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Évaluation des lésions médullaires

acquises chez l’adulte
S. Rostagno

La rééducation des blessés médullaires est un long processus dont le point de départ est l’évaluation
rigoureuse et complète du patient, ainsi que des conséquences de la lésion médullaire sur son organisme.
Les résultats de cette évaluation permettent de décrire l’état de santé du patient, de prédire son futur état,
et de suivre les améliorations ou détériorations de sa santé. En résumé, cette évaluation doit permettre
de choisir et d’adapter au fur et à mesure la meilleure stratégie thérapeutique. Pour que cette évaluation
soit le plus exempte possible d’erreurs, et pour ne pas risquer de mettre en place un traitement au mieux
inefficace et au pire délétère, il est recommandé d’utiliser des outils de mesure étalonnés, c’est-à-dire
fiables et valides.
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Mots-clés : Neurologie ; Lésions médullaires ; Évaluation ; Outils de mesure

Plan psychologiques). Les structures anatomiques désignent les par-

ties anatomiques du corps, telles que les organes, les membres
■ Introduction 1 et leurs composantes. Les déficiences ou altérations désignent des
problèmes dans la fonction organique ou la structure anatomique,
■ Évaluer les altérations de structures anatomiques tels qu’un écart ou une perte importante.
et de fonctions organiques 1 Une activité désigne l’exécution d’une tâche ou d’une action
Déterminer le statut neurologique 1 par une personne. La participation désigne l’implication d’une
Évaluer la sensibilité 2 personne dans une situation de vie réelle.
Évaluer l’état orthopédique 2 Les limitations d’activité désignent les difficultés que rencontre
Évaluer la force musculaire 2 une personne dans l’exécution d’activités. Les restrictions de
Évaluer le système nerveux autonome 3 participation désignent les problèmes qu’une personne peut ren-
Évaluer l’état cutané 3 contrer dans son implication dans une situation de vie réelle.
Évaluer les réflexes et le tonus musculaire 3 Le kinésithérapeute a la possibilité d’évaluer le patient à tous
Évaluer la douleur 3 les niveaux de cette classification, mais son cœur de métier reste
Évaluer la fonction respiratoire 4 les activités, l’objectif d’amélioration ou de correction d’un geste
Évaluer la fonction cardiovasculaire ou capacités aérobiques 5 amenant ensuite le kinésithérapeute à évaluer toutes les altéra-
■ Évaluer les limitations d’activités 6 tions de fonctions organiques et de structures anatomiques qui
Contrôle postural 6 pourraient être responsables de ces limitations d’activités. Cette
Déplacements 7 approche porte le nom de raisonnement par résolution de pro-
Mobilité et soins personnels 7 blème ou démarche hypothéticodéductible.
Évaluer les préhensions 8
■ Évaluer les restrictions de participation et la qualité de vie 8
■ Conclusion 8  Évaluer les altérations
de structures anatomiques
 Introduction et de fonctions organiques
Déterminer le statut neurologique
L’individu peut être caractérisé, dans le cadre de l’évaluation
de son état de santé, à différents niveaux si l’on se réfère à la L’évaluation du statut neurologique du patient lésé médul-
Classification internationale du fonctionnement et du handicap laire est la clé de voûte de la rééducation qui va suivre. Pour
(CIF) [1] (Fig. 1). que la caractérisation de la lésion médullaire soit uniforme inter-
Les fonctions organiques désignent les fonctions physio- nationalement, l’Association américaine des lésions médullaires
logiques des systèmes organiques (y compris les fonctions (American Spinal Injury Association [ASIA]) a développé en 1982

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Volume 15 > n◦ 1 > janvier 2019
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26-012-B-10  Évaluation des lésions médullaires acquises chez l’adulte

Problème de santé
(trouble ou maladie)

Fonctions organiques et
Activités Participation
structures anatomiques

Facteurs Facteurs
environnementaux personnels
Figure 1. Classification internationale du fonctionnement et du handi-
cap (CIF).

