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Kinésithérapie des cervicalgies


M. Gross

La cervicalgie, affection qui touche plus de 10 % de la population, survient sur une colonne cervicale dont
la raison d’être est le mouvement. Le moindre dysfonctionnement de cette capacité à se mouvoir est
source de douleur, de gêne, avec un retentissement fonctionnel et professionnel. Un diagnostic
kinésithérapique permet de faire une synthèse des différents facteurs perturbants et de proposer un
traitement adapté en fonction des incapacités en présence. Ce travail basé sur les recommandations de la
Haute Autorité de Santé cherche à réactualiser nos connaissances. Après avoir vu les différentes
techniques de bilan qui passent par l’observé, le relaté et le mesuré, nous abordons les techniques de
rééducation. Celles-ci vont s’intéresser à tous les niveaux de la colonne cervicale, allant du niveau cutané
jusqu’au niveau articulaire en passant par le niveau musculaire et ses liens avec la vue.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Cervicalgie ; Boucle oculocéphalogyre ; Bilan palpatoire ; Retentissement


fonctionnel et professionnel ; Recentrage articulaire

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1
¶ Épidémiologie 2 La colonne cervicale est certainement le système articulaire le
plus complexe du corps humain. Elle comporte 37 articulations
¶ Quelques rappels anatomophysiologiques 2
distinctes qui ont un rôle de support de la tête et doivent
¶ Manifestations cliniques 2 assurer également une multitude de mouvements en relation
Syndrome cervical 2 avec le tronc et destinés à asservir les organes des cinq sens : la
Névralgie cervicobrachiale 2 vue, l’ouïe, l’odorat, le goût ainsi que le toucher et la proprio-
Myélopathie cervicarthrosique 2 ception. Les sept « petites » vertèbres cervicales, avec leurs
Insuffisance vertébrobasilaire 3 ligaments, capsules, tendons et insertions musculaires semblent
¶ Évaluation préalable 3 bien fragiles pour assurer leur rôle de protection du contenu
Évaluation de la douleur 3 comparées au crâne et au tronc.
Évaluation de la posture 3 Le contenu de ce cylindre anatomique interposé entre le
Palpation 4 crâne et le tronc, inclut les artères carotides et vertébrales, la
Évaluation de la mobilité articulaire 4 moelle épinière, les branches antérieures et postérieures des
Mesure de l’endurance musculaire 5 racines nerveuses et dans sa partie supérieure, le tronc cérébral.
Exploration de la proprioception 5 Ce système extrêmement mobile que constitue la colonne
Retentissement fonctionnel et professionnel 5 cervicale mobilise à son extrémité la tête qui se comporte
Synthèse des bilans 5 comme une masse de quelque 4,5 à 5,5 kg placée en
Fiche de transmission 5 porte-à-faux.
¶ Traitement kinésithérapique de la cervicalgie commune 5 En moyenne, la tête effectue 600 mouvements par heure que
Traitement de la douleur 5 l’on soit éveillé ou endormi. La colonne cervicale est soumise à
Récupération de la mobilité articulaire : techniques à visée des tensions et contraintes dans toutes les activités de la vie
musculaire 7 quotidienne.
Récupération de la mobilité articulaire : techniques à visée La position de la colonne cervicale, de par ses multiples
articulaire 9 possibilités de posture, est également un mode de communica-
Rééducation oculocéphalogyre 11 tion subliminal exprimant l’état des lieux psychologique de la
Travail musculaire 12 personne. En « avoir jusqu’au cou », « marcher tête haute », etc.,
Stratégie thérapeutique de la cervicalgie commune 13 sont autant d’expressions qui traduisent cette notion.
Le fonctionnement normal de cette colonne cervicale exige
¶ Conclusion 13
que tous ces mouvements se fassent sans porter atteinte à la
moelle épinière, en assurant la vascularisation de la tête et du
cou avec des millions, voire des milliards de fibres nerveuses
passant à travers elle et à travers les trous de conjugaison.

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 1
26-294-C-10 ¶ Kinésithérapie des cervicalgies

■ Épidémiologie chronique : douleurs imprécises du cou, de la nuque, médianes


ou latéralisées, pouvant irradier en haut vers l’occiput, en
Une étude épidémiologique objective que plus de 10 % de la dehors vers l’épaule, en bas dans la région interscapulo-
population cite au moins trois épisodes de cervicalgies au cours vertébrale.
des 3 dernières années. Une autre étude rapporte que 12 % de Les douleurs sont de rythme mécanique mais avec une
femmes et 9 % d’hommes ont déjà souffert de cette pathologie fréquente recrudescence nocturne qui ne doit pas surprendre, et
avec ou sans projection douloureuse dans le membre supérieur évoluent par poussées successives plus ou moins complètement
et, 35 % de la population se souvient de façon précise d’un régressives.
épisode de cervicalgie. L’examen du rachis cervical montre une limitation plus ou
Soixante-dix pour cent des patients qui sont allés consulter moins marquée, le plus souvent modérée, de l’amplitude des
leur médecin pour un épisode de cervicalgie se sont retrouvés mobilités (étudiées en flexion, extension, inclinaisons latérales
guéris ou bien améliorés au bout de 1 mois. droite et gauche, rotations droite et gauche), le plus souvent
La cervicalgie est dans la plupart des cas un évènement élective (prédominant dans certains secteurs, alors que d’autres
récurrent aux conséquences bien tolérées mais qui dans quel- sont plus libres), des craquements à la mobilisation du cou, des
ques cas peut se révéler très invalidant. points douloureux étagés à la palpation, médians ou paraverté-
braux, une contracture musculaire paravertébrale modérée.
Des douleurs et une infiltration cellulalgique de la partie
■ Quelques rappels supérieure du dos (à la manœuvre du « pincé-roulé ») sont
fréquentes, et sont parfois la seule traduction clinique de la
anatomophysiologiques cervicarthrose : une dorsalgie interscapulaire isolée doit conduire
à un examen attentif du rachis cervical, manifestement en cause
Le nucleus pulposus, présent à la naissance, disparaît progres- lorsque sa mobilisation réveille les douleurs dorsales.
sivement entre l’âge de 12-14 ans et l’âge de 35-40 ans. On ne
devrait donc plus avoir de hernie discale cervicale au-delà de
40 ans ! Les processus unciformes forment du côté postérolatéral Névralgie cervicobrachiale
des corps vertébraux un rempart osseux qui prévient toute C’est une douleur radiculaire du membre supérieur d’origine
hernie discale postérolatérale. cervicale, le plus souvent due à la cervicarthrose.
À partir des niveaux C3-C4, les émergences des racines De début rarement brutal, le plus souvent progressif, elle se
postérieures se retrouvent situées plus bas que le niveau des manifeste par une cervicalgie associée à une douleur du membre
disques intervertébraux. Cliniquement, il semble donc impossi- supérieur sourde, lancinante, exagérée par la mobilisation du
ble que ces racines soient comprimées par le disque. rachis ou du membre supérieur, cédant mal au repos (recrudes-
Après l’âge de 40-45 ans les gaines durales autour des racines cence nocturne fréquente) avec paresthésies distales.
nerveuses se fibrosent et s’enraidissent. Les signes d’examen associent, aux signes du syndrome
Les articulaires postérieures possèdent des structures ménis- cervical, des anomalies neurologiques inconstantes, sensitives
coïdes qui peuvent proliférer pour couvrir toute la surface (hypoesthésie), réflexes (hypo- ou aréflexie), motrices (plus
articulaire. rares) témoignant de l’atteinte radiculaire, et variables selon sa
Une rotation de la tête de 30° replie l’artère ipsilatérale. À 45° topographie.
de rotation les deux artères ipsi- et controlatérales sont coudées.
Physiologiquement, la colonne cervicale est caractérisée par Diagnostic différentiel
une très grande mobilité.
Quelle que soit la partie de l’appareil locomoteur concernée, La névralgie cervicobrachiale peut être symptomatique
une immobilisation complète est délétère et aboutit à une d’affections diverses qu’il faut éliminer : affections traumatiques
destruction articulaire en l’espace de 4 à 6 mois. C’est le peu de (hernie discale), infectieuses (spondylodiscites), tumeurs
mobilité qui est à l’origine des modifications physiopathologi- malignes vertébrales, tumeurs intrarachidiennes bénignes
ques les plus importantes. Comme la colonne cervicale n’est (neurinome le plus souvent) ou malignes, radiculites virales
virtuellement jamais immobile, elle est donc particulièrement (syndrome de Parsonage et Turner : polyradiculonévrite localisée
exposée en cas d’immobilisation partielle et en situation de au moignon de l’épaule, d’abord purement douloureuse, puis
risque considérable en cas d’immobilisation totale. Une immo- amyotrophiante), pathologie de l’apex pulmonaire (syndrome
bilisation prolongée par collier cervical est source de raideur, de Pancoast-Tobias associant névralgie cervicobrachiale
douleur et limitation d’amplitude. C8 rebelle, syndrome de Claude Bernard-Horner avec myosis,
ptôsis, énophtalmie et anomalies radiologiques du sommet
pulmonaire avec lyse costale par envahissement tumoral).

