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Rappels Pratiques Les limites Perspectives

théoriques kinésithérapiques de l’apprentissage et avenir

TESTS D’ÉVALUATION DE LA PROPRIOCEPTION


MUSCULO-SQUELETTIQUE
Claude GÉNOT1

MOTS CLÉS

Bilan-diagnostic kinésithérapique
Proprioception
Rééducation sensori-motrice
Tests neurologiques

“ Quel que soit


l’objectif thérapeutique,
l’apprentissage moteur
L
’ÉVALUATION du système proprioceptif
musculo-squelettique a pour objectif d’ap-
précier le niveau de perception sensori-
La plupart des tests présentés ci-après rentrent
dans le cadre d’un bilan-diagnostic kinésithéra-
pique (BDK) subjectif, en lien avec les réponses
motrice du patient, en préalable à la mise en verbales ou motrices du patient. Ces tests n’en
progresse œuvre d’une rééducation motrice. La “relation sont pas pour autant moins instructifs pour
de l’inconscience d’apprentissage” qui s’instaure entre le pa- mener à bien une rééducation.
à la conscience tient et le thérapeute débute par un diagnostic
Ces différents tests peuvent être complétés
motrice éducatif et une appréciation des pré-requis, à
par un bilan des réajustements posturaux,


partir desquels l’apprentissage va progressi-
voire par des bilans plus objectifs utilisant un
vement se construire.
appareil de mesure.
Les principes utilisés dans l’évaluation repo-
sent sur la stimulation des différents proprio-
cepteurs de l’appareil locomoteur : cutanés et TESTS DE PERCEPTION
subcutanés, fasciaux, capsulo-ligamentaires, D’UNE STIMULATION
musculaires, tendineux, périostés et des cous- PROPRIOCEPTIVE
sinets adipeux.
Test de résonance osseuse [1]
Les tests recherchent à stimuler un type parti-
L’application d’un diapason sur une surface
culier de mécano-récepteur, sans pour autant
osseuse subcutanée permet d’apprécier la
en garantir la spécificité. Les fonctions motrices
sensibilité profonde périostée. Les points
et sensitives dépendent de systèmes anato-
d’application sont les malléoles tibiale et fibu-
miques et physiologiques redondants, lesquels
laire, la face antéro-médiale du tibia (fig. 1), la
sont difficilement dissociables par un test
patella, l’épine iliaque antéro-supérieure, les
unique. L’exemple nous est donné par la fonc-
processus styloïdes radial et ulnaire, l’olé-
tion d’équilibration qui dépend de trois systè-
crane, l’acromion, etc.
mes que sont la vision, la proprioception mus-
culo-squelettique et vestibulo-labyrinthique. Des diapasons de tailles différentes peuvent
être utilisés.
Seuls les bilans plus sophistiqués (tel en l’oc-
curence l’Équitest®) peuvent mettre en évi- L’interprétation du test tient compte de la
1
Kinésithérapeute cadre dence la prépondérance d’un système par rap- réponse à la vibration, comparativement d’un
Enseignant à l’IFMK de Rennes (35) port à un autre. point à l’autre du corps.
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TESTS D’ÉVALUATION DE LA PROPRIOCEPTION MUSCULO-SQUELETTIQUE

Description du placement articulaire

Ici, le patient, les yeux fermés, précise la position dans


laquelle l’articulation a été placée par l’opérateur. Ce test
est surtout pratiqué au niveau du gros orteil. Il est inté-
ressant de l’étendre aux pied, genou, doigt et coude.

Reproduction du placement segmentaire

Cette fois, le patient, toujours sans contrôle visuel, place


le membre inférieur ou supérieur d’un hémicorps dans la
position symétrique de l’hémicorps controlatéral, déter-
minée par l’opérateur.

Pour ces tests de positionnement articulaire, c’est la com-


plexité du placement choisi qui détermine la difficulté et,
par là même, la graduation de l’interprétation du niveau
de perception.

Tests JPS (Joint position sense) [3]


© D.R.