(dernière mise à jour en 2011) les normes internationales de

classification neurologique des lésions médullaires (International
Standards of Neurological Classification for Spinal Cord Injury
[ISNCSCI]) [2] .
La caractérisation de la lésion médullaire consiste à identifier les
niveaux sensitifs (droit et gauche), les niveaux moteurs (droit et
gauche) et le niveau neurologique. Ce sont les derniers myotomes
(niveaux moteurs), dermatomes (niveaux sensitifs) et métamères
(niveau neurologique) sains. Cela implique que l’on retrouve obli-
gatoirement des déficits (moteurs ou sensitifs) en dessous de ces
niveaux. Pour avoir une idée de l’importance de ces déficits sous-
lésionnels, il faut connaître ensuite le caractère complet (Asia
Impairment Scale [AIS] A) ou incomplet (AIS B, C, D ou E) de
la lésion médullaire. Des scores sensitifs et moteurs peuvent éga-
lement être calculés ; il est toutefois recommandé de les utiliser
séparément pour le membre supérieur et le membre inférieur [3] .
Ces informations sont obtenues grâce à un testing moteur et un
bilan sensitif spécifique. Le testing moteur (réalisé sur dix myo-
tomes : cinq pour le membre supérieur et cinq pour le membre
inférieur) utilise la même cotation que le Medical Research Coun-
cil (MRC), mais avec des positions de test différentes pour pouvoir
évaluer le patient systématiquement en décubitus dorsal. Le bilan
sensitif est quant à lui composé d’un toucher léger et d’un
pic-touche, et teste l’ensemble des dermatomes du corps humain.
Une formation spécifique à la réalisation de ce bilan a été déve-
loppée par l’ASIA et est disponible sur son site.
Toutes ces informations permettent dans un premier temps de
réaliser un pronostic de récupération neurologique et fonctionnel
du patient [4] . Il semblerait que le pronostic puisse être optimal
lorsqu’il est réalisé à 72 heures de la lésion [5] .
Ces données servent également de point de comparaison pour
la récupération neurologique. Le changement minimal détectable
serait de 4,1 points pour le toucher léger, 5,9 points pour la sen-
sation à la piqûre et 2 points pour le score moteur des membres
supérieurs [6] . Des auteurs suggèrent toutefois que l’utilisation de
ces standards ne permettent pas un suivi assez sensible de la récu-
pération neurologique chez certains patients [7] .
Évaluer la sensibilité
La sensibilité est déjà évaluée de manière assez complète dans le
cadre du score ASIA. Il est toutefois intéressant de compléter cette
évaluation par un examen de la sensibilité au toucher appuyé,
notamment en cas d’absence de sensation au toucher léger et
à la piqûre. L’association ASIA propose également une méthode
d’évaluation de la proprioception. L’évaluateur mobilise une arti-
culation donnée avec des amplitudes plus ou moins grandes ; le
patient, les yeux fermés, doit dire s’il sent le mouvement ou pas.
Le score peut être de 2 (sent des mouvements de petite amplitude),
1 (sent des mouvements uniquement de grande amplitude) ou 0
(ne sent pas le mouvement).
Ces évaluations doivent toutefois être interprétées avec pré-
caution compte tenu de leur faible reproductibilité (même si
celle-ci s’améliore avec l’entraînement) et de leurs validités dis-
cordantes [8] .
Figure 2. Outil d’évaluation de l’amplitude articulaire en flexion dorsale
de la cheville.
Évaluer l’état orthopédique
L’évaluation des amplitudes doit toujours précéder l’évaluation
motrice afin de coter au mieux la fonction musculaire. Les limi-
tations d’amplitudes articulaires peuvent avoir des conséquences
fonctionnelles [9–11] , voire être prédictives de douleurs d’épaules,
notamment chez les patients tétraplégiques [12] .
Les limitations d’amplitudes articulaires sont principalement
causées par l’immobilisation due à la paralysie ou une spasticité
importante (cf. infra) limitant le mouvement, mais des limita-
tions plus graves et plus gênantes peuvent aussi être causées par
une para-ostéo-arthropathie (heterotopic ossification). Présentes en
sous-lésionnel, les symptômes de cette dernière sont un œdème
avec ou sans fièvre, une diminution rapide et soudaine des ampli-
tudes, une douleur articulaire (lorsque les voies de la douleur sont
préservées) et une augmentation de la spasticité et/ou des spasmes.
Elles affectent préférentiellement les articulations de l’épaule, du
coude, de la hanche et du genou, et peuvent être associées à un
traumatisme crânien concomitant à la lésion médullaire. Même
si la confirmation du diagnostic se fait par imagerie médicale
ou marqueur chimique [13] , l’évaluation chiffrée des amplitudes
s’avère utile pour suivre l’évolution de l’enraidissement et confir-
mer l’installation d’une para-ostéo-arthropathie.
Le goniomètre comme l’inclinomètre peuvent servir à suivre
l’évolution, mais présentent une reproductibilité intra- et inter-
opérateurs très variable selon les articulations, et cette fiabilité
n’a jamais été étudiée sur des patients blessés médullaires. Quant
aux dispositifs les plus reproductibles et valides, ils ne sont pas
forcément applicables au quotidien pour un clinicien (Fig. 2) [14] .
Évaluer la force musculaire
Le déficit moteur après une lésion médullaire peut aller de
la paralysie totale ou partielle au simple déconditionnement de
muscles non lésés neurologiquement. Il est donc important de
disposer d’outils adaptés à chaque situation.

