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L’objectif de cet article est de considérer les ressources principales qui sous-tendent le contrôle postu-
ral, afin de mieux comprendre la complexité de cette fonction et mieux en appréhender l’évaluation et
la réadaptation. Le système postural met en interaction : les informations sensorielles qui permettent
d’informer le système nerveux central sur l’état du corps et les conditions environnementales ; les straté-
gies motrices qui permettent de maintenir l’équilibre ; et l’influence cognitive qui favorise certains types
de réponses en fonction des conditions de réalisation de la tâche ; en vue de réaliser une action malgré
la gravité (orientation), tout en évitant la chute (stabilité). Le contrôle postural est donc organisé selon
les caractéristiques de l’individu, mais est également contraint par l’environnement et la tâche à réaliser.
Le contrôle postural est à la base de toutes nos activités motrices. En modifiant la position des segments
et donc la répartition des masses, nos actions nécessitent des réactions posturales efficientes. Dans ce
cadre, le schéma postural et les référentiels internes aident à structurer le comportement postural. Ainsi,
le contrôle postural constitue un système complexe au sein duquel l’altération d’un des mécanismes peut
affecter la performance posturale et constituer un facteur de risque de chutes important. Une dégradation
des performances posturales peut avoir des conséquences significatives sur la santé physique et mentale
d’un individu et inversement. L’évaluation posturale par les thérapeutes doit donc considérer chacune
des ressources impliquées (motricité, référentiels de base, intégration multisensorielle, etc.). L’approche
thérapeutique proposée, en fonction de l’altération de ces ressources, doit tenir compte des principes de
répétition et de spécificité. Cette approche doit être précise, rigoureuse et fonctionnelle afin de permettre
à tout patient de travailler et de rééduquer ces ressources pour un contrôle de l’équilibre adéquat à ses
activités quotidiennes, de loisirs ou sportives.
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Stratégies motrices
Processus cognitif
- Réactives
- Anticipatrices - Ressources attentionnelles
- Volontaires - Apprentissage
Contraintes
Stratégies
biomécaniques
sensorielles
- Degrés de liberté
- Force musculaire - Intégration
- Limites de stabilité - Pondération
Incidence des chutes
Orientation dans
Contrôle des l’espace
conditions dynamiques - Perception
- Marche - Gravité, surfaces, vision
- Grands mouvements - Verticalité
Âge B
permettent de maintenir ces modules associés, de les stabiliser l’espace au sein duquel la projection peut être maintenue sans
entre eux ou de les mouvoir de manière indépendante. La fonction que l’individu n’ait à changer son polygone de sustentation pour
antigravitaire, qui permet le maintien érigé, est une des fonctions éviter une chute. L’équilibre est un état, la stabilité posturale est
principales de la posture humaine et constitue un invariant [2] . la capacité à le maintenir et/ou le restaurer [7] .
Elle repose sur une augmentation du tonus de certains groupes Ainsi, le contrôle postural est à la base de toutes nos activi-
musculaires, tels que les muscles extenseurs des membres infé- tés motrices. La conception actuelle du contrôle postural est celle
rieurs, du tronc et du cou [3] . La posture humaine est également d’un système complexe, qui met en interaction différentes res-
une interface avec le monde extérieur, pour détecter et utiliser les sources, dont les informations sensorielles (permettant d’informer
informations environnementales afin de positionner et d’orienter le système nerveux central sur l’état du corps et des condi-
le corps pour réaliser une activité en situation d’équilibre, ce qui tions environnementales), et les stratégies motrices (permettant
constitue sa deuxième fonction essentielle. La posture est donc de maintenir l’équilibre). Le but est ainsi de réaliser une action
une des bases de l’organisation du mouvement. Le positionne- motrice malgré la gravité, tout en évitant la chute. Le tout est
ment et le maintien des segments sont ajustés pour permettre la sous couvert de l’influence cognitive, qui favorise certains types de
transition d’une posture stable à une autre [1] . On note que le réponses en fonction des conditions de réalisation de la tâche. Le
terme de « posture » peut aussi renvoyer à l’idée d’« attitude », contrôle postural dépend donc des caractéristiques de l’individu,
alors vecteur de l’expression des émotions [4] . Ce dernier aspect de l’environnement et de la tâche à réaliser (Fig. 1) [5] .
ne sera pas spécifiquement développé ici.