Ce sont des tests de positionnement articulaire (en l’oc-


▲ Figure 1 curence décrits pour le genou), dont l’interprétation est
Test de résonance osseuse plus objective. Le patient est couché sur le dos, les jambes
Le diapason en vibration est placé sur une surface osseuse subcutanée sont placées en dehors de la table. Un inclinomètre est
appliqué sur le tibia. L’opérateur mobilise le genou pour
Test de stimulation tendineuse vibratoire (STV) [2] l’immobiliser dans une position repérée sur l’inclinomètre
(fig. 2), demande au patient de mémoriser cette position,
La vibration d’un tendon musculaire, les yeux fermés, pro- pour la retrouver ultérieurement.
cure l’illusion du mouvement antagoniste au muscle vibré.
La fréquence du vibrateur est réglée sur 70-80 Hertz Ce test est aussi pratiqué en actif. Dans ce cas, c’est le
(Vibralgic®). patient qui étend le genou, l’immobilise dans la position
déterminée par le thérapeute, pour retrouver après
La stimulation du biceps brachial a pour effet l’illusion du quelques allers-retours de flexion-extension, la position
mouvement d’extension. Cette sensation est accrue si le angulaire repérée sur le plurimètre.
mouvement d’extension est initié de quelques degrés
Il est possible de demander au patient de reproduire la
d’amplitude. Cette illusion de mouvement est variable
position avec la jambe controlatérale et de vérifier la dif-
d’un sujet à l’autre ; c’est pourquoi il est intéressant d’as-
férence d’angulation avec le genou de référence.
socier plusieurs tests proprioceptifs avant de conclure sur
le niveau de perception sensitivo-moteur du patient.
TESTS DE PERCEPTION DYNAMIQUE
ou tests de synchronisation musculaire
TESTS DE PERCEPTION STATIQUE
agonistes-antagonistes
ou tests de positionnement articulaire
Test de pointage intrinsèque
Ces tests font partie de l’examen clinique neurologique. Ils
apprécient le degré de sensibilité statesthésique du patient. Le patient a pour consigne, les yeux fermés, de toucher
avec l’index ou le talon une autre partie de son corps. En
Différents tests sont réalisés sans le contrôle de la vue,
selon trois modalités.
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© D.R.
Figure 3 ▲
Test de pointage intrinsèque ▲
Chez l’enfant comme chez l’adulte, trois essais sont permis ▲
avant de valider le résultat ▲
▲ Figure 2
Test JPS
La position du genou est validée par le repérage de l’angulation de flexion
sur un plurimètre

neurologie clinique, lors d’une lésion cérébelleuse, les


tests sont souvent limités aux mouvements index-nez (fig.
3) et talon-patella à droite et à gauche.

Dans le cadre de l’évaluation sensori-motrice, il faut élever le


niveau de difficulté en demandant au patient de pointer l’in-
dex sur différentes parties du corps, car le placement de la
main par rapport au visage correspond à un schéma moteur
extrêmement bien contrôlé (schéma de Penfield [4]).

Les exercices à pratiquer sont du type index-coude


opposé, index-index opposé, index-gros orteil, etc. La gra-
duation de la difficulté en rapport avec la performance du
sujet repose sur le placement dans l’espace du segment
de membre à atteindre, et ceci de façon active par le sujet
lui-même ou passive par l’opérateur.

Test de pointage extrinsèque


© D.R.

À la différence du test précédent, le patient a ici pour


consigne de venir toucher avec l’index, sans contrôle Figure 4 ▲
visuel, un repère placé devant lui (fig. 4). Test de pointage extrinsèque ▲
Le sujet visualise le placement des aimants sur le tableau, ferme les yeux, ▲
pour ensuite les pointer du doigt ▲

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TESTS D’ÉVALUATION DE LA PROPRIOCEPTION MUSCULO-SQUELETTIQUE

Sur un tableau métallique sont placés des aimants aux active. Pour exemple : sur un pied en appui digitigrade, une
couleurs différentes et selon des dispositions variées. Le poussée exercée sur la face latérale de la cheville, mainte-
patient visualise et mémorise le placement des aimants, nue plusieurs secondes, puis relâchée avec surprise, a pour
puis ferme les yeux pour venir pointer du doigt l’aimant réponse une contraction des muscles antivarisants. C’est le
désigné par l’opérateur. temps de latence de réaction du patient qui est considéré.

La précision du déplacement dans l’espace du membre


supérieur, sans aucun repère, nécessite l’ajustement en TESTS DE DISSOCIATION DE LA MOBILITÉ
longueur du membre supérieur en rapport avec la
Test de dissociation motrice des hémicorps
mémoire visuelle. La difficulté du test est fonction du pla-
cement préalable des aimants. Un entraînement préala- À la différence des tests de diadococinésie pratiqués dans
ble, les yeux ouverts, facilite le test. le cadre d’un syndrome cérébelleux, le principe repose ici
sur la réalisation simultanée de mouvements asymé-
TESTS DU CONTRÔLE MUSCULAIRE triques des membres supérieurs.