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La détermination du statut neurologique décrit précédemment
utilise le testing manuel, mais ce dernier n’ayant été réalisé que sur
un nombre restreint de muscles, il est recommandé d’évaluer les
autres muscles en fonction des besoins du patient et de la situa-
tion (appareillage, transfert tendineux, etc.). Le testing manuel,
initialement décrit par le MRC, a vu de très nombreuses versions
se développer au cours des années, avec des variations tant sur
la cotation que sur les positions utilisées. Son avantage princi-
pal est qu’il ne nécessite pas de matériel et peut donc être réalisé
aussi bien au lit du patient que dans une salle de soins. Son inter-
prétation semble également bien comprise par l’ensemble des
kinésithérapeutes. Ses limites sont la variabilité de reproductibilité
intra- et interévaluateurs selon les groupes musculaires évalués,
ainsi que sa faible sensibilité au changement, notamment pour
les cotations supérieures à 3. Enfin, quelques études suggèrent
un effet plafond, autrement dit beaucoup de patients peuvent
atteindre la cotation 5 sans pour autant avoir récupéré une fonc-
tion musculaire totale et suffisante pour une tâche donnée. Les
positions comme les systèmes de cotation pouvant varier, il est
recommandé de préciser lors de l’évaluation la version du testing
à laquelle on se réfère (exemple : Daniels&Worthingham, Lacotte,
Kendall, etc.) et d’utiliser la même version dans le temps.
Autre approche, le calcul de la résistance maximale (RM) ou
10RM (pour les patients plus fragiles). Ce calcul peut s’effectuer à
partir du moment où un muscle est au moins coté à 3 sur le MRC.
Il peut s’effectuer de différentes manières et il faut donc, comme
pour le testing, préciser le protocole utilisé. Le principal avantage
du calcul de la RM est qu’il permet de déterminer la charge à utili-
ser pour le renforcement musculaire (exemple : 3 × 10 répétitions
à 80 % de la RM).
Enfin, il est possible d’utiliser des instruments tels que les
dynamomètres isométriques ou isocinétiques. Leur coût est plus
important et l’interprétation clinique parfois plus compliquée,
mais ils peuvent permettre par exemple d’évaluer la fonction
motrice malgré des restrictions d’amplitudes majeures ou une
spasticité importante (dynamomètre isométrique), ou bien encore
calculer des ratio agonistes/antagonistes avec précision (dynamo-
mètres isométriques et isocinétiques).
Évaluer le système nerveux autonome
Après une lésion médullaire, le système nerveux autonome
peut ne plus être sous le contrôle du cerveau par interruption
partielle ou complète de la moelle épinière. Cette altération
peut entraîner des dysfonctions du rythme cardiaque, de la
tension artérielle, de la thermorégulation, etc. Il est donc
important d’évaluer l’intégrité de ces différents systèmes pour
mieux en contrôler l’évolution. L’ASIA préconise d’utiliser, en
annexe des normes internationales de classification neurolo-
gique des lésions médullaires, l’Autonomic Standard Assesment
Form [15] .
Évaluer l’état cutané
Le déficit sensitivomoteur causé par la lésion médullaire expose
le patient à un risque de lésions cutanées ou escarres. Les
escarres sont le plus souvent caractérisées en fonction de leur gra-
vité selon le système de classification international des escarres
NPUAP/EPUAP [16] .
L’importante prévalence des escarres chez le blessé médullaire
(15,2 % la première année jusqu’à 29,4 % à 20 ans et 85 % tout au
long d’une vie) [17] et leurs conséquences sur l’autonomie comme
sur le risque vital pour le patient imposent une évaluation stan-
dardisée afin d’optimiser la stratégie de prévention de ces risques.
Plusieurs échelles ont été proposées pour identifier les patients
les plus à risques de développer une escarre. Les seules échelles
spécifiques aux patients blessés médullaires sont la Spinal Cord
Injury Pressure Ulcer Scale (SCIPUS) pour les patients hospitalisés
en centre de rééducation et la Spinal Cord Injury Pressure Ulcer
Scale Acute (SCIPUS-A) pour les patients en phase aiguë ; cepen-
dant, leur utilisation requiert des résultats d’analyses sanguines
et leur reproductibilité est à ce jour inconnue. L’échelle de Bra-
den est actuellement l’échelle présentant les meilleures propriétés
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Évaluation des lésions médullaires acquises chez l’adulte  26-012-B-10
métrologiques mais trop peu d’études ont été réalisées à ce jour sur
les patients blessés médullaires pour recommander son utilisation
chez ces patients [17] .
Évaluer les réflexes et le tonus musculaire
Une lésion de la moelle épinière entraîne systématiquement
une modification du tonus et des réflexes. Dans un premier temps,
les reflexes sont abolis pendant la phase du choc spinal (présent
quand la lésion est d’installation brutale), dont la durée peut
varier de 3 jours à 3 mois. Sauf dans le cas d’une atteinte pure
de la queue-de-cheval ou d’une atteinte mixte empêchant toute
conduction nerveuse du motoneurone alpha, les réflexes se voient
augmentés du fait de la diminution du contrôle inhibiteur exercé
par les voies descendantes (voie pyramidale ++) sur ce motoneu-
rone alpha. Cette hyperréflexie se traduit cliniquement par la
présence de spasticité et/ou de spasmes en sous-lésionnel. Sa haute
prévalence, entre 65 % [18] et 85 % [19] des patients lésés médul-
laires, et son impact sur la qualité de vie (QdV) [18] en font un
élément important à évaluer.
Cette mesure peut se faire par hétéroévaluation (instrumentale
ou manuelle) ou autoévaluation.
L’évaluation instrumentale ou en laboratoire est destinée à la
recherche, compte-tenu du coût, du matériel et du temps néces-
saire.
L’évaluation manuelle de la spasticité est l’approche le plus
fréquemment utilisée en pratique clinique. Elle consiste à éva-
luer la réaction musculaire lors de l’étirement de ce dernier. Les
deux cotations utilisées sont l’échelle d’Ashworth [20] (et Ash-
worth modifiée [21] ) et l’échelle de Tardieu (et Tardieu modifiée).
L’échelle d’Ashworth modifiée, malgré sa grande popularité, pré-
sente une reproductibilité trop variable pour être recommandée
chez le blessé médullaire [22] ; quant à l’échelle de Tardieu modi-
fiée, aucune étude n’a encore testé sa reproductibilité chez le blessé
médullaire. Au final, l’Academy of Neurologic Physical Therapy ne
recommande pas l’utilisation de l’échelle d’Ashworth modifiée et
considère que l’utilisation de l’échelle de Tardieu est raisonnable,
mais que des études devraient être réalisées pour définir les pro-
priétés métrologiques de ce test chez le blessé médullaire. En outre,
les données récentes disponibles sur l’accident vasculaire cérébral
suggèrent que l’échelle de Tardieu serait plus reproductible et plus
valide que l’échelle d’Ashworth [23–26] .
L’autoévaluation de la spasticité/spasmes par le patient présente
l’avantage d’incorporer le ressenti du patient et d’intégrer la spas-
ticité dans une vision plus globale et fonctionnelle. Deux outils
peuvent être utilisés : la Penn Spasm Frequency Scale [27] et la
Spinal Cord Injury Spasticity Evaluation Tool (SCI-SET) [28] . Trop
peu d’études sont actuellement disponibles pour recommander
l’utilisation de ces deux outils et les interpréter correctement, mais
la section neurologie de l’American Physical Therapy Association
considère, comme pour Tardieu, que leur utilisation est raison-
nable compte tenu des premières données disponibles. La SCI-SET
permettant de mesurer l’impact de la spasticité (gêne ou aide) sur
les différentes activités de la vie quotidienne du patient, donne
une vision peut être plus sensible au changement que l’échelle de
Penn.
En résumé, l’hétéroévaluation manuelle permet de cibler plus
précisément le ou les muscles spastiques à traiter, et l’auto-
évaluation permet plutôt de savoir si cette spasticité et/ou ces
spasmes doivent être traités, et d’en suivre l’évolution.
Évaluer la douleur
Entre 48 et 92 % des patients blessés médullaires éprouveront
des douleurs à la suite de leur lésion et jusqu’à 69 % d’entre eux
auront des douleurs chroniques [29] . Ces douleurs sont donc logi-
quement un problème majeur du point de vue du patient.
Elles peuvent être différenciées selon une classification
spécifique aux blessés médullaires : douleurs nociceptives (mus-
culosquelettiques, viscérales, autres), douleurs neuropathiques
(lésionnelles, sous-lésionnelles, autres), autres ou inconnues.
Les définitions pour chacune de ces douleurs ont été données
dans l’International Spinal Cord Injury Pain Basic Data Set [30] .
3
26-012-B-10  Évaluation des lésions médullaires acquises chez l’adulte

