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Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, nO 1-2, pp.

51-56 CONDUITE A TENIR DEVANT",


© Masson, Paris, 1985

La rééducation vestibulaire
R. GOUARNE,
Moniteur-Cadre Kinésithérapeute, Service O.R.L. (Pro Fontane!),. Service d'Explorations Fonctionnelles {Pro Marillaud}, C.H.R. U.
de Poitiers, La Mi/étrie, F86021 Poitiers Cédex.

Le labyrinthe composé de deux systèmes rocher. Il est constitué par deux systèmes (fig. 1,
2).
distincts participe au maintien de l'équilibre
de l'homme. Son atteinte (destruction ou
irritation) se manifeste par un nystagmus, des
vertiges, des troubles de l'équilibre.
La connaissance de la symptomatologie
permet la mise en place d'un protocole de
rééducation adapté. La rééducation vestibu-
laire des atteintes périphériques entraîne une
meilleure compensation et/ou une habituation
aux désordres.
La dernière mission spatiale américaine qui
a mis l'accent sur le comportement labyrinthi-
que en apesanteur nous laisse supposer que les
techniques de rééducation sont améliorables,
FIG. 1 - Coupe vertico-(ransversale de l'oreille.
Introduction 1 - Conduit auditif externe. 2 - Tympan. 3 - Marteau. 4 -
Enclume. 5 - Étrier. 6 - Canaux sêm i-circu laires. 7 -' Nerf
facial. 8 - Nerf vestib u laire. 9 - Fenêtre ovale. 10 - Trompe
De plus en plus, les -kinésithérapeutes sont ou d'Eustache.
seront sollicités par le clinicien O.R.L. ou le
neurologue pour une rééducation de patients
vertigineux.
Domaine nouveau? Non!
C'est pourtant une technique peu connue en
France qui ne doit cependant pas être ignorée
du kinésithérapeute.
La rééducation vestibulaire demande des
connaissances spécifiques d'anatomo-physiolo-
gie et de pathologie de l'oreille interne qui
d'habitude ne sont pas enseignées dans les écoles
de base de masso-kinésithérapie.
Anatomie et physiologie de l'oreille interne
1
2
ANA TOMIE

Le labyrinthe membraneux est un organe pair :3


et symétrique situé très profondément dans le FIG. 2 - Vue schématique du labyrinthe membraneux.
1 - Ampoule. 2 - Utricule. 3 - Canal cochléaire. 4 - Canal
Tirés à part: R. GOUARNE, à l'adresse ci-dessus. endolymphatique. 5 - Saccule. 6 - Canaux semi-circulaires.

l
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A
+

FIG. 3 - Schéma ouvert de l'ampoule.


1 - Cupule. 2 - Cellules sensorielles de la crête ampullaire.
3 - Fibres nerveuses afférentes. c

L
FIG. 5 - Schéma des boucles de contrôle nécessaires à
CORTEX'
l'équilibration.
A - Proprioception. B - Boucle oculomotrice. C - Boucle
labyrinthique.
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:1::~:"~""
------'~... CERVELET

110ËLLE

FIG. 4 - Les afférences vestibulaires.

Le système semi-circulaire
Composé de trois canaux tubulaires orientés
dans les trois plans de l'espace, s'ouvrant dans
l'utricule. Ils sont remplis d'un liquide
l'endolymphe.
Chacun des tubes présente un renflement
l'ampoule, dont la crête ampullaire forme le
récepteur sensoriel (fig. 3).
FIG. 6 - Vertige et déséquilibre: attitude habituelle du patient.
Le système otolithique
Il existe deux vésicules : utricule et saccule
dont les macules forment les zones sensorielles.
Ce labyrinthe membraneux est protégé par le
labyrinthe osseux séparé par un espace liqui-
dien : la périlymphe.
Fibres afférentes
~ PHASE RAPIDE
Des récepteurs sensoriels partent les fibres
afférentes constituant le nerf vestibulaire (VIlle •. PHASE LENTE
paire crânienne). Il se dirige vers les noyaux FIG. 7 - Le nystagmus, déplacement latéral de l'œil, soit rapide
vestibulaires du tronc cérébral. Les connexions soit lent dans le mouvement aller-retour.
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se font vers (fig. 4) : D'autre part, nous devons nous méfier des
- la moelle (faisceau vestibulo-spinal), « faux vertiges ». Le terme vertige est souvent
- le cervelet (voies vestibulo-cérébelleuses), employé par les malades pour décrire des
- les noyaux oculomoteurs (bandelette longitu- troubles de la coordination, des migraines, des
dinale postérieure), __ difficultés digestives, etc.
- le cortex supérieur (voies vestibulo-thala- Au total, le vertige n'est qu'une illusion qui
miques). s'explique par l'asymétrie d'activité des noyaux
vestibulaires, conséquence de la pathologie
PHYSIOLOGIE
touchant le récepteur et/ou le nerf vestibulaire.
La relaxation peut aider le malade à mieux
vivre son vertige, lorsqu'il survient. La compen-
Le labyrinthe est un des appareils de sation, l'habituation rééquilibrant l'activité des
l'équilibre. noyaux vestibulaires supprimera cette illusion.
Le système membraneux semi-circulaire est Dans les atteintes centrales, le vertige est
le récepteur des accélérations angulaires de la remplacé par une sensation d'instabilité, d'insé-
tête dans l'espace. curité, voire d'ébriété, qui demeure peu gênante.
Le système membraneux otolithique est le
récepteur des accélérations linéaires et de la Le nystagmus
position de la tête.
L'équilibre humain, statique et dynamique, est Mouvement involontaire saccadique, rythmi-
la résultante de trois niveaux sensoriels majeurs: que et binoculaire des yeux. Il est composé d'une
- le référentiel visuel, phase lente et d'une phase rapide. Cette dernière
- le référentiel labyrinthique, définit le sens du nystagmus. Il est le plus
- le référentiel proprioceptif. souvent horizontal ou horizonto-rotatoire
L'intégration des informations cohérentes des (fig. 7).
trois systèmes permet les réactions réflexes des
muscles oculomoteurs, du tronc, et des membres Les troubles posturaux
(fig. 5). Déséquilibre à la station debout et!ou à la
marche, augmenté à l'obscurité.
Les atteintes périphériques vestibulaires amé-
Pathologie de l'oreille interne liorables par la rééducation se classent arbitraire-
ment en trois groupes (2, 6) :

CLINIQUE
CLASSIFICATION
Le dysfonctionnement labyrinthique perturbe
l'intégration des informations expliquant les Le syndrome de destruction unilatéral
manifestations cliniques (2,. 3, 6) :
- névrite vestibulaire,
Le vertige - neurinome de l'acoustique
(en post-opératoire),
C'est une sensation rotatoire des objets envi- - atteintes traumatiques (fracture du rocher).
ronnants (fig. 6).
Il n'existe, en fait, qu'un vertige, dû à un Le syndrome de destruction bilatéral
désordre périphérique. Le vertige est une illusion
de mouvement décrit par le patient (signe - atteintes ototoxiques (antibiotiques: gentami-
subjectif). Souvent l'illusion de mouvement est cine, streptomycine, etc.).
de type rotatoire mais le patient peut cependant Le syndrome labyrinthique irrita tif
décrire des mouvements linéaires. Toutefois,
·l'absence de vertige ne permet pas· d'écarter - syndrome de Ménière
·l'existence d'une pathologie vestibulaire. - vertige paroxystique bénin.
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La crise régresse laissant persister une surdité


plus ou moins grande et des acouphènes.
La fréquence des crises est très variable en
fonction du terrain (anxiété, fatigue, tabac).
40 Toutes les crises n'ont pas toujours la même
intensité; le Ménière «vieillit», les vertiges
DD
sont moins intenses; par contre l'audition se
~o
20
~O a c.. dégrade.