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Contrôle postural : physiologie, concepts principaux et implications pour la réadaptation 26-007-B-40
Système vestibulaire
Contact Les déplacements des otolithes (cristaux de carbonate de cal-
talon droit cium) associés aux cils de la membrane de l’utricule et du saccule
renseignent sur les accélérations et décélérations linéaires de la
tête par rapport à la gravité [2] . D’autre part, les canaux semi-
circulaires, orientés dans les trois plans de l’espace, sont sensibles
aux accélérations et décélérations angulaires par la déformation
de leur cupule liée à la mise en mouvement du liquide qu’ils
contiennent (endolymphe). Ces informations donnent lieu au
Décollement réflexe vestibulospinal, qui consiste à ajuster le tonus musculaire
hallux droit entre les hémicorps en fonction de la position de la tête [11] , et
au réflexe oculovestibulaire, qui permet de garder la position des
Contact yeux stable lorsque le corps est en mouvement. L’intégration de
talon gauche ces informations par les noyaux vestibulaires et le cervelet va régu-
ler la tonicité du cou et permettre de définir l’orientation de la tête
par rapport au corps.
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26-007-B-40 Contrôle postural : physiologie, concepts principaux et implications pour la réadaptation
représentation interne du corps se construit sur la base des infor- Implication des structures du système
mations sensorielles générées par l’individu en interaction dans
son milieu aussi bien physique que social [16] . Ainsi, il permet de nerveux
tenir compte des caractéristiques des différents segments : de leur En position debout (sans perturbation), faire osciller le CP
géométrie, de leur masse et de l’inertie qui en résultent, de leur autour de la projection du CM nécessite une activité musculaire
position relative les uns par rapport aux autres et par rapport à la relativement faible et distribuée. La correction de la trajectoire du
verticale [17] . Ces éléments sont particulièrement importants pour CM en avance de quelques millisecondes par rapport à l’état de
ajuster la posture de manière appropriée, c’est-à-dire être capable tension maximale du triceps montre cependant que les informa-
de prédire les conséquences d’un changement dans la réparti- tions périphériques ne contribuent pas à elles seules au maintien
tion des masses. Il se réalise au fur et à mesure des expériences antigravitaire [14] . En plus d’ajustements musculaires réflexes en
vécues, de l’apprentissage, en interaction avec l’environnement réponse à ces informations (feedback), une contribution des
gravitaire qui entoure l’individu [18] . Grâce à ce développement centres supérieurs est nécessaire en « feedforward », c’est-à-dire
et aux expériences antérieures, ce modèle interne se développe de manière prédictive [23] .
et se recalibre continuellement. Les informations proprioceptives
sont essentielles pour renseigner sur les relations actuelles et les Ajustements posturaux réactionnels
modifications à apporter [16, 19] .
L’analyse électromyographique des réactions posturales à une
perturbation non prévisible permet d’appréhender plus concrè-
Référentiels spatiaux tement les différentes structures impliquées dans le contrôle
Afin d’utiliser et de combiner les différentes informations à postural. Plus la latence de la réponse musculaire est longue,
sa disposition, l’individu les structure au sein de trois référen- plus l’implication du contrôle volontaire (cortical) est impor-
tiels : tante [24] . Les réponses à latence courte, autour de 50 ms après la
• le référentiel géocentré. Il se construit à partir de la verti- perturbation, sont organisées par des circuits courts au niveau spi-
cale gravitaire et permet l’élaboration de la verticale subjective nal (comme celui du réflexe myotatique). La réponse musculaire
(c’est-à-dire l’évaluation que l’individu fait de l’orientation de la induite contribue à la réaction posturale, mais ne suffit pas à sta-
verticale gravitaire [20] ). La posture érigée s’élabore sur la base de biliser la posture [24] .
cette verticale subjective. En plus des récepteurs vestibulaires, Des réponses à latence moyenne et à latence longue
des organes tels que l’estomac, les reins et le système cardiovas- interviennent ensuite, avec des bouffées successives d’activité
culaire auraient des fonctions de « gravicepteurs » [21] ; électromyographique mesurées dans les muscles des membres
• le référentiel exocentré. Il représente l’espace dans lequel inférieurs, du tronc et des membres supérieurs [1] . Ce sont des
l’individu peut agir. Pour la régulation posturale, les éléments synergies musculaires qui permettent une réorganisation postu-
statiques de l’environnement vont servir de référentiel pour rale rapide (situations quasi dynamiques) [8] , via trois stratégies
indiquer la verticale, sans qu’il soit nécessaire de les identifier principales (cheville, hanche et initiation du pas [Fig. 3]), suppo-
consciemment [22] ; sément associées à la correction de déstabilisations croissantes [25] .
• le référentiel égocentrique. Il est défini comme la représentation En présence de contraintes extérieures particulières ou de patho-
interne d’un plan virtuel, appelé « plan médian », superposé logies, les synergies peuvent être modifiées tout en préservant,
au plan sagittal corporel [20] . L’orientation du tronc semble in fine, la stratégie voulue [1] . Elles sont initiées au niveau du
constituer l’origine de ce référentiel. Les informations pro- tronc cérébral, puis ajustées au niveau du cortex cérébral. C’est
prioceptives, particulièrement de la nuque, et les informations seulement cette partie tardive de la réponse à une perturbation
vestibulaires participent à sa construction et à sa régulation. inattendue qui peut être volontairement modifiée, montrant ainsi
L’utilisation des référentiels est combinée, ce qui nécessite une l’influence cognitive sur le contrôle postural [26] . La relation entre
mise en relation efficiente. Le lien entre les référentiels exocentré l’importance de la déstabilisation et la stratégie correctrice choi-
et égocentré est assuré par une succession de transformations de sie peut être modifiée en fonction de l’âge ou de l’objectif du
coordonnées de l’espace en coordonnées rétiniennes, puis rela- mouvement. Pour contrôler leur CM, les personnes âgées vont
tives à la position de la tête (entre autres par la proprioception avoir tendance à utiliser davantage des mouvements des bras ou
oculaire) et enfin relatives aux segments qui serviront de support à réaliser plusieurs petits pas, comparativement aux personnes
à la réalisation du mouvement [1] . L’origine du référentiel égocen- jeunes [27] .
tré peut être modifiée en fonction des impératifs de la tâche à Si ces ajustements posturaux ne suffisent pas, une modification
réaliser. La tête étant le support des informations visuelles et ves- du polygone de sustentation est nécessaire par la réalisation d’un
tibulaires, elle est par exemple la référence à stabiliser lors de la pas ou l’atteinte d’une prise pour se stabiliser (situations dyna-
locomotion [3] et c’est à partir d’elle (via la proprioception) que miques). Le cortex moteur est alors impliqué et tente d’adapter la
s’organise la motricité de l’individu. L’objectif est alors de faire réaction à l’espace disponible [28] .
coïncider l’orientation de la tête avec le référentiel géocentré. Cela
facilite la perception et l’interaction avec l’environnement via le Ajustements posturaux anticipés
référentiel exocentré. Cependant, la tête n’est pas fixée de manière et accompagnateurs
rigide sur le tronc. Son effet stabilisant sur la posture dépend de D’autres ajustements posturaux peuvent apparaître si la pertur-
la capacité de l’individu à évaluer l’orientation de sa tête par rap- bation est prévisible. Par exemple, la réalisation d’un mouvement
port à son tronc, entre autres par les informations proprioceptives ou un changement de position modifie la répartition des masses
nucales. corporelles, ce qui déplace le CM et peut menacer l’équilibre
postural. L’organisation entre les autres segments doit alors être
modifiée (ou le tonus musculaire ajusté) pour maintenir ou restau-
▲ Attention rer la situation d’équilibre. Cela est possible par la « connaissance »
des caractéristiques des différents segments, via le schéma corpo-
rel. Cela se traduit par des ajustements posturaux anticipés, qui
• Informations sensorielles : issues de trois systèmes prin- apparaissent 100 à 150 ms avant le mouvement ou la perturba-
cipaux (vestibulaire, visuel et somatoproprioceptif), leur tion anticipée [29] . Ces ajustements permettent de limiter les effets
combinaison est nécessaire pour une bonne appréhension déstabilisants du mouvement et de stabiliser la position des seg-
ments qui lui serviront de support. Ils n’empêchent pas la mise
de la situation.
en place d’ajustements accompagnateurs, pendant la perturbation
• Référentiels spatiaux : références internes élaborées par
que représente le mouvement, voire réactionnels à la suite de la
et pour l’utilisation des informations sensorielles. Ils sont perturbation. Les ajustements visant à assurer l’équilibre et ceux
centrés sur l’environnement (exo-), l’individu (égo-) et la visant à stabiliser les segments servant de référence pourraient
gravité (géo-). dépendre de structures différentes au niveau central, et peuvent
donc être sélectivement affectés en fonction des pathologies [1] .
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Contrôle postural : physiologie, concepts principaux et implications pour la réadaptation 26-007-B-40
Polygone de sustentation
Lorsque la situation est connue et qu’une anticipation est pos- Cependant, en fonction de la situation, chaque information n’est
sible, une activation corticale particulièrement importante est pas prise en compte dans les mêmes proportions [32] ; c’est la pon-
observée au niveau du cortex sensorimoteur et de l’aire motrice dération sensorielle. Par exemple, sur une surface glissante ou
supplémentaire, en amont des ajustements posturaux [30] . Durant instable, la vision et le système vestibulaire sont davantage uti-
la phase de déstabilisation, les ganglions de la base contribuent à lisés que la proprioception [33] . Au niveau cortical, il apparaît une
la mise en place rapide des synergies musculaires appropriées au facilitation en faveur des informations afférentes essentielles pour
contexte [30] . Si la situation correspond à une situation déjà vécue contrôler la situation, par exemple pour les informations proprio-
personnellement, le cervelet s’avère important pour moduler ceptives lors d’un test d’équilibre particulièrement difficile [23] . Par
l’amplitude de la réaction posturale par rapport à la perturbation ailleurs, la pondération peut changer au cours de la tâche. Lors de
envisagée [31] . la marche, le système somatosensoriel est particulièrement sen-
sible aux informations proprioceptives lors de l’initiation [34] , puis
les informations visuelles et vestibulaires sont favorisées [35] .
▲ Attention Chaque système sensoriel est spécialisé dans la perception de
caractéristiques particulières du corps ou de l’environnement.
Cependant, ils ne peuvent à eux seuls indiquer l’état global du
• Réactions posturales : variées, elles permettent de dépla- corps. Par exemple, le système somatoproprioceptif ne « fait pas »
cer le centre de pression pour contrôler le centre de masse. la différence entre une inclinaison de la surface d’appui et une
inclinaison du corps vers l’avant [36] . Dans les deux cas, la pres-
Certaines activités posturales sont anticipées et visent à
sion augmente à l’avant de la plante du pied et les fléchisseurs
réduire les effets déstabilisants des mouvements à venir.
plantaires sont étirés. Il faut l’information du système vestibu-
• Contexte et cognition : ces éléments peuvent modifier
laire pour indiquer les variations de positionnement de la tête
le comportement postural et les réactions mises en place. ou de la vision pour indiquer l’orientation par rapport à la sur-
face d’appui ou aux éléments verticaux de l’environnement. La
redondance sensorielle est donc nécessaire pour appréhender cor-
rectement une situation. Si les sources ne sont pas congruentes
entre elles, on parle de conflits sensoriels [37] .
Nécessité d’une intégration
multisensorielle Stratégies sensorielles
Pondération et redondance des informations En plus du contexte, la pondération de chaque source
sensorielles d’information sensorielle dépend des individus [5] . Cette pon-
dération, aussi appelée information sensorielle de surveillance,
Chaque source sensorielle est considérée pour obtenir la détermine les choix stratégiques de l’organisation de la motri-
position et les déplacements du corps dans l’environnement. cité réactive et adaptative qui dépendent du vécu antérieur et
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26-007-B-40 Contrôle postural : physiologie, concepts principaux et implications pour la réadaptation
des effets d’apprentissage de chaque individu [38] . Par exemple, nombre de répétitions important [45] , ce qui en fait souvent un
les informations visuelles apportent un effet stabilisateur pour la outil de recherche plutôt qu’un outil clinique. Parmi les para-
plupart des individus. Cependant, il est possible de distinguer les mètres posturographiques habituellement considérés, la surface
individus dits « visuodépendants » de ceux dits « non visuodé- de déplacement du CP rend compte de la performance globale
pendants », avec un continuum de comportements entre ces deux à la tâche posturale ; la vitesse traduit l’énergie dépensée pour
extrêmes [39] . De manière générale, les individus non visuodépen- atteindre cette performance ; et l’amplitude du déplacement du
dants montrent peu d’amélioration de la posture les yeux ouverts CP est associée à l’instabilité posturale [46] .
par rapport à la même situation les yeux fermés, montrant ainsi Le modèle de Shumway-Cook et Woollacott (Fig. 1A) permet de
qu’ils sont moins sensibles au feedback visuel. Par ailleurs, chaque garder en mémoire les différentes interactions qui sous-tendent
individu peut modifier ses préférences sensorielles en fonction de le contrôle postural. Il représente le contexte général à prendre
nouvelles particularités physiques, d’entraînement ou de patholo- en compte, avec entre autres les capacités sensorielles, motrices
gies. La dominance d’un des systèmes peut induire des difficultés et cognitives de l’individu [5] . Les auteurs considèrent également
pour résoudre des situations de conflits sensoriels et entraîner un l’environnement. Un environnement contraignant est un envi-
comportement postural inadapté. Par exemple, en cas de dépen- ronnement qui oblige la tâche à se réaliser selon certains critères,
dance visuelle forte, la mise en mouvement de l’environnement par exemple, l’espace disponible. Les éléments non contraignants
visuel peut donner lieu à une chute [37] . sont ceux qui peuvent indirectement l’affecter, comme les bruits
de fond, les distractions, etc. Ces aspects sont particulièrement
intéressants à considérer et à manipuler lors d’une prise en charge.
Implications Dans ce modèle, la « tâche » se rapporte aux types d’activités
posturales requises. Les impératifs liés au contrôle postural sont
pour la réadaptation différents pour les activités avec un polygone de sustentation fixe,
comme assis et debout, ou mobile, comme lors de la marche, et
Évolution et modifications des capacités encore si elles impliquent une activité motrice.
posturales Horak [6] propose une autre approche de l’interaction
individu–tâche, avec six ressources nécessaires pour la stabilité
La mise en place et l’utilisation des différentes représentations
posturale et l’orientation (Fig. 1B). L’évaluation de ces ressources
internes liées au contrôle postural et au contrôle du mouvement
est regroupée dans le Balance Evaluation Systems Test (BESTest)
évoluent au cours du développement. Les aspects d’orientation
(Fig. 4). Une altération de ces ressources peut causer des troubles
et d’équilibre se structurent peu à peu. L’apparition de syner-
de l’équilibre et l’augmentation de l’incidence des chutes. Une
gies musculaires organisées entre les membres inférieurs, le tronc
fois les difficultés ciblées, une analyse complémentaire peut
et la tête, en réponse à une perturbation du support, coïncide
être réalisée, grâce aux évaluations habituelles (force musculaire,
avec l’acquisition de la position debout indépendante [40] . À par- amplitudes articulaires, coordination, tonus, sensibilité, temps de
tir de 7 ans, il apparaît une calibration interactive entre les réaction, etc.). Chaque déficit peut affecter différemment chaque
différentes boucles sensorimotrices, visible dans la stratégie loco- composante du contrôle postural. Les déficits de force risquent
motrice adoptée. L’enfant passe d’une stratégie de stabilisation de d’altérer les composants réactifs et dynamiques du contrôle pos-
la tête sur le tronc à une stabilisation de la tête dans l’espace : tural [47] . Au contraire, les déficits proprioceptifs, à la cheville
la tête et le tronc qui étaient jusque-là gérés comme un seul bloc par exemple, sont délétères pour les performances statiques, alors
se dissocient. La position de la tête est alors organisée par rap- que les performances sont « normales » en condition dynamique,
port à l’espace, ce qui permet la stabilisation du regard et donc lorsque les autres systèmes sensoriels sont recrutés et compensent
une meilleure perception de l’environnement, comme chez les le déficit initial [48] . Par l’aspect cognitif retrouvé dans ce modèle,
adultes [41] . Les représentations internes nécessaires à l’action et on peut ajouter l’impact psychologique des déficits d’équilibre et
aux interactions sociales, telles que le schéma corporel, maturent des chutes qui est de plus en plus mis en évidence. La confiance
jusqu’à l’âge adulte. en son équilibre ainsi que la peur de tomber sont reconnues pour
À partir de 60 ans, l’ensemble des systèmes sensoriels et moteurs affecter le comportement postural [49] et devraient donc être régu-
se dégrade, même dans le cas d’un vieillissement dit physiolo- lièrement évaluées.
gique [42] . Le contrôle postural va en subir les conséquences et cela
mène, pour un adulte sur trois de plus de 65 ans, à une chute [43] .
De manière générale, les difficultés posturales des personnes âgées Implications pour la prise en charge
s’aggravent chez les sujets pathologiques [44] . Un programme de réentraînement postural doit contenir des
Le contrôle postural représente un système complexe entre situations spécifiques mais aussi variées, puisque le système pos-
les éléments qu’il utilise (informations sensorielles, système tural semble s’améliorer principalement dans les tâches dans
musculosquelettique), qu’il construit et sur lesquels il se base lesquelles il est sollicité [50] . En ce sens, il semble important de
(référentiels) et ses mécanismes régulateurs (stratégies sensori- proposer un entraînement qui se rapproche progressivement et
motrices). Il apparaît donc que l’altération ou la lésion d’un de de manière structurée des situations difficiles pour le système
ces systèmes est à l’origine de déficits posturaux, qui doivent postural, en sélectionnant les variables à modifier. L’American
être compensés ou auxquels la personne doit s’adapter afin de College of Sports Medicine recommandait en 2009 d’augmenter
pouvoir réaliser ses activités quotidiennes. De même, tout défi- progressivement la difficulté des postures proposées : diminuer
cit neurologique limitant les capacités cognitives, de jugement, la base de sustentation ; ajouter des mouvements dynamiques
d’attention ou de mémoire, est susceptible de diminuer les capa- qui perturbent le CM ; explorer des postures inhabituelles pour
cités de contrôle postural des personnes. les muscles posturaux (tenir sur les talons, sur les pointes de
pied) ; et diminuer les entrées sensorielles [51] ; ce qui cor-
Évaluation, modèles et conceptualisations respond aux six ressources du modèle d’Horak (Fig. 1B). Ces
programmes traditionnels impliquent le plus souvent un contrôle
Implications pour l’évaluation volontaire de l’exercice, visant à la mise en place de straté-
En considérant la complexité démontrée ci-avant, il devient gies posturales sans changement du polygone de sustentation.
évident qu’aucun test simple ne peut être suffisamment complet Dans la vie quotidienne, ces stratégies s’avèrent souvent insuf-
pour évaluer « l’équilibre », étant donné les nombreux facteurs fisantes et des réactions automatiques avec la réalisation d’un pas
impliqués. Il est ainsi nécessaire de réaliser plusieurs tests afin pour restaurer son équilibre sont nécessaires [8] . Cela a amené
de couvrir les différentes dimensions du contrôle postural, en les cliniciens-chercheurs à développer et à valider des proto-
choisissant des tests dont les qualités psychométriques (validité, coles d’entraînement basés sur des perturbations à la marche.
fidélité, sensibilité) sont bonnes lorsque évaluées chez un groupe Ces perturbations, reconnues comme efficaces pour réduire le
de patients correspondant au cas clinique considéré. Des mesures risque de chutes [52] , peuvent être des poussées, des modifications
instrumentales, de type posturographie, peuvent être réalisées brutales de la vitesse du tapis de marche, des « glissades » du sup-
en complément. Cependant, leur fiabilité nécessite souvent un port, etc. Par ailleurs, l’introduction d’exercices « multitâches »
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Contrôle postural : physiologie, concepts principaux et implications pour la réadaptation 26-007-B-40
Changement de vitesse
Se laisser tomber contre
Mouvements de la tête
Sur surface instable
Tâche mentale
Assis-Debout
Retirer le support
Pieds collés
Demi-tours
Obstacles
pieds
En arrière
En latéral
En avant
semble efficace (double, voire triple tâche) chez les seniors [53] . [3] Pozzo T, Berthoz A, Lefort L. Head stabilization during various
La variété des exercices possibles est infinie : tenir sur un sup- locomotor tasks in humans. I. Normal subjects. Exp Brain Res
port instable, ajouter un calcul mental combiné à un exercice de 1990;82:97–106.
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