Tableau 1.
Drapeaux rouges chez le blessé médullaire.
Système Drapeaux rouges : indicateurs Drapeaux rouges : pathologie
Musculosquelettique Historique de récent trauma, déformation visible, variation Fracture ou luxation, para-ostéo-arthropathie,
d’amplitude articulaire, nouveau gonflement ou chaleur pathologie locale pouvant contribuer à une
localisé(e) neuropathie et enraidissement
Dermatologique Rougeur, ulcération Escarre, ongle incarné
Cardiovasculaire Douleur dans la poitrine, souffle court, fièvre, frissons ou Anévrisme de l’aorte abdominale, dissection
sudation, symptômes autonomes et différence de périmètre du aortique, infarctus du myocarde, infection et
mollet entre droite et gauche phlébite
Respiratoire Idem que cardiovasculaire Embolie pulmonaire, phlébite, infection ou
pneumonie
Urinaire Changement d’odeur ou couleur des urines, douleurs en regard Infection urinaire ou pyélonéphrite, calculs rénaux
des reins, incontinence nouvelle, fuites entre les sondages, ou vésicaux, rétention urinaire, torsion testiculaire
histoire de calculs rénaux ou vésicaux, et gonflement scrotal ou ou épididymite
testiculaire
Pelvien Relation temporelle entre douleurs et menstruations Kystes de l’ovaire, endométriose et autres
conditions génito-urinaires
Gastro-intestinal Variations dans la fréquence des selles, abdomen aigu Fécalome, constipation, abdomen aigu, appendicite
et cholécystite
Neurologique Variation du statut neurologique, comme une augmentation ou Neuropathie périphérique, syringomyélie
réduction du tonus, régression du niveau neurologique, moteur
ou sensitif, ou changements des réflexes ostéotendineux
Autres Fièvre, frissons, sudation et perte de poids Tumeur

Tableau 2.
Exemples de drapeaux jaunes. Muscles respiratoires
Symptômes dépressifs
Perte d’appétit Nerf vague (X)
Faible motivation pour la réalisation de tâches quotidiennes ou travail à Nerf accessoire (XI)
Sterno-cléido-mastoïdien
cause de la douleur Trapèze C1
Participation réduite à des activités valorisantes C2
Problèmes préexistant de douleurs mal gérées Diaphragme C3
Évitement des activités associées à la douleur C4
Phases de repos (± au lit) prolongées
C5
Preuves de pensées de catastrophisation, préoccupation sur le pronostic, Scalènes
C6
anxiété significative et symptômes de panique
Dépendance alcoolique ou de substance illicites C7 Grand pectoral
Dépendance augmentée aux opioïdes C8
Qualité et/ou quantité de sommeil perturbé T1 Muscles expirateurs
Muscles inspirateurs
Manque de soutien familial T2
T3
T4
Intercostaux T5
L’utilisation d’échelles standardisées peut aider le clinicien à dif- Intercostaux internes
externes T6
férencier plus facilement des douleurs nociceptives de douleurs
T7
neuropathiques. Les échelles Douleur neuropathique 4 (DN4) et
LANSS semblent être les plus reproductibles et valides pour le T8
blessé médullaire avec de meilleures sensibilité (utile pour exclure T9 Droit antérieur
une douleur neuropathique) pour la DN4 et spécificité (utile pour T10 Obliques externes
confirmer une douleur neuropathique) pour la LANSS [31] . La dif- T11 Obliques internes
férenciation de ces différents types de douleurs doit permettre in T12 Transverse
fine l’ajustement des stratégies thérapeutiques à mettre en place. L1
Pour quantifier l’importance de ces douleurs, l’utilisation de L2
l’échelle numérique semble plus recommandée que l’échelle L3
visuelle analogique. Toutefois, l’intensité de la douleur seule ne
L4
reflète pas l’impact émotionnel, psychologique et fonctionnel que
ces douleurs ont sur les patients. L’utilisation de questionnaires Figure 3. Innervation des muscles respiratoires (d’après Schilero [35] ).
permet de quantifier cet impact et d’en suivre l’évolution. Deux
échelles peuvent être utilisées pour cela, une première non spéci- Le Rick Hansen Institute propose un guide clinique télé-
fiquement développée pour les blessés médullaires mais adaptée chargeable pour l’évaluation de la douleur après une lésion
par la suite dans cette population : l’inventaire multidimension- médullaire ; il s’inspire grandement de l’International Spinal Cord
nel de la douleur–version blessé médullaire (Multidimensional Injury Pain Basic Data Set [33] .
Pain Inventory-SCI version) ou bien un outil spécifiquement déve-
loppé pour les personnes en fauteuil : le questionnaire de douleur
d’épaule chez les utilisateurs de fauteuil roulant (Wheelchair Users
Évaluer la fonction respiratoire
Shoulders Pain Index [WUSPI]). Lorsque la paralysie secondaire à une lésion médullaire touche
Enfin, il est recommandé [32] d’écarter tout problème médi- des muscles respiratoires, cela va inexorablement entraîner des
cal grave, autrement appelé « drapeau rouge » (Tableau 1) et complications plus ou moins graves selon le niveau d’atteinte.
d’évaluer des facteurs psychosociaux pouvant contribuer à une Plus le niveau neurologique est élevé, et plus il y a de muscles
anxiété ou incapacité liée à la douleur, autrement appelés « dra- respiratoires atteints. Les muscles expirateurs sont notamment
peaux jaunes » (Tableau 2). touchés plus fréquemment [34, 35] (Fig. 3). Il est donc important

