que Bataille fit une large provision pour le déjeuner de ce
jour où l’on achevait enfin Les Larmes d’Eros. Monique le battit d’ailleurs
sur son propre terrain, en goûtant un fromage devant lequel le Munster est
une variation de la violette et qui l’avait fait hésiter lui- même Les yeux
brillants d’admiration, il murmura: " C’est presque un tombeau… "

Il puisa sans doute dans ces jouissances: gustatives et olfactives — sans


oublier le trouble de ses évocations —des forces nouvelles pour les
dernières retouches à ce que serait son livre. Pendant des mois, je subis les
BATAILLE

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reproches de Monique pour ce qu’elle nommait ma cruauté. C’était


d’ailleurs de la cruauté. Aux limites du supportable, je lui faisais écrire les
légendes qu’il souhaitait lire le long des Larmes d’Eros. La légende à peine
écrite, de son écriture ferme, menue et essentielle, passait dans le salon à
côté, où Monique la dactylographiait. A ce moment- là, la fatigue de
Bataille était telle et sa lucidité l’effet d’une brûlante tension que quand je
revenais,il avait déjà oublié ce qu’il venait d’écrire. Je devais pourtant finir
ce livre qui avait pris un an de retard sur les plans de l’éditeur. C’est ma
seule excuse et elle n’empêche pas mon coeur de se serrer quand je pense
que j’aurais évité sa peine en renonçant au livre et en laissant intacts des
tabous immémoriaux qu’il voulait à tout prix fêler. Je cherche aussi Georges
Bataille dans le très vieil essai, dont je possède le tirage à part d" Aréthuse
": Les monnnaies des Grands Mogols. Déjà, l’écrivain et le penseur se
manifestent sous les routines culturelles. De l’empire à la " destinée aussi
brusquement éblouissante " du petit- fils de Tarmelan, Babar, descendant de
Gengis Khan par sa mère, aux jésuites se leurrant " d’espoirs délirants sur la
conversion prochaine () de l’Inde ".

Georges Bataille montre une vision personnelle du monde, de l’histoire. Et


il s’agit d’un catalogue de monnaies zodiacales!

Toutefois, s’il y a déjà une écriture manifeste, sa pensée ne s’est pas


révélée. Le rapport érotisme- mort reste encore dans les textures mêmes de
la démarche humaine et, s’il fait surface dans son esprit, demeure
informulé. Il va se trouver de toute façon en bonne compagnie. C’est
Bernanos qui écrit: " Il semble bien que le pressentiment de la mort
commande notre vie affective ".

Georges Bataille peut d’ailleurs remonter facilement jusqu’à l’Orient pour


rencontrer d’autres strates d’une pensée constante. Il y a le Nirvana et le
maithuna (union sexuelle) qui s’opposent à la version inhumaine de la "

pensée céleste ". Le Nirvâna est, en effet, à la fois la mort de Bouddha,


l’anéantissement de la vie physique et la "

petite mort " chère à Bataille. Bien qu’il fût hégélien convaincu,
Schopenhauer ne lui déplaisait pas; c’est à ce dernier que l’on doit la
diffusion de ce terme en Occident, dans son acceptiond’extinction du désir,
d’anéantissement de l’individu dans le collectif, donc d’un état de
tranquillité et de bonheur parfait, où la mort n’a plus de sens, ce qui comble
les frayeurs de Bataille. Freud y voit une tendance à la réduction, à la
constance, à la suppression de la tension d’excitation interne. Ainsi, il y
décèle une correspondance avec la notion de pulsion de mort. Nous ne
pourrons pas éviter ses remarques.

Sur un plan plus proche de la poésie de Bataille, Novalis — l’immense


Novalis vers qui nous devons nous tourner chaque fois qu’une intuition
hallucinante s’impose à notre esprit — a dit aussi: " Le processus de
l’histoire est un embrasement et la mort peut représenter la limite positive
de cette transcendance d’une vie au- delà de la vie. "
Georges Bataille ne regarde d’ailleurs pas tellement la mort, mais le dernier
instant, ce dernier instant où il faut abattre les pouvoirs de l’éternité.
D’élimination en élimination, la douleur lui paraît comme médiatrice —
intermédiaire et entremetteuse — entre la vie et la mort. D’où son regard
fixé — Max von Sydow a ce regard lorsqu’il s’efforce de pénétrer dans les
prunelles de la femme qui va être brûlée (Le Septième Sceau) — sur les
suppliciés. Ici aussi, l'on doit rappeler que l’un des fondements de la
doctrine de Bouddha est la vérité de la douleur, où acceptation masochiste
et provocation sadienne se mêlent étroitement. On pourrait employer une
phrase que Bataille énonce ailleurs: " Souvent Hegel me semble l’évidence,
mais l’évidence est lourde à supporter ". L’évidence des enchaînements qui
l’amènent au dernier instant ne doit pas être moins lourde. Ce dernier
instant deviendra son leitmotiv qui se grave dans toute son oeuvre,
probablement à l’aide du cautère nietzschéen.

C’est ce dernier instant qui accule Bataille à la recherche de preuves. Son


intuition — nourrie aussi de Hegel, de Nietzsche et de Freud — admet avec
aisance que " ce sont les instincts sexuels [] qui finissent par rendre raison
des horreurs sacrificielles ". Il ne sait que trop que le plaisir de se dépasser
en s’anéantissant est un plaisir sadien par excellence.

Mais ce n’est pas là l’objet de sa quête. Il voudrait savoir comment


atteindre le médiateur entre le sacrifice et l’extase. Le pourquoi lui importe
peu.

BATAILLE

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de Georges BATAILLE. htm (13 sur 16) [26/ 04/ 2003 23: 10: 31]

Dans le supplice chinois des cent morceaux, il se laisse attirer par la vision
d’un homme transfiguré, extatique, sous le rasoir du bourreau qui le
découpe vivant à la joie des badauds. Bataille ne se laissa pas ébranler par
le fait que l’instantané n’a fixé qu’une fraction éphémère de l’expression du
supplicié et que, de toute manière, dans les mains d’un carabin facétieux, on
peut faire rire un cadavre en manipulant l’orbiculaire des lèvres; la certitude
que le supplicié a reçu une forte dose d’opium ne sème pas davantage le
doute en lui. Les victimes et les bourreaux le convainquent que le mystère
du dernier instant est dans cette suprême angoisse qui, au- delà, doit se
résoudre en suprême jouissance ou en suprême inconscience. Bataille
connaît les rites frénétiques des disciples du Roufaï, secte islamique liée au
soufisme des derviches, où la douleur des blessures provoquées est
employée comme adjuvant extatique (mais " elles sont faites dans un état de
vertu où elles ne causent pas de douleur mais une sorte de béatitude qui est
une exaltation du corps autant que de l’âme [] Ces pratiques doivent être
considérées surtout comme un des moyens d’ouvrir une porte ".

C’est la grandeur et la faiblesse de la preuve: pour que la douleur ne soit pas


la douleur, pour que la mort ne soit pas l’horreur de la mort, il faut qu’elles
s’abstiennent d’être des réalités.

Dans la mythologie de Bataille, l’extase du supplicié fait pendant à l’extase


des grands sadiques, Gilles, Erzsébet Bâthory de Nadasdy, Dona Catalina
de los Repos (que Bataille n’eut pas le temps de connaître); ou encore à cet
homme désirant voir des corps torturés dont parle Platon, aux flagellants
ithyphalliques du Christ dans l’évidence des peintures et des sculptures
traditionnelles (Luis Borrrasa, Holheinz, calvaires bretons, bref, au goût
permanent des foules pour les plus cruels spectacles de mort: Cirque,
Crucifixion, Tenocytitlan, Place de Grève, Place Rouge ou Nuremberg. Tout
prend un sens, mais seulement vers la destruction et la mort. Schlegel dit: "
Ce n’est que dans l’enthousiasme de la destruction que se révèle le sens de
la création divine. Ce n’est qu’au milieu de la mort que fulgure la vie
éternelle "

L’interrogation devant la souffrance n’est donc qu’un palier d’approche à


l’interrogation devant la mort. Le tâtonnement attendrissant de Georges
Bataille ne peut franchir la borne de l’inconnaissable. C’est déjà assez beau
qu’il puisse s’adapter sans rupture à la dialectique exprimée par le concept
d’Aufhehen (dépasser en maintenant, — particulièrement cher à un esprit
hegelien — en consentant à survivre.

Le lecteur le plus indigent s’en aperçoit: je tourne autour du pot. Je résiste


de toutes mes forces à l’idée de devoir parler de Georges Bataille sur un
autre plan. J’ai retardé ce moment et, bien qu’il me répugne de lui accoler le
nom de philosophe, il faut bien que j’oublie son langage poétique qui m’a
toujours convaincu davantage, pour parler de son ordre mental. J’aborde le
philosophe avec toutes les réticences que me suggère la philosophie. J’ai dit
ailleurs que nous vivons sur un discours vieux de vingt- cinq siècles que
l’on appelle justement " philosophie "

à défaut d’un mot plus incertain. Nous avons été assez coupables pour
oublier qu’elle est née conditionnée par le mythe, la religion, voire la
politique, ce qui signifie que c’est le seul domaine où nous avons accepté la
supposition, là où la science avait toujours exigé la description.

La philosophie a été un miroir concave ou convexe que l’homme s’est


construit (sans le dire) pour nous faire voir comment nous aurions dû être,
et nullement pour nous montrer comme nous sommes.

Les philosophies polluées de christianisme ont bien voulu séparer la vie de


l’activité des glandes endocrines; mais elles ne sont pas pires que les
philosophies laïques qui séparent l’Homme de ses activités — disons —
excrémentielles. Cela nous fait songer à ces architectes sublimes qui
oublient toutefois que dans une cuisine il arrive que l’eau bout.

Il faut bien essayer d’aborder Georges Bataille, entre Hegel et Nietzsche,


entre la dialectique et le tragique. Son expérience radicale et définitive de "
l’impossibilité de penser " — exprimée d’ailleurs par une pensée continue
BATAILLE

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qui sourd de toute son oeuvre, à chaque instant — ne nous arrêtera pas, ni
ne nous empêchera de la voir nettement, malgré le trouble que ses
recherches engendrent à plaisir. " L’expérience est à elle- même sa propre
autorité! mais [] l’autorité s’expie. " Il veut définir, je crois, le principe
d’une vie " intellectuelle " libérée de l’autorité qui soit la source de la
pensée qui n’a pas- de- source. Mais Bataille finit par exprimer les limites
qui sont les nôtres, parce que ce qu’il redoute — la trahison de la parole —
est déjà inscrit dans l’articulation originelle de la parole. Quand il dit: " Un
homme est une particule insérée dans des ensembles instables et
enchevêtrés ", cet inséré " compromet " à jamais tout espoir d’absence.
Nous ne pouvons pas, sans tomber dans le vide, éviter des appareils de
sécurité; en les renversant — par le sophisme ou par un élan prodigieux —
il est peut- être possible d’atteindre l’athéologie, mais on se dissout aussi
sûrement dans l’absence du divin et du moi; ce qui ne peut aboutir qu’à
l’absence tout court. Mais comment fermer les yeux sur cette absence qui,
pour être intelligible, est à l’intérieur d’une présence ? Il n’y a d’ailleurs
que les athées pour dramatiser l’absence de Dieu; pour les autres, c’est un
apaisement illimité.

Devons- nous faire appel à Freud ? Peut- être les clefs — ou les crochets —
de ces angoisses sont dans ses mains.

Son ancienne affirmation " l’angoisse est la conséquence d’un refoulement


" ne nous aide certes en rien, même si nous analysons les souvenirs de
Georges Bataille vis- à- vis de son père. Ce qui prend une tout autre
importance est la certitude que " la dernière transformation de l’angoisse``

L’ancien psychanalysé (la légende veut que Lacan ne se soit jamais laissé
analyser par ses pairs) connaît toutes les nuances de la pulsion de mort
(Todestriebe, les pulsions extrêmes qui s’opposent à la pulsion de vie et
tendent à la réduction complète des tensions, c’est- à- dire à ranimer l’être
vivant à l’état anorganique. Il y a une tendance fondamentale dans tout être
vivant à retourner à cet état. Et le reste s’enchaîne avec une sorte de fatalité
: " Une partie de cette pulsion aboutit au sadisme par son déplacement vers
l’extérieur; celle qui ne suit pas ce déplacement, demeure dans l’organisme
où elle est liée libidinalement ": nous y reconnaissons le masochisme
originaire, érogène "

Presque tout est dit et si l’on ajoute la pensée de Freud sur ce qui, dans
l’esprit de Bataille. a dû être- là médiation du dernier instant, quelque clarté
se fait: " Dans la douleur corporelle, on a une haute charge — qu’on peut
dire narcissiste — des zones douloureuses du corps: elle s’accroît toujours
et agit d’une manière qu’on pourrait définir " vidante " [qui fait le vide ",
épuisante ]. "

Les recoupements consentent d’aller assez loin. On a le droit de se


demander si la hantise de la mort n’aurait pas frappé Georges Bataille
d’éblouissement. " Non plus que le soleil, elle ne peut être recardée
fixement " Serait-il plus près du symbolisme qui nous avait appris " l’étroite
parenté de la beauté et de la mort " ? Je suis plus à l’aise près d’un Georges
Bataille poète éblouit mais dont le style est déjà pensé et qui, par sa seule
insertion dans l’univers des paroles et des formes, dément l’atrocité qu’il
voulait circonvenir pour amoindrir l’atrocité suprême du non- être. Il ne
répond pas à la question de Valéry: " Pourquoi ce qui produit les êtres
vivants les produit-il mortels ? ", pour l’excellente raison que la réponse
nous échappera toujours tant que nous n’irons pas au- delà de la vie.

Mon dernier Bataille est assis au Flore. dans un matin ensoleillé. A ses
cotés, c’est peut- être leur dernière rencontre, Balthus et à côté de Balthus,
Pierre Klossowski, deux profils d’un même médaillier. Plus loin, Patrick
Waldberg, attentif comme une nourrice. Georges Bataille est là, l’oeil bleu,
les cheveux blancs et d’une incomparable jeunesse. Son sourire n’est
nullement figé: il est presque invisible à force de mesure. Il y a le rituel de
l’ange passant. Je ne l’ai plus revu et il reste ainsi dans le soleil d’un matin,
lui qui ne rêvait que de tombes sans colombes.

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