Il est demandé au patient de réaliser avec la main droite


Test d’alternance contraction-relâchement
du muscle des mouvements circulaires en regard du ventre, et en
même temps de frapper avec la main gauche sur le som-
Ici, il est apprécié, d’une part la capacité de contracter iso- met du crâne, tout en respectant le même rythme des
lément un muscle et, d’autre part la performance à alter- deux mains. Ensuite, l’action des mains est inversée. La
ner le plus rapidement possible contraction-relâchement régularité des cercles en regard de l’abdomen est le para-
du muscle. Ce test est pratiqué sur le quadriceps pour per- mètre à considérer pour l’interprétation.
mettre au patient une visualisation de l’effet de la contrac-
tion par la remontée de la patella. En complément à ce test, il est intéressant de connaître quel
est l’œil dominant du patient. Pour cela, on lui demande de
Les consignes sont d’obtenir dans un premier temps une pointer, les yeux ouverts, l’index de son choix (droit ou gau-
contraction isolée du quadriceps, puis, progressivement che) sur un objet situé à une distance minimale de 4 à 5 mè-
avec la plus grande vélocité, 2, 3, 4... 10 contractions suc- tres. Puis, il ferme alternativement les yeux pour indiquer
cessives. Un relâchement total du muscle entre chaque avec quel œil l’index reste pointé sur l’objet.
contraction doit être observé. Une fréquence de contraction
inférieure à la seconde représente une performance élevée.
Test de dissociation de la mobilité
Pour les sujets les plus performants, il est possible d’é- d’un ensemble articulaire
tendre ce test à d’autres muscles. Ce test intéresse particulièrement les ensembles articulai-
res fonctionnels des racines des membres : les complexes
Test de vigilance des muscles antagonistes lombo-pelvi-fémoral et thoraco-scapulo-huméral. La
représentation corticale de ces régions anatomiques est
La rééducation neuromusculaire, qui se base sur le défavorisée comparativement à celle des extrémités des
schéma de la physiologie de l’intégration sensori-motrice, membres, d’où l’importance, avant d’entreprendre une
différencie deux modes de fonctionnement : l’un nommé éducation proprioceptive, d’évaluer le niveau de percep-
“feedback” ou rétroaction, l’autre “feedforward” ou tion motrice et sensitive de la région corporelle visée.
rétroaction anticipée.
Le principe de ce test repose sur la prise de conscience de
Les tests de vigilance des muscles antagonistes utilisent le la mobilité séparée segment par segment. Par exemple,
premier mode. La contraction résistée de la flexion du l’apprentissage du recentrage huméral actif nécessite de
coude ou du genou est subrepticement relâchée, avec ressentir la mobilité dissociée scapulo-thoracique et sca-
recherche d’un effet de surprise du patient. Pour les mem- pulo-humérale.
bres inférieurs, le même principe est appliqué en chaîne
cinétique fermée, de façon à apprécier la stabilité articulaire
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L’interprétation de ces tests considère la nécessité ou pas
pour le patient d’un contrôle visuel dans un miroir, du gui-
dage manuel par le praticien, de l’amplitude et de la rapi-
dité d’exécution du mouvement.

TESTS D’ÉQUILIBRATION

Test de Romberg sensibilisé

Décrit en 1846 dans le cadre de l’examen clinique du


patient tabétique, ce test rentre bien à l’origine dans la
détection d’une déficience proprioceptive. Par la suite, il a
été pratiqué dans l’examen des syndromes cérébelleux et
vestibulaire.

Ici, il s’agit d’utiliser ce test en faisant varier la surface du


polygone de sustentation ou le positionnement des mem-
bres pour le rendre plus sensible (fig. 5). Les sujets les
plus performants se maintiennent en équilibre unipodal.

CONCLUSION

Il est possible de compléter ces différents tests proprio-


© D.R.

ceptifs par des tests sensitifs pour avoir une vue globale
du degré de sensibilité du sujet [5].
Figure 5 ▲
La synthèse et l’interprétation des résultats de ces bilans Le test de Romberg est adapté à la capacité d’équilibration ▲
doivent permettre, en préalable à l’apprentissage moteur, du sujet en faisant varier le polygone de sustentation ▲
de différencier quatre objectifs thérapeutiques : et la position des membres supérieurs ▲

– objectif curatif : il s’agit de recouvrer un programme


moteur qui est inhibé, perturbé, suite à une interruption
de l’activité motrice ;
– objectif palliatif : dans ce cas, il n’est possible que de
suppléer un programme moteur qui est lésé et déficient Indexation Internet :
en développant des compensations et les systèmes Bilan
Diagnostic
redondants ; Proprioception
– objectif correctif : cette fois, il est recherché à améliorer
un programme moteur existant qui se révèle être insuffi-
sant, voire imparfait ;
– objectif éducatif : ici, il s’agit de faire prendre conscience
d’une activité motrice nouvelle, avec le respect d’une pro-
gression pédagogique propre à l’apprentissage moteur.
Bibliographie
Au final, quel que soit l’objectif thérapeutique, l’appren- 1. www.chups.jussieu.fr/polys/neuro/semioneuro/semioneuro.pdf
2. www.electronic-conseil.com/vibrations.html
tissage moteur progresse de l’inconscience à la cons- 3. VIEL É. Bien rédiger le bilan-diagnostic kinésithérapique. Paris : Masson, 2006.
4. ROSS, WILSON. Anatomie et physiologie normales et pathologiques. Paris :
cience motrice. ■ Maloine, 2004 : 153.
5. SPICHER C. Manuel de rééducation sensitive du corps humain. Édition Médecine
et Hygiène, 2003.

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