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Faiblesse des muscles repiratoires
↓ Pic de la toux ↓ CRF
↓ Efficacité de
↓ VR : CRF
la toux
↓ Compliance
de la cage
thoracique
↑ Sécrétions ↑ Atélectasie
↓ Compliance
pulmonaire
Pneumonie
↑ Ventilation :
altération du rapport
ventilation/perfusion
Hypoxémie
pour les patients présentant un niveau neurologique supérieur à
T9 d’évaluer l’impact d’une ceinture abdominale sur la fonction
respiratoire.
Ces complications sont une cause fréquente de morbidité et/ou
de mortalité. Ils interviennent plus fréquemment dans les pre-
mières semaines après la lésion médullaire ; à ce stade, les
complications respiratoires sont la deuxième cause de morta-
lité. Ces complications sont le plus souvent une hypoventilation,
une atélectasie, une rétention des sécrétions ou une pneu-
monie. Chacun de ces problèmes peut entraîner un décalage
entre ventilation et perfusion, entraînant une hypoxie, qui
si elle n’est pas traitée peut provoquer un arrêt respiratoire
(Fig. 4) [36] .
Il est donc important à la lumière de ces données d’évaluer et de
suivre l’évolution dans le temps des volumes respiratoires, du pic
de toux, et des pressions maximales expiratoire et inspiratoire.
Les instruments utilisables pour cela sont la spirométrie [37] , le
débitmètre de pointe et le manomètre respiratoire. L’utilisation
de ces dispositifs ne nécessite pas une formation particulière, mais
certaines adaptations doivent toutefois être apportées lorsque les
sujets ne rentrent pas dans les normes de l’American Thoracic
Society par exemple. De plus, il est important de noter la position
du sujet lors de l’évaluation (assise ou couché) et de réévaluer dans
la même position systématiquement.
Là aussi, le Rick Hansen Institute a développé un guide clinique
avec fiche d’évaluation de la fonction respiratoire chez le blessé
médullaire téléchargeable [38] .
Évaluer la fonction cardiovasculaire
ou capacités aérobiques
La fonction cardiovasculaire n’est pas directement atteinte par
une lésion médullaire, même si l’altération du contrôle du sys-
tème nerveux autonome sympathique a des conséquences sur la
réaction du système cardiovasculaire à l’effort [39] . La fonction
cardiovasculaire est surtout perturbée par le déconditionnement
d’alitement et par l’atteinte musculaire. Cette altération entrave
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Évaluation des lésions médullaires acquises chez l’adulte  26-012-B-10
Figure 4. Effets directs et indi-
rects de la faiblesse des muscles
respiratoires (d’après Harvey [36] ).
VR : volume résiduel ; CRF : capa-
cité résiduelle fonctionnelle ; CPT :
capacité pulmonaire totale.
↓ Volume courant
VR et CPT
Hypoventilation
Rétention de
dioxyde de
carbone
Arrêt
respiratoire
la réalisation de tâches motrices par le patient au cours de
sa rééducation. De plus, la réalisation de tâches motrices en
présence d’une paralysie rend la tâche plus coûteuse en éner-
gie. La marche d’un patient paraplégique incomplet requiert
plus de consommation d’énergie que la marche chez un sujet
sain par exemple. L’évaluation des capacités fonctionnelles du
patient va de ce fait souvent mettre en évidence un manque
d’endurance. Toutefois, ce défaut est parfois seulement visible
dans des situations de la vie quotidienne. Par exemple, un patient
a moins de difficultés à se déplacer dans un environnement
adapté (comme un centre de rééducation) que dans une ville
normale.
Enfin, l’altération de la fonction cardiovasculaire a des consé-
quences à long terme sur la QdV et la santé en général des patients
blessés médullaires, les prédisposant principalement aux patholo-
gies cardiaques : 17 % de taux de mortalité par infarctus contre
7 % dans la population normale [36] .
L’évaluation de la fonction cardiovasculaire est nécessaire pour
mettre en place le programme d’exercices et suivre les patients
sur du long terme. La réalisation d’exercices stressants pour la
fonction cardiaque pouvant précipiter des complications car-
diaques, il est parfois nécessaire de faire évaluer les patients les
plus faibles ou les plus à risque par un spécialiste avant toute éva-
luation kinésithérapique. Des adaptations sont nécessaires pour
l’évaluation des patients se déplaçant en fauteuil roulant, mais
aussi pour les patients ayant une atteinte cervicale ou thoracique
haute.
Les épreuves d’effort permettant de calculer la VO2 peak et la
VO2 max sont les méthodes d’évaluation les plus précises pour éva-
luer les capacités aérobies d’un patient. Toutefois, le matériel et le
temps requis, ainsi que les précautions à prendre pour des patients
blessés médullaires, rendent ces mesures rarement réalisées en pra-
tique clinique. Les alternatives les plus fréquentes consistent à
mesurer la distance parcourue (en marchant, roulant, nageant,
etc.) sur un temps donné ou bien calculer le temps requis pour
parcourir une distance déterminée. Les tests les plus utilisés sont
les tests de six ou deux minutes de marche [40, 41] , ou bien les tests
de six ou 12 minutes de propulsion [42] .
5
26-012-B-10  Évaluation des lésions médullaires acquises chez l’adulte

Stables

Proactives Réactives

Tâches posturales

Contrô
Contrôle postural

Individu Environnement

Moteur Surfaces de
support

Contexte Contraintes
Sensoriel Cognitif
sensoriel cognitives

Figure 5. Cadre conceptuel du contrôle postural (d’après Shumway-Cook et Woollacott [43] ).