Concepts de la rééducation vestibulaire

COMPENSATION CENTRALE

Les manifestations cliniques (vertiges - nys-


tagmus - troubles posturaux) des destructions
labyrinthiques régressent (3).
La raison de cette amélioration s'explique par
« une prise en charge» plus ou moins complète
du récepteur défaillant.
FIG. 8. - L'épreuve calorique calibrée consiste à stimuler chaque
labyrinthe par injection d'eau chaude (44°) et froide (300) dans
En effet, les noyaux vestibulaires homolaté-
le conduit auditif externe. raux récupèrent une certaine autonomie rééquili-
Chez le sujet sain, le chaud entraîne un nystagmus homolatéral brant le côté droit et gauche. Il s'agit d'une
à l'excitation et le froid un nystagmus controlatéral. Le nombre compensation centrale physiologique.
de secousses nystagmiques est reporté sur le diagramme de
Freyss.
Dans le cas présenté :
HABITUATION
chaud : 51 secousses (A)
oreille droite
froid : 50 secousses (B) Les stimulations répétitives du labyrinthe
pathologique (syndrome irritatif) entraînent une
chaud : 43 secousses (C) diminution de ses réponses.
oreille gauche
froid : 42 secousses (D) Il s'agit d'une compensation provoquée.
Les hauteurs A.B. et C.D. montrent l'équilibre des deux
systèmes droit et gauche (compensation). L'intersection A.C. COMPENSATION PAR LES RÉCEPTEURS SAINS
et B.D. doit se faire dans le rectangle central.

Le référentiel labyrinthique défaillant est


LE SYNDROME DE LA MÉNIÈRE compensé par les deux autres systèmes : vue et
proprioception.
C'est un trouble pressionnel labyrinthique La rééducation trouve en ces trois éléments
caractérisé par la triade suivante : son fondement. Elle permet:
- Un grand vertige rotatoire de survenue brutale de favoriser l'installation de la compensation,
pouvant projeter le malade à terre, accompagné, - de créer l'habituation,
souvent, de nausées et de vomissements. - d'affiner les afférences visuelles et propriocep-
- Des acouphènes, c'est-à-dire des bourdonne- tives. -
ments et des troubles de la perception auditive. Une parfaite connaissance du bilan du malade
Ils accompagnent la crise. (diagnostic clinique - épreuves caloriques (fig. 8)
- Une surdité brusque persistant pendant la - bilans prérééducatifs) permet d'établir le
CrIse. protocole rééducatif adapté (tableau 1).
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TABLEAU J. - Relation entre le diagnostic, les principes de


rééducation et les moyens mis en œuvre.
Développement
du stimulus
Méthodes Stimulations
ences rééducatifs
Principes
neuromusculaires
Exercices
centrale
oculomoteurs
visuelles
Relaxation et et
tion
n autoconcentratives Moyens
droit
jusqu'à et équilibre
gauche
proprioceptives
Aspects de la
Syndrome de Répétition

FIG. 9. - La convergence est ici recherchée en rapprochant une


cible des yeux du patient.

Les techniques utilisées par le kinésithérapeute de haut en bas et!ou sur le côté, et enfin yeux
bandés dans l'obscurité.
RELAXATION Inverser régulièrement le sens de rotation.
Exercice III
Les méthohdes autoconcentratives (Schultz-
sophrologie) s'appliquent sur un malade en - Passer de la position assise à la position
décubitus confortablement installé dans une couchée dorsale.
demi-obscurité. - Passer de la position assise à la position
La relaxation psychotonique s'obtient souvent couchée dorsale avec rotation de la tête à droite.
plus rapidement par les champs magnétiques - Idem avec rotation de la tête à gauche.
pulsés en basse fréquence (12 Hertz), un - De la position couchée dorsale, étendre la tête
émetteur placé sous la nuque, l'autre sur le en arrière et la tourner à droite.
vertex. - De la position couchée dorsale, étendre la tête
en arrière et la tourner à gauche.
HABITUATION Dans le cas particulier du nystagmus paroxys-
tique bénin, le schéma cinétique déclenchant le
Les exercices de Cawthorne et Cooksey (1, vertige est itérativement sollicité; pourtant
4, 5) répétés trois fois par semaine sont de l'épuisement de la réponse nystagmique ne doit
difficulté croissante. pas être confondu avec une habituation (fig. 9).
Exercice l
COMPENSATION
a) Position assise, tête immobile
bouger les yeux : La stimulation labyrinthique au fauteuil rota-
- de haut en bas, toire (7) (5 tours à 900/s) et décélération de 10/s2
- sur les côtés, (arrêt brusque) se fait dans le sens horaire et
d'abord lentement, puis rapidement. anti-horaire (fig. 10).
b) Répéter l'exercice en demandant au sujet de Le kinésithérapeute compte le nombre de
fixer une cible.
nystagmus postrotatoires puis répète la stimula-
c) Répéter l'exercice en position debout. tion dans le sens qui provoque le plus grand
Exercice II nombre de -réponses. L'équilibre obtenu entre les
deux sens atteste la compensation.
Marche circulaire autour d'un tabouret les La compensation est également obtenue par
yeux ouverts, d'abord fixes puis en les bougeant la répétition de stimulations caloriques à air. Le
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FIG. Il - Le labyrinthe hyperréflectif est stimulé itérativement


jusqu'à diminution des réponses nystagmiques.

FIG. 10 - Le kinésithérapeute insistera sur le sens de rotation


qui entraîne le plus de nystagmus jusqu'à équilibre entre les deux
sens de rotation.

kinésithérapeute injecte itérativement de l'air


chaud (500) et/ou froid (220) dans le conduit
auditif externe jusqu'à diminution et équilibre
des secousses nystagmiques (fig. Il). '
EXERCICES OCULOMOTEURS FIG. 12 - Le nystagmus optocinétique se travaille en plaçam
devant les yeux du patient un tambour rotatoire sur lequel sont
Le kinésithérapeute recherche les mouve- disposés des motifs de couleur.
1
ments oculaires automatiques : convergence
1 - - poursuite lente - nystagmus optocinétique, en Les bons résultats dépendent de l'anamnèse
utilisant des stimulations visuelles périphéri- et d'un bilan prérééducatif précis.
ques (7) (fig. 9 et 12).
Bibliographie
LA PROPRIOCEPTION
1. CAWTHORNET (T.). - The physiological basis for head
Les exercices proprioceptifs, désormais bien exercices J. Chart. Soc. Physioth., 1944, 106-107.
connus, s'exécutent impérativement en dimi- 2. COLLARD (M.), CONRAUX (C.), W ARTER (J. M.). - Syn-
nuant progressivement les afférences visuelles; dromes vestibulaires centraux Paris, Masson, 1973.
3. CONRAUX (C.), COLLARD (M.). - L'électro-nystagmographie
un jeu de lunettes permet plus aisément de - Rueil-Malmaison, Sandoz, 1982.
moduler l'acuité visuelle des patients. 4. COOKSEY (F. S.). - Réhabilitation in vestibular injuries Proc.
Roy. Soc. Méd., 1945, 39, 220-223.
Conclusion 5. NORRE (M. E.), DE VEERDT (W.). - Positional (provoked)
vertigo treated by postural training vestibular habituation
La rééducation vestibulaire semble être un training Agressologie 1981, 22, 37-44.
6. OOSTERWELD (W. J.), JAMES (J.). - Les vertiges Paris, Doin,
élément essentiel sinon de la guérison, du moins 1976.
de l'amélioration rapide de certaines atteintes 7. SEMONT (A.), STERKERS (J. M.). - Rééducation vestibulaire.
périphériques de l'oreille interne. Cahiers d'O.R.L., 1980, 15, 305-309.

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