Myélopathie cervicarthrosique
“ Point essentiel C’est une compression lente de la moelle cervicale par les
protrusions ostéophytiques de la discarthrose. Aux facteurs
Il faut éviter autant que possible une immobilisation mécaniques s’ajoutent des phénomènes vasculaires d’engorge-
partielle ou totale. ment veineux mais surtout de compression directe artérielle
(artère spinale antérieure ou artères radiculaires).
Elle est responsable d’un syndrome neurologique sous-
lésionnel d’évolution lente et progressive, inconstamment
■ Manifestations cliniques associé à un syndrome cervical ou une névralgie
cervicobrachiale.
Les manifestations cliniques de la cervicarthrose sont incons- Ses principales manifestations cliniques sont :
tantes. Quatre tableaux cliniques peuvent être réalisés (et • des troubles de la marche (fatigabilité anormale, paraparésie
peuvent s’associer) : le syndrome cervical pur, le syndrome du spasmodique) ;
canal de conjugaison (névralgie cervicobrachiale), le syndrome • un syndrome pyramidal des membres inférieurs (dont les
du canal rachidien (myélopathie cervicarthrosique), le syndrome signes n’apparaissent parfois qu’après la marche) ;
du canal transversaire (insuffisance vertébrobasillaire). • des troubles de la sensibilité profonde des membres inférieurs
(sensibilité vibratoire et sens de position des orteils).
Seule sa recherche systématique lors de l’examen de tout
Syndrome cervical cervicarthrosique permet d’en faire le diagnostic précoce. Son
Rarement aigu (torticolis aigu avec blocage douloureux du évolution spontanée se fait vers l’aggravation progressive, et le
cou en attitude antalgique), il est beaucoup plus souvent traitement ne permet pas toujours de la faire rétrocéder.

2 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Kinésithérapie des cervicalgies ¶ 26-294-C-10

Insuffisance vertébrobasilaire Douleur


Absence maximale
Due à la compression de l’artère vertébrale par les ostéophytes de douleur imaginable
de l’uncodiscarthrose, elle peut se manifester de deux façons.
Le plus souvent mineure, elle serait alors à l’origine du
syndrome de Barré-Liéou (peut-être par irritation du sympathi-
que périartériel) plus fréquent chez la femme, qui associe divers
signes fonctionnels : céphalées et douleurs frontales sus- Figure 1. Exemple de réglette pour l’évaluation de la douleur.
orbitaires, sensations vertigineuses, acouphènes, troubles visuels
(douleurs, brouillard, mouches volantes), troubles laryngés,
pharyngés, etc. D’intensité modérée, ils sont surtout pénibles
Mesure Position du sujet Distance mesurée par
par leur chronicité. Il y a une discordance entre la richesse des
rapport au fil à plomb
signes fonctionnels et la pauvreté des signes objectifs d’examen.
Les troubles persistent en général quelques mois ou années,
mais peuvent aussi disparaître spontanément. Le syndrome de Antéposition de la tête Le sujet se tient debout Partie postérieure du
Barré-Liéou, dont les relations avec la cervicarthrose demeurent en attitude spontanée crâne la plus proche
très discutées, ne se complique jamais d’accident neurologique Un fil à plomb affleure du fil à plomb
le sommet de la
déficitaire.
courbure dorsale
Beaucoup plus rarement majeure (et alors bien plus souvent
d’origine athéromateuse...), pouvant être responsable d’accidents
transitoires (syndrome vestibulaire, accidents moteurs transitoi-
res de type « drop-attacks », manifestations oculaires de type
hémianopsie) ou d’accidents durables (syndromes alternes du
tronc cérébral de type Wallenberg), l’uncarthrose, par ses
ostéophytes latéraux, peut en effet comprimer l’artère vertébrale.
La cervicarthrose, en général, ne constitue qu’un facteur
surajouté à d’autres lésions artérielles, le plus souvent athéro- Lordose cervicale Partie du rachis
mateuses. Elle n’est impliquée que dans une minorité des cas cervical, la plus
d’insuffisance vertébrobasilaire, mais la preuve de sa responsa- éloignée du fil à plomb
bilité est attestée par nombre d’observations de guérison des Il conviendra de
signes d’insuffisance vertébrobasilaire après intervention préciser au niveau de
quel étage la mesure
chirurgicale décompressive.
a été faite

■ Évaluation préalable
Cette évaluation a pour objectifs :
• de décider des techniques appropriées au diagnostic kinési-
thérapique ; Flèche en C7 C7
• d’objectiver les résultats des traitements mis en œuvre ;
• d’assurer un suivi du patient et de sa pathologie.
Les recommandations de l’ANAES [1] (renommée Haute
Autorité de Santé depuis janvier 2005) préconisent les domaines
d’exploration suivants :
• la douleur ;
• la posture ;
• la palpation ;
• la mobilité articulaire ;
• l’activité neuromusculaire ;
• la proprioception ;
• le retentissement fonctionnel et professionnel ;
Figure 2. Mesures objectivant l’attitude spontanée du rachis.
• la synthèse des bilans ;
• la fiche de transmission.
Évaluation de la posture
Évaluation de la douleur L’attitude spontanée du rachis cervical est un indicateur
clinique intéressant. L’évaluation doit se faire dans les trois
La technique la plus souvent utilisée et la plus fiable, est plans de l’espace. Notre référentiel d’observation est l’attitude
l’échelle visuelle analogique « EVA ». Elle se présente sous forme symétrique. [2]
d’une ligne droite de 100 mm. À l’une des extrémités est
indiqué : absence de douleur, à l’autre : douleur insupportable. Évaluation de la posture dans le plan sagittal
Le patient place une marque entre ces deux extrémités en
fonction de l’intensité de sa douleur à un temps donné. En Les sujets à tête antépositionnée manifestent souvent une
pratique, il s’agit d’une petite réglette en plastique munie, sur douleur de la région cervicale, interscapulaire ainsi que des
une face d’un curseur mobilisé par le patient, sur l’autre de céphalées selon Haughie. [3]
graduations millimétrées lues par le soignant (Fig. 1). L’hyperlordose cervicale, tout comme l’inversion de courbure
Cette mesure permet au patient d’exprimer : sont souvent facteurs de douleurs localisées avec projection
• la douleur du moment ; dans les territoires radiculaires (Fig. 2).
• la douleur moyenne au cours des 24 dernières heures ;
• la douleur maximale subie au cours des 24 dernières heures ;
Évaluation de la posture dans le plan frontal
• le siège de la douleur. et/ou rotatoire
.
La valeur doit être exprimée en mm et il convient de préciser L’attitude spontanée en inclinaison latérale, en rotation, en
sur la feuille de bilan quelle était la prise médicamenteuse au attitude scoliotique ou en translation (« shift ») latérale résulte
cours des 24 dernières heures. soit d’une attitude antalgique, soit d’une habitude de vie. Régler

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 3
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Territoire concerné Vue antérieure Vue postérieure

C5
Shift latéral
Inclinaison latérale
Attitude scoliotique
Rotation

Attitude
Structural ?
antalgique ? C6

Compensation
Habitudes
d'une déficience Articulaire
de vie Souffrance
d'un niveau postérieure
sous-jacent discale
C7

Contracture
musculaire

Figure 3. Arbre décisionnel. Examen de l’attitude spontanée dans le


plan frontal et/ou rotatoire.
C8

la cause du torticolis réglera ce dernier, mais il est difficile de


corriger une habitude de vie pour laquelle il faut plus souvent
parler d’« éducation » que de « rééducation » (Fig. 3).

“ Point important
Th1
L’hyperlordose cervicale, tout comme l’inversion de
courbure sont souvent facteurs de douleurs localisées avec
projection dans les territoires radiculaires.

Figure 4. Dermatomes radiculaires de C5 à Th1 d’après Kellgreen.


Palpation
Les recommandations professionnelles de la Haute Autorité • C7 : triceps brachii (triceps brachial) ;
de Santé insistent sur la non-validation de la reproductibilité de • C8 : teres minor (petit rond) ;
la palpation, mais elle reste recommandée (par accord profes- • Th1-Th4 : rhomboïdus (rhomboïdes).
sionnel) pour l’abord manuel du patient. Le bilan palpatoire se
fait en interrogeant les différentes structures suivantes. Recherche de contractures paravertébrales
des muscles spinaux
Palpation cutanée dans les dermatomes Le sujet, assis, adossé, les bras reposant sur un coussin
radiculaires de C5 à Th1 [4-6] maintient sa tête en « gravité » postérieure. Ce port de tête à
l’aide de la chaîne musculaire antérieure, permet la recherche de
Un palpé-roulé, une mobilisation des téguments peut faire
contractures des spinaux profonds qui se perçoivent sous la
apparaître un épaississement, voire des adhérences nociceptives
forme myogélose d’un diamètre de l’ordre de 0,5 à 1 cm. Ces
dans les territoires radiculaires concernés par l’affection cervi-
modifications de consistance signent le niveau à traiter et sont
cale. Ce phénomène est d’autant plus important que la patho-
homolatérales à la lésion (remarque : douleur et myogélose ne
logie est chronique (Fig. 4).
sont pas forcément du même côté).
Plus les signes sont nombreux en faveur d’une zone à traiter
Palpé-roulé le long des processus épineux et plus la probabilité de bien orienter son diagnostic thérapeu-
Un épaississement (« bosse de bison »), une adhérence, une tique augmente. Bien sûr, « l’expérience » du toucher est un
douleur signent là aussi une affection cervicale sous-jacente au atout majeur dans ce domaine.
territoire palpé.
Évaluation de la mobilité articulaire
Recherche de contractures de muscles cibles Cause ou conséquence de la cervicalgie, la mobilité est
(myotomes et « trigger points ») souvent affectée. L’évaluation de cette mobilité se fait sur deux
La détection de points douloureux, de contractures au niveau niveaux :
de ces muscles-cibles sera un élément supplémentaire pour • l’observé ;
affiner le diagnostic thérapeutique : • le mesuré.
• C3-C4 : insertion scapulaire du levator scapulae (angulaire de
l’omoplate) ; Observé de la mobilité articulaire
• C5-C6 : supra spinosus (sus-épineux) ; Le thérapeute demande un mouvement de flexion-extension,
• C6 : extensor carpi radialis (1er radial) ; de rotation gauche-droite et d’inclinaisons latérales. Il sera

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Synthèse des bilans


Elle fait ressortir les éléments pertinents qui vont étayer le
diagnostic kinésithérapique. C’est à partir du constat des
incapacités présentes que vont se décliner les objectifs et les
moyens du traitement kinésithérapique (Fig. 7). [5, 9]

Fiche de transmission
Conformément à la législation, une fiche de transmissions est
adressée au prescripteur pour toute série supérieure à neuf
séances. La fiche de synthèse proposée par la Haute Autorité de
Santé reprend des critères objectifs, mesurables et reproductibles
(Fig. 8). La comparaison des évaluations entre la première et la
dernière séance traduit les domaines d’efficacité de la thérapie
proposée et permettra le cas échéant de réaxer le traitement en
fonction des nouvelles informations mesurées.

Figure 5. Exercice de pointage laser.

particulièrement attentif aux mouvements d’évitement, de


“ Point important
compensation qui permettent au patient de réaliser une ampli-
tude complète. Par exemple, lors de l’extension du cou, nous La comparaison des évaluations entre la première et la
observerons un déplacement du nez vers la droite ou la gauche, dernière séance traduit les domaines d’efficacité de la
traduction d’une manœuvre d’évitement. thérapie proposée et permettra le cas échéant de réaxer le
traitement.
Mesuré articulaire
La technique la plus utilisée est le mètre-ruban :
• flexion-extension du cou : distance menton-manubrium
sternal ; ■ Traitement kinésithérapique
• rotation du cou : distance menton-acromion ;
• inclinaison latérale : distance tragus de l’oreille-acromion. de la cervicalgie commune
La technique par double inclinométrie : le principe consiste Les objectifs de traitement visent à récupérer, améliorer les
en l’utilisation de deux inclinomètres placés l’un sur la tête différents domaines explorés lors du bilan diagnostique. Il faut
(dans le plan du mouvement) et l’autre sur la partie supérieure noter que peu de techniques kinésithérapiques ont été validées
du tronc (toujours dans le plan du mouvement) afin d’éviter isolément. Les protocoles de recherche publiés dans la littérature
l’interaction du mouvement du tronc lors du mouvement du associent le plus souvent différentes modalités thérapeutiques et
cou. Ici nous ne mesurons donc que les mouvements relatifs rendent donc difficile l’interprétation des résultats.
entre la tête et le tronc, c’est-à-dire la mobilité du cou.
Le Cervical Range of Motion device : ce casque est équipé de
deux inclinomètres (plan frontal et sagittal) et d’une boussole Traitement de la douleur
(plan horizontal). D’une valeur de l’ordre de 300 euros (2005),
c’est une technique qui présente une très bonne reproductibilité
Repos ou immobilisation
en intra- et interopérateur. [7-9] Le repos ou l’immobilisation de la région cervicale doit être
d’un usage bref (2 à 3 jours) et uniquement proposé pendant les
périodes de cervicalgie aiguë. Askins [14] conclut à une efficacité
Mesure de l’endurance musculaire faible apportée par l’immobilisation du rachis par colliers
cervicaux sur les cervicalgies en phase aiguë.
Cette mesure évalue la durée en secondes pendant laquelle le
sujet est capable de tenir sa tête contre pesanteur. L’examen se
Physiothérapie antalgique
fait en couché dorsal/ventral ; la tête décollant de quelques
centimètres pour évaluer les fléchisseurs/extenseurs du cou. [10] Aucune thérapeutique n’a bénéficié d’une étude méthodolo-
gique correcte. Un effet positif est suggéré par l’association de
ces thérapies sans que l’on puisse mesurer le rôle spécifique joué
Exploration de la proprioception par chacun de ces types d’agents physiques.
La proprioception est explorée à l’aide d’un pointeur laser Électrothérapie
positionné sur la tête du patient avec lequel le sujet doit éclairer
Cette thérapie peut également être proposée comme traite-
une cible.
ment de la douleur à domicile, par l’utilisation d’appareils
Après avoir ciblé une position de référence, on amène le
portatifs (Fig. 9).
patient en amplitude maximale (rotation, flexion-extension ou
Les objectifs recherchés par les différentes formes de courants
latéroflexion) et on lui demande de revenir à cette position de
sont :
référence en gardant les yeux fermés. L’erreur sera mesurée en
• effet d’élévation du seuil de sensibilité à la douleur ;
centimètres ou en degrés (Fig. 5). [11-13]
• effet de « gate-control » : brouillage de la nociception par un
afflux d’informations extéroceptives. L’activation des fibres
Retentissement fonctionnel et professionnel sensitives cutanées de gros calibre A alpha provoque une
inhibition sur les cellules médullaires activées par les messa-
L’échelle algofonctionnelle (Neck Pain and Disability Scale ges nociceptifs et bloque la transmission des messages
version française) Wlodyka-Demaille demande au patient de véhiculés par les fibres A delta et C. Le choix de la fréquence
cocher 20 items cotés entre 0 (= situation normale) et 100 du courant est de 50 à 100 Hz ;
(= la pire situation) en répondant aux questions (Fig. 6). • effet endorphinique : stimulation de la production d’endor-
Le score total des différents items se réfère à un maximum de phines et d’enképhalines par un courant de 3 à 8 Hz et d’une
2000. durée supérieure à 20 minutes.

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 5
26-294-C-10 ¶ Kinésithérapie des cervicalgies

Figure 6. L’échelle algofonctionnelle (Neck


1. Quelle est l'intensité de vos douleurs aujourd'hui ? Pain and Disability Scale) version française de
Aucune douleur V douleurs très sévères Wlodyka-Demaille demande au patient de co-
cher 20 items cotés entre 0 (= situation nor-
2. Quelle est l'intensité de vos douleurs en moyenne ? male) et 100 (= la pire situation) en répondant
Aucune douleur V douleurs très sévères aux questions.

3. Quelle est l'intensité de la pire de vos douleurs ?


Aucune douleur V intolérable

4. Vos douleurs perturbent-elles votre sommeil ? (avec ou sans prise médicamenteuse)


Pas du tout V impossible de dormir

5. Quelle est l'intensité de votre douleur à la station debout ?


Aucune douleur V douleurs très sévères

6. Quelle est l'intensité de vos douleurs à la marche ?


Aucune douleur V douleurs très sévères

7. Quel est le ressentiment de vos douleurs sur l'utilisation de l'automobile (conducteur


ou passager ?
Aucun V impossible de conduire ou d'être conduit

8. Vos douleurs perturbent-elles vos activités sociales (toutes activités extra-


professionnelles) ?
Pas du tout V toujours

8. Vos douleurs perturbent-elles vos activités de loisirs (cuisine, sports, activités


manuelles...) ?
Pas du tout V toujours

10. Vos douleurs perturbent-elles vos activités professionnelles ?


Pas du tout V je ne peux pas travailler

11. Vos douleurs perturbent-elles vos soins personnels (manger, s'habiller, prendre un
bain etc.) ?
Pas du tout V toujours

12. Vos douleurs perturbent-elles vos relations avec les autres (amis, famille, partenaires
sexuels, etc.) ?
Pas du tout V toujours

13. Est-ce que vos douleurs ont changé votre perception de la vie et de l'avenir
(dépression, désespoir) ?
Aucun changement V conception complètement changée

14. Vos douleurs ont-elles une influence sur vos émotions ? (réaction disproportionnée
à une situation habituelle)
Pas du tout V complètement

15. Vos douleurs ont-elles une influence sur vos facultés de réflexion et de concentration ?
Pas du tout V complètement

16. Votre cou est-il raide ?


Aucune raideur V je ne peux pas bouger le cou

17. Avez-vous des difficultés pour tourner la tête ?


Aucune difficulté V je ne peux pas bouger la tête

18. Avez-vous des difficultés pour regarder en haut et en bas ?


Aucune difficulté V je ne peux pas regarder ni en haut, ni en bas

19. Avez-vous des difficultés à travailler au-dessus de votre tête ? (ranger du linge dans un
placard, bricoler en hauteur...)
Aucune difficulté V je ne peux pas travailler au-dessus de la tête

20. Êtes-vous soulagé par les médicaments contre la douleur ?


Soulagement complet V aucun soulagement

La plupart des appareils d’électrothérapie récents délivrent des Infrarouges


programmes avec des courants couvrant ces trois effets. L’effet thérapeutique des rayons infrarouges vise à augmenter
Il faut également considérer les mécanismes psychophysiolo- le seuil de la sensibilité douloureuse, à augmenter également la
giques. Les effets suggestif, distractif et placebo jouent certaine- vascularisation superficielle de la région par ce biais, vise la
ment un rôle à ne pas négliger expliquant parfois l’épuisement détente des contractures musculaires. Il est intéressant de se
rapide de la douleur chez certains patients. souvenir de la composante « géographique » de cette thérapie.

6 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Kinésithérapie des cervicalgies ¶ 26-294-C-10

Centimétrie EVA
La durée de la traction est entre 7 minutes et 15 minutes.
/plan de Zones de La progression des séances se fait à la fois sur la durée et la
référence Douleur projection quantité de traction.
Posture
Les trois premières séances sont consacrées à la recherche de
Centimétrie
inclinométrie
détente musculaire d’une durée tournant autour de 7 minutes
et 7 kg.
Proprioception Mobilité
articulaire
Les séances suivantes augmentent en intensité et en durée
Test de SYNTHÈSE pour atteindre au maximum 15 minutes et 14 kg de traction
repositionnement pour un maximum de 6 à 10 séances (Fig. 10).
Palpé-roulé
Palpation Zones de
Retentissement
fonctionnel
projection Récupération de la mobilité articulaire :
NPDS version
Trigger
points techniques à visée musculaire
française
Endurance Massage
musculaire
Le massage est à la fois une technique d’abord du patient,
Travail statique une technique de transition entre deux autres techniques de
des fléchisseurs
et extenseurs
rééducation et une technique de bilan par évaluation palpatoire.
du cou Tous ces facteurs visent à une détente musculaire permettant
de récupérer la part musculaire de la limitation d’amplitude.
Figure 7. Synthèse du bilan regroupant les différents secteurs explorés Les différents effets décrits pour le massage sont :
et leurs indicateurs. NPDS : Neck Pain and Disability Scale ; EVA : échelle • augmentation du seuil de sensibilité douloureuse par effet de
visuelle analogique. « gate-control » par les techniques d’effleurage et pressions
glissées superficielles et profondes ;
En effet, dans le sud de la France, on préfère des applications • détente musculaire par étirement lent, progressif et répété des
de froid sur les cervicales douloureuses alors que dans le nord fuseaux neuromusculaires par les techniques de type pétris-
les patients préfèrent le chaud... Une précaution : le thérapeute sage et mise en tension des fibres musculaires ;
doit veiller à ne pas chauffer le crâne du patient sous peine de • mobilisation des différents plans tissulaires entre eux afin de
déclencher des céphalées. favoriser les glissements entre eux par des manœuvres de
Ultrasons palpé-roulé des plis cutanés. Cette technique doit être utilisée
avec douceur lors des premières manœuvres sous peine de se
L’effet mécanique de ces ondes va chercher un réchauffement révéler fort désagréable. Ces techniques procurent également
en profondeur des tissus traités. Ce réchauffement aura les un effet désinfiltrant sur les tissus cellulalgiques. Elles sont
mêmes propriétés que les infrarouges. Les têtes émettrices utilisées sur l’ensemble des zones d’infiltrats cellulalgiques et
utilisées sont à 1 ou 3 MHz, sachant que la profondeur d’action des zones d’hypomobilité tissulaire. Le massage-friction du
est inversement proportionnelle à la fréquence. Aussi l’on cuir chevelu recherche également cet effet de mobilisation ;
choisira le type d’électrode en fonction de l’épaisseur du cou du • détente musculaire et antalgie en regard des points doulou-
patient. La durée d’application varie entre 5 et 10 minutes et le reux, des « trigger points » par ponçage du type massage
thérapeute pourra opter entre une émission pulsée (pour des transversal profond.
déplacements de tête émettrice très lents) et une émission Pour ces techniques de massage, l’installation du sujet est
continue (pour un déplacement plus rapide de l’ordre de 2 à variable en fonction des techniques utilisées, du choix du
3 cm/s). Dans la pratique quotidienne, le gel utilisé comme thérapeute et des possibilités du patient.
vecteur de transmission des ultrasons est souvent remplacé par Le couché dorsal : il évite au patient une rotation forcée ou
une pommade délivrée sous une forme de gel. Ceci permet de inconfortable de la tête. Cette position permet des techniques
lier les effets des ultrasons aux effets du médicament. de massage uniquement en région cervicale et prive le théra-
Autre thermothérapie peute des régions dorsales. En contrepartie, c’est la position
dans laquelle le patient est le plus souvent très détendu.
Le para-fango (mélange de boue et de paraffine), le fango
Le couché ventral : il permet une grande surface d’abord
(boue), la paraffine, les « hot packs » et la balnéothérapie chaude
postérieur pour le thérapeute, mais il est souvent considéré
(35 °C) avec massage sous eau recherchent également cet effet
comme inconfortable par le patient. En effet, pour éviter soit
de réchauffement tissulaire avec effet décontracturant.
une rotation de la colonne cervicale, soit un inconfort dû à un
Le laser, l’électromagnétothérapie et les aimants, n’ayant pas
nez écrasé, il faut utiliser soit une table évidée en regard du
fait preuve de leur efficacité ne sont pas recommandés par
visage, soit un coussin sous le front. La première solution peut
accord professionnel dans les recommandations de l’ANAES. [1]
entraîner un sentiment de claustrophobie ; la seconde un excès
Traction cervicale d’extension cervicale.
Le couché latéral : compromis entre les deux positions
Klaber-Moffett [15] indique que l’effet des tractions cervicales
précédentes. Il permet un abord correct d’un côté pour le
réduit de façon significative la tension musculaire lorsque le
thérapeute tout en évitant l’inconfort du couché ventral. Il faut
patient est en décubitus dorsal. Cette détente est objectivée par
veiller à l’horizontalité du rachis cervical en positionnant un
électromyogramme. Mais il en est de même pour des patients
coussin sous la tête du patient.
en couché dorsal et sous traction placebo ! Dans les deux cas,
Assis face à une table, le front posé sur des coussins et les bras
lorsque le patient se reverticalise cet effet de détente disparaît.
posés de chaque côté. Cette position entraîne un peu moins de
Moeti [16] souligne un effet positif sur des patients présentant
détente chez le sujet, mais permet assez facilement les alternan-
une symptomatologie clinique de moins de 3 mois.
ces entre phases passives et phases actives du traitement.
Cette traction peut se faire à l’aide d’un système poids-poulie
Assis, adossé, la tête maintenue en léger déséquilibre posté-
ou mieux encore à l’aide d’une table de traction électrique.
rieur les bras reposant sur des coussins. Cette position entraîne
La traction est transmise au crâne par l’intermédiaire d’un
une très bonne détente des muscles postérieurs de la nuque et
collier occipitomentonnier. L’orientation de cette traction se fait
permet également les alternances entre phases passives et phases
inclinée entre 30° et 45° vers le haut et l’avant.
actives du traitement.
La quantité de traction est en moyenne entre 7 kg et 14 kg,
sachant qu’entre 7 kg et 11 kg, c’est l’effet de détente muscu-
Techniques de type « tenez-relâchez »
laire qui est recherché et entre 11 kg et 14 kg, c’est un effet
d’ouverture des trous de conjugaison qui est attendu. Au-delà de Les techniques de gain de mobilité sont recommandées par la
15 kg, c’est au contraire un resserrement des trous de conjugai- Haute Autorité de Santé avec un niveau de reconnaissance
son qui s’opérera, souvent synonyme de douleurs exacerbées. internationale.

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 7
26-294-C-10 ¶ Kinésithérapie des cervicalgies

Bilans massokinésithérapiques dans le cadre des cervicalgies communes


et dans le cadre du «coup du lapin» ou whiplash

Date :
Nom :
Prénom :
Date de naissance :
Kinésithérapeute :
Médecin prescripteur :

Date de début Date Date de fin


Douleur EVA (en mm)
Posture Commentaires sur la posture

Distance menton-fourchette
sternale au repos (cm)

Mobilité articulaire Distance menton-fourchette


sternale en F/E (cm)
Distance menton-acromion
RD/RG (cm)
Distance tragus-acromion
ILD/ILG (cm)
Endurance Temps : muscles extenseurs
musculaire (sec)
Temps : muscles fléchisseurs
(sec)
Proprioception Distance par rapport au centre
de la cible (cm)
Principales gênes fonctionnelles
et/ou professionnelles
Échelle algofonctionnelle (score sur 2000)
Commentaires généraux :

F : flexion ; E : extension; RD : rotation droite; RG : rotation gauche; ILD : inclinaison latérale droite ; ILG : inclinaison latérale gauche ;
cm : centimètres ; sec : secondes

Figure 8. Modèle de fiche de transmission proposé par la Haute Autorité de Santé.

« Tenez-relâchez » • 3. Le patient se relâche complètement durant 6 à 10 secon-


des.
Cette manœuvre en quatre temps se déroule de la façon
suivante : • 4. Le thérapeute exerce une traction complémentaire dans le
• 1. Le muscle-cible contracturé (par exemple le trapézius sens de l’étirement du muscle-cible.
descendant) est placé en position longue, c’est-à-dire l’épaule « Contractez-relâchez »
homolatérale basse et la tête en rotation controlatérale.
• 2. Le patient exerce une contraction isométrique contre Le protocole est quasi identique au « tenez relâchez » avec
résistance maximale durant 6 à 10 secondes. comme seule différence lors du deuxième temps, une contrac-

8 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Kinésithérapie des cervicalgies ¶ 26-294-C-10

Figure 9. Exemple de
disposition d’électrodes
proposée pour une cervi-
calgie dans le territoire
C5.

Figure 11. Travail de contrôle de la relaxation musculaire sur


biofeedback.

“ Point important
Avec les techniques de type « Strain-Counterstrain », la
position raccourcie du muscle-cible, maintenue pendant
quelque 90 secondes, va entraîner une détente réflexe.

Figure 10. Traction cervicale. Biofeedback musculaire


L’utilisation du biofeedback à visée de l’apprentissage du
relâchement musculaire ciblé sur les muscles trapèze supérieur,
tion dynamique dans le plan rotatoire pour le muscle-cible. sterno-cléido-mastoïdien et spinaux donne souvent des résultats
Dans l’exemple ci-dessus le patient aura donc juste le droit à immédiats. Chapman [20] objective un résultat immédiat chez
une rotation homolatérale de la tête. Les deux autres compo- les patients jeunes et anxieux qui n’ont pas d’accoutumance
santes du muscle restent quant à elles isométriques. aux médicaments. Le biofeedback permet au patient de prendre
conscience des tensions musculaires et par ce biais il cherche à
« Tenez-relâchez-contractez » induire le relâchement des muscles hyperactifs.
Identique au « tenez relâchez » avec au quatrième temps une Nord et al. [21] proposent un protocole réparti sur 12 séances
contraction concentrique des muscles antagonistes au muscle réparties en trois phases :
cible. Le patient va donc chercher à gagner de façon active le • 1. apprentissage du relâchement ;
déficit d’amplitude dû à la contracture. • 2. recherche et qualité du relâchement immédiat lors des
phases de repos entre les tâches professionnelles ;
« Contractez-relâchez-contractez » • 3. placement du patient au poste de travail aménagé afin
Identique au « contractez relâchez » avec au quatrième temps d’observer les ajustements posturaux et l’exécution des tâches
une contraction concentrique des muscles antagonistes au (Fig. 11).
muscle-cible. Le patient va donc chercher à gagner de façon Les résultats de cette étude sur 309 patients (secrétaires)
active le déficit d’amplitude dû à la contracture. montrent une amélioration significative de tous les paramètres
Kay a objectivé que ces techniques entraînent de façon rapide de relâchement musculaire, 96 % des patients contrôlent mieux
et significative une baisse de l’activité EMG du muscle trapezius leurs sensations et 86 % ont amélioré leur bien-être. Pour
avec une hausse de la température cutanée. [17] l’activité professionnelle, 81 % des patients se sont améliorés ou
accomplissent mieux leurs tâches.
Techniques du type « Mézières » Récupération de la mobilité articulaire :
Les postures « classiques » utilisées chez le patient lombalgi- techniques à visée articulaire
que trouvent également leur place dans le traitement de la
cervicalgie. L’autograndissement, l’écrasement des courbures Les mobilisations passives cherchent soit à :
cervicales n’est rien d’autre qu’une forme de « tenez relâchez ». • récupérer un supplément d’amplitude en sollicitant les
structures actives (muscles) ou les structures passives (liga-
ments et capsule) (Maitland, Kaltenkorn) ;
Techniques de type « Strain-Counterstrain »
• « décoincer » un syndrome des facettes (Mennell, Sohier) ;
Le principe de base par rapport à l’articulation limitée • recentrer les surfaces articulaires des articulaires interapophy-
consiste à exagérer la lésion. C’est-à-dire à exagérer la position saires postérieures (Sohier, SNAGs [cf infra]).
antalgique. Cette position raccourcie du muscle-cible, mainte- Ces mobilisations peuvent être globales et s’intéresser à
nue pendant quelque 90 secondes, va entraîner une détente l’ensemble de la colonne cervicale ou analytiques et ne s’inté-
réflexe par accommodation des fuseaux neuromusculaires. Puis, resser alors qu’à un seule étage vertébral... à la fois !
de façon lente et passive, le thérapeute va ramener l’articulation De nombreux effets neurophysiologiques sont attribués à ces
en position neutre. [18, 19] mobilisations passives [22, 23]:

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 9
26-294-C-10 ¶ Kinésithérapie des cervicalgies

• grade III - et IV - : mouvement se situant au point de


résistance à environ 25 % ou moins ;
• grade III+ et IV+ : mouvement se situant au point de résis-
tance à environ 75 % ;
IV+
• grade III+ + et IV + + : mouvement se situant au niveau de
III+ résistance maximale ou à la limite de l’amplitude articulaire.
Si la douleur est le seul facteur limitant
Dans un premier temps nous tentons des mobilisations en
IV grade I ou II dans une amplitude indolente et dans une position
III confortable (si nécessaire dans le sens de la non-douleur).
Le patient nous informant constamment sur son ressenti, le
thérapeute réduit les amplitudes de mouvement en cas d’aug-
IV- mentation de la douleur, et au contraire, en cas de réduction de
la douleur il augmente la course mobilisée.
III- La progression du traitement en cas d’évolution favorable du
c
ressenti du patient se fait par :
• l’augmentation de l’amplitude ;
• l’augmentation de la vitesse de mouvement ;
II
• l’utilisation de la même technique, mais dans d’autres
b positions.
I Si la résistance tissulaire est le seul facteur limitant
a
Le traitement est multidirectionnel et ciblé sur tous les étages
Figure 12. Les différents grades de mobilisation passive selon Maitland. limités. De préférence, on alterne des recherches en amplitude
Axe des abscisses = amplitude du mouvement. Axe des ordonnées = extrême avec des mobilisations se situant autour de la position
degré de résistance. a : amplitude correspondant à 25 % de la résistance neutre. Les mouvements peuvent être exécutés dans des plans
totale. b : amplitude correspondant à 50 % de la résistance totale. c : stricts (frontal, sagittal ou rotatoire) ou alors combinés.
amplitude correspondant à 75 % de la résistance totale. Si douleur et résistance tissulaire limitent le mouvement
On propose au préalable une mobilisation passive douce,
• inhibition des contractures musculaires réflexes ; dans une position confortable, qui permet une diminution de
• effet de « gate control » ; la douleur et augmentation d’amplitude mobilisée. Dès que la
• stimulation de la production d’endorphines ; douleur augmente, le facteur résistance tissulaire augmente
• assouplissement des tissus mous réduisant les contraintes ; également. Le travail se fait de façon lente, dans des amplitudes
• amélioration des flux axonaux optimisant la conduction faibles (IV-) respectant la limite de la douleur. Si un sens de
nerveuse ; mobilisation s’avère douloureux on ira dans l’autre direction.
• effets psychologiques.
Progressivement des techniques plus soutenues sont propo-
Le choix de la technique passive utilisée dépend du diagnos-
sées (IV, IV+ , IV+ +).
tic kinésithérapique et donc de l’hypothèse de travail du
Si la résistance tissulaire limite l’amplitude, les techniques de
thérapeute. L’adage « Je trouve ce que je cherche, je ne cherche
mouvement de grande amplitude sont alors indiquées.
que ce que je connais et je ne connais que ce que j’ai appris »
Kaltenborn [24] propose des traitements analogues mais avec
se retrouve entièrement vérifié.
rythmicité des mouvements à 1 ou 2 mouvements par seconde.
Techniques de type Maitland ou Kaltenborn
Techniques à visée de décoincement
Maitland [23] propose que le traitement par mobilisation
passive repose sur la relation entre qualité du mouvement et Sohier [25] propose d’utiliser la notion de « pince ouvrante »,
symptomatologie. Il faut analyser le lien entre la douleur et la c’est-à-dire la prise d’appui facettaire unilatérale pour libérer le
résistance au mouvement et déterminer lequel de ces deux contenu de l’interligne pour l’articulation en regard du niveau
facteurs est responsable de la limitation d’amplitude. Pour de prise d’appui. Cette manœuvre prévue pour traiter les étages
illustrer ceci de façon simplifiée, les patients sont répartis en vertébraux de C2 à Th2 s’effectue en position assise, le sujet
deux catégories : étant adossé et ayant la tête maintenue en gravité postérieure
• ceux qui sont limités par des signes cliniques évoquant la par la prise immobilisatrice.
douleur ; La main mobilisatrice appliquée en controlatéral de la zone
• ceux qui sont limités par une résistance tissulaire. coincée effectue une traction dans un plan strictement frontal
La technique de mobilisation passive se décompose en quatre vers le côté coincé.
grades de mouvements définis par le lien entre résistance La manœuvre correctrice se fait en trois temps :
passive au mouvement et amplitude du mouvement (Fig. 12). • contact (également appelé pré-écrasement) ;
Ces différents grades sont : • densification (écrasement des tissus mous) ;
• grade I : mouvement de faible amplitude en début de course • sollicitation (bâillement articulaire du côté visé).
articulaire ; Il faut noter que cette manœuvre se fait avec très peu de
• grade II : mouvement d’amplitude importante en course force, un des principes des gestes correctifs en thérapie de
articulaire dépourvue de résistance ; Sohier étant en quelque sorte de « surprendre par la douceur ».
• grade III : mouvement d’amplitude importante en course Pour cette correction, l’effet recherché par le thérapeute est de
articulaire centré autour du point de résistance à environ libérer le contenu de l’interligne (structures méniscoïdes, franges
50 % ; synoviales, autres etc.). L’objectivation de l’efficacité du geste
• grade IV : mouvement de faible amplitude centré autour du correcteur est immédiate. Mais bien sûr, la part inflammatoire
point de résistance à environ 50 %. de la cervicalgie, ne se réglera, elle, que progressivement
On peut également rajouter des plus (+ ) ou des moins (-) (Fig. 13).
pour décrire les variantes par rapport aux quatre définitions Mennel [26] décoince le contenu de l’interligne en « surpre-
précédentes. Ces valeurs augmentent (pour + ) et diminuent nant l’articulation par la vitesse ». Après avoir ciblé l’articulaire
(pour -) les amplitudes mobilisées : à traiter, le sujet est positionné dans le sens opposé au mouve-
• grade III- -et IV- - : mouvement démarrant à l’endroit du ment douloureux. Le sujet est soit allongé, soit assis. Dans cette
ressenti de première résistance ; position de fin de course, le thérapeute effectue un mouvement

10 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Kinésithérapie des cervicalgies ¶ 26-294-C-10

Figure 13. Manœuvre de décoincement du contenu de l’interligne


selon le concept Sohier. Figure 14. Manœuvre du « panier à salade » pour l’articulation
occiput-atlas.
très bref, de faible amplitude (tout en restant dans des amplitu-
des physiologiques) et surtout très rapide. Cette manœuvre doit
respecter le principe de la non-douleur et si dans certains cas
nous pouvons (et le patient aussi !) ressentir un « craquement »
cela ne doit en aucun cas être l’objectif unique du traitement.
Ceci permet également un décoincement mais demande de la
“ Point important
part du thérapeute une expertise certaine dans le dosage du Le « sustained natural apophysial glyde » (SNAG) est un
geste et dans la précision de sa localisation. traitement très utilisé en cas d’amplitudes articulaires
Techniques à visée de recentrage articulaire limitées par la douleur.

Hearn et Rivett [27] décrivent le SNAG (« sustained natural


apophysial glyde ») comme un traitement très utilisé en cas
d’amplitudes articulaires limitées par la douleur. Les fonde- Les recommandations professionnelles constatent que :
ments, basés sur l’empirisme, trouvés dans la littérature de • les déficits de mobilité sont améliorés par les techniques de
thérapie manuelle n’ont retenu qu’une attention limitée et mobilisation manuelle et donc les recommandent ;
n’ont pu donner une réelle explication biomécanique. Les • les manipulations vertébrales cervicales sont très largement
auteurs ont du mal à s’expliquer comment une technique qui employées et font l’objet d’une formation spécifique ;
dans un premier temps « ouvre » les articulaires postérieures, • les risques d’effets secondaires liés aux manipulations sont
puis les remet en compression (du côté de l’articulaire traitée) rares, mais potentiellement graves. Il est donc recommandé
et qui probablement tiraille légèrement les fissures uncoverté- d’informer le patient des risques encourus ;
brales, puisse être plus efficace qu’une technique qui simple- • il est recommandé de pratiquer les manipulations en fonction
ment éloigne les deux surfaces articulaires dans tous les plans. du contexte réglementaire autorisant les professionnels à
Ils en ont conclu que l’efficacité clinique ne résulte pas unique- exercer cette technique.
ment d’un effet biomécanique au niveau de la colonne
cervicale.
Sohier [25] propose quant à lui un sens bien précis pour ses Rééducation oculocéphalogyre
manœuvres de réaxation. L’objectif étant de faire fonctionner Cette rééducation qui tient compte des liens neurophysiolo-
de façon optimale la pince ouvrante, il propose de corriger le giques entre la motricité oculaire et la motricité cervicale se
décentrage en « convergence ». Ce dernier correspond à un compose de quatre grandes étapes :
dérapage vers le bas et l’arrière de l’articulaire interapophysaire • recherche de détente des muscles paravertébraux cervicaux
inférieure de la vertèbre supérieure par rapport à l’articulaire par gymnastique oculaire avec colonne cervicale immobile ;
interapophysaire supérieure de la vertèbre sous-jacente. Cette • recherche de détente des muscles paravertébraux cervicaux
correction réalisée dans la même position que celle décrite pour par gymnastique oculaire avec colonne cervicale mobile ;
les manœuvres de décoincement va chercher à remonter les • travail isolé de la musculature cervicale sans utilisation de la
articulaires inférieures des vertèbres supérieures vers le cranial, motricité oculaire ;
le ventral et le médial selon l’orientation des interlignes • réentraînement à l’effort du couple oculocervical.
articulaires.
De la même manière, il existe des techniques de réaxation Recherche de détente des muscles paravertébraux
pour les corrections entre atlas et axis, et atlas et occiput. Le cervicaux par gymnastique oculaire avec colonne
thérapeute cherche à réaligner les surfaces articulaires par ces
cervicale immobile
techniques de SNAG ou apparentées.
Parmi ces dernières manœuvres on retiendra la manœuvre Le sujet est en décubitus dorsal, en position confortable, voire
dite du « panier à salade » ou de « l’orpailleur » qui consiste en calé avec des coussins. Le thérapeute demande au patient un
un soutien du crâne par les éminences hypothénar en regard de suivi oculaire d’un objet, d’un doigt, se déplaçant dans la pièce.
la partie inférieure et latérale de l’occiput et par les doigts IV et La cible suivie se trouve à environ 1 mètre de distance des yeux
V en regard de la mâchoire inférieure (prise en saladier). Le du patient. Un déplacement oculaire suivant une cible qui va
thérapeute va sous une traction légère (environ 1 kg, soit une vers la droite du sujet va automatiquement entraîner une
traction inférieure au poids de la tête) effectuer des mouvements augmentation du tonus des muscles rotateurs du cou vers la
antéropostérieurs de petite amplitude et d’un rythme soutenu droite. La musculature antagoniste à ce mouvement sera inhibée
(2-3 AR par seconde) (Fig. 14). du fait de l’innervation réciproque. Cette gymnastique oculaire

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 11
26-294-C-10 ¶ Kinésithérapie des cervicalgies

Figure 15. Recherche


de détente des muscles
paravertébraux cervicaux
par gymnastique oculaire
avec colonne cervicale im-
mobile.

Figure 17. Travail isolé de la musculature cervicale sans utilisation de la


motricité oculaire.

Figure 18. Réentraînement à l’effort du couple oculocervical.

Après ces deux séries d’exercices, la musculature cervicale aura


un tonus au plus bas.

Travail isolé de la musculature cervicale


sans utilisation de la motricité oculaire
Figure 16. Recherche de détente des muscles paravertébraux cervicaux Cette troisième phase va chercher à re-solliciter la muscula-
par gymnastique oculaire avec colonne cervicale mobile. Le patient fixe ture du cou en excluant toute participation des mouvements
du regard le nez du thérapeute, pendant que ce dernier mobilise la oculaires. À l’aide d’une lorgnette nous réduisons le champ
colonne cervicale. visuel à une vision purement fovéale avec exclusion complète
de la vision périphérique. Le suivi des contours d’un dessin,
explorant tout le champ visuel, entrecoupée de phases de repos, d’un cadre ou d’un objet mobile (déplacement lent) sollicitera
va rapidement baisser le tonus musculaire de tous les muscles alors la musculature cervicale essentiellement (Fig. 17).
paravertébraux cervicaux (Fig. 15).
Réentraînement à l’effort du couple oculocervical
Recherche de détente des muscles paravertébraux Cette dernière phase cherche à réintroduire le couplage
cervicaux par gymnastique oculaire avec colonne normal : le déplacement du regard entraîne une rotation du cou
cervicale mobile dans la même direction. Cet exercice sera progressivement
associé à une résistance au mouvement de la tête, pouvant aller
Après cette première phase, où la nuque était immobile et la
jusqu’à des diagonales de « proprioceptive neuromuscular facilita-
cible suivie du regard se déplaçait, les rôles vont s’inverser :
tion » (PNF) du type lifting qui vont également contribuer à un
colonne cervicale mobile et cible immobile. On demande au
renforcement musculaire (Fig. 18).
patient de fixer du regard un point immobile (par exemple le
nez du thérapeute). Pendant ce temps la colonne cervicale est
mobilisée de façon lente, progressive et en respectant le principe Travail musculaire
de la non-douleur. Une rotation cervicale droite passive, associée
à un regard vers la gauche (pour continuer à fixer sa cible) va Endurance musculaire
inhiber la musculature du cou en réponse à la « non- Le travail actif est recommandé dans le traitement des
physiologie » du mouvement ressenti (Fig. 16). cervicalgies chroniques, mais les exercices actifs intensifs ne

12 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Kinésithérapie des cervicalgies ¶ 26-294-C-10

Gymnastique quotidienne
Dans une revue de synthèse, Gross et al. [29] analysent les
effets de l’éducation du patient sur la réduction de la douleur.
Aucune différence significative n’a prouvé l’efficacité des écoles
du cou sur la douleur... Mais il est vrai que pour les exercices
de renforcement précités (travail de 1 heure 2 à 3 fois par
semaine), une participation active et volontaire du patient
pourra permettre au thérapeute d’orienter sa thérapie sur
d’autres objectifs.

Stratégie thérapeutique de la cervicalgie


commune
La stratégie thérapeutique communément admise se décom-
pose en trois temps.
Dans l’immédiat : recherche du retour au calme sensoriel.
Nous recherchons la sédation de la douleur, la détente muscu-
laire et la réduction des phénomènes inflammatoires, les trois
étant intimement liés. Ceci permettra de recouvrer une
Figure 19. Travail statique de renforcement des extenseurs du rachis. meilleure, voire une bonne mobilité de la colonne cervicale
ainsi qu’une bonne trophicité des tissus mous.
Dans un second temps : travail de la perception. Le patient
semblent pas démontrer de supériorité par rapport aux techni- explore de façon analytique les différents schémas de la
ques actives simples. motricité de la région cervicale. Il prend conscience des liens
La musculature de la région cervicale doit être entraînée de entre la mobilité cervicale, oculaire et scapulaire, cherche à les
deux manières [28]: entretenir et les optimiser.
• renforcement de la musculature cervicale ; Dans un temps plus éloigné : le soutien sensoriel. On pourra
• associée aux étirements des muscles polyarticulaires de la proposer au patient des exercices de gymnastique matinale à
ceinture scapulaire. visée d’entretien de la mobilité cervicale et de travail de la
Ce renforcement nécessite 1 heure, deux à trois fois par perception musculaire. Le développement de la force contractile
semaine, sur une période de 8 à 12 semaines : et de l’endurance musculaire sera adapté aux besoins du patient
• 10 minutes d’échauffement par stretching et travail sur en tenant compte de son âge, de son sexe, de ses activités
cycloergomètre ; professionnelles et sportives.
• 35 à 45 minutes de travail de la force ou de l’endurance ou
combinaison des deux ;
• 10 minutes de stretching et relaxation. ■ Conclusion
L’endurance est réalisée avec trois séries de 12-14 répétitions
La rééducation de la cervicalgie, basée sur la recherche du
isométriques à 30-40 % de la force maximale pour chacun des
calme sensoriel, sur le travail de la perception et sur le soutien
groupes musculaires soit :
sensoriel est un acte fréquent en kinésithérapie. Les multiples
• 8 kg pour les extenseurs ;
facettes de la pathologie ont donné lieu à différentes « écoles »
• 6 kg pour les inclinateurs latéraux ;
que la Haute Autorité de Santé a cherché à analyser pour en
• 5 kg pour les fléchisseurs du cou.
extraire ses recommandations dans « Massokinésithérapie dans
L’augmentation d’endurance sur 8 semaines atteindra 100 à
les cervicalgies communes et dans le cadre du ‘‘coup du lapin’’,
150 %.
ou ‘‘whiplash’’ » en mai 2003.
La force se travaille par 1 à 2 séries de 8 à 12 répétitions
Parmi toutes ces écoles, une nous donne une ouverture
isométriques à 70-80 % de la force maximale pour chacun des
intéressante qui reste encore à explorer. C’est le modèle basé sur
groupes musculaires soit :
les travaux de Kumar (Fig. 20). La question posée étant la
• 15 à 16 kg pour les extenseurs du cou ;
• 11 à 12 kg pour les inclinateurs latéraux ;
• 9 à 10 kg pour les fléchisseurs du cou.
Après 8 semaines l’augmentation de cette force sera de l’ordre Lésion de la moelle épinière
de 25 à 40 %.
Dans les deux cas, l’application des résistances pourra se faire
Traumatisme crânien
par dynamomètre, par système poids-poulie ou par élastiques
étalonnés.
Seuil de lésion facettaire
Pour les exercices à domicile l’on pourra également recom-
mander au patient de renforcer ses extenseurs du cou en se
Augmentation progressive de
Accélération

positionnant en décubitus dorsal avec un coussin de tensiomè-


lésion ligamentaire et capsulaire
tre sous la tête. La force isométrique développée par le patient
sera visualisée par le manomètre (Fig. 19).
Seuil de lésion ligamentaire
Proprioception
Augmentation progressive
La proprioception, à l’image de l’exploration de la proprio- de la blessure musculaire
ception lors du bilan, est explorée à l’aide d’un pointeur laser
positionné sur la tête du patient avec lequel le sujet doit éclairer Seuil de blessure musculaire
une cible.
Après avoir ciblé une position de référence, on amène le
patient en amplitude maximale (rotation, flexion-extension ou Zone sécuritaire
latéroflexion) et on lui demande de revenir à cette position de
référence en gardant les yeux fermés. L’erreur sera mesurée en
centimètres ou en degrés.
La fréquence de traitement proposée est de deux fois par Sévérité de la blessure
semaine sur 15 séances pour observer des améliorations Figure 20. Modèle hiérarchique du développement des blessures suite
significatives. à un « coup du lapin » d’après le modèle de Kumar.

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 13
26-294-C-10 ¶ Kinésithérapie des cervicalgies

suivante : est-ce que les déficits vécus par les victimes d’un [13] Rix GD, Bagust J. Cervicocephalic kinaesthetic sensibility in patients
accident en véhicule motorisé sont similaires à ceux des patients with chronic, nontraumatic cervicel spine pain. Arch Phys Med Rehabil
qui souffrent de cervicalgie chronique d’origine non traumati- 2001;82:911-9.
que ? Et dans ce cas, faut-il alors considérer les cervicalgies [14] Askins V, Eismont FJ. Efficacy of five cervical orthoses in restricting
comme des traumatisés crâniens a minima ? cervical motion. A comparison study. Spine 1997;22:1193-8.
.
[15] Klaber-Moffett JA, Hughes GI, Griffiths P. An investigation of the
effects of cervical traction. Part 2: the effects on the neck musculature.
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M. Gross, Cadre supérieur de santé-kinésithérapeute, cadre de pôle (marc_gross@evhr.net).


Pôle de médecine physique réadaptation-rhumatologie, centre hospitalier de Mulhouse, BP 1370, 68070 Mulhouse cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gross M. Kinésithérapie des cervicalgies. EMC (Elsevier SAS, Paris), Kinésithérapie-Médecine
physique-Réadaptation, 26-294-C-10, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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