 Évaluer les limitations
d’activités
Contrôle postural
L’évaluation du contrôle postural (assis ou debout) du patient
blessé médullaire est un prérequis à l’évaluation des aptitudes à
changer de position aux déplacements. Dans les activités de la vie
quotidienne, l’individu est en permanence en train de réaliser des
ajustements posturaux pour maintenir le centre de gravité dans le
polygone de sustentation. Ces ajustements peuvent correspondre
à trois types de situations :
• maintenir une position (ajustement quasi statique) ;
• maintenir le contrôle durant une activité fonctionnelle (ajuste-
ment postural anticipatoire) ;
• rétablir le contrôle après une perte inattendue de l’équilibre
(ajustement postural réactionnel).
Ces ajustements posturaux sont dépendants des efférences
(contrôle moteur) que le patient va pouvoir émettre, de
l’organisation sensorielle (système vestibulaire, vision et système
somatosensoriel) du patient, ainsi que de la charge cognitive à
laquelle l’individu est soumis lors d’activités en double tâche
(Fig. 5) [43] .
Contrôle postural assis
Une grande partie (environ 80 %) des blessés médullaires
ont pour moyen de déambulation principal le fauteuil rou-
lant [44] . Pour ces patients, un bon équilibre assis est essentiel
à la réalisation des activités de la vie quotidienne. Ces capaci-
tés posturales sont influencées par le niveau neurologique du
patient, l’ancienneté de la lésion, les réglages du fauteuil, mais
aussi par l’environnement dans lequel le patient évolue [45] .
Le clinicien a donc besoin d’outils de mesure étalonnés pour
identifier le niveau postural du patient et lui permettre de pré-
dire ses capacités fonctionnelles, son évolution au cours de la
rééducation, mais également les réglages optimaux du fauteuil
roulant.
Il existe plusieurs tests spécifiquement développés pour les
patients ayant subi une lésion médullaire. L’échelle de Boubée [46] ,
sans doute l’outil de mesure le plus utilisé en France pour éva-
luer l’équilibre assis (ajustements posturaux anticipatoires), n’a
pas encore fait l’objet d’études de validation ; il n’est donc pas
possible de recommander son utilisation à ce jour. La littérature
internationale fait ressortir quant à elle 12 outils de mesure [47] .
Tous ont une fiabilité acceptable à excellente et une validité
moyenne à excellente. La plupart testent les ajustements postu-
raux anticipatoires. Cinq tests mesurent les limites de stabilité du
tronc par l’intermédiaire des bras (Modified Functional Reach Test,
Reach Area Task, Seated Reach Test) ou bien du tronc directement
grâce au Sway meter device (Upper body sway, Maximal Balance
Range, Coordinated Stability). Deux tests chronomètrent le temps
d’exécution d’une tache (T-shirt Test et Alternating Reach Test) et
un test évalue différents aspects de l’équilibre à travers une échelle
ordinale (Modified Item 3 du Motor Assessment Scale). Un seul
test évalue les ajustements posturaux réactifs (le Modified Sitting
Balance Score) (Fig. 6).

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Ajustements en Ajustements
situation stable proactifs
Upper Body Coordinated
T-shirt Test
Sway Stability
Motor
Alternating
Assesment Scale
Reach Test
(item 3 modifié)
Maximal Functionnal
Bilateral Reach
Balance Range Reach Test
Contrôle postural debout
Aucun outil de mesure n’a été développé spécifiquement pour
le blessé médullaire. L’outil sans doute le plus étudié est à ce jour
l’échelle de Berg. Fiable en intra- comme en interévaluateur, elle
est également bien corrélée (validité de critère et/ou de construit)
à des outils mesurant la marche comme la WISCII, le test de six
minutes de marche ou bien la vitesse de marche [41] . Elle ne permet
pas, en revanche, contrairement à la personne âgée, de prédire
le risque de chute [48] . Enfin, elle ne permet pas de mesurer les
ajustements posturaux réactifs.
Le BESTest, développé plus tard par Horak [49] , est un outil plus
complet permettant d’examiner les différentes composantes du
contrôle postural. Sa version raccourcie (le miniBESTest) présente
en plus moins d’effet plafond que l’échelle de Berg chez le blessé
médullaire, ce qui en fait un outil plus complet [50] .
Déplacements
Maniement du fauteuil roulant
L’apprentissage du maniement du fauteuil roulant (manuel
principalement) est un processus qui peut être long et difficile
et les conséquences d’une mauvaise utilisation du fauteuil rou-
lant sont nombreuses (chutes, perte d’autonomie, douleurs, etc.).
Une évaluation précise et rigoureuse de ce maniement du fau-
teuil peut donc aider à construire un programme d’entraînement
adapté au patient ainsi qu’à suivre l’évolution du patient pour
s’assurer de l’efficacité du programme comme de l’adéquation du
type de fauteuil aux problèmes du patient.
Il est important d’évaluer (par questionnaire ou bien par
l’observation) la qualité gestuelle de la propulsion, la capacité
du patient à franchir des obstacles variés (pente, trottoir, trou,
gazon, etc.), que ce soit en situation écologique ou bien sur par-
cours étalonné. Fliess-Douer et al. [44] ont en 2010 passé en revue
tous les outils permettant d’évaluer ces aptitudes ; on y retrouve
entre autres le Wheelchair Skills Test (WST), le Wheelchair Circuit
Test et le Obstacle Course Assessment of Wheelchair User Perfor-
mances (OCAWUP). Depuis cette publication, ont été développés
les Test of Wheeled Mobility (TOWM) [51] qui se focalise sur les
habiletés au maniement du fauteuil sur deux roues, le Wheelchair
Propulsion Test [52] qui évalue la qualité gestuelle de la propulsion
et le Queensland Evaluation of Weelchair Skills [53] . Le Wheel-
chair Skills test comme le Wheelchair Propulsion test peuvent être
téléchargés en version française sur le site du wheelchairskillspro-
gram.
Marche
La récupération de la marche est un des objectifs principaux des
patients après une lésion médullaire. Elle est placée à la première
place (avec les fonctions sphinctériennes) chez les patients qui ont
une lésion médullaire incomplète. Or, une étude épidémiologique
semble suggérer une augmentation de la proportion de lésions
médullaires incomplètes. Il est donc important de correctement
évaluer cette fonction essentielle pour le patient.
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Évaluation des lésions médullaires acquises chez l’adulte  26-012-B-10
Figure 6. Classification des outils de mesure de l’équilibre
Ajustements
assis en fonction des tâches posturales évaluées (d’après Ros-
réactifs
tagno [47] ).
Sitting Balance
Score
Reach Area Seated Reach
Task distance
Les outils pour l’évaluation de la marche sont assez nombreux.
Les plus étudiés sont sans doute le test de 10 m de marche, le test
de six minutes et le Timed Up & Go. Ces tests, non spécifiques au
blessé médullaire, ont toutefois d’excellentes propriétés métrolo-
giques dans cette population et sont des outils rapides à utiliser
en situation clinique [54] .
Les outils de mesure spécifiquement développés pour les blessés
médullaires sont les Spinal Cord Injury – Functionnal Ambulation
Inventory (SCI-FAI) [55] , la Walking Index for Spinal Cord Injury 2
(WISCI2) [56] et le Spinal Cord Injury-Functionnal Ambulation
Profile (SCI-FAP) [57] . Le SCI-FAI est divisée en trois parties ; la
première évalue l’aspect qualitatif de la marche (largeur, hauteur,
longueur et rythme, ainsi que le contact du pied au sol et le trans-
fert d’appui pendant la phase oscillante), la deuxième renseigne
sur les aides techniques utilisées par le patient, et la troisième
partie indique le temps et les distances de marche du patient. La
WISCI2 ne fait que donner un score compris entre 0 et 20, et
permettant d’identifier les aides techniques, appareillages et aides
humaines utilisées par le patient pour marcher 10 m. Le SCI-FAP
permet quant à lui d’évaluer les capacités de marche supérieures
du patient (passage d’obstacles, marche, escaliers, marcher en por-
tant, etc.). Le Rick Hansen Institute propose un arbre décisionnel
sur les outils de mesure à utiliser en fonction du niveau moteur
du patient [58] .
Mobilité et soins personnels
La mobilité élémentaire (retournements, passage couché–assis
et transferts) du blessé médullaire peut s’évaluer grâce à différents
outils.
La mesure d’indépendance fonctionnelle, bien connue du
monde de la rééducation, comprend une section mobilité, mais
des études [59–63] suggèrent qu’elle n’est pas assez sensible au chan-
gement dans le temps avec des effets plancher et plafond, et
qu’elle ne permet pas de distinguer correctement des patients avec
des niveaux lésionnels différents (mauvaise validité discrimina-
tive). C’est pour pallier ce défaut que le 5-AML a été développé [64] ,
puis modifié [65] . Construit sur le même modèle de score que la
MIF, le 5-AML permet de compléter ce dernier pour le rendre plus
sensible au changement.
Une autre solution est l’utilisation de la Spinal Cord Indepen-
dance Measure 3 ; elle est l’équivalent de la MIF développée
spécifiquement pour les blessés médullaires [66, 67] . Traduite dans
de nombreuses langues, dont le français, elle existe également
sous forme de questionnaire [68, 69] . Le Quadriplegia Index of Func-
tion [63] a quant à lui été plus spécifiquement développé pour les
patients tétraplégiques.
Enfin, l’habileté aux transferts, évalué sur le plan quantitatif
par la MIF ou la SCIM, peut également faire l’objet d’une éva-
luation plus qualitative grâce au Transfert Assessment Instrument
3.0 qui permet d’évaluer la qualité gestuelle d’un patient réali-
sant un transfert pivot entre son fauteuil roulant et un plan de
travail [70] .
7
26-012-B-10  Évaluation des lésions médullaires acquises chez l’adulte
Vue de l’extérieur,
évaluation « objective »
A. Évaluations objectives
B. Standards sociétaux
et priorités
C.
Réalisations
D. Attentes individuelles
et priorités
E. Évaluations subjectives
Vue de l’intérieur,
évaluation « subjective »
Figure 7. Conceptualisation de la qualité de vie (d’après Dijker [78] ).
Évaluer les préhensions
Lorsque le niveau neurologique du patient est égal ou supé-
rieur à T1, il est possible que les capacités de préhension soient
limitées, que ce soit par l’altération de sensibilité ou celle de motri-
cité. L’évaluation de la préhension peut être intéressante dans le
cadre normal de la rééducation, mais va s’avérer d’autant plus
importante dans le cas d’une indication d’intervention chirurgi-
cale (exemple : transfert tendineux). Deux outils de mesure sont
principalement recommandés. Le Capabilities of Upper Extremity
Instrument (CUEI) et le Graded and Redefined Assessment of Sen-
sibility Strenght and Prehension (GRASSP).
Le CUEI [71] instrument est un questionnaire permettant au
patient de relater son niveau d’incapacité pour un ensemble
de tâches sur une échelle de 1 à 7. Le questionnaire comporte
17 items répartis en cinq domaines : la capacité à atteindre ou
à soulever un objet ; la capacité à tirer ou pousser un objet ; la
capacité à assurer des tâches sollicitant le poignet, et la capacité
à utiliser les mains et les doigts ; l’usage bimanuel des membres
supérieurs.
Le GRASSP [72, 73] est quant à lui un outil de mesure basé sur
la performance. Il évalue trois domaines : la force, la sensibi-
lité et la préhension. C’est à ce jour l’outil d’évaluation de la
fonction de préhension du blessé médullaire le plus complet. Tou-
tefois, son coût élevé (850 $) et le temps important de réalisation
(45 minutes) en font un test plutôt utilisé en recherche.
Enfin, il est important de citer la classification internationale
dite de Giens [74, 75] qui est depuis plus de 30 ans l’outil de réfé-
rence pour qualifier les ressources musculaires résiduelles et pour
envisager la stratégie chirurgicale. Elle permet de classer de 0 à 10
le membre supérieur en fonction des muscles résiduels actifs au-
dessous du coude. Elle suppose que le muscle soit coté à au moins
4/5 sur le testing du MRC pour permettre le classement dans le
groupe correspondant et ainsi supposer qu’il puisse être donneur
pour un transfert tendineux [76] .
 Évaluer les restrictions
de participation et la qualité
de vie
Le maintien d’une santé et d’un bien-être optimaux après une
lésion médullaire peut être difficile. Les affections secondaires cou-
rantes comme les escarres, les spasmes, la douleur chronique et
les infections urinaires affectent souvent négativement la QdV et
la participation sociale (implication dans les situations de la vie).
Bien que la QdV et la participation soient fréquemment étudiées, il
n’y a toujours pas de consensus sur la façon de définir ces concepts
et de les mesurer efficacement.
Du point de vue de Dijker [77, 78] , le concept de QdV peut
être catégorisé en trois composantes principales, qui émergent de
l’interaction entre les concepts illustrés sur la Figure 7 :
8 EMC - Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
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• bien-être subjectif : addition des réactions cognitives et émo-
tionnelles perçues lorsque des individus comparent ce qu’ils
possèdent et ce qu’ils ont réalisé avec leurs aspirations, besoins
et autres attentes. Dans ce cas de figure, la QdV peut être expri-
mée en termes de discordance entre le statut actuel du patient
(encadré C), et ce qu’il désire ou espère (encadrés D et E) ;
• réalisation : les biens d’un individu, ses relations, ses accom-
plissements, etc. (encadré C). Les domaines principaux sont
la profession et l’éducation, les relations de couple, la sexua-
lité, mais aussi d’autres relations sociales majeures comme
l’amitié, les loisirs, la spiritualité ou la religion, les soins reçus,
l’équipement et l’accessibilité, et les personnes aidantes ;
• utilité : les évaluations de l’état de santé basées sur les préfé-
rences, qui sont souvent utilisées dans l’évaluation des coûts des
soins de santé. Dans ce cadre, les réalisations et les statuts (enca-
dré C) sont jugés en fonction des normes et standards sociétaux
(encadré B), et les évaluations qui en résultent reflètent l’intérêt
de la vie dans plusieurs domaines (statuts, performances, pos-
sessions, relations, etc.), mais les statuts reflètent généralement
des aspects de santé (mobilité, statuts sensoriels, symptômes).
Une fois évaluée, la préférence pour (la désirabilité, « l’utilité »)
des combinaisons des facteurs d’intérêt est évaluée sur une
échelle allant de 0,00 (mort) à 1,00 (parfaite) santé physique,
mentale et sociale (encadré A).
Les mesures de la QdV peuvent être objectives ou subjectives
(ou les deux).
Les dimensions objectives se réfèrent à des conditions de vie
observables ou à un fonctionnement physique pouvant être opé-
rationnalisé par des tests. Les instruments utilisés comme mesures
« objectives » permettent d’obtenir le score d’un individu sur un
profil ou un indice composé de multiples indicateurs des « bonnes
choses dans la vie », tels que les biens ou les réalisations. Les
valeurs sous-jacentes à la construction de l’indice sont générale-
ment celles de la société ou des investigateurs seulement et ne sont
pas explicites. Les hypothèses et les priorités du chercheur déter-
minent quels indicateurs sont inclus, comment ils sont pondérés
et quels sont les points d’échelle minimaux.
Les dimensions subjectives se réfèrent aux perceptions d’un
répondant. Pour certains, la QdV ne peut être déterminée que par
la personne qui la vit et dans cet événement elle est définie comme
étant la réaction, cognitive ou évaluative (satisfaction de la vie)
ou affective (bonheur, moral), à la congruence ou à l’écart entre
les normes, les buts, les valeurs d’une personne et sa situation
actuelle, ses réalisations, etc.
L’Academy of Neurologic Physical Therapy préconise, pour éva-
luer les composantes de la QdV présentés ci-dessus, l’utilisation
des questionnaires suivants : WHO-BREF, Life Satisfaction Ques-
tionnaire 9, Reintegration to Normal Living Index, Satisfaction
with Life Scale, Short Form 36, Sickness Impact Profile 68. Cette
liste n’est pas exhaustive et pour de plus amples détails il est for-
tement recommandé de se référer à l’excellent site ParQol.com.
 Conclusion
Les outils de mesure sont nombreux pour évaluer un patient
à la suite d’une lésion médullaire. Dans certaines situations, plu-
sieurs outils de mesure sont disponibles, et le clinicien doit choisir
l’outil le plus adapté au patient et à la situation. Ce choix doit être
éclairé à la lumière des propriétés métrologiques de la mesure,
ainsi qu’à l’applicabilité clinique (temps, coût, espace requis, etc.)
de l’instrument. Les outils présentés dans cet article ont tous des
propriétés métrologiques suffisamment bonnes pour être préconi-
sés chez le blessé médullaire, mais le clinicien doit quand même
savoir quelle fonction permettra de remplir l’outil de mesure
choisi. La mesure va-t-elle servir à décrire, discriminer, prédire
ou suivre l’évolution du patient [79, 80] ? Un outil de mesure peut
permettre de répondre à un type de question mais pas à d’autres
(exemple : la DN4 permet de discriminer une douleur neuropa-
thique d’une douleur par excès de nociception, mais ne permet
pas de prédire l’évolution de la douleur ou d’en suivre l’évolution).
Parfois, un même outil de mesure va permettre de répondre à
plusieurs questions (exemple : la vitesse de marche peut être

prédictive de l’autonomie future du patient comme de son
risque de chute, mais permet également de suivre précisément
l’évolution des capacités de marche du patient). La maîtrise de ces
outils est un enjeu pour notre profession car elle peut permettre
in fine l’optimisation de la prise en charge et l’amélioration de la
QdV du patient blessé médullaire.
Déclaration de liens d’intérêts : membre du comité scientifique des EMC. Co-
responsable du Groupe d’intérêt en neurologie de la SFP.
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Pour en savoir plus
Internation Spinal Cord Society (ISCOS): http://www.iscos.org.uk/.
American Spinal Injury Association (ASIA): http://asia-spinalinjury.org/.
Spinal Cord Injury Rehabilitation Evidence Project (SCIRE): https://scire
project.com/.
Academy of Neurologic Physical Therapy (ANPT): http://neuropt.org/.
Groupe d’intérêt en neurologie de la Société française de physiothérapie (SFP) :
https://www.sfphysio.fr/gene/main.php?base=121&base2 gpe=gi&
id details groupe=16.
SCI2 Rick Hansen Insitute: http://sci2.rickhanseninstitute.org./.
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légaux au patient supplémentaires évaluations clinique
EMC - Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation