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1

© Enrick B. Éditions, 2022, Paris

www.enrickb-editions.com
Tous droits réservés

Directeur de la Collection CRFPA : Daniel BERT

Conception couverture : Marie Dortier


Réalisation couverture : Comandgo

ISBN : 978-2-38313-013-0

« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à


l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à
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suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le
droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle
devant les juridictions civiles ou pénales. »

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SOMMAIRE

Couverture

Titre

Copyright

Préface

Le mot du Directeur de collection

Liste des auteurs

Avant-propos

Liste des abréviations

Bibliographie générale

P@rtie 1 - Droit du travail : Les relations individuelles de travail

Prolégomènes

Fiche n° 1 Les sources du droit du travail

Fiche n° 2 Les instances de contrôle

Titre 1 - La formation de la relation de travail

Fiche n° 3 La notion de contrat de travail

Fiche n° 4 L'embauche du salarié

3
Fiche n° 5 Les conditions de conclusion du contrat de travail

Fiche n° 6 Les différentes formes contractuelles

Fiche n° 7 La période d'essai

Titre 2 - L'exécution de la relation de travail

Sous-titre 1 - Les pouvoirs de contrôle et de sanction de l'employeur

Fiche n° 8 Le pouvoir réglementaire

Fiche n° 9 Le pouvoir disciplinaire de l'employeur

Sous-titre 2 - Les événements qui affectent la relation de travail

Fiche n° 10 La maladie de droit commun

Fiche n° 11 L'inaptitude médicale

Fiche n° 12 La maternité

Fiche n° 13 Le transfert d'entreprise

Fiche n° 14 La modification du contrat de travail et des conditions de travail

Sous-titre 3 - L'encadrement des conditions de travail

Fiche n° 15 La durée du travail

Fiche n° 16 Les congés

Fiche n° 17 La rémunération

Fiche n° 18 Les acteurs de la protection de la santé et de la sécurité

Fiche n° 19 Le harcèlement au travail

Fiche n° 20 La lutte contre les discriminations

Fiche n° 21 L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Fiche n° 22 La formation professionnelle continue

Titre 3 - La rupture de la relation de travail

4
Fiche n° 23 Le licenciement pour motif personnel : cause réelle et sérieuse

Fiche n° 24 Le licenciement pour motif personnel : procédure

Fiche n° 25 Le licenciement économique : notion

Fiche n° 26 Le licenciement économique : procédures

Fiche n° 27 La rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié

Fiche n° 28 La rupture conventionnelle

Fiche n° 29 La retraite

Fiche n° 30 Les conséquences de la rupture

P@rtie 2 - Droit du travail : les relations collectives de travail

Titre 1 - La représentation du personnel

Sous-titre 1 - La désignation et l'élection des représentants du personnel

Fiche n° 31 Le cadre d'implantation

Fiche n° 32 Les seuils d'effectif

Fiche n° 33 Les élections

Sous-titre 2 - Le droit syndical

Fiche n° 34 La liberté syndicale

Fiche n° 35 La représentativité syndicale

Fiche n° 36 L'activité des syndicats dans l'entreprise

Sous-titre 3 - Les institutions représentatives élues

Fiche n° 37 Les institutions représentatives élues avant les ordonnances


du 22 septembre 2017

Fiche n° 38 Le Comité social et économique – Composition et fonctionnement

Fiche n° 39 Le Comité social et économique – Attributions

5
Fiche n° 40 Le Conseil d'entreprise

Fiche n° 41 Les représentants de proximité

Sous-titre 4 - Le statut des représentants du personnel

Fiche n° 42 Les moyens des représentants du personnel

Fiche n° 43 La protection des représentants du personnel

Titre 2 - La négociation collective

Fiche n° 44 Les modalités de négociation et de conclusion

Fiche n° 45 Les thèmes de la négociation

Fiche n° 46 L'articulation entre les accords d'entreprise et les normes supérieures

Fiche n° 47 La révision, la dénonciation et la remise en cause des accords


collectifs

Titre 3 - Les conflits collectifs du travail

Fiche n° 48 La notion de grève

Fiche n° 49 Les effets de la grève

Fiche n° 50 Le règlement des conflits collectifs

P@rtie 3 - Droit de la protection sociale

Prolégomènes

Fiche n° 51 Présentation générale du droit de la protection sociale

Titre 1 - La couverture des risques sociaux

Sous-titre 1 - Les risques pris en charge par les régimes de base

Fiche n° 52 La maladie

Fiche n° 53 La maternité

Fiche n° 54 L'invalidité

Fiche n° 55 Le décès

6
Fiche n° 56 La vieillesse

Fiche n° 57 La paternité et l'accueil de l'enfant

Fiche n° 58 La famille

Sous-titre 2 - Les risques pris en charge par les régimes complémentaires

Fiche n° 59 La protection sociale complémentaire dans l'entreprise

Fiche n° 60 Les retraites complémentaires (secteur privé)

Titre 2 - La couverture des risques professionnels

Fiche n° 61 Les accidents du travail, accidents de trajet et maladies


professionnelles : qualification

Fiche n° 62 Les accidents du travail, accidents de trajet et maladies


professionnelles : réparation

Titre 3 - Le contentieux

Fiche n° 63 Le contentieux de la sécurité sociale

Fiche n° 64 Le contentieux URSSAF

Fiche n° 65 Le contrôle des arrêts de travail

P@rtie 4 - Circulation et détachement des travailleurs dans l'espace de l'Union Européenne

Prolégomènes

Fiche n° 66 La mobilité internationale des travailleurs salariés

Fiche n° 67 Le Droit social de l'Union Européenne

Titre 1 - La circulation des travailleurs salariés dans l'espace de l'union européenne

Sous-titre 1 - Les travailleurs salariés citoyens de l'Union Européenne

Fiche n° 68 La libre circulation des travailleurs (le principe)

Fiche n° 69 La libre circulation des travailleurs (les limitations)

Sous-titre 2 - Les travailleurs salariés ressortissants d'états tiers

7
Fiche n° 70 L'immigration légale exercée aux fins d'emploi

Sous-titre 3 - Le détachement des travailleurs salariés

Fiche n° 71 Le détachement des travailleurs salariés dans le cadre d'une libre


prestation des services

Titre 2 - Le rapprochement des législations sociales nationales

Fiche n° 72 Le principe de non-discrimination (le cadre général)

Fiche n° 73 L'égalité de traitement entre les femmes et les hommes

Fiche n° 74 L'harmonisation minimale des règles régissant les relations


individuelles du travail

Fiche n° 75 L'harmonisation minimale des règles relatives à la protection


des travailleurs face aux restructurations des entreprises

Titre 3 - La coordination des systèmes de sécurité sociale

Fiche n° 76 Les principes de la coordination des systèmes de sécurité sociale

Fiche n° 77 Les techniques de la coordination des systèmes de sécurité sociale

Fiche n° 78 Le domaine de la coordination des systèmes de sécurité sociale

Titre 4 - Les conflits des lois et des juridictions dans le cadre du contrat de travail
international

Fiche n° 79 La loi applicable au contrat de travail international

Fiche n° 80 La compétence juridictionnelle en matière de contrat de travail


international

Index

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Préface

Souvenons-nous de ce que, à l’Université ou ailleurs, nous aimions


chez un enseignant.
Sa matière pouvait bien être la plus hermétique de toutes, la plus
difficile à appréhender, peu importe. Nous savions qu’il allait nous
emmener dans un univers savant et exigeant, avec pédagogie et
bienveillance, qu’il ne ménagerait pas son temps afin que nous
puissions maîtriser la grammaire élémentaire de sa discipline, avant
de nous conduire vers des considérations plus sophistiquées, sans
jamais laisser quiconque au bord de la route. Je regrette de ne pas
avoir retenu le nom de cette exceptionnelle chargée de travaux
dirigés en droit des sûretés à l’Université Paris-X Nanterre, qui n’a
certes jamais rendu cette matière plus simple – car c’est une matière
d’une grande complication, au sens le plus noble de l’horlogerie –
mais qui avait fait le pari de l’exigence et qui nous l’avait enseignée
en la mettant sans cesse en perspective, convoquant les exemples
concrets, explicitant le cheminement de la doctrine sur tel aspect ;
nous donnant le sentiment, malgré son érudition, qu’elle nous parlait
d’égal à égal. J’avais adoré le droit des sûretés. L’aurais-je même
imaginé quelques mois auparavant, tant la réputation de cette
discipline la précédait, tant nous l’appréhendions avec une crainte
révérencielle, tant nous nous perdions en calculs savants afin d’en
anticiper la compensation arithmétique dans nos moyennes finales ?

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Ce que nous avons aimé, au fond, chez certains enseignants, c’est
qu’ils nous rendaient le savoir accessible. C’est que l’on commençait
à y croire, que l’on se disait : pourquoi pas ? J’aurais dû retenir le
nom de cette exceptionnelle chargée de travaux dirigés.
L’accessibilité demeure encore une préoccupation aujourd’hui, face
à un corpus juridique qui s’est complexifié à travers le temps, et
étendu dans l’espace. Les étudiants qui parcourent le présent
ouvrage deviendront en effet des avocats d’un monde quelque peu
nouveau : un droit interne toujours plus influencé par le droit
européen et international, une géopolitique qui aura modifié notre
rapport aux libertés individuelles, une conjugaison intime entre le
droit écrit et la soft law, devenus quasiment équivalents, l’émergence
d’acteurs nouveaux du droit (régulateurs sectoriels de plus en plus
nombreux, de plus en plus actifs, associations et organisations non
gouvernementales légitimées dans leur exercice quotidien),
bouleversement de notre pratique par cette révolution
anthropologique fascinante que constitue le numérique. Ce sont des
qualités nouvelles qui devront désormais être cultivées par l’avocat :
l’intelligence émotionnelle, la créativité, la résolution de problèmes
complexes, le développement de l’identité numérique, le travail – ou
davantage encore l’exercice – en équipe.
Le nouvel examen national s’efforce de répondre aux exigences de
cet environnement nouveau. L’examen d’entrée au CRFPA se
transforme afin d’être plus cohérent, plus lisible et plus sélectif. Plus
égalitaire aussi. Mais cette réorganisation crée quelques inquiétudes
chez les étudiants et implique un changement dans l’organisation de
leur préparation.
L’accessibilité est donc plus que jamais une préoccupation face à un
examen d’entrée dans les Écoles d’Avocats dont, conséquence de la
complexification du droit, les contours ont été redessinés. C’est donc

10
la stratégie d’enseignement et de préparation à cet examen qui s’en
trouve transformée, notamment en cette période légitimement
préoccupante pour les étudiants de transition entre l’ancien examen
et le nouveau.
Il faut donc saluer la démarche qui consiste pour une maison
d’édition telle qu’Enrick B Éditions, à imaginer une nouvelle structure
éditoriale, une offre innovante, totalement adaptée à la nomenclature
du nouvel examen national d’accès aux Écoles d’Avocats.
L’accessibilité, toujours, qui consiste à réorganiser les contenus d’un
manuel afin de les orienter vers leur application la plus concrète et la
plus immédiate. Il ne s’agit pas d’abandonner les traités et les
ouvrages les plus denses, qui ont fait l’objet d’un enrichissement
quasiment majestueux au fil des années. Il ne s’agit pas davantage
de déserter un apprentissage régulier et assidu à l’Université au
profit d’un bachotage affolé. Le Droit s’apprend par un phénomène
de sédimentation noble. Il faut du temps. Il faut de la régularité. Mais
le nouvel examen obéit à une structure et s’inscrit dans une stratégie
nouvelle : réduction des matières disponibles, recentrage autour de
certains enseignements, valorisation de l’admission à travers le
coefficient modifié du Grand Oral. Cette réorganisation nécessite
une pédagogie nouvelle.
Cet ouvrage participe de cette préoccupation constante, en constitue
une nouvelle initiative. Et il est – surtout – réjouissant de constater
que la pédagogie conserve sa capacité d’imagination.
Kami HAERI
Avocat associé, Quinn Emanuel,
Ancien secrétaire de la Conférence,
Ancien membre du Conseil de l’ordre.

11
Le mot du Directeur de collection

L’examen d’accès au CRFPA est réputé difficile et sélectif.

L’arrêté du 17 octobre 2016 renforce cette impression, dans la


mesure où le double objectif de la réforme est à la fois de simplifier
et de complexifier l’examen d’accès au CRFPA.

Simplifier l’organisation de l’examen, tout d’abord, en diminuant


le nombre d’épreuves et en nationalisant les sujets.

Complexifier l’obtention de cet examen, ensuite, afin de dresser


des barrières d’accès à la profession d’avocat. Les avocats ne
cessent, à juste titre, de dénoncer la paupérisation de leurs jeunes
confrères et réclament davantage de sélection à l’entrée de la
profession.

La réussite de l’examen d’accès au CRFPA nécessite :


un solide socle de connaissances dans les matières
fondamentales ;
une bonne méthodologie ;
une bonne connaissance de l’actualité, les rédacteurs de
sujets d’examen ayant souvent tendance à se laisser guider par
l’actualité.

12
La Collection CRFPA a été conçue autour de ces trois axes.
L’éditeur, Enrick B Éditions, a mis en place une gamme d’outils
d’apprentissage et de révision efficaces, dans la seule optique de
la préparation au CRFPA.

Conçus autour de l’arrêté réformant le programme et les modalités


de l’examen d’entrée au CRFPA, les ouvrages sont rédigés par une
équipe d’universitaires et de praticiens, tous rompus à la préparation
du « pré-CAPA », depuis plus de dix ans.

La Collection CRFPA comporte autant d’ouvrages que de matières


composant l’examen d’entrée au CRFPA. Elle est conçue pour
faciliter une acquisition rapide et progressive des connaissances.
Chaque ouvrage ne dépasse pas en moyenne 400 pages. Les
chapitres sont remplacés par des « fiches ». Chaque fiche est
composée de trois rubriques récurrentes, conçues pour proposer
trois niveaux de lectures différents :
L’essentiel (un résumé du cours en dix lignes maximum) ;
Les connaissances (un rappel des connaissances
indispensables pour préparer les épreuves pratiques) ;
Pour aller plus loin (des indications bibliographiques utiles, le
cas échéant, à l’approfondissement du cours).
Élaborés avec le concours de psychologues, les ouvrages
contiennent des schémas, tableaux et illustrations, conçus afin de
stimuler la mémoire visuelle du lecteur et d’éviter de longs
développements qui pourraient parfois paraître rébarbatifs ou
décourageants. Les études démontrent en effet que l’alternance de
visuels (tableaux, schémas, etc.) et la dynamisation du contenu sont
les clés d’une mémorisation simplifiée.

13
En outre, grâce à l’emploi de technologies innovantes, chaque
ouvrage de la Collection CRFPA est connecté. Afin d’assurer une
veille entre chaque réédition, ils comportent un QR Code en
première page permettant d’accéder à des mises à jour en ligne,
disponibles jusqu’à la veille de l’examen. Par ailleurs, vous trouverez
tout au long des ouvrages d’autres QR Codes. En les scannant,
vous pourrez accéder à des vidéos portant sur des points particuliers
du cours, ou bénéficier de conseils méthodologiques de la part des
auteurs. Les ouvrages deviennent donc interactifs !

À chaque ouvrage de cours est associé un ouvrage d’exercices


corrigés composé de cas pratiques et de consultations juridiques,
qui couvre l’intégralité du programme de la matière et renvoie aux
fiches de l’ouvrage de cours. Les deux ouvrages sont conçus
comme complémentaires.

Les ouvrages de la Collection CRFPA constitueront, nous le


souhaitons et nous le pensons, le sésame qui vous permettra
d’accéder à la profession d’avocat.

Daniel BERT
Maître de conférences à l’Université de Lille Droit & Santé
Avocat à la Cour
Directeur de la Collection CRFPA

14
Liste des auteurs

Coordination par Céline LEBORGNE-INGELAERE, maître de


o
conférences HDR en droit privé, université de Lille : Fiches n 1
à 14, 18 à 24, 27, 29, 30, 59 et 60
avec la collaboration de :
Emmanuelle CLÉMENT, docteur en droit privé, université de
o
Lille, avocat : Fiches n 17, 31 à 50
Dimitra PALLANTZA, maître de conférences en droit privé,
o
université d’Artois : Fiches n 66 à 80
Jean-Philippe TRICOIT, maître de conférences HDR en droit
o
privé, université de Lille : Fiches n 15, 16, 25, 26, 28, 51 à 58
et 61 à 65

15
Avant-propos

Le programme de droit social est défini par l’arrêté du 17 octobre


2016 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au
centre régional de formation professionnelle des avocats, modifié
par l’arrêté du 2 octobre 2018 :

I. – Droit du travail.

II. – Droit de la protection sociale.

III. – Circulation et détachement des travailleurs dans l’espace de


l’Union européenne.

Le présent ouvrage de droit social couvre l’intégralité du programme


de l’examen d’accès au CRFPA. Le droit du travail se décline
logiquement sous l’angle des relations individuelles de travail et des
relations collectives de travail. Le droit de la protection sociale vise
l’organisation du régime général et la prise en charge des principaux
risques sociaux. Enfin, le présent ouvrage aborde les questions
fondamentales et transversales relatives à la circulation et au
détachement des travailleurs dans l’espace de l’Union européenne.
Le droit social étant particulièrement mouvant, il est indispensable
au candidat de cerner et connaitre les évolutions législatives,

16
réglementaires et jurisprudentielles récentes. Pour exemple, les
Ordonnances Macron ont profondément bouleversé l’état du droit
positif, tout comme la récente loi pour la liberté de choisir son avenir
professionnel. Les magistrats de la chambre sociale de la Cour de
cassation apportent, en outre, régulièrement des précisions
d’importance. Un regard constant sur l’actualité constituera un gage
d’efficacité pour chacune et chacun !
Bonne lecture et surtout, bonnes révisions !
Céline LEBORGNE-INGELAERE
Maître de Conférences HDR en droit privé à l’Université de Lille
Membre du CRDP-LEREDS
Coordinatrice de l’ouvrage

17
Liste des abréviations

A. : arrêté
al. : alinéa
art. : article
CASF : Code de l’action sociale et des familles
Cass. ass. plén. : Cour de cassation, assemblée plénière
Cass. com. : Cour de cassation, chambre commerciale
re
Cass. civ. 1 : Cour de cassation, première chambre civile
Cass. crim. : Cour de cassation, chambre criminelle
Cass. ch. mixte : Cour de cassation, chambre mixte
Cass. soc. : Cour de cassation, chambre sociale
CCH : Code de la construction et de l’habitation
C. civ. : Code civil
C. com. : Code de commerce
CE : Conseil d’État
CEDH : Cour européenne des droits de l’homme
CEE : Comité d’entreprise européen
CJCE : Cour de justice des Communautés européennes
CJUE : Cour de justice de l’Union européenne
COJ : Code de l’organisation judiciaire
Cons. const. : Conseil constitutionnel
C. pén. : Code pénal
CRPA : Code des relations entre le public et l’administration

18
C. rur. : Code rural
CSP : Code de la santé publique
CSS : Code de la sécurité sociale
C. trav. : Code du travail
D. : décret
Dir. : directive
Dr. soc. : Droit social
égal. : également
et s. : et suivant(s)
IRP : Instances de représentation du personnel
JCP G : La semaine juridique, édition générale (LexisNexis)
JCP S : La semaine juridique, édition social (LexisNexis)
L. : loi
Ord. : ordonnance
préc. : précité
PSE : plan de sauvegarde de l’emploi
Règl. : règlement
RJS : Revue de Jurisprudence sociale (Francis Lefebvre)
T. confl. : tribunal des conflits
TFUE : Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
TJ : Tribunal judiciaire
TUE : Traité sur l’Union européenne
V. : voir

19
Bibliographie générale

Le droit social étant en constante évolution et reconstruction


permanente, il est fortement conseillé aux étudiant de consulter les
ouvrages les plus récents en la matière. Des ouvrages plus anciens
méritent toutefois l’attention sur les questions qui n’ont pas fait l’objet
d’évolutions substantielles ces dernières années et qui pourraient
ainsi être utilement appréhendées.

Droit du travail

e
– G. AUZERO, E. DOCKES, Droit du travail, Dalloz, 33 éd., 2020.
– D. CHENU, R. CHISS, L. DAUXERRE, N. DAUXERRE, L. DRAI,
H. GUYOT, Le guide de la rupture du contrat de travail, sous la dir.
e
B. Teyssié, LexisNexis, 4 éd., 2017.
e
– A. COEURET, B. GAURIAU, M. MINE, Droit du travail, Dalloz, 4
éd., 2020.
– F. DUQUESNE, Droit du travail, Gualino éditeur, Lextenso éditions,
e
15 éd., 2020.
e
– F. FAVENNEC-HERY, P.-Y. VERKINDT, Droit du travail, LGDJ, 6
éd., 2018.
e
– D. GRANDGUILLOT, L’essentiel du droit du travail, Gualino, 19
éd., 2019.

20
e
– F. HEAS, Droit du travail, Larcier, 6 éd., 2018.
– E. JEANSEN, Y. PAGNERRE, Le Guide des clauses du contrat de
e
travail, sous la dir. B. Teyssié, LexisNexis, 2 éd., 2017.
e
– M. LE BIHAN-GUENOLE, Droit du travail, Hachette supérieur, 17
éd., 2019.
e
– A. MAZEAUD, Droit du travail, Montchrestien, 10 éd., 2016.
– Y. PAGNERRE, L’essentiel des grands arrêts du droit du travail,
e
Gualino, 2 éd., 2018.
e
– E. PESKINE, C. WOLMARK, Droit du travail, Dalloz, 13 éd.,
2020.
– F. PETIT, L’essentiel du droit du travail : les relations collectives,
Gualino, 2018.
– F. PETIT, L’essentiel du droit du travail : les relations individuelles,
e
2 éd., Gualino, 2018.
e
– J-E. RAY, Droit du travail : droit vivant, Wolters Kluwer France, 28
éd., 2020.
e
– V. ROY, Droit du travail, Malakoff : Dunod, 24 éd., 2020.
– B. TEYSSIE, J.-F. CESARO, A. MARTINON, Droit du travail,
e
Relations individuelles, LexisNexis, 3 éd., 2019.
e
– B. TEYSSIE, Droit du travail, Relations collectives, LexisNexis, 12
éd., 2020.

Droit de la protection sociale

– J.-P. CHAUCHARD, J.-Y. KERBOURC’H, Ch. WILLMANN, Droit


e
de la sécurité sociale, LGDJ-Lextenso éditions, 9 éd., 2019.
e
– J.-J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité sociale, Dalloz, 18 éd.,
2015.
e
– E. JEANSEN, Droit de la protection sociale, LexisNexis, 3 éd.,
2018.

21
e
– F. KESSLER, Droit de la protection sociale, Dalloz, 6 éd., 2017.
e
– P. MORVAN, Droit de la protection sociale, LexisNexis, 9 éd.,
2019.
re
– I. OMARJEE, Droit européen de la protection sociale, Bruylant, 1
éd., 2018.
– R. PELLET, A. SKZRYERBAK, Droit de la protection sociale, PUF,
re
1 éd., 2017.
– F. PETIT, L’essentiel du droit de la protection sociale,
e
Gualino/Lextenso éditions, 3 éd., 2018.
e
– X. PRETOT, Droit de la sécurité sociale, Dalloz, 14 éd., 2015.

Circulation et détachement des travailleurs dans


l’espace de l’union européenne

– A. DONNETTE-BOISSIERE, Leçons de droit social international et


re
européen, Ellipses, 1 éd., 2015.
– S. HENNION, M. LE BARBIER-LE BRIS, M. DEL SOL, Droit social
e
européen et international, PUF, 3 éd., 2017.
– E. GRASS, L’Europe sociale, La Documentation Française, 2013.
– V. LACOSTE-MARY, Droit social international, Ellipses, 2007.
– C. LA HOVARY, Les droits fondamentaux au travail, Origines,
re
statut et impact en droit international, PUF, 1 éd., 2009.
re
– C. MIGUEL HERRERA, Les droits sociaux, PUF, 1 éd., 2009.
– M. MINE, Le droit social international et européen en pratique,
Eyrolles, 2013.
– M. ROBIN-OLIVIER, Manuel de droit européen du travail, Bruylant,
re
1 éd., 2016.
e
– P. RODIERE, Droit social de l’Union européenne, LGDJ, 2 éd.,
2014.

22
re
– M. SCHMITT, Droit du travail de l’Union européenne, Larcier, 1
éd., 2012.
e
– J.- M. SERVAIS, Droit social de l’Union européenne, Bruylant, 3
éd., 2017.
re
– J.-M. SERVAIS, Normes internationales du travail, LGDJ, 1 éd.,
2004.
e
– B. TEYSSIÉ, Droit européen du travail, Litec, 6 éd., 2019.
re
– J.-Ph. TRICOIT, Droit social international et européen, Gualino, 1
éd., 2020.

23
P@RTIE 1
DROIT DU TRAVAIL :
LES RELATIONS INDIVIDUELLES
DE TRAVAIL

LA FORMATION DE LA RELATION DE TRAVAIL


L’EXÉCUTION DE LA RELATION DE TRAVAIL

LA RUPTURE DE LA RELATION DE TRAVAIL

24
PROLÉGOMÈNES

o
Fiche n 1 Les sources du droit du travail
o
Fiche n 2 Les instances de contrôle

25
o
Fiche n 1 Les sources du droit du travail

L’ESSENTIEL

Le droit du travail se caractérise par la diversité de ses sources.


Certaines sont traditionnelles parmi les sources du droit, tandis que
d’autres (à l’instar du règlement intérieur ou des conventions
collectives par exemple) sont spécifiques à la matière. Elles
s’articulent selon des règles qui ont largement évolué avec les
réformes récentes.

LES CONNAISSANCES

Classiquement, les sources du droit du travail sont internes et


internationales (§ 1). Des règles spécifiques, largement modifiées au
gré des réformes touchant le droit social, sont posées pour
permettre leur combinaison (§ 2).

§1 Les sources internes et internationales

I. Les sources internes

26
Les sources internes comprennent le bloc de constitutionnalité ; les
lois, règlements et ordonnances ; la jurisprudence et les sources
professionnelles internes.

A Le bloc de constitutionnalité
La primauté du bloc de constitutionnalité doit être rappelée. La
Constitution de 1958 affirme l’attachement aux « Droits de l’Homme
[…] tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et
complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ». Ce
Préambule évoque le droit syndical, le droit de grève, le droit de la
négociation collective, le droit à la sécurité sociale ou encore le
principe de non-discrimination.

La Constitution de 1958, en son article 34, précise que la loi fixe


notamment les règles concernant les principes fondamentaux du
droit du travail, du droit syndical et du droit de la sécurité sociale.
L’article 37 de la Constitution indique que les matières autres que
celles du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel doit être mise en


exergue puisque cette juridiction doit vérifier la constitutionnalité des
lois, y compris celles visant la transposition des directives. Le rôle du
Conseil constitutionnel a d’ailleurs été renforcé avec l’instauration de
la question prioritaire de constitutionnalité (article 61-1 de la
Constitution). Dans le cadre de ce recours, le juge constitutionnel
s’est souvent prononcé sur des dispositions de droit du travail, dans
un sens de conformité ou, au contraire, d’inconstitutionnalité.

B Les lois, règlements et ordonnances

27
Les lois et règlements composent également ces sources internes.
L’inflation législative, la technicité et la complexité des textes sont
toutefois largement pointées du doigt. L’essentiel des textes est
regroupé dans le Code du travail publié en 1973 et plus récemment
recodifié en 2008. Pour autant, les relations de travail sont
également appréhendées au travers du Code civil ou encore du
Code pénal, de manière plus ponctuelle.

Le droit du travail se construit également au travers d’ordonnances.


Pour preuve, les ordonnances dites « Macron » ont profondément
réformé le droit du travail à la fin de l’année 2017. La vaste réforme
du droit du travail engagée en été 2017 avec pas moins de cinq
ordonnances du 22 septembre 2017, une ordonnance dite « balai »
du 20 décembre 2017 chargée de procéder à certaines rectifications
et plusieurs décrets, a été clôturée par la loi de ratification du
29 mars 2018.

Le droit social se caractérise par son caractère mouvant. Parmi les


dernières grandes réformes, ayant un impact en droit du travail, il est
également possible de citer la loi « Avenir professionnel » du
o
5 septembre 2018 (L. n 2018-771, 5 sept. 2018) ou encore la loi
relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi
o
« PACTE », du 22 mai 2019 (L. n 2019-486, 22 mai 2019).

C La jurisprudence
La jurisprudence est essentielle en cette matière.

Si le Conseil de prud’hommes est compétent pour les différends nés


du contrat de travail, il ne dispose toutefois pas d’un monopole en

28
matière de contentieux du travail. Un éclatement du contentieux peut
être relevé.
Traditionnellement, dans l’ordre judiciaire, il revenait au tribunal de
grande instance un rôle d’interprétation des conventions collectives,
tandis que le tribunal d’instance statuait sur les litiges relatifs aux
élections professionnelles. TGI et TI ont toutefois fusionné par la
combinaison de deux lois du 23 mars 2019. La compétence du Pôle
social (né de la fusion du Tribunal des affaires de sécurité sociale
avec le Tribunal du contentieux de l’incapacité et la Commission
départementale d’aide sociale) illustre encore la diversité des
juridictions compétentes en matière sociale. Également, le juge
répressif intervient en cas de non-respect des règles de sécurité, de
délit d’entrave aux fonctions des représentants du personnel, ou en
cas de travail dissimulé par exemple.
Dans l’ordre administratif, les juridictions peuvent être amenées à
statuer en cas de licenciement d’un salarié protégé ou en cas de
contrôle du règlement intérieur par exemple.

D Les sources professionnelles internes


Par application de l’article L. 2221-1 du Code du travail, les
conventions et accords collectifs de travail ont pour objet la
« détermination des relations collectives entre employeurs et
salariés ». La convention collective a vocation à traiter de l’ensemble
des matières ayant trait aux conditions d’emploi, de formation
professionnelle et de travail ainsi qu’aux garanties sociales. L’accord
collectif ne couvre qu’un ou plusieurs sujets dans ce champ (C. trav.,
art. L. 2221-2).

La négociation se décline à différents niveaux (national, branche,


groupe, entreprise, établissement). Elle peut couvrir toutes les

29
professions ou, au contraire, ne couvrir qu’une seule profession.

L’usage d’entreprise résulte d’une pratique volontaire et répétée de


l’entreprise acceptée comme source de droit du travail. Il est
unilatéral en ce qu’il témoigne d’une pratique mise en place par
l’employeur ou acceptée par lui.

Il s’impose sous conditions de généralité (il doit concerner toute


l’entreprise, un établissement ou au moins une catégorie homogène
de salariés), de constance (l’acte ne saurait être isolé) et de fixité
(l’avantage répond à des règles d’attribution précises,
indépendantes d’une appréciation discrétionnaire de l’employeur).

L’usage peut être modifié par la volonté commune et expresse de


o
l’employeur et des salariés (Cass. soc., 25 janv. 2012, n 11-14.151)
ou par la conclusion d’un accord collectif portant sur le même objet.

Il peut aussi faire l’objet d’une dénonciation (autrement dit une


remise en cause). Cela suppose toutefois la réunion de plusieurs
conditions, sous peine d’inopposabilité :
Information des représentants du personnel ;
Information individuelle des salariés concernés ;
Respect d’un délai de préavis suffisant, apprécié
souverainement par les juges du fond.
Le règlement intérieur, qui s’impose dans les entreprises de plus
de cinquante salariés, est un acte unilatéral de l’employeur qui
contient des prescriptions obligatoires pour les salariés et
l’employeur.

Enfin, le contrat de travail est une source fondamentale et peut


notamment contenir des dispositions plus favorables que celles

30
prévues par la loi.

II. Les sources internationales

Les conventions élaborées par l’organisation du travail (OIT) sont


des sources internationales. Créée par le traité de Versailles en
1919, l’OIT réunit des représentants des gouvernements,
employeurs et travailleurs de 187 États Membres pour établir des
normes internationales, élaborer des politiques et concevoir des
programmes visant à promouvoir le travail décent pour tous les
hommes et femmes dans le monde.

Les conventions élaborées par le Conseil de l’Europe méritent


également l’attention. Entrée en vigueur en septembre 1953, la
Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales constitue un texte essentiel pour la protection
internationale des droits fondamentaux de la personne. La Charte
sociale européenne, signée à Turin en 1960, vise à la préservation
et la promotion des droits économiques et sociaux.

Le droit de l’Union européenne constitue également une source


importante du droit du travail, au travers notamment des normes
communautaires de droit dérivé (directives) qui réglementent des
domaines aussi divers que l’aménagement du temps de travail, la
santé et la sécurité au travail, l’égalité professionnelle entre les
hommes et les femmes, la lutte contre les discriminations ou le
maintien des droits de travailleurs en cas de transfert d’entreprise.
L’influence de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union
européenne en matière sociale ne doit pas être omise.

31
Les sources internationales sont fréquemment visées par les justiciables, au
soutien de leur action en justice. Le contentieux croissant tendant à remettre en
cause le barème « Macron » l’illustre parfaitement. Pour rappel, le système de
barème entré en vigueur à la suite des Ordonnances dites « Macron » du
22 septembre 2017 conduit à imposer au juge d’évaluer l’indemnisation du
préjudice subi par un salarié dont le licenciement est déclaré sans cause réelle et
sérieuse, par application d’un système de plancher et de plafond (C. trav., art.
L. 1235-3). Plusieurs jugements rendus en première instance avaient jugé
inconventionnel le barème en octroyant aux salariés des dommages et intérêts
supérieurs à ce que prévoit le barème. Ainsi, son existence avait été jugée
o
contraire à l’article 10 de la convention n 158 de l’OIT (Cons. prud’h. Amiens,
19 déc. 2018, RG F 18/00040) et l’article 24 de la Charte sociale européenne
(Cons. prud’h. Troyes, 13 déc. 2018, RG F 18/00036.- Cons. prud’h. de Lyon,
21 déc. 2018, RG F 18/01238).

Pour autant, par deux arrêts en date du 11 mai 2022, la Cour de cassation affirme
que le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse
o
n’est pas contraire à l’article 10 de la Convention n 158 de l’Organisation
internationale du travail. De plus, il est souligné que le juge français ne peut
écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette
convention internationale et que la loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle
de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet
o o
direct (Cass. soc., 11 mai 2022, n 21-14.490 et n 21-15247).

§2 La combinaison des sources

I. Les rapports entre la loi et les conventions et accords


collectifs

Par application de l’article L. 2251-1 du Code du travail, la


convention et l’accord collectif de travail peuvent comporter des
dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et
règlements en vigueur. En revanche, il leur est interdit de déroger
aux dispositions d’ordre public de ces lois et règlements.

32
Les conventions et accords collectifs peuvent toujours améliorer les
règles édictées au bénéfice des salariés. Par principe, la loi fixe un
plancher de droit auquel les normes de niveau inférieur peuvent
déroger à condition que ce soit dans un sens plus favorable au
salarié. Ce principe de la dérogation favorable est qualifié par le
Conseil d’État de « principe général du droit » (CE, avis, 22 mars
1973) et par la Cour de cassation de « principe fondamental de droit
o
du travail » (Cass. soc., 17 juill. 1996, n 95-41.313). Un principe de
faveur régissait ainsi habituellement les situations de conflits de
normes en droit du travail.

Cet ordonnancement des normes a toutefois été battu en brèche.


Progressivement, une logique d’inversion des normes a été
consacrée par le législateur. Dès 1982, la possibilité d’accords
o
dérogatoires à la loi a été reconnue. De même, par la loi n 2016-
1088 du 8 août 2016, dans certains domaines, une nouvelle
architecture est posée, combinant définition d’un ordre public auquel
il ne peut pas être dérogé, fixation des règles devant être fixées par
voie conventionnelle et prévision de règles supplétives s’appliquant
à défaut d’accord. Ainsi, dans le domaine de la durée du travail et
des congés, la loi est supplétive et ne s’applique qu’en l’absence de
dispositions conventionnelles de branche et d’entreprise.

o
L’ordonnance n 2017-1385, relative au renforcement de la
négociation collective du 22 septembre 2017 a également poursuivi
cette logique. Ainsi, quand la loi l’autorise explicitement, un accord
collectif peut prévoir des dispositions moins favorables que les
dispositions législatives. Par exemple, un accord de branche peut
déroger à des dispositions légales, notamment en matière de contrat

33
à durée déterminée. Pour exemple, si un salarié en CDD a droit à
une indemnité de fin de contrat égale à 10 %, un accord d’entreprise
ou un accord de branche, peut prévoir de limiter le montant de cette
indemnité à 6 %.

II. Les rapports entre le contrat de travail et les conventions


et accords collectifs

Par application du principe de faveur, un contrat de travail peut


prévoir des dispositions plus favorables que la loi, l’accord de
branche et l’accord d’entreprise. Si un accord collectif est signé et
qu’il est plus favorable que le contrat de travail, les nouvelles
dispositions conventionnelles s’appliquent.
Cependant, dans certains cas, un accord d’entreprise peut s’imposer
au contrat de travail alors qu’il prévoit des dispositions moins
favorables pour le salarié. Il en est ainsi, pour « répondre aux
nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de
préserver, ou de développer l’emploi », en matière d’aménagement
du temps de travail, d’aménagement de la rémunération et de
mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise
(accord de compétitivité prévu par l’article 3 de l’ordonnance
o
n 2017-1385 du 22 septembre 2017 – JO, 23 sept. 2018 –, et
o
renommé « accord de performance collective » par la loi n 2018-
217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances – JO 31 mars
2018).

III. Les rapports entre les normes conventionnelles

Le Code du travail organise également les rapports entre normes


conventionnelles, notamment entre les accords de branche et les
accords d’entreprise (C. trav., art. L. 2253-1 et suiv.).

34
POUR ALLER PLUS LOIN…
– M. BONNECHERE, « L’articulation des normes », Dr. ouvrier,
2017, p. 66
– B. TEYSSIÉ, « De la loi à l’accord, variations sur la refondation du
Code du travail », JCP S 2017, 1179
– B. TEYSSIÉ, « Les ordonnances du 22 septembre 2017 ou la
tentation des cathédrales », JCP S 2017, 1294

35
o
Fiche n 2 Les instances de contrôle

L’ESSENTIEL

Le contentieux est éclaté en droit du travail de sorte que de


nombreuses juridictions sont amenées à intervenir pour régler les
o
litiges résultant du travail (V. Fiche n 1). La juridiction de droit
commun pour régler les conflits demeure toutefois le Conseil des
prud’hommes. Le contrôle de l’application des règles est également
soumis à une instance administrative : l’inspection du travail.

LES CONNAISSANCES

Tant le Conseil des prud’hommes, parfois qualifié de « juge du


travail » (§ 1), que l’inspection du travail (§ 2) sont compétents pour
s’assurer de la bonne application et donc, de l’effectivité, des règles
applicables aux employeurs et salariés.

§1 Le conseil des prud’hommes

I. La compétence du Conseil des prud’hommes

36
Le Conseil des prud’hommes détient une compétence exclusive
(C. trav., art. L. 1411-4) pour les différends qui peuvent s’élever à
l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les
salariés qu’ils emploient (C. trav., art. L. 1411-1). Cette compétence
s’étend aux litiges nés entre salariés à l’occasion du travail (C. trav.,
art. L. 1411-3). Elle s’étend aussi aux différends et litiges des
personnels des services publics lorsqu’ils sont employés dans les
conditions du droit privé (C. trav., art. L. 1411-2).

La compétence du Conseil de prud’hommes est exclusive et d’ordre


public (C. trav., art. L. 1411-4).

Elle s’étend de la phase de recrutement (Cass. soc., 20 déc. 2006,


o
n 06-40.662, 06-40.799 et 06-40.864), à la formation du contrat
o
(Cass. soc., 5 avr. 2005, n 02-45.636 : violation d’une promesse
d’embauche), aux difficultés nées de l’exécution du contrat de travail
et des obligations des parties, jusqu’à la rupture du contrat de travail.
La compétence prud’homale s’étend aussi aux faits postérieurs à la
rupture du contrat de travail mais qui peuvent se rattacher à son
exécution (par ex. : violation par le salarié d’une clause de non-
concurrence).
Les litiges collectifs de travail relèvent de la compétence des
juridictions civiles de droit commun. De plus, le Conseil de
prud’hommes n’est pas compétent pour connaître des litiges
attribués à une autre juridiction par la loi (C. trav., art. L. 1411-4, al.
2).

II. La composition du Conseil des prud’hommes

Au moins un conseil de prud’hommes existe dans le ressort de


chaque tribunal de grande instance. Le ressort du conseil, s’il est

37
unique, s’étend à l’ensemble de celui du tribunal de grande instance
(C. trav., art. L. 1422-1).

Il s’agit d’une juridiction professionnelle paritaire (C. trav., art.


L. 1421-1) comprenant un nombre égal de salariés et d’employeurs.
Tout Conseil de prud’hommes est divisé en cinq sections autonomes
comportant chacune un bureau de conciliation et d’orientation et un
bureau de jugement (section de l’encadrement, section de l’industrie,
section de l’agriculture, section du commerce, section des activités
diverses : C. trav., art. L. 1423-1, al. 1 et R. 1423-1). Une formation
commune de référé compétente en cas d’urgence s’ajoute à ces
cinq sections. Sous réserve des dispositions relatives à la section de
l’encadrement définies à l’article L. 1423-1-2, les affaires sont
réparties entre les sections du conseil des prud’hommes au regard
du champ d’application de la convention ou de l’accord collectif de
travail dont le salarié fait partie au litige relève et d’un tableau de
répartition, dans des conditions définies par décret (C. trav., art.
L. 1423-1-1).

Chaque section comporte au moins trois conseillers employeurs et


trois conseillers salariés (C. trav., art. R. 1423-1).

La loi relative à la désignation des conseillers prud’hommes


o
(L. n 2014-1528, 18 déc. 2014) a supprimé les élections
prud’homales. Les conseillers prud’hommes sont dorénavant
désignés conjointement par le garde des Sceaux, ministre de la
Justice, et le ministre chargé du travail tous les quatre ans par
Conseil de prud’hommes, collège et section, sur proposition des
organisations syndicales et professionnelles (C. trav., art. L. 1441-1).
Ils exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité,
dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute

38
légitime à cet égard. Ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou
comportement public incompatible avec leurs fonctions (C. trav., art.
L. 1421-1).

Le Code du travail comporte des dispositions relatives à la formation


(C. trav. art. L. 1442-1 et s.), à l’exercice du mandat (C. trav. art.
L. 1442-3 et s.) et à la discipline des conseillers prud’hommes
(C. trav. art. L. 1442-11 et s.). Les activités prud’homales ouvrent
notamment droit à une indemnisation sous la forme de vacations ou
d’un maintien de la rémunération si l’activité prud’homale est
exercée pendant les heures de travail (C. trav., art. R. 1423-55). À
noter également que le délit d’entrave est constitué par tout fait
portant atteinte ou visant à porter atteinte soit à la nomination des
conseillers prud’hommes soit à l’indépendance ou à l’exercice des
fonctions de conseiller prud’homme (C. trav., art. L. 1443-3). Enfin, le
conseiller est un salarié protégé (ce qui lui assure une protection
spécifique en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de
l’employeur (C. trav. art. L. 1442-19).

III. Le déroulement du procès prud’homal

La procédure prud’homale a été profondément modifiée par la loi


o
n 2015-990 du 6 août 2015 (JO 7 août) et son décret d’application
o
n 2016-660 du 20 mai 2016 (JO 25 mai).

Par application de l’article L. 1411-1 du Code du travail, le Conseil


de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui
peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les
employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
La conciliation est, par principe, l’étape préliminaire. Il s’agit d’une

39
formalité substantielle dont l’omission entraîne la nullité de la
o
procédure (Cass. soc., 12 déc. 2000, n 98-46.100).

La saisine directe du bureau de jugement est toutefois prévue dans


certains cas, à titre dérogatoire. En ces cas, la loi permet aux parties
d’être dispensées de la phase de conciliation en raison de l’urgence.
Tel est notamment le cas lorsque le Conseil de prud’hommes est
saisi d’une demande de requalification d’un CDD en CDI (C. trav.,
art. L. 1245-2) ; d’un litige relatif au refus de l’employeur d’accorder
un congé (C. trav., art. L. 3142-13, L. 3142-34, L. 3142-54, L. 3142-
81, L. 3142-92) ; d’une demande de qualification de la rupture du
contrat de travail à la suite d’une prise d’acte de la rupture du contrat
de travail par un salarié (C. trav., art. L. 1451-1) ; d’une demande
relative au licenciement d’un administrateur salarié (C. com., art.
L. 225-33) ; d’une contestation relative aux atteintes aux droits des
personnes ou aux libertés individuelles (C. trav., art. L. 2313-2).

Le bureau de conciliation et d’orientation dispose de pouvoirs


accrus. Il est chargé de concilier les parties. Dans le cadre de cette
mission, il peut entendre chacune des parties séparément et dans la
confidentialité (C. trav., art. L. 1454-1).

L’article L. 1454-1-3 du Code du travail dispose que si une partie,


sauf motif légitime, ne comparaît pas personnellement ou n’est pas
représentée à l’audience de conciliation, le bureau de conciliation et
d’orientation peut désormais juger l’affaire au fond en l’état des
pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement
communiqués. Dans cette hypothèse, le bureau de conciliation
statuera en tant que bureau de jugement en formation restreinte.

40
Le bureau de conciliation et d’orientation assure la mise en état des
affaires dans les conditions fixées par le Code du travail (C. trav., art.
L. 1454-1-2 et R. 1454-1 et s.).

Si la conciliation n’aboutit pas (devant le bureau de conciliation et


d’orientation), l’affaire est renvoyée devant le bureau de jugement.
Ce bureau comprend, selon les cas, une formation de droit commun,
une formation restreinte ou une formation de départage (C. trav., art.
R. 1423-35). Il existe également une formation restreinte du bureau
de jugement composée d’un conseiller employeur et d’un conseiller
salarié. Cette formation restreinte est chargée de statuer dans un
délai de trois mois sur les litiges relatifs au licenciement et sur les
demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail (C. trav., art.
L. 1454-1-1, 1°). Les parties doivent donner leur accord pour que
leur litige soit renvoyé devant cette formation. De plus,
chaque conseil de prud’hommes comprend une formation de
référé commune à l’ensemble des sections de ce conseil.

Les jugements des conseils de prud’hommes sont susceptibles


d’appel. L’appel doit être interjeté devant la cour d’appel dans le
délai d’un mois à compter de la notification du jugement ou dans le
délai de 15 jours si la décision a été rendue en référé. Le taux de
compétence en dernier ressort du Conseil de prud’hommes est fixé
à 4 000 euros (C. trav., art. D. 1462-3). Le pourvoi en cassation est
formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation par
un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation (CPC, art. 974
s.).

41
§2 L’inspection du travail

I. Les missions de l’inspection du travail

L’inspection du travail est chargée de fournir aux salariés et aux


employeurs des informations et des conseils sur le droit applicable,
sur sa portée et sur les moyens d’assurer son respect (C. trav., art.
R. 8124-20). Il revient aussi à l’agent de contrôle de l’inspection du

42
travail de faciliter une solution amiable afin de régler les conflits
collectifs de travail (C. trav., art. R. 2522-1).

Surtout, les agents de l’inspection du travail sont chargés de veiller


au respect de la législation du travail et constatent, le cas échéant,
les infractions à celles-ci. Ils sont chargés de veiller à l’application
des dispositions du Code du travail et des autres dispositions légales
relatives au régime du travail, ainsi qu’aux stipulations des
conventions et accords collectifs de travail. Ils sont également
chargés, concurremment avec les officiers et agents de police
judiciaire, de constater les infractions à ces dispositions et
stipulations (C. trav., art. L. 8112-1). Ils contribuent aussi à la
prévention des risques professionnels, ainsi qu’à l’amélioration des
conditions de travail et des relations sociales (C. trav., art. R. 8112-
1).

Ils ont pour mission de constater un certain nombre d’infractions :


discriminations, harcèlement, traite des êtres humains, interdiction
de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, infractions aux
conditions d’entrée et de séjour des étrangers, etc. (C. trav., art.
L. 8112-2), etc.

II. Les moyens d’action de l’inspection du travail

Les inspecteurs et contrôleurs du travail disposent d’un droit d’entrée


dans les établissements dans lesquels est employé du personnel
soumis au Code du travail (C. trav., art. L. 8113-1). Ils n’ont, en toute
logique, pas l’obligation de prévenir avant la réalisation d’un
contrôle. Au-delà du droit d’entrée, ils disposent d’un droit de visite
des établissements où sont employés des salariés soumis au Code
du travail. Ils peuvent aussi entrer dans les locaux affectés à

43
l’hébergement de travailleurs (C. trav., art. L. 8113-2-1). Dans ce
cadre, les agents de l’inspection du travail peuvent procéder à des
vérifications d’identité et des auditions.

Les agents de l’inspection du travail peuvent se faire présenter, au


cours de leurs visites, l’ensemble des livres, registres et documents
dont la tenue est imposée aux chefs d’entreprise par le Code du
travail ou par toute disposition de loi, ou de règlement relative au
régime du travail, en vue d’en vérifier la conformité avec les
dispositions légales et de les copier ou d’en établir des extraits
(C. trav., art. L. 8113-4). Ce droit de communication est élargi à
d’autres documents pour la recherche de certaines infractions
(C. trav., art. L. 8113-5) : en matière de lutte contre le travail illégal,
en matière de lutte contre les discriminations et harcèlements, ou
pour s’assurer des dispositions du Code du travail relatives à la
santé et la sécurité au travail.
o
La loi n 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir
son avenir professionnel (JO 6 sept.) modernise et clarifie les
pouvoirs d’enquêtes lors des contrôles, notamment pour l’accès aux
supports informatisés et crée un droit de communication général
pour l’inspection du travail vis-à-vis de tiers en matière de travail
illégal (C. trav., art. L. 8113-5-1 et L. 8113-5-2).

Les agents de contrôle de l’inspection du travail ont qualité,


concurremment avec les officiers de police judiciaire et les agents de
la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes,
pour procéder, aux fins d’analyse, à tous prélèvements portant sur
les matières mises en œuvre et les produits distribués ou utilisés
(C. trav., art. L. 8113-3).

44
Le non-respect des prérogatives des agents de l’inspection du travail
est pénalement sanctionné. Notamment, le fait de faire obstacle à
l’accomplissement des devoirs d’un agent de contrôle de l’inspection
du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 est puni d’un
emprisonnement d’un an et d’une amende de 37 500 euros (C. trav.,
art. L. 8114-1).

III. Les suites du contrôle de l’inspection du travail

Les agents peuvent être amenés à formuler des observations


rappelant les règles en vigueur. Ils peuvent également prononcer
des mises en demeure et demandes de vérifications (C. trav., art. L.
8113-8). Ils peuvent aussi constater les infractions par des procès-
verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire. Ces procès-verbaux
sont transmis au procureur de la République (C. trav., art. L. 8113-7).

Les constats peuvent amener les agents à demander à l’employeur


de faire procéder à des contrôles techniques, consistant, par
exemple, à faire vérifier l’état de conformité de ses installations et
équipements avec les dispositions qui lui sont applicables. Ils
peuvent saisir le juge des référés pour obtenir la suspension d’une
activité particulièrement dangereuse ou la cessation du travail
dominical dans certains secteurs d’activité. Ils peuvent aussi être
amenés à prendre une décision d’arrêt temporaire de la partie des
travaux ou de l’activité présentant un danger grave et imminent pour
la vie ou la santé d’un travailleur ou une décision d’arrêt temporaire
de l’activité dans certaines situations de danger lié à une exposition
à un agent chimique cancérogène, mutagène ou toxique pour la
reproduction (C. trav., art. L. 4731-1). Les agents de contrôle
participent aussi à la protection de la santé et de la sécurité des
jeunes travailleurs de moins de 18 ans en procédant par exemple au

45
retrait d’un jeune travailleur d’une situation de travail (C. trav., art. L.
4733-2 et s.).

Il importe de relever enfin le pouvoir de décision de l’inspection du


travail dans de nombreuses hypothèses : licenciement de salariés
protégés (C. trav., art. L. 2411-3 et s. ; et L. 2421-3 et s.), pouvoir de
dérogation en matière de durée du travail, contrôle du règlement
intérieur (C. trav., art. L. 1322-1), homologation des ruptures
conventionnelles du contrat de travail (C. trav., art. L. 1237-15).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– A. BUGADA, « Vers un nouveau droit prud’homal », JCP S
2015,1247
– Les acteurs de la justice sociale (dossier), Dr. soc. 2017, p. 584
– D. MARSHALL, M. HENRY, « Vers une normalisation de la justice
prud’homale ? », RDT 2016, p. 457

46
TITRE 1
LA FORMATION DE LA RELATION
DE TRAVAIL

o
Fiche n 3 La notion de contrat de travail
o
Fiche n 4 L’embauche du salarié
o
Fiche n 5 Les conditions de conclusion du contrat
de travail
o
Fiche n 6 Les différentes formes contractuelles
o
Fiche n 7 La période d’essai

47
o
Fiche n 3 La notion de contrat de travail

L’ESSENTIEL

La qualification juridique du lien professionnel qui unit un salarié et


un employeur soulève des enjeux fondamentaux. La question de
savoir si la relation professionnelle se situe dans le cadre juridique
du salariat est essentielle puisque cette qualification fait peser sur
l’entreprise de nombreuses obligations : application de la législation
du travail, affiliation aux caisses de retraite complémentaires et au
régime d’assurance chômage. De plus, le salarié peut ainsi
bénéficier de la législation sociale et d’une couverture sociale, pour
lui et sa famille, au titre du régime général.

Les contentieux portant sur la qualification de la relation de travail


sont nombreux mais toujours renouvelés, à l’image des débats
contemporains relatifs à l’économie collaborative et distributive et
aux enjeux de l’« ubérisation » en droit du travail.

LES CONNAISSANCES

En l’absence de définition légale du salariat ou même du contrat de


travail, la détermination du contrat de travail est essentiellement

48
opérée par les juges (§ 1). Parfois, le législateur pose une
présomption de salariat ou de non salariat (§ 2).

§1 La détermination du contrat de travail par les juges


Le rôle du juge est fondamental dans l’opération de qualification de
la relation de travail. Le contrat de travail suppose la réunion de trois
critères, qui permettent de le distinguer d’autres contrats voisins.

I. La qualification par les juges

Le droit du travail est d’ordre public. La volonté des parties est donc
impuissante à soustraire l’individu à son statut social (Cass. ass.
o o
plén., 4 mars 1983, n 81-11.647 et n 81-15.290).

Jurisprudence
Les juges considèrent que l’existence d’un contrat de travail « ne dépend ni de
la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur
convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des
o
travailleurs » (Cass. soc., 17 avr. 1991, n 88-40.121). Peu importe la
dénomination donnée par les parties à la relation de travail. Ce sont les
circonstances de fait qui déterminent l’existence d’une situation de dépendance
o
dans l’exercice du travail (Cass. soc., 9 mai 2001, n 98-46.158). Il en est ainsi par
exemple d’un contrat de location d’un « véhicule taxi » qui dissimulait en réalité
o
l’existence d’un contrat de travail (Cass. soc., 19 déc. 2000, n 98-40.572).

Il appartient aux juges du fond d’interpréter les contrats unissant les


parties afin de leur restituer leur véritable nature juridique (Cass.
o
crim., 29 oct. 1985, n 84-95.559).

49
Jurisprudence
Par un arrêt très attendu, la chambre sociale de la Cour de cassation a statué
sur le sort des travailleurs usant de plateformes numériques, en retenant
l’existence d’un contrat de travail dans une hypothèse où « l’application était dotée
d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de
la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres
parcourus par celui-ci et que la société T disposait d’un pouvoir de sanction à
o
l’égard du coursier » (Cass. soc. 28 nov. 2018, n 17-20.079). Également, la Cour
d’appel de Paris reconnait qu’un chauffeur Uber peut recevoir la qualité de salarié
o
(CA Paris, pôle 6, ch. 2, 10 janv. 2019, n RG 18/08357). Dernièrement, la
chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la relation contractuelle qui
unit les chauffeurs à Uber, quoique formellement indépendante, masque en réalité
une relation salariée. Elle estime que le critère du lien de subordination, lequel se
manifeste par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le
pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de
o
sanctionner les manquements, est rempli (Cass. soc. 4 mars 2020, n 19-13.316).

II. Les critères du contrat de travail

Le contrat de travail s’entend de la convention par laquelle une


personne s’engage à fournir une prestation de travail à une autre,
sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une
rémunération (Cass. soc., 22 juill. 1954). Trois éléments peuvent
être relevés.

A La prestation de travail
Le contrat de travail suppose une prestation de travail. Cette
prestation peut prendre des formes diverses : activités matérielles,
intellectuelles, artistiques, etc. Elle peut concerner tous les secteurs
professionnels.

50
La prestation de travail donne toutefois lieu à une conception
extensive des juges. Preuve en est le contentieux relatif à la
qualification juridique des participants à la téléréalité, pour lesquels
la qualité de salarié a déjà été reconnue (Cass. soc., 3 juin 2009,
o
n 08-40.981, 08-40.982, 08-40.983, 08-41.712, 08-41.713 et 08-
41.714).

B La rémunération
Le contrat de travail est un contrat à titre onéreux et appelle le
versement d’une rémunération. Peu importe qu’elle soit versée en
argent ou en nature, et calculée au temps, à la commission ou aux
pièces. A contrario, celui qui accomplit une activité à titre purement
bénévole n’est pas un salarié (Cass. soc., 27 oct. 1959). La
rémunération entre également en contrariété avec l’entraide
familiale.

Jurisprudence
Les juges considèrent qu’il existe une rémunération dès lors que les
travailleurs perçoivent une somme forfaitaire, dépassant le montant des frais
o
réellement exposés (Cass. soc., 29 janv. 2002, n 99-42.697).

En toutes hypothèses, le versement d’un salaire est insuffisant pour


établir l’existence d’un contrat de travail (Cass. soc., 4 déc. 1986,
o
n 84-42.612). Elément nécessaire, la rémunération ne suffit pas en
elle-même.

C La subordination juridique

51
La subordination constitue le critère déterminant du contrat de
travail. Deux types de subordination s’opposent traditionnellement :
la subordination économique et la subordination juridique.

La dépendance économique peut être relevée lorsque celui qui


fournit le travail en tire son unique ou du moins son principal moyen
d’existence et quand d’autre part celui qui paye le travail utilise
entièrement et régulièrement l’activité de celui qui le fournit. Ce
critère, trop imprécis, a toutefois été écarté au profit de la
subordination juridique (Cass. soc., 6 juill. 1931 ; D. 1931, 1, 131).

Jurisprudence
Depuis un arrêt fondamental de 1996, il est acquis que « le lien de
subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail, sous l’autorité d’un
employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler
l’exécution, et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cass. soc.,
o
13 nov. 1996, n 94-13.187).

Les juges donnent une définition commune au droit du travail et au


o
droit de la sécurité sociale (Cass. soc., 13 nov. 1996, n 94-13.187).

52
La subordination suppose la réunion de plusieurs indices. Sont ainsi pris
en considération l’autorité et le contrôle de l’employeur, les conditions matérielles
d’exécution de l’activité, les contraintes imposées par l’employeur (lieu, horaire,
fourniture du matériel, etc.). L’intégration à un service organisé, qui se caractérise
par l’exercice d’une activité au sein d’une structure organisée mettant à la
disposition de l’intéressé une infrastructure matérielle (mise à disposition de
locaux, secrétariat, fournitures diverses) et impliquant pour lui de se soumettre à
certaines contraintes (détermination des horaires et gestion administrative de la
clientèle par l’établissement…), constitue également un indice. Cet indice ne se
o
suffit toutefois pas à lui-même (Cass. soc., 13 nov. 1996, n 94-13.187 ; Cass.
er o o
soc., 1 déc. 2005, n 05-43.031 à n 05-43.035).

Ainsi, différents indices se conjuguent pour révéler l’état de


subordination.

À noter également l’existence d’un contrat de travail pour un


fonctionnaire qui est mis à disposition d’un organisme de droit privé
o
(Cass. ass. plén., 20 déc. 1996, n 92-40.641 ; Cass. soc., 15 juin
o o
2010, n 09-69.453 ; Cass. soc., 15 juin 2010, n 08-44.238), ou
pour un salarié mis à la disposition d’un employeur accomplissant un
travail pour le compte de celui-ci dans un rapport de subordination
er o
(Cass. soc., 1 juill. 1997, n 94-45.102).

III. La nécessaire distinction avec des contrats voisins

Le contrôle du juge est essentiel afin de distinguer le contrat de


travail d’autres formes de contrats ou prestations de travail. En effet,
de l’existence d’un contrat de travail résulte la qualité de salarié
permettant de bénéficier de la législation sociale.

Il convient donc de distinguer le contrat de travail du :

53
contrat de mandat, qui est un acte par lequel une personne
confie à une autre le pouvoir de faire quelque chose en son nom
et pour son compte ;
contrat de société par lequel deux personnes, ou plus,
conviennent de mettre quelque chose en commun en vue de
partager les bénéfices qui en résultent ;
contrat d’entreprise par lequel une partie s’engage à accomplir
pour l’autre un travail déterminé moyennant un prix convenu, en
dehors de tout lien de subordination.
Le salarié doit être distingué du travailleur indépendant, lequel est
présumé lorsque les conditions de travail sont définies
exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec
son donneur d’ordre (C. trav., art. L. 8221-6-1).

§2 La détermination légale du contrat de travail

Certaines catégories de travailleurs sont présumées salariées afin


de leur permettre de bénéficier de la législation du travail. D’autres
sont présumées exclues de ce cadre juridique.

I. La présomption de salariat et les assimilations légales

Parfois, le législateur écarte toute vérification nécessaire du lien de


subordination. Les travailleurs sont présumés être des salariés. Tel
est le cas des artistes de spectacle (C. trav., art. L. 7121-3), des
VRP statutaires (C. trav., art. L. 7313-1), des journalistes (C. trav.,
art. L. 7112-1), les entrepreneurs salariés associés d’une
coopérative d’activité et d’emploi sous réserve des dispositions
spécifiques applicables à ces derniers (C. trav., art. L. 7331-1). En
ces situations, le statut de salarié est accordé à des professions dont

54
l’exercice est a priori incompatible avec l’existence d’un lien de
subordination au sens strict.

Sont également assimilés à des salariés et peuvent bénéficier de la


législation sociale : les travailleurs à domicile (C. trav., art. L. 7412-
1), les gérants de succursales (C. trav., art. L. 7321-1) ou encore les
gérants non salariés.

En revanche, le Code du travail ne reprend plus les dispositions de


l’ancien article L. 784-1 qui posait une présomption de salariat, sous
certaines conditions, au profit du conjoint salarié du chef d’entreprise
(C. trav., art. L. 8221-6-1).

II. La présomption légale de non salariat

L’article L. 8221-6 du Code du travail pose une présomption de non


salariat applicable aux activités donnant lieu à une immatriculation
ou à une inscription au registre du commerce et des sociétés ou
encore au répertoire des métiers. Sont ainsi présumées ne pas être
liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans
l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription
les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et
des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents
commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations
de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement
des cotisations d’allocations familiales ; les personnes physiques
inscrites au registre des entreprises de transport routier de
personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par
le Code de l’éducation ou de transport à la demande conformément
au Code des transports.

55
Il en est de même des dirigeants des personnes morales
immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs
salariés. La présomption de non salariat de l’article L. 8221-6 du
Code du travail est aussi étendue aux personnes physiques
exerçant une activité commerciale ou artisanale à titre principal ou
complémentaire et pouvant bénéficier du régime optionnel de
prélèvements forfaitaires libératoires des charges sociales
o
personnelles, « le micro-social » (L. n 2008-776, 4 août 2008, art.
11 – JO 5 août 2008).

Toutefois, cette présomption est simple. Ainsi, l’existence d’un


contrat de travail peut être établie lorsque ces personnes fournissent
directement ou par une personne interposée des prestations à un
donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de
subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. Le délit de
travail dissimulé est alors susceptible d’être établi.

Le travail dissimulé est une infraction qui s’inscrit dans un cadre plus
large, celui du travail illégal.

(C. trav., art. L. 8221-1)


Par application de l’article L. 8221-1 du Code du travail :
« Sont interdits :
1° Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les
conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;
2° La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute
connaissance de cause, le travail dissimulé ;
3° Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux
services de celui qui exerce un travail dissimulé ».
(C. trav., art. L. 8224-1)
« Le fait de méconnaître les interdictions définies à l’article L. 8221-1 est puni d’un
emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 euros ».

56
POUR ALLER PLUS LOIN…
– P. COURSIER, « Le droit social face à l’économie collaborative et
distributive », JCP S 2016, 1389
– E. DOCKES, « Notion de contrat de travail », Dr. soc. 2011, 546
– M. PEYRONNET, « Take Eat Easy contrôle et sanctionne
des salariés », Revue de droit du travail 2019, p. 36
– C. RADE, « Les critères du contrat de travail », Dr. soc. 2013, 202

57
o
Fiche n 4 L’embauche du salarié

L’ESSENTIEL

Principe à valeur constitutionnelle, la liberté de contracter est le


corollaire de la liberté d’entreprendre (Cons. const. 13 juin 2013,
o
n 2013-672 DC). Si l’employeur est libre de recruter un salarié,
certaines limites s’imposent toutefois à lui. La sélection est
également encadrée.

LES CONNAISSANCES

Au-delà des règles relatives au placement du salarié (§ 1), la liberté


de recruter est encadrée (§ 2), tout comme la sélection finale du
candidat (§ 3).

§1 Le placement
L’activité de placement, qui consiste à rapprocher, à titre habituel,
offres et demandes d’emploi, est définie à l’article L. 5321-1, alinéa
er
1 du Code du travail. Elle est notamment assurée par le service
public de l’emploi, via le « Pôle Emploi », qui ne dispose toutefois

58
pas d’un monopole. Ses moyens et missions sont précisés à l’article
L. 5312-1 du Code du travail. Les employeurs peuvent aussi faire
appel à des cabinets spécialisés dans le recrutement des salariés ou
peuvent choisir de recruter un ou plusieurs salariés eux-mêmes, et
de diffuser ainsi leurs offres d’emploi.

Cette activité peut être également exercée à titre lucratif par des
entreprises de travail temporaire (C. trav., art. L. 5321-1, al. 2).

§2 La liberté de recruter et ses limites


En matière d’embauche, l’employeur dispose d’une grande liberté
sous réserve de respecter certaines priorités d’emploi ou de
réemploi, interdictions d’emploi ou règles spécifiques à certains
travailleurs.

I. Les priorités d’emploi et de réemploi

La loi fait peser sur l’employeur certaines priorités d’emploi ou de


réemploi. Autrement dit, certaines personnes doivent être recrutées
en priorité.
Ainsi en est-il des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et
o
assimilés. La loi n 87-517 du 10 juillet 1987 définit en leur faveur un
dispositif d’obligation d’emploi (C. trav., art. L. 5212-2 et s.). Tout
employeur occupant au moins vingt salariés, doit employer, des
travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de l’effectif total
de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel. À titre alternatif, il
peut préférer la conclusion de contrats de fourniture, de sous-
traitance ou de prestations de services avec des entreprises
adaptées, des centres de distribution de travail à domicile ou des
établissements ou des services d’aides par le travail. Il peut aussi

59
s’acquitter de cette obligation en appliquant un accord de branche,
de groupe, d’entreprise ou d’établissement agréé prévoyant la mise
en œuvre d’un programme annuel ou pluriannuel en faveur des
travailleurs handicapés. Il peut également envisager un accueil en
stage ou préférer le versement d’une contribution financière à
l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des
handicapés (AGEFIPH). Dans les entreprises à établissements
multiples, cette obligation s’apprécie établissement par
établissement.

L’employeur doit également tenir compte d’éventuelles priorités de


réemploi dans son entreprise, à l’image de celle dont bénéficie le
salarié licencié pour motif économique. Ce dernier bénéficie d’une
priorité de réembauche pendant un délai d’un an à compter de la
date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce
même délai (C. trav., art. L. 1233-45). En cas de démission pour
élever un enfant, un salarié peut aussi solliciter sa réembauche dans
les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre
(C. trav., art. L. 1225-67).

II. Les interdictions d’emploi

Les interdictions d’emploi sont rares. À titre d’exemple, il peut être


utilement fait référence à l’interdiction de débauchage envisagée à
l’article L. 1237-3 du Code du travail. Cet article envisage la situation
dans laquelle un salarié qui a rompu abusivement un contrat de
travail conclut un nouveau contrat de travail. En ce cas, le nouvel
employeur est solidairement responsable du dommage causé à
l’employeur précédent s’il a engagé un salarié qu’il savait déjà lié par
un contrat de travail ou s’il a continué d’employer le salarié après

60
avoir appris que ce dernier était encore lié à un autre employeur par
un contrat de travail.

Pour le reste, l’employeur devra surtout tenir compte de la


réglementation propre à certaines catégories de travailleurs.

III. La réglementation propre à certaines catégories


de travailleurs

Des règles spécifiques sont posées pour encadrer le travail des


jeunes notamment. Le travail est autorisé à partir de 16 ans, parfois
même à compter de 14 ans, lorsque le jeune effectue des travaux
légers, notamment pendant les vacances scolaires. Toutefois,
jusqu’à l’âge de 18 ans, le jeune bénéficie de règles protectrices
spécifiques qu’il soit salarié ou en stage d’initiation ou d’application
en milieu professionnel effectué dans le cadre d’un enseignement
alterné ou d’un cursus scolaire (C. trav., art. L. 4153-1 et s.).
Par ailleurs, l’emploi des travailleurs étrangers est soumis à une
réglementation spéciale (C. trav., art. L. 5221-1 et s.). La personne
étrangère, qui souhaite occuper un emploi salarié sur le territoire
français, doit détenir une autorisation de travail. À défaut, elle ne
peut pas être embauchée. L’autorisation de travail peut prendre la
forme d’un visa ou d’un titre de séjour, ou d’un document distinct du
document de séjour. Des sanctions sont prévues en cas d’emploi
d’un travailleur illégal.

§3 La sélection du candidat

Le processus de sélection des candidats est strictement encadré.

I. L’interdiction des discriminations à l’embauche

61
L’article L. 1132-1 du Code du travail constitue le texte de référence
en matière de discriminations au travail. Ce texte, fruit d’une
transposition de plusieurs directives européennes, vise l’embauche,
mais également l’exécution et la rupture du contrat de travail.

(C. trav., art. L. 1132-1)


« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de
l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, […] en raison de
son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son
identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de
ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa
situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance
ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une
prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou
mutualistes, de son exercice d’un mandat électif local, de ses convictions
religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de
résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de
sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une
langue autre que le français ».

Sont interdites les discriminations directes et indirectes.


Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle,
sur le fondement de son appartenance ou de sa non-
appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa
religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation
sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière
moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été
o
dans une situation comparable (L. n 2008-496, 27 mai 2008 –
JO 28 mai 2008, p. 8801).
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère
ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible
d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa,

62
un désavantage particulier pour des personnes par rapport à
d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou
cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et
que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et
o
appropriés (L. n 2008-496, 27 mai 2008 – JO 28 mai 2008,
p. 8801).

L’article L. 1133-1 du Code du travail prévoit toutefois que des


différences de traitement sont envisageables si elles répondent à une exigence
professionnelle et déterminante et que l’objectif est légitime et l’exigence
proportionnée. Pour exemple, il est des activités professionnelles pour lesquelles
l’appartenance à l’un ou l’autre sexe constitue une condition déterminante
répondant à une exigence professionnelle essentielle, à savoir les artistes appelés
à interpréter soit un rôle féminin, soit un rôle masculin ; les mannequins chargés
de présenter des vêtements et accessoires ainsi que les modèles masculins et
féminins (C. trav., art. R. 1142-1). L’appartenance à l’un ou l’autre sexe peut donc
notamment être prise en considération dès lors que cela répond à une exigence
professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit
légitime et l’exigence proportionnée (C. trav., art. L. 1142-2).

II. Les informations demandées au candidat

Les informations demandées doivent répondre à un principe dit « de


spécialité ». Ainsi, quelle que soit leur forme, elles ne peuvent avoir
comme finalité que d’apprécier la capacité du candidat à occuper
l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations
doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé
ou avec l’évaluation des aptitudes. Le candidat est tenu d’y répondre
de bonne foi (C. trav., art. L. 1221-6).

Également, un principe de transparence dans la collecte des


informations s’impose à l’employeur :

63
(C. trav., art. L. 1221-9)
« Aucune information concernant personnellement un candidat à un emploi ne
peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa
connaissance ».

Le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à


leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’aide au
recrutement utilisées à son égard (C. trav., art. L. 1221-8). Les
résultats obtenus sont confidentiels. Les méthodes et techniques
d’aide au recrutement ou d’évaluation des candidats à un emploi
doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie

L’idée d’un curriculum vitae anonyme avait été introduite dans notre
dispositif juridique, par la loi du 31 mars 2006 sur l’égalité des
o
chances (L. n 2006-396, 31 mars 2006 – JO 2 avr. 2006, p. 4950). Il
s’imposait pour les entreprises de 50 salariés et plus. En l’absence
de décret d’application, la loi du 17 août 2015 relative au dialogue
o
social et à l’emploi (L. n 2015-994, 17 août 2015 – JO 18 août
2015, p. 14346) a toutefois mis fin à cet instrument envisagé comme
un outil de lutte contre les discriminations à l’embauche.

§4 Les formalités à l’embauche

L’employeur doit accomplir certaines formalités lors de l’embauche


d’un salarié.

La déclaration préalable à l’embauche (DPAE), visée à l’article


L. 1221-10 du Code du travail, permet à l’employeur de réaliser
notamment son immatriculation au régime général de sécurité
sociale ou son affiliation au régime d’assurance chômage, ainsi que

64
l’immatriculation du salarié à ce même régime (ou au régime
agricole s’il s’agit d’un salarié agricole). Elle doit être obligatoirement
effectuée par tous les employeurs ou leur mandataire dans les huit
jours qui précèdent toute embauche de salarié, y compris la période
d’essai. Elle est transmise à l’URSSAF dont relève l’établissement. À
défaut de déclaration, l’employeur encourt une sanction pénale
(C. trav., art. L. 8224-1) et une sanction civile. À défaut de
déclaration, le délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité
o
est susceptible d’être caractérisé (Cass. crim., 20 janv. 2015, n 14-
80.532).

Quel que soit l’effectif de l’entreprise, l’entreprise doit tenir un


registre du personnel dans chaque établissement où sont
employés des salariés (C. trav., art. L. 1221-13). L’article D. 1221-23
du Code du travail prévoit un certain nombre de mentions
obligatoires : nom, prénoms, date de naissance, sexe, emploi,
qualification, dates d’entrée et de sortie, mentions propres à
certaines catégories (stagiaires, travailleurs étrangers, travailleurs
temporaires, à temps partiel, etc.).

De plus, l’employeur doit vérifier que le salarié de nationalité


étrangère soit titulaire d’une autorisation de travail valable.
Également, une visite médicale d’information et de prévention
doit être pratiquée, par un membre de l’équipe pluridisciplinaire, au
profit de tout travailleur, dans un délai qui n’excède pas trois mois à
compter de la prise effective du poste de travail (C. trav., art.
o
L. 4624-1 et R. 4624-10, mod. par D. n 2016-1908, 27 déc. 2016 –
JO 29 déc. 2016). L’aptitude est vérifiée selon des modalités et une
périodicité ne pouvant pas excéder 5 ans, qui sont fonction de leurs
conditions de travail, de l’état de santé, de l’âge et des risques

65
professionnels auxquels le salarié est exposé (C. trav., art. R. 4624-
16).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– P. WAQUET, « Les libertés dans l’entreprise », RJS 2000, 335
– V. RAVOUX et Y. REBOUILLAT, « La déclaration préalable à
l’embauche », Dr. soc. 2011, 1190

66
o
Fiche n 5 Les conditions de conclusion
du contrat de travail

L’ESSENTIEL

Par application de l’article L. 1221-1 du Code du travail, le contrat de


travail est soumis aux règles du droit commun, telles qu’issues du
droit civil. Il peut être établi selon les formes que les parties
contractantes décident d’adopter, sous réserve de respecter
certaines conditions.

LES CONNAISSANCES

La validité d’un contrat de travail suppose le respect de strictes


conditions de fond (§ 1) et de forme (§ 2), outre la soumission à
certaines règles de preuve (§ 3).

§1 Les conditions de fond

67
(C. civ., art. 1128)
Par application de l’article 1128 du Code civil, sont nécessaires à la validité d’un
contrat de travail :
« 1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;
3° Un contenu licite et certain ».

Si une condition fait défaut, la sanction encourue est la nullité du


contrat de travail. Les conséquences de la nullité sont celles
applicables à toute nullité d’un contrat à exécution successive. La
rétroactivité est en principe écartée.

I. Le consentement des parties

A Un consentement libre et exempt de vices


Le consentement, qui doit exister du côté de l’employeur et du
salarié, doit être libre et personnel. Les parties au contrat de travail
doivent exprimer personnellement leur consentement réciproque,
traduisant leur commune intention de s’engager.
Le consentement doit être exempt de tout vice, sous peine de nullité.
Selon l’article 1130 du Code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient
le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une
des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des
conditions substantiellement différentes. Ainsi, le consentement n’est
pas valable s’il a été donné par erreur, extorqué par violence ou
surpris par dol.
L’erreur peut porter sur l’objet de la convention ou sur la
personne du cocontractant. Elle est cause de nullité si elle
affecte une qualité substantielle, déterminante de l’engagement
pris. Pour exemple, l’erreur sur la personne ne peut constituer

68
une cause de nullité du contrat de travail que si elle est
o
excusable (Cass. soc., 3 juill. 1990, n 87-40.349).
La violence est constituée par le fait d’inspirer à une personne
une crainte qui la contraint à donner son consentement.
Le dol consiste en l’emploi de manœuvres frauduleuses visant
à surprendre le consentement (C. civ., art. 1137). La nullité du
contrat suppose qu’il ait été déterminant. Il en est ainsi du
contrat d’un salarié qui avait prétendu être titulaire d’un diplôme
d’études supérieures afin d’obtenir un poste de professeur
o
(Cass. soc., 17 oct. 1995, n 94-41.239). Par contre, le dol n’est
pas caractérisé dans une affaire où le salarié avait envoyé une
lettre de demande d’embauche et un curriculum vitæ manuscrits
pour analyse graphologique écrits de la main de son épouse. La
nullité n’est encourue que s’il est établi qu’en l’absence des
manœuvres accomplies par le salarié, l’employeur ne l’aurait
o
pas recruté (Cass. soc., 5 oct. 1994, n 93-43.615). De même,
le fait pour un salarié de mentionner dans son curriculum vitæ
un poste occupé pendant un an au titre « d’assistance de la
responsable de formation », alors qu’il s’agissait d’un stage de
quatre mois n’est pas constitutif d’une manœuvre frauduleuse
o
(Cass. soc., 16 févr. 1999, n 96-45.565).

B La manifestation de la volonté de s’engager


En pratique, le contrat peut être précédé d’actes préparatoires. Ainsi,
les parties peuvent signer une promesse d’embauche. Longtemps,
la Cour de cassation jugeait que ce document, s’il précisait l’emploi
et la date d’entrée en fonction du salarié, peu important que la
rémunération n’y soit pas mentionnée, valait contrat de travail (Cass.
o
soc., 15 déc. 2010, n 08-42.951). Il suffisait donc que les éléments

69
essentiels du contrat figurent dans le document pour qu’il soit
assimilé à un contrat de travail.

Jurisprudence
Un revirement important a été opéré par la Cour de cassation « au regard de
o
l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n 2016-131 du
10 février 2016 », qui conduit à apprécier différemment, dans les relations de
travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail (Cass. soc., 21 sept.
o o
2017, n 16-20.103 et n 16-20.104). Selon la Cour de cassation, l’offre de contrat
est l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la
rémunération et la date d’entrée et exprime la volonté de son auteur d’être lié en
cas d’acceptation. Elle peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue
à son destinataire. Sa rétractation avant l’expiration du délai fixé par l’employeur
ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat
de travail et engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur.

Une promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par


lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le
droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi,
la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et
pour la formation duquel ne manque que le consentement du
bénéficiaire. La révocation par l’employeur, de la proposition pendant
le délai de réponse imparti au salarié « n’empêche pas la formation
du contrat promis ».

II. La capacité de contracter

Le contrat doit être conclu entre personnes juridiquement capables.


L’employeur peut être une personne morale ou physique, tandis que
le salarié est obligatoirement une personne physique.

70
Par principe, un mineur ne peut conclure un contrat de travail
qu’avec l’accord de son représentant légal ou s’il est émancipé. Les
jeunes ne peuvent pas travailler avant 16 ans. Il existe toutefois
certaines exceptions : périodes ou séquences d’observation en
entreprise, stages, apprentissage, entreprises de spectacles et de
mannequinat, vacances scolaires, etc. (C. trav., art. L. 4153-1 et s.).

III. Un contenu licite et certain

Comme tout contrat, le contrat de travail doit avoir un contenu licite


et certain.

o
L’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du
droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
a remplacé les notions d’objet et de cause, placées au cœur de
l’ancien article 1108 du Code civil, par la notion de « contenu licite et
certain ».

Il n’en demeure pas moins que la validité d’un contrat de travail,


repose sur le fait que l’employeur s’engage à verser une
rémunération et le salarié à fournir une prestation de travail.

De plus, même si toute référence à la cause a aujourd’hui disparu de


l’article 1128 du Code civil, des arrêts anciens sont évocateurs de
certaines situations illégales. La Cour de cassation a ainsi pu
préciser que « le contrat conclu par une femme de chambre, avec le
tenancier d’une maison de tolérance est nul, car contraire aux
bonnes mœurs » (Cass. soc., 8 janv. 1964) ou qu’est nul « le contrat
de travail conclu pour assurer le maintien de relations adultères »
(Cass. soc., 4 oct. 1979). Encore, le contrat ne doit pas être conclu
dans le seul but de faire bénéficier, par la suite, le salarié des

71
o
prestations d’assurance chômage (Cass. soc., 17 déc. 1987, n 86-
12.033).

§2 Les conditions de forme

I. La forme du contrat de travail

(C. trav., art. L 1221-1)


Le contrat de travail « peut être établi selon les formes que les parties
contractantes décident d’adopter ».

Le principe du consensualisme s’applique.

Le législateur n’impose pas que le contrat à durée indéterminée soit


écrit. Le contrat de travail à durée indéterminée est, en effet, la
forme normale et générale de la relation de travail (C. trav., art.
L. 1221-2). Le CDI peut donc être, théoriquement au moins, verbal
o
(Cass. soc., 14 mars 1995, n 91-43.788) comme il peut être
constaté dans un document écrit. Il peut même résulter de
l’appréciation d’une situation de fait. Tel est le cas lorsqu’une
juridiction est amenée à rétablir la nature réelle de la relation existant
entre des personnes, via une requalification.

Toutefois, l’établissement d’un écrit est recommandé dans un souci


de preuve des engagements souscrits. L’écrit permet d’éviter toute
difficulté ultérieure sur la portée des droits et obligations respectifs.

Surtout, les salariés doivent être informés des conditions applicables


au contrat et à la relation de travail. Par application d’une directive
européenne de 1991, il appartient à l’employeur de préciser par écrit

72
le lieu de travail, la rémunération ou encore la durée du travail
journalière ou hebdomadaire (Cons. UE, dir. 91/533/CEE, 14 oct.
1991, relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur
des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail – JO
o
n L. 288, 18 oct. 1991, p. 32). L’écrit en question n’est pas
forcément le contrat de travail. Il peut s’agir d’une lettre
d’engagement ou du bulletin de paie. Ce point de vue a été confirmé
par la Cour de justice des Communautés européennes le
4 décembre 1997 (CJCE, 4 déc. 1997, aff. 96/253).

Parfois, l’écrit est imposé. Il en est ainsi pour les contrats à durée
déterminée (C. trav., art. L. 1242-12), contrats de travail à temps
partiel (C. trav., art. L. 3123-6), contrats de travail temporaire et
autres contrats aidés, etc.

Également, si une convention collective impose l’établissement


d’une lettre d’embauche précisant la qualification professionnelle, la
nature de l’emploi et la rémunération, l’écrit s’impose.

Jurisprudence
Ainsi, dans une espèce où la convention collective applicable prévoyait la
confirmation de l’embauche définitive d’un salarié soit par lettre, soit par un contrat
faisant référence à la convention collective et portant notamment mention de
l’emploi, des éléments de salaire et des indemnités, la Cour de cassation décide
qu’en l’absence des documents visés par la convention, le salarié est en droit de
réclamer des dommages-intérêts, cette omission « causant nécessairement un
o
préjudice au salarié » (Cass. soc., 27 mars 2001, n 98-46.119).

II. La langue du contrat de travail

73
Par application de l’article L 1221-3 du Code du travail, le contrat de
travail établi par écrit est rédigé en français, même s’il est exécuté à
l’étranger. Cette règle n’a pas pour sanction la nullité du contrat : elle
permet seulement au salarié d’exiger de l’employeur la délivrance
d’un conforme aux exigences du Code du travail (Cass. soc.,
o
19 mars 1986, n 84-44.279).

Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une


traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la
langue de ce dernier (C. trav., art. L. 1221-3).

§3 La preuve du contrat de travail

Par principe, en l’absence de présomption légale de salariat


(C. trav., art. L. 7112-1 et L. 7313-1), c’est à celui qui se prévaut d’un
contrat de travail d’en apporter la preuve (Cass. soc., 13 nov. 1991,
o
n 89-41.297).

À l’inverse, en présence d’un contrat apparent, il appartient


également à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la
o
preuve (Cass. soc., 10 mai 2012, n 11-18.681 ; Cass. soc., 23 oct.
o
2001, n 99-43.286).

La preuve du contrat de travail est libre (Cass. soc., 27 mars 2001,


o
n 98-44.666). Tous procédés de preuve peuvent donc être utilisés.

74
(C. civ., art. 1366)
Aux termes de l’article 1366 du Code civil : « l’écrit électronique a la même force
probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment
identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des
conditions de nature à en garantir l’intégrité ».

POUR ALLER PLUS LOIN…

– E. JEANSEN, « Le contrat de travail né d’une promesse


d’embauche », JCP S 2017, 1249
– P.-H. ANTONMATTEI, « Droit des contrats-droit du travail : les
dangers du match retour », Dr. soc. 2017, p.381
– Y. PAGNERRE, « Impact de la réforme du droit des contrats sur le
contrat de travail », Dr. soc. 2016, p. 727

75
o
Fiche n 6 Les différentes formes
contractuelles

L’ESSENTIEL

Le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) est « la forme


normale et générale de la relation de travail » (C. trav., art. L. 1221-
2). Par conséquent, le contrat à durée déterminée (CDD) doit être
considéré comme une exception, au regard de sa durée limitée. Il
s’agit d’ailleurs d’un contrat dit « précaire », de sorte qu’un strict
encadrement s’impose. Un CDD, quel que soit son motif, ne peut
avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié
à l’activité normale et permanente de l’entreprise (C. trav., art.
L. 1242-1). Le non-respect des dispositions légales ou
conventionnelles est susceptible d’entraîner la requalification du
CDD en CDI, dans les cas et conditions visés aux articles L. 1245-1
du Code du travail et suivants. Les ordonnances Macron ont
sensiblement modifié les règles relatives à ces contrats.

LES CONNAISSANCES

76
Tant le contrat à durée déterminée (§ 1) que le contrat de travail
temporaire (§ 2) et le contrat à temps partiel (§ 3) répondent à de
strictes conditions tenant à leurs cas de recours, leur durée ou
encore le statut du travailleur.

§1 Le contrat à durée déterminée (CDD)

Ce type de contrat doit être obligatoirement écrit et doit comporter la


définition précise de son motif. Il contient certaines mentions
obligatoires (C. trav., art. L. 1242-12). À défaut, il est réputé conclu
pour une durée indéterminée et peut donc être requalifié (Cass. soc.,
o
14 nov. 2018, n 16-19038).

Le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les


deux jours ouvrables suivant l’embauche (C. trav., art. L. 1242-13).
Faisant échec à une jurisprudence constante (Cass. soc., 19 juin
o o
2002 n 00-41.354 ; Cass. soc., 17 juin 2005 n 03-42.596 ; Cass.
o
soc., 13 mars 2013 n 11-28.687), une ordonnance dite « Macron »
de 2017 substitue à la requalification du CDD en CDI, l’octroi d’une
indemnité égale à un mois de salaire, en cas de transmission tardive
du contrat au salarié.

Le contrat de travail à durée déterminée peut comporter une période


d’essai (C. trav., art. L. 1242-10).
Les dispositions relatives aux conditions de recours et de forme du
contrat de travail à durée déterminée sont d’ordre public (Cass. soc.,
o
2 avr. 2014, n 11-25.442).

I. Les cas de recours

77
A Les cas de recours autorisés
Le CDD ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise
et temporaire (C. trav., art. L. 1242-2). Les cas de recours sont
limitativement fixés par la loi (C. trav., art. L. 1242-2 et suiv.) :
Remplacement d’un salarié en cas : d’absence ; de passage
provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de
travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;
de suspension de son contrat de travail ; de départ définitif
précédant la suppression de son poste de travail après
consultation du Comité social et économique, s’il existe ;
d’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par
contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;
Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
Emplois à caractère saisonnier ;
Remplacement d’un chef d’exploitation agricole ou d’entreprise,
d’un aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur
conjoint ;
CDD à objet défini.
D’autres cas de recours au CDD sont prévus par la loi : les CDD
conclus dans le cadre de la politique de l’emploi, le CDD senior
(C. trav., art. L. 1242-3) ou encore les CDD conclus suite à un
contrat d’apprentissage (C. trav., art. L. 1242-4).

B Les cas de recours interdits


Sauf cas particuliers liés à la durée du CDD ou à une commande
exceptionnelle à l’exportation, il est interdit de conclure un contrat de
travail à durée déterminée au titre d’un accroissement temporaire de
l’activité dans les six mois suivant un licenciement pour motif
économique. Cette interdiction porte sur les postes concernés par le
licenciement dans l’établissement (C. trav., art. L. 1242-5).

78
De plus, il est interdit de conclure un CDD pour remplacer un salarié
dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un conflit collectif
de travail ou pour effectuer certains travaux particulièrement
dangereux (C. trav., art. L. 1242-6).

II. La durée du CDD

La complexité des règles applicables aux CDD doit être mise en


avant. Si des règles générales trouvent à s’appliquer, certains CDD
obéissent à des règles dérogatoires (les contrats conclus dans le
cadre des politiques d’emploi par exemple).

A La durée maximale
Par principe, un CDD est conclu pour une durée limitée et précisée
initialement dans le contrat. Il comporte, soit un terme fixé avec
précision, soit une durée minimale qui a pour terme la fin de
l’absence de la personne remplacée ou la réalisation de l’objet pour
lequel il a été conclu (C. trav., art. L. 1242-7).

Sauf rares exceptions, une convention ou un accord de branche


étendu peut fixer la durée totale du CDD. Cette durée ne peut avoir
ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à
l’activité normale et permanente de l’entreprise (C. trav., art. L. 1242-
8).

À défaut de stipulations prévues par la convention ou l’accord de


branche étendu, les dispositions applicables sont celles applicables
o
avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n 2017-1387 du
22 septembre 2017. La durée maximale est alors fixée par la loi à
18 mois (renouvellement inclus). Dans certains cas, la durée
maximale peut être de 9 ou 24 mois (C. trav., art. L. 1242-8-1).

79
B La possibilité de renouvellements
Il importe tout d’abord de distinguer les hypothèses de
renouvellements des situations de successions de CDD. Le
renouvellement a pour objet d’aménager le terme initial (fin de
contrat) de la relation contractuelle. Le même contrat de travail,
conclu pour le même motif, voit son terme reporté.

En cas de succession de CDD, différents contrats de travail sont


conclus, les uns à la suite des autres, par le même salarié.

Depuis les ordonnances dites « Macron » de 2017, une convention


ou un accord de branche étendu peut fixer le nombre maximal de
renouvellements possibles pour un CDD, sous réserve de ne pas
avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à
l’activité normale et permanente de l’entreprise. Les conditions de
renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l’objet d’un
avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu (C. trav.,
art. L. 1243-13).
À défaut de stipulation dans la convention ou l’accord de branche
étendu, le CDD est renouvelable deux fois pour une durée
déterminée (C. trav., art. L. 1243-13-1).

C La succession de contrats
La conclusion de CDD successifs avec le même salarié est possible
dans certains cas (remplacement d’un salarié absent et emploi à
caractère saisonnier notamment) (C. trav., art. L. 1244-1). Les
contrats de travail à caractère saisonnier peuvent même comporter
une clause de reconduction pour la saison suivante (C. trav.,
art. L. 1244-2).

80
S’agissant de contrats successifs sur le même poste, lorsqu’un CDD
prend fin, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié
dont le contrat a pris fin, ni à un CDD ni à un contrat de travail
temporaire, avant l’expiration d’un délai de carence. Ce délai est
calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant,
son ou ses renouvellements (C. trav., art. L. 1244-3).

À défaut de stipulation dans la convention ou l’accord de branche


étendu, ce délai de carence est fixé par la loi et il est égal au tiers de
la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat incluant,
le cas échéant, son ou ses renouvellements, est de quatorze jours
ou plus ; à la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la
durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses
renouvellements, est inférieure à quatorze jours (C. trav., art.
L. 1244-3-1).

Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir les


cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable (C. trav.,
art. L. 1244-4). À défaut de stipulation dans la convention ou l’accord
de branche le délai de carence n’est pas applicable dans certains
cas (C. trav., art. L. 1244-4-1).

III. Le statut du salarié sous CDD

Le salarié titulaire d’un CDD dispose des mêmes droits que les
autres salariés de l’entreprise (C. trav., art. L. 1242-14). Il est soumis
aux mêmes obligations que les salariés titulaires d’un CDI (CJUE,
22 déc. 2010, aff. C-444/09 et aff. C-456/09).

Sa rémunération doit être au moins égale à celle que percevrait,


après période d’essai, un autre salarié de l’entreprise, sous CDI, de

81
qualification équivalente et occupant le même poste de travail
(C. trav., art. L. 1242-14).

L’employeur porte à la connaissance des salariés titulaires d’un CDD


la liste des postes à pourvoir dans l’entreprise par des CDI lorsqu’un
tel dispositif d’information existe déjà pour les salariés bénéficiant
d’un CDI (C. trav., art. L. 1242-17).

Par ailleurs, le salarié en CDD peut bénéficier d’indemnités et de


mesures particulières pour compenser la précarité de son emploi.
Notamment, le salarié peut prétendre, dans certains cas, à une
indemnité « de précarité », dont le montant ne peut pas être inférieur
à 10 % de la rémunération totale brute perçue durant l’exécution de
son contrat. Un montant plus élevé peut être déterminé par accord
collectif ; il est ramené à 6 % lorsqu’un accord de branche étendu ou
un accord d’entreprise ou d’établissement prévoit des contreparties
en matière de formation professionnelle (C. trav., art. L. 1243-8).
Cette indemnité n’est pas due dans certains cas (C. trav., art.
L. 1243-10).

Également, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice


de congés payés au titre du travail effectivement accompli durant le
contrat, quelle qu’en ait été la durée, si les congés n’ont pas été pris
pendant la durée du contrat (C. trav., art. L. 1242-16).

IV. Les cas de rupture

Le CDD cesse de plein droit à l’échéance du terme précisé lors de la


conclusion du contrat de travail ou à l’issue de sa période de
renouvellement (C. trav., art. L. 1243-5). Le terme du contrat n’est

82
pas reporté en cas de maladie ou d’accident, qu’il soit d’origine
professionnelle ou non (C. trav., art. L. 1243-6).

Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après


l’échéance du terme du CDD, celui-ci devient un CDI. Le salarié
conserve l’ancienneté qu’il avait acquise au terme du CDD. La durée
du CDD est déduite de la période d’essai éventuellement prévue
dans le nouveau contrat de travail (C. trav., art. L. 1243-11).

Le CDD peut être rompu avant son échéance uniquement dans


certains cas, qui sont d’ordre public (C. trav., art. L. 1243-1) :
à l’initiative du salarié qui justifie d’une embauche en contrat à
durée indéterminée. Le salarié est alors tenu de respecter un
préavis (C. trav., art. L. 1243-2) ;
accord conclu entre l’employeur et le salarié ;
force majeure ;
inaptitude constatée par le médecin du travail ;
faute grave de l’employeur ou du salarié.
Le salarié ne peut pas démissionner (Cass. soc., 24 juin 2015,
o
n 14-11.220). De même, il ne peut pas, par avance, accepter la
rupture de son contrat pour une autre cause que celles
susmentionnées.

En dehors de ces situations, une rupture prématurée du contrat peut


être sanctionnée par le versement de dommages et intérêts (C. trav.,
art. L. 1243-3 et L. 1243-4). Par exemple, la rupture du contrat de
travail à durée déterminée pour objet défini est abusive lorsqu’elle
intervient avant la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu, et
ce en dehors des cas de rupture anticipée pour un motif réel et
o
sérieux prévus par les textes (Cass. soc., 4 mars 2020, n 19-

83
10.130). De plus, la Cour de cassation rappelle que l’indemnisation
prévue par le Code du travail en cas de rupture anticipée non
justifiée du CDD par l’employeur, au moins égale aux rémunérations
que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat, est un
minimum : le salarié qui justifie d’un préjudice plus important peut
o
obtenir une indemnisation supérieure (Cass. soc., 3 juill. 2019, n
18-12.306).

§2 Le contrat de travail temporaire

Le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition


temporaire d’un salarié par une entreprise de travail temporaire au
bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission.
Cette relation est tripartite puisque chaque mission donne lieu à la
conclusion d’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de
travail temporaire et le client utilisateur, dit « entreprise utilisatrice »
et d’un « contrat de mission », entre le salarié temporaire et son
employeur, l’entreprise de travail temporaire (C. trav., art. L. 1251-1).

84
Est un entrepreneur de travail temporaire, toute personne physique
ou morale dont l’activité exclusive est de mettre à la disposition
temporaire d’entreprises utilisatrices des salariés qu’en fonction
d’une qualification convenue elle recrute et rémunère à cet effet
(C. trav., art. L. 1251-2).

Toute activité de travail temporaire s’exerçant en dehors d’une telle


entreprise est interdite, sous réserve des dispositions relatives aux
opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif autorisées par
la loi (C. trav., art. L. 1251-3).

85
Il est intéressant de faire état du CDI intérimaire institué par l’accord sur la
sécurisation des parcours professionnels des intérimaires entré en vigueur le
6 mars 2014. Il permet aux entreprises de travail temporaire de proposer un CDI à
un travailleur intérimaire, dont la durée totale de la mission ne peut pas excéder
36 mois. Il ne s’impose à aucune des parties. Il comporte des périodes
d’exécution des missions, que l’intéressé est tenu d’accepter, et des périodes
d’intermission (c’est-à-dire des périodes sans exécution de missions). Les
périodes où le salarié en CDI n’a pas de mission sont assimilées à du temps de
travail effectif pour les droits à congés payés, ainsi que pour l’ancienneté. La loi
pour la liberté de choisir son avenir professionnel pérennise ce contrat, à l’origine
expérimental, en l’intégrant dans le Code du travail (C. trav., art. L. 1251-58-1 à
1251-58-8).

Au-delà des règles applicables aux CDD et qui peuvent être, pour
l’essentiel, transposées à l’intérim (cas de recours, renouvellement,
droits individuels et collectifs, etc.), la relation de travail temporaire
connaît quelques spécificités.

Par exemple, le terme de la mission fixé au contrat initial peut être


avancé ou reporté sous certaines conditions prévues par la loi.
L’avancement ou le report du terme ne peut toutefois avoir pour effet
de réduire la durée de la mission prévue de plus de 10 jours de
travail ou de dépasser la durée maximale du contrat de mission, en
principe de 18 mois (C. trav., art. L. 1251-30).

Pour autre exemple, le contrat de mission peut comporter une


période d’essai dont la durée est fixée par convention ou accord
professionnel de branche étendu ou par convention ou accord
d’entreprise ou d’établissement. À défaut de convention ou d’accord,
cette durée ne peut excéder : deux jours si le contrat est conclu pour
une durée inférieure ou égale à un mois ; trois jours si le contrat est
conclu pour une durée supérieure à un mois et inférieure ou égale à

86
deux mois ; cinq jours si le contrat est conclu pour une durée
supérieure à deux mois (C. trav., art. L. 1251-30).

§3 Le contrat à temps partiel

I. Définition

(C. trav., art. L. 3123-1)


« Est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail
est inférieure :
1° à la durée légale du travail ou, lorsque cette durée est inférieure à la durée
légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou
l’entreprise ou à la durée du travail applicable dans l’établissement ;
2° à la durée mensuelle résultant de l’application, durant cette période, de la durée
légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée
conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail
applicable dans l’établissement ;
3° à la durée de travail annuelle résultant de l’application durant cette période de
la durée légale du travail, soit 1 607 heures, ou, si elle est inférieure, de la durée
du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée
du travail applicable dans l’établissement ».

II. La forme du contrat de travail à temps partiel

Le contrat de travail à temps partiel doit être obligatoirement établi


par écrit (C. trav., art. L. 3123-6). Il peut être à durée déterminée ou
indéterminée et doit comporter certaines mentions obligatoires.
Notamment, le contrat doit viser la rémunération, la qualification
professionnelle, la durée du travail et la répartition de cette durée
entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois.

Ce formalisme est très contrôlé par les juges. En effet, s’il n’est pas
respecté, le contrat est présumé être un contrat de travail à temps

87
plein. Cette présomption demeure néanmoins simple (Cass. soc.,
o
29 janv. 1997, n 94-41.171) et supporte donc la preuve contraire.

Jurisprudence
La Cour de cassation a récemment rappelé dans plusieurs arrêts qu’en
l’absence d’une telle mention, si l’employeur ne rapporte pas la preuve de la durée
exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, le contrat de travail doit être
o
requalifié en contrat de travail à temps plein (Cass. soc., 18 mars 2020, n 18-
o
19.255 ; Cass. soc., 18 mars 2020, n 19-10.628 ; Cass. soc., 18 mars 2020,
o o
n 17-27.452 ; Cass. soc., 18 mars 2020, n 18-12.357).

III. La mise en place du contrat de travail à temps partiel

Le salarié qui en fait la demande peut bénéficier d’une réduction de


son temps de travail sous la forme d’une ou plusieurs périodes d’au
moins une semaine compte tenu des besoins de sa vie personnelle
er
(C. trav., art. L. 3123-2, al. 1 ). Par ailleurs, s’il souhaite occuper ou
reprendre un emploi d’une durée au moins égale à la durée
hebdomadaire minimale de travail ou un emploi à temps complet ou
s’il est à temps complet, s’il souhaite travailler à temps partiel, le
salarié bénéficie d’une priorité pour l’octroi d’un emploi ressortissant
à sa catégorie professionnelle ou équivalent ou, si une convention
ou un accord de branche étendu le prévoit, d’un emploi présentant
des caractéristiques différentes (C. trav., art. L. 3123-3). Qui plus est,
il est permis au salarié de demander le bénéfice d’une réduction de
sa durée du travail pour éduquer son enfant (C. trav., art. L. 1225-
47) ou pour créer ou reprendre une entreprise (C. trav., art. L. 3142-
105).

88
Le temps partiel peut être mis en place par accord d’entreprise ou
d’établissement ; à défaut, il peut l’être par accord de branche
er
étendu (C. trav., art. L. 3123-17, al. 1 ).

À défaut d’accord collectif, le temps partiel peut être pratiqué à


l’initiative de l’employeur, après avis du comité d’entreprise ou, à
défaut, des délégués du personnel (ou du comité social et
économique). S’il n’y a pas d’institutions représentatives du
personnel, les horaires à temps partiel peuvent l’être à la demande
des salariés, après information de l’inspecteur du travail (C. trav., art.
er
L. 3123-26, al. 1 et 2).

Le refus par un salarié d’accomplir un travail à temps partiel ne


constitue ni une faute ni un motif de licenciement (C. trav., art.
L. 3123-4).

IV. Les droits du salarié à temps partiel

Un principe d’égalité de traitement avec les salariés à temps plein


s’impose. Ainsi, le salarié à temps partiel bénéficie des droits
reconnus aux salariés à temps complet par la loi, par la convention
collective, les accords d’entreprise ou d’établissement. Ce faisant,
compte tenu de la durée de son travail et de son ancienneté, il doit
percevoir une rémunération proportionnelle à celle du salarié qui, à
qualification égale, est à temps complet et occupe un emploi
équivalent (C. trav., art. L. 3123-5).

V. La durée du travail

Le salarié à temps partiel bénéficie d’une durée minimale de travail


hebdomadaire (C. trav., art. L. 3123-7). La durée minimale de travail

89
du salarié à temps partiel est fixée par une convention ou un accord
de branche étendu (C. trav., art. L. 3123-19). Lorsqu’elle est
inférieure à vingt-quatre heures par semaine, il détermine les
garanties quant à la mise en œuvre d’horaires réguliers ou
permettant au salarié de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre
une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au
moins égale à vingt-quatre heures. À défaut d’accord, la durée
minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre
heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de
cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un
accord collectif (C. trav., art. L. 3123-27).

La durée de travail prévue dans le contrat de travail peut varier de


plusieurs façons : par l’accomplissement d’heures complémentaires
(C. trav., art. L. 3123-19 et s.), par la mise en œuvre par avenant
d’un complément d’heures (C. trav., art. L. 3123-22) ou par la mise
en place d’un dispositif de temps partiel aménagé.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– J.-F. CESARO, « Le contrat de travail à temps partiel et le contrat
de travail intermittent », JCP S 2013, 1270
– S. TOURNAUX, « De quelques précisions quant au régime de la
requalification en contrat à durée indéterminée », RDT 2016,
p. 477

90
o
Fiche n 7 La période d’essai

L’ESSENTIEL

Souvent, les parties au contrat de travail prévoient une période


d’essai, qui se situe nécessairement au début de l’exécution du
contrat de travail. Le contrat de travail ne devient définitif qu’à l’issue
de cette période. Le Code du travail l’encadre, depuis la loi portant
o
modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 (L. n 2008-596,
25 juin 2008 – JO 25 juin 2008, p. 10224), aux articles L. 1221-19 et
suivants. La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les
compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de
son expérience, et au salarié, d’apprécier si les fonctions occupées
lui conviennent (C. trav., art. L. 1221-20).

LES CONNAISSANCES

Tant le principe de la période d’essai et sa durée (§ 1) que sa rupture


(§ 2) donnent lieu à un encadrement spécifique.

§1 L’existence et la durée de la période d’essai

91
I. L’existence de la période d’essai

Prévoir une période d’essai n’est pas une obligation. L’existence


d’une période d’essai ne se présume d’ailleurs pas (C. trav., art..
L. 1221-23). Toutefois, à l’inverse, elle s’impose si elle est
expressément prévue, dès le début, dans le contrat de travail ou la
lettre d’engagement. Un engagement verbal exclut l’existence d’une
o
période d’essai (Cass. soc., 14 mars 1995, n 91-43.788).

La période d’essai doit être distinguée du stage en entreprise. Elle


doit être distinguée également de l’essai professionnel qui consiste
en une épreuve ou un examen permettant à l’employeur de vérifier
la qualification professionnelle du candidat et son aptitude à occuper
le poste demandé. À la différence de la période d’essai, pendant
l’essai professionnel, le postulant ne se trouve pas dans des
o
conditions normales d’emploi (Cass. soc., 4 janv. 2000, n 97-
41.154). L’employeur n’est donc pas tenu de le rémunérer, d’autant
qu’il est souvent de très courte durée.

La période d’essai doit aussi être distinguée de la période probatoire


qui intervient à l’occasion d’un changement de fonctions, en cas de
successions de contrats ou en cours de contrats. Il s’agit alors d’une
période d’adaptation et non d’une véritable période d’essai.

II. La durée de la période d’essai

A Les durées maximales prévues par la loi


La loi fixe des durées maximales pour les CDI, les CDD et les
situations d’intérim.

• S’agissant des CDI, la durée maximale est de :

92
• S’agissant des CDD, la durée de la période d’essai dépend
de la durée du contrat de travail.

• Dans les cas d’intérim, la durée de la période d’essai


dépend là encore de la durée du contrat.

En principe, par application de l’article L. 1221-22 du Code du


travail, les durées des périodes d’essai fixées par la loi présentent
un caractère impératif, à l’exception de durées plus longues fixées
par les accords de branche conclus avant le 26 juin 2008 (date de

93
o
publication de la loi n 2008-596 du 25 juin 2008 portant
modernisation du marché du travail) ou durées plus courtes fixées
par des accords collectifs conclus après cette date. Par ailleurs, des
durées plus courtes peuvent être fixées dans la lettre d’engagement
ou le contrat de travail.

B Le décompte de la période d’essai


Sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, le
décompte de la période d’essai s’opère de manière calendaire.

Elle débute obligatoirement au commencement de l’exécution du


contrat de travail, sans qu’il soit possible d’en différer le début (Cass.
o
soc., 25 févr. 1997, n 93-44.923). Lorsqu’une période d’essai est
prévue postérieurement au commencement de l’exécution du
contrat, la durée ainsi exécutée est déduite de cette période d’essai
o
(Cass. soc., 28 juin 2000, n 98-45.349).

L’employeur ne peut pas prévoir une période d’essai s’il a déjà pu


tester le salarié antérieurement. Tel est le cas si le salarié a déjà
exercé dans l’entreprise les fonctions pour lesquelles il est engagé
o
au cours d’une mise à disposition (Cass. soc., 13 juin 2012, n 11-
15.283).

La suspension du contrat de travail entraîne une prolongation de la


période d’essai d’une durée équivalente. Parmi les cas de
suspension du contrat de travail donnant lieu à une prolongation de
la période d’essai : arrêt de travail pour maladie (Cass. soc., 26 mai
o
1994, n 90-45318), fermeture pour congés annuels de l’entreprise à
condition que le salarié cesse son activité pendant ce laps de temps

94
o
(Cass. soc., 5 mars 1997, n 94-40.042 ; Cass. soc., 3 juin 1998,
o o
n 96-40.344), congé sans solde (Cass. soc., 23 mai 2007, n 06-
41.338), etc.

Également, lorsqu’un salarié pose des jours de RTT au cours de la


période d’essai, celle-ci doit être prolongée d’autant (Cass. soc.,
o
11 sept. 2019, n 17-21.976).

C Le renouvellement de la période d’essai


La possibilité de renouveler une période d’essai ne se présume pas.
Elle doit être expressément stipulée dans la lettre d’engagement ou
le contrat de travail. De plus, la période d’essai peut être renouvelée
une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe
les conditions et les durées de renouvellement.

La durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas


dépasser :
quatre mois pour les ouvriers et employés ;
six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
et huit mois pour les cadres.
Par principe, ces durées ont un caractère impératif.

Si l’employeur souhaite renouveler la période d’essai, le salarié doit


en être informé avant l’expiration de la première période (Cass. soc.,
o
29 nov. 2000, n 99-40.174). Le salarié doit exprimer son accord
o
exprès (Cass. soc., 11 oct. 2000, n 98-45.170).

D Le terme de la période d’essai

95
Lorsque la période d’essai est concluante, le contrat de travail se
poursuit sans autre formalité.

§2 La rupture de la période d’essai

I. Les motifs et formalités de rupture

Pendant toute la période d’essai, l’employeur et le salarié peuvent


décider de rompre le contrat à tout moment, sans motif, indemnité ni
procédure particulière. Les règles relatives à la résiliation du contrat
de travail ne s’appliquent donc pas.

En effet, l’article L. 1231-1 du Code du travail prévoit que les


dispositions relatives à la rupture du contrat de travail à durée
indéterminée ne sont pas applicables au cours de cette période.

La rupture est donc libre sauf :


si des dispositions conventionnelles en prévoient ;
rupture en lien avec une faute commise par le salarié (il est
nécessaire d’appliquer la procédure disciplinaire) ;
rupture du contrat d’un salarié protégé (l’autorisation de
l’inspection du travail s’impose).
Toutefois, il est conseillé de formaliser la rupture de la période
d’essai par le biais d’une lettre écrite remise en mains propres ou
envoyée en recommandée avec accusé de réception. La rupture
doit, en outre, être explicite.

De plus, la rupture d’une période d’essai ne dispense pas


l’employeur de remettre au salarié les documents obligatoires qui
doivent être fournis lors de toute rupture d’un contrat de travail. Il doit

96
donc lui remettre son solde de tout compte, son certificat de travail
ainsi qu’une attestation Pôle emploi.

Un délai de prévenance est également prévu par la loi. Depuis la loi


o
n 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du
travail, ce délai, fonction de la durée de présence dans l’entreprise,
doit être respecté par l’employeur si la rupture est à son initiative
(C. trav., art. L. 1221-25), et par le salarié, s’il décide de rompre la
période d’essai (C. trav., art. L. 1221-26).

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du


fait de la durée du délai de prévenance. Une telle prolongation ferait
naître un nouveau CDI qui ne pourrait être rompu que par un
o
licenciement (Cass. soc., 5 nov. 2014, n 13-18.114).

Lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son


inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute
grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au
montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il
avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de
prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

97
Le salarié peut également mettre un terme de manière anticipée à
sa période d’essai sous réserve de respecter un délai de préavis de
48 heures voire de 24 heures si sa durée de présence dans
l’entreprise est inférieure à 8 jours.

II. Le moment de la rupture de la période d’essai

La rupture de la période d’essai peut avoir lieu à tout moment, même


si le salarié est absent pour maladie ou congé.

Par contre, l’employeur ne peut mettre fin à la période d’essai quand


le salarié est absent pour cause de maladie professionnelle ou
d’accident du travail. Il doit attendre son retour, sauf en cas de faute
grave ou pour un motif économique.

L’employeur peut également se séparer d’une femme enceinte ou en


congé maternité. Cependant, sa décision ne doit pas être liée à l’état
de la femme. D’une manière générale, l’employeur ne saurait rompre
le contrat de travail pour un motif discriminatoire (C. trav., art.
L. 1132-1 à L. 1132-4).

III. La rupture abusive de la période d’essai

Si la rupture d’une période d’essai est, en principe, libre, certaines


situations sont jugées abusives.

Des circonstances révèlent une attitude fautive du salarié ou de


l’employeur ouvrant droit à des dommages et intérêts. Si la
motivation n’est pas nécessaire, la rupture ne doit pas être entachée
d’un abus.

98
La période d’essai visant notamment à évaluer les compétences du
salarié, toute rupture de cette période pour des motifs étrangers à la
personne même du salarié peut être considérée comme abusive par
o
les tribunaux (Cass. soc., 10 avr. 2013, n 11-24.794).

Également, lorsque la rupture est fondée sur un motif


discriminatoire, la Cour de cassation admet l’application des articles
L. 1132-1 et L. 1132-4 du Code du travail prohibant les mesures
fondées sur une discrimination et les sanctionnant par la nullité. En
cas d’abus, l’auteur de la rupture peut se voir condamné à verser
des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé (Cass.
o
soc. 7 févr. 2012, n 10-27.525). La période d’essai rompue pour un
motif discriminatoire n’ouvre pas droit aux indemnités de rupture du
contrat de travail en application de l’article L. 1231-1 du Code du
travail, et notamment l’indemnité de préavis (Cass. soc. 12 sept.
o
2018, n 16-26.333).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– J.-Y. FROUIN, « La période d’essai après la loi du 25 juin 2008 »,
RJS 2010, 419
– A.-C. CREPLET, J. DIRRINGER, Y. FERKANE, T. TACHS,
E. PESKINE, M. SWEENEY, « Variations sur la période d’essai »,
RDT 2008, 515.

99
TITRE 2
L’EXÉCUTION DE LA RELATION
DE TRAVAIL

100
SOUS-TITRE 1
LES POUVOIRS DE CONTRÔLE
ET DE SANCTION DE L’EMPLOYEUR

o
Fiche n 8 Le pouvoir réglementaire
o
Fiche n 9 Le pouvoir disciplinaire de l’employeur

101
o
Fiche n 8 Le pouvoir réglementaire

L’ESSENTIEL

Le pouvoir réglementaire du chef d’entreprise se traduit par


l’élaboration d’un règlement intérieur. « Acte réglementaire de droit
o
privé » (Cass. soc., 25 sept. 1991 : Bull. civ., V, n 381), il est
obligatoire dans les entreprises de droit privé ou établissements
employant habituellement au moins cinquante salariés (C. trav., art.
L. 1311-2). Cette obligation s’applique au terme d’un délai de douze
mois à compter de la date à laquelle le seuil de cinquante salariés a
été atteint. Sont également soumis à cette obligation les
établissements publics à caractère industriel et commercial. En-deçà
de ce seuil, l’élaboration du règlement intérieur est facultative.
Cependant, si l’employeur décide d’en établir un, il est tenu de
respecter les règles fixées par le Code du travail.

Tous les salariés y sont soumis, peu importent la nature et la durée


de leur contrat de travail, qu’ils soient mis à disposition par une
entreprise extérieure et qu’ils aient été embauchés avant ou après
son entrée en vigueur.

102
LES CONNAISSANCES

Tant le contenu du règlement intérieur (§ 1), que la procédure


d’élaboration (§ 2) et les possibilités de contrôles sont encadrés par
la loi (§ 3).

§1 le contenu du règlement intérieur

I. Les clauses obligatoires

Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur


fixe exclusivement :
les mesures d’application de la réglementation en matière de
santé, de sécurité et de conditions de travail dans
l’entreprise (C. trav., art. L. 1321-1) et les conditions dans
lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la
demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de
travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès
lors qu’elles apparaîtraient compromises ;
les règles générales et permanentes relatives à la discipline,
notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre
l’employeur (C. trav., art. L. 1321-1). Dès lors, une sanction,
même mineure, ne peut être prononcée que si elle est prévue
o
par le règlement intérieur (Cass. soc., 23 mars 2017, n 15-
23.090) Une mise à pied disciplinaire ne sera licite que si le
règlement fixe sa durée maximale (Cass. soc., 26 oct. 2010,
o
n 09-42.740) ;
les dispositions relatives aux droits de la défense des
salariés (C. trav., art. L. 1321-2) ;

103
les dispositions relatives au harcèlement moral, au harcèlement
sexuel et aux agissements sexistes (C. trav., art. L. 1321-2).

II. La clause facultative de « neutralité »

Par application de l’article L. 1321-2-1 du Code du travail, issu de la


loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue
o
social et à la sécurisation des parcours professionnels (L. n 2016-
o
1088, 8 août 2016 – JO n 184, 9 août 2016), le règlement intérieur
peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et
restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces
restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits
fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de
l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.

104
III. Les clauses interdites

Certaines dispositions sont interdites, à l’instar des dispositions


contraires aux lois et règlements ainsi qu’aux stipulations des
conventions et accords collectifs de travail applicables dans
l’entreprise (C. trav., art. L. 1321-3). Également, sont interdites les
dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés
individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas
justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au
but recherché (C. trav., art. L. 1321-3). Le contentieux sur ce terrain
est important. Pour exemples, ne sont pas autorisées les clauses
interdisant les discussions politiques ou religieuses ou toute
conversation entre les salariés étrangers au service (CE, 25 janv.
o
1989, n 64296) ou prévoyant des fouilles systématiques et sans
o
conditions des vestiaires (CE, 12 juin 1987, n 72 388). Enfin, les
dispositions discriminatoires sont interdites (C. trav., art. L. 1321-3,
3°).

105
Le règlement intérieur est souvent l’occasion de prendre position sur
des problématiques d’ouverture des armoires et vestiaires (par ex. :
o
Cass. soc., 11 déc. 2001, n 99-43.030), les contrôles d’alcoolémie
o
dans l’entreprise (Cass. soc., 24 févr. 2004, n 01-47.000 ; CE,
er o
1 février 1980, n 06361), ou encore de restrictions à la liberté de
se vêtir. Sur ce dernier point, le port d’une blouse ne peut ainsi être
imposé que suivant la nature de la tâche à accomplir (Cass. soc.,
o
18 févr. 1998, n 95-43.491).

Dernièrement, il a pu être rappelé que, pour des motifs de santé et


de sécurité, l’employeur peut introduire dans le règlement intérieur
une clause « tolérance zéro alcool » pour une liste de postes

106
identifiés. En outre, il peut établir le caractère proportionné de cette
interdiction par le biais d’un autre document, en l’occurrence le
o
document unique d’évaluation des risques (CE, 8 juill. 2019, n
420434).

Les notes de service, les circulaires et documents d’application de la


réglementation en matière d’hygiène et de sécurité ou fixant des
règles générales et permanentes relatives à la discipline, sont
considérés comme des adjonctions au règlement intérieur (C. trav.,
art. L. 1321-5).

§2 L’élaboration et le contrôle

Le règlement intérieur est élaboré par l’employeur. Il est toutefois


soumis à certaines formalités préalablement à son entrée en vigueur
et fait l’objet d’un contrôle administratif.

I. La procédure d’élaboration du règlement intérieur

Ce document, rédigé en français, doit être soumis pour avis au


comité social et économique (C. trav., art. L. 1321-4). La procédure
de consultation est une formation substantielle et donc, est
obligatoire pour la régularité de la procédure (Cass. soc., 4 juin
o
1969, n 68-40.377).

107
Toutefois, les modifications apportées par l’employeur au règlement
intérieur initial de l’entreprise et résultant uniquement d’injonctions de l’inspection
du travail ne sont pas soumises à une nouvelle consultation des institutions
représentatives du personnel. Autrement dit, si la modification résulte de la volonté
exclusive de l’employeur, il est tenu de consulter les IRP sous peine de voir le
règlement intérieur inopposable aux salariés. Par contre, si la modification du
règlement intérieur est imposée uniquement par l’inspection du travail, l’employeur
est exonéré de demander à nouveau l’avis des IRP (Cass. soc., 26 juin 2019,
o
n 18-11.230).

Il fait aussi l’objet de mesures de publicité. Ainsi, le règlement


intérieur doit être déposé en double exemplaire au secrétariat-greffe
du Conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé
l’établissement ou l’entreprise et, est porté, par tout moyen, à la
connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux
locaux où se fait l’embauche.

De plus, il est transmis à l’inspecteur du travail en double


exemplaire, accompagné de l’avis des représentants du personnel
(C. trav., art. L. 1321-4).

La Cour de cassation insiste sur ce devoir de publicité sous peine


er o
d’inopposabilité (Cass. soc., 1 juill. 2020, n 18-24.556).

La date d’application est fixée dans le règlement intérieur. Elle doit


intervenir au plus tôt un mois après les formalités de dépôt et de
publicité.

En l’absence de respect de ces formalités, le règlement intérieur est


o
inopposable aux salariés (Cass. soc., 28 mars 2000, n 97-43.411).

108
Il est à noter que les mêmes formalités doivent être accomplies en
cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur.

II. Le contrôle du règlement intérieur

A Le contrôle administratif
L’inspecteur du travail opère une vérification du contenu du
règlement intérieur. Il procède au contrôle de la légalité du règlement
et vérifie le respect de la procédure. Il peut exiger le retrait ou la
modification de certaines clauses (C. trav., art. L. 1322-1).

La décision de l’inspecteur du travail est motivée. Elle est notifiée à


l’employeur et communiquée, pour information, aux membres du
comité social et économique (C. trav., art. L. 1322-2).

Il importe de noter que ce pouvoir de contrôle est permanent. Il peut


donc intervenir au moment de l’élaboration du règlement intérieur, ou
de sa modification, mais également à tout moment, lors de sa visite
de l’entreprise.

La décision de l’inspecteur du travail peut faire l’objet d’un recours


hiérarchique, dans des conditions déterminées par voie
réglementaire (C. trav., art. L. 1322-3). Notamment, le recours
auprès de la Direction Régionale des Entreprises, de la
Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi
(DIRECCTE) peut être formé à l’encontre de la décision de
l’inspection du travail soit par l’employeur, soit par les salariés ou
leurs représentants. Il doit être introduit dans un délai de deux mois
à compter de la notification de cette décision. Un recours
contentieux devant le tribunal administratif peut être formé à

109
l’encontre des décisions administratives dans un délai de deux mois
après leur notification.

La décision prise sur ce recours est notifiée à l’employeur et


communiquée, pour information, aux membres du comité social et
économique (C. trav., art. L. 1322-3).

Un nouveau type de rescrit permet désormais à chaque employeur


d’interroger l’inspection du travail sur la conformité de son règlement intérieur au
Code du travail.

Selon l’article L. 1322-1-1 du Code du travail, l’inspecteur du travail se prononce


de manière explicite sur toute demande d’appréciation de la conformité de tout ou
partie d’un règlement intérieur formulée par un employeur. Cette demande n’est
toutefois pas recevable dès lors que l’autorité administrative s’est déjà prononcée
par une décision expresse.

La décision prend effet dans le périmètre d’application du règlement intérieur


concerné et est opposable pour l’avenir à l’autorité administrative tant que la
situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la
situation a été appréciée n’ont pas été modifiées ou jusqu’à ce que l’inspecteur du
travail notifie au demandeur une modification de son appréciation.

Cette décision de l’inspecteur du travail est motivée. Elle est notifiée à l’employeur
et communiquée, pour information, aux membres du comité social et économique.
Elle peut faire l’objet d’un recours hiérarchique.

La décision prise sur ce recours est notifiée à l’employeur et communiquée, pour


information, aux membres du comité social et économique.

B Le contrôle judiciaire
Un contrôle par le juge judiciaire peut aussi être opéré (Cass. soc.,
o
16 déc. 1992, n 90-14.337). En effet, le Conseil des prud’hommes a
compétence pour statuer à l’occasion de litiges individuels sur
l’application d’une clause du règlement. À l’occasion d’un litige

110
opposant le salarié à l’employeur et mettant en cause une
disposition du règlement intérieur, le juge prud’homal vérifie la
conformité de la clause aux dispositions légales. Il contrôle
également le caractère justifié et proportionné des éventuelles
restrictions apportées aux droits des personnes et aux libertés, ainsi
que l’absence de caractère discriminatoire.

Parfois, le juge pénal sera amené à apprécier la validité du


règlement intérieur (en cas de délit d’entrave par exemple). Dans
d’autres cas encore, le président du tribunal de grande instance peut
être saisi en référé aux fins d’ordonner la suspension de l’exécution
de dispositions du règlement intérieur.

III. Les sanctions

L’employeur peut être condamné à une contravention de 750 euros


e
(contravention de 4 classe) en cas d’absence de règlement intérieur
malgré l’effectif atteint, en cas de non-respect des règles de
procédure d’élaboration ou les formalités de dépôt ou de publicité,
ou encore en cas de maintien d’une clause déclarée illégale par
l’inspecteur du travail.

POUR ALLER PLUS LOIN…

– Y. PAGNERRE, « Contrôle de la consommation d’alcool et de


stupéfiants par les salariés », RJS 2017, p. 193
– S. ROBIN-OLIVIER, « Neutraliser la religion dans l’entreprise ? »,
RTD eur. 2017, p. 229
– J. MOULY, « La CJUE et le voile dans l’entreprise privée : le recul
de la protection contre les discriminations », D. 2017, p. 947

111
o
Fiche n 9 Le pouvoir disciplinaire
de l’employeur

L’ESSENTIEL

Le pouvoir disciplinaire de l’employeur trouve sa source dans le


contrat de travail. Il découle du lien de subordination, caractérisé par
l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir
de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et
de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au
sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de
subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les
conditions d’exécution du travail (Cass. soc., 13 nov. 1996).

L’exercice du pouvoir disciplinaire suppose une faute disciplinaire et


une sanction disciplinaire. Le Code du travail précise également la
procédure à respecter par l’employeur, ainsi que les pouvoirs du
juge pour contrôler l’exercice de ce pouvoir.

LES CONNAISSANCES

112
Le pouvoir disciplinaire est inhérent à la qualité de chef d’entreprise
o
(Cass. soc., 16 oct. 1980, n 79-13.894). Il doit être exercé dans
l’intérêt du bon fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc., 15 déc.
1961, D, 1962, 306). Il suppose l’existence d’une faute disciplinaire
justifiant le prononcé d’une sanction (§ 1), sous réserve de certaines
conditions procédurales (§ 2).

§1 La faute disciplinaire et la sanction disciplinaire

I. La faute disciplinaire

Constitue une faute disciplinaire, le manquement par le salarié aux


obligations qui découlent de son contrat de travail ou des relations
de travail. Il s’agit d’un acte d’insubordination qui peut revêtir deux
aspects. Il peut s’agir de la violation d’une règle collective de
discipline. Le salarié méconnaît les règles de conduite communes
aux membres d’une collectivité, règles qui sont destinées à y faire
régner le bon ordre. Il peut s’agir également d’une mauvaise
exécution volontaire par le salarié de ses obligations contractuelles.
Il s’agit de la violation d’une instruction donnée individuellement au
salarié.
Le comportement fautif du salarié peut se manifester par un acte
positif ou une abstention de nature volontaire. Il ne saurait être
question d’infliger une sanction disciplinaire à titre préventif (Cass.
o
soc., 21 mars 2000, n 98-40.130).

La faute doit être distinguée de l’insuffisance professionnelle. Dans


ce cas, le salarié fait preuve d’incompétence et ne sait pas exécuter
la tâche pour laquelle il a été embauché. Il n’y a toutefois pas de
volonté délibérée de mal exécuter sa prestation de travail.

113
Il appartient à l’employeur de qualifier le comportement fautif afin
d’appliquer la sanction adéquate. Le fait de sanctionner
différemment des salariés est, en soi, possible dès lors qu’aucun
détournement de pouvoir ni discrimination ne peuvent être relevés
o
(Cass. soc., 6 juin 2012, n 10-28.199).

II. La sanction disciplinaire

(C. trav., art. L. 1331-1)


Par application de l’article L. 1331-1 du Code du travail :
« Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise
par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur
comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la
présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa
rémunération ».

La nature et l’échelle des sanctions doivent apparaître dans le


règlement intérieur de l’entreprise.

Une observation verbale ne saurait constituer une sanction. De


o
même, un simple rappel à l’ordre (Cass. soc., 22 janv. 1991, n 87-
42.844) ou une simple lettre de recadrage ne constituent pas des
sanctions.

À l’inverse, constituent des sanctions le blâme, l’avertissement, la


mutation disciplinaire, la rétrogradation ou encore le licenciement
pour faute. La mise à pied disciplinaire est également une sanction,
qui doit être prévue dans le règlement intérieur tant dans son
o
principe que dans sa durée (Cass. soc., 7 janv. 2015, n 13-15.630).

114
Par contre, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont
interdites (C. trav., art. L. 1331-2). S’agissant d’une interdiction
générale d’ordre public, toute disposition contraire est réputée non
o
écrite (Cass. soc., 20 oct. 2010, n 09-42.896). Le fait d’infliger une
amende ou une sanction pécuniaire est passible de sanctions
pénales (C. trav., art. L. 1334-1). À l’inverse, la perte ou la baisse
d’un élément de rémunération n’est pas une sanction pécuniaire
illicite lorsqu’elle découle d’une sanction disciplinaire licite (mise à
pied par exemple). Dans ce cas, les conséquences pécuniaires sont,
en effet, indirectes. De même, l’employeur peut, en principe,
subordonner l’attribution d’une prime à des conditions d’assiduité ou
o
de rendement (Cass. soc., 10 juin 1992, n 88-44.717, Bull. civ. V,
o
n 376).
De la même manière, les sanctions discriminatoires sont interdites,
sous peine de nullité (C. trav., art. L. 1132-1).

Enfin, par application du principe non bis in idem, un employeur ne


peut sanctionner deux fois les mêmes faits fautifs (Cass. soc.,
o
12 mars 1981, n 79-41.110).

§2 La procédure disciplinaire

I. Les étapes de la procédure

La loi assure une garantie au salarié faisant l’objet d’une sanction,


en imposant à l’employeur le respect d’une procédure disciplinaire
qui se déroule en deux étapes. La procédure disciplinaire légale
n’exclut toutefois pas la mise en œuvre d’une procédure
conventionnelle qui accorderait au salarié des garanties

115
supplémentaires (audition par un conseil de discipline : Cass. soc.,
o
16 sept. 2008, n 07-41.532).

En toute hypothèse, quelle que soit la sanction prise, la décision


prise par l’employeur doit être motivée et notifiée par écrit. Aucune
sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci
soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus
contre lui (C. trav., art. L. 1332-1).

S’agissant des sanctions mineures, à savoir « un avertissement ou


une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou
non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la
rémunération du salarié », l’employeur informe par écrit le salarié
des griefs retenus contre lui lorsqu’il lui notifie cette mesure. Il s’agit
de la seule formalité à accomplir lorsque la sanction est mineure
sauf si, au regard du règlement intérieur, cet avertissement est
susceptible d’avoir une influence sur le maintien du salarié dans
l’entreprise. En ce cas, la procédure prévue pour les autres
sanctions s’applique.

En l’occurrence, s’agissant des autres sanctions, l’employeur doit


convoquer le salarié à un entretien préalable en lui précisant l’objet
de la convocation (C. trav., art. L. 1332-2). La procédure est donc
renforcée. Lors de l’audition, le salarié peut se faire assister par une
personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Au
cours de l’entretien, l’employeur lui indique le motif de la sanction
envisagée et recueille ses explications. Un employeur qui envisage
de notifier un simple avertissement au salarié et qui choisit de le
convoquer selon les modalités fixées pour les sanctions plus
lourdes, est tenu d’en respecter tous les termes, et notamment le

116
délai maximal d’un mois entre l’entretien préalable et la notification
o
de la sanction (Cass. soc., 9 oct. 2019, n 18-15.029).

II. Les délais à respecter

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de


poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter
du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait
donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales
(C. trav., art. 1332-4). Un fait fautif dont l’employeur a eu
connaissance plus de deux mois avant l’engagement des poursuites
peut toutefois être pris en compte lorsque le même comportement
er
s’est poursuivi ou répété dans ce délai (Cass. soc., 1 avr. 2003,
o
n 01-40.507). En l’absence de poursuites pénales, l’engagement de
poursuites disciplinaires suppose la convocation à l’entretien
préalable, pour les sanctions concernées, sauf dispositions
o
conventionnelles contraires (Cass. soc., 18 janv. 2011, n 09-
43.079). Pour les sanctions mineures, il s’agit du jour de la
notification de la sanction. Lorsqu’une mise à pied conservatoire a
été prononcée, le jour du prononcé de celle-ci marque l’engagement
o
des poursuites (Cass. soc., 15 avr. 1996, n 93-40.113).

Par ailleurs, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à


l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à
l’appui d’une nouvelle sanction (C. trav., art. L. 1332-5).

Enfin, la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables,


ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée
et notifiée à l’intéressé (C. trav., art. L. 1332-3).

117
Jurisprudence
Les juges précisent toutefois que ce délai d’un mois peut être dépassé lorsque
l’employeur est conduit, en vertu de règles statutaires ou conventionnelles, à
recueillir l’avis d’un organisme disciplinaire dès lors qu’avant l’expiration de ce
délai, le salarié a été informé de la décision de l’employeur de saisir cet organisme
o
(Cass. soc., 26 juin 2019, n 17-31.328).

§3 Le contrôle judiciaire

En cas de litige, le juge judiciaire apprécie la régularité de la


procédure suivie. L’irrégularité formelle peut ainsi justifier l’annulation
o
de la sanction (Cass. soc., 21 mars 1991, n 89-40.411).

Il apprécie aussi si les faits reprochés au salarié sont de nature à


justifier une sanction et si cette sanction est proportionnée à la faute
commise. L’employeur apporte la preuve des éléments retenus pour
prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont

118
fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le Conseil de
prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de
besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un
doute subsiste, il profite au salarié (C. trav., art. L. 1333-1).

Le juge est libre de retenir ou non l’existence d’une faute. Il n’est pas
lié par la sanction retenue par l’employeur.

Le Conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en


la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise
(C. trav., art. L. 1333-2).

Pour aller plus loin…


– DAVID et P. LOKIEC, « L’architecture du droit disciplinaire », RJS
2015, p. 211
– F. BOUSEZ, « La sanction disciplinaire », La sanction en droit du
travail, éd. Panthéon Assas, 2012, p. 73
– R. de QUENAUDON, « L’exercice du pouvoir disciplinaire dans
l’entreprise et l’écoulement du temps », Dr. soc. 1984, p. 173

119
SOUS-TITRE 2
LES ÉVÉNEMENTS QUI AFFECTENT
LA RELATION DE TRAVAIL

o
Fiche n 10 La maladie de droit commun
o
Fiche n 11 L’inaptitude médicale
o
Fiche n 12 La maternité
o
Fiche n 13 Le transfert d’entreprise
o
Fiche n 14 La modification du contrat de travail
et des conditions de travail

120
o
Fiche n 10 La maladie de droit commun

L’ESSENTIEL

La maladie est un processus d’altération de la santé physique ou


mentale d’un salarié, qui se distingue de l’accident (qui suppose un
événement soudain). La maladie peut être d’origine professionnelle :
en ce cas, des règles particulières s’appliquent. La maladie perturbe
l’exécution du contrat de travail, puisque le salarié malade est dans
l’impossibilité d’accomplir les tâches pour lesquelles il a été
embauché. Pour autant, le contrat de travail du salarié n’est pas
rompu.

LES CONNAISSANCES

L’arrêt de travail causé par la maladie d’un salarié constitue une


période de « suspension » du contrat de travail soumise à conditions
et qui produit certaines conséquences (§ 1). En outre, les juges sont
venus encadrer et limiter la possibilité pour l’employeur de rompre le
contrat pendant cette période (§ 2).

§1 La suspension du contrat de travail

121
I. Les conditions de la suspension

Le salarié malade, qui se voit prescrire un arrêt de travail par son


médecin traitant, doit prévenir l’employeur et justifier des raisons de
son absence. Sauf disposition conventionnelle contraire,
l’information peut théoriquement s’effectuer autant par oral que par
écrit. Toutefois, le salarié doit, en toute hypothèse, adresser le
certificat médical initial et ses éventuelles prolongations.

Le Code du travail ne prévoit pas de délai pour l’envoi du certificat


médical d’arrêt de travail, lequel doit toutefois intervenir dans des
délais « raisonnables ». Souvent, le délai est fixé à 48 heures par les
conventions collectives ou les usages (ce délai apparaît d’ailleurs
indirectement dans l’article L. 1226-1 du Code du travail).

L’information et la justification de la maladie ne sont pas des


conditions de la suspension. Celle-ci court à la date du début de
l’arrêt de travail prescrit.

Le défaut d’information et de justification par le salarié de son


absence ne peut être analysé en une rupture imputable à ce dernier
o
(Cass. soc., 7 avr. 1999, n 97-40.689). L’employeur ne peut donc
invoquer une démission du salarié même s’il est sans nouvelles du
salarié. La solution est logique. Selon une jurisprudence constante,
la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d’une
volonté claire et sans équivoque du salarié de mettre fin au contrat
o
de travail (Cass. soc., 9 mai 2007, n 05-40.315 ; Cass. soc., 20 nov.
o
2013, n 12-23.107).

Pour autant, l’omission de l’envoi du certificat médical ou l’absence


d’information de l’employeur peut parfois, mais de façon

122
exceptionnelle, conduire à la rupture du contrat. Il en est ainsi
lorsque le salarié n’a pas envoyé de certificat de prolongation d’arrêt
o
de travail durant trois mois (Cass. soc., 9 nov. 2004, n 02-42.495)
par exemple. Le salarié se soustrait en effet volontairement à toute
explication. Il en est de même lorsque l’employeur lui a envoyé
plusieurs lettres de mise en demeure, restées vaines (Cass. soc.,
o
25 févr. 2009, n 07-41.483).

II. Les conséquences de la suspension

A La dispense de travail
Le salarié n’a pas l’obligation de se tenir à la disposition de
o
l’employeur (Cass. soc., 16 juill. 1987, Bull. civ. 1987, V, n 521). Si
le salarié tombe malade au cours de la période d’essai, le salarié ne
doit pas non plus effectuer sa prestation de travail. En ce cas, la
durée de l’essai est d’ailleurs prolongée d’une durée égale à celle de
l’absence pour maladie.

Le salarié est dispensé d’activité. Une entreprise ne peut donc


sanctionner un salarié qui rend impossible tout contact avec ses
collègues pendant son arrêt maladie et refuse de délivrer, en tant
que de besoin, des informations à son remplaçant (Cass. soc.,
o
15 juin 1999, n 96-44.772). Toutefois, le salarié doit restituer à
l’employeur, qui en formulerait la demande, le matériel qu’il détient
o
(Cass. soc., 6 févr. 2001, n 98-46.345) ou les informations
nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise tel qu’un mot
o
de passe informatique (Cass. soc., 18 mars 2003, n 01-41.343). De
plus, la Cour de cassation affirme la possibilité qu’a l’employeur
d’accéder aux contenus de l’ordinateur qu’il met à disposition du

123
salarié même lorsque ce dernier se trouve en arrêt maladie (Cass.
o
soc., 3 avr. 2019, n 17-20.953).

Au-delà des obligations du salarié vis-à-vis des organismes de


sécurité sociale, le salarié reste tenu de certaines obligations, et
notamment d’une obligation de loyauté envers son employeur
pendant la suspension du contrat de travail.

Par principe, le salarié est astreint au repos et est donc censé


n’exercer aucune autre activité professionnelle. La méconnaissance
de cette interdiction est constitutive d’un comportement fautif
o
justifiant une sanction (Cass. soc., 12 janv. 2005, n 02-46.002). Les
juges apprécient les situations au cas par cas. Une aide
occasionnelle apportée dans le cadre de l’entraide domestique
pendant un arrêt de travail, ne constitue pas une faute grave de
nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise
pendant la durée du préavis (Cass. soc., 8 avr. 1992, Bull. civ. V,
o
n 257). L’activité bénévole du salarié pendant la maladie n’implique
o
aucun acte de déloyauté (Cass. soc., 18 juin 2008, n 07-42.161).
De même, l’exercice d’une activité, pour le compte d’une société non
concurrente de celle de l’employeur, pendant un arrêt de travail
provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un
manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée
de cet arrêt. Dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l’acte
commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit
causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise (Cass. soc.,
o
26 févr. 2020, n 18-10.017).
Seules les activités du salarié pendant la période de suspension du
contrat de travail constitutives d’un acte de déloyauté peuvent
justifier son licenciement. Il en est ainsi lorsque le salarié accomplit

124
des actes de concurrence et exerce une activité incompatible avec
o
l’état de santé déclaré (Cass. soc., 21 oct. 2003, n 01-43.943). Tel
est le cas aussi lorsque le salarié profite de son arrêt de travail pour
effectuer une visite dans l’entreprise et y tenir des propos insultants
o
et injurieux (Cass. soc., 29 oct. 2008, RJS 2009, n 31).

Par contre, l’employeur ne peut pas se prévaloir des manquements


du salarié malade aux règles imposées par la sécurité sociale,
notamment l’absence de l’intéressé à son domicile en dehors des
o
heures de sortie autorisées (Cass. soc., 27 juin 2000, n 98-40.952)
o
ou son départ en vacances (Cass. soc., 16 juin 1998, n 96-41.558).
De plus, le simple fait de travailler pendant un arrêt maladie pour
une entreprise non concurrente ne constitue pas en lui-même un
manquement du salarié à son obligation de loyauté. Pour pouvoir
justifier un licenciement disciplinaire, encore faut-il, pour l’employeur,
démontrer l’existence d’un préjudice, lequel ne peut résulter du seul
versement d’un complément de salaire pendant l’arrêt de travail
o
(Cass. soc., 26 févr. 2020, n 18-10.017).

B Le maintien du salaire
Pendant son arrêt de travail, le salarié bénéficie, sous certaines
conditions, d’indemnités journalières versées par le régime général
de sécurité sociale et d’un complément de salaire lui assurant tout
ou partie de sa rémunération (CSS, art. L. 321-1), sous réserve de
dispositions conventionnelles plus favorables (Cass. soc.,
o
23 mai 2013, n 12-15.371).

125
Covid-19

Durant la crise sanitaire, le régime juridique des indemnités journalières et de


l’indemnité complémentaire légale avait été adapté en cas d’arrêt de travail
o o
(Ord. n 2020-428, 15 avr. 2020 ; D n 2020-434, 16 avr. 2020 ; D. 2020-459,
21 avr. 2020). Pour l’essentiel, le versement de ces indemnités était assoupli :
dans les deux cas, aucun délai de carence n’est applicable pour leur attribution.
o
Par ailleurs, aux termes d’un décret du 11 mai 2020 (D. n 2020-549,
11 mai 2020), temporairement (du 13 au 31 mai 2020), le médecin du travail est
autorisé à prescrire des arrêts de travail pour les personnes sujettes aux mesures
d’isolement, à l’exclusion de celles gardant leurs enfants.

L’article L. 1226-1 du Code du travail prévoit l’indemnisation du


salarié malade par son employeur, sachant que ces dispositions
s’appliquent à défaut de dispositions conventionnelles prévoyant une
indemnisation plus favorable et viennent compléter les indemnités
versées par la sécurité sociale.

Cette obligation légale concerne tous les salariés à l’exception


toutefois des travailleurs à domicile, des travailleurs saisonniers, des
salariés temporaires et des travailleurs intermittents (C. trav., art.
L. 1226-1).

Sa mise en œuvre est subordonnée au respect de quatre conditions


cumulatives :
une justification dans les quarante-huit heures de l’incapacité
par l’envoi d’un certificat médical à l’employeur ;
une prise en charge par la sécurité sociale ;
une obligation de recevoir des soins, soit en France, soit dans le
cadre de l’Union européenne ;

126
une ancienneté dans l’entreprise d’un an au moins, sachant que
celle-ci est appréciée au premier jour de l’absence du salarié et
non à partir du premier jour d’absence indemnisé (C. trav., art.
D. 1226-8).
L’employeur doit verser les indemnités complémentaires au-delà du
e
7 jour d’absence liée à la maladie (les indemnités journalières de
e
sécurité sociale sont versées à compter du 4 jour d’absence). La
durée d’indemnisation du salarié malade varie selon l’ancienneté du
salarié et la durée de son absence.

La faculté de faire procéder à une contre-visite médicale résulte de


ce texte. Ce droit est également prévu par un certain nombre de
conventions collectives. C’est l’acte médical par lequel un médecin
mandaté par l’employeur réalise un diagnostic pour vérifier la réalité
de l’arrêt de travail d’un salarié, consécutif à maladie ou accident. Ce
contrôle est possible dès le premier jour d’absence (Cass. soc.,
o
13 juin 2012, n 11-12.152).

III. La reprise du travail

Le salarié doit, au terme de sa maladie, reprendre le travail sauf à


prolonger officiellement son absence. La suspension du contrat de
travail prend fin à la date d’expiration de l’arrêt de travail lorsque le
salarié n’a pas à se soumettre à une visite médicale de reprise. Tout
salarié doit passer un examen de reprise de travail au terme d’un
arrêt de travail lié à un arrêt maladie ou un accident d’origine non
professionnel d’au moins 60 jours. La visite doit avoir lieu, à
l’initiative de l’employeur, au plus tard dans les 8 jours qui suivent la
o
reprise du travail (Cass. soc., 26 juin 1986, Bull. civ. V, n 345). Il est
aussi admis que le salarié puisse solliciter l’organisation de la visite

127
o
de reprise auprès de l’employeur (Cass. soc., 12 nov. 1997, n 95-
40.632) ou directement auprès du médecin du travail si l’employeur
o
en est informé (Cass. soc., 26 janv. 2011, n 09-68.544).

L’examen de reprise du travail a pour objet de vérifier si le poste de


travail est compatible avec l’état de santé, d’examiner les
propositions d’aménagement, d’adaptation du poste ou de
reclassement formulées par l’employeur à la suite des
préconisations émises par le médecin du travail, de préconiser
l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement, d’émettre,
si nécessaire, un avis d’inaptitude (C. trav., art. R. 4624-32).

L’examen de reprise est obligatoire. Il se déroule pendant les heures


de travail. L’absence est rémunérée dans les conditions habituelles.
Si l’examen de reprise du travail ne peut pas avoir lieu pendant les
heures de travail, le temps nécessaire aux examens médicaux est
rémunéré comme du temps de travail effectif.

En cas d’arrêt de travail de plus de 30 jours, une visite de pré reprise est
organisée par le médecin du travail, à l’initiative du médecin traitant, du médecin
conseil de la sécurité sociale ou du salarié. Cette visite a pour objet de faciliter la
recherche des mesures nécessaires au maintien dans l’emploi.

§2 La rupture du contrat de travail

I. L’interdiction des discriminations fondées sur l’état


de santé

Par application de l’article L. 1132-1 du Code du travail, aucun


salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de

128
santé. Toute disposition ou tout acte contraire à l’égard d’un salarié
est, en vertu de la loi, nul de plein droit (Cass. soc., 11 mars 2009,
o
n 07-41.636) y compris pendant la période d’essai (Cass. soc.,
o
16 févr. 2005, n 02-43.402).

II. Les absences prolongées ou répétées

Le licenciement d’un salarié en situation d’absence prolongée ou


d’absence répétée est possible si l’employeur apporte la preuve de
perturbations au bon fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc.
o o
7 févr. 1991, n 89-40.389 ; Cass. soc. 5 oct. 1999, n 97-42.882).
Pour apprécier la désorganisation, les juges opèrent une
appréciation in concreto à partir de différents critères tenant au
salarié (emploi occupé, qualification), à l’entreprise (taille, activité,
organisation) et à la durée de l’absence.
Toutefois, lorsque l’absence prolongée du salarié pour cause de
maladie résulte d’un manquement de l’employeur à l’obligation de
sécurité, ses conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise ne
peuvent être invoquées pour justifier un licenciement (Cass. soc.,
o
13 mars 2013, n 11-22.082).

Au-delà, il est nécessaire d’apporter la preuve de la nécessité de


procéder au remplacement définitif du salarié. Ce remplacement doit
s’effectuer par le biais d’un contrat de travail à durée indéterminée
o
(Cass. soc., 20 févr. 2008, n 06-46.233) à l’exclusion d’un contrat
o
de travail à durée déterminée (Cass. soc., 2 mars 2005, n 03-
o
42.800 ; Cass. soc., 7 avr. 2009, n 08-40.073), d’un travailleur
temporaire ou d’un stagiaire (Cass. soc., 19 oct. 1994, Bull. civ.
o
1994, V n 280), d’un remplacement en interne sauf si ce glissement
interne se traduit par une embauche en contrat à durée indéterminée

129
o
d’un nouveau salarié (Cass. soc., 26 sept. 2007, n 06-43.029). De
plus, la durée du temps de travail du remplaçant doit correspondre à
o
celle du salarié remplacé (Cass. soc., 6 févr. 2008, n 06-44.389).
Également, le délai de remplacement doit nécessairement être
raisonnable compte tenu de l’entreprise, du poste et des démarches
o
entreprises par l’employeur (Cass. soc., 10 nov. 2004, n 02-45.156).
Enfin, c’est au jour de la prise de décision de l’employeur de rompre
le contrat de travail du salarié malade qu’il convient de se placer
pour apprécier la présence des critères devant présider au
o
remplacement du salarié absent (Cass. soc., 6 févr. 2008, n 07-
40.065).

En toute hypothèse, le licenciement du salarié dont le remplacement


n’est pas justifié est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc.,
o
18 déc. 2001, n 99-43.632).
À noter que certaines conventions collectives comportent des
clauses de « garantie d’emploi » interdisant à l’employeur de
licencier le salarié malade pendant une période donnée même si son
absence perturbe l’entreprise. Le licenciement prononcé en violation
o
d’une telle garantie est abusif (Cass. soc., 18 nov. 1997, n 95-
43.395).

POUR ALLER PLUS LOIN…

S. BOURGEOT et P.-Y. VERKINDT, « La maladie du salarié au


prisme de la vie personnelle et de la vie professionnelle », Dr.
soc. 2010, p. 56
S. FANTONI, F. HEAS et P.-Y. VERKINDT, « La santé au travail
après la loi du 8 août 2016 », Dr. soc. 2016, p. 921.

130
o
Fiche n 11 L’inaptitude médicale

L’ESSENTIEL

L’inaptitude médicale au travail est une incapacité (physique ou


mentale) à occuper son emploi. Elle ne peut être constatée que par
le médecin du travail. L’inaptitude peut être professionnelle,
lorsqu’elle est consécutive à un accident du travail ou une maladie
professionnelle, ou non professionnelle.

Le Code du travail insiste sur les mesures de prévention de


l’inaptitude : le médecin du travail peut tenir compte de l’âge ou à
l’état de santé physique et mental du travailleur pour proposer à ce
dernier des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou
de transformation du poste de travail ou des mesures
d’aménagement du temps de travail. Ces propositions sont faites par
écrit et après échange avec le salarié et l’employeur (C. trav., art.
L. 4624-5). Pour autant, dans certaines situations, l’inaptitude
médicale sera constatée.

LES CONNAISSANCES

131
Dès lors qu’elle est constatée (§ 1), l’inaptitude donne lieu à une
obligation de reclassement à la charge de l’employeur (§ 2), voire à
une rupture du contrat de travail (§ 3).

§1 La constatation de l’inaptitude médicale

L’inaptitude médicale est prononcée par le médecin du travail


lorsque l’état de santé du salarié est devenu incompatible avec le
poste qu’il occupe. Cette inaptitude peut être constatée à l’occasion
d’un examen médical ou visite (examen médical d’aptitude à
l’embauche réservée aux emplois à risques, visite de suivi individuel
renforcé, examen de reprise ou encore visite sollicitée par le salarié,
l’employeur ou le médecin du travail).

Le monopole du médecin du travail pour le constat de l’inaptitude est


o
réaffirmé avec constance (Cass. soc., 18 sept. 2019, n 17-22.863).

Un avis d’inaptitude est alors rendu par le médecin du travail. Ce


dernier doit toutefois respecter certaines étapes (C. trav., art.
R. 4624-42) :
Il doit réaliser au moins un examen médical, pour permettre
d’échanger sur des mesures d’aménagement, d’adaptation ou
de transformation du poste de travail (C. trav., art. L. 4624-5) ;
Il doit réaliser ou faire réaliser une étude de poste (C. trav., art.
L. 4624-4) ;
Il doit réaliser ou faire réaliser une étude des conditions de
travail dans l’établissement et indiquer la date à laquelle la fiche
d’entreprise a été actualisée ;
Il est tenu d’échanger avec l’employeur, par tout moyen, pour
recueillir ses observations.

132
Le médecin du travail peut solliciter également des examens
complémentaires et demander la réalisation d’un deuxième examen
médical, au plus tard 15 jours après le premier examen.

Avant d’émettre son avis, le médecin du travail peut consulter le


médecin inspecteur du travail.

À noter également que, les motifs de l’avis du médecin du travail


sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du
travailleur.

L’inaptitude sera déclarée si le médecin du travail constate


qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de
transformation du poste de travail occupé n’est possible, et que l’état
de santé justifie un changement de poste (C. trav., art. L. 4624-4).

L’avis est transmis au salarié. Il comporte des conclusions écrites et


des indications relatives au reclassement du salarié (C. trav., art.
L. 4624-4). Les motifs de l’avis du médecin du travail sont consignés
dans le dossier médical en santé au travail du salarié. Le médecin
du travail peut mentionner dans l’avis d’inaptitude que tout maintien
du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé
ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement
dans un emploi (dans ce cas, l’employeur peut procéder au
licenciement du salarié sans rechercher un reclassement).

L’employeur doit prendre en compte l’avis et les indications ou


propositions du médecin du travail. À défaut, il doit adresser au
médecin du travail et au salarié par écrit les raisons de son
opposition (C. trav., art. L. 4624-7).

133
La décision du médecin du travail peut être contestée par le salarié
ou par l’employeur devant le Conseil de prud’hommes dans un délai
de 15 jours suivant la notification de l’avis d’inaptitude. Le Conseil de
prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin-
inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les
questions de fait relevant de sa compétence.

§2 Le reclassement du salarié inapte


Il revient à l’employeur, lorsque l’inaptitude est établie par le médecin
du travail, de proposer un autre emploi approprié aux capacités du
salarié (sauf si l’avis d’inaptitude mentionne que le maintien dans un
emploi serait gravement préjudiciable pour la santé du salarié ou si
l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi).
Cette règle est posée à l’article L. 1226-2 du Code du travail.

Le médecin du travail peut d’ailleurs proposer à l’employeur l’appui


de l’équipe pluridisciplinaire ou celui d’un organisme compétent en
matière de maintien en emploi pour mettre en œuvre son avis et ses
indications ou ses propositions (C. trav., art. L. 4624-5).
Les propositions de l’employeur doivent prendre en compte, après
avis du comité social et économique, les conclusions écrites du
médecin du travail et les indications qu’il formule sur vos capacités à
exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. À noter que le
médecin du travail doit formuler des indications sur la capacité à
bénéficier d’une formation susceptible de préparer le salarié à
occuper un poste adapté. L’emploi proposé doit être aussi
comparable que possible à l’emploi occupé précédemment au
besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations,
aménagements, adaptations ou transformations de postes existants
ou aménagement du temps de travail (C. trav., art. L. 1226-2).

134
Le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles
dans l’entreprise (tous établissements et tous secteurs confondus),
et, si l’entreprise appartient à un groupe, parmi les entreprises
situées en France dont les activités, l’organisation ou le lieu
d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie
du personnel (C. trav., art. L. 1226-2).

L’employeur n’est pas tenu d’imposer à un autre salarié une


modification de son contrat de travail à l’effet de libérer son poste
o
pour le proposer en reclassement (Cass. soc., 15 nov. 2006, n 05-
40.408).

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque


l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à
l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du
médecin du travail (C. trav., art. L. 1226-2-1).

Les employeurs ne peuvent exclure de leurs recherches de


reclassement les postes disponibles seulement pour une durée
o
limitée (Cass. soc., 4 sept. 2019, n 18-18.169).

Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre


emploi au salarié déclaré inapte, il doit lui faire connaître, par écrit,
les motifs qui s’opposent à son reclassement (C. trav., art. L. 1226-2-
1).

Le salarié est, en toute hypothèse, libre de refuser l’emploi proposé.

Aucun délai légal n’est imposé à l’employeur pour remplir son


obligation. Toutefois, l’employeur n’est pas tenu de rémunérer le

135
salarié au cours du premier mois de recherche d’un emploi (sauf si
dispositions conventionnelles contraires). Cette règle est toutefois
tempérée en cas d’inaptitude d’origine professionnelle, puisque le
salarié a droit à une indemnité temporaire d’inaptitude (ITI) versée
par la CPAM (CSS, art. L. 433-1 et art. D. 433-2).

En l’absence de reclassement et de rupture du contrat de travail à


l’issue de ce délai d’un mois, l’employeur doit verser le salaire
correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension
de son contrat de travail pour inaptitude (C. trav., art. L. 1226-4). Le
versement se poursuit jusqu’au reclassement ou la rupture du
contrat. Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude
à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail.

§3 La rupture du contrat de travail

Le licenciement pour inaptitude est possible si le salarié a refusé


l’emploi proposé, si l’employeur justifie de l’impossibilité de proposer
un emploi, si l’avis mentionne que le maintien dans un emploi serait
gravement préjudiciable pour la santé ou encore si l’avis mentionne
que l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi
(C. trav., art. L. 1226-2-1). S’il prononce le licenciement, l’employeur
respecte la procédure applicable au licenciement pour motif
personnel (C. trav., art. L. 1226-2-1).

La rupture anticipée du CDD pour ces motifs peut également être


envisagée.

Les indemnités versées au salarié licencié pour inaptitude sont


différentes selon l’origine de l’inaptitude.

136
Inaptitude consécutive à une maladie ou accident non
professionnel :
Indemnité légale de licenciement (ou indemnité conventionnelle
si elle est plus favorable) ;
Indemnité compensatrice de congés payés ;
Pas d’indemnité compensatrice de préavis (en cas de
licenciement, le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail
est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis
est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité de
licenciement (C. trav., art. L. 1226-4).
En présence d’une inaptitude d’origine non professionnelle, le
licenciement prononcé par l’employeur en méconnaissance de son
obligation de reclassement est sans cause réelle et sérieuse et
ouvre droit à l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du Code du
travail, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Inaptitude consécutive à une maladie ou accident professionnel :


Indemnité compensatrice pour le préavis ;
Indemnité spéciale de licenciement égale au double de
l’indemnité légale de licenciement (sauf dispositions
conventionnelles plus favorables) ;
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues en cas de refus
abusif par le salarié du reclassement.
Indemnité compensatrice pour les congés payés acquis mais
non pris à la date de la rupture du contrat.
Si le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions
relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, la juridiction
peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec
maintien de ses avantages acquis.

137
En cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, le
juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé
conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1 du Code du
travail applicable aux licenciements nuls ou prononcés en violation
d’une liberté fondamentale. Elle se cumule avec l’indemnité
compensatrice et, le cas échéant, l’indemnité spéciale de
licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables,
est égale au double de l’indemnité légale de licenciement.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– P.-Y. VERKINDT, « L’inaptitude médicale du salarié », JT 2017,
o
n 194, p. 35
– F. MEYER, « La loi Travail : aspects concernant la médecine du
travail », RDT 2016, 821
– S. FANTONI-QUINTON, « Le maintien en emploi au cœur des
missions des services de santé au travail », RDT 2016, 472

138
o
Fiche n 12 La maternité

L’ESSENTIEL

La salariée enceinte, ou ayant accouché, bénéficie de dispositions


protectrices au moment de son embauche et pendant son contrat de
travail. Ces garanties légales sont étendues aux salariées
bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation. De plus, la
loi accorde des droits aux pères salariés, à l’occasion de la
naissance de l’enfant, et aux parents qui accueillent un enfant
adopté au sein de leur foyer. Une protection spécifique contre le
licenciement est, en outre, légalement prévue.

LES CONNAISSANCES

Un certain nombre de garanties légale sont accordées à la salarié


enceinte, ou ayant accouché, ainsi qu’au père de famille (§ 1). De
plus, une protection spécifique est prévue en cas de licenciement
(§ 2).

§1 Les garanties légales

I. Au moment de l’embauche

139
Il est formellement interdit à l’employeur de rechercher ou de faire
rechercher toute information concernant l’état de grossesse d’une de
ses salariées (C. trav., art. L. 1225-1). Qui plus est, le Code du
travail consacre un droit au silence de la femme enceinte (ou
salariée bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation –
C. trav., art. L. 1225-3-1). Une femme (salariée ou candidate à un
emploi) n’est pas tenue de révéler sa grossesse, sauf lorsqu’elle
demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la
protection de la femme enceinte (C. trav., art. L. 1225-2 ; Cass. soc.,
o
23 févr. 1972, n 71-40.091). En ce cas, elle doit lui adresser, par
courrier, un certificat médical attestant de l’état de grossesse et de la
date présumée de l’accouchement. Il ne s’agit toutefois pas d’une
formalité substantielle. La salariée est protégée dès que l’employeur
a connaissance de son état de grossesse (Cass. soc., 9 juill. 2008,
o
n 07-41.927).

II. Pendant l’exécution du contrat de travail

A Le principe de non-discrimination
Par application de l’article L. 1225-1 du Code du travail, l’employeur
ne doit pas prendre en considération l’état de grossesse d’une
femme pour refuser de l’embaucher, pour rompre son contrat de
travail au cours d’une période d’essai ou pour prononcer une
mutation d’emploi. La salariée bénéficiant d’une assistance médicale
à la procréation est également protégée.

En cas de litige et de doute subsistant sur le caractère


discriminatoire d’une mesure, ce doute profite à la salariée (C. trav.,
art. L. 1225-3-1 et L. 1225-3).

140
D’une manière générale, l’état de grossesse figure dans la liste des
motifs de discrimination prohibés par le Code du travail (C. trav., art.
L. 1132-1 et L. 1142-1).

Jurisprudence
Par exemple, est victime d’une discrimination, une salariée qui, en raison de
o
son état de grossesse, n’a pas été promue (Cass. soc., 16 déc. 2008, n 06-
o
45.262) ou a subi un retard dans sa promotion (Cass. soc., 28 oct. 2008, n 07-
41.856).

B La protection de la santé
La salariée bénéficie d’autorisations d’absence, sans baisse de
rémunération, pour se rendre aux examens médicaux obligatoires
dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse et des
suites de l’accouchement (C. trav., art. L. 1225-15). Elle bénéficie
désormais également d’une autorisation d’absence pour les actes
médicaux nécessaires à une assistance médicale à la procréation.

Le conjoint bénéficie aussi de certains aménagements (C. trav., art.


L. 1225-16). Ainsi, le conjoint salarié de la femme enceinte ou
bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation ou la
personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant
maritalement avec elle bénéficie également d’une autorisation
d’absence pour se rendre à trois de ces examens médicaux
obligatoires ou de ces actes médicaux nécessaires pour chaque
protocole du parcours d’assistance médicale au maximum. Ces
absences n’entraînent aucune diminution de la rémunération et sont
assimilés à du temps de travail effectif pour la détermination de la

141
durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou
conventionnels acquis par la salariée au titre de son ancienneté
dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1225-16). Pendant une année à
compter du jour de la naissance, la salariée allaitant son enfant
dispose à cet effet d’une heure par jour durant les heures de travail.
La salariée peut allaiter son enfant dans l’établissement. Toute
entreprise employant plus de cent salariées peut être mise en
demeure d’installer dans son établissement ou à proximité des
locaux dédiés à l’allaitement (C. trav., art. L. 1225-30 et s.).

C Les conditions de travail


La loi prévoit que la salariée enceinte peut changer temporairement
de poste ou bénéficier d’un aménagement de son poste en cas de
nécessité médicale (C. trav., art. L. 1225-7), en cas de travail de nuit
habituel (C. trav., art. L. 1225-9 et s.) ou d’exposition à des risques
particuliers (C. trav., art. L. 1225-12 et s.).
Si l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi à
la salariée travaillant de nuit ou exposée à certains risques, le
contrat de travail est suspendu notamment jusqu’à la date du début
du congé de maternité (C. trav., art. L. 1225-10 et art. L. 1225-14).

En toute hypothèse, l’affectation ou l’aménagement ne doit emporter


aucune baisse de rémunération et cesse, au plus tard, à la fin de la
grossesse ou du congé. La salariée est dès lors réintégrée dans
l’emploi précédemment occupé ou retrouve ses anciennes
conditions de travail.

Pendant la période qui suit l’expiration du congé de maternité ou


d’adoption, la salariée ayant une ancienneté minimale d’un an à la
date de l’accouchement ou de l’adoption a droit à la réduction de sa

142
durée de travail. La période d’activité à temps partiel a une durée
d’un an et peut être prolongée deux fois, mais prend fin au plus tard
au troisième anniversaire de l’enfant (C. trav., art. L. 1225-47 et art.
L. 1225-48).

III. Les congés

La salariée peut bénéficier d’un congé de maternité pendant une


période qui commence six semaines avant la date présumée de
l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci
(C. trav. art. L. 1225-17). Ces durées peuvent être modulées dans
certains cas.

L’article L. 1225-29 du Code du travail pose toutefois une interdiction


absolue de travail pendant les 8 semaines qui entourent
l’accouchement dont 6 semaines après l’accouchement.

Par ailleurs, la salariée à qui est confié un enfant en vue de son


adoption a le droit de bénéficier d’un congé d’adoption d’une durée
de dix semaines à dater de l’arrivée de l’enfant au foyer. Ces congés
peuvent être prolongés en cas de naissance ou d’adoptions
multiples, en présence d’enfants à charge ou en raison de l’état
pathologique attesté par un certificat médical (C. trav., art. L. 1225-
18, L. 1225-19, L. 1225-21 et L. 1225-37). Ils suspendent le contrat
de travail et sont assimilés à une période de travail effectif pour le
calcul de l’ancienneté (C. trav., art. L. 1225-24 et L. 1225-42) ainsi
que pour le calcul de la durée des congés payés (C. trav., art.
L. 3141-5).

Enfin, pendant la période qui suit l’expiration du congé de maternité


ou d’adoption, la mère salariée, qui justifie d’une ancienneté

143
minimale d’une année à la date de naissance de l’enfant ou de son
adoption, dispose d’un congé parental d’éducation durant lequel le
contrat de travail est suspendu (C. trav., art. L. 1225-47).

À l’issue de l’un quelconque de ces congés, la salariée retrouve son


précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération
équivalente (C. trav., art. L. 1225-25, L. 1225-43 et L. 1225-55).
Celle-ci est, excepté le cas du congé parental d’éducation, majorée
des augmentations générales ou individuelles des salariés relevant
de la même catégorie professionnelle (C. trav., art. L. 1225-26 et
L. 1225-44).

IV. L’initiative de la rupture du contrat de travail

La salariée en état de grossesse médicalement constaté peut


rompre son contrat de travail sans préavis et sans devoir d’indemnité
de rupture (C. trav., art. L. 1225-34).

La salariée a, de plus, la faculté de rompre son contrat de travail, à


condition toutefois d’en informer l’employeur au moins quinze jours à
l’avance, à l’issue du congé maternité ou d’adoption, et ce, sans être
tenue de respecter un délai de préavis (C. trav., art. L. 1225-66). Elle
peut néanmoins solliciter sa réembauche dans l’année suivant la
rupture de son contrat et bénéficie alors d’une priorité de
réembauchage pendant un an (C. trav., art. L. 1225-67).

§2 La rupture du contrat de travail

Une période de protection relative commence à courir le jour où


l’état de grossesse est médicalement constaté et se déroule pendant
l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail, ainsi

144
que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes
(C. trav., art. L. 1225-4). Pendant cette période, le licenciement n’est
justifié que si l’employeur justifie d’une faute grave de l’intéressée,
non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir
ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à
l’accouchement. Cette protection est étendue au conjoint salarié de
la femme enceinte. Ainsi, aucun employeur ne peut en principe
rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines
suivant la naissance de son enfant (C. trav., art. L. 1225-4-1). Cette
protection relative de la salariée contre le licenciement est, par
ailleurs, prorogée par la prise de congés annuels.

Pendant le congé de maternité, la salariée bénéficie d’une protection


absolue (même en cas de faute grave ou impossibilité de maintenir
le contrat). Ainsi, le licenciement ne peut ni être notifié à la salariée
pendant le congé, ni prendre effet pendant le congé (C. trav., art.
L. 1225-4). La lettre de licenciement doit comprendre ces motifs.
Cette interdiction s’étend aux mesures préparatoires au
licenciement, à savoir les mesures qui démontrent que la décision
de licencier a été prise avant le terme du congé de maternité.
Constitue par exemple une mesure préparatoire au licenciement, le
recrutement intervenu sur le poste d’une salariée en congé de
maternité, qui a pour objet de la remplacer définitivement (Cass.
o
soc., 15 sept. 2010, n 08-43.299). Par contre, la Cour de cassation
précise que, ne constitue pas une mesure préparatoire, la simple
collecte par l’employeur d’éléments de preuve et d’attestations à
l’encontre de la salariée en congé maternité, au fur et à mesure de la
découverte d’erreurs commises par cette dernière dans la gestion de
o
ses dossiers (Cass. soc., 6 nov. 2019, n 18-20.909).

145
Ces règles s’imposent aussi au conjoint de la salariée enceinte qui
bénéficie désormais d’une protection. Aucun employeur ne peut
rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines
suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l’employeur peut
rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de
son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à
l’arrivée de l’enfant (C. trav., art. L. 1225-4-1).

Sauf dans les hypothèses où le licenciement est autorisé (faute


grave ou impossibilité de maintenir le contrat, hors période de
protection absolue), le licenciement de la salariée ainsi prononcé est
nul. Il en est de même lorsque, dans un délai de quinze jours à
compter de sa notification, la salariée communique à l’employeur un
certificat médical justifiant qu’elle est enceinte (C. trav., art. L. 1225-
o
5 ; Cass. soc., 31 janv. 2018, n 16-17.886 ; Cass. soc., 13 juin
o
2018, n 17-10.252). Toutefois, là encore, ces dispositions ne
s’appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute
grave non liée à l’état de grossesse ou par impossibilité de maintenir
le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à
l’accouchement.

146
La nullité du licenciement oblige l’employeur à verser à la salariée le
montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte
par la nullité (C. trav., art. L. 1225-71) et à la réintégrer dans son
emploi. La salariée a droit à réintégration dans son emploi ou, à
défaut, dans un emploi équivalent. Il en résulte qu’en cas
d’annulation du licenciement d’une salariée en état de grossesse, sa
réintégration doit être ordonnée si elle le demande (Cass. soc.,
o
30 avr. 2003, n 00-44.811).

Jurisprudence
Dans un arrêt récent, la chambre sociale de la Cour de cassation précise pour
la première fois qu’un licenciement en raison de l’état de grossesse caractérise
une atteinte au principe constitutionnel d’égalité de droits entre l’homme et la
femme. Dès lors, la salariée qui demande sa réintégration à la suite de l’annulation
de son licenciement a droit à une indemnité égale au montant des salaires non
perçus entre son éviction et sa réintégration, sans déduction des revenus de
o
remplacement perçus pendant cette période (Cass. soc., 29 janv. 2020, n 18-
21.862).

Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en


méconnaissance des dispositions relatives à la protection de la
grossesse et de la maternité et que la salariée ne demande pas la
poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est
impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de
l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers
mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il
est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité
et, le cas échéant, de l’indemnité légale de licenciement (C. trav., art.
L. 1235-3-1). Des dommages et intérêts peuvent être attribués à la

147
femme licenciée au mépris des dispositions légales, en sus de
l’indemnité de licenciement.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– A. GARDIN, « Maternité et rupture du contrat de travail », RJS
2007, p. 975

148
o
Fiche n 13 Le transfert d’entreprise

L’ESSENTIEL

Le transfert d’entreprise, ou changement dans la situation juridique


de l’employeur, est une opération par laquelle une activité
économique est confiée à un nouvel exploitant, qui devient le second
employeur. Cette situation est visée en l’article L. 1224-1 du Code du
travail. Ce transfert produit des effets tant sur les contrats de travail
que sur les relations collectives de travail ou les pouvoirs de chaque
employeur successif.

Notamment, un important principe de maintien des contrats de


travail en cours est posé. Ce principe figure dans une directive du
o
12 mars 2001 (Cons. CE, dir. n 2001/23/CE, 12 mars 2001 – JOCE
o
n L 82, 22 mars 2001, p. 16) regroupant en un texte unique les
dispositions d’une directive du 14 février 1977 (Cons. CE, dir.
o
n 77/187/CEE, 14 févr. 1977 concernant le rapprochement des
législations des États membres relatives au maintien des droits des
travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou
o
de parties d’établissements – JOCE n L 61, 5 mars 1977, p. 26) et
o
d’une directive du 29 juin 1998 (Dir. n 98/50/CE, 29 juin 1998 –

149
o
JOCE n L 201, 17 juill. 1998, p. 88). La jurisprudence de la CJUE
(anciennement CJCE) est donc abondante en la matière, et a
largement influencé le droit positif français. La mise en œuvre du
principe de maintien des contrats de travail a en effet suscité un
important contentieux.

LES CONNAISSANCES

Il est revenu aux juges de préciser les contours tant des conditions
d’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail (§ 1) que de
ses effets (§ 2).

§1 Les conditions d’application de l’article L. 1224-1


du Code du travail

(C. trav., art. L. 1224-1 )


L’article L. 1224-1 du Code du travail vise les évènements qui entraînent une
modification dans la situation juridique de l’employeur : la succession, la vente, la
fusion, la transformation du fonds, et la mise en société.
« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur,
notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en
société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la
modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».

L’utilisation de l’adverbe « notamment » permet de souligner


l’absence d’exhaustivité de cette liste. Il est revenu à la
jurisprudence d’étendre les situations concernées par l’application
de l’article L. 1224-1 du Code du travail : les nationalisations, les
o
mises en location gérance (Cass. soc., 18 déc. 2000, n 98-41.178),
les procédures collectives, etc.

150
Pour appliquer l’article L. 1224-1 du Code du travail, l’activité
transférée doit constituer une entité économique autonome, laquelle
doit conserver son identité après le transfert. L’exigence d’un lien de
droit entre employeurs successifs n’est pas requise (CJCE, 10 févr.
o
1988, aff. 324/86 ; Cass. ass. plén., 16 mars 1990, n 89-45.730 ;
o
Cass. ass. plén., 16 mars 1990, n 86-40.686).

Jurisprudence
Selon la Cour de cassation, l’entité économique est « un ensemble organisé
de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une
activité économique qui poursuit un objectif propre » (Cass. soc., 7 juill. 1998,
o
n 96-21.451). L’entité économique doit comprendre plusieurs éléments : des
moyens corporels (matériel, outillage, marchandises mais aussi bâtiments,
ateliers, terrains équipements…) ; des éléments incorporels (clientèle, droit au
bail, brevets d’invention, licences, dessins et modèles industriels, droits de
propriétés industriels, littéraires ou artistiques…) et du personnel propre. En outre,
selon la définition prétorienne, l’ensemble de ces moyens humains ou matériels
doit être organisé.

Un objectif propre doit, en outre, être poursuivi (Cass. soc., 13 avr.


o
1999, n 97-41.450) et la seule perte d’un marché ne réalise pas, à
elle seule, le transfert d’une entité économique (Cass. soc., 6 nov.
o
1991, n 90-21.437).

Lorsqu’une entité économique autonome est reconnue, cette entité


économique doit être transférée à un repreneur qui doit poursuivre la
même activité. Le maintien de l’identité et de l’activité de l’entreprise
est une condition d’application de l’article L. 1224-1 du Code du
travail.

151
§2 Les effets de la modification de la situation
juridique de l’employeur sur les contrats de travail
en cours
Selon l’article L. 1224-1 du Code du travail, tous les contrats de
travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel
employeur et le personnel de l’entreprise.

Ce texte assure donc aux salariés la stabilité de leur emploi (sous


les conditions posées par les juges).
L’article L. 1224-1 du Code du travail s’applique à tous les titulaires
d’un contrat de travail, peu importe le type de contrat (CDI, CDD,
contrat à temps partiel, contrat de qualification, contrat
d’apprentissage, VRP, contrat aidé…).

I. Le maintien des contrats par le nouvel employeur

Tous les contrats de travail en cours au jour de la modification dans


la situation juridique de l’employeur sont transmis au nouvel
employeur. Il s’agit d’une règle d’ordre public. Cette transmission
s’opère de plein droit, indépendamment de la volonté des parties
o
(Cass. soc., 13 juin 1990, n 86-45.216).

Plusieurs conséquences en découlent.

152
Par principe, l’employeur initial ne peut pas licencier en vue du transfert.
Ceci donne lieu à une jurisprudence désormais constante. La loi Travail de 2016 a
toutefois créé une entorse à ce principe dans le but de faciliter la reprise
d’entreprises dans les entreprises d’au moins 1000 salariés. Dans ces entreprises,
lorsqu’un PSE comportait une reprise de site par une autre entreprise, le cédant
pouvait procéder au licenciement des salariés non repris par le repreneur. Les
ordonnances Macron vont plus loin encore puisque cette possibilité est désormais
élargie à toute entreprise de plus de 50 salariés tenue d’élaborer un PSE (C. trav.,
art. L.1233-61). Les nouvelles dispositions sont applicables aux procédures de
licenciement économique engagées à compter du 24 septembre 2017.

Le refus du salarié de travailler pour le compte du nouvel employeur


o
peut être qualifié de démission (Cass. soc., 10 oct. 2006, n 04-
40.325). Le refus a également été analysé par la jurisprudence
comme une faute susceptible de justifier le licenciement du salarié
o
(Cass. soc., 4 avr. 2006, n 04-42.735).

Également, le refus du nouvel employeur de conserver le salarié


produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
o
(Cass. soc., 31 janv. 2007, n 04-47.842). De même, un accord
passé entre le cédant et le cessionnaire afin d’éluder l’application de
l’article L. 1224-1 du Code du travail doit être privé d’effet (Cass.
o
soc., 10 mai 1999, n 96-45.250). Le salarié pourra demander sa
réintégration chez le repreneur. Il pourra aussi demander réparation
du préjudice auprès de l’auteur du licenciement (Cass. soc., 15 févr.
o
2006, n 04-43.923), voire même au cédant et au cessionnaire en
o
cas de collusion frauduleuse (Cass. soc., 7 mars 2001, n 99-
40.976).

153
Le contrat de travail en cours lors du transfert doit être maintenu
o
dans les mêmes conditions (Cass. soc., 24 janv. 1990, n 86-
41.497). Le transfert du contrat de travail entraine le maintien de
o
l’ancienneté (Cass. soc., 10 oct. 2000, n 98-42.189), de la
qualification, de la rémunération et de la durée de travail, d’une
o
clause de non concurrence (Cass. soc., 15 oct. 1997, n 95-42.454).
Il en est ainsi également des usages qui s’appliquaient avant le
o
transfert (Cass. soc., 12 déc. 2012, n 11-24.562).
Le nouvel employeur est tenu envers les salariés des obligations qui
incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification sauf
en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de
liquidation judiciaire et de substitution d’employeurs intervenue sans
qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci (C. trav., art. L. 1224-2). Le
premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel
employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu
compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention
intervenue entre eux (C. trav., art. L. 1224-2).

Par contre, l’employeur n’est pas tenu par les dispositions


conventionnelles (C. trav., art. L. 2261-14). Les conventions et
accords collectifs propres à l’entité transférée continuent de produire
effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui y
seront substitués ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter
de l’expiration d’un préavis de trois mois, sauf clause prévoyant une
durée supérieure. Lorsque la convention ou l’accord n’a pas été
remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans ce
délai, les salariés conservent, en application de la convention ou de
l’accord mis en cause, une rémunération dont le montant annuel,
pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat

154
de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des
douze derniers mois.

II. Le pouvoir de direction du nouvel employeur

A Le licenciement
Si un salarié commet une faute après le transfert, le nouvel
employeur peut légitimement engager une procédure disciplinaire. Il
est aussi possible d’invoquer des manquements commis par celui-ci
alors qu’il se trouvait sous l’autorité de l’ancien employeur à
condition de respecter la prescription de deux mois qui doit être
respectée pour engager les poursuites disciplinaires (Cass. soc.,
o
27 mai 2009, n 06-46.293).

B Le changement des conditions de travail et modification


du contrat de travail
À l’issue de l’opération de transfert, le nouvel employeur dispose de
tous les pouvoirs inhérents à la qualité de chef d’entreprise. Dès
lors, il peut imposer au salarié un changement de ses conditions de
travail sans avoir à obtenir son accord préalable (Cass. soc., 18 nov.
o
1998, n 95-43.132).

Par contre, une modification du contrat de travail nécessitera


o
l’accord du salarié (Cass. soc., 13 mai 2009, n 08-40.447). En cas
de refus du salarié, il appartient au cessionnaire de maintenir les
conditions antérieures de travail ou de formuler de nouvelles
propositions, voire d’engager une procédure de licenciement. Le
refus du salarié d’une modification de son lieu de travail entraînée
par le transfert d’entreprise constitue une cause réelle et sérieuse de

155
er o
licenciement (Cass. soc., 1 juin 2016, n 14-21.143). Dans un arrêt
de 2019, la Cour de cassation précise la nature juridique du
licenciement consécutif au refus du salarié de la modification de son
contrat de travail autre que le changement d’employeur : il s’agit d’un
o
licenciement pour motif économique (Cass. soc., 17 avr. 2019, n
17-17.880).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– J.-F. CESARO, « La notion de transfert d’entreprise », Dr. soc.
2005, p. 718
– A.-L. MAZEAUD, A. MAZEAUD, « Vers un déclin de la règle de
maintien des contrats de travail en cas de transferts
d’entreprise ? », RDT 2017, p. 302.

156
o
Fiche n 14 La modification du contrat
de travail et des conditions de travail

L’ESSENTIEL

Le contrat de travail est un contrat qui s’exécute dans la durée. Les


droits et obligations des parties sont amenés à évoluer avec le
temps et subir certaines modifications. Tout d’abord, l’employeur
peut souhaiter modifier un ou plusieurs éléments essentiels du
contrat de travail. La modification touche alors le contrat lui-même et
nécessite l’accord du salarié concerné. Parfois, la modification ne
constitue, en réalité, qu’un changement des conditions de travail du
salarié. Le pouvoir de direction de l’employeur joue alors son plein
effet.

LES CONNAISSANCES

Longtemps, les juges opéraient une distinction entre les


modifications dites « substantielles » qui ne pouvaient pas être
imposées au salarié et les modifications « non substantielles »,
lesquelles pouvaient justifier un licenciement en cas de refus. Par
o
plusieurs arrêts du 10 juillet 1996 (Cass. soc., 10 juill. 1996, n 93-

157
o
40.966 et n 93-41.137), la Cour de cassation a modifié cette
terminologie pour consacrer celle de « modification du contrat de
travail » (§ 1) et de « changement des conditions de travail » (§ 2).

§1 La modification du contrat de travail

I. Le domaine de la modification du contrat de travail

La modification du contrat de travail touche les éléments essentiels


du contrat de travail. En l’absence de définition légale de ces
éléments, les juges en ont progressivement délimité les contours.

Pour l’essentiel, sont visés :


la qualification du salarié ;
la rémunération (pour sa partie contractuelle) ou son mode de
calcul. Toutefois, la diminution de la rémunération qui résulte
d’une réduction des sujétions consécutive à un changement des
horaires du cycle de travail ne constitue pas une modification du
o
contrat de travail (Cass. soc., 9 avr. 2015, n 13-27.624) ;
la durée du travail. Cependant, la diminution du nombre
d’heures de travail, même stipulé dans le contrat individuel, en
application d’un accord de réduction de la durée du travail ne
constitue pas une modification du contrat de travail (C. trav., art.
L. 1222-7) ;
les attributions du salarié.
D’autres éléments, considérés comme essentiels lors de la
conclusion du contrat de travail, sont aussi soumis au régime
juridique de la modification du contrat de travail.

Le changement de lieu de travail constitue ainsi une modification du


contrat de travail si le nouveau lieu de travail se situe dans un

158
secteur géographique différent. À l’inverse, le fait de changer
l’affectation d’un salarié en un autre lieu situé dans le même secteur
géographique, n’entraîne pas de modification du contrat de travail et
constitue un simple changement des conditions de travail, relevant
du pouvoir de direction de l’employeur (Cass. soc., 16 déc. 1998,
o
n 96-40.227). De la même manière, si le contrat de travail contient
une clause claire et précise selon laquelle le salarié exécutera son
travail exclusivement dans le lieu qu’il mentionne, tout changement
de lieu de travail, y compris dans le même secteur géographique,
constitue une modification d’un élément essentiel du contrat de
o
travail (Cass. soc., 3 juin 2003, n 01-40.376). Par exemple, tel est le
cas lorsque les parties ont convenu d’une exécution de tout ou partie
de la prestation de travail au domicile du salarié (Cass. soc., 13 févr.
o
2013, n 11-22.360). Dans cette dernière hypothèse, la Cour de
cassation affirme que l’employeur ne peut pas modifier, sans
l’accord du salarié, cette organisation contractuelle du travail (Cass.
o
soc., 12 févr. 2014, n 12-23.051).

Par contre, il n’y a pas modification du contrat de travail si une


clause de mobilité est prévue dans le contrat de travail. La
modification a, dans ce cas, été en quelque sorte préalablement
acceptée. D’une manière générale, les clauses contractuelles
(clause de mobilité, clause de non-concurrence, clause de garantie
d’emploi) font partie du contrat de travail. Si leur modification est
constitutive d’une modification du contrat de travail, leur mise en
œuvre ne constitue pas une telle modification.

159
Clause de mobilité – Une clause de mobilité est une disposition prévue
dans le contrat de travail ou la convention collective prévoyant que le salarié
accepte par avance que son lieu de travail puisse être modifié. Sauf exceptions
(mutation qui entraine une modification d’un élément essentiel du contrat, atteinte
à la vie familiale et personnelle, délai de prévenance trop court), la mutation
s’impose alors au salarié. Celle clause doit définir précisément sa zone
géographique d’application.

Clause de non concurrence – Il s’agit d’une clause qui tend à limiter la liberté
d’un salarié d’exercer, après la rupture de son contrat, des fonctions équivalentes
à son propre compte ou chez un concurrent. Sa validité suppose le respect de
certains critères soumis à l’appréciation du juge.

Clause de garantie d’emploi – Clause par laquelle est fixée une durée pendant
laquelle l’employeur s’engage à ne pas mettre fin au contrat de travail. En cas de
non-respect, il doit verser au salarié une indemnité déterminée à l’avance.

Un changement affectant l’horaire de travail sera soumis au régime


juridique de la modification si celle-ci est importante. Il en est ainsi
du passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit ou inversement
o
(Cass. soc., 27 févr. 2001, n 98-43.783), du passage d’un horaire
o
fixe à un horaire variable (Cass. soc., 28 mai 2014, n 13-10.619) ou
du passage d’un horaire continu à un horaire discontinu. Il en est de
même d’une nouvelle répartition des horaires qui priverait le salarié
o
du repos dominical (Cass. soc., 2 mars 2001, n 09-43.223). Le
salarié peut aussi refuser une modification de ses horaires de travail
si le changement d’horaire portait une atteinte excessive à son droit
au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos
o
(Cass. soc., 3 nov. 2011, n 10-14.702). A contrario, s’analyse en un
changement des conditions de travail une nouvelle répartition des
horaires de travail au sein de la journée (Cass. soc., 17 oct. 2000,

160
o
n 98-42.177) ou entre les jours de la semaine (Cass. soc., 27 juin
o
2001, n 99-42.462).

II. Les conséquences d’un refus ou d’une absence


de réponse

La modification d’un élément essentiel du contrat de travail ne peut


être imposée par l’employeur. Elle ne peut qu’être proposée au
salarié.

Si la modification ne repose pas sur une cause économique (et


repose donc sur un motif personnel), l’employeur doit informer le
salarié de sa proposition de modification en lui laissant un délai
suffisant de réponse. Une modification du contrat de travail
prononcée à titre de sanction disciplinaire à l’encontre d’un salarié
(mutation hors secteur géographique, rétrogradation) ne peut lui être
imposée.

Si la modification repose sur une cause économique, la proposition


est faite par lettre recommandée avec avis de réception.
L’employeur informe le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de
sa réception pour faire connaître son refus. À défaut de réponse
dans ce délai, le salarié est réputé avoir accepté la modification
proposée (C. trav., art. L. 1222-6). Lorsque cette modification
intervient dans le cadre d’une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaires, le salarié dispose d’un délai de 15 jours pour
faire connaître son refus. À défaut de réponse, il est réputé avoir
accepté la modification proposée (C. trav., art. L. 1222-6 et L. 1233-
60-1).

161
Attention L’acceptation de la modification de son contrat de travail par le salarié
doit être claire et non équivoque. Elle ne saurait être déduite du seul fait que le
salarié continue à exécuter sa prestation de travail (Cass. soc., 29 janv. 1997,
o
n 94-40.025). Elle ne peut donc résulter que d’un consentement exprès de sa
o
part (Cass. soc., 9 nov. 2011, n 09-73.040).

Le salarié peut aussi refuser la modification. Dans cette hypothèse,


l’employeur a plusieurs possibilités. La Cour de cassation affirme
que « c’est à l’employeur qu’il appartient soit de prendre l’initiative de
la rupture, soit de rétablir l’intéressé dans ses droits » (Cass. soc.,
o
8 oct. 1987, n 84-41.902) :
Il peut renoncer à modifier le contrat.
Il peut licencier le salarié. Si le motif qui a conduit l’employeur à
proposer la modification peut fonder le licenciement sur une
cause réelle et sérieuse, le licenciement qui serait uniquement
fondé sur le refus du salarié est dépourvu de cause réelle et
o
sérieuse (Cass. soc., 12 avr. 2005, n 02-46.401).
En cas de refus d’une modification reposant sur une cause
économique, l’employeur peut ainsi une procédure de
licenciement pour motif économique (dont la procédure varie en
fonction du nombre de salariés concernés – C. trav., art.
L. 1233-3). En toute hypothèse, l’employeur doit justifier d’un
o
juste motif de licenciement (Cass. soc., 15 juill. 1998, n 97-
43.985).
Il peut exiger que la modification s’applique. En ce cas, le
salarié peut exiger la poursuite de son contrat de travail aux
conditions initiales, voire envisager la résiliation judiciaire de son
contrat ou la prise d’acte de la rupture de ce dernier. Encore
faut-il constater un manquement d’une gravité suffisante de
l’employeur rendant impossible la poursuite des relations

162
o
contractuelles (Cass. soc., 12 juin 2014 n 12-29.063, Cass.
o
soc., 26 mars 2014 n 12-23.634). Ceci n’est pas le cas lorsque
la modification de la rémunération imposée par l’employeur n’a
pas d’incidence défavorable sur le montant du salaire ou
lorsque la réduction du taux de commissionnement ne
représente qu’une faible partie du salaire (Cass. soc., 12 juin
o
2014, n 12-29.063).

§2 Le changement des conditions de travail

I. Le domaine du changement des conditions de travail

L’employeur peut procéder à un changement des conditions de


travail par application de son pouvoir de direction. Il doit toutefois
agir en respectant le principe de la bonne foi contractuelle. Le
changement doit notamment être justifié par l’intérêt de l’entreprise
et ne doit pas se révéler abusif.

Jurisprudence
Pour exemple, une décision est exclusive de la bonne foi contractuelle lorsque
l’employeur a imposé au salarié, malgré sa situation familiale, une mutation rapide
o
et sans explication (Cass. soc., 12 juill. 2010, n 08-45.516). La bonne foi
o
contractuelle est toutefois présumée (Cass. soc., 23 févr. 2005, n 04-45.463).

II. Le régime du changement des conditions de travail

Le changement des conditions de travail relève du pouvoir de


direction de l’employeur. Le salarié n’a pas, sauf exception, à donner
son accord. Il n’existe pas de procédure spécifique d’information des

163
salariés. Toutefois, les parties au contrat sont tenues à une
obligation générale de bonne foi qui implique que l’employeur ne
puisse pas mettre en œuvre un changement des conditions de
travail sans respecter un délai de prévenance raisonnable.

Le refus par un salarié d’un changement de ses conditions de travail,


s’il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne
constitue pas à lui seul et nécessairement une faute grave (Cass.
o o
soc., 3 mai 2012, n 10-27.152 ; Cass. soc., 3 avr. 1997, n 95-
42.392). Toutefois, le refus réitéré peut constituer un acte
d’insubordination rendant impossible son maintien dans l’entreprise
o
(Cass. soc., 6 janv. 2016, n 14-20.109).

Une exception concerne le salarié protégé pour lequel l’accord doit


être obtenu. La volonté de ce dernier doit être non équivoque. Son
accord ne peut pas être déduit du fait qu’il poursuit l’exécution de
son contrat aux nouvelles conditions sans réserve.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– G. AUZERO, F. CANUT, « Le juge et la modification du contrat de
travail », Dr. soc. 2017, p. 11
– M. CASTRONOVO, « Une clarification de la distinction entre la
modification du contrat de travail et le changement des conditions
de travail », RDT 2010, p. 712

164
SOUS-TITRE 3
L’ENCADREMENT DES CONDITIONS
DE TRAVAIL

o
Fiche n 15 La durée du travail
o
Fiche n 16 Les congés
o
Fiche n 17 La rémunération
o
Fiche n 18 Les acteurs de la protection de la santé
et de la sécurité
o
Fiche n 19 Le harcèlement au travail
o
Fiche n 20 La lutte contre les discriminations
o
Fiche n 21 L’égalité professionnelle entre les femmes
et les hommes
o
Fiche n 22 La formation professionnelle continue

165
o
Fiche n 15 La durée du travail

L’ESSENTIEL

Matière aussi complexe que mouvante, la durée du travail est régie


par un corps de règles constitué de règles d’ordre public, de règles
conventionnelles et de règles supplétives de volonté.

Le temps de travail effectif en constitue, sans aucun doute, la notion


centrale. Le temps de travail effectif s’oppose aux temps de pause et
de repos. Le Code du travail prévoit des durées maximales de travail
ainsi que des seuils au-delà desquels se déclenchent les obligations
de repos ou une majoration de rémunération (ex. paiement d’heures
supplémentaires).

En fonction des besoins de l’entreprise, la durée du travail est


modulable, individualisable et forfaitisable.

LES CONNAISSANCES
o
Largement remaniée par la loi du 8 août 2016 (L. n 2016-1088 du
8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social

166
o
et à la sécurisation des parcours professionnels – JO n 184 du
9 août 2016), interprétée à la lumière de la directive du 4 novembre
2003 (Dir. 2003/88/CE, 4 nov. 2003 concernant certains aspects de
o
l’aménagement du temps de travail, – JOCE n L 299, 18 nov.2003,
p. 9-19), la réglementation de la durée du travail est régie par les
articles L. 3121-1 et suivants du Code du travail. Y sont
successivement définis les règles d’ordre public, le champ de la
négociation collective et les règles supplétives applicables en
l’absence d’accord. La crise sanitaire a entraîné la création de
o
dérogations à ces dispositions temporairement (Ord. n 2020-290,
25 mars 2020).

Du point de vue du droit international privé, en dehors des situations


o
de détachement transnational (V ; Fiche n 71), la législation
française sur la durée du travail ne constitue pas une loi de police
mais simplement des dispositions impératives auxquelles il ne peut
o
pas être dérogé par accord contraire (Cass. soc., 8 déc. 2021, n 20-
14.178).

La détermination de la durée du travail dépend également de la


qualité des salariés en cause. Les salariés cadres se voient
appliquer un régime juridique dérogatoire aux salariés de droit
commun en matière de durée du travail. Tel est le cas des salariés
cadres dirigeants. Sont considérés comme ayant la qualité de cadre
dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont
l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation
de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions
de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se
situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de
rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement

167
(C. trav., art. L. 3111-2, al. 2 pour des contentieux de qualification, V.
o o
Cass. soc., 9 févr. 2022, n 20-18.720 ; Cass. soc., 27 mai 2021, n
o
19-21.999 ; Cass. soc., 4 nov. 2021, n 20-18.813).

Ainsi définis, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux


dispositions relatives, d’une part, à la durée du travail, à la répartition
et à l’aménagement des horaires (C. trav., art. L. 3121-1 et suiv.), et,
d’autre part, au repos et aux jours fériés (C. trav., art. L. 3111-2, al.
er
1 ).
Ces normes, d’une part, participent de la délimitation du temps de
travail (§ 1) tout en mettant à disposition de nombreux instruments
de flexibilité (§ 2) et, d’autre part, fixent les modes de résolution des
litiges portant sur la comptabilisation du temps de travail (§ 3).

§1 Délimitation du temps de travail

I. Définition du temps de travail

Le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est


à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans
pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (C. trav.,
art. L. 3121-1). Les périodes de temps qui ne correspondent pas à
cette définition ne constituent pas du temps de travail effectif.
o
(V. Cass. soc., 13 oct. 2021, n 20-16.048). Au contraire, lorsque
l’intéressé doit se tenir en permanence à la disposition de
l’employeur et ne peut pas vaquer librement à ses occupations
personnelles, les heures correspondent à du temps de travail effectif
o
(Cass. soc., 16 juin 2021, n 19-15.154). La qualification de temps
de travail nécessite la prise en considération du droit de l’Union
européenne. Constitue du temps de travail une période de garde

168
sous régime d’astreinte lorsque les contraintes imposées au
travailleur affectent très significativement sa faculté de gérer, au
cours de cette période, son temps libre (CJUE, 9 mars 2021, aff. C-
344/19 et C-580/19).

Différentes périodes sont assimilées au temps de travail effectif. Le


temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés
aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif
lorsque les critères définis à l’article L. 3121-1 sont réunis (C. trav.,
art. L. 3121-2).

À défaut d’une convention ou un accord d’entreprise ou


d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de
branche, le contrat de travail peut fixer la rémunération des temps de
restauration et de pause (C. trav., art. L. 3121-8, 1°).

Inversement, le législateur a procédé à l’exclusion d’office de


certaines périodes de la définition du temps de travail effectif.
Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu
d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif
er o
(C. trav., art. L. 3121-4, al. 1 ; Cass. soc., 30 mai 2018, n 16-
o o
20.634 ; Cass. soc., 25 nov. 2020, n 19-11.526 et n 19-11.527, F-
D). Cette exclusion est entendue strictement. Par exemple, le temps
de déplacement que met le salarié pour rejoindre son lieu de travail
à l’intérieur de l’enceinte sécurisée de l’entreprise, notamment une
o
infrastructure aéroportuaire (Cass. soc., 9 mai 2019, n 17-20.740).
Même en présence de circonstances particulières, cette exclusion
est maintenue, notamment lorsque le temps de déplacement
dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel
de travail. En ce cas, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme

169
de repos, soit sous forme financière. Ces contreparties ne peuvent
o
pas avoir un caractère dérisoire (Cass. soc., 30 mars 2022, n 20-
15.022). En outre, la part de ce temps de déplacement professionnel
coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de
salaire (C. trav., art. L. 3121-4, al. 2). Enfin, si le temps de trajet
entre le domicile et le lieu habituel de travail est majoré du fait d’un
handicap, il peut faire l’objet d’une contrepartie sous forme de repos
(C. trav., art. L. 3121-5).

À défaut d’une convention ou un accord d’entreprise ou


d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de
branche, les contreparties applicables lorsque le temps de
déplacement professionnel dépasse le temps normal de trajet, sont
déterminées par l’employeur après consultation du comité social et
économique (C. trav., art. L. 3121-8, 3°).
Enfin, le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de
déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par
des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le
règlement intérieur ou le contrat de travail et que l’habillage et le
déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de
travail, fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont
accordées, soit sous forme de repos, soit sous forme financière
(C. trav., art. L. 3121-3).

À défaut d’une convention ou un accord d’entreprise ou


d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de
branche, le contrat de travail prévoit soit d’accorder des
contreparties aux temps d’habillage et de déshabillage, soit
d’assimiler ces temps à du temps de travail effectif (C. trav., art. L.
3121-8, 2°).

170
II. Durées maximales et durée légale de travail

(C. trav., art. L. 3121-35)


Généralement, le calcul de la durée du travail s’effectue sur la base d’une semaine
civile : « sauf stipulations contraires dans une convention ou un accord [collectif],
la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures ».

Le temps de travail comporte plusieurs durées maximales


(quotidienne et hebdomadaire) ainsi que des seuils déclencheurs
d’obligations (temps de pause et durée légale de travail).

A Les durées maximales


La durée maximale quotidienne est fixée à 10 heures (C. trav., art.
L. 3121-18). Toutefois, par dérogation, elle peut être portée à
12 heures au maximum. Cela est envisageable dans plusieurs
hypothèses, notamment avec l’accord de l’inspection du travail, en
cas d’urgence ou par convention contraire pour surcroît temporaire
d’activité ou motifs liés à l’organisation de l’entreprise (C. trav., art.
L. 3121-18, in fine).

Sur le fondement de la directive du 4 novembre 2003 (préc.), il a été


jugé que les employeurs ont l’obligation d’établir un système
permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier
effectué par chaque travailleur (CJUE, 14 mai 2019, aff. C-55/18).

La durée maximale hebdomadaire est fixée à 48 heures par semaine


(C. trav., art. L. 3121-20) avec un dépassement possible en cas de
circonstance exceptionnelle et sous réserve d’une autorisation de la
DIRECCTE, sans porter la durée à plus de 60 (C. trav., art. L. 3121-
21). La violation de la durée maximale du travail emporte versement

171
de dommages-intérêts au profit du salarié, et ce, sans être tenu de
démontrer en quoi ces horaires chargés lui ont porté préjudice. Le
seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre
o
droit à la réparation (Cass. soc., 26 janv. 2022, n 20-21.636).

Enfin, sur une période de 12 semaines, la durée maximale est fixée


à 44 heures par semaine (C. trav., art. L. 3121-22) avec la possibilité
d’augmenter cette limite à 46 heures par semaine, sauf accord
contraire. La violation de la durée maximale du travail emporte
versement de dommages-intérêts au profit du salarié, et ce, sans
être tenu de démontrer en quoi ces horaires chargés lui ont porté
préjudice. Le seul constat du dépassement de la durée maximale de
o
travail ouvre droit à la réparation (Cass. soc., 26 janv. 2022, n 20-
21.636).
Ces dispositions sont conformes aux dispositions du droit de l’Union
o
européenne (Cass. soc., 12 déc. 2018, n 17-17.680, à savoir les
articles 6 et 16, sous b) de la directive 2003/88/CE du 4 novembre
2003).

B Les durées, seuils de déclenchement d’obligations


D’autres durées – comme le temps de travail ou la durée légale –
sont considérées comme des seuils de déclenchement d’obligations.

Tout d’abord, des obligations de repos devront être respectées. Dès


que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié
bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt
minutes consécutives (C. trav., art. L. 3121-16). Il incombe à
l’employeur de démontrer que le salarié a effectivement bénéficié
d’un temps de pause sans que puissent y faire obstacle les

172
dispositions de l’accord collectif susvisé prévoyant que la pause est
o
réputée prise (Cass. soc., 30 juin 2021, n 19-15.264).

Ensuite, le dépassement de ces durées entraîne une majoration de


la rémunération. Contrairement à l’idée commune, la durée légale
hebdomadaire (ou de la durée considérée comme équivalente), fixée
à 35 heures (C. trav., art. L. 3121-27), est un seuil vital pour la bonne
compréhension de la relation de travail.

(C. trav., art. L. 3121-28)


Si ce seuil est dépassé, « toute heure accomplie au-delà de la durée légale
hebdomadaire est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration
salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent ».

Calculées par semaine civile (C. trav., art. L. 3121-29), les heures
supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de 35 heures. À
défaut d’accord, ces heures supplémentaires donnent lieu à une
majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières
heures supplémentaires. Les heures suivantes – soit à partir de la
44e heure –, donnent lieu à une majoration de 50 % (C. trav., art. L.
3121-36). L’accord collectif relatif au taux de majoration des heures
supplémentaires ne peut pas fixer un taux inférieur à 10 % (C. trav.,
art. L. 3121-33). Les éléments de rémunération dont les modalités
de fixation permettent leur rattachement direct à l’activité personnelle
du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des
majorations pour heures supplémentaires (Cass. soc., 19 mai 2021,
o
n 19-20.995).

En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur dispose de la


faculté d’obliger le salarié à accomplir des heures supplémentaires,

173
le refus du salarié étant fautif (Cass. soc., 9 mars 1999, Bull. civ. V,
o
n 103). En revanche, le refus est valable en cas de non-paiement
des heures supplémentaires précédemment accomplies (Cass. soc.,
o
7 déc. 1999, Bull. civ. V, n 473), de charge de travail excessive
o
(Cass. soc., 13 janv. 2003, Bull. civ. V, n 282) ou lorsque le recours
systématique aux heures supplémentaires conduit à une
o
modification du contrat de travail (Cass. soc., 16 mai 1991, n 89-
o
44.485 ; Cass. soc., 8 sept. 2021, n 19-16.908).

Les heures supplémentaires ne donnent pas lieu uniquement à un


salaire majoré mais, d’une part, doivent s’exécuter dans le cadre
d’un contingent annuel (C. trav., art. L. 3121-30) et, d’autre part,
ouvrent droit à un repos compensateur équivalent (C. trav., art. L.
o
3121-28 ; Cass. soc., 30 juin 2021, n 19-25.222). C’est pourquoi le
versement de primes ne saurait tenir lieu de paiement de ces jeures
supplémentaires (Ibid.).

À défaut d’accord, le contingent annuel, c’est-à-dire le nombre


maximal d’heures supplémentaires, est fixé à 220 heures par salarié
et par an (C. trav., art. D. 3121-14).

Enfin, la fixation par voie conventionnelle de la durée du travail


applicable dans l’entreprise à un niveau inférieur à la durée légale
n’entraîne pas, en l’absence de dispositions spécifiques en ce sens,
l’abaissement corrélatif du seuil de déclenchement des heures
o
supplémentaires (Cass. soc., 30 juin 2021, n 20-12.960 ; Cass.
o
soc., 1er déc. 2021, n 20-12.700). Par exemple, lorsque le temps
mensuel de vol appliqué dans l’entreprise avait été abaissé à
cinquante-cinq heures, en l’absence de dispositions

174
conventionnelles plus favorables, les heures de vol entre la
cinquante-sixième et la soixante-huitième heure ne pouvaient pas
être décomptées comme heures supplémentaires.

§2 Instruments de flexibilité du temps de travail

I. Aménagements du temps de travail

Pour adapter le rythme de travail des salariés à l’activité de


l’entreprise, la durée du travail est modulable d’une semaine à
l’autre, soit par accord collectif, soit par décision de l’employeur
(C. trav., art. L. 3121-41).
Le dispositif d’aménagement du temps de travail offre la faculté de
procéder au décompte de ce temps en employant une période de
référence autre que la semaine civile. L’intérêt de retenir une période
de référence différente influence évidemment le calcul des heures
supplémentaires. Ainsi, selon l’article L. 3121-41 du Code du travail,
lorsqu’est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de
travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les
heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de cette période
de référence. La détermination de la période de référence est
laissée à la libre appréciation des partenaires sociaux : elle peut être
mensuelle, annuelle, etc. En fonction de cette période seront
calculées les heures supplémentaires. Par exemple, si la période de
référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les
heures effectuées au-delà de 1 607 heures (C. trav., art. L. 3121-41,
al. 3).

Par contre, si la période de référence est inférieure ou supérieure à


un an, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées

175
au-delà d’une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures calculée
sur la période de référence (C. trav., art. L. 3121-41, al. 4).

Néanmoins, des garde-fous sont instaurés par le législateur au


travers des règles d’ordre public. Tout d’abord, cette période de
référence ne peut dépasser 3 ans en cas d’accord collectif et neuf
semaines en cas de décision unilatérale de l’employeur (C. trav., art.
L. 3121-41, al. 2). Ensuite, les salariés sont informés dans un délai
raisonnable de tout changement dans la répartition de leur durée de
travail (C. trav., art. L. 3121-42). Enfin, la mise en place d’un
dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période
supérieure à la semaine par accord collectif ne constitue pas une
modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet
(C. trav., art. L. 3121-43).

II. Horaires individualisés

La durée du travail est également individualisable (C. trav., art.


L. 3121-48), c’est-à-dire adaptée à la situation rencontrée par un ou
des salariés. Le Code du travail réserve ainsi la faculté à l’employeur
d’individualiser les horaires. Ainsi, ce dernier peut, à la demande de
certains salariés, mettre en place un dispositif d’horaires
individualisés permettant un report d’heures d’une semaine à une
autre, dans les limites et selon les modalités définies aux articles
L. 3121-51 et L. 3121-52, après avis conforme du comité social et
er
économique (C. trav., art. L. 3121-48, al. 1 ).
Au contraire, dans les entreprises qui ne disposent pas de
représentant du personnel, l’inspecteur du travail autorise la mise en
place d’horaires individualisés (C. trav., art. L. 3121-48, al. 2).

176
Dans ce cadre, et par dérogation à l’article L. 3121-29 du Code du
travail, les heures de travail effectuées au cours d’une même
semaine au-delà de la durée hebdomadaire légale ou
conventionnelle ne sont pas considérées comme des heures
supplémentaires, pourvu qu’elles résultent d’un libre choix du salarié
er
(C. trav., art. L. 3121-48, al. 1 ).
À défaut d’accord collectif mentionné à l’article L. 3121-51 du Code
du travail, les limites et modalités du report d’heures en cas de mise
en place d’un dispositif d’horaires individualisés et de récupération
des heures perdues sont déterminées par décret en Conseil d’État
(C. trav., art. L. 3121-51).

En ce sens, le report d’heures d’une semaine à une autre ne peut


excéder 3 heures et le cumul des reports ne peut avoir pour effet de
porter le total des heures reportées à plus de 10 (C. trav., art.
R. 3121-30).

III. Conventions de forfait

L’objectif de la convention de forfait est d’octroyer au salarié une


liberté dans l’organisation de son temps de travail. Pour autant, une
convention de forfait n’instaure pas au profit du salarié un droit à la
libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute
contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans
l’exercice de son pouvoir de direction. Le salrié reste soumis aux
ordres et aux directives de l’employeur. En cas de manquement, le
salarié est passible d’une sanction disciplinaire qui peut aller
o
jusqu’au licenciement pour faute grave (Cass. soc., 2 févr. 2022, n
20-15.744, relative à une convention de forfait annuel en jours).

177
Par le biais de la convention de forfait, la durée du travail peut être
forfaitisée en heures ou en jours (C. trav., art. L. 3121-53). Ce
faisant, les conventions de forfait permettent d’écarter la
réglementation sur les heures supplémentaires (C. trav., art. L. 3121-
53), sous réserve de respecter le droit à la santé et au repos
o
(Cass. soc., 24 avr. 2013, n 11-28.398). Le cas échéant (V. infra),
les stipulations de l’accord collectif applicable doivent être de nature
à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés
o
(Cass. soc., 15 déc. 2021, n 19-18.226), ce qu’il appartient au juge
o
de contrôler même d’office (Cass. soc., 19 mai 2021, n 19-16.362).
Répond à cette exigence l’accord d’entreprise qui prévoit
l’établissement d’un décompte du nombre de jours travaillés et une
réunion annuelle pour faire le point sur l’organisation el la charge de
o
travail (Cass. soc. 9 févr. 2022, n 20-18.602). À défaut, la
convention individuelle de forfait conclue sur son fondement est
privée d’effet (Ibid.) sans entraîner l’inopposabilité de cet accord
collectif aux salriés auxquels il s’applique (Cass. soc., 15 déc. 2021,
o
n 19-18.226). Inversement la convention individuelle est nulle
lorsque l’accord collectif prévoit, d’une part, que le chef
d’établissement veille à ce que la charge de travail soit compatible
avec la réduction du temps de travail et, d’autre part, que les cadres
bénéficient d’un repos quotidien et hebdomadaire sans instituer de
suivi effectif et régulier pour remédier à une éventuelle surcharge de
o
travail (Cass. soc., 24 mars 2021, n 19-12.208 ; Cass. soc., 13 oct.
o
2021, n 19-20.561). En cas de contentieux, il incombe à
l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de
l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la
sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours (Cass.
o
soc., 19 déc. 2018, n 17-18.725). Manque à son obligation de

178
sécurité l’employeur ne justifiant pas avoir pris les dispositions
nécessaires pour garantir que l’amplitude et la charge de travail du
salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition
dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité
o
et de la santé du salarié (Cass. soc., 2 mars 2022, n 20-16.683,
relatif à un salarié sous convention de forfait en jours).

Selon l’article L. 2132-3 du Code du travail, les syndicats


professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant
toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie
civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à
l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. Sur ce
fondement, un syndicat peut agir en justice pour contraindre un
employeur à mettre fin à un dispositif irrégulier de recours au forfait
en jours, sous réserve de l’exercice éventuel par les salariés
concernés des droits qu’il tiennent de la relation contractuelle, et à
satisfaire aux obligations conventionnelles de nature à assurer le
respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que les
repos quotidiens et hebdomadaires. En revanche, sont irrecevables
les demandes du syndicat tendant à obtenir, d’une part, la nullité ou
l’inopposabilité des conventions individuelles de forfait en jours des
salariés concernés et, d’autre part, que le décompte du temps de
leur travail soit effectué selon les règles du droit commun (Cass.
o
soc., 15 déc. 2021, n 19-18.226).

(C. trav., art. L. 3121-54)


Deux catégories de conventions existent, à l’exclusion de toute autre : les
conventions en jours et les conventions en heures, étant entendu que « le forfait
en heures est hebdomadaire, mensuel ou annuel. Le forfait en jours est annuel ».

179
En d’autres termes, la convention de forfait peut être établie en
heures réalisées sur la semaine, le mois ou l’année. Les salariés
sous convention de forfait annuel sont soumis à un forfait de 1607
heures. La convention de forfait peut aussi être stipulée en jours
déployés sur l’année. En revanche, le forfait en jours est
impérativement réparti sur l’année.
Dès lors, le principe de la convention de forfait est simple : faisant
exception à la durée légale, la convention de forfait exclut la
comptabilisation du temps de travail en heures et exclut les règles
relatives aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de
travail, les règles tenant au repos étant néanmoins maintenues
o
(V. Fiche n 16).

(C. trav., art. L. 3121-55)


Le formalisme de la convention de forfait est lui aussi impératif : « La forfaitisation
de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention
individuelle de forfait établie par écrit ».

En contrepartie de la forfaitisation de ses heures de travail, le salarié


se voit octroyer un certain nombre de jours de repos déterminés au
préalable.

En revanche, le forfait en heures et le forfait en jours sont dotés d’un


régime distinct.

Qu’en est-il des conditions de validité de la convention de forfait ?

Quant au champ d’application personnel, le forfait en heure est


ouvert à tous les salariés mais selon des périodes différentes.

180
(C. trav., art. L. 3121-56)
Ainsi, tandis que « tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait
en heures sur la semaine ou sur le mois », seuls « peuvent conclure une
convention individuelle de forfait en heures sur l’année, les cadres dont la nature
des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de
l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés », ainsi que « les
salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du
temps ».
(C. trav., art. L. 3121-58)
Du côté du forfait en jours, ce champ d’application personnel est plus restreint
puisque seuls deux catégories de salariés « peuvent conclure une convention
individuelle de forfait en jours sur l’année ».
Cela concerne « […] les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation
de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre
l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils
sont intégrés », ainsi que « les salariés dont la durée du temps de travail ne peut
être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de
leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées ».

Le recours au forfait fait l’objet d’un écrit rédigé sous la forme d’une
clause insérée au sein du contrat de travail, ou d’une convention
autonome à ce dernier. En conséquence, la seule signature d’une
convention de forfait en jours nulle n’est pas suffisamment grave
pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. soc., 2 mars
o
2022, n 20-11.092, qui rejette une demande de résiliation du contrat
de travail). En cas d’annulation d’une convention annuelle de forfait
en jours d’un salarié protégé, et de refus de ce dernier de la
proposition de modification de l’organisation de son temps de travail,
l’employeur est tenu soit de maintenir la libre répartition de son
temps de travail par le salarié, soit de saisir l’inspecteur du travail
d’une demande d’autorisation administrative de licenciement (Cass.
o
soc., 9 févr. 2022, n 20-13.711).

181
La rémunération au forfait ne peut résulter que d’un accord entre les
parties.

Quant à sa qualification juridique, la convention de forfait doit


déterminer le nombre d’heures correspondant à la rémunération
convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le
salarié que celle qu’il percevrait en l’absence de convention, compte
tenu des majorations pour heures supplémentaires. Dès lors la
fixation par le contrat de travail d’une rémunération mensuelle fixe
forfaitaire pour 198,67 heures caractérise une convention de forfait
de rémunération incluant un nombre déterminé d’heures
o
supplémentaires (Cass. soc., 30 mars 2022, n 20-18.651, donnant
application à C. trav., anc. art. L. 3121-22, dans sa rédaction
o
antérieure à la loi n 2016-1088 du 8 août 2016). À l’inverse, la seule
fixation d’une rémunération forfaitaire, sans que ne soit déterminé le
nombre d’heures supplémentaires inclus dans cette rémunération,
ne permet pas de caractériser une convention de forfait (Cass. soc.,
o
15 déc. 2021, n 15-24.990).

Pour les forfaits en heures hebdomadaires ou mensuels, aucun


accord collectif n’est nécessaire : l’employeur et le salarié peuvent
en fixer, sous réserve de la condition de l’écrit, le principe ainsi que
les modalités d’exécution.

Au contraire, pour les forfaits annuels en heures, la négociation


collective est un passage obligé puisque les forfaits annuels en
heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord
collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une
convention ou un accord de branche (C. trav., art. L. 3121-63). Aux
termes de l’article L. 3121-64 du Code du travail, l’accord prévoyant

182
la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en
jours sur l’année détermine le champ d’application personnel, ainsi
que les modalités concrètes de recours aux conventions
individuelles de forfait. Par ailleurs, lorsqu’une convention de forfait
en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des
heures supplémentaires doit s’effectuer selon le droit commun, au
regard de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ou de la
durée considérée comme équivalente (Cass. soc., 30 mars 2022,
20-19.849).

La convention individuelle de forfait en jours sur l’année est conclue


dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de
l’article L. 3121-64 du Code du travail, c’est-à-dire la limite de deux
cent dix-huit jours s’agissant du forfait en jours. Par conséquent, les
salariés ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année
dont le nombre est inférieur à 218 jours, ne peuvent être considérés
o
comme salariés à temps partiel (Cass. soc., 27 mars 2019, n 16-
23.800).
Enfin, s’agissant du contentieux relatif à la convention de forfait en
jours, le salarié, dont la demande de rappel de salaire au titre des
heures supplémentaires n’est pas prescrite, est recevable à
contester la validité de la convention de forfait annuel en jours
o
stipulée dans son contrat de travail (Cass. soc., 27 mars 2019, n
17-23.314 et 17-23.375). Lorsque le salarié est soumis à tort à un tel
dispositif, il peut obtenir le paiement des heures supplémentaires
o
correspondantes (Cass. soc., 12 nov. 2020, n 19-15.173).

§3 Règles de comptabilisation du temps de travail

I. Règles préventives

183
er
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1 , du Code du travail,
lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne
travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les
documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des
repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun
des salariés concernés.

En outre, selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à


la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les
documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli
par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant
laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie
réglementaire.

II. Règles contentieuses

Selon l’article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à


l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur
fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires
effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de
ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa
conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les
mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures
de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système
d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

S’agissant de la preuve des heures supplémentaires, la


jurisprudence antérieure relative au régime de la preuve partagée
o
(Cass. soc., 25 févr. 2004, n 01-45.441 ; Cass. soc., 25 févr. 2004,
o o
n 02-41.606 ; Cass. soc., 24 nov. 2010, n 09-40.928 ; Cass. soc., 4

184
o o o
déc. 2013, n 12-17.525, n 12-11.886, n 12-22.344 et 11-28.314) a
été modifiée par un renforcement de l’implication du salarié dans la
répartition de la charge de la preuve.

Jurisprudence
En ce sens, il a été jugé « qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre
d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa
demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées
qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le
contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses
propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de
ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et
réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre
des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il
évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul,
l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant » (Cass.
o o
soc., 18 mars 2020, n 18-10.919 ; Cass. soc., 27 janv. 2021, n 17-31.046).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– J. BARTHÉLÉMY, « Numérique, civilisation du savoir et définition
du temps de travail », Dr. soc. 2018, pp. 372-377
– J. CAVALLINI, L’influence du droit de l’Union européenne sur la
durée du travail en France, JCP S 2019, 1324
– F. DUCLOS, Ph. FLORES, « Chronique durée du travail et
o
rémunération, Premier semestre 2017 », SSL n 1787, 23 oct.
2017, pp. 4-11
– M. MORAND, Les congés payés, la durée du travail et le repos au
temps du Coronavirus, JCP S 2020, 1095
– M. MORAND, La durée et l’aménagement du temps de travail
après le confinement, JCP S 2020, 2035

185
– Y. PAGNERRE, J. VERNERET, Forfait en jours : de l’illicéité à la
sécurisation des dispositifs conventionnels, JCP S 2019, 1351
– M. VERICEL, « Une nouvelle architecture des règles en matière
de temps de travail », RDT 2016, pp. 824-831
– M. VERICEL, « Un nouveau modèle pour la réglementation du
temps de travail », Dr. soc. 2018, pp. 276-278

186
o
Fiche n 16 Les congés

L’ESSENTIEL

Principe constitutionnel et protégé par de nombreux textes


internationaux et européens, le droit au repos se décline sous
différentes formes. Il prend tout d’abord la forme du temps de pause.
Mais il peut également adopter une forme hebdomadaire au travers
du repos dominical. Le repos peut aussi être ponctuel, comme
l’illustrent les jours fériés. Enfin, le travailleur peut faire valoir des
congés payés annuels.

Régies par des règles d’ordre public, ces différentes formules


peuvent néanmoins être, le cas échéant, modulées par accord
collectif dans les limites définies par le champ de négociation
circonscrit par le Code du travail.

LES CONNAISSANCES

Le droit au repos est un droit constitutionnel. Aux termes du onzième


alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit
à tous […] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et
les loisirs ». Il en résulte que le principe d’un repos hebdomadaire

187
est l’une des garanties du droit au repos ainsi reconnu aux salariés
o
(Cons. const., 13 janv. 2003, n 2002-465 DC ; Cons. const., 6 août
o
2009, n 2009-588 DC). De même, le droit au repos est largement
protégé par les institutions européennes. Sur la base de la directive
o
n 2003/88 du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de
o
l’aménagement du temps de travail (JOCE n L 299, 18 nov. 2003,
pp. 9-19), la CJUE estime ainsi que le droit au congé annuel payé de
chaque travailleur est « un principe du droit social de l’Union
revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé
et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes
ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées
par ladite directive » (CJUE, 26 juin 2001, Bectu, aff. C-173/99 ;
CJUE, 24 janv. 2012, Dominguez, aff. C-282/10).

La jurisprudence judiciaire n’hésite d’ailleurs pas à invoquer ces


fondements afin d’organiser au mieux les mécanismes
d’aménagement du temps de travail, notamment en ce qui concerne
les conventions de forfait, « le droit à la santé et au repos [étant] au
nombre des exigences constitutionnelles » (Cass. soc., 29 juin 2011,
o
n 09-71.107).

Réglementé aux articles L. 3131-1 et suivants du Code du travail, le


repos s’organise selon les nouvelles articulations de la hiérarchie
des normes en droit du travail, lesquelles privilégient largement la
o
négociation collective (V. Fiches n 1 et 46). La crise sanitaire due à
la Covid-19 a entraîné l’adoption de mesures dérogatoires et
temporaires en matière de congés et de jours de repos (V.
o
Ord. n 2020-323, 25 mars 2020, prolongé jusqu’au 30 juin 2021 par
o o
Ord. n 2020-1597, 16 déc. 2020 ; L. n 2021-689, 31 mai 2021,

188
cessant de produire effet le 31 juillet 2022), notamment la possibilité
pour l’employeur d’imposer la prise de jours de repos ainsi que celle
des congés payés ou d’en modifier les dates.
Pour les développements qui suivent, seront énoncées les règles
d’ordre public ainsi que les règles supplétives de volonté car elles
forment le « noyau dur » de la réglementation du repos. Seront
successivement abordés le repos quotidien (§ 1), les jours fériés
(§ 2), le repos hebdomadaire (§ 3) et les congés payés (§ 4).

§1 Le repos quotidien
Par principe, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée
minimale de 11 heures consécutives, sauf dans certains cas : pour
des activités caractérisées par la nécessité d’assurer une continuité
du service ou par des périodes d’intervention fractionnées, en cas de
surcroît exceptionnel d’activité ou en cas d’urgence (C. trav.,
art. L. 3131-1). De plus, par dérogation au principe énoncé
précédemment, l’employeur peut, sous sa seule responsabilité et en
informant l’inspecteur du travail, déroger à la période minimale de
11 heures de repos quotidien par salarié en cas de travaux urgents
dont l’exécution immédiate est nécessaire pour organiser des
mesures de sauvetage, prévenir des accidents imminents ou encore
réparer des accidents survenus au matériel, aux installations ou aux
bâtiments (C. trav., art. D. 3131-1).

§2 Les jours fériés


Ponctuellement, le salarié peut bénéficier de jours fériés. Le jour
férié est un jour où l’on ne travaille pas en raison d’une fête légale.
Les fêtes légales qualifiées de jours fériés sont déterminées par
l’article L. 3133-1 du Code du travail.

189
er
Le Code du travail prévoit 11 jours fériés : le 1 janvier ; le lundi de
er
Pâques ; le 1 mai ; le 8 mai ; l’Ascension ; le lundi de Pentecôte ; le
14 juillet ; l’Assomption ; la Toussaint ; le 11 novembre ; le jour de
Noël.

Une autre notion est attachée à celle de jour férié : le jour chômé.
Concrètement, cela signifie que le jour chômé est payé comme s’il
s’agissait d’une journée de travail effective.

Il existe donc des jours fériés chômés et des jours fériés non
chômés.

Par ailleurs, le travail durant un jour férié n’est pas interdit. Dans une
pareille hypothèse, la rémunération n’est pas obligatoirement
majorée, sauf dispositions conventionnelles contraires.

Les heures de travail perdues par suite de chômage des jours fériés
ne donnent pas lieu à récupération (C. trav., art. L. 3133-2).
En outre, le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune
perte de salaire pour les salariés totalisant au moins 3 mois
d’ancienneté dans l’entreprise ou l’établissement (C. trav., art.
L. 3133-3). À défaut d’accord, l’employeur fixe les jours fériés
chômés (C. trav., art. L. 3133-3-2).

Ces règles s’appliquent aux salariés saisonniers si, du fait de divers


contrats successifs ou non, ils cumulent une ancienneté totale d’au
moins 3 mois dans l’entreprise. Par contre, ces dispositions ne
s’appliquent ni aux personnes travaillant à domicile, ni aux salariés
intermittents, ni aux salariés temporaires (C. trav., art. L. 3133-3,
al. 2 et 3).

190
Les jours fériés posent de nombreux problèmes pratiques. Au regard
du calendrier, la position d’un jour férié peut entraîner un « pont » qui
est une période de repos décidée par l’entreprise ou,
éventuellement, imposée à elle par une convention ou un accord
collectif de travail.

(C. trav., art. L. 3121-50)


Aux termes du Code du travail, cette période est d’une durée « d’un jour ou de
deux jours ouvrables compris entre un jour férié et un jour de repos hebdomadaire
ou d’un jour précédant les congés annuels ».

Des régimes spécifiques sont prévus par le Code du travail.

er
Concernant le 1 mai, il s’agit du seul jour férié et chômé (C. trav.,
er
art. L. 3133-4). Le chômage du 1 mai ne peut être une cause de
er
réduction de salaire (C. trav., art. L. 3133-5, al. 1 ). Les salariés
rémunérés à l’heure, à la journée ou au rendement ont droit à une
indemnité égale au salaire perdu du fait de ce chômage. Cette
indemnité est à la charge de l’employeur (C. trav., art. L. 3133-5, al.
2).

191
Journée de solidarité

Instituée en vue d’assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie


o
des personnes âgées ou handicapées (L. n 2008-351 du 16 avril 2008 relative à
o
la journée de solidarité – JO n 0091 du 17 avril 2008, p. 6378), la journée de
solidarité consiste en une journée supplémentaire de travail non rémunérée pour
les salariés ou d’une contribution pour les employeurs (C. trav., art. L. 3133-7 et
s.). Pour les employeurs, elle se traduit par une contribution mise à leur charge, la
« contribution solidarité autonomie ».

La négociation collective peut organiser les modalités d’accomplissement de la


journée de solidarité. Elles sont alors fixées par accord d’entreprise ou
d’établissement ou, à défaut, par accord de branche (C. trav., art. L. 3133-11). À
défaut de stipulation dans la convention ou l’accord, les modalités
d’accomplissement de la journée de solidarité sont définies par l’employeur, après
consultation du comité social et économique (C. trav., art. L. 3133-12).

§3 Le repos hebdomadaire

Les principes tenant au repos hebdomadaire sont constitués de


deux aspects complémentaires.

(C. trav., art. L. 3132-1)


D’une part, le Code du travail pose une prohibition : « il est interdit de faire
travailler un même salarié plus de six jours par semaine ».

Le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures


consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos
quotidien (C. trav., art. L. 3132-2). Les règles du repos
hebdomadaires doivent être combinées avec celles de la durée
o
maximale (V. Fiche n 15).

192
Des dérogations sont énoncées dans différentes matières où le
repos hebdomadaire peut être suspendu, notamment en cas de
travaux urgents (C. trav., art. L. 3132-4), dans les industries traitant
des matières périssables ou ayant à répondre à un surcroît
extraordinaire de travail (C. trav., art. L. 3132-5), pour les travaux
dans les ports, débarcadères et stations (C. trav., art. L. 3132-6),
pour les activités saisonnières (C. trav., art. L. 3132-7), pour les
travaux de nettoyage des locaux industriels et de maintenance
(C. trav., art. L. 3132-8), pour les travaux intéressant la défense
nationale (C. trav., art. L. 3132-9), dans les établissements
industriels fonctionnant en continu (C. trav., art. L. 3132-10), ainsi
que pour les gardiens et concierges des établissements industriels
et commerciaux (C. trav., art. L. 3132-11).

(C. trav., art. L. 3132-3)


D’autre part, le Code du travail localise le jour de repos hebdomadaire très
précisément : « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le
dimanche ».
(C. trav., art. L. 3132-3-1)
Dans la même logique, il est intéressant de noter que « le refus d’un demandeur
d’emploi d’accepter une offre d’emploi impliquant de travailler le dimanche ne
constitue pas un motif de radiation de la liste des demandeurs d’emploi ».

Pour autant, force est de constater que les dérogations au repos


dominical sont très nombreuses.

193
La crise sanitaire a été l’occasion de formuler une dérogation supplémentaire
au profit des « personnes morales qui assurent les activités prévues à l’article 11
de la loi du 11 mai 2020 susvisée, d’identification, d’orientation et
d’accompagnement des personnes infectées ou présentant un risque d’infection
au Covid-19 et de surveillance épidémiologique aux niveaux national et local dans
le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, ainsi que
ceux qui assurent des prestations nécessaires à l’accomplissement de ces
o o
activités » (D. n 2020-573, 15 mai 2020 ; Ord. n 2020-323, 25 mars 2020,
art. 7).

Tout d’abord, le Code du travail établit des dérogations permanentes


de droit.

(C. trav., art. L. 3132-12)


En bénéficient « certains établissements, dont le fonctionnement ou l’ouverture est
rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins
du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le
er
repos hebdomadaire par roulement » ainsi que (C. trav., art. L. 3132-13, al. 1 )
« les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le
dimanche à partir de 13 heures. ».

Les dérogations permanentes de droit sont déterminées par décret,


notamment aux articles R. 3132-5 et suivants du Code du travail.
Ainsi, dans le secteur du tourisme et des loisirs, le repos
hebdomadaire peut être attribué par roulement aux salariés ayant
une activité de réservation et vente d’excursions ou de places de
spectacles ou d’accompagnement de clientèle. Par conséquent, cela
exclut du champ des dérogations permanentes de plein droit les
salariés employés à des activités commerciales de vente de billets
d’avion ou de séjours et qui géraient les appels des membres du

194
programme de fidélisation d’une compagnie aérienne (Cass. soc.,
o
9 mai 2019, n 17-21.162).

De plus, des dérogations peuvent être prévues par le biais


d’aménagements conventionnels. Ainsi, dans les industries ou les
entreprises industrielles, une convention ou un accord d’entreprise
ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de
branche étendu peut prévoir la possibilité d’organiser le travail de
façon continue pour des raisons économiques et d’attribuer le repos
hebdomadaire par roulement (C. trav., art. L. 3132-14) ou encore
dans les entreprises ayant recours au dispositif de l’équipe de
suppléance (C. trav., art. L. 3132-16).

Au-delà, les dérogations sont accordées, entre autres, soit par le


préfet (C. trav., art. L. 3132-20 et s.), soit par le maire (C. trav., art.
L. 3132-24 et s.).

Enfin, des dérogations reposent sur un fondement géographique. Il


en est ainsi des établissements de vente au détail mettant à
disposition des biens et des services situés dans certaines zones du
territoire (C. trav., art. L. 3132-24 à L. 3132-25-6) qualifiées de zones
touristiques internationales, ou encore dans des zones touristiques
et les zones commerciales qui connaissent une grande affluence de
touristes ou bien encore les zones dans l’emprise d’une gare (ex. :
Gare Saint-Lazare ; Gare du Nord ; Gare de l’Est ; Gare
Montparnasse ; Gare de Lyon ; Gare d’Austerlitz).

Les principes énoncés concernant le repos doivent être combinés


avec ceux résultant des durées maximales de travail (V. Fiche
o
n 15).

195
§4 Les congés payés

I. Le droit aux congés payés

(C. trav., art. L. 3141-1)


Le droit au congé est un droit général : « tout salarié a droit chaque année à un
congé payé à la charge de l’employeur ».

Tous les salariés sont donc concernés quelle que soit la nature de
leur contrat de travail (CDI, CDD, etc.) et quel que soit le temps de
travail (à temps plein ou temps partiel). Les congés payés annuels
n’excluent aucunement la prise des autres congés.

Par exemple, les salariés de retour d’un congé de maternité ou d’un


congé d’adoption ont droit à leur congé payé annuel, quelle que soit
la période de congé payé retenue pour le personnel de l’entreprise
(C. trav., art. L. 3141-2).

Par ailleurs, ce droit à congés doit être effectif. Sous l’impulsion du


droit de l’Union européenne (Dir. 2003/88, art. 7 ; Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, art. 31 § 2 ; CJUE, 6 nov.
2018, aff. C-684/16, Max Planck), les règles de preuve de
l’exécution des obligations de l’employeur ont été uniformisées. Par
conséquent, dans le cadre du régime de droit commun des congés
payés, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à
assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à
congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette
fin les diligences qui lui incombent légalement (Cass. soc., 13 juin
o o
2012, n 11-10.929, Bull. civ. V, n 187 ; Cass. soc., 21 sept. 2017,
o o o
n 16-18.898, Bull. civ. V, n 159 ; Cass. soc., 29 sept. 2021, n 19-

196
19.223). Il appartient également à l’employeur relevant d’une caisse
de congés payés (C. trav., art. L. 3141-32) de prendre les mesures
propres à assurer au salarié la possibilité de bénéficier effectivement
de son droit à congé auprès de la caisse de congés payés, et, en
cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les
diligences qui lui incombent légalement. Seule l’exécution de cette
obligation entraîne la substitution de l’employeur par la caisse pour
le paiement de l’indemnité de congés payés (Cass. soc., 22 sept.
o
2021, n 19-17.046).

Comment se calcule la durée des congés payés ?

(C. trav., art. L. 3141-3)


Tout d’abord, « le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par
mois de travail effectif chez le même employeur ». La « durée totale du congé
exigible ne peut excéder trente jours ouvrables ».

La notion de jour ouvrable est très large et vise tous les jours de la
semaine, quel que soit l’horaire de l’entreprise ou du salarié (Cass.
o
soc., 8 nov. 1983, n 81-41.583), hormis les dimanches et les jours
fériés légaux.
De même, les périodes prises en compte sont interprétés
favorablement : par exemple, lorsqu’un licenciement est annulé, la
période comprise entre l’annulation du licenciement et la
réintégration du salarié donne droit à congés payés (CJUE, 25 juin
2020, aff. C-762/18 ; CJUE, 25 juin 2020, aff. 37/19).

Puis, il convient de déterminer la période prise en compte pour le


calcul (V., pour le décompte des congés payés concernant le travail
o
par cycle, Cass. soc., 29 janv. 2020, n 18-13.604). À défaut de

197
stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de
l’article L. 3141-10 du Code du travail, le début de la période de
référence pour l’acquisition des congés est fixé par un décret en
Conseil d’État (C. trav., art. L. 3141-11).

Actuellement, à défaut de stipulations conventionnelles contraires, la


er
période de référence est fixée du 1 juin de l’année précédente au
31 mai de l’année en cours.

II. La prise des congés

Les congés payés annuels sont pris dans une période qui comprend
er
dans tous les cas la période du 1 mai au 31 octobre de chaque
année (C. trav., art. L. 3141-13).
Cela étant, les congés peuvent être pris dès l’embauche, sans
préjudice des règles de détermination de la période de prise des
congés et de l’ordre des départs et des règles de fractionnement du
congé (C. trav., art. L. 3141-12).
De plus, les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de
solidarité travaillant dans une même entreprise ont droit à un congé
simultané (C. trav., art. L. 3141-14).
À défaut de stipulation dans une convention ou un accord collectif
(C. trav., art. L. 3141-15), l’employeur est le maître d’œuvre de la
prise des congés payés annuels. Il appartient donc à l’employeur de
définir, après avis, le cas échéant, du CSE la période de prise des
congés ainsi que l’ordre des départs (C. trav., art. L. 3141-16).
L’ordre des départs s’applique aux congés reportés (Cass. soc.,
o
8 juill. 2020, n 18-21.681).
Pour ce faire, l’employeur tient compte, à défaut de stipulations
conventionnelles contraires, de différents critères, à savoir :

198
la situation de famille des bénéficiaires, notamment les
possibilités de congé, dans le secteur privé ou la fonction
publique, du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de
solidarité, ainsi que la présence au sein du foyer d’un enfant ou
d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte
d’autonomie ;
la durée de leurs services chez l’employeur ;
ainsi que leur activité chez un ou plusieurs autres employeurs.

Attention En revanche, à défaut de stipulations contraires, l’employeur ne peut,


sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de
départ moins d’un mois avant la date de départ prévue (C. trav., art. L. 3141-16).

Enfin, les congés payés, en principe, doivent être pris de manière


fractionnée. En principe, les cinq semaines de congés payés ne
peuvent pas être prises en continu.

(C. trav., L. 3141-17)


Conformément à l’article L. 3141-17 du Code du travail, « la durée des congés
pouvant être pris en une seule fois ne peut excéder vingt-quatre jours ouvrables. Il
peut être dérogé individuellement à cette limite pour les salariés qui justifient de
contraintes géographiques particulières ou de la présence au sein du foyer d’un
enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie ».

À l’inverse, le micro-fractionnement est impossible. Ainsi, lorsque le


congé ne dépasse pas douze jours ouvrables, il doit être continu
(C. trav., art. L. 3141-18).

Pour autant, en fonction de sa durée, le fractionnement des congés


payés annuels peut être soumis à l’accord du salarié. Selon l’article
L. 3141-19 du Code du travail, lorsque le congé principal est d’une

199
durée supérieure à douze jours ouvrables, il peut être fractionné
avec l’accord du salarié. Cet accord n’est pas nécessaire lorsque le
congé a lieu pendant la période de fermeture de l’établissement. À
ce sujet, il a été jugé que le salarié ne pouvant pas renoncer par
avance au bénéfice d’un droit qu’il tient de dispositions d’ordre public
avant que ce droit ne soit né, il ne peut renoncer dans le contrat de
travail à ses droits en matière de fractionnement du congé principal
o
(Cass. soc., 5 mai 2021, n 20-14.390).

Les congés payés emportent suspension du contrat de travail


o
(V. Fiches n 10 et s.).

POUR ALLER PLUS LOIN…


o
– RF Social, n 172, « Calculer et organiser les congés payés »,
Dossier, mars 2017
– M. HAUTEFORT, « Nouveau processus d’organisation des congés
o
payés », Les cahiers du DRH n 237, déc. 2016, pp. 8-21

200
o
Fiche n 17 La rémunération

L’ESSENTIEL

La rémunération est un élément essentiel du contrat de travail, en ce


qu’il est la contrepartie du travail effectué par le salarié. Il n’y a pas
de contrat de travail sans rémunération. Elle s’entend de tout
élément versé au salarié dans le cadre de son travail.

LES CONNAISSANCES

La rémunération est une notion qui doit être précisée (§ 1). Il s’agit
d’une conception large du salaire qui s’entend de tout élément versé
au salarié dans le cadre de son contrat de travail, élément dont il
convient de préciser le régime (§ 2). À ces éléments peuvent
s’ajouter certains compléments de revenus perçus par le salarié au
titre de l’intéressement, la participation et l’épargne salariale (§ 3).

§1 La notion de rémunération
À l’origine, la notion de salaire était entendue au sens strict comme
la contrepartie du travail : « en raison du caractère synallagmatique

201
du contrat de travail, tout salaire est la contrepartie de la prestation
o
de travail » (Cass. soc., 11 janv. 1962, n 58-40.128).

Cette conception est aujourd’hui encore valable. Mais elle se double


d’une conception plus large que l’on retrouve sous le vocable
« rémunération ». La rémunération regroupe toutes les sommes
versées au salarié en contrepartie ou à l’occasion de son travail.

Cette conception large du salaire est retenue par le Code de la


sécurité sociale pour le calcul des cotisations sociales (CSS, art.
L. 241-1).

§2 Le salaire

I. Les éléments du salaire

A Le salaire de base
Le salaire de base est librement déterminé par les parties lors de la
conclusion du contrat de travail. Il est fixé dans sa nature et son
montant. Il peut se composer d’une partie fixe et d’une partie
variable.
Il est régulièrement calculé en fonction du nombre d’heures
effectuées. Il peut également varier en fonction du rendement, c’est
à dire, varier en fonction des résultats du travail du salarié ou d’une
équipe sur une période donnée.

B Les accessoires du salaire


En sus du salaire de base, le salarié peut percevoir, ponctuellement
ou périodiquement, des compléments ou accessoires appelés

202
« avantage en nature », « pourboire », « gratifications » ou
« primes ».

• Les avantages en nature


Le salaire peut être constitué par des avantages en nature (Cass.
o
soc., 7 janv. 1981, Bull. civ. 1981, V, n 2). Les avantages en nature
peuvent s’ajouter à la rémunération en espèces ou peuvent
composer intégralement le salaire si leur valeur est au moins égale
o
au SMIC (Cass. soc., 27 mars 1990, n 87-43.813) ou au salaire
o
minimum conventionnel (Cass. soc.,17 mars 1993, n 89-40.317).

Ils peuvent être prévus par convention collective ou par le contrat de


travail. Ils peuvent aussi résulter d’un usage.

Les avantages en nature consistent dans la fourniture de prestations


ou la mise à disposition de biens ou de services. Il peut s’agir de
nourriture, d’un logement (avec l’eau, électricité, chauffage…), d’un
véhicule, etc.

• Les pourboires
Le pourboire est une gratification remise au salarié par les clients de
l’employeur. Il est très fréquent dans les professions qui impliquent
une mise en relation entre le salarié et la clientèle (hôtellerie,
restauration…).

Il est licite sauf s’il est interdit par le contrat de travail ou la


convention collective.

Il constitue un mode de rémunération en tant que tel s’il résulte d’un


usage ou est prévu par convention collective ou le contrat de travail.

203
Il peut constituer toute la rémunération du travail ou bien venir
s’ajouter au salaire fixe.

• La gratification
La gratification recouvre en pratique de multiples formes : treizième
mois, prime de fin d’année, prime de vacances.

La jurisprudence distingue les gratifications bénévoles et les


gratifications obligatoires.

Les premières constituent une libéralité dès lors que l’employeur


décide en toute liberté de leur versement, de leur montant et des
conditions d’attribution. L’employeur peut décider de supprimer une
telle gratification ou de modifier son montant. Le salarié ne peut pas
en exiger le maintien ou le renouvellement. Ces gratifications
bénévoles échappent au régime juridique du salaire.

Les deuxièmes tirent leur caractère obligatoire du contrat de travail,


d’un accord ou d’une convention collective, de l’engagement
unilatéral de l’employeur ou d’un usage. Elles constituent un
complément de salaire. Elles ont la nature de salaire et en suivent le
régime. L’employeur est donc tenu de s’en acquitter.

• Les primes
Les primes peuvent recouvrir plusieurs formes : prime d’ancienneté,
prime d’assiduité, prime de rendement, prime de pénibilité…

Elles peuvent être prévues par le contrat de travail, un accord ou


une convention collective ou résulter d’un engagement unilatéral de
l’employeur ou d’un usage.

204
Elles constituent du salaire dès lors qu’elles sont versées selon une
certaine périodicité.

II. La fixation du salaire

A La libre fixation du salaire


Le principe de la libre fixation du salaire est rappelé par le Conseil
constitutionnel dans une décision du 11 juin 1963 : « la fixation des
rémunérations salariales ainsi que de leurs accessoires de toute
nature relève des contrats librement passés entre employeurs et
o
salariés » (Cons. const., 11 juin 1963, n 63-5 FNR).

Cependant, le contrat de travail ne détermine souvent qu’une partie


du salaire. Ce dernier peut résulter de différentes sources autres que
le contrat de travail, tels que les lois, les conventions ou accords
collectifs de travail, les usages, les accords atypiques ou les
décisions unilatérales de l’employeur. Ces différentes sources
peuvent consacrer certaines parties du salaire, certains
compléments de rémunération ou certaines règles d’augmentation
qui s’imposent aux parties.

La liberté des parties dans la fixation du salaire est également


limitée par le respect de salaires minimums.

B Le salaire minimum
Pour éviter les salaires trop faibles, le législateur a fixé une limite au-
dessous de laquelle aucun salaire ne peut descendre : le SMIC.
Mais, les partenaires sociaux établissent également des barèmes de
salaires minimums.

205
• Le SMIC
Le législateur a institué un salaire minimum interprofessionnel
garanti (SMIG), devenu le salaire minimum de croissance (SMIC) en
1970.
Le SMIC correspond au salaire horaire minimum légal que le salarié
doit percevoir. Il s’agit d’un salaire minimum d’ordre public, de sorte
qu’il n’est pas possible d’y déroger, même par convention collective.

Le SMIC s’applique à l’ensemble des salariés. Il concerne tout


salarié âgé de 18 ans révolus. Des abattements sont toutefois
applicables, dans certains cas (apprentis et salariés de moins de
18 ans).

L’employeur qui ne respecte pas le SMIC encourt une amende de


e
5 classe (1 500 euros). En cas de récidive dans le délai d’un an,
l’amende est portée à 3 000 euros (C. trav., art., R.3233-1).

En l’absence de poursuite pénale, l’autorité administrative peut


prononcer à l’encontre de l’employeur une amende qui ne peut
dépasser 2 000 euros (C. trav., art. L. 8115-1).

206
Jurisprudence
L’employeur s’expose également à l’engagement de sa responsabilité civile.
En effet, la Cour de cassation considère que le paiement d’une rémunération
inférieure au SMIC cause nécessairement au salarié un préjudice qui doit être
o
réparé (Cass. soc., 29 juin 2011, n 10-12.884).

• Le minimum conventionnel
Le salaire est un thème de la négociation obligatoire au niveau de
l’entreprise ou de l’établissement et de la branche ou de la
profession. Les accords et conventions collectives peuvent ainsi
déterminer une classification des emplois et fixer une rémunération
minimale en fonction des catégories d’emplois. Le salaire minimum
conventionnel dépend ainsi de la qualification professionnelle de
chaque salarié.

L’employeur doit verser le minimum conventionnel s’il est supérieur au


montant du SMIC. Si le minimum conventionnel est inférieur au SMIC, l’employeur
doit verser un complément de salaire permettant d’atteindre le SMIC.

III. Le paiement du salaire

A La mensualisation
La loi impose une périodicité minimale de paiement du salaire qui
est par principe mensuelle. La mensualisation a été consacrée par
l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 1997, puis
o
généralisée par la loi du 19 janvier 1978 (L. n 78-49, 19 janv. 1978,

207
relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle – JO
du 20 janvier 1978, p. 426).

La mensualisation implique le paiement du salaire tous les mois. Il


existe cependant une exception pour les salariés payés uniquement
au rendement qui doivent être payés deux fois par mois, par
quinzaine (C. trav., art., L. 3242-1 et s.).

La rémunération est déterminée indépendamment du nombre de


jours que comporte le mois, et ce afin de neutraliser les
conséquences de la répartition inégale des jours entre les 12 mois
de l’année. Pour les salariés travaillant 35 heures par semaine, la
rémunération mensuelle forfaitaire est ainsi établie sur la base d’une
durée moyenne mensuelle de 151,67 heures (35 × 52/12).

B Les modes de paiement


Sous réserve de dispositions législatives imposant le paiement des
salaires sous une forme déterminée, le salaire est payé en espèces
ou par chèque barré ou par virement à un compte bancaire ou postal
(C. trav., art. L. 3241-1).

Le salaire doit obligatoirement être payé par chèque ou virement


bancaire ou postal lorsque son montant excède 1 500 € net par
mois.

En-deçà de ce montant, le salaire est payé en espèces au salarié


qui le demande.

C La date et le lieu du paiement

208
Le salaire est versé un jour ouvrable sauf en cas de paiement réalisé
par virement (C. trav., art. R. 3241-1). Aucune règle du Code du
travail n’impose un jour de versement du salaire.

Il est d’usage que la paye s’effectue sur les lieux de travail lorsque le
salarié est payé par chèque ou en espèces.

D Le bulletin de paie
Lors du paiement du salaire, l’employeur a l’obligation de délivrer au
salarié un bulletin de salaire, généralement édité sur support papier
(C. trav., art. L. 3243-1). Il peut être remis en main propre ou envoyé
par courrier. Sauf opposition du salarié, il peut également être remis
sous forme électronique.
La remise du bulletin de paie doit avoir lieu en même temps que le
o
paiement du salaire (Cass. soc., 5 oct. 2004, n 02-44.487).

Le bulletin de paie n’a aucune valeur probante. L’acceptation du


bulletin de paie par le salarié ne peut en effet constituer la preuve
que les sommes lui ont effectivement été versées. C’est donc à
l’employeur, en cas de contestation, de prouver le paiement des
salaires, notamment par la production de pièces comptables (Cass.
o
soc., 2 févr. 1999, n 96-44.798).

L’employeur conserve un double des bulletins de paie des salariés


ou les bulletins de paie remis aux salariés sous forme électronique
pendant cinq ans (C. trav., art. L. 3243-4).

IV. La protection du salaire

Le salaire est protégé à double titre : contre les créanciers de


l’employeur (A) et contre les créanciers du salarié (B).

209
A La protection contre les créanciers de l’employeur
Le salaire fait l’objet d’un super privilège. Autrement dit, le salarié
jouit d’un droit de se faire payer en priorité par rapport aux autres
créanciers de l’employeur. Le salarié est placé au premier rang des
créanciers. Ainsi, en cas de redressement ou de liquidation
judiciaire, le salaire des soixante derniers jours de travail est payé au
salarié (C. trav., art. L. 3253-2).

Les rémunérations concernées sont les salaires, appointements ou


commissions proprement dites, les accessoires et notamment
l’indemnité compensatrice, l’indemnité compensatrice de préavis,
l’indemnité de fin de contrat et l’indemnité de fin de mission (C. trav.
art. L. 3253-3).

B La protection contre les créanciers du salarié


Au regard de son caractère alimentaire, le salaire est protégé contre
les créanciers du salarié. Ainsi, ces derniers ne peuvent saisir le
salaire que partiellement. Le salarié conserve, dans tous les cas,
une somme au moins égale au montant forfaitaire du RSA pour une
personne seule. Le montant maximum saisissable des
rémunérations du travail est quant à lui calculé selon un barème. Il
est calculé par tranche de salaire et augmente progressivement.

En toute hypothèse, le créancier doit posséder un titre exécutoire


pour pouvoir saisir les sommes dues sur salaire.

§3 Intéressement, participation et épargne salariale

I. L’intéressement

210
L’intéressement est un dispositif facultatif qui a pour objet d’associer
collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de
l’entreprise.

Il est mis en place selon les modalités suivantes :


soit par convention ou accord collectif de travail ;
soit par accord entre l’employeur et les représentants
d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;
soit par accord conclu au sein du comité social et économique
ou du comité d’entreprise ;
soit à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du
personnel, d’un projet de contrat proposé par l’employeur
(C. trav. art. L. 3312-5).
Lorsque ce dispositif est mis en place, il doit concerner l’ensemble
des salariés compris dans le champ de l’accord. Toutefois, l’accord
de participation peut exiger une ancienneté de 3 mois au plus dans
l’entreprise (C. trav. art. L. 3342-1).

L’accord d’intéressement doit prévoir un système d’information des


salariés et de vérification d’exécution de l’accord (C. trav., art.
D. 3313-9).

L’intéressement résulte d’une formule de calcul liée aux résultats ou


aux performances de l’entreprise. La formule est déterminée par
l’accord d’intéressement.

II. La participation

La participation est un dispositif prévoyant la redistribution d’une


partie des bénéfices de l’entreprise au profit des salariés. Elle est

211
obligatoire lorsque l’entreprise a employé 50 salariés pendant
12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 derniers exercices.

Comme en matière d’intéressement, elle est mise en place selon les


modalités suivantes :
soit par convention ou accord collectif de travail ;
soit par accord entre l’employeur et les représentants
d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;
soit par accord conclu au sein du comité social et économique
ou du comité d’entreprise ;
soit à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du
personnel, d’un projet de contrat proposé par l’employeur
(C. trav. art. L. 3312-5).
Ce dispositif de participation, s’il est mis en place, doit concerner
tous les salariés. Toutefois, l’accord peut prévoir une condition
d’ancienneté de 3 mois maximum (C. trav., art. L. 3342-1).
Le montant de la participation varie selon les bénéfices réalisés par
l’entreprise. Après la clôture de l’exercice, cette dernière calcule la
réserve spéciale de participation selon une formule de calcul fixée
par la loi. Une autre formule dérogatoire est possible à condition
d’être au moins aussi favorable (C. trav. art. L. 3324-1 et s.).

III. L’épargne salariale

Le plan d’épargne salariale est un système d’épargne collectif qui


permet aux salariés de se constituer un portefeuille de valeurs
mobilières avec l’aide de l’entreprise (C. trav., art. L. 3332-1).

Le terme « épargne salariale » recouvre deux plans :


Le plan d’épargne entreprise (PEE),
Le plan d’épargne collectif pour la retraite (PERCO).

212
Le plan d’épargne salariale peut s’organiser au niveau de
l’entreprise, du groupe ou au niveau interentreprises. Il peut être mis
en place dans toute entreprise, quel que soit son effectif.

Ce dispositif de participation, s’il est mis en place, doit concerner


tous les salariés. Toutefois, l’accord peut prévoir une condition
d’ancienneté de 3 mois maximum (C. trav., art. L. 3342-1).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– P. LANGLOIS, « Discrimination, égalité et rémunération : régime et
o
fondement », SSL, n 1256, 10 avr. 2006, p. 7
– G. COUTURIER, « De quoi le salaire est-il la contrepartie ? », Dr.
soc. 2011, p. 10
– J. SAVATIER, « Les minima de salaire », Dr. soc. 1997, p. 575

213
o
Fiche n 18 Les acteurs de la protection
de la santé et de la sécurité

L’ESSENTIEL

Sous l’impulsion du droit international et européen, la protection de


la santé et de la sécurité dans l’entreprise fait l’objet d’une attention
soutenue du législateur et des juges. Le droit de la santé et de la
sécurité, aussi dénommé « droit de la santé au travail », est
largement codifié à la quatrième partie du Code du travail. Divers
acteurs du monde du travail interviennent pour rendre donner à ce
droit son effectivité.

LES CONNAISSANCES

L’acteur majeur en matière de protection de la santé et de la sécurité


est l’employeur puisque repose sur ses épaules une obligation
générale de prévention (§ 1). Pour autant, le droit français a
consacré une participation équilibrée, initiée par la Directive du
o
12 juin 1989 (Cons. UE, dir. n 89/391, 12 juin 1989), entre les
employeurs et les travailleurs en matière de sécurité (§ 2). De plus,

214
divers acteurs, internes et externes à l’entreprise, s’intéressent à ces
questions (§ 3).

§1 L’employeur

I. Les principes légaux : l’obligation générale de sécurité

Le législateur a expressément formulé une obligation générale de


sécurité à la charge de l’employeur. Selon l’article L. 4121-1 du Code
du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer
la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques
professionnels, des actions d’information et de formation et la mise
en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur
veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du
changement des circonstances et tendre à l’amélioration des
situations existantes.

Le Code du travail fixe des principes généraux de prévention en


l’article L. 4121-2 du Code du travail. Il revient ainsi à l’employeur
d’éviter les risques ; d’évaluer les risques qui ne peuvent pas être
évités ; de combattre les risques à la source ; d’adapter le travail à
l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes
de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des
méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le
travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de
ceux-ci sur la santé ; de tenir compte de l’état d’évolution de la
technique ; de remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas
dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; de planifier la
prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique,
l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations

215
sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques
liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, ainsi que ceux
liés aux agissements sexistes ; de prendre des mesures de
protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de
protection individuelle et de donner les instructions appropriées aux
travailleurs.

L’employeur est tenu d’appréhender les dangers pour la santé et la


sécurité des travailleurs dans tous les aspects liés à l’activité de
l’entreprise. Ce travail d’identification, d’analyse et de classement
des risques se manifeste notamment par l’élaboration du document
unique d’évaluation (C. trav., art. R. 4121-1 et R. 4741-1). Tout
employeur est concerné dès lors qu’il emploie au moins un salarié.
Ce document comporte un inventaire des risques identifiés dans
chaque unité de travail de l’entreprise, le classement de ces risques
et les propositions d’actions à mettre en place. Il doit, en principe,
être actualisé une fois par an minimum ainsi qu’à l’occasion de la
réalisation d’aménagements importants entraînant une modification
des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail
ou lorsqu’est recueillie une nouvelle information susceptible
d’intéresser l’évaluation d’un risque (C. trav., art. R. 4121-2).

Au-delà, l’employeur est tenu d’une obligation générale d’information


et de formation (C. trav. art. L. 4141-1). Il est ainsi tenu d’organiser
et dispenser une information des travailleurs sur les risques pour la
santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier. Il organise
et dispense également une information des travailleurs sur les
risques que peuvent faire peser sur la santé publique ou
l’environnement les produits ou procédés de fabrication utilisés ou
mis en œuvre par l’établissement ainsi que sur les mesures prises
pour y remédier.

216
Également, par application de l’article L. 4141-2, l’employeur
organise une formation pratique et appropriée à la sécurité au
bénéfice des travailleurs qu’il embauche ; des travailleurs qui
changent de poste de travail ou de technique ; des salariés
temporaires, à l’exception de ceux auxquels il est fait appel en vue
de l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de
sécurité et déjà dotés de la qualification nécessaire à cette
intervention et des travailleurs qui reprennent leur activité après un
arrêt de travail d’une durée d’au moins vingt et un jours, à la
demande du médecin du travail.

Rappelons que l’employeur doit également prendre des mesures


générales d’hygiène et de sécurité dans des domaines divers
(C. trav., art. R. 4221-1 et s.) : aération, éclairage et assainissement
des locaux, température des locaux, restauration, vestiaires,
boissons et alcools, douches, prévention des incendies, des risques
liés au bruit, des risques liés aux agents chimiques dangereux, etc.
D’une manière générale, les locaux de travail doivent être aménagés
de façon à garantir la santé et la sécurité des travailleurs. La sécurité
des travailleurs doit y être garantie.

II. La consécration des juges : l’obligation de sécurité

L’obligation de sécurité pesant sur l’employeur a longtemps été


consacrée comme une obligation de résultat : son existence permet
au salarié de mettre en jeu la responsabilité de l’employeur par la
simple constatation que le résultat escompté n’a pas été atteint. Ceci
a été rappelé notamment dans le cadre des contentieux relatifs aux
maladies professionnelles et aux accidents du travail.

217
Jurisprudence
Dans les célèbres arrêts du 28 février 2002 dits « arrêts amiante », la Cour de
cassation affirme alors que « l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation
o o
de sécurité de résultat » (Cass. soc., 28 févr. 2002, n 99-18.389 ; n 00-10.051 ;
o o o
n 99-21.255 ; n 99-17.201 ; n 00-13.172). Initialement contractuel, le
fondement de cette obligation est devenu légal par référence à l’article L. 4121-1
o
du Code du travail (Cass. soc., 16 juin 2009, n 08-41.519).

Dans la pratique, une telle obligation ne permet pas à l’employeur de


s’exempter de sa responsabilité en démontrant son absence de
faute ou le fait qu’il avait pris toutes les mesures propres à faire
cesser le risque. Le résultat suffit à engager sa responsabilité.

Jurisprudence
Les juges ont ainsi reconnu l’existence d’une obligation de sécurité de résultat
dans de nombreux cas : la protection contre le tabagisme dans l’entreprise (Cass.
o
soc., 29 juin 2005 n 03-44.412), le non-respect de l’obligation de procéder à une
o
visite médicale de reprise (Cass. soc., 28 févr. 2006, n 05-41.555), les violences
o
physiques ou morales dans l’entreprise (Cass. soc., 23 janv. 2013, n 11-18.855).

Récemment, afin de nuancer la lourde portée de cette obligation


pour l’employeur, la Cour de cassation a infléchi sa position.

218
Jurisprudence
Depuis un arrêt du 25 novembre 2015, la Cour considère que ne méconnaît
pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour
assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs,
l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles
o
L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail » (Cass. soc., 25 nov. 2015, n 14-
24.444). Cette position a été confirmée depuis. En matière de harcèlement moral
par exemple, la Cour de cassation énonce que l’employeur ne commet pas de
manquement à son obligation lui imposant de prendre les mesures nécessaires
pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs,
notamment en matière de harcèlement moral, s’il justifie avoir pris toutes les
mesures de prévention prévues par Code du travail et a adopté des mesures
immédiates propres à le faire cesser suite à sa prise de connaissance de
l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral (Cass.
er o
soc.,1 juin 2016, n 14-19.702). Certains voient une évolution de l’obligation de
sécurité en une « obligation de moyens renforcée » (V. également Cass. soc.,
o
22 oct. 2015, n 14-20.173).

§2 Le salarié

I. L’obligation de sécurité du salarié

Conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur,


dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les
entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur
de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses
possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des
autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au
travail. Cette obligation salariale est mentionnée à l’article L. 4122-1
du Code du travail.

219
Clairement, l’obligation du salarié est une obligation de moyen : le
travailleur n’est pas tenu d’un résultat précis. Il doit seulement
s’engager en fonction de sa formation et selon ses possibilités. La
référence à sa formation fait écho à l’obligation pesant sur
l’employeur (C. trav., art. L. 4121-4). De plus, l’obligation de sécurité
du travailleur doit être appréciée au regard de ses possibilités
physiques, matérielles et intellectuelles, mais aussi au regard des
« instructions » données par l’employeur (C. trav., art. L. 4122-1).
Les instructions de l’employeur précisent, en particulier lorsque la
nature des risques le justifie, les conditions d’utilisation des
équipements de travail, des moyens de protection, des substances
et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des
tâches à accomplir.

Enfin, cette obligation a un champ d’application étendu puisqu’elle


s’impose à chaque « travailleur », salarié ou non de l’entreprise, au
bénéfice « des autres personnes concernées par ses actes ou ses
omissions au travail », comme de lui-même.

Jurisprudence
En cas de manquement à son obligation de sécurité, un salarié peut voir sa
responsabilité engagée sur le terrain disciplinaire. Le manquement du salarié peut
o
constituer une faute grave (Cass. soc., 28 mai 2008, n 06-40.629).

(C. trav., art. L. 4122-1)


Aux termes de l’article L. 4122-1 du Code du travail, les dispositions relatives à
l’obligation de sécurité du travailleur « sont sans incidence sur le principe de la
responsabilité de l’employeur ».

220
L’employeur ne peut donc s’exonérer de sa propre responsabilité en
invoquant le manquement du salarié à son obligation de sécurité.

II. Le droit d’alerte et de retrait

Selon l’article L. 4131-1 du Code du travail, le travailleur alerte


immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un
motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et
imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité
qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut même se
retirer d’une telle situation.

En cas d’exercice légitime de son droit, l’employeur ne peut


demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de
reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un
danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du
système de protection. Un licenciement fondé sur un refus de
o
reprendre le travail serait alors nul (Cass. soc., 28 janv. 2009, n 07-
44.556).

De plus, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être


prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui
se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif
raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et
imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux (C. trav. art.
L. 4131-3). À l’inverse, une retenue sur salaire est possible s’il use
de cette faculté alors que les conditions de ce droit ne sont pas
réunies.

Les conditions d’exercice des droits d’alerte et de retrait sont


précisées par la loi (C. trav., art. L. 4132-1 et s.).

221
À noter que le salarié doit aussi alerter immédiatement l’employeur
s’il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication
utilisés ou mis en œuvre par l’entreprise emportent un risque grave
sur la santé publique ou l’environnement. L’employeur doit l’informer
de la suite qu’il entend donner à son alerte (C. trav., art. L. 4133-1).

§3 Les autres acteurs de la santé et de la sécurité

I. Le CSE

Jusqu’à la mise en place des nouvelles instances résultant des


ordonnances Macron, le Comité d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail (CHSCT) avait pour mission de contribuer à la
protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des
travailleurs de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par
une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires
o
(V. Fiche n 37).

Dorénavant, le CSE est compétent en la matière. Une distinction doit


toutefois être opérée entre les entreprises de plus de 50 salariés et
celles de moins de 50 salariés.

Dans les entreprises d’au moins 11 salariés (seuil de mise en place


du CSE) et de moins de 50 salariés, la délégation du personnel au
CSE a pour mission, outre la présentation des réclamations
individuelles et collectives, de contribuer à la promotion de la santé,
de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise (C. trav.,
art. L. 2312-5 et s.). Elle peut, à ce titre, réaliser des enquêtes en
matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à
caractère professionnel, dans les conditions mentionnées ci-

222
dessous. Le comité dispose du droit d’alerte en cas d’atteinte aux
droits des personnes et en cas de danger grave et imminent (C.
trav., art. L. 2312-59).

Les membres de la délégation du personnel du CSE peuvent saisir


l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives
à l’application des dispositions légales dont elle est chargée
d’assurer le contrôle. Il pourra s’agir, par exemple, du respect des
règles relatives à la prévention des risques professionnels, aux
règles de sécurité, à la lutte contre le harcèlement ou les
discriminations, etc.

Pour les entreprises d’au moins 50 salariés (C. trav., art. L. 2312-8 et
s.), le CSE :
1° Procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent
être exposés les travailleurs (salarié, stagiaire…), notamment les
femmes enceintes, ainsi que des effets de l’exposition aux facteurs
de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 du Code
du travail ;
2° Contribue notamment à faciliter l’accès des femmes à tous les
emplois, à la résolution des problèmes liés à la maternité, à
l’adaptation et à l’aménagement des postes de travail afin de faciliter
l’accès et le maintien des personnes handicapées à tous les emplois
au cours de leur vie professionnelle ;
3° Peut susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer
notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du
harcèlement sexuel et des agissements sexistes (tout agissement lié
au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter
atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant,
hostile, dégradant, humiliant ou offensant). Le refus de l’employeur
est motivé.

223
Le CSE mis en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés
exerce également les attributions reconnues à la délégation du
personnel au CSE dans les entreprises de 11 à moins de 50
salariés.

Dans les entreprises et établissements distincts d’au moins 300 salariés


et dans les établissements présentant certains risques particuliers (quel que soit
leur effectif), une commission de santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT)
doit être instaurée au sein du comité social et économique (CSE).

Dans le respect de dispositions d’ordre public, le cadre de mise en place d’une


CSSCT, le nombre de ses membres, les modalités de leur désignation, ses
missions et ses modalités de fonctionnement sont définis par un accord collectif
d’entreprise, ou à défaut d’accord, par le règlement intérieur du comité social et
économique.

Par application de l’article L. 4131-2, le représentant du personnel


au comité social et économique, qui constate qu’il existe une cause
de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un
travailleur, en alerte immédiatement l’employeur.

II. Les services de santé au travail et la médecine du travail

Afin d’assurer le suivi individuel de l’état de santé des salariés, le


Code du travail impose à l’employeur d’organiser ou d’adhérer à un
service de prévention et de santé au travail. Ces derniers sont
organisés sous la forme soit d’un service autonome, soit d’un service
de prévention et de santé au travail interentreprises. Un service
autonome de groupe, d’entreprise ou d’établissement peut être
institué lorsque l’effectif de salariés suivis atteint ou dépasse 500
salariés. Ce choix est fait par l’employeur. Cependant, lorsque

224
l’effectif de salariés suivis de l’entreprise ou de l’établissement est
inférieur à 500 salariés, l’employeur doit adhérer à un service de
prévention et de santé interentreprises.

Les missions des services de santé au travail sont définies dans le


Code du travail (C. trav., art. L. 4622-2). Ils ont pour mission
exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait
de leur travail. Les missions des services de prévention et de santé
au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au
travail. Ses membres, outre le médecin du travail, sont des
intervenants en prévention des risques professionnels, des
infirmiers, des collaborateurs médecins et les internes en médecine
du travail (C. trav., art. L. 4622-8).

Ils assurent notamment le suivi médical des salariés. Ce suivi a été


o
profondément réformé avec la loi n 2016-1088 du 8 août 2016 et le décret
o er
n 2016-1908 du 27 décembre 2016, entrés en vigueur le 1 janvier 2017. Une
o
récente loi n 2021-1018 du 2 aout 2021 a modifié certaines règles applicables
également. Ce suivi est organisé aux articles L. 4624-1 et suivants du Code
du travail.

Le médecin du travail exerce dans un service de prévention et santé


au travail. Il a un rôle exclusivement préventif (C. trav., art. L. 4622-
3). Il doit notamment conduire les actions de santé au travail, afin de
préserver la santé des travailleurs tout au long de leur parcours
professionnel, surveiller l’état de santé des travailleurs en fonction
de leur âge, des risques concernant leur sécurité, leur santé et la
pénibilité au travail. Il doit également conseiller l’employeur, les
travailleurs et les représentants du personnel.

225
Il lui revient de constituer lors de l’embauche un dossier médical,
complété des résultats des examens postérieurs et d’établir,
consécutivement, les fiches médicales d’aptitude.

III. Le rôle de l’administration du travail

Un agent de contrôle de l’inspection du travail peut dresser un


rapport qui fait état d’une situation dangereuse résultant soit d’un
non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention,
soit d’une infraction à l’obligation générale de santé et de sécurité.
Dans ce cas, le directeur régional des entreprises, de la
concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi peut
mettre en demeure l’employeur de prendre toutes mesures utiles
pour y remédier (C. trav., art. L. 4721-1).

L’agent de contrôle de l’inspection du travail peut demander à


l’employeur qu’il soit procédé à la vérification technique de la
conformité de ses installations et équipements ; à la mesure de
l’exposition des travailleurs aux nuisances physiques et aux risques
chimiques ou biologiques ainsi qu’à l’analyse de toutes matières, y
compris substances, mélanges, matériaux, équipements, matériels
ou articles susceptibles de comporter ou d’émettre des agents
physiques, chimiques ou biologiques dangereux pour les travailleurs
(C. trav., art. L. 4722-1).

L’inspecteur du travail peut, en cas de danger grave et imminent ou


de situation dangereuse, prescrire l’arrêt temporaire de travaux ou
d’une activité.

Enfin, il peut, lorsqu’il constate un risque sérieux d’atteinte à


l’intégrité physique d’un travailleur, saisir le juge statuant en référé

226
afin que soient ordonnées des mesures propres à faire cesser un
risque, celles-ci pouvant consister, par exemple, en la mise hors
service ou la saisie d’un matériel (C. trav., art. L. 4732-1).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– M. BABIN, « L’obligation de sécurité de résultat, nouvelle
approche », JCP S 2016, 1011
– J.-M. CHONNIER, « Santé et travail : enjeux juridiques et
pratiques », JCP S 2017, 1181
er
– C. FERTE, « La santé au travail après le 1 janvier 2017 », JCP S
2017, 1001

227
o
Fiche n 19 Le harcèlement au travail

L’ESSENTIEL

Le harcèlement au travail est strictement encadré par le Code du


travail, qu’il s’agisse du harcèlement moral ou du harcèlement
sexuel. Ces deux formes de harcèlement donnent lieu à des
définitions légales, progressivement précisées par les magistrats.
Tant la prévention, que les recours et les sanctions donnent
également lieu à un arsenal juridique conséquent.

LES CONNAISSANCES

L’identification du harcèlement et sa preuve donnent lieu à des


règles précises (§ 1), tout comme sa prévention (§ 2), les recours qui
peuvent être exercés (§ 3) et les sanctions susceptibles d’être
encourues (§ 4).

§1 L’identification juridique et la preuve


du harcèlement au travail

I. Le harcèlement moral

228
(C. trav., art. L. 1152-1)
Selon l’article L. 1152-1 du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les
agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une
dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits
et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son
avenir professionnel ».

Trois conditions sont traditionnellement dégagées et une autre,


d’ailleurs absente du texte, est écartée par les juges de la Cour de
cassation.

Le harcèlement moral au travail nécessite avant tout un


comportement répétitif. Des actes différenciés doivent donc avoir
été subis par la victime. La Cour de cassation précise, en outre, que
les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur
une brève période. Elle écarte donc tout effet de seuil (Cass. soc.,
o
26 mai 2010, n 08-43.152). De plus, le harcèlement moral implique
une dégradation des conditions de travail, subie personnellement
o
par celui qui s’en prétend victime (Cass. soc., 20 oct. 2010, n 08-
19.748). Encore, les agissements de harcèlement doivent être
« susceptibles » de porter atteinte aux droits de la victime, à sa
dignité ou mettre en péril son état de santé. Il n’est pas obligatoire
qu’il y ait un effet sur la santé, même si telle est la situation la plus
courante. L’atteinte doit être simplement potentielle et les
conséquences possibles de la dégradation des conditions de travail
sont alternatives.

229
Jurisprudence
Depuis un arrêt du 10 novembre 2009, la Cour de cassation affirme, au visa
de l’article L. 1152-1 du Code du travail, que le harcèlement moral est constitué,
indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des
agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail
susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa
santé ou de compromettre son avenir professionnel (Cass. soc., 10 nov. 2009,
o
n 08-41.497). Cette position prétorienne est également à relier avec la
condamnation, par la Cour de cassation, de certaines méthodes de gestion mises
en œuvre par un supérieur hiérarchique, lorsqu’elles se manifestent, pour un
salarié déterminé, par des agissements constitutifs d’un harcèlement moral (Cass.
o
soc., 10 nov. 2009, n 07-45.32).

La protection contre le harcèlement moral vise les salariés,


personnes en formation ou en stage. Ceux-ci ne peuvent être
sanctionnés, licenciés ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire,
directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de
formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de
classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de
renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des
agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné
de tels agissements ou les avoir relatés (C. trav., art. L. 1152-2).
Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de
ces dispositions, toute disposition ou tout acte contraire est nul
(C. trav., art. L. 1152-3).

II. Le harcèlement sexuel

A La définition du harcèlement sexuel

230
o
Né d’une loi du 22 juillet 1992 (L. n 92-684, 22 juill. 1992 – JO
23 juill. 1992), l’article 222-33 du Code pénal, dans sa rédaction
o
modifiée par la loi de modernisation sociale de 2002 (L. n 2002-73,
17 janv. 2002 – JO 18 janv. 2002), disposait que « le fait de harceler
autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni
d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
Parallèlement, des dispositions « jumelles » existaient dans le Code
du travail depuis une loi du 2 novembre 1992. L’article L. 1153-1 du
Code du travail précisait ainsi, , que « les agissements de
harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de
nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits ».
o
Puis, depuis la loi n 2012-954 du 6 août 2012, faisant suite à une
question prioritaire de constitutionnalité (Cons. const., 4 mai 2012,
o
n 2012-240 QPC), l’article L. 1153-1 du Code du travail disposait
qu’« aucun salarié ne doit subir des faits 1° Soit de harcèlement
sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation
sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de
leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre
une situation intimidante, hostile ou offensante ; 2° Soit assimilés au
harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave,
même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir
un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de
l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ». Cette définition a été
o
modifiée par la loi n 2021-1018 du 2 août 2021.

231
(C. trav., art. L. 1153-1)
Dans sa dernière version, le texte précise :
« Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à
connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en
raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une
situation intimidante, hostile ou offensante ;

Le harcèlement sexuel est également constitué :


a) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de
plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors
même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements,


successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de
concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une
répétition ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression


grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte
de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au
profit d’un tiers ».

Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun


candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en
entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une
mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière
de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de
qualification, de classification, de promotion professionnelle, de
mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé
de subir des faits de harcèlement sexuel (C. trav., art. L. 1153-2). Il
en est de même pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel
ou pour les avoir relatés. Toute disposition ou tout acte contraire est
nul (C. trav., art. L. 1153-4).

232
B La distinction entre harcèlement sexuel et agissements
sexistes
Il est nécessaire de distinguer le harcèlement sexuel des
agissements sexistes. Cette autre notion est codifiée en l’article
er
L. 1142-2-1 et s’inscrit dans le titre IV du Livre 1 de la première
partie du Code du travail, au sein des dispositions consacrées à
l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il ne s’agit
pas d’un nouveau cas de discrimination illicite.

(C. trav., art. L. 1142-2-1)


Selon ce texte, « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout
agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter
atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant,
humiliant ou offensant ».

III. La preuve du harcèlement au travail

La question de la charge de la preuve en matière de harcèlement


moral a évolué depuis 2002. Initialement, le législateur avait opté
pour un mécanisme de la charge de la preuve favorable à la
victime : le salarié qui s’estimait victime de harcèlement moral ou
sexuel devait présenter les éléments de fait laissant supposer un
harcèlement et c’était à la partie défenderesse qu’il incombait de
prouver que les agissements incriminés n’étaient pas constitutifs
d’un tel harcèlement et qu’ils étaient justifiés par des éléments
objectifs étrangers à tout harcèlement. Dans l’optique d’un
o
rééquilibrage, ces règles ont été aménagées par la loi n 2003-6 du
3 janvier 2003. À partir de cette loi, et par application de l’article
L. 1154-1 du Code du travail, le salarié devait établir des faits qui
permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces

233
éléments, mais nécessairement en présence d’une présomption
suffisante, il incombait à la partie défenderesse de prouver que ces
agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa
décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement.

La loi travail a modifié le texte de l’article L. 1154-1 du Code du


travail pour revenir à la lettre du texte de 2002.

§2 La prévention du harcèlement
L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la
sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés
(C. trav., art. L. 4121-1). Il doit ainsi prendre toutes dispositions
nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement
moral et sexuel (C. trav., art. L. 1152-4 et L. 1153-5).

L’article L. 1321-2 du Code du travail précise que le règlement


intérieur, obligatoire pour toute entreprise d’au moins 20 salariés,
doit rappeler les dispositions du Code du travail relatives au
harcèlement moral et sexuel.

er
Également, depuis le 1 janvier 2019, les entreprises d’au moins 250
salariés doivent désigner un référent chargé d’informer et accompagner les
salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements
sexistes. Outre ce référent RH, un référent élu du personnel doit aussi être
nommé dans les CSE de toutes les entreprises. Il appartient au CSE de désigner
parmi ses membres un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel
et les agissements sexistes, nommé pendant toute la durée du mandat. Il peut
bénéficier de la formation nécessaire à l’exercice de ses missions.

234
Le comité social et économique dispose également d’une mission
générale en matière de santé mentale. Par application de l’article
L. 2312-9 du Code du travail, dans le champ de la santé, de la
sécurité et des conditions de travail, le comité social et économique
peut susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer notamment
des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement
sexuel et des agissements sexistes.

Également, les services de prévention et de santé au travail, qui ont


pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des
travailleurs du fait de leur travail, conduisent les actions de santé au
travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des
travailleurs tout au long de leur parcours professionnel. Ils
conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur
les dispositions et mesures nécessaires afin de prévenir le
harcèlement sexuel ou moral (C. trav., art. L. 4622-2).

Enfin, par application de l’article L. 4622-3 du Code du travail, il


appartient au médecin du travail d’éviter toute altération de la santé
des travailleurs du fait de leur travail.

§3 Les recours en cas de harcèlement au travail


Les représentants du personnel peuvent être sollicités par la victime,
via le mécanisme de l’alerte. Selon l’article L. 4131-2 du Code du
travail, le représentant du personnel au comité social et économique,
qui constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent,
notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, en alerte
immédiatement l’employeur.

235
Par ailleurs, l’inspection du travail peut être sollicitée, d’autant que,
par application de l’article L. 8112-2 du Code du travail, les agents
de contrôle de l’inspection du travail peuvent constater les délits de
harcèlement sexuel ou moral prévus, dans le cadre des relations de
travail.

De plus, une procédure de médiation peut être envisagée. Celle-ci


est expressément prévue, en matière de harcèlement moral (C. trav.,
art. L. 1152-6). Cette procédure peut être mise en œuvre par toute
personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou
par la personne mise en cause. Le choix du médiateur fait l’objet
d’un accord entre les parties. Le médiateur s’informe de l’état des
relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des
propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au
harcèlement. Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe
les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties
procédurales prévues en faveur de la victime.

§4 Les sanctions

I. La sanction de l’auteur des faits

Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral


est passible d’une sanction disciplinaire (C. trav., art. L. 1152-5 et
L. 1153-6). Prononcer une sanction disciplinaire s’impose à
l’employeur puisque, en cas d’inertie, celui-ci peut voir sa
responsabilité engagée.

II. La mise en jeu de la responsabilité de l’employeur

236
Le Conseil des prud’hommes peut être saisi afin de permettre à la
victime d’obtenir réparation du préjudice subi. Le salarié dispose
d’un délai de 5 ans après le dernier cas de harcèlement.

237
Jurisprudence
o
Depuis un arrêt rendu en 2006 (Cass. soc., 21 juin 2006, n 05-43.914), il est
acquis que l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité
de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs,
notamment en matière de harcèlement moral. La Cour de cassation précisait, en
outre, que l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité.

La Cour est même allée plus loin puisqu’il était relevé que l’employeur, tenu d’une
obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime
sur le lieu de travail de harcèlement moral ou sexuel exercé par l’un ou l’autre de
ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser
o
ces agissements (Cass. soc., 29 juin 2011, n 09-70.902). La jurisprudence a
largement évolué. La Cour de cassation affirme désormais que « ne méconnaît
pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour
assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs,
notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris
toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2
du Code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer
un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser »
er o
(Cass. soc., 1 juin 2016, n 14-19.702).

Tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ouvre droit à des


dommages-intérêts et autorise le salarié à prendre acte de la rupture de son
o
contrat aux torts de l’employeur (Cass. soc., 18 janv. 2012, n 10-19.883).

Le salarié peut également solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.


Le harcèlement n’est toutefois pas une cause péremptoire de rupture du contrat
o
de travail imputable à l’employeur (Cass. soc. 26 oct. 2017, n 16-17.992).

À noter également que, lorsque le salarié est, au moment de la signature de l’acte


de rupture conventionnelle, dans une situation de violence morale du fait d’un
harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en résultent, cet acte peut
être invalidé. Toutefois, dans un arrêt récent, la Cour de cassation précise
utilement qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de
harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de
rupture. En conséquence, le salarié qui entend obtenir la nullité de la convention

238
qu’il a signée doit prouver que le harcèlement moral qu’il subissait a altéré son
o
consentement (Cass. soc., 23 janv. 2019, n 17-21.550).

III. Les sanctions pénales

Le harcèlement est également un délit, qui peut entrainer la


condamnation de son auteur par la juridiction répressive. Cette
action doit être engagée dans un délai de 6 ans à partir du fait le
plus récent de harcèlement et peut venir en complément d’une
action devant le Conseil des prud’hommes.
Le harcèlement moral, visé en l’article 222-33-2 du Code pénal, est
puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Dans une décision récente, le délit de harcèlement moral institutionnel a été


e e
consacré dans l’affaire France Télécom (TGI Paris, 31 ch., 2 sect., 20 déc.
o
2019, n 0935790257).

Le harcèlement sexuel est réprimé à l’article 222-33 du Code pénal.


Le harcèlement sexuel simple est puni, à titre principal, d’une peine
de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende
er
(C. pén., art. 222-33, III, al. 1 ). Le harcèlement sexuel est aggravé
dans cinq circonstances, lorsqu’il est commis : par une personne qui
abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ; sur un mineur de
quinze ans ; sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due
à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique
ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue
de son auteur ; sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou
dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou

239
sociale est apparente ou connue de son auteur ; par plusieurs
personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. Les peines
encourues sont alors portées à trois ans d’emprisonnement et
45 000 euros d’amende (C. pén., art. 222-33, III, al. 2).
Les employeurs doivent afficher ou informer par tout moyen les
salariés du texte de l’article 222-33 du Code pénal qui définit le
harcèlement sexuel et expose les sanctions encourues par l’auteur.
Par ailleurs, cette obligation d’information porte aussi sur les actions
contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement
sexuel et les coordonnées des autorités et services compétents.

Les salariés doivent être informés de l’adresse et du numéro d’appel


du médecin du travail ou du service de prévention et de santé au
travail compétent pour l’établissement ; de l’inspection du travail
compétente ainsi que le nom de l’inspecteur compétent ; du
Défenseur des droits, du référent harcèlement sexuel RH obligatoire
dans toute entreprise employant au moins 250 salariés et du référent
harcèlement sexuel élu du personnel lorsqu’un comité social et
économique existe.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– P. ADAM, « Liberté et dignité dans la loi Travail », RDT 2016, 818
– C. LEBORGNE-INGELAERE, Discrimination, harcèlement et
agissement sexiste à la lumière de la loi du 8 aout 2016, JCP S
2016, 1328
– C. LEBORGNE-INGELAERE, Entre intention de nuire et obligation
de sécurité de résultat de l’employeur, le harcèlement moral en
question, JCP S 2010, 1125
– C. LEBORGNE-INGELAERE, Le harcèlement sexuel dans le code
du travail depuis la loi du 6 aout 2012, entre avancées et

240
imperfections, JCP S 2012, 1403

241
o
Fiche n 20 La lutte contre
les discriminations

L’ESSENTIEL

Le droit du travail encadre et sanctionne strictement les situations de


discrimination au travail. Ces situations sont interdites sous réserve
de certaines différences de traitement autorisées dans des cas
spécifiques. Ces règles ouvrent un contentieux abondant.

LES CONNAISSANCES

L’arsenal protecteur contre les discriminations au travail oscille entre


interdiction des discriminations et autorisation de certaines
différences de traitement (§ 1). Ces questions génèrent un
contentieux important soumis à des règles de preuve, conditions de
recours et sanctions spécifiques (§ 3).

§1 La protection contre les discriminations

I. L’interdiction des discriminations

242
L’interdiction des discriminations doit être distinguée de l’égalité de
traitement qui vise à assurer un traitement égal à des personnes
placées dans des situations similaires. La non-discrimination tend à
interdire l’usage de certains motifs pour opérer des distinctions et
prendre des décisions.

En droit du travail, le texte fondamental est l’article L. 1132-1 du


Code du travail qui interdit, d’une manière générale, les
discriminations et dresse une liste exhaustive, et progressivement
enrichie, des motifs discriminatoires. Au surplus, certaines
dispositions du Code du travail ciblent certains cas de
discriminations illicites : la discrimination syndicale (C. trav. art.
L. 2141-5), la discrimination touchant aux grévistes (C. trav. art.
L. 2511-1 et L. 1132-2) ou les femmes enceintes (C. trav., art.
L. 1225-1 et s.).

Deux catégories de discriminations peuvent être distinguées.

A Discrimination directe et discrimination indirecte


Par application de la loi du 27 mai 2008, une discrimination peut être
directe ou indirecte :

o er er
(L. n 2008-496, 27 mai 2008, art. 1 , al. 1 )
Constitue une discrimination directe « la situation dans laquelle, sur le
fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée,
à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son
orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins
favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation
comparable ».

243
Jurisprudence
Il en est ainsi par exemple du retard injustifié subi par un salarié homosexuel
o
dans l’évolution de sa carrière (Cass. soc., 24 avril 2013, n 11-15.204).

o er
(L. n 2008-496, 27 mai 2008, art. 1 , al. 2)
Constitue une discrimination indirecte « une disposition, un critère ou une
pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs
mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par
rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette
pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour
réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ».

Jurisprudence
Constitue une discrimination indirecte en raison de l’état de santé un système
de rémunération qui, apparemment neutre, pénalise les salariés malades (Cass.
o
soc., 9 janv. 2007, n 05-43.962).

Toute discrimination est formellement interdite (sous réserve d’une


exigence essentielle et déterminante). Le législateur impose
d’ailleurs à toute entreprise employant au moins 300 salariés et à
toute entreprise spécialisée dans le recrutement, que les employés
chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la
non-discrimination à l’embauche au moins une fois tous les cinq ans
(C. trav. art. L. 1131-2).

Un salarié, qui serait auteur de discrimination, peut être sanctionné


disciplinairement.

244
B La liste des motifs discriminatoires
Les motifs discriminatoires sont nombreux et la liste a d’ailleurs
largement évolué au gré des réformes. Sont visées par le texte les
discriminations du salarié en raison :
de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation
sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de
famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la
particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique,
apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa
non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou
une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités
syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de
ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom
de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire,
ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de
son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre
que le français.

C L’étendue de la protection contre les discriminations


La relation de travail est protégée depuis le recrutement du candidat
jusqu’à la rupture de son contrat de travail. Selon l’article L. 1132-1
du Code du travail, tout salarié, tout candidat à un emploi, à un stage
ou à une période de formation en entreprise est protégé contre les
discriminations au travail.

La protection joue notamment en matière de rémunération, de


mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation,
de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de
promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de
contrat. L’adverbe « notamment » permet d’envisager de

245
nombreuses hypothèses. Cela concerne tous les actes de gestion
du personnel.

Cette protection s’entend largement puisque les textes prévoient


aussi qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire
l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice normal
du droit de grève (C. trav. art. L. 1132-2), ou pour avoir témoigné des
agissements discriminatoires ou pour les avoir relatés (C. trav. art.
L. 1132-3). De même, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié
ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice
des fonctions de juré ou de citoyen assesseur (C. trav. art. L. 1132-3-
1), ou pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une
mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité
(C. trav. art. L. 1132-3-2). Enfin, sont protégées contre les
discriminations les personnes qui ont relaté ou témoigné, de bonne
foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont elle aurait eu
connaissance dans l’exercice de ses fonctions, ou qui ont signalé
une alerte (C. trav. art. L. 1132-3-3).

D La nullité : sanction encourue en cas de discrimination


au travail
Par application de l’article L. 1132-4 du Code du travail, toute
disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en
méconnaissance des dispositions protectrices est nul.

Le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne


peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Il n’est donc
pas tenu par le barème de l’indemnisation du licenciement sans
cause réelle et sérieuse prévu par l’article L. 1235-3 du Code du
travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre

246
2017. Cette indemnité est due sans préjudice du paiement, le cas
échéant, de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou
contractuelle.

II. Les différences de traitement admises

(C. trav., art. L. 1133-1)


Le principe de non-discrimination n’interdit pas que soient opérées des différences
de traitement à la seule condition qu’elles répondent à une « exigence
professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit
légitime et l’exigence proportionnée ».

Ainsi, lorsqu’elle a pour finalité la protection des jeunes ou des


travailleurs âgés, une différence fondée sur l’âge est admise
(C. trav., art. L. 1133-2). De même en est-il d’une différence de
traitement fondée sur une inaptitude constatée par le médecin du
travail ou de mesures prises en faveur des personnes handicapées
dès lors qu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées
(C. trav., art. L. 1133-3 et L. 1133-4).

S’agissant de l’embauche, lorsque l’appartenance à l’un ou l’autre


sexe détermine l’exercice d’un emploi ou d’une activité
professionnelle, l’offre peut être expressément réservée à une
femme ou à un homme. Tel est le cas des artistes appelés à
interpréter soit un rôle féminin, soit un rôle masculin ; les
mannequins chargés de présenter des vêtements et accessoires
ainsi que les modèles masculins et féminins (C. trav., art. R. 1142-1).
Enfin, les mesures prises en faveur des personnes résidant dans
certaines zones géographiques et visant à favoriser l’égalité de
traitement ne constituent pas une discrimination. De même, les
mesures prises en faveur des personnes vulnérables en raison de

247
leur situation économique et visant à favoriser l’égalité de traitement
ne constituent pas une discrimination.

§2 Le contentieux

I. Les auteurs de l’action en justice

Outre la victime de la discrimination, l’action en justice peut être


exercée par une organisation syndicale représentative, sans mandat
de l’intéressé si ce dernier a toutefois été averti par écrit de cette
action et ne s’y est pas opposé dans un délai de quinze jours à
compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son
intention d’agir (C. trav. art. L. 1134-2). Elle peut aussi être exercée
par les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au
moins pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le
domaine du handicap sous réserve de justifier d’un accord écrit de
l’intéressé (C. trav. art. L. 1134-3).

Par application des articles L. 1134-6 et suivants du Code du travail,


une action de groupe peut également être envisagée. Désormais, en
application de ces dispositions, une organisation syndicale de
salariés représentative peut agir devant une juridiction civile afin
d’établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une
période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l’objet
d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif
figurant parmi ceux prohibés par la loi (l’origine, le sexe, l’âge, le
handicap…) et imputable à un même employeur.

L’action en justice est strictement protégée. Le Code du travail


rappelle ainsi qu’est nul et de nul effet le licenciement d’un salarié
faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa

248
faveur, lorsqu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause réelle
et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l’employeur
en raison de cette action en justice (C. trav. art. L. 1134-4).

II. La preuve de la discrimination

Inspiré des règles communautaires, l’article L. 1134-1 du Code du


travail prévoit que, lorsque survient un litige, le candidat à un emploi,
à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié
présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une
discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de


prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs
étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin,


toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

L’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une


comparaison avec la situation d’autres salariés (Cass. soc.,
o
10 novembre 2009, n 07-42.849).

III. Les recours et sanctions

A La saisine du conseil des prud’hommes


Tout salarié victime d’une mesure discriminatoire peut agir devant le
Conseil des prud’hommes pour en demander l’annulation et/ou pour
réclamer la réparation du préjudice subi.

249
La nullité de la décision prise entraine une réintégration qui est de
droit et le salarié est regardé comme n’ayant jamais cessé d’occuper
son emploi. Le salarié peut refuser de poursuivre l’exécution du
contrat de travail. En ce cas, les dispositions de l’article L. 1235-3-1
sont applicables.

Si le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail


ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une
indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux
salaires des six derniers mois.
L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se
prescrit par 5 ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce
délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel. Si la
discrimination est reconnue, les dommages et intérêts devront
réparer l’entier préjudice résultant de cette discrimination, pendant
toute sa durée (C. trav. art. L. 1134-5).

B La saisine d’une juridiction pénale


Un recours devant la juridiction pénale peut également être
envisagé. La discrimination est un délit. Est ainsi puni de trois ans
d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, l’employeur, personne
physique, qui, pour l’un des motifs énoncés à l’article 225-1 du Code
pénal refuse d’embaucher, sanctionne ou licencie une personne ;
conditionne une offre d’emploi, une demande de stage ou une
période de formation ; refuse de faire bénéficier une personne à l’un
des stages visés au 2° de l’article L. 412-8 du Code de la sécurité
sociale (C. pén., art. 225-2).

La personne morale peut également être condamnée.

250
Pour certaines mesures discriminatoires, le Code du travail prévoit
des sanctions spécifiques. Tel est le cas par exemple en cas de non-
respect des dispositions relatives à la discrimination syndicale, en
cas de discrimination liée à l’état de grossesse.

C Le rôle du défenseur des droits


Le Défenseur des droits peut également être saisi par toute
personne qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou
indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement international
régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou par toute
association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date
des faits se proposant par ses statuts de combattre les
discriminations ou d’assister les victimes de discriminations,
conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination
ou avec son accord. Il peut également se saisir d’office ou être saisi
par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés sont en
cause.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– M. MERCAT-BRUNS, Le droit de la non-discrimination, une
nouvelle discipline en droit privé ?, D. 2017, p. 224
– E. CLEMENT, L’action de groupe, un remède efficace contre les
o
discriminations ?, JCP S 2017, n 38, p. 27

251
o
Fiche n 21 L’égalité professionnelle entre
les femmes et les hommes

L’ESSENTIEL

Au-delà des mesures que l’entreprise doit mettre en place pour


garantir l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
(obligations en matière de négociation collective, informations qui
doivent être communiquées aux représentants du personnel en ce
o
domaine : V. Fiche n 45), l’égalité de traitement entre les femmes et
les hommes implique une interdiction de principe des discriminations
mais également un principe d’égalité de rémunération. Divers
recours et sanctions sont envisageables.

LES CONNAISSANCES

La question de l’égalité entre les femmes et les hommes en matière


professionnelle peut se décliner sous deux angles (§ 1) et donne
lieu, en cas d’atteinte, à certains recours et sanctions (§ 2).

§1 Les manifestations de l’égalité professionnelle


entre les femmes et les hommes

252
I. L’interdiction des discriminations

Le principe de non-discrimination entre les femmes et les hommes


interdit toute différence de traitement entre les individus, fondée
directement ou indirectement sur des considérations liées au sexe.
Ceci est notamment rappelé à l’article L. 1132-1 du Code du travail.

Surtout, par application de l’article L. 1142-1 du Code du travail, il est


interdit de mentionner ou faire mentionner dans une offre d’emploi le
sexe ou la situation de famille du candidat recherché. Cette
interdiction est applicable pour toute forme de publicité relative à une
embauche et quels que soient les caractères du contrat de travail
envisagé.

De même, il est prohibé de refuser d’embaucher une personne,


prononcer une mutation, résilier ou refuser de renouveler le contrat
de travail d’un salarié en considération du sexe, de la situation de
famille ou de la grossesse sur la base de critères de choix différents
selon le sexe, la situation de famille ou la grossesse.
Enfin, il ne peut être pris en considération du sexe ou de la
grossesse toute mesure, notamment en matière de rémunération, de
formation, d’affectation, de qualification, de classification, de
promotion professionnelle ou de mutation.

Toutefois, lorsque l’appartenance à l’un ou l’autre sexe répond à une


exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant
que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée, ces
interdictions ne s’appliquent pas (C. trav. art. L. 1142-2). L’article
R. 1142-1 du Code du travail fixe la liste des emplois et des activités
professionnelles pour l’exercice desquels l’appartenance à l’un ou

253
l’autre sexe constitue la condition déterminante (artiste de spectacle,
mannequin, etc.).

Il est, en outre, interdit d’insérer dans une convention collective, un


accord collectif ou un contrat de travail, des clauses réservant le
bénéfice d’une mesure quelconque à des salariés en considération
de leur sexe (C. trav., art. L. 1142-3). Toutefois, une telle clause est
valable dans certaines hypothèses : la protection de la grossesse et
de la maternité, l’interdiction d’emploi prénatal et postnatal, etc.
(C. trav. art. L. 1142-3).

Qui plus est, des mesures temporaires prises au seul bénéfice des
femmes peuvent être adoptées, lorsqu’elles visent à établir l’égalité
des chances entre les femmes et les hommes, en particulier en
remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des
femmes. Ces mesures résultent de dispositions réglementaires
prises dans les domaines du recrutement, de la formation, de la
promotion, de l’organisation et des conditions de travail ; de
stipulations de conventions de branches étendues ou d’accords
collectifs étendus ou de l’application du plan pour l’égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes.

254
Jurisprudence
Dans un arrêt en date du 12 juillet 2017, la chambre sociale de la Cour de
cassation précise que l’octroi, en vertu d’un accord d’entreprise, d’une demi-
journée de congé aux femmes à l’occasion de la Journée internationale des
femmes, le 8 mars, n’est pas une mesure discriminatoire à l’égard des hommes.
Elle décide ainsi « qu’en application des articles L. 1142-4, L. 1143-1 et L. 1143-2
du Code du travail, interprétés à la lumière de l’article 157, paragraphe 4, du traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne, un accord collectif peut prévoir au
seul bénéfice des salariées de sexe féminin une demi-journée de repos à
l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes, dès lors que
cette mesure vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes
en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes » (Cass.
o
soc., 12 juill. 2017, n 15-26.262).

II. L’égalité de rémunération

L’égalité de rémunération est placée au cœur des impératifs à


atteindre pour tout employeur. Pour preuve, la loi du 5 septembre
2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoit
d’ailleurs qu’à partir de 50 salariés, chaque employeur doit publier
chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération
entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre
pour les supprimer.

Si l’on envisage souvent la question de l’égalité de rémunération au


travers de la problématique femmes/hommes, il importe de rappeler
que, par principe, une égalité de rémunération doit être respectée
entre tous les salariés de l’un ou de l’autre sexe pour autant que les
salariés en cause soient placés dans une situation identique.

255
Jurisprudence
o
Ceci résulte du fameux arrêt Ponsolle (Cass. soc., 29 oct. 1996, n 92-
43.680).

Partant, tout employeur assure, pour un même travail ou pour un


travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et
les hommes (C. trav. art. L. 3221-2). Il s’agit d’une application du
principe général « à travail égal, salaire égal ».

À noter que constitue une rémunération, le salaire ou traitement


ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et
accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en
nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier
o
(Cass. soc., 10 avr. 2002, n 00-42.935). Par ailleurs, sont
considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent
des salariés un ensemble comparable de connaissances
professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique
professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de
responsabilités et de charge physique ou nerveuse. Les juges se
prononcent après une analyse comparée de la situation, des
fonctions et des responsabilités du salarié demandeur par rapport à
ses collègues, et après vérification que les fonctions respectivement
exercées par les uns et les autres sont de valeur égale (Cass. soc.,
o
11 juill. 2007, n 06-41.742).

Dans cette logique, est nulle de plein droit toute disposition figurant
notamment dans un contrat de travail, une convention ou accord
collectif de travail, un accord de salaires, un règlement ou barème

256
de salaires résultant d’une décision d’un employeur ou d’un
groupement d’employeurs et qui comporte, pour un ou des salariés
de l’un des deux sexes, une rémunération inférieure à celle de
salariés de l’autre sexe pour un même travail ou un travail de valeur
égale. La rémunération plus élevée dont bénéficient ces derniers
salariés est substituée de plein droit à celle que comportait la
disposition entachée de nullité (C. trav., art. L. 3221-7).

L’article L. 1143-1 du Code du travail prévoit que, pour assurer


l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les
mesures visant à établir l’égalité des chances peuvent faire l’objet
d’un plan pour l’égalité professionnelle négocié dans l’entreprise. Si,
au terme de la négociation, aucun accord n’est intervenu,
l’employeur peut mettre en œuvre le plan pour l’égalité
professionnelle, sous réserve d’avoir préalablement consulté et
recueilli l’avis du comité social et économique. Le plan pour l’égalité
professionnelle s’applique, sauf si l’autorité administrative s’y
oppose, dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

D’une manière générale, il incombe à tout employeur de prendre en


compte les objectifs en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les
hommes dans l’entreprise et les mesures permettant de les atteindre dans les
entreprises dépourvues de délégué syndical ; dans les entreprises non soumises à
l’obligation de négocier ; dans les entreprises non couvertes par une convention
ou un accord de branche étendu relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les
hommes (C. trav., art. L. 1142-5).

Le principe d’égalité de traitement n’interdit toutefois pas à un


employeur d’individualiser les salaires. Le principe d’égalité de
rémunération entre les hommes et les femmes n’exclut pas que des

257
différences de traitement soient admises, dès lors qu’elles sont
justifiées par des éléments objectifs ou par la situation particulière de
o
l’intéressé (Cass. soc., 28 nov. 2000, n 97-43.715).

§2 Les actions en justice envisageables et sanctions

Par application de l’article L. 1144-1 du Code du travail, lorsque


survient un litige relatif à l’application des dispositions des articles
L. 1142-1 et L. 1142-2, le candidat à un emploi, à un stage ou à une
période de formation ou le salarié présente des éléments de fait
laissant supposer l’existence d’une discrimination, directe ou
indirecte, fondée sur le sexe, la situation de famille ou la grossesse.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de
prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs
étrangers à toute discrimination.

En cas de discrimination, la sanction est la nullité (C. trav., art.


L. 1134-4).

S’agissant de l’atteinte au principe d’égalité de rémunération, il est


acquis que l’employeur qui ne présente pas d’éléments objectifs
justifiant l’inégalité de rémunération, peut être condamné à verser un
rappel de salaire compensant la différence invoquée, voire des
dommages et intérêts au profit du salarié concerné par cette
différence de traitement.

Les organisations syndicales représentatives au niveau national ou


dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes actions relatives
à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. Elles
peuvent exercer ces actions en faveur d’un candidat à un emploi, à
un stage ou à une période de formation ou d’un salarié.

258
L’organisation syndicale n’a pas à justifier d’un mandat de
l’intéressé. Il suffit que celui-ci ait été averti par écrit de cette action
et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de
la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention
d’agir. L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le
syndicat (C. trav., art. L. 1144-2).

L’article L. 1144-3 du Code du travail précise également qu’est nul et


de nul effet le licenciement d’un salarié faisant suite à une action en
justice engagée par ce salarié ou en sa faveur sur le fondement des
dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et
les hommes lorsqu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause
réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par
l’employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la
réintégration est de droit et le salarié est considéré comme n’ayant
jamais cessé d’occuper son emploi.

Le fait de méconnaître les dispositions relatives à l’égalité


professionnelle entre les femmes et les hommes est puni d’un
emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros (C. trav.,
art. L. 1146-1).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– J.-F. CESARO, Un nouveau droit de l’égalité professionnelle ?, Dr.
soc. 2008, p. 654.
– C. LEBORGNE-INGELAERE, L’impact de la loi pour l’égalité réelle
entre les femmes et les hommes sur l’entreprise, JCP S 2014,
1370.

259
o
Fiche n 22 La formation professionnelle
continue

L’ESSENTIEL

er
(C. trav., art., L. 6111-1, al. 1 et 2)
« La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation
nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son
statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant
son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de
qualification au cours de sa vie professionnelle. Elle constitue un élément
déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des
salariés.
Elle comporte une formation initiale, comprenant notamment l’apprentissage, et
des formations ultérieures, qui constituent la formation professionnelle continue,
destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s’y
engagent ».

La formation professionnelle continue a pour objet de favoriser


l’insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de
permettre leur maintien dans l’emploi, de favoriser le développement
de leurs compétences et l’accès aux différents niveaux de la
qualification professionnelle, de contribuer au développement

260
économique et culturel, à la sécurisation des parcours
professionnels et à leur promotion sociale.

Elle a également pour objet de permettre le retour à l’emploi des


personnes qui ont interrompu leur activité professionnelle pour
s’occuper de leurs enfants ou de leur conjoint ou ascendants en
situation de dépendance (C. trav., art. L. 6311-1).

Des actions de formation peuvent être mises en place au bénéfice


des salariés. Tous les employeurs sont tenus de concourir au
développement de la formation professionnelle tout au long de la vie
en participant chaque année au financement d’actions de formation.

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a


profondément bouleversé les dispositifs en vigueur. La date d’entrée
er
en vigueur, fixée au 1 janvier 2019, de la réforme est soumise à la
er
publication de décrets avant le 1 janvier 2019.

LES CONNAISSANCES

La question de la formation professionnelle, au cœur de défis


économiques et sociaux, doit être envisagée au travers des actions
de formation (§ 1) et des dispositifs d’accès (§ 2). Le financement de
la formation professionnelle est impacté de manière importante par
la loi de 2018 (§ 3).

§1 Les actions de formation

• Les catégories d’actions

261
La formation professionnelle continue concerne les adultes et jeunes
déjà engagés dans la vie active ou ceux qui s’y engagent (C. trav.,
art. L. 6111-1). Les articles L. 6313-1 et suivants du Code du travail
listent les actions de formation qui entrent dans le champ de la
formation professionnelle continue. De nombreuses actions de
formation sont visées par le texte : actions de formation ; les bilans
de compétences ; les actions permettant de faire valider les acquis
de l’expérience ; les actions de formation par apprentissage.

L’accès des salariés à des actions de formation professionnelle est


assuré à l’initiative de l’employeur, le cas échéant, dans le cadre
d’un plan de développement des compétences ; à l’initiative du
salarié, notamment par la mobilisation du compte personnel de
formation prévu à l’article L. 6323-1 ou dans le cadre des contrats de
professionnalisation prévus à l’article L. 6325-1.

Une nouvelle définition de l’action de formation est intégrée au Code


du travail. L’action de formation se définit comme un parcours
pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel. Elle
peut être réalisée en tout ou partie à distance. Elle peut également
être réalisée en situation de travail.

Les actions de formation doivent remplir des objectifs de


développement des compétences ou développement de la
qualification. Ces objectifs sont de quatre ordres :
Permettre à une personne sans qualification professionnelle ou
sans contrat de travail d’accéder à un emploi dans les
meilleures conditions ;
Favoriser l’adaptation des salariés à leur poste de travail, leur
maintien dans l’emploi, favoriser le développement de leurs

262
compétences en lien ou non avec leur poste de travail, leur
permettre d’obtenir une qualification plus élevée ;
Pour les travailleurs dont l’emploi est menacé, réduire les
risques résultant d’une qualification inadaptée à l’évolution des
techniques et des structures des entreprises, en les préparant à
une mutation d’activité dans le cadre de leur entreprise ou en
dehors ; et pour les salariés dont le contrat est rompu, leur
permettre d’accéder à des emplois exigeant une qualification
différente ou à des non-salariés d’accéder à de nouvelles
activités professionnelles ;
Aider à la mobilité professionnelle.
Également, le bilan de compétences a pour objet de permettre à des
travailleurs d’analyser leurs compétences professionnelles et
personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations afin de
définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de
formation (C. trav., art. L. 6313-4). Ce bilan ne peut être réalisé
qu’avec le consentement du travailleur.

Les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience ont


pour objet l’acquisition d’une certification professionnelle enregistrée
au répertoire national des certifications professionnelles (C. trav., art.
L. 6313-4).

Enfin, les actions de formation par apprentissage ont pour objet de


permettre aux travailleurs titulaires d’un contrat d’apprentissage
d’obtenir une qualification professionnelle sanctionnée par un
diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire
national des certifications professionnelles ; de dispenser aux
travailleurs titulaires d’un contrat d’apprentissage ainsi qu’aux
apprentis originaires de l’Union européenne en mobilité en France
une formation générale associée à une formation technologique et

263
pratique, qui complète la formation reçue en entreprise et s’articule
avec elle ; de contribuer au développement des connaissances, des
compétences et de la culture nécessaires à l’exercice de la
citoyenneté et de contribuer au développement de l’aptitude des
apprentis à poursuivre des études par la voie de l’apprentissage ou
par toute autre voie (C. trav., art. L. 6313-5).

• L’entretien professionnel
o
En outre, la loi n 2014-288 du 5 mars 2014 a créé un nouvel
entretien professionnel. Cet entretien doit être organisé par
l’employeur tous les deux ans pour tous les salariés (quelle que soit
la forme de leur contrat de travail). L’article L. 6315-1 du Code du
travail précise que l’entretien est consacré à ses perspectives
d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications
et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du
salarié. Il comporte également des informations relatives à la
validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de
son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte
que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en
évolution professionnelle.

Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d’un document


dont une copie est remise au salarié, est également proposé systématiquement au
salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé
parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé d’adoption, d’un
congé sabbatique, etc. L’entretien peut également avoir lieu, à l’initiative du
salarié, à une date antérieure à sa reprise de poste.

Un accord collectif peut revoir la périodicité des entretiens


professionnels. Ainsi, un accord d’entreprise ou, à défaut, de

264
branche peut définir une périodicité différente.

Tous les 6 ans, l’entretien professionnel fait un état des lieux


récapitulatif du parcours professionnel du salarié. L’objectif est de
vérifier que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels
antérieurs et d’apprécier s’il a suivi au moins une action de
formation ; acquis des éléments de certification par la formation ou
par une validation des acquis de son expérience ; bénéficié d’une
progression salariale ou professionnelle. Un accord collectif
d’entreprise ou, à défaut, de branche peut prévoir d’autres modalités
d’appréciation du parcours professionnel du salarié que celles
mentionnées ci-dessus. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés,
lorsque, au cours de ces 6 années, le salarié n’a pas bénéficié des
entretiens prévus et d’au moins une formation autre que celle
permettant d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail ou
liée à l’évolution ou au maintien dans l’emploi, l’entreprise est
sanctionnée. De plus, un abondement est inscrit sur le CPF du
salarié dans des conditions qui seront également définies par décret.

• Le droit à la qualification professionnelle


À noter que le salarié bénéficie également d’un droit à la
qualification professionnelle. Selon l’article L. 6314-1 du Code du
travail, tout travailleur engagé dans la vie active ou toute personne
qui s’y engage a droit à la qualification professionnelle et doit pouvoir
suivre, à son initiative, une formation lui permettant, quel que soit
son statut, de progresser au cours de sa vie professionnelle d’au
moins un niveau en acquérant une qualification correspondant aux
besoins de l’économie prévisibles à court ou moyen terme.

§2 Les dispositifs d’accès

265
I. Les obligations de l’employeur

Par application de l’article L. 6321-1 du Code du travail, il revient à


l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de
travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au
regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et
des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au
développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à
la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de
formation permettant l’accès au socle de connaissances et de
compétences.

Les formations proposées doivent effectivement participer au


développement des compétences du salarié. À défaut, un salarié qui
estime avoir subi un préjudice peut solliciter des dommages et
o
intérêts (Cass. soc., 5 juillet 2018, n 16-19.895).

II. Le plan de développement des compétences

L’employeur doit assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de


travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper leur emploi,
au regard notamment des évolutions technologiques. Pour cela, il
doit leur proposer des formations prévues dans le cadre du plan de
développement des compétences visé à l’article L. 6312-1 du Code
du travail (ex. plan de formation).
Il permet aux salariés de suivre des actions de formation à l’initiative
de leur employeur, par opposition aux formations qu’ils peuvent
suivre de leur propre initiative grâce à leur compte personnel de
formation.

Deux types d’actions peuvent être visées dans le plan de


développement des compétences.

266
Il importe de distinguer :
les actions de formation obligatoires ou nécessaires qui sont
celles qui conditionnent l’exercice d’une activité ou d’une
fonction en application d’une convention internationale ou de
dispositions légales et réglementaires. Elles constituent du
temps de travail effectif et donnent lieu au maintien de la
rémunération par l’employeur.
Ces actions de formation « obligatoires » constituent un temps
de travail effectif et donnent lieu au maintien de la rémunération
(C. trav., art. L. 6321-2).
les actions de formation autres que celles-ci-dessus, dites non
obligatoires : elles constituent aussi du temps de travail effectif
et donnent lieu au maintien de la rémunération, sauf lorsqu’elles
se déroulent hors temps de travail (C. trav., art. L. 6321-6 et
L. 6321-7).
Si l’employeur a bien une obligation d’assurer l’adaptation des
salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur
capacité à occuper un emploi, il n’y a pas d’obligation légale de
mettre en place un tel plan. La mise en œuvre d’un plan de
développement des compétences relève de la seule décision de
l’employeur, après consultation des représentants du personnel.

Tout salarié peut être visé par une action de formation prévue par le
plan de développement des compétences de son entreprise.

Sous réserve de ne pas faire preuve de discrimination, l’employeur


peut choisir les salariés qu’il souhaite faire bénéficier d’une
formation. Un salarié peut également prendre l’initiative de
demander à son employeur de suivre une formation prévue par le
plan de développement des compétences.

267
Si le contrat de travail prévoit une clause de dédit-formation, le
salarié doit rembourser les frais de formation engagés par son
employeur.

Clause de dédit-formation : clause contractuelle par laquelle le salarié,


en contrepartie d’une formation, rembourse les frais de formation engagés par
l’entreprise s’il démissionne avant un certain délai.

III. Le compte personnel de formation

Le compte personnel de formation (CPF) est utilisable par tout


salarié, tout au long de sa vie active, pour suivre une formation
qualifiante. Le compte personnel de formation (CPF) remplace le
er
DIF (Droit individuel à la formation) depuis le 1 janvier 2015. Il est
utilisable par tout salarié, tout au long de sa vie active, pour suivre
une formation qualifiante. Il fait partie du compte personnel d’activité
(CPA).

Traditionnellement, il recensait les heures de formation acquises par


le salarié tout au long de sa vie active et jusqu’à son départ à la
retraite et les formations dont pouvait bénéficier personnellement le
salarié.

Depuis janvier 2019, les heures sont transformées en euros à raison de 15 €


par heure. Le compte sera crédité de 500 euros par an pour les salariés à temps
plein, 800 pour les salariés non qualifiés, dans la limite de 5 000 euros et 8 000
pour les salariés non qualifiés.

268
Il s’agit de formations permettant notamment d’acquérir une
qualification (diplôme, titre professionnel, etc.), d’acquérir le socle de
connaissances et de compétences, d’être accompagné pour la
validation des acquis de l’expérience (VAE), de réaliser un bilan de
compétences, de préparer l’épreuve théorique du Code de la route
et l’épreuve pratique du permis de conduire, de créer ou reprendre
une entreprise ou, pour les bénévoles et volontaires en service
civique, d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de
leurs missions.

Le CPF est alimenté automatiquement à la fin de chaque année


proportionnellement au temps de travail réalisé au cours de l’année
par le salarié dans la limite d’un plafond. Les droits restent acquis
même en cas de changement d’employeur ou de perte d’emploi.

Des abondements, c’est-à-dire des droits complémentaires, sont


toutefois possibles au-delà de ce plafond.

Le congé individuel de formation (CIF) est supprimé et remplacé par


le compte personnel de formation de transition professionnelle.
L’objectif est de permettre au bénéficiaire de changer de métier ou
de profession en bénéficiant d’un congé spécifique si la formation
est effectuée en tout ou partie sur le temps de travail.

o
La loi n 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir
son avenir professionnel institue également un compte
d’engagement citoyen ayant pour objectif de recenser et de valoriser
les activités participant d’un engagement citoyen et d’acquérir ainsi
des droits à formation. Ce compte sera également comptabilisé en
euros.

269
§3 Le financement de la formation professionnelle
er
À partir du 1 janvier 2019, le financement de la formation passe par
le versement de trois contributions (C. trav., art. L. 6131-1) :
contribution unique à la formation professionnelle et à
l’alternance ;
contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA) ;
contribution pour le financement du compte personnel de
formation (CPF) des salariés en CDD.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– Dossier : Mutations de la formation professionnelle, coordonné par
J.-M Luttringer, Dr. soc. 2016, 972 et s.
– S. PELICIER-LOEVENBRUCK, Chronique « Nouveau droit de la
formation : remise en perspective », Lamy social – Actualités,
o
mai 2014, n 290.

270
TITRE 3
LA RUPTURE DE LA RELATION
DE TRAVAIL

o
Fiche n 23 Le licenciement pour motif personnel : cause
réelle et sérieuse
o
Fiche n 24 Le licenciement pour motif personnel :
procédure
o
Fiche n 25 Le licenciement économique : notion
o
Fiche n 26 Le licenciement économique : procédures
o
Fiche n 27 La rupture du contrat de travail à l’initiative
du salarié
o
Fiche n 28 La rupture conventionnelle
o
Fiche n 29 La retraite
o
Fiche n 30 Les conséquences de la rupture

271
o
Fiche n 23 Le licenciement pour motif
personnel :
cause réelle et sérieuse

L’ESSENTIEL

L’employeur peut rompre unilatéralement le contrat de travail le liant


à un salarié via un licenciement. Lorsque le motif est inhérent à la
personne du salarié, le licenciement repose sur un motif
« personnel ». Ce motif (ou cause) doit être réel et sérieux (C. trav.,
art. L. 1232-1). La nécessité d’une cause réelle et sérieuse de
licenciement n’est pas propre au licenciement pour motif personnel.
Elle s’applique à tous les licenciements quels que soient l’ancienneté
du salarié, l’effectif de l’entreprise et la nature du licenciement. Il en
est donc ainsi lorsque le licenciement repose sur un motif
économique également (C. trav., art. L. 1233-2, al. 2).

LES CONNAISSANCES

L’existence d’une cause réelle et sérieuse est indispensable (§ 1) et


doit être prouvée (§ 2). L’absence de cause réelle et sérieuse est
sanctionnée (§ 3).

272
§1 L’existence d’une cause réelle et sérieuse
La notion de cause réelle et sérieuse du licenciement renvoie à deux
types de justification du licenciement. Il peut s’agir tout d’abord d’un
licenciement lié au comportement fautif du salarié. Mais le salarié
peut ne pas commettre de faute : le licenciement pour motif
personnel résulte alors d’une défaillance de ses aptitudes
professionnelles rendant impossible le maintien de la relation de
travail (inaptitude physique, insuffisance professionnelle, etc.).

Aucun texte ne définit précisément la cause réelle et sérieuse, de


sorte qu’il revient au juge d’en contrôler l’existence.

I. La notion de cause réelle et sérieuse

La réalité et le sérieux du motif de licenciement s’apprécient au jour


où la décision de rompre le contrat de travail est prise par
o
l’employeur (Cass. soc., 6 févr. 2008, n 07-40.065). Le contentieux
en la matière est abondant.

A La cause réelle
La réalité de la cause suppose tout d’abord que la cause existe. Un
licenciement prononcé sans motif est abusif. Les faits allégués par
l’employeur doivent réellement exister et doivent être matériellement
o
vérifiables (Cass. soc., 9 avril 1987, n 83-45425). De simples
craintes ou supputations ne sauraient donc fonder un licenciement
o
(Cass. soc., 21 sept. 2006, n 05-41.155).

La cause doit aussi être exacte, de sorte que le licenciement ne


saurait reposer sur un motif qui n’est qu’un prétexte pour dissimuler

273
o
le véritable motif de licenciement (Cass. soc., 28 oct. 1981, n 79-
o
41.274. – Cass. soc., 13 févr. 2008, n 06-43.849).

Enfin, la Cour de cassation estime qu’un licenciement pour une


cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des
o
éléments objectifs (Cass. soc., 29 nov. 1990, n 87-40.184). Pour
illustration, la seule perte de confiance alléguée par l’employeur ne
peut pas, en soi, constituer un motif de licenciement (Cass. soc.,
o
29 mai 2001, n 98-46.341).

B La cause sérieuse
La cause doit également être sérieuse. La cause sérieuse est une
cause revêtant une certaine gravité qui rend impossible, sans
dommages pour l’entreprise, la continuation du contrat. Le caractère
de gravité ne signifie pas forcément une faute grave.

II. Les motifs disciplinaires ou non disciplinaires

Le licenciement pour motif personnel peut reposer sur un motif


disciplinaire (en cas de faute du salarié) ou non disciplinaire.

A Le motif disciplinaire
Le motif personnel peut tout d’abord reposer sur une faute.
Toutefois, seules les fautes d’une certaine intensité peuvent être une
cause réelle et sérieuse de licenciement. De plus, un comportement
fautif ne peut résulter que d’un fait imputable au salarié (Cass. soc.,
o
21 mars 2000, n 98-40.130).

274
La faute simple peut constituer une cause réelle et sérieuse de
licenciement. Elle consiste par exemple en une erreur ou une
négligence commise par le salarié.

La faute du salarié est considérée comme une faute grave dès lors
qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Le
fait doit être directement imputable au salarié. Cette faute, qui est
appréciée souverainement par les juges (Cass. soc., 29 juin 2016,
o
n 15-12.958), peut justifier sa mise à pied conservatoire qui
constitue une mesure de mise à l’écart dans l’attente du prononcé
de la sanction (C. trav., art. L. 1332-3). Elle permet le congédiement
du salarié avec effet immédiat, sans indemnité de préavis ni de
licenciement.
La faute lourde suppose du salarié une intention de nuire à
l’entreprise, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter
préjudice dans la commission du fait fautif (Cass. soc., 8 févr. 2017,
o
n 17-21.064). Elle ne résulte pas de la seule commission d’un acte
o
préjudiciable à l’entreprise (Cass. soc., 22 oct. 2015, n 14-11.291).
Elle prive le salarié de toute indemnité attachée au licenciement à
savoir l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de
préavis. De plus, elle permet d’engager la responsabilité
contractuelle du salarié. Conformément à une décision du Conseil
constitutionnel, la faute lourde ne prive plus le salarié de l’indemnité
compensatrice de congés payés (Cons. const., 2 mars 2016,
o
n 2015-523 QPC – JO 4 mars).

B Le motif non disciplinaire


Les motifs non disciplinaires sont variés. Ils peuvent concerner
l’attitude du salarié au travail, ses compétences ou l’insuffisance de

275
ses résultats.

Jurisprudence
Par exemple, la maladie peut être une cause réelle et sérieuse de
licenciement lorsqu’elle entraîne des conséquences dommageables pour
l’entreprise, à savoir la désorganisation ou la perturbation dans le fonctionnement
o
de l’entreprise (Cass. soc., 31 mars 2016, n 14-21.682). Encore, l’insuffisance
professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse si elle repose sur des
o
faits objectifs précis et vérifiables (Cass. soc., 20 sept 2006, n 04-48.381). Il en
va de même de l’insuffisance de résultats, mais à condition que les objectifs
présentent un caractère raisonnable, réaliste et qu’ils soient imputables au salarié
o
(Cass. soc., 11 juill. 2001, n 99-42.927). Pour autre exemple, les désaccords
profonds entre salarié et employeur peuvent être une cause réelle et sérieuse de
licenciement. Le désaccord doit être imputable personnellement au salarié et
rendre impossible le maintien de la relation de travail. La simple divergence de
o
points de vue ne peut pas justifier la rupture (Cass. soc., 2 juin 2010, n 08-
44.634). Par contre, la Cour de cassation considère, depuis un arrêt du 29 mai
2001, que « la perte de confiance de l’employeur ne peut jamais constituer en tant
que telle une cause de licenciement, même quand elle repose sur des éléments
objectifs. Seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une
cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour
o
l’employeur » (Cass. soc., 29 mai 2001, n 98-46.341).

La frontière est parfois malaisée à tracer entre insuffisance et faute.


Si un salarié ne réussit pas à réaliser de façon correcte sa mission
malgré tous les moyens mis en place pour l’exécuter, une procédure
de licenciement peut être engagée pour insuffisance professionnelle.
Par contre, la procédure est disciplinaire si le salarié effectue sa
prestation avec une mauvaise foi délibérée (Cass. soc., 24 oct.
o
2018, n 17-16.489).

276
En principe, il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié pour
une cause tirée de sa vie personnelle.

Jurisprudence
Il en toutefois autrement lorsque le comportement de l’intéressé, compte tenu
de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble
o
caractérisé au sein de cette dernière (Cass. soc., 14 sept. 2010, n 09-65.675).
Ce trouble objectif ne doit pas être assimilé à une faute et ne permet pas de
o
prononcer un licenciement disciplinaire (Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n 05-
o o
40.803 ; Cass. soc., 9 mars 2011, n 09-42.150 ; Cass. soc., 11 avril 2012, n 10-
25.764). Exceptionnellement, des faits relevant de la vie privée du salarié peuvent
justifier un licenciement disciplinaire, si le comportement constitue un
manquement à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. soc.,
o
3 mai 2011, n 09-67.464).

Une question épineuse est fréquemment posée aux juges : un salarié peut-il être
sanctionné, voire licencié, pour des propos tenus sur les réseaux sociaux ? Dans
un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation considère en sa première chambre
civile, saisie de la qualification d’injures publiques ou non publiques, juge que la
qualification d’injures publiques devait être écartée dans la mesure où « les propos
litigieux avaient été diffusés sur [des réseaux] accessibles qu’aux seules
personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint [qui] formaient une
o
communauté d’intérêts » (Cass. civ., 10 avr. 2013, n 11-19530). Dans une affaire
en date du 12 septembre 2018, la Cour de cassation retient qu’une conversation
en ligne dans le cadre d’un groupe fermé et composé d’un petit nombre de
personnes est de nature privée, ce qui exclut que les propos qui y sont tenus,
puissent être qualifiés de faute grave, voire, dans cette espèce, de cause réelle et
o
sérieuse (Cass. soc., 12 sept. 2018, n 16-11.690).

III. Le cas des licenciements nuls

La loi prévoit de nombreux cas de nullité du licenciement. Tel est le


cas des salariés dont le licenciement est soumis à autorisation

277
administrative, lorsque la procédure n’est pas respectée (C. trav. art
L. 2411-1 et s.). Tel est le cas également des licenciements
prononcés en violation d’une liberté fondamentale (C. trav., art.
L. 1235-3-1), de la salariée en état de grossesse (C. trav. art.
L. 1225-71), du salarié qui agit en justice pour faire respecter
l’égalité entre les femmes et les hommes (C. trav. art. L. 1144-3), des
victimes de discrimination (C. trav. art. L. 1132-1 à L. 1332-4), du
salarié gréviste (C. trav. art. L. 1132-2 et L. 2511-1), du salarié à
raison de son témoignage sur un harcèlement sexuel ou moral ou
parce qu’il a subi ou refusé de subir un harcèlement sexuel ou moral
(C. trav., art. L. 1153-1 et L. 1152-1), du salarié qui aurait relaté ou
témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime
dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions
(C. trav. art. L. 1132-3-3).

Jurisprudence
Enfin, la jurisprudence considère certains licenciements comme illicites. Pour
exemple, un employeur ne saurait licencier de manière brutale. Dans le cas même
où le licenciement serait justifié parce que fondé sur un motif réel et sérieux, les
circonstances de la rupture peuvent constituer une faute de la part de l’employeur
o
(un abus de droit) dont il devra réparation (Cass. soc., 26 févr. 1992, n 88-
44.441). Le licenciement ne saurait non plus être vexatoire. Ainsi en est-il de la
mise à la porte immédiate d’un cadre de direction, suivie, 3 jours plus tard, de
o
l’annonce de son licenciement dans la presse (Cass. soc., 29 nov. 1984, n 82-
41.540).

§2 La preuve de la cause réelle et sérieuse


La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse n’appartient
pas spécialement à l’une ou à l’autre des parties. C’est au juge qu’il

278
revient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués la
vérité en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les
parties et en ordonnant si nécessaire toutes mesures d’instruction
qu’il estime utiles (C. trav., art. L. 1235-1).

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En matière prud’homale, la preuve est libre (Cass. soc., 10 nov.


o
2010, n 09-40.967). Toutefois, la preuve d’un fait fautif ne saurait
être obtenue en utilisant des moyens portant atteinte aux droits
fondamentaux ou au droit des personnes et des libertés
individuelles. Ainsi, si l’employeur peut légitimement contrôler et
surveiller l’activité de ses salariés durant le temps de travail, il ne
peut user d’un dispositif de contrôle déloyal. Tel serait le cas si le
dispositif n’a pas été porté préalablement à la connaissance du
salarié ou lorsqu’il est clandestin.

En revanche, le salarié peut faire valoir des documents de


l’entreprise, dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions,
à condition que leur production soit strictement nécessaire à
o
l’exercice de sa défense (Cass. soc., 2 déc. 1998, n 96-44.258 –
o
Cass. soc., 30 juin 2004, n 02-41.720).

§3 Les sanctions du licenciement sans cause réelle


et sérieuse

I. Application du barème légal en l’absence de cause réelle


et sérieuse

Lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le


juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise avec

279
maintien de ses avantages acquis (C. trav., art. L. 1235-3). Cette
réintégration peut toutefois être refusée par l’employeur comme par
le salarié.

En l’absence de réintégration, le juge octroie au salarié une


indemnité à la charge de l’employeur. Le juge est tenu de respecter
un barème comprenant des montants minimaux et maximaux
d’indemnisation. Le montant minimum compris entre 0,5 et 3 mois
de salaire brut est fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille
de l’entreprise (plus ou moins onze salariés). Le montant maximum,
compris entre 1 et 20 mois de salaire brut est fonction du seul critère
de l’ancienneté. Le législateur a ainsi pris acte d’une décision du
Conseil constitutionnel selon laquelle le préjudice subi en cas de
licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être fonction de
o
la taille de l’entreprise (Cons. const., 5 août 2015, n 2015-715 DC).

Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte,


le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion
de la rupture (C. trav., art. L. 1235-3). En toutes hypothèses,
l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse se
cumule avec l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou
contractuelle.

Le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux


organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage
versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du
jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de
chômage par salarié intéressé (sauf pour le licenciement d’un salarié
de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au
licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement
moins de onze salariés) (C. trav., art. L. 1235-4 et L. 1235-5).

280
II. Le cas spécifique du licenciement nul

Contrairement au licenciement sans cause réelle et sérieuse où


l’employeur peut s’opposer à la réintégration, celle-ci est ordonnée
par le juge lorsque le salarié dont le licenciement est nul en fait la
o
demande (Cass. soc., 17 mars 1999, n 97-45.555). La réintégration
peut toutefois être refusée par le salarié.

Le barème visé à l’article L. 1235-3 du Code du travail n’est pas


applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché
de nullité. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la
poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa
réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la
charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des
six derniers mois. Cette indemnité est due sans préjudice du
paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte
par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l’indemnité de
licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

Les cas de nullité ouvrant droit à l’indemnité réparant le caractère


illicite du licenciement sont listés par l’article L. 1235-3-1 du Code du
travail.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– D. CHENU, L. DAUXERRE, N. DAUXERRE, L. DRAI, R. CHISS,
H. GUYOT, Le Guide de la rupture du contrat de travail sous la dir.
e
B. Teyssié, LexisNexis, 4 éd., 2017
– P.-H. ANTONMATTEI, Le licenciement pour trouble objectif, Dr.
soc. 2012, 10

281
– J. MOULY, Le licenciement du salarié pour des faits relevant de sa
vie personnelle : le retour discret de la perte de confiance, Dr. soc.
2006, 839
– J. GRANGE, La fixation des plafonds d’indemnité de licenciement
sans cause réelle et sérieuse, JCP S 2017, act. 233

282
o
Fiche n 24 Le licenciement pour motif
personnel : procédure

L’ESSENTIEL

La procédure de licenciement pour motif personnel suppose le


respect de plusieurs étapes obligatoires. Elle se combine avec les
règles relatives au licenciement des représentants du personnel
o
(Cass. soc., 30 nov. 1978, n 77-40.844) ou prévues
conventionnellement. Des sanctions sont légalement prévues en cas
de non-respect de la procédure de licenciement pour motif
personnel.

LES CONNAISSANCES

La procédure de licenciement pour motif personnel suppose le strict


respect de certaines formalités (§ 1), sous peine de sanctions (§ 2).

§1 Les étapes de la procédure de licenciement


Le licenciement pour motif personnel est inhérent à la personne du
salarié : il peut reposer sur une faute (on parle alors de licenciement

283
disciplinaire) ou non. Si le licenciement est motivé à la fois par une
cause personnelle et par une cause économique, il importe de suivre
la procédure correspondant au motif qui se trouve le premier dans
l’ordre chronologique et qui est déterminant (Cass. soc., 24 avr.
o
1990, n 88-43.555).

I. L’entretien préalable

A La convocation à l’entretien préalable


L’employeur qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute
décision, convoquer l’intéressé à un entretien préalable. Cet
entretien est obligatoire quels que soient l’effectif de l’entreprise et
o
l’ancienneté du salarié (Cass. soc., 25 mai 1989, n 88-42.991). La
convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre
remise en main propre contre décharge (C. trav., art. L. 1232-2).
Cette dernière doit indiquer :
de manière non équivoque qu’un licenciement est envisagé
o
(Cass. soc., 16 janv. 2007, n 05-43.443). Le courrier de
convocation ne doit pas se borner à viser l’éventualité d’une
sanction, sans autre précision. Par contre, la convocation n’est
pas tenue de préciser les griefs allégués contre le salarié (Cass.
o
soc., 4 nov. 1992, n 91-41.189).
la date et l’heure de l’entretien ;
le lieu de l’entretien lequel, sauf justification de le fixer en un
autre lieu, est le lieu où s’exécute le travail ou celui du siège
o
social de l’entreprise (Cass. soc., 9 mai 2000, n 97-45.294) ;
la possibilité de se faire assister lors de l’entretien. Si
l’entreprise dispose d’une représentation du personnel, le
salarié peut se faire assister par un représentant du personnel

284
ou par un salarié appartenant à l’entreprise. À défaut de
représentant du personnel, le salarié peut se faire assister par
un salarié appartenant à l’entreprise ou par une personne
extérieure à l’entreprise laquelle est appelée le conseiller du
salarié (C. trav., art. L. 1232-4).
Lorsque le licenciement est envisagé pour un motif personnel non
disciplinaire, aucun délai n’est imposé pour l’envoi de la convocation.
Par contre, s’agissant d’un motif disciplinaire, la convocation doit
être envoyée dans les deux mois à compter de la connaissance des
faits par l’employeur (C. trav., art. L. 1332-4).

Lorsque le report de l’entretien préalable intervient à la demande du


salarié, l’employeur est simplement tenu d’aviser, en temps utile et
par tous moyens, le salarié des nouvelles date et heure de cet
o
entretien (Cass. soc., 29 janv. 2014, n 12-19.872).

B La tenue de l’entretien préalable


L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables
après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main
propre de la lettre de convocation (C. trav., art. L. 1232-2, al. 3). Ce
délai s’applique que l’entreprise soit ou non pourvue de
représentants du personnel.

Il doit, en principe, se dérouler en présence de l’employeur. Mais par


exception, ce dernier a la possibilité de se faire représenter par un
membre de l’entreprise (personne qui a qualité dans l’entreprise
pour embaucher ou licencier). En toutes hypothèses, l’employeur ne
peut pas être accompagné d’une personne n’appartenant pas au
o
personnel de l’entreprise (Cass. soc., 28 oct. 2009, n 08-44.241).

285
La tenue de l’entretien préalable n’est pas une condition nécessaire
à la régularité de la procédure. Ainsi, l’absence du salarié à
l’entretien ne constitue ni une faute ni une cause de licenciement
o
(Cass. soc., 28 nov. 2001, n 99-46.031) et l’employeur peut notifier
le licenciement dès lors qu’il a respecté son obligation de
convocation.

Au cours de l’entretien, l’employeur indique les motifs de la décision


envisagée et recueille les explications du salarié (C. trav., art.
L. 1221-3). L’employeur n’est pas tenu de communiquer au salarié,
lors de l’entretien préalable, les pièces susceptibles de justifier la
o
sanction (Cass. soc., 18 févr. 2014, n 12-17.557). Sauf abus, les
paroles prononcées par le salarié contre lui ne peuvent constituer
o
une cause de licenciement (Cass. soc., 19 juin 1991, n 89-40.843).

§2 La notification du licenciement

Le licenciement doit être notifié par lettre recommandée avec avis de


er
réception (C. trav., art. L. 1232-6, al. 1 ).

Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par


l’employeur.

Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la


date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié
a été convoqué. Ce délai doit permettre à l’employeur de ne pas
prendre prématurément une décision de licenciement. Si le
licenciement repose sur un motif disciplinaire, cette notification ne
peut être effectuée plus d’un mois après la date prévue de l’entretien
préalable (C. trav., art. L. 1332-2).

286
De façon constante, la Cour de cassation a toujours considéré que si
les motifs ne figuraient pas dans la lettre de licenciement ou s’ils
étaient vagues ou imprécis, le licenciement était réputé sans cause
o
réelle et sérieuse (Cass. soc., 29 nov.1990, n 88-44.30). Cette
solution a été partiellement remise en cause par l’ordonnance
o
n 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la
sécurisation des relations de travail. Désormais, l’employeur peut
préciser le motif d’un licenciement après sa notification, soit de sa
propre initiative, soit à la demande du salarié. C’est la lettre de
licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, qui fixe les
limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement
(C. trav., art. L. 1235-2). L’ensemble des dispositions de l’article
L. 1235-2 du Code du travail est applicable aux licenciements
prononcés à compter du 18 décembre 2017 (Cass. soc., 22 sept.
o
2021, n 19-21.605).

La rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a


manifesté sa volonté d’y mettre fin, donc au jour de l’envoi de la
lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la
rupture, et non à celui auquel le salarié en a été informé (Cass. soc.,
o
11 mai 2005, n 03-40.650).

287
§3 Les sanctions du non-respect de la procédure
de licenciement
Si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure
requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le
juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et
accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne
peut être supérieure à un mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-2 ;
pour l’application temporelle de ces dispositions, V. Cass. soc., 22
o
sept. 2021, n 19-21.605).

Cette sanction s’applique quel que soit l’effectif de l’entreprise et


l’ancienneté du salarié.

Si les motifs avancés par l’employeur sont insuffisants pour justifier


le licenciement et que la procédure est également irrégulière, seules
les sanctions prévues pour l’absence de cause réelle et sérieuse

288
vont être retenues. En ce cas, l’indemnité pour irrégularité de
procédure est absorbée par l’indemnité prévue à l’article L. 1235-3
du Code du travail.

Depuis les ordonnances dites Macron, le licenciement d’un salarié


qui n’aurait pas été précédé de la « procédure conventionnelle ou
statutaire de consultation préalable au licenciement » apparait parmi
les irrégularités de forme citées à l’article L. 1235-2 du Code du
travail.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– S. LE NAOUR et S. PONCET, Les procédures conventionnelles et
o
statutaires de licenciement après l’ordonnance n 2017-1387
(Pratique sociale), JCP S 2017, 1377
– M.-N. ROUSPIDE-KATCHADOURIAN et S. BEAL, Les nouvelles
règles relatives à la rupture du contrat de travail. Entre
sécurisation et prévisibilité (Pratique sociale), JCP S, 2017, 1334

289
o
Fiche n 25 Le licenciement économique :
notion

L’ESSENTIEL

Le motif économique de licenciement est défini à l’article L. 1233-3


du Code du travail. La réunion des éléments constitutifs énoncés par
cette disposition permet de retenir la qualification de motif
économique. En présence d’un tel motif, l’employeur doit satisfaire à
différentes obligations, notamment une obligation individuelle de
reclassement à l’égard du ou des salariés menacé(s) par le
licenciement.

LES CONNAISSANCES

Les règles relatives au licenciement pour motif économique sont


régies par les articles L. 1233-1 et suivants du Code du travail. Ces
règles ont été largement modifiées par la loi du 8 août 2016
o
(L. n 2016-1088, 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation
du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels –
o
JO n 184 du 9 août 2016) et sont entrées en vigueur le
er o
1 décembre 2016 (L. n 2016-1088, 8 août 2016, préc., art. 67).

290
o
L’ordonnance n 2017-1387 du 23 septembre 2017 apporte
également des modifications sensibles.

Trois dispositions s’avèrent essentielles : l’article L. 1233-1, l’article


L. 1233-3 et l’article L. 1233-4 du Code du travail qui portent
respectivement sur le champ d’application, sur la qualification et sur
la justification du licenciement économique.

(C. trav., art. L. 1233-1)


Selon l’article L. 1233-1 du Code du travail, « les dispositions du présent chapitre
sont applicables dans les entreprises et établissements privés de toute nature
ainsi que, sauf dispositions particulières, dans les entreprises publiques et les
établissements publics industriels et commerciaux ».

Les règles relatives au licenciement économique ne sont mises en


œuvre qu’en présence d’une entreprise. Sont dès lors exclus du
champ d’application du licenciement pour motif économique,
notamment :
le licenciement d’un attaché parlementaire (Cass. soc., 20 oct.
o
1988, Bull. civ. V, n 535) ;
le licenciement du personnel domestique par un particulier
o
(Cass. soc., 10 oct. 1989, n 86-45.069 ; Cass. soc., 18 févr.
o o
1998, n 95-44.721 ; Cass. soc., 4 avr. 2001, n 98-40.275) ;
et le licenciement d’un gardien par le syndicat des
o
copropriétaires (Cass. soc., 10 oct. 1990, n 87-45.366 ; Cass.
er o
soc., 1 févr. 2017, n 15-26.853) car celui-ci n’assure que
l’administration et la conservation d’un immeuble commun. À
l’inverse, lorsqu’une mission supplémentaire s’ajoute à celle
fixée par l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de

291
la copropriété, singulièrement celle d’administrer une résidence
de personnes âgées qui disposait d’un service médical, les
licenciements des infirmières affectées à ce service médical
relèvent des dispositions concernant les licenciements pour
o
motif économique (Cass. soc., 21 nov. 2018, n 17-12.599).
En revanche, constitue une entreprise, un office notarial (Cass. soc.,
o
4 mars 2015, n 13-26.293) et une société civile immobilière (Cass.
o
soc., 21 janv. 2015, n 13-17.850).

292
Jurisprudence
o
Bien que supprimés en 2017 (Ord. n 2017-1385, 22 sept. 2017), après une
o
brève existence (L. n 2013-504, 14 juin 2013 ; C. trav., anc. art. L. 2242-21 et s.),
certains accords de mobilité interne ont été conclus par les partenaires sociaux de
l’entreprise. Or, lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application à leur contrat
de travail des stipulations de l’accord relatives à la mobilité interne, leur
licenciement repose sur un motif économique (C. trav., anc. art. 2242-23). Selon
o
un arrêt du 2 décembre 2020 (Cass. soc., 2 déc. 2020, n 19-11.986), cet article a
institué un motif économique de licenciement autonome des motifs économiques
prévus à l’article L. 1233-3 du Code du travail. Dès lors, l’employeur n’a pas à
justifier que la modification du contrat de travail proposée en application de
l’accord de mobilité est consécutive à des difficultés économiques, des mutations
technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de
sa compétitivité ou une cessation complète d’activité (C. cass., Note explicative).
Le même arrêt précise l’office du juge en pareille situation : « Si le refus par le
salarié d’accepter l’application à son contrat de travail des stipulations de l’accord
relatives à la mobilité interne constitue, en application de l’article L. 2242-23 du
Code du travail alors applicable, un motif économique, il appartient au juge
d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce
refus au regard, d’une part, de la conformité de l’accord aux dispositions des
articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du Code du travail et, d’autre part,
conformément aux dispositions des article 4, 9.1 et 9.3 de la Convention
o
internationale du travail n 158 sur le licenciement de l’Organisation internationale
du travail, de la justification de l’accord par l’existence des nécessités du
fonctionnement de l’entreprise ».

Si l’article L. 1233-3 du Code du travail donne les clés pour qualifier


judicieusement le licenciement pour motif économique, l’article
L. 1233-4 du Code du travail énonce la cause justificative du
licenciement pour motif économique.

L’employeur ne recouvre sa faculté de licencier que lorsqu’il a


satisfait à son obligation de reclassement.

293
La qualification de licenciement pour motif économique renvoie tant
à la cause qualificative de licenciement pour motif économique (§ 1),
qu’à la cause justificative (§ 2).

§1 La cause qualificative de licenciement pour motif


économique

I. L’élément causal du licenciement

L’article L. 1233-3 du Code du travail propose une définition du


licenciement économique. Plus précisément, il fixe les éléments
constitutifs du licenciement économique, ce qui permet de le
distinguer du licenciement pour motif personnel.

Pour qualifier le licenciement en licenciement économique, deux


aspects doivent être présents.

Tout d’abord, le motif fondant le licenciement doit présenter un


caractère économique, c’est-à-dire un motif non inhérent à la
personne du salarié. Evidemment, « lorsque le licenciement repose
sur un motif inhérent à la personne du salarié, il ne peut constituer
un licenciement économique » (Cass. soc., 14 nov. 2000, Bull. civ.,
o
V, n 368, p. 282). A contrario, constitue un motif inhérent à la
personne l’inaptitude physique du salarié à assurer le montage de
o o
pneus (Ibid.) ou l’âge du salarié (Cass. soc., 24 avr. 1990, n n 88-
43.555).

De plus, l’article L. 1233-3 du Code du travail identifie l’origine du


licenciement. Depuis la loi du 8 août 2016, l’article L. 1233-3 du
Code du travail envisage quatre cas légaux de cause économique :
les difficultés économiques, les mutations technologiques, la

294
réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa
compétitivité ainsi que la cessation d’activité de l’entreprise.

Cependant, l’énumération des motifs de licenciement économique


n’est pas limitative, en raison de la présence de l’adverbe
« notamment » précédant ladite énumération (Cass. soc., 16 janv.
o
2001, n 98-44.647).
Depuis la loi du 8 août 2016, les difficultés économiques sont
caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un
indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du
chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la
trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre
élément de nature à justifier de ces difficultés (C. trav., art. L. 1233-3,
er
al. 1 , 1°).

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est


constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison
avec la même période de l’année précédente, au moins égale à un
trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ; deux
trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés
et de moins de 50 salariés ; 3 trimestres consécutifs pour une
entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de trois cents
salariés ; ou 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300
er
salariés et plus (C. trav., art. L. 1233-3, al. 1 , 1°, a à d).

La durée d’une baisse significative des commandes ou du chiffre


d’affaires, telle que définie à l’article L. 1233-3, 1°, a à d, du Code du
o
travail, dans sa rédaction issue de la loi n 2016-1088 du 8 août
2016, de nature à caractériser des difficultés économiques,
s’apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre

295
d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de
la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année
er o
précédente à la même période (Cass. soc., 1 juin 2022, n 20-
19.957, FS-B).

L’origine peut également tenir à des mutations technologiques


er
(C. trav., art. L. 1233-3, al. 1 , 2°).

La mutation est caractérisée en cas d’introduction d’une nouvelle


o
technologie (Cass. soc., 4 juill. 1990, n 89-40.637 ; Cass. soc.,
o o
2 juin 1993, n 90-44.956 ; Cass. soc., 15 mars 1994, n 92-43.612)
et en cas de changement d’exploitation du matériel informatique et
o
de nouveaux logiciels (Cass. soc., 14 nov. 2001, n 94-44.686 ;
o
Cass. soc., 17 mai 2006, n 04-43.022). Toutefois, sur ce dernier
point, il a été jugé qu’un changement de progiciel ou de logiciel ne
constitue pas une « innovation technologique » (Cass. soc., 13 mai
o
2003, n 00-46.766).

Il peut aussi s’agir d’une réorganisation de l’entreprise nécessaire


er
à la sauvegarde de sa compétitivité (C. trav., art. L. 1233-3, al. 1 ,
3°). Ne constitue toutefois pas un tel motif :
le changement des horaires de travail pour répondre aux
o
exigences des clients (Cass. soc., 2 oct. 1997, n 94-45.274) ;
la volonté de diminuer la charge salariale (Cass. soc., 29 avr.
o o
1998, n 96-40.520 ; Cass. soc., 9 déc. 2003, n 01-46.228), les
o
frais fixes (Cass. soc., 12 juin 2001, n 99-41.573) ;
la volonté de remettre en cause un système de rémunération
jugé trop favorable aux salariés et avec le désir d’augmenter les

296
o o
profits (Cass. soc., 30 nov. 2011, n 09-43.183 et n 09-
43.184) ;
et la volonté de remettre en cause un système de rémunération
jugé trop favorable aux salariés et avec le désir d’augmenter les
o o
profits (Cass. soc., 30 nov. 2011, n 09-43.183 et n 09-43.184).
Enfin, le licenciement peut trouver sa source dans la cessation
er
d’activité de l’entreprise (C. trav., art. L. 1233-3, al. 1 , 4°). La
cessation d’activité ne peut pas être temporaire (Cass. soc., 15 oct.
o o
2002, n 01-46.240 ; Cass. soc., 18 mai 2005, n 03-42.010) ou
o
simplement partielle (Cass. soc., 29 juin 2005, n 03-43.664 ; Cass.
o o
soc., 10 oct. 2006, n 04-43.353 ; Cass. soc., 29 avr. 2009, n 07-
44.306).
Tel est le cas de la fermeture d’une ligne aérienne pour le
o
licenciement d’un pilote (Cass. soc., 11 juin 2002, n 00-42.233), de
o
la fermeture d’une agence (Cass. soc., 29 janv. 2003, n 00-44.933)
ou de la fermeture d’un hôtel qui ne représente qu’une partie des
o
activités de l’employeur (Cass. soc., 25 sept. 2007, n 06-41.573).

La cessation d’activité doit être totale et définitive.

À l’occasion de la détermination du motif de licenciement, la


responsabilité de l’employeur peut être recherchée lorsque ce
dernier commet une faute. Par principe, l’erreur éventuellement
commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de
gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute (Cass. soc.,
o
4 nov. 2020, n 18-23.029 et al.). En revanche, la faute de
l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de
l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à
priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à

297
cette réorganisation (Ibid.). À cet égard, le fait que la cessation
d’activité de l’entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive
pas le salarié de la possibilité d’invoquer l’existence d’une faute de
l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, de nature à priver le
licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 8 juill. 2020,
o
n 18-26.140, qui exonère l’employeur de sa responsabilité dans la
mesure où le défaut de déclaration de l’état de cessation des
paiements de la société et le détournement d’actif commis par le
dirigeant postérieurement à l’ouverture de la procédure collective
n’étaient pas à l’origine de la liquidation judiciaire).

La cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de


l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du
secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient. Il incombe à
l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le
sérieux du motif invoqué. La spécialisation d’une entreprise dans le
groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur
d’activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés
o
économiques (Cass. soc., 31 mars 2021, n 19-26.054).

298
Périmètre d’évaluation du motif économique
Le motif économique, autrement dit la justification du caractère économique du
licenciement, s’évaluait pendant longtemps à tous les échelons de l’entreprise et
même au niveau international. La Cour de cassation appréciait le motif
économique au niveau du secteur d’activé du groupe, toute filiale française ou
o
étrangère confondue (Cass. soc., 12 juin 2001, n 99-41.571). Avec la réforme
opérée par les ordonnances « Macron » de 2017 (ratifiées par la loi du 29 mars
2018), cette jurisprudence appartient au passé. Désormais le nouvel article
L. 1233-3 du Code du travail dispose que les difficultés économiques,
les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de
l’entreprise s’apprécient soit au niveau de l’entreprise, si celle-ci n’appartient pas à
un groupe ; soit au niveau du secteur d’activité commun à l’entreprise et aux
sociétés du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

II. L’élément matériel du licenciement

L’article L. 1233-3 du Code du travail met en évidence trois cas de


figure matérialisant le caractère économique du licenciement : une
suppression d’emploi, une transformation d’emploi ou une
modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat
de travail.
La suppression d’emploi implique une suppression corrélative des
tâches effectuées, c’est-à-dire qu’il y a disparition de l’emploi lui-
o
même (Cass. soc., 12 janv. 1994, n 92-42.082 : abandon d’un
o
service de gardiennage ; Cass. soc., 29 juin 1994, n 93-40.491 :
suppression du poste de directeur financier). Cependant, la
suppression d’emploi peut également avoir lieu sans disparition de
l’emploi lui-même. Il s’agit de l’hypothèse où un poste de secrétaire
est supprimé en faisant assurer cette fonction par des bénévoles
o
(Cass. soc., 7 oct. 1992, n 88-45.522 ; Cass. soc., 20 janv. 1998,
o
n 94-45.094). De même, l’emploi est considéré comme supprimé en

299
o
cas d’externalisation de ce dernier (Cass. soc., 17 déc. 2008, n 07-
43.974).
Constitue une transformation d’emploi le fait pour une société de
prendre en charge de nouveaux secteurs d’activité en plus de ses
activités classiques conduisant à la transformation de l’emploi d’une
secrétaire dactylographe en emploi de secrétaire de direction
chargée de la rédaction de devis et du suivi financier des chantiers
o
(Cass. soc., 9 juill. 1997, n 94-43.709 ; Cass. soc., 16 déc. 1997,
o
n 95-41.816).
La modification en question est une modification du contrat de travail
o
(V. Fiche n 14) résultant d’une raison économique.

Jurisprudence
Selon la CJUE, le fait pour un employeur de procéder, unilatéralement et au
détriment du travailleur, à une modification substantielle des éléments essentiels
de son contrat de travail pour des motifs non inhérents à la personne de ce
travailleur relève de la notion de licenciement économique (CJUE, 11 nov. 2015,
aff. C-422/14).

Seule entre en ligne de compte la modification refusée par le salarié


à l’exclusion de la modification acceptée par le salarié.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de


la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie
au niveau de l’entreprise.

§2 La cause justificative de licenciement pour motif


économique

300
I. L’obligation de reclassement

Selon l’article L. 1233-4 du Code du travail, le licenciement pour


motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les
efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le
reclassement de l’intéressé ne peut être opéré.

Le reclassement constitue donc un préalable obligatoire à tout


licenciement pour motif économique (Cass. soc., 8 avr. 1992,
o o
n 89.41.548 ; Cass. soc., 19 févr. 1992, n 90-46.107). Il consiste à
retrouver un poste de travail au salarié menacé de licenciement.
Satisfaire à cette obligation octroie à l’employeur la justification
nécessaire pour procéder au licenciement. À défaut de se plier à
cette obligation, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse
er o
(Cass. soc., 1 avr. 1992, n 89-43.494). La preuve de l’exécution
de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur. Cependant, il
appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le
périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu
de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.
o
(Cass. soc., 31 mars 2021, n 19-17.300).

301
Le reclassement doit être recherché sur les emplois disponibles, situés
sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont
l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation
assurent la permutation de tout ou partie du personnel (C. trav., art. L. 1233-4, al.
er
1 ). Le cas échéant, la notion de groupe désigne le groupe formé par une
entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans
les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à
l’article L. 233-16 du Code de commerce (C. trav., art. L. 1233-4, al. 2).
L’employeur n’a donc plus l’obligation de chercher un poste de reclassement à
l’étranger (ce qui était le cas avant la réforme « Macron »).

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie


que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération
équivalente. À défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le
reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure (C. trav., art.
L. 1233-4, al. 3).

Les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel


appartient l’employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n’ont
pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le
o
reclassement (Cass. soc., 17 mars 2021, n 19-11.114).

II. Les offres de reclassement

L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de


reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste
des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des
conditions précisées par décret (C. trav., art. L. 1233-4, al. 4).

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et


précises (C. trav., art. L. 1233-4, al. 5).

POUR ALLER PLUS LOIN…

302
– D. BAUGARD, La qualification de motif économique, RDT 2009,
p. 510
– P. LOPES, L’extension du pouvoir de direction en cas de difficultés
de l’entreprise, JCP S 2019, 1088
– J. PÉLISSIER, La cause économique du licenciement, RJS, 1992,
p. 527

303
o
Fiche n 26 Le licenciement économique :
procédures

L’ESSENTIEL

Le licenciement pour motif économique se décline sous différentes


formes plus ou moins lourdes selon le nombre de salariés
concernés. Il existe trois procédures de licenciement pour motif
économique : le licenciement individuel qui ne concerne qu’un seul
salarié ; – le petit licenciement collectif qui s’applique lorsque moins
de 10 salariés sont menacés de rupture ; – et le grand licenciement
collectif qui implique 10 salariés et plus.

Pour départager les salariés susceptibles d’être licenciés,


l’employeur doit appliquer l’ordre des licenciements.

Plus le nombre de salariés est important, plus la procédure


d’information et de consultation est lourde et rend nécessaire
l’échange de renseignements ainsi que la communication de
différentes informations représentants du personnel et à l’autorité
administrative.

304
Le droit de licencier sera réactivé lorsque l’employeur satisfait à son
obligation individuelle de reclassement.

La procédure de licenciement elle se traduit par une convocation à


un entretien préalable, par la tenue de l’entretien préalable
proprement dit et, enfin, par la notification du licenciement le cas
échéant. Quelques exceptions ont été prévues, notamment en ce qui
concerne les grands licenciements collectifs.

Le Code du travail prévoit des mesures d’accompagnement social


au licenciement économique.

LES CONNAISSANCES

L’ensemble de la procédure de licenciement pour motif économique


est régi par les articles L. 1233-1 et suivants du Code du travail. En
outre, la procédure est relativement autonome du motif économique
sur lequel elle se développe. En ce sens, la régularité de la
procédure de licenciement économique ne s’apprécie pas en
considération de la cause économique de licenciement (Cass. soc.,
o
29 sept. 2021, n 19-23.248).

305
Aménagements conventionnels
Les procédures de licenciement pour motif économique sont considérées comme
coûteuses en temps et en finances pour l’employeur. C’est pourquoi sont nés
progressivement des instruments d’aménagement conventionnel visant à
échapper ou à contourner les obligations résultant du droit du licenciement pour
motif économique.

Parmi ces dispositifs, certains intéressent uniquement la relation individuelle de


travail et impliquent une négociation directe entre employeur et salarié (convention
de mobilité volontaire sécurisée, proposition de modification du contrat de travail
pour motif économique, etc.) tandis que d’autres ont une ampleur collective et
commandent le recours à la négociation collective.

Parmi les mécanismes les plus récents, on peut citer les modes de rupture d’un
commun accord dans le cadre d’un accord collectif. Effectivement, un accord
collectif portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou rupture
conventionnelle collective peut définir les conditions et modalités de la rupture d’un
commun accord du contrat de travail qui lie l’employeur et le salarié (C. trav.,
L. 1237-17).

Dans ce cadre, différents mécanismes peuvent être mis en place.

Il peut s’agir, tout d’abord, du congé de mobilité qui peut être proposé par
l’employeur et qui a pour objet de favoriser le retour à un emploi stable par des
mesures d’accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail
(C. trav., art. L. 1237-18).

L’acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture


du contrat de travail d’un commun accord des parties à l’issue du congé (C. trav.,
er
art. L. 1237-18-4, al. 1 ).

Il peut s’agir, ensuite, d’un accord collectif déterminant le contenu d’une rupture
conventionnelle collective (C. trav., art. L. 1237-19).

Tout débute par la négociation et la conclusion d’un accord d’entreprise. Ce


dernier précise notamment le nombre maximal de départs envisagés et de
suppressions d’emplois associés, les modalités de conclusion d’une convention
individuelle de rupture entre l’employeur et le salarié, ainsi que la durée pendant
laquelle l’accord est applicable.

Une fois l’accord conclu, il doit recevoir au préalable l’onction de la DIRECCTE :


l’accord est transmis à l’autorité administrative pour validation.

306
Ce n’est qu’après cette étape que l’accord collectif peut recevoir application.

Pendant le temps prévu, les salariés souhaitant rompre leur contrat à l’amiable –
aux conditions fixées par l’accord – peuvent déposer leurs candidatures auprès
de l’employeur.

Celui-ci sélectionne les candidats. L’acceptation par l’employeur de la candidature


du salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle collective emporte rupture
du contrat de travail d’un commun accord des parties (C. trav., art. L. 1237-19-2).

À géométrie variable, cette procédure nécessite le recours à l’ordre


des licenciements (§ 1), l’information et la consultation des
représentants du personnel et de l’administration du travail (§ 2).

La procédure de licenciement proprement dite dépend du nombre de


salariés menacés par la rupture de son contrat de travail (§ 3).

Le cas échéant, des mesures d’accompagnement social et territorial


sont prévues par le Code du travail (§ 4).

§1 L’ordre des licenciements

I. Critères

L’ordre des licenciements est réglementé par les articles L. 1233-5 et


suivants du Code du travail. Lorsque l’employeur procède à un
licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de
convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les
critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après
consultation du comité social et économique (C. trav., art. L. 1233-5,
er
al. 1 ).

307
Quatre critères sont cités par le Code du travail, notamment les
charges de famille, en particulier celles des parents isolés,
l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise, la
situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales
rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile,
notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés,
ainsi que les qualités professionnelles appréciées par catégorie
(C. trav., art. L. 1233-5, al. 2).

Ces critères ne sont pas placés sur le même plan. Une pondération
est envisageable. Par conséquent, l’employeur peut privilégier un de
ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres
critères légaux (C. trav., art. L. 1233-5, al. 3).

Les critères peuvent être déterminés par les partenaires sociaux


dans le cadre d’une convention ou d’un accord collectif (Cass. soc.,
o
26 oct. 2010, n 09-42.409). L’employeur est tenu de les employer et
ne peut pas se référer à un critère qui n’est pas mentionné par
o
l’accord (Cass. soc., 24 nov. 2011, n 19-21.712). Sont interdits les
critères qui établissent une priorité de licenciement en raison des
seuls avantages viagers dont bénéficie un salarié (C. trav., art.
L. 1233-6), ainsi que les critères discriminatoires prohibés par
l’article L. 1132-1 du Code du travail. Par exemple, tel est le cas
lorsqu’est prise en compte l’origine européenne, maghrébine ou
turque des salariés.

II. Appréciation

Dès lors que le licenciement repose sur un motif économique, l’ordre


des licenciements doit être mis en œuvre, y compris en cas de
licenciement individuel.

308
Le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements
peut être fixé par un accord collectif (C. trav., art. L. 1233-5, al. 4).
En l’absence d’un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à
celui de chaque zone d’emplois dans laquelle sont situés un ou
plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les
suppressions d’emplois (C. trav., art. L. 1233-5, al. 5).

Sur demande écrite du salarié, l’employeur indique par écrit les


critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements (C. trav., art.
L. 1233-17). Le défaut d’information rend l’employeur redevable de
o
dommages et intérêts (Cass. soc., 24 sept. 2008, n 07-42.200 ;
o
Cass. soc., 24 nov. 2011, n 19-21.712) sans qu’un tel manquement
ne prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 20
o
janv. 1998, n 96-40.930), le préjudice devant être démontré (Cass.
o o o
soc., 26 févr. 2020, n 17-18.136, n 17-18.137 et n 17-18.139).

Enfin, en cas de contestation de l’ordre des licenciements, le délai


de prescription est fixé à 12 mois à compter de la dernière réunion
du Comité social et économique ou, dans le cadre de l’exercice par
le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour
motif économique, à compter de la notification de celui-ci (C. trav.,
art. L. 1235-7). En revanche, en cas d’adhésion au contrat de
sécurisation professionnelle, la computation du délai débute à
compter de l’adhésion à ce contrat (C. trav., art. L. 1233-67 ;
o
Cass. soc., 16 déc. 2020, n 19-18.322).

§2 L’information et la consultation
Le Code du travail organise l’information et la consultation des
représentants du personnel et module les modalités de ces

309
dernières en fonction du nombre de licenciements envisagés.

D’une part, pour les hypothèses où le nombre de licenciements est


inférieur à 10 salariés, c’est-à-dire pour les licenciements individuels
et les « petits » licenciements collectifs, l’employeur qui envisage d’y
procéder réunit et consulte le comité social et économique dans les
er
entreprises d’au moins onze salariés (C. trav., art. L. 1233-8, al. 1 ).

Le Comité social et économique rend son avis dans un délai qui ne


peut être supérieur, à compter de la date de la première réunion au
cours de laquelle il est consulté, à un mois. En l’absence d’avis
rendu dans ce délai, le comité social et économique est réputé avoir
été consulté (C. trav., art. L. 1233-8, al. 2).

Puis, l’employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif


économique de moins de 10 salariés dans une même période de
trente jours informe l’autorité administrative du ou des licenciements
prononcés (C. trav., art. L. 1233-19).

D’autre part, les modalités d’information et de consultation du CSE


s’adaptent en fonction de la nature du licenciement, notamment,
lorsque l’employeur qui envisage de procéder à un licenciement
collectif pour motif économique d’au moins dix salariés dans une
même période de trente jours (C. trav., art. L. 1233-28), c’est-à-dire
un grand licenciement collectif.

Dans les entreprises comptant au moins 50 salariés, l’employeur


réunit et consulte le CSE, notamment sur le projet de licenciement
collectif : le nombre de suppressions d’emploi, les catégories
professionnelles concernées, les critères d’ordre et le calendrier
prévisionnel des licenciements, les mesures sociales

310
d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi
et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en
matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (C. trav.,
art. L. 1233-30).

En l’absence de reconnaissance d’une unité économique et sociale,


la procédure de consultation n’a pas à être mise en œuvre au niveau
d’une UES, de même que l’éventuel plan de sauvegarde de l’emploi
o
(CE, 13 févr. 2019, n 404556).

Jurisprudence
Enfin commet une faute l’employeur qui met en oeuvre une procédure de
licenciement économique, alors qu’il n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement
tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives
du personnel et sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi. Cette faute
cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et
o
de défense de leurs intérêts (Cass. soc., 9 juin 2021, n 0-11.798).

§3 Les procédures de licenciement proprement dites

I. Le licenciement individuel et le petit licenciement collectif

Tout licenciement, individuel ou de moins de 10 salariés, nécessite


de respecter trois étapes : la convocation à un entretien préalable au
licenciement, l’entretien préalable et la notification du licenciement,
le cas échéant.

Pour la première étape, l’employeur qui envisage de procéder à un


licenciement pour motif économique, qu’il s’agisse d’un licenciement
individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de 10

311
salariés dans une même période de trente jours, convoque, avant
toute décision, le ou les intéressés à un entretien préalable (C. trav.,
er
art. L. 1233-11, al. 1 ). La convocation est effectuée par lettre
recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Cette lettre indique l’objet de la convocation (C. trav., art. L. 1233-11,
al. 2).
Pour la seconde étape durant laquelle le salarié peut être assisté
(C. trav., art. L. 1233-13), l’entretien préalable ne peut avoir lieu
moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre
recommandée ou la remise en main propre de la lettre de
convocation (C. trav., art. L. 1233-11, al. 3). Au cours de cet entretien
préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et
recueille les explications du salarié (C. trav., art. L. 1233-12).

S’agissant de la troisième et dernière étape, lorsque l’employeur


décide de licencier un salarié pour motif économique, qu’il s’agisse
d’un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement collectif
de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, il
lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de
réception.
Cette lettre ne peut être expédiée moins de sept jours ouvrables à
compter de la date prévue de l’entretien préalable de licenciement
auquel le salarié a été convoqué. Ce délai est de quinze jours
ouvrables pour le licenciement individuel d’un membre du personnel
d’encadrement (C. trav., art. L. 1233-15).

II. Le grand licenciement collectif

Concernant les grands licenciements collectifs, la procédure


d’entretien préalable au licenciement ne s’applique pas (C. trav., art.
L. 1233-38).

312
Pour la notification du licenciement, la computation est distincte
selon la taille des effectifs de l’entreprise qui licencie.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’employeur notifie au


salarié le licenciement pour motif économique par lettre
recommandée avec avis de réception. La lettre de notification ne
peut être adressée avant l’expiration d’un délai courant à compter de
la notification du projet de licenciement à l’autorité administrative. Ce
délai ne peut être inférieur à 30 jours. Une convention ou un accord
collectif de travail peut prévoir des délais plus favorables aux
salariés.

Dans les entreprises de 50 salariés ou plus, le plan de sauvegarde


de l’emploi (V. infra) a une incidence sur la date de notification. En
ce sens, lorsque le projet de licenciement concerne 10 salariés ou
plus dans une même période de 30 jours, l’employeur notifie le
licenciement, après la notification par la DIRECCTE de sa décision
de validation du PSE (C. trav., art. L. 1233-57-2) ou de la décision
d’homologation (C. trav., art. L. 1233-57-3), ou à l’expiration des
délais en cas de silence gardé (C. trav., art. L. 1233-57-4).

Jurisprudence
Le lettre de licenciement pour motif économique énonce la cause économique
du licenciement et l’incidence matérielle de cette cause sur l’emploi ou le contrat
de travail du salarié. Elle n’a pas à préciser le niveau d’appréciation de la cause
économique quand l’entreprise appartient à un groupe (Cass. soc., 14 avr. 2021,
o
n 18-12.660).

313
§4 Les mesures d’accompagnement au licenciement
pour motif économique

I. Le plan de sauvegarde de l’emploi

A Conditions d’élaboration
Les conditions d’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi
(PSE) ressortent de l’article L. 1233-61 du Code du travail et sont au
nombre de trois : la première est relative à la taille de l’entreprise ; la
seconde vise le nombre de licenciements envisagés ; la troisième a
trait à la période où la décision de licencier a été prise. Ces trois
conditions sont cumulatives.

Premièrement, l’entreprise doit comporter un effectif d’au moins 50


salariés.

Deuxièmement, cette entreprise doit procéder au licenciement pour


motif économique d’au moins 10 salariés. Toutefois, il convient
simplement que la rupture du contrat de travail s’inscrive dans un
contexte économique pour être comptabilisée. Entrent en ligne de
compte notamment les refus de modification d’un élément essentiel
du contrat de travail, proposée par leur employeur pour un motif
économique (C. trav., art. L. 1233-25 ; Cass. soc., 24 janv. 2017,
o
n 16-22.940) et les ruptures conventionnelles individuelles (Instr.
o o
DGT n 02 du 23 mars 2010 ; Cass. soc, 9 mars 2011, n 10-
11.581).

Troisièmement, ces ruptures doivent être décidées sur une même


période de 30 jours.

314
Le Code du travail prévoit deux formes de PSE : l’« accord PSE »
qui résulte de la négociation entre les partenaires sociaux ; à défaut
d’« accord PSE », le « document PSE » qui est un document
unilatéral élaboré par le chef d’entreprise en l’absence de
négociation aboutie.

Quant au contenu du « document PSE », celui-ci comporte différents


volets. D’abord, il intègre un plan de reclassement visant à faciliter le
reclassement sur le territoire national des salariés dont le
licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés
âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification
rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (C.
trav., art. L. 1233-61).

Il prévoit des mesures telles que :


des actions en vue du reclassement interne sur le territoire
national, des actions favorisant la reprise de tout ou partie des
activités en vue d’éviter la fermeture d’un ou de plusieurs
établissements ;
des créations d’activités nouvelles par l’entreprise ;
des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise,
notamment par le soutien à la réactivation du bassin d’emploi ;
des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la
reprise d’activités existantes par les salariés ; des actions de
formation, de validation des acquis de l’expérience ou de
reconversion ;
et des mesures de réduction ou d’aménagement du temps de
travail ainsi que des mesures de réduction du volume des
heures supplémentaires (C. trav., art. L. 1233-62).
Enfin, il détermine les modalités de suivi de sa mise en œuvre (C.
trav., art. L. 1233-63).

315
Quant à l’ « accord PSE », celui-ci est modulable. Il comporte
d’abord obligatoirement les mêmes dispositions que le « document
er
PSE » (C. trav., art. L. 1233-24-2, al. 1 ; V. supra).

Ensuite, à titre facultatif, il peut également porter sur :


les modalités d’information et de consultation du CSE ;
la pondération et le périmètre d’application des critères d’ordre
des licenciements ;
le calendrier des licenciements ; le nombre de suppressions
d’emploi et les catégories professionnelles concernées ;
et les modalités de mise en œuvre des mesures de formation,
d’adaptation et de reclassement (C. trav., art. L. 1233-24-2,
al. 2).
En revanche, aucune dérogation n’est admise à :
l’obligation d’effort de formation, d’adaptation et de
reclassement ;
des règles générales d’information et de consultation du comité
social et économique (sauf lorsque l’accord est conclu par le
conseil d’entreprise) ;
l’obligation, pour l’employeur, de proposer aux salariés le contrat
de sécurisation professionnelle ou le congé de reclassement ;
la communication aux représentants du personnel des
renseignements prévus aux articles L. 1233-31 à L. 1233-33 du
Code du travail ;
et aux règles de consultation applicables lors d’un redressement
ou d’une liquidation judiciaire (C. trav., art. L. 1233-24-2, al. 3).
L’accord PSE n’est envisageable que dans les entreprises de
cinquante salariés et plus et adopte la forme d’un accord majoritaire.
En ce sens, il est signé par une ou plusieurs organisations

316
syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des
suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues
représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires
au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants
(C. trav. art. L. 1233-24-1).

B Contrôles et sanctions
Confié à l’Administration du travail, le contrôle du PSE est un
contrôle a priori qui conditionne sa validité. Aux termes de ce
contrôle est délivrée soit une validation, soit une homologation en
fonction du type de document adressé à la DREETS. À cette fin, les
documents sont envoyés à la DIRECCTE pour effectuer son
contrôle. Si le CSE doit être saisi en temps utile des projets de
restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation
peut être mise en œuvre avant la date d’homologation du PSE par
o
l’autorité administrative (Cass. soc., 23 mars 2022, n 20-15.370).
L’autorité administrative valide l’accord collectif PSE dès lors qu’elle
s’est assurée de :
sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; du
Code du travail, relatifs au contenu du PSE ;
la régularité de la procédure d’information et de consultation des
représentants du personnel ;
et la présence dans le PSE des mesures prévues aux articles
L. 1233-61 et L. 1233-63.
De même, dans le cadre d’une réorganisation qui donne lieu à
l’élaboration d’un PSE, il appartient à l’autorité administrative de
vérifier le respect, par l’employeur, de ses obligations en matière de
prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé
physique et mentale des travailleurs. À cette fin, elle doit contrôler,
tant la régularité de l’information et de la consultation des institutions

317
représentatives du personnel (IRP) que les mesures auxquelles
l’employeur est tenu en application de l’article L. 4121-1 du Code du
travail au titre des modalités d’application de l’opération projetée, ce
contrôle n’étant pas séparable de ceux qui lui incombent en vertu
des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du Code du travail
o
(T. confl., 8 juin 2020, req. n CA149).

En revanche, le « document PSE » fait l’objet d’une homologation,


ce qui implique un contrôle plus resserré sur le contenu du PSE.

Selon l’article L. 1233-57-3 du Code du travail, en l’absence d’accord


collectif ou en cas d’accord partiel, l’autorité administrative
homologue après avoir vérifié notamment la conformité de son
contenu aux dispositions législatives et aux stipulations
conventionnelles (modalités d’information et de consultation du
comité d’entreprise ; pondération et le périmètre d’application des
critères d’ordre des licenciements ; calendrier des licenciements ;
nombre de suppressions d’emploi et les catégories professionnelles
concernées ; modalités de mise en œuvre des mesures de
formation, d’adaptation et de reclassement), la régularité de la
procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise et
le respect par le PSE.

Pour ce faire, elle statue en fonction des critères tenant aux moyens
dont disposent l’entreprise, l’unité économique et sociale et le
groupe, aux mesures d’accompagnement prévues au regard de
l’importance du projet de licenciement et aux efforts de formation et
d’adaptation.

Quant au contrôle juridictionnel du PSE, ce dernier est placé sous


l’égide du juge administratif aux termes de l’article L. 1235-7-1 du

318
Code du travail. De façon générale, l’intervention du juge judiciaire
est écartée pour le contentieux des PSE, un bloc de compétences
étant créé au profit du juge administratif. Le juge administratif
devient le seul juge compétent pour connaître des litiges concernant
l’homologation ou la validation des PSE. Plus précisément, ne
peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de
validation ou d’homologation :
o
l’accord collectif matérialisant le PSE (CE, 7 févr. 2018, n
403989 qui considère que les stipulations portant sur
l’information et la consultation des représentants du personnel
sont simplement facultatives) – en ce compris la qualité des
o
signataires de l’accord (CE, 12 juin 2019, n 420084) ;
le document PSE ;
le contenu du PSE (contrôle qui se limite aux mesures prévues
aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 du Code du travail en cas
o
d’accord PSE : CE, 7 déc. 2015, n 383856) ;
les décisions prises par l’administration ;
la régularité de la procédure d’information et de consultation des
o
représentants du personnel (CE, 7 déc. 2015, n 383856) ; cela
étant, les avis rendus hors délai n’emportent pas irrégularité de
o
la procédure (CE, 22 mai 2019, n 420780 ; V. aussi CE,
o
13 févr. 2019, n 404556) ;
et la régularité de la procédure de licenciement collectif.
Du point de vue de la compétence matérielle, le tribunal administratif
doit être saisi du litige. Celui-ci dispose de trois mois pour statuer. À
défaut, le contentieux est transféré au juge d’appel qui dispose d’un
délai de trois mois pour statuer. A défaut, le contentieux est porté
devant le Conseil d’État.

319
Du point de vue de la compétence territoriale, le juge compétent est
celui dans le ressort duquel se situe le DREEDTS compétent.

En conséquence, la compétence du juge judiciaire est exclue. De


manière générale, la compétence du juge judiciaire est doublement
circonscrite : le juge judiciaire ne peut pas « méconnaître l’autorité
de la chose décidée par l’autorité administrative ayant validé l’accord
collectif ou homologué le document élaboré par l’employeur par
lequel a été fixé le contenu du PSE ni l’autorité de la chose jugée par
le juge administratif saisi en application de l’article L. 1235-7-1 du
o
Code du travail » (Cass. soc., 27 mai 2021, n 18-26.744). Ainsi, la
compétence du juge judiciaire s’exprime au travers de contentieux
résiduels. En ce sens, les demandes tendant au contrôle des risques
psychosociaux consécutifs à la mise en œuvre d’un projet de
restructuration relèvent de la compétence du juge judiciaire (Cass.
o
soc., 14 nov. 2019, n 18-13.887). Le juge judiciaire est également
compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l’application des
mesures comprises dans un PSE (Cass. soc., 27 mai 2021, préc.).
Dès lors, un salarié peut, au soutien de demandes salariales ou
indemnitaires formées contre l’employeur, se prévaloir du défaut de
validité de l’ « accord PSE », qui résulte des motifs de la décision du
juge administratif annulant la décision de validation de cet accord.

Le partage des frontières demeure très subtil. Ainsi, la compétence


du juge prud’homal est extrêmement réduite et est relative,
notamment au motif économique du licenciement (Cass. soc., 29
o
sept. 2021, n 19-23.248), à l’application individuelle des mesures
du PSE, à l’application des critères d’ordre et à l’indemnisation du
salarié licencié alors que le juge administratif a annulé la décision de
validation ou d’homologation. Sur ce champ résiduel, la Cour de

320
cassation estime que « si le juge judiciaire demeure compétent pour
apprécier le respect par l’employeur de l’obligation individuelle de
reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l’autorité de la
chose décidée par l’autorité administrative ayant homologué le
document élaboré par l’employeur par lequel a été fixé le contenu du
o
plan de reclassement intégré au PSE » (Cass. soc., 21 nov. 2018, n
17-16.766). De même, sur le fondement de la séparation des
pouvoirs, il est interdit au juge judiciaire de se prononcer sur le
respect par l’employeur de son obligation de recherche d’un
repreneur issue des articles L. 1233-57-9 et suivants du Code du
o
travail (Cass. soc., 16 janv. 2019, n 17-20.969 ; Cass. soc., 29 sept.
o
2021, n 19-23.248).

Dans une logique similaire, dans le cadre d’une réorganisation


donnant lieu à l’élaboration d’un PSE, il n’appartient qu’à la
juridiction administrative de trancher le litige relatif aux obligations de
l’employeur en ce qui concerne les mesures d’évaluation et de
prévention des risques professionnels. Toutefois, le juge judiciaire
est compétent pour assurer le respect par l’employeur de son
obligation de sécurité lorsque la situation à l’origine du litige, soit est
sans rapport avec le projet de licenciement collectif et l’opération de
réorganisation et de réduction des effectifs en cours, soit est liée à la
mise en œuvre de l’ « accord PSE » ou du « document PSE » ou de
o
l’opération de réorganisation (T. confl., 8 juin 2020, req. n CA149).

Le juge administratif est encore compétent pour statuer sur les


demandes d’injonction faites à l’employeur de suspendre sous
astreinte la fermeture de magasins et toute mise en œuvre d’un
projet de restructuration avant l’achèvement de la consultation des
IRP relative au projet de restructuration et au projet de licenciement

321
collectif pour motif économique donnant lieu à l’établissement d’un
o
PSE (Cass. soc., 30 sept. 2020, n 19-13.714). À l’inverse, il a été
jugé que le juge judiciaire, saisi avant la notification des
licenciements pour motif économique, ne peut faire droit à des
demandes tendant à constater l’absence de cause économique et à
enjoindre en conséquence à l’employeur de mettre fin au projet de
fermeture du site et au projet de licenciement économique collectif
soumis à la consultation des instances représentatives du personnel
o
(Cass. soc., 29 sept. 2021, n 19-23.248).

En revanche, le juge judiciaire est compétent sur la méconnaissance


des règles d’ordre public en matière de transfert de contrat de
travail, y compris en cas d’élaboration d’un PSE (Cass. soc.,
o o
10 juin 2020, n 18-26.229 et n 18-29.230).

Quant aux sanctions, l’annulation de la décision de validation ou


d’homologation entraîne la nullité du PSE (C. trav., art. L. 1235-10)
et de tous les actes subséquents, notamment les licenciements. Une
telle nullité emporte le droit pour le salarié concerné de demander sa
réintégration ; à défaut, il pourra obtenir une indemnité à la charge
de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six
derniers mois (C. trav., art. L. 1235-11). Cela étant, cette sanction
n’est pas applicable au salarié de moins de deux ans d’ancienneté
dans l’entreprise et au licenciement opéré par un employeur
employant habituellement moins de onze salariés (C. trav., art.
L. 1235-14).
Le Code du travail, en son article L. 1233-58, institue un régime
dérogatoire pour les entreprises en redressement ou en liquidation
judiciaire. En pareilles circonstances, il a été jugé que, « quel qu’en
soit le motif, l’annulation de la décision administrative ayant procédé

322
à la validation de l’accord collectif ou à l’homologation du document
unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, établi
dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, ne
prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de
cette décision de cause réelle et sérieuse » (Cass. soc.,
o
25 mars 2020, n 18-23.692 et al.).

En revanche, l’annulation par la juridiction administrative d’une


décision ayant procédé à la validation de l’accord collectif
déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi au motif
de l’erreur de droit commise par l’Administration en validant un
accord qui ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par l’article
L. 1233-24-1 du Code du travail, n’est pas de nature à entraîner la
nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif
économique mais donne lieu à l’application des dispositions de
o
l’article L. 1235-16 du même code (Cass. soc., 13 janv. 2021, n 19-
o o
12.522 et n 19-12.527 ; Cass. soc., 24 nov. 2021, n 18-26.753).

Pour le calcul de cette indemnité, le salaire à prendre en


considération est celui des douze derniers mois exempts d’arrêts de
o
travail pour maladie (Cass. soc., 26 juin 2019, n 18-17.120).

D’autres manquements peuvent donner lieu au versement de


dommages et intérêts. Ainsi, le salarié qui a été privé du bénéfice
des dispositions du PSE en raison des conditions de son
licenciement est fondé à en demander réparation (Cass. soc., 14
o
avr. 2021, n 19-19.050).

II. Le contrat de sécurisation professionnelle

323
Le contrat de sécurisation professionnelle résulte des dispositions du
Code du travail ainsi que de la négociation collective des partenaires
sociaux nationaux. Dernièrement, ceux-ci ont établi un avenant à la
o
convention CSP du 26 janvier 2015 (Avenant n 5, 8 janv. 2020) qui
o
produit ses effets jusqu’au 30 juin 2021. Un avenant n 5 du 28 juin
2021, agréé par arrêté du Premier ministre en date du 24 septembre
2021, a reconduit le dispositif. Dès lors, la convention du 26 janvier
2015 est prorogée de 18 mois, jusqu’au 31 décembre 2022 au plus
tard.

Le contrat de sécurisation professionnelle a pour objet l’organisation


et le déroulement d’un parcours de retour à l’emploi, le cas échéant
au moyen d’une reconversion ou d’une création ou reprise
er
d’entreprise (C. trav., art. L. 1233-65, al. 1 ). Ce parcours débute
par une phase de pré-bilan, d’évaluation des compétences et
d’orientation professionnelle en vue de l’élaboration d’un projet
professionnel. Ce projet tient compte, au plan territorial, de
l’évolution des métiers et de la situation du marché du travail
(C. trav., art. L. 1233-65, al. 2). Ce parcours comprend des mesures
d’accompagnement, notamment d’appui au projet professionnel,
ainsi que des périodes de formation et de travail (C. trav., art.
L. 1233-65, al. 3).

Le contrat de sécurisation professionnelle est facultatif dans les


entreprises qui sont soumises à l’obligation de proposer à leurs
salariés menacés de licenciement un congé de reclassement.
Concrètement, il s’agit des entreprises ou établissements comptant
au moins 1 000 salariés.

324
En revanche, dans les entreprises non soumises à l’article L. 1233-
71 du Code du travail, c’est-à-dire de moins de 1 000 salariés,
l’employeur est tenu de proposer, lors de l’entretien préalable ou à
l’issue de la dernière réunion des représentants du personnel, le
bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle à chaque salarié
dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique
(C. trav., art. L. 1233-66).
L’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle
emporte rupture du contrat de travail. Aucun texte n’interdit au
salarié d’accepter le contrat de sécurisation professionnelle le jour
o
même de sa proposition (Cass. soc., 9 juin 2021, n 19-14.904).
L’adhésion à ce dispositif n’exonère pas l’employeur d’informer le
salarié du motif économique. La rupture du contrat de travail
résultant de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation
professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse.
Dès lors, l’employeur doit en énoncer le motif économique dans un
écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de
licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat
de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu’il soit informé
des raisons de la rupture lors de son acceptation (Cass. soc.,
o
30 nov. 2017, n 16-23.496 ; concernant une entreprise en
o
redressement judiciaire, v. Cass. soc., 27 mai 2020, n 18-20.153 et
18-20.158). À défaut, le licenciement est sans cause réelle et
sérieuse. Lorsqu’un document écrit, précisant ce motif, a été remis
au salarié, lors de la procédure de proposition de modification du
contrat de travail pour motif économique (C. trav., art. L. 1222-6),
cette information doit être réitérée au cours de la procédure de
licenciement au cours de laquelle le contrat de sécurisation
professionnelle est proposée au salarié. À défaut, le licenciement est

325
o
sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 27 mai 2020, n 18-
24.531).
Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son
motif se prescrit par douze mois à compter de l’adhésion au contrat
de sécurisation professionnelle. Ce délai n’est opposable au salarié
que s’il en a été fait mention dans la proposition de contrat de
sécurisation professionnelle (C. trav., art. L. 1233-67). À cet égard,
contrairement à la lettre du code, ce délai de prescription peut figurer
sur un autre document que la proposition de contrat de sécurisation
professionnelle. Est ainsi valablement délivrée l’information portant
sur ce délai de prescription lorsqu’il est contenu dans le formulaire
DAJ 541 édité par l’Unédic intitulé « information pour le salarié »
o
remis à ce dernier (Cass. soc., 11 déc. 2019, n 18-17.707).

III. Le congé de reclassement

Le régime du congé de reclassement repose à la fois sur des


dispositions législatives (C. trav., art. L. 1233-71 et s.) et
o
réglementaires (C. trav., art. R. 1233-17 et s., mod., D. n 2021-626,
19 mai 2021). Les partenaires sociaux peuvent, dans le cadre d’un
accord national interprofessionnel, prévoir une contribution aux
actions engagées
dans le cadre du congé de reclassement (C. trav., art. L. 1233-73).
Dans les entreprises qui compte au moins 1 000 salariés dans leurs
effectifs, l’employeur propose à chaque salarié dont il envisage de
prononcer le licenciement pour motif économique un congé de
er
reclassement. (C. trav., art. L. 1233-71, al. 1 ). Cela étant, lorsque
l’employeur établit un PSE, les conditions de mise en oeuvre du
congé de reclassement sont fixées dans ce plan (C. trav., art. R.
1233-18). Dans l’hypothèse où l’accord PSE ne peut plus recevoir

326
application, cela n’emporte pas nullité du congé de reclassement
o
(Cass. soc., 27 mai 2021, n 18-26.744).
D’une durée maximale de 12 mois (C. trav., art. L. 1233-71, al. 2), ce
mécanisme a pour objet de permettre au salarié de bénéficier
d’actions de formation et des prestations d’une cellule
d’accompagnement des démarches de recherche d’emploi (C. trav.,
er
art. L. 1233-71, al. 1 ). En cas de formation de reconversion
professionnelle, elle peut être portée à vingt-quatre mois (C. trav.,
art. R. 1233-31).
Ce congé débute, si nécessaire, par un bilan de compétences qui a
vocation à permettre au salarié de définir un projet professionnel et,
le cas échéant, de déterminer les actions de formation nécessaires à
son reclassement. Celles-ci sont mises en œuvre pendant la période
prévue où le salarié bénéficie des actions de formation (C. trav., art.
L. 1233-71, al. 3). L’employeur finance l’ensemble de ces actions
(C. trav., art. L. 1233-71, al. 4).

Concrètement, le congé de reclassement est pris pendant le préavis,


que le salarié est dispensé d’exécuter (C. trav., art. L. 1233-72 ;
o
Cass. soc., 11 déc. 2019, n 18-18.653). De plus, lorsque la durée
du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de
ce dernier est reporté jusqu’à la fin du congé de reclassement (Ibid.).

Dès lors, la date de la rupture du contrat de travail est fixée à la date


du terme effectif du congé de reclassement, peu important que le
licenciement économique ait été jugé sans cause réelle et sérieuse
(Ibid.).

IV. La priorité de réembauche

327
Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de
réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture
de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai (C.
trav., art. L. 1233-45). Concrètement, ce délai court à compter de la
date à laquelle prend fin le préavis, qu’il soit exécuté ou non (Cass.
o
soc., 11 déc. 2019, n 18-18.653). Dans ce délai, l’employeur
informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible
avec sa qualification. En outre, l’employeur informe les
représentants du personnel des postes disponibles. Le salarié ayant
acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité
de réembauche au titre de celle-ci, s’il en informe l’employeur.

V. La revitalisation des bassins d’emploi

On terminera en indiquant que, lorsqu’elles procèdent à un


licenciement collectif affectant, par son ampleur, l’équilibre du ou des
bassins d’emploi dans lesquels elles sont implantées, ces
entreprises sont tenues de contribuer à la revitalisation des bassins
d’emploi, c’est-à-dire à la création d’activités et au développement
des emplois et d’atténuer les effets du licenciement envisagé sur les
autres entreprises dans le ou les bassins d’emploi (C. trav., art.
L. 1233-84).

POUR ALLER PLUS LOIN…

– A. BAREGE, J.-Ph. TRICOIT, Sécuriser le licenciement


économique, Dr. ouvrier 2017, p. 80
– R. DALMASSO, La redéfinition du licenciement économique : une
« sécurisation » cosmétique aux enjeux théoriques hasardeux, Dr.
ouvrier 2017, p. 1

328
– Fr. FAVENNEC-HERY, Le droit du licenciement et les ordonnances
portant sécurisation des relations de travail, JCP S 2017, 1309
– S.-L. GERBER, Bilan de la jurisprudence du Conseil d’État sur les
PSE, JCP S 2019, 1078
– J.-Y. KERBOUC’H, CSE et licenciement économique : de la
consultation à la cogestion, JCP S 2019, 1046

329
o
Fiche n 27 La rupture du contrat
de travail à l’initiative du salarié

L’ESSENTIEL

Le contrat de travail peut être rompu à l’initiative du salarié dans


plusieurs hypothèses. Hors les cas spécifiques de rupture d’un CDD
ou de rupture de la période d’essai, ou encore de départ en retraite,
le contrat à durée indéterminée peut être rompu par le salarié par la
démission, la résiliation judiciaire ou la prise d’acte.

Dans le premier cas, la rupture est à l’initiative du salarié et elle lui


est imputable. Dans les deux autres situations, la rupture est initiée
par le salarié mais ce dernier souhaite qu’elle soit imputable à
l’employeur.

LES CONNAISSANCES

La démission (§ 1), la résiliation judiciaire et la prise d’acte (§ 2) sont


des hypothèses de rupture du contrat de travail à l’initiative du
salarié.

330
§1 La démission

I. Une volonté claire et non équivoque

La démission se définit comme l’acte unilatéral par lequel le salarié


manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre un
terme à son contrat de travail.

Elle ne se présume pas. Ainsi, une absence injustifiée ou un


abandon de poste ne peuvent pas être considérés, de facto, comme
une démission.

La démission suppose une volonté libre, réfléchie, personnelle, non


o
viciée (Cass. soc., 17 mars 2010, n 09-40.465). Elle ne doit pas
o
être équivoque (Cass. soc., 6 octobre 2016, n 15-17549).

Elle n’est pas claire en présence d’un vice du consentement du


o
salarié, tel que la contrainte morale (Cass. soc., 23 janv. 2019, n
17-26.794).

S’il s’avère que la rupture du contrat de travail est en fait imposée


par l’employeur, elle s’analysera en un licenciement sans cause
réelle et sérieuse.
Une démission donnée dans un mouvement d’humeur peut être
rétractée. Les juges imposent toutefois au salarié qui souhaite
revenir sur sa démission qu’il le fasse dans un délai raisonnable
o
(Cass. soc., 5 déc. 2007, n 06-43.871).

II. La forme de la démission

331
La loi n’exige aucune forme particulière pour que la démission soit
valablement présentée.

Sous réserve de dispositions conventionnelles prévoyant une forme


spécifique, la démission peut être écrite ou orale. Elle peut aussi résulter d’un
comportement sans ambiguïté du salarié. Pour prendre date et pour des raisons
probatoires, un écrit doit être privilégié (lettre recommandée avec accusé de
réception ou lettre contre décharge). L’écrit permet également de définir le début
du préavis.

Elle ne doit pas être motivée : autrement dit, la démission ne doit


pas être justifiée. L’absence de formalités obligatoires n’empêche
pas de considérer que la démission abusive d’un salarié puisse
donner lieu au paiement de dommages intérêts au profit de
l’entreprise (C. trav., art. L. 1237-2). Plus encore, lorsqu’un salarié
ayant rompu abusivement un contrat de travail conclut un nouveau
contrat de travail, le nouvel employeur est solidairement responsable
du dommage causé à l’employeur précédent dans certains cas : s’il
est démontré que le nouvel employeur est intervenu dans la rupture,
si le nouvel employeur a engagé un salarié qu’il savait déjà lié par un
contrat de travail ou si le nouvel employeur a continué d’employer le
salarié après avoir appris que ce dernier était encore lié à un autre
employeur par un contrat de travail. Dans ce cas, sa responsabilité
n’est pas engagée si, au moment où il a été averti, le contrat de
travail abusivement rompu par le salarié était venu à expiration, soit
s’il s’agit de contrats à durée déterminée par l’arrivée du terme, soit
s’il s’agit de contrats à durée indéterminée par l’expiration du préavis
ou si un délai de quinze jours s’était écoulé depuis la rupture du
contrat (C. trav., art. L. 1237-2).

332
III. Le préavis de démission

Un préavis de démission peut être prévu dans la convention


collective ou dans un usage (C. trav., art. L. 1237-1). Le contrat de
travail peut également prévoir un préavis qui s’appliquera s’il est
d’une durée moindre. Le préavis ne s’impose toutefois pas dans
certains cas : par exemple, en cas de démission pour élever un
enfant (C. trav., art. L. 1225-66) ou de démission à l’issue d’un
congé pour création d’entreprise.

Une dispense de préavis peut être demandée par le salarié. Si


l’employeur accepte, le contrat de travail prend fin à la date
convenue les parties. Aucune indemnité compensatrice n’est due
par l’employeur. En cas de refus de l’employeur, le salarié doit
effectuer son préavis.
Si la dispense de préavis est demandée par l’employeur, une
indemnité compensatrice est due au salarié.
Le préavis peut être reporté ou suspendu par accord entre le salarié
et l’employeur, prise de congés payés dont la date a été fixée avant
la notification de la rupture, arrêt de travail survenant en cours de
préavis et lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle
ou disposition conventionnelle le prévoyant.

La loi ne prévoit pas d’heures pour la recherche d’emploi. Souvent, il


s’agit d’un dispositif prévu conventionnellement.

IV. L’indemnisation

La démission n’ouvre pas droit aux indemnités de licenciement.

Au-delà de l’indemnité compensatrice de préavis versée si


l’employeur a dispensé le salarié du préavis, le salarié peut

333
prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés s’il n’a
pas pu prendre tous ses jours de congés payés acquis avant la date
de rupture du contrat de travail.

Traditionnellement, en principe, sauf si elle est jugée comme


légitime, la démission prive le salarié de toute indemnisation au titre
de l’assurance chômage. Seules certaines démissions « légitimes »
donnent droit aux indemnités chômage lorsque le salarié remplit
certaines conditions (démission pour suivre le conjoint, non-
paiement de salaire, actes délictueux au travail, etc.). Ce principe
tend toutefois à être remis en cause progressivement (Accord du
22 février 2018 relatif à la réforme de l’assurance chômage).

er
D’ailleurs, à compter du 1 janvier 2019, un droit à l’allocation d’assurance
chômage est ouvert aux travailleurs qui ont démissionné et qui ont un projet de
reconversion nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de
reprise d’une entreprise. Le projet doit présenter un caractère réel et sérieux
attesté par la nouvelle commission paritaire interprofessionnelle régionale, créée
dans chaque région notamment pour prendre en charge financièrement les projets
de transition professionnelle (C. trav., art. L 5422-1).

Pour bénéficier de l’assurance chômage, le salarié devra, avant sa démission,


demander un conseil en évolution professionnelle pour l’aider à établir un projet
de reconversion professionnelle. Pendant le projet de reconversion, pour remplir
la condition de recherche d’emploi requise pour bénéficier de l’assurance
chômage, il suffira au travailleur d’être inscrit comme demandeur d’emploi et
d’accomplir les démarches nécessaires à la mise en œuvre de son projet. Ces
démarches seront contrôlées par Pôle emploi au plus tard au bout de 6 mois, qui
pourra décider de radier le bénéficiaire en l’absence de démarches réelles.

§2 Résiliation judiciaire et prise d’acte de la rupture


du contrat de travail

334
Résiliation judiciaire et prise d’acte de la rupture du contrat de travail
sont proches en ce qu’ils nécessitent un manquement de
l’employeur rendant impossible le maintien du contrat de travail. Si
tel est le cas, la rupture est imputable à l’employeur alors même que
son initiative repose sur le salarié.

I. La résiliation judiciaire

La résiliation judiciaire est un mode de rupture qui n’est pas ouvert à


l’employeur. Il suppose une décision judiciaire.
La demande de résiliation judiciaire intervient, à l’initiative du salarié,
lorsqu’il considère que l’employeur a manqué à ses obligations
contractuelles. En ce cas, le salarié peut saisir le conseil de
prud’hommes afin qu’il prononce la résiliation judiciaire de son
contrat de travail aux torts de son employeur. Ce dernier ne saurait
d’ailleurs lui reprocher d’avoir le juge d’une telle demande (Cass.
o
soc., 3 févr. 2016, n 14-18.600).

Jurisprudence
La jurisprudence récente a encadré ce mode de rupture en conditionnant sa
validité au fait que le manquement soit de nature à empêcher la poursuite du
contrat de travail. Ainsi, a contrario, ne saurait justifier une résiliation judiciaire la
modification unilatérale de la rémunération par ce dernier lorsqu’elle n’est pas de
nature à empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. soc., 12 juin 2014,
o o
n 13-11.448 ; Cass. soc., 12 juin 2014, n 12-29.063).

Les juges apprécient les manquements invoqués au soutien d’une telle demande
o
au jour où ils statuent (Cass. soc., 29 janv. 2014, n 12-24.951). À cette date, si le
contrat de travail a pris fin par démission, la demande de résiliation devient sans
o
objet (Cass. soc., 30 avr. 2014, n 13-10.772).

335
Pendant le cours de la procédure, le salarié exécute sa prestation de
travail dans les conditions habituelles et continue de percevoir sa
rémunération.

S’il est fait droit à sa sollicitation, la résiliation du contrat produira les


effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou de
licenciement nul si le salarié est protégé). Le contrat de travail est
considéré comme rompu à la date du prononcé du jugement (Cass.
o
soc., 24 avr. 2013, n 11-28.629).

À défaut, le contrat de travail subsiste et la relation de travail se


poursuit. Le juge judiciaire saisi d’une demande de résiliation
judiciaire du contrat de travail ne peut pas prononcer la rupture de ce
contrat de travail s’il estime que les manquements de l’employeur ne
sont pas établis. Il peut seulement débouter le salarié de sa
o
demande (Cass. soc., 4 sept. 2019, n 18-19.739).

À noter que si le salarié a été licencié pendant la procédure, la


résiliation prend effet à la date où le contrat de travail a été rompu.
Tel est le principe : si la rupture du contrat de travail s’est produite
avant tout prononcé de jugement, la prise d’effet de la résiliation
judiciaire du contrat de travail est fixée au jour où la relation de
o
travail a pris fin (Cass. soc., 4 sept. 2019, n 18-10.541).

II. La prise d’acte de la rupture du contrat de travail

La prise d’acte est un mode autonome de rupture du contrat de


travail qui a été consacré par les juges de la Cour de cassation
o
(Cass. soc., 25 juin 2003, n 01-40.235 ; Cass. soc., 25 juin 2003,

336
o o
n 01-41.150 ; Cass. soc., 25 juin 2003, n 01-42.679 ; Cass. soc.,
o
25 juin 2003, n 01-42.335).

C’est un acte par lequel le salarié informe directement son


employeur qu’il met un terme à son contrat de travail en raison de
faits qu’il lui reproche, avant toute convocation devant le bureau de
jugement du Conseil de prud’hommes statuant au fond dans un délai
d’un mois suivant sa saisine (C. trav., art. L. 1451-1). La Cour de
cassation considère que le salarié qui prend acte de la rupture de
son contrat de travail aux torts de l’employeur n’a pas à respecter les
dispositions de l’article 1226 du Code civil. Ainsi il n’est pas tenu,
avant de résilier le contrat, de mettre en demeure l’employeur
défaillant de satisfaire à son obligation (Cass. avis, 3 avr. 2019,
o
n 15003).

Tout comme pour la résiliation judiciaire, la prise d’acte peut se


justifier, par exemple, en cas de manquement de l’employeur à son
obligation de sécurité, en cas de non-paiement des salaires ou
encore de modification du contrat sans l’accord du salarié.

Ces faits doivent être connus du salarié antérieurement à la prise


d’acte. À défaut, ils ne peuvent logiquement pas être pris en compte
o
pour justifier la rupture (Cass. soc., 9 oct. 2013, n 11-24.457).

Tout comme la résiliation judiciaire, les faits doivent empêcher la


poursuite du contrat de travail.

La prise d’acte s’analysera en une démission dès lors que les faits
invoqués ne sont pas justifiés ou s’analysera en licenciement sans
o
cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 17 nov. 2010, n 08-45.647),

337
voire en licenciement nul dans certains cas (salarié protégé, atteinte
à une liberté fondamentale, etc.).

Jurisprudence
Bien qu’emportant cessation immédiate du contrat de travail, « de sorte que le
salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis, la circonstance que l’intéressé a
spontanément accompli ou offert d’accomplir celui-ci est sans incidence sur
l’appréciation de la gravité des manquements invoqués à l’appui de la prise
o
d’acte » (Cass. soc., 2 juin 2010, n 09-40.215).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– G. LOISEAU, Les transformations du droit de la rupture du contrat
de travail, JCP S, 2015, 1245

338
o
Fiche n 28 La rupture conventionnelle

L’ESSENTIEL

La rupture conventionnelle – ou communément rupture


conventionnelle individuelle – est souvent qualifiée de « troisième
voie » entre le licenciement et la démission.

Organisant les modalités de la rupture du contrat de travail, la


convention nécessite de respecter le consentement des parties. À
défaut, la convention de rupture encourt la nullité.

En outre, la rupture conventionnelle doit recueillir l’homologation de


l’autorité administrative compétente. Le consentement peut toutefois
donner lieu à rétractation sous certaines conditions.

La rupture conventionnelle a pour conséquence le versement d’une


indemnité au salarié et des prestations de chômage à son profit.

En cas de contentieux, le conseil de prud’hommes est compétent de


manière exclusive.

LES CONNAISSANCES

339
Le régime juridique de la rupture conventionnelle figure aux articles
L. 1237-11 et suivants du Code du travail, ainsi qu’aux articles
o
R. 1237-3 et suivants du même code (Sur le Covid-19, L. n 2020-
290 du 23 mars 2020 ainsi que Instr. DGT, 7 avr. 2020).

Fonction publique
o
Par une loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique (L. n 2019-
828, 6 août 2019), le dispositif a été étendu à la Fonction publique. Est instituée la
faculté d’avoir recours à la rupture conventionnelle pour les contractuels en CDI et,
er
du 1 janvier 2020 jusqu’au 31 décembre 2025, pour les fonctionnaires titulaires,
o
à titre expérimental (L. n 2019-828, 6 août 2019, art. 72, I, in fine).

La rupture conventionnelle ne vise que les contrats à durée


indéterminée, à l’exclusion des autres catégories de contrat,
notamment les contrats à durée déterminée ou temporaires. De
même, ce dispositif est applicable aux salariés dont le contrat de
travail est suspendu.

Jurisprudence
Par exemple, la rupture conventionnelle signée par une salariée déclarée apte
avec réserves à la suite d’un accident du travail est licite, en l’absence de vice du
o
consentement ou de fraude de l’employeur (Cass. soc., 28 mai 2014, n 12-
28.082). Il en est de même pendant le congé de maternité (Cass. soc., 25 mars
o
2015, n 14-10.149) ainsi que pour un salarié déclaré inapte à son poste à la suite
o
d’un accident du travail (Cass. soc., 9 mai 2019, n 17-28.767).

340
Au contraire, la rupture conventionnelle n’est pas applicable aux
ruptures de contrats de travail réalisées dans le cadre :
des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et
des compétences (GPEC) issus de la négociation mentionnée
aux articles L. 2242-20 et L. 2242-21 du Code du travail ;
des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans les conditions
définies par l’article L. 1233-61 du Code du travail ;
des ruptures conventionnelles collectives instituées aux articles
L. 1237-19 et suivants du Code du travail (C. trav., art. L. 1237-
16) ;
et, enfin, d’une « convention tripartite conclue entre un salarié et
deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non
pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail » (Cass.
o
soc., 8 juin 2016, n 15-17.555).
Cependant, cela ne saurait signifier qu’aucune rupture
conventionnelle ne peut être conclue dans un contexte économique
difficile pour l’entreprise. Cela implique simplement que la rupture
conventionnelle éventuellement conclue sera comptabilisée pour le
calcul des seuils déclenchant les obligations pour ladite entreprise
(par ex. pour l’élaboration d’un PSE ou la détermination de la
procédure d’information consultation des représentants du personnel
o
; V. Cass. soc., 19 janv. 2022, n 20-11.962). De la même façon, un
contexte conflictuel n’interdit pas de conclure une convention de
rupture. L’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend
entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la
o
validité de la convention (Cass. soc., 23 mai 2013, n 12-13.865).
Une transaction peut être adossée à la convention de rupture.
Cependant, la validité de la transaction est subordonnée à de
strictes conditions. Ainsi, un salarié et un employeur ayant signé une
convention de rupture ne peuvent valablement conclure une

341
transaction, d’une part, que si celle-ci intervient postérieurement à
l’homologation de la rupture conventionnelle par l’autorité
administrative ou, s’agissant d’un salarié bénéficiant d’une protection
mentionnée aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du Code du travail,
postérieurement à la notification aux parties de l’autorisation, par
l’inspecteur du travail, de la rupture conventionnelle, d’autre part,
que si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la
rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments
non compris dans la convention de rupture (Cass. soc., 26 mars
o o
2014, n 12-21.136 ; Cass. soc., 16 juin 2021, n 19-26.083).

Jurisprudence
La rupture conventionnelle est l’unique voie pour la négociation amiable de la
rupture du contrat de travail à durée indéterminée (Cass. soc., 21 déc. 2017,
o
n 16-12.780). Ainsi, « sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat
de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions
prévues par [l’article L. 1237-11 du Code du travail] relatif à la rupture
o
conventionnelle » (Cass. soc., 15 oct. 2014, n 11-22.251). Par contre, la rupture
conventionnelle n’est pas exclusive de la transaction (Cass. soc. 5 déc. 2012,
o
n 11-15.471).

L’étude de la rupture conventionnelle commande de se tourner


d’abord vers les modalités de conclusion (§ 1), puis vers les
modalités d’approbation (§ 2).

§1 Modalités de conclusion d’une rupture


conventionnelle

I. Consentement des parties

342
(C. trav., art. L. 1237-11)
L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la
er
rupture du contrat de travail qui les lie (C. trav., art. L. 1237-11, al. 1 ). La rupture
conventionnelle résulte ainsi d’une convention signée par les parties au contrat
(C. trav., art. L. 1237-11, al. 3).
La rupture conventionnelle est la seule et unique technique à laquelle peuvent
recourir les parties au contrat de travail afin de rompre à l’amiable et de manière
o
négociée ledit contrat (Cass. soc., 15 oct. 2014, n 11-22.251). La rupture
conventionnelle est exclusive du licenciement ou de la démission (C. trav., art.
L. 1237-11, al. 2).
Le Code du travail s’attache particulièrement au respect du consentement des
parties. La rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des
parties (C. trav., art. L. 1237-11, al. 2). En outre, elle est soumise aux dispositions
prévues par les articles L. 1237-11 et suivants qui sont « destinées à garantir la
liberté du consentement des parties » (C. trav., art. L. 1237-11, al. 3 ; sur la charge
de la preuve du vice du consentement, V., par ex., Cass. soc., 17 mars 2021,
o
n 19-25.313, F-D).

343
Jurisprudence
La jurisprudence est attentive à cette question. Le dol (Cass. soc., 6 oct. 2017,
o o
n 16-21.202), l’erreur (Cass. soc., 29 janv. 2014, n 12-25.951) et la violence,
o
physique ou morale (Cass. soc., 30 janv. 2013, n 11-22.332) sont des motifs
légitimes pour annuler la convention de rupture. Ainsi, est frappée de nullité la
rupture conventionnelle conclue avec une salariée ayant connu une période de
harcèlement moral propre à l’inciter à choisir la voie de la rupture conventionnelle
o
(Cass. soc., 28 janv. 2016, n 14-10.308). Cela étant, le dol ne se présume pas et
doit être prouvé : le salarié doit démontrer que la réticence invoquée a été
o
déterminante de son consentement (Cass. soc., 6 oct. 2017, n 16-21.202).
Constitue un dol par dissimulation le fait pour l’employeur de ne pas informer le
salarié de l’élaboration imminente d’un plan de sauvegarde de l’emploi (Cass.
o
soc., 6 janv. 2021, n 19-18.549).

En revanche, « la stipulation par les deux parties d’une indemnité dont le montant
est inférieur à celle prévue par l’article L. 1237-13 du Code du travail et si l’erreur
commune de date fixée par les parties antérieurement au lendemain de
l’homologation n’entraînent pas, en elles-mêmes, la nullité de la convention de
o
rupture » (Cass. soc., 8 juil. 2015, n 14-10.139).

Concernant le harcèlement moral, il s’articule avec le vice de violence. L’existence


d’un harcèlement moral n’emporte pas automatiquement reconnaissance d’un vice
du consentement. En l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de
harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de
o
rupture (Cass. soc., 23 janv. 2019, n 17-21.550), encore faut-il caractériser le
vice du consentement (Cass. soc., 28 janv. 2016, préc.). Caractérise un vice du
consentement la situation de violence morale, à la date de la signature de la
convention de rupture conventionnelle, dans laquelle se trouve la salariée en
raison du harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en sont découlés
o
(Cass. soc., 29 janv. 2020, n 18-24.296). Il en est de même pour des faits de
o
harcèlement sexuel (Cass. soc., 4 nov. 2021, n 20-16.550).

344
II. Procédure

L’initiative de la rupture conventionnelle est indifférente : elle peut


être proposée par l’employeur ou par le salarié.
Les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture
conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens (C. trav., art.
L. 1237-12 ; à propos d’un refus de l’employeur de signer la
o
convention de rupture, V. Cass. soc., 19 mai 2021, n 19-20.526).

Jurisprudence
L’article L. 1237-12 du Code du travail « n’instaure pas de délai entre, d’une
part, l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la
rupture du contrat et, d’autre part, la signature de la convention de rupture »
o
(Cass. soc., 3 juill. 2013, n 12-19.268).

L’entretien est impératif : « si le défaut du ou des entretiens prévus par l’article


L. 1237-12 du Code du travail relatifs à la conclusion d’une convention de rupture
entraîne la nullité de la convention, c’est à celui qui invoque cette cause de nullité
er o
d’en établir l’existence » (Cass. soc., 1 déc. 2016, n 15-21.609).

Le salarié peut se faire assister par une personne de son choix


appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié
titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une
institution représentative du personnel ou tout autre salarié. Le
salarié peut aussi être aidé, en l’absence d’institution représentative
du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur
une liste dressée par l’autorité administrative (C. trav., art. L. 1237-
12). Le salarié en informe l’employeur au préalable.

345
Cela étant, il peut aussi être seul. L’assistance de l’employeur lors
de l’entretien préalable à la signature de la convention de rupture ne
peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si elle a
engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui se
o
présente seul à l’entretien (Cass. soc., 5 juin 2019, n 18-10.901).

Lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire


assister quand le salarié en fait lui-même usage. Si l’employeur
souhaite se faire assister, il en informe le salarié. Il peut s’agir d’une
personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou,
dans les entreprises de moins de cinquante salariés, d’une personne
appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou d’un
autre employeur relevant de la même branche (C. trav., art. L. 1237-
12).

Jurisprudence
L’absence d’information sur la faculté d’être assisté n’affecte pas la liberté du
o
consentement du salarié (Cass. soc., 19 nov. 2014, n 13-21.207), y compris
lorsque l’entreprise ne dispose pas d’institutions représentatives du personnel
o
(Cass. soc., 29 janv. 2014 n 12-27.594).

Ces différents échanges donnent la possibilité aux parties de


déterminer le contenu de la convention de rupture.

La convention de rupture définit les conditions de celle-ci,


notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture
conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité
prévue à l’article L. 1234-9 du Code du travail (C. trav., art. L. 1237-

346
er
13, al. 1 ). Le cas échéant, le montant de l’indemnité spécifique ne
peut pas être inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement
o
(Cass. soc., 5 mai 2021, n 19-24.650). La convention de rupture
fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir
avant le lendemain du jour de l’homologation (C. trav., art. L. 1237-
13, al. 2).

Jurisprudence
À cet égard, la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié
est nécessaire pour l’exercice des différents droits attachés à la procédure (Cass.
o
soc., 3 juillet 2013, n 12-19.268). Plus précisément, seule la remise au salarié
d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet d’exercer son
o
droit de rétractation en toute connaissance de cause (Cass. soc., 3 juill. 2019, n
17-14.232).

La convention de rupture doit être datée. C’est au plus tard à cette


date que l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause
o
de non-concurrence, doit le faire (Cass. soc., 26 janv. 2022, n 20-
15.755).

De plus, la convention de rupture doit être signée par les parties


concernées, l’employeur n’en étant pas exempté (Cass. soc., 3 juill.
o
2019, n 17-14.232).

Chaque partie à la convention de rupture doit être en possession


d’un exemplaire de celle-ci. Dès lors, un exemplaire doit être remis
au salarié, à peine de nullité de la convention de rupture (Cass. soc.,
o o
3 juill. 2019, n 18-14.414 ; Cass. soc., 3 juill. 2019, n 17-14.232 ;

347
o
Cass. soc., 23 sept. 2020, n 18-25.770). La remise au salarié d’un
exemplaire de la convention de rupture doit pouvoir être démontrée.
C’est à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve
o
(Cass. soc., 23 sept. 2020, préc. ; Cass. soc. 10 mars 2021, n 20-
12.801). Cette remise ne se déduit pas de la mention figurant sur le
document Cerfa selon laquelle la convention a été établie en deux
o
exemplaires (Cass. soc., 3 juill. 2019, n 18-14.414).
À compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune
d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour
exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme
d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de
réception par l’autre partie (C. trav., art. L. 1237-13, al. 3).

Jurisprudence
En cas d’envoi d’une lettre de rétractation, la date d’envoi – et non pas la date
de réception de la lettre – doit être retenue afin de savoir si la rétractation a été
o
exprimée par le salarié dans le délai imparti (Cass. soc., 14 fév. 2018 n 17-
o
10.035 ; Cass. soc., 19 juin 2019, n 18-22.887).

À l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse


une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un
exemplaire de la convention de rupture (C. trav., art. L. 1237-14, al.
er
1 ).

348
Jurisprudence
Une partie à une convention de rupture ne peut valablement demander
l’homologation de cette convention à l’autorité administrative avant l’expiration du
o
délai de rétractation de quinze jours (Cass. soc., 6 déc. 2017, n 16-16.851). Une
fois échu le délai de rétraction, le salarié ne peut plus prendre acte de la rupture
o
du contrat de travail (Cass. soc., 6 oct. 2015, n 14-17.539).

§2 Modalités d’approbation

I. Procédure d’homologation

La convention de rupture est soumise à l’homologation de la


DIRECCTE qui dispose d’un délai d’instruction de quinze jours
ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer
du respect des conditions de validité et de la liberté de
consentement des parties.

À défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée


acquise et l’autorité administrative est dessaisie (C. trav., art.
L. 1237-14, al. 2). En d’autres termes, la réponse de la DIRECCTE
peut être positive, négative ou résulter de son silence qui équivaut à
une réponse positive.

349
Jurisprudence
Toutefois, l’homologation étant une décision administrative, elle peut faire
l’objet d’un retrait : « une décision de refus d’homologation d’une convention de
rupture […] ne crée de droits acquis ni au profit des parties à la convention, ni au
profit des tiers ». Par ailleurs, « une telle décision peut, par suite, être légalement
o
retirée par son auteur » (Cass. soc., 12 mai 2017, n 15-24.220).

L’homologation s’adresse aux salariés de droit commun. Par


er
exception, pour les salariés protégés (C. trav., art. L. 1237-15, al 1 ;
Instr. DGT, 7 avr. 2020), la rupture conventionnelle est soumise à
l’autorisation de l’inspecteur du travail.

En l’absence d’autorisation, la rupture conventionnelle est nulle et


produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut
o
protecteur (Cass. soc., 4 nov. 2020, n 19-11.865). L’employeur n’est
pas tenu de rembourser les indemnités de chômage versées au
salarié car ce remboursement ne peut pas être ordonné en cas de
nullité du licenciement (Ibid.).

En outre, l’autorisation est susceptible de recours et donc


d’annulation. Or, l’annulation de l’autorisation administrative emporte
l’annulation subséquente de la rupture conventionnelle du salarié
protégé. En ce cas, le salarié protégé doit être réintégré dans son
emploi ou dans un emploi équivalent. En revanche, lorsque
l’employeur n’a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d’une
impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux
torts de l’employeur pour ce motif produit les effets d’un licenciement
nul pour violation du statut protecteur. Par conséquent, le salarié
pouvait prétendre à une indemnité au titre de la méconnaissance du

350
statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la
date de son éviction jusqu’à la fin de la période de protection dans la
o
limite de trente mois (Cass. soc., 15 mai 2019, n 17-28.547).

De même pour les médecins du travail, la rupture conventionnelle


est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, après avis du
médecin inspecteur du travail (C. trav., art. L. 1237-15, al. 2).

II. Effets de l’homologation

Seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé


des deux parties lui permet de demander l’homologation de la
o
convention (Cass. soc., 3 juill. 2019, n 17-14.232).

L’homologation emporte plusieurs effets.

(C. trav., art. L. 1237-14, al. 3)


Premièrement, elle assure la viabilité de la rupture du contrat de travail car « la
validité de la convention est subordonnée à son homologation ».

Jurisprudence
En ce sens, l’employeur ne peut pas faire parvenir les documents de fin de
o
contrat avant l’obtention de l’homologation (Cass. soc., 6 juil. 2016, n 14-20.323).

La convention de rupture fixe la date de rupture du contrat de travail,


qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation
(C. trav., art. L. 1237-13, al. 2). Dans l’hypothèse de la rupture du
contrat de travail d’un salarié protégé (V. infra), la rupture du contrat

351
de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de
er
l’autorisation (C. trav., art. L. 1237-15, al. 1 ).

La rupture conventionnelle ouvre droit au versement pour le salarié


d’une indemnité spécifique dont le montant, éventuellement négocié
avec l’employeur, ne peut être inférieur au montant de l’indemnité
légale de licenciement. Les articles R. 1234-1, R. 1234-2 et R. 1234-
4 du Code du travail, pris en application de l’article L. 1234-9 du
même code auquel ils font référence, déterminent le taux et les
modalités de cette indemnité de licenciement (Pour une impossibilité
o
de se prévaloir des dispositions de l’article 45 du décret n 2011-636
du 8 juin 2011 pour déterminer le montant de l’indemnité spécifique
o
de rupture conventionnelle, V. Cass. soc., 30 sept. 2020, n 19-
15.675). Le cas échéant, le salarié peut obtenir une indemnité
équivalente à l’indemnité conventionnelle de licenciement, lorsque
celle-ci plus favorable, pour le salarié, que l’indemnité légale
o
(Avenant n 4 du 18 mai 2009 à l’ANI sur la modernisation du
marché du travail du 11 janvier 2008, étendu par arrêté 26 nov.
2008, JO 27 nov. 2009). Du côté de l’employeur, il convient d’être
vigilant : il est jugé que les indemnités de rupture conventionnelle
entrent dans l’assiette des contributions d’assurance chômage qui
e
équivaut à celle des cotisations de sécurité sociale (Cass. 2 civ.,
o
12 mars 2020, n 18-20.729).
En revanche, aucun préavis n’est prévu.

En ce qui concerne le contentieux, l’homologation ne peut faire


l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention.

Tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus


d’homologation relève de la compétence du conseil des

352
prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou
administratif (C. trav., art. L. 1237-14, al. 4).
Le délai de prescription est restreint : le recours juridictionnel doit
être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de
douze mois à compter de la date d’homologation de la convention
(C. trav., art. L. 1237-14, al. 4).

Jurisprudence
À défaut, une demande introduite postérieurement au délai de douze mois est
o
irrecevable (Cass. soc., 6 déc. 2017, n 16-10.220). Toutefois, s’agissant d’une
autorisation délivrée par l’inspection du travail, « le juge judiciaire ne peut, en l’état
de l’autorisation administrative accordée à l’employeur et au salarié bénéficiant
d’une protection mentionnée aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du Code du travail
pour procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail qui les lie et sans
violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier la validité de ladite
rupture, y compris lorsque la contestation porte sur la validité du consentement du
salarié et que ce dernier soutient que son consentement aurait été obtenu par
o
suite d’un harcèlement moral » (Cass. soc., 20 déc. 2017, n 16-14.880).

353
Rupture conventionnelle collective
La rupture conventionnelle individuelle doit être distinguée de la rupture
o
conventionnelle collective instituée par une ordonnance n 2017-1387 du
22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de
travail (art. 10 à 14), dont le contenu a été modifié par la loi de ratification du
o
29 mars 2018 (L. n 2018-217 du 29 mars 2018, art. 11).

Inspirée largement du plan de départ volontaire développé en pratique pour faire


échec au dispositif légal des procédures de licenciement pour motif économique
o
(V. Fiche n 26), la rupture conventionnelle collective est réglementée par les
articles L. 1237-17 et suivants du Code du travail (Ibid.).

En réalité, le législateur a créé des modes de rupture d’un commun accord dans le
cadre d’un accord collectif qui prennent la forme soit d’un de congé de mobilité,
soit d’une rupture conventionnelle collective proprement dite.

Dans l’esprit, la rupture conventionnelle collective se rapproche de la rupture


conventionnelle individuelle parce qu’elle aboutit à la rupture négociée d’un
commun accord du contrat de travail.

Dans la technique, elle se rapproche des autres instruments d’aménagement


conventionnel destinés à faciliter l’adaptation économique des entreprises (GPEC,
Accord de performance collective, etc.). Elle s’inspire également du plan de
o
sauvegarde de l’emploi (V. Fiche n 26) car elle implique l’intervention de
l’administration du travail – la DREETS (C. trav., art. L. 1237-19-3) – pour
approuver l’accord collectif et la compétence du juge administratif en cas de
contentieux (C. trav., art. L. 1237-19-8). Sur ce point, l’accord doit être négocié et
conclu conformément au principe de loyauté (TA Paris, 5 mars 2020, req.
o
n 1926448/3-2).

Par ailleurs, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique


o o
(L. n 2019-828, 6 août 2019 : JO 7 août 2019, texte n 1) a étendu le dispositif de
la RCC à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Sont éligibles à ce
dispositif les agents régis par le statut général de la fonction publique de l’État et
des agents contractuels de droit public, ainsi que les salariés titulaires de contrats
de travail transférés de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans
les mines vers la CDC. En revanche, en sont écartés les agents contractuels de

354
o
droit public employés pour une durée déterminée (L. n 2019-828, 6 août 2019,
art. 73). L’accord donné dans le cadre de la RCC emporte rupture du contrat de
l’agent contractuel et des salariés mentionnés précédemment, ainsi que le
versement d’indemnités de rupture. À ce sujet, la LFSS pour 2020 procède à une
extension du régime social applicable du secteur privé – c’est-à-dire exclusion de
la CSG et des cotisations sociales – aux indemnités de rupture conventionnelle
versées aux agents de la Fonction publique (art. 13).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– Fr. AKNIN, L’autonomie de la RCC, JCP S 2019, 1136
– L. BENTO de CARVALHO, Indemnisation de la rupture
conventionnelle viciée : quelles stratégies contentieuses face au «
barème Macron » ?, JCP S 2020, 3028
– L. de MONTVALON, Rupture conventionnelle et réticence
dolosive, Quelle protection du consentement face à l’asymétrie
d’information ?, JCP S 2020, 1028
– G. LOISEAU, S. BLOCH, Vers une « travaillisation » du droit de la
fonction publique ?, JCP S 2019, 1315
– G. LOISEAU, S. BLOCH, Rupture conventionnelle collective dans
la fonction publique : le baptême du feu, JCP S 2020, 1098
– Fl. MILLIOT, Cl. LEFEBVRE, La rupture conventionnelle du contrat
de travail en période de confinement et de déconfinement, JCP S
2020, Act., 237
– J. MOULY, La rupture conventionnelle du contrat de travail à durée
indéterminée : la conversion de la Cour de cassation au
libéralisme contractuel, RJS 2016, p. 3
– Ph. ROZEC, La rupture conventionnelle collective : Un dispositif
en quête de place, JCP S 2020, 2088
– J.-Ph. TRICOIT, Rupture conventionnelle, JCl Traité Travail, Fasc.
30-5
– J.-Ph. TRICOIT, Rupture conventionnelle collective. Congé de
mobilité, JCl Traité Travail, Fasc. 30-10

355
– A. WALGENWITZ, La rupture conventionnelle : un dispositif
attendu dans un contexte de contractualisation croissante du droit
de la fonction publique, JCP S 2019, 1318

356
o
Fiche n 29 La retraite

L’ESSENTIEL

La rupture du contrat de travail d’un salarié peut s’opérer dans le


cadre d’un départ à la retraite ou d’une mise à la retraite.

LES CONNAISSANCES

Les stipulations relatives au départ à la retraite des salariés prévues


par une convention collective, un accord collectif de travail ou un
contrat de travail sont applicables sous réserve qu’elles ne soient
pas contraires aux dispositions légales. Sont nulles toutes
stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail et
d’un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat
de travail d’un salarié en raison de son âge ou du fait qu’il serait en
droit de bénéficier d’une pension de vieillesse (C. trav., L. 1237-4).

§1 La mise à la retraite
Les dispositions relatives à la mise à la retraite sont prévues dans le
Code du travail aux articles L. 1237-5 et suivants du Code du travail.

357
La mise à la retraite est la rupture, à l’initiative de l’employeur, du
contrat de travail du salarié qui a atteint l’âge ouvrant droit à une
liquidation de pension de retraite à taux plein, quelle que soit la
durée d’assurance. L’employeur peut mettre à la retraite d’office tout
salarié ayant atteint l’âge de 70 ans. Avant cet âge, la mise à la
retraite n’est possible qu’avec l’accord du salarié, sous certaines
conditions.

L’employeur doit notamment interroger le salarié sur son intention de


quitter l’entreprise pour prendre sa retraite. Cette proposition est
formulée par écrit, au moins trois mois avant son anniversaire. Il
appartient au salarié de répondre dans le mois qui suit réception de
la proposition. Si le salarié donne son accord, sa mise à la retraite
est possible. À défaut, l’employeur ne peut pas le mettre à la retraite.
La procédure doit être répétée chaque année au cours des années
suivantes, jusqu’à ce que le salarié ait atteint l’âge de 70 ans.
L’employeur peut alors décider unilatéralement une mise à la retraite
o
(Cass. soc., 23 nov. 2010, n 09-67.347).

Le salarié bénéficie d’un préavis égal au préavis de licenciement


(C. trav., art. L. 1237-6) et d’une indemnité de rupture équivalente à
l’indemnité légale de licenciement, sauf dispositions
conventionnelles plus favorables (C. trav., art. L. 1237-7).
L’appréciation des conditions de la mise à la retraite d’effectue à la
date d’expiration du contrat de travail (Cass. soc., 10 oct. 2007,
o
n 06-42.781). Il appartient à l’employeur de prouver que le salarié
peut bénéficier d’une pension de vieillesse au taux plein (Cass. soc.,
o
17 sept. 2014, n 13-14.944). Si les conditions de mise à la retraite
ne sont pas réunies, la rupture du contrat de travail par l’employeur
constitue un licenciement (C. trav., art. L. 1237-8. – Cass. soc.,

358
25 mars 1992 ; Dr. soc., 1992, 436). Si les conditions sont remplies,
il ne s’agit pas d’un licenciement (Cass. soc., 18 mars 2008 ; RJS,
o
5/08, n 532).

§2 Le départ volontaire à la retraite

En cas de départ à la retraite à l’initiative du salarié, ce dernier doit


en avertir son employeur et respecter un préavis équivalent à celui
prévu en cas de licenciement (C. trav art. L. 1237-10). Il s’agit d’un
« acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non
équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail » (Cass.
o
soc., 20 oct. 2015, n 14-17.473).

Ce départ volontaire à la retraite est possible, au plus tôt, à l’âge


auquel il est permis de faire liquider sa pension.

Tout salarié quittant volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une


pension de vieillesse a également droit à une indemnité de départ à
la retraite. Le taux de cette indemnité varie en fonction de
l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Ses modalités de calcul
sont fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait
antérieurement (C. trav., art. L. 1237-9).

359
o
Fiche n 30 Les conséquences
de la rupture

L’ESSENTIEL

L’indemnité de licenciement est une conséquence spécifique au


licenciement, même si son montant sert de repère aux indemnités
versées dans le cadre d’autres modes de rupture (rupture
conventionnelle par exemple).

Il existe des conséquences communes aux différents cas de rupture


du contrat de travail. Lors de la rupture ou la fin d’un contrat de
travail, quelle qu’en soit la cause (licenciement, démission, fin de
CDD ou de contrat d’apprentissage, départ en retraite, rupture
conventionnelle), l’employeur doit obligatoirement remettre au
salarié plusieurs documents : certificat de travail, reçu pour solde de
tout compte et attestation Pôle emploi.

LES CONNAISSANCES

Outre l’indemnité de licenciement, spécifique à cette forme de


rupture unilatérale du contrat de travail (§ 1), certaines

360
conséquences sont communes aux cas de rupture du contrat (§ 2).

§1 Une conséquence spécifique au licenciement :


l’indemnité de licenciement
Par application de l’article L. 1234-9 du Code du travail, le salarié
titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors
qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même
employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de
licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont
fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait
antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces
modalités sont déterminés par voie réglementaire.

La faute lourde dispense aussi l’employeur de verser l’indemnité de


licenciement.

La cessation de l’entreprise ne libère pas l’employeur de l’obligation


de verser, s’il y a lieu, l’indemnité de licenciement (C. trav., art.
L. 1234-10).

Les circonstances entraînant la suspension du contrat de travail, en


vertu soit de dispositions légales, soit d’une convention ou d’un
accord collectif de travail, soit de stipulations contractuelles, soit
d’usages, ne rompent pas l’ancienneté du salarié appréciée pour la
détermination du droit à l’indemnité de licenciement. Toutefois, la
période de suspension n’entre pas en compte pour la détermination
de la durée d’ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions
(C. trav., art. L. 1234-11).

361
Cette indemnité complète, lorsque le licenciement repose sur une
cause réelle et sérieuse :
L’indemnité compensatrice de préavis (lorsque le préavis n’est
pas effectué à la demande du salarié par exemple). Cette
indemnité n’est toutefois pas due non plus en cas de faute
grave ou de faute lourde.
L’indemnité compensatrice de congés payés dont bénéficie tout
salarié qui n’a pas pu bénéficier de la totalité du congé auquel il
avait droit à la date de rupture de son contrat. Sur ce point, il est
à noter que, dans une décision du 2 mars 2016 (Cons. const.,
o
2 mars 2016, n 2015-523 QPC), le Conseil constitutionnel a
considéré comme inconstitutionnelle l’ancienne disposition
légale qui excluait cette indemnité en cas de faute lourde.
Depuis, l’indemnité est due même en cas de faute lourde (et a
fortiori en cas de faute grave ou sérieuse).
Sur les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et
o
sérieuse, nul ou irrégulier (V. Fiche n 23).

§2 Les conséquences communes aux ruptures

I. Le préavis

En principe, quel que soit le motif de la rupture du contrat de travail,


un préavis aussi appelé « délai congé » doit être respecté par
chacune des parties. Le préavis est la période d’exécution du contrat
de travail du salarié qui se situe entre la notification de son
licenciement, ou la notification de sa démission et sa sortie réelle de
l’entreprise.

Il existe toutefois des exceptions.

362
En cas de rupture d’un commun accord, les parties peuvent
décider de l’exécuter ou non.
En cas de force majeure, de faute grave ou de faute lourde,
l’employeur n’a pas à respecter une période de préavis.
Le législateur prévoit des cas où le salarié est expressément
dispensé de préavis. Il en est ainsi de la démission d’une
salariée enceinte, ou du salarié licencié en raison d’une
inaptitude non professionnelle (C. trav., art. L. 1226-4).
Le préavis est un délai préfix. Cela signifie qu’il ne peut être ni
suspendu, ni interrompu.

Pendant le préavis, les relations contractuelles de travail perdurent


dans les mêmes conditions qu’avant la rupture. Si un salarié
commettait une faute grave ou lourde ou si une telle faute venait à
être découverte au cours du préavis, l’employeur pourrait rompre
immédiatement le contrat de travail.

La durée du préavis en cas de démission dépend des usages locaux


ou professionnels ou encore des dispositions conventionnelles
(C. trav., art. L. 1237-1).

363
(C. trav., art. L. 1234-1)
En cas de licenciement, l’article L. 1234-1 précise que Lorsque le licenciement
n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
« 1° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus
inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la
convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués
dans la localité et la profession ;
2° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus
comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois ;
3° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au
moins deux ans, à un préavis de deux mois ».
Ces dispositions légales s’appliquent à la condition que la convention ou l’accord
collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis
ou une condition d’ancienneté de services plus favorable pour le salarié. Cette
ancienneté s’apprécie à la date d’envoi de la lettre de démission ou de
licenciement en recommandé avec avis de réception ou mains propres.

Toute clause d’un contrat de travail fixant un préavis d’une durée


inférieure à celui résultant des dispositions de l’article L. 1234-1 ou
une condition d’ancienneté de services supérieure à celle énoncée
par ces mêmes dispositions est nulle (C. trav., art. L. 1234-2).

Le point de départ du préavis est en principe la date de première


présentation de la lettre recommandée de notification du
licenciement. Il en est de même en cas de démission.

Le préavis peut donner lieu à une dispense :


à la demande du salarié. L’employeur n’est alors pas tenu au
versement d’une indemnité compensatrice de préavis s’il a
consenti à cette dispense. Si le salarié n’exécute pas le préavis
malgré la dispense, il sera condamné à verser à l’employeur
une somme équivalente à l’indemnité de préavis. L’employeur

364
n’est pas obligé d’accepter cette dispense (sauf dispositions
conventionnelles contraires).
soit à la demande de l’employeur : la dispense d’exécution du
préavis n’a pas pour effet d’avancer la date de la rupture du
contrat de travail. Le salarié ne peut pas s’y opposer. Il verra
maintenu le bénéfice de ses avantages en nature et verser une
indemnité compensatrice de congés payés ainsi qu’une
indemnité compensatrice de préavis égale aux salaires et
avantages que le salarié aurait perçus s’il avait travaillé.

II. La remise de documents

À l’issue de la relation de travail, l’employeur doit remettre au salarié


un certificat de travail qui contient certaines mentions obligatoires
(C. trav., art. L. 1234-19). Il est tenu à la disposition du salarié dans
l’entreprise ou lui est remis avec le dernier bulletin de salaire.

À l’occasion de la rupture du contrat de travail, l’employeur doit


établir un solde de tout compte, dont le salarié lui donne reçu,
mentionnant toutes les sommes qui lui ont été versées à l’occasion
de la rupture du contrat de travail. Le reçu pour solde de tout compte
peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai
au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les
sommes qui y sont mentionnées (C. trav., art. L. 1234-20).

365
Jurisprudence
Il est peu important qu’il soit rédigé en des termes généraux (Cass. soc.,
o
18 déc. 2013, n 12-24.985). Une telle procédure de dénonciation ne méconnaît
pas le principe de sécurité juridique ni celui d’égalité devant la loi (Cass. soc.,
o
18 sept. 2013, n 13-40.042).

Concomitamment à la délivrance du certificat de travail et du dernier


bulletin de paie, l’employeur doit remettre au salarié, à la fin de son
préavis (exécuté ou non), une attestation Pôle Emploi. Ce document
permet au salarié de bénéficier de ses droits au chômage. Sa remise
tardive cause nécessairement un préjudice au salarié qui doit être
o
réparé par des dommages-intérêts (Cass. soc., 21 janv. 2015, n 13-
25.675). L’employeur encourt par ailleurs une amende de 1500 €
(C. trav., art. R. 1238-7).

POUR ALLER PLUS LOIN….


– J.-F. PAULIN, Rupture non contentieuse du contrat de travail : que
o
doit l’employeur ?, JA 2016, n 545, p. 20
– P. ADAM, La faute lourde, entre intention et conscience de nuire,
RDT 2016, 100

366
P@RTIE 2
DROIT DU TRAVAIL :
LES RELATIONS COLLECTIVES
DE TRAVAIL

LA REPRÉSENTATION DU PERSONNEL
LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

LES CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL

367
TITRE 1
LA REPRÉSENTATION DU PERSONNEL

368
SOUS-TITRE 1
LA DÉSIGNATION ET L’ÉLECTION
DES REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL

o
Fiche n 31 Le cadre d’implantation
o
Fiche n 32 Les seuils d’effectif
o
Fiche n 33 Les élections

369
o
Fiche n 31 Le cadre d’implantation

L’ESSENTIEL

Si l’entreprise sert classiquement de cadre d’implantation des


institutions représentatives du personnel, ces dernières peuvent être
mises en place dans des périmètres plus restreints, ou au contraire,
plus larges que celui de l’entreprise.

LES CONNAISSANCES

L’entreprise n’est pas l’unique cadre au sein duquel les


représentants du personnel peuvent être implantés. Le législateur et
la jurisprudence ont pris en considération la réalité économique et
technique des entreprises à structure complexe. Le droit peut diviser
l’entreprise ou, au contraire, rassembler plusieurs personnes
morales afin de permettre aux institutions représentatives du
personnel d’exercer au mieux leurs missions.

La désignation ou l’élection des représentants peuvent ainsi s’opérer


au niveau de l’établissement distinct (§ 1), de l’unité économique et
sociale (§ 2), du site (§ 3) ou du groupe (§ 4).

370
§1 L’établissement distinct

I. La notion d’établissement distinct

Il n’existe pas de conception unique de l’établissement distinct. Il


s’agit d’une notion relative et fonctionnelle variant selon l’institution
o
représentative à mettre en place (Cass. soc., 2 oct. 2001, n 00-
60.170). Les critères de l’établissement distinct sont donc définis en
fonction de la finalité de l’institution appelée à y exercer ses
missions.

En ce sens, le ministère du travail a précisé qu’un établissement


distinct correspond à un cadre approprié à l’exercice des missions
dévolues aux représentants du personnel. Il s’agit d’une notion
juridique qui ne correspond pas nécessairement à un établissement
physique et peut regrouper plusieurs établissements au sens de
l’Insee (Siret) (Questions-réponses CSE 17 janv. 2020).

A Avant les ordonnances du 22 septembre 2017


L’établissement distinct permettant l’élection des délégués du
personnel se caractérisait par le regroupement d’au moins onze
salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts
propres, susceptible de générer des réclamations communes et
spécifiques et travaillant sous la direction d’un représentant de
l’employeur, peu important que celui-ci ait le pouvoir de se prononcer
o
sur ces réclamations (Cass. soc., 29 janv. 2003, n 01-60.628 ;
o
Cass. soc., 13 juill. 2004, n 03-60.173).

Le Conseil d’État n’a pas consacré de définition générale de


l’établissement distinct au sens de la législation sur le comité

371
d’entreprise, mais avait retenu trois critères déterminants :
l’autonomie de gestion en matière de gestion du personnel et
o
d’exécution de service (CE, 29 juin 1973, n 77.982) ;
o
la stabilité (CE, 27 juin 2001, n 215.970) ;
l’implantation géographique distincte (CE, 3 juill. 1996,
o
n 147.771).
L’établissement distinct permettant la mise en place du comité
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)
empruntait les contours du périmètre défini pour le comité
d’établissement. Le périmètre d’implantation du CHSCT était donc le
même que celui du comité d’établissement (Cass. soc., 17 juin 2009,
o
n 08-60.438). Cependant, plusieurs CHSCT pouvaient être mis en
place au sein d’un établissement s’il existait des secteurs d’activités
o
différents (Cass. soc., 29 janv. 2003, n 01-60.802), par accord entre
le comité d’entreprise et l’employeur ou, à défaut, sur décision de
l’inspecteur du travail dans les entreprises de plus de 500 salariés
(C. trav., art. L. 4613-4 ancien).

Jurisprudence
Par une décision du 18 mai 2011, la Cour de cassation a aligné le périmètre
de la désignation des délégués syndicaux sur celui du comité d’établissement. Elle
a jugé que sauf accord collectif en disposant autrement, le périmètre de
désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu, lors des
dernières élections, pour la mise en place du comité d’établissement (Cass. soc.,
o
18 mai 2011, n 10-60.383).

Le législateur a contré cette jurisprudence en consacrant, pour la


première fois, une définition légale de l’établissement distinct et en

372
réhabilitant l’ancienne définition retenue par le Cour de cassation
o
avant l’arrêt précité du 18 mai 2011 (Cass. soc., 24 avr. 2003, n 01-
60.876).

(C. trav., art. L. 2143-3)


Il résulte ainsi de l’article L. 2143-3 du Code du travail qu’un établissement distinct
permettant la désignation d’un délégué syndical peut se déduire de l’existence
d’une communauté de salariés ayant des intérêts propres, générateurs de
revendications communes et spécifiques.

B Après les ordonnances du 22 septembre 2017

373
o
L’ordonnance n 2017-1386 du 22 septembre 2017 a regroupé les délégués
du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT dans une instance unique, le
Comité social et économique (CSE). Dans les entreprises comportant au moins
deux établissements distincts, des comités sociaux et économiques
d’établissement et un comité social et économique central d’entreprise sont
constitués (C. trav., art. L. 2313-1, al. 2).

Les critères permettant de reconnaître l’établissement distinct au sens des CSE


d’établissement sont les mêmes que ceux retenus pour le comité d’entreprise. Le
Code du travail fait en effet référence à « l’autonomie de gestion du responsable
de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel » (C. trav., art.
L. 2113-4).

La Cour de cassation a jugé qu’un établissement peut être autonome même si


certaines compétences en matière budgétaire et de gestion du personnel sont
o
centralisées au niveau du siège (Cass. soc., 22 janv. 2020, n 19-12.011).

L’établissement distinct doit permettre l’exercice effectif des prérogatives de


l’institution représentative du personnel mise en place (Cass. soc., 9 juin 2021,
o
n 19-23.745).

La possibilité prévue par accord collectif de désigner des représentants de


proximité ne suffit pas à caractériser un établissement distinct autorisant la
désignation de délégués syndicaux au sein de cette structure (Cass. soc., 31
o
mars 2021, n 19-26.234).

La définition de l’établissement distinct pour les délégués syndicaux


reste pour sa part inchangée après l’ordonnance du 22 septembre
2017.

II. Les modes de reconnaissance de l’établissement distinct

La reconnaissance d’un établissement distinct, au sens de la


législation sur les délégués du personnel et le comité
d’établissement, faisait l’objet d’un accord entre l’employeur et les

374
organisations syndicales intéressées conclu selon la double
condition de majorité prévue pour le protocole préélectoral (C. trav.,
art. L. 2314-31 et L. 2322-5 anciens [DP]).

Comme en matière de comité d’entreprise ou de délégués du personnel,


la reconnaissance de l’établissement distinct pour le CSE fait prioritairement l’objet
d’un accord d’entreprise. En revanche, cet accord est conclu selon les conditions
de validité de droit commun, c’est-à-dire conclu avec un ou plusieurs délégués
syndicaux (C. trav., art. L. 2313-2 et L. 2232-12).

La Cour de cassation a précisé qu’un accord ayant pour objet de déterminer le


nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des
anciennes institutions représentatives du personnel cesse de produire ses effets à
la date du premier tour des élections pour la mise en place du CSE (Cass. soc., 25
o
mars 2020, n 18-18.401).

Si aucun accord n’a été obtenu, ou en l’absence de délégué syndical, un accord


entre l’employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la
délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des
établissements distincts (C. trav., art. L. 2313-3).

En l’absence d’accord d’entreprise ou d’accord conclu avec le CSE, l’employeur


fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de
l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière
de gestion du personnel (C. trav., art. L. 2313-4).

Le ministère du travail a précisé que la décision unilatérale prise par l’employeur


ne vaut que pour le cycle, de sorte que l’employeur doit engager une nouvelle
négociation à l’issue de chaque cycle (Questions-réponses CSE 17 janv. 2020).

En cas de litige portant sur cette décision, l’autorité administrative du siège de


l’entreprise, c’est-à-dire le DREETS, fixe le nombre et le périmètre des
établissements distincts (C. trav., art. L. 2313-5).

Toute contestation de la décision de l’autorité administrative relève


de la compétence du juge judiciaire (C. trav., art. L. 2313-5).

375
Concernant les délégués syndicaux ou les représentants de section
syndicale, la loi n’a consacré aucune procédure de reconnaissance
de la qualité d’établissement distinct. Les dispositions codifiées à
l’article L. 2143-3 sont d’ordre public. Il en résulte que la
reconnaissance de l’établissement distinct répondant à la définition
légale ne nécessite pas la conclusion d’un accord collectif (Cass.
o
soc., 12 avr. 2016, n 15-60.200).

En revanche, un accord collectif ou une convention collective de


droit commun peuvent prévoir un cadre plus restreint que le
périmètre légal.

376
La question de la détermination de l’établissement distinct étant lié à
la contestation de la désignation du délégué syndical, le tribunal
d’instance est compétent en cas de litige (C. trav., L. 2143-8).

§2 L’unité économique et sociale

I. La notion d’unité économique et sociale

L’unité économique et sociale (UES) a été créée par la


jurisprudence, puis consacrée par la loi du 28 octobre 1982. Elle
permet de regrouper plusieurs personnes juridiquement distinctes ne
réunissant pas l’effectif suffisant pour la mise en place des
institutions représentatives du personnel en une entreprise unique,
formant le cadre d’application de la législation sur la représentation
du personnel.

Le recours à cette notion exprime, à l’origine, la volonté de faire


échec aux tentatives de fraudes consistant pour l’employeur à
morceler une entreprise en plusieurs sociétés juridiquement
distinctes, dans la perspective qu’aucune d’entre elles n’excède le
seuil d’effectif lui imposant de mettre en place les institutions
représentatives du personnel.
Contrairement à l’établissement, il ne s’agit pas d’une notion
fonctionnelle et relative de sorte que la jurisprudence a consacré une
définition unique de l’UES quelle que soit l’institution à mettre en
o
place (Cass. soc., 3 mai 2007, n 06-60.042).

L’UES suppose l’existence à la fois d’une unité économique et d’une


unité sociale.

A L’unité économique

377
L’unité économique se caractérise par la réunion, entre deux ou
plusieurs personnes juridiquement distinctes, de deux
critères cumulatifs :
une concentration des pouvoirs de direction à l’intérieur du
o
périmètre de l’UES (Cass. soc., 18 juill. 2000, n 99-60.353).
une identité ou une complémentarité des activités (Cass. soc.,
3 févr. 1999). Exercent, par exemple, des activités similaires ou
complémentaires trois sociétés intervenant chacune à son stade
dans le domaine de l’impression et de l’édition, notamment
o
d’une revue (Cass. soc., 10 mai 2000, n 99-60.081).

B L’unité sociale
Selon la Cour de cassation, l’unité sociale se caractérise par une
o
communauté de travailleurs (Cass. soc., 26 mai 1998, n 97-
60.092).

Cette communauté de travail résulte de divers indices, tels que :


un statut social et des conditions de travail similaires pouvant se
traduire par une certaine permutabilité des salariés (Cass. soc.
o
18 juill. 2000, n 99-60.353) ;
l’application de la même convention collective, du même régime
de prévoyance et de retraite ou encore du même accord
o
d’intéressement (Cass. soc., 10 mai 2000, n 99-60.081 ; Cass.
o
soc., 26 mai 2004, n 02-60.935) ;
une politique salariale unique ou un seul service de paie (Cass.
o
soc., 8 févr. 1995, n 94-60.226) ;
des conditions de travail similaires (Cass. soc., 14 mai 1987,
o
n 86-60.443).

378
II. Les modes de reconnaissance de l’unité économique
et sociale

L’UES est reconnue par accord collectif ou par décision de justice


(C. trav., art. L. 2313-8).

Toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans


les entreprises ou entités juridiques concernées doivent être invitées
à la négociation portant sur la reconnaissance entre elles d’une UES
o
(Cass. soc., 10 nov. 2010, n 09-60.451).

L’accord doit être conclu selon les conditions de droit commun


o
(Cass. soc., 14 nov. 2013, n 13-12.712).
La Cour de cassation a précisé que la suppression des anciennes
institutions représentatives du personnel au profit du CSE n’a pas
pour effet de faire disparaître une UES préexistante (Cass. soc., 25
o
mars 2020, n 18-18.401).

À défaut d’accord, il appartient à toute personne intéressée (les


chefs des entreprises ou entités concernées, tout syndicat
représentatif dans l’une de ces entités, le comité d’entreprise de
l’une de ses entités) de saisir la justice pour voir reconnaître l’UES.

L’action tendant à la reconnaissance d’une UES relève de la


o
compétence du tribunal d’Instance (Cass. soc., 29 oct. 2003, n 02-
60.820).

§3 Le site

I. Avant les ordonnances du 22 septembre 2017

379
La loi avait introduit des délégués du personnel de sites élus par les
salariés d’entreprises juridiquement distinctes mais regroupées dans
un même périmètre et ayant des intérêts communs.
Aux termes de l’article L. 2312-5 ancien du Code du travail, dans les
établissements employant habituellement moins de onze salariés et
dont l’activité s’exerce sur un même site où sont employés
durablement au moins cinquante salariés, l’autorité administrative
pouvait, de sa propre initiative ou à la demande des organisations
syndicales de salariés, imposer l’élection de délégués du personnel
lorsque la nature et l’importance des problèmes communs aux
entreprises du site le justifiaient.

Le site était défini comme un lieu ou un ensemble


géographiquement ou matériellement isolé qui représente une entité
(galerie marchande, centre commercial, immeuble de bureaux,
chantier, zone industrielle ou artisanale, rue ou quartier…), qui, par
ses caractéristiques économiques et sociales, constitue un
ensemble homogène où les problèmes communs aux salariés sont
importants (Circ. DRT 12 du 17 mars 1993).

Aucun lien de pouvoir entre les entreprises regroupées n’était exigé.


Le seul critère pris en considération était celui de l’existence
d’importants problèmes communs aux salariés nécessitant une
représentation commune.

II. Après les ordonnances du 22 septembre 2017


o
L’ordonnance n 2017-1386 du 22 septembre 2017 remplace les
délégués de site par le CSE interentreprises. Ce dernier peut être
mis en place lorsque la nature et l’importance de problèmes

380
communs aux entreprises d’un même site ou d’une même zone le
er
justifient (C. trav., art. L. 2313-9, al. 1 ).

Le CSE interentreprises est mis en place par un accord collectif


interentreprises conclu entre les employeurs des entreprises du site
ou de la zone et les organisations syndicales représentatives au
niveau interprofessionnel ou au niveau départemental (C. trav., art.
er
L. 2313-9, al. 1 ).

L’accord définit :
Le nombre de membres de la délégation du personnel du CSE
interentreprises ;
Les modalités de leur élection ou désignation ;
Les attributions du CSE interentreprises ;
Les modalités de fonctionnement du CSE interentreprises.
Contrairement à ce qui était prévu pour les délégués de site, la
création du CSE interentreprises ne peut pas être imposée par
l’autorité administrative de sa propre initiative ou sur demande des
syndicats.

§4 Le groupe
o
La loi n 82-915 du 28 octobre 1982 a consacré le comité de groupe.
Le groupe est constitué entre une entreprise dite « dominante » et
les entreprises sur lesquelles elle exerce un contrôle ou une
influence dominante. Lorsqu’un tel groupe existe, un comité de
groupe doit être mis en place (C. trav., art. L. 2331-1).
Contrairement à l’unité économique et sociale, la reconnaissance du
groupe n’est pas conditionnée par l’existence d’une unité sociale.
Par ailleurs, l’unité économique se limite à des liens capitalistiques.

381
La configuration du groupe est définie à la suite d’un accord des
parties intéressées (les sociétés concernées, le comité d’entreprises
de celles-ci ou les organisations syndicales représentatives dans
celles-ci), ou, à défaut, par une décision de justice (C. trav., art.
L. 2333-5). Le juge judiciaire est compétent (C. trav., art. L. 2331-3).
Dès que la configuration du groupe est définie, le comité de groupe
est constitué et réuni pour la première fois, à l’initiative de la société
dominante (C. trav., art. L. 2331-1).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– E. CLEMENT, « La définition légale de l’établissement distinct,
périmètre de la désignation des délégués syndicaux », Dr. soc.,
o er
n 12, 1 déc. 2014, pp. 1053-1056
– Y. PAGNERRE, « Retour sur l’accord de reconnaissance d’une
o
UES », JCP S, n 7, 20 févr. 2018, pp. 13-15
– F. PETIT, « La négociation de la composition et du périmètre de
o er
l’unité économique et sociale », Dr. soc., n 2, 1 févr. 2014, pp.
186-187

382
o
Fiche n 32 Les seuils d’effectif

L’ESSENTIEL

La mise en place, le nombre et la composition des institutions


représentatives du personnel répondent à différentes conditions
d’effectif.

LES CONNAISSANCES

L’enjeu des seuils d’effectif est important : l’implantation, la taille des


institutions représentatives et les moyens dont elles disposent
dépendent du nombre de salariés atteint dans leur périmètre de
mise en place. Déterminer si certains seuils sont franchis (§ 1)
nécessite d’évaluer les effectifs de l’entreprise (§ 2).

§1 Les seuils d’effectif

I. La détermination des seuils d’effectif

A Les seuils d’effectif légaux

383
Le seuil d’effectif déclenchant la mise en place des institutions
représentatives du personnel varie d’une institution à l’autre :

B Les seuils d’effectif conventionnels


Le Code du travail prévoit expressément la possibilité d’abaisser les
seuils légaux par convention ou accord collectif pour les délégués
syndicaux (C. trav., art. L. 2141-10).

II. Les effets du franchissement des seuils d’effectif

Le franchissement des seuils d’effectif déclenche l’obligation pour


l’employeur d’organiser l’élection des institutions élues et la
possibilité pour les organisations syndicales de désigner des
délégués syndicaux ou des représentants de section syndicale.

Les seuils d’effectif déterminent également la taille des institutions


(c’est-à-dire le nombre de représentants à élire ou à désigner), ainsi
que les moyens dont elles disposent.

384
Par exemple :
Le nombre de membres de la délégation du personnel du
comité social et économique varie en fonction de l’effectif de
l’entreprise ou de l’établissement : de 11 à 24 salariés : 1
titulaire et 1 suppléant, de 25 à 49, 2 titulaires et 2
suppléants, etc.
Le crédit d’heures attribué aux délégués syndicaux varie en
fonction de l’effectif : de 50 à 150 salariés : 12h, de 151 à 499 :
18h etc.

§2 Le décompte des effectifs

I. La période de référence

Pour que la mise en place du CSE soit obligatoire, il faut que l’effectif
d’au moins 11 salariés soit atteint pendant douze mois consécutifs (C. trav., art. L.
2311-2).

La désignation d’un délégué syndical peut intervenir lorsque l’effectif d’au moins
50 salariés ou plus a été atteint pendant 12 mois consécutifs (C. trav. art. L. 2143-
3, al. 3).

II. Les salariés pris en compte

A Les salariés employés directement par l’entreprise


Les effectifs de l’entreprise ou de l’établissement sont calculés
conformément aux dispositions de l’article L. 1111-2 du Code du
travail.

385
Les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée à
temps plein et les travailleurs à domicile sont pris intégralement en
compte dans l’effectif de l’entreprise, c’est-à-dire qu’ils comptent
pour une unité. Il en va de même pour les travailleurs à domicile.
Les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée,
d’un contrat de travail intermittent et les salariés temporaires sont
pris en compte dans l’effectif de l’entreprise à due proportion de leur
temps de présence au cours des douze mois précédents.

Toutefois, les salariés titulaires d’un contrat à durée déterminée ou


d’un contrat de travail temporaire sont exclus du décompte des
effectifs lorsqu’ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de
travail est suspendu.

Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat
de travail, sont pris en compte en divisant la durée de travail prévue
dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée
conventionnelle du travail. Par exemple, un salarié travaillant à mi-
temps compte pour 0,5 unité.

En revanche, sont exclus du calcul des effectifs de l’entreprise les


apprentis, les titulaires d’un contrat initiative-emploi, les titulaires
d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi, les titulaires d’un
contrat de professionnalisation (C. trav., art. L. 1111-3).

B Les salariés mis à la disposition de l’entreprise


Les salariés mis à disposition sont pris en compte dans l’effectif de
leur entreprise d’origine (Circ. DGEFP 41 du 21 oct. 2009). Ils
doivent également être pris en compte dans l’effectif de l’entreprise
utilisatrice si :

386
les salariés mis à disposition sont présents dans les locaux de
l’entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an
(C. trav., art. L. 1111-2). Sont ainsi exclus du calcul des effectifs
les salariés qui ne sont pas à sa disposition exclusive, mais se
rendent uniquement ponctuellement dans ses locaux (Cass.
o
soc., 23 sept. 2015, n 14-26.262) ;
les salariés sont intégrés de façon étroite et permanente à la
o
communauté de travail (Cass. soc., 28 févr. 2007, n 06-
60.171). Il en va ainsi des salariés présents dans les locaux de
l’entreprise utilisatrice et partageant des conditions de travail au
moins en partie communes susceptibles de générer des intérêts
o
communs (Cass. soc., 13 nov. 2008, n 07-60.434).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– J.-P. TRICOIT, « Mise en place des IRP : des exclusions de
l’effectif de l’entreprise à l’épreuve du droit européen », JCP S
2012, 1301
– B. BEZIAN, « Le calcul du seuil d’effectifs obligatoire pour la mise
o
en place de représentants du personnel », opt. fin., n 777,
22 mars 2004, p. 32

387
o
Fiche n 33 Les élections

L’ESSENTIEL

Contrairement aux délégués syndicaux ou aux représentants


syndicaux, les membres du CSE, crée par l’ordonnance Macron du
22 septembre 2017, sont élus par la collectivité de salariés de
l’entreprise ou de l’établissement.

LES CONNAISSANCES

L’organisation d’élections professionnelles est obligatoire pour toutes


les entreprises ou établissements entrant dans le champ
d’application de la législation française et atteignant les seuils
o
d’effectifs prévus par le Code du travail (V. Fiche n 32).

o
Jusqu’à l’ordonnance n 2017-1386 du 22 septembre 2017, les
institutions représentatives concernées par les élections étaient les
suivantes :
les délégués du personnel,
le comité d’entreprise,

388
la délégation unique du personnel (DUP) et l’instance
regroupée.
L’ordonnance précitée a regroupé ces différentes instances dans
une instance unique : le comité social et économique (CSE).

Il convient d’appréhender successivement le déclenchement du


processus électoral (I) le protocole d’accord préélectoral (II), les
collèges électoraux (III) et l’électorat et l’éligibilité (IV).

§1 Le déclenchement du processus électoral


Le déclenchement du processus électoral incombe à l’employeur et
à lui seul.

Aucun syndicat, représentant ou salarié n’a le pouvoir d’organiser


les élections.

Ils peuvent simplement inviter l’employeur à organiser les élections


lorsqu’il ne l’a pas fait. Ce dernier est alors tenu d’engager les
opérations électorales dans le mois suivant la réception de la
demande (C. trav., art. L. 2314-8).

À défaut d’organiser les élections professionnelles, l’employeur peut


être reconnu coupable du délit d’entrave (Cass. crim., 6 nov. 2007,
o
n 06-86.027).

Par ailleurs, il a été jugé que l’employeur qui ne met pas en place les
institutions représentatives du personnel alors qu’il y est tenu
commet une faute qui cause un préjudice aux salariés privés ainsi
d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts
o
(Cass. soc., 15 mai 2019, n 18-22.224).

389
La durée des mandats des représentants élus étant portée à 4 ans,
les élections doivent donc, par principe, avoir lieu tous les 4 ans.

Au titre de son obligation de déclencher le processus électoral,


l’employeur est tenu d’informer le personnel de l’organisation des
élections par tout moyen permettant de conférer date certaine à
cette information de l’organisation des élections.

Lorsque l’organisation de l’élection est consécutive au


franchissement du seuil d’effectif imposant la mise en place de
l’institution, le premier tour se tient dans les 90 jours suivant le jour
de la diffusion (C. trav., L. 2314-4).

Le défaut d’information du personnel entraîne la nullité des élections


o
(Cass. soc., 10 oct. 2012, n 11-60.238).

Le chef d’entreprise doit également inviter les organisations


syndicales intéressées à négocier le protocole d’accord préélectoral
(V. ci-dessous).

390
Des mesures d’urgence liées à la Covid-19 ont temporairement aménagé les
élections professionnelles. Ainsi, pour la première période d’urgence sanitaire
er
ayant débuté le 24 mars 2020, une ordonnance du 1 avril 2020, modifiée en mai
et en juin 2020, a organisé la suspension des processus électoraux et ses
o er o
modalités (Ord. n 2020-389, 1 avr. 2020 mod. par Ord. n 2020-560, 13 mai
o
2020 mod. par Ord. n 2020-737, 17 juin 2020).

Pour la deuxième période d’urgence sanitaire, courant du 17 octobre 2020 au


er
1 juin 2020, les élections professionnelles n’ont pas été suspendues, sauf
exceptions.

§2 Le protocole d’accord préélectoral

Le protocole d’accord préélectoral est un accord qui a pour objet de


fixer les règles d’organisation des élections professionnelles.

I. La négociation du protocole

A Les parties à la négociation


o
Avant la loi n 2008-789 du 20 août 2008, le chef d’entreprise devait
inviter à négocier le protocole préélectoral toutes les organisations
syndicales intéressées. Il s’agissait des syndicats représentatifs,
c’est à dire :
des syndicats affiliés à une organisation représentative au
niveau national (CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC et CFE-CGC)
pour la représentativité présumée ;
des syndicats qui rapportaient la preuve de leur représentativité
sur la base des critères énumérés à l’ancien article L. 2121-1 du
Code du travail pour la représentativité prouvée.

391
La loi du 20 août 2008 a élargi le cercle des négociateurs.
Désormais, les syndicats représentatifs n’ont plus le monopole de la
négociation du protocole préélectoral. Doivent ainsi être
invités (C. trav., art. L. 2314-5) :
les organisations syndicales qui satisfont aux critères du respect
des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement
constituées depuis au moins deux ans et dont le champ
d’application professionnel et géographique couvre l’entreprise
ou l’établissement concerné. On vise les syndicats disposant
d’une « petite représentativité »,
les organisations syndicales reconnues représentatives dans
l’entreprise ou l’établissement,
les organisations syndicales qui ont constitué une section
syndicale dans l’entreprise ou l’établissement,
les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative
au niveau national et interprofessionnel.
Le Code du travail prévoit que :
sont informées par tout moyen, les organisations syndicales qui
satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et
d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux
ans et dont le champ professionnel et géographique couvre
l’entreprise ou l’établissement concerné
sont informées par courrier les organisations syndicales
reconnues représentatives dans l’entreprise ou l’établissement,
celles ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou
l’établissement, ainsi que les syndicats affiliés à une
organisation syndicale représentative au niveau national et
interprofessionnel (C. trav., art. L. 2314-5).
Dans le cas d’un renouvellement de l’institution, cette invitation est
effectuée 2 mois avant l’expiration du mandat des membres en

392
exercice. Le premier tour des élections a lieu dans la quinzaine
précédant l’expiration de ce mandat (C. trav., art. L. 2314-5).
L’invitation des organisations syndicales intéressées à négocier le
protocole préélectoral doit parvenir au plus tard 15 jours avant la
date de la première réunion de négociation (C. trav., art. L. 2314-5).

Par dérogation, dans les entreprises dont l’effectif est compris entre
11 et 20 salariés, l’employeur ne doit inviter ces organisations
syndicales que si au moins un salarié s’est porté candidat aux
élections dans un délai de 30 jours à compter de l’information du
personnel sur l’organisation des élections (C. trav., art. L. 2314-5, al.
5). Si aucun salarié ne s’est porté candidat aux élections, le
processus électoral prend fin.

393
394
B L’objet du protocole

395
L’objet du protocole est d’organiser les élections professionnelles. Le
Code du travail impose une négociation sur un certain nombre de
points :
dans les entreprises à établissements multiples, le caractère et
le nombre d’établissements distincts,
la détermination du nombre et de la composition des collèges
électoraux,
la répartition des sièges et du personnel entre les collèges
électoraux,
les modalités d’organisation et de déroulement des opérations
électorales (les dates, lieux, heures des élections, l’organisation
d’un second tour. Eventuellement : les modalités d’affichage de
la liste électorale, les modalités de dépôt et d’affichage des
candidatures, la fixation d’un délai ultime pour le dépôt des
candidatures, le nombre et la composition du bureau de vote,
les conditions d’organisation du vote par correspondance, les
conditions de mise en œuvre de la propagande électorale, les
modalités du recours au vote électronique, les voies et les
moyens d’atteindre une représentation équilibrée des femmes et
des hommes sur les listes de candidature…).
la mention de la proportion de femmes et d’hommes composant
chaque collège électoral (C. trav., art. L. 2314-30 et L. 2314-31).
Les parties peuvent également négocier sur certains points
facultatifs :
l’augmentation du nombre des membres du comité d’entreprise
ou CSE ou du volume des heures de délégation,
la modification du nombre légal et de la composition des
collèges électoraux,
l’organisation des élections en dehors du temps de travail,

396
la dérogation aux dispositions légales fixant à 3 le nombre de
mandats successifs, etc.

II. La conclusion du protocole

Avant la loi du 20 août 2008, le protocole d’accord préélectoral


devait recueillir l’unanimité de toutes les organisations syndicales
représentatives.

Depuis la loi du 20 août 2008, pour éviter le blocage du processus


électoral par un syndicat minoritaire, le protocole d’accord
préélectoral est conclu selon la règle dite de la double majorité. Sa
validité est ainsi subordonnée à une double condition (C. trav., art.
L. 2314-6) :
l’accord doit être signé par la majorité des organisations
syndicales ayant participé à sa négociation. La majorité d’un
accord préélectoral se mesure sur les syndicats présents à la
o
première réunion (Cass. soc., 26 sept. 2012, n 11-60.231) ;
parmi les signataires, doivent se trouver les organisations
syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des
suffrages exprimés lors des dernières élections
professionnelles.
La Cour de cassation a jugé que les modifications apportées au
protocole préélectoral doivent être soumises aux mêmes conditions
o
de validité que le protocole lui-même (Cass. soc., 3 oct. 2018, n 17-
21.836).

397
Le principe d’un accord unanime a néanmoins été maintenu pour la
modification du nombre et la composition des collèges électoraux
(C. trav., art. L. 2314-12) ;

Par ailleurs, l’abaissement de la durée des mandats entre deux et


quatre ans nécessite la conclusion d’un accord de droit commun (C.
trav., art. L. 2314-34).

Si aucune organisation syndicale n’a répondu à l’invitation de


l’employeur, en raison de l’absence d’organisation syndicale ou par
désintérêt, il revient à l’employeur, seul, de fixer la répartition du

398
personnel et des sièges dans les collèges électoraux (C. trav., art.
L. 2314-14).

Si au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation, mais


qu’aucun accord n’a été conclu à l’issue de la négociation, les règles
suivantes s’appliquent :
l’administration se prononce sur la répartition du personnel et
des sièges entre les collèges électoraux, sur la reconnaissance
de la qualité d’établissement distinct, ainsi que le nombre
d’établissements,
les dispositions légales s’appliquent concernant le nombre et la
composition des collèges électoraux.

399
§3 Les collèges électoraux

I. Le nombre et la composition des collèges

Les électeurs sont, par principe, répartis dans deux collèges :


er
le 1 collège : les ouvriers et employés,
e
le 2 collège : les ingénieurs, chefs de service, techniciens,
agents de maîtrise et assimilés (C. trav., art. L. 2314-11).

400
Il existe cependant des exceptions pour l’élection du CSE depuis
o
l’ordonnance n 2017-1386 du 22 septembre 2017 :
Dans les entreprises de 11 à 25 salariés :
Dans les établissements ou les entreprises n’élisant qu’un
titulaire et un suppléant, il est mis en place pour chacune de ces
élections un collège électoral unique regroupant l’ensemble des
catégories professionnelles (C. trav., art. L. 2314-11, al. 6).
Dans les entreprises de plus de 25 salariés :
Dans les entreprises, quel que soit leur effectif, dont le nombre
des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs,
commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la
classification est au moins égal à 25 au moment de la
constitution ou du renouvellement du comité, ces catégories
constituent un troisième collège (C. trav., art. L. 2314-11, al. 5).

La modification du nombre de collèges peut être prévue par un


accord unanime entre employeur et syndicats représentatifs dans

401
l’entreprise (C. trav., art. L. 2314-12).

II. La répartition du personnel et des sièges entre


les collèges

• Répartition du personnel
Une fois déterminés le nombre et la composition des collèges
électoraux, l’accord préélectoral doit répartir le personnel au sein de
ces derniers.

Pour procéder à cette répartition, il faut s’attacher aux fonctions


réellement exercées par les salariés, peu importe la qualité en
o
laquelle ils les accomplissent (Cass. soc., 30 janv. 1985 n 84-
60.484).

Cette répartition fait l’objet d’un accord entre l’employeur et les


organisations syndicales conclu selon le principe de la double
majorité (C. trav., art. L. 2314-13).
Lorsqu’au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation
à négocier de l’employeur et que l’accord ne peut être obtenu, le
directeur départemental du travail procède à cette répartition.

Une fois les salariés répartis entre les différents collèges, le chef
d’entreprise établit une liste nominative des électeurs de chaque
collège après vérification de l’électorat des salariés.

• Répartition des sièges


Une fois connu le nombre de sièges, il convient de répartir les sièges
à pourvoir entre les collèges.

402
Cette répartition fait l’objet d’un accord entre l’employeur et les
organisations syndicales intéressées, conclu selon la double
condition de majorité (C. trav., art. L. 2314-13).

Le Code du travail ne précise pas les modalités de cette répartition.

Il précise uniquement que dans les entreprises de 501 salariés et


plus, les ingénieurs, les chefs de service et cadres administratifs,
commerciaux ou techniques assimilés ont au moins un délégué
titulaire au sein du deuxième collège (C. trav., art. L. 2314-11, al. 2).

En pratique, la répartition des sièges entre les différentes catégories


du personnel se fait proportionnellement à l’importance numérique
des effectifs de chaque collège.

À défaut d’accord, le directeur départemental du travail et de l’emploi


procède à cette répartition.

Le Code du travail précise désormais que le DREETS saisi pour


procéder à la répartition du personnel dans les collèges électoraux et à la
répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel doit prendre sa
décision dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la contestation
(C. trav., art. R 2314-3, al. 2).

À défaut de décision à l’expiration du délai de 2 mois, l’employeur ou les syndicats


intéressés peuvent saisir, dans le délai de 15 jours, le tribunal judiciaire afin qu’il
soit statué sur la répartition (C. trav., art. R 2314-3, al. 3).

§4 L’électorat et l’éligibilité

I. Les conditions d’électorat

403
Pour être électeur, il faut être âgé de seize ans révolus, avoir
travaillé trois mois au moins dans l’entreprise et n’avoir fait l’objet
d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à ses droits
civiques (C. trav., art. L. 2314-18).
Quatre conditions doivent ainsi être réunies :
être âgé de 16 ans révolus ;
être salarié de l’entreprise (c’est-à-dire, être lié à l’entreprise par
un contrat, peu importe qu’il s’agisse d’un contrat à durée
déterminée ou indéterminée, à temps partiel ou à temps plein) ;
travailler dans l’entreprise depuis au moins 3 mois ;
jouir de la capacité électorale.

Jurisprudence
Ces conditions s’apprécient à la date du premier tour des élections (Cass.
o
soc., 30 oct. 2001, n 00-60.341). Un protocole préélectoral ne peut pas y déroger
car cela priverait les salariés des droits électoraux qu’ils tiennent de la loi (Cass.
o
soc., 25 oct. 2017, n 16-17.740).

o
Par une décision n 2021-947 QPC du 19 novembre 2021, le Conseil
constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article L. 2314-18 du Code du
o
travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n 2017-1386 du
22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et
économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des
responsabilités syndicales. L’abrogation de ces dispositions est toutefois reportée
au 31 octobre 2022. Les mesures prises avant cette date en application des
dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur
le fondement de cette inconstitutionnalité.

404
Il n’existe aucune condition de nationalité.

Le chef d’entreprise ainsi que les salariés titulaires d’une délégation


particulière d’autorité établie par écrit permettant de les assimiler au
chef d’entreprise ne sont ni électeurs, ni éligibles.

En ce sens, la Cour de cassation a précisé que ne peuvent exercer


un mandat de représentation les salariés qui, soit disposent d’une
délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être
assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement
l’employeur devant les institutions représentatives du personnel
o
(Cass. soc., 15 mai 2019, n 18-19.862).

II. Les conditions d’éligibilité

Sont éligibles aux fonctions de représentant du personnel élu :


les électeurs ;
âgés de dix-huit ans révolus ;
et travaillant dans l’entreprise depuis un an au moins ;
à l’exception des conjoint, partenaire d’un pacte civil de
solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et
alliés au même degré de l’employeur.
Ces conditions s’apprécient à la date du premier tour des élections
o
(Cass. soc,. 7 oct. 1998, n 97-60.292).

Les salariés travaillant à temps partiel simultanément dans plusieurs


entreprises ne sont éligibles que dans l’une de ces entreprises. Ils
choisissent celle dans laquelle ils font acte de candidature (C. trav.,
art. L. 2314-19, al. 2).

405
Dans les entreprises de travail temporaire ou de portage salarial, les
conditions d’ancienneté sont, pour les salariés temporaires ou en
portage salarial, de trois mois pour être électeur et de six mois pour
être éligible (C. trav., art. L. 2314-20 et L. 2314-21).

Les salariés mis à disposition, qui ne sont ni des salariés


temporaires ni en portage salarial, ne sont pas éligibles dans
er
l’entreprise utilisatrice (C. trav., art. L. 2314-23, al. 1 ).

III. Les candidatures

Pour le premier tour des élections, les syndicats intéressés (cf. les
parties à la négociation du protocole électoral) ont le monopole pour
présenter des candidats (C. trav., art. L. 2314-29).

La liste se compose en principe du même nombre de candidats que


de sièges à pourvoir.

Le Code du travail impose que les listes comportant plusieurs


candidats doivent être composées d’un nombre de femmes et
d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits
sur la liste électorale (C. trav., art. L. 2314-30).

Un second tour est organisé si le premier tour des élections n’a pas
permis de pourvoir tous les sièges.

Pour ce second tour, les candidatures sont libres (C. trav., art. L.
2314-29).

La Cour de cassation a jugé que la parité femmes-hommes ne


s’applique qu’aux candidatures présentées par les syndicats. Elle ne

406
s’applique donc pas aux candidatures libres présentées au second
o
tour (Cass. soc., 25 nov. 2020, n 19-60.222).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– E. JEANSEN, Le protocole d’accord préélectoral organisant
l’élection des membres du comité social et économique, JCP S
2017, p. 9
– H. NASOM-TISSANDIER, Négociation du protocole d’accord
o
préélectoral : précisions inédites, JSL, n 446, 25 janv. 2018, p. 12

407
SOUS-TITRE 2
LE DROIT SYNDICAL

o
Fiche n 34 La liberté syndicale
o
Fiche n 35 La représentativité syndicale
o
Fiche n 36 L’activité des syndicats dans l’entreprise

408
o
Fiche n 34 La liberté syndicale

L’ESSENTIEL

La liberté syndicale est une liberté internationalement et


constitutionnellement protégée. Elle implique la liberté de créer un
syndicat, d’adhérer au syndicat de son choix, de n’adhérer à aucun
syndicat ou de se retirer d’un syndicat.

LES CONNAISSANCES

La liberté syndicale est issue du droit de tout travailleur de défendre


ses intérêts par l’action syndicale.

Elle est inscrite dans de nombreux textes de droit international et


européen :
o
au niveau international : selon l’article 2 de la Convention n 87
de l’organisation internationale du travail, « les travailleurs et les
employeurs sans distinction d’aucune sorte ont le droit, sans
autorisation préalable, de constituer des organisations de leur
choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations ».
L’article 8 du Pacte international de 1966 relatifs aux droits
économiques, sociaux et culturels consacre « le droit qu’a toute

409
personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier
au syndicat de son choix ».
au niveau européen : aux termes de l’article 11 de la Convention
de sauvegarde des droit de l’homme et des libertés
fondamentales : « toute personne a droit à la liberté de réunion
pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de
fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des
syndicats pour la défense de ses intérêts ». En ce sens,
l’article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne pose la règle selon laquelle « toute personne a
droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association
à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique,
syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de
fonder avec d’autres des syndicats et de s’y affilier pour la
défense de ses intérêts ».
La liberté syndicale est également une liberté constitutionnellement
protégée. Le préambule de la Constitution de 1946 prévoit que « tout
homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale
et adhérer au syndicat de son choix ».

La liberté syndicale présente une forme positive (§ 1) et une forme


négative (§ 2).

§1 La liberté syndicale positive

I. La liberté de créer un syndicat

A Les conditions de fond


L’article L. 2131-2 du Code du travail dispose que les syndicats ou
associations professionnels de personnes exerçant la même

410
profession, des métiers similaires ou des métiers connexes
concourant à l’établissement de produits déterminés ou la même
profession libérale peuvent se constituer librement.

Deux conditions de fond liées à l’activité des personnes fondatrices


du syndicat sont donc requises :
l’exercice d’une profession : par principe, seules les personnes
exerçant une activité professionnelle peuvent participer à la
création d’un syndicat, quelle que soit la profession exercée.
Cependant, les personnes qui ont cessé d’exercer leur activité
professionnelle peuvent adhérer ou continuer à adhérer à un
syndicat professionnel de leur choix (C. trav., art. L. 2141-2).
la similitude des professions exercées : les personnes
fondatrices du syndicat doivent exercer une profession
identique, similaire ou connexe. À défaut, le groupement ne
peut pas se prévaloir de la qualité de syndicat.
Par ailleurs, l’objet du syndicat doit être licite. La Cour de cassation a
en effet jugé qu’un syndicat professionnel « ne peut pas être fondé
sur une cause ou en vue d’un objet illicite » (Cass. ch. mixte, 10 avr.
o
1998, n 97-13.137).

Aux termes de l’article L. 2131-1 du Code du travail, le syndicat doit


avoir exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi
que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels,
des personnes visées par leurs statuts. Il ne peut donc pas exercer
une activité commerciale ou exclusivement politique (Cass. ch.
o
mixte, 10 avr. 1998, n 97-13.137).

La méconnaissance de ces conditions de fond relatives à la création


d’un syndicat expose ce dernier :

411
à une action en contestation de la qualité de syndicat
professionnel ou en annulation à la demande de toute personne
o
justifiant d’un intérêt à agir (Cass. ch. mixte, 10 avr. 1998, n 97-
13.137) ;
er
à une amende de 3 750 euros (C. trav., art. L. 2136-1, al. 1 ) ;
ou à une action en dissolution diligentée par le Procureur de la
République (C. trav., art. L. 2136-1, al. 2).

B Les conditions de forme


La création d’un syndicat n’est conditionnée par aucune procédure
préalable d’autorisation.

Les seules formalités imposées par la loi sont :


la rédaction de statuts. Les statuts indiquent habituellement le
nom du syndicat, son objet, son siège, le nom des premiers
administrateurs, le montant des cotisations etc.
le dépôt des statuts auprès de la mairie de la localité où le
syndicat est établi. Le maire communique ensuite ces statuts au
Procureur de la République (C. trav., art. R. 2131-1).
Le respect de ces formalités conditionne l’acquisition de la
personnalité morale et donc la possibilité pour l’organisation
syndicale de créer une section syndicale, de désigner des
représentants, d’agir en justice, d’acquérir un patrimoine ou de
contracter.

À défaut, le syndicat ne constitue qu’une association non déclarée.

II. La liberté d’adhérer au syndicat de son choix

412
Tout salarié peut librement adhérer au syndicat de son choix. Cette
règle est proclamée par l’article 6 du préambule de la Constitution de
1946 et par l’article L. 2141-1 du Code du travail.

La liberté d’adhérer au syndicat de son choix est ouverte à tout


salarié, quels que soient son origine, son sexe, ses mœurs, son
orientation sexuelle, son identité de genre, son âge, sa situation de
famille, ses caractéristiques génétiques, ses convictions religieuses
ou tout autre motif inscrit à l’article L. 1132-1 du Code du travail
(C. trav., art. L. 2141-1).

Cette liberté est renforcée par le principe de non-discrimination qui


s’applique tant au moment de l’embauche que de l’exécution du
o
contrat de travail ou de sa rupture (V. Fiche n 20).

Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les


personnes physiques à raison de leurs activités syndicales (C. pén.,
art. 225-1).

Il est ainsi interdit à l’employeur de prendre en considération


l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale
pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de
conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle,
d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de
mesures de discipline et de rupture du contrat de travail (C. trav., art.
L. 2141-5).

La liberté d’adhérer au syndicat de son choix est également garantie


par l’interdiction qui est faite à l’employeur de faire pression en
faveur ou à l’encontre d’un syndicat (C. trav., art. L. 2141-7).

413
Ces dispositions sont d’ordre public, de sorte qu’aucun accord ou
convention ne peut y déroger. Toute mesure prise par l’employeur en
violation de ces dispositions est considérée comme abusive, donne
lieu à dommages et intérêts (C. trav., art. L. 2141-8) et constitue une
entrave à l’exercice du droit syndical (C. trav., art. L. 2146-1).

L’employeur peut alors engager sa responsabilité pénale (C. trav.,


art. L. 2146-2).

§2 La liberté syndicale négative

I. La liberté de n’adhérer à aucun syndicat

Tout salarié est libre de n’adhérer à aucun syndicat. Cette liberté


conduit à engager la responsabilité de quiconque tenterait d’y porter
atteinte.

La mise à l’index est ainsi proscrite. Cette pratique « consiste à


interdire à une personne d’exercer son activité professionnelle […]
en faisant appel à d’autres personnes ou pression sur elles pour
qu’elles refusent ou rompent les rapports d’ordre professionnel avec
la personne visée » (VERDIER, Syndicat et droit syndical, in Traité
de droit du travail, t. V, vol. 1, Liberté, structures, action, 2e éd.,
o
1984, Dalloz, n 181).

Si la mise à l’index utilisée dans le but de contraindre un salarié à


adhérer à un syndicat n’est plus pénalement sanctionnée, elle peut
engager la responsabilité civile de ses auteurs.

Elle peut également entraîner la mise en jeu de la responsabilité


pénale de l’employeur qui, cédant à la pression, licencierait la

414
personne mise à l’index. Il tomberait, en effet, sous le coup des
dispositions précitées relatives à la non-discrimination syndicale
(C. trav., art. L. 2141-5).

Les clauses dites « d’entreprise fermée » (ou sécurité syndicale,


closed chop, union shop) sont également prohibées par le droit
français. Ces clauses, admises dans certains pays, conditionnent
l’embauche des salariés à leur adhésion à un syndicat. Contraires
au principe de non-discrimination, elles sont nulles.

Le droit européen écarte également ces clauses qu’il juge


« contraires à la liberté d’association posée à l’article 11 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales » (CEDH, Gde. ch., 11 janv. 2006, aff.
o o
n 52562/99, Sorensen c/ Danemark et n 52620/99, Rasmussen c/
Danemark).

De même, la liberté syndicale de n’adhérer à aucun syndicat est


garantie par l’interdiction à l’employeur de prélever les cotisations
syndicales sur les salaires de son personnel et de les payer au lieu
et place de celui-ci (C. trav., art. L. 2141-6) ou de conditionner le
bénéfice d’une convention collective à l’adhésion à un syndicat
(C. trav., art. L. 2141-5).

II. la liberté de se retirer d’un syndicat

Tout membre d’un syndicat professionnel peut s’en retirer à tout


instant, même en présence d’une clause contraire (C. trav., art.
L. 2141-3).

415
Il en résulte que ni l’employeur, ni le syndicat ne peut empêcher ou
contraindre un salarié à quitter un syndicat. En ce sens, il a été jugé
que la liberté de retrait d’un adhérent d’un syndicat ne peut être
limitée par une clause conventionnelle (Cass. soc., 23 juin 1988,
o
n 87-11.695).

La loi ne prévoit aucune formalité de démission. Elle prévoit


uniquement que le syndicat peut réclamer la cotisation
correspondant aux six mois qui suivent le retrait d’adhésion (C. trav.,
art. L. 2141-3).

POUR ALLER PLUS LOIN…

– F. PETIT, Droits syndicaux dans l’entreprise et liberté syndicale, La


Documentation française, 2014
o er
– L. PECAUT-RIVOLIER, La liberté syndicale, RDT, n 6, 1 juin
2014, p. 403

416
o
Fiche n 35 La représentativité syndicale

L’ESSENTIEL

La représentativité syndicale désigne l’aptitude d’une organisation


syndicale à s’exprimer, agir au nom d’une collectivité et défendre ses
intérêts. Elle confère aux organisations syndicales certaines
prérogatives telles que le droit de désigner des délégués syndicaux
ou celui de négocier et conclure des conventions et accords
collectifs.

LES CONNAISSANCES

Toutes les organisations syndicales ne sont pas représentatives.


Pour se prévaloir de cette qualité, encore faut-il satisfaire aux
dispositions relatives aux modalités d’accès à la représentativité
(§ 1). Une fois acquise, la représentativité d’un syndicat lui confère
un certain nombre de prérogatives essentielles (§ 2).

§1 L’accès à la représentativité

I. La représentativité des organisations syndicales


de salariés

417
Les règles de représentativité des syndicats de salariés ont été
profondément réformées par la loi 2008-789 du 20 août 2008.
Jusque-là, et depuis 1968, deux modes d’acquisition de la
représentativité coexistaient :
la représentativité présumée : les 5 grandes centrales
syndicales (CGT : Confédération générale du travail ; CFDT :
Confédération française démocratique du travail ; FO : Force
ouvrière ; CFTC : Confédération française des travailleurs
chrétiens et CFE-CGC : Confédération française de
l’encadrement – Confédération générale des cadres) et les
syndicats qui leur étaient affiliés bénéficiaient d’une présomption
de représentativité de plein droit à tous les niveaux (entreprise,
branche et national). Cette présomption était irréfragable, de
sorte qu’il était impossible de la remettre en cause ;
la représentativité prouvée : les syndicats qui n’étaient pas
affiliés à l’un des 5 grandes centrales représentatives devaient
prouver leur représentativité sur la base d’anciens critères
o
définis par la loi n 50-205 du 11 février 1950 : les effectifs,
l’indépendance, les cotisations, l’expérience et l’ancienneté du
syndicat, l’attitude patriotique pendant l’occupation.
La loi du 20 août 2008 a mis fin à la représentativité présumée au
profit d’une représentativité prouvée, fondée sur des critères
rénovés.

A Les critères de la représentativité


L’article L. 2121-1 du Code du travail pose les sept critères
cumulatifs de la représentativité des organisations syndicales
pensés pour renforcer la légitimité des syndicats.

1 Le respect des valeurs républicaines

418
Le critère du respect des valeurs républicaines remplace celui de
l’attitude patriotique au cours de la seconde guerre mondiale,
consacré en 1948 et devenu obsolète.

La loi ne donne aucune définition de ce critère. Selon la position


commune du 9 avril 2008, « le respect des valeurs républicaines
implique le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou
religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout
intégrisme et de toute intolérance ».

Le respect des valeurs républicaines fait ainsi écho à la


jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle un syndicat ne
peut pas être fondé sur une cause ou en vue d’un objet illicite, ce qui
est le cas d’un syndicat poursuivant des objectifs essentiellement
politiques et agissant contrairement aux principes de non-
discrimination contenus dans la Constitution, les textes à valeur
constitutionnelle et les engagements internationaux auxquels la
o
France est partie (Cass. ch. mixte, 10 avr. 1998, n 97-13.137).

Ce critère est présumé, de sorte que c’est à celui qui conteste le


respect des valeurs républicaines d’apporter la preuve de sa
o
contestation (Cass. soc., 13 oct. 2010, n 10-60.130).

Le respect des valeurs républicaines s’apprécie au regard de l’action


réelle du syndicat, peu important les mentions figurant dans ses
o
statuts (Cass. soc., 13 oct. 2010, n 10-60.130).

Il a ainsi été jugé que la référence à la lutte des classes et à la


suppression de l’exploitation capitaliste dans les statuts d’un

419
syndicat ne méconnaît aucune valeur républicaine (Cass. soc., 25
o
janv. 2016, n 14-29.308).

2 L’indépendance
Ce critère de l’indépendance existait déjà sous l’ancienne législation.
La représentation effective des intérêts des salariés suppose que le
syndicat soit indépendant à l’égard des employeurs.

L’indépendance est également un critère présumé. Il appartient à la


personne qui conteste l’indépendance d’une organisation syndicale
o
d’en apporter la preuve (Cass. soc., 22 juill. 1981, n 81-60.695).

Peuvent être révélateurs de l’absence d’indépendance d’un syndicat


à l’égard de l’employeur les agissements d’un syndicat qui se
contente de critiquer les autres syndicats présents dans l’entreprise
o
(Cass. soc., 23 févr. 1973, n 73-60.110) ou la perception d’une
subvention patronale par la direction de l’entreprise constituant
o
l’unique ressource du syndicat (Cass. soc., 31 janv. 1973, n 72-
60.09).

En revanche, le fait pour un syndicat de disposer de l’appui financier


de la confédération à laquelle il est affilié ne lui fait pas perdre son
o
indépendance financière (Cass. soc., 26 févr. 2020, n 19-19.397).

3 La transparence financière
Le critère de la transparence financière a été introduit par la loi du
20 août 2008. Il implique le respect de certaines règles comptables.
Les petits syndicats aux faibles ressources peuvent se contenter de
tenir un livre comptable mentionnant les recettes et les dépenses

420
(C. trav., art. D. 2135-4). Les syndicats plus importants sont, pour
leur part, soumis à la tenue d’une comptabilité plus rigoureuse
(C. trav., art. L. 2135-1 à L. 2135-6).

La Cour de cassation a cependant estimé que les documents


comptables dont la loi impose la confection et la publication ne
constituent que des éléments de preuve de la transparence
financière, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d’autres
o
documents produits par le syndicat (Cass. soc., 29 févr. 2012, n 11-
13.748).

La transparence financière peut se prouver par d’autres moyens.

4 Une ancienneté minimale de deux ans


Pour être considérés comme représentatifs, les syndicats doivent
justifier d’une ancienneté minimale de deux ans dans le champ
professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation.

Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal des


statuts. Cette règle exclue qu’un syndicat nouvellement créé puisse
accéder à la représentativité, même s’il est composé de membres
expérimentés. En revanche, le changement d’affiliation d’un syndicat
ne lui fait pas perdre son ancienneté (Cass. soc., 3 mars 2010,
o
n 09-60.283).

La Cour de cassation a jugé que cette condition d’ancienneté ne


porte atteinte ni au principe de la liberté syndicale ni au principe
d’égalité entre organisations syndicales (Cass. soc., QPC 20 oct.
o
2011, n 11-60.203).

421
5 L’audience
La loi du 20 août 2008 a fait de l’audience électorale le critère phare
de la représentativité des organisations syndicales de salariés.
Les dispositions relatives à l’audience sont d’ailleurs d’ordre public
o
absolu (Cass. soc., 15 oct. 2015, n 14.25-375). Ni un accord
collectif, ni l’employeur, ne peuvent ainsi reconnaître la qualité
d’organisation syndicale représentative à un syndicat ne satisfaisant
o
pas au critère d’audience (Cass. soc., 18 mai 2011, n 10-60.406).

Pour être déclaré représentatif, un syndicat doit avoir obtenu au


niveau de l’entreprise ou de l’établissement 10 % des suffrages
valablement exprimés aux dernières élections professionnelles
(C. trav., art. L. 2122-1).

Les résultats électoraux s’apprécient au niveau de l’entreprise ou au


niveau de l’établissement lorsque sont mis en place des comités
d’établissement.

Jusqu’à présent, le scrutin à prendre en compte était celui du


premier tour des élections des membres titulaires au comité
d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut,
des délégués du personnel.

Depuis l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017, le scrutin à prendre en


compte est celui des membres titulaires du CSE.

Le nombre de votants importe peu, de sorte que le premier tour doit


nécessairement être dépouillé (Circ. DGT 20 du 13 nov. 2008). De

422
plus, les suffrages exprimés s’entendent hors bulletin blancs ou nuls
(Circ. DGT 20 du 13 novembre 2008).

Un syndicat peut ainsi devenir représentatif avec une audience de


20 % en ayant obtenu 2 voix alors que seuls 10 électeurs se sont
prononcés sur 50 inscrits. Dans le même sens, un syndicat peut
devenir représentatif avec une audience de 33,33 % si, sur 10
votants, 2 salariés ont voté pour lui et 4 ont glissé un bulletin blanc
ou nul.

Au niveau des branches professionnelles et au niveau national


interprofessionnel, l’audience requise est réduite à 8 %.

Depuis l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017, les scores électoraux


sont obtenus en additionnant :

– les suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires du
CSE ;

– les suffrages exprimés lors du scrutin spécifique organisé dans les entreprises
de moins de 11 salariés (C. trav., art. L. 2122-5 et L. 2122-8).

La reconnaissance de la représentativité au niveau de la branche


suppose par ailleurs une implantation territoriale équilibrée (C. trav.,
art. L. 2122-5). Ainsi, le syndicat doit avoir des adhérents répartis de
manière équilibrée sur l’ensemble du champ géographique couvert
o
par la branche (Rapport AN n 992).

Une condition supplémentaire est également posée pour que la


représentativité d’un syndicat au niveau national et
interprofessionnel soit reconnue : les confédérations syndicales

423
doivent être représentatives dans les branches à la fois de
l’industrie, de la construction, du commerce et des services (C. trav.,
art. L. 2122-9).

Le législateur a confié à un Haut conseil du dialogue social le soin


de recueillir et de consolider les résultats électoraux. Le ministère du
Travail arrête ensuite la liste des organisations syndicales
représentatives au niveau de la branche et au niveau national et
interprofessionnel (C. trav., art. L. 2122-11 et R. 2122-1).

Cette liste a été publiée le 28 juillet 2021. Sont représentatives la


CGT, la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC.

Les syndicats catégoriels font l’objet de règles dérogatoires de


mesure de l’audience syndicale. Ces syndicats ne représentent
qu’une catégorie de salariés.

Tel est le cas de la CFE-CGC dont l’objet est de défendre les intérêts
des travailleurs cadres. Ce type de syndicat n’a donc vocation à
présenter des candidats que dans certains collèges électoraux
déterminés. Obtenir 8 % ou 10 % des suffrages apparaît
particulièrement difficile.

La loi du 20 août 2008 a décidé de prendre en compte cette


particularité. Le Code du travail prévoit que leur score électoral n’est
calculé que dans les seuls collèges électoraux dans lesquels leurs
règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats
(C. trav., art. L. 2122-2, L. 2122-7 et L. 2122-10).

Autrement dit, le franchissement du seuil de 8 % ou 10 % n’est


apprécié qu’au regard des résultats obtenus auprès des salariés

424
qu’ils entendent représenter.

6 L’influence
L’influence est prioritairement caractérisée par l’activité et
l’expérience. L’activité est appréciée au regard de la réalité des
actions menées par le syndicat (distribution de tracts, organisation
de réunions, participation aux négociations, présentation de
candidats aux élections etc.

L’expérience s’entend des actions qui ont pu être menées par le


syndicat, des dossiers qu’il a eu à gérer ou des problèmes auxquels
il a été confronté.

L’adverbe « prioritairement » permet au juge de tenir compte


d’autres éléments que l’activité et l’expérience pour apprécier
l’influence d’une organisation syndicale.

La chambre sociale a précisé que « les actions du syndicat ne


pouvaient être écartées au titre du critère d’influence au motif
qu’elles avaient été menées conjointement avec d’autres
o
organisations » (Cass. soc., 29 févr. 2012, n 11-13.748). De même,
les juges peuvent prendre en considération des actions menées par
un syndicat alors qu’il était affilié à une confédération syndicale dont
o
il s’est par la suite désaffilié (Cass. soc., 28 sept. 2011, n 10-
26.545).

7 Les effectifs d’adhérents et les cotisations.


Le critère de l’effectif existait déjà sous l’ancienne législation. Pour
être influent et mener efficacement ses actions, l’organisation
syndicale doit compter plusieurs adhérents. L’appréciation de ce

425
critère est cependant relative. L’importance des effectifs peut en effet
être appréciée par le juge en comparaison avec ceux des autres
o
syndicats (Cass. soc., 18 mars 1975, n 74-60.136).

La perception de cotisations assure l’indépendance du syndicat à


l’égard de l’employeur et permet au syndicat de mener à bien son
action syndicale.

Cependant, la loi ne fixe aucun seuil minimal de cotisations. Il


appartient par conséquent aux juges d’apprécier souverainement si
les cotisations perçues sont suffisantes ou non.

B L’appréciation de la représentativité
La représentativité est régie par le principe de concordance. La
représentativité du syndicat s’apprécie au niveau où doit s’exercer la
prérogative invoquée.

Ainsi, désigner un délégué syndical dans un établissement nécessite


d’être représentatif dans celui-ci, peu important le résultat obtenu
dans l’ensemble des établissements de l’entreprise (Cass. soc.,
o
14 déc. 2010, n 10-14.751).

Inversement, la désignation d’un délégué syndical central suppose


une représentativité au niveau de l’ensemble de l’entreprise. Pour
participer à la négociation d’un accord de branche, le syndicat doit
démontrer sa représentativité au niveau de la branche, etc.

Une seconde règle guide l’appréciation de la représentativité. Celle-


ci est acquise pour toute la durée d’un cycle électoral, par principe
o
4 ans, jusqu’à la prochaine mesure (Cass. soc., 7 déc. 2016, n 15-

426
26.855). Ainsi, les élections intermédiaires pouvant intervenir en
cours de cycle ne peuvent pas avoir d’effet sur la représentativité
o
d’un syndicat (Cass. soc., 13 févr. 2013, n 12-18.098).
Autrement dit, si une organisation syndicale représentative n’obtient
pas 10 % lors des élections intermédiaires, elle demeure
représentative alors même qu’elle n’est plus légitime à représenter
les salariés. Cette règle a pour objectif de favoriser la stabilité et la
sécurité des négociations collectives dès lors qu’elle évite les
contestations de la représentativité à chaque exercice d’une
prérogative nécessitant d’être représentatif.

L’article L. 2121-1 du Code du travail pose le caractère cumulatif des


différents critères de représentativité. Pour être représentatif, un
syndicat doit donc, par principe, réunir les 7 critères.

Jurisprudence
La Cour de cassation a cependant jugé que si les critères tenant au respect
des valeurs républicaines, à l’indépendance et à la transparence financière doivent
être satisfaits de manière autonome, ceux relatifs à l’influence prioritairement
caractérisée par l’activité et l’expérience, aux effectifs d’adhérents et aux
cotisations, à l’ancienneté dès lors qu’elle est au moins égale à deux ans et à
l’audience dès lors qu’elle est au moins égale à 10 % des suffrages exprimés,
o
doivent faire l’objet d’une appréciation globale (Cass. soc., 29 févr. 2012, n 11-
13.748).

Ainsi, la faiblesse des effectifs pourrait être compensée par une forte
activité ou une audience importante.

II. La représentativité des organisations syndicales


patronales

427
o
La loi n 2014-288 du 5 mars 2014 a pour la première fois définies
les règles relatives à la représentativité des organisations patronales
au niveau de la branche, au niveau national et interprofessionnel.

Aux termes de l’article L. 2151-1 du Code du travail, la


représentativité des organisations professionnelles d’employeurs
repose sur six critères cumulatifs, largement inspirés des critères
appliqués aux syndicats de salariés :
le respect des valeurs républicaines,
l’indépendance,
la transparence financière, critère qui repose sur le caractère
obligatoire de la certification des comptes, quel que soit le
niveau de ressources, pour toutes les organisations syndicales
souhaitant être reconnues représentatives au niveau de la
branche ou au niveau national et interprofessionnel,
une ancienneté minimale de deux ans dans le champ
professionnel et géographique couvrant le niveau de
négociation. Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date
de dépôt légal des statuts,
l’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et
l’expérience,
l’audience, qui ne se mesure pas à l’occasion d’élections, mais
en fonction du nombre d’entreprises volontairement adhérentes
ou du nombre de salariés employés par les entreprises
adhérentes. Le seuil requis est de 8 % de l’ensemble des
entreprises adhérant à des organisations patronales de la
branche s’étant portées candidates à la procédure de
reconnaissance de représentativité ou au moins 8 % des
salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d’entreprises
adhérentes et de salariés est attesté par un commissaire aux

428
comptes. La mesure de l’audience s’effectue tous les 4 ans
(C. trav., art. L. 2152-1).
Au niveau des branches, les organisations syndicales
représentatives doivent également disposer d’une implantation
territoriale équilibrée (C. trav., art. L. 2152-1).

Au niveau national et interprofessionnel les organisations


adhérentes à l’organisation nationale interprofessionnelle doivent
être représentatives à la fois dans des branches de l’industrie, de la
construction, du commerce et des services (C. trav., art. L. 2152-4).

o
Enfin, la loi n 2014-288 du 5 mars 2014 a créé une représentativité
au niveau national et multi-professionnel en faveur des organisations
patronales de secteurs non représentés par les organisations
patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il
s’agit principalement des professions libérales, de l’économie sociale
et solidaire, de l’agriculture et du spectacle.

La loi prévoit que sont représentatives au niveau national et multi-


professionnel les organisations professionnelles d’employeurs :
qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines,
d’indépendance, de transparence financière, d’ancienneté
minimale de deux ans et d’influence ;
qui sont représentatives, ou dont les organisations adhérentes
sont représentatives dans au moins dix conventions collectives
relevant soit des professions agricoles, soit des professions
libérales, soit de l’économie sociale et solidaire, soit du
spectacle vivant et enregistré et ne relevant pas du champ
couvert par les organisations professionnelles représentatives
au niveau national et interprofessionnel ;

429
auxquelles adhèrent au moins quinze organisations relevant soit
des professions agricoles, soit des professions libérales, soit de
l’économie sociale et solidaire, soit du spectacle vivant et
enregistré ;
qui justifient d’une implantation territoriale couvrant au moins un
tiers du territoire national, soit au niveau départemental, soit au
niveau régional (C. trav., art. L. 2152-2).

§2 Les prérogatives attachées à la représentativité

Les syndicats représentatifs de salariés partagent certaines


prérogatives avec les autres syndicats qui ne bénéficient pas de
cette qualité. Ils sont notamment convoqués par l’employeur à la
négociation du protocole préélectoral, présentent des candidats au
premier tour des élections des membres du CSE (C. trav., art.
L. 2314-5) et peuvent constituer une section syndicale (C. trav., art.
L. 2142-1).

Ils jouissent également de prérogatives spécifiques importantes.

Au niveau de l’entreprise, de la branche ou au niveau


interprofessionnel et national, les organisations syndicales
représentatives sont, en particulier, seules habilitées à désigner des
délégués syndicaux pour négocier des conventions et accords
collectifs.

Les organisations syndicales représentatives peuvent également


siéger, au niveau international, à la Conférence de l’Organisation
international du travail et, au niveau européen, au Comité
o
économique et social de l’Union européenne (V. Fiche n 67).

430
Au niveau national, elles participent à la Commission nationale de la
négociation collective, au Conseil économique, social et
environnemental, au Conseil supérieur de la prévention des risques
professionnels, etc.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– J.-F. CESARO, La représentation des syndicats dans l’entreprise,
JCP S 2012, p. 45
– M.-L. MORIN, Les nouveaux critères de la représentativité
syndicale dans l’entreprise, Dr. soc. 2011, p. 62

431
o
Fiche n 36 L’activité des syndicats dans
l’entreprise

L’ESSENTIEL

Aux termes de l’article L. 2141-4 du Code du travail, l’exercice du


droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises. Il s’organise
autour d’un organe, la section syndicale, et différents acteurs, parmi
lesquels les délégués syndicaux et les représentants de section
syndicale.

LES CONNAISSANCES

Les syndicats sont des groupements de personnes exerçant la


même profession, des métiers similaires ou connexes concourant à
l’établissement de produits déterminés (C. trav., art. L. 2131-2).

Ils ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi
que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels,
des personnes qu’ils représentent (C. trav., art. L. 2131-1).

Pour mener à bien leur mission, les syndicats peuvent exercer leur
action syndicale à l’extérieur de l’entreprise à l’occasion, notamment,

432
de la négociation collective au niveau de la branche ou
interprofessionnel et national ou d’action revendicative. Mais depuis
o
la loi du 27 décembre 1968 (L. n 68-1179, 27 déc. 1968, relative à
l’exercice du droit syndical dans les entreprises : JO 31 déc. 1968,
p. 12403), cette action syndicale a surtout vocation à se développer
au sein même de l’entreprise.

Elle s’organise autour de la section syndicale (§ 1), animée par les


représentants syndicaux (§ 2).

§1 La section syndicale

I. La constitution de la section syndicale

La création d’une section syndicale est une expression de la liberté


syndicale. Elle est possible dans toute entreprise ou établissement
quelle que soit sa taille (C. trav., art. L. 2142-1).

Sous l’ancienne législation, la création d’une section syndicale était


réservée aux seuls syndicats représentatifs. La loi du 20 août 2008 a
ouvert cette possibilité aux syndicats non représentatifs pour leur
permettre d’acquérir une certaine visibilité dans l’entreprise et
d’acquérir l’audience électorale nécessaire à la représentativité.

Une section syndicale peut ainsi être créée par (C. trav., art. L 2142-
1) :
chaque syndicat représentatif dans l’entreprise ou
l’établissement ;
chaque syndicat affilié à une organisation syndicale
représentative au niveau national et interprofessionnel ;

433
ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de
respect des valeurs républicaines et d’indépendance, est
légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le
champ professionnel et géographique couvre l’entreprise.
Les syndicats constitutifs de la section syndicale doivent
obligatoirement compter plusieurs adhérents dans l’entreprise ou
l’établissement (C. trav., art. L. 2412-1), c’est-à-dire, au moins 2, peu
important le faible effectif de l’entreprise (Cass. soc., 8 juill. 2009,
o
n 09-60.011).

La Cour de cassation a jugé qu’une union de syndicats ou une


confédération peut constituer une section syndicale et y désigner un
représentant, sauf stipulation contraire de ses statuts (Cass. soc.,
o o
8 juill. 2009, n 09-60.012 ; Cass. soc., 13 janv. 2010, n 09-60.155).
Pour ce faire, elles peuvent se prévaloir des adhérents des syndicats
o
qui leur sont affiliés (Cass. soc., 13 janv. 2010, n 09-60.155).

La création de la section syndicale n’est subordonnée à aucune


o
condition de forme ou de publicité (Cass. soc., 12 févr. 1970, n 69-
60.096). Les syndicats n’ont pas à demander l’autorisation de
l’employeur.

Pour établir la preuve de l’existence ou de la constitution d’une


section syndicale, le syndicat doit démontrer la présence d’au moins
o
deux adhérents dans l’entreprise (Cass. soc., 8 juill. 2009, n 09-
60,011).

En revanche, si l’employeur prétend que la section syndicale a


disparu, il doit en apporter la preuve par tout moyen (Cass. soc.,
o
21 sept. 1993, n 92-60.335).

434
II. Le rôle de la section syndicale

La section syndicale assure la représentation des intérêts matériels


et moraux de ses membres (C. trav., art. L 2142-1). Pourtant, ne
constituant qu’une émanation du syndicat, elle est dépourvue de
personnalité juridique.

Les membres de la section syndicale ont vocation à collecter les


cotisations syndicales auprès des adhérents. Cette collecte peut être
effectuée au sein de l’entreprise (C. trav., art. L. 2142-2).
La section syndicale est également chargée de l’élaboration et de la
diffusion de l’information syndicale par le biais de réunions,
d’affiches, de tracts, de publications, etc.

§2 Les représentants syndicaux

I. Le délégué syndical

Le délégué syndical ne peut être désigné que par un syndicat


représentatif qu’il représente au sein de l’entreprise.

Les délégués syndicaux ne peuvent être désignés, en principe, que


dans les entreprises ou établissements d’au moins 50 salariés
(C. trav., art. L. 2143-3). Le seuil d’effectif peut néanmoins être
abaissé ou supprimé par convention ou accord collectif.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les syndicats


représentatifs peuvent désigner un membre de la délégation du
personnel au CSE comme délégué syndical (C. trav., art. L. 2143-6).

Seuls les syndicats représentatifs peuvent procéder à la désignation


d’un délégué syndical.

435
Cette désignation est subordonnée à la constitution d’une section
syndicale (C. trav., art. L. 2143-3). Si un syndicat entend désigner un
délégué syndical dans un établissement, une section syndicale doit
avoir été constituée dans cet établissement (Cass. soc., 23 juin
o
2010, n 09-60.438).

Lorsque l’entreprise est divisée en établissements, il est possible de


désigner un délégué syndical dans chaque établissement distinct
dès lors qu’il atteint le seuil de 50 salariés.

Lorsque l’entreprise à établissements multiples compte au moins


2000 salariés, chaque syndicat représentatif peut également désigné
un délégué syndical central au niveau de l’entreprise (C. trav., art.
L. 2143-5). Ce délégué syndical central est distinct des délégués
syndicaux d’établissement.

En revanche, dans les entreprises de moins de 2000 salariés, un


délégué syndical d’établissement peut exercer les fonctions de
délégué syndical central (C. trav., art. L. 2143-5).

Le salarié désigné en qualité de délégué syndical doit :


être âgé de 18 ans révolus,
travailler dans l’entreprise depuis un an au moins,
ne pas être titulaire de pouvoirs de nature à l’assimiler au chef
d’entreprise,
n’avoir fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité
relative aux droits civiques (C. trav., art. L. 2343-1).
Par ailleurs, le salarié désigné doit avoir été choisi parmi les
candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins

436
10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections
au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants.

Toutefois, si aucun des candidats présentés par l’organisation


syndicale aux élections professionnelles ne remplit ces conditions,
s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun
candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions,
ou si l’ensemble des élus qui remplissent les conditions renoncent
par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical, une
organisation syndicale représentative peut désigner un délégué
syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses
adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement (C. trav., art.
L. 2143-3).

La désignation du délégué syndical peut être contestée par toute


personne ayant un intérêt devant le tribunal d’instance, seul tribunal
compétent en la matière. La contestation doit être introduite dans un
délai de 15 jours suivant la date d’effet de la désignation (C. trav.,
art. L. 2143-8). Le tribunal doit statuer dans les 10 jours.

Le délégué syndical a d’abord pour fonction de représenter le


syndicat représentatif dans l’entreprise ou l’établissement et
d’animer la section syndicale (C. trav., art. L. 2143-3).

Il a également l’exclusivité de la négociation et de la conclusion des


accords collectifs (C. trav., art. L. 2232-17). Autrement dit, dès lors
qu’il est présent dans l’entreprise, l’employeur a l’interdiction de
négocier avec un autre représentant du personnel.

Le délégué syndical assume par ailleurs une mission de


revendication. Les revendications diffèrent en théorie des

437
réclamations qui relèvent des fonctions des délégués du personnel.
Là où les premières ont pour but l’amélioration du droit existant, les
secondes portent sur l’application du droit existant. Il est cependant
parfois malaisé d’établir la frontière entre les deux.

Enfin, le délégué syndical peut être consulté par l’employeur sur


certains thèmes déterminés (mise en place du travail de nuit en
l’absence d’accord, organisation du travail en continu, etc.).

Le mandat de délégué syndical prend fin lorsque l’ensemble des


conditions cesse d’être réunies (C. trav., art. L. 2143-11), par sa
démission ou sa révocation par le syndicat désignataire (Cass. soc.,
o
25 oct. 2005, n 04-16.089).

Le mandat prend également fin lors du renouvellement des


institutions représentatives du personnel.

(C. trav., art. L. 2143-11)


À cet égard, l’article L. 2143-11 dispose que « le mandat de délégué syndical
prend fin au plus tard lors du premier tour des élections de l’institution
représentative du personnel renouvelant l’institution dont l’élection avait permis de
reconnaître la représentativité de l’organisation syndicale l’ayant désigné ».

II. Le représentant de section syndicale

Le représentant de la section syndicale est né de la loi du 20 août


2008. Il est désigné par un syndicat non représentatif pour le
représenter au sein de l’entreprise.

438
La désignation du représentant de section syndicale n’est autorisée
que dans les entreprises ou établissements d’au moins 50 salariés
(C. trav., art. L. 2142-1-1).

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le syndicat non


représentatif peut désigner un membre de la délégation du
personnel au CSE comme représentant de section syndicale
(C. trav., art. L. 2142-1-4).

Le représentant de section syndicale ne peut être désigné que par


un syndicat non représentatif. Le syndicat doit par ailleurs faire la
preuve de l’existence d’une section syndicale (C. trav., art. L. 2142-
1-1).

Chaque syndicat non représentatif désigne un seul représentant par


section, quel que soit l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement.

Le représentant de section syndicale a pour rôle d’animer la section


syndicale dans la perspective de permettre au syndicat d’atteindre,
aux prochaines élections professionnelles, une audience lui
permettant de devenir représentatif.

Il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical


(consultation, information, revendication), à l’exception de la plus
importante, c’est à dire celle de négocier et conclure des accords
collectifs (C. trav., art. L. 2142-1-1).

Par dérogation, le représentant de section syndicale peut disposer


du pouvoir de négocier, sur mandatement spécial en ce sens,
lorsqu’aucun délégué syndical n’a pu être désigné au sein de
l’entreprise (C. trav., art. L. 2143-23).

439
Le représentant de section syndicale exécute les tâches dévolues à
la section syndicale (affichage de communications, diffusion de
publication et de tracts, animation des réunions, collecte des
cotisations, etc.). Il dispose ainsi des moyens mis à disposition de la
section syndicale (panneaux d’affichage, local, possibilité de
réunion, etc.).

Le mandat du représentant de la section syndicale prend fin à l’issue


des premières élections professionnelles suivant sa désignation
(C. trav., art. L. 2142-1-1).

Deux hypothèses sont envisageables :


le syndicat atteint les 10 % de voix nécessaires pour être
représentatif : il désigne alors un délégués syndical (qui peut
être le représentant de section syndical) ;
le syndicat n’atteint pas les 10 % : le syndicat n’est pas
représentatif et le mandat du représentant de section syndicale
cesse automatiquement. Ce dernier ne peut pas être désigné à
nouveau comme représentant syndical au titre d’une section
jusqu’aux six mois précédant la date des élections
professionnelles suivantes dans l’entreprise. Un autre salarié
peut être désigné à sa place.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– E. JEANSEN, Du délégué syndical au représentant de la section
syndicale, JCP E 2013, p. 49
– J.-F. CESARO, La représentation des syndicats dans l’entreprise,
JCP S 2012, p. 45

440
SOUS-TITRE 3
LES INSTITUTIONS REPRÉSENTATIVES
ÉLUES

o
Fiche n 37 Les institutions représentatives élues avant
les ordonnances du 22 septembre 2017.
o
Fiche n 38 Le Comité social et économique –
Composition et fonctionnement
o
Fiche n 39 Le Comité social et économique – Attributions
o
Fiche n 40 Le Conseil d’entreprise
o
Fiche n 41 Les représentants de proximité

441
o
Fiche n 37 Les institutions
représentatives élues avant les ordonnances
du 22 septembre 2017

L’ESSENTIEL
o
Avant l’ordonnance n 2017-1386 du 22 septembre 2017, la
représentation élue dans l’entreprise était composée des délégués
du personnel, du comité d’entreprise et du CHSCT.

LES CONNAISSANCES
o
Les institutions représentatives élues avant l’ordonnance n 2017-
1386 du 22 septembre 2017 étaient au nombre de trois : les
délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT.

Les délégués du personnel (DP) étaient élus dans les entreprises


d’au moins 11 salariés. Ils avaient pour mission essentielle de
représenter les salariés et leurs réclamations auprès de l’employeur
(§ 1).

442
Le comité d’entreprise (CE) était mis en place dans les entreprises
d’au moins 50 salariés. Le comité d’entreprise assurait l’expression
collective des salariés. Il permettait la prise en compte de leurs
intérêts dans les décisions relatives à la gestion et l’évolution
économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à
la formation professionnelle et aux techniques de production (§ 2).

Enfin, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail


(CHSCT) était implanté dans les entreprises d’au moins 50 salariés.
Il était l’institution représentative du personnel en charge de
contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés
ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail l’entreprise (§ 3).

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, les délégués du


personnel pouvaient constituer la délégation du personnel au comité
d’entreprise et au CHSCT dans le cadre de la délégation unique du
personnel ou de l’instance regroupée (§ 4).

o
L’ordonnance n 2017-1386 du 22 septembre 2017 a consacré la fusion des
délégués du personnel, du CE et du CHSCT en une instance unique, le comité
social et économique (CSE). Ainsi, les délégués du personnel, les membres du
comité d’entreprise et les membres du CHSCT ont progressivement laissé place
au CSE. Ainsi, au plus tard le 31 décembre 2019, les mandats des anciennes
institutions représentatives du personnel ont pris fin et le CSE a été mis en place
dans toutes les entreprises concernées.

§1 Les délégués du personnel

I. La présentation des réclamations

443
La mission principale des délégués du personnel consistait à
présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives
des salariés (C. trav., art. L. 2313-1 ancien).

Ces réclamations se rapportaient :


aux salaires ;
à l’application du Code du travail et des autres dispositions
légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité ;
à l’application des conventions et accords applicables dans
l’entreprise.

II. L’intervention auprès de l’inspecteur du travail

Les délégués du personnel avaient pour mission de saisir


l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives
à l’application des dispositions légales dont elle est chargée
d’assurer le contrôle (C. trav., art. L. 2313-1 ancien).

Par ailleurs, lors de ses visites de l’entreprise, l’inspecteur du travail


se faisait accompagner par le délégué du personnel compétent
(C. trav., art. L 2313-11 ancien).

III. La liaison avec le comité d’entreprise et le CHSCT

Lorsqu’il existait un comité d’entreprise, les délégués du personnel


avaient qualité pour lui communiquer les suggestions et
observations du personnel sur toutes les questions entrant dans sa
compétence (C. trav., art. L. 2313-9 ancien).

Les délégués du personnel collaboraient également avec le CHSCT


lorsqu’il existait. Ainsi, ils avaient qualité pour lui communiquer les
suggestions et observations du personnel sur toutes les questions

444
entrant dans la compétence de ce comité (C. trav., art. L 2313-9
ancien). De plus, les délégués du personnel pouvaient saisir le
CHSCT de toute question relevant de sa compétence (C. trav., art.
L. 4612-13) ou assister à une réunion des représentants de ce
comité.

IV. Les alertes

Les délégués du personnel disposaient d’un droit d’alerte en cas


d’atteinte apportée aux droits des personnes, à leur santé physique
et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait
pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée
au but recherché (C. trav., art. L. 2313-2, al. 1 ancien).

Il s’agissait d’atteinte pouvant notamment résulter de faits de


harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en
matière d’embauche, de rémunération, de formation, de
reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de
promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de
contrat, de sanction ou de licenciement (C. trav., art. L. 2313-2, al. 1
ancien).

La procédure se déroulait de la façon suivante :


Le délégué du personnel qui constatait une atteinte au droit des
personnes, à la santé des salariés ou aux libertés individuelles,
saisissait l’employeur.
Une fois l’employeur informé, ce dernier procédait sans délai à
une enquête avec le délégué et prenait les dispositions
nécessaires pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la
réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec

445
l’employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti
par écrit ne s’y opposait pas, saisissait directement le bureau de
jugement du conseil de prud’hommes qui statuait alors en
urgence, c’est-à-dire selon les formes du référé.
Le juge pouvait ordonner toutes mesures propres à faire cesser
cette atteinte.

§2 Le comité d’entreprise (CE)

I. La composition et le fonctionnement du CE

Le comité était composé :


du chef d’entreprise ;
d’une délégation du personnel comprenant autant de titulaires
que de suppléants ;
de représentants syndicaux désignés par les syndicats
représentatifs.
L’employeur présidait le CE (C. trav., art. L. 2325-1 ancien).

La délégation du personnel était composée des membres titulaires


et suppléants, élus tous les 4 ans (C. trav., art. L. 2324-24).

o
Leur nombre variait selon l’effectif de l’entreprise (V. Fiche n 32).

Depuis la loi du 5 mars 2014 précitée, la désignation d’un


représentant syndical au comité d’entreprise était réservée aux
seules organisations syndicales représentatives.

o
L’ordonnance n 45-280 du 22 février 1945 avait reconnu la
personnalité morale au CE. Il pouvait donc gérer son patrimoine,
recevoir des dons et legs, conclure des contrats, ester en justice ou

446
encore engager sa responsabilité civile (C. trav., art. L. 2325-1
ancien).

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, le comité d’entreprise


se réunissait au moins une fois par mois. Dans les entreprises de
moins de 300 salariés, le comité se réunissait au moins une fois tous
les 2 mois (C. trav., art. L. 2325-14 ancien).

Les décisions du CE étaient prises par vote à la majorité des


membres présents (C. trav., art. L. 2325-18 ancien). Seuls les
représentants élus titulaires pouvaient voter.

Les suppléants et les représentants syndicaux au CE assistaient aux


séances du comité mais n’avaient qu’une voix consultative (C. trav.,
art. L. 2324-1 et L. 2324-2 anciens).

L’employeur ne participait pas au vote quand il consultait les


membres élus du CE en tant que délégation du personnel (C. trav.,
art. L. 2325-18).

II. Les attributions du CE

A Les attributions économiques du CE


Certaines décisions de l’employeur étaient précédées de
l’information et de la consultation du CE (C. trav., art. L. 2323-2).

Le CE devait alors recevoir les informations utiles et suffisantes pour


rendre un avis éclairé. Dans cette perspective, la loi du 14 juin 2013
o
(L. n 2013-504, 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi :
JO 16 juin 2013, p. 9958) a créé la base de données économiques
et sociales (BDES) qui, mise à jour régulièrement, rassemble un

447
certain nombre d’informations (C. trav., art. L. 2323-9 ancien). Cette
base de données est désormais mise à la disposition du CSE.

La consultation se traduisait par un avis que le CE rendait, mais qui


n’obligeait pas l’employeur. En effet, le CE, comme le CSE
aujourd’hui, n’était pas un organe de codécision ou de contrôle mais
un contre-pouvoir. La consultation obligeait l’employeur à dialoguer
avec le CE sur ses choix et à les justifier.

Les consultations pouvaient être périodiques ou ponctuelles.

La loi du 17 août 2015 avait regroupé les consultations récurrentes


en trois grandes consultations annuelles portant sur :
les orientations stratégiques de l’entreprise ;
la situation économique et financière de l’entreprise ;
la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et
l’emploi.
Dans le cadre de ces consultations annuelles, le CE pouvait se faire
assister d’un expert-comptable de son choix (C. trav., art. L. 2325-
o
35, V. fiche n 42).

Outre les consultations annuelles, le Code du travail prévoyait


également des questions sur lesquelles le CE devait être
ponctuellement informé et consulté.

Le domaine de la consultation était très large. Etaient concernées


les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche
générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à
affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou
les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle,

448
lorsque ces questions ne faisaient pas l’objet des consultations
annuelles (C. trav., art. L. 2323-1 ancien).

Étaient également concernés :


l’introduction de nouvelles technologies (C. trav., art. L. 2323-29
ancien) ;
les projets de restructuration (C. trav., art. L. 2323-31) ;
les opérations de concentration (C. trav., art. L. 2323-34
ancien) ;
les mesures intéressant les conditions de travail (C. trav., art.
L. 2323-46 ancien) ;
les procédures collectives (C. com. art. L. 611-8-1 et L. 611-9) ;
l’élaboration ou la modification du règlement intérieur…
Dans certains cas, le CE bénéficiait également d’un droit d’alerte
économique. Il pouvait ainsi intervenir dès lors qu’il avait
connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante
la situation économique de l’entreprise.

B Les attributions sociales et culturelles du CE


L’ordonnance du 2 février 1945 et la loi du 2 août 1949 avait
transféré les œuvres sociales de l’employeur au CE.

Le terme d’« œuvres sociales » a été remplacé par celui « d’activité


o
sociales et culturelles » par la loi n 82-915 du 28 octobre 1982.

Ainsi, le CE assurait, contrôlait ou participait à la gestion de toutes


les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise
prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des
stagiaires, quel qu’en soit le mode de financement (C. trav., art.
L. 2323-83 ancien).

449
§3 Le CHSCT

I. La composition et le fonctionnement du CHSCT

Le CHSCT était composé :


de l’employeur, ou son représentant, qui présidait le CHSCT ;
d’une délégation du personnel, ayant voix délibérative, dont les
membres étaient désignés par un collège désignatif constitué
par les membres élus du comité d’entreprise et les délégués du
personnel (C. trav., art. L. 4613-1 ancien) ;
de personnes qualifiées dotées d’une voix consultative (dont le
médecin du travail, le chef du service de sécurité et des
conditions de travail) ;
de représentants syndicaux dans les établissements d’au moins
300 salariés.
L’inspecteur du travail et les agents des services de prévention des
organismes de sécurité sociale pouvaient assister aux réunions du
CHSCT.

Le CHSCT était présidé par l’employeur (C. trav., art. L. 4614-1


ancien).

Le CHSCT se réunissait :
au moins tous les trimestres à l’initiative de l’employeur, plus
fréquemment en cas de besoin, notamment dans les branches
d’activité présentant des risques particuliers (C. trav., art.
L. 4614-7 ancien) ;
à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner
des conséquences graves ;
à la demande motivée de deux de ses membres représentants
du personnel,

450
en cas d’événement grave lié à l’activité de l’établissement
ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé
publique ou à l’environnement (C. trav., art. L. 4614-10 ancien).
Les décisions du comité portant sur ses modalités de
fonctionnement et l’organisation de ses travaux ainsi que ses
résolutions étaient prises à la majorité des membres présents.

II. Les attributions du CHSCT

Le CHSCT contribuait à la promotion de la prévention des risques


professionnels dans l’établissement.

Il avait pour mission (C. trav., art. L. 4612-1) :


de contribuer à la prévention et à la protection de la santé
physique et mentale et de la sécurité des travailleurs ;
de contribuer à l’amélioration des conditions de travail,
notamment en vue de faciliter l’accès des femmes à tous les
emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ;
de contribuer à l’adaptation et à l’aménagement des postes de
travail afin de faciliter l’accès des personnes handicapées à tous
les emplois et de favoriser leur maintien dans l’emploi au cours
de leur vie professionnelle ;
de veiller à l’observation des prescriptions légales prises en ces
matières.
Lors des visites de l’inspecteur du travail, le CHSCT était informé de
sa présence par l’employeur et pouvait présenter ses observations
(C. trav. art., L. 4612-7 ancien).

§4 Le cas particulier de la délégation unique


du personnel et de l’instance regroupée

451
I. La délégation unique du personnel

La délégation unique du personnel (DUP) a été créée par la loi du


o
20 décembre 1993 (L. n 93-1313, 20 déc. 1993, quinquennale
relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle : JO
21 déc. 1993, p. 17769) dans la perspective de simplifier la
représentation du personnel dans les petites et moyennes
o
entreprises. La loi Rebsamen du 17 août 2015 (L. n 2015-994,
17 août 2015, relative au dialogue social et à l’emploi : JO 18 août
2015, p. 14346) a réformé le dispositif en étendant la délégation
unique du personnel au CHSCT.

La DUP pouvait être mise en place dans une entreprise comptant


entre 50 salariés et 299 salariés.

La DUP était composée de délégués du personnel qui exerçaient les


attributions des délégués du personnel, des membres du comité
d’entreprise et du CHSCT.

Les attributions et les règles de fonctionnement de ces trois


institutions représentatives demeuraient inchangées, sous réserve
de quelques adaptations (C. trav., art. L. 2326-3 ancien). Elles
étaient simplement exercées par les mêmes élus.

II. L’instance regroupée


o
L’instance regroupée a été créée par la loi Rebsamen n 2015-994
du 17 août 2015.

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, les partenaires


sociaux pouvaient décider de créer une institution différente de celle

452
prévue par la loi.

Il était possible de regrouper les délégués du personnel, le CE et le


CHSCT, ou deux de ces institutions seulement, au sein d’une
instance commune, appelée instance regroupée (C. trav., art.
L. 2391-1 ancien) :
soit les délégués du personnel, les membres du comité
d’entreprise et du CHSCT,
soit les délégués du personnel et les membres du comité
d’entreprise,
soit les délégués du personnel et les membres du CHSCT,
soit les membres du comité d’entreprise et du CHSCT.
Cette instance regroupée devait être prévue par un accord collectif
de droit commun, c’est à dire, signé par un ou plusieurs syndicats
représentatifs ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés
lors des dernières élections professionnelles.

L’instance regroupée exerçait l’ensemble des attributions de


l’instance qu’elle regroupe.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– F. SIGNORETTO, La délégation unique du personnel : une
institution au devenir incertain, RDT 2015, p. 272
– F. DUQUESNE, Contours du droit à l’information des délégués du
personnel, Dr. soc. 2006, p. 1017
– G. AUZERO, La participation des salariés à la stratégie de
l’entreprise, Dr. soc. 2015, p. 1006
– F. GEA, La réforme de l’information et de la consultation du comité
d’entreprise. Bâtir une culture de la confiance ?, Dr. soc. 2013,
p. 717

453
o
Fiche n 38 Le Comité social
et économique – Composition
et fonctionnement

L’ESSENTIEL

Le comité social et économique (CSE) est une institution


représentative du personnel créée par l’ordonnance du
22 septembre 2017 et qui a remplacé les institutions représentatives
élues anciennes. Il fusionne les délégués du personnel, le CE et le
CHSCT. Le CSE est un organe collégial élu par le personnel qui a dû
être mis en place dans toutes les entreprises d’au moins 11 salariés,
au plus tard, au 31 décembre 2019.

LES CONNAISSANCES

Le comité social et économique (CSE) a été créé par l’ordonnance


o
n 2017-1386 du 22 septembre 2017.

Il est mis en place dans les entreprises d’au moins 11 salariés


(C. trav., art. L. 2311-2).

454
Il remplace les représentants élus du personnel dans l’entreprise. Il
fusionne en effet l’ensemble des instances représentatives du
personnel : délégués du personnel (DP), comité d’entreprise (CE) et
CHSCT.

Le CSE a dû être mis en place, lors du renouvellement de ces institutions et


au 31 décembre 2019 au plus tard.

Son fonctionnement (§ 2) sera étudié après avoir appréhendé son


organisation (§ 1).

§1 La composition du CSE

Le CSE est composé :


du chef d’entreprise ;
d’une délégation du personnel comprenant autant de titulaires
que de suppléants ;
de représentants syndicaux désignés par les syndicats
représentatifs.

I. Le chef d’entreprise

Le chef d’entreprise, ou son représentant, préside le CSE, assisté


éventuellement de trois collaborateurs qui ont voix consultative
(C. trav., art. L. 2315-23).

Sa présence aux séances du CSE est indispensable. De la sorte, en


cas de carence de l’employeur, l’inspecteur du travail peut, sous
certaines conditions, assurer la présidence du CSE.

455
II. La délégation du personnel

La délégation du personnel est composée d’un nombre égal de


membres titulaires et suppléants, élus tous les 4 ans (C. trav., art.
L. 2314-1).

Leur nombre est déterminé par décret et varie selon l’effectif de


l’entreprise. Ce nombre peut cependant être modifié par le protocole
o
d’accord préélectoral (V. Fiche n 32).

Le suppléant assiste aux réunions en l’absence du titulaire.

Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les


agissements sexistes est désigné par le comité social et
économique parmi ses membres (C. trav., art. L. 2314-1).

III. Le représentant syndical

Chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou


l’établissement peut désigner un représentant syndical au comité
(C. trav., art. L. 2314-2).

Dans les entreprises de 50 à moins de 300 salariés et dans les


établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical
est, de droit, représentant syndical au CSE (C. trav., art. L. 2143-22).
En revanche, dans les entreprises de moins de 300 salariés, le
représentant de section syndicale n’est pas de droit représentant
o
syndical au CSE (Cass. soc., 23 mars 2022, n 20-20.397).

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, chaque syndicat


représentatif dans l’entreprise ou l’établissement peut désigner un
représentant syndical au CSE (C. trav., art. L. 2114-2).

456
Ce représentant assiste aux séances du comité. S’il peut s’exprimer
librement, en revanche, il ne dispose que d’une voix consultative
(C. trav., art. L. 2114-2).
La Cour de cassation a précisé qu’il n’est pas possible de cumuler
un mandat d’élu au CSE et de représentant syndical au CSE (Cass.
o
soc., 22 janv. 2020, n 19-13.269).

§2 Le fonctionnement du CSE

I. Personnalité morale

Dans les entreprises d’au moins de 50 salariés, le CSE est doté de


la personnalité morale.

Il peut donc gérer son patrimoine, recevoir des dons et legs,


conclure des contrats, ester en justice ou encore engager sa
responsabilité civile (C. trav., art. L. 2315-23).

II. Organisation

Le CSE est présidé par l’employeur ou son représentant, assisté


éventuellement de trois collaborateurs qui ont voix consultative.
Lors de la première réunion du comité, ce dernier désigne, parmi ses
membres titulaires, un secrétaire et un trésorier. Cette désignation
résulte d’un vote à la majorité des membres présents. Peuvent
éventuellement être désignés un secrétaire adjoint et un trésorier
adjoint qui ont pour mission d’assister respectivement le secrétaire
et le trésorier.
Le président fixe la date des réunions du CSE et fixe en
collaboration avec le secrétaire l’ordre du jour des réunions.

457
Le secrétaire établit les procès-verbaux des délibérations du CSE et
se charge de leur diffusion. Il est l’interlocuteur privilégié des tiers et
veille à l’exécution des décisions du comité.
Le CSE détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son
fonctionnement et celles de ses rapports avec les salariés de
l’entreprise (C. trav., art. L. 2315-24).
Le nombre de réunions du CSE est fixé par accord collectif, sans
pouvoir être inférieur à 6 par an (C. trav., art. L. 2312-19).
En l’absence d’accord, le CSE se réunit au moins 1 fois par mois
dans les entreprises de plus de 300 salariés et au moins 1 fois tous
les 2 mois dans les entreprises de moins de 300 salariés (C. trav.,
art. L. 2315-28).
Les résolutions du CSE sont prises à la majorité des membres
présents. Seuls les représentants élus titulaires peuvent voter. Les
suppléants et les représentants syndicaux au CSE assistent aux
séances du comité mais n’ont qu’une voix consultative. De la même
façon, les collaborateurs qui assistent l’employeur ne votent pas
Le président du CSE ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les
membres élus du comité en tant que délégation du personnel
(C. trav., art. L.2315-32).

458
Jurisprudence
Sur ce point, la Cour de cassation avait jugé au sujet du comité d’entreprise
que l’employeur ne peut pas voter lorsqu’il consulte le CE dans le cadre de ses
attributions économiques. De même, la Cour de cassation lui a refusé le droit de
voter en matière de gestion des activités sociales et culturelles (Cass. soc.,
o
25 janv. 1995, RJS 1995, n 251). En revanche, son vote est admis pour les
questions relatives à son organisation interne. Il peut ainsi participer à la
o
désignation du secrétaire (Cass. soc., 10 juill. 1991, n 88-20.411) ou du trésorier
o
(Cass. soc., 5 janv. 2005, n 02-19.080). Nul doute que ces décisions demeurent
aujourd’hui applicables au CSE.

Pendant l’état d’urgence sanitaire lié à la Covid-19, la tenue des réunions du


CSE à distance, par visioconférence, audioconférence, voire messagerie
er
instantanée a été facilitée (Ord. 2020-389, 1 avr. 2020, portant mesures
d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– J.-Y. KERBOURC’H, Modalités de mise en place et
fonctionnement du CSE, JCP S 2018, pp. 3-7
o
– F. CHAMPEAUX, La mise en place du CSE, SSL, n 1798, 15
janv. 2018, p. 2

459
o
Fiche n 39 Le Comité social
et économique – Attributions

L’ESSENTIEL
o
Les attributions dévolues par l’ordonnance n 2017-1386 du
22 septembre 2017 au Comité social et économique (CSE)
correspondent schématiquement à celles autrefois dévolues aux
délégués du personnel, au comité d’entreprise et au CHSCT.

LES CONNAISSANCES

Les attributions dévolues au CSE sont définies selon l’effectif de


l’entreprise.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le CSE a pour mission


de présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou
collectives des salariés (§ 1).

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE assure des


missions d’ordre économique. Il permet notamment la prise en
compte des intérêts des salariés dans les décisions relatives à la

460
gestion et l’évolution économique et financière de l’entreprise, à
l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux
techniques de production. Le comité jouit également d’attribution en
matière sociales et culturelles (§ 2).

§1 Dans les entreprises de moins de 50 salariés

Le CSE a pour mission de présenter à l’employeur les réclamations


individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du
Code du travail et des autres dispositions légales concernant
notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et
accords applicables dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2312-5).

Il contribue à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de


travail dans l’entreprise et réalise des enquêtes en matière
d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à
caractère professionnel.

Ses membres peuvent saisir l’inspection du travail de toutes les


plaintes et observations relatives à l’application des dispositions
légales dont elle est chargée d’assurer le contrôle.

Le CSE dispose d’un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des
personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés
individuelles dans l’entreprise et en matière d’hygiène et sécurité
(C. trav., art. L. 2312-5).

§2 Dans les entreprises d’au moins 50 salariés

I. Les attributions économiques du CSE

461
A Les attributions générales
Le CSE mis en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés a
pour mission d’assurer une expression collective des salariés
permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les
décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et
financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation
professionnelle et aux techniques de production (C. trav., art.
L. 2312-8).

Il exerce les attributions prévues pour le CSE des entreprises de


moins de 50 salariés.

Par ailleurs, il est informé et consulté sur les questions intéressant


l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise,
notamment sur :
Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des
effectifs ;
La modification de son organisation économique ou juridique ;
Les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du
travail, et la formation professionnelle ;
L’introduction de nouvelles technologies, tout aménagement
important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les
conditions de travail ;
Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le
maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de
guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies
chroniques évolutives et des travailleurs handicapés,
notamment sur l’aménagement des postes de travail.
Le CSE est également compétent dans le domaine de la santé, de la
sécurité et des conditions de travail (C. trav., art. L. 2312-9).

462
À ce titre, il procède à l’analyse des risques professionnels auxquels
peuvent être exposés les travailleurs, notamment les femmes
enceintes.

Il contribue notamment à faciliter l’accès des femmes à tous les


emplois, à la résolution des problèmes liés à la maternité,
l’adaptation et à l’aménagement des postes de travail afin de faciliter
l’accès et le maintien des personnes handicapées à tous les emplois
au cours de leur vie professionnelle.

Il peut susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer


notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du
harcèlement sexuel et des agissements sexistes.
Il procède également à des inspections et réalise des enquêtes en
matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à
caractère professionnel (C. trav., art. L. 2312-13).

Lors des visites de l’inspecteur du travail, les membres de la


délégation du personnel au CSE sont informés de sa présence par
l’employeur et peuvent présenter leurs observations. L’agent de
contrôle se fait accompagner par un membre de la délégation du
personnel du comité, si ce dernier le souhaite (C. trav., art. L. 2312-
10).

Le CSE formule, à son initiative, et examine, à la demande de


l’employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de
travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs
conditions de vie dans l’entreprise ainsi que les conditions dans
lesquelles ils bénéficient de garanties collectives
complémentaires (C. trav., art. L. 2312-12).

463
B La consultation et l’information

1 Consultation et information récurrentes


Le chapitre consacré à la consultation récurrente du CSE est
composé de trois parties : les dispositions d’ordre public, le champ
de la négociation et enfin les dispositions supplétives, applicables en
l’absence d’un tel accord.

• Disposition d’ordre public


Le CSE est consulté sur (C. trav., art. L. 2312-17) :
Les orientations stratégiques de l’entreprise ;
La situation économique et financière de l’entreprise ;
La politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et
l’emploi.
Au cours de ces consultations, le comité est informé des
conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.

Une base de données économiques, sociales et environnementales


rassemble l’ensemble des informations nécessaires aux
consultations et informations récurrentes que l’employeur met à
disposition du CSE. Ces informations comportent en particulier des
indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les
hommes, notamment sur les écarts de rémunération (C. trav., art.
L. 2312-18).

• Le champ de la négociation
Un accord d’entreprise peut notamment définir le contenu, la
périodicité et les modalités des consultations récurrentes du
CSE ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à
ces consultations.

464
La périodicité des consultations prévue par l’accord ne peut être
supérieure à trois ans.
L’accord peut également définir les délais dans lesquels les avis du
comité sont rendus (C. trav., art. L. 2312-19).

Un accord peut définir l’organisation, l’architecture et le contenu de


la base de données économiques, sociales et environnementales
ainsi que les modalités de son fonctionnement (C. trav., art. L. 2312-
21).

• Disposition supplétive
À défaut d’accord, le CSE est consulté chaque année sur (C. trav.,
art. L. 2312-22) :

465
À défaut d’accord, une base de données économiques, sociales et
environnementales, mise régulièrement à jour, rassemble un
ensemble d’informations que l’employeur met à disposition du CSE
(C. trac. art. L. 2312-36).

La base de données est accessible en permanence.


Elle porte sur les thèmes suivants :
Les investissements ;

466
L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au
sein de l’entreprise ;
Les fonds propres et endettement ;
L’ensemble des éléments de la rémunération des salariés et
dirigeants ;
Les activités sociales et culturelles ;
La rémunération des financeurs ;
Les flux financiers à destination de l’entreprise, notamment
aides publiques et crédits d’impôts ;
La sous-traitance ;
Les transferts commerciaux et financiers entre les entités du
groupe.
Les conséquences environnementales de l’activité de
l’entreprise.

1 Consultations et informations ponctuelles


Le CSE est également consulté ponctuellement dans les cas
suivants :
Mise en œuvre des moyens de contrôle de l’activité des
salariés ;
Restructuration et compression des effectifs ;
Licenciement collectif pour motif économique ;
Offre publique d’acquisition ;
Procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation
judiciaire.
Ces dispositions sont d’ordre public. Un accord ne peut pas modifier
les thèmes ainsi définis.

En revanche, un accord peut définir le contenu des consultations et


informations ponctuelles du CSE, les modalités de ces consultations

467
ponctuelles et les délais dans lesquels les avis du comité sont
rendus.

B Le droit d’alerte
Le CSE bénéficie d’un droit d’alerte :
En cas d’atteinte aux droits des personnes (ouvert aux seules
entreprises d’au moins 50 salariés) (C. trav., art. L. 2312-59) ;
En cas de danger grave et imminent en matière de santé
publique et d’environnement (C. trav., art. L. 2312-60) ;
S’il a connaissance de faits de nature à affecter de manière
préoccupante la situation économique de l’entreprise (C. trav.,
art. L. 2312-63) ;
S’il a connaissance de faits susceptibles de caractériser un
recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée
(CDD), au portage salarial ou au travail temporaire (C. trav., art.
L. 2312-71).

II. Les attributions culturelles et sociales

En matière culturelle et sociale, le CSE dispose des mêmes


attributions que celles dévolues au comité d’entreprise.
Ainsi, il assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les
activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise (C. trav., art.
L. 2312-78).

Il assure ou contrôle la gestion des activités physiques ou sportives


et peut décider de participer à leur financement (C. trav., art.
L. 2312-80).

POUR ALLER PLUS LOIN…

468
– I. ODOUL-ASOREY, Comité social et économique : nouvelles
dispositions, RDT 2018, pp. 142-144
– A. TEISSIER, La phase transitoire de mise en place d’un CSE,
JCP S 2018, pp. 21-25

469
o
Fiche n 40 Le Conseil d’entreprise

L’ESSENTIEL

Le Conseil d’entreprise est une institution représentative qui, mise


en place par accord, exerce l’ensemble des attributions dévolues et
CSE et négocie et conclut avec l’employeur des accords d’entreprise
ou d’établissement.

LES CONNAISSANCES
o
L’ordonnance n 2017-1386 du 22 septembre 2017 a regroupé les
délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT dans une
instance unique : le Comité social et économique (CSE).

Elle a également créé le Conseil d’entreprise, nouvelle institution du


personnel dont la mise en place, facultative, peut être prévue par
accord d’entreprise. Il s’agit d’un « super CSE » doté de la capacité
de négocier et de conclure des accords collectifs.

Le fonctionnement du conseil d’entreprise (§ 4) sera appréhendé


après l’étude de sa mise en place (§ 1), de sa composition (§ 2) et
ses attributions (§ 3).

470
§1 La mise en place du Conseil d’entreprise
Le Conseil d’entreprise peut être institué :
par un accord d’entreprise à durée indéterminée. Cet accord
doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales de
salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des
suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au
premier tour des élections de titulaires au CSE (C. trav., art.
L. 2232-12),
par un accord de branche étendu, mais uniquement dans les
entreprises dépourvues de délégué syndical.
La loi ne précise pas l’effectif de l’entreprise à partir duquel peut être
implanté le Conseil d’entreprise. Dès lors que les attributions et les
modalités de fonctionnement du conseil d’entreprise sont
essentiellement calquées sur celles du CSE et des délégués
syndicaux, il semblerait qu’il ne puisse être mis en place que dans
les entreprises d’au moins 50 salariés (B. TEYSSIE, « Le conseil
d’entreprise », JCP S 2018, p. 17).

En tout état de cause, l’accord collectif instituant le Conseil


d’entreprise doit fixer :
la liste des thèmes soumis à l’avis conforme du Conseil
d’entreprise (C. trav., art. L. 2321-3) ;
le nombre d’heures de délégation dont bénéficient les élus du
Conseil d’entreprise participant aux négociations (C. trav., art.
L. 2321-4) ;
les règles relatives à l’indemnisation des frais de déplacement
(C. trav., art. L. 2321-6).
Il peut également fixer :
la composition de la délégation qui négocie les conventions et
accords d’entreprise ou d’établissement (C. trav., art. L. 2321-

471
7) ;
la périodicité de tout ou partie des thèmes de négociation du
Conseil d’entreprise (C. trav., art. L. 2321-8) ;
les modalités selon lesquelles les négociations se déroulent au
niveau des établissements (C. trav., art. L. 2321-2).
Le Conseil d’entreprise peut être mis en place dans les entreprises
appartenant à une unité économique et sociale (UES).

L’accord instaurant le Conseil d’entreprise est alors conclu soit au


niveau d’une ou de plusieurs entreprises composant l’UES, soit au
niveau de l’UES.

Dans ce dernier cas, les règles de validité de l’accord sont


appréciées en tenant compte des suffrages valablement exprimés
dans l’ensemble des entreprises (C. trav., art. L. 2321-10).

§2 La composition du Conseil d’entreprise


L’ordonnance qui consacre le Conseil d’entreprise ne donne aucune
précision sur la composition du Conseil d’entreprise.

Dans la mesure où le Conseil d’entreprise exerce l’ensemble des


attributions dévolues au CSE, il est au moins composé des membres
de ce comité.

Il semblerait que les délégués syndicaux soient également membres


du Conseil d’entreprise.

§3 Les attributions du Conseil d’entreprise

472
Le Conseil d’entreprise exerce l’ensemble des attributions dévolue
au CSE (C. trav., art. L. 2321-1).

Il est par ailleurs seul compétent pour négocier, conclure et réviser


les conventions et accords d’entreprise ou d’établissement (C. trav.,
art. L 2321-1).
L’accord instituant le Conseil d’entreprise peut déterminer la
composition de la délégation qui négocie les conventions et accords
d’entreprise et d’établissement (C. trav., art. L. 2321-7).
La convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement conclu par
le Conseil d’entreprise doit être signé par (C. trav., art. L 2321-9) :
la majorité des membres titulaires élus du Conseil,
ou par un ou plusieurs membres titulaires ayant recueilli plus de
50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections
professionnelles. Pour l’appréciation de ce seuil, il est tenu
compte des suffrages recueillis lors du premier tour des
élections pour les élus au premier tour de scrutin, et de ceux
recueillis lors du second tour pour les élus au second tour de
scrutin.
Le Conseil d’entreprise dispose d’un pouvoir de décision. Plus
particulièrement, il dispose d’un droit de véto. L’accord instituant le
Conseil d’entreprise doit ainsi fixer la liste des thèmes tels que
l’égalité professionnelle, soumis à l’avis conforme du Conseil
d’entreprise. La formation professionnelle constitue un thème
obligatoire (C. trav., art. L. 2321-3).

§4 Le fonctionnement du Conseil d’entreprise

Les modalités de fonctionnement du Conseil d’entreprise sont


identiques à celles définies pour le CSE (C. trav., art. L. 2321-1, al.
2).

473
L’accord instaurant le Conseil d’entreprise fixe le nombre d’heures
de délégation dont bénéficient les élus du Conseil d’entreprise
participant aux négociations. Ces heures de délégations devraient
s’ajouter aux heures allouées aux membres du CSE. À défaut
d’accord, chaque élu du Conseil d’entreprise participant à une
négociation dispose d’un nombre d’heures de délégation qui s’ajoute
aux heures de délégation dont il bénéficie en qualité de membre élu
titulaire du CSE (C. trav., art. R 2321-1).

Le temps passé à la négociation est de plein droit considéré comme


temps de travail et payé à l’échéance normale (C. trav., art. L 2321-
5).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– B. TEYSSIÉ, Le Conseil d’entreprise, JCP S 2018, p. 17

474
o
Fiche n 41 Les représentants
de proximité

L’ESSENTIEL

Les représentants de proximité ont été créés par l’ordonnance


o
n 2017-1386 du 22 septembre 2017. Ils sont mis en place par un
accord d’entreprise et ont pour objectif d’assurer une représentation
des salariés au plus près du terrain.

LES CONNAISSANCES
o
L’ordonnance n 2017-1386 du 22 septembre 2017 a consacré la
possibilité de mettre en place des représentants de proximité dans
les entreprises comportant au moins deux établissements.

Ils présentent l’intérêt de pouvoir intervenir comme de véritables


relais entre le terrain et les membres du CSE, notamment en matière
de santé, de sécurité et des conditions de travail.

Il convient d’étudier successivement leur mise en place (§ 1), et


leurs missions (§ 2).

475
§1 La mise en place des représentants de proximité
Les représentants de proximité sont mis en place par l’accord
d’entreprise majoritaire qui détermine le nombre et le périmètre des
établissements distincts pour les CSE (C. trav., art. L. 2313-7).

L’accord définit également le nombre de représentants de proximité,


ainsi que les modalités de leur désignation.

Il appartient ainsi au CSE de choisir les représentants de proximité.


Les représentants de proximité peuvent être membres du CSE ou
désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat
des membres élus du comité (C. trav., art. L. 2313-7). Autrement dit,
les représentants de proximité peuvent être désignés parmi les
membres du CSE ou parmi le personnel de l’entreprise ou de
l’établissement. Ils peuvent également être choisis parmi les
membres du CSE et le personnel.

La mission de représentants de proximité peut être réservée aux


seuls suppléants du CSE.

Le Code du travail semble exclure la possibilité de l’organisation


d’une élection pour mettre en place les représentants de proximité.

§2 Le fonctionnement des représentants de proximité


L’accord de mise en place des représentants de proximité détermine
leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d’heures
de délégation dont bénéficient les représentants de proximité pour
l’exercice de leurs attributions (C. trav., art. L. 2313-7).

476
§3 Les attributions des représentants de proximité
Les attributions des représentants de proximité sont déterminées par
accord d’entreprise ou d’établissement.

À cet égard, l’article L. 2313-7 dispose que l’accord de mise en place


des représentants de proximité définit leurs attributions, notamment
en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.

Dans les accords d’entreprise ayant mis en place les représentants


de proximité, ces derniers sont souvent présentés comme des
véritables relais entre les salariés et le CSE et la Direction de
l’entreprise.

Ils sont parfois créés pour compenser la disparition des délégués du


personnel.

POUR ALLER PLUS LOIN…


o
– S. NIEL, À quoi sert le représentant de proximité ? SSL, n 1802,
12 févr. 2018, p. 8

477
SOUS-TITRE 4
LE STATUT DES REPRÉSENTANTS
DU PERSONNEL

o
Fiche n 42 Les moyens des représentants du personnel
o
Fiche n 43 La protection des représentants du personnel

478
o
Fiche n 42 Les moyens
des représentants du personnel

L’ESSENTIEL

Pour exercer leurs missions, les représentants du personnel


disposent de moyens de fonctionnement, d’un recours à l’expertise
et du temps nécessaire.

LES CONNAISSANCES

Les représentants du personnel doivent être en mesure d’exercer


efficacement leurs missions.

Dans cette perspective, le Code du travail leur octroie différents


moyens de fonctionnement tels que la liberté de déplacement, des
moyens financiers et un local aménagé (§ 1).

De même, pour les aider à maîtriser les données communiquées par


l’employeur dans les domaines économiques, financiers,
professionnels, de l’hygiène ou de la santé, certains représentants
du personnel peuvent recourir à des experts (§ 2).

479
Enfin, les représentants, élus ou désignés, du personnel disposent,
pour l’exercice de leurs missions, d’un crédit d’heures mensuel de
délégation qui varie d’une institution à une autre (§ 3).

§1 Les moyens de fonctionnement des représentants


du personnel

480
§2 Les expertises du CSE

481
Le CSE, peut recourir à un expert-comptable ou un expert habilité en
vue de la consultation sur les trois consultations récurrentes :
sur les orientations stratégiques de l’entreprise (C. trav., art.
L.2315-87) ;
sur la situation économique et financière de l’entreprise (C. trav.,
art. L. 2315-88) ;
sur sa politique sociale ainsi que sur les conditions de travail et
d’emploi (C. trav., art. L. 2315-91).
Il peut également recourir à l’expertise dans le cadre des
consultations ponctuelles à :
un expert-comptable pour les opérations de concentration, le
droit d’alerte économique, les licenciements collectifs, les offres
publiques d’acquisition, l’analyse utiles aux organisations
syndicales pour les négociations (C. trav., art. L. 2315-92) ;
à un expert habilité :
lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par
un accident du travail, une maladie professionnelle ou à
caractère professionnel est constaté dans l’établissement,
en vue de préparer la négociation sur l’égalité
professionnelle
en cas d’introduction de nouvelles technologies
en cas de projet important modifiant les conditions de santé
et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art.
L. 2315-96).
Les frais d’expertise sont pris en charge selon les modalités
suivantes :

482
§3 Les heures de délégation

Les représentants du personnel disposent d’heures de délégation


pour exercer leurs missions.

Le crédit d’heures alloué par la loi varie selon l’institution


représentative et l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement. Il
peut être augmenté par accord ou convention collective. Il peut être
dépassé en cas de circonstances exceptionnelles (exemple : un
projet de licenciement collectif important).

Le crédit d’heure est attribué aux titulaires. Par principe, il est


personnel et ne peut pas être réparti entre représentants titulaires ou
o
entre titulaires et suppléants (Cass. soc., 20 oct. 1994, n 93-41.856,
o
Cass. soc., 10 déc. 1996, n 95-45.453).

À titre d’illustration :

483
Par exception, le Code du travail prévoit que peuvent répartir entre
eux leurs heures de délégation les délégués syndicaux désignés par
une même organisation syndicale (C. trav., art. L. 2143-14).

Le temps passé pour l’exercice des fonctions des représentants du


personnel est considéré comme temps de travail et payé à
l’échéance normale.

Le refus de l’employeur de payer au salarié les heures de délégation


cause un préjudice collectif à la profession représentée par le
o
syndicat (Cass. soc., 12 mai 2021 n 19-21.124).

La loi pose une présomption de bonne utilisation des heures de


délégation. Il en résulte que l’employeur qui en conteste l’usage doit
saisir le juge judiciaire après paiement. C’est à lui de prouver
l’utilisation non conforme des heures de délégation, c’est à dire,
o
sans lien avec le mandat (Cass. soc., 28 mars 1989, n 86-42.248).

484
Dans cette perspective, il peut demander au représentant de lui
indiquer l’usage qui a été fait des heures de délégation (Cass. soc.,
o
21 nov.1990, n 88-40.133).

La seule transmission de bons de délégation ne suffisent pas à


justifier de la bonne utilisation des heures de délégation (Cass. soc.,
o
16 févr. 2022, n 20-19.194).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– M. CARON, Les expertises du comité social et économique,
o er
CSBP, n 304, 1 févr. 2018, p. 109
– R. ZANNOU, Le CHSCT, une instance déjà dotée des moyens
nécessaires à ses fonctions ?, RDT 2015, p. 725
– J.-B. COTTIN, Notion de projet important justifiant le recours à un
expert, JCP S 2015, p. 36

485
o
Fiche n 43 La protection
des représentants du personnel

L’ESSENTIEL

Les représentants du personnel bénéficient d’un statut légal


protecteur. Ils sont ainsi protégés contre le licenciement et certaines
mesures voisines. Cette protection s’applique dès la demande
d’organisation des élections, puis au cours du mandat et enfin, à
l’issue de ce dernier.

LES CONNAISSANCES

Les salariés investis d’un mandat représentatif peuvent être plus


exposés que les autres salariés aux sanctions disciplinaires. Dans
leur intérêt et dans l’intérêt de l’ensemble des salariés qu’ils
représentent, le législateur a institué une protection exorbitante du
droit commun leur permettant d’exercer librement leurs fonctions
sans crainte.

Plusieurs catégories de représentants du personnel bénéficient de


cette protection (§ 1). Le statut de salarié protégé permet

486
l’application d’une procédure particulière de licenciement impliquant
l’autorisation de l’administration (§ 2). La protection s’applique
également à certaines situations qu’il convient de préciser (§ 3).

§1 Les bénéficiaires de la protection

I. Les salariés demandant l’organisation des élections

Afin de faciliter la mise en place des institutions représentatives du


o
personnel, la loi n 82-915 du 28 octobre 1982 a étendu la protection
à certains salariés demandant l’organisation des élections
professionnelles.

Ainsi, les salariés demandant l’organisation des élections, autrefois


des délégués du personnel ou du comité d’entreprise, et aujourd’hui
du comité économique et social (CSE) bénéficient de la protection
pour une durée de 6 mois (C. trav., art. L. 2411-6, al. 1).

La protection concerne les salariés mandatés par une organisation


syndicale ainsi que les salariés non mandatés dans l’hypothèse où
une organisation syndicale intervient postérieurement afin de
confirmer la demande d’organisation d’élections.

En revanche, la protection ne s’applique pas lorsque l’employeur a


déjà pris l’initiative d’organiser les élections (Cass. soc., 9 oct. 1985,
o
n 85-60.326).

II. Les salariés candidats

Les candidats aux fonctions de représentant du personnel


bénéficient de la protection pour une durée de 6 mois.

487
Sont concernés les candidats aux fonctions de :
membre élu de la délégation du personnel au CSE (C. trav., art.
L. 2411-7) ;
représentant de proximité (C. trav., art. L. 2411-9) ;
membre de la délégation du personnel au CSE interentreprises
(C. trav., art. L. 2411-10-1).
Les candidats bénéficient de la protection dès que l’employeur a
connaissance de la candidature du salarié (Cass. soc., 4 juillet 1990,
o
n 87-44.840).

Il en est de même lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur


a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le
candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.
o
(Cass. soc., 13 janv. 2021, n 19-17.489).

En revanche, le salarié n’est pas protégé si sa candidature est


postérieure à la convocation à l’entretien préalable à un entretien
o
préalable (Cass. soc., 13 juin 1989, n 88-60.677).

Si le salarié est élu, il bénéficie de la protection accordée aux


titulaires d’un mandat de représentant du personnel. S’il n’est pas
élu, la protection attachée à sa qualité de candidat expire au bout de
6 mois.

III. Les salariés élus

Sont bénéficiaires de la protection spéciale les salariés investis de


l’un des mandats suivants :
membre du comité d’entreprise européen (C. trav., art. L. 2411-
11) ;

488
membre élu de la délégation du personnel au comité social et
économique (C. trav., art. L. 2411-5) ;
représentant de proximité (C. trav., art. L. 2411-8) ;
membre élu de la délégation du personnel au comité social et
économique interentreprises (C. trav., art. L. 2411-10).
La protection est effective si l’employeur n’a pas contesté les
o
élections dans le délai requis (Cass. soc., 28 sept. 2016, n 15-
13.728).
Les élus bénéficient de la protection à compter du jour de la
proclamation des résultats de l’élection. Ils restent protégés durant la
durée de leur mandat. La protection se poursuit pendant 6 mois
suivant la fin de leur mandat.
En cas d’annulation des élections, le bénéfice de la protection cesse
à la date à laquelle le jugement d’annulation est prononcé (Cass.
o
soc., 11 oct. 2017, n 16-11.048).

IV. Les salariés désignés

Bénéficient de la protection les salariés titulaires d’un mandat de :


délégué syndical (C. trav., art. L. 2411-3) ;
délégué syndical central (C. trav., art. L. 2143-5) ;
représentants de section syndicale (C. trav., art. L. 2142-1-2) ;
représentant syndical au comité social et économique (C. trav.,
art. L. 2411-5).
Les représentants syndicaux bénéficient de la protection légale à
compter de la date de réception par l’employeur de la lettre de leur
désignation.

Il en est de même lorsque le salarié prouve que l’employeur a eu


connaissance de l’imminence de sa désignation avant que le salarié

489
ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement (C. trav., art.
L. 2411-3).

Le salarié est protégé pour toute la durée de son mandat.

La protection se poursuit après la cessation de ses fonctions


pendant 12 mois pour les délégués syndicaux s’ils ont exercé leur
mandat pendant au moins 1 an (C. trav., art. L. 2411-3) et pendant
6 mois pour les représentants syndicaux auprès du CSE, s’ils ont
exercé leurs fonctions pendant au moins 2 ans (C. trav., art. L. 2411-
8).

Le salarié n’est protégé que si l’employeur n’a pas contesté une


désignation irrégulière dans le délai requis (CE, 26 nov. 1990,
o
n 99113).

En cas d’annulation de la désignation, le bénéfice de la protection


cesse à la date à laquelle le jugement d’annulation est prononcé
o
(Cass. soc., 16 déc. 2014, n 13-15.081).

V. Les autres salariés

Bénéficient également de la protection spéciale, le délégué syndical,


le délégué du personnel, le membre de la délégation du personnel
du comité d’entreprise, le représentant au CHSCT, le membre de la
délégation du personnel du CSE, le représentant de proximité,
institués par convention ou accord collectif de travail (C. trav., art.
L. 2411-2).

Cependant, c’est à la condition que les institutions créées par voie


conventionnelle soient de même nature que celles prévues par le

490
o
Code du travail (Cass. soc., 20 févr. 1991, n 89-42.288).
La procédure spéciale s’applique également au salarié investi
notamment d’un mandat de :
membre du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité
sociale ;
membre du conseil d’administration d’une mutuelle ;
représentant des salariés dans une chambre d’agriculture ;
conseiller prud’homme ;
assesseur maritime ;
défenseur syndical ;
membre du groupe spécial de négociation et membre du comité
d’entreprise européen ;
membre du groupe spécial de négociation et représentant au
comité de la société européenne ;
membre du groupe spécial de négociation et représentant au
comité de la société coopérative européenne ;
membre du groupe spécial de négociation et représentant au
comité de la société issue de la fusion transfrontalière.

§2 La protection contre le licenciement

I. Une procédure d’ordre public

Afin que les représentants du personnel puissent exercer librement


leurs fonctions sans craindre de faire l’objet de représailles de la part
de l’employeur, le législateur a mis en place une procédure de
licenciement spécifique.
La Cour de cassation et le Conseil d’État ont qualifié cette protection
d’exceptionnelle et exorbitante du droit commun (Cass. ch. mixte,
21 juin 1974, Castagne et autres c/ Epry (Perrier), CE, 5 mai 1976,
SAFER d’Auvergne).

491
Dans la mesure où elle protège les salariés, cette procédure est
d’ordre public. Sa violation entraîne la nullité du licenciement (Ex :
o
Cass. soc., 30 avr. 1997, n 95-40.513).

II. L’autorisation de l’inspection du travail

La procédure spéciale a pour particularité de faire intervenir


l’inspection du travail dans la décision de licenciement, qui relève,
par principe, du pouvoir de direction de l’employeur.

Cette procédure spéciale complète la procédure ordinaire (Cass.


o
soc., 30 nov. 1978, n 77-40.844). Elle se déroule de la façon
suivante :
Entretien préalable. L’employeur qui envisage de rompre le
contrat de travail d’un salarié protégé doit le convoquer à un
entretien préalable en respectant la procédure de droit commun
(C. trav., art. R. 2421-3).
Consultation du CSE : L’employeur qui envisage de rompre le
contrat de travail d’un membre élu à la délégation du personnel
au CSE, titulaire ou suppléant, d’un représentant syndical au
CSE ou d’un représentant de proximité doit saisir le comité
d’entreprise ou le CSE qui donne un avis sur le projet (C. trav.,
er
art. L. 2421-3, al. 1 ). Dans un avis, le Conseil d’État a confirmé
que l’obligation de consultation du CSE sur le licenciement de
certains salariés protégés ne concerne que les entreprises de
o
50 salariés et plus (CE 29 déc. 2021, avis n 453069).
Quand il n’existe pas de CSE, l’employeur doit saisir directement
l’inspecteur du travail.

492
Saisine de l’inspecteur du travail : L’employeur saisit
l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licencier
le salarié protégé. La demande d’autorisation énonce les motifs
de rupture envisagés (C. trav., art. R 2421-1, al. 4) ainsi que le
ou les mandats détenus par le salarié (Cass. soc., 3 févr. 2016,
o
n 14-17.886). Elle est accompagnée du procès-verbal de la
réunion au cours de laquelle le comité d’entreprise ou le CSE
s’est prononcé.
Enquête contradictoire de l’inspecteur du travail :
L’inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au
cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire
assister d’un représentant de son syndicat (C. trav., art.
er
R. 2421-4, al. 1 ). Il exerce son contrôle sur :
la qualité de salarié protégé de l’intéressé ;
le respect de la procédure préalable à sa saisine (Cass.
o
soc., 13 juill. 2004 n 02-43.538) ;
la légitimité du motif invoqué à l’appui de la demande de
o
l’employeur (CE, 19 oct. 2012, n 334588) ;
l’absence de tout lien entre la rupture du contrat de travail
o
et le mandat du salarié (CE, 18 nov. 1996, n 161910).
Prise de décision : L’inspecteur du travail peut refuser ou
autoriser le licenciement du salarié protégé. Il prend sa décision
dans un délai de 2 mois. Ce délai court à compter de la
réception de la demande d’autorisation de licenciement. Le
silence gardé pendant plus de 2 mois vaut décision de rejet
(C. trav., art. R. 2421-4, al. 3).
À l’expiration du délai de protection, l’employeur retrouve la liberté
de licencier le salarié selon les règles de droit commun.

493
Le salarié ne peut toutefois pas être licencié pour des faits commis
pendant la période de protection, sans qu’une demande
d’autorisation de licenciement ait été présentée à l’inspecteur du
o
travail (Cass. soc., 13 juin 2019, n 17-24.160). Toutefois, la
persistance du comportement fautif du salarié après l’expiration de
cette période peut justifier le prononcé d’un licenciement (Cass. soc.,
o
16 févr. 2022, n 20-16.171).

III. Les voies de recours

L’employeur, le salarié ou le syndicat ayant reçu mandat à cet effet,


peuvent former différents recours :
Le recours gracieux : L’inspecteur du travail ayant pris la
décision peut être directement saisi d’un recours gracieux. Il
dispose d’un délai de 4 mois pour confirmer ou retirer sa
décision.
Le recours hiérarchique : Le ministre du travail peut être saisi
d’une demande d’annulation de la décision de l’inspecteur du
travail. Le recours hiérarchique doit être formé dans les 2 mois
de la décision. Ce délai court à compter du lendemain de la
notification de la décision administrative. Le ministre dispose de
4 mois pour se prononcer à compter de la demande. Il peut soit
confirmer, soit annuler la décision. Passé le délai de 4 mois, le
recours est rejeté implicitement.
Le recours contentieux : Le recours contentieux devant le
tribunal administratif doit être introduit dans les 2 mois à
compter de la notification de la décision administrative. Il
concerne la décision initiale (celle de l’inspecteur du travail) ou
celle issue du recours hiérarchique (celle rendue par le ministre
du travail). La décision du tribunal administratif peut faire l’objet
d’un recours devant la cour administrative d’appel, elle-même

494
susceptible de faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le
Conseil d’État.
Si l’employeur obtient l’autorisation de l’inspecteur du travail, il peut
régulièrement licencier le salarié protégé.

Si la décision refusant d’autoriser le licenciement du salarié protégé


a été annulée, par le ministre du travail ou par la juridiction
administrative, l’inspecteur du travail doit de nouveau être saisi d’une
demande d’autorisation. En effet, l’annulation d’un refus
d’autorisation de licencier ne vaut pas autorisation de licencier
o
(Cass. soc., 10 déc. 1997, n 94-45.337).

En revanche, si l’autorisation de l’inspecteur du travail a été annulée,


par le Ministre du travail ou par la juridiction administrative, le salarié
concerné a le droit, s’il le demande dans un délai de 2 mois à
compter de la notification de la décision, d’être réintégré dans son
emploi ou dans un emploi équivalent (C. trav., art. L. 2422-1).

Par ailleurs, le salarié a droit au paiement d’une indemnité


correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période
écoulée entre son licenciement et sa réintégration s’il en a formulé la
demande dans le délai de 2 mois à compter de la notification de
l’annulation, ou, à défaut, entre le licenciement et l’expiration de ce
délai (C. trav., art. L. 2422-4).

IV. Les sanctions

Le licenciement du salarié protégé sans autorisation ou malgré un


refus d’autoriser le licenciement est nul (Cass. soc., 24 juin 1998,
o
n 95-44.757).

495
Le salarié est alors en droit de demander sa réintégration.
L’employeur ne peut pas, par principe, s’y opposer. Le salarié
réintégré a le droit à une indemnité égale au montant de la
rémunération qu’il aurait perçue entre son licenciement et sa
o
réintégration (Cass. soc., 11 janv. 2007, n 04-45.682).

À défaut de réintégration, le salarié peut prétendre à :


une indemnité au titre de la méconnaissance par l’employeur du
statut protecteur égale à la rémunération que le salarié aurait
perçue jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours
o
(Cass. soc., 11 mai 1999, n 97-41.821) ;
les indemnités légales ou conventionnelles de rupture ;
une indemnité réparant le préjudice subi du fait de son
licenciement nul, au moins égale à l’indemnité prévue en cas de
licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, l’employeur encourt un an emprisonnement et une
amende de 3 750 euros (C. trav., art. L. 2431-1).

§3 Les autres situations couvertes par la protection

La protection spéciale, à l’origine applicable au licenciement, a été


progressivement étendue à d’autres hypothèses. Elle s’applique
notamment :
o
au départ en retraire (Cass. soc., 5 mars 1996, n 92-42.490) ;
à l’adhésion à un dispositif de préretraite (Cass. soc., 8 juin
o
1999, n 96-45.045) ;
une rupture amiable pour motif économique (Cass. soc.,
o
27 mars 2007, n 05-45.310) ;

496
o
une rupture conventionnelle (Cass. soc., 20 déc. 2017, n 16-
14.880) ;
le transfert d’un salarié compris dans un transfert partiel
d’entreprise ou d’établissement (C. trav., art. L. 2414-1) ;
la rupture d’un contrat à durée déterminée (C. trav. art. L. 2412-
2).

POUR ALLER PLUS LOIN….

– N. DEDESSUS-LE-MOUSTIER, Étendue du bénéfice du statut de


salarié protégé, JCP G 2017, p. 370
– L. DAUXERRE, Annulation de l’autorisation de licenciement : de
l’appréhension par le juge judiciaire de la cause réelle et sérieuse,
o
n 39, 4 oct. 2016, p. 27

497
TITRE 2
LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

o
Fiche n 44 Les modalités de négociation et de conclusion
o
Fiche n 45 Les thèmes de la négociation
o
Fiche n 46 L’articulation entre les accords d’entreprise
et les normes supérieures
o
Fiche n 47 La révision, la dénonciation et la remise
en cause des accords collectifs

498
o
Fiche n 44 Les modalités de négociation
et de conclusion

L’ESSENTIEL

La négociation d’entreprise se déroule, par principe, entre


l’employeur et les délégués syndicaux désignés par les syndicats
représentatifs. Toutefois, il existe des négociations dérogatoires
dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.

LES CONNAISSANCES

Les règles relatives aux modalités de négociation et de conclusion


des accords d’entreprise diffèrent selon que l’entreprise est pourvue
d’un ou plusieurs délégués syndicaux ou d’un conseil d’entreprise
(§ 1), ou au contraire en est dépourvue (§ 2).

§1 Dans les entreprises pourvues


d’un ou plusieurs délégués syndicaux

I. Les parties à la négociation

499
A La délégation patronale

(C. trav., art. L. 2232-16)


Aux termes de l’article L. 2232-16 du Code du travail, « La convention ou les
accords d’entreprise sont négociés entre l’employeur et les organisations
syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise (…) ».

L’employeur peut déléguer le pouvoir de négocier à un collaborateur


à travers une délégation de pouvoir.

B La délégation salariale
Les organisations syndicales ont le monopole de la négociation
er
collective (C. trav., art. L. 2132-2, al. 1 ). Plus particulièrement, le
Code du travail précise que sont seules admises à négocier les
conventions et accords collectifs de travail les organisations
er
syndicales représentatives (C. trav., art. L. 2232-16, al. 1 ).

Les critères de la représentativité ont été profondément modifiés par


la loi du 20 août 2008 et sont, depuis, au nombre de sept (sur la
o
notion de représentativité V. fiche n 35).

La délégation de chacune des organisations représentatives parties


à des négociations dans l’entreprise ou l’établissement comprend le
délégué syndical ou, en cas de pluralité de délégués, au moins deux
délégués syndicaux.

Chaque organisation peut compléter sa délégation par des salariés


de l’entreprise, dont le nombre est fixé par accord entre l’employeur
et l’ensemble des organisations syndicales représentatives.

500
À défaut d’accord, le nombre de salariés qui complète la délégation
est au plus égal, par délégation, à celui des délégués syndicaux de
la délégation. Toutefois, dans les entreprises pourvues d’un seul
délégué syndical, ce nombre peut être porté à deux (C. trav., art.
er
L. 2232-17, al. 1 ).

La délégation syndicale ne peut pas, en principe, comprendre des


o
personnes étrangères à l’entreprise (Cass. soc., 19 oct. 1994, n 91-
20.292).

II. Les conditions de validité des accords


o
Avant la loi Travail n 2016-1088 du 8 août 2016, les accords
devaient être signés par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli au
moins 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections
professionnelles et n’ayant pas fait l’objet de l’opposition d’un ou
plusieurs syndicats majoritaires.

Désormais, l’accord doit être signé, d’une part, par l’employeur ou


son représentant, et, d’autre part, par une ou plusieurs organisations
syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 %
des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au
premier tour des dernières élections professionnelles (C. trav., art.
er
L. 2232-12, al. 1 ).

Ce principe de l’accord majoritaire s’est d’abord appliqué à partir du


er
1 janvier 2017 aux accords sur la durée du travail, les repos et les
congés.

Puis, cette condition de majorité s’est généralisée à tous les accords


d’entreprise, quel que soit le thème sur lequel il porte, depuis le

501
er
1 mai 2018.

Si cette condition n’est pas remplie, les salariés peuvent être


consultés à travers un référendum.

Les organisations syndicales signataires peuvent demander le


recours au référendum, à condition d’avoir recueilli plus de 30 % des
suffrages exprimés au premier tour des dernières élections
professionnelles, quel que soit le nombre de votants.

Ils disposent d’un délai d’1 mois, à compter de la signature de


l’accord minoritaire, pour demander la consultation des salariés
(C. trav., art. L 2232-12, al. 2).

À l’expiration de ce délai d’1 mois, l’employeur peut prendre le relais


(C. trav., art. L. 2232-12, al. 2).

Les organisations syndicales disposent cependant d’un droit


d’opposition. La demande de l’employeur ne peut en effet aboutir
qu’en l’absence d’opposition unanime des syndicats (C. trav., art.
L. 2232-12, al. 2).

Si, après un délai de 8 jours à compter de la demande des


organisations syndicales ou de l’initiative de l’employeur, les
éventuelles signatures d’autres syndicats représentatifs n’ont pas
permis d’atteindre le taux de 50 % et si les conditions requises sont
toujours remplies, la consultation est organisée dans un délai de
2 mois (C. trav., art. L. 2232-12, al. 3).

Les modalités du scrutin référendaire sont définies dans un


protocole spécifique qui fixe notamment :

502
les modalités de transmission aux salariés de l’accord ;
les lieu, date et heure du scrutin ;
l’organisation et le déroulement du vote ;
le texte de la question soumise aux salariés ;
la liste des salariés pouvant voter.
Le protocole spécifique doit être conclu entre l’employeur et un ou
plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 30 % des
suffrages exprimés au premier tour des dernières élections
professionnelles, quel que soit le nombre de votants (C. trav., art. L
2232-12, al. 4).

En cas de désaccord sur les modalités de consultation des salariés,


les syndicats représentatifs dans l’entreprise peuvent saisir le
tribunal d’instance qui statue en la forme des référés et en dernier
ressort.

L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des
suffrages exprimés.

§2 Dans les entreprises dépourvues de délégué


syndical ou de conseil d’entreprise

I. Dans les entreprises de moins de 11 salariés

Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et dont


l’effectif habituel est inférieur à 11 salariés, l’employeur peut
proposer un projet d’accord aux salariés, qui porte sur l’ensemble
des thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise (C. trav.,
art. L. 2232-21).

503
La consultation du personnel est organisée à l’issue d’un délai
minimum de 15 jours courant à compter de la communication à
chaque salarié du projet d’accord.

Lorsque le projet d’accord est ratifié à la majorité des deux tiers du


personnel, il est considéré comme un accord valide (C. trav., art.
L. 2232-22).

Le référendum doit être organisé dans un délai minimum de 15 jours


à compter de la communication à chaque salarié du projet d’accord
(C. trav., art. L 2232-21, al. 2).

Ce délai de 15 jours doit permettre aux salariés :


de prendre connaissance du projet d’accord qui leur est soumis
et, s’ils le souhaitent, de se rapprocher des organisations
syndicales pour se forger une opinion avant la consultation.

II. Dans les entreprises de 11 salariés à 20 salariés

Dans les entreprises dont l’effectif habituel est compris entre 11 et 20


salariés, en l’absence de membre élu de la délégation du personnel
du CSE, les règles relatives aux entreprises de moins de 11 salariés
s’appliquent (C. trav., art. L. 2232-23).

L’employeur peut ainsi proposer un projet d’accord aux salariés,


portant sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation
collective.

Pour devenir un accord collectif valide, le projet doit être ratifié à la


majorité des deux tiers du personnel.

III. Dans les entreprises de 11 à 50 salariés

504
Dans les entreprises dont l’effectif habituel est compris entre 11 et
moins de 50 salariés, en l’absence de délégué syndical dans
l’entreprise ou l’établissement, les accords d’entreprise ou
d’établissement peuvent être négociés et conclus :
soit par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par
une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans
la branche ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations
syndicales représentatives au niveau national et
interprofessionnel, étant membre ou non de la délégation du
personnel du CSE. A cet effet, une même organisation ne peut
mandater qu’un seul salarié ;
soit par un ou des membres titulaires de la délégation du
personnel du CSE.
Les accords ainsi négociés et conclus peuvent porter sur l’ensemble
des thèmes ouverts à la négociation collective.

La validité des accords ou des avenants de révision conclus avec un


ou des membres de la délégation du personnel du CSE, mandaté ou
non, est subordonnée à leur signature par des membres du CSE
représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières
élections professionnelles.

La validité des accords ou des avenants de révision conclus avec un


ou plusieurs salariés mandatés, s’ils ne sont pas membres de la
délégation du personnel du CSE, est subordonnée à leur
approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

IV. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés

A Négociation avec des élus mandatés

505
Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical dont l’effectif
habituel est au moins égal à cinquante salariés, les membres de la
délégation du personnel du CSE peuvent négocier et conclure des
accords collectifs de travail s’ils sont expressément mandatés à cet
effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives
dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou
plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au
niveau national et interprofessionnel. Une même organisation ne
er
peut mandater qu’un seul salarié (C. trav., art. L. 2232-24, al. 1 ).

L’employeur informe de sa décision d’engager des négociations les


organisations syndicales représentatives dans la branche dont
relève l’entreprise ou, à défaut, les organisations syndicales
représentatives au niveau national et interprofessionnel (C. trav., art.
L. 2232-24, al. 2).

Pour être valide, l’accord doit être approuvé par les salariés à la
majorité des suffrages exprimés (C. trav., art. L. 2232-24, al. 3).

B Négociation avec des élus non mandatés


En l’absence d’élu mandaté, les membres de la délégation du
personnel du CSE peuvent négocier et conclure des accords
er
collectifs (C. trav., art. L. 2232-25, al. 1 ).

L’accord ne peut porter que sur des mesures dont la mise en œuvre
est subordonnée par la loi à un accord collectif, à l’exception des
accords de méthode (C. trav., art. L. 2232-25, al. 2).

La validité de l’accord est subordonnée à sa signature par des


membres de la délégation du personnel du CSE représentant la

506
majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections
professionnelles (C. trav., art. L. 2232-25, al. 3).

En pratique, l’employeur fait connaître son intention de négocier aux


membres de la délégation du personnel du CSE par tout moyen
permettant de lui conférer une date certaine (C. trav., art. L. 2232-
er
25-1, al. 1 ).

Les élus qui souhaitent négocier le font savoir dans un délai d’un
mois et indiquent, le cas échéant, s’ils sont mandatés (C. trav., art.
L. 2232-25-1, al. 2).

À l’issue de ce délai, la négociation s’engage avec les salariés qui


ont indiqué être mandatés ou, à défaut, avec des salariés élus non
mandatés (C. trav., art. L. 2232-25-1, al. 3).

C Négociation avec un ou des salariés mandatés


Lorsqu’aucun membre de la délégation du personnel du CSE n’a
manifesté son souhait de négocier, un accord collectif peut être
négocié et conclu par un ou plusieurs salariés expressément
mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales
représentatives dans la branche ou, à défaut, par une ou plusieurs
organisations syndicales représentatives au niveau national et
er
interprofessionnel (C. trav., art. L. 2232-26, al. 1 ).

Il en est de même dans les entreprises dépourvues de délégué


syndical dans lesquelles un procès-verbal de carence a établi
l’absence de représentants élus du personnel (C. trav., art. L. 2232-
26, al. 3).

507
L’accord peut porter sur toutes les mesures qui peuvent être
négociées par accord d’entreprise ou d’établissement, sous réserve
des dispositions d’ordre public (C. trav., art. L. 2232-26, al. 4).

Il doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages


exprimés (C. trav., art. L. 2232-26, al. 5).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– F. CANUT, La négociation collective dans les entreprises
dépourvues de délégués syndicaux, Dr. soc. 2017, p. 1033
– S. IZARD, Les nouvelles règles du jeu en droit de la négociation
o
collective, SSL, n 1794, 11 déc. 2017, p. 4
– M. MORAND, La négociation avec les élus dans la loi Rebsamen,
o er
RJS, n 7, 1 juill. 2016, p. 497

508
o
Fiche n 45 Les thèmes de la négociation

L’ESSENTIEL

Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections


syndicales d’organisations représentatives, et dans lesquelles un
délégué syndical au moins est présent, l’employeur doit prendre
l’initiative d’engager, périodiquement, des négociations portant sur
certains thèmes.

LES CONNAISSANCES

La négociation collective a pour objectif d’améliorer les conditions


d’emploi, de formation professionnelle et de travail ou des garanties
sociales des salariés.

Dans cette perspective, les partenaires sociaux sont libres d’engager


une négociation sur des thèmes très variés (§ 1).

Reste que le législateur a instauré au niveau de l’entreprise une


négociation obligatoire, beaucoup plus encadrée que la négociation
facultative. Elle doit porter sur certains thèmes dont les
rémunérations, l’égalité professionnelle entre les femmes et les

509
hommes et la gestion des emplois et des parcours professionnels
(§ 2).

§1 L’objet large de la négociation facultative


La liberté des négociateurs dans le cadre de la négociation
facultative est quasi totale.

La négociation peut porter sur tout sujet en lien avec les conditions
d’emploi, de formation professionnelle et de travail des salariés ainsi
que leurs garanties sociales (C. trav., art. L. 2221-1).

Les partenaires sociaux sont donc libres de négocier sur des thèmes
très variés, sous réserve :
des dispositions d’ordre public auxquelles il n’est pas possible
de déroger par convention ou accord collectif ;
des dispositions légales circonscrivant l’engagement de
certaines négociations à certains niveaux ;
des règles d’articulation entre les différents niveaux de
négociation.
Lorsqu’elle aboutit, les parties concluent une convention collective
de travail, qui a vocation à traiter de l’ensemble des thèmes, ou un
accord collectif de travail, qui n’en traite qu’une partie (C. trav., art. L.
2221-2).

§2 La négociation obligatoire d’entreprise


La négociation obligatoire annuelle constitue l’une des avancées
majeures de la loi Auroux du 13 novembre 1982 précitée. À l’origine
limitée aux salaires effectifs, à la durée effective et à l’organisation
du temps de travail, les réformes successives ont étendu cette

510
obligation de négocier, en consacrant notamment une obligation
triennale de négocier.

L’obligation de négocier concerne les entreprises où sont


constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations
représentatives et dans lesquelles est présent au moins un délégué
syndical (C. trav., art. L. 2242-1).

L’employeur doit engager la négociation (C. trav., art. L. 2242-1). Il


s’agit d’une obligation de négocier et non de conclure un accord.

Le fait, pour l’employeur, de se soustraire aux obligations de


négocier est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de
3 750 euros (C. trav., article L. 2243-1).

o
L’ordonnance n 2017-1385 du 22 septembre 2017 a réécrit les
dispositions du Code du travail consacrées à la négociation
obligatoire d’entreprise. Désormais, le chapitre est composé de trois
parties : les dispositions d’ordre public (A), les dispositions relatives
à l’accord d’adaptation (B) et enfin les dispositions supplétives,
applicables en l’absence d’un tel accord (C).

I. Les règles impératives

Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections


syndicales de syndicats représentatifs, l’employeur doit engager au
moins une fois tous les 4 ans :
une négociation sur la rémunération, notamment les salaires
effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée
dans l’entreprise ;

511
une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et
les hommes, portant notamment sur les mesures visant à
supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie et des
conditions de travail (C. trav., art. L. 2242-1).
Une négociation sur la gestion des emplois et des parcours
professionnels doit également être engagée par l’employeur, au
moins une fois tous les quatre ans :
dans les entreprises et les groupes d’entreprises d’au moins
300 salariés,
dans les entreprises et groupes d’entreprises de dimension
communautaire comportant au moins un établissement ou une
entreprise d’au moins 150 salariés en France (C. trav., art. L
2242-2).
Tant que la négociation est en cours, l’employeur ne peut pas
prendre de décisions unilatérales concernant la collectivité des
salariés dans les matières sur lesquelles elle porte, sauf si l’urgence
le justifie (C. trav., art. L 2242-4).

II. Le champ ouvert à la négociation

Dans les entreprises soumises à l’obligation de négocier, et sous


réserve de respecter les dispositions d’ordre public précitées, il est
possible de négocier un accord adaptant le calendrier, la périodicité,
les thèmes et les modalités de négociation dans le groupe,
l’entreprise ou l’établissement (C. trav., art. L. 2242-10).

L’accord précise :
les thèmes des négociations de telle sorte qu’au moins tous les
quatre ans soient négociés les thèmes relevant de l’ordre
public ;
la périodicité et le contenu de chacun des thèmes ;

512
le calendrier et les lieux des réunions ;
les informations que l’employeur remet aux négociateurs sur les
thèmes prévus par la négociation qui s’engage et la date de
cette remise ;
les modalités selon lesquelles sont suivis les engagements
souscrits par les parties (C. trav., art. L. 2242-11).
La durée de l’accord ne peut excéder quatre ans.

III. Les dispositions supplétives à défaut d’accord

513
En l’absence d’accord d’adaptation, le Code du travail contient des
dispositions supplétives.

514
Ainsi, l’employeur doit engager une négociation :
chaque année sur la rémunération, le temps de travail et le
partage de la valeur ajoutée,
chaque année sur l’égalité professionnelle entre les femmes et
les hommes et la qualité de la vie,
tous les trois ans sur la gestion des emplois et des parcours
professionnels et la mixité des métiers.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– A. FABRE, Réforme des obligations de négocier dans l’entreprise :
l’âge de raison ?, Dr. soc. 2015, p. 882
– Y. PAGNERRE, E. JEANSEN, L’obligation de négocier, de la loi au
contrat collectif, JCP S 2017, p. 43.

515
o
Fiche n 46 L’articulation entre
les accords d’entreprise et les normes
supérieures

L’ESSENTIEL

La question de la hiérarchie des normes est essentielle. Les


récentes réformes du droit du travail ont revu l’articulation entre
l’accord d’entreprise et les normes légales ou conventionnelles
supérieures.

LES CONNAISSANCES

Doivent être précisée l’articulation entre les normes conventionnelles


et les normes légales ou réglementaires (§ 1), l’articulation entre les
accords d’entreprise et les conventions ou accords collectifs de
branche (§ 2) et l’articulation entre les accords d’entreprise et les
conventions ou accords collectifs de groupe (§ 3).

§1 L’articulation entre les accords d’entreprise


et les normes légales ou réglementaires

516
Les rapports entre les normes conventionnelles et les normes
légales ou réglementaires sont régis par le principe de faveur.

Ainsi, une convention ou un accord peut comporter des stipulations


plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur.
Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère
d’ordre public (C. trav., art. L. 2251-1).

Il existe cependant plusieurs exceptions.

Une convention ou un accord ne peut déroger aux dispositions


d’ordre public absolu, même dans un sens plus favorable. En effet,
dans certains domaines, les dispositions légales ou réglementaires
sont impératives de sorte qu’il n’est pas possible d’y déroger. À titre
d’illustration, ont un caractère d’ordre public absolu les dispositions
interdisant les stipulations prévoyant une rupture de plein droit du
contrat de travail en raison de l’âge du salarié ou du fait que ce
dernier serait en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse
(C. trav., art. L. 1237-4, al. 2).

Dans d’autres cas, le législateur permet aux conventions et accords


collectifs d’écarter les règles légales et réglementaires et de prévoir
des stipulations moins favorables aux salariés. Ainsi, un accord
d’entreprise ou une convention de branche peut déroger à la durée
minimale de repos quotidien de 11 heures (C. trav., art. L. 3131-2).

Enfin, parfois, les règles légales et réglementaires sont simplement


supplétives et ne s’appliquent qu’à défaut d’accord. Tel est le cas en
matière de durée du travail, de repos et de congés. Par exemple, les
partenaires sociaux peuvent négocier sur la majoration des heures
supplémentaires (le taux de majoration doit être au minimum égal à

517
10 %). À défaut d’accord, les heures supplémentaires sont majorées
de 25 % pour les 8 premières heures et de 50 % pour les heures
suivantes (C. trav., art. L. 3121-36).

§2 L’articulation entre les accords d’entreprise


et les conventions ou accords collectifs de branche
L’ordonnance du 23 octobre 2017 a consacré la primauté de l’accord
d’entreprise sur l’accord de branche.

Ainsi, par principe, les stipulations de la convention d’entreprise,


conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en
vigueur de l’accord de branche, prévalent sur celles de l’accord de
branche ayant le même objet (C. trav., art. L. 2253-3).

En l’absence d’accord d’entreprise, la convention de branche ou


l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large
s’applique.

Par exception, le Code du travail prévoit la primauté de l’accord de


branche sur deux blocs.

I. Bloc 1 : verrouillage de droit

Le Code du travail prévoit 13 thèmes pour lesquels l’accord branche


prime sur l’accord d’entreprise conclu antérieurement ou
postérieurement (C. trav., art. L. 2253-1) :
Les salaires minima hiérarchiques ;
Les classifications ;
La mutualisation des fonds de financement du paritarisme ;
La mutualisation des fonds de la formation professionnelle ;
Certaines garanties collectives complémentaires ;

518
Certaines mesures relatives à la durée du travail, à la répartition
et à l’aménagement des horaires ;
Certaines mesures relatives aux contrats de travail à durée
déterminée et aux contrats de travail temporaire ;
Certaines mesures relatives au contrat à durée indéterminée de
chantier ou d’opération ;
L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
Les conditions et les durées de renouvellement de la période
d’essai ;
Les modalités selon lesquelles la poursuite des contrats de
travail est organisée entre deux entreprises dans certaines
hypothèses ;
Les cas de mise à disposition d’un salarié temporaire auprès
d’une entreprise utilisatrice ;
La rémunération minimale du salarié porté, ainsi que le montant
de l’indemnité d’apport d’affaire.

II. Bloc 2 : verrouillage facultatif

Dans certains domaines limitativement énumérés, l’accord de


branche peut interdire à l’accord d’entreprise postérieur de
comporter des stipulations différentes. Sont concernés :
La prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques
professionnels ;
L’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des
travailleurs handicapés ;
L’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être
désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours
syndical ;
Les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

519
Dans tous les domaines qui n’appartiennent pas au premier ou au
deuxième bloc, l’accord d’entreprise prévaut sur les clauses de
l’accord de la branche ayant le même objet.

§3 L’articulation entre les accords d’entreprise


et les conventions ou accords collectifs de groupe
Jusqu’à présent, le Code du travail était silencieux sur l’articulation
entre un accord d’entreprise et un accord de groupe.

Depuis la loi du 8 août 2016 précitée, l’article L. 2253-5 prévoit que


lorsqu’un accord de groupe le prévoit expressément, ses stipulations
se substituent à celles ayant le même objet des accords d’entreprise
conclus antérieurement ou postérieurement.
Autrement dit, l’accord de groupe peut primer sur l’accord
d’entreprise, même si les dispositions contenues dans cet accord de
groupe sont moins favorables.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– F. CANUT, Le recul de l’ordre public face à l’accord collectif, Dr.
o er
ouvr., n 827, 1 juin 2017, p. 342
– F. FAVENNEC, La hiérarchie des normes en droit du travail :
o
rupture ou continuité ?, SSL, n 1742, 31 oct. 2016, p. 4
– G. BORENFREUND, Les rapports de l’accord collectif avec la loi
et le contrat de travail, RDT 2016, p. 781

520
o
Fiche n 47 La révision, la dénonciation
et la remise en cause des accords collectifs

L’ESSENTIEL

Le contenu des conventions et accords collectifs peut évoluer


lorsque les parties décident de les réviser. Les accords et
conventions peuvent également cesser de produire effet s’ils sont
dénoncés par leurs signataires ou mis en cause par un évènement
affectant l’entité économique.

LES CONNAISSANCES

Les conventions et accords collectifs peuvent ne plus être adaptés à


l’entreprise lorsque cette dernière fait l’objet de changements
économiques ou sociaux. Il faut donc pouvoir adapter les
dispositions conventionnelles.

Dans cette perspective, la révision permet de modifier tout ou partie


de la convention et de l’accord par la conclusion d’un avenant (§ 1).

La convention et l’accord peuvent également être dénoncés


unilatéralement par leurs signataires. Dans cette hypothèse, la

521
dénonciation entraîne la disparition du texte dénoncé qui peut être
remplacé par un accord de substitution (§ 2).

Enfin, la convention et l’accord peuvent être affectés par la sortie de


l’entité économique de son champ d’application. Ils sont alors « mis
en cause » (§ 3).

§1 La révision

I. L’engagement de la procédure de révision

Les organisations syndicales habilitées à engager la procédure de


révision diffèrent selon que la révision s’engage au cours du cycle
électoral ou à l’issue de celui-ci.

Avant la fin du cycle électoral, seules sont habilitées à engager la


procédure de révision une ou plusieurs organisations syndicales
représentatives dans le champ d’application de la convention ou de
l’accord et signataires ou adhérentes de la convention ou de
l’accord.

Après le cycle électoral, le cercle des organisations syndicales ayant


la possibilité d’engager la procédure de révision s’élargit. Peuvent
ouvrir la procédure une ou plusieurs organisations syndicales
représentatives dans le champ d’application de l’accord. Ainsi, une
organisation syndicale qui n’est pas partie à l’accord initial peut, si
elle est représentative, déclencher la procédure de révision (C. trav.,
art. L. 2261-7 et s.).

II. La négociation de l’accord de révision

522
Aux termes de l’article L. 2222-5 du Code du travail, la convention
ou l’accord prévoit les formes de son renouvellement ou de sa
révision ainsi que le délai au terme duquel il pourra être renouvelé
ou révisé.

À la question de savoir quelles sont les organisations habilitées à


négocier l’accord de révision, le législateur est resté silencieux.
Néanmoins, la doctrine s’accorde pour affirmer que tous les
syndicats représentatifs dans le champ d’application de l’accord
collectif doivent être invités à la négociation, y compris les syndicats
qui ne sont pas signataires de l’accord initial.

Pour être valable, l’avenant de révision doit être conclu selon les
règles de validité applicables à toute convention ou accord collectif.

L’avenant de révision valablement conclu se substitue


immédiatement et de plein droit à l’accord qu’il modifie. Les
dispositions antérieures cessent de s’appliquer. Si les conditions de
dépôt sont respectées, l’accord de révision est opposable à
l’ensemble des employeurs et des salariés liés par la convention ou
l’accord (C. trav., art. L. 2261-8).

§2 La dénonciation

I. La procédure de dénonciation

Seuls les conventions et accords à durée indéterminée peuvent être


dénoncés par les parties signataires (C. trav., art. L. 2261-9). Le
Code du travail ne prévoit pas la dénonciation des conventions
conclues pour une durée déterminée.

523
La convention ou l’accord doit prévoir les conditions dans lesquelles
il peut être dénoncé, et notamment la durée du préavis qui doit
précéder la dénonciation (C. trav., art. L. 2222-6). À défaut de
précision dans l’accord collectif, le préavis est de trois mois (C. trav.,
art. L. 2261-9).

La dénonciation doit être notifiée, par son auteur, à tous les autres
signataires de la convention ou de l’accord (C. trav., art. L. 2261-9).

Jurisprudence
La dénonciation doit en principe être totale. La Cour de cassation considère
en effet que la convention ou l’accord collectif forme un « ensemble contractuel »
o
(Cass. soc., 16 oct. 1974, n 73-11.562). Une dénonciation partielle est donc en
o
principe nulle et ne peut produire effet (Cass. soc., 16 mars 1995, n 93-13.371).

Par exception, une dénonciation partielle est possible quand :

• la convention ou l’accord collectif le prévoit expressément (Cass. soc.,


o
30 mars 1977, n 75-13.440) ;

• d’un commun accord, tous les signataires décident, au moment de la


dénonciation, d’écarter certaines clauses uniquement (Cass. soc., 16 oct. 1974,
o
n 73-11.562).

La dénonciation de l’accord collectif doit également faire l’objet d’un


dépôt à la DREETS et être transmise au secrétariat-greffe du
Conseil des prud’hommes du lieu de conclusion.

er
Depuis le 1 janvier 2016, la dénonciation d’un accord collectif n’est
plus soumise à la consultation préalable du comité d’entreprise
(C. trav., art. L. 2323-2 ancien [CE]).

524
Cette règle rend caduque la jurisprudence de la Cour de cassation qui
imposait la consultation du CE sur la dénonciation d’accords collectifs intervenant
dans des matières légalement soumises à son avis (Cass. soc., 5 mars 2008
o
n 07-40.273).

o
L’ordonnance n 2017-1386 du 22 septembre 2017, avait prévu qu’il en
serait de même pour le comité économique et social (CSE). Ainsi, les entreprises
ayant conclu un accord dans les domaines résultant des attributions générales du
CSE n’étaient pas soumises à l’obligation de consultation du CSE. L’ordonnance
o
n 2017-1718 du 20 décembre 2017 est revenue sur ce principe et limite cette
règle aux seuls accords relatifs à la gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences (C. trav., art. L. 2312-14).

II. Les effets de la dénonciation

A La dénonciation émanant de la totalité des signataires


employeurs ou salariés

525
La dénonciation de l’accord par tous les signataires formant la partie
patronale, ou tous les signataires formant la partie salariale, emporte
plusieurs effets :
Une nouvelle négociation s’engage, à la demande d’une des
parties intéressées, dans les trois mois qui suivent le début du
préavis (C. trav., art. L. 2261-10).
Tant qu’aucun accord de substitution n’est conclu, l’accord
dénoncé continue de produire ses effets. Il survit pendant une
durée maximale de 12 mois à compter de l’expiration du prévis
(soit 15 mois avec le préavis), sauf si l’accord prévoit une clause
de survie plus longue.

526
Si un accord de substitution est conclu il se substitue à l’accord
dénoncé, même s’il est moins favorable. Désormais, un accord
de substitution peut être conclu avant l’expiration du délai de
préavis (C. trav., art. L. 2261-10).
Si aucun accord de substitution n’a été conclu dans un délai
d’un an à compter de l’expiration du préavis de dénonciation, les
salariés concernés ne conservent plus, comme c’était le cas
jusqu’à présent, les avantages individuels acquis en application
du texte dénoncé, mais seulement leur rémunération antérieure
(C. trav., art. L. 2261-13).

B La dénonciation émanant d’une partie des signataires


Lorsque la dénonciation est le fait d’une partie seulement des
signataires employeurs ou des signataires salariés, elle ne fait pas
obstacle au maintien en vigueur de la convention ou de l’accord
entre les autres parties signataires. En effet, au moins une
organisation syndicale d’employeurs ou une organisation syndicale
de salariés demeure liée à la convention.
Dans ce cas, les dispositions de la convention ou de l’accord
continuent de produire effet à l’égard des auteurs de la dénonciation
jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est
substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de
l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée
déterminée supérieure (C. trav., art. L. 2261-11).

Lorsque la dénonciation émane d’une seule organisation syndicale


d’employeurs, la convention collective reste applicable aux
employeurs qui ne l’ont pas dénoncée. En revanche, elle cesse de
s’appliquer dans les entreprises membres de l’organisation ayant
dénoncé la convention, et ce, à l’expiration d’un délai d’un an à

527
compter de l’expiration du délai de préavis. À l’expiration de ce délai,
les salariés bénéficient du maintien de leur rémunération (C. trav.,
art. L. 2261-11).

Lorsque la dénonciation émane d’une seule organisation syndicale


de salariés, elle demeure applicable à tous les salariés. La seule
incidence de la dénonciation concerne les auteurs de la
dénonciation qui ne peuvent plus bénéficier des clauses
institutionnelles de l’accord dénoncé. À titre d’exemple, ils ne
peuvent plus siéger dans les commissions d’interprétation ou de
conciliation (C. trav., art. L. 2261-1).

Lorsque la dénonciation de la convention émane d’une organisation


syndicale de salariés, et qu’elle est la seule représentative dans un
des secteurs territoriaux d’application de la convention, ou qu’elle
émane d’une organisation syndicale d’employeurs qui est la seule
représentative dans le champ professionnel de la convention, le
secteur territorial ou le champ professionnel d’application, selon le
cas, est modifié en conséquence (C. trav., art. L. 2261-12). La
dénonciation a donc une incidence sur les employeurs et salariés
inclus dans secteur territorial ou le champ professionnel concerné.

§3 La mise en cause

La modification de l’activité ou de la situation juridique de


l’employeur peut avoir pour effet de faire sortir l’entité économique
du champ d’application de la convention collective et de l’accord
applicables. Leur application est alors remise en cause.
Cette remise en cause peut notamment résulter d’une fusion, d’une
cession, d’une scission ou d’un changement d’activité (C. trav., art.
L. 2261-14). En revanche, la perte de la qualité d’organisation

528
représentative de toutes les organisations syndicales signataires
d’une convention ou d’un accord collectif n’entraîne pas la mise en
cause de cette convention ou de cet accord (C. trav., art. L. 2261-14-
1).

Le Code du travail organise le maintien provisoire des dispositions


conventionnelles. Les mêmes règles qu’en matière de dénonciation
s’appliquent. La remise en cause n’a d’effet qu’au terme d’un préavis
de trois mois. La convention et l’accord continuent de produire effet
jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord
d’adaptation qui leur est substitué. À défaut d’accord d’adaptation,
les dispositions conventionnelles continuent de s’appliquer pendant
une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis
(C. trav., art. L. 2261-14).

À l’expiration de ce délai d’un an, si les dispositions conventionnelles


mises en cause n’ont pas été remplacées, les salariés conservent le
niveau de leur rémunération.

Depuis la loi Travail du 8 août 2016 précitée, une négociation


anticipée peut intervenir de manière anticipée. La négociation
s’engage entre les entreprises concernées et les syndicats de
l’entreprise ou de l’établissement transféré. La durée de la
convention ou de l’accord issu de cette négociation ne peut excéder
trois ans et entre en vigueur à la date de réalisation de l’événement
ayant entraîné la mise en cause. Toutefois, les stipulations portant
sur le même objet des conventions et accords applicables dans
l’entreprise ou l’établissement d’accueil ne s’appliquent pas. Aux
termes des trois ans, les accords applicables dans l’entreprise ou
l’établissement d’accueil s’appliquent (C. trav., art. L. 2261-14-2).

529
Le Code du travail envisage également la conclusion d’un accord
d’adaptation d’anticipation. Cet accord est signé entre tous les
employeurs et tous les syndicats concernés par la restructuration.
L’application de l’accord emporte sa substitution aux conventions et
accords mis en cause et la révision des conventions et accords
applicables dans l’entreprise ou l’établissement dans lequel les
contrats de travail sont transférés (C. trav., art. L. 2261-14-3).
Contrairement à l’accord d’anticipation évoqué précédemment, cet
accord n’est pas un accord à durée déterminée. Il relève des règles
du droit commun.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– T. LAHALLE, Portée d’un accord de substitution conclu après
dénonciation d’une convention collective, JCP S 2015, p. 26
– J.-F. CESARO, Révision d’un accord collectif : le syndicat
signataire non représentatif ne peut s’opposer à la révision, JCP S
2017, p. 30
– J.-F. CESARO, Révision, transition, extinction des conventions et
accords collectifs après la loi du 8 août 2016, JCP S 2016, p. 12

530
TITRE 3
LES CONFLITS COLLECTIFS
DU TRAVAIL

o
Fiche n 48 La notion de grève
o
Fiche n 49 Les effets de la grève
o
Fiche n 50 Le règlement des conflits collectifs

531
o
Fiche n 48 La notion de grève

L’ESSENTIEL

La grève se définit comme une cessation collective et concertée du


travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles (Cass.
o
soc., 4 nov. 1992, n 90-41.899). L’encadrement du droit de grève
est principalement jurisprudentiel.

LES CONNAISSANCES

Autrefois considéré comme un délit pénal (jusqu’à l’abrogation de la


loi « Le Chapelier » du 17 juin 1791), puis comme une faute
contractuelle, le droit de grève est aujourd’hui constitutionnellement
reconnu. La reconnaissance de ce droit est assurée par le
préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel la
Constitution du 4 octobre 1958 fait expressément référence.

Le droit de grève est également reconnu par différents textes


internationaux. Il est notamment prévu par le Pacte des Nations-
unies du 19 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels, la Charte sociale européenne du 18 octobre 1961, la
Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 et la Charte

532
communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs du
9 décembre 1989.

La Cour européenne des droits de l’homme a rattaché le droit de


grève aux libertés de réunion et d’association inscrites à l’article 11
de la Convention EDH (CEDH, 21 avril 2009, Enerji Yapi Yol Sen c/
Turquie). La Cour de justice européenne a, pour sa part, reconnu la
grève comme « un droit fondamental faisant partie intégrante des
principes généraux du droit communautaire » (CJCE, 11 déc. 2007,
Viking).

Toute cessation du travail n’est pas systématiquement qualifiée de


grève. Seuls les mouvements collectifs répondant à la définition
juridique de la grève peuvent être considérés comme tels (§ 1).
L’action des salariés peut dégénérer et revêtir un caractère abusif
(§ 2).

§1 La définition de la grève

I. La qualification de grève

Jurisprudence
En l’absence de réglementation, la Cour de cassation a défini la grève comme
« une cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des
o
revendications professionnelles » (Cass. soc., 4 nov. 1992, n 90-41.899).

A La cessation totale du travail

533
Pour qu’une action de salariés soit qualifiée de grève, le travail doit
cesser. L’arrêt du travail doit être franc et total (Cass. soc., 22 févr.
o
1978, n 76-40.327).

Par conséquent, les « grèves perlées » qui se traduisent par un


ralentissement substantiel de la production par des salariés, ne
o
constituent pas une grève (Cass. soc. 5 mars 1953, n 53-01.392).

Il en est de même de la « grève du zèle » qui consiste à appliquer


les consignes de manière exagérément consciencieuse dans le but
de paralyser le service.

Par ailleurs, n’est pas considérée comme une grève l’exécution


o
volontairement défectueuse (Cass. soc., 16 mai 1989, n 85-43.359)
ou l’inexécution d’une obligation particulière (Cass. soc., 11 juill.
o
2016, n 14-14.226).

B La cessation collective et concertée du travail

1 Cessation collective

534
Jurisprudence
Pour autant, la jurisprudence n’exige pas que le mouvement soit le fruit de la
o
totalité (Cass. soc., 21 juin 1967, n 66-40.442) ou la majorité des salariés dans
l’entreprise : « l’arrêt de travail concerté de 58 ouvriers d’une entreprise dans le
but d’obtenir une amélioration des conditions de travail ne saurait perdre le
caractère de grève par le seul fait qu’il n’a pas été observé par la majorité du
o
personnel » (Cass. soc. 3 oct.1963 n 62-40.059). La cessation de travail par
quelques salariés peut donc revêtir le caractère d’une grève (Cass. soc., 9 juin
o
1982, n 80-40.899).

En revanche, la grève peut être le fait d’un salarié pris isolément lorsque
l’entreprise ne comporte qu’un seul salarié. En effet, celui-ci, qui est le seul à
même de présenter et de défendre ses revendications professionnelles, doit
pouvoir exercer ce droit constitutionnellement reconnu (Cass. soc., 13 nov. 1996,
o
n 93-42.247).

Si la grève est un droit individuel, elle doit être exercée


collectivement. Ce caractère collectif suppose que plusieurs salariés
cessent le travail. La grève ne peut donc être le fait d’un salarié
agissant isolément, sauf s’il s’inscrit dans le cadre d’un mouvement
o
national (Cass. soc., 29 mars 1995, n 93-41.863).

Cessation concertée
Le mouvement doit être concerté pour être considéré comme une
grève. Pour autant, aucune condition de forme n’est requise. Dans le
secteur privé, l’appel d’un syndicat à la grève n’est pas exigé (Cass.
o
soc., 19 févr. 1981, n 79-41.281).

Il n’est pas nécessaire que la grève ait été longuement préparée. La


concertation peut s’entendre d’un rassemblement spontané des

535
salariés suite à l’annonce de l’interruption des négociations (Cass.
o
soc., 19 févr. 1981, n 79-41.281).

Les grèves surprises sont donc admises. Dans le secteur privé,


o
aucun préavis n’est exigé (Cass. soc., 11 juill. 1989, n 87-40.727).
Une convention collective ne peut avoir pour effet de limiter ou de
réglementer pour les salariés l’exercice du droit de grève. Seule la
loi peut créer un délai de préavis de grève s’imposant à eux (Cass.
o
soc., 7 juin 1995, n 93-46.448).

En revanche, l’employeur doit avoir connaissance des


revendications professionnelles des grévistes au moment de l’arrêt
o
de travail (Cass. soc., 19 nov. 1996, n 94-42.631). L’information
o
peut être délivrée le jour même (Cass. soc., 22 oct. 2014, n 13-
19.858). Il n’est pas nécessaire que les salariés attendent l’éventuel
rejet des revendications par l’employeur pour exercer leur droit de
o
grève (Cass. soc., 20 mai 1992, n 90-45.271).

En outre, l’exercice par les salariés grévistes de leur droit de choisir


le moment du déclenchement de la grève ne doit pas avoir pour
conséquence une désorganisation de l’entreprise.

B L’existence de revendications professionnelles

536
Jurisprudence
Ont été considérés comme des revendications professionnelles :

• l’arrêt de travail consécutif à l’annonce d’un licenciement économique (Cass.


o
soc., 22 nov. 1995, n 93-44.017) ;

• la suspension de l’exécution du contrat de travail par les salariés pour


demander à l’employeur la fourniture d’un moyen de transport ou d’octroi
o
d’indemnités de grand déplacement (Cass. soc.,18 juin 1996, n 92-44.497) ;

• l’interruption du travail pour appuyer des revendications de salaires et


réclamer l’organisation d’élections du personnel (Cass. ass. plén., 27 oct. 1972,
o
n 70-92.627) ;
o
• La défense de l’exercice du droit syndical (Cass. soc., 30 mars 1999, n 97-
41.104).

La grève, pour être considérée comme licite, doit être organisée en


vue d’appuyer des revendications professionnelles. Les
revendications invoquées à l’appui d’une grève intéressent
directement les salariés. Elles participent notamment à l’amélioration
des conditions de travail, à l’augmentation des rémunérations, à la
protection de l’emploi, etc.

L’existence de revendications professionnelles n’implique pas


nécessairement que l’employeur soit en mesure de les satisfaire
o
(Cass. soc., 23 oct. 2007, n 06-17.802).

537
Le mouvement collectif qui n’appuie pas une revendication
professionnelle ne peut être qualifié de grève. Ainsi, la grève politique est illicite
(Cass. soc., 14 oct. 1954). Le droit de recourir à la grève n’est accordé aux
salariés que pour défendre leurs intérêts professionnels et ne peut pas être
détourné de sa destination normale à des fins politiques. En pratique, il est parfois
malaisé de distinguer la grève politique de la grève professionnelle. La Cour de
cassation a ainsi jugé que la grève est illicite si la revendication professionnelle
o
avancée n’est qu’un simple prétexte (Cass. soc., 23 mars 1953, n 1.398). En
revanche, sont licites les mouvements de revendications politiques se mêlant à
des revendications professionnelles et économiques (Cass. soc., 15 févr. 2006,
o
n 04-45.738).

La question de la licéité des grèves de « solidarité » s’est également posée. Il


convient de distinguer la grève de solidarité interne de la grève de solidarité
externe.

Dans le cadre d’une grève de solidarité interne, le mouvement a pour objectif de


soutenir des salariés de la même entreprise. Il est licite dès lors que la solidarité
manifeste une revendication professionnelle et collective. La Cour de cassation a
jugé que constitue l’exercice du droit de grève l’arrêt de travail consécutif à
l’annonce d’un licenciement économique, la menace sur l’emploi que fait peser ce
licenciement caractérisant une revendication professionnelle de défense et de
maintien de l’emploi intéressant l’ensemble du personnel (Cass. soc., 22 nov.
o
1995, n 93-44.017). En revanche, la grève organisée pour protester contre une
décision de l’employeur fondée sur une faute personnelle d’un salarié est illicite.
Tel est le cas de la mise à pied d’un salarié pour avoir projeté un jet de peinture
o
sur un agent de maîtrise (Cass. soc., 30 mai 1989, n 86-16.765).

Dans le cadre d’une grève de solidarité externe, les salariés d’une entreprise se
mettent en grève pour soutenir les salariés d’une autre entreprise. Une telle grève
n’est licite que dans la mesure où le mouvement auquel les salariés s’associent
pose des revendications qui « pour être générales et communes à un très grand
nombre de travailleurs » sont de nature à les intéresser (Cass. crim., 12 janv.
o
1971, n 70-90.753).

II. Les particularismes de la grève dans le secteur public

538
Les dispositions du Code du travail relatives à la grève dans les
services publics s’appliquent aux personnels des entreprises, des
organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces
entreprises, organismes et établissements sont chargés de la
gestion d’un service public (C. trav., art. L. 2512-1, 2°).

A Le respect d’un préavis


Aux termes de l’article L. 2512-2 du Code du travail, l’exercice du
droit de grève dans les services publics doit être précédé d’un
préavis.

Le préavis doit émaner d’une organisation syndicale représentative


au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans
l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé (C. trav., art. L. 2512-
2, al. 2).

Il doit préciser les motifs du recours à la grève et fixer le champ


géographique et l’heure du début ainsi que la durée de la grève
envisagée (C. trav., art. L. 2512-2, al. 3 et 4).

Le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement


de la grève (C. trav., art. L. 2512-2, al. 4).

Jurisprudence
La grève déclenchée moins de cinq jours francs avant la réception du préavis
est illégale et les salariés qui s’y associent, même après l’expiration de ce délai,
en dépit d’une notification de l’employeur attirant leur attention sur l’obligation de
préavis, commettent une faute lourde que ce dernier est en droit de sanctionner
o o
(Cass. soc., 11 janv. 2007, n 05-40.663 ; Cass. soc., 6 févr. 1985, n 82-16.447).

539
Le préavis doit être adressé à l’autorité hiérarchique ou à la direction
de l’établissement, de l’entreprise ou de l’organisme intéressé
(C. trav., art. L. 2512-2, al. 4).

Pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de


négocier (C. trav., art. L. 2512-2, al. 5).

B L’interdiction de la grève tournante


Certaines formes de grèves, admises dans le secteur privé, sont
interdites dans le secteur public.

Outre la « grève surprise », dont l’interdiction découle de l’obligation


de respecter un préavis avant de déclencher la grève, le Code du
travail interdit la grève tournante.

Ainsi, l’heure de cessation et celle de reprise du travail ne peuvent


être différentes pour les divers membres du personnel intéressé par
er
la grève (C. trav., art. L. 2512-3, al. 1 ).

Le Code du travail précise par ailleurs que les arrêts de travail par
échelonnement successif ou par roulement concerté, lorsqu’ils
concernent un même établissement ou service ou les différents
établissements ou services d’une même entreprise ou d’un même
organisme sont ainsi interdits (C. trav., art. L. 2512-3, al. 2).

En revanche, la grève tournante émanant de personnels


d’entreprises différentes demeure licite.

C Le maintien d’un service minimum

540
L’exercice du droit de grève dans le secteur public doit être concilié
avec l’exigence de continuité du service public, reconnue par le
Conseil Constitutionnel comme ayant également valeur
o
constitutionnelle (Cons. const., 25 juill. 1979, n 79.705 DC).

Il appartient en principe au législateur d’édicter cette possibilité. Le


maintien d’un service minimum a ainsi été instauré par la loi dans le
o
secteur de la navigation aérienne (L. n 84-1286, 31 déc. 1984),
o
dans le domaine de l’audiovisuel public (L. n 86-1067, 30 sept.
o
1986) et plus récemment dans les transports publics (L. n 2007-
1224, 21 août 2007).

Jurisprudence
Le Conseil d’État a cependant jugé dans son célèbre arrêt Dehaene, qu’en
l’absence de loi applicable, il appartient à l’autorité administrative compétente de
réglementer le droit de grève en vue d’assurer la continuité du service public (CE,
o
7 juill. 1950, n 01645).

C’est ainsi que la direction d’EDF est autorisée, sans excéder sa compétence, à
édicter les règles applicables en cas de grève, aux agents placés sous son
o
autorité (CE, 17 mars 1997, n 123912).

§2 L’exercice anormal du droit de grève

I. L’abus du droit de grève

En vertu du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le


droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

541
En l’absence de réglementation, la jurisprudence a défini les limites
de l’exercice normal du droit de grève.

Jurisprudence
L’abus du droit de grève se caractérise principalement par la désorganisation
de l’entreprise : « ce n’est qu’au cas où la grève entraîne la désorganisation de
o
l’entreprise qu’elle dégénère en abus » (Cass. soc., 4 nov. 1992, n 90-41.899).

La jurisprudence distingue la désorganisation de la production de la


désorganisation de l’entreprise elle-même. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que
« des arrêts de travail courts et répétés, quelque dommageables qu’ils soient pour
la production, ne peuvent, en principe, être considérés comme un exercice illicite
o
du droit de grève » (Cass. soc., 25 janv. 2011, n 09-69.030).

De même, il a été jugé que lorsque des arrêts successifs de travail entraînent
seulement une désorganisation de la production, mais que l’entreprise conserve
sa clientèle, l’entreprise n’est pas elle-même désorganisée et il n’y a pas abus du
o
droit de grève (Cass. soc., 7 avr. 1993, n 91-16.834).

Ainsi, les « grèves tournantes », qui se caractérisent par des arrêts


de travail successifs par catégories professionnelles ou par secteur
affectant successivement les divers personnels de l’entreprise, sont
admises dans le secteur privé. Il en va différemment lorsqu’elles
engendrent une désorganisation de l’entreprise (Cass. soc. 22 janv.
o
1981, n 79-16.977).

Il en est de même des « grèves-bouchons », qui consistent en l’arrêt


de travail d’un faible nombre d’ouvriers occupant une situation
stratégique dans la chaîne de production. Si elles sont par principe
licites, elles constituent un abus de droit lorsqu’elles ont pour

542
conséquence la désorganisation de l’entreprise (Cass. soc. 11 juin
o
1981, n 79-42.013).

Les salariés bénéficient d’un statut protecteur dans le cadre d’un


o
exercice normal de la grève (V. Fiche n 49). En revanche, lorsqu’ils
participent à une grève abusive, ils sont privés de cette protection.

L’employeur peut alors les sanctionner disciplinairement dès lors que


les faits le justifient.

Jurisprudence
Ainsi, il a été jugé que la mise à pied de trois jours infligée aux salariés ayant
participé à une grève illicite et utilisé des moyens illicites n’est pas abusive (CA.
Paris, 22e ch., 21 avril 1989).

Les salariés participant à une grève abusive peuvent également


engager leur responsabilité civile délictuelle. Il importe alors que soit
établi un lien de causalité entre le comportement fautif et le préjudice
dont l’employeur demande la réparation. Par exemple, des
organisations syndicales ayant initié une grève illicite ont été
condamnées à verser des dommages et intérêts à la société (Cass.
o
soc., 11 janv. 2006, n 04-16.114).

II. Les comportements individuels illicites

Lors de l’exercice du droit de grève, certains comportements


peuvent être considérés comme abusifs. S’ils n’entraînent pas pour
autant l’abus du droit de grève, ils peuvent engager les
responsabilités de leurs auteurs.

543
A L’occupation arbitraire des locaux de l’entreprise
Les grévistes ne peuvent pas disposer arbitrairement des locaux de
l’entreprise. Une telle occupation constitue un trouble manifestement
illicite lorsqu’elle entrave gravement la liberté du travail (Cass soc.,
21 juin 1984, 82-16.596).

Jurisprudence
Cependant, la jurisprudence admet que lorsque l’occupation d’une entreprise
n’a qu’un caractère symbolique et qu’aucune entrave n’est apportée par les
grévistes à la liberté du travail, elle ne constitue pas un acte abusif (Cass. soc.,
o
26 févr. 1992, n 90-40.760).

Tel est le cas lorsqu’une occupation est momentanée et limitée à la partie centrale
de l’atelier et aux couloirs menant au bureau du directeur pour accompagner à
travers l’usine les délégués se rendant à la direction (Cass. soc., 11 févr. 1960,
o
n 57-40.560).

B Le piquet de grève
La Cour de cassation adopte une solution similaire pour
l’organisation de piquets de grève. Le piquet de grève consiste en un
regroupement des salariés grévistes devant l’entrée de l’entreprise.

Il est licite pour autant qu’il n’entraîne pas la désorganisation de


l’entreprise et n’entrave pas la liberté de travail.

544
Jurisprudence
Tel est notamment le cas d’une action visant à ralentir l’entrée des salariés
dans l’entreprise, sans pour autant bloquer l’accès au travail (Cass. soc.,
5 décembre 2010, 08-42.714).

En revanche, lorsque le piquet de grève aboutit à la fermeture des accès de


l’usine et aux obstacles à toute entrée ou sortie de véhicules et entraîne la
désorganisation de l’entreprise, l’exercice anormal du droit de grève est
o
caractérisé (Cass. soc., 30 juin 1993, n 91-44.824).

C Les infractions pénales


À l’occasion d’un mouvement de grève, les salariés peuvent se
rentre coupables d’infractions pénales tels que la séquestration de
personnes (C. pén., art. 224-1), les violences ou voies de fait
(C. pén., art. 414-1), la destruction, la dégradation ou la détérioration
d’un bien appartenant à autrui (C. pén., art. 322-1), les violences, les
menaces, les blessures et coups volontaires (C. pén., art. 222-17 et
431-9), le vol d’objets mobiliers (C. pén., art. 311-1)…

Le législateur a consacré un délit spécial afin d’assurer le respect de


la liberté des grévistes : le délit d’entrave à la liberté du travail.

(C. pén., art. 431-1)


Est ainsi sanctionné « le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de
menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion
ou de manifestation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 €
d’amende ». Les sanctions pénales sont plus lourdes lorsque l’entrave naît de
coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du Code
pénal (trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende).

545
POUR ALLER PLUS LOIN…
– J.-M. LAVALLART, Licéité du droit de grève : l’employeur doit être
o
informé au préalable des revendications, Op. fin., n 1332,
14 sept. 2015, p. 32
– E. JEANSEN, « Grève : impact du préavis sur l’exercice individuel
du droit de grève dans le secteur public », JCP S 2015, p. 35

546
o
Fiche n 49 Les effets de la grève

L’ESSENTIEL

L’exercice du droit de grève entraîne d’abord des conséquences sur


la situation des salariés dont le contrat de travail est suspendu. Il
entraîne ensuite logiquement des conséquences économiques
préjudiciables pour l’employeur qui cherche à limiter les effets du
mouvement.

LES CONNAISSANCES

La grève emporte d’abord des effets sur la situation des grévistes.


Leur contrat de travail se trouve en effet suspendu.

Elle inflige ensuite à l’employeur un préjudice économique. Pour


autant, il n’est pas démuni face au mouvement. Il conserve son
pouvoir de direction et peut prononcer le licenciement des salariés
grévistes ayant commis une faute lourde. Il peut également user de
son pouvoir de direction afin d’assurer la continuité de l’activité de
l’entreprise ou, dans certains cas, décider de fermer certains
services, établissement ou même l’ensemble de l’entreprise.

547
Enfin, en cas de grève illicite, l’employeur peut saisir la justice afin
d’engager la responsabilité délictuelle des salariés grévistes ou des
syndicats.

§1 La grève et le contrat de travail

Lors de la grève, le salarié gréviste conserve son contrat de travail


qui est simplement suspendu.

Si le salarié fait toujours partie des effectifs de l’entreprise, il n’a pas


à fournir de prestation de travail. Pour sa part, l’employeur est
dispensé de verser les salaires.

Jurisprudence
En effet, selon la Cour de cassation, tout salaire est la contrepartie d’une
prestation de travail, de sorte que l’obligation de verser des salaires est dépourvue
de cause lorsque la prestation de travail n’a pas été accomplie (Cass. soc., 24 juin
o
1998, n 96-44.234).

L’exercice du droit de grève ne peut donner lieu à des mesures


discriminatoires en matière de rémunération. La retenue effectuée
sur la rémunération du salarié gréviste doit ainsi être proportionnelle
o
à la durée de l’arrêt de travail (Cass. soc., 8 juill. 1992, n 89-
42.563).

Le principe de la suppression de la rémunération pendant la durée


de la grève connaît toutefois une exception. L’employeur est tenu de
payer les salaires lorsque les salariés grévistes ont été contraints de

548
se mettre en grève du fait d’un manquement grave et délibéré de
l’employeur à l’une de ses obligations contractuelles.

Le maintien de l’emploi a pour corollaire la survie du pouvoir


disciplinaire de l’employeur. Cependant, l’exercice du droit de grève
ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde
er
imputable au salarié (C. trav., art. L. 2511-1, al. 1 ). Le juge des
référés est alors compétent pour faire mettre fin au trouble
manifestement illicite que constitue cette sanction (Cass. soc., 10
o
févr. 2021, n 19-18.903).

Jurisprudence
La participation à une grève licite n’est donc pas une faute susceptible
d’entraîner le licenciement du salarié. En ce sens, la Cour de cassation considère
qu’« un salarié ne peut être licencié ou sanctionné en raison d’un fait commis à
l’occasion de la grève à laquelle il participe que si ce fait est constitutif d’une faute
o
lourde » (Cass. soc., 16 déc. 1992, n 91-41.215).

Seule la faute lourde commise par un salarié gréviste autorise


l’employeur à le licencier (C. trav., art. L. 1132-1). Cette exigence
vaut quelle que soit la mesure envisagée et ne se limite pas au seul
o
licenciement (Cass. soc., 16 déc. 1992, n 91-41.215).

549
Jurisprudence
La faute lourde suppose la participation personnelle du salarié aux faits
o
sanctionnés par le licenciement (Cass. soc., 3 mars 1988, n 85-43.192).

La faute lourde a pu être reconnue en cas de blocage de l’entrée de l’entreprise au


o
personnel non-gréviste et au client (Cass. soc., 27 nov. 2007, n 06-41.272), de
o
refus de restituer le véhicule de l’entreprise (Cass. soc., 4 avr. 1979, n 78-
o
40.328) ou de violences (Cass. soc., 13 févr. 1985, n 82-43.521).

Le Code du travail dispose que tout licenciement prononcé en


l’absence de faute lourde est nul de plein droit (C. trav., art. L. 2511-
1, al. 3). Le juge des référés peut alors ordonner la poursuite du
contrat de travail qui n’a pu être valablement rompu et la
o
réintégration du salarié gréviste (Cass. soc., 26 sept. 1990 n 88-
41.375). Ce dernier a également droit au paiement d’une indemnité
égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre
son éviction et sa réintégration, peu important qu’il ait ou non reçu
des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période
o
(Cass. soc., 2 févr. 2006, n 03-47.481).
La nullité du licenciement d’un salarié n’est pas limitée au cas où le
licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais
s’étend à tout licenciement prononcé à raison d’un fait commis au
cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde (Cass.
o
soc., 9 mai 2012, n 10-24.307).

§2 La grève et le pouvoir de direction de l’employeur

I. La poursuite de l’activité

550
A Le recours aux salariés non-grévistes
L’employeur peut demander aux salariés non-grévistes de remplacer
les salariés grévistes et d’exécuter des tâches qui n’entrent pas dans
leurs missions habituelles. Si cette réaffectation constitue une
modification du contrat de travail, les salariés sont en droit de
refuser.

Les salariés grévistes ne peuvent pas s’opposer à ce que les


salariés de l’entreprise effectuent tout ou partie de leurs tâches. S’ils
le font, ils se rendent coupables d’une faute lourde (Cass. soc., 12
o
janv. 1983, n 80-41.535).

En ce sens, la Cour de cassation a récemment jugé que l’employeur


peut apporter des restrictions à la libre circulation des représentants
du personnel élus et délégués syndicaux dès lors que le
comportement des salariés grévistes apporte une gêne anormale au
travail des salariés non-grévistes et à la clientèle, causant ainsi un
o
trouble manifestement illicite (Cass. soc., 10 févr. 2021, n 19-
14.021).

B Le recours à des bénévoles


Il n’est pas interdit à l’employeur d’accepter le concours de
bénévoles pour remplacer des salariés grévistes (Cass. soc., 11
o
janv. 2000, n 97-22.025).

C L’interdiction de recourir au travail temporaire


ou au salarié en contrat à durée déterminée
Pour ne pas que la grève devienne inefficace, le législateur interdit à
l’employeur de remplacer les salariés grévistes par des salariés en

551
contrat à durée déterminée (C. trav., art. L. 1242-6) ou par des
travailleurs temporaires (C. trav., art. L. 1251-10).

La violation de cet interdit expose l’entreprise, tout comme le


responsable qui a pris la décision de recruter, à une sanction pénale
er o
(Cass. crim., 1 mars 2016, n 14-86.601).

D La réquisition des salariés


Dans le secteur privé, la réquisition des salariés grévistes par
l’employeur est interdite. En effet, ce dernier ne peut en aucun cas
s’arroger le pouvoir de réquisitionner des salariés grévistes si un
texte ne l’y autorise pas expressément (Cass. soc., 15 déc. 2009,
08-43.603).
Il ne peut pas davantage demander au juge des référés d’ordonner
la réquisition. En effet, la Cour de cassation a jugé que les pouvoirs
attribués au juge des référés ne comportent pas celui de condamner
un salarié gréviste à exécuter son travail même pendant la durée
o
d’un service minimum (Cass. soc., 26 nov. 2003, n 01-10.847).

Seul le préfet dispose du droit de requérir des personnes en grève


d’entreprises privées ou publiques (CGCT. art. L. 2215-1).

Cependant, pour ne pas attenter au droit fondamental de grève, la


mesure doit être justifiée par l’urgence et proportionnée aux
o
nécessités de l’ordre public (CE, 27 oct. 2010, n 343966).

Le Code de la défense autorise également le gouvernement à


prendre des mesures de réquisition des personnes pour « les
besoins généraux de la nation » (C. défense, art. L. 2211-1 s. et
R. 2211-1 s.). Une telle possibilité est cependant limitée au cas où la

552
grève est de nature à porter une atteinte suffisamment grave à la
continuité d’un service public ou à la satisfaction des besoins de la
o
population (CE, 24 févr. 196, n 40013).

II. La cessation de l’activité

En réaction au mouvement de grève, l’employeur peut être tenté de


fermer provisoirement l’entreprise, l’établissement ou le service.
Cette pratique, que l’on désigne « lock-out », a pour objectif de
briser la grève en privant les salariés non-grévistes de rémunération
et en divisant les salariés.

Le lock-out est par principe illicite. Il est une inexécution fautive du


contrat de travail et engage la responsabilité civile de l’employeur
(Cass. soc., 24 janv. 1968). Il constitue également une entrave à
o
l’exercice du droit de grève (Cass. soc., 17 déc. 2013, n 12-23.006).
L’employeur encourt alors une double sanction indemnitaire : le
paiement des salaires aux salariés qui ont été privés de travail et le
paiement de dommages-intérêts aux salariés entravés dans leur
o
grève (Cass. soc., 17 déc. 2013, n 12-23.006).

553
Jurisprudence
La jurisprudence admet toutefois que le lock-out puisse être
exceptionnellement justifié dans trois hypothèses.

L’employeur peut d’abord être libéré de son obligation de fournir du travail et de


rémunérer ses salariés en cas de force majeure. La force majeure répond aux
critères d’imprévisibilité, d’extériorité et d’irrésistibilité. Or, la grève n’est ni un
événement imprévisible pour l’employeur, ni un événement extérieur à l’entreprise.
La Cour de cassation s’attache donc au critère d’irrésistibilité. Elle considère
notamment que lorsque la grève des salariés d’un secteur de l’entreprise entraîne
la paralysie de celle-ci, le juge peut décider que cette situation contraignante,
empêchant la fourniture de travail aux salariés non-grévistes, justifie la mise du
o
personnel en chômage technique (Cass. soc., 4 juillet 2000, n 98-20.537).

C’est à l’employeur de prouver la situation contraignante de nature à le libérer de


o
son obligation de fournir du travail à ses salariés (Cass. soc., 7 févr.1990, n 87-
43.566).

L’exception d’inexécution a également pu être utilisée par la jurisprudence pour


justifier du lock-out. L’inexécution volontaire des obligations des salariés dans des
conditions excédant l’exercice normal du droit de grève justifie que l’employeur
o
n’exécute pas les siennes (Cass. soc., 3 juill. 1967, n 66-40.594).

Enfin, la Cour de cassation admet le lock-out lorsque celui-ci est nécessaire au


maintien de l’ordre et de la sécurité. Il a ainsi été jugé que la mesure de fermeture
temporaire est justifiée par la nécessité de maintenir l’ordre et la sécurité dans
o
l’entreprise qui était occupée (Cass. soc., 21 mars 1990, n 86-44.190).

§3 La grève et la responsabilité délictuelle

L’employeur subit nécessairement un préjudice financier pendant la


grève. Il peut être tenté d’en demander la réparation.

La grève étant un droit reconnu par la Constitution, son exercice


normal ne saurait constituer le fondement d’une mise en jeu de la

554
responsabilité civile. Cependant, des actes n’entrant pas dans
l’exercice licite de la grève peuvent être commis. Dans cette
hypothèse, les règles relatives à la responsabilité civile s’appliquent.
La mise en jeu de la responsabilité suppose la réunion de trois
conditions posées par l’article 1240 du Code civil : la preuve d’une
faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.

I. La responsabilité des salariés grévistes

Seule une faute personnelle peut être de nature à engager la


o
responsabilité du salarié gréviste (Cass. soc., 9 mars 1989, n 87-
40.131). Il convient de rappeler que les agissements doivent être
constitutifs d’une faute lourde.

L’employeur doit par ailleurs prouver qu’il a subi un préjudice. Ce


préjudice doit être distinct de celui que tout mouvement de grève
o
provoque (Cass. soc., 30 mai 1989, n 86-16.765).

Le lien de causalité entre la faute et le préjudice subi par l’employeur


doit être établi. Il a ainsi été jugé que la responsabilité d’un salarié à
l’occasion soit d’une grève, en raison d’actes illicites commis
pendant celle-ci, soit d’un abus du droit de grève, ne peut être
engagée qu’à raison du préjudice découlant directement du
o
comportement fautif incriminé (Cass. soc., 8 janv. 1995, n 91-
10.476).

Le Conseil de prud’hommes est compétent pour connaître de l’action


en responsabilité engagée par l’employeur à l’encontre des salariés
grévistes (C. trav., art. L. 1411-1 et L. 1411-3).

II. La responsabilité des syndicats

555
À l’instar des salariés grévistes, les syndicats ne sauraient engager
leur responsabilité délictuelle du seul fait de leur participation à la
grève. En effet, la responsabilité d’un syndicat doit être écartée
lorsqu’il s’est borné à appeler au déclenchement de la grève (Cass.
o
soc., 17 juill. 1990, n 88-11.937) ou à donner des directives pour la
o
journée de grève (Cass. soc., 14 nov. e 2007, n 06-14.074).

Par ailleurs, le syndicat n’est pas le commettant des salariés


grévistes. Il ne peut donc être tenu responsable des actes illicites
commis par ces derniers.

Jurisprudence
Pour engager la responsabilité d’un syndicat, la Cour de cassation exige la
participation active du syndicat aux faits fautifs.

Il en est ainsi lorsque le syndicat a été constamment l’instigateur et l’organisateur


d’un mouvement illicite et qu’il en a assuré la maîtrise et la poursuite, en incitant
par des directives l’accomplissement des actes fautifs par les agents qui
o
participaient au mouvement (Cass. soc., 26 janvier 2000, n 97-15.291).

Enfin, il doit être démontré un lien de causalité direct entre le


dommage subi et les fautes commises par le syndicat.

Il en résulte que la responsabilité d’un syndicat ne peut pas être


engagée dès lors qu’il n’apparaît pas que le syndicat ait, par
instructions ou par tout autre moyen, commis des fautes en relation
o
avec les dommages invoqués (Cass. soc., 9 nov. 1982, n 80-
16.929).

556
POUR ALLER PLUS LOIN…
– F. CANUT, La grève ne peut être limitée à une obligation
o er
particulière du contrat de travail, CSBP, n 288, 1 août 2016,
p. 440
– F. CANUT, Grève : occupation des locaux et licenciement pour
o er
faute lourde, CSBP, n 286, 1 juin 2016, p. 311

557
o
Fiche n 50 Le règlement des conflits
collectifs

L’ESSENTIEL

Afin de résoudre les conflits collectifs de travail, le Code du travail


prévoit, outre la possibilité de conclure un accord de fin de conflit,
plusieurs procédures facultatives : la conciliation, la médiation et
l’arbitrage.

LES CONNAISSANCES

Les conflits collectifs emportent des conséquences économiques


préjudiciables pour l’employeur et présentent de nombreux
inconvénients pour les salariés privés de toute rémunération.

Ces considérations expliquent que le législateur ait consacré, dès la


o
loi n 50-205 du 11 février 1950, des procédures de règlements
pacifiques des conflits collectifs du travail. D’abord limités aux
différends relatifs aux salaires, elles concernent désormais
l’ensemble des conflits collectifs du travail.

558
Ainsi, la fin d’un conflit collectif peut se traduire par la conclusion
d’un protocole de fin de grève entre l’employeur et les grévistes
(§ 1). Lorsque la négociation s’avère impossible, le Code du travail
prévoit la possibilité de recourir à un tiers (§ 2).

§1 Le règlement négocié du conflit collectif

Le Code du travail prévoit que les conflits collectifs intervenant entre


les salariés et les employeurs mentionnés à l’article L. 2521-1 font
l’objet de négociations soit lorsque les conventions ou accords
collectifs applicables comportent des dispositions à cet effet, soit
lorsque les parties intéressées en prennent l’initiative (C. trav., art.
L. 2521-2).

En pratique, il n’est pas rare qu’à l’occasion d’un conflit collectif, une
négociation s’engage entre l’employeur et les salariés grévistes. Elle
peut déboucher sur un protocole, accord ou procès-verbal de fin de
conflit.

Ces accords contiennent souvent des clauses relatives à la


rémunération, au paiement ou au rattrapage des heures perdues
pendant la grève, à la reprise du travail ou l’absence de sanction à
l’égard des salariés grévistes.

La nature juridique de tels accords et leur force obligatoire soulèvent


quelques difficultés. La position de la Cour de cassation diffère selon
les circonstances. Un accord de fin de conflit peut s’analyser :
en une transaction au sens de l’article 2044 du Code civil (Cass.
o
soc., 25 avril 1979, n 78-40.058) ;

559
en un engagement unilatéral de l’employeur (Cass. soc., 2 déc.
o
1992, n 90-45.186) ;
en un accord collectif s’il a été conclu dans le respect des règles
applicables aux conventions et accords collectifs de travail
o
(Cass. soc., 15 janv. 1997, n 94-44.914) ;
en une recommandation patronale lorsqu’il s’agit d’une décision
unilatérale d’un groupement ou d’un syndicat d’employeurs qui
o
s’impose à tous ses adhérents (Cass. soc., 10 oct. 2001, n 99-
43.550).

§2 L’intervention d’un tiers

I. La conciliation

La conciliation est une procédure facultative par laquelle les parties


à un conflit collectif du travail soumettent leurs points de vue
divergents à un tiers dans la perspective de trouver une solution.

Les modalités de la conciliation sont déterminées soit par voie


conventionnelle, soit par les dispositions légales.

Une procédure conventionnelle de conciliation peut être établie soit


par la convention ou l’accord collectif de travail, soit par un accord
particulier (C. trav., art. L. 2522-1).

Si le conflit collectif n’a pas été soumis à une procédure


conventionnelle de conciliation, il peut être porté devant une
commission nationale, une commission régionale de conciliation ou
une section départementale (C. trav., art. L. 2522-1).

560
Ces différentes commissions sont compétentes selon l’importance
du conflit. Elles comprennent des représentants des organisations
représentatives des employeurs et des salariés en nombre égal ainsi
que des représentants des pouvoirs publics dont le nombre ne peut
excéder le tiers des membres de la commission (C. trav., art.
L. 2522-7).

À l’issue des réunions de la commission de conciliation, est établi un


procès-verbal qui constate l’accord, le désaccord total ou partiel des
parties (C. trav., art. L. 2522-5).

Si la conciliation réussie, le procès-verbal a la même valeur et


produit les mêmes effets qu’une convention collective ou un accord
collectif (C. trav., art. L. 2524-5).

En cas d’échec de la procédure de conciliation, le conflit est soumis


soit à la procédure de médiation, soit à la procédure d’arbitrage
(C. trav., art. L. 2522-6).

II. La médiation

La médiation est une procédure par laquelle un tiers, le médiateur,


soumet aux parties des solutions pour les aider à régler leur
différend. Ces solutions peuvent, par la suite, servir de base à un
éventuel accord.

La procédure de médiation peut être engagée :


après l’échec d’une procédure de conciliation, par le ministre
chargé du travail ou par le président de la commission régionale
de conciliation, à la demande de l’une des parties ou de sa
er
propre initiative (C. trav., art. R. 2523-4, al. 1 et 2) ;

561
directement par le ministre chargé du travail ou, s’il s’agit d’un
conflit à incidence régionale, départementale ou locale, par le
préfet (C. trav., art. R. 2523-4, al. 3 et 4) ;
par les parties qui peuvent présenter conjointement des
requêtes à fin de médiation précisant qu’elles entendent recourir
directement à la médiation et indiquant le nom du médiateur
choisi d’un commun accord (C. trav., art. R. 2523-4, al. 4).
Le médiateur est choisi sur une liste soit par accord entre les parties,
soit, à défaut, par le ministre du travail ou par le préfet.

Le médiateur a un rôle d’enquêteur. Il a les plus larges pouvoirs pour


s’informer de la situation économique des entreprises et de la
situation des travailleurs concernés par le conflit. À cette fin, il peut
procéder à des auditions, requérir tout document ou renseignement,
faire appel à des experts… (C. trav., art. R. 2523-11 et R. 2523-12).

La mission du médiateur consiste à formuler des propositions en vue


du règlement des points en litige sous forme de recommandation
(C. trav., art. L. 2523-5).

Le médiateur dispose d’un délai d’un mois pour présenter ses


propositions, délai susceptible d’être prorogé si les parties en sont
d’accord (C. trav., art. L. 2523-5).

Les parties disposent d’un délai de 8 jours à compter de la réception


de la proposition de règlement du conflit pour se prononcer. Au
terme de ce délai, le médiateur constate l’accord ou le désaccord
des parties (C. trav., art. L. 2523-6).

L’accord des parties sur la recommandation du médiateur lie celles


qui ne l’ont pas rejetée. Il a la même valeur et produit les mêmes

562
effets qu’une convention collective ou un accord collectif (C. trav.,
art. L. 2523-6).

En cas d’échec de la tentative de médiation, le médiateur


communique son rapport au ministre du travail. Les conclusions de
la recommandation du médiateur et les rejets des parties ainsi que
leurs motivations sont rendus publics (C. trav., art. L. 2523-7).

III. L’arbitrage

L’arbitrage consiste à confier à un tiers le soin de statuer en droit ou


en équité sur le litige.

Il s’agit d’une procédure facultative. La convention ou l’accord


collectif de travail peut prévoir une procédure contractuelle
d’arbitrage et l’établissement d’une liste d’arbitres dressée d’un
commun accord entre les parties (C. trav., art. L. 2524-1).

Lorsque la convention ou l’accord collectif de travail ne prévoit pas


de procédure contractuelle d’arbitrage, les parties intéressées
peuvent décider d’un commun accord de soumettre à l’arbitrage les
conflits qui subsisteraient à l’issue d’une procédure de conciliation
ou de médiation (C. trav., art. L. 2524-2).

L’arbitre, choisi par les parties, ne peut pas statuer sur d’autres
objets que ceux qui sont déterminés par le procès-verbal de non-
conciliation ou par la proposition du médiateur. Il doit statuer en droit
sur les conflits relatifs à l’interprétation et à l’exécution des lois,
règlements, conventions collectives ou accords en vigueur. Il statue
en équité sur les autres conflits, économiques par exemple (C. trav.,
art. L. 2524-4).

563
La sentence arbitrale doit être motivée (C. trav., art. L. 2524-6). Ses
effets sont ceux d’une convention ou d’un accord collectif (C. trav.,
art. L. 2524-5).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– G. DEDESSUS-LE-MOUSTIER, Respect du principe d’égalité de
traitement en présence d’un protocole de fin de conflit, JCP G
2018, p. 26
– M. MOREAU, Les règlements de fin de conflits, Dr. soc. 2001,
p. 139

564
P@RTIE 3
DROIT DE LA PROTECTION
SOCIALE

LA COUVERTURE DES RISQUES SOCIAUX


LA COUVERTURE DES RISQUES PROFESSIONNELS

LE CONTENTIEUX

565
PROLÉGOMÈNES

o
Fiche n 51 Présentation générale du droit de la protection
sociale

566
o
Fiche n 51 Présentation générale du droit
de la protection sociale

L’ESSENTIEL

La protection sociale englobe l’ensemble des risques sociaux c’est-


à-dire les différentes branches gérées par les régimes légaux
(Sécurité sociale) et les régimes dits conventionnels (retraite
complémentaire, chômage). Elle comprend également l’aide et
l’assistance sociale, c’est-à-dire les mécanismes subsidiaires qui
permettent d’apporter secours aux plus démunis et aux indigents.

Quant à son organisation institutionnelle, la protection sociale


dispose d’institutions qui jouent des rôles différents. Ces institutions
peuvent se voir confier des fonctions de direction et de pilotage, des
fonctions financières, des fonctions tenant au service des prestations
sociales, ou encore des missions se rapportant à l’évaluation des
politiques.

Quant à son financement, la protection sociale a recours aux


mécanismes de cotisations ou de contribution fiscale.

567
LES CONNAISSANCES

Pour saisir en quoi consiste la protection sociale, il est impératif de


circonscrire les notions qui la fondent (§ 1), son organisation
institutionnelle (§ 2) ainsi que ses modes de financement (§ 3).

§1 Notions
Notion très vaste, et englobante, la protection sociale est l’ensemble
des mesures adoptées pour assurer la protection des individus
contre les risques sociaux. Elle comporte plusieurs déclinaisons en
fonction des personnes concernées, des risques garantis, les modes
de financement ou encore des techniques employées pour protéger.

I. Les risques sociaux

Surtout, la protection sociale englobe mais se distingue d’autres


considérations très proches. La protection sociale se distingue de la
sécurité sociale en premier lieu.

Qu’est-ce qu’un risque social ? Le risque consiste en la survenance


d’un événement heureux (maternité et paternité) ou malheureux
(maladie, accident, etc.) dont l’origine peut être professionnelle ou
non (accidents du travail, maladies professionnelles, etc.) dont la
survenance a pour conséquence soit de diminuer les ressources,
soit d’augmenter les dépenses (frais de santé, soins médicaux, etc.).
Les conceptions sont diverses et variées au niveau international,
européen et français.

Deux approches du risque social peuvent être retenues. L’approche


peut être soit large, soit étroite.

568
Au niveau international, il résulte de la Convention de l’organisation
o
internationale du travail (OIT) n 102 que tout système de protection
sociale comporte huit branches : – Soins médicaux ; Maladie ;
Chômage ; Vieillesse ; Accidents du travail et maladies
professionnelles ; Famille ; Maternité ; Invalidité ; Survivants.

Au niveau européen, le droit de l’Union européenne reprend une


conception similaire. Le règlement européen du 29 avril 2004 portant
sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (Règl. CE
o o
n 883/2004, JO, n L 166, 30 avr. 2004, pp. 1-123) s’applique aux
branches de sécurité sociale qui concernent :
les prestations de maladie ;
les prestations de maternité et de paternité assimilées ;
les prestations d’invalidité ;
les prestations de vieillesse ;
les prestations de survivant ;
les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies
professionnelles ;
les allocations de décès ;
les prestations de chômage ;
les prestations de préretraite ;
o
les prestations familiales (Règl. CE n 883/2004, art. 3).
Qu’en est-il du droit français ? Organisée successivement par les
o
ordonnances n 45-2250 et 45-2453 des 4 et 19 octobre 1945 et
o
n 67-706 et 67-707 du 21 août 1967, la Sécurité sociale est fondée
sur trois grands principes :
l’égalité d’accès aux soins ;
la qualité des soins ;
et la solidarité.

569
La notion de « branches » est aussi au fondement du dispositif
français. Ainsi, les risques sont regroupés et forment différentes
« branches » qui sont des unités de gestion. Sur ce point, l’article
L. 200-2 du Code de la sécurité sociale est explicite. Jusqu’en 2020,
le régime général comprenait quatre branches : la branche
« Maladie, maternité, invalidité et décès » ; la branche « Accidents
du travail et maladies professionnelles » ; la branche « Vieillesse et
veuvage » ; et la branche « Famille ». Depuis, a été créée une
cinquième branche dédiée à l’autonomie.

Elle se fonde d’abord sur une loi organique du 7 août 2020 (L. org.
o
n 2020-991, 7 août 2020, relative à la dette sociale et à
l’autonomie), jugée conforme à la Constitution par le Conseil
o
constitutionnel (Cons. const., 7 août 2020, n 2020-804 DC) avec
une réserve d’interprétation (§ 4). Selon cette réserve, « les lois de
financement de la sécurité sociale ne sauraient conduire à un
transfert, au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale,
de recettes affectées aux régimes de sécurité sociale et aux
organismes concourant à leur financement, sans compensation de
nature à éviter une dégradation des conditions générales de
l’équilibre financier de la sécurité sociale de l’année à venir ».

o
Elle s’appuie également sur une loi ordinaire du 7 août 2020 (L. n
2020-992, 7 août 2020, relative à la dette sociale et à l’autonomie).
Désormais, « la Nation affirme son attachement au caractère
universel et solidaire de la prise en charge du soutien à l’autonomie,
assurée par la sécurité sociale. La prise en charge contre le risque
de perte d’autonomie et la nécessité d’un soutien à l’autonomie sont
assurées à chacun, indépendamment de son âge et de son état de
santé » (CSS, nouv. art. L. 111-2-1, III).

570
Enfin, les premières mesures de fonctionnement en ont été posées
o
par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (LFSS n
2020-1576, 14 déc. 2020). Est ainsi confiée à la Caisse nationale de
solidarité pour l’autonomie (CSS, art. L. 200-2, 5° ; CSS, art. L. 131-
8) la gestion de ladite branche. Contrairement aux autres caisses, la
Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est régie non
pas par le Code de la sécurité sociale mais par le Code de l’action
sociale et des familles en ses articles L. 14-10-1 à L. 14-10-7-3. La
LFSS pour 2021 énonce également les missions de la CNSA, ses
recettes et dépenses ainsi que les modalités de sa gouvernance.
L’autre singularité de la CNSA est d’être un organisme hybride
chargé d’une branche qui délivre des prestations d’aide sociale tout
en relevant de la Sécurité sociale. La mise en œuvre de la
cinquième branche a nécessité quelques aménagements pour
lesquels le Gouvernement est habilité à adopter des ordonnances
o
(LFSS, n 2020-1576, art. 32, III). En ce sens, a été adoptée une
er
ordonnance du 1 décembre 2021 relative à la mise en œuvre de la
création de la cinquième branche du régime général de la sécurité
o er
sociale relative à l’autonomie (Ord. n 2021-1554, 1 déc. 2021).
L’ordonnance de 2021 opère une mise en cohérence des textes,
notamment en procédant à l’extension à la CNSA des dispositions
er
des livres I et II du Code de la sécurité sociale relatives aux
conseils et conseils d’administration des caisses de sécurité sociale.
En outre, les dispositions relatives à la CNSA prévues par le Code
de l’action sociale et des familles sont transférées au sein du Code
o
de la sécurité sociale. Un décret du 12 mai 2022 (D. n 2022-801,12
mai 2022) fixe la date d’entrée en vigueur de ces dispositions au
lendemain de sa publication (soit le 14 mai 2022), dont certaines –

571
relatives à la composition de la CNSA – sont reportées au 31
décembre 2025.

La protection sociale se distingue, en second lieu, de l’aide sociale


et de l’action sociale. L’aide sociale se conçoit comme une sorte de
filet de sécurité pour les plus démunis. Plus précisément, l’aide
sociale et l’action sociale ont pour fondement une logique
d’assistance.

L’aide et l’action sociale visent les personnes en grande précarité :


indigents, demandeurs d’emploi en fin de droit, personnes en
situation irrégulière, etc.

L’aide sociale et l’action sociale excluent l’assurance et le versement


de toute contribution préalable.

En résumé, s’adressant aux personnes dont les ressources sont


insuffisantes, l’aide et l’action sociale sont financées par les impôts
et versées sans contrepartie de cotisation. Sont ainsi servies des
prestations à caractère non contributif.
En dépit de leurs points communs, l’aide et l’action sociale sont
distinctes.
L’aide sociale comporte de nombreuses caractéristiques propres.
Elle est un ensemble de prestations correspondant à des droits
subjectifs, spécialisés, à caractère alimentaire et attribués sans
contribution préalable des bénéficiaires.

En outre, l’aide sociale incombe à l’État et aux collectivités


publiques.

572
Quant à l’action sociale, elle constitue un dispositif supplétif, venant
tantôt en complément, tantôt en renfort de l’aide sociale. De même,
l’action sociale implique la « bonne volonté » d’une multitude
d’acteurs que sont l’État, les collectivités locales (ex. : communes),
les établissements publics, les organismes de sécurité sociale ainsi
que les personnes privées.

II. Les techniques de protection sociale

Deux modèles théoriques s’opposent.

D’un côté, le système bismarckien – du nom de son promoteur Otto


von Bismarck – correspond au dispositif appelant le versement de
cotisations sociales. Il s’agit d’un dispositif d’assurance obligatoire :
les cotisations ponctionnées sur le revenu professionnel sont
reversées sous la forme de prestations en cas de réalisation du
risque social. La cotisation est la source principale de financement.

D’un autre côté, le système beveridgien – du nom de la doctrine


défendue par Lord Beveridge – met en place un prélèvement sur le
revenu, la partie prélevée étant redistribuée aux personnes
concernées par le risque. Ce dispositif est axé non pas sur la
cotisation mais sur l’impôt, tout en écartant l’origine socio-
professionnelle des contributeurs.

À partir de ces deux modèles, la protection sociale se construit au


moyen de diverses techniques de protection sociale : l’assistance,
l’assurance, la responsabilité civile et la mutualisation.

L’idée d’assistance s’inspire de la charité chrétienne et s’est


progressivement repositionnée sur la solidarité nationale.

573
Actuellement, on parle d’« accompagnement » afin de ne pas
stigmatiser et déresponsabiliser les personnes concernées.

L’assurance est, en droit, une technique très répandue et


parfaitement maîtrisée. Appliquée à la protection sociale, la
technique de l’assurance perd ses deux caractéristiques
essentielles. D’une part, le choix de l’« assureur » est écarté puisque
le rôle est confié à des organismes légalement désignés. D’autre
part, le caractère aléatoire de l’assurance est totalement effacé.

Quant à la responsabilité civile, elle demeure la technique qui est


considérée comme celle présentant le plus de désavantages.
Fondée sur les dispositions des articles 1240 et suivants du Code
civil, les mécanismes de responsabilité avec ou sans faute s’avèrent
délicats à mettre en œuvre en matière de protection sociale, pour
deux raisons.

Premièrement, il n’est pas toujours évident de trouver un


responsable, à tout le moins, de démontrer la responsabilité, c’est-à-
dire de prouver l’existence d’une faute, l’existence d’un préjudice et
d’un lien de causalité entre les deux. C’est le cas pour la maladie de
droit commun.

Deuxièmement, il peut s’avérer difficile de démontrer la réunion des


trois éléments mentionnés précédemment. C’est le cas pour les
accidents du travail et les maladies professionnelles.

C’est pourquoi de nombreux auteurs ont milité pour écarter le


recours au mécanisme de la responsabilité civile. Cela étant, écarter
les mécanismes de la responsabilité civile revient à écarter tous les
principes qui s’y attachent, comme le principe de la réparation

574
intégrale. Depuis 1898, ce principe est écarté au profit d’une
réparation automatique et forfaitaire des accidents du travail et
maladies professionnelles.

Enfin, la mutualisation est la dernière technique pertinente. La


mutualisation est assise sur deux principes.

D’une part, la mutualisation dispose de sa propre organisation et


exclut, contrairement à l’assurance, tout caractère lucratif et de
rentabilité. Généralement, une mutuelle est établie par un groupe ou
une communauté qui doit, par ses propres moyens, assurer les
risques dont ses membres sont susceptibles de souffrir. Elle est le
plus souvent facultative et autogérée.

D’autre part, la mutualisation peut être imposée. Ce fut le cas pour


o
les mutuelles d’entreprise (V. Fiche n 59).

III. Les régimes

Un régime désigne « un ensemble de règles applicables à une


catégorie déterminée d’affiliés fixant les prestations auxquelles ils
peuvent prétendre ».

Les régimes sont mis en place de multiples façons. Une typologie


peut être proposée selon différents critères.

Premièrement, les régimes légaux sont ceux institués par le


législateur et reposant sur des bases légales. Ils sont également
dénommés « régimes de base ».

Deuxièmement, les régimes conventionnels sont ceux reposant sur


la négociation collective entre partenaires sociaux. Par exemple, les

575
mesures d’application relatives au régime d’assurance chômage font
l’objet d’accords conclus entre les organisations représentatives
d’employeurs et de salariés (C. trav., art. L. 5422-20). C’est le cas
aussi pour la retraite complémentaire.
Enfin, troisièmement, les régimes obligatoires sont ceux auxquels
les personnes qui remplissent certaines conditions, sont
impérativement rattachées sans liberté de choix.
Ils regroupent généralement les deux premiers régimes. Ils
réunissent donc les régimes de base et complémentaires tout en
s’opposant aux régimes supplémentaires (ex. retraite
supplémentaire, etc.).

Les régimes de sécurité sociale visent des catégories de personnes


bien définies.

Tous les régimes de sécurité sociale sont caractérisés par des


modalités d’assujettissement et des conditions d’affiliation distinctes.

Il existe actuellement :
le régime général de la Sécurité sociale qui s’adresse aux
er
travailleurs salariés et assimilés ; le 1 janvier 2018, le Régime
Social des Indépendants (RSI) est démantelé et est confié au
régime général de la Sécurité sociale, avec une période
transitoire de 2 ans ;

576
(CSS, art. L. 311-2)
Indépendamment des termes employés – affiliation en lieu et place
d’assujettissement –, l’article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale fournit les
conditions d’assujettissement au régime général.
Selon cette disposition, « sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du
régime général quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une
pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou l’autre
sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour
un ou plusieurs employeurs, et quels que soient le montant de leur rémunération,
la forme, la nature ou la validité de leur contrat ».

En vérité, l’assujettissement au Régime général procède


généralement de l’existence d’un contrat de travail (Pour les détails,
o
V. Fiche n 3). Cela étant, le régime général connaît un mouvement
d’extension croissant. Doté d’un pouvoir attractif, le régime général
englobe de plus en plus de catégories différentes de travailleurs et,
plus largement, d’actifs. Y sont ainsi rattachés les chômeurs et les
travailleurs indépendants.

577
Régime social des indépendants
o
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 (LFSS, n 2017-1836,
o
30 déc. 2017 : JO n 305, 31 déc. 2017) prévoit la suppression du régime social
des indépendants (RSI) et son adossement au Régime général.

Cependant, cette transformation est effectuée progressivement.


er
Est ouverte, du 1 janvier 2018 au 31 décembre 2019, une période transitoire de
deux ans afin que les caisses du Régime général reprennent sans heurts la
gestion du RSI.

er
Concrètement, à compter du 1 janvier 2018, la Caisse nationale du régime
social des indépendants et les caisses de base du régime social des indépendants
prennent la dénomination, respectivement, de Caisse nationale déléguée pour la
sécurité sociale des travailleurs indépendants et de caisses locales déléguées
o
pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants (L. n 2017-1836,
30 déc. 2017, art. 15, préc.).

Jusqu’au 31 décembre 2019, ces caisses locales apportaient leur concours à


celles du régime général s’agissant du service des prestations dont bénéficaient
les travailleurs indépendants et du recouvrement des cotisations dont ils étaient
o
redevables (L. n 2017-1836, 30 déc. 2017, art. 15, préc.).

o
Une ordonnance du 12 juin 2018 (Ord. n 2018-470 du 12 juin 2018, JO
13 juin 2018) a procédé au regroupement et à la mise en cohérence des
dispositions du Code de la sécurité sociale applicables aux travailleurs
indépendants.

Certains « régimes » n’en sont pas et constituent juridiquement des


délégations de gestion du régime général pour certaines catégories
de la population aux besoins particuliers. Tel est le cas pour les
o
étudiants. Cela étant, en 2018 (L. n 2018-166, 8 mars 2018 relative
à l’orientation et à la réussite des étudiants : JO 9 mars 2018,

578
o
complété par le décret n 2018-1258 du 27 déc. 2018 : JO 28 déc.
2018), cette délégation a été supprimée. Par conséquent, les
étudiants sont rattachés progressivement au régime général de la
sécurité sociale afin de leur prodiguer une qualité d’accès aux soins
similaire à l’ensemble de la population (dès la rentrée 2018 pour les
nouveaux inscrits ; à compter de la rentrée 2019 pour tous les
étudiants).
le régime agricole qui intéresse, quant à lui, l’ensemble des
personnes indépendantes ou salariées évoluant dans le secteur
agricole tel que défini par le Code rural ; y sont rattachés, par
exemple, les présidents et dirigeants des sociétés par actions
e
simplifiées qui exercent une activité agricole (Cass. 2 civ.,
o
15 mars 2018, n 17-15.192).

(C. rur., art. L. 311-1)


La définition d’activité agricole est prévue à l’article L. 311-1 du Code rural et de la
pêche maritime : « Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la
maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et
constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi
que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement
de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation. Les activités de
cultures marines sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent
ceux qui les pratiquent. Il en est de même des activités de préparation et
d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l’exclusion
des activités de spectacle. Il en est de même de la production et, le cas échéant,
de la commercialisation,
par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d’électricité et de chaleur par
la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de
matières provenant d’exploitations agricoles. Les revenus tirés de la
commercialisation sont considérés comme des revenus agricoles, au prorata de la
participation de l’exploitant agricole dans la structure exploitant et commercialisant
l’énergie produite ».

579
les régimes spéciaux qui se rapportent à des cas particuliers.

(CSS, art. L. 711-1)


Juridiquement, les régimes spéciaux reposent sur les articles L. 711-1 et suivants
du Code de la sécurité sociale qui énoncent que « parmi celles jouissant déjà d’un
régime spécial le 6 octobre 1945, demeurent provisoirement soumises à une
organisation spéciale de sécurité sociale, les branches d’activités ou entreprises
énumérées par un décret en Conseil d’État. »
(CSS, art. R. 711-1)
La liste des entreprises et services soumis à une organisation spéciale de sécurité
sociale est fixée par l’article R. 711-1 du Code de la sécurité sociale. Selon cette
disposition :
« Restent soumis à une organisation spéciale de sécurité sociale, si leurs
ressortissants jouissent déjà d’un régime spécial au titre de l’une ou de plusieurs
des législations de sécurité sociale :
1°) les administrations, services, offices, établissements publics de l’État, les
établissements industriels de l’État et l’Imprimerie Nationale, pour les
fonctionnaires, les magistrats et les ouvriers de l’État ;
2°) les régions, les départements et communes ;
3°) les établissements publics départementaux et communaux n’ayant pas le
caractère industriel ou commercial ;
4°) les activités qui entraînent l’affiliation au régime d’assurance des marins
français institué par le décret-loi du 17 juin 1938 modifié ;
5°) les entreprises minières et les entreprises assimilées, définies par le décret
o
n 46-2769 du 27 novembre 1946, à l’exclusion des activités se rapportant à la
recherche ou à l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux ;
6°) la société nationale des chemins de fer français ;
7°) les chemins de fer d’intérêt général secondaire et d’intérêt local et les
tramways ;
8°) les exploitations de production, de transport et de distribution d’énergie
électrique et de gaz ;
9°) la Banque de France ;
10°) le Théâtre national de l’Opéra de Paris et la Comédie Française ».

Pour l’essentiel, les régimes spéciaux intéressent l’assurance


vieillesse ainsi que, pour une partie moins importante, l’assurance

580
maladie et sont constitués de règles spéciales qui rendent
e
inapplicables les règles de droit commun (V. Cass. 2 civ., 24 sept.
o
2020, n 19-14.174).
Les régimes autonomes, dont la création remonte à l’après-guerre,
concernent les travailleurs non salariés non agricoles qui constituent
une catégorie socioprofessionnelle ayant une identité forte. Le
critère de l’autonomie apparaît sur l’aspect financier puisque le
financement est assuré par les intéressés eux-mêmes sans
intervention de la solidarité nationale. Le plus souvent, le régime
autonome se préoccupe de la gestion d’un seul risque, notamment
l’assurance-vieillesse et l’assurance maladie-maternité. L’autonomie
est aussi apparente dans la gestion qui est confiée à une caisse elle-
même indépendante.

On peut citer les pilotes de ligne, médecins libéraux, orthophonistes,


masseurs kinésithérapeutes, avocats.

Concernant les caisses, on peut mentionner les :


Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des Professions
Libérales (CNAVPL) ;
Caisse Nationale des Barreaux Français (CNBF) ;
Caisse de prévoyance et de retraite des notaires ;
Caisse d’Assurance Vieillesse des Officiers Ministériels, officiers
publics et des compagnies judiciaires (CAVOM) ;
Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance
Vieillesse (CIPAV) ;
Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF ;
e o
pour un contentieux, V. Cass. 2 civ., 6 janv. 2022, n 20-
12.876) ;
etc.

581
Bien qu’il existe de nombreux régimes de retraite, la différence des
conditions d’ouverture des droits à pension de retraite dans des
régimes d’assurance vieillesse distincts ne constitue pas une
discrimination prohibée par les articles 14 de la Convention
er
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 1 du
o e
Protocole additionnel n 1 à cette Convention (Cass. 2 civ.,
o
9 mai 2019, n 18-16.575).

Pour rappel, le régime général comprend quatre branches : Maladie,


Maternité, Invalidité et Décès ;
Accidents du travail et maladies professionnelles ; Vieillesse et
veuvage ; et Famille.

IV. L’affiliation, l’assujettissement et l’immatriculation

Le régime est mis en œuvre au moyen d’autres notions – que sont


l’assujettissement, l’affiliation et l’immatriculation – souvent
confondues les unes avec les autres.

L’assujettissement correspond un ensemble des circonstances de


fait ou de droit qui placent une personne dans le champ d’application
d’un régime obligatoire de sécurité sociale.

L’affiliation comporte deux acceptions :

D’une part, il s’agit d’un rattachement d’une personne à un


organisme de sécurité sociale chargé de procéder au service des
prestations sociales pour lesquelles il est compétent. Par exemple,
la caisse d’allocations familiales (CAF) est compétente pour le
service des prestations familiales.

582
D’autre part, assez régulièrement, le Code de la sécurité sociale
emploie la notion d’affiliation à la place de celle d’assujettissement.
En ce cas, l’affiliation signifie le rattachement automatique d’une
personne à un régime de sécurité sociale.
Enfin, l’immatriculation constitue une opération administrative
d’identification des personnes. En d’autres termes, l’organisme de
sécurité sociale attribue un numéro d’identification à un assuré social
ou à un allocataire (pour les prestations familiales). À chaque assuré
social est attribué un numéro unique, le numéro d’inscription au
répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR),
communément appelé « numéro de sécurité sociale », formé de
13 caractères.
L’immatriculation, et l’attribution subséquente d’un numéro de
sécurité sociale, présentent différents intérêts. Premièrement, il
permet de faire valoir ses droits auprès des caisses compétentes
(remboursement des frais médicaux, versement d’indemnités, de
pensions ou allocations diverses, etc.). Deuxièmement, le numéro
de sécurité sociale est utile pour les employeurs aux fins de
déclarations de leurs salariés et du versement des cotisations
sociales. Enfin, troisièmement, il permet d’obtenir la remise de la
carte vitale (CSS, art. L. 161-31 ; CSS, art. R. 161-33-1).

583
(CSS, art. L. 311-2)
Indépendamment des termes employés – affiliation en lieu et place
d’assujettissement –, l’article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale fournit les
conditions d’assujettissement au régime général.
Selon cette disposition, « sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du
régime général quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une
pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou l’autre
sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour
un ou plusieurs employeurs, et quels que soient le montant de leur rémunération,
la forme, la nature ou la validité de leur contrat ».
Cet assujettissement confère à la personne concernée un statut social. Le statut
social d’une personne est d’ordre public et s’impose de plein droit dès lors que
o
sont réunies les conditions de son application (Cass. soc., 9 avr. 1998, n 96-
18.706).
Cependant, l’assujettissement est sans incidence sur les droits et obligations nés
de l’affiliation antérieure. La décision n’a pas d’effet rétroactif. Par conséquent, .la
décision administrative individuelle d’affiliation qui résulte de l’adhésion au régime
général s’oppose à ce qu’une immatriculation au régime spécial de la fonction
publique puisse mettre rétroactivement à néant les droits et obligations nés de
e o
l’affiliation antérieure (Cass. 2 civ., 25 nov. 2011, n 16-15.908 ; V. égal. Cass.
o
soc., 13 avr. 2022, n 20-22.646).

En vérité, l’assujettissement au Régime général procède


généralement de l’existence d’un contrat de travail (Pour les détails,
o
V. Fiche n 3). Cela étant, le régime général connaît un mouvement
d’extension croissant. Doté d’un pouvoir attractif, le régime général
englobe de plus en plus de catégories différentes de travailleurs et,
plus largement, d’actifs. Y sont ainsi rattachés les chômeurs et les
travailleurs indépendants.

§2 Organisation institutionnelle

584
La Sécurité sociale française repose sur un maillage d’organismes
se développant à des niveaux hiérarchiques différents, soit à
l’échelon local et à l’échelon national.

I. Organismes nationaux

(CSS, art. L. 221-1)


La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAM)
exerce un grand nombre d’attributions parmi lesquelles celles :
– « de veiller à l’équilibre financier de ces deux branches » (1°) ;
– « de définir et de mettre en œuvre les mesures de prévention des accidents du
travail et des maladies professionnelles ainsi que de concourir à la détermination
des recettes nécessaires au maintien de l’équilibre de cette branche » (2°) ;
– et « d’exercer une action sanitaire et sociale et de coordonner l’action sanitaire
et sociale des » Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) et
des Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) (4°).
(CSS, art. L. 222-1)
La Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) gère,
comme son nom le suggère, la branche vieillesse. Elle a notamment pour rôle (1°)
« de veiller à l’équilibre financier de cette branche », et (2°) « de définir les
orientations de la gestion de l’assurance retraite des travailleurs salariés et non-
salariés, et d’en assurer la coordination ».
(CSS, art. L. 223-1 et L. 223-2)
La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), a pour rôle notamment
d’assurer le financement de l’ensemble des régimes de prestations familiales. La
Caisse nationale des allocations familiales est un établissement public national à
caractère administratif.
(CASF, art. L. 14-10-1 et s.)
Enfin, créée en 2004 et institutionnalisée en 2005, la Caisse nationale de solidarité
pour l’autonomie (CNSA) qui est un établissement public national à caractère
administratif. Elle jouit de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.
Elle est soumise au contrôle des autorités compétentes de l’État. Elle gère
désormais la cinquième branche : l’autonomie.

Ces différents organismes nationaux se regroupent au sein d’entités


afin de réaliser des objectifs communs.

585
L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) est
chargée d’assurer la gestion commune de la trésorerie des
différentes branches gérées par la CNAF, par la CNAM et par la
CNAV, dans les conditions fixées par décret pris sur le rapport des
ministres intéressés (CSS art. L. 225-1 ; pour les autres missions,
V. CSS, art. L. 225-1-1). L’ACOSS est un établissement public
national à caractère administratif (CSS, art. L. 225-2).

Les organismes locaux, régionaux et nationaux du régime général


peuvent se grouper en unions ou fédérations en vue de créer des
œuvres et des services communs ou d’assumer des missions
communes (CSS, art. L. 216-3).

L’Union des caisses nationales de sécurité sociale (UNCASS), union


nationale au sens de l’article L. 216-3 du Code de la sécurité sociale,
assure les tâches mutualisées de la gestion des ressources
humaines du régime général de sécurité sociale (CSS, art. L. 224-5).

Concernant le chômage, le service public de l’emploi est assuré par


différents acteurs, notamment les services de l’État (C. trav., art.
L. 5311-2), la région et les départements (C. trav., art. L. 5311-3) et
bien d’autres de manière facultative (C. trav., art. L. 5311-4).

Les deux institutions les plus importantes sont l’Union nationale


interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce
(UNEDIC) (C. trav., L. 5427-1 et L. 5311-2) et le Pôle emploi qui
partagent les tâches les plus notables, à savoir la gestion du régime
de l’assurance chômage, le placement des demandeurs d’emploi
ainsi que le service des prestations de chômage.

586
II. Organismes régionaux

Succédant aux caisses régionales d’assurance maladie (CRAM), les


CARSAT remplissent de nombreuses missions.

Les CARSAT :
enregistrent et contrôlent les données nécessaires à la
détermination des droits à retraite des assurés du régime
général ;
liquident et servent les pensions résultant de ces droits ;
informent et conseillent les assurés et leurs employeurs sur la
législation de l’assurance vieillesse ;
interviennent dans le domaine des risques professionnels, en
développant et coordonnant la prévention des accidents du
travail et des maladies professionnelles et en concourant à
l’application des règles de tarification des accidents du travail et
des maladies professionnelles et à la fixation des tarifs ;
mettent en œuvre les programmes d’action sanitaire et sociale
définis par les caisses nationales ;
assurent un service social à destination des assurés sociaux de
leur circonscription ;
peuvent assurer les tâches d’intérêt commun aux caisses de
er
leur circonscription (CSS, art. L. 215-1, al. 1 ).
Les circonscriptions des CARSAT sont fixées par décret (CSS, art.
L. 215-1, al. 2).

Pour des raisons diverses, ont été instituées des statuts spécifiques,
notamment avec la création de la CARSAT d’Alsace Moselle en
2012. La CNAV assure la gestion de l’Île-de-France qui est donc
dépourvue de CARSAT.

587
Les Agences régionales de santé (ARS), instituées par une loi de
o
juillet 2009 (L. n 2009-879, 21 juill. 2009 portant réforme de l’hôpital
et relative aux patients, à la santé et aux territoires), ont été
er o
effectives au 1 avril 2010 (D. n 2010-339, 31 mars 2010 : JO
er
1 avr. 2010).

Dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, une


ARS a pour mission de définir et de mettre en œuvre un ensemble
coordonné de programmes et d’actions concourant à la réalisation, à
l’échelon régional et infrarégional :
des objectifs de la politique nationale de santé ;
des principes de l’action sociale et médico-sociale énoncés aux
articles L. 116-1 et L. 116-2 du Code de l’action sociale et des
familles ;
et des principes fondamentaux affirmés au I de l’article L. 111-2-
er
1 du Code de la sécurité sociale (CSP, art. L. 1431-1, al. 1 ).
Les ARS contribuent au respect de l’objectif national de dépenses
d’assurance maladie (CSP, art. L.1431-1, al. 2).

III. Organismes locaux

Parmi les organismes locaux, on peut citer les Unions pour le


recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations
familiales (URSSAF) (CSS, art. L. 213-1), ainsi que les CPAM, les
CAF ou les caisses de mutualité sociale agricole (MSA).

Pour le chômage et le service de ses prestations, on peut citer Pôle


emploi (V. supra).

o
Pour l’AGIRC et l’ARRCO : V. Fiche n 60).

588
Chaque régime, et pour chaque branche, est doté de caisses locales
qui assurent le service des prestations sociales pour lesquelles elles
sont compétentes (CPAM, CAF et MSA).

Jurisprudence
Ces structures ont un statut hybride découvert par le Conseil d’État (CE,
o
13 mai 1938, Caisse primaire aide et protection, n 57302, Rec. CE 1938, p. 417).
Ces caisses locales sont des organismes de droit privé chargés d’une mission de
service public, ce qui a été successivement confirmé par le Conseil d’État (CE,
o
2 févr. 1951, Dlle Bodin, n 4544, Rec. Lebon 1951, p. 70), la Cour de cassation
(Cass. soc., 11 mai 1950, JCP G 1950, II, 5708 ; Cass. com., 23 mars 1954, Bull.
o
civ. 1954, III, n 118), et le Tribunal des conflits (T. confl., 10 déc. 1956, Audouin,
o
Req. n 1562, Rec. Lebon 1956, p. 595 ; T. confl., 6 juill. 1957, Lasry, JCP CI
o
1958, II, 61830 ; T. confl., 22 avr. 1974, Blanchet, n 1989, Rec. Lebon 1974,
p. 791).

Il en résulte que, malgré ce statut spécifique, la Sécurité sociale est exclue du


o
champ de la libre concurrence (Cass. soc., 13 janv. 1994, n 91-14.758 ; Cass.
o
soc., 17 juill. 1998, RJS 1998, n 1265).

De la même façon, les caisses de sécurité sociale n’ayant pas le statut


d’entreprise, elles échappent aux règles du droit européen de la concurrence telles
qu’établies par les traités européens (CJCE, 17 févr. 1993, Pistre et Poucet, aff. C-
159/1 et C-160/91, Rec. CJCE 1993, I, p. 637 ; CJCE, 22 janv. 2002, Cisal di
Battistello Venanzio et C. Sas c/ INAIL, aff. C-218/00).

Au niveau local se trouvent les caisses primaires d’assurance


maladie (CPAM). Les CPAM assurent la prise en charge des frais de
santé et le service des prestations d’assurance maladie, maternité,
paternité, invalidité, décès et d’accidents du travail et maladies
professionnelles dont bénéficient dans leur circonscription les

589
assurés salariés et non-salariés, ainsi que les autres personnes
mentionnées aux 1° et 4° de l’article L. 200-1 (CSS, art. L. 211-1).

Par contre, le service des prestations familiales dues aux salariés de


toute profession, aux employeurs et aux travailleurs indépendants
des professions non agricoles ainsi qu’à la population non active
er
incombe aux CAF (CSS, art. L. 212-1, al. 1 ).
Toutefois, certains organismes ou services peuvent être autorisés,
par décret, à servir ces prestations aux salariés agricoles (CSS, art.
L. 212-1, al. 2).

§3 Financement

Ces dernières décennies, le financement de la sécurité sociale tend


à se diversifier et recouvre les mécanismes de cotisation ou de
contribution. La crise sanitaire due à la pandémie de COVID-19 a
entraîné la mise en place de dispositifs d’exonération et d’aide au
o
paiement des cotisations et contributions sociales (LFSS n 2020-
o
1576, 14 déc. 2020, art. 9 ; D. n 2021-430, 12 avr. 2021). Le
o
dispositif a été prorogé par la LFSS pour 2022 (L. n 2021-1754, 23
déc. 2021).

I. Cotisations sociales

La cotisation sociale est la source traditionnelle des recettes du


budget de la Sécurité sociale. Elle est assise sur les revenus
professionnels.

Techniquement, ce sont les « sommes destinées au financement de


la sécurité sociale à verser, à titre de contribution pour chaque

590
assuré, partie par lui-même, partie par l’employeur » (Vocabulaire
juridique, Paris : PUF, p. 278).

Les cotisations participent du service des prestations sociales et


constituent parfois une condition pour l’ouverture des droits en
matière de protection sociale.

II. Contributions sociales

La recherche de nouvelles ressources pour abonder le budget de la


Sécurité sociale force à imaginer des dispositifs originaux de
prélèvements sociaux.

On assiste depuis quelques temps à une « fiscalisation » du


financement de la protection sociale qui a pour but d’amortir la dette
de la Sécurité sociale et de combler le fameux « trou » de la Sécurité
sociale.

o
Créée par la loi de finances pour 1991 (L. fin. n 90-1168, 29 déc.
1990 de finances pour 1991, art. 127), la Contribution sociale
généralisée (CSG) constitue une participation au financement de la
protection sociale.

Étant « une contribution sociale sur les revenus d’activité et sur les
revenus de remplacement à laquelle sont assujettis » (CSS, art.
L. 136-1), son assiette est relativement étendue puisqu’elle est
prélevée sur les salaires, les pensions de retraite, les revenus du
patrimoine, les allocations de chômage, les revenus de
placement, etc. ; y sont assujettis les personnes résidant en France.

591
Jurisprudence
Cela étant, un problème de qualification juridique se pose vis-à-vis de la CSG.
Est-ce une « imposition de toute nature » ? C’est l’interprétation retenue par le
o
Conseil constitutionnel (Cons. const., 28 déc. 1990, n 90-285 DC). Est-ce une
« cotisation sociale » ? C’est l’interprétation retenue par la Cour de justice de
l’Union européenne (CJUE, 26 févr. 2015, de Ruyter, aff. C 623/13).

La définition des assiettes sociales et des contributions sociales a


o
été simplifiée par une ordonnance du 12 juin 2018 (Ord. n 2018-
o
474, 12 juin 2018 : JO 13 juin 2018, complété par Décr. n 2018-821,
27 sept. 2018). Cette ordonnance a pour but d’« améliorer la lisibilité
et l’accessibilité du droit et à sécuriser la personne cotisante (qu’il
s’agisse d’un salarié, d’un employeur, d’un travailleur indépendant
ou d’un bénéficiaire de revenus de remplacement) quant au niveau
des prélèvements qui lui sont applicables, en lui assurant l’accès à
un texte simple et clair dont l’interprétation est univoque et sûre »
(Communiqué de presse du Conseil des ministres du 12 septembre
2018). Pour ce faire, elle unifie au sein d’un même texte les
dispositions relatives à l’assiette de la CSG.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– RDSS, Dossier : Le risque de perte d’autonomie en question(s),
2021, pp. 3-76
– X. AUMERAN, La disparition du RSI et l’émergence d’un super
régime, JCP S 2018, pp. 9-20
– B. BAUDUIN, Le droit de la protection sociale face à la QPC, JCP
S 2020, 3088

592
– J. COLONNA, V. RENAUX-PERSONNIC, Le référendum et la
protection sociale, RD sanit. soc. 2018, pp. 432-436
– Ph. COURSIER, B. SERIZAY, Vers un renouvellement des
systèmes de protection sociale ?, JCP S 2017, pp. 11-18
– Ph. COURSIER, Ph. VIVIEN, La protection sociale des cadres :
quel devenir ?, JCP S 2018, 1160
– L. ISIDRO, L’universalité en droit de la protection sociale : des
usages aux visages, Dr. soc. 2018, pp. 378-388
– M. KEIM-BAGOT, Fr. KESSLER, L’OIT et le droit français de la
sécurité sociale, JCP S 2019, 1231
– Fr. KESSLER, Réflexions sur les mutations récentes du droit de la
protection sociale, RD sanit. soc. 2005, pp. 619-632
– L. PIERRON, Retraites : une convergence « ni de droite, ni de
gauche » ? JCP S 2017, pp. 11-17
– C. RIOT, Le risque social face aux lois du marché, RD sanit. soc.
2005, pp. 3-12
– Th. TAURAN, Les erreurs commises par les caisses de sécurité
sociale, JCP S 2019, 1218
– Th. TAURAN, Sécurité sociale et force majeure, JCP S 2020, 3115
– J.-Ph. TRICOIT, La création de la cinquième branche de Sécurité
o
sociale : la branche autonomie, Lexbase Hebdo édition sociale, n
872, juill. 2021

593
TITRE 1
LA COUVERTURE DES RISQUES
SOCIAUX

594
SOUS-TITRE 1
LES RISQUES PRIS EN CHARGE
PAR LES RÉGIMES DE BASE

o
Fiche n 52 La maladie
o
Fiche n 53 La maternité
o
Fiche n 54 L’invalidité
o
Fiche n 55 Le décès
o
Fiche n 56 La vieillesse
o
Fiche n 57 La paternité
o
Fiche n 58 La famille

595
o
Fiche n 52 La maladie

L’ESSENTIEL

La maladie renvoie à une branche de la sécurité sociale.


L’assurance maladie correspond à la prise en charge des frais de
santé et des soins médicaux, outre la compensation de la perte de
salaire subie en cas d’arrêt de travail. Sont versées, à ce titre, des
prestations en nature et des prestations en espèce.

LES CONNAISSANCES

Le régime de base accueille toutes les personnes ayant, soit une


activité professionnelle, soit une résidence régulière et stable sur le
territoire français.

De façon globale, en droit de la sécurité sociale, les prestations


désignent « les versements ou fournitures qui ont pour objet
l’indemnisation d’un risque social ou, d’une façon plus générale, sont
destinées à assurer la sécurité économique de leur bénéficiaire »
(J.-J. DUPEYROUX, M. BORGETTO, Droit de la sécurité sociale,
o
n 271, p. 215).

596
Deux catégories de prestations sont prévues traditionnellement dans
le cadre de l’assurance maladie : les prestations en nature et les
prestations en espèce (CSS, L. 321-1 et s.). Les premières ont
vocation à prendre en charge les frais de santé, tandis que les
secondes constituent un revenu de remplacement.

§1 Prise en charge des frais de santé


Au titre des soins de santé, diverses prestations sont servies. Elles
prennent la forme d’une prise en charge des frais de santé appelée
usuellement « prestations en nature ». Le Code de la sécurité
sociale en donne une liste exhaustive en son article L. 160-8. Pour
les personnes ne pouvant pas assumer la partie complémentaire de
la prise en charge des soins médicaux, un nouveau dispositif
fusionne l’ancienne couverture médicale universelle complémentaire
(CMU-C) et l’Aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS).
Techniquement, l’article 52 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2019 a étendu la CMU-C aux personnes éligibles à
l’ACS, et a supprimé l’ACS. La CMU-C a, elle-même, été étendue au
er
1 novembre 2019 et est devenue la Complémentaire santé
solidaire. La LFSS pour 2020 a, quant à elle, précisé les conditions
d’ouverture et de sortie de la Complémentaire santé solidaire.

I. Prestations en nature du régime de base

La prise en charge des frais de santé vise les soins ambulatoires


(frais non hospitaliers ou « médecine de ville »), soit les services
médicaux et paramédicaux, les médicaments ou encore les
appareillages (Pour une liste, V. CSS, art. L. 160-8). Cette prise en
charge tend vers l’universalisation et met en œuvre différentes
techniques.

597
A Universalisation de la prise en charge
Le risque maladie est garanti à tout assuré social.

La prise en charge du risque maladie repose sur des fondements


renouvelés à l’occasion de l’adoption de la loi de financement de la
o
sécurité sociale pour 2016 (L. n 2015-1785, 29 déc. 2015 : JO
30 déc. 2015, p. 24614). Depuis lors, la protection universelle
maladie (PUMa) offre une prise en charge des soins à l’ensemble de
o
la population (L. n 2016-1827, 23 déc. 2016, art. 64).

Comme son nom l’indique, la PUMa participe de l’universalisation de


l’assurance-maladie déconnectant la prise en charge des soins de
santé des fondements socioprofessionnels qui prévalaient
jusqu’alors. Par conséquent, l’activité professionnelle n’est plus
l’unique condition d’ouverture des droits à l’assurance maladie.

(CSS, art. L. 160-1)


Conformément à l’article L. 160-1 du Code de la sécurité sociale, « toute personne
travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en
France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de
maternité, de la prise en charge de ses frais de santé ».

Désormais, la prise en charge par l’assurance-maladie des frais de


santé est ouverte à deux titres.

Premièrement, elle l’est au titre de l’activité professionnelle mais


sans justification d’une activité minimale, d’une durée d’affiliation ou
de cotisation. En cela, elle englobe notamment l’ensemble des
travailleurs salariés (temps plein, temps partiel, travailleur
temporaire). Tous les actifs en bénéficient.

598
Deuxièmement, elle l’est au titre de la résidence régulière et stable
sur le territoire français. Ce critère est un critère subsidiaire qui
supplée à l’absence d’activité professionnelle. Concrètement, la
résidence doit être ininterrompue sur le territoire français depuis plus
de trois mois (CSS, art. D. 160-2). La régularité de la résidence est
appréciée au regard des règles d’entrée et de séjour sur le territoire
français.
La réforme de la PUMa fait disparaître la notion d’« ayant droit ».
Toutefois, subsiste une exception concernant les mineurs de moins
de 16 ans qui auront encore vocation à être ayants-droit d’un assuré
social.

B Techniques de prise en charge


L’assurance maladie finance les services de santé mais ne fournit
aucun soin de santé. En outre, elle procède au remboursement des
frais de santé dont les assurés ont effectué l’avance. Diverses
techniques participent de la prise en charge des frais de santé,
notamment le ticket modérateur et le tiers payant.

Le ticket modérateur correspond au montant restant à la charge de


l’assuré lorsqu’il s’acquitte de ses frais de santé auprès d’un
praticien (consultations médicales, médicaments, analyse
biologique, etc.). Ce montant dépend d’autres instruments comme le
parcours de soins coordonné et le recours à une complémentaire
o
santé (V. Fiche n 59). Il s’applique à tous les frais de santé
remboursables : consultation médicales, analyse biologique, examen
radiologique, achat de médicaments prescrits, etc. Son pourcentage
varie toutefois selon : la nature du risque (maladie, maternité,

599
invalidité, accident du travail/maladie professionnelle) ; l’acte ou le
traitement ; le respect ou non du parcours de soins coordonnés.

Une complémentaire santé peut prendre en charge tout ou partie du


ticket modérateur si le contrat souscrit par l’assuré le prévoit.

Le dispositif du tiers payant dispense l’assuré de l’avance des frais.

En principe, la consultation d’un professionnel de santé entraîne des


frais médicaux dont le paiement est acquitté dans un premier temps
par l’assuré.

Dans un second temps, une fois la feuille de soins transmise à la


caisse primaire ou l’information délivrée grâce à la carte vitale,
l’assurance-maladie – concrètement la caisse primaire d’assurance
maladie d’affiliation – procède au remboursement des frais engagés
soit partiellement, soit totalement. Par le mécanisme du tiers payant,
l’assuré est dispensé de l’avance des soins.

Deux hypothèses distinctes sont à préciser.

Dans le cas d’un tiers payant total obligatoire, aucun frais n’est à la
charge de l’assuré. La part « obligatoire » et la part
« complémentaire » sont supportées par l’assurance maladie. Tel est
le cas pour les victimes d’une affection de longue durée (ALD), les
femmes enceintes ou encore les personnes détenues.

En revanche, le tiers payant partiel suppose qu’il reste à la charge


de l’assuré la partie complémentaire.
Le législateur avait adopté la généralisation du tiers payant mais la
o
loi de financement pour 2018 (L. fin. n 2017-1837, 30 déc. 2017 :

600
JO 31 déc. 2017) est revenue sur celle-ci et l’a reportée.

Outre ces deux mécanismes, la prise en charge par le régime


général de sécurité sociale adopte d’autres formes, à savoir le co-
paiement, la franchise ou encore le tarif de référence.

La prise en charge des frais de santé est en principe partielle. De


plus, pour éviter tout abus du système de sécurité sociale et de
maîtriser les dépenses, de nombreux mécanismes participent de la
responsabilisation des assurés et font varier la prise en charge
effective des frais de santé, notamment le ticket modérateur et le
tiers payant.

En ce sens, a été institué le parcours de soins coordonné. Par


principe, le patient dispose du libre choix de son médecin et de son
établissement de santé (CSS, art. L. 162-2).

(CSS, art. L. 162-5-3)


Toutefois, « tout assuré ou ayant droit âgé de seize ans ou plus indique à son
organisme gestionnaire de régime de base d’assurance maladie le nom du
médecin traitant qu’il a choisi, avec l’accord de celui-ci ».

C’est là la première étape ce qui est dénommé le « parcours de


soins coordonnés ». Il incombe au patient de s’adresser en
premier lieu à son médecin traitant et de consulter un médecin
spécialiste avec l’accord de celui-ci. Le manquement au parcours de
soins emporte l’application d’une pénalité financière, sauf urgence
ou consultation hors du lieu de résidence.

601
À tout cela s’ajoutent, en matière d’assurance maladie, différentes
ponctions diminuant ou augmentant la prise en charge par
l’assurance maladie. La forfaitisation est un procédé traditionnel
(ex. : forfait hospitalier journalier, forfait pour les actes lourds). Ainsi
en est-il de la contribution forfaitaire et de la franchise médicale.

Les mécanismes de forfaitisation sont aussi en recrudescence.

Plusieurs exemples peuvent être cités. Premièrement, le forfait


hospitalier impose que soit laissée à la charge du patient une partie
des frais liés à l’hospitalisation. Deuxièmement, peut être citée la
participation forfaitaire de 1 € qui est laissée à la charge de l’assuré
pour les actes et consultations médicales ainsi que pour tous les
actes de biologie médicale. De même, le forfait de 18 € sur les actes
« lourds » est une autre bonne illustration. Dans ce cas, le ticket
modérateur est substitué par le paiement du fait de 18 €. Enfin, les
franchises médicales se développent et correspondent à la
déduction de ce qui est remboursé par la CPAM sur les
médicaments, etc.

Les hypothèses d’exonération sont également nombreuses et


profitent les malades chroniques, les enfants ou encore les
personnes ne disposant pas de ressources financières suffisantes.

Enfin, toujours dans le but de maîtriser les dépenses de santé, les


hypothèses de remboursement des frais de transport sont limités
(CSS, art. L. 321-1) tandis que les prix des médicaments
remboursables et des dispositifs médicaux sont fixés au préalable.
Dans ce prolongement, les conventions médicales conclues avec les
professionnels de santé réglementent les pratiques et régulent les

602
dépenses grâce au conventionnement des médecins et à la
tarification à l’acte.

II. Protection complémentaire en matière de santé


o
Distincte de la complémentaire santé (V. Fiche n 59) qui s’ajoute à
l’assurance maladie obligatoire et qui est proposée par des
organismes privés (mutuelles, compagnies d’assurance, etc.), la
protection complémentaire en matière de santé est organisée
notamment par les articles L. 861-1 et suivants du Code de la
sécurité sociale. Un décret du 13 décembre 2021 tend à simplifier
o
l’accès à la protection complémentaire en matière de santé (D. n
2021-1642, 13 déc. 2021).

A Bénéficiaires de la protection complémentaire


en matière de santé
Pour être bénéficiaire de la protection complémentaire en matière de
santé, un certain nombre de conditions doit être réuni.

Concernant les conditions de fond, elles sont au nombre de trois :


disposer d’une résidence régulière sur le territoire français ;
la stabilité de cette résidence ;
et des ressources inférieures à un plafond qui est fonction du
lieu de résidence et de la composition du foyer du bénéficiaire.

(CSS, art. L. 861-1)


Plus précisément, « les personnes résidant de manière stable et régulière […] et
bénéficiant de la prise en charge des frais de santé [mentionnée à l’article L. 160-1
[du Code de la sécurité sociale], dont les ressources sont inférieures à un plafond
[…], ont droit à une couverture complémentaire ».

603
Les modalités de cette couverture complémentaire sont définies à
l’article L. 861-3 du Code de la sécurité sociale.

Concernant les conditions de forme, il est nécessaire de présenter


une demande en ce sens auprès de la caisse compétente (CSS, art.
L. 861-5).

B Prestations prises en charge au titre


de la complémentaire en matière de santé
Concrètement, la protection complémentaire en matière de santé
offre l’opportunité d’une prise en charge à 100 % des frais résultant
de soins médicaux ainsi que des frais engendrés par une
hospitalisation (CSS, art. L. 861-3).

La protection complémentaire a pour effet de dispenser d’avancer


les frais.

Sont ainsi prises en charge la part obligatoire et la part


complémentaire, et corrélativement l’exonération de la participation
forfaitaire (qui équivaut à 1 euro).

Les droits reconnus au titre de la couverture complémentaire sont


attribués pour une période d’un an renouvelable (CSS, art. L. 861-5,
al. 5).

En ce qui concerne les contestations, les refus font l’objet d’un


recours gracieux. Si ce recours gracieux n’aboutissait pas, les
contestations étaient présentées devant la commission
départementale d’aide sociale. Cependant, une transformation
importante de la cartographie juridictionnelle a été menée par le
Gouvernement. Pris en application de l’article 12 de la loi du

604
e
18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI siècle,
o o
deux ordonnances (Ord. n 2018-358 et n 2018-359, 16 mai 2018 :
JO 17 mai 2018) et un décret du 16 mai 2018 (JO 17 mai 2018)
réorganisent le contentieux en ce domaine. Cette réforme fait
disparaître les juridictions compétentes pour l’aide sociale.
Désormais, le contentieux se répartira, selon la nature des litiges,
entre le juge judiciaire et le juge administratif.

Malgré ces conditions, tout espoir de bénéficier d’une couverture


sociale optimale, n’est pas écarté. En effet, le Code de la sécurité
sociale précise, en ses articles L. 863-1 et suivants, les modalités
d’aide au paiement d’une complémentaire santé, c’est-à-dire le
recours à une mutuelle.

En lieu et place de la protection complémentaire, il sera alors


attribué une aide à la complémentaire santé (CSS, art. L. 863-1).

L’aide au paiement d’une complémentaire santé est réservée aux


personnes ne remplissant pas les conditions de ressources pour la
protection complémentaire en matière de santé. Il s’agit des
personnes dont les ressources sont supérieures au plafond
d’attribution fixée pour la protection complémentaire.

Concrètement, cette aide recouvre deux aspects. Premièrement,


l’aide à la complémentaire santé constitue une aide financière (crédit
d’impôt) pour s’acquitter du paiement des primes de mutuelles
souscrites au titre d’une complémentaire santé. Deuxièmement, cela
consiste aussi au bénéfice du tiers payant sur la part des dépenses
prise en charge par l’assurance maladie obligatoire, ainsi que sur la
part des dépenses couverte par leur contrat d’assurance

605
complémentaire de santé, et ce, pour l’ensemble des actes et
prestations qui leur sont dispensés par les professionnels de santé
(CSS, art. L. 863-7-1).

En cas de refus, un recours gracieux est envisageable. Si ce dernier


n’aboutit pas, les contestations seront portées, selon la nature du
litige en cause, devant le juge judiciaire ou le juge administratif.

Pour conclure, qu’en est-il à présent les personnes qui ne


bénéficient pas de la complémentaire santé ? Ces dernières peuvent
– sous certaines conditions – revendiquer l’application de l’aide
médicale de l’État (AME). L’AME s’adresse au premier chef aux
personnes en situation irrégulière. Dernièrement, un décret du
o
30 octobre 2020 (D. n 2020-1325, 30 oct. 2020) détermine les
conditions de la prise en charge des frais de santé pour les assurés
qui cessent d’avoir une résidence régulière sur le territoire français.

§2 Prestations en espèce

Même si la distinction est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît


(V. CSS, art. 168-4, relatif à l’allocation journalière
d’accompagnement d’une personne en fin de vie), les prestations en
espèce renvoient « aux versements de sommes d’argent » et les
prestations en nature à « la fourniture de certains biens ou services :
soins médicaux, médicaments, cantine, logement, etc. », ainsi que,
par extension, au « remboursement de certaines dépenses » (Ibid.).
La crise sanitaire engendrée par la Covid-19 a emporté la nécessité
d’assouplir la réglementation. En ce sens, ont été posées des
conditions dérogatoires pour le bénéfice des prestations en espèces

606
o
pour les personnes exposées au Coronavirus (D. n 2020-859, 10
juill. 2020).

I. Bénéficiaires

Les prestations en espèce sont l’équivalent du revenu don l’assuré


est privé pendant la durée de son arrêt de travail. On parle alors de
revenu de remplacement. À cet égard, lorsque l’assuré se trouve
dans l’incapacité d’exercer une activité professionnelle, il peut
obtenir le service d’indemnités journalières.

Pour faire valoir ses indemnités journalières, l’assuré doit remplir


plusieurs conditions cumulatives.

Tout d’abord, il doit être dans l’incapacité de travailler, Cette


incapacité « s’analyse non dans l’inaptitude de l’assuré à reprendre
son ancien travail, mais dans l’inaptitude à exercer une activité
o
salariée quelconque » (Cass. soc., 16 déc. 1968, n 67-1.116, Bull.
e o
civ. V, p. 495 ; Cass. 2 civ., 22 févr. 2007, n 05-20.353 ; Cass.
e o
2 civ., 21 juin 2018, n 17-18.587).

Sont compétents pour prescrire le repos :


le médecin traitant ;
le médecin hospitalier (en cas de convalescence faisant suite à
une hospitalisation) ;
le chirurgien-dentiste ;
la sage-femme, si l’arrêt est prescrit à une femme enceinte en
cas de grossesse non pathologique. Cependant, une sage-
femme peut prescrire au plus 15 jours d’arrêt de travail (non
renouvelables) (CSS, art. D. 331-1).

607
En outre, l’assuré doit remplir diverse conditions tenant à l’ouvertude
des droits à prestations. Ces conditions varient en fonction de la
durée de l’arrêt de travail.
Pour les arrêts de moins de 6 mois, l’assuré social doit justifier :
soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances
maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les
rémunérations qu’il a perçues pendant les six mois civils
précédents est au moins égale au montant des mêmes
cotisations dues pour un salaire égal à 1 015 fois la valeur du
salaire minimum de croissance au premier jour de la période de
référence ;
soit avoir effectué au moins 150 heures de travail salarié ou
assimilé au cours des trois mois civils ou des quatre-vingt-dix
jours précédents.
En revanche, lorsque l’arrêt de travail se prolonge sans interruption
au-delà du sixième mois, l’assuré social, pour avoir droit aux
indemnités journalières après le sixième mois d’incapacité de travail,
doit avoir été affilié depuis douze mois au moins à la date de
référence prévue au 2° de l’article R. 313-1.
Il doit justifier en outre :
soit que le montant des cotisations sociales correspondant aux
rémunérations perçues pendant les douze mois civils précédant
l’interruption de travail est au moins égal au montant des
mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 2 030 fois la
er
valeur du salaire minimum de croissance au 1 janvier qui
précède immédiatement le début de cette période ;
soit qu’il a effectué au moins 600 heures de travail salarié ou
assimilé au cours des douze mois civils ou des 365 jours
précédant l’interruption de travail.

608
Enfin, en cas d’interruption de travail, l’assuré est tenu d’une
obligation d’information vis-à-vis de la caisse primaire d’assurance
maladie. Doit être adressée à cette dernière, dans les deux jours
suivant la date d’interruption de travail (CSS, art. R. 321-2), une
lettre d’avis d’interruption de travail et qui doit comporter la signature
du médecin (CSS, art. L. 321-2).
En cas d’envoi à la caisse primaire d’assurance maladie de l’avis
d’interruption de travail ou de prolongation d’arrêt de travail au-delà
du délai prévu, la caisse informe l’assuré du retard constaté et de la
sanction à laquelle il s’expose en cas de nouvel envoi tardif dans les
vingt-quatre mois suivant la date de prescription de l’arrêt considéré
(CSS, art. D. 323-2). En cas de nouvel envoi tardif, sauf si l’assuré
est hospitalisé ou s’il établit l’impossibilité d’envoyer son avis d’arrêt
de travail en temps utile, le montant des indemnités journalières
afférentes à la période écoulée entre la date de prescription de
l’arrêt et la date d’envoi est réduit de 50 % (CSS, art. D. 323-2 ;
o
D. n 2004-1454, 23 déc. 2004, JO 30 déc.).
C’est à l’assuré d’apporter la preuve de l’envoi de l’arrêt de travail
dans le délai requis afin que la caisse organise son contrôle (Cass.
o e o
soc., 27 oct. 1994, n 92-18.060 ; Cass. 2 civ., 9 juill. 2015, n 14-
er o
15.561), et ce, par tous moyens (Cass. soc., 1 févr. 1996, n 94-
15.674).
Il en résulte que le service des indemnités journalières a un
caractère exclusif : seul l’assuré peut les percevoir.

II. Service des indemnités journalières

Les conditions étant remplies, l’assuré social perçoit des indemnités


journalières servies par la caisse primaire d’assurance maladie.

609
Par ailleurs, selon l’article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale,
d’autres obligations pèsent sur l’assuré. Ainsi, le service de
l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le
bénéficiaire :
d’observer les prescriptions du praticien,
de se soumettre aux contrôles organisés par le service du
contrôle médical prévus à l’article L. 315-2 du Code de la
sécurité sociale ;
de respecter les heures de sorties autorisées par le praticien ;
de s’abstenir de toute activité non autorisée ;
et d’informer sans délai la caisse de toute reprise d’activité
intervenant avant l’écoulement du délai de l’arrêt de travail.
En cas d’inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire
restitue à la caisse les indemnités versées correspondante.

Le service des indemntiés journalières est subordonné à un délai de


carence. L’indemnité journalière est accordée à partir du quatrième
jour qui suit le point de départ de l’incapacité de travail (CSS, art.
R. 323-1).

La durée de l’attribution des indemnités journalières dépend d’une


lecture combinée des articles L. 323-1 et R. 323-1, 2° du Code de la
sécurité sociale.

Il en ressort deux hypothèses :

D’une part, lorsque l’assuré ne souffre pas d’affection longue durée,


il est susceptible de percevoir 360 indemnités journalières peuvent
être servies durant la période de 3 ans à compter du jour d’arrêt de
travail à indemniser.

610
D’autre part, lorsque l’assuré souffre d’un affection longue durée, les
indemnités journalières sont servies durant trois ans à compter du
premier jour d’arrêt de travail.

En outre, conformément à l’article L324-1 du Code de la sécurité


sociale, en cas d’affection de longue durée et en cas d’interruption
de travail ou de soins continus supérieurs à une durée déterminée,
le médecin traitant détermine le traitement que le bénéficiaire de
l’assurance maladie doit suivre si les soins sont dispensés sans
interruption ; la continuation du service des prestations est
subordonnée à l’obligation pour le bénéficiaire :
de se soumettre aux traitements et aux mesures de toute nature
prescrits par le médecin traitant et, en cas de désaccord avec le
service du contrôle médical, par un expert ;
de se soumettre aux visites médicales et aux contrôles spéciaux
organisés par la caisse ;
de s’abstenir de toute activité non autorisée ;
et d’accomplir les exercices ou les travaux prescrits en vue de
favoriser sa rééducation ou son reclassement professionnel.
En cas d’inobservation des obligations ci-dessus indiquées, la caisse
peut suspendre, réduire ou supprimer le service des prestations.

Qu’en est-il du montant des indemnités journalières ? Les


indemnités journalières maladie correspondent à une fraction du
gain journalier de base, soit à 50 % de ce gain journalier de base.
Celui-ci est calculé en fonction des salaires perçus au cours d’une
période de référence précédant l’interruption de travail (CSS, art.
L. 323-4 ; CSS, art. R. 323-4 et R. 323-5 ; v. en cas de mise à pied,
e o
Cass. 2 civ., 8 oct. 2020, n 19-21.128). La loi de financement de la
o
sécurité sociale (LFSS) pour 2020 (L. n 2019-1446, 24 déc. 2019,

611
o
JO 27 déc. 2019, texte n 1) a modifié la rédaction de l’article L. 323-
4 et énonce désormais que « l’indemnité journalière est égale à une
fraction des revenus d’activité antérieurs soumis à cotisations à la
date de l’interruption du travail, retenus dans la limite d’un plafond et
o
ramenés à une valeur journalière » (L. n 2019-1446, art. 85).
Concrètement, cela ne modifie pas les modalités de calcul. En outre,
jusqu’à la LFSS pour 2020, ce pourcentage pouvait être augmenté
en raison de la composition familiale et être portée à 66 %. La LFSS
supprime cette majoration. Un décret du 12 avril 2021 relatif au
calcul des indemnités journalières maladie et maternité en tire les
o
conséquences (D. n 2021-428, 12 avr. 2021).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– M. BORGETTO, La sécurité sociale à l’épreuve du principe
d’universalité, RD sanit. soc. 2016, pp. 11-23
– Ph. COURSIER, Quel avenir pour l’assurance maladie
o
obligatoire ?, JDSAM n 18, janv. 2018, pp. 104-107P.- L. BRAS,
Le médecin traitant : raisons et déraisons d’une politique publique,
Dr. soc. 2006, p. 59
– G. REBECQ, Le choix du médecin traitant dans le parcours de
soins coordonnés et le principe d’exercice exclusif de la spécialité,
RDSS 2005, p. 602

612
o
Fiche n 53 La maternité

L’ESSENTIEL

La maternité ouvre droit à différentes prestations en nature ou en


espèces.

Pour l’essentiel, la prise en charge des frais liés à la maternité est


intégrale par le truchement des dispositifs d’exonération (examen
prénatal examen postnatal, etc.).

De cette façon, la mère peut également, sous conditions, percevoir


des indemnités journalières pendant la durée de la suspension de
son contrat de travail, qui se calque sur le congé maternité tel que
défini par le Code du travail.

LES CONNAISSANCES

Il a été confié à l’assurance maternité trois objectifs :


la couverture des frais de santé visés à l’article L. 160-9 du
Code de la sécurité sociale ;
l’octroi d’indemnités journalières (CSS, art. L. 331-3 à L. 331-7)
et d’allocations aux femmes dispensées de travail au titre de

613
l’Assurance maternité (CSS, art. L. 333-1 à L. 333-3) ;
ainsi que l’octroi des indemnités journalières au titre de
l’indemnisation du congé de paternité et d’accueil de l’enfant
(CSS, art. L. 331-8) pour le compte de la Caisse nationale des
allocations familiales (CSS, art. L. 330-1).
Afin de savoir comment ces objectifs se réalisent, il convient de
déterminer le champ d’application personnel de l’assurance
maternité (§ 1), l’étendue de la prise en charge des frais liés à la
maternité (§ 2), ainsi que l’indemnisation versée à la mère si celle-ci
occupait un poste de travail (§ 3).

§1 Champ d’application personnel de l’assurance


maternité
o
L’adoption de la loi du 21 décembre 2015 (L. n 2015-1702, 21 déc.
2015, art. 59) instituant la protection universelle maladie (PUMa) a
considérablement simplifié l’accès à l’assurance maternité.

Conformément à l’article L. 160-1 du Code de la sécurité sociale,


toute personne travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité
professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière
bénéficie, en cas de maternité, de la prise en charge de ses frais de
santé.

De ce point de vue, le champ d’application de l’assurance maternité


est relativement similaire à celui de l’assurance maladie (V. Fiche
o
n 53).

Bénéficient de l’assurance maternité, l’assuré(e) et les membres de


sa famille visés à l’article L. 161-1 du Code de la sécurité sociale

614
(CSS, art. L. 331-1).

Concrètement, plusieurs grandes catégories de personnes sont


concernées :
le conjoint de l’assuré social, son concubin ou la personne à
laquelle il est lié par un pacte civil de solidarité ;
les enfants mineurs à leur charge ;
les enfants qui poursuivent leurs études jusqu’à l’âge de
20 ans ;
les enfants qui, par suite d’infirmités ou de maladies chroniques,
sont dans l’impossibilité permanente d’exercer un travail
salarié ;
ainsi que l’ascendant, le descendant, le collatéral jusqu’au
troisième degré ou l’allié au même degré de l’assuré social, qui
vit au domicile de celui-ci et qui se consacre exclusivement aux
travaux du ménage et à l’éducation d’enfants à la charge de
l’assuré social (CSS, art. L. 161-1).
En outre, ces bénéficiaires ne supportent aucune participation aux
frais prévus à l’article L. 160-9 du Code de la sécurité sociale (CSS,
art. L. 331-1, in fine).

S’agissant du formalisme, une déclaration de grossesse doit être


adressée par l’allocataire dans les 14 premières semaines de la
grossesse à l’organisme d’assurance maladie ainsi qu’à l’organisme
débiteur de prestations familiales de rattachement de l’intéressé
er
(CSS, art. D. 532-1, al. 1 ).

La déclaration de grossesse est attestée par le document médical


prévu à cet effet constatant le premier examen prénatal, soit par le
médecin, la sage-femme ou le centre de protection maternelle et
infantile (PMI) (CSS, art. D. 532-1, al. 2).

615
À réception de la déclaration de grossesse, la caisse primaire
d’assurance maladie (CPAM) délivre à la future mère le « guide de
surveillance de la femme enceinte et du nourrisson » (CSP, art.
L. 2122-2 ; CSS, art. R. 331-4).

Par conséquent, il convient de se concentrer sur le remboursement


des soins et sur l’indemnisation servie par la CPAM.

§2 Prise en charge des frais liés à la maternité

En ce qui concerne l’assurance maternité, la prise en charge des


frais est intégrale grâce à divers dispositifs d’exonération ainsi que
par la prise en charge de nombreux autres frais.

I. Exonérations

Les femmes prises en charge par l’assurance maternité (du début du


e e
6 mois de grossesse jusqu’au 12 jour après l’accouchement) sont
exonérées :
o
du ticket modérateur (V. Fiche n 52) ;
de la participation forfaitaire normalement due pour les actes
lourds (CSS, art. R. 160-16) ;
de la contribution forfaitaire d’un euro pour tous les actes
réalisés pendant la période au cours de laquelle elles sont
prises en charge par l’assurance maternité et pour tous les
soins spécifiques (CSS, art. L. 160-9, L. 160-13, L. 160-15 et
R. 160-20) ;
de la franchise médicale requise pour les médicaments, les
actes des différents auxiliaires de médecine (infirmiers,
kinésithérapeutes, etc. ; CSS, art. L. 160-13) ;

616
du forfait hospitalier (CSS, art. L. 174-4).

II. Frais pris en charge

L’assurance maternité couvre l’ensemble des frais médicaux,


pharmaceutiques, d’analyse et d’examens de laboratoires,
d’appareils et d’hospitalisation relatifs ou non à la grossesse, à
l’accouchement et à ses suites.

La période de protection débute quatre mois avant la date présumée


de l’accouchement et se termine 12 jours après l’accouchement
(CSS, art. L. 160-9 et D. 160-3).

Lorsque l’accouchement a lieu avant le début de cette période,


l’assurance maternité prend en charge l’ensemble des frais
mentionnés ci-dessus à compter de la date d’accouchement et
er
jusqu’à l’expiration de ladite période (CSS, art. L. 160-9, al. 1 ).

Sont également couverts :


les frais d’examens prescrits en application du deuxième alinéa
de l’article L. 2122-1 et des articles L. 2122-3 et L. 2132-2 du
Code de la santé publique ;
les autres frais médicaux, pharmaceutiques, d’analyses et
d’examens de laboratoires, d’appareils et d’hospitalisation
relatifs à la grossesse, à l’accouchement et à ses suites, dont la
liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale
(CSS, art. L. 160-9, al. 2) ;
l’assuré et ses ayants droit ne supportent aucune participation
aux frais prévus au présent article (CSS, art. L. 160-9, in fine).
Quelle que soit la date à laquelle ils ont été prescrits à partir de la
e
déclaration de grossesse (y compris avant le 6 mois de grossesse),

617
l’assurance maternité couvre les frais liés à des soins ou des
examens spécifiques (caryotype fœtal ; amniocentèse ; dépistage du
VIH ; diabète ; séances de préparation à l’accouchement) ; en ce
sens : V. CSS, art. L. 160-9 et R. 160-8.

Les frais liés à l’accouchement sont remboursés sur la base d’un


forfait dont le montant est fixé par la classification commune des
actes médicaux, notamment ceux liés à la naissance, les visites de
surveillance de la mère et de l’enfant durant les 12 jours suivant la
naissance, en ce compris les actes accomplis par le pédiatre (Cass.
o
soc., 27 janv. 2000, n 98-18.270).

Par ailleurs, le Code de la santé publique prescrit une surveillance


médicale dont profitent la mère, le père et l’enfant (CSP, art. L. 2122-
1, L. 2122-3, L. 2132-2 et L. 2132-3), l’ensemble des frais engendrés
par ces examens médicaux étant couverts par l’assurance maternité.

§3 Indemnisation de la période

I. Conditions d’ouverture des droits

Pour avoir droit aux allocations journalières de maternité et aux


indemnités journalières de l’Assurance maternité, l’assuré social doit
justifier de différentes conditions issues de l’article R. 313-3 du Code
de la sécurité sociale.

Le service des prestations en espèce est subordonné à plusieurs


conditions : – une condition d’affiliation préalable ;
– une condition de durée du travail ou de versement de cotisations.

618
L’affiliation au régime général, dont l’assurée doit justifier, s’entend
d’une affiliation à titre personnel, et non d’une affiliation en qualité
e o
d’ayant droit (Cass. 2 civ., 24 juin 2021, n 20-14.704).

Pour obtenir son dû, l’assurée doit justifier concrètement :


soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances
maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les
rémunérations qu’il a perçues pendant les six mois civils
précédents est au moins égal au montant des mêmes
cotisations dues pour un salaire égal à 1 015 fois la valeur du
salaire minimum de croissance au premier jour de la période de
référence ;
soit avoir effectué au moins 150 heures de travail salarié ou
assimilé au cours des trois mois civils ou des quatre-vingt-dix
jours précédents (CSS, art. R. 313-3, 1°).
e
Ces conditions d’ouverture s’apprécient « au début du 9 mois avant
la date présumée de l’accouchement ou à la date du début du repos
prénatal » (CSS, art. R. 313-1).

L’assurée doit en outre justifier de 10 mois d’affiliation à la date


présumée de l’accouchement pour bénéficier des indemnités
journalières de l’assurance maternité (CSS, art. R. 313-3, 1°, in fine).

II. Service des prestations en espèces

La période débute 6 semaines avant la date présumée de


l’accouchement et se termine dix semaines après celui-ci. Pendant
cette période, l’assurée reçoit une indemnité journalière de repos
er
(CSS, art. L. 331-3, al. 1 ). Cette période correspond à la période
d’interdiction absolue d’emploi des femmes avant et après
l’accouchement, édictée par l’article L. 1225-29 du Code du travail

619
o
(V. Fiche n 12). L’assurée reçoit une indemnité journalière de repos
à condition de cesser tout travail salarié durant la période
d’indemnisation et au moins pendant 8 semaines (CSS, art. L. 331-
er
3, al. 1 ).

Cette période d’indemnisation est modulable selon différents


critères. Tout d’abord, lorsque des naissances multiples sont
prévues, cette période commence 12 semaines avant la date
présumée de l’accouchement, 24 semaines en cas de naissance de
plus de 2 enfants et se termine 22 semaines après la date de
l’accouchement.

En cas de naissance de 2 enfants, la période d’indemnisation


antérieure à la date présumée de l’accouchement peut être
augmentée d’une durée maximale de 4 semaines ; la période
d’indemnisation de 22 semaines postérieure à l’accouchement est
alors réduite d’autant (CSS, art. L. 331-3, al. 2).

De même, lorsque l’accouchement a lieu avant la date présumée, la


période d’indemnisation de 16 ou de 34 semaines, 46 semaines en
cas de naissance de plus de 2 enfants n’est pas réduite de ce fait
(CSS, art. L. 331-3, al. 3).

Inversement, quand l’accouchement intervient plus de 6 semaines


avant la date initialement prévue et exige l’hospitalisation postnatale
de l’enfant, la période pendant laquelle la mère perçoit l’indemnité
journalière de repos est augmentée. Cette augmentation correspond
au nombre de jours courant de la date effective de l’accouchement
au début de la période de repos (CSS, art. L. 331-3, al. 4 ; V. égal. :
CSS, art. L. 331-4).

620
POUR ALLER PLUS LOIN…
– S. CARTY, Régime général : Assurances Maternité et paternité,
JCl. Protection sociale Traité, Fasc. 432
– C. DUPOUEY-DEHAN, Maternité – paternité : la fragilité des droits
sociaux des travailleurs indépendants, Dr. ouvrier 2018, pp. 361-
367

621
o
Fiche n 54 L’invalidité

L’ESSENTIEL

Ayant pour objectif de compenser la perte de la rémunération, la


reconnaissance de l’invalidité a pour conséquence le versement
d’une rente. Pour cela, il doit être démontré que la capacité de travail
de l’assuré est atténuée dans de larges proportions. Concrètement,
la capacité de travail ou de gain doit être réduite d’au moins 2/3 à
cause d’un accident ou d’une maladie n’ayant pas une origine
professionnelle.

L’attribution de la rente dépend du classement de la victime dans


l’une des différentes catégories prévues par le Code de la sécurité
sociale.

Ces éléments permettent de déterminer le montant de la rente.

L’attribution de la rente d’invalidité est temporaire. Dès lors, le


montant de la rente est susceptible de modifications en différentes
circonstances, c’est-à-dire qu’elle peut être l’objet de révision, de
suspension ou de suppression.

622
LES CONNAISSANCES

Les articles L. 341-1 et suivants du Code de la sécurité sociale


consacrent des droits à l’assuré social en cas de survenance d’une
invalidité. Pour cela, ces dispositions précisent ce qu’il en est de
l’attribution de la pension d’invalidité (§ 1) et du montant de celle-ci
(§ 2).

§1 Attribution de la pension d’invalidité

I. Conditions de demande de la pension d’invalidité

Le formalisme est très souple. Effectivement, la demande de


pension d’invalidité peut émaner soit de l’assuré social lui-même,
soit de la CPAM.

Si la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) n’en a pas pris


l’initiative, l’assuré social peut aussi déposer lui-même une demande
de pension d’invalidité, qui, pour être recevable, doit être présentée
dans un délai déterminé (CSS, art. L. 341-8). Le délai imparti à
l’assuré pour présenter sa demande est fixée à 12 mois. Le point de
départ de ce délai dépend des circonstances. Il peut s’agir
notamment de la date de la consolidation de la blessure, de la date
de la constatation médicale de l’invalidité si l’invalidité résulte de
l’usure prématurée de l’organisme ou encore de la date de cessation
du versement des indemnités journalières par la CPAM.

II. Conditions d’attribution de la pension d’invalidité

Pour recevoir une pension d’invalidité, trois sortes de conditions de


fond doivent être réunies cumulativement.

623
Premièrement, est en cause la capacité de travailler (V., par ex.,
e o
Cass. 2 civ., 3 oct. 2019, n 18-18.672). En cela, l’invalidité doit être
distinguée de l’inaptitude. L’invalidité d’un salarié n’implique pas qu’il
soit inapte à son poste et, inversement, l’inaptitude ne démontre pas
l’invalidité. Tandis que l’invalidité touche la capacité générale de
travailler, l’inaptitude renvoie à l’exercice d’un emploi en particulier.

(CSS, art. L. 341-1)


Selon cette optique, l’assuré a droit à une pension d’invalidité lorsqu’il présente
une invalidité réduisant « dans des proportions déterminées, sa capacité de travail
ou de gain, c’est-à-dire le mettant hors d’état de se procurer, dans une profession
quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale
perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la
profession qu’il exerçait avant la date de l’interruption de travail suivie d’invalidité
ou la date de la constatation médicale de l’invalidité si celle-ci résulte de l’usure
prématurée de l’organisme ».

En somme, l’invalidité que présente l’assuré doit réduire au moins


des 2/3 sa capacité de travail ou de gain et, corrélativement le
salaire de référence ne doit pas être supérieur au tiers de la
rémunération normale dans une situation semblable (CSS, art.
R. 341-2).

De cette définition découle l’objet de la pension d’invalidité. À ce


titre, « la rente d’invalidité indemnise, d’une part, les pertes de gains
professionnels futurs et l’incidence professionnelle de l’incapacité,
e
d’autre part, le déficit fonctionnel permanent » (Cass. 2 civ., 28 avr.
o
2011, n 10-12.003). En outre, « en présence de pertes de gains
professionnels et d’incidence professionnelle de l’incapacité, le
reliquat éventuel de cette rente, laquelle indemnise prioritairement
ces deux postes préjudice patrimoniaux, ne peut s’imputer que sur le

624
poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel,
s’il existe » (Ibid.).

Deuxièmement, la cause de l’invalidité doit provenir d’un accident


ou d’une maladie qui n’a pas d’origine professionnelle. Dans le cas
contraire, c’est-à-dire dans l’hypothèse où la maladie ou l’accident a
une origine professionnelle, une rente d’incapacité permanente peut
être servie à l’assuré dans le cadre du Livre IV du Code de la
sécurité sociale.

Troisièmement, l’assuré social doit justifier à la fois d’une durée


minimale d’affiliation et, au cours d’une période de référence, soit
d’un montant minimum de cotisations fixé par référence au salaire
minimum de croissance (SMIC), soit d’un nombre minimum d’heures
de travail salarié ou assimilé (CSS, art. L. 341-2). La pension
d’invalidité ayant le caractère d’une prestation contributive, les
dispositions législatives la régissant ne méconnaissent pas les
e
exigences du principe de l’égalité devant la loi (Cass. 2 civ., 11
o
mars 2021, n 20-40.063).

625
(CSS, art. R. 313-5)
Les détails sont donnés par l’article R. 313-5 du Code de la sécurité sociale. Selon
cette disposition, « pour invoquer le bénéfice de l’assurance invalidité, l’assuré
social doit être affilié depuis 12 mois au premier jour du mois au cours duquel est
survenue l’interruption de travail suivie d’invalidité ou la constatation de l’état
d’invalidité résultant de l’usure prématurée de l’organisme.
Il doit justifier en outre :
– Soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances maladie,
maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations qu’il a perçues
pendant les douze mois civils précédant l’interruption de travail est au moins égal
au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 2 030 fois la valeur
er
du salaire minimum de croissance au 1 janvier qui précède la période de
référence ;
– Soit qu’il a effectué au moins 600 heures de travail salarié ou assimilé au cours
des douze mois civils ou des 365 jours précédant l’interruption de travail ou la
constatation de l’état d’invalidité résultant de l’usure prématurée de l’organisme ».

L’état d’invalidité est apprécié au regard de la capacité de travail


restante, de l’état général, de l’âge et des facultés physiques et
mentales de l’assuré, ainsi que de ses aptitudes et de sa formation
professionnelle :
soit après consolidation de la blessure en cas d’accident non
régi par la législation sur les accidents du travail ;
soit à l’expiration de la période pendant laquelle l’assuré a
bénéficié des prestations en espèces prévues à l’article L. 321-1
du Code de la sécurité sociale (indemnités journalières) ;
soit après stabilisation de son état intervenue avant l’expiration
du délai susmentionné ;
soit, enfin, au moment de la constatation médicale de l’invalidité,
lorsque cette invalidité résulte de l’usure prématurée de
l’organisme (CSS, art. L. 341-3).
Dans la mesure où les dispositions législatives et réglementaires
régissant le droit de la sécurité sociale sont d’ordre public, elles

626
excluent la possibilité, pour l’assuré et les organismes de sécurité
sociale, d’aménager à leur guise leurs rapports juridiquesEn
conséquence, l’assuré bénéficiaire d’une pension d’invalidité ne peut
renoncer à celle-ci tant qu’il remplit les conditions pour y prétendre
o
(Cass. soc., 5 avr. 2001, n 99-19.291).

§2 Montant de la pension d’invalidité

I. Détermination du montant

Le calcul de la pension d’invalidité tient compte de plusieurs


éléments.

Le calcul de la pension a lieu sur la base d’un salaire annuel moyen


(CSS, art. R. 341-11). Ce dernier provient de la moyenne des 10
meilleures années de salaire. Les salaires servant de base au calcul
des pensions et les pensions déjà liquidées sont revalorisés au
er
1 avril de chaque année par application du coefficient mentionné à
l’article L. 161-25 du Code de la sécurité sociale (CSS, art. L. 341-6).
Ensuite, entre en considération la catégorie d’invalidité. Pour
déterminer le montant de la pension, les personnes invalides sont
classées en 3 catégories, en fonction de leur situation :
1°) invalides capables d’exercer une activité rémunérée ;
2°) invalides absolument incapables d’exercer une profession
quelconque ;
3°) invalides qui, étant absolument incapables d’exercer une
profession, sont, en outre, dans l’obligation d’avoir recours à
l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires
de la vie (CSS, art. L. 341-4).

627
Le médecin-conseil de la caisse primaire d’assurance maladie
(CPAM) est chargé de déterminer la catégorie à laquelle appartient
la personne revendiquant l’invalidité (Sur les conditions
d’appréciation, V. supra).

II. Modification du montant

Par nature temporaire, la pension d’invalidité peut être révisée,


suspendue ou supprimée. La modification de la pension d’invalidité
résulte de plusieurs motifs distincts.

Tout d’abord, la pension peut être révisée en raison d’une


modification de l’état d’invalidité de l’intéressé (CSS, art. L. 341-11).

De plus, le service de la pension peut être suspendu en tout ou


partie en cas de reprise du travail, en raison du salaire ou du gain de
l’intéressé (CSS, art. L. 341-12). En effet, une personne bénéficiaire
d’une pension d’invalidité peut éventuellement reprendre une activité
professionnelle, salariée ou pas, à temps plein ou à temps partiel.
Cette reprise d’activité professionnelle peut, selon les ressources
perçues, entraîner une réduction du montant de la pension
d’invalidité ou sa suspension.

Inversement, est ouverte la faculté de servir une pension d’invalidité


o
en cas de suspension de la retraite progressive (LFSS n 2021-
1754, 23 déc. 2021, art. 110 ; CSS, art. L. 351-15).

Ensuite, la pension d’invalidité est susceptible de conversion en


pension de retraite (CSS, art. L. 341-16).
À cet égard, la pension d’invalidité prend fin à l’âge prévu au premier
alinéa de l’article L. 351-1 du Code de la sécurité sociale (V. Fiche

628
o
n 56). Elle est remplacée à partir de cet âge par la pension de
vieillesse allouée en cas d’inaptitude au travail (CSS, art. L. 341-15,
er o
al. 1 ; CA Versailles, 20 juin 2019, RG n 18/03338). Par
dérogation à ce principe, lorsque l’assuré exerce une activité
professionnelle, la pension de retraite allouée au titre de l’inaptitude
au travail n’est concédée que si l’assuré en fait expressément la
e o
demande (Cass. 2 civ., 8 oct. 2020, n 19-17.734). Il y a lieu de
retenir la date à laquelle l’assuré atteint effectivement l’âge
d’ouverture des droits à pension de retraite, indépendamment de la
date d’effet de la pension de retraite appelée à se substituer à la
pension d’invalidité (Ibid.). Pour l’application de ces dispositions,
l’exercice d’une activité professionnelle doit s’entendre d’une activité
effective. N’exerce pas une activité professionnelle le pensionné don
e o
le contrat de travail est suspendu (Cass. 2 civ., 28 mai 2015, n 14-
14.960).

Il doit être relevé que la pension de vieillesse substituée à une


pension d’invalidité ne peut être inférieure au montant de l’allocation
aux vieux travailleurs salariés (CSS, art. L. 341-15, al. 2 et al. 3 pour
les titulaires d’une pension d’invalidité liquidée avant le 31 mai
1983).

La pension d’invalidité est également susceptible de majorations.


Ainsi, une majoration pour aide constante d’une tierce personne est
accordée aux titulaires de pensions d’invalidité (CSS, art. L. 355-1)
lorsque ces derniers qui, étant absolument incapables d’exercer une
profession, sont, en outre, dans l’obligation d’avoir recours à
l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires
de la vie (CSS, art. L. 341-4, 3°).

629
La pension d’invalidité est cumulable avec d’autres pensions
servies par d’autres régimes (Pour les dernières modifications, V. D.
o
n 2022-257, 23 févr. 2022), sous réverve notamment que l’origine
de l’invalidité soit différente (CSS, art. R. 172-21). Ceci nécessite
une demande de pension d’invalidité coordonnée (CSS, art. R. 172-
21-1). La pension d’invalidité est attribuée et liquidée par la CPAM
(CSS, art. L. 341-7). En cas d’indu (CSS, art. L. 256-4), la caisse
peut procéder à une remise gracieuse, notamment au vu de la
précarité dans laquelle se trouve l’assuré débiteur. Le refus de
remise de dette pour ce motif est attaquable. Il entre alors dans
l’office du juge judiciaire de se prononcer sur le bien-fondé de la
décision administrative d’un organisme de sécurité sociale
déterminant l’étendue de la créance qu’il détient sur l’un de ses
assurés, résultant de l’application de la législation de sécurité sociale
e o
(Cass. 2 civ., 28 mai 2020, n 18-26.512).

Finalement, la pension prend effet à compter de l’expiration de l’un


des délais mentionnés à l’article L. 341-3 ou à compter de la date de
la consolidation de la blessure ou de la stabilisation de l’état (CSS,
art. L. 341-9, al. 2).

La pension d’invalidité est cessible et saisissable dans les mêmes


conditions et limites que les salaires. Toutefois, elles le sont dans la
limite de 90 % au profit des établissements hospitaliers et des
caisses de sécurité sociale pour le paiement des frais
d’hospitalisation (CSS, art. L. 355-2). Ainsi, la saisissabilité des
pensions d’invalidité n’est que partielle. Une fraction demeure
e
insaisissable comme en matière de salaire (Cass. 2 civ., 7 juin
o
2012, n 11-19.622).

630
Toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de
prestations d’invalidité est prescrite par un délai de deux ans à
compter du paiement desdites prestations dans les mains du
bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration (CSS,
art. L. 355-3).

Pour terminer, le Code de la sécurité sociale attribue aussi des droits


au conjoint survivant de l’invalide. Ainsi, le conjoint survivant de
l’assuré ou du titulaire de droits à pension de vieillesse ou
d’invalidité, qui est lui-même atteint d’une invalidité de nature à lui
ouvrir droit à pension d’invalidité, bénéficie d’une pension de veuve
er
ou de veuf (CSS, art. L. 342-1, al. 1 ).

L’adoption de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les


o
violences au sein de la famille (L. n 2019-1480, 28 déc. 2019 : JO
o
29 déc. 2019, texte n 2) prive, à compter du 30 décembre 2019, le
conjoint survivant, s’il a commis de telles violences, des droits tirés
de l’assurance validité. Selon l’article L. 342-1-1 du Code de la
sécurité sociale, la pension d’invalidité « n’est pas due dans le cas
où le conjoint survivant est ou a été condamné pour avoir commis à
l’encontre de l’époux assuré un crime ou un délit prévu soit à la
er
section 1 du chapitre I du titre II du livre II du code pénal, soit aux
paragraphes 1 et 2 des sections 1 et 3 du chapitre II du même titre
II » de ce code. Cela vise globalement les atteintes volontaires à la
vie (C. pén., art. 221-1 à 221-5-5), notamment le meurtre et
l’assassinat. Il en est de même pour les actes de torture et de
barbarie (C. pén., art. 222-1 à 222-6-3), les violences diverses
(C. pén., art. 222-7 à 222-16-3), ainsi que les agressions sexuelles
(C. pén., art. 222-22 et s.), notamment le viol.

631
Sous certaines conditions, la pension de veuve ou de veuf se
cumule avec des avantages personnels de vieillesse, d’invalidité ou
d’accident du travail (CSS, art. L. 342-1, al. 2), hormis la pension de
réversion (CSS, art. L. 342-1, al. 3). Susceptible de majorations en
fonction du nombre d’enfants (CSS, art. L. 342-4), la pension
d’invalidité de veuve ou de veuf est supprimée en cas de remariage.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– M. CARON, P.-Y. VERKINDT, Inaptitude, invalidité, handicap :
l’image du « manque » en droit social, RD sanit. soc. 2011, p. 862
– M. DEL SOL, La prise en charge assurantielle du handicap et de la
dépendance, RD sanit. soc. 2015, pp. 759-767
– N. PEIXOTO, B. Lubineau, Comment appréhender le classement
en invalidité des salariés ?, JCP S 2022, 1010

632
o
Fiche n 55 Le décès

L’ESSENTIEL

Le décès, lorsque les conditions tenant à l’activité professionnelle


sont remplies, donne lieu au versement d’un capital aux ayants droit
de l’assuré décédé.

Le montant du capital versé est forfaitaire et n’est soumis à aucun


prélèvement.

LES CONNAISSANCES

La seule constatation du décès n’engendre pas l’octroi de


prestations sociales automatiquement et emprunte des voies
dérogeant au droit des successions et aux règles de la dévolution
successorale organisées par le Code civil.

En ce sens, la renonciation à la succession n’a pas d’incidence sur


o
le service du capital décès (Cass. soc., 7 mars 1984, n 81-14.961,
o
Bull. civ. V, n 91).

633
(CSS, art. L. 361-1)
Selon l’article L. 361-1 du Code de la sécurité sociale, « l’assurance décès garantit
aux ayants droit de l’assuré le paiement d’un capital ».

En outre, l’octroi du capital décès manifeste un devoir de secours


vis-à-vis des membres de la famille les plus proches de l’assuré
décédé, ce qui justifie les règles de priorité établies par le Code de la
sécurité sociale dans la dévolution du capital décès.

Quels sont les caractères de l’assurance décès ?

Premièrement, le capital décès fait exception aux règles de


dévolution successorale énoncées par le Code civil.

Deuxièmement, le capital décès est incessible (CSS, art. L. 361-5).

Troisièmement, le capital décès est insaisissable sauf pour le


paiement de dettes alimentaires ou le recouvrement du capital
indûment versé à la suite d’une manœuvre frauduleuse ou d’une
fausse déclaration (CSS, art. L. 361-5).

Le Code de la sécurité sociale énonce les règles d’attribution du


capital décès (§ 1) et de détermination de son montant (§ 2).

§1 Attribution du capital décès

I. Conditions d’attribution du capital décès

Classiquement, le bénéfice du capital décès est subordonné à la


réunion de conditions de fond et au respect d’un certain formalisme.

634
Quant aux conditions de fond, elles concernent l’assuré et ses
ayants droit.

L’assuré doit être décédé et se trouver dans l’une des hypothèses


envisagées par l’article L. 361-1 du Code de la sécurité sociale.

Ainsi le de cujus doit-il avoir :


exercer une activité salariée moins de trois mois avant son
décès ;
perçu l’une des allocations mentionnées au premier alinéa de
l’article L. 311-5 ;
été titulaire d’une pension d’invalidité mentionnée à l’article
L. 341-1 ou d’une rente allouée en vertu de la législation sur les
accidents du travail et maladies professionnelles mentionnée à
l’article L. 371-1 ;
ou été titulaire, lorsqu’il bénéficiait, au moment de son décès, du
maintien de ses droits à l’assurance décès au titre de l’article
L. 161-8.
Pour l’application des articles L. 361-1 à L. 361-4 du Code de la
sécurité sociale, les conditions requises par l’article L. 313-1 du
même code doivent être remplies à la date du décès (CSS, art.
er
R. 361-3, al. 1 ). En d’autres termes, l’assuré social doit justifier, au
cours d’une période de référence, soit avoir cotisé sur la base d’un
salaire au moins égal à un montant fixé par référence au salaire
minimum de croissance, soit avoir effectué un nombre minimum
d’heures de travail salarié ou assimilé.

De même, les titulaires d’une pension de vieillesse sont considérés


comme ayant la qualité d’assurés ouvrant droit au capital décès tant
qu’ils remplissent les conditions prévues à l’article L. 313-1 du Code
de la sécurité sociale (CSS, art. R. 361-3, al. 2).

635
(CSS, art. R. 361-2)
La plupart du temps, la cause du décès est indifférente : « le capital décès est
accordé même en cas de décès survenu soit à la suite d’un accident du travail,
soit pendant la journée défense citoyenneté obligatoire, soit pendant une période
d’appel ou de mobilisation, soit au cours d’une période de présence sous les
drapeaux comme volontaire en temps de guerre ».

Jurisprudence
Il en est de même lorsque l’assuré se suicide (Cass. civ., 31 mai 1933,
e
2 esp., DP 1933, 2, p. 446 ; Cass. civ., 8 déc. 1937, JCP G 1938, 525 ; Cass.
e o
2 civ., 6 janv. 1960, Bull. civ., II, n 8).

En revanche, les conditions d’ouverture du droit au capital décès ne


sont pas applicables aux proches de la personne décédée lorsque
ce décès résulte d’un acte de terrorisme et que son identité a été
communiquée par l’autorité judiciaire compétente au Fonds de
garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions,
er
mentionné au 1 alinéa de l’article L. 422-1 du Code des
assurances.

Le financement de ces dépenses est assuré par l’État (CSS, art.


o
L. 169-6 et L. 169-10, créés par : L. n 2015-1702, 21 déc. 2015, art.
63, I).

Quant aux conditions tenant à la forme, elles sont prévues à l’article


R. 361-4 du Code de la sécurité sociale.

636
Le capital décès fait l’objet d’une demande de la part des ayants-
droits adressée à la caisse primaire d’assurance maladie (CSS, art.
er
R. 361-4, al. 1 ). Constitue une demande effective d’attribution du
capital décès la lettre « de renseignements et de droits » (Cass.
o
soc., 27 févr. 1992, n 89-13.694).

La décision de la caisse est notifiée aux intéressés (CSS, art.


R. 361-4, al. 2). Dans les deux mois de cette notification, la
personne intéressée doit saisir la commission de recours amiable.

À défaut d’accord, le Tribunal judiciaire est compétent dans le cadre


du contentieux général de la sécurité sociale.

Pour ce faire, il est nécessaire d’agir dans un délai de deux mois, à


peine de forclusion (CSS, art. R. 142-18).

Cela étant, l’envoi d’une copie de la décision de la commission de


recours amiable au conseil du demandeur ne constitue pas une
re
notification pouvant faire courir le délai de forclusion (Cass. 1 civ.,
o
22 mai 2007, n 05-18.582).

Lorsqu’elle concerne des descendants mineurs, la demande est


formée par le représentant légal.

Toutefois, en cas de carence du représentant légal, le juge du


tribunal d’instance forme la demande et désigne la personne ou
l’établissement qui doit recevoir en dépôt, pour le compte des
mineurs, les sommes qui reviennent à ceux-ci (CSS, art. R. 361-4,
al. 3).

II. Bénéficiaires du capital décès

637
Les bénéficiaires du capital décès sont les ayants droit de l’assuré.

Le Code de la sécurité sociale établit un ordre dérogatoire à celui


applicable en droit des successions tel qu’il est réglementé par le
Code civil.

La logique développée par le Code de la sécurité sociale est


distincte et repose sur l’idée de secours apporté aux ayants droit de
l’assuré.

Sur ce fondement, deux catégories de bénéficiaires sont


hiérarchisées : les bénéficiaires prioritaires et les bénéficiaires non
prioritaires.

er
(CSS, art. L. 361-4, al. 1 )
Le versement du capital décès « est effectué par priorité aux personnes qui
étaient, au jour du décès, à la charge effective, totale et permanente de l’assuré ».

A contrario, le droit de priorité est écarté dans l’hypothèse où la


personne n’est pas à la « charge effective, totale et permanente de
l’assuré ».

Dès lors, est exclue du bénéfice du capital décès la veuve séparée


de fait qui reçoit des avantages d’entretien et de logement de sa
mère et de sa belle-sœur, même si son mari lui versait par ailleurs
o
une pension (Cass. soc., 3 mai 1974, n 73-11.911, Bull. civ. V,
o
n 274).

La priorité doit être invoquée dans le délai d’« un mois suivant le


décès de l’assuré » (CSS, art. R. 361-5).

638
En revanche, ce délai d’un mois n’est applicable que pour l’exercice
du droit de priorité et ne se confond pas avec le délai de prescription
du paiement.

Il en résulte que le paiement du capital lui-même est soumis au délai


de prescription biennale institué à l’article L. 332-1 du Code de la
o
sécurité sociale (Cass. soc., 20 janv. 2000, n 98-12.495, Bull. civ.,
o
V, n 34).

En ce sens, l’action des ayants droit de l’assuré pour le paiement du


capital décès se prescrit par deux ans à partir du jour du décès
(CSS, art. L. 332-1, al. 2).

Question de fait, la condition d’« être à la charge effective, totale et


permanente » doit être prouvée par la personne qui invoque la
o
priorité (Cass. soc., 11 mars 2003, n 01-21.013).

Cette démonstration est impérative et n’est substituée par aucune


présomption, notamment celle issue de l’article 203 du Code civil
relatif à l’obligation alimentaire des parents à l’égard des enfants
o
(Cass. soc., 6 avr. 1995, n 92-18.432).

En cas de pluralité de personnes pouvant se prévaloir du droit de


priorité, le capital est versé par ordre de préférence au conjoint ou
au partenaire d’un pacte civil de solidarité, aux enfants, aux
ascendants (CSS, art. R. 361-3, al. 3).

639
(CSS, art. L. 361-4, al. 2)
En revanche, « si aucune priorité n’est invoquée […], le capital est attribué au
conjoint survivant non séparé de droit ou de fait, au partenaire auquel le défunt
était lié par un pacte civil de solidarité ou à défaut aux descendants et, dans le cas
où le de cujus ne laisse ni conjoint survivant, ni partenaire d’un pacte civil de
solidarité, ni descendants, aux ascendants ».

Concernant le conjoint marié, la communauté de vie est appréciée


strictement, ce qui entraîne le refus du capital décès à la veuve d’un
assuré vivant dans une autre ville avec une concubine (Cass. soc.,
o o
27 oct. 1977, n 76-11.932, Bull. civ. V, n 577) ou au conjoint ne
o
recevant aucun subside de l’autre (Cass. soc., 5 déc. 1974, n 74-
o
10.759, Bull. civ. V, n 596).

Le mariage posthume étant réputé avoir eu lieu le jour précédant le


décès du conjoint (C. civ., art. 171), le conjoint survivant marié à titre
posthume a droit au versement du capital décès, « peu important
que celui-ci ait été précédemment versé par la caisse aux enfants
majeurs du défunt qui, par suite du mariage posthume de ce dernier,
e o
ne pouvaient plus y prétendre » (Cass. 2 civ., 22 mai 2007, n 05-
18.582).

§2 Le montant du capital décès

I. La détermination du montant

L’assurance décès emporte attribution d’un capital dont le montant


est forfaitaire et est fixé par décret (CSS, art. L. 361-1). Ce capital-
décès, dépendant du montant des revenus du défunt, indemnise la
e o
perte de revenus (Cass. 2 civ., 17 mars 2011, n 10-19.718).

640
Le montant du capital décès est revalorisé régulièrement.

er
Au 1 avril 2022, le montant forfaitaire du capital décès est de 3 539 €.

En ce qui concerne l’assurance décès, les ayants droit de l’assuré,


peuvent déléguer un tiers pour l’encaissement des prestations. Cette
délégation n’est valable que pour les prestations dont le versement
est demandé dans le délai de trois mois à compter de la date à
laquelle elle a été établie par l’assuré.

En ce qui concerne le capital décès, elle ne peut porter que sur une
somme ne dépassant pas le vingt-quatrième du montant maximum
de la rémunération annuelle retenue pour le calcul des cotisations de
sécurité sociale.

La délégation ne fait pas obstacle au droit de la caisse de surseoir


au paiement pour procéder aux vérifications nécessaires et de payer
les prestations par la poste (CSS, art. R. 362-1).

Toutefois, en fonction des circonstances et des caractéristiques


propres à chaque situation, les ayants-droits peuvent obtenir
d’autres prestations sociales. Unique prestation servie dans le cadre
de l’assurance décès, le capital décès n’est pas exclusif de la
jouissance d’autres prestations servies à d’autres titres.

Le bénéficiaire du capital décès, sous réserve de réunir les


conditions, peut obtenir :

641
au titre des prestations familiales, l’allocation de soutien
familial ;
au titre de l’assurance vieillesse, l’allocation veuvage ou la
pension de réversion ;
au titre du régime général, les prestations de l’assurance
maladie-maternité (CSS, art. L. 161-15) ;
au titre des fonds d’action sanitaire et sociale, l’indemnité
spéciale décès.
L’action des ayants droit de l’assuré pour le paiement du capital
décès se prescrit par deux ans à partir du jour du décès (CSS, art.
L. 332-1, al. 2), ce délai ne faisant l’objet d’aucune suspension
o
(Cass. soc., 5 mai 1977, n 76-10.577).

L’assurance décès prend fin au moment de la retraite. Toutefois, la


branche vieillesse accorde un avantage de nature équivalente. Ainsi,
au décès d’un assuré retraité du régime général, toute personne qui
s’est acquittée des frais d’obsèques obtient, si elle en fait la
demande et sur seule production de sa facture et de l’acte de décès,
le remboursement de ces frais, dans la limite d’une somme de 2
286,74 euros prélevée sur les arrérages de pension disponibles au
o
décès (Rép. min. n 9417 : JO Sénat, 20 juin 2019, p. 3248).

Par ailleurs, en raison de circonstances particulières où l’ignorance


de la date du décès est légitime, le point de départ du délai est
reportable au jour où les ayants droit ont eu connaissance du décès
o e
(Cass. soc., 9 mars 1995, n 92-13.992 ; Cass. 2 civ., 5 juin 2008,
o
n 06-20.571).

II. Prélèvements

642
Comme il se doit, le capital décès n’est pas soumis aux différents
prélèvements de nature sociale et de nature fiscale.

Au titre des prélèvements fiscaux, le capital décès est exonéré des


o
droits de mutation par décès (Circ. min. n 273/SS/1948, 9 sept.
1948 A.S.9.9.48).

Au titre des prélèvements sociaux, le capital décès n’est assujetti


ni à la contribution sociale généralisée (CSG), ni à la contribution au
remboursement de la dette sociale (CRDS). Il est aussi exonéré des
cotisations de sécurité sociale.

POUR ALLER PLUS LOIN…

– L. CLERC-RENAUD, M. BELLEN-ROTGER, A. LACOUR, Les


prestations en cas de décès, Gaz. pal. Hors-série, Dixièmes États
généraux du dommage corporel « 2006-2016. Recours des tiers
payeurs poste par poste : évolution ou révolution ? », 9 janv. 2017,
pp. 45-48
– Th. TAURAN, Impossibilité d’agir en vue de l’attribution d’un capital
décès, JCP S 2008, 1426

643
o
Fiche n 56 La vieillesse

L’ESSENTIEL

Fondée sur le principe de la répartition, l’assurance vieillesse – ou


assurance retraite – emporte le service d’une pension de retraite.
Cette pension comporte plusieurs composantes obligatoires,
notamment la pension de base ainsi que la pension complémentaire.

Cela étant, une pension supplémentaire peut s’ajouter à ces deux


premières strates. Elle reste néanmoins facultative.

Chaque personne a droit à une information en la matière, et ce, à


différents stades de sa carrière professionnelle. L’information porte
sur le montant probable de la pension de retraite ainsi que sur
l’évolution de cette pension et de son montant.

La constitution de la pension nécessite la réunion de plusieurs


conditions relatives notamment à l’âge et à la durée d’assurance.
Lorsque les conditions d’ouverture sont réunies, la personne
intéressée peut demander la liquidation de la pension de retraite.

En cas de décès, une partie de cette pension sera transmise au


conjoint survivant sous la forme d’une pension de réversion.

644
Réforme des retraites

Le Gouvernement français a engagé en début d’année 2020 une réforme du


système français de retraite visant à instaurer un régime universel. En ce sens,
ont été déposés deux projets de loi afin de créer un système universel de retraite,
par répartition, fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Dans ce système se
substituant aux 42 régimes existant, chaque cotisant bénéficierait de droits
identiques. Suscitant un tollé général, des discussions parlementaires en
commission et en plénière très animées et d’une longueur sans précédent, le
recours à l’article 49, al. 3, de la Constitution, cette réforme a subitement été
suspendue en raison du confinement provoqué par la pandémie de Covid-19.
L’adoption de ces projets est reportée sine die. Ne sachant pas quelles seront les
dispositions définies, ces dernières faisant appel à des notions très floues (ex. :
âge pivot, etc.), les développements qui suivent sont ceux applicables en droit
positif. Par ailleurs, le 17 mars 2022, le président de la République a annoncé
« qu’il entendait supprimer les régimes spéciaux pour les nouveaux entrants,
repousser progressivement l’âge légal de liquidation à 65 ans (dès l’été 2022) et
instaurer une pension minimum à taux plein à 1 100 € (E. Jeansen, P. Morvan, Un
o
quinquennat de protection sociale, JCP S 2022, 1109, n 10).

LES CONNAISSANCES

Les dispositions consacrées à l’assurance vieillesse sont énoncées


aux articles L. 351-1 et suivants du Code de la sécurité sociale. Loin
d’être unitaire, la pension de retraite se décompose en trois strates
juridiquement distinctes et comportent des caractères différents.

645
Salariés impatriés et retour en France
Afin de rendre attractif le retour des salariés sur le territoire français, un dispostif
d’impatriation a été intégré au sein du Code de la sécurité sociale aux articles L.
o o
767-2 et D. 767-1 (L. n 2019-486, 22 mai 2019 : JO 23 mai 2019, texte n 2 ; D.
o o o
n 2019-606, 18 juin 2019 : JO 19 juin 2019, texte n 25 ; Circ. n SSAS1918973J
du 28 juin 2019). Cumulable avec le dispositif fiscal du même type, l’impatriation
sociale consiste à dispenser le salarié de toute affiliation au régime de retraite
obligatoire de base et complémentaire. Cette dispense est accordée, sur demande
conjointe de l’employeur et du salarié (Pour le forumulaire, A. 27 juin 2019 : JO
o
23 juill. 2019, texte n 3), par le directeur de l’URSSAF compétente pour une
durée de 3 ans, renouvelable une fois.

Ce dispositif est ouvert aux salariés qui n’ont pas été affiliés, au cours des
cinq années civiles précédant celle de leur prise de fonctions, à un régime français
obligatoire d’assurance vieillesse, sauf pour des activités accessoires, de
caractère saisonnier ou liées à leur présence en France pour y suivre des études.
Une déclaration sur l’honneur du salarié est suffisante pour le démontrer (CSS,
art. D. 767-1, al. 2, 2°).

En outre, il convient de justifier d’une contribution minimale versée par ailleurs au


titre de leur assurance vieillesse, à savoir une contribution d’au moins
20 000 euros par an sur des produits d’assurance vieillesse français ou étrangers
(CSS, art. D. 767-1, al. 2, 1°).

La période couverte par cette exemption n’ouvre droit à aucune prestation d’un
régime français d’assurance vieillesse.

La première strate correspond à la pension de base qui présente un


caractère obligatoire. Gérée par les caisses d’assurance retraite et
de la santé au travail (CARSAT), cette pension de retraite de base
obéit au principe de la répartition.

646
(CSS, art. L. 111-1)
Comme l’énonce l’article L. 111-1 du Code de la sécurité sociale :
« […]
II. – La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au
cœur du pacte social qui unit les générations. Le système de retraite par
répartition assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les
revenus qu’ils ont tirés de leur activité.
Les assurés bénéficient d’un traitement équitable au regard de la durée de la
retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs
activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé,
les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent.
La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de
solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par
l’égalité entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes
éventuelles de privation involontaire d’emploi, totale ou partielle, et par la garantie
d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités.
La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des
contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque
génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du
travail et du capital. Elle suppose de rechercher le plein emploi ».

La seconde strate est constituée par la pension de retraite


complémentaire, qui est également obligatoire. Administrée au
bénéfice des salariés du secteur privé par des régimes
complémentaires indépendants des organismes de sécurité sociale
er
(AGIRC et ARRCO qui fusionnent au 1 janvier 2019 en régime
ARRCO-AGIRC), cette pension complémentaire s’ajoute à la
première. Pour prendre un autre exemple, hors secteur privé,
l’Ircantec est un régime de retraite complémentaire pour les agents
non titulaires de l’État et des collectivités publiques.

Quant à la troisième strate, elle est facultative et renvoie à la


pension de retraite dite « supplémentaire ». Répondant au principe
de la capitalisation, la constitution de cette partie de la pension

647
dépend des entreprises qui y adhèrent au nom de leurs salariés ou
des travailleurs eux-mêmes pris individuellement. Afin d’éviter que
les contrats de retraite supplémentaire à adhésion obligatoire ou
facultative ne soient laissés en déshérence, c’est-à-dire non liquidés
o
par leur titulaire, une loi du 26 février 2021 (L. n 2021-219, 26 févr.
2021) a amélioré l’information des salariés sur les dispositifs
d’épargne retraite supplémentaire auxquels ils ont adhéré au cours
de leur carrière. L’employeur est tenu d’informer le salarié qui quitte
l’entreprise des contrats d’épargne retraite supplémentaire souscrits
à son profit.

Somme toute, la retraite nécessite que soient constitués des droits à


pension avant que leur service n’advienne.

Ce sont les deux premières strates qui doivent être abondées


obligatoirement. Il convient d’aborder successivement les questions
de la constitution des droits à pension (§ 1) et de leur service (§ 2).

§1 Constitution des droits à pension

La constitution des droits à pension nécessite la réunion d’un certain


o
nombre de conditions (Pour les bénéficiaires de l’AAH, v. D. n 2020-
795, 29 juin 2020). Cependant, afin que l’ouverture des droits à
pension soit la plus favorable possible, le futur retraité dispose de
différents moyens pour s’informer.

I. Information des futurs retraités

Sur l’information des futurs retraités, des textes spécifiques figurent


dans le Code de la sécurité sociale (CSS, art. L. 161-17 à L. 161-17-
1-2) et s’ajoutent, sans confusion, à l’obligation générale

648
d’information prévue par l’article R. 112-2 du Code de la sécurité
sociale. Sur cette dernière, l’obligation générale d’information dont
les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs
assurés leur impose seulement de répondre aux demandes qui leur
e o
sont soumises (Cass. 2 civ., 8 juill. 2021, n 20-14.604).

Dans la mesure où elles sont affiliées obligatoirement au régime


général d’assurance vieillesse, les personnes visées par l’article L.
381-1 du Code de la sécurité sociale (personne isolée et bénéficiaire
du complément familial, de l’allocation au jeune enfant ou de
l’allocation parentale d’éducation ; pour un couple, l’un ou l’autre de
ses membres n’exerçant pas d’activité professionnelle) bénéficient
e o
de cette information spécifique (Cass. 2 civ., 8 avr. 2021, n 19-
24.135).

De manière générale, le manquement aux obligations d’information


est susceptible d’entraîner la condamnation de la caisse défaillante à
e o
des dommages et intérêts (Cass. 2 civ., 23 janv. 2014, n 12-
29.239). Toutefois, les obligations à la charge de la caisse sont
e o
entendues strictement (Cass. 2 civ., 16 févr. 2012, n 11-10.646).

L’assuré bénéficie gratuitement d’un droit à l’information sur le


système de retraite par répartition (CSS, art. L. 161-17, I).

Plusieurs informations sont dispensées à l’attention de l’assuré.

Une première catégorie de renseignements est ainsi portée à la


connaissance de l’intéressé spontanément par la caisse
compétente.

649
Premièrement, dans l’année qui suit la première année au cours de
laquelle il a validé une durée d’assurance d’au moins deux
trimestres dans un des régimes de retraite légalement obligatoires,
l’assuré bénéficie d’une information générale sur le système de
retraite par répartition, notamment sur les règles d’acquisition de
droits à pension et l’incidence sur ces derniers des modalités
d’exercice de son activité et des événements susceptibles d’affecter
sa carrière (CSS, art. L. 161-17, II).

Deuxièmement, les régimes de retraite légalement obligatoires et


les services de l’État chargés de la liquidation des pensions sont
tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, un
relevé de la situation individuelle de l’assuré au regard de l’ensemble
des droits qu’il s’est constitués dans ces régimes (CSS, art. L. 161-
17, III, al. 2).

Le relevé de situation individuelle comporte notamment, pour


chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les
régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours,
les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte
ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des
droits à pension. Il en résulte que l’assuré est recevable, s’il l’estime
erroné, à contester devant la juridiction du contentieux général le
report des durées d’affiliation, montant des cotisations ou nombre de
points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été
e o
adressé (Cass. 2 civ., 11 oct. 2018, n 17-25.956).
Troisièmement, chaque personne reçoit, d’un des régimes auquel
elle est ou a été affiliée, une estimation indicative globale du montant
des pensions de retraite (CSS, art. L. 161-17, IV).

650
Une seconde catégorie de renseignements, au contraire, impose
à l’assuré de se montrer diligent.

Premièrement, les assurés, qu’ils résident en France ou à


l’étranger, bénéficient à leur demande, à partir de quarante-cinq ans
d’un entretien portant notamment sur les droits qu’ils se sont
constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires, sur
les perspectives d’évolution de ces droits (CSS, art. L. 161-17, II, al.
2 ; pour les projets d’expatriation, V. CSS, art. L. 161-17, V).

Deuxièmement, toute personne a le droit d’obtenir un relevé de sa


situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est
constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires
(CSS, art. L. 161-17, III).

Jurisprudence
Quant à l’employeur, ce dernier, « tenu d’une obligation de bonne foi dans
l’exécution du contrat de travail, doit informer le salarié expatrié de sa situation au
regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation » (Cass. soc.,
o
25 janv. 2012, n 11-11.374). Partant, « le manquement de l’employeur à son
obligation d’information cause un préjudice au salarié consistant en une perte de
chance de s’assurer volontairement contre le risque vieillesse » (Ibid.).

II. Ouverture des droits à pension de retraite

Quelles sont les conditions nécessaires pour l’ouverture du droit à


pension de retraite ? Plusieurs éléments entrent en considération
pour la détermination des droits à l’assurance vieillesse. (V., pour la
revalorisation des pensions de retraite agricoles avec un
o
complément différentiel de points, L. n 2020-838, 3 juill. 2020).

651
Ces derniers sont déterminés en tenant compte des cotisations
versées au titre de la législation sur les assurances sociales et
arrêtées au dernier jour du trimestre civil précédant la date prévue
pour l’entrée en jouissance de la pension, rente ou allocation aux
vieux travailleurs salariés, de l’âge atteint par l’intéressé à cette
dernière date, et du nombre de trimestres d’assurance valables pour
le calcul de la pension (CSS, art. R. 351-1).

S’agissant de l’âge légal de la retraite, en principe, il est fixé à


62 ans (CSS, art. L. 351-1 et art. R. 351-2 qui renvoie à CSS, art.
er
L. 161-17-2, al. 1 ), avec modulation de cet âge à la baisse en
fonction de la génération à laquelle appartient la personne
concernée (CSS, art. L. 161-17-2, al. 2 ; V. tableau ci-dessous).
Selon les statistiques les plus récentes (Statistiques CNAV, 31 mars
2022), en 2021, l’âge moyen de départ à la retraite est de 63,1 ans
(63,2 ans pour les femmes contre 62,7 ans pour les hommes).

Toute personne, une fois échue la condition d’âge, peut faire valoir
ses droits à retraite.

652
Cependant, cela ne signifie pas que la personne bénéficiera d’une
retraite à taux plein (50 %).
Ce taux de retraite dépend de la durée d’assurance et des périodes
d’assurance (CSS, art. L. 351-2) qui renvoient notamment aux
périodes de cotisations à l’assurance vieillesse obligatoire ou
volontaire (nombre de trimestres accomplis), et aux majorations de
durée d’assurance (CSS, art. L. 351-10 ; par ex. en fonction du
nombre d’enfants ou de la prise d’un congé parental ; CSS, art.
R. 351-3).
Là encore, le nombre de trimestres à valider est variable selon
l’année de naissance, la durée d’assurance étant globalement
comprise entre 150 et 172 trimestres.
À défaut de disposer du nombre de trimestres suffisant, l’assuré
subit une décote, c’est-à-dire une minoration du taux applicable pour
le calcul de la retraite.
Par conséquent, le taux de calcul de la retraite dépend de l’âge et de
la durée d’assurance, c’est-à-dire du nombre de trimestres acquis
par l’assuré au cours de sa carrière. Ce taux varie entre 37,5 et
50 %.
En revanche, dans certaines circonstances, le taux plein est acquis
automatiquement, notamment lorsque l’assuré a atteint l’âge de
67 ans (CSS, art. L. 351-8), indépendamment des périodes de
cotisations.

§2 Service des droits à pension

Le service des droits à pension de retraite n’a lieu qu’après


liquidation. Le décès du bénéficiaire ne met pas forcément un terme
au versement dans la mesure où sont maintenus des droits au profit
du conjoint survivant.

653
I. Liquidation des droits à pension

La liquidation relève de l’initiative de l’assuré qui doit donc la


e o
demander (CSS, art. R. 351-37 ; Cass. 2 civ., 20 juin 2013, n 12-
17.960).

Les demandes de liquidation de pension sont adressées à la caisse


chargée de la liquidation des droits à prestations de vieillesse dans
le ressort de laquelle se trouve la résidence de l’assuré ou, en cas
de résidence à l’étranger, le dernier lieu de travail de l’assuré (CSS,
er
art. R. 351-34, al. 1 ).

Toutefois, est recevable la demande adressée à une caisse autre


que celle de la résidence de l’assuré. Dans ce cas, c’est la caisse
saisie qui est chargée de l’étude et de la liquidation des droits (CSS,
art. R. 351-34, al. 2).

Chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer


en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le
er
1 d’un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande.
Si l’assuré n’indique pas la date d’entrée en jouissance de sa
pension, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la
réception de la demande par la caisse chargée de la liquidation des
droits à pension de vieillesse (CSS, art. R. 351-37, I).

La pension de retraite du régime général et celle du régime


complémentaire sont versées chaque mois (CSS, R. 355-2 ; Décret
o
n 2015-1015 du 19 août 2015 relatif au délai de versement d’une
pension de retraite : JO 20 août 2015).

654
Reste qu’une fois la liquidation effectuée, la pension de retraite sera
figée par application du principe de l’intangibilité des retraites.

Effectivement, la pension ou la rente liquidée n’est pas susceptible


d’être révisée pour tenir compte des versements afférents à une
période postérieure à la date à laquelle a été arrêté le compte de
l’assuré pour l’ouverture de ses droits à l’assurance vieillesse (CSS,
art. R. 351-10). Tel est le cas pour les cotisations attachées à la
contrepartie d’une clause de non-concurrence dont le versement
e
s’est poursuivi un an après la liquidation de sa retraite (Cass. 2 civ.,
o
10 oct. 2019, n 18-20.849).

Jurisprudence
La jurisprudence estime que, selon l’article R. 351-10 du Code de la sécurité
sociale, la pension de retraite ne revêt un caractère définitif que lorsque son
attribution a fait l’objet d’une décision de l’organisme dûment notifiée à l’assuré et
e o
non contestée en temps utile par ce dernier (Cass. 2 civ., 11 oct. 2018, n 17-
20.932). Elle précise que ce même article est rendu applicable au régime de
protection sociale des personnes salariées des professions agricoles par l’article
R. 742-2 du Code rural et de la pêche maritime (Ibid.).

Classiquement, la liquidation consiste à calculer le montant des


droits à pension.

Quant au calcul de la retraite (CSS, R. 351-27), le montant s’obtient


par un calcul qui prend en compte le revenu annuel moyen, le taux
de retraite (compris entre 37,5 et 50 %) et la durée d’assurance (soit
le nombre de trimestres validés mis en rapport avec le nombre de
trimestres à valider).

655
La formule mathématique est la suivante :

La liquidation des droits à retraite emporte des effets inattendus


aussi bien en matière de protection sociale qu’en matière de droit du
travail. La qualité de retraité met fin au versement de diverses
prestations, notamment l’allocation aux adultes handicapés (CSS,
e o
art. L. 821-2 ; Cass. 2 civ., 24 janv. 2019, n 18-10.804). Elle prive
également le salarié protégé licencié sans autorisation administrative
de licenciement de faire valoir une demande de réintégration (Cass.
o
soc., 13 févr. 2019, n 16-25.764).

Au-delà de la seule question de la liquidation de la pension de


retraite se pose celle du maintien de son montant. La réduction du
montant d’une pension de retraite est légitime au regard du droit de
l’Union européenne sans qu’il soit porté atteinte au droit de propriété
ou au principe de non-discrimination (CJUE, 24 sept. 2020, YS c/ NK
AG, aff. C-223/19).

En cas de faute de la part de l’employeur, notamment pour défaut


d’affiliation à un régime de retraite ou pour non-règlement des
cotisations, une action en réparation peut être engagée à son
o
encontre (Cass. soc., 16 mai 2018, n 16-27.318). Le délai de
prescription de l’action fondée sur l’obligation pour l’employeur
d’affilier son personnel à un régime de retraite et de régler les

656
cotisations qui en découlent ne court qu’à compter de la liquidation
o
par le salarié de ses droits à la retraite (Cass. soc., 22 sept. 2021, n
20-12.543), jour où le salarié titulaire de la créance à ce titre a connu
ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action
(C. civ. art. 2224). Les disposiions de l’article 2232 du Code civil,
relatives aux effets du report du point de départ, de la suspension et
de l’interruption de la prescription, ne peuvent pas y faire obstacle
o
(Cass. soc., 2 févr. 2022, n 20-16.064).

II. Droits du conjoint survivant

Le décès du bénéficiaire de la pension de retraite met fin au


versement de celle-ci. Quelle que soit la date du décès, la pension
de retraite du mois du décès est payée en intégralité. En revanche,
les sommes versées indûment au-delà de cette échéance sont
l’objet d’une action en répétition. Cette action est soumise non pas à
la prescription biennale (CSS, art. L. 355-3), mais à la prescription
e
de droit commun (CSS, art. L. 355-3 ; Cass. 2 civ., 24 janv. 2019,
o e o
n 18-10.994 ; Cass. 2 civ., 26 nov. 2020, n 19-19.520).

En outre, une pénalité financière peut être adoptée. Le montant de la


pénalité est fixé, dans la limite d’un plafond, en fonction de la gravité
des faits reprochés, en tenant compte notamment de leur caractère
intentionnel ou répété, du montant et de la durée du préjudice et des
moyens et procédés utilisés (CSS, art. L. 114-17 ; CSS, art. R. 114-
e o
14 ; Cass. 2 civ., 15 févr. 2018, n 17-12.966). N’est pas un motif
e o
d’annulation l’âge avancé de l’assuré (Cass. 2 civ., 26 nov. 2020, n
19-19.520).

657
Cependant, le conjoint survivant dispose d’un certain nombre de
droits consécutivement au décès de l’assuré.

(CSS art. L. 353-1)


Selon l’article L. 353-1 du Code de la sécurité sociale, « en cas de décès de
l’assuré, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion à partir d’un âge
et dans des conditions déterminés par décret si ses ressources personnelles ou
celles du ménage n’excèdent pas des plafonds fixés par décret ».

Quant au champ d’application personnel, la pension de réversion a


uniquement pour bénéficiaire le conjoint précédemment uni dans les
liens du mariage à l’assuré décédé (CSS, art. L. 353-3), ce qui exclut
du champ de la pension de réversion le concubin et le partenaire
pacsé. Une telle situation n’est pas jugée constitutive d’une
e o
discrimination (Cass. 2 civ., 23 janv. 2014, n 13-11.362).

Cela étant, le conjoint divorcé est assimilé à un conjoint survivant


(CSS, art. L. 353-3).

o
Un décret du 25 mars 2022 (D. n 2022-432, 25 mars 2022) règle la
question du partage de la pension de réversion en cas de pluralité
de conjoints ou d’anciens conjoints. L’article R. 161-19-3 du Code de
la sécurité sociale précise les conditions de calcul et de versement
de la pension de réversion lorsque coexistent, à la date du décès de
l’assuré, plusieurs conjoints survivants et divorcés. En particulier, il
organise l’attribution de la pension : le partage s’effectue en fonction
du rapport entre la période de leur mariage en situation de
monogamie, conformément à l’article 147 du Code civil, et la somme
des durées de mariage de l’assuré décédé.

658
Quant à l’âge requis, « la pension de réversion est attribuée sous
réserve que le conjoint de l’assuré décédé ou disparu ait atteint l’âge
de cinquante-cinq ans à la date d’effet de la pension » (CSS, art.
D. 353-3).

S’agissant des conditions de ressources, le plafond de ressources


en vigueur pour l’attribution de la pension de réversion est égal, pour
2020, à :
er
2 080 fois le SMIC horaire en vigueur au 1 janvier, soit
21 320,00 euros, s’il vit seul ;
3 328 fois le SMIC horaire, soit 34 112,00 euros, s’il vit en
ménage (CSS, art. D. 353-1-1).
Une majoration de la pension de réversion est susceptible d’être
e
obtenue (Pour les questions de prescription, Cass. 2 civ.,
o
23 janv. 2020, n 18-21.857), notamment lorsque le conjoint
survivant a éduqué un nombre minimum d’enfants (CSS, art. L. 353-
1, al. 3 et L. 351-12).

Depuis l’adoption de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre


o
les violences au sein de la famille (L. n 2019-1480, 28 déc. 2019 :
o
JO 29 déc. 2019, texte n 2), un conjoint auteur de ce genre de
violences est privé de la pension de réversion (CSS, art. L. 353-1-1).
Cette sanction civile est applicable depuis le 30 décembre 2019. Dès
lors, la pension de réversion « n’est pas due dans le cas où le
conjoint survivant est ou a été condamné pour avoir commis à
l’encontre de l’époux assuré un crime ou un délit prévu soit à la
er
section 1 du chapitre I du titre II du livre II du code pénal, soit aux
paragraphes 1 et 2 des sections 1 et 3 du chapitre II du même titre
II » de ce code. Cela vise globalement les atteintes volontaires à la

659
vie (C. pén., art. 221-1 à 221-5-5), notamment le meurtre et
l’assassinat. Il en est de même pour les actes de torture et de
barbarie (C. pén., art. 222-1 à 222-6-3), les violences diverses
(C. pén., art. 222-7 à 222-16-3), ainsi que les agressions sexuelles
(C. pén., art. 222-22 et s.), notamment le viol.

Quant à la date d’entrée en jouissance de la pension de réversion,


les conditions en sont posées par l’article R. 353-7 du Code de la
sécurité sociale. Le conjoint survivant indique la date à compter de
laquelle il désire entrer en jouissance de la pension de réversion.
Ainsi, la date d’entrée en jouissance de la pension de réversion ne
peut être antérieure au dépôt de la demande ; toutefois, lorsque la
demande est déposée dans le délai d’un an qui suit le décès, elle
peut être fixée au plus tôt le premier jour du mois qui suit le décès de
l’assuré. La demande doit être rejetée logiquement lorsque la
demande de pension de réversion a été formulée plus d’un an après
e o
le décès (Cass. 2 civ., 12 nov. 2020, n 19-21.812).

Dans le cadre de la future refonte du système de retraite


français, les pensions de réversion seraient réformées sinon
supprimées.

Pour conclure, la finalité de la pension de réversion est très proche


de celle de l’assurance veuvage, ce qui rend nécessaire de les
articuler l’une avec l’autre. Le critère d’articulation est l’âge.

660
(CSS, art. L. 356-1)
Prévue par les articles L. 356-1 et suivants du Code de la sécurité sociale,
« l’assurance veuvage garantit au conjoint survivant de l’assuré qui a été affilié, à
titre obligatoire ou volontaire, à l’assurance vieillesse du régime général […] ou qui
bénéficiait, en application de l’article L. 311-5, des prestations en nature de
l’assurance maladie du régime général, une allocation de veuvage ».

Elle est ouverte aux conjoints survivants qui ne remplissent pas la


condition d’âge pour le service de la pension de réversion, soit l’âge
de 55 ans. Concrètement, l’assurance veuvage est accordée au
conjoint survivant âgé de moins de 55 ans.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– Journal de Droit de la Santé et de l’assurance Maladie, Dossier :
Les entreprises et la protection sociale face au défi du
o
vieillissement démographique, n 18, janv. 2018.
– Cl. BRUNET, Th. RUCKEBUSCH, Les principales dispositions des
projets de loi créant un système universel de retraite, Projet de loi
o o
AN n 2623, 24 janv. 2020 et Projet de loi organique AN n 2622,
24 janv. 2020, JCP S 2020, act. 38
– Ph. COURSIER, Le nouveau statut social du salarié impatrié, JCP
S 2019, 1187
– E. JEANSEN, L’affiliation à l’assurance vieillesse des salariés
impatriés, une incitation à la dispense, JCP S 2020, 2046
– E. JEANSEN, P. MORVAN, Un quinquennat de protection sociale,
JCP S 2022, 1109

661
o
Fiche n 57 La paternité et l’accueil
de l’enfant

L’ESSENTIEL

La paternité ou l’accueil d’un enfant ouvre droit au père – et par


extension au conjoint ou au partenaire de la mère quelle que soit
l’orientation sexuelle du couple – un droit à congé sous réserve de
réunir certaines conditions et d’en informer l’employeur dans les
meilleurs délais.

Une fois l’enfant né, le contrat de travail du père, du conjoint ou


du/de la partenaire de la mère, est suspendu. Une indemnisation
pendant la durée du congé, appelé congé de paternité, est versée.

Ce congé n’est pas ouvert au fractionnement et dure tout au plus 25


jours.

LES CONNAISSANCES

La paternité ou l’accueil d’un enfant engendre bien des bonheurs


mais également un certain nombre de droits au rang desquels il est
possible de compter le congé de paternité et d’accueil.

662
Celui-ci nécessite, pour sa mise en œuvre, une articulation entre les
articles L. 1225-35 et suivants du Code du travail et les articles
L. 331-8 et suivants du Code de la sécurité sociale (CSS, art. L. 331-
8, al. 4).

Il en résulte un droit à congé de paternité (§ 1) dont les bornes


demandent à être fixées (§ 2).

§1 Droit à congé

I. Bénéficiaires du congé de paternité

(C. trav., art. L. 1225-35)


L’article L. 1225-35 du Code du travail vise plusieurs catégories de bénéficiaires
du congé de paternité : « le père salarié ainsi que, le cas échéant, le conjoint
salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité
[PACS] ou vivant maritalement avec elle bénéficient ».

La conventionnalité du congé de paternité avait été attaquée comme


constituant une discrimination sexuelle sur le fondement des
articles 14 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, respectivement consacrés à
l’interdiction de la discrimination et au respect à la vie privée et
familiale.

663
Jurisprudence
,
Dans un arrêt du 11 mars 2010 la Cour de cassation estime toutefois que « le
bénéfice du congé de paternité est ouvert, à raison de l’existence d’un lien de
filiation juridique, au père de l’enfant [et que] ces textes excluent toute
discrimination selon le sexe ou l’orientation sexuelle, et ne portent pas atteinte au
e o
droit à une vie familiale » (Cass. 2 civ., 11 mars 2010, n 09-65.853).

Dépassant cette jurisprudence, le législateur français a pris acte de


l’évolution des mœurs et de la société en acceptant de conférer un
droit à congé aux couples homosexuels pour accueillir l’enfant
o
(L. n 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la
o
sécurité sociale pour 2013, JO n 294, 18 déc. 2012, p. 19821).

Désormais, la situation matrimoniale du couple importe peu.

Jurisprudence
Cependant, des recours ont été portés devant la Cour européenne des droits
de l’homme. Prenant acte que la situation a évolué en France, la Cour EDH a
rejeté des requêtes tendant à obtenir la condamnation de la France pour
discrimination fondée sur l’orientation sexuelle (CEDH, 18 janv. 2018,
o
n 46.386/10, Hallier et al. c/ France).

En droit de l’Union européenne, une directive du 20 juin 2019 (Dir.


o
UE n 2019/1158, 20 juin 2019 l’équilibre entre vie professionnelle et
o
vie privée des parents et des aidants : JOUE n L 188/79,
12 juill. 2019, p. 79) établit le droit à un congé de paternité rémunéré

664
o
d’au moins 10 jours ouvrables (Dir. UE n 2019/1158, art. 4). La
directive conçoit ce droit à congé de manière élargie puisqu’il
s’adresse aux pères ou, le cas échéant, aux personnes reconnues
comme seconds parents équivalents, sans subordonner l’ouverture
de ce droit à une période de travail ou à une exigence d’ancienneté,
et indépendamment de la situation maritale ou familiale. En
prévoyant 25 jours de congé, le droit français est conforme à cette
directive.

Toutefois, l’exigence d’égalité impliquera de nouvelles modifications


législatives. En ce sens, le Défenseur des droits considère que
l’exclusion du conjoint du père biologique du bénéfice du congé de
o
paternité constitue une discrimination (D. n 2020-036, 9 oct. 2020).

Le congé de paternité ne doit pas être confondu avec la période de


protection contre le licenciement qui est établie en faveur du père
salarié. En principe, aucun employeur ne peut rompre le contrat de
travail d’un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de
er
son enfant (C. trav., art. L. 1225-4-1, al. 1 ). Toutefois, l’employeur
peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou
de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à
l’arrivée de l’enfant (C. trav., art. L. 1225-4-1, al. 2). Cette période de
protection instaurée au bénéfice du père salarié est conforme à la
o
Constitution (Cass. soc., 2 mars 2022, n 21-40.032, QPC).

II. Conditions d’ouverture

Les conditions d’ouverture de l’indemnisation au titre du congé de


paternité sont identiques à celle prévues dans le cadre du congé de
maternité.

665
Ainsi, afin d’être indemnisé(e), le (ou, le cas échéant, la) bénéficiaire
doit :
être affilié(e) depuis au moins 10 mois ;
avoir travaillé au moins 150 heures au cours des 3 mois
précédant le début du congé (ou avoir cotisé sur un salaire au
moins équivalent à 1015 fois le SMIC horaire au cours des 6
derniers mois précédant le début du congé ;
avoir cessé toute activité salariée pendant la période ;
Ces conditions sont appréciées, en ce qui concerne les prestations
en espèces de l’assurance maternité servies en cas de congé de
paternité, à la date du début de ce congé (CSS, art. R. 313-1, 5°).

Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité et d’accueil


de l’enfant avertit son employeur au moins un mois avant la date à
laquelle il envisage de prendre ce congé, en précisant la date à
laquelle il entend y mettre fin (C. trav., art. L. 1225-35, al. 3).

§2 Mise en œuvre du droit à congé

I. Indemnisation de la période de congé

Selon le Code du travail, le congé de paternité et d’accueil de


l’enfant entraîne la suspension du contrat de travail (C. trav., art.
L. 1225-35, al. 2).

Lorsqu’il exerce son droit à congé, l’assuré reçoit, dans les mêmes
conditions d’ouverture de droit, de liquidation et de service,
l’indemnité journalière visée à l’article L. 331-3 du Code de la
sécurité sociale, sous réserve de cesser toute activité salariée ou
er
assimilée (CSS, art. L. 331-8, al. 1 ).

666
À l’origine, ce droit avait une durée maximale de 11 jours
consécutifs. À l’occasion de l’adoption de la loi de financement de la
sécurité sociale, cette durée est portée en totalité à 25 jours
o
calendaires (LFSS n 2020-1576, 14 déc. 2020). Ce congé de 25
jours se décompose en deux périodes. La première période
comprend de 4 jours, qui font immédiatement suite au congé de
naissance, c’est-à-dire les 3 jours ouvrables de congés pour
événements familiaux liés à la naissance de l’enfant. En totalité,
cette première période a une durée de 7 jours. La seconde période
comporte 21 jours calendaires. En cas de naissance multiples, la
durée de cette seconde période est portée à 28 jours calendaires.
Elle peut être accolée ou non à la première période. Elle est
fractionnable.

er o
Cette réforme est applicable à compter du 1 juillet 2021 (L. n 2020-1576,
14 déc. 2020, art. 73). Elle s’applique aux enfants nés ou adoptés à compter de
cette date ainsi qu’aux enfants, nés avant cette date, dont la naissance était
supposée intervenir à compter de cette date. Un décret d’application du 10 mai
o
2021 complète la réforme (D. n 2021-574, 10 mai 2021). Les dispositions
réglementaires ci-dessus en sont issues.

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant est pris dans les six


er
mois suivant la naissance de l’enfant (C. trav., art. D. 1225-8, al. 1 ;
er
CSS, art. D. 331-3, al. 1 ).
Le congé peut être reporté au-delà des six mois dans deux cas de
figure (C. trav., art. D. 1225-8, al. 5 ; CSS, art. D. 331-3, al. 2), à
savoir :
l’hospitalisation de l’enfant. Le congé est pris dans les six mois
qui suivent la fin de l’hospitalisation ;

667
ou Le décès de la mère.
Le report du congé de paternité ne peut être obtenu que dans un
des cas le permettant. Ainsi, la force majeure ne peut, sauf
disposition expresse, suppléer l’absence des conditions d’ouverture
e o
du droit (Cass. 2 civ., 10 nov. 2009, n 08-19.510).

Le congé est pris dans les six mois qui suivent la fin du congé dont
bénéficie le père en application de l’article L. 1225-28 (C. trav., art.
D. 1225-8, al. 5).

L’assuré doit également attester de la cessation de son activité


professionnelle dans les mêmes conditions que celles applicables à
l’indemnité prévue pour le congé de maternité à l’article L. 331-3 du
Code de la sécurité sociale (CSS, art. D. 331-4).
L’autorité compétente pour assurer le service des indemnités
journalières est la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) au
titre de l’assurance maternité. Le montant des indemnités
journalières est calculé en déterminant un salaire journalier de base
calculé en prenant en considération le total des 3 derniers salaires
bruts perçus avant la date d’interruption du travail. La CPAM assure
une information sur l’octroi des indemnités journalières. Lorsque la
faute de la caisse en raison d’une mauvaise information entraîne
pour le père un préjudice, une telle faute justifie l’allocation de
e o
dommages et intérêts (Cass. 2 civ., 16 oct. 2008, n 07-18.493).

Pour bénéficier de l’indemnisation mentionnée à l’article L. 331-6 du


Code de la sécurité sociale, le père, le conjoint de la mère ou la
personne liée à elle par un Pacte civil de solidarité ou son concubin
doit adresser sa demande à l’organisme de sécurité sociale dont il
relève, au moyen d’un formulaire de demande homologué en

668
vigueur (CSS, art. D. 331-5). En outre, le salarié informe son
employeur de la date prévisionnelle de l’accouchement au moins un
mois avant celle-ci (C. trav., art. D. 1225-8, al. 2). Le salarié informe
également son employeur des dates de prise et des durées de la ou
des périodes de congés au moins un mois avant le début de
chacune des périodes (C. trav., art. D. 1225-8, al. 3). Cela étant, en
cas de naissance de l’enfant avant la date prévisionnelle
d’accouchement et lorsque le salarié souhaite débuter la ou les
périodes de congé au cours du mois suivant la naissance, il en
informe sans délai son employeur (C. trav., art. D. 1225-8, al. 4).

II. Durée du congé de paternité

Après la naissance de l’enfant, le congé de paternité et d’accueil de


l’enfant est, par principe, de 25 jours consécutifs (4 jours + 21 jours).
En revanche, il est porté à 32 jours consécutifs (4 jours + 28 jours)
er
en cas de naissances multiples (C. trav., art. L. 1225-35, al. 1 ,
C. trav. ; CSS, art. L. 331-8, al. 2).

Cependant, la seconde période constituant les 25 jours est


fractionnable, contrairement à la première période qui est prise en
continu. La seconde période, soit la période de congé de vingt et un
ou de vingt-huit jours, peut être fractionnée en deux périodes d’une
durée minimale de cinq jours chacune (C. trav., art. D. 1225-8, al. 3).

À l’issue du congé de paternité et d’accueil de l’enfant, le salarié


retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une
rémunération au moins équivalente (C. trav., art. L. 1225-36).

Il importe de souligner que le congé de paternité se cumule avec le


congé de naissance. Toutefois, si ces 25 jours (ou 32) sont

669
indemnisés par la CPAM, les autres jours octroyés au titre du congé
de naissance – à hauteur de 3 jours – restent à la charge de
l’employeur.
Les 25 (ou 32) jours peuvent suivre le congé octroyé au salarié pour
chaque naissance survenue à son foyer (C. trav., art. L. 3142-1), ce
qui n’entraîne pas de réduction de la rémunération de ce salarié
(C. trav., art. L. 3142-2). Ces 25 jours peuvent également être
détachés du congé de naissance. À l’inverse, l’indemnité journalière
n’est pas cumulable avec l’indemnisation des congés maladie et
d’accident du travail, ni avec l’indemnisation par l’assurance
chômage ou le régime de solidarité (CSS, art. L. 331-8, al. 3).

670
La loi de financement pour la sécurité sociale pour 2019 s’est montrée
o
généreuse en instituant un congé de paternité spécial (L. n 2018-1203,
22 déc. 2018, art. 72). En cas de naissance prématurée, est créé un droit à un
congé de paternité et d’accueil de l’enfant en cas d’hospitalisation immédiate de
l’enfant après la naissance. Ainsi, lorsque l’état de santé de l’enfant nécessite son
hospitalisation immédiate après la naissance dans une unité de soins spécialisée,
le congé de paternité et d’accueil de l’enfant est de droit pendant la période
d’hospitalisation (C. trav., art. L. 1225 35). La durée de ce congé est précisée par
o
décret (L. n 2018-1203, 22 déc. 2018, art. 72, IV). En l’occurrence, les règles en
ont été précisées par un décret du 24 juin 2019 relatif au congé de paternité en
o
cas d’hospitalisation immédiate de l’enfant après sa naissance (D. n 2019-630,
o
24 juin 2019 : JO 25 juin 2019, texte n 8). Ce dispositif s’applique aux
er o
naissances intervenant à compter du 1 juillet 2019 (D. n 2019-630, 24 juin
2019, art. 5). En sont bénéficiaires le père, le conjoint de la mère ou la personne
liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle (C. trav.,
o
art. D. 1225-8-1 ; Circ. CNAM n 25/2019, 31 juill. 2019 : JCP S 2019, act. 319).
Ce droit à congé a lieu pendant toute la période d’hospitalisation dans une ou
plusieurs unités de soins spécialisés, pendant une durée maximale de trente jours
consécutifs. Enfin, le salarié bénéficiant de ce congé est tenu d’en informer son
employeur sans délai en transmettant un document justifiant de cette
hospitalisation.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– M.-C. AMAUGER-LATTES, « Vie professionnelle du salarié et
parentalité : vers l’égalité réelle entre les femmes et les
hommes », Mélanges en l’honneur du Professeur Claire Neirinck,
LGDJ, 2015, pp. 631-650
– X. PRÉTOT, « Assurance maternité et paternité – Remplacement
du congé de paternité par le congé de paternité et d’accueil de
l’enfant », JCP S 2013, pp. 36-38

671
– D. THARAUD, « Quelle protection pour le père et/ou le conjoint de
la mère ? », Dr. ouvrier 2018, pp. 344-351

672
o
Fiche n 58 La famille

L’ESSENTIEL

Cellule de base de la société, la famille est soutenue grâce au


service de prestations sociales appropriées.

Les prestations familiales sont nombreuses et apparemment sans


cohérence d’ensemble.

Cela étant, il semble se dégager des conditions communes à


l’ensemble des prestations familiales. Des points de convergence
apparaissent également sur le régime juridique des prestations
familiales.

Sur les conditions, ces dernières intéressent les allocataires enfant à


sa charge. Elles portent notamment sur les conditions de séjour en
France et sur la régularité de ce séjour.

Quant au régime juridique, il implique la distinction entre allocataires


et attributaire des prestations familiales. De ce régime juridique
résultent notamment des règles spécifiques en matière de
contentieux.

673
LES CONNAISSANCES

(CSS, art. L. 511-1)


o
L’article L. 511-1 du Code de la sécurité sociale, précisée en 2019 (Ord. n 2019-
770, 17 juill. 2019, art. 9), établit une liste des prestations familiales. Selon cette
disposition, les prestations familiales comprennent :
– la prestation d’accueil du jeune enfant ;
– les allocations familiales ;
– le complément familial ;
– l’allocation de logement régie par les dispositions du livre VIII du Code de la
construction et de l’habitation ;
– l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ;
– l’allocation de soutien familial ;
– l’allocation de rentrée scolaire ;
– l’allocation journalière de présence parentale.

Dans l’absolu, le Code de la sécurité sociale répartit ces différentes


prestations en fonction de leur objet, à savoir les prestations
générales d’entretien (CSS, art. L. 521-1 et s. : allocations familiales,
complément familial, allocation de soutien familial), les prestations
liées à la naissance et à l’accueil de la petite enfance (CSS, art.
L. 531-1 et s.), ainsi que les prestations à affectation spéciale (CSS,
art. L. 541-1 et s., notamment l’allocation d’éducation de l’enfant
handicapé). En réaction à la crise sanitaire due à la pandémie de
COVID-19, différents textes réglementaires temporaires ont été
adoptés, notamment une dérogation aux règles relatives au
o
complément de libre choix du mode de garde (D. n 2021-532, 29
avr. 2021 ; D. 2021-1323, 12 oct. 2021).

En dépit de ces objets distincts, les prestations familiales


convergent. Peuvent être dégagées des conditions générales
d’attribution (§ 1), de même qu’un régime juridique commun (§ 2).

674
§1 Conditions générales d’attribution
des prestations familiales
Les conditions générales d’attribution des prestations familiales ont
toutes en commun d’être relatives à l’assuré et à l’enfant à charge.

I. Conditions tenant à l’allocataire

Plusieurs conditions tenant à l’allocataire sont posées pour


l’attribution des prestations familiales. On notera que, pour certaines
prestations, la crise sanitaire a eu pour conséquence d’assouplir
temporairement les conditions spéciales d’ouverture et d’instituer
des mesures dérogatoires (Pour le libre choix du mode de garde et
o
pour les conditions relatives aux étrangers, v. D. n 2020-764, 23 juin
2020 ; v. également, pour le financement des micro-crèches et des
o
crèches familiales, D. n 2020-1490, 30 nov. 2020).

er
(CSS, art. L. 512-1, al. 1 )
Tout d’abord, la condition de nationalité ayant été abandonnée en 1998, la
condition essentielle de l’attribution d’une prestation familiale est la condition de
résidence : « Toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à
sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants
des prestations familiales […] sous réserve que ce ou ces derniers ne soient pas
bénéficiaires, à titre personnel, d’une ou plusieurs prestations familiales, de
l’allocation de logement sociale ou de l’aide personnalisée au logement ».

Le Code de la sécurité sociale distingue plusieurs catégories


d’étrangers : les ressortissants européens, les ressortissants
étrangers en situation régulière et ceux en situation irrégulière au
regard des règles de l’entrée et du séjour en France.

675
(CSS, art. L. 512-2)
Les ressortissants européens sont les étrangers les plus avantagés : « Bénéficient
de plein droit des prestations familiales les ressortissants des États membres de
[l’Union] européenne, des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique
européen et la Confédération suisse qui remplissent les conditions exigées pour
résider régulièrement en France ».

Enfin, l’allocataire doit avoir l’enfant à sa charge. La notion d’enfant à


charge vise la personne qui « assume la charge effective et
permanente de l’enfant » (CSS, art. L. 513-1). Cette charge
comporte les frais d’entretien et la responsabilité éducative et
affective de l’enfant. Elle s’apprécie en fonction des situations de fait,
indépendamment du lien de parenté.

II. Conditions tenant à l’enfant à charge

Les enfants doivent aussi remplir la condition de résidence sur le


territoire français.

En outre, le Code de la sécurité sociale prévoit une condition de


régularité de séjour. Ainsi, le bénéfice des prestations familiales est
subordonné à la justification, pour les enfants qui sont à charge et au
titre desquels les prestations familiales sont demandées, d’être nés
en France, et à la régularité de leur entrée dans le cadre de la
procédure de regroupement familial, de l’octroi de la qualité de
membre de famille de réfugié, de la régularité de leur séjour sur le
territoire français en raison de leur qualité d’enfant d’étranger titulaire
d’une carte de séjour (CSS, art. L. 512-2).

676
(CSS, art. L. 512-3 et R. 512-2)
De façon générale, le Code de la sécurité sociale pose également une condition
d’âge : « Sous réserve des règles particulières à chaque prestation, ouvre droit
aux prestations familiales […] tout enfant jusqu’à la fin de l’obligation scolaire », à
savoir l’âge de 16 ans, ainsi que, « après la fin de l’obligation scolaire, et jusqu’à
un âge limite » qui est fixé à 20 ans, « tout enfant dont la rémunération éventuelle
n’excède pas un plafond » qui est fixé à 55 % du SMIC.

Parfois, l’attribution de certaines prestations familiales nécessite un


ajustement en posant une condition de ressources. Pour procéder
au calcul des ressources, des méthodes sont élaborées par les
textes. S’agisssant de la prestation d’accueil du jeune enfant (CSS,
art. L. 531-2 et s.), l’article R. 532-8 du Code de la sécurité sociale
prévoit un mécanisme d’évaluation forfaitaire des ressources. Celui-
ci a été déclaré illégal car contraire au principe d’égalité devant la loi
o o
(CE, 18 juin 2018, n 409685, Rec. Lebon ; CE, 26 déc. 2018, n
420104, Tables Rec. Lebon).

Par ailleurs, le service des prestations est soumis à la production de


différents documents.

(CSS, art. L. 552-4)


Selon l’article L. 552-4 du Code de la sécurité sociale, « le versement des
prestations familiales afférentes à un enfant soumis à l’obligation scolaire est
subordonné à la présentation soit du certificat d’inscription dans un établissement
d’enseignement public ou privé, soit d’un certificat de l’autorité compétente de
l’État attestant que l’enfant est instruit dans sa famille, soit d’un certificat médical
attestant qu’il ne peut fréquenter régulièrement aucun établissement
d’enseignement en raison de son état de santé ».

§2 Régime juridique des prestations familiales

677
I. Service des prestations familiales

Les prestations familiales consistent souvent à servir des prestations


en espèce dont le montant varie selon différents critères (ex. : âge,
ressources, etc.). Il est également susceptible d’être majoré. C’est,
par exemple, le cas pour le complément de libre choix du mode de
garde (CMG) de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) pour
les familles dont l’un des enfants est en situation de handicap (D.
o o
n 2019-1103, 30 oct. 2019 : JO 31 oct. 2019, texte n 52). Pour ce
dernier, le montant maximal est majoré de 30 %.

À qui est servie la prestation familiale ? Pour répondre à cette


interrogation, il convient de rendre compte d’une distinction
fondamentale effectuée par le Code de la sécurité sociale entre
l’allocataire (CSS, art. R. 513-1) et l’attributaire (CSS, art. R. 513-2).

Pour l’essentiel, la distinction s’opère entre la personne qui remplit


les conditions pour l’obtention de la prestation familiale (l’allocataire)
et la personne qui perçoit effectivement la prestation (l’attributaire).

D’un côté, la définition de l’allocataire est donnée par l’article R. 513-


1 du Code de la sécurité sociale qui précise également les modalités
de sa désignation au sein d’un couple. La personne physique à qui
est reconnu le droit aux prestations familiales dispose de la qualité
d’allocataire. Sous réserve des dispositions de l’article R. 521-2 du
Code de la sécurité sociale, ce droit n’est reconnu qu’à une
personne au titre d’un même enfant.

Qu’en est-il de la désignation de la qualité d’allocataire au sein


d’un couple ? Lorsque les deux membres d’un couple assument à
leur foyer la charge effective et permanente de l’enfant, l’allocataire

678
est celui d’entre eux qu’ils désignent d’un commun accord. Ce droit
d’option peut être exercé à tout moment. L’option ne peut être
remise en cause qu’au bout d’un an, sauf changement de situation.
Si ce droit d’option n’est pas exercé, l’allocataire est l’épouse ou la
concubine (CSS, art. R. 513-1, al. 2). En cas de divorce, de
séparation de droit ou de fait des époux ou de cessation de la vie
commune des concubins, et si l’un et l’autre ont la charge effective
et permanente de l’enfant, l’allocataire est celui des membres du
couple au foyer duquel vit l’enfant (CSS, art. R. 513-1, al. 3).

D’un autre côté, qu’en est-il de l’attributaire ? L’attributaire des


prestations familiales est la personne entre les mains de laquelle
sont versées les prestations. L’attributaire est soit l’allocataire, soit
son conjoint ou son concubin. Toutefois, les conseils d’administration
des caisses d’allocations familiales (CAF) et des autres organismes
débiteurs peuvent décider dans certains cas et après enquête
sociale de verser les prestations familiales à la personne qui assure
er
l’entretien de l’enfant (CSS, art. R. 513-2, al. 1 ).

(CSS, art. R. 513-2, al. 2)


La qualité d’attributaire peut se perdre. L’hypothèse se présente « lorsqu’une
personne est déchue totalement ou partiellement de l’autorité parentale ou qu’elle
a encouru soit une condamnation pénale en application de la loi sur les enfants
maltraités ou moralement abandonnés, soit une condamnation pour ivresse, ou
lorsque le versement des prestations familiales entre ses mains risque de priver
l’enfant du bénéfice de ces prestations ». Dans ce cas, les prestations familiales
sont attribuées à l’autre conjoint ou concubin (Ibid.).

Quel est l’organisme débiteur ? Par qui sont servies les


prestations familiales ? Matériellement, le service des prestations
familiales dues aux salariés de toute profession, aux employeurs et

679
aux travailleurs indépendants des professions non agricoles ainsi
qu’à la population non active incombe aux CAF (CSS, art. L. 212-1).
Territorialement, la réponse est apportée par l’article R. 514-1 du
Code de la sécurité sociale qui énonce un principe et plusieurs
dérogations.

Par principe, le service des prestations familiales incombe à la CAF


du lieu de résidence habituel de la famille de l’allocataire.

Pour chaque principe, il y a des exceptions. On peut en relever trois.


Premièrement, en ce qui concerne les personnes soumises aux
dispositions relatives aux professions agricoles, le service des
prestations familiales incombe à la caisse de mutualité sociale
agricole du lieu de résidence habituelle de la famille de
l’allocataire. Il en va de même des conjoints ou concubins de
ces personnes s’ils sont allocataires et n’exercent pas d’activité
professionnelle.
Deuxièmement, lorsque les allocataires sont des victimes de
guerre ou des ayants causes de victimes de guerre, les
prestations familiales leur sont servies par l’État.
Troisièmement, lorsque les allocataires font partie des
catégories de personnes en activité ou en retraite mentionnées
au deuxième alinéa de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité
sociale, les prestations familiales leur sont servies par les
organismes déterminés par ces dispositions.
Pour terminer, quelles que soient les circonstances, le cumul est
interdit en application des articles L. 512-5 et suivants du Code de la
sécurité sociale.

680
(CSS, art. L. 512-5)
D’une part, « les prestations familiales du régime français ne peuvent se cumuler
avec les prestations pour enfants versées en application des traités, conventions
et accords internationaux auxquels la France est partie ou en application d’une
législation ou d’une réglementation étrangère, ainsi qu’avec les prestations pour
enfants versées par une organisation internationale ».

(CSS, art. L. 512-6, al. 2)


D’autre part, « les prestations familiales du régime métropolitain ne peuvent se
cumuler avec les prestations familiales versées en application d’un régime d’outre-
mer ».

La réserve à ce principe consiste en la possibilité de percevoir une


allocation différentielle (CSS, art. L. 512-5).

II. Contentieux des prestations familiales

Les litiges susceptibles d’opposer les allocataires aux organismes


chargés d’attribuer les prestations familiales relèvent du contentieux
de la sécurité sociale (CSS, art. L. 142-1). Concrètement, les litiges
susceptibles d’opposer les allocataires aux organismes chargés de
l’attribution et du service des prestations familiales relèvent du pôle
social du tribunal judiciaire.

Au préalable, avant tout recours contentieux devant le pôle social,


une commission de recours amiable doit être saisie dans les 2 mois
à compter de la décision de la caisse (CSS, art. R142-1-A).

Le jugement prononcé par le pôle social du tribunal judiciaire est


susceptible d’appel (CSS, art. R. 142-11). Les parties peuvent

681
interjeter appel dans un délai d’un mois à compter de la notification
de la décision.

La cour d’appel statue en premier et dernier ressort. Sa décision est


notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de
réception (CSS, art. R. 142-13-5).

L’arrêt d’appel peut être l’objet d’un pourvoi en cassation (CSS, art.
R. 142-15). Le pourvoi est déposé au greffe de la Cour de cassation
dans un délai de deux mois à compter de la notification de la
décision (Ibid.).

L’action de l’allocataire pour le paiement des prestations se prescrit


par deux ans (CSS, art. L. 553-1). Cette prescription est également
applicable à l’action intentée par un organisme payeur en
recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de
manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. Dans ce cas, elle
est de cinq ans.
Du côté de la caisse, la prescription est interrompue tant que
l’organisme débiteur des prestations familiales se trouve dans
l’impossibilité de recouvrer l’indu concerné en raison de la mise
en œuvre d’une procédure de recouvrement d’indus (CSS, art.
L. 553-1, al. 3).
Du côté de l’allocataire, le cours de la prescription est
interrompu par l’envoi à l’adresse de l’allocataire d’une lettre
recommandée avec demande d’avis de réception valant mise
en demeure, quels qu’en aient été les modes de délivrance
o
(Cass., avis, 10 juill. 2006, n 006.0007).
Les prestations familiales sont incessibles et insaisissables sauf
pour le recouvrement des prestations indûment versées à la suite
d’une manœuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration de

682
l’allocataire (CSS, art. L. 553-4). Par exception, la saisie, qui ne peut
excéder un certain montant (CSS, art. L. 553-2, D. 553-1 et D. 553-
2) est envisageable sur certaines prestations (CSS, art. L. 553-4, I,
al. 2).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– P. STECK, « Les prestations gérées par la branche famille et
l’emploi », RD sanit. soc. 2006, p. 336.

683
SOUS-TITRE 2
LES RISQUES PRIS EN CHARGE
PAR LES RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES

o
Fiche n 59 La protection sociale complémentaire dans
l’entreprise
o
Fiche n 60 Les retraites complémentaires (secteur privé)

684
o
Fiche n 59 La protection sociale
complémentaire dans l’entreprise

L’ESSENTIEL

La complémentaire santé d’entreprise vise à compléter les


remboursements effectués par le régime de sécurité sociale.
D’autres garanties peuvent également être proposées dans
l’entreprise, à l’image de la prévoyance ou des retraites
supplémentaires.

LES CONNAISSANCES

La protection sociale complémentaire dans l’entreprise recouvre la


complémentaire santé d’entreprise (§ 1) et la prévoyance sociale
complémentaire facultative (§ 2).

§1 La complémentaire santé d’entreprise

685
o er
(L. n 2013-504,14 juin 2013, art. 1 )
La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a institué la couverture
santé complémentaire obligatoire « afin de permettre aux salariés qui ne
bénéficient pas d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de
remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie,
une maternité ou un accident […] d’accéder à une telle couverture ».

Aux termes de l’article L. 911-7 du Code de la sécurité sociale, les


entreprises dont les salariés ne bénéficient pas d’une couverture
collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements
complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une
maternité ou un accident sont tenues de faire bénéficier leurs
salariés.

La mise en place d’une couverture de prévoyance collective peut


résulter d’un accord collectif (convention collective ou accord collectif
au niveau de la branche professionnelle, accord d’entreprise ou
accord d’établissement), d’un référendum au sein de l’entreprise ou
de l’établissement, ou encore d’une décision unilatérale de
l’employeur.

Certaines catégories de salariés peuvent être dispensés, à leur


initiative, de l’obligation d’affiliation eu égard à la nature ou aux
caractéristiques de leur contrat de travail. Le fait qu’ils disposent par
ailleurs d’une couverture complémentaire peut constituer également
une cause de dispense (CSS, art. D. 911-2). De même, les salariés
en contrat à durée déterminée ou en contrat de mission peuvent
également, à leur initiative et sous certaines conditions, être
dispensés de cette affiliation (CSS, art. L. 911-7, III, et D. 911-6).

686
L’entreprise choisit librement l’assureur, auprès de qui elle négocie le
contrat d’assurance. Les partenaires sociaux de la branche peuvent
recommander un organisme.

Les contrats conclus en vue d’assurer cette couverture minimale


doivent être conformes aux conditions relatives aux « contrats
responsables » (CSS, art. L. 911-7, al. 7). Le contenu de cette
couverture minimale est fixé aux articles L. 911-7, II et D. 911-1 du
Code de la sécurité sociale.

La complémentaire santé d’entreprise doit ainsi prendre en charge


un socle de garanties minimales (panier de soins minimum) :
Intégralité du ticket modérateur sur les consultations, actes et
prestations remboursables par l’assurance maladie sous
réserve de certaines exceptions ;
Totalité du forfait journalier hospitalier en cas d’hospitalisation ;
Frais dentaires (prothèses et orthodontie) à hauteur de 125 %
du tarif conventionnel ;
Frais d’optique de manière forfaitaire par période de 2 ans
(annuellement pour les enfants ou en cas d’évolution de la vue)
avec un minimum de prise en charge fixé à 100 € pour une
correction simple, 150 € (voire 200 €) pour une correction
complexe ;
L’employeur assure au minimum la moitié du financement de cette
couverture.

Dans certains cas, il est possible de continuer à bénéficier de la


mutuelle (complémentaire santé) de l’entreprise à l’issue du contrat
de travail, sous réserve de remplir certaines conditions. C’est ce
qu’on appelle la portabilité.

687
§2 La protection sociale complémentaire facultative
La protection sociale complémentaire facultative peut prendre deux
formes

I. Prévoyance complémentaire et retraite supplémentaire

La prévoyance complémentaire en entreprise permet de couvrir les


accidents de la vie des salariés : arrêts de travail, invalidité,
incapacité ou décès. Elle complète les prestations versées par les
régimes obligatoires de la sécurité sociale.

Également, les entreprises peuvent convenir de régimes de retraites


visant à compléter les dispositifs légaux d’assurance vieillesse et de
retraite complémentaire. Il s’agit de la retraite supplémentaire (CSS,
art. L. 941-1 et s.). Ces régimes sont facultatifs pour les entreprises
et peuvent fonctionner selon un principe de répartition ou sur la base
d’une capitalisation des droits de chaque salarié concerné par le
régime.

Deux types de régimes de retraite supplémentaire peuvent être


proposés par l’employeur :
les régimes de retraite supplémentaire à cotisations définies,
par lesquels l’employeur s’engage alors à verser régulièrement
des cotisations, dont le montant est fixé à l’avance, à un
organisme gestionnaire. Les sommes versées peuvent être
intégralement prises en charge par l’employeur ou réparties
entre l’employeur et le salarié ;
les régimes de retraite supplémentaire à prestations définies :
l’employeur s’engage sur le montant ou le niveau de retraite
perçue par les salariés.

688
II. Leur mise en place

Par application de l’article L. 911-1 du Code de la sécurité sociale,


ces mécanismes peuvent être mis en place de trois manières :
par accord collectif
par accord référendaire
par engagement unilatéral de l’employeur
À noter que le Code de la sécurité sociale impose certaines clauses
(CSS, art. L. 912-4 : apportant certaines contraintes en matière de
réversion), ou prohibe certaines autres (CSS, art. L. 913-1 :
interdisant toute discrimination fondée sur le sexe).

689
o
Fiche n 60 Les retraites complémentaires
(secteur privé)

L’ESSENTIEL

Le régime complémentaire obligatoire est aussi, plus communément,


appelé la retraite complémentaire obligatoire. Elle est dite
« complémentaire » car elle vient s’ajouter à la retraite de base. Elle
concerne tant les cadres que les non-cadres depuis 1972, à titre
obligatoire.

Par application de l’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017


relatif au régime Agirc-Arrco, les salariés cadres et salariés non cadres cotisent à
er
une caisse de retraite complémentaire unique depuis le 1 janvier 2019. L’Agirc-
Arrco remplace l’Agirc (la caisse réservée aux cadres) et l’Arrco (celle de tous les
salariés).

LES CONNAISSANCES
o
La loi du 29 décembre 1972 (L. n 72-1223, 29 déc. 1972 : JO
30 déc. 1972, p. 13781) de généralisation des retraites

690
complémentaires a rendu obligatoire l’adhésion des salariés affiliés
au régime général de la sécurité sociale à un régime de retraite
complémentaire géré par une institution de retraite complémentaire
(CSS, art. L. 921-1).

La convention collective du 14 mars 1947 (CCN Agirc) avait instauré


un régime complémentaire de retraite auquel étaient affiliés, à titre
obligatoire, les ingénieurs et cadres, certains salariés non-cadres et
des VRP. Sur demande de l’entreprise, d’autres salariés non-cadres
pouvaient également être affiliés. L’accord national
interprofessionnel du 8 décembre 1961 (Arrco) avait mis en place un
système similaire au profit des salariés non-cadres.

Traditionnellement, les retraites complémentaires dans le secteur


privé s’entendaient donc de l’Arrco et de l’Agirc.

er
Depuis le 1 janvier 2019, l’Agirc et l’Arrco ont fusionné.

Dorénavant, tout salarié du secteur privé voit sa rémunération brute


être soumise à des cotisations de retraite complémentaire à l’Agirc-
Arrco. Les cotisations ouvrent droit, lors du départ à la retraite, à une
pension versée par l’Agirc-Arrco, qui s’ajoute à la pension de retraite
de base versée par le régime général de la sécurité sociale.

Les cotisations de retraite complémentaire versées mensuellement


permettent d’acquérir des points, qui s’accumulent sur le compte
individuel de points retraite. Ces points servent de base au calcul
de la pension versée lors du départ à la retraite.

Le calcul du nombre de points dépend d’une formule de calcul


précise : (Assiette des cotisations versées x taux d’acquisition) /

691
valeur d’achat du point de retraite (également appelé salaire de
référence).

Certaines périodes non travaillées et non cotisées ouvrent droit à


l’attribution de points gratuits. Il s’agit, par exemple, des périodes de
congé pour maladie ou pour maternité ou adoption indemnisées par
la sécurité sociale pendant au moins 60 jours consécutifs, des
périodes de perception d’une pension d’invalidité, des périodes de
perception d’une rente d’accident du travail ou de maladie
professionnelle, des périodes de chômage total indemnisées, etc.

Dans certains cas, lorsque le salarié est dispensé d’exercer en tout


ou partie son activité, les cotisations restent calculées sur la base de
sa rémunération à temps plein. Il en est ainsi dans certaines
situations de réduction de la durée du temps de travail (temps
partiel).

Dans quelques cas de cessation complète d’activité, l’employeur


assure le versement de cotisations à l’Agirc-Arrco comme si le
salarié poursuivait réellement son activité. C’est notamment le cas
pour les salariés âgés d’au moins 55 ans mis en préretraite en
application d’un accord collectif, en congé de conversion, en congé
parental, en congé de présence parentale, en congé de solidarité
familiale, en congé de proche aidant.

692
Des rachats de points de retraite complémentaire sont également
envisagés au titre de certaines périodes et sous strictes conditions
(années d’études supérieures, périodes de chômage indemnisées
par la garantie sociale du chef d’entreprise, etc.).

Un régime transitoire est instauré dans le cadre de la fusion de l’Agirc et de


er
l’Arrco. Les points acquis auprès du régime de l’Agirc avant le 1 janvier 2019
(date de la fusion) sont convertis en nouveaux points Agirc-Arrco selon la formule
de calcul suivante : nombre de points Agirc x 0,347798289.

En revanche, il n’y a pas de changement pour les points acquis auprès du régime
de l’Arrco : un point Arrco = un point Agirc-Arrco.

Il est possible de demander à bénéficier d’une retraite


complémentaire à partir de 62 ans. Le nombre de points acquis au
cours de la carrière est alors multiplié par la valeur de service du
point. Avant cet âge, la pension de retraite complémentaire est
également versée sans abattement sur le nombre de points si le
salarié bénéficie d’une pension de retraite de base à taux plein du
régime général de la Sécurité sociale, en raison d’une situation de
handicap, d’une carrière longue ou encore d’une inaptitude au
travail.

Il est important de relever que des majorations de pensions sont


envisageables au regard de la charge de famille sous certaines
conditions. Enfin, dans certaines situations, le montant de la pension
de retraite complémentaire est minoré ou majoré en fonction de la
date à laquelle le salarié la demande après avoir obtenu sa retraite
de base à taux plein du régime général de la sécurité sociale.

693
TITRE 2
LA COUVERTURE DES RISQUES
PROFESSIONNELS

o
Fiche n 61 Les accidents du travail, accidents de trajet
et maladies professionnelles : qualification
o
Fiche n 62 Les accidents du travail, accidents de trajet
et maladies professionnelles : réparation

694
o
Fiche n 61 Les accidents du travail,
accidents de trajet et maladies
professionnelles : qualification

L’ESSENTIEL

S’agissant du risque professionnel, c’est-à-dire le risque engendré


par l’activité salariée, le Code de sécurité sociale renvoie à trois
qualifications juridiques distinctes : l’accident du travail, l’accident de
trajet et la maladie professionnelle. Les conséquences de ces
qualifications sont relativement proches, l’intérêt de les distinguer
perdure. Bien qu’assimilés à l’accident du travail, l’accident de trajet
n’en demeure pas moins distinct et se définit par ses extrémités, à
savoir d’un côté le domicile et de l’autre le lieu de travail.

S’agissant de l’accident du travail, ses critères de qualification ont


évolué dans le temps. Surtout, la qualification d’accident de travail,
et non pas celle d’accident de trajet, offre à la victime de cette
catégorie d’accident le bénéfice de la présomption d’imputabilité.
Cette présomption l’exonère de la démonstration du lien de causalité
entre l’accident et le travail.

695
S’agissant de la maladie professionnelle, elle se distingue aussi de
l’accident du travail sur le caractère soudain. La qualification de
maladie professionnelle a pour conséquence de placer la victime
face à trois mécanismes de reconnaissance plus ou moins
favorable. Ces derniers s’échelonnent de la réparation automatique
(la pathologie figurant dans un des tableaux annexés au Code de la
sécurité sociale) jusqu’à la nécessaire démonstration du préjudice et
du lien de causalité entre la maladie et l’exercice de l’activité
professionnelle (reconnaissance par une commission), avec un
dispositif intermédiaire.

LES CONNAISSANCES

Un accident ou une maladie ayant une origine professionnelle fait


l’objet d’une déclaration auprès des organismes sociaux
compétents, les caisses primaires d’assurance maladie, afin
d’assurer leur prise en charge.

696
o
Un décret adopté le 23 avril 2019 (D. n 2019-356, 23 avr. 2019 : JO
o
25 avr. 2019, texte n 8 ; Circ. Cnam CIR-28/2019, 9 août 2019) réorganise la
procédure d’instruction des demandes de prise en charge des accidents du travail
et des maladies professionnelles. Il est applicable aux accidents et
er
maladies déclarés à compter du 1 décembre 2019. À l’occasion de cette
instruction,

le caractère professionnel de l’accident et de la maladie peut être discuté et


débattu jusqu’à la décision prise par la caisse et notifié par ses soins aux
e
personnes intéressées (Pour une erreur de notification, V. Cass. 2 civ., 4 avr.
o
2019, n 17-28.78). Effectivement, des réserves peuvent être formulées par
l’employeur (CSS, art. R. 411-7). Instruction est alors réalisée par la caisse qui,
une fois celle-ci achevée doit permettre à la victime, aux ayants droit et à
l’employeur de consulter le dossier. Pour ce faire, un délai de 10 jours francs leur
est accordé afin de formuler des observations. Le dossier reste accessible à ces
derniers après l’expiration du délai de 10 jours francs mais en conservant la
faculté de formuler d’autres observations (CSS, art. R. 441-8). Ce délai ne se
calcule pas sur le fondement de l’article 642 du Code de procédure civile (Cass.
e o
2 civ., 13 févr. 2020, n 19-11.253).

Seront étudiés, d’une part, le régime des accidents du travail (§ 1)


et, d’autre part, celui des maladies professionnelles (§ 2).

§1 L’accident du travail

Les notions d’accident de trajet et de maladie professionnelle se


sont construites au prisme de celle d’accident du travail. L’accident
de trajet est ainsi assimilé à celui d’accident du travail tandis que des
critères de distinction ont été établis entre accident du travail et
maladie professionnelle.

I. L’assimilation de l’accident de trajet à l’accident de travail

697
(CSS, art. L. 411-1)
« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident
survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou
travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs
employeurs ou chefs d’entreprise ».
(CSS, art. L. 411-2)
L’article L. 411-2 du même code prévoit qu’« est également considéré comme
accident du travail […], l’accident survenu à un travailleur […] pendant le trajet
d’aller et de retour entre […] la résidence principale […] ou tout autre lieu où le
travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu du
travail ».

L’accident de trajet se définit par ses extrémités : le lieu de travail et


la résidence principale. Le trajet lui-même doit être normal, c’est-à-
dire suivre un itinéraire direct et habituel (Cass. soc., 18 nov. 1954,
o
Bull. civ. IV, n 729) et réalisé dans un temps normal (Cass. soc.,
o
4 déc. 1985, n 84-14.458).

En dépit de cette assimilation, la qualification d’accident de trajet


présente plusieurs intérêts.
Pour l’employeur, retenir la qualification d’accident de trajet diminue
le taux de cotisation correspondant car ce dernier est fixe pour les
accidents de trajet, mais variable pour les accidents du travail.

Pour le salarié, la preuve sera plus compliquée à apporter car la


présomption d’imputabilité est exclue.

698
Jurisprudence
En outre, en ce qui concerne les actions dont dispose la victime d’un accident
de trajet, il a été jugé que la faute inexcusable ne pouvait être recherchée sur le
e o
fondement de cette qualification (Cass. 2 civ., 10 déc. 2008, n 07-19.626 ; Cass.
e o
2 civ., 8 juil. 2010, n 09-16.180).

II. Les critères de qualification de l’accident du travail

À l’origine, constitue un accident du travail toute lésion corporelle


résultant de l’action soudaine et violente d’une cause extérieure, au
temps et sur le lieu de travail de la victime (Cass. civ., 21 févr. 1912,
citée par A. Sachet, Sirey 1922, p. 81).

Les critères étaient les suivants : la soudaineté, la violence et


l’extériorité.

Par la suite, les critères d’extériorité et de violence sont abandonnés


pour ne retenir que le critère du caractère soudain.

Quel intérêt présente le critère de la soudaineté ? En vérité, il s’agit


du critère de distinction entre un accident et une maladie. Dans
l’esprit commun et scientifiquement parlant, la maladie n’a pas de
caractère soudain puisqu’elle se développe et évolue avec lenteur et
selon une certaine progression. Par exemple, relèvent de la maladie
l’intoxication (Cass. soc., 7 oct. 1965), l’emphysème pulmonaire
o
(Cass. soc., 6 mars 1975, n 74-11.414) et le cancer du poumon
o o
(Cass. soc., 12 juin 1975, n 74-12.590, Bull. civ. 1975, V, n 324).
De même, « la simple contagion ne peut être assimilée à un

699
o
traumatisme » (Cass. ass. plén., 21 mars 1969, n 66-11.181, Bull.
o
civ. ass. plén., n 3, D. 1969, II, p. 531).

Jurisprudence
En revanche, des aménagements ont été nécessaires pour faire face à des
situations très particulières. Par exemple, qu’en est-il lorsque le salarié développe
une maladie suite à une vaccination obligatoire, en l’occurrence une sclérose en
plaques faisant suite à une vaccination contre l’hépatite B ? Dans ce cas de figure,
la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé que le salarié était victime
o
d’un accident du travail (Cass. soc., 2 avr. 2003, n 00-21.768). De façon plus
classique, il a été jugé, par la suite, que constitue un accident du travail, la
cervicalgie aiguë résultant d’un brusque mouvement de la tête afin de visualiser
e o
l’endroit du stockage (Cass. 2 civ., 22 mars 2005, n 03-16.415). En revanche,
n’est pas un accident du travail, un spasme vasculaire réfractaire survenu à la
e o
suite d’une exposition prolongée au froid (Cass. 2 civ., 18 oct. 2005, n 04-
30.352).

En tout état de cause, le caractère soudain relève de l’appréciation


e o
souveraine des juges du fond (Cass. 2 civ., 7 mai 2015, n 14-
12.512).

III. La présomption d’imputabilité

Le salarié bénéficie de la présomption d’imputabilité qui établit, en


réalité, un double lien de causalité : d’une part, le lien entre la lésion
et l’accident et, d’autre part, le lien entre la lésion et le travail. En
conséquence, la victime est dispensée de rapporter cette double
preuve (Cass. civ., 17 févr. 1902, DP 1902, 1, p. 273 ; Cass. ch.
réunies, 7 avr. 1921, S. 1922, 1, p. 81, note Sachet).

700
Par contre, reste à la charge de la victime la preuve de la matérialité
des faits constitutifs de l’accident. À cet égard, les seules
déclarations de la supposée victime sont insuffisantes à établir la
o
matérialité des faits (Cass. soc., 26 mai 1994, n 92-10.106). La
matérialité des faits doit résulter d’éléments objectifs (Cass. soc.,
o o
17 mars 1982, n 81-11.212 ; Cass. soc., 17 avr. 1985, n 83-
e o
15.330 ; Cass. 2 civ., 28 mai 2009, n 08-14.132).

La présomption d’imputabilité est une présomption simple qui peut


être renversée par la preuve que la lésion a une origine totalement
o
étrangère au travail (Cass. soc., 27 juin 1963, Bull. civ., V, n 548 ;
e o
Cass. 2 civ., 11 juill. 2019, n 18-19.160). Par exemple, dans les
cas de suicide sur le lieu du travail, la présomption d’imputabilité
peut être renversée s’il résulte des faits de la cause que le suicide
procède d’un acte réfléchi et volontaire, étranger au travail (Cass.
o o
soc., 23 sept. 1982, n 81-14.698 ; Cass. soc., 4 févr. 1987, n 85-
o
14.594 ; Cass. soc., 9 oct. 1997, n 95-13.898). De même, la
présomption d’imputabilité peut être écartée si l’accident résulte d’un
état pathologique préexistant évoluant en dehors de toute relation
o
avec le travail (Cass. soc., 27 oct. 1978, n 77-14.865 ; Cass. soc.,
o
24 mars 1986, n 84-16.764). En revanche, l’absence d’identification
d’une cause de stress professionnel précise n’établit pas la cause
e o
totalement étrangère au travail (Cass. 2 civ., 11 juill. 2019, n 18-
19.160).

Il incombe à la caisse de prouver l’existence de cette cause


o
étrangère au travail (Cass. soc., 23 mai 2002, n 00-14.154, Bull. civ.
o e o
V, n 178, p. 178 ; Cass. 2 civ., 16 déc. 2003, n 02-30.959, inédit).

701
La preuve ressortira généralement d’une expertise médicale
o
(V. Fiche n 63). Ne constitue pas une cause étrangère au travail
une altercation entre un salarié et son responsable quelle qu’en soit
e o
l’origine (Cass. 2 civ., 28 janv. 2021, n 19-25.722).

Par ailleurs, la présomption d’imputabilité est très étendue.


La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la
suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès
lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le
certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de
travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit
la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il
appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la
e o
preuve contraire. ( Cass. 2 civ, 12 mai 2022, n 20-20.655).

Toutefois, la constatation médicale peut être tardive. La présomption


d’imputabilité s’étend aux lésions constatées jusqu’à la date de
consolidation. Cette présomption d’imputabilité s’étend à toute la
période d’incapacité de travail précédant soit la guérison, soit la
e o
consolidation de l’état de la victime (Cass. 2 civ., 9 juill. 2020, n 19-
e o
17.626 ; Cass. 2 civ., 18 févr. 2021, n 19-21.940). Il appartient à
celui qui s’en prévaut de rapporter la preuve de la continuité des
e o
symptômes et des soins (Cass. 2 civ., 24 juin 2021, n 19-24.945).

En cas de décès de la victime, une autopsie peut avoir lieu.

Aux termes de l’article L. 442-4 du Code de la sécurité sociale, la


caisse doit, si les ayants droit de la victime le sollicitent ou avec leur
accord si elle l’estime elle-même utile à la manifestation de la vérité,
demander au tribunal d’instance dans le ressort duquel l’accident

702
s’est produit de faire procéder à l’autopsie dans les conditions
prévues aux articles 232 et suivants du Code de procédure civile. Si
les ayants droit de la victime s’opposent à ce qu’il soit procédé à
l’autopsie demandée par la caisse, ils perdent le bénéfice de la
présomption d’imputabilité. Il leur incombe alors d’apporter la preuve
du lien de causalité entre l’accident et le décès.

§2 La maladie professionnelle

En France, le système d’indemnisation des maladies


professionnelles repose sur un système de tableaux numérotés
(CSS, art. R. 461-3), révisés et complétés périodiquement par
décrets simples sur avis de la commission des maladies du Conseil
supérieur de la prévention des risques professionnels. Lorsque la
maladie figure dans l’un des tableaux, la victime bénéficie d’une
présomption légale ayant pour effet de rendre automatique la prise
en charge (CSS, art. L. 461-1). Pour autant, la reconnaissance d’une
maladie professionnelle peut résulter d’autres procédures.

I. La reconnaissance d’une maladie professionnelle


inscrite dans un tableau

Actuellement les dispositions concernant les maladies


professionnelles sont régies par les articles L. 461-1 et suivants du
Code de la sécurité sociale.

La liste des maladies professionnelles indemnisables est présentée


sous forme de tableaux classés en trois catégories (CSS, art. L. 461-
2, al. 1 à 3), à savoir les manifestations morbides d’intoxications
aiguës ou chroniques, les infections microbiennes et les affections
présumées résulter d’une ambiance ou d’attitudes particulières.

703
Les tableaux sont annexés au Livre IV annexe IV du Code de la
sécurité sociale (CSS, art. R. 461-3, al. 2).

Chaque tableau indique successivement trois éléments, notamment


la désignation des symptômes et affections reconnus (colonne de
gauche) ; le ou les délais de prise en charge qui correspondent à la
période d’incubation de la maladie (colonne centrale) ; et la liste des
travaux susceptibles de provoquer l’affection en cause (colonne de
droite).
La liste des tableaux est limitative (Cass. soc., 5 avr. 1954, Bull. civ.
o
1954, IV, p. 187, n 246).

Covid-19
Un décret du 14 septembre 2020 a aménagé un dispositif relatif à la
reconnaissance en maladies professionnelles des pathologies liées à une infection
o
au SARS-CoV2 (D. n 2020-1131, 14 sept. 2020). Deux nouveaux tableaux de
maladie professionnelle (« Affections respiratoires aiguës liées à une infection au
SARS-CoV2 ») ont été créés et énoncent les pathologies causées par une
infection au SARS-CoV2. À l’inverse, s’agissant des affections non désignées
dans ces tableaux et non contractées dans les conditions de ces tableaux,
l’instruction des demandes est attribuée à un comité de reconnaissance des
maladies professionnelles unique. Sa composition en est allégée afin d’accélérer
l’instruction des dossiers, en même temps qu’elle en garantit l’impartialité.

Remplir les conditions mentionnées dans les tableaux présente pour


le salarié un intérêt indéniable, dans la mesure où cela déclenche
l’application d’une présomption d’imputabilité de la maladie au
travail. Autrement dit, est présumée d’origine professionnelle toute
maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et

704
contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (CSS, art.
L. 461-1, al. 2). Toutefois, cette présomption n’a pas un caractère
irréfragable et est, par conséquent, susceptible de preuve contraire
o
(Cass. soc., 10 févr. 1966, Bull. civ. 1966, n 176). En ce sens, elle
sera écartée en cas de démonstration de l’évolution normale d’une
prédisposition morbide (Cass. soc., 10 févr. 1966, préc. ; Cass. soc.,
o
21 juill. 1986, n 85-10.596) ou lorsque la maladie a une cause
e o
totalement étrangère au travail (Cass. 2 civ., 13 mars 2014, n 13-
13.663).

Lorsque la caisse considère, à la suite d’une demande de prise en


charge d’une maladie professionnelle se référant à un tableau, que
la pathologie revendiquée ne relève pas du tableau invoqué, elle
e o
n’est pas tenue de saisir un CRRMP (Cass. 2 civ., 26 nov. 2020, n
e o
19-18.584 ; v. égal. Cass. 2 civ., 28 janv. 2021, n 19-22.958).

II. La reconnaissance d’une maladie professionnelle


en l’absence d’une ou plusieurs conditions dans le tableau

(CSS, art. L. 461-1, al. 3)


Pour éviter que le système de reconnaissance de la maladie professionnelle ne se
sclérose, une procédure de reconnaissance médicale individualisée a été
instituée : « si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la
durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies,
la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles
peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est
directement causée par le travail habituel de la victime ».

La caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie


après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des

705
maladies professionnelles (CSS, art. L. 461-1, al. 5). Ce comité peut
être saisi soit directement par la victime, soit par la caisse primaire
d’assurance maladie (CPAM) ou par la caisse de Mutualité sociale
agricole (MSA) et composé du médecin-conseil régional de la
sécurité sociale (ou d’un médecin-conseil qu’il désigne pour le
représenter), du médecin-inspecteur régional du travail (ou d’un
médecin inspecteur qu’il désigne pour le représenter) et d’un
praticien qualifié (CSS, art. L. 461-1, al. 5 et art. D. 461-27). Pour les
salariés du régime agricole, un médecin-conseil du régime agricole
se substitue au médecin conseil régional de la sécurité sociale dans
la composition du CRRMP.

En outre, selon les articles D. 461-29 et D. 461-30 du Code de la


sécurité sociale, la caisse saisit le CRRMP après avoir recueilli et
instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un
avis motivé du médecin du travail de l’entreprise où la victime a été
employée. Le CRRMP peut valablement exprimer l’avis servant à
fonder la décision de la caisse en cas d’impossibilité matérielle
d’obtenir cet élément, dont la justification incombe à la caisse (Cass.
e o
2 civ., 24 sept. 2020, n 19-17.553).

Jurisprudence
Une cour d’appel qui constate que l’avis rendu par un comité régional de
reconnaissance des maladies professionnelles, irrégulièrement constitué, est nul,
puis relève que le tribunal des affaires de sécurité sociale a saisi un second
comité, qui a statué en présence de l’intégralité de ses membres et a ainsi émis un
avis régulier, n’est pas tenue de faire recueillir par la caisse l’avis d’un autre
e o
comité. (Cass. 2 civ., 21 juin 2018, n 17-20.623).

706
III. La reconnaissance d’une maladie professionnelle
hors tableau

(CSS, art. L. 461-1)


Selon le quatrième alinéa de l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale,
« peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie
caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il
est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel
de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente
d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins
égal à un pourcentage déterminé ».

Ainsi, si la pathologie ne figure en aucun cas dans un tableau, il


existe deux cas permettant de demander la reconnaissance de son
caractère professionnel, notamment lorsqu’il s’agit d’une maladie
« gravement invalidante » :
si elle a entraîné une incapacité permanente d’un taux au moins
égal à 25 % ;
si elle a entraîné le décès du salarié et que ses ayants-droit
agissent en son nom.
En revanche, il a été retenu que si l’incapacité est permanente mais
que le taux de cette incapacité n’est pas au moins égal à 25 %, cette
e o
reconnaissance sera impossible (Cass. 2 civ., 18 nov. 2003, n 02-
30.326). Dans ce dernier cas de figure, la technique traditionnelle de
la responsabilité civile reprend ses droits. Pour faire valoir la maladie
professionnelle, le lien de causalité entre la pathologie et le travail
devra aussi être démontré.

e
En tout état de cause, le CRRMP doit être saisi (Cass. 2 civ., 5 avr.
o
2007, n 05-15.969). Les modalités spécifiques de traitement de ces
dossiers sont fixées par voie réglementaire (CSS, art. L. 461-1, in

707
e
fine ; pour la transmission des informations, V. Cass. 2 civ., 25 nov.
o
2021, n 20-15.574) et ont été rénovées par un décret du 23 avril
o
2019 (D. n 2019-356, 23 avr. 2019, préc.).

Cela étant, à l’occasion d’un contentieux, le caractère impératif de la


saisine du CRRMP est subordonné aux demandes de la victime.
Ainsi, « saisi d’une demande de reconnaissance de la faute
inexcusable de l’employeur, le juge est tenu de recueillir au préalable
l’avis d’un CRRMP, dès lors qu’il constate que la maladie déclarée,
prise en charge par la caisse sur le fondement d’un tableau de
maladie professionnelle, ne remplit pas les conditions de ce dernier
et que sont invoquées devant lui les dispositions » de l’article L. 461-
e o
1 du Code de la sécurité sociale (Cass. 2 civ., 9 mai 2019, n 18-
e o
11.468 ; Cass. 2 civ., 9 mai 2019, n 18-17-847). Au contraire, saisi
d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de
l’employeur, le juge n’est pas tenu de recueillir l’avis d’un CRRMP,
dès lors qu’il constate que la maladie déclarée, prise en charge par
la caisse sur le fondement d’un tableau de maladies
professionnelles, ne remplit pas les conditions de ce dernier et que
ne sont pas invoquées devant lui les dispositions de l’article L. 461-1
e o
du Code de la sécurité sociale (Cass. 2 civ., 9 mai 2019, n 18-
17.847).

À titre d’illustration, les pathologies psychiques (burn-out,


dépressions nerveuses, etc.) peuvent être reconnues comme
maladies d’origine professionnelle mais uniquement par le biais de
cette troisième procédure. Le taux d’incapacité permanente,
particulièrement contraignant, rend toutefois difficile cette
reconnaissance dans ces hypothèses.

708
POUR ALLER PLUS LOIN…
– Ph. COURSIER, Covid-19 : quelles conséquences en cas de
reconnaissance d’une maladie professionnelle ?, JCP S 2020,
3067
– E. JEANSEN, La rechute d’un risque professionnel, À propos du
o
décret n 2019-356 du 23 avril 2019, JCP S 2019, 1175
– M. KEIM-BAGOT, Faut-il élargir le champ des maladies
professionnelles ?, Dr. soc. 2017, pp. 929-934
– S. Le FISCHER, X. PRETOT, La procédure de reconnaissance
des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les
effets du décret du 29 juillet 2009, RJS 2017, pp. 800-807

709
o
Fiche n 62 Les accidents du travail,
accidents de trajet et maladies
professionnelles : réparation

L’ESSENTIEL

Du point de vue des prestations servies, différencier l’accident du


travail, l’accident de trajet et la maladie professionnelle ne présente
pas d’intérêt fondamental.

En revanche, s’agissant des modulations des prestations en


espèces, l’accident du travail et la maladie professionnelle sont des
qualifications à privilégier.

Le manquement à son obligation de sécurité peut emporter la


reconnaissance d’une faute inexcusable de la part de l’employeur,
qui entraîne une majoration des prestations en espèces.

Par ailleurs, la réparation des préjudices tend à devenir intégrale.

LES CONNAISSANCES

710
Selon l’article L. 431-1 du Code de la sécurité sociale, les victimes
d’accident du travail, de maladies professionnelles ainsi que les
accidentés de trajet profitent des mêmes prestations sociales,
lesquelles sont servies par les caisses d’assurance maladie.

o
En réaction à la crise sanitaire, un décret du 5 mai 2021 (D. n 2021-
554, 5 mai 2021) a adapté les règles de procédure et de réparation
applicables aux demandes de maladies professionnelles relatives à
une infection au SARS-CoV2.

Hormis les dispositions spécifiques relatives au salaire de base pour


le calcul des rentes, la nature et les conditions d’attribution des
prestations aux victimes d’une maladie professionnelle sont
identiques à celles prévues pour les victimes d’accident du travail.
Dans ce cadre, sont servies des prestations en nature (§ 1) et des
prestations en espèces (§ 2).

§1 Prestations en nature de l’AT/MP

I. Prise en charge des soins

Les prestations en nature sont diverses et variées.

711
(CSS, art. L. 431-1)
Selon l’article L. 431-1 du Code de la sécurité sociale, elles comprennent « la
couverture des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, des
frais liés à l’accident afférents aux produits et prestations inscrits sur la liste prévue
à l’article L. 165-1 [du Code de la sécurité sociale] et aux prothèses dentaires
inscrites sur la liste prévue à l’article L. 162-1-7 [du Code de la sécurité sociale],
des frais de transport de la victime à sa résidence habituelle ou à l’établissement
hospitalier et, d’une façon générale, la prise en charge des frais nécessités par le
traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le
reclassement de la victime. Ces prestations sont accordées qu’il y ait ou non
interruption de travail ».

Les articles L. 435-1 et L. 435-2 du Code de la sécurité sociale


ajoutent les frais funéraires et les frais de transport du corps.

La victime conserve le libre choix de son médecin, de son


pharmacien et, le cas échéant, des auxiliaires médicaux dont
l’intervention est prescrite par le médecin (CSS, art. L. 432-2).

La prise en charge des frais des soins est très étendue grâce à des
dispositifs divers.

De façon générale, l’assuré victime d’un accident du travail ne


supporte pas le ticket modérateur applicable pour la maladie. Les
prestations servies couvrent l’intégralité des frais engagés (CSS, art.
L. 431-1).

En outre, la prise en charge des frais de santé au titre de la


législation des accidents du travail repose sur le système du « tiers
payant ».

712
Par conséquent, l’assuré ne fait pas l’avance des frais, ceux-ci étant
réglés directement aux praticiens, auxiliaires médicaux,
pharmaciens, fournisseurs ou établissements hospitaliers par la
caisse d’assurance maladie à laquelle la victime est affiliée (CSS,
art. L. 432-1).

Cette gratuité des soins est assurée quelle que soit la condition de
durée d’affiliation de l’assuré au régime général.

Par ailleurs, les victimes d’accident du travail bénéficient de diverses


exonérations.
Premièrement, les victimes d’accident du travail ou de maladie
professionnelle sont exonérées à l’occasion d’une
hospitalisation en rapport avec cet accident, de la participation
forfaitaire de 18 euros normalement à la charge des assurés
sociaux pour les actes médicaux lourds (CSS, art. L. 160-13 et
R. 160-16).
Deuxièmement, sont aussi exonérés de la participation
forfaitaire du patient hospitalisé, les bénéficiaires de rentes
d’accident du travail et de maladie professionnelle, dont
l’incapacité est d’au moins deux tiers, ainsi que leurs ayants
droit (CSS, art. L. 160-13 et R. 160-16).
Malgré tout, des restrictions à la prise en charge des soins sont
prévues par le Code de la sécurité sociale.
Premièrement, l’article L. 432-3 du Code de la sécurité sociale
dispose également que les honoraires des praticiens et
auxiliaires médicaux, les médicaments, frais d’analyses,
d’examens de laboratoire, des produits et prestations inscrits
sur la liste prévue à l’article L. 165-1 du Code de la sécurité
sociale et des prothèses dentaires figurant sur la liste prévue à
l’article L. 162-1-7 de ce même code, sont remboursés. Ce

713
remboursement a lieu sur la base des tarifs applicables en
matière d’assurance maladie, tels qu’ils sont fixés par la
réglementation et les conventions liant les caisses aux
professionnels de santé.
Deuxièmement, la participation financière prévue à l’article
L. 160-13 du Code de la sécurité sociale en matière
d’assurance maladie – dont le montant est fixé à un euro (CSS,
er
art. R. 160-19) – s’applique également depuis le 1 janvier 2005
aux bénéficiaires de l’assurance accident du travail et maladie
professionnelle (CSS, art. L. 432-1).

II. Retour dans l’emploi

La victime a le droit de bénéficier d’un traitement spécial en vue de


sa réadaptation fonctionnelle (CSS, art. L. 432-6).

Tout d’abord, la réadaptation fonctionnelle est destinée à favoriser la


guérison ou la consolidation de la lésion, ou encore à atténuer
l’incapacité permanente. Elle s’effectue dans un établissement public
ou dans un établissement autorisé.

Ensuite, la rééducation professionnelle tend à permettre à la victime


d’un accident du travail de reprendre son ancien métier après une
nouvelle adaptation ou d’exercer un nouvel emploi correspondant à
ses aptitudes (CSS, art. L. 432-9). Cette rééducation de la personne
handicapée passe par la décision de la commission des droits et de
l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) (C. trav., art.
L. 5213-2).

Pendant la durée de la rééducation, la victime continue à percevoir


soit ses indemnités journalières, jusqu’à la consolidation, soit la

714
rente d’incapacité permanente si cette rééducation s’effectue après
consolidation et attribution d’une rente (CSS, art. L. 432-9).

Enfin, la victime d’un accident de travail bénéficie du reclassement


professionnel (CSS, art. L. 432-10) qui est purement facultatif (Cass.
e o
soc., 2 civ., 2 mars 2004, n 02-30.992). Il prend la forme d’une
prime de fin de rééducation (CSS, art. D. 432-1 et s.) demandée
dans le délai d’un mois à compter de la fin du stage de rééducation
professionnelle (CSS, art. D. 432-4).

§2 Prestations en espèce de l’AT/MP

I. Typologie des prestations de l’AT/MP

(CSS, art. L. 431-1)


Selon l’article L. 431-1 du Code de la sécurité sociale, trois catégories de
prestations sociales entrent dans la catégorie des prestations en espèce, à savoir :
– l’indemnité journalière due à la victime pendant la période d’incapacité
temporaire qui l’oblige à interrompre son travail ; lorsque la victime est pupille de
l’éducation surveillée, l’indemnité journalière n’est pas due aussi longtemps que la
victime le demeure ;
– les prestations autres que les rentes, dues en cas d’accident suivi de mort ;
– pour les victimes atteintes d’une incapacité permanente de travail, une indemnité
en capital lorsque le taux de l’incapacité est inférieur à un taux déterminé, une
rente au-delà et, en cas de mort, les rentes dues aux ayants droit de la victime.

La victime d’un accident du travail ne bénéficie des indemnités


journalières qu’à la condition d’être dans l’incapacité de reprendre
son travail (CSS, art. L. 433-1 et R. 433-1). Cette incapacité doit être
constatée par certificat médical, qui ne peut être valablement délivré,
aux termes du troisième de ces textes, qu’après examen de la

715
e
victime par le praticien auteur du certificat (Cass. 2 civ.,
o
14 févr. 2019, n 18-10.158).

Le paiement des indemnités journalières d’accident du travail


incombe à la caisse primaire d’assurance maladie à laquelle la
victime est affiliée (CSS, art. R. 431-2, al. 1).

Les prestations en espèce varient en fonction de la nature de


l’incapacité de travail, selon qu’elle est temporaire ou permanente.

S’agissant de l’incapacité temporaire de travail, une indemnité


journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du
premier jour qui suit l’arrêt du travail consécutif à l’accident sans
distinction entre les jours ouvrables et les dimanches et jours fériés,
pendant toute la période d’incapacité de travail qui précède soit la
guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès
ainsi que dans le cas de rechute ou d’aggravation prévu à l’article
L. 443-2 (CSS, art. L. 433-1, al. 2).

La journée de travail au cours de laquelle l’accident s’est produit,


quel que soit le mode de paiement du salaire, est intégralement à la
er
charge de l’employeur (CSS, art. L. 433-1, al. 1 ).

S’agissant de l’incapacité permanente de travail, la victime d’un


accident du travail qui garde une infirmité permanente a droit à une
indemnisation en fonction de son taux d’incapacité qu’il convient au
préalable de déterminer.
L’indemnité varie selon le taux d’incapacité retenu.

Si l’incapacité permanente est inférieure à 10 %, la victime a droit à


une indemnité en capital (CSS, art. L. 434-1 et R. 434-1). Le

716
montant de l’indemnité en capital est fonction du taux d’incapacité de
la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret. Il est
révisé lorsque le taux d’incapacité augmente tout en restant inférieur
à 10 %.

Lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à 10 %, la


victime a droit à une rente calculée d’après le salaire annuel
antérieur et le taux d’incapacité (CSS, art. L. 434-1 et L. 434-2).

L’incapacité permanente consécutive à un accident du travail ou à


une maladie professionnelle est appréciée à la date de consolidation
e o
de l’état de la victime (Cass. 2 civ., 15 mars 2018, n 17-15.400,
applicable également aux salariés agricoles : C. rur., art. L. 751-8).

En application des articles L. 434-2 et L. 452-2 du Code de la


sécurité sociale, la perte des droits à la retraite est réparée par la
rente servie au titre du livre IV du Code de la sécurité sociale (Cass.
o
soc., 3 mai 2018, n 14-20.214).

En cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime sont


susceptibles de bénéficier d’une rente (CSS, art. L. 434-7 à L. 434-
14).

En revanche, aucune action en réparation des accidents et maladies


mentionnés par le Livre IV du Code de la sécurité sociale, ne peut
être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses
ayants droit (CSS, art. L. 451-1). N’ont pas la qualité d’ayants droit
au sens de l’article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale l’épouse
et la fille de la victime blessée dans un accident du travail, pour
lesquelles les articles L. 434-7 et suivants ne prévoient pas le
versement d’une prestation ; elles ne bénéficient à ce titre d’aucune

717
e o
indemnisation du chef de cet accident (Cass. 2 civ., 23 mai 2019, n
18-17.033). Par conséquent, ces victimes par ricochet peuvent saisir
la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) afin
d’obtenir réparation de leurs préjudices auprès du Fonds de garantie
des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

II. Modulation des prestations en espèce de l’AT/MP

Les prestations en espèce sont modulées dans l’hypothèse où une


faute peut être retenue à l’encontre de l’employeur ou de l’assuré.

A La faute de l’employeur
Sur la faute, celle-ci peut être soit intentionnelle, soit inexcusable.

La faute intentionnelle, de l’employeur ou de l’un de ses préposés,


suppose un acte volontaire accompli avec l’intention de causer des
lésions corporelles et ne résulte pas d’une simple imprudence si
o
grave soit-elle (Cass. soc., 13 janv. 1966, Bull. civ. 1966, IV, n 63 ;
o
Cass. soc., 20 avr. 1988, n 86-15.690). Constituent une faute
intentionnelle :
la violence volontaire exercée par un salarié sur un de ses
camarades au moment de la pause alors qu’il n’a pas cessé de
se trouver sous la surveillance de l’employeur (Cass. crim., 21
o
janv. 1958, Bull. crim. 1958, n 75) ;
le jet par un ouvrier d’un objet sur un camarade avec l’intention
de le blesser, même si le salarié touché n’est pas celui visé, le
o
premier s’étant esquivé (Cass. soc., 26 janv. 1972, n 71-
o
11.385, Bull. civ., V, n 66).
Au contraire, ne constituent pas une faute intentionnelle la
maladresse involontaire commise par un salarié qui a blessé un de

718
ses collègues en renvoyant, dans sa direction, une boulette en
plastique que celui-ci, par jeu, lui avait précédemment lancée (Cass.
o
soc., 24 juill. 1974, n 73-12.185).

En ce cas, la victime ou ses ayants droit peuvent demander la


réparation du préjudice, qui n’est pas réparé par la législation sur les
accidents du travail, conformément aux règles de droit commun, à
l’employeur qui a personnellement commis une faute intentionnelle
ou au co-préposé coupable de faute intentionnelle (CSS, art. L. 452-
er
5, al. 1 ).

Parfois, le caractère intentionnel de la faute est le seul moyen


d’ouvrir un recours. Ainsi, sauf si la faute de l’employeur est
intentionnelle, le tiers étranger à l’entreprise, qui a indemnisé la
victime d’un accident du travail pour tout ou partie de son dommage,
e
n’a pas de recours contre l’employeur de la victime (Cass. 2 civ.,
o
29 nov. 2018, n 17-17.747).

La faute peut également recevoir la qualification de « faute


inexcusable ». Précédemment, dans vingt-neuf arrêts du 28 février
2002 rendus à propos de l’amiante, une nouvelle définition de la
faute inexcusable de l’employeur était donnée. Il y était jugé qu’en
vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu
envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment
en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce
salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise.
Cette définition, retenue en matière de maladies professionnelles, a

719
été étendue en matière d’accident du travail (Cass. soc., 11 avr.
o o
2002, n 00-16.535 ; Cass. soc., 23 mai 2002, n 00-14.125 ; Cass.
o o
soc., 26 nov. 2002, n 00-19.347 et n 00-19.480). Dès lors, le
manquement à cette obligation a le caractère d’une faute
inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité
sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du
danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les
mesures nécessaires pour l’en préserver (Cass. soc., 28 févr. 2002,
o o
n 00-11.793 et n 99-18.390).

Depuis, l’obligation de sécurité a été redéfinie et a perdu son


fondement contractuel et s’est découvert un fondement légal.
Désormais, il est jugé que « le manquement à l’obligation légale de
sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu
envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque
l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel
était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures
nécessaires pour l’en préserver ». Il peut s’agir de la conscience du
risque d’agression physique d’un salarié à bord de l’autobus qu’il
e o
conduisait (Cass. 2 civ., 8 oct. 2020, n 18-25.021) ou encore de
l’inefficacité des mesures de protection mises en œuvre par
e o
l’employeur (Cass. 2 civ., 8 oct. 2020, n 18-26.677).

Par ailleurs, dans plusieurs hypothèses, la faute inexcusable est


présumée. Tel est le cas :
« pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée
déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en
entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie
professionnelle alors qu’affectés à des postes de travail
présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur

720
sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité
renforcée prévue par l’article L. 4154-2 » du Code du travail
(C. trav., art. L. 4154-3) ; cette présomption est une présomption
e o
simple (Cass. 2 civ., 18 oct. 2005, n 03-30.162) ; cependant,
elle ne peut être renversée que par la preuve que l’entreprise
utilisatrice a dispensé au salarié d’une entreprise de travail
e
temporaire la formation renforcée à la sécurité (Cass. 2 civ.,
o
11 oct. 2018, n 17-23.694) ;
lorsque le risque est signalé à l’employeur (C. trav., art. L. 4131-
4) ;
ou encore par application de l’autorité de la chose jugée au
e o
pénal sur le civil (Cass. 2 civ., 11 oct. 2018, n 17-18.712).
La faute inexcusable emporte majoration de la rente et la faculté
d’obtenir la réparation des préjudices non couverts par le Livre IV du
Code de la sécurité sociale. Ne sont pas couverts, en cas de faute
inexcusable ou intentionnelle, les salariés expatriés ayant souscrit
une assurance volontaire auprès de la Caisse des Français de
e o
l’étranger (Cass. 2 civ., 16 juill. 2020, n 18-24.942).

Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou


de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses
ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire (CSS, art.
L. 452-1). Dès lors, la demande en reconnaissance de la faute
inexcusable est formée par la victime d’un accident du travail, d’une
maladie professionnelle ou d’une rechute, ou par ses ayants droit, à
l’encontre de l’employeur. Les moyens de défense développés par
l’employeur sont limités. Si l’employeur peut soutenir, en défense à
cette action, que l’accident, la maladie ou la rechute n’a pas d’origine
professionnelle, il n’est pas recevable à contester, aux fins
d’inopposabilité, la prise en charge par la caisse, au titre de la

721
législation sur les risques professionnels, d’une nouvelle lésion, ni
e
celle des soins et arrêts de travail prescrits à la victime (Cass. 2
o e o
civ., 9 juill. 2020, n 18-26.782 ; Cass. 2 civ., 26 nov. 2020, n 19-
18.244).

La victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des


indemnités qui leur sont dues en vertu du livre IV (CSS, art. L. 452-2,
er
al. 1 ). Cette majoration est calculée sur la base du salaire
e o
effectivement perçu par la victime (Cass. 2 civ., 13 févr. 2020, n
19-11.868).

Lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le


montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite
indemnité (CSS, art. L. 452-2, al. 2).

Jurisprudence
Toutefois, « la majoration de la rente prévue lorsque l’accident du travail est dû
à la faute inexcusable de l’employeur, au sens de l’article L.452-1 du Code de la
sécurité sociale, ne peut être réduite en fonction de la gravité de cette faute, mais
seulement lorsque le salarié victime a lui-même commis une faute inexcusable »
e o
(Cass. 2 civ., 27 janv. 2004, n 02-30.693).

La caisse est fondée, en application de l’article L. 452-2 du Code de


la sécurité sociale, à récupérer auprès de l’employeur le montant de
la majoration de la rente d’accident du travail attribuée à la victime
en raison de la faute inexcusable de l’employeur. Cependant, son
action ne peut s’exercer que dans les limites tenant à l’application du

722
taux notifié à celui-ci conformément à l’article R. 434-32 du Code de
e o
la sécurité sociale (Cass. 2 civ., 17 mars 2022, n 20-19.131).

En cas d’indu, la caisse peut obtenir le remboursement du trop-


e
perçu, y compris en cas d’erreur de calcul (Cass. 2 civ., 28 mai
o
2020, n 19-11.815). Cependant, commet une faute la caisse qui a
suspendu sans avertissement préalable le versement à la victime de
la rente d’accident du travail, sans en rétablir immédiatement le
paiement après le recours formé par celle-ci auprès de la
commission de recours amiable. En pareille situation cette retenue
intempestive de la totalité de la rente de la victime lui cause un
préjudice moral (Ibid.).

Cela étant, la caisse dispose de la faculté de procéder à une remise


gracieuse d’une dette née de l’application de la législation de
sécurité sociale, notamment « en cas de précarité de la situation du
débiteur par décision motivée par la caisse, sauf en cas de
manœuvre frauduleuse ou de fausses déclarations » (CSS, art. L.
256-4).

Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de


l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur
devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice
causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées,
de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du
préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités
de promotion professionnelle.

Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de


100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au

723
montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de
consolidation.

De même, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la


victime – soit ceux mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants du
Code de la sécurité sociale – ainsi que les ascendants et
descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles,
peuvent demander à l’employeur réparation du préjudice moral
devant la juridiction précitée (CSS, art. L. 452-3, al. 2).

Jurisprudence
Dans sa décision du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré, sous la
réserve énoncée au considérant 18, les dispositions de l’article L. 452-3 du Code
de la sécurité sociale conformes à la Constitution (Cons. const., 18 juin 2010,
o
n 2010-8 QPC) : « en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les
dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte
disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces
mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à
l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV
du Code de la sécurité sociale ».

Par exemple, la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles


ne fait pas obstacle à l’attribution de dommages-intérêts au salarié en réparation
du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont il a été victime
antérieurement à la prise en charge de son accident du travail par la sécurité
sociale. L’indemnisation du harcèlement moral subi au cours de la relation
contractuelle est alors réclamée devant la juridiction prud’homale (Cass. soc.,
o o
4 sept. 2019, n 18-17.329 et n 18-17.638).

Concrètement, la liste fixée par l’article L. 452-3 du Code de la


sécurité sociale n’est pas limitative, la victime et/ou ses ayants droit

724
pouvant réclamer réparation de tout préjudice démontrable.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux


bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de
l’employeur (CSS, art. L. 452-3, al. 3). Toutes les sommes sont
récupérables auprès de l’employeur : « la majoration de rente
allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur est
payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès
de l’employeur dans les mêmes conditions et en même temps que
les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices »
e o
(Cass. 2 civ., 9 mai 2019, n 18-14.515). Cependant, lorsque des
décisions judiciaires passées en force de chose jugée, qui
constituent des titres exécutoires, ouvrent droit à la restitution des
sommes excédentaires versées par l’employeur, ce dernier peut en
e
poursuivre le recouvrement forcé à l’encontre de la caisse (Cass. 2
o
civ., 20 juin 2019, n 18-18.595).

Le contentieux est organisé par l’article L. 452-4 du Code de la


sécurité sociale. À défaut d’accord amiable entre la caisse et la
victime ou ses ayants droit d’une part, et l’employeur d’autre part,
sur l’existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi
que sur le montant de la majoration et des indemnités, il appartient à
la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime
ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d’assurance maladie,
d’en décider. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce qu’un tiers,
s’il y a intérêt, intervienne à l’instance en reconnaissance de la faute
inexcusable de l’employeur, ou y soit attrait, aux conditions prévues
e
par les articles 330 et 331 du Code de procédure civile (Cass. 2
o
civ., 24 ujin 2021, n 20-12.387). De même, si la lésion dont est
atteint l’assuré social est imputable à une personne autre que

725
l’employeur ou ses préposés, la victime d’un accident du travail ou
ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de
demander la réparation du préjudice causé, conformément aux
règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas
réparé par application du livre IV du Code de la sécurité sociale
e o
(Cass. 2 civ., 14 oct. 2021, n 20-10.572).

Enfin, conformément à l’article L. 432-1 du Code de la sécurité


sociale, l’action en reconnaissance de la faute inexcusable se
prescrit par deux ans.

Le délai de prescription de l’action du salarié pour faute inexcusable


de l’employeur ne peut commencer à courir qu’à compter de la
reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la
e o e
maladie (Cass. 2 civ., 3 avr. 2003, n 01-20.872 ; Cass. 2 civ.,
o e o
20 sept. 2005, n 04-30.055 ; Cass. 2 civ., 14 mars 2007 n 05-
21.304).
Est irrecevable comme prescrite l’action en reconnaissance de la
faute inexcusable de l’employeur dès lors, d’une part, que la victime,
informée par un certificat médical de l’origine professionnelle de sa
maladie, n’a saisi la juridiction de sécurité sociale que plus de 2 ans
e o
après cette information (Cass. 2 civ., 4 avr. 2018, n 17-11.489).

Toutefois, en cas d’accident susceptible d’entraîner la


reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ou de ceux
qu’il s’est substitués dans la direction, la prescription de deux ans
est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les
mêmes faits ou de l’action en reconnaissance du caractère
professionnel de l’accident (CSS, art. L. 432-1, in fine).

726
En outre, une évolution de la jurisprudence ne constitue pas une
impossibilité d’agir suspendant l’écoulement du délai de prescription
e o
(Cass. 2 civ., 4 avr. 2018, n 17-11.489).

Enfin, il arrive qu’un tiers ait commis une faute qui a concouru à la
réalisation du dommage subi par un salarié, victime d’un accident du
travail dû à une faute inexcusable de son employeur. En ce cas, un
recours en garantie peut être exercé à son encontre devant la
juridiction de droit commun par l’employeur ou l’assureur de ce
dernier. Ce tiers est à invoquer la prescription de l’action en
reconnaissance de la faute inexcusable établie à l’issue d’une
e o
instance à laquelle il était partie (Cass. 2 civ., 24 juin 2021, n 20-
12.387).

B La faute de la victime
La victime peut, elle aussi, commettre une faute intentionnelle ou
inexcusable.

Qu’en est-il de la faute intentionnelle du salarié ? Constitue une


faute intentionnelle excluant la prise en charge de l’accident au titre
des accidents du travail, la dégradation volontaire du mobilier de
l’employeur à l’occasion de laquelle le salarié s’est blessé (Cass.
o
soc., 5 janv. 1995, n 93-14.793). Au contraire, ne constitue pas une
o
faute intentionnelle le suicide (Cass. soc., 20 avr. 1988, n 85-
15.690 ; V. toutefois, Cass. soc., 16 déc. 1968, Bull. civ. 1968, V,
o
n 596).

Les conséquences sont dures car l’accident résultant de la faute


intentionnelle de la victime ne donne lieu à aucune prestation ou

727
indemnité. La victime peut éventuellement prétendre à la prise en
er
charge de ses frais de santé (CSS, art. L. 453-1, al. 1 ). Les
conséquences sont similaires lorsque l’accident a été causé
intentionnellement par un des ayants droit de la victime mentionnés
aux articles L. 434-7 et suivants du Code de la sécurité sociale.
L’ayant droit auteur est alors déchu de tous ses droits. Ces droits
sont transférés sur la tête des enfants et descendants mentionnés à
l’article L. 434-10, ou, à défaut, sur la tête des autres ayants droit
(CSS, art. L. 453-1, al. 3).

Qu’en est-il de la faute inexcusable du salarié ? Présente le


caractère de faute inexcusable « la faute volontaire du salarié, d’une
exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un
e
danger dont il aurait dû avoir conscience » (Cass. 2 civ., 27 janv.
o
2004, n 02-30.693).

Lors de la fixation de la rente, le conseil d’administration de la caisse


ou le comité ayant reçu délégation à cet effet peut, s’il estime que
l’accident est dû à une faute inexcusable de la victime, diminuer la
rente, sauf recours du bénéficiaire devant la juridiction compétente
(CSS, art. L. 453-1, al. 2).
Il résulte de l’article L. 411-2 du Code de la sécurité sociale que c’est
à la victime ou à ses ayants droit qu’il appartient de rapporter la
preuve que l’ensemble des conditions légales prévues à cet article
sont remplies à moins que l’enquête ne permette à la caisse de
disposer sur ce point de présomptions suffisantes.

Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et


indemnités se prescrivent par deux ans (CSS, art. L. 431-2).

728
Cette prescription biennale concerne toutes les actions susceptibles
d’être exercées à l’encontre d’une caisse, à l’effet d’obtenir un
avantage prévu par la législation d’assurance accident du travail et
e o
maladie professionnelle (Cass. 2 civ., 26 nov. 2015, n 14-23.220).

L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur


interrompt la prescription à l’égard de toute autre action procédant
du même fait dommageable (CSS, art. L. 431-2 ; C. civ., art. 2241).
Tel est le cas lorsque deux actions en reconnaissance de faute
inexcusable procédant du même fait dommageable, sont engagées
e o
successivement par la victime (Cass. 2 civ., 19 déc. 2019, n 18-
25.333).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– R. BOUVET, V. DESRIAUX, Les préjudices indemnisables dans le
o er
cadre de la faute inexcusable de l’employeur, JCP S n 17, 1 mai
2018, 1143
– Ph. COURSIER, Covid-19 : quelles conséquences en cas de
reconnaissance d’une maladie professionnelle ?, JCP S 2020,
3067
– M. MICHALLETZ, Le burn-out doit-il être inscrit dans un tableau de
maladies professionnelles ?, JCP S 2016, pp. 14-19
– P. SARGOS, La saga triséculaire de la faute inexcusable, D. 2011,
pp. 768-772
– Th. TAURAN, La prise en charge des « syndromes » au titre du
livre IV du Code de la sécurité sociale, JCP S 2018, 1324

729
TITRE 3
LE CONTENTIEUX

o
Fiche n 63 Le contentieux de la sécurité sociale
o
Fiche n 64 Le contentieux URSSAF
o
Fiche n 65 Le contrôle des arrêts de travail

730
o
Fiche n 63 Le contentieux de la sécurité
sociale

L’ESSENTIEL

Le droit de sécurité sociale prévoit des procédures d’évitement de la


phase juridictionnelle du contentieux de la sécurité sociale en ayant
recours à des méthodes telles que la conciliation, la médiation et la
transaction.

Le contentieux de la sécurité sociale a été profondément réformé par


e o
la loi « XXI siècle » n 2016-1547 du 18 novembre 2016 et
o
l’ordonnance n 2018-358 du 16 mai 2018 relative au traitement
juridictionnel du contentieux de la sécurité sociale. Ces dispositions
sont complétées par différents décrets organisant la procédure,
fixant les compétences et désignant les juridictions habilitées. Pour
o o
l’essentiel, ils ont été adoptés en 2019 (D. n 2019-913 et n 2019-
o
914, 30 août 2019) et en 2021 (D. n 2021-1103, 20 août 2021 ; D.
o o
n 2021-1821 et n 2021-1822, 27 déc. 2021).

Entraînant le regroupement du contentieux, précédemment dévolu


aux tribunaux des affaires de sécurité sociale et aux tribunaux du

731
contentieux de l’incapacité, leur compétence a été transférée à une
unique juridiction qui est le fruit de la fusion du tribunal de grande
instance et du tribunal d’instance. Cette juridiction est le tribunal
judiciaire. Concernant spécialement les litiges de sécurité sociale,
le contentieux est confié à un « pôle social », au sein du tribunal
er
judiciaire depuis le 1 janvier 2019.

Les modifications ainsi apportées au champ de compétence des


juridictions ne bouleversent toutefois pas tous les fondements de la
procédure spécifique mise en œuvre en matière de contentieux de la
sécurité sociale : la demande nécessite toujours un passage
préalable devant une commission de recours amiable. Le Code de la
sécurité sociale est, en outre, plus détaillée sur le champ de
compétence du pôle social du tribunal judiciaire.

LES CONNAISSANCES

732
o
La Loi n 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du
e
XXI siècle (JO 19 nov. 2016) réforme le contentieux social et fusionne
consécutivement les tribunaux des affaires de la sécurité sociale (TASS) et les
tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) au sein d’un pôle social des
er
tribunaux de grande instance (TGI). Par ailleurs, à compter du 1 janvier 2020,
les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance sont fusionnés au
o
sein d’un unique tribunal judiciaire (L. n 2019-222, 23 mars 2019 de
programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice).

Concrètement, les juridictions spécialisées de sécurité sociale (TASS et TCI) sont


supprimées au profit dupôle social au sein d’un tribunal judiciaire spécialement
désigné pour traiter du contentieux de la sécurité sociale. De même, la Cour
nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du
travail (CNITAAT) disparaît au profit de cours d’appel elles-mêmes spécialement
désignées. Toutefois, devant l’ampleur de la réforme, la compétence de la
o
CNITAAT a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2022 (D. n 2020-155, 24 févr.
2020).

La recherche d’un arrangement à l’amiable demeure au cœur du


contentieux de la sécurité sociale dans le but d’opérer un évitement
du contentieux (§ 1). Avant saisine de la juridiction compétente pour
trancher le litige, il est nécessaire en principe de saisir la
commission de recours amiable (CRA). Dans une optique similaire,
se sont mises en place progressivement des procédures d’évitement
du contentieux. Ces dernières restent facultatives. À défaut de
pouvoir être écarté, le contentieux doit être tranché (§ 2).

§1 Évitement du contentieux de la sécurité sociale

I. Conciliation

733
Les réclamations concernant les relations d’un organisme local
d’assurance maladie avec ses usagers sont reçues par une
personne désignée par le directeur après avis du conseil au sein de
cet organisme afin d’exercer la fonction de conciliateur pour le
compte de celui-ci.

Son intervention ne peut pas être demandée si une procédure a été


engagée devant une juridiction compétente par l’usager la sollicitant.
L’engagement d’une telle procédure met fin à la conciliation (CSS,
er o
art. L. 162-15-4, al. 1 ; V. également Circ. n DSS/SD4/2005/255
du 27 mai 2005 relative à la mise en place des conciliateurs dans les
caisses d’assurance maladie).

Un conciliateur commun à plusieurs organismes locaux d’assurance


maladie peut être désigné conjointement par les directeurs des
organismes concernés après avis de leurs conseils respectifs (CSS,
art. L. 162-15-4, al. 2).

II. Médiation
o
Par une loi du 10 août 2018 (L. n 2018-727 du 10 août 2018, JO
o
n 184, 11 août 2018), le législateur a donné une place importante à
la médiation afin d’éviter l’engorgement du contentieux de la sécurité
sociale.

Il est à noter que dans certaines hypothèses, le recours à la


médiation est un préalable obligatoire à la saisine du juge
administratif (CJA, art. L. 213-11 et s.). Depuis l’adoption de la loi
o
Dupond-Moretti du 22 décembre 2021 (L. n 2021-1729,
22 déc. 2021, art. 27), complétée par un décret du 25 mars 2022 (D.

734
o
n 2022-433, 25 mars 2022), certains recours formés contre les
décisions individuelles qui concernent la situation de personnes
physiques sont, à peine d’irrecevabilité, précédés d’une tentative de
médiation. Y sont soumis les recours contentieux formés contre les
décisions individuelles suivantes prises par Pôle emploi et relevant
du champ de compétence du juge administratif (C. trav., art. R.
5312-47).

Au plan national, tout d’abord, un médiateur national est désigné,


pour chacune des caisses nationales, par le directeur de la caisse
nationale, après consultation du président du conseil ou du conseil
d’administration. Le médiateur national évalue la médiation dans
l’ensemble de la branche concernée, notamment par la réalisation
d’un rapport annuel. Ce rapport formule des recommandations pour
améliorer le traitement des réclamations et propose, le cas échéant,
des modifications de la réglementation. Le rapport est présenté au
conseil ou au conseil d’administration de la caisse nationale et
transmis au Défenseur des droits (CSS, art. L. 217-7-1 III).

Au plan local, ensuite, est instituée une procédure de médiation


définie dans son fonctionnement à l’article L. 217-7-1 du Code de la
sécurité sociale. Ladite procédure est détaillée à l’article D. 217-7-1
du Code de la sécurité sociale. Il sera précisé qu’un dispositif
similaire existe déjà pour les travailleurs indépendants. Les
réclamations, formulées par les travailleurs indépendants, qui
concernent leurs relations avec l’un des organismes mentionnés aux
articles L. 211-1, L. 213-1, L. 215-1, L. 216-4 et L. 752-4 et qui
portent sur leurs cotisations ou contributions de sécurité sociale ou
le service de leurs prestations peuvent être présentées, sans
préjudice des voies de recours existantes, au médiateur régional de

735
la protection sociale des travailleurs indépendants (CSS, art. R. 612-
9).

Sur le champ d’application de cette procédure, il vise les


réclamations concernant les relations entre un organisme de
sécurité sociale et ses usagers. Ces réclamations peuvent être
présentées, sans préjudice des voies de recours existantes, devant
le médiateur de l’organisme concerné (CSS, art. L. 217-7-1, I).

Le domaine de la médiation est vaste puisque, spécialement, la


réclamation peut concerner le montant des cotisations dues par les
travailleurs indépendants non agricoles (CSS, art. L. 217-7-1, V et
L. 131-6).

o
Pour cette hypothèse, aux termes de l’article 34 II de la loi n 2018-727 du
10 août 2018, cette faculté est repoussée dans le temps et n’entrera en vigueur
er
que le 1 janvier 2020.

Sur la procédure elle-même et sa mise en œuvre, elle requiert un


préalable impératif : Toute réclamation ne peut être traitée par le
médiateur que si elle a été précédée d’une démarche du demandeur
auprès des services concernés de l’organisme et si aucun recours
contentieux n’a été formé. L’engagement d’un recours contentieux
met fin à la médiation (CSS, art. L. 217-7-1, II).

Quant au médiateur, il est désigné par le directeur de l’organisme


(CSS, art. L. 217-7-1, I). Peut être désignée par le directeur de
l’organisme en qualité de médiateur toute personne qui justifie d’une
formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation

736
et qui possède, par l’exercice présent ou passé d’une activité, une
qualification en droit suffisante eu égard à la nature des affaires à
connaître, et en particulier en droit de la sécurité sociale (CSS, art.
D. 217-7-1, II).

Le médiateur est rattaché fonctionnellement à la direction de


l’organisme et dispose des moyens nécessaires à l’exécution de ses
missions mis à disposition par celle-ci.

Lorsqu’il exerce son activité à titre bénévole le médiateur perçoit une


indemnité forfaitaire représentative de frais dans les mêmes
conditions que celles applicable aux administrateurs des conseils et
conseils d’administration des organismes (CSS, art. D. 217-7-1, I).

Le médiateur exerce ses fonctions en toute impartialité (CSS, art.


L. 217-7-1, I). Par conséquent, le médiateur ne peut recevoir aucune
instruction quant au traitement d’une réclamation qui lui est soumise.
Pour ce faire, le médiateur doit également se montrer diligent et
veille à prévenir toute situation de conflit d’intérêts. Par exemple, le
médiateur déclare, s’il y a lieu, qu’il a un lien direct ou indirect,
notamment d’ordre familial, professionnel ou financier, avec la
personne dont la réclamation est examinée. Lorsque tel est le cas, la
réclamation est traitée par le médiateur d’un autre organisme (CSS,
art. D. 217-7-1, IV).

Le médiateur agit également dans le respect de la confidentialité des


informations dont il a à connaître. En ce sens, la médiation est
soumise au principe de confidentialité.

737
(CSS, art. D. 217-7-1, III)
« Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la
médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le
cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties. »

Deux hypothèses excluent le principe de confidentialité :


en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs
liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à
l’intégrité physique ou psychologique de la personne ;
ou lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du
contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour
son exécution (CSS, art. D. 217-7-1, III).
Dans le cadre de ses fonctions, le médiateur formule auprès du
directeur ou des services de l’organisme des recommandations pour
le traitement de ces réclamations, dans le respect des dispositions
législatives et réglementaires en vigueur (CSS, art. L. 217-7-1, I).

Il est à noter que, pour éviter des doublons, le conciliateur


mentionné à l’article L. 162-15-4 du Code de la sécurité sociale
(V. supra) exerce les attributions du médiateur et exerce en cette
qualité selon les contraintes prévues par l’article L. 217-7-1 du Code
de la sécurité sociale (CSS, art. L. 217-7-1, III).

Enfin, il convient de veiller aux conséquences de l’engagement de la


procédure de médiation sur la procédure contentieuse entreprise le
cas échéant en cas d’échec de la médiation. Effectivement,
l’engagement de la procédure de médiation suspend, à compter de
la notification portant sur la recevabilité de la réclamation soumise
au médiateur et jusqu’à ce que celui-ci ait communiqué ses

738
recommandations aux deux parties, les délais de recours prévus
pour ces réclamations (CSS, art. L. 217-7-1, II).

III. Transaction

Le Code de la sécurité sociale prévoit la faculté de conclure une


transaction entre le directeur de l’URSSAF et le cotisant (CSS, art.
L. 243-6-5).

Le dispositif transactionnel établi par le Code de la sécurité sociale


est un aménagement du contrat de transaction prévu aux
articles 2044 et suivants du Code civil. À cet égard, la transaction
conclue entre un employeur et le directeur d’un organisme de
recouvrement en application de l’article 2044 du Code civil et de
l’article L. 243-6-5 du Code de la sécurité sociale termine une
contestation née, à la condition que les créances concernées aient
fait l’objet d’une contestation dans les délais de recours fixés par les
dispositions du Code de la sécurité sociale et n’aient pas fait l’objet
d’une décision de justice définitive, ou prévient une contestation à
naître.

Elle comporte des concessions réciproques de la part de chaque


partie (CSS, art. R. 243-45-1, I).

Le champ de la transaction est limité. Elle ne porte que sur :


le montant des majorations de retard et les pénalités,
notamment celles appliquées en cas de production tardive ou
inexactitude des déclarations obligatoires relatives aux
cotisations et contributions sociales ;
l’évaluation d’éléments d’assiette des cotisations ou
contributions dues relative aux avantages en nature, aux

739
avantages en argent et aux frais professionnels, lorsque cette
évaluation présente une difficulté particulière ;
et, enfin, les montants des redressements calculés en
application soit de méthodes d’évaluation par extrapolation, soit
d’une fixation forfaitaire du fait de l’insuffisance ou du caractère
inexploitable des documents administratifs et comptables (CSS,
art. L. 243-6-5, II).
Par contre, la transaction est exclue dans deux hypothèses,
notamment en cas de travail dissimulé (C. trav., art. L. 8221-3 et
L. 8221-5), ou lorsque le cotisant a mis en œuvre des manœuvres
dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle (CSS, art.
L. 243-6-5, I).

Des conditions supplémentaires sont posées par les dispositions


réglementaires énoncées à l’article R. 243-45-1 du Code de la
sécurité sociale.

Quant au fond, la transaction porte sur des sommes non prescrites


(CSS, art. R. 243-45-1, I). En outre, la demande de transaction n’est
recevable que si l’employeur est à jour de ses obligations
déclaratives et de paiement à l’égard de l’organisme de
recouvrement dont il dépend, à l’exception de l’objet de la demande.
La condition est réputée remplie dès lors que le cotisant a souscrit et
respecte, à la date de la demande, un plan d’apurement (CSS, art.
R. 243-45-1, II).

Quant à la forme, la demande de transaction doit être formulée par


écrit, être motivée et comporter un certain nombre de mentions
(CSS, art. R. 243-45-1, II). Un arrêté en date du 8 octobre 2020 fixe
le modèle de protocole transactionnel entre un cotisant et un
organisme de recouvrement (A. 8 oct. 2020 : JO, 20 oct.).

740
Surtout, d’un point de vue temporel, la demande de transaction n’est
recevable qu’après réception de la mise en demeure de payer les
sommes réclamées à l’employeur.

Dans le meilleur des cas, une transaction est conclue entre le


directeur de l’URSSAF et le cotisant.

(CSS, art. L. 243-6-5, IV, al. 3)


En ce cas, « lorsqu’une transaction est devenue définitive après accomplissement
des obligations qu’elle prévoit et approbation [de l’autorité de recouvrement
compétente], aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou
reprise pour remettre en cause l’objet de la transaction ».
Au contraire, l’échange en vue d’une transaction peut ne pas aboutir.
(CSS, art. R. 243-45-1, VI, al. 2)
Quelle qu’en soit la raison, l’organisme de recouvrement récupère ses
compétences. Par conséquent, « à défaut de conclusion d’une transaction ou
lorsque la transaction est devenue caduque, la procédure de recouvrement des
sommes notifiées dans la mise en demeure est alors engagée ou poursuivie selon
les règles, garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations et
contributions de sécurité sociale ».
(CSS, art. R. 243-45-1, VII)
Enfin, pour ménager l’effet relatif de la transaction, il est prévu expressément que
« la transaction signée n’emporte pas d’effet sur l’interprétation en droit
concernant les motifs mentionnés dans la lettre d’observations ».

§2 Déroulement du contentieux de la sécurité sociale

Dans l’attente de la création du pôle social, chaque juridiction


disposait de son propre champ de compétence matérielle. Si la
réforme entraîne la suppression des TASS, TCI et de la CNITAAT,
elle emporte surtout dévolution des contentieux aux TGI
spécialement désignés et la création d’un « pôle social pour chacun

741
d’eux ». La réforme ne supprime pas le recours préalable obligatoire
devant la CRA mais le remanie en profondeur.

I. Recours préalable obligatoire

Sous l’impulsion de la loi « J XXI », le préliminaire avant toute


saisine de la juridiction compétente est réorganisé dans le sens de la
clarté.

Auparavant, préalablement à la saisine du TASS, toute réclamation


contre une décision relevant du contentieux général, prise par un
organisme de sécurité sociale, devait être portée devant la
commission de recours amiable (CSS, art. L. 142-2 ancien ; Cass.
e o e
2 civ., 20 juin 1958, n 2929, Bull. civ. II, p. 302 ; Cass. 2 civ.,
o
16 nov. 2004, n 03-30.426).

o
Procédure auparavant gratuite (Cass. soc., 30 oct. 1962, n 61-
12.673, Bull. civ. IV, p. 642) et gracieuse prévue aux anciens articles
R. 142-1 à R. 142-6 du Code de la sécurité sociale, la saisine
préalable de la commission de recours amiable (CRA) était un
passage obligé pour accéder à la juridiction appelée à trancher le
litige.

Depuis la refonte opérée par la loi « J XXI », le recours préalable


obligatoire est réglementé par les articles L. 142-4 et suivants du
Code de la sécurité sociale ainsi que par les articles R. 1241 et
suivants du même code. Ces dispositions prévoient plusieurs types
de procédures en fonction du contentieux en cause.

Premièrement, il est prévu que les recours contentieux formés dans


les matières mentionnées aux articles L. 142-1 et L. 142-3 du Code

742
de la sécurité sociale sont précédés d’un recours administratif
préalable (CSS, art. L. 142-4).

Est ainsi soumises à ce préalable l’ensemble du contentieux général


de la sécurité sociale (V. infra). Les réclamations relevant de l’article
L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de
sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de
non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable
composée et constituée au sein du conseil d’administration de
er
chaque organisme (CSS, art. R. 142-1, al. 1 ). Concrètement, doit
être saisie la CRA présente auprès de chaque organisme de
sécurité sociale et qui constitue l’émanation du conseil
d’administration de cet organisme.

Par exception, certaines procédures ne nécessitent pas de satisfaire


à ce préliminaire. En ce sens, l’article R. 142-7 du Code de la
sécurité sociale exclut la saisine de la CRA notamment pour les
contestations relatives à la prise en charge du coût des accidents du
travail et des maladies professionnelles des intérimaires, à
l’application des remises de majoration dans le cadre d’une
procédure de recouvrement.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à


compter de la notification de la décision contre laquelle les
intéressés entendent former une réclamation (CSS, art. R. 142-1, al.
2).

La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette


notification porte mention de ce délai (CSS, art. R. 142-1). Sa
décision doit être motivée (CSS, art. R. 142-4).

743
La décision de la CRA doit être portée à la connaissance du
requérant dans le délai d’un mois à compter de la réception de la
réclamation de l’assuré (CSS, art. R. 142-6).

À défaut de décision dans le délais imparti, l’intéressé peut


considérer sa demande comme rejetée et saisir le tribunal judiciaire
dans le délai de deux mois (CSS, art. R. 142-6)

Qu’en est-il de la portée de la décision prise par la CRA ?

Dans l’hypothèse où aucun recours n’a été dirigé contre la décision


de la CRA, celle-ci devient définitive et acquiert « l’autorité de la
o
chose décidée » (Cass. soc., 19 déc. 1972, n 71-14.670, Bull. civ.
o
V, p. 657 ; Cass. soc., 6 oct. 1994, n 92-13.405). Toute action en
e o
justice ultérieure est irrecevable (Cass. 2 civ., 20 juin 2019, n 17-
18.061). Ce manquement est une fin de non-recevoir qui peut être
e o
invoquée en tout état de cause (Cass. 2 civ., 18 nov. 2010, n 09-
e o
17.105 ; Cass. 2 civ., 20 janv. 2012, n 10-28.487).

Cependant, une régularisation est possible : l’irrecevabilité, faute de


saisine préalable de la commission de recours amiable, du recours
formé directement devant la juridiction de sécurité sociale ne fait pas
obstacle à l’exercice, après la saisine de la commission de recours
amiable de l’organisme, d’un nouveau recours contentieux, sous
réserve qu’il soit exercé avant l’expiration du délai de forclusion
e o
(Cass. 2 civ., 22 oct. 2020, n 19-18.175).

Deuxièmement, ce qui constitue une nouveauté majeure, le recours


préalable pour certains recours contentieux a nécessité une
réorganisation structurelle et la création d’une commission spéciale :

744
la commission médicale de recours amiable (CSS, art. R. 142-8).
Ainsi, les contestations formées dans les matières mentionnées aux
4°, 5° et 6° de l’article L. 142-1 du Code de la sécurité sociale sont
soumises à la commission médicale de recours amiable.

Dit autrement, cette commission est compétente pour :


l’état ou le degré d’invalidité, en cas d’accident ou de maladie
non régie par le livre IV du Code de la sécurité sociale (c’est-à-
dire n’ayant pas d’origine professionnelle), et à l’état d’inaptitude
au travail ;
l’état d’incapacité permanente de travail, notamment au taux de
cette incapacité, en cas d’accident du travail ou de maladie
professionnelle ;
et l’état ou au degré d’invalidité, en cas d’accidents ou de
maladies régies par les titres III, IV et VI du livre VII du Code
rural et de la pêche maritime, soit dans le secteur agricole.
Quant à sa composition, cette commission est composée de deux
médecins désignés par le responsable du service médical
territorialement compétent, à savoir :
un médecin figurant sur les listes dressées en application de
o
l’article 2 de la loi n 71-498 du 29 juin 1971 et spécialiste ou
compétent pour le litige d’ordre médical considéré ;
et un praticien-conseil.
En revanche, tout le contentieux technique de la sécurité sociale
n’est pas soumis à une procédure de recours préalable obligatoire
parfaitement homogène. Certaines exceptions sont prévues par
l’article R. 142-9 du Code de la sécurité sociale.
Pour les contestations des décisions de la commission des droits et
de l’autonomie des personnes handicapées (CASF, art. L. 241-9), le
recours préalable est exercé et examiné dans les conditions fixées

745
er
par les dispositions de la section 2 du chapitre I bis du titre IV du
livre II du Code de l’action sociale et des familles. Le recours est
adressé par toute personne ou tout organisme intéressé, à la maison
départementale des personnes handicapées (CASF, art. R. 241-36).

Pour les contestations des décisions du président du conseil


départemental mentionnées à l’article L. 241-3 du Code de l’action
sociale et des familles relatives aux mentions « invalidité » et
« priorité » (CSS, art. L. 142-1), le recours préalable est exercé et
examiné dans les conditions fixées par les dispositions de l’article
R. 241-17-1 du Code de l’action sociale et des familles.

Enfin, les dispositions relatives à l’expertise médicale ont été


supprimées progressivement. Effectivement, ce champ de
compétence est progressivement investi par la commission médicale
de recours amiable. Le but est d’unifier les procédures de
contestation des décisions de nature médicale. À terme, le nouvel
article L. 142-10-2 du Code de la sécurité sociale – introduit par la
o
LFSS pour 2020 (L. n 2019-1446, 24 dec. 2019 de financement de
la securite sociale pour 2020) – prévoit que les contestations portant
sur l’application par les professionnels de santé des nomenclatures
d’actes professionnels et d’actes de biologie médicale peuvent
donner lieu, à la demande du juge, à une expertise technique
spécifique, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État
o
(L. n 2019-1446, art. 87, I). Ce dispositif est applicable aux
contestations, aux recours préalables et aux recours juridictionnels
introduits à compter d’une date fixée par décret en Conseil d’État, et
er o
au plus tard le 1 janvier 2022 (L. n 2019-1446, 24 dec. 2019, art.
87, III).

746
II. Transfert de compétences et changement
de dénomination

A Transfert de compétences et changement


de dénomination
Tout d’abord, la loi « J XXI » a réalisé un transfert de compétence
au profit de tribunaux de grande instance spécialement désignés à
cet effet (TGI) (COJ, art. L. 211-16). Ceci emporte suppression du
TASS, du TCI ainsi que de la CNITAAT. Cela étant, des
aménagements et des transformations ont eu lieu.

À l’origine, la loi « J XXI » réalise un transfert de compétence au


profit des tribunaux de grande instance spécialement désignés à cet
effet (TGI) (COJ, art. L. 211-16).

Ils sont compétents, en première instance, pour connaître du


contentieux général de la sécurité sociale, relevant actuellement des
TASS (CSS, art. L. 142-1), du contentieux de l’incapacité au travail,
contentieux technique confié aux TCI (CSS, art. L. 142-2), du
contentieux de l’admission à l’aide sociale relevant des commissions
départementales d’aide sociale, relatif à l’assurance complémentaire
santé et à la couverture maladie complémentaire (CASF, art. L. 134-
3 ; CSS, art. L. 861-5 et L. 863-3), et, enfin des litiges relatifs au
compte personnel de prévention de la pénibilité (C. trav., art.
L. 4162-13).

er
Pour les voies de recours, pour l’avenir, à compter du 1 janvier
2019, les litiges qui relèveront en première instance des tribunaux
judiciaires spécialement désignés seront traités en cause d’appel par
des cours d’appel elles-mêmes spécialement désignées (COJ, art.

747
L. 311-15). Chaque tribunal judiciaire désigné à cet effet est doté
d’un pôle social.

Toutefois, l’ancien contentieux technique relatif à la tarification des


AT-MP relève de la compétence de la cour d’appel d’Amiens,
composée d’un magistrat du siège et de deux assesseurs (COJ, art.
o
L. 311-16, L. 312-6-2, D. 311-12 et D. n 2017-13, 5 janv. 2017).

La CNITAAT est, par conséquent, appelée à être supprimée.


o
Toutefois, une ordonnance du 16 mai 2018 (Ord. n 2018-358,
16 mai 2018 relative au traitement juridictionnel du contentieux de la
o
sécurité sociale et de l’aide sociale : JO 17 mai 2018, texte n 6)
prévoit le maintien provisoire de la CNITAAT jusqu’au 31 décembre
2020, ou à une date ultérieure à fixer par décret simple qui ne pourra
dépasser le 31 décembre 2022, afin de continuer à juger les affaires
er o
dont elle aura été saisie avant le 1 janvier 2019 (Ord. n 2018-358,
o
art. 7). À cet égard, un décret du 24 février 2020 (D. n 2020-155,
o
24 févr. 2020 : JO 26 févr. 2020, texte n 1) fixe l’allongement de
cette compétence jusqu’au 31 décembre 2022.

748
Puis, une autre réforme de l’organisation judiciaire a été entreprise en 2019
o
(L. n 2019-222, 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour
o
la justice : JO 24 mars 2019, texte n 2) dont il convient de retenir, pour ce qui
intéresse les présents développements, qu’elle a emporté, un changement de
dénomination des TGI. Désormais, ces derniers sont appelés les tribunaux
judiciaires qui fusionnent les anciens TGI et les anciens tribunaux d’instance, et,
partant, attirent à eux leurs compétences respectives. Par ailleurs, le tribunal
judiciaire peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres de proximité.
Cette réforme conserve le principe de la désignation des tribunaux spécialement
chargés du contentieux de la sécurité sociale. En outre, toutes les références à la
distinction entre contentieux général et technique de la sécurité sociale sont
définitivement supprimées (art. 96, II).

III. Répartition des compétences

Le contentieux de la sécurité sociale et de l’admission à l’aide


sociale est régi par les articles L. 142-1 et suivants du Code de la
sécurité sociale ainsi que par les articles R. 142-1 et suivants du
même code. Il convient également de faire appel aux dispositions du
Code de l’organisation judiciaire (COJ) ainsi qu’aux dispositions du
Code de procédure civile. Les dispositions particulières au tribunal
judiciaire spécialement désigné figurent aux articles L. 218-1 à L.
218-12 du COJ. C’est l’Annexe Tableau VIII-III qui précise le siège et
ressort des tribunaux judiciaires et des cours d’appels compétents
en matière de contentieux de la sécurité sociale et d’admission à
l’aide sociale (Annexe COJ, art. D. 211-10-3 et D. 311-12-1).

Quant à la compétence d’attribution, elle est régie par l’article L. 142-


1 et L. 142-8 du Code de la sécurité sociale. Selon cette disposition,
le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs :

749
à l’application des législations et réglementations de sécurité
sociale et de mutualité sociale agricole ;
au recouvrement des contributions, versements et cotisations
mentionnés au 5° de l’article L. 213-1 ;
au recouvrement des contributions, versements et cotisations
finançant l’assurance chômage (C. trav., art. L. 5422-9, L. 5422-
11, L. 5422-12, L. 5424-20), l’AGS (C. trav., art. L. 3253-18), dus
par l’employeur n’ayant pas proposé le bénéfice du contrat de
sécurisation professionnelle au salarié dont il envisage de
prononcer le licenciement pour motif économique (C. trav., art. L
1233-66), ou dus par l’employeur au titre du financement du
contrat de sécurisation professionnelle et correspondant à un
versement représentatif de l’indemnité compensatrice de
préavis (C. trav., art. L. 1233-69).
à l’état ou au degré d’invalidité, en cas d’accident ou de maladie
non régie par le livre IV du présent code, et à l’état d’inaptitude
au travail ;
à l’état d’incapacité permanente de travail, notamment au taux
de cette incapacité, en cas d’accident du travail ou de maladie
professionnelle ;
à l’état ou au degré d’invalidité, en cas d’accidents ou de
maladies régies par les titres III, IV et VI du livre VII du code
rural et de la pêche maritime, à l’état d’inaptitude au travail ainsi
que, en cas d’accidents du travail ou de maladies
professionnelles régies par les titres V et VI du même livre VII, à
l’état d’incapacité permanente de travail, notamment au taux de
cette incapacité ;
aux décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au
travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant,
en matière d’accidents du travail agricoles et non agricoles, la

750
fixation du taux de cotisation, l’octroi de ristournes, l’imposition
de cotisations supplémentaires et, pour les accidents régis par
le livre IV du présent code, la détermination de la contribution
prévue à l’article L. 437-1 ;
aux décisions de la commission des droits et de l’autonomie des
er
personnes handicapées (CASF, art. L. 241-9, al. 1 ) ;
et aux décisions du président du conseil départemental
mentionnées à l’article L. 241-3 du même code, relatives aux
mentions « invalidité » et « priorité ».
Si la compétence matérielle est unifiée, les règles procédurales se
distinguent en trois catérogies :
le contentieux de nature médicale ;
le ontentieux de nature non médicale ;
et le contentieux spécifique de la tarification des AT/MP.
Le contentieux de l’admission à l’aide sociale relevant de la
compétence du pôle social comprend les litiges relatifs aux décisions
er
prises en application du chapitre I du titre VI du livre VIII, c’est-à-
dire au titre de l’article L. 861-5 du Code de la sécurité sociale. En
outre, le champ de compétence est complété par l’article L. 134-3 du
Code de l’action sociale et des familles.

Il s’agit des litiges :


résultant de l’application de l’article L. 132-6 et de l’article L.
132-8 du CASF, c’est-à-dire les recours diligentés par l’État ou
par le département à l’égard des bénéficiaires d’une prestation
d’aide sociale ou afin de récupérer les prestations d’aide
sociale ;
relatifs à l’allocation différentielle aux adultes handicapés
(CASF, art. L. 241-2) ;

751
ou relatifs à la prestation de compensation accordée aux
personnes handicapées (CASF, art. L. 245-2) et l’allocation
compensatrice (CASF, art. L. 245-1 dans sa rédaction
o
antérieure à la loi n 2005-102 du 11 février 2005).
Quant à la compétence territoriale du tribunal judiciaire, les
dispositions utiles figurent à l’article R. 142-10 du Code de la
sécurité sociale.

En principe, le tribunal judiciaire territorialement compétent est celui


dans le ressort duquel demeure le demandeur (CSS, art. R. 142-10,
er
al. 1 ).

Cependant, le Code de la sécurité sociale instaure une exception et


un aménagement.

S’agissant de l’exception, le tribunal judiciaire territorialement


compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège de
l’organisme de recouvrement auprès duquel l’employeur verse ses
cotisations et contributions sociales (CSS, art. R. 142-10, al. 2).

Cette exception est applicable dans trois situations, notamment :


lorsqu’une entreprise est composée de plusieurs établissement
et qu’elle verse les cotisations afférentes à l’ensemble de ses
établissements (CSS, art. R. 243-6-3) ;
lorsqu’une entreprise les cotisations afférentes à chacun de
leurs établissements à un organisme de recouvrement unique
(CSS, art. R. 243-8) ;
ou lorsque l’entreprise, évoluant dans le secteur agricole est
autorisée, lorsque la paie du personnel est tenue en un même
lieu pour l’ensemble ou une partie de leurs établissements, à

752
verser les cotisations dues à une caisse de mutualité sociale
agricole (C. rur, art. R. 741-12).
S’agissant de l’aménagement, lorsque le demandeur demeure à
l’étranger, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se
trouve le siège de l’organisme de sécurité sociale, de l’autorité
administrative ou de la maison départementale des personnes
handicapées qui a pris la décision (CSS, art. R. 142-10, al. 3).

Certaines caractéristiques du contentieux de la sécurité sociale ont


été maintenues tandis que d’autres ont été abrogées.

Au titre des caractéristiques maintenues par rapport à l’état du droit


antérieur, on peut signaler que, même si elle se déroule devant le
tribunal judiciaire, la procédure devant les juridictions judiciaires
spécialisées demeure orale (CSS, art. R. 142-10-4, R. 142-11 et R.
142-13-3). De même, la représentation par avocat n’y est pas
obligatoire. On notera également que la composition des tribunaux
judiciaires spécialement désignés correspond, comme
précédemment, aux règles de l’échevinage (COJ, art. L. 218-1 à L.
218-12). Lorsqu’elle statue dans les matières mentionnées à l’article
L. 211-16, la formation collégiale du tribunal judiciaire est composée
du président du tribunal judiciaire, ou d’un magistrat du siège
désigné par lui pour le remplacer, et de deux assesseurs
représentant les travailleurs salariés, pour le premier, et les
employeurs et les travailleurs indépendants, pour le second (COJ,
art. L. 218-1).

Au contraire, au titre des caractéristiques disparues, le principe de la


gratuité – énoncé originellement à l’article R. 144-10 du Code de la
sécurité sociale – est abrogé, les juridictions devant désormais
statuer sur les dépens (CPC, art. 696). Les dépenses de contentieux

753
sont régies par les articles L. 142-11 et R. 142-18 et suivants du
Code de la sécurité sociale.

Le jugement prononcé par le tribunal judiciaire est susceptible


d’appel.

La procédure d’appel est sans représentation obligatoire (CSS, art.


R. 142-11).

La cour d’appel spécialement désignée pour connaître du


contentieux de la tarification (CSS, art. L. 311-16 et D. 311-12) est
compétente pour statuer sur le recours d’un employeur contre la
décision d’une caisse de refus d’inscription des coûts moyens d’une
e
maladie professionnelle au compte spécial (Cass. 2 civ., 17 mars
o
2022, n 20-20.878).

Les arrêts d’appel sont susceptibles de pourvoi en cassation. Ainsi,


le pourvoi contre les décisions rendues en dernier ressort et les
arrêts de cour d’appel est formé par ministère d’un avocat au
Conseil d’État et à la Cour de cassation. Il est instruit et jugé
conformément aux règles de la procédure ordinaire dans la mesure
où elles ne sont pas contraires aux dispositions du Code de la
sécurité sociale relatives à la procédure (CSS, art. R. 142-15).

Le pourvoi est déposé au greffe de la Cour de cassation dans un


délai de deux mois à compter de la notification de la décision (CSS,
art. R. 142-15).

POUR ALLER PLUS LOIN…

754
e
– M. BABIN, Ph. COURSIER, Justice du 21 siècle : quelles
simplifications pour les aspects médicaux du contentieux de la
sécurité sociale ?, JCP S 2020, 1050
– A. BOUILLOUX, Les ordonnances du 16 mai 2018 relatives à la
réforme des contentieux sociaux par la loi de modernisation de la
e
justice du XXI siècle, JCP S 2018, 1231
– A. BOUILLOUX, Mise en œuvre de la réforme du contentieux de la
sécurité sociale, JCP S 2019, 1017
– A. BUGADA, Réforme du contentieux de la sécurité sociale, JCP E
o
n 13-14, 30 mars 2017, pp. 43-44
– A. BUGADA, Des procédures nouvelles pour le contentieux de la
o o
sécurité sociale, D. n 2018-928, 29 oct. 2018, JCP S n 45,
13 nov. 2018, act. 339
– W. IVERNEL, La CMRA en question, JCP S 2019, 1018
– E. JEANSEN, La médiation, nouveau mode alternatif de règlement
des conflits en droit de la sécurité sociale, JCP S 2018, 1283
– E. JEANSEN, Y. PAGNERRE, La transaction en droit de la
protection sociale, JCP S 2016, 1167
– L. GARNERIE, Pôles sociaux : la machine est lancée, Gaz. pal.
31 juill. 2018, p. 5
– Th. TAURAN, Les formalités substantielles imposées aux caisses
de sécurité sociale, JCP S 2019, 1199
– Ch. WILLMANN, L’expression des droits procéduraux
fondamentaux en amont du contentieux de sécurité sociale, Dr.
ouvrier 2016, pp. 417-425
– Ch. WILLMANN, « Pôle social » des TGI : une réforme attendue,
mais controversée, Dr. soc. 2017, pp. 650-656

755
o
Fiche n 64 Le contentieux URSSAF

L’ESSENTIEL

Le « contrôle URSSAF » renvoie à la possibilité pour l’Union de


Recouvrement des cotisations de sécurité Sociale et d’Allocations
Familiales (URSSAF) d’user de différents moyens de contrôle et de
recouvrement..

Cela étant, dans le cadre de ces procédures de contrôle, l’URSSAF


est tenue au respect du principe du contradictoire. En cela, les
entreprises contrôlées, comme les travailleurs indépendants, doivent
ainsi faire l’objet d’une information correcte.

L’information est réalisée notamment par l’envoi d’un avis de


contrôle qui indique la date de visite à laquelle le contrôle aura lieu.

L’URSSAF doit être en mesure de démontrer l’envoi de cet avis de


contrôle. À défaut, le contrôle est annulé.

Le contrôle URSSAF peut déboucher sur un contentieux qui sera


présenté, encore actuellement devant le tribunal des affaires de
sécurité sociale. Le contentieux relatif à ce contrôle est transféré au
« pôle social » des tribunaux de grande instance.

756
LES CONNAISSANCES

La fonction de recouvrement est confiée à des organismes distincts


des caisses assurant le service des prestations sociales : les
URSSAF.

Les URSSAF ne sont pas des entreprises. Pour cette raison, elles
ne sont pas soumises au droit de la concurrence. Par conséquent,
leur activité de recouvrement n’entrant dans aucune des catégories
er
définies à l’article 1 du Code des marchés publics, les URSSAF ne
sauraient être assujetties aux directives européennes concernant
e o
ces marchés (Cass. 2 civ., 20 mars 2008, n 07-13.321).

Les URSSAF agissent sous l’autorité de l’Agence centrale des


organismes de sécurité sociale (ACOSS). À cet égard (CSS, art.
L. 225-1-1), l’ACOSS participe à l’harmonisation des positions prises
par les URSSAF.

er
(CSS, art. L. 243-6-1, al. 1 )
Les articles L. 243-6-1 et R. 243-43-1 du Code de la sécurité sociale précisent les
modalités de ce pouvoir de l’ACOSS. En ce sens, « tout cotisant, confronté à des
interprétations contradictoires concernant plusieurs de ses établissements dans la
même situation au regard de la législation relative aux cotisations et aux
contributions de sécurité sociale, a la possibilité, sans préjudice des autres
recours, de solliciter l’intervention de l’Agence centrale des organismes de sécurité
sociale en ce qui concerne l’appréciation portée sur sa situation ».

À la suite de l’analyse du litige, l’ACOSS peut demander aux


organismes d’adopter une position dans un délai d’un mois.

757
À l’expiration de ce délai, s’ils ne se sont pas conformés à cette
instruction, l’ACOSS peut se substituer aux organismes pour
prendre les mesures nécessaires (CSS, art. L. 243-6-1, al. 2).
L’action est également ouverte aux groupes, tels que définis par
l’article L. 233-16 du Code de commerce (CSS, art. L. 243-6-1).

En pratique, un tel recours sera utile pour une entreprise ayant


plusieurs établissements relevant d’URSSAF distinctes sur
l’ensemble du territoire.

Les compétences en matière de contrôle (§ 1) sont acquises au


profit des URSSAF depuis la loi du 25 juillet 1994 qui leur a transféré
o
ces prérogatives (L. n 94-637, 25 juill. 1994 : JO 27 juill. 1994,
p. 10815). Le contrôle peut mener vers le redressement et au
recouvrement (§ 2).

§1 Procédure de contrôle

I. Droits de la personne contrôlée à l’égard de l’URSSAF


o
Depuis l’adoption de la loi « ESSOC » du 10 août 2018 (L. n 2018-
727, 10 août 2018 pour un État au service d’une société de
o
confiance : JO 11 août 2018) et de son décret d’application (D. n
o
2019-1050, 11 oct. 2019 : JO 13 oct. 2019, texte n 13), des droits
nouveaux sont opposables aux organismes de contrôle et de
recouvrement, notamment le droit au contrôle et le droit à l’erreur.

758
En raison de la crise sanitaire due à la Covid-19, les délais régissant les
procédures de recouvrement ont été suspendus jusqu’à la date du 30 juin 2020
o
(Ord. n 2020-580, 13 mai 2020, art. 2, 2°).

D’une part, est conféré à toute personne le droit de demander à faire


l’objet d’un contrôle, prévu par les dispositions législatives et
réglementaires en vigueur, sur des points qu’elle doit préalablement
définir (CRPA, art. L. 124-1).
er
D’autre part, à compter du 1 janvier 2020, le droit à l’erreur est mis
en oeuvre dans les conditions posées à l’article R. 243-10 du Code
de la sécurité sociale.
Sur ce fondement, l’employeur corrige de sa propre initiative ou à la
demande de l’organisme de recouvrement dont il relève, lors de
l’échéance déclarative la plus proche, les erreurs constatées dans
ses déclarations de cotisations et de contributions sociales et verse
à la même échéance le complément de cotisations et de
contributions sociales correspondant. En outre, sauf en cas
d’omission de salariés dans la déclaration ou d’inexactitudes
répétées du montant des rémunérations déclarées, les majorations
de retard et les pénalités ne sont pas applicables aux erreurs
corrigées.

II. Modalités de contrôle

Qui est contrôlé ? Juridiquement, le cotisant est l’employeur. Dès


lors, seul l’employeur peut être contrôlé, à l’exclusion des salariés
e
(Cass. 2 civ., 15 févr. 2018, 16-27.299). S’y ajoute également le
travailleur indépendant (CSS, art. L. 243-11).

759
Les salariés ne peuvent s’adresser à l’URSSAF pour présenter une
demande de révision des modalités de calcul des cotisations, car
e
seul l’employeur a la qualité de cotisant (Cass. 2 civ., 17 déc. 2015,
o
n 14-29.125). Inversement, ne dispose pas de cette qualité le
e o
salarié de cet employeur (Cass. 2 civ., 24 sept. 2020, n 19-
17.776).

Quelle URSSAF est compétente pour procéder au contrôle ? En


principe, conformément à l’article L. 243-7 du Code de la sécurité
sociale, l’URSSAF territorialement compétente est celle dans la
circonscription de laquelle se trouve l’établissement redevable des
cotisations, étant entendu que le ressort territorial est variable. Selon
les cas, le ressort territorial de l’URSSAF se situe au niveau
départemental ou au niveau régional (CSS, art. D. 213-1). Par
exception, une délégation des compétences entre URSSAF est
envisageable en matière de contrôle (CSS, art. L. 213-1).

Le contrôle de l’exactitude des déclarations des employeurs et des


travailleurs indépendants peut revêtir différentes formes : contrôle
sur pièces en ce qui concerne les petites entreprises ou contrôle sur
place, pour les entreprises de plus grande taille.

Dénommé usuellement « contrôle partiel d’assiette », le contrôle


sur pièces est organisé par l’article R. 243-59-3 du Code de la
sécurité sociale. Il se distingue de la vérification sur pièces, celle-ci
n’étant pas considérée comme un contrôle. Ce contrôle sur pièces
doit être réalisé par des inspecteurs ou des contrôleurs du
recouvrement qui ont été régulièrement agréés et assermentés
conformément à l’article L. 243-7 du Code de sécurité sociale.

760
Le contrôle sur place est un contrôle classique. Ce contrôle sur
place vise à vérifier dans les locaux de l’entreprise l’exactitude des
déclarations du cotisant. En pratique, cela consiste en un contrôle
comptable d’assiette. Concernant la périodicité du contrôle sur
place, il n’existe aucun texte spécifique imposant à l’URSSAF une
quelconque périodicité.
Cela étant, en pratique, les URSSAF organisent la périodicité de leur
contrôle sur place en fonction des délais de prescription applicable.
En l’occurrence, l’entreprise fait l’objet d’un contrôle au moins une
fois tous les trois ans, dans la mesure où les délais de prescription
en matière de recouvrement sont fixés à trois ans.

Pour accélérer le contrôle, les agents peuvent proposer à la


personne contrôlée d’utiliser les méthodes de vérification par
échantillonnage et extrapolation définies par arrêté du ministre
chargé de la sécurité sociale (CSS, art. R. 243-59-2). Un arrêté du
o
11 avril 2007 définit ces méthodes de vérification (JO n 87, 13 avr.
2007). La mise en œuvre, aux fins de régulation du point de
législation, de ces méthodes de vérification suit un protocole
comportant quatre phases : la constitution d’une base de sondage,
le tirage d’un échantillon, la vérification exhaustive de l’échantillon et
l’extrapolation à la population ayant servi de base à l’échantillon.
Dans le cadre de la procédure contradictoire, l’employeur est
associé à chacune de ces phases et doit notamment être informé à
l’issue de l’examen exhaustif des pièces justificatives, correspondant
à la troisième phase, des résultats des vérifications effectuées sur
chaque individu composant l’échantillonnage et des régularisations
envisagées et être invité à faire part de ses remarques afin que les
e
régularisations soient, le cas échéant, rectifiées (Cass. 2 civ., 17
o
févr. 2022, n 20-18.104). La personne contrôlée bénéficie d’un délai

761
de 15 jours pour informer par écrit l’agent chargé du contrôle de son
opposition à l’utilisation de ces méthodes. La mise en œuvre de ces
procédés de vérification ne peut pas avoir lieu avant l’expiration de
e o
ce délai (Cass. 2 civ., 14 mars 2019, n 18-10.409).

L’opération de contrôle doit respecter un certain nombre de


garanties énoncées par l’article R. 243-59 du Code de la sécurité
sociale : envoi d’un avis de contrôle ; information sur la charte du
e
cotisant contrôlé (pour le régime antérieur, Cass. 2 civ.,
o
20 déc. 2018, n 17-20.041 ; pour l’actualisation du contenu,
A. 9 avr. 2018 : JO 16 mai 2018 ainsi que A. 8 mars 2019 : JO
e
17 mars 2019) ; absence de conflit d’intérêts (Cass. 2 civ., 19 déc.
o
2019, n 18-23.071) ; droit pendant le contrôle de se faire assister du
conseil de son choix ; période contradictoire de 30 jours durant
laquelle le cotisant peut faire valoir des observations auprès des
URSSAF de contrôle ; obligation pour l’URSSAF de répondre aux
observations qui auraient pu être formulées par le cotisant ; lettres
d’observations qui manifestent la fin de l’opération de contrôle ;
envoi d’une mise en demeure, le cas échéant ; notification ou
signification d’une contrainte le cas échéant). La méconnaissance de
ces garanties n’emporte la nullité de l’ensemble de la procédure de
contrôle et de redressement que si l’irrégularité affecte chacun des
e o
chefs de redressement envisagés (Cass. 2 civ., 8 juill. 2021, n 20-
16.846).

L’avis préalable prévu par l’article R. 243-59 du Code de la sécurité


sociale a pour objet d’informer l’employeur ou le travailleur
indépendant de la date de la première visite de l’inspecteur du
recouvrement. Au cas où elle entend reporter cette première visite, il

762
incombe à l’Urssaf d’en informer en temps utile et par tout moyen
approprié l’employeur ou le travailleur indépendant, et de rapporter
la preuve de la réception de l’information en cas de recours
e o
contentieux (Cass. 2 civ., 15 mars 2018, n 17-13.409).

Pour faciliter le contrôle et le recouvrement subséquent, il est prévu


depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
o
(L. n 2018-1203 du 22 décembre 2018, art. 18) que les documents
ou pièces justificatives nécessaires à l’établissement de l’assiette ou
au contrôle des cotisations et contributions sociales doivent être
conservés pendant une durée au moins égale à six ans à compter
de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis ou
reçus (CSS, nouvel art. L. 243-16). En outre, lorsque les documents
ou pièces sont établis ou reçus sur support papier, ils peuvent aussi
être conservés sur support informatique (Ibid.).

En tout état de cause, employeurs et travailleurs indépendants sont


tenus de recevoir les agents habilités au contrôle. À défaut, ils
o
s’exposent à une sanction de nature financière (L. n 2016-1827,
o
23 déc. 2016, art. 23, cod. CSS, art. L. 243-12-1). (L. n 2016-1827,
23 déc. 2016, art. 23, cod. CSS, art. L. 243-12-1). Pour l’essentiel
o
(D. n 2018-1154, 13 déc. 2018, art. 2 ; CSS, art. R. 243-59-4-1), le
montant de la pénalité est déterminé par le directeur de l’organisme
en tenant compte des circonstances (respect des obligations
déclaratives et des versements de cotisations et contributions de
sécurité sociale sur la période contrôlée, gravité du manquement
constaté).

III. Caractéristiques de la procédure

763
Quelles sont les étapes du contrôle sur place ?
Chronologiquement, le contrôle sur place comporte trois phases
distinctes et successives : avant le contrôle ; la vérification elle-
même ; et, enfin, les suites du contrôle.

Avant le contrôle, l’URSSAF doit respecter un certain nombre de


formalités, notamment adresser à l’employeur ou aux travailleurs
indépendants un avis de passage (ou avis de contrôle). Selon
er
l’article R. 243-59, alinéa 1 , du Code de la sécurité sociale, tout
contrôle est en effet précédé de l’envoi par l’organisme chargé du
recouvrement des cotisations d’un avis de contrôle 15 jours avant la
date de la première visite. De cette façon, aucun contrôle sur place
ne peut avoir lieu de manière inopinée, à l’exception des contrôles
e
diligentés en matière de lutte contre le travail dissimulé (V. Cass. 2
o
civ., 21 déc. 2017, n 16-26.567). Cette formalité permet au cotisant
d’organiser et de préparer le contrôle. L’envoi de cet avis est requis
e o
à peine de nullité (Cass. 2 civ., 10 juill. 2008, n 07-18.152 ; Cass.
e o
2 civ., 4 mai 2016, n 15-18.188).

En ce qui concerne le destinataire de l’avis, sont visés expressément


l’employeur ou le travailleur indépendant conformément à l’article
er
R. 243-59, alinéa 1 , du Code de la sécurité sociale. Cet avis de
passage doit être adressé exclusivement à la personne qui a la
qualité d’employeur et qui est tenu au paiement des cotisations
e o e
sociales (Cass. 2 civ., 6 nov. 2014, n 13-23.433 ; Cass. 2 civ.,
o
2 avr. 2015, n 14-14. 528).

Quant à la forme de l’avis de passage, il doit être envoyé par lettre


recommandée avec accusé de réception. À cet égard, l’avis de

764
passage doit préciser la date à laquelle le contrôle va être effectué
e o
(Cass. 2 civ., 25 avr. 2013, n 12-30.049). À défaut, la sanction est
la nullité du redressement subséquent.

Quant au contenu, cet avis fait état de l’existence d’un document


intitulé « Charte du cotisant contrôlé » présentant à la personne
contrôlée la procédure de contrôle et les droits dont elle dispose
pendant son déroulement et à son issue (CSS, art. R. 243-59, I, al.
5). L’organisme de recouvrement doit, à peine de nullité des
opérations de contrôle, mettre à même l’employeur ou le travailleur
indépendant d’accéder à la charte du cotisant contrôlé avant
e o
l’ouverture de celles-ci (Cass. 2 civ., 18 sept. 2014, n 13-17.084 ;
e o
Cass. 2 civ., 20 déc. 2018, n 17-20.041).

Pour ce qui est de la deuxième phase de contrôle, à savoir le


contrôle lui-même, les inspecteurs du recouvrement disposent d’un
certain nombre de prérogatives très importantes, telles que le droit
d’entrée et de visite, le droit de communication de documents, ainsi
que l’audition des personnes rémunérées par le cotisant.
L’agent chargé du contrôle ne peut entendre que les personnes
rémunérées par l’employeur ou le travailleur indépendant faisant
l’objet de dudit contrôle. Les dispositions qui confèrent aux agents
des organismes de recouvrement des pouvoirs d’investigation étant
d’application stricte, elles ne permettent pas l’audition des personnes
rémunérées par un prestataire de services de la personne contrôlée
e o
(Cass. 2 civ., 20 sept. 2018, n 17-24.359).

En ce qui concerne la troisième étape du contrôle, les opérations de


contrôle s’achèvent par certaines formalités. Ces formalités sont
nécessaires pour organiser et structurer le dialogue entre le cotisant

765
et l’URSSAF. Tout contrôle donne lieu à la rédaction d’une lettre
d’observation par les autorités de contrôle. Cette lettre d’observation
est évidemment adressée au cotisant (CSS, art. L. 243-7-1 A). La
lettre d’observations doit mentionner l’ensemble des documents
consultés par l’inspecteur du recouvrement ayant servi à établir le
e o
bien-fondé du redressement (Cass. 2 civ., 24 juin 2021, n 20-
10.136 et 20-10.139).

Sur ce point, il convient de souligner que l’URSSAF dispose d’un


droit de communication (CSS, art. L. 114-19). L’URSSAF ayant usé
de ce droit est tenu d’informer la personne visée à l’encontre de
laquelle est prise la décision de supprimer le service d’une prestation
ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de
l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur
lesquels elle s’est fondée pour prendre cette décision. Elle
communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du
service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à
la personne qui en fait la demande (CSS, art. L. 114-21).
L’information relative à l’exercice du droit de communication peut
e
être indiquée dans la lettre d’observations (Cass. 2 civ., 12 mars
o
2020, n 19-11.399).

À réception de la lettre d’observation, s’ouvre la « période


contradictoire » qui se conçoit comme une période d’échanges entre
la personne contrôlé et l’organisme de contrôle (Ibid.).
La période contradictoire a une durée de 30 jours. Cette durée peut
être prolongée sur demande du cotisant avant l’échéance de la
o
période contradictoire (CSS, art. L. 243-7-1 A, al. 2 ; L. n 2018-
1203, 22 déc. 2018, art. 19).

766
§2 Procédure de recouvrements à l’encontre
du débiteur

I. Mise en demeure du cotisant

Toute poursuite de l’URSSAF est précédée par une mise en


demeure invitant le cotisant à régulariser sa situation dans le mois
(CSS, art. L. 244-2). À défaut, la mise en demeure est nulle (Cass.
e o
2 civ., 19 déc. 2019, n 18-23.623). La mise en demeure est
adressée par lettre recommandée ou par tout moyen donnant date
certaine à sa réception.

La mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des


sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent
ainsi que la période à laquelle elles se rapportent (CSS, art. R. 244-
1).
Lorsque la mise en demeure ou l’avertissement est établi en
application des mesures de contrôle de l’URSSAF (CSS, art. L. 243-
7), le document mentionne au titre des différentes périodes
annuelles contrôlées les montants notifiés par la lettre
d’observations, corrigés le cas échéant à la suite des échanges
entre la personne contrôlée et l’agent chargé du contrôle.

La référence et les dates de la lettre d’observations et, le cas


échéant, du dernier courrier établi par l’agent en charge du contrôle
lors des différents échanges avec le cotisant figurent sur le
document (V. CSS, art. R. 243-59, III).

Les montants indiqués tiennent compte des sommes déjà réglées


par la personne contrôlée.

767
Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
o
(L. n 2018-1203 du 22 décembre 2018, art. 18), la mise en
demeure peut être adressée par tout moyen donnant date certaine à
sa réception par l’employeur, notamment par des moyens
électroniques (CSS, art. L. 244-2).

La mise en demeure comporte des mentions particulières. Elle


précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les
majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à
laquelle elles se rapportent (CSS, art. R. 244-1).

La mise en demeure peut aussi être relative aux majorations


complémentaires réclamées en application de l’article R. 243-18 du
Code de la sécurité sociale (majoration de retard de 5 % et
majoration complémentaire de 0,2 %). Le cas échéant, la mise en
demeure doit comporter l’indication de la nature et du montant des
cotisations auxquelles elles se rapportent. Les seules mentions du
montant des majorations complémentaires réclamées et de l’année
au titre de laquelle elles sont dues, sans référence à la nature et au
montant des cotisations auxquelles elles se rapportent, ne
permettent pas au cotisant de connaître la cause, la nature et
e o
l’étendue de son obligation (Cass. 2 civ., 4 avr. 2018, n 17-15.093
o
à n 17-15.100).

II. Contestations

A Contestation du contrôle et de la mise en demeure


En cas de contestation du contrôle, le contentieux suit la procédure
juridictionnelle classique en matière de contentieux de la sécurité
o
sociale (V. Fiche n 63).

768
Cela étant, s’il existe un moyen de défense dans le cadre de la
contestation du recouvrement, sans doute s’agit-il de celui tenant au
délai de prescription. Seules les cotisations non prescrites peuvent
être l’objet d’un recouvrement de la part des organismes de contrôle.
Le délai de prescription est un délai triennal. Ainsi, les cotisations et
contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin
de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues (CSS, art. L.
244-3). Cette prescription s’applique quelle que soit la qualité du
o
débiteur des cotisations (Cass. soc., 19 janv. 1995, n 93-12.132 et
o
n 93-12.133).
La date d’exigibilité des cotisations dues après régularisation
annuelle est celle correspondant à l’échéance normale suivant le
versement des rémunérations.
La prescription de la dette de cotisations court à compter de cette
o
date d’exigibilité (Cass. soc., 5 mai 1994, n 91-22.340 ; Cass. soc.,
o
9 févr. 1995, n 93-10.003).
L’écoulement de la prescription prévue à l’article L. 244-3 du Code
de la sécurité sociale est interrompu par l’envoi d’une lettre
recommandée avec demande d’avis de réception valant mise en
demeure.

En revanche, le délai de prescription est suspendu pendant la


période contradictoire préalable à l’envoi de toute mise en demeure
ou avertissement (CSS, art. L. 243-7-1 A).

B Contestation du recouvrement
Que faut-il contester ? La mise en demeure notifiée par
l’organisme de recouvrement à l’issue des opérations de contrôle et

769
de redressement constitue la décision de recouvrement. À ce titre, la
mise en demeure est seule susceptible de faire l’objet, dans les
conditions fixées par les articles R. 142-1, alinéa 3, et R. 142-18 du
Code de la sécurité sociale, d’un recours contentieux et non le rejet
des observations formulées dans le cadre de la procédure
e
contradictoire de contrôle et de redressement (Cass. 2 civ., 14 févr.
o
2019, n 17-27.759).

Dès lors que l’intéressé a été dûment informé des voies et délais de
recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux
général de la sécurité sociale, le cotisant qui n’a pas contesté en
temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des
opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours
amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure,
n’est pas recevable à contester, à l’appui de l’opposition à la
contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le
bien-fondé des chefs de redressement qui font l’objet de la
e o
contrainte (Cass. 2 civ., 4 avr. 2019, n 18-12.014).

Qu’advient-il si la mise en demeure reste lettre morte ? Si la


mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du
délai d’un mois à compter de sa notification, l’URSSAF dispose, afin
de recouvrer les cotisations dues, l’URSSAF dispose de plusieurs
moyens, dont la plus connue est la contrainte (CSS, art. L. 244-9).
La contrainte doit être rigoureusement rédigée. Selon l’article R.
133-4 du Code de la sécurité sociale, la contrainte doit être signée
par le directeur de l’organisme de recouvrement ou son délégataire.
Parfois, la jurisprudence fait preuve de souplesse. Ainsi,
« l’apposition sur la contrainte d’une image numérisée d’une
signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son

770
signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet
e o e
acte » (Cass. 2 civ., 28 mai 2020, n 19-11.744 ; V. contra Cass. 2
o
civ., 18 mars 2021, n 19-24.117).

La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de


rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par
acte d’huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par
acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande
d’avis de réception (CSS, art. R. 133-3).

Dans l’acte de signification de la contrainte doivent être mentionnées


plusieurs informations.

À peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la


référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel
l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les
formes requises pour sa saisine (CSS, art. R. 133-3).

Toutefois, contrairement à la lettre du Code de la sécurité sociale,


l’absence de mention ou la mention erronée de la voie de recours
ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour seul effet de ne
e
pas faire courir le délai de recours (Cass. 2 civ., 13 nov. 2014,
o e o
n 13-24.547 ; Cass. 2 civ., 3 mars 2016, n 15-12.129 ; Cass.
e o e o
2 civ., 4 avr. 2018, n 17-15.416 ; Cass. 2 civ., 28 mai 2020, n 19-
e o
12.503 ; Cass. 2 civ., 18 mars 2021, n 20-10.811).
Pour sa défense, le cotisant débiteur peut former opposition par
inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort
duquel il est domicilié dans les quinze jours à compter de la
notification ou de la signification. L’opposition doit être motivée ; une
copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du

771
tribunal informe l’organisme créancier dans les huit jours de la
réception de l’opposition. L’irrecevabilité de l’opposition à la
contrainte fait obstacle à tout examen au fond de la requête du
e o
débiteur (Cass. 2 civ., 10 oct. 2019, n 18-19.984).

À l’occasion de son recours juridictionnel, le cotisant peut invoquer


d’autres moyens que ceux soulevés devant la commission de
recours amiable. Cependant, il n’est pas recevable à contester des
chefs de redressement qu’il n’a pas préalablement critiqués devant
e o
cette commission (Cass. 2 civ., 17 févr. 2022, n 20-19.547). Du
côté de l’organisme de recouvrement, lorsque celui-ci reconnaît la
nullité de la mise en demeure l’examen du bien-fondé dans leur
principe des redressements contestés ne peut pas être sollicité
e o
(Cass. 2 civ., 12 mai 2021, n 20-14.510).

La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de


droit à titre provisoire (CSS, art. R. 133-3).

Pour terminer, Il résulte de l’application du principe de l’autorité de la


chose jugée au pénal sur le civil qu’il ne peut être délivré une
contrainte à la société qui a été relaxée, notamment du chef de
e o
travail dissimulé (Cass. 2 civ., 31 mai 2018, n 17-18.142).

POUR ALLER PLUS LOIN…

– P. BARON et al., Le contrôle Urssaf : bilan 2020, JCP S 2021,


1026
– E. GERSTNER, E. PIEKUT, Le droit à l’erreur en sécurité sociale
en pratique, JCP S 2019, 1344

772
– S. LEPLAIDEUR, Suspension du délai de prescription en cours de
contrôle Urssaf : une disposition réglementaire dangereuse... et
fragile, JCPS S 2019, 1245
– D. RIGAUD et al., Le contrôle Urssaf : bilan 2017, JCP S 2018,
1151
– D. RIGAUD et al., Le contrôle Urssaf : bilan 2018, JCP S 2019,
1128
– Ch. WILLMANN, Contrôle URSSAF et droits du cotisant : la Charte
du cotisant contrôlé enfin opposable (mais pourquoi faire ?),
o
Lexbase Hebdo éd. sociale n 684, 19 janv. 2017

773
o
Fiche n 65 Le contrôle des arrêts
de travail

L’ESSENTIEL

Les arrêts de travail, prescrits par les médecins traitants, ont pour
bénéficiaires les assurés sociaux.

La lutte contre la fraude et l’absentéisme croissant ont entraîné la


création de dispositifs qui placent les prescripteurs et les assurés
sous le contrôle du service du contrôle médical de la Sécurité
sociale.

À l’encontre des prescripteurs défaillants, l’entente préalable et le


contrôle des activités de prescription peuvent être requis.

À l’encontre des assurés, peuvent être diligentés des contrôles sur


les heures de sortie ou sur la véracité de l’état médical.

Des sanctions de différente nature sont alors applicables.

LES CONNAISSANCES

774
L’absentéisme au travail est un phénomène dont les causes
demeurent méconnues et mal définies. Souvent le doute plane sur
l’arrêt de travail. Le salarié est suspecté d’abus lorsqu’il s’adresse à
son médecin traitant pour obtenir un certificat attestant de son
incapacité temporaire d’exécuter sa prestation de travail. Est tout
aussi suspect le médecin qui accède à cette demande en établissant
un arrêt de travail.

Pour lutter contre les abus, fantasmés ou non, en matière d’arrêt de


travail, ont progressivement été instaurées des mesures de contrôle
de l’activité des médecins prescripteurs (§ 1) et des assurés
bénéficiaires de l’arrêt de travail (§ 2).

§1 Contrôle des médecins prescripteurs


Les mesures de contrôle prévues par le Code de la sécurité sociale
nécessitent l’intervention du service de contrôle médical. Ce sont
l’entente préalable, qui impose l’accord préalable du contrôle
médical avant l’acte, et le contrôle de l’activité de prescription.

I. Entente préalable

775
(CSS, art. L. 162-1-15, I)
La première manière de « responsabiliser » les prescripteurs est visée à l’article
L. 162-1-15 du Code de la sécurité sociale. Une prérogative de grande importance
est confiée au directeur de l’organisme local d’assurance maladie.
Ce dernier « peut décider, […], de subordonner à l’accord préalable du service du
contrôle médical, […] la couverture d’actes, produits ou prestations ».
Ce dispositif est déclenché notamment lorsque le service du contrôle médical
constate « un nombre ou d’une durée d’arrêts de travail prescrits par le
professionnel de santé et donnant lieu au versement d’indemnités journalières ou
d’un nombre de tels arrêts de travail rapporté au nombre de patients pour lesquels
au moins un acte ou une consultation a été facturé au cours de la période
considérée significativement supérieurs aux données moyennes constatées, pour
une activité comparable, pour les professionnels de santé exerçant la même
profession dans le ressort de la même agence régionale de santé ou dans le
ressort du même organisme local d’assurance maladie ».

Au préalable, les droits de la défense sont garantis puisque le


professionnel de santé doit avoir été mis en mesure de présenter
ses observations, et ce, après avis de la Commission (CSS, art.
L. 114-17-1).

Le médecin transmet ses observations dans le délai d’un mois à


compter de la notification par la caisse de ce qu’elle est susceptible
de lui appliquer le régime d’accord préalable. Le médecin est
entendu à sa demande par la commission à laquelle participent les
professionnels de santé (CSS, R. 162-1-9).

Toutefois, une alternative à l’entente préalable est prévue. Le


directeur peut également, conjointement avec le service du contrôle
médical, proposer au médecin, en alternative à la procédure de mise
sous accord préalable, de s’engager à atteindre un objectif de
réduction des prescriptions ou réalisations en cause dans un certain
délai.

776
En cas de refus du médecin, le directeur poursuit la procédure (CSS,
L. 162-1-15, II). La décision « de subordonner à l’accord préalable
du service du contrôle médical, […] la couverture d’actes, produits
ou prestations » (CSS, art. L. 162-1-15, I) est notifiée après avis
conforme du directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance
maladie ou de son représentant désigné à cet effet. Son avis est
réputé conforme dans un délai précisé par voie réglementaire (CSS,
L. 162-1-15, II bis). Le cas échéant, la durée de l’entente préalable
ne peut pas excéder six mois.

Il résulte de l’article L. 162-1-15 du Code de la sécurité sociale


qu’aucune prise en charge des actes, produits ou prescriptions visés
par ce texte ne peut être imposée à la caisse en cas de
méconnaissance, par le médecin prescripteur, de la procédure
d’accord amiable du service médical. La violation de cette règle
cause à la caisse un préjudice direct et certain constitué par la prise
en charge des prestations en nature dispensées aux assurés (Cass.
e o
2 civ., 9 mai 2018, n 17-17.984). Par conséquent, cela emporte
réparation du médecin prescripteur.

II. Contrôle de l’activité de prescriptions

Le service du contrôle médical constate les abus en matière de


er
prescription d’arrêt de travail (CSS, L. 315-1, II, al. 1 ). Pour lutter
contre ces derniers, lorsque l’activité de prescription d’arrêt de travail
apparaît anormalement élevée au regard de la pratique constatée
chez les professionnels de santé appartenant à la même profession,
des contrôles systématiques de ces prescriptions sont mis en œuvre
dans des conditions définies par la convention d’objectifs et de

777
gestion (COG) mentionnée à l’article L. 227-1 du Code de la sécurité
sociale (CSS, L. 315-1, II, al. 2).

§2 Contrôle des assurés

I. Contrôle par la caisse

Le contrôle des assurés s’opère sur plusieurs points et est placé


sous l’égide du service de contrôle médical.

Les dispositifs de réaction du Contrôle médical sont assez


nombreux. Les heures de sortie focalisent souvent l’attention mais
l’assuré se retrouve aussi placé sous l’autorité du contrôle médical.

(CSS, R. 323-11-1)
Tout d’abord, s’agissant des heures de sortie, il est prévu que « le praticien
indique sur l’arrêt de travail soit que les sorties ne sont pas autorisées ; soit
qu’elles le sont. Dans ce cas, l’assuré doit rester présent à son domicile de 9 h à
11 h et de 14 h à 16 h, sauf en cas de soins ou d’examens médicaux. Toutefois, le
praticien peut, par dérogation […], autoriser les sorties libres. Dans ce cas, il porte
sur l’arrêt de travail les éléments d’ordre médical le justifiant ».

La confiance n’excluant pas le contrôle, des agents enquêteurs des


caisses, agréés et assermentés, peuvent se rendre au domicile des
assurés sociaux en arrêt de travail pour vérifier leur présence en
dehors des heures de sortie autorisées (CSS, L. 114-10). Ces
agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi
jusqu’à preuve du contraire.

Ensuite, sont envisageables la suspension des prestations services


pendant l’arrêt de travail et la délivrance de recommandations afin

778
d’équilibrer la situation.

(CSS, L. 315-2, III)


Premièrement, le service des prestations peut être suspendu : « Si,
indépendamment des dispositions […] relatives à la procédure d’accord préalable,
le service du contrôle médical estime qu’une prestation mentionnée aux articles
L. 160-8 et L. 321-1 n’est pas médicalem!ent justifiée, la caisse, après en avoir
informé l’assuré ou le bénéficiaire de l’aide médicale de l’État ou de la prise en
charge des soins urgents mentionnée à l’article L. 254-1 du Code de l’action
sociale et des familles, en suspend le service. En cas de suspension du service
des indemnités mentionnées à l’article L. 321-1, la caisse en informe l’employeur.
Lorsque le praticien-conseil procède à l’examen du patient et qu’à l’issue de celui-
ci il estime qu’une prescription d’arrêt de travail n’est pas ou n’est plus
médicalement justifiée, il en informe directement l’intéressé. Sauf si le praticien-
conseil en décide autrement, la suspension prononcée par la caisse prend effet à
compter de la date à laquelle le patient a été informé. Les contestations d’ordre
médical portant sur cette décision donnent lieu à l’expertise médicale mentionnée
à l’article L. 141-1 ».

Lorsqu’une nouvelle prescription d’arrêt de travail intervient dans un


délai de 10 jours francs à la suite d’une décision de suspension du
versement des indemnités journalières de l’assurance maladie, la
reprise du versement de ces indemnités est subordonnée à l’avis du
contrôle médical rendu dans un délai de quatre jours francs (CSS,
art. L. 323-7 et D. 323-4).

779
(CSS, art. L. 315-2-1)
Deuxièmement, le service de contrôle médical peut adopter des mesures plus
douces consistant en des recommandations : « Si, au vu des dépenses
présentées au remboursement ou de la fréquence des prescriptions d’arrêt de
travail, le service du contrôle médical estime nécessaire de procéder à une
évaluation de l’intérêt thérapeutique, compte tenu de leur importance, des soins
dispensés à un assuré ou à un bénéficiaire de l’aide médicale de l’État ou de la
prise en charge des soins urgents [V. CASF, art. L. 254-1 ; CSP, art. L. 324-1], il
peut convoquer l’intéressé. Le service du contrôle médical peut établir, le cas
échéant conjointement avec un médecin choisi par l’intéressé, des
recommandations sur les soins et les traitements appropriés. Ces
recommandations sont transmises à l’assuré ou au bénéficiaire de l’aide médicale
de l’État ou de la prise en charge des soins urgents [V. CASF, art. L. 254-1], par le
médecin choisi par celui-ci, lorsque ces recommandations sont établies
conjointement ou, à défaut, par le service du contrôle médical ».

Lorsque la caisse décide de suspendre le service d’une prestation,


cette suspension prend effet à compter de la date de la notification
de la décision à l’assuré par lettre recommandée avec demande
d’avis de réception. Cette notification informe l’assuré de la portée
de la décision et des recours dont il dispose (CSS, art. R. 351-1-3).
Lorsque cette lettre n’a pas été remise, ni réclamée, le destinataire
est réputé avoir eu connaissance de cette décision à la date à
laquelle il a été régulièrement avisé que le pli, présenté à l’adresse
connue de la caisse, a été mis en instance au bureau de poste dont
e o
il dépend (Cass. 2 civ., 13 févr. 2020, n 18-24.590).

II. Contrôle par l’employeur

La faculté pour l’employeur de faire procéder à un contrôle prend sa


source dans l’obligation de maintenir le versement de la
rémunération complémentaire du salarié durant l’arrêt de travail

780
o
(Cass. soc., 27 avr. 1983, n 81-40.387 ; Cass. soc., 22 juill. 1986,
o
n 84-41.588).

Cependant, cette obligation est prévue soit par le contrat de travali,


soit par une convention ou un accord collectif de travail.

En fonction du texte sur lequel l’obligation s’appuie, l’employeur


dispose de plus ou moins de libertés pour dépêcher les contrôles.
Dans tous les cas, il est impératif de respecter les modalités de
contrôle énoncées par le contrat de travail ou le texte conventionnel.

Par ailleurs, le contrôle diligenté par l’employeur s’intègre à l’article


L. 1226-1 du Code du travail en combinaison avec l’article L. 315-1
du Code de la sécurité sociale.

Conformément à cette dernière disposition, tout salarié ayant une


année d’ancienneté dans l’entreprise bénéficie, en cas d’absence au
travail justifiée par l’incapacité résultant d’une maladie ou d’un
accident constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu,
d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue à
l’article L. 321-1 du Code de la sécurité sociale. Cette indemnité est
soumise à la réunion de trois conditions : justifier dans les 48 heures
de cette incapacité (CSS, art. L. 321-2 et R. 321-2) ; être pris en
charge par la sécurité sociale ; et, enfin, être soigné sur le territoire
français (ou dans l’un des autres États membres de la Communauté
européenne ou dans l’un des autres États partie à l’accord sur
l’Espace économique européen).
Dans ce cas de figure, et s’agissant du versement de cette
indemnité complémentaire, l’employeur peut organiser une contre-
visite médicale. Cette dernière consite à « vérifier que l’arrêt de
travail prescrit au salarié est justifié, tant dans son opportunité que

781
dans sa durée. Elle permet également de vérifier que le salarié
respecte les horaires de sortie prévus dans son arrêt de travail » (A.
d’Heilly, M. Biesse, En questions : le contrôle patronal des arrêts de
travail : JCP S 2020, act. 63).
Quant au choix du médecin contrôleur, il est libre sous réserve, le
cas échéant, des obligations contractuelles ou conventionnelles
o o
(Cass. soc., 7 janv. 1981, n 79-71.097 ; Cass. soc., 13 mai 1992, n
89-44.443).
Sous réserve des dispositions conventionnelles ou contractuelles
contraires, le contrôle s’effectue au domicile du salarié, ce qui
implique l’information de l’employeur des absences du domicile
o
(Cass. soc., 4 févr. 2009, n 07-43.430) et des changements
o
d’adresse par le salarié (Cass. soc., 10 mai 2001, n 98-45.851).

Lorsqu’un tel contrôle est effectué par un médecin à la demande de


l’employeur, en application de l’article L. 1226-1 du Code du travail, il
peut s’achever de différentes façons. Dans le meilleur des cas, la
contre-visite confirme la nécessité de l’arrêt. Au contraire, le
médecin missionné peut conclure à l’absence de justification d’un
arrêt de travail ou fait état de l’impossibilité de procéder à l’examen
de l’assuré. Le médecin établit alors un rapport qu’il transmet au
service du contrôle médical de la caisse. L’urgence est de mise : le
rapport doit être transmis dans un délai maximal de quarante-huit
heures. Le rapport précise si le médecin diligenté par l’employeur a
ou non procédé à un examen médical de l’assuré concerné.

782
Au vu de ce rapport, le service du contrôle médical dispose de plusieurs
options.

D’une part, le service du contrôle médical peut demander à la caisse de


suspendre les indemnités journalières. Dans un délai de 10 jours francs à compter
de la réception de l’information de suspension des indemnités journalières,
l’assuré peut demander à son organisme de prise en charge de saisir le service du
contrôle médical pour examen de sa situation. Le service du contrôle médical se
prononce alors dans un délai fixé à 4 jours francs à compter de la réception de la
saisine de l’assuré (CSS, art. D. 315-4).

D’autre part, le service du contrôle médical peut procéder à un nouvel examen de


la situation de l’assuré. Ce nouvel examen est de droit si le rapport a fait état de
l’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré (CSS, art. L. 315-1, II, al. 3).

En tout état de cause, lorsque l’arrêt de travail n’est ni fondé, ni


justifié, cela entraîne la cessation du versement de l’indemnité
o
complémentaire (Cass. soc., 10 oct. 1995, n 91-45.242 ; Cass.
o
soc., 15 sept. 2010, n 09-41.526).

§3 Les sanctions

I. Suspension du versement des indemnités journalières

Le versement des indemnités journalières est susceptible d’être


suspendu sur la base de l’avis rendu par le médecin-conseil de la
Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), avis qui s’impose à la
e o
caisse (Cass. 2 civ., 7 juill. 2016, n 14-13.805).

L’assuré dispose de différents moyens pour réagir face à une


décision de suspension.

783
Ainsi peut-il, dans un délai de 10 jours francs à compter de la
notification de la suspension, demander à la caisse de saisir le
service du contrôle médical pour examen de sa situation. Le service
dispose alors d’un délai de 4 jours francs pour se prononcer (CSS,
art. L. 315-1, II et D. 315-4).

II. Restitution des indemnités

En outre, les manquements aux obligations en matière d’arrêt de


travail par les assurés sont sanctionnés dans le cadre de l’article
L. 323-6 du Code de la sécurité sociale.

En cas d’inobservation volontaire de ses obligations, le bénéficiaire


restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes (CSS,
L. 323-6, al. 2 ; V. pour les modalités, l’article L. 133-4-1). Sur ce
point, il a été jugé que l’absence de versement d’indemnités
journalières qui ne sont pas dues ne revêt pas le caractère d’une
e o
sanction à caractère de punition (Cass. 2 civ., 20 juin 2019, n 18-
19.006). Dès lors La restitution d’indemnités journalières de
l’assurance maladie en cas d’inobservation volontaire, par le
bénéficiaire, ne constitue pas une sanction.

e
Reprenant la jurisprudence antérieure (Cass. 2 civ., 17 sept. 2015,
o
n 14-20.343), l’article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale
prévoit que l’exercice d’une activité – alors que l’assuré en arrêt de
travail a l’obligation de s’abstenir de toute activité non autorisée – en
contrepartie d’une rémunération, de revenus professionnels ou de
gains, il peut être prononcé une sanction financière (CSS, art.
L. 323-6, al. 3 ; les sanctions étant énoncées à l’article L. 114-17-1
du Code de la sécurité sociale). Toutefois, le prononcé de cette
sanction financière n’est pas subordonné à la démonstration de

784
e o
l’intention frauduleuse de l’assuré (Cass. 2 civ., 28 mai 2020, n 19-
14.010). Enfin, lorsque l’exercice par l’assuré d’une activité non
autorisée fait disparaître l’une des conditions d’attribution ou de
maintien des indemnités journalières, la caisse est en droit d’en
e
réclamer la restitution depuis la date du manquement (Cass. 2 civ.,
o
28 mai 2020, n 19-12.962).

Par ailleurs, la pénalité ne peut être prononcée qu’après avis d’une


commission composée et constituée au sein du conseil ou du
conseil d’administration de la caisse chargée de verser les
prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents
de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles
(CSS, art. L. 114-7-1, V). Selon l’article R. 147-2, II, du Code de la
sécurité sociale, cette commission rend un avis motivé, portant
notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la
responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de
chacune des pénalités susceptibles d’être appliquée. L’absence ou
l’insuffisance de motivation de l’avis de la commission entache de
nullité la pénalité prononcée par le directeur de l’organisme sans que
e o
soit exigée la preuve d’un grief (Cass. 2 civ., 22 oct. 2020, n 18-
25.904).

Quant au quantum de la sanction, si le montant est déterminé par la


caisse, « il appartient aux juridictions du contentieux général de la
sécurité sociale d’apprécier l’adéquation du montant de la sanction
prononcée par tout organisme social à l’importance de l’infraction
e o
commise par l’assuré » (Cass. 2 civ., 19 févr. 2009, n 07-20.374).
La proportionnalité ainsi requise est une garantie du procès
er
équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention EDH (Cass.

785
e o e o
2 civ., 8 avr. 2010, n 08-20.906 ; Cass. 2 civ., 12 mai 2011, n 10-
e o
14.704 ; Cass. 2 civ., 28 nov. 2013, n 12-26.926).

Indépendamment de cette réparation, la Caisse est recevable à se


constituer partie civile en cas de poursuites pénales (Cass. crim.,
o
23 mars 2010, n 09-84.206).

POUR ALLER PLUS LOIN…


– A. d’HEILLY, M. BIESSE, En questions : le contrôle patronal des
arrêts de travail : JCP S 2020, act. 63
– P. MORVAN, Ordre et confusion des sources réprimant la fraude
sociale, Dr. soc. 2014, p. 878
o
– C.-Fr. PRADEL, V. PRADEL, L’abus d’arrêt de travail, JCP S n 48,
27 nov. 2012, pp. 14-1

786
P@RTIE 4
CIRCULATION ET DÉTACHEMENT
DES TRAVAILLEURS DANS
L’ESPACE DE L’UNION
EUROPÉENNE

LA CIRCULATION DES TRAVAILLEURS SALARIÉS

DANS L’ESPACE DE L’UNION EUROPÉENNE


LE RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS SOCIALES

NATIONALES
LA COORDINATION DES SYSTÈMES DE SÉCURITÉ
SOCIALE

LES CONFLITS DES LOIS ET DES JURIDICTIONS


DANS LE CADRE DU CONTRAT DE TRAVAIL
INTERNATIONAL

787
788
La présente partie a pour objet de présenter le cadre juridique
applicable à la circulation et au détachement des travailleurs salariés
dans l’espace de l’Union européenne. Deux précisions s’imposent a
priori : premièrement, seront exclus de la présente étude les
travailleurs indépendants dont la mobilité intra-européenne trouve
son fondement juridique sur la liberté d’établissement (TFUE, art.
49) et la liberté de prestation des services (TFUE, art. 56).
Deuxièmement, la mobilité des travailleurs salariés peut s’effectuer
au-delà même des frontières de l’UE, dans l’espace économique
européen qui rassemble, outre les 27 États membres, les trois pays
de l’Association européenne de libre-échange (AELE), à savoir
l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein. La Suisse est également
er
concernée depuis le 1 janvier 2002, suite à la conclusion entre l’UE
et la Suisse d’un accord bilatéral sur la libre circulation des
personnes (ALCP).

La réglementation de la relation de travail relève en principe de la


compétence de chaque État membre. Mais la mobilité intra-
européenne des salariés à des fins professionnelles est à l’origine
de la construction du droit social de l’UE. Les institutions
européennes ont progressivement pu développer un corpus législatif
important qui s’inscrit dans une logique de rapprochement et de
coordination des législations nationales, afin de faciliter et de
promouvoir cette mobilité (Prolégomènes), qui se caractérise
d’ailleurs par une grande diversité des situations (Titre 1).

Le régime juridique social (droit du travail et droit de la protection


sociale) applicable aux salariés « migrants » présente des

789
spécificités. D’un côté, l’œuvre harmonisatrice a très largement
embrassé le domaine de l’égalité de traitement, pour s’étendre
également aux garanties entourant les relations du travail (Titre 2).
De l’autre côté, la méthode de la coordination des droits nationaux
s’est avérée plus pertinente en matière de protection sociale
(Titre 3).

La mobilité professionnelle dans l’espace de l’Union européenne


implique l’existence d’une relation de travail qui présente des signes
d’extranéité (ex : la nationalité étrangère de l’une ou des deux
parties ; un lieu d’exécution du contrat étranger à la nationalité des
parties ; un lieu d’embauche étranger au lieu d’exécution du contrat ;
le domicile ou le siège de deux parties). Plusieurs systèmes
juridiques de nationalités différentes risquent de se trouver en
concurrence. Cependant, le traitement juridique est diversifié en
fonction de la forme que revêt la mobilité (libre circulation ;
détachement ; immigration légale). En outre, d’autres questions
surgissent relatives à la compétence de la juridiction habilitée à
trancher un litige individuel de travail affecté par un élément
d’extranéité (Titre 4).

790
PROLÉGOMÈNES

o
Fiche n 66 La mobilité internationale des travailleurs
salariés
o
Fiche n 67 Le Droit social de l’Union Européenne

791
o
Fiche n 66 La mobilité internationale
des travailleurs salariés

L’ESSENTIEL

L’internationalisation du rapport de travail – liée aux phénomènes de


mondialisation de l’économie et de régionalisation – a rendu
nécessaire une meilleure articulation des systèmes juridiques ayant
vocation à s’y appliquer. En effet, l’existence dans une relation de
travail d’un élément d’extranéité devient source de nombreuses
questions sociales (issues à la fois du droit du travail et du droit de la
protection sociale), en raison de son rattachement à plusieurs
systèmes juridiques disparates. La construction d’un droit social
européen et international y apporte des réponses, grâce notamment
à la mise en œuvre de différentes méthodes d’harmonisation sociale
des législations nationales qui facilitent la mobilité professionnelle.

LES CONNAISSANCES

Dans la mesure où elle implique un certain nombre d’enjeux sociaux


(§ 1), la mobilité internationale des travailleurs salariés à des fins

792
professionnelles a rendu indispensable la construction d’un droit
social européen et international (§ 2).

§1 Les enjeux sociaux liés à la mobilité internationale

I. Le droit social, un droit national par principe

Le droit social forme un tout. Il est composé de trois branches, à


savoir le droit du travail, le droit de l’emploi et le droit de la protection
sociale. Le droit social est, au premier abord, un droit national : il
reflète les choix politiques quant au degré de protection que la
société entend accorder en toute indépendance à ses membres en
général et aux travailleurs subordonnés en particulier. C’est la raison
pour laquelle il se caractérise en principe par sa grande diversité et
hétérogénéité d’un pays à l’autre. Cependant, une conception
purement nationale du droit social est devenue au fur et à mesure du
temps difficilement compatible avec la mondialisation de l’économie
et le groupement institutionnalisé des États.

II. L’évolution du rapport du travail


à la lumière de la mondialisation de l’économie
et de la régionalisation

Le phénomène de la mondialisation de l’économie s’accompagne


inévitablement de l’internationalisation des relations juridiques. Les
relations de travail n’y échappent pas. En effet, la multiplication des
délocalisations de la production, ainsi que les avancées
technologiques et la transition écologique ont littéralement
transformé la nature des marchés de l’emploi, engendrant aussi de
nouveaux défis pour les relations de travail qui deviennent
internationales. Le vocabulaire est d’ailleurs illustratif de la grande
diversité des situations de mobilité professionnelle à l’échelle

793
internationale : détachements, expatriations, mises à disposition,
immigrations. En même temps, les entreprises sont placées en
situation de concurrence accrue, car les délocalisations vont de pair
avec le fameux dumping social qui consiste en la recherche de la
législation la moins contraignante et la moins coûteuse.

Par conséquent, face aux profondes mutations des relations sociales


qui dépassent désormais les frontières nationales, les États ont dû
modifier leurs politiques sociales et trouver de nouvelles règles de
régulation pour assurer à la fois la protection des entreprises et des
travailleurs. Le niveau international devient le niveau approprié de
régulation sociale, dans la mesure où il s’applique sans distinction
géographique du fait de son caractère universel. Cela a conduit
corrélativement à la montée en puissance des institutions
internationales dans l’élaboration des règles sociales. À titre
d’illustration, l’Organisation internationale du travail (OIT) joue,
depuis son origine, un rôle considérable cherchant d’assurer un juste
équilibre entre la recherche de la justice sociale et les impératifs de
développement économique des pays membres.

Par ailleurs, la constitution de blocs régionaux fût également une


réponse institutionnelle à l’accroissement de la concurrence au
niveau mondial. En effet, parallèlement aux institutions universelles,
des organisations régionales ont été mises en place par des États
partageant un certain nombre de valeurs et présentant une certaine
proximité géographique et culturelle. L’Union européenne constitue
l’entité régionale la plus avancée, composée à l’heure actuelle de
447 millions d’habitants (estimation par Eurostat pour les 27 États
er
membres au 1 janvier 2021) et dotée de son propre Droit. Il s’agit
d’un ordre juridique de type nouveau, s’intégrant au système

794
juridique de ses États membres, ayant pour sujet non seulement les
États, mais également des personnes privées ou des particuliers,
créant des droits et des obligations, ainsi que des procédures
administratives propres permettant de sanctionner toute violation
éventuelle (CJCE 5 févr. 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62 ; CJCE
15 juillet 1964, Costa, aff. 6-64 ; CJCE 13 novembre 1963,
Commission c. Luxembourg et Belgique, aff. 90-91/63).

La mobilité intra-européenne à finalité professionnelle est


fondamentale dans l’histoire de l’Union européenne depuis sa
création en 1957 et elle s’est beaucoup facilitée progressivement
tant pour les travailleurs citoyens de l’Union que pour ses résidents
ressortissants des pays tiers. Pour autant, les difficultés demeurent
importantes, dans la mesure où le régime juridique social (droit du
travail et droit de la protection sociale) applicable à ces travailleurs
est très éclaté.

§2 La construction d’un droit social européen


et international de mobilité

I. Le développement de l’Europe sociale

Les étapes de la construction du modèle social européen :


Le caractère évolutif de l’Union européenne apparaît très
nettement en matière sociale, dans la mesure où la politique
sociale européenne s’est affirmée progressivement. À l’origine,
le Traité de Rome de 1957 instituant la CEE avait été conçu
dans une optique essentiellement économique et libérale. Les
préoccupations sociales apparaissent très cantonnées à deux
objectifs ambitieux : a) élever le niveau d’emploi dans la
Communauté, en particulier grâce à la libre circulation des

795
travailleurs et b) égaliser, dans le progrès, les conditions de vie
et de travail de la main d’œuvre salariée. À cette fin, l’ex-
article 118 confiait à la Commission européenne une mission
« douce » de coordination, à savoir la promotion de la
collaboration étroite entre les États membres dans le domaine
social. Cependant, si les objectifs n’ont pas changé depuis le
Traité de Rome, trois étapes ultérieures ont permis de faire de
l’« Europe sociale » une réalité. À commencer par l’Acte
unique européen de 1986 qui fait coup double : d’abord, il
introduit dans le traité CE de nouvelles dispositions et de
nouveaux objectifs, à l’instar de l’amélioration du milieu de
travail, du dialogue social et de cohésion économique et
sociale ; ensuite, il modifie le processus d’adoption des règles
sociales, en étendant le champ de la majorité qualifiée. Par la
suite, même si le Traité de Maastricht de 1992 contient peu de
dispositions en matière sociale, il comporte, en annexe, un
protocole relatif à la politique sociale décrivant les objectifs
d’une politique sociale européenne et habilitant le Conseil à
adopter à la majorité qualifiée des prescriptions minimales. Une
autre innovation réside dans le renforcement de l’importance
accordée aux partenaires sociaux dans le processus
d’élaboration de la norme sociale. Par l’intégration de ce
protocole dans son corps, le Traité d’Amsterdam de 1997
modifie sensiblement la question sociale. Il a créé, en particulier,
un titre relatif à l’emploi, en prévoyant la mise en œuvre de la
méthode ouverte de coordination (MOC) et établi des
dispositions sur la lutte contre les discriminations ainsi que sur
l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière
d’emploi et de travail. De plus, la compétence sociale de l’Union
est élargie et les partenaires sociaux voient de nouveau leur

796
rôle renforcé dans l’élaboration et la mise en œuvre du droit de
l’Union européenne. Bien que les Traités ultérieurs de Nice
(2001) et de Lisbonne (2007) n’aient pas apporté de
modifications substantielles en matière sociale, ce dernier a
néanmoins clairement affirmé la dimension sociale de la
construction européenne (TFUE, art. 3, al. 3), notamment par la
consécration d’un sommet social tripartite pour la croissance et
l’emploi (TFUE, art. 152) et la reconnaissance de la force
obligatoire de la Charte des droits fondamentaux (TFUE, art. 6).

797
La majorité qualifiée au sein du Conseil – Les
décisions dans le domaine social
L’article 16, § 3 TUE dispose que « le Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf
dans les cas où les traités en disposent autrement ».

Sur le fond, il s’agit de l’une des modalités de vote au sein du Conseil (TFUE, art.
238) qui envisage d’équilibrer les multiples disparités démographiques et
économiques importantes entre les États membres dans la prise de décisions
(TFUE, art. 4).

Le système actuellement en vigueur requiert une double majorité : ainsi, les


décisions doivent être prises par au moins 55 % des pays (soit 15 pays sur
les 27 États membres actuels), représentant au moins 65 % de la population totale
de l’UE. En revanche, il faut au moins 4 pays (représentant au moins 35 % de la
population totale de l’UE) pour bloquer une décision.

En principe, pour la plupart des sujets relatifs au rapprochement des législations


nationales en matière sociale, les décisions sont prises selon la procédure
législative ordinaire (TFUE, art. 294). Cependant, en vertu du Traité de
Lisbonne, certaines décisions en matière de politique sociale (notamment dans
les domaines : de la sécurité sociale et de la protection sociale des travailleurs ; de
leur protection en cas de résiliation de leur contrat ; de la représentation et la
défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, et des
conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier
sur le territoire de l’Union – TFUE, art. 153, c), d),f), g) doivent encore être prises à
l’unanimité dans le cadre d’une « procédure législative spéciale » (TFUE,
art. 153(2)). Sont également concernées par la procédure législative ordinaire les
décisions relatives aux mesures nécessaires en vue de combattre toute
discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les
convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle (TFUE, art. 19 (1)), et
celles concernant le droit des citoyens à circuler et à séjourner librement dans le
territoire de l’Union, dans ses aspects relatifs à la sécurité sociale et à la protection
sociale (TFUE, art. 21(3)).

Dans une communication du 16 avril 2019 « Une prise de décision plus efficace en
matière de politique sociale : renforcer le passage au vote à la majorité qualifiée
dans certains domaines », la Commission défend un recours accru au vote à la
majorité qualifiée dans le domaine de la politique sociale, par l’utilisation des
« clauses passerelles » prévues par le Traité, mais avec prudence et dans le
plein respect du rôle des partenaires sociaux européens et de leurs accords. De

798
son côté, le Parlement européen a adopté, le 17 décembre 2020, une résolution
sur « une Europe sociale forte pour des transitions justes ». Parmi ces
propositions, figure aussi l’extension du processus de décision à la majorité
qualifiée à davantage de domaines de la politique sociale, à l’instar de la non-
discrimination, de la protection sociale des travailleurs (excepté pour les
travailleurs transfrontaliers), de la représentation et de la défense collective des
intérêts des travailleurs et des employeurs (points 4 à 6).

Les méthodes d’harmonisation sociale : en l’état actuel du


droit de l’Union, le principe veut que le développement des
politiques sociales revienne toujours de manière prédominante
aux États membres. L’action de l’Union trouve d’ailleurs une
première limite dans le principe de spécialité ou d’attribution
(TFUE, art. 5). Sans toucher au fond des règles nationales, le
droit social de l’Union européenne consiste dans des mesures
qui visent à assurer la liaison, plus ou moins étroite, des droits
nationaux. Depuis les années 1970, cette harmonisation sociale
s’est considérablement développée et traduite par des
méthodes très variées, en fonction des domaines concernés.
D’abord, le droit du travail a donné lieu à une importante action
législative qui témoigne les efforts d’harmonisation en la
matière. Un acquis communautaire est toujours vivant portant à
la fois sur les relations individuelles et collectives du travail.
L’article 153 TFUE prévoit une forme de rapprochement
minimal. Autrement dit, les normes communes élaborées ont,
le plus souvent, le statut des normes minimales : un plancher de
règles protectrices est établi qui n’exclut pas le maintien ou
l’introduction par les États des protections renforcées.
Cependant, cette méthode d’harmonisation n’était pas
compatible avec les normes très techniques et précises de la
protection sociale, en matière desquelles l’intervention des

799
institutions a pris la forme d’une simple coordination des
législations nationales. Il s’agit, en particulier, d’un mécanisme
d’articulation des systèmes juridiques les uns avec les autres. Il
n’est donc absolument pas question que le droit de l’Union
établisse des règles communes de sécurité sociale
indifféremment applicables dans tous les États membres.
Par ailleurs, le Traité d’Amsterdam a introduit une nouvelle
méthode d’harmonisation sociale dite de « méthode
ouverte de coordination » (MOC). Il s’agit d’une méthode
de convergence progressive qui prévaut en matière de
politique de l’emploi (TFUE, art. 145). Elle apparaît comme
une méthode alternative à l’harmonisation, fondée sur la
diffusion des meilleures pratiques à adopter en la matière
via des mécanismes de coordination non contraignants.
Elle implique ainsi un certain processus de fixation des
objectifs de convergence, d’élaboration des plans
nationaux, de remise de rapports périodiques, d’adoption
des recommandations destinées aux États dans le cadre du
Semestre européen et d’un suivi par les pairs. À l’heure
actuelle, une MOC « sociale » regroupe trois domaines
principaux de coopération politique, à l’instar de l’inclusion,
de retraite et de soins de santé. Assez souvent, les
orientations politiques de l’Union sont concrétisées dans
une recommandation de la Commission et du Conseil
(TFUE, art. 288, al. 5). Bien que dépourvues de valeur
juridique contraignante, les recommandations permettent
aux institutions d’inciter les États à suivre une ligne de
conduite déterminée et jouent, ainsi, en pratique, un rôle
non négligeable dans le rapprochement des législations.

800
Mainstreaming / Clause sociale horizontale
Appartenant au jargon de l’Europe sociale, le mainstreaming constitue un concept
clé dans l’action de l’Union européenne. Il s’agit, en particulier, de prendre
systématiquement en compte, dans la mise en œuvre des politiques européennes,
certains objectifs sociaux, à l’instar de l’égalité des genres, de la compensation
des handicaps, de la lutte contre la pauvreté ou de la promotion d’un niveau
d’emploi élevé. Cette logique de mainstreaming est inscrite dans les traités. Ainsi,
l’article 8 TFUE, issu du traité d’Amsterdam, prévoit que « pour toutes ses actions,
l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les
hommes et les femmes ». De plus, une clause sociale horizontale est consacrée
par l’article 9 TFUE en vertu duquel toutes les actions et les politiques de l’Union
doivent être définies en tenant compte des exigences liées à la promotion d’un
niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte
contre l’exclusion sociale, ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et
de protection de la santé humaine. Cependant, à l’heure actuelle les implications
de cette clause sociale horizontale demeurent incertaines, dans la mesure où la
plupart d’études d’impact ne contiennent pas une évaluation de l’impact social.

801
Semestre européen : coordination des politiques
économiques, budgétaires, sociales et du travail au sein
de l’UE
Lancé en 2010, le Semestre européen permet aux États membres de coordonner
leurs politiques économiques tout au long de l’année et relever les défis
économiques auxquels l’Union est confrontée. Outre son objectif principal de
garantir la solidité des finances publiques, il vise également à soutenir les
réformes structurelles visant à créer plus d’emplois, à accélérer la croissance et
à stimuler les investissements. Les questions sociales occupent une place de
plus en plus centrale depuis quelques années dans le processus du
Semestre européen. Le cycle annuel du Semestre commence en novembre
lorsque la Commission européenne fixe les priorités pour l’année à venir. Elle
donne ainsi, la possibilité aux États membres de discuter de leurs programmes
économiques, budgétaires et sociaux avec les partenaires au sein de l’Union et de
préparer leurs programmes nationaux. En matière d’emploi, notamment, un
projet de rapport conjoint sur l’emploi (RCE) est présenté au mois de novembre.
En avril, les États membres soumettent leurs programmes nationaux de réforme
(PNR) et la Commission élabore, sur la base de leurs évaluations (y compris une
évaluation des progrès réalisés dans la mise en œuvre du Socle européen des
droits sociaux, V. infra), des recommandations sur mesure à l’intention de chaque
État membre (dites de « paquet de printemps »). Ces recommandations
stratégiques font l’objet de discussions entre les États membres au sein du
Conseil. Elles sont approuvées par les dirigeants de l’Union en juin, avant d’être
adoptées par le Conseil en juillet. Les gouvernements intègrent, par la suite, ses
recommandations à leurs programmes de réforme et au budget de l’année
suivante.

Suite à la crise sanitaire liée au COVID-19, le Semestre européen


2021 a connu un cycle exceptionnel, afin d’être coordonné à la
facilité pour la reprise et la résilience (Resilience and recovery
facility-RRF), qui est le principal instrument financier (prenant la
forme de prêts et de subventions) lancé par l’UE dans le cadre de sa
stratégie « NextGenerationEU » afin de soutenir les réformes et les
investissements par les États membres. En 2021, les

802
recommandations par pays concernaient uniquement leur situation
budgétaire et il n’y avaient pas de recommandations structurelles
(ex : en matière d’emploi) pour les États membres qui avaient déjà
présenté leurs plans de la relance et de la résilience. Ouvert en
novembre 2021, le cycle du Semestre européen 2022 reprend sa
vaste coordination des politiques économiques et de l’emploi, en
s’adaptant aux exigences de la mise en œuvre de la FRR.

II. Le droit social international

La mobilité professionnelle ne se limite au seul territoire de l’Union


européenne : elle constitue une réalité à l’échelle internationale. Or,
l’internationalité du rapport de travail engendre des conflits de droits
et de juridictions qu’il faut résoudre. Autrement dit, quel droit va
s’appliquer aux relations de travail comportant un élément
d’extranéité ? Cette question incite à la coordination des systèmes
juridiques nationaux. La méthode de coordination adoptée par le
droit international privé permet de désigner le système juridique
applicable sans donner une solution de fond. Autrement dit, le droit
social international a pour objet d’étudier les questions de droit
international privé spécialement soulevées à l’occasion d’une
relation de travail.

Bien entendu, la démarche d’harmonisation ne peut pas être utilisé


au niveau de la planète. Pour autant, malgré la difficulté d’agir à
l’échelle mondiale, plusieurs normes sociales sont édictées par
l’Organisation internationale du travail (OIT) qui sont applicables de
la même manière à tous les pays membres sans tenir compte des
cultures et des niveaux économiques différents. Se pose, pourtant,
la question de leur effectivité.

803
804
PLAN D’ACTION SUR L’APPLICATION DU SOCLE
EUROPEEN DES DROITS SOCIAUX
Bien que dépourvu de valeur juridique normative, le socle européen des droits
sociaux constitue actuellement l’instrument principal qui circonscrit la politique
sociale de l’UE. Il constitue le guide vers une Europe sociale plus forte et définit la
vision de la nouvelle règlementation sociale européenne. Adopté le 4 mars 2021
dans un contexte particulier marqué par les impacts de la crise sanitaire liée à la
maladie de Covid-19, le plan d’action vise à poursuivre la mise en œuvre des
principes du socle. À cette occasion, la Commission européenne a communiqué
les trois grands objectifs à atteindre d’ici à 2030 :

a) Au moins 78 % des personnes âgées de 20 à 64 ans devraient avoir un emploi.

b) Au moins 60 % des adultes devraient participer à des activités de formation


chaque année.

c) Le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale


devraient diminuer d’au moins 15 millions.

805
POUR ALLER PLUS LOIN…

– M. CAUSSANEL-HAJI, « Le “quotidien” de la mobilité


internationale », Dr. soc. 2011, p. 906.

806
– Ph. DELIVET, Les politiques de l’Union Européenne, La
documentation Française 2013.
– I. DESMIDT, La mobilité internationale des salariés, GERESO
2017.
– E. GRASS, L’Europe sociale, La documentation Française 2013.
– N. MILOTAY, « La gouvernance sociale dans l’Union
européenne », Service de recherche du Parlement européen,
Novembre 2017.
– M.-A. MOREAU, Normes sociales, droit du travail et
mondialisation, Confrontations et mutations, Dalloz, 2006, p.13.
– E. PATAUT, « Tours et détours de l’Europe sociale », RTDE, 2018,
p. 9.
– M. SCHMITT, « La dimension sociale du traité de Lisbonne », Dr.
soc., 2010, p. 682.

807
o
Fiche n 67 Le Droit social de l’Union
Européenne

L’ESSENTIEL

Le droit social de l’Union européenne est un droit autonome


applicable dans l’ensemble des États membres. Son objet dépasse
le seul champ de la mobilité des travailleurs pour englober
également le maintien de la cohésion sociale de l’Union (TFUE, art.
151, al. 1). Sans se substituer aux droits sociaux nationaux qui
conservent leur diversité, il se borne à assurer leur liaison grâce aux
méthodes de rapprochement et de coordination des législations. À
cette fin, il est doté d’un cadre institutionnel autonome et possède
des règles propres d’une grande efficacité.

LES CONNAISSANCES

Les institutions de l’Union européenne qui interviennent dans le


domaine social sont caractérisées par une grande variété (§ 1). Les
normes sociales adoptées dans le cadre de l’UE constituent
indéniablement le corpus le plus volumineux et le plus élaboré parmi
les sources du droit social européen et international (§ 2).

808
§1 Les institutions de l’Union Européenne

I. Les institutions générales de l’Union Européenne

Les institutions de l’Union agissent dans le domaine du droit social


en fonction des compétences qui leurs sont attribuées et selon les
mécanismes généraux du droit institutionnel.
Compétences de l’UE en matière sociale : si les
réglementations sociales demeurent de la responsabilité
première des États membres, l’Union européenne y intervient
en vertu du principe de spécialité ou d’attribution (TFUE, art. 5).
Les compétences conférées à l’Union européenne en matière
sociale entrent, pour les plus importantes d’entre elles, dans la
catégorie des compétences partagées (TFUE, art. 4 § 2, b et
c). En d’autres termes, compétences de l’Union et compétences
nationales se partagent. Mais deux principes viennent au
premier plan pour permettre d’ordonner cette combinaison ou ce
partage, à savoir les principes de subsidiarité et de
proportionnalité (TUE, art. 5, al. 1). Ces derniers visent
principalement à encadrer l’action normative des institutions de
l’Union européenne.

(TFUE, art. 5 § 3)
En vertu du principe de subsidiarité, en particulier, « l’Union intervient seulement
si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être
atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central et au
niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou
des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union ».

Quant au principe de proportionnalité – qui est d’application générale


et ne se limite pas en cas de compétence non exclusive – « le

809
contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est
nécessaire pour atteindre les objectifs des traités ». Le respect de
ces deux principes fait l’objet d’un contrôle « minimum » par la Cour
de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

À côté des compétences partagées, l’Union peut engager, à propos


de certaines questions d’intérêt commun, une méthode de
coordination soumise à un régime spécifique (V. Supra MOC).
Ainsi, considérée comme une question d’intérêt commun (TFUE, art.
146 § 2), la politique d’emploi fait l’objet de coordination dont les
modalités sont définies par l’Union (TFUE, art. 5 § 2 et 3 TFUE). Il
revient en particulier à l’Union d’encourager, d’organiser la
coopération des États membres et de fixer, le cas échéant, les lignes
directrices d’action dont il convient que les États s’inspirent dans
leurs politiques respectives.

Dans tous les cas, le traité consacre un principe omniprésent dans


l’exercice des compétences de l’Union.

(TFUE, art. 4 § 3)
Il s’agit du principe de coopération loyale, en vertu duquel « l’Union et les États
membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des
missions découlant des traités ».

Par ailleurs, il ne faut pas négliger les compétences d’appui de


l’Union dans les domaines de l’éducation, de la formation
professionnelle et de la jeunesse (TFUE, art. 6, e), domaines
intrinsèquement liés à la politique sociale. Certes, ces derniers
relèvent de la compétence exclusive des États membres, mais
l’Union peut mener des actions pour appuyer, coordonner ou

810
compléter leur action, sans pour autant remplacer leur compétence
et en excluant toute mesure d’harmonisation des dispositions
législatives ou réglementaires en la matière.
Domaine des compétences de l’Union Européenne : En vue
de réaliser ses objectifs en matière sociale (TFUE, art. 151),
l’Union soutient et complète les actions de États membres dans
un domaine social très vaste (TFUE, art. 153 § 1). Sont en
particulier concernées : l’amélioration du milieu de travail pour
protéger la santé et la sécurité des travailleurs ; les conditions
de travail ; la sécurité sociale et la protection sociale des
travailleurs ; la protection des travailleurs en cas de résiliation
du contrat de travail ; l’information et la consultation de
travailleurs ; la représentation et la défense collective des
intérêts des travailleurs et des employeurs ; les conditions
d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour
régulier sur le territoire de l’Union ; l’intégration des personnes
exclues du marché du travail ; l’égalité entre les hommes et les
femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du
travail et le traitement dans le travail ; la lutte contre l’exclusion
sociale et la modernisation des systèmes de protection sociale.
Cependant, le traité a écarté les compétences de l’Union en matière
de politique sociales relatives aux rémunérations, au droit
d’association, au droit de grève et au lock-out (TFUE, art. 153 § 5).
Cette exclusion s’explique notamment par la nécessité de concilier le
droit d’action collective et le respect des libertés économiques qui
sont au fondement de l’Union (CJCE, 11 déc. 2007, International
Transport Workers’ Federation c. Viking Line, aff. C-438/05 CJCE ;
CJCE, 18 déc. 2007, Laval un Partneri Ltd, aff. C-341/05).

A Les institutions principales en matière sociale

811
Le Conseil européen (TFUE, art. 15) constitue indiscutablement
l’un des organes cardinaux de l’Union européenne, dans la mesure
où il représente le plus haut niveau de la coopération politique entre
les États membres. Réunissant les chefs d’États ou de
gouvernements, son rôle consiste dans la désignation des grandes
impulsions, orientations et priorités des politiques européennes.
Cependant, il n’adopte pas d’actes législatifs. Cette mission
appartient au Conseil (ou Conseil des ministres, TFUE, art. 16)
qui est un organe collégial composé des représentants des États
membres au niveau ministériel susceptibles d’engager leurs
gouvernements. Chaque conseil change en fonction des questions
abordées. Ainsi, en matière sociale, il réunira naturellement les
ministres nationaux ayant compétence en ce domaine. Le Conseil
est en principe compétent pour arrêter les actes qui vont constituer
la réglementation européenne, sur proposition de la Commission et
après avis du Parlement européen. Avec ces deux dernières
institutions, ils constituent ce qu’il est convenu d’appeler le « triangle
institutionnel ».

Précisément, la Commission européenne (TFUE, art. 17) qui


incarne l’intérêt général communautaire prend, en matière sociale,
des initiatives de proposition des projets d’actes législatifs (directives
et/ou règlements). Elle publie des communications (livres verts) à
l’attention des États membres, afin de préparer le terrain pour ses
initiatives à venir. Dans le domaine social, en particulier, la Direction
générale chargée de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion
collabore avec les autorités nationales, avec les partenaires sociaux
européens, avec d’autres Organisations internationales
(Organisation internationale du travail, Organisation de coopération
et de développement économiques, Organisme des Nations-Unis),
ainsi qu’avec les autres acteurs de la société civile et de la vie

812
économique. Elle gère aussi le Fonds social européen plus (FSE+),
instrument financier de l’Union destiné à soutenir l’emploi dans les
États membres et à promouvoir la cohésion sociale et économique.

Outre la Commission et le Conseil (représentant des États


membres), le Parlement européen (représentant des Peuples,
TFUE, art. 14) prend désormais réellement part au processus
législatif. Composé de 705 élus au suffrage universel direct
(l’ancienne composition de 751 députés était en vigueur jusqu’au 31
janvier 2020), il a vu son rôle fortement évoluer notamment après le
Traité d’Amsterdam et il est devenu un véritable codécideur grâce à
la généralisation par le Traité de Lisbonne de la procédure législative
ordinaire (TFUE, art. 294) dans plusieurs domaines, y compris la
politique sociale. Cette procédure se concrétise, en particulier, par
une navette législative conduite entre le Conseil et le Parlement, à
l’occasion de laquelle, le dernier peut proposer des amendements
voire rejeter un texte qui lui est soumis. Il convient aussi de souligner
que le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil permet
d’avancer en incitant les États membres d’entrer dans une logique
de négociation et de recherche d’un compromis. D’un autre côté, le
processus de décision est devenu plus complexe en raison du fort
lobbying de la part des groupes de pression. En matière sociale, une
procédure législative spéciale est pourtant réservée dans certains
domaines (TFUE, art. 153 § 2), accompagnée d’un vote à
l’unanimité du Conseil.

Enfin, la Cour de justice de l’Union européenne (TFUE, art. 19)


est devenue progressivement le principal moteur d’évolution de
l’Europe sociale. En effet, sa jurisprudence dans le domaine social
manifeste la volonté des juges de Luxembourg de promouvoir une
plus grande convergence sociale, dans la mesure où par leurs

813
décisions ils ont déclenché les initiatives les plus importantes de la
Commission dans ce domaine. Le développement jurisprudentiel du
principe de non-discrimination en constitue l’un des exemples les
o
plus symboliques (V. Fiche n 72). Exécutant principalement le
contrôle juridictionnel dans l’Union européenne (contentieux de la
légalité des actes des Institutions de l’Union ; contentieux des
manquements des États membres ; renvois préjudiciels), la CJUE
assure également la sauvegarde des droits fondamentaux à l’égard
des actions des institutions et, de façon plus générale, constitue un
facteur incontestable d’intégration.

Le renvoi préjudiciel à la CJUE


Si la Cour de Luxembourg a joué un rôle-clé dans la détermination de la portée
des normes du droit de l’UE, notamment de droit social, c’est essentiellement dans
le cadre du « renvoi préjudiciel » (TFUE, art. 267) qu’elle a pu façonner les
conditions d’invocabilité du droit de l’Union. Voie non contentieuse, le renvoi
préjudiciel constitue un instrument de coopération entre la Cour de justice et les
juridictions nationales grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments
d’interprétation du droit de l’UE qui leur sont nécessaires pour la solution du litige
qu’elles sont appelées à trancher. La règle interprétée peut et doit être appliquée
par le juge national même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt
statuant sur la demande d’interprétation. Autrement dit, le juge national est lié à
l’autorité de la chose jugée par l’interprétation qui est donnée par la Cour (CJCE,
3 févr. 1977, Benedetti, aff. C-52/76). La déclaration d’invalidité bénéficie à son
tour d’une autorité absolue puisqu’elle s’impose, outre à la juridiction de renvoi,
aux autres juridictions nationales. Dans les deux cas de figure, il appartient au
juge national de tirer les conséquences en termes d’appréciation concrète des
faits sur le plan interne.

814
Autorité européenne du travail
Proclamée le 13 septembre 2017, l’Autorité européenne du travail a été instituée
o
par la Régulation n 2019/1149 du 20 juin 2019. Installée à Bratislave, cette
nouvelle Agence européenne contribue à renforcer l’équité et la confiance dans le
marché intérieur, voire à assurer un meilleur fonctionnement du marché du travail
européen dans lequel 17.9 millions de citoyens étaient mobiles en 2019 (Source :
Rapport annuel 2020 sur la mobilité intra-européenne les données concernent la
mobilité dans l’UE des 28). Inscrite dans la mise en œuvre du socle européen des
droits sociaux (V. infra), l’Autorité assiste les États membres et la Commission en
ce qui concerne les questions liées à l’application et au respect effectifs du droit de
l’Union relatif à la mobilité de la main-d’œuvre (relevant de la liberté de circulation,
de l’immigration légale aux fins d’emploi et du détachement dans le cadre de
prestation de services) dans l’ensemble de l’Union et à la coordination des
systèmes de sécurité sociale au sein de l’Union (Art. 1§2 du Règlement). En effet,
assurer l’application effective du droit de l’Union implique nécessairement une
coopération et échange structurés entre les autorités nationales compétentes, à
travers notamment l’organisation d’inspections concertées ou encore la formation
du personnel en vue de traiter les situations de travail transfrontalières.

Ses missions principales (Art. 5) consistent, en particulier : à renforcer à tous les


niveaux la coopération entre les autorités du marché de travail, à mieux gérer les
situations transfrontières (contrôles, lutte contre le travail non déclaré, services de
médiation en cas de restructurations transnationales) ; à faciliter la coopération et
l’échange d’informations entre les États membres en vue de l’application et du
respect cohérents, efficaces et effectifs du droit pertinent de l’Union ; coordonner
et soutenir des inspections concertées et communes ; à faciliter l’accès aux
informations et coordonner EURES et à analyser et évaluer les risques liés à la
mobilité de main d’œuvre. De plus, une Plateforme européenne pour le
renforcement de la coopération dans la lutte contre le travail non déclaré a été
établie (Art. 12) pour soutenir les activités de l’Autorité en la matière.

L’Autorité a commencé à fonctionner mi-octobre 2019 et elle est déjà


opérationnelle dans son action de lutte contre le travail illégal, grâce notamment
au développement d’un système commun d’inspections concertées à travers les
États membres de l’Union européenne. Des actions d’inspection conjointes ont
déjà été menées, dans le secteur de la construction, en Belgique, en Lituanie et
au Portugal. Par ailleurs, la crise sanitaire liée au Covid-19 a mis en exergue le
phénomène du travail non-déclaré dans les secteurs des services aux
personnes et de nettoyage, du tourisme et de l’agriculture.

815
Enfin, l’AET développe une action très importante dans le secteur du transport
international. Des inspections conjointes ont été déjà menées en Bulgarie, aux
Pays-Bas et en Italie en vue de combattre les violations des droits sociaux des
travailleurs dans ce secteur. À cet égard, l’Autorité a publié son cadre d’action
dans le secteur du transport pour 2022
(V. https://www.ela.europa.eu/sites/default/files/2022-03/ela-framework-action-
road-transport-2022.pdf).

B Les institutions accessoires en matière sociale


À côté des institutions principales précédemment mentionnées, le
cadre institutionnel de l’Union dénombre d’autres organes
accessoires également compétents en matière sociale. Certains
d’entre eux sont explicitement consacrés dans les Traités, tandis que
d’autres ont été progressivement créés en vue d’assister le Conseil
et la Commission européenne dans l’exécution de leurs attributions.
Notons d’abord le Comité économique et social (TFUE, art. 300
§ 2) qui représente les différentes composantes de la vie
économique et sociale, notamment les producteurs, agriculteurs,
transporteurs, travailleurs, négociants et artisans, professions
libérales et les partenaires sociaux qui y occupent une place très
importante. Ce comité n’a qu’une fonction à caractère consultatif.

Notons ensuite le Fonds social européen (TFUE, art. 162), devenu


o
Fonds social européen plus (FSE+) institué par le Règlement n
2021/1057 du 24 juin 2021. Fruit de la fusion des plusieurs fonds et
programmes existants (Fonds social européen ; Initiative pour
l’emploi des jeunes ; Fonds européen d’aides aux plus démunis ;
programme pour l’emploi et l’innovation sociale), le FSE+ constitue
désormais le principal instrument des interventions financières de
l’Union dans trois domaines-clés : d’abord, l’efficacité des marchés
du travail et l’égalité d’accès à un emploi de qualité (Règl.

816
2021/1057, art. 3). Ensuite, l’inclusion sociale et la lutte contre la
pauvreté en se concentrant sur les enfants, les jeunes, les
demandeurs d’emploi, les chômeurs de longue durée et les groupes
défavorisés du travail (Règl. 2021/1057, art. 4). Enfin, l’éducation, la
formation et l’apprentissage tout au long de la vie, en promouvant
notamment le développement des compétences des travailleurs
pour s’adapter à la transition vers une économie verte et digitale
(Règl. 2021/1057, art. 4). Son action se traduit par une combinaison
d’aides européennes et nationales (principe du cofinancement) dans
le cadre des projets nationaux et régionaux liés à l’emploi, à la
promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte
contre la pauvreté, aux actions favorisant l’inclusion sociale ou
l’accessibilité pour les personnes défavorisées (personnes
handicapées, migrants, réfugiés). Son budget pour la période 2021-
2027 est établi à 99,3 milliards d’euros (Règl. 2021/1057, art. 5 et
https://ec.europa.eu/european-social-fund-plus/fr).

Par ailleurs, une série d’autres organes a été mise en place au fur et
à mesure afin de répondre aux besoins des différentes politiques et
réglementations spéciales, à l’instar de : sommet social tripartite
ayant remplacé le comité permanent de l’emploi ; le comité du
FSE+ ; le Centre européen pour le développement de la
Formation professionnelle ; la Fondation européenne pour
l’amélioration des conditions de vie et de travail et différents
comités consultatifs (pour la libre circulation des travailleurs ; pour
la sécurité sociale des travailleurs migrants ; pour la sécurité et la
santé sur le lieu de travail et pour l’égalité des chances entre les
hommes et les femmes).

II. Les partenaires sociaux européens

817
Né du syndicalisme mondial, le syndicalisme européen s’est
beaucoup développé depuis l’Accord sur la politique sociale en
1992. Le Traité d’Amsterdam a explicitement reconnu le rôle du
dialogue social au niveau européen en intégrant dans le corps du
Traité les procédures de consultation et de négociation entre
partenaires sociaux (à l’heure actuelle, TFUE art. 152).
Les organisations syndicales européennes : le syndicalisme
s’est doté de structures européennes, tant du côté des
travailleurs que celui des employeurs, ayant aussi bien une
dimension sectorielle qu’interprofessionnelle. La Commission
européenne reconnaît leur représentativité selon trois critères
dévoilés dans sa communication du 14 décembre 1993
(représentativité légale). Il faut, en particulier, que les
syndicats soient organisés au niveau européen, qu’ils soient
composés d’organisations elles-mêmes reconnues
représentatives dans tous les États membres et, enfin, qu’ils
soient suffisamment structurés pour pouvoir prendre
efficacement part au dialogue social à l’échelle européenne.
Selon la dernière actualisation des listes, sont représentatives 6
organisations syndicales interprofessionnelles, trois
représentant les travailleurs (Confédération européenne des
syndicats ; Confédération européenne des cadres ; Eurocadres)
et trois représentant les employeurs (Business Europe ; Union
européenne de l’artisanat et des petites et moyennes
entreprises, Centre européen des entreprises à participation
publique et des entreprises d’intérêt économique général). À
côté des organisations interprofessionnelles, existent
également, des organisations spécifiques (Eurochambres) et de
nombreuses organisations sectorielles représentant les

818
employeurs. Ces deux dernières sont également consultées au
titre de l’article 154 TFUE (V. Infra).

La représentativité syndicale européenne


En France, il n’y a qu’un seul mode d’appréciation de la représentativité syndicale
o
(V. Fiche n 35). Cependant, le modèle européen est différent. Il repose, en
particulier, sur deux types de représentativité : l’une légale (V. Supra), l’autre
conventionnelle. Il convient de souligner que ces deux types de représentativité
sont exigés alternativement, c’est-à-dire que, pour exercer certaines prérogatives,
les partenaires sociaux doivent avoir recours soit à l’une soit à l’autre. Par
exemple, la représentativité légale est requise lors du déclenchement du
processus des consultations des partenaires sociaux par la Commission
européenne (TFUE, art. 154). En revanche, peuvent participer aux négociations
en vue de la conclusion d’un accord européen – qu’il soit autonome ou conclu
dans le cadre de la procédure de l’article 154 TFUE – les organisations syndicales
représentatives conventionnellement et uniquement celles-ci (TFUE, art. 155).
Dans ce cas de figure, les partenaires sociaux se reconnaissent mutuellement
représentatifs. La Commission n’a aucun droit de regard, aucun rôle à jouer à
cette étape, qui résulte exclusivement d’une initiative des partenaires sociaux eux-
mêmes. D’où le signe de l’autonomie des mécanismes ainsi que de celle des
partenaires sociaux

A Le dialogue social bipartite : la participation


à l’élaboration du Droit social de l’Union européenne
L’une des particularités du droit social de l’Union européenne est la
reconnaissance d’un rôle-clef des partenaires sociaux dans
l’élaboration des normes sociales. Les modalités du dialogue social
européen sont déterminées par les articles 154 et 155 TFUE.
Précisément, le traité met en place une double procédure
obligatoire de consultation des partenaires sociaux par la
Commission européenne, lorsque celle-ci envisage de proposer une
nouvelle législation sociale : la première consultation concerne

819
l’orientation possible d’une action de l’Union et la seconde porte
concrètement sur le contenu de la proposition envisagée. Si les
partenaires sociaux émettent un avis qui n’engage en principe pas la
Commission, ils exercent pourtant un fort lobbying auprès des
Institutions de l’Union et y mettent de pression. Par ailleurs, la
seconde consultation peut aboutir à des relations conventionnelles, y
compris des accords. En effet, l’article 154 § 3 TFUE leur fournit
l’opportunité de s’engager dans une procédure de négociation
collective de dimension européenne, en vue de parvenir à un
accord-cadre sur la question qui leur est soumise (TFUE, art. 154
§ 4). Dans cette hypothèse, la Commission suspend son action de
proposition pendant 9 mois.
Si la négociation aboutit, un accord-cadre est conclu. L’article 155
TFUE prévoit deux procédures alternatives de mise en œuvre (selon
les procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux et aux
États membres ou par voie de directive sur décision du Conseil). En
effet, les accords conclus au niveau européen ne sont pas, au sens
du Code du travail, des accords collectifs. Par conséquent, ils ne
s’imposent pas par eux-mêmes à tous les salariés de l’Union, mais
uniquement aux parties signataires ; d’où la nécessité de leur mise
en œuvre. D’un autre côté, si les négociations échouent, la
Commission peut décider de proposer un projet de texte ou alors
d’arrêter le processus normatif. À titre d’exemple, sont issues du
dialogue social européen la directive 96/34 du 3 juin 1996 sur le
congé parental (accord-cadre du 14 décembre 1995), la directive
1999/70 du 28 juin 1999 concernant les dispositions particulières
aux CDD (accord-cadre du 18 mars 1999) et la directive 97/81 du
15 décembre 1997 sur les dispositions particulières applicables au
contrat de travail à temps partiel (accord-cadre du 6 juin 1997).

820
Dans tous les cas, les partenaires sociaux européens peuvent
engager des négociations collectives indépendamment de
l’ouverture de l’article 154 TFUE, c’est-à-dire de façon autonome et
hors de toute consultation par la Commission. Ces accords-cadres
dits « autonomes » n’ont pas, corrélativement, la force juridique
attachée aux directives. Il revient donc aux partenaires sociaux
nationaux de les transposer en procédant aux négociations
nécessaires. L’action des syndicats européens nous offre plusieurs
exemples en la matière, à l’instar de : l’accord-cadre sur le télétravail
du 16 juillet 2002 ; l’accord-cadre sur le stress au travail du 8 octobre
2004 ; l’accord-cadre sur le harcèlement du 26 avril 2007 ; l’accord-
cadre sur les marchés du travail inclusifs du 25 mars 2010 ; l’accord-
cadre sur le vieillissement actif au travail du 8 mars 2017 et,
récemment, l’accord-cadre sur la numérisation du 22 juin 2020. Avec
ce dernier accord, les partenaires sociaux européens visent à
soutenir la réussite de la transformation numérique de l’économie
européenne et à gérer ses importantes implications pour les
marchés du travail, le monde du travail et la société en général.

Bien entendu, il ne faut pas oublier d’autres prérogatives classiques


qui résident dans la participation des partenaires sociaux européens
à des organes de consultation. Ainsi, ils font partie du comité
économique et social et ils participent également au centre européen
pour le développement de la formation professionnelle et au comité
consultatif pour la sécurité sociale des travailleurs migrants
(V. Supra).

821
Par un arrêt rendu le 2 septembre 2021 (European Federation of Public
Service Unions c./Commission européenne, aff. C-928/19), la Cour de justice s’est
exprimée pour la première fois sur les relations des partenaires sociaux européens
avec la Commission européenne, notamment dans le cadre du processus de
consultation prévue par l’article 155 TFUE. Si les partenaires sociaux disposent
d’une autonomie qui leur permet d’engager ou de ne pas engager les négociations
susceptibles d’aboutir à la conclusion d’un accord, il est reconnu à la Commission
européenne une marge d’appréciation pour décider l’opportunité de présenter au
Conseil une proposition en vertu de l’article 155(2) TFUE. En d’autres termes,
l’existence de cette autonomie ne signifie pas que la Commission soit tenue de
donner suite à une demande conjointe présentée par les parties signataires d’un
accord et tendant à la mise en œuvre de cet accord au niveau de l’Union, au titre
de l’art. 155(2) TFUE. Or, cela reviendrait à reconnaître à ces partenaires sociaux
un pouvoir d’initiative propre qui ne leur appartient pas. Par conséquent, le
contrôle juridictionnel de la Cour est limité se rapportant à ce type de décisions où
les institutions sont amenées à prendre en considération des intérêts partiellement
divergents et à prendre de décisions impliquant des choix politiques tenant compte
de considérations d’ordre politique, économique et social.

B Le dialogue social tripartite : le Sommet social tripartite


sur la croissance et l’emploi
Par sa décision 2003/174/CE, le Conseil a institué un sommet social
tripartite sur la croissance et l’emploi qui a remplacé l’ancienne
commission pour l’emploi. Consacré par le Traité de Lisbonne dans
le corps du traité (TFUE, art. 152), ce sommet envisage de favoriser
une concentration continue entre les Conseil, la Commission et les
partenaires sociaux sur les questions économiques, sociales et
relatives à l’emploi. Il se réunit au moins une fois par an et l’une de
ses rencontres doit obligatoirement avoir lieu avant le Conseil
européen de printemps.

§2 Les sources du droit social de L’Union européenne

822
I. Le droit originaire

Plusieurs dispositions du droit originaire constituent des bases


juridiques du droit social. Ces dispositions sont essentiellement
regroupées au sein de la troisième partie du traité relative aux
« politiques et actions internes de l’Union ».

Précisément, un premier bloc est consacré à la mise en place et au


fonctionnement d’un vaste marché commun du travail. Au premier
abord, les articles 46 à 48 TFUE posent les bases d’une mobilité
professionnelle au sein de l’Union, en mettant également en place
un système de coordination des régimes de la sécurité sociale. Or,
cette mobilité professionnelle va de pair avec la libre prestation des
services (TFUE, art. 56 à 62). En même temps, l’objectif d’un
marché commun du travail nécessite une coordination en amont des
politiques d’emploi des États membres (TFUE, art. 145 à 150).

Par la suite, un deuxième bloc (TFUE, art. 151 à 161) concerne


directement le domaine d’intervention de l’Union en matière du droit
du travail au sens strict (conditions de travail, santé et sécurité,
garanties individuelles et collectives offertes aux salariés) et de la
politique sociale au sens large (lutte contre l’exclusion sociale,
intégration des personnes exclues du marché de travail, égalité
professionnelle sur le marché du travail, modernisation des
systèmes de protection sociale).

À ces dispositions du droit originaire, trois autres intéressent


directement et indirectement le droit social : premièrement,
l’article 19 TFUE qui confère à l’Union une habilitation à légiférer en
matière de lutte contre toutes les formes de discriminations,
notamment au travail. Deuxièmement, l’article 162 TFUE qui met en

823
place le Fonds social européen (devenu FSE+, V. Infra).
Troisièmement, l’article 166 TFUE sur la compétence d’appui de
l’Union en matière des politiques nationales de la formation
professionnelle.

II. Le droit dérivé

A Les actes réglementaires contraignants


Sont en principe des actes réglementaires contraignants les
directives, les règlements et les décisions (TFUE, art. 288). Au
premier abord, les directives sociales, qui s’adressent aux États
membres et réclament donc transposition, sont obligatoires quant au
résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales le choix
de la forme et des moyens de leur mise en œuvre. Le caractère
obligatoire est souvent lié au fait qu’une échéance, au terme d’un
délai, est fixée aux États membres. Cela implique, corrélativement,
qu’un État n’ayant pas transposé ou n’ayant pas correctement
transposé (c’est-à-dire le résultat demandé n’est pas atteint) au
terme du délai sera condamné par la CJUE pour manquement à ses
obligations. Certes, les États disposent d’une totale liberté dans le
choix de l’acte juridique de transposition de la directive (loi, décret,
ordonnance, arrêté, circulaire…).

Cependant, la transposition des directives sociales présente une


certaine particularité, dans la mesure où un État peut choisir de les
transposer par voie d’accord collectif. Il s’agira, en particulier, de
donner à ces accords une application générale et une valeur
contraignante assurant la réalisation de l’objectif fixé. Du fait de leur
souplesse, les directives constituent un outil privilégié en matière
sociale couvrant un large éventail des thématiques : santé et

824
sécurité du travail ; temps de travail ; égalité homme-femme ; congé
maternité ; équilibre entre vie professionnelle et vie privée des
parents et des aidants ; comité d’entreprise européen ; licenciements
collectifs ; conditions de travail transparentes et prévisibles ; travail à
temps partiel ; maintien des droits en cas de transfert d’entreprises ;
consultation des travailleurs en cas de licenciement ; détachement
des travailleurs etc.

La transposition conventionnelle des normes


sociales européennes
Concernant la transposition d’une directive sociale (ou même d’un accord-cadre
européen) par voie conventionnelle, il faut préalablement une demande conjointe
des partenaires sociaux, voire de la part à la fois des organisations
professionnelles patronales et salariales, pour que cette transposition soit
envisagée. Si l’État accède à leur demande, les partenaires sociaux vont négocier
des conventions ou accords collectifs conformément aux règles en vigueur de
l’État de transposition. Pour la France, cela signifie, en particulier, qu’on peut
mettre en œuvre une norme sociale européenne par voie d’accords nationaux
interprofessionnels, d’accords de branche voire d’accords d’entreprises, donc par
le biais de la négociation collective nationale. Sur ce point, il convient également
de souligner que cette possibilité de transposition conventionnelle est réservée
aux organisations syndicales en mesure de faire preuve de leur
représentativité, cette dernière devient une condition préalable nécessaire. Une
illustration de transposition conventionnelle peut être donnée avec l’accord-cadre
européen sur le télétravail du 16 juillet 2002, transposé en France par l’accord
national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005.

Le règlement est quant à lui un acte de portée générale. Comme la


loi, il contient des prescriptions générales et impersonnelles. Il
s’adresse à tous et est directement applicable. Cependant, en raison
de sa force contraignante, il est peu utilisé en droit du travail et
davantage dans le domaine de la protection sociale. Citons, à titre

825
illustratif le règlement (CEE) 1612/68 du Conseil relatif à la libre
circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté et le
règlement 883/2004/CE du Parlement européen et du Conseil,
portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

La décision, enfin, n’a pas de portée générale. Cependant, elle est


obligatoire dans tous ses éléments – et pas seulement quant au
résultat à atteindre – pour ses destinataires. En pratique, les
décisions sont très peu utilisées en droit social et concernent
principalement les questions relatives à l’emploi (exemple : décision
1672/2006/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un
programme communautaire pour l’emploi et la solidarité sociale-
Progress).

B Les actes réglementaires non-contraignants


À côté des actes réglementaires revêtant de force contraignante, les
institutions de l’UE adoptent également des actes qui ne constituent
pas des sources de droit au sens complet du terme. Il s’agit de
recommandations et d’avis. Si ces derniers, qui sont
principalement adressés aux entreprises ou aux États n’expriment
qu’une opinion, voire un conseil, les premières revêtent pourtant un
caractère plus incitatif. Issues de la Commission ou du Conseil, les
recommandations sont en réalité des invitations à adopter des
comportements particuliers. À cet égard, la Cour de Luxembourg
estime qu’elles ne sont pas dépourvues de tout effet juridique et que
les juges nationaux sont tenus de les prendre en considération dans
l’interprétation des dispositions nationales ou lorsqu’elles ont pour
objet de compléter les dispositions du droit de l’UE ayant un
caractère contraignant (CJCE, 13 déc. 1989, Grimaldi, aff. 322/88).
En matière sociale, ces deux figures juridiques – qui se rangent dans

826
la catégorie de soft law – sont peu utilisées. Il en va de même des
résolutions portant sur une question précise. Citons, à titre
d’exemple, la résolution du Conseil du 15 novembre 2007 sur les
compétences nouvelles pour des emplois nouveaux et la
recommandation 2019/C 387/01 du Conseil du 8 novembre 2019
relative à l’accès des travailleurs salariés et non-salariés à la
protection sociale.

III. Les droits sociaux fondamentaux consacrés


par les Chartes

A La Charte communautaire des droits sociaux


fondamentaux des travailleurs de 1989
Adoptée le 9 décembre 1989 (sans le concours du Royaume-Uni), la
Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des
travailleurs avait comme vocation à créer un socle des droits
exclusifs aux travailleurs, en établissant pour chacun d’entre eux des
prescriptions minimales et les bases d’un programme de réalisation
par les États membres. Sont, en particulier, consacrés les droits
sociaux suivants : la liberté de circulation des travailleurs ; la liberté
de choisir sa profession ; le droit à une juste rémunération ;
l’amélioration des conditions de vie et de travail ; le droit à une
protection sociale d’un niveau suffisant ; la liberté d’association et le
droit à la négociation collective ; le droit à la formation
professionnelle ; le droit à l’égalité de traitement entre les hommes et
les femmes ; le droit à l’information et à la consultation des
travailleurs ; la protection de la santé et de la sécurité dans le milieu
de travail ; la protection des enfants et des adolescents ; la garantie
d’un revenu minimal pour les personnes âgées et l’intégration
sociale et professionnelle des personnes handicapées.

827
Cependant, malgré son contenu riche, la Charte n’est qu’une
déclaration, sans portée juridique précise, voire sans force
juridique contraignante de sorte que les droits qu’elle énonce ne
sont pas d’applicabilité directe. Il appartient aux États membres la
responsabilité principale de les garantir. En revanche, elle a une
signification politique importante. À cet égard, il ne faut pas négliger
son rôle considérable, notamment au début des années 90, dans le
développement des initiatives et des actions de l’Union en matière
sociale ; la Commission ayant adopté de nombreuses directives de
nature à en assurer l’application. Par ailleurs, elle est prise en
considération tant dans les interprétations de la CJUE que dans
celles des juridictions nationales.

B La Charte des droits fondamentaux de l’Union


européenne
Proclamée le 7 décembre 2000, puis adoptée, après révision, le
12 décembre 2007, la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne recouvre l’ensemble des droits fondamentaux de la
personne humaine et, parmi eux, une protection est accordée à une
importante série des droits sociaux fondamentaux. Contrairement à
la Charte de 1989 qui reste essentiellement un instrument politique
et incitatif, la Charte des droits fondamentaux de l’UE dispose d’une
valeur juridique égale à celle des traités (TFUE, art. 6), valeur qui
s’attache par conséquent aux droits sociaux qu’elle consacre.
Divisée en six titres (solidarité, dignité, libertés, égalités, citoyenneté,
justice), la Charte accorde indivisiblement aux droits sociaux et
économiques la même valeur réservée aux droits civils et politiques,
qui, eux-mêmes concernent directement ou indirectement les droits
des travailleurs.

828
Cependant, elle n’appelle pas au développement d’une action
normative ayant pour objet d’assurer la protection des droits qu’elle
protège. Autrement dit, elle encadre seulement l’action de l’Union en
la soumettant au respect des droits fondamentaux.

Aux termes de son article 51, « Les dispositions de la présente


Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de
l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États
membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de
l’Union ». En d’autres termes, la « contrainte » qu’elle impose aux
États membres est avant tout de commander que les dispositions du
droit de l’Union qui sont questionnées soient « interprétées et
appliquées à la lumière… de la Charte » (CJUE 6 déc. 2012,
Maahanmuuttovirasto, aff. C-365/11). Par ailleurs, bien que
fondamentaux, les droits sociaux consacrés par la Charte ne
comportent pas tous de véritables droits subjectifs dont le respect
pourrait être invoqué devant le juge. Ils ont en réalité une
justiciabilité indirecte d’interprétation et de contrôle et non pas
d’application. De plus, il est de jurisprudence constante de la Cour
de justice que « les droits fondamentaux garantis dans l’ordre
juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les
situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de celle-
ci » (CJUE, 10 févr. 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-
Fürstenfeld, aff. C-219/20, point).

829
Jurisprudence – rôle de la CJUE
La Cour de Justice de l’Union européenne s’efforce ces dernières années
d’assurer la protection des droits fondamentaux et, de préciser leur ampleur.
Concernant, en particulier, le droit à une période annuelle de congés payés
(art. 31§2 de la Charte), la Cour lui a reconnu un effet horizontal direct, en raison
de son caractère impératif qui trouve sa source dans divers instruments
internationaux et non seulement dans la législation de l’Union (CJUE, 6 nov. 2018,
Marx Planck et Bauer &Willmeroth, aff. C-684/16 et C-569/16 et C-570/16).

830
Le socle européen des droits sociaux
Le 26 avril 2017, la Commission européenne a adopté sa proposition sur le socle
européen des droits sociaux. Il repose sur 20 principes-clés qui se déclinent
autour de trois thématiques : a) égalité des chances et accès au marché du
travail ; b) conditions de travail équitables ; c) protection et insertion sociales. Son
objectif est essentiellement de sauvegarder la libre circulation des travailleurs et
de lutter contre les abus et les risques du dumping social. Mais, en réalité de
préoccupations économiques sont également prises en considération, à savoir
assurer la stabilité de l’ensemble de la zone euro. Bien qu’il soit dépourvu de
valeur juridique contraignante, une série d’actions législatives s’inscrivent dans
le cadre de la mise en application du Socle. Il s’agit, tout d’abord, de deux
Directives : d’une part, la Directive 2019/1152 adoptée le 19 juin 2019 relative à
des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’UE et, d’autre part, la
Directive 2019/1158 adoptée le 20 juin concernant l’équilibre entre vie
professionnelle et vie privée des parents et des aidants.

D’autres initiatives sont en cours, et, en particulier, 3 propositions de directives et 2


propositions de recommandations :

– proposition de directive relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union


(à la suite de huit cycles de négociation depuis le mois de janvier dernier entre le
Conseil et le Parlement européen, les deux co-législateurs sont parvenus, le 7 juin
2022, à un accord politique provisoire sur le projet de Directive relative aux
salaires minima adéquats dans l’UE. L’accord sera suivi par deux votes formels, à
la fois au sein du Conseil et au sein du Parlement) ;

– proposition de directive sur la transparence des rémunérations entre hommes et


femmes (ce texte est également en progression après l’accord, début avril dernier,
du Parlement européen pour entrer en négociation avec les gouvernements des
États membres) ;

– proposition de directive sur l’amélioration des conditions de travail des


travailleurs des plateformes numériques d’intermédiation ;

– trois recommandations, adoptées le 17 juin 2022 qui ambitionnent une


participation d’au moins 60% des adultes aux activités de formation d’ici 2030 :

a) recommandation sur l’apprentissage au service de la transition


écologique et du développement durable ;

b) recommandation sur une approche européenne des micro-certifications


pour l’apprentissage tout au long de la vie et l’employabilité et

831
c) recommandation relative aux comptes de formation individuels.

Bien que dépourvus de valeur juridique contraignante, ces trois textes s’inscrivent
dans la dynamique actuelle dominante au sein de l’UE qui est celle de la politique
de l’emploi.

832
833
834
835
POUR ALLER PLUS LOIN…
– J.-F. AKANDJI-KOMBE, « De l’invocabilité des sources
européennes et internationales du droit social devant le juge
interne », Dr. soc., 2012, p. 1014

836
– B. BERCUSSON, « Qu’attendre de la promotion de la Charte des
droits fondamentaux par le Traité de Lisbonne ? », RDT 2008,
p. 74
– K. CHATZILAOU, « Vers un socle européen des droits sociaux :
quelles inspirations ? », RDT 2017, p. 175
– J.-G. HUGLO, Le rôle de la Cour de cassation dans l’articulation
des normes en droit du travail, Dr. soc., 2017, p. 404
– S. LAULOM, « Passé, présent et futur de la négociation collective
transnationale », Dr. soc., 2007, p. 623
– E. MAZUYER, « Les instruments juridiques du dialogue social
européen : état des lieux et… », Dr. soc., 2007, p. 476
– P. RODIERE, « Le dévissement de l’Europe sociale sur les
“explications” du socle européen des droits sociaux par la
Commission », RTDE, 2018, p. 45
– G. SANTORO, « L’évaluation des accords-cadres européens : un
état des lieux, de la négociation à la phase d’exécution », Dr. soc.,
2015, p. 15
– Ch. VIGNEAU, « Partenaires sociaux européens et nouveaux
modes communautaires de régulation : la fin des privilèges ? », Dr.
soc., 2004, p. 883
– S. ROBIN-OLIVIER, « Chronique Politique sociale de l’UE – La
politique sociale de l’Union Européenne à l’heure du centenaire de
l’OIT », RTD Eur. 2019, p. 693
– P-Y. VERKINDT, « L’appel aux droits fondamentaux en matière
sociale », Dr. soc. 2019, p. 503
– J.-J. GATINEAU, « L’accueil du droit européen en droit français :
des progrès notables », Dr. soc. 2019, p. 498

837
TITRE 1
LA CIRCULATION DES TRAVAILLEURS
SALARIÉS DANS L’ESPACE DE L’UNION
EUROPÉENNE

838
SOUS-TITRE 1
LES TRAVAILLEURS SALARIÉS CITOYENS
DE L’UNION EUROPÉENNE

o
Fiche n 68 La libre circulation des travailleurs (le principe)
o
Fiche n 69 La libre circulation des travailleurs
(les limitations)

839
o
Fiche n 68 La libre circulation
des travailleurs (le principe)

L’ESSENTIEL

La réalisation du marché intérieur (TFUE, art. 26) a rendu


nécessaire la liberté de circulation des personnes, permettant
principalement aux entreprises de bénéficier d’un vaste marché
européen de l’emploi. L’article 45 TFUE consacre expressément la
liberté de circulation intra-européenne des travailleurs, mais
l’ensemble du dispositif est également fondé sur d’autres textes du
droit primaire (TFUE, art. 46 à 48) et du droit dérivé : Règlement
o
n 1612/68 du 15 octobre 1968 (remplacé par le règlement
o
n 492/2011 du 5 avril 2011) ; directive 2004/38 du 29 avril 2004 ;
directive 2014/54 du 16 avril 2014 et directive 96/71 du 16 décembre
1996 (partiellement modifiée par la directive 2018/957 du 28 juin
2018) concernant le détachement des travailleurs dans le cadre
o
d’une prestation des services (V. Fiche n 71). La Cour de justice
joue également un rôle considérable dans l’interprétation et les
précisions apportées sur les questions concernées. Selon elle, le
principe de libre circulation des travailleurs constitue une liberté
fondamentale dans le système de l’UE (CJCE, 31 mars 1993,

840
Krauss, aff. C-19/92) qui dispose d’un domaine personnel assez
vaste.

LES CONNAISSANCES

§1 Les bénéficiaires

I. Les travailleurs citoyens européens

La liberté d’accès à une activité professionnelle a une fonction large


engobant tous les travailleurs actifs, qu’ils soient salariés ou
indépendants. Cependant, le corpus législatif relatif à la libre
circulation des travailleurs s’applique aux personnes considérées
comme tels par le droit de l’Union européenne.

Jurisprudence
La CJUE a développé un important et abondant contentieux sur la définition
de la notion de travailleur qui « revêt une portée autonome propre au droit de
l’Union et ne doit pas être interprétée de manière restrictive » (CJCE 21 févr.
2013, L.N., aff. C-46/12 ; CJUE, 20 nov. 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a.,
C 147/17).

A Les travailleurs salariés

841
Jurisprudence
Concernant, tout d’abord, les travailleurs salariés, la Cour a repris le critère
classique de subordination, en vertu duquel la relation de travail se caractérise par
le fait qu’une personne exécute ses prestations, pendant un certain temps, en
faveur d’une autre personne, et sous sa direction, en échange d’une rémunération
(CJCE, 3 juil. 1986, Lawrie-Blum, aff. 66/80 ; CJCE, 31 mai 1989, Bettray, aff.
344/87 ; CJCE, 8 juin 1999, Meeusen, aff. C-337/97 ; CJUE, 26 mars 2015, Fenoll,
aff. C-316/13 ; CJUE, 21 févr. 2018, Matzak, aff. C-518/15). Peu importe que
l’activité soit occasionnelle ou à temps partiel (CJCE, 6 nov. 2003, Ninni Orasche,
aff. C-413/01) ; ce qui compte est qu’elle soit « réelle et effective » (CJCE, 21 févr.
2013, L.N., aff. 46/12 ; CJCE, 4 juin 2009, Vatsouras et Koupatanze, aff. C-22/08
et C-23/08) sans se limiter à une tâche marginale et accessoire (CJCE, 23 mars
1982, D.M. Levin, aff. 53/81). Peu importe également que le travail soit exercé
dans le secteur privé ou public ou même le niveau de rémunération. Ainsi, un
stagiaire rémunéré détient la qualité de travailleur (CJCE, 26 févr. 1992, Bernini,
aff. C-3/90). Il en est de même d’un chercheur qui prépare un doctorat et qui
bénéficie d’un contrat de bourse (CJCE, 17 juil. 2008, Raccanelli, aff. C-94/07).
Dans toute hypothèse, pour que les dispositions de la liberté de circulation des
travailleurs s’appliquent, il faut que l’activité ne se cantonne pas à l’intérieur d’un
seul État membre (CJCE, 16 déc. 2004, My, aff. C-293/03).

B Les personnes assimilées aux travailleurs

Jurisprudence
La Cour de Luxembourg a progressivement adopté une conception extensive
du travailleur qui s’exprime par le maintien de cette qualité au-delà de la période
de prestation de travail (CJCE, 26 févr. 1992, Bernini, op. cit.).

Dans le sillage de la jurisprudence de la Cour, la directive 2004/38 a


consacré une série de cas de figure (art. 7 § 3) dans lesquels le
citoyen européen qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée
peut quand même conserver cette qualité. Il y a, donc, une ouverture

842
du régime de la libre circulation des travailleurs aux non-actifs, qui
sont principalement les retraités, les étudiants et les demandeurs
d’emploi privés involontairement d’emploi. Concernant, ces derniers,
en particulier, la directive prévoit un régime différent selon que le
contrat initial s’est déroulé sur plus d’un an ou moins d’un an. Dans
le premier cas de figure, la personne conserve le statut de travailleur
sans limitation, mais le chômeur doit être enregistré. Dans le second
cas, le statut perdure au moins 6 mois et, au-delà de ce délai, le
chômeur perdra sa qualité de travailleur, sauf s’il peut relever d’une
autre qualité. Cependant, en cas de chômage volontaire, le citoyen
européen n’est pas considéré comme travailleur, avec toutes les
conséquences corrélatives que ce statut implique.

C Exclusion des travailleurs indépendants

843
Jurisprudence
La Cour de justice a jugé que la flexibilité accrue quant au choix du type de
travail et des missions à accomplir, des modalités d’exécution de ces tâches ou
travaux, des horaires et du lieu de travail, ainsi que davantage de liberté dans le
recrutement des propres collaborateurs sont les éléments qui sont en général
associés aux fonctions d’un prestataire de services indépendant (CJUE, 10 sept.
2014, Haralambidis, aff. C 270/13). Cependant, la qualification de « prestataire
indépendant », au regard du droit national, n’exclut pas qu’une personne doit être
qualifiée de « travailleur », au sens du droit de l’Union, si son indépendance n’est
que fictive, déguisant ainsi une véritable relation de travail (CJUE, 4 déc. 2014,
FNV Kunsten Informatie en Media, aff. C 413/13). Il en est ainsi d’une personne
qui, bien qu’embauchée en tant que prestataire de services indépendant au regard
du droit national, pour des raisons fiscales, administratives ou bureaucratiques,
agit sous la direction de son employeur, en ce qui concerne notamment sa liberté
de choisir l’horaire, le lieu et le contenu de son travail, ne participe pas aux risques
commerciaux de cet employeur et est intégrée à l’entreprise dudit employeur
pendant la durée de la relation de travail, formant avec celle-ci une unité
économique (Idem).

Les travailleurs indépendants bénéficient d’une liberté


d’établissement et de prestation des services dans le territoire d’un
autre État membre. Dans ce registre, ils disposent d’un droit d’accès
et d’exercice des activités non salariées (dans le secteur de
l’industrie, du commerce, de l’artisanat, de l’agriculture ou au titre de
la profession libérale), ainsi que de constitution et de gestion
d’entreprises (TFUE, art. 49, al. 2). Sont exceptées « les activités
participant dans un État membre, même à titre occasionnel, à
l’exercice de l’autorité publique » (TFUE, art. 51 TFUE). Le traité
exige que, lorsque le prestataire se déplace d’un État membre à un
autre pour la première fois pour fournir des services, il doit informer
préalablement l’autorité compétente de l’État membre d’accueil par
une déclaration écrite, renouvelée, le cas échéant, tous les ans.

844
Travailleurs des plateformes numériques
d’intermédiation d’emploi
Faisant suite à une demande préjudicielle sur le statut juridique d’un livreur qui
travaillait pour une plateforme (Yodel), la Cour de Justice a rendu, le 22 avril 2020
une ordonnance (Yodel Delivery Network, aff. C-692/19) qui apporte des
précisions sur la distinction entre un « travailleur » placé sous un lien de
subordination et un « prestataire de services indépendant ». La Cour a, ainsi,
exclu la qualification de « travailleur » au sens de la Directive 2003/88/CE à un
livreur qui disposait des facultés : 1° de recourir à des sous-traitants ou à des
remplaçants pour effectuer le service qu’elle s’est engagée à fournir ;

2° d’accepter ou de ne pas accepter les différentes tâches offertes par son


employeur présumé, ou d’en fixer unilatéralement un nombre maximal ;

3° de fournir ses services à tout tiers, y compris à des concurrents directs de


l’employeur présumé, et

4° de fixer ses propres heures de « travail » dans le cadre de certains


paramètres, ainsi que d’organiser son temps pour s’adapter à sa convenance
personnelle plutôt qu’aux seuls intérêts de l’employeur présumé. En appliquant
ainsi sa jurisprudence antérieure (V. Supra), la Cour affirme qu’il appartient au
juge national de procéder à la qualification de la notion de « travailleur ».

La mobilité professionnelle intra-européenne


augmente d’année en année
Selon le rapport annuel 2020 de la Commission européenne sur la mobilité de la
main d’œuvre à l’intérieur de l’Union (publié en janvier 2021), près de 13 millions
de citoyens européens en âge de travailler (entre 20 et 64 ans) (et 17.9 millions de
personnes de tous âges) résidaient en 2019 dans un pays de l’UE (UE des 28)
autre que celui dont elles ont la nationalité.

II. Le droit au regroupement familial

845
Si le traité de Rome n’avait pas envisagé le regroupement familial,
les dispositions suivantes du droit dérivé vont l’introduire par le biais
o
du règlement n 1612/68 (aujourd’hui, art. 10 du règlement
o
n 492/2011) et de la directive 2004/38 (art. 2 et 3). Dans tous les
cas, le droit au regroupement familial s’ouvre uniquement au
bénéfice des ressortissants de l’Union exerçant leur droit de libre
circulation. La règle veut donc qu’il existe un élément de
rattachement au droit de l’Union.

Concernant, tout d’abord, la notion de « famille », le regroupement


s’étend au-delà de la famille la plus étroite, puisqu’il concerne non
seulement les conjoints – rapport uniquement fondé sur le mariage
ou sur un partenariat enregistré –, les ascendants et descendants
directs respectifs (jusqu’à l’âge de 21 ans ou à charge), mais aussi
tout membre de la famille à charge et faisant partie du ménage, dont
l’État d’accueil favorise l’entrée et le séjour. La Cour de justice a
apporté certaines précisions sur la notion de personne à charge
(CJCE, 18 juin 1987, Lebon, aff. 316/85) et sur la situation de
dépendance d’un ascendant. Cette dernière s’apprécie, en
particulier, au regard de sa situation dans l’État de provenance et
non dans l’État d’accueil (CJCE, 9 janv. 2007, Jia, aff. C-1/05). De
plus, elle a exclu le concubin du cercle des bénéficiaires (CJCE,
17 avr. 1986, Reed, aff. 59/85).

Par ailleurs, le droit au regroupement est ouvert aux membres de la


famille du travailleur « quelle que soit leur nationalité » (préambule
de la directive 2004/38). Cependant, il est nécessaire de distinguer
les membres de la famille qui ont ou non la nationalité d’un État
membre et ceux qui ne l’ont pas. Dans le premier cas, ces derniers
possèdent d’un droit propre de circuler dans l’Union, auquel s’ajoute

846
celui qu’ils puisent dans leur qualité de membre de la famille d’un
ressortissant de l’UE. En revanche, si les membres de la famille
n’ont pas la nationalité d’un État membre, ils ne disposent pas d’un
droit de circulation et de séjour propre et autonome, mais au
contraire d’un droit dérivé du droit du travailleur ressortissant de
l’Union (CJCE, 19 oct. 2004, Chen et Zhu, aff. C-200/02). S’ils
perdent leur qualité de membre de la famille – décès du citoyen de
l’Union, divorce, disparition de la qualité de personne à charge – ils
redeviennent simplement des ressortissants extérieurs à l’Union et
seront traités comme tels, sauf certaines exceptions prévues dans
les art. 13 et 14 de la directive 2004/38.

La libre circulation des travailleurs s’applique également, d’une manière


générale, aux pays de l’Espace économique européen, à savoir l’Islande, le
er
Liechtenstein et la Norvège (accord entré en vigueur le 1 janvier 1994). De plus,
avec l’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes (ALCP) entre l’Union
er
européenne et la Suisse signé en 1999 et entré en vigueur au 1 janvier 2002,
les ressortissants suisses et ceux des États membres de l’Union se voient
accorder le droit de choisir librement leur lieu de travail et de domicile sur le
territoire des États parties.

847
BREXIT
La sortie définitive du Royaume-Uni de l’Union Européenne marque aussi la fin
d’application du droit de l’Union. Cependant, la libre circulation des travailleurs
entre le RU et l’UE continuait à s’appliquer, sur la base de l’accord de retrait du
17 octobre 2019, pendant une période transitoire qui a pris fin le 31 décembre
2020. Au cours de la période de transition les citoyens européens et les
ressortissants britanniques bénéficiaient toujours de la liberté de circulation entre
les deux espaces et ils pouvaient réaliser librement des projets de mobilité
professionnelle (hormis l’impossibilité de devenir fonctionnaires européens :
art. 127 de l’accord de retrait). L’accord de retrait prévoyait également les règles
applicables après la période de transition aux Britanniques séjournant ou
travaillant déjà dans l’UE et aux Européens installés au Royaume-Uni avant 2021.
Il inclut les membres de leurs familles, y compris certains qui débuteraient leur
mobilité à partir de 2021, et organise le droit d’exercer une activité professionnelle
(art. 22 du même accord).

er
À partir du 1 janvier 2021, les relations entre le Royaume-Uni et l’UE sont
réglementés par un accord de commerce et de coopération signé le 30 décembre
er
2020 et définitivement entré en vigueur le 1 mai 2021 (entrée en vigueur
er
provisoire le 1 janvier 2021). Avec l’abandon du principe de la libre
circulation des personnes, tous les mouvements seront soumis aux législations
migratoires de l’UE et du RU respectives applicables aux ressortissants des pays
tiers au regard du droit de séjour et des droits à la protection sociale (V. Fiche 70).

§2 L’ampleur de la libre circulation des travailleurs

La consécration par le traité de Maastricht du 7 février 1992 de la


« citoyenneté européenne » est devenue le critère majeur de la libre
circulation des personnes dans l’Union, qui a incité à établir un
régime de circulation et de séjour commun aux différentes
catégories sociales de citoyen européen. Or, le rôle fondamental du
critère de l’activité économique dans le marché intérieur confère à la

848
prestation de travail et aux travailleurs un régime spécifique. Ainsi, la
qualité de citoyenneté joue simplement, en matière sociale, une
fonction subsidiaire n’intervenant qu’à défaut des dispositions
propres liées à l’activité économique.

I. Le droit d’accès à l’emploi

o
(Règl. UE, n 492/2011, 5 avr. 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à
l’intérieur de l’Union)
er o
Selon l’article 1 du règlement n 492/2011, « tout ressortissant d’un État
membre, quel que soit son lieu de résidence, a le droit d’accéder à une activité
salariée et de l’exercer sur un territoire d’un autre État membre conformément aux
dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des
travailleurs nationaux de cet État ».

Il n’existe pas de régime juridique d’autorisation du travail pour les


citoyens de l’Union. La simple présentation d’une carte d’identité ou
d’un passeport en cours de validité suffit (CJCE, 21 sept. 1999,
Flores Ariel Wijsenbeeck, aff. C-378/97). Par ailleurs, aucune limite
d’emploi ou de quotas d’emplois applicable par les droits nationaux
aux ressortissants des pays tiers ne peut s’opposer aux citoyens de
l’Union. Il existe, néanmoins, certaines limites d’accès à l’emploi
o
(V. Fiche n 74).

Le droit d’accéder à l’emploi implique nécessairement le droit de


quitter un emploi. La sortie du territoire d’un État membre s’effectue
o
comme l’entrée (Dir. n 2004/38, 29 avr. 2004, art. 4). À plusieurs
reprises, notamment dans des affaires impliquant des sportifs
professionnels, la CJUE a affirmé que les dispositions qui
empêchent ou qui dissuadent un ressortissant d’un État membre de

849
quitter son territoire d’origine pour exercer son droit à la libre
circulation constituent des entraves à cette liberté. Tel est le cas de
l’établissement d’un système de paiement d’indemnités entre clubs
de football européens à l’occasion du transfert des joueurs
professionnels (CJCE, 15 déc. 1995, Bosman, aff. C-415/93 ; CJUE,
16 mars 2010, Olympic lyonnais, aff. C-352/08 ; CJCE, 13 avr. 2000,
Lehtonen, aff. C-176/96). Une entrave pourrait, néanmoins, se
justifier par des motifs non économiques, intéressant uniquement le
sport, afin d’éviter de fausser la régularité des compétitions. Le juge
national doit encore vérifier si elle ne va pas au-delà du nécessaire
pour atteindre cet objectif.

II. Le droit de séjour

Le droit d’un citoyen européen et des membres de sa famille de


bénéficier d’un séjour est organisé dans ses conditions générales
o
par la directive n 2004/38. Cependant, le droit de séjour lié à
l’emploi bénéficie d’une protection accentuée. Les modalités
diffèrent selon qu’il s’agit d’un séjour pour recherche d’emploi, d’un
séjour pour exercer une activité professionnelle ou d’un séjour en
cas de cessation de travail.
Séjour pour recherche d’emploi : si « le droit de circuler pour
y rechercher une activité professionnelle, salariée ou
indépendante » a été affirmé par la Cour de Luxembourg
(CJCE, 8 sept. 1976, Royer, aff. C-48/75), la durée du séjour à
des fins de recherche d’emploi présente une spécificité, dans la
mesure où le ressortissant n’est pas encore un agent
économique, bien qu’il cherche à le devenir. Faute de précision
o
dans le règlement n 1612/68, la CJUE s’est référée, dans
l’arrêt Antomisen du 26 février 1991 (aff. C-292/89) à un « délai
raisonnable », à l’issue duquel l’État d’accueil pourrait

850
contraindre le ressortissant européen à quitter le territoire, « à
moins qu’il n’apporte la preuve qu’il continue à chercher un
emploi et qu’il a des chances véritables d’être engagé ». Tirant
les enseignements de cette jurisprudence, la directive 2004/38
qui prévoit un séjour court de trois mois, interdit l’éloignement
du territoire de l’État d’accueil d’un ressortissant – avec les
membres de sa famille – qui est en mesure de faire la preuve
qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances
réelles d’être engagé (art. 14 § 4). Il a été, par ailleurs, précisé
qu’au-delà des trois mois de séjour, l’État membre d’accueil
pouvait imposer au citoyen demandeur d’emploi de se faire
enregistrer auprès des autorités compétentes. L’article 8 § 3 de
la directive 2004 détermine les documents requis pour obtenir
une attestation d’enregistrement.
Séjour pour l’exercice d’une activité professionnelle : une
personne qui exerce une activité professionnelle dispose d’un
droit de séjour pendant toute la durée liée à cet exercice (Dir.
o
n 2004/38, 29 avr. 2004, art. 7 § 1).
Séjour après la cessation de travail : ce troisième volet du
o
séjour concerne essentiellement les non-actifs (Dir. n 2004/38,
29 avr. 2004, art. 7 § 3). Il s’agit, en particulier : du travailleur
frappé d’une incapacité de travail temporaire résultant d’une
maladie ou d’un accident ; du travailleur en chômage
involontaire, dûment constaté, après avoir été employé plus
d’un an et qui s’est enregistré en qualité de demandeur d’emploi
auprès du service de l’emploi compétent ; du travailleur en
chômage involontaire, dûment constaté à la fin de son contrat à
durée déterminée inférieure à un an ou du travailleur en
chômage involontaire depuis douze mois et qui s’est enregistré
comme demandeur d’emploi depuis douze mois (dans ce cas

851
de figure il conserve son statut de travailleur pendant au moins
6 mois) ; du travailleur en formation professionnelle à condition
qu’il existe une relation entre la formation professionnelle et
l’activité professionnelle antérieure (cette obligation de causalité
n’est pas retenue lorsque le travailleur est en situation de
chômage involontaire).
o
De plus, la directive n 2004/38 prévoit, dans son article 17 la
possibilité d’un séjour permanent dans l’État membre d’accueil après
la cessation du travail, avant même l’écoulement de 5 ans qui est la
règle (art. 16). Trois cas spécifiques sont envisagés : la retraite,
l’incapacité permanente et le travail frontalier. Cependant, les
personnes concernées doivent remplir certaines conditions liées à la
durée d’exercice de l’activité professionnelle et à celle de résidence
dans l’État d’accueil. Ce régime favorable s’étend indirectement aux
membres de la famille du travailleur, y compris ceux qui sont
ressortissants d’un États tiers (art. 17 §§3 et 4 ; CJCE, 11 déc. 2007,
Eind, aff. C-291/05).

III. Le droit à l’égalité de traitement

Le traité de Lisbonne interdit, dans son domaine d’application, les


discriminations fondées sur la nationalité. Exprimée de façon
générale par l’article 18 TFUE, cette interdiction est répétée
spécifiquement à propos de la libre circulation des travailleurs (art.
45 § 2). Elle « implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur
la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui
concerne l’emploi, la rémunération et les conditions de travail ». Le
principe de l’égalité de traitement, étroitement lié à la citoyenneté
o
européenne, a été mis en œuvre tant par la directive n 2004/38 que
o
par le règlement n 492/2011. La Cour de justice a été, quant à elle,

852
appelée à l’interpréter. Sa jurisprudence est abondante en la
matière.

Ainsi, la règle veut que le travailleur ressortissant d’un État membre,


ne puisse pas se voir traiter différemment, sur le territoire de l’État
d’accueil, en raison de sa nationalité, en matière de conditions de
travail, y compris de rémunération et de licenciement, de réemploi
ou de réintégration professionnelle ; il bénéficie notamment, sur le
territoire d’un autre État membre, de la même priorité que les
ressortissants de cet État dans l’accès aux emplois disponibles
o er
(Règl. n 492/2011, 5 avr. 2011, art. 1 et 2). Par ailleurs, il jouit des
mêmes avantages sociaux et fiscaux. Ainsi, il a été jugé qu’un
citoyen de l’Union économiquement inactif relevant de la législation
de l’État membre d’accueil et exerçant son droit de séjour sur le
territoire de celui-ci, dispose du droit d’être affilié au système public
d’assurance maladie de l’État d’accueil afin de bénéficier de
prestations de soins médicaux financés par cet État (CJUE, 15 juill.
2021, aff. C-535/19). Dans la même logique, un ressortissant
européen ayant perdu sa qualité de travailleur dans l’État d’accueil
et continuant à y séjourner à des fins de recherche d’emploi, a droit
à des prestations spéciales d’assistance non-contributives dans cet
État, son droit de séjour étant dérivé en l’espèce du droit à
l’éducation reconnu à ses enfants aux termes de l’article 10 dudit
Règlement (CJUE, 6 oct. 2020, aff. C-181/19). De plus, il bénéficie
des mêmes avantages en matière de logement, y compris l’accès à
o
la propriété (Règl. n 492/2011, 5 avr. 2011, art. 9 § 1). En outre, il a
accès à l’enseignement des écoles professionnelles, ainsi que des
centres de réadaptation et de rééducation. Ses enfants, qui résident
également dans le pays d’accueil, peuvent suivre des cours
d’enseignement général ou professionnel dans les mêmes

853
conditions que les nationaux (art. 10 du règlement, droit aux études
des enfants).

Lorsque le juge national constate la non-conformité au droit de l’Union, il


est tenu d’écarter l’application des dispositions discriminatoires du droit national.
S’agissant des clauses de conventions collectives ou individuelles ou d’autres
réglementations collectives, il peut les déclarer nulles de plein droit (article 7 § 4
o
du règlement n 492/2011). La Cour de Luxembourg a retenu que le juge n’a pas
« à demander ni attendre l’élimination préalable » de la disposition nationale
discriminatoire. La substitution sera immédiate (CJCE 15 janv. 1998, Schöning-
Kougebetopoulou, aff. C-15/96). Cette solution s’applique à toute réglementation
discriminatoire, quelle qu’en soit la source.

§3 Le marché européen de l’emploi

Les services publics de l’emploi (SPE) des pays de l’Union ont pour
mission principale de mettre en contact les demandeurs d’emploi
avec les employeurs. Cependant, la libre circulation des travailleurs
qui constitue l’un des fondements du droit de l’UE, ne peut pas être
réalisée sans garantir aux travailleurs européens migrants la faculté
de répondre à des offres concrètes d’emploi émises dans d’autres
régions de l’Union. À cet égard, l’Union intervient pour poser un
cadre juridique en matière de mise en contact et de compensation
des offres et des demandes d’emploi et des CV sur le marché plus
vaste européen du travail, qui ne se substitue pourtant pas aux
marchés nationaux. La crise sanitaire liée au COVID-19, ainsi que la
Guerre en Ukraine depuis le 24 février 2022 ont fortement impacté le
marché européen de l’emploi.

I. Le réseau EURES

854
En 1993, un réseau européen des services publics de l’emploi géré
par la Commission européenne (EURES, acronyme de European
employment services) a été créé afin de faciliter la coopération entre
la Commission et les services publics de l’emploi en Europe. Face
aux nouvelles exigences du marché européen de travail et afin
d’améliorer les services de recherche d’emploi et de recrutement,
ses règles d’organisation et de fonctionnement – initialement
o
déterminées par le règlement n 492/2011 et par la décision
d’exécution 2012/733 – ont fait l’objet d’une reforme par le règlement
2016/589 relatif au réseau européen des services d’emploi, à l’accès
des travailleurs aux services de mobilité et à la poursuite de
l’intégration des marchés de travail, et modifiant les règlement
o o
n 492/2011 et n 1296/2013. Le Règlement 2016/589 a été modifié
par le Règlement 2019/1149 Instituant l’Autorité européenne du
travail qui assurera désormais la gestion du bureau européen de
coordination de l’EURES, à l’exception du fonctionnement et du
développement techniques du portail EURES et des services
informatiques connexes, qui continuent d’être gérés par la
Commission (Règl. 2019/1149, art. 6).

Sa mission principale consiste à mettre en œuvre la Stratégie


européenne pour l’emploi (SEE), ainsi qu’à faciliter et promouvoir la
mobilité géographique et professionnelle volontaire dans l’Union, par
le biais des technologies informatiques les plus récentes
(Règl. 2016/589, art. 6). Ses services sont, ainsi, accessibles à tous
les travailleurs au sens large (y compris les apprentis, les stagiaires
et les demandeurs d’emploi) et employeurs dans l’ensemble de
l’Union, surtout dans le respect du principe d’égalité de traitement.
Par conséquent, le ressortissant d’un État membre qui cherche un
emploi sur le territoire d’un autre État membre doit y recevoir la

855
même assistance que celle que les bureaux d’emploi accordent à
leurs propres ressortissants. En outre, le réseau EURES propose de
services de soutien renforcé aux personnes concernées (art. 23, 24,
26 et 27), ainsi qu’un service d’accompagnement après l’embauche
(art. 25).

Composé à l’heure actuelle d’environ 1000 conseillers dans


l’ensemble des pays participants (27 États membre de l’UE,
Norvège, Liechtenstein, Iceland et Suisse), ce réseau réunit (Règl.
o
n 2016/589, 13 avr. 2016, art. 7), en particulier : i) les services
publics nationaux des 27 États membres ainsi que ceux de la
Norvège, de Liechtenstein, de l’Islande et de Suisse, leurs services
régionaux et également les services spécialisés dont la liste est
communiquée à la Commission ; ii) le Bureau européen de
coordination (créé au sein de l’Autorité européenne du travail et qui
est chargé d’aider le réseau EURES à exercer ses activités (Règl.
o o
n 2019/1149, modifiant l’art. 7§1, a) du Règl. n 2016/589) ; iii) les
bureaux nationaux de coordination (BNC) chargés de l’application du
règlement 2016/589 sur le territoire des États membres et iv) les
organisations syndicales et patronales désignés par les membres
d’EURES, à savoir les autorités nationales, conformément à
l’article 11 dudit règlement.

856
Stratégie européenne pour l’emploi (SSE)
Avec la création d’une Stratégie Européenne pour l’emploi (SEE) en 1997, les
États membres se sont engagés à fixer un ensemble d’objectifs communs
concernant la politique d’emploi (TFUE, art. 146), notamment à créer d’emplois
plus nombreux et de meilleure qualité dans l’UE. À l’heure actuelle, cette stratégie
fait partie de la stratégie Europe 2020 en faveur de la croissance et est mise en
œuvre dans le cadre du semestre européen (V. Supra). L’Union dispose en
matière d’emploi d’une compétence spécifique, car ce sont les règles de la
Méthode ouverte de coordination (MOC) fixés par le Conseil européen de
Lisbonne qui prévalent. Précisément, ces règles, se regroupent en quatre étapes
(TFUE, art. 148) :

1. Définition de lignes directrices (priorités et objectifs communs) pour les


politiques d’emploi, assorties de calendriers spécifiques

2. Publication par la Commission européenne du rapport conjoint sur l’emploi


(RCE)

3. Présentation des programmes nationaux de réforme (PNR) à la Commission

4. Recommandations spécifiques pour les politiques nationales sur la base des


résultats d’une évaluation

II. Le portail EURES

À l’heure actuelle, l’EURES est devenu un véritable outil proactif


concernant l’ensemble du processus de placement professionnel, de
mise en correspondance et de recrutement. Désormais modernisé,
ce portail électronique rend plus accessibles les informations en
matière d’emploi (offres, demandes d’emploi et CV) dans l’ensemble
de l’Europe grâce à l’organisation d’une plateforme informatique
commune (art. 17). Depuis le 26 mai 2021, le portail EURES est
géré par l’Autorité européenne du travail.

857
Au moment d’imprimer cet ouvrage, il y avait 3 000 000 postes
disponibles sur le portail EURES, 900 000 CV étaient affichés sur le portail et
4 000 employeurs enregistrés

Ainsi, une personne a la possibilité de télécharger son CV sur la


plateforme centrale d’EURES, où il est rendu accessible aux
employeurs de tous les pays participants, grâce en particulier à la
nouvelle version de la classification européenne des aptitudes,
compétences, certifications et professions (ESCO) qui a été lancée
en 2017. De plus, une personne intéressée par une offre dans un
autre pays trouve également des informations pratiques sur le
marché d’emploi du pays concerné.

858
o
Fiche n 69 La libre circulation
des travailleurs (les limitations)

L’ESSENTIEL

Bien que la liberté de circulation ait, en principe, une portée générale


s’appliquant à tous les citoyens européens revêtant la qualité de
« travailleur », elle connait, néanmoins, de limitations.

LES CONNAISSANCES

Les limitations au principe de la liberté de circulation des travailleurs


sont de deux ordres. Elles sont liées, d’une part, aux personnes
bénéficiaires (§ 1) et, d’autre part, aux emplois ouverts à la liberté de
circulation (§ 2).

§1 Les limitations liées aux personnes bénéficiaires

I. L’exception de l’ordre public

859
Jurisprudence
Régulièrement saisie pour interprétation, la CJUE, sans donner de définition
générale, a précisé au cas par cas les comportements qui sont de nature à justifier
une mesure d’ordre public, notamment lorsqu’ils représentent une menace réelle,
actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société (Dir.
o
n 2004/38, 29 avr. 2004, art. 27 § 2). Dans tous les cas, les exigences d’ordre
public et de sécurité publique doivent être conçues strictement (CJCE, 10 juill.
2008, Jipa, aff. C-33/07) et toute mesure d’éloignement d’un citoyen européen doit
reposer sur « un examen individuel du cas d’espèce » (CJCE, 28 juill. 2008,
o
Metock, aff. C-127/08 et Dir. n 2004/38, 29 avr. 2004, art. 28), sans pouvoir être
o
invoquée à des fins économiques (Dir. n 2004/38, 29 avr. 2004, art. 27 § 1). En
outre, elle doit rester conforme « aux droits fondamentaux dont la Cour assure le
respect » (CJCE, 11 juill. 2002, Carpenter, aff. C-60/00) et ne doit pas dépasser ce
qui est nécessaire à la sauvegarde des besoins d’ordre et de sécurité publics
« dans une société démocratique » (CJCE, 28 oct. 1975, Rutili, aff. 36-75). Le
trafic de stupéfiants en bande organisée, par exemple, présente un degré de
gravité particulièrement élevé.

Les États membres peuvent, parfois, se prévaloir des impératifs de


l’ordre public ou de la santé publique pour s’opposer à la présence
sur leur territoire de ressortissants d’autres États membres (TFUE,
o
art. 45 § 3 et Dir. n 2004/38, 29 avr. 2004, art. 27). Cependant, ce
pouvoir des États ne peut s’exercer qu’à titre exceptionnel et dans
des conditions impératives.

II. La suspension provisoire du principe de libre circulation


des travailleurs

Face aux élargissements successifs de l’UE, certains États


membres ont souhaité maintenir un contrôle d’accès au marché
national de l’emploi. Ainsi, les traités d’adhésions successifs
permettaient aux États membres d’accueil – déjà membres de

860
l’Union – de suspendre pendant une période transitoire le principe
de la liberté de circulation des travailleurs, sans que cela constitue
une discrimination. La période transitoire se décompose en trois
phases dont les durées respectives sont de deux, trois et deux ans.
En pratique, les États membres intéressés notifient à la Commission
européenne les mesures nationales de restrictions, mais uniquement
s’ils constatent de sérieuses perturbations sur le marché du travail.

À titre d’illustration, la France avait instauré en 2007 de mesures


restrictives à l’égard des travailleurs ressortissants de la Roumanie
et de la Bulgarie (sauf pour 150 métiers). En décembre 2011, le
gouvernement français a décidé de continuer à appliquer ces
mesures transitoires pendant la troisième phase de cette période,
soit jusqu’au 31 décembre 2013, compte tenu notamment du
contexte de crise économique.

Les dernières mesures de suspension provisoire de la liberté de


circulation ne concernaient que les travailleurs croates. En effet,
er
depuis l’adhésion de la Croatie au 1 juillet 2013, 13 membres de
l’Union (dont la France) avaient décidé d’appliquer de restrictions
concernant l’accès à leurs marchés d’emploi nationaux pendant la
er
première phase de la période transitoire (du 1 juillet 2013 au
er
30 juin 2015). Depuis le 1 juillet 2015 et jusqu’au 30 juin 2018, ces
restrictions continuaient à s’appliquer par six États seulement, à
savoir : l’Autriche, la Malte, les Pays-Bas, la Slovénie et le
Royaume-Uni.

§2 Les limitations liées aux emplois ouverts


à la liberté de circulation

861
I. Les emplois dans L’Administration publique

Avec une formule laconique (TFUE, art. 45 § 4), le traité de Lisbonne


prévoit que « les dispositions du présent article ne sont pas
applicables aux emplois de l’administration publique ». En l’absence
de définition d’un emploi dans l’administration publique, la Cour de
justice a été amenée à en circonscrire les contours.

Jurisprudence
Dans son fameux arrêt Commission c./Royaume de Belgique du 18 décembre
1980 (aff. 149/79), la Cour a expressément affirmé que sont exclus du champ
d’application de la liberté de circulation des travailleurs « les emplois qui
comportent une participation à la puissance publique et aux fonctions ayant pour
objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’État ou des autres collectivités
publiques. De tels emplois supposent, en effet, de la part de leurs titulaires,
l’existence d’un rapport particulier de solidarité à l’égard de l’État ainsi que la
réciprocité des droits et des devoirs qui sont le fondement d’un lien de
nationalité ». Cet arrêt limite la portée de l’interdiction de l’article 45 § 4 TFUE aux
fonctions « régaliennes » de l’État, à savoir la justice, la diplomatie, la défense,
l’administration fiscale et la police.

A contrario, tous les emplois publics qui n’impliquent pas une


participation à la puissance publique et qui ne relève pas de la
sauvegarde des intérêts généraux de l’État rentrent dans le domaine
de la libre circulation des travailleurs. Cette dissociation nette entre
le statut de fonctionnaire et la notion d’emploi dans l’administration
publique permet l’extension de la libre circulation aux enseignants
dans le secteur public, aux personnes travaillant dans le domaine de
la santé publique, aux emplois dans les transports terrestres, dans le
secteur public de la recherche et de l’éducation nationale, dans la
navigation aérienne ou maritime, dans les organismes de radio-

862
télédiffusion, dans les postes de télécommunications, ainsi que dans
les services de distribution d’eau, de gaz et d’électricité.

II. Les barrières éducatives

L’exigence d’un diplôme pour exercer une activité professionnelle


sur le territoire de l’État membre d’accueil constitue souvent une
barrière à l’accès à l’emploi. Le principe reste à l’heure actuelle que
chaque État membre conserve la maîtrise de son système
d’éducation et de formation et il peut, à ce titre subordonner
l’exercice d’une activité professionnelle sur son territoire à la
possession d’un diplôme ou à l’existence d’une formation. L’Union
européenne n’a qu’une compétence d’appui, de coordination et de
complétement en la matière (TFUE, art. 166). Cependant, la mise en
place d’un système de reconnaissance mutuelle des qualifications et
des diplômes a été très tôt considérée comme un élément essentiel
pour stimuler le développement du marché européen de l’emploi et
faciliter, corrélativement, l’exercice des libertés professionnelles.

Jurisprudence
C’est la Cour de justice qui a jeté en premier les bases de la reconnaissance
mutuelle des diplômes dans son arrêt Heylens du 15 octobre 1987 (aff. 222/86) à
propos d’un entraîneur de football belge qui détenait un diplôme d’entraîneur belge
et non français et qui avait été recruté par un club français.

863
(TFUE, art. 53)
Tirant les enseignements de cette jurisprudence, les auteurs du traité ont autorisé
le Parlement européen et le Conseil à arrêter « […] des directives visant à la
reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres, ainsi qu’à coordonner les
dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres
concernant l’accès aux activités non salariées et à l’exercice des celles-ci ».

L’action engagée par le droit de l’Union présente deux volets, l’un


tourné vers l’harmonisation des formations, afin d’établir les
équivalences nécessaires des formations, l’autre vers la
reconnaissance mutuelle des diplômes. Un certain nombre des
directives sectorielles, puis générales, avait été initialement adopté,
s’appliquant aux professions de santé (médecins, sages-femmes,
pharmaciens), à la profession d’architecte, à celle d’avocat (Dir.
o
n 98/5, 16 févr. 1998), aux diplômes d’enseignement supérieur, aux
formations secondaires et post-secondaires.

Mais, la législation européenne dans ce domaine a été réellement


o
consolidée par la directive n 2005/36 du 7 septembre 2005
o
(modifiée par celle n 2013/55 du 20 novembre 2013) relative à la
reconnaissance des qualifications professionnelles obtenues dans
un État membre, qui s’applique à tous les emplois dépendants ou
indépendants réglementés sur le territoire d’un État membre. Son
er e
objectif, comme il ressort des articles 1 et 4 de celle-ci, consiste à
permettre au titulaire d’une qualification professionnelle lui ouvrant
accès à une profession réglementée dans son État membre d’origine
d’accéder, dans un État membre d’accueil, à la même profession et
de l’y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux (CJUE,
16 avr. 2015, aff. C-477/13, point 36).

864
Jurisprudence
Obtention de la qualification professionnelle dans
plusieurs État membres (conjointement dans l’État
d’origine et l’État d’accueil)
Par un arrêt rendu le 8 juillet 2021 (BB c./ Lietuvos Respublikos sveikatos
apsaugos ministerija, aff. C-166/20), la Cour de justice a répondu à une question
préjudicielle relevant d’une affaire où une personne avait obtenu sa qualification
conjointement dans l’État d’origine et l’État d’accueil et elle a invoqué la Directive
2005/36 pour avoir accès à une profession règlementée dans l’État d’accueil.

En l’espèce, une ressortissante lituanienne a accompli au Royaume-Uni (RU)


quatre années d’études en pharmacie validées par un titre de maîtrise en
pharmacie. Sa formation théorique a été complétée par un stage pratique de 6
mois dans une officine, pour lequel elle a obtenu une évaluation favorable et les
crédits afférents. À noter qu’au RU, le droit d’exercer l’activité de pharmacien est
obtenu au terme de 4 années d’études et après 12 mois de stage professionnel.

Cependant, cette ressortissante a dû rentrer, pour des raisons personnelles, en


Lituanie, sans effectuer les 6 mois de stage restants pour obtenir sa licence de
pharmacien au RU. Une fois en Lituanie, et après avoir obtenu un certificat
reconnaissant l’équivalence de son diplôme britannique avec un titre de maîtrise
en pharmacie délivré en Lituanie, elle a effectué les six mois supplémentaires de
stage pratique en pharmacie. Or, le Ministère lituanien de la santé a refusé de lui
délivrer la licence de pharmacien sur la base de la directive 2005/36.

Suivant sa jurisprudence, la Cour réaffirme en l’espèce que la reconnaissance


mutuelle des qualifications professionnelles visée par ladite directive
suppose que le demandeur dispose d’une formation le qualifiant dans l’État
membre d’origine pour y exercer une profession réglementée. Par
conséquent, elle ne s’applique pas à une situation dans laquelle une personne
demandant la reconnaissance de ses qualifications professionnelles n’a pas
obtenu ce titre dans l’État membre d’origine (points 26 à 29).

La nouvelle directive (transposée en France par l’ordonnance


o
n 2016-1809 du 22 décembre 2016 et concernant quelques 230
professions) met en place plusieurs mesures clés visant à renforcer

865
le marché intérieur et d’encourager la liberté de circulation des
professionnels : modernisation des classifications et de leur mise en
place, grâce à la généralisation dans l’Union de l’utilisation du
système des crédits dans la formation (ECTS, acronyme pour
European Credit Transfert Scale) ; mise en place de la carte
professionnelle européenne (CPE) sous forme de certificat
électronique ; simplification des procédures administratives liées à la
reconnaissance des qualifications professionnelles ; reconnaissance
des stages rémunérés etc. Dans tous les cas, l’État d’accueil peut
imposer d’éventuelles conditions d’exercice dans la mesure où elles
ne sont pas discriminatoires et elles sont objectivement justifiées et
proportionnées (V. CJCE, 10 déc. 2009, Pesla, aff. C-345/08).

III. La langue

o
(Règl. UE, n 492/2011, 5 avr. 2011, art. 3 § 1)
o
Aux termes de l’article 3 § 1 du règlement n 492/2011, un ressortissant citoyen
européen peut être écarté d’un poste de travail faute de posséder « les
connaissances linguistiques requises en raison de la nature de l’emploi à
pourvoir ».

866
En effet, l’ignorance de la langue du pays d’accueil est susceptible
de constituer un obstacle pratique important à l’exercice d’un emploi.
D’un autre côté, l’absence ou l’insuffisance de connaissance de la

867
langue ne peut pas être invoquée, de manière générale, pour
justifier un refus d’emploi.

Jurisprudence
Ainsi, au nom de la valeur fondamentale des libertés de circulation, la CJUE
interprète les limitations linguistiques de façon restrictive afin que la connaissance
de la langue ne devienne pas une entrave déguisée au recrutement des
ressortissants européens. Elle a, ainsi, refusé le contrôle préalable de la maîtrise
de la langue de l’État d’accueil aux avocats, dès lors que l’avocat exerce sous son
titre professionnel d’origine et que l’État d’accueil peut lui imposer d’agir de
concert avec un avocat ou un avoué local. Mais, elle a pu considérer que les
connaissances linguistiques constituent une condition nécessaire à l’exercice de la
profession de médecin ou de l’enseignant. Cependant, l’exigence d’une
connaissance linguistique ne peut, en aucun cas, être disproportionnée et
discriminatoire (CJUE, 16 avr. 2013, Las, aff. C-202/11).

La « clause Molière », par laquelle dans certaines régions françaises,


les entreprises du bâtiment imposaient l’usage du français par les ouvriers sur les
chantiers de construction publics avait déclenché de réactions de la part de la
Commission européenne qui voyait là une pratique discriminatoire, contraire à la
législation européenne et au principe de la liberté de circulation des travailleurs.
Une instruction interministérielle du 27 avril 2017 qualifie d’illégales lesdites
clauses, étant donné qu’elles violent le principe de non-discrimination.

POUR ALLER PLUS LOIN…

– M. BENLOLO CABAROT, « Le “travailleur” indétrônable catégorie


reine du droit de la libre circulation des personnes dans l’Union
européenne ? », RTDE, 2018, p. 59
– P. COURSIER, « La notion de travailleur salarié en droit social
communautaire », Dr. soc., 2003, p. 305

868
– S. ROBIN-Olivier, « Chronique Libre circulation des travailleurs-
Illustrations de l’importance renouvelée de la qualification de
travailleur », RTDE, 2013, p. 855
– P. RODIERE, « Libre circulation et citoyenneté européenne dans la
jurisprudence de la Cour de justice », RTDE, 2006, p. 16
– P. RODIERE, « Libre circulation et citoyenneté européenne dans la
jurisprudence de la Cour de justice », RTDE, 2006, p. 163
– F. DUFFAUD, « Premières incidences du Brexit sur les
o
travailleurs », Bulletin Joly travail, 2020, n 3, p.

869
SOUS-TITRE 2
LES TRAVAILLEURS SALARIÉS
RESSORTISSANTS D’ÉTATS TIERS

o
Fiche n 70 L’immigration légale exercée aux fins d’emploi

870
o
Fiche n 70 L’immigration légale exercée
aux fins d’emploi

L’ESSENTIEL

Les salariés qui travaillent dans l’espace de l’Union européenne ne


sont pas nécessairement des citoyens européens, mais ils peuvent
être aussi des ressortissants de pays tiers. Selon les chiffres
er
statistiques de la Commission européenne, au 1 janvier 2021,
23,7 millions de ressortissants de pays tiers résidaient dans l’UE, ce
qui représente 5,3 % de la population totale. La situation des
ressortissants d’États tiers au regard de l’emploi relève, en principe,
de la législation de l’État de l’emploi. Cependant, sur le fondement
de ses compétences partagées, l’UE a développé progressivement
une politique commune de l’immigration (TFUE, art. 79) qui a permis
également d’aborder les conditions d’emploi des ressortissants de
pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire européen
(TFUE, art. 153 § 1). Chaque année, environ 2,25 à 3 millions de
ressortissants de pays tiers arrivent dans l’UE par des voies légales,
contre 125 000 à 200 000 personnes arrivant dans des conditions
irrégulières. À l’heure actuelle, il existe une législation européenne
importante concernant l’immigration à finalité professionnelle.

871
LES CONNAISSANCES

Un régime général de l’immigration aux fins d’emploi (§ 1) existe,


complété par des régimes sectoriels (§ 2) et par des accords de
coopération ou de partenariat conclus par l’Union avec des États
tiers (§ 3).

§1 Le régime général de l’immigration aux fins


d’emploi
o
La directive n 2011/98 du 13 décembre 2011, dite « permis unique »
établit une procédure de demande unique en vue de la délivrance
d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à
résider et à travailler sur le territoire d’un État membre, ainsi qu’un
socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui
résident légalement dans un État membre.

I. Le permis unique de résidence et de travail sur le territoire


d’un état membre

Lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers entre dans le territoire d’un


État membre aux fins d’emploi, il doit respecter une certaine
procédure administrative débouchant sur la délivrance d’un titre
l’autorisant à y résider et à y travailler légalement. Dans un souci de
simplification et d’harmonisation des règles actuellement applicables
dans les États membres, ainsi que de facilitation des contrôles
effectués, l’Union a mis en place une procédure de demande unique
débouchant sur la délivrance d’un permis uniformisé prévu pour tous
les ressortissants des États tiers.
Procédure de demande unique

872
Selon le choix des législations des États membres, le ressortissant
du pays tiers ou son futur employeur doivent, dans un premier
temps, introduire auprès de l’autorité compétente une demande de
délivrance, de modification ou de renouvellement du permis unique
(art. 4 § 1). Cette dernière statue, sauf circonstances
exceptionnelles, sur la demande complète dans un délai de 4 mois
(art. 5). La décision de délivrance du permis unique prend la forme
d’un acte administratif unique, combinant permis de séjour et permis
de travail en utilisant le modèle uniforme prévu par le règlement
o
n 1030/2002.

Cependant, les États membres peuvent fixer le volume d’entrées de


ressortissants en provenance de pays tiers, sur leur territoire, dans
le but d’y rechercher un emploi salarié ou non salarié (TFUE, art. 79
§ 5). Par conséquent, une demande peut être jugée irrecevable pour
des raisons liées au nombre de ressortissants de pays tiers admis
sur le territoire d’un État membre afin d’y travailler et ne doit pas, sur
cette base, être traitée (art. 8 § 3 de la directive). Mais, cette réserve
de compétence des États membres ne concerne que la première
admission d’un ressortissant de pays tiers dans l’UE aux fins
d’accéder à un emploi salarié ou indépendant, et non l’accès à
l’emploi des ressortissants déjà admis dans l’Union à d’autres fins ou
la mobilité aux fins d’emploi de ressortissants de pays tiers déjà
admis sur le territoire de l’Union européenne.

De plus, les États gardent la faculté de ne pas appliquer le permis


unique pour les séjours de moins de 6 mois.
Champ d’application personnel de la directive
La directive « permis unique » s’applique (art. 3 § 1) :

873
a) aux ressortissants de pays tiers qui demandent à résider
dans un État membre afin d’y travailler ;
b) aux ressortissants de pays tiers qui ont été admis dans un
État membre à d’autres fins que le travail conformément au droit
de l’Union ou au droit national, qui sont autorisés à travailler et
qui sont titulaires d’un titre de séjour conformément au
o
règlement n 1030/2002 (V. aussi CJUE, 2 sept. 2021, O.D. e.a.
c./Instituto nazionale della previdenza sociale, aff. C-350/20) ;
c) aux ressortissants de pays tiers qui ont été admis dans un
État membre aux fins d’y travailler conformément au droit de
l’Union ou au droit national.
Est cependant exclu du champ d’application de la directive un
nombre considérable de catégories de ressortissants d’États tiers
soumis à des régimes juridiques spécifiques (art. 3 § 2). Il s’agit, en
particulier, des membres de la famille de citoyens de l’Union
exerçant ou ayant exercé leur droit à la libre circulation sur le
o
territoire européen (V. Fiche n 73) ; des résidents de longue durée
o
(considérant n 8 de la directive) ; des ressortissants qui jouissent de
droits à la libre circulation équivalents à ceux des citoyens de l’Union
en vertu d’accords conclus entre l’Union et des pays tiers ; des
travailleurs indépendants ; des travailleurs détachés et des détachés
intragroupe ; des travailleurs saisonniers ; des travailleurs marins ou
en quelque qualité que ce soit à bord d’un navire immatriculé dans
un État membre ou battant pavillon d’un État membre ; des
personnes autorisées à résider dans un État membre en vertu d’une
protection temporaire ; des demandeurs d’asile ou de ceux
bénéficiant déjà d’une protection internationale ; des ressortissants
de pays tiers qui sont autorisés à travailler sous couvert d’un visa.

874
Conformément aux protocoles 21 et 22 annexés aux traités, le Royaume-
Uni, l’Irlande et le Danemark n’ont pas participé à l’adoption de la directive et ne
sont pas liés par elle.

II. Le socle minimal des droits sociaux

En l’absence de législation horizontale de l’Union, les droits des


ressortissants de pays tiers varient en fonction de l’État membre
o
dans lequel ils travaillent et de leur nationalité (considérant n 19 de
la directive). À cet égard et, dans un souci de développer une
politique d’immigration cohérente, un socle minimal des droits
sociaux leur a été reconnu.

Au premier abord, le permis unique accorde à son titulaire, pendant


sa période de validité, un droit d’entrée et de séjour sur le territoire
de l’État qui l’a délivré, ainsi qu’un droit d’exercice de l’activité
professionnelle spécifique autorisée.

De plus, les travailleurs issus de pays tiers bénéficient d’une égalité


de traitement par rapport aux ressortissants de l’État membre
d’accueil (art. 12 § 1), en ce qui concerne : les conditions de travail ;
la liberté d’association ; l’éducation et la formation professionnelle ;
la reconnaissance des diplômes et autres ; les branches de la
sécurité sociale ; les avantages fiscaux ; les services de conseil
proposés par les services d’emploi et l’accès aux biens et aux
services y compris l’accès au logement.

875
Jurisprudence
Ainsi, les ressortissants des pays tiers, en séjour légal en Italie et bénéficiaires
d’un permis unique de travail, bénéficient d’une allocation de naissance et d’une
allocation de maternité octroyée, d’une part, en dehors de toute appréciation
individuelle et discrétionnaire des besoins personnels des bénéficiaires, mais sur
la base d’une situation légalement définie et, d’autre part, se rapportant à l’un des
o
risques énumérés expressément à l’article 3§1 du Règlement n 883/2004 (CJUE,
2 sept. 2021, op. cit., aff. C-350/20).

Ainsi, les ressortissants des pays tiers, en séjour légal en Italie et


bénéficiaires d’un permis unique de travail, bénéficient d’une
allocation de naissance et d’une allocation de maternité octroyée,
d’une part, en dehors de toute appréciation individuelle et
discrétionnaire des besoins personnels des bénéficiaires, mais sur la
base d’une situation légalement définie et, d’autre part, se rapportant
à l’un des risques énumérés expressément à l’article 3§1 du
o
Règlement n 883/2004 (CJUE, 2 sept. 2021, op. cit., aff. C-350/20).
Cependant, les États conservent (art. 12 § 2), sur la base de
différents critères (ex. : durée de séjour, qualité de travailleur ou de
chômeur) la compétence de déroger au principe d’égalité de
traitement en ce qui concerne l’accès au logement, aux avantages
fiscaux, aux prestations familiales et aux bourses et prêts d’études et
de subsistance. Ils disposent même du droit de retirer ou de refuser
de renouveler le permis de séjour délivré en vertu de la présente
directive (art. 12 § 3).

§2 Les régimes sectoriels

I. Les travailleurs salariés hautement qualifiés

876
Les travailleurs hautement qualifiés provenant de pays tiers jouent
parfois un rôle clé dans le renforcement de la compétitivité de
l’Union et, par conséquent, sa croissance économique. Ainsi, en
2009, l’Union européenne a créé un cadre spécifique privilégié afin
de favoriser l’admission et la mobilité des ressortissants de pays
tiers pour des emplois hautement qualifiés. La notion d’emplois
qualifiés implique « non seulement que la personne employée a un
niveau de compétence élevée, attestée par des qualifications
professionnelles élevées, mais aussi que le travail à effectuer est
considéré intrinsèquement comme exigeant ce niveau de
o
compétence ». La directive n 2009/50 du 25 mai 2009 a mis en
place une carte bleue européenne (art. 7). Délivrée selon le
o
modèle uniforme prévu par le règlement n 1030/2002, il s’agit d’un
titre de séjour et de travail de plus de 3 mois sur le territoire des
États membres, qui confère à ces travailleurs (et aux membres de
leur famille) des droits équivalents à ceux des ressortissants des
États membres (art. 12 à 14). La directive détermine les critères
d’admission pour la demande de cette carte (art. 2) dont la période
de validité standard est comprise entre un et quatre ans, avec
possibilité de renouvellement (art. 7).

Cependant, malgré la facilitation des conditions d’admission


instaurées par la directive de 2009, le nombre de titulaires de la
carte bleue restait assez faible et il était aussi inégalement réparti
entre les États membres. Il a fallu 5 ans entre la proposition de
modification et l’adoption de la directive 2021/1883 du 20 octobre
2021 qui abroge et remplace celle de 2009. Désormais, les critères
(art. 5) et les procédures d’admission sont plus flexibles et plus
rapides (art. 10-12), y compris en matière de regroupement familial
(art. 17). De plus, les conditions de résidence (art. 18-19) et de

877
mobilité intra-européenne (art. 20-22). Un État membre dispose,
néanmoins le pouvoir discrétionnaire de rejeter (art. 7), retirer ou ne
pas renouveler (art. 8) la carte bleue européenne.
Par dérogation aux dispositions de la directive 2003/86 portant sur le
droit au regroupement familial, le regroupement familial n’est pas
subordonné à la perspective raisonnable pour le titulaire de la carte
bleue européenne d’obtenir un droit de séjour permanent, ni au fait
pour ce titulaire de détenir un titre de séjour d’une validité d’un an ou
plus ou de justifier d’une durée de résidence minimale. Les membres
de la famille du travailleur hautement qualifié peuvent obtenir leur
titre de séjour en même temps que la décision sur la demande de
carte bleue européenne en cas de demandes simultanées. La durée
de validité des titres de séjour des membres de la famille est
identique à celle de la carte bleue européenne, pour autant que la
période de validité de leurs documents de voyage le permette.

II. Les travailleurs saisonniers

Selon les statistiques, près de 100 000 travailleurs saisonniers


migrants (y compris des migrants illégaux) arrivent chaque année
dans l’Union européenne. Il s’agit de « ressortissants de pays tiers
qui conservent leur lieu de résidence principal dans un pays tiers et
séjournent légalement et temporairement sur le territoire d’un État
membre pour exercer une activité soumise au rythme des saisons,
sur la base d’un ou plusieurs contrats de travail à durée déterminée,
conclu(s) directement entre ces ressortissants de pays tiers et les
o
employeurs établis dans ledit État membre » (Dir. n 2014/36,
art. 3, c).

Les États membres établissent, le cas échéant en concertation avec


les partenaires sociaux, la liste des secteurs d’emploi qui

878
comprennent des activités soumises au rythme des saisons. Les
secteurs du tourisme, de l’agriculture et de l’horticulture se
caractérisent par une forte présence de travailleurs saisonniers qui
se trouvent parfois sous-exploités sans bénéficier toujours de
conditions de travail décentes.

o
Dans un souci de renforcer leur protection, la directive n 2014/36 du
26 février 2014 établit les conditions harmonisées d’entrée et de
séjour aux fins d’emploi, relevant, pourtant, d’un régime juridique
différent selon que la durée du séjour est de moins de 90 jours
(art. 5) ou de plus de 90 jours (art. 6). De plus, des facilités sont
réservées aux nouvelles entrées de travailleurs saisonniers ayant
déjà exercé cet emploi au cours des cinq années précédant la
demande d’autorisation de travail (art. 16). Un permis de travail est
ainsi délivré au moyen du modèle fixé par le règlement
o
n 1030/2002.

Dans tous les cas, la présente directive n’affecte pas le droit d’un
État membre de fixer les volumes d’admission de ressortissants de
pays tiers entrant sur son territoire aux fins d’exercer un travail
saisonnier (art. 7) ou même d’adopter des dispositions plus
favorables envers eux (art. 4 § 2).

Durant le temps de travail saisonnier, une égalité de traitement est


acquise par rapport aux ressortissants nationaux (art. 23 § 1) en ce
qui concerne : les modalités d’emploi et les conditions de travail ; la
liberté d’association et le droit de faire grève ; l’éducation et la
formation professionnelle ; la reconnaissance des diplômes et
autres ; les branches de la sécurité sociale ; les avantages fiscaux ;
les services de conseil sur le travail saisonnier proposés par les

879
organismes d’aide à l’emploi et l’accès aux biens et aux services, y
compris l’accès au logement. Cependant, des facultés d’exception à
l’égalité de traitement, décidées par les États membres, sont
prévues en matière de prestations familiales et de prestations
chômage ; de formation professionnelle ; de bourses et de prêts
d’études ; d’avantages fiscaux (art. 23 § 2).

Jurisprudence
o o
La directive n 2014/36 a été transposée en France par la loi n 2016-1088 du
8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la
sécurisation des parcours professionnels

III. Les résidents de longue durée

Adoptée sur le fondement de l’ex-article 63 § 3 TCE (TFUE, art. 78),


o
la directive n 2003/109 du 25 novembre 2003 réserve un statut
privilégié aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière
légale et ininterrompue sur le territoire d’un État membre
depuis au moins 5 ans. Sous respect de conditions de ressources
stables, régulières et suffisantes (pour subvenir à ses propres
besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au
système d’aide sociale de l’État membre concerné), ainsi que de
possession d’une assurance-maladie, ils bénéficient d’un statut
privilégié leur accordant une égalité de traitement avec les nationaux
par rapport aux conditions d’accès à un emploi salarié et aux
conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de
licenciement et de rémunération (art. 11 § 1 a). Un État peut
toutefois valablement restreindre l’égalité de traitement dans des
domaines précis, tels que l’accès à l’emploi lorsque certains emplois

880
sont réservés aux ressortissants nationaux, aux citoyens de l’UE ou
de l’Espace économique européen (art. 11 § 3 a).

De plus, étant donné que leur liberté de circulation est susceptible


de créer des mouvements secondaires de personnes (vers d’autres
États membres), elle est strictement encadrée : en principe, le
résident de longue durée a droit à un titre de séjour de plus de
3 mois sur le territoire des autres États membres (art. 14 § 1). Au-
delà, outre les conditions de ressources et de possession d’une
assurance, les États membres de « deuxième accueil » peuvent,
pendant 12 mois, restreindre l’accès à leur marché d’emploi et
même imposer des quotas d’emploi aux résidents de longue durée
en provenance d’un autre État membre (art. 14 § 3). Enfin,
l’existence d’un motif de santé publique, qui n’est pas contrôlé dans
le premier État membre d’accueil, peut également justifier un refus
d’admission (art. 18).

Sont exclus ceux dont la résidence peut être considérée comme


temporaire, même si elle dépasse cinq ans : étudiants, personnes en formation,
personnels de représentation diplomatique ou d’organisations internationales,
travailleurs saisonniers, fournisseurs de services transfrontaliers ou demandeurs
o
d’asile. La directive n 2011/51 du 11 mai 2011 a étendu le statut de résident de
longue durée aux bénéficiaires d’une protection internationale.

Il convient de souligner que la Directive 2003/109 ne s’applique pas à l’Irlande


et au Danemark.

IV. Les ressortissants de pays tiers


Dans le cadre d’un transfert temporaire intragroupe

881
Issue de la mondialisation de l’économie, la création d’entreprises
multinationales ou de groupes d’entreprises multinationaux a rendu
nécessaire la mobilité de main-d’œuvre (cadres, experts, employés
stagiaires…), pendant une certaine période, d’une entité à l’autre,
dès lors qu’il y a une implantation d’une entité, du groupe ou d’une
filiale dans un État de l’UE. Ces transferts temporaires intragroupes
de salariés ressortissants de pays tiers renforcent incontestablement
les relations entre l’Union et ses partenaires internationaux, en
améliorant la compétitivité des entreprises européennes sur les
marchés étrangers.

À cet égard, et afin de faciliter le fardeau administratif afférent à ces


o
détachements, une directive n 2014/66 a été adoptée le 15 mai
2014 établissant des conditions d’entrée et de séjour simplifiées
fondées sur des critères harmonisés (art. 5 et 11). Le détachement –
qui doit être d’une durée supérieure à 90 jours – est autorisé
grâce à l’acquisition d’un permis (art. 13) portant l’acronyme « ICT
intra-corporate transferts », qui permet à son titulaire de séjourner et
de travailler sur le territoire de l’État membre qui l’a délivré et, le cas
échéant, sur celui d’un autre État membre dans lequel la personne a
l’intention d’exercer ou exerce le droit de mobilité au sens de la
présente directive (art. 21 et 22). La durée maximale du transfert
intragroupe est de 3 ans pour les cadres et les experts et de 1 an
pour les employés stagiaires (art. 12). Dans tous les cas, un État
membre a le droit de fixer les volumes d’admission des ICT sur son
territoire conformément à l’article 79 § 5 TFUE (art. 6).

Pendant la durée de validité du permis, son titulaire dispose, outre


d’un droit de mobilité au sein de l’Union (art. 17 et 20), d’une égalité
de traitement par rapport aux ressortissants de l’État membre dans

882
lequel son activité est exercée (art. 18 § 2) ; sous réserve de
dérogations décidées en ce qui concerne les prestations familiales
(art. 18 § 3).

Entrée et séjour à des fins d’études et de recherche


o o
Abrogeant les directives n 2004/114 et 2005/71, la directive n 2016/801 du
11 mai 2016, dite « refonte », établit les conditions d’entrée et de séjour des
ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de
volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de
travail au pair. Son objectif est de faciliter l’admission sur le territoire de l’Union de
chercheurs ressortissants des pays tiers (et des membres de leurs familles) pour
une durée supérieure à 90 jours. L’autorisation prend la forme d’un titre de séjour
ou d’un visa de long séjour. Sa durée de validité est d’au moins 1 an ou, en
fonction du cas de figure, couvre la durée des études, du programme d’échange
d’élèves, de la convention de stage, de la convention entre le jeune au pair et la
famille d’accueil etc. Pendant cette période, les bénéficiaires jouissent, sous
quelques réserves, d’un droit à l’égalité de traitement par rapport aux
ressortissants de l’État membre concerné.

883
Guerre en Ukraine – accueil des réfugiés – protection temporaire

L’invasion russe en Ukraine depuis le 24 février 2022, a créé une situation


d’arrivées massives dans les pays de l’UE de plus de 5 millions d’Ukrainiens étant
dans l’incapacité de retourner dans leur pays. Face à cette situation, le Conseil de
l’Union européenne a activé, par sa décision du 4 mars 2022 et pour la première
fois, le dispositif exceptionnel de protection temporaire prévue par la Directive
2001/55 (art. 5). Ce dispositif ouvre droit à une série d’obligations qui pèsent sur
les États membres (art. 8 à 16 de la directive), parmi lesquelles celle d’autoriser
pour une période ne dépassant pas la durée de la protection temporaire, les
personnes qui en bénéficient à exercer une activité salariée ou non salariée, sous
réserve des règles applicables à la profession choisie, ainsi qu’à participer à des
activités telles que des actions éducatives pour adultes, des cours de formation
professionnelle et des stages en entreprise (art. 12). Le droit commun en vigueur
dans les États membres s’applique en ce qui concerne les rémunérations, l’accès
aux régimes de sécurité sociale liés aux activités professionnelles salariées ou
non salariées, ainsi que les autres conditions relatives à l’emploi.

En France, afin de faciliter les démarches des réfugiés Ukrainiens pour l’accès au
er
marché du travail, un décret du 1 avril 2022 (applicable à partir du 2 avril)
intègre leur droit d’exercer une activité professionnelle à l’autorisation provisoire
de séjour qui leur est délivrée pour une durée de 6 mois (CESEDA, art. R. 581-4,
al. 2).

§3 Les accords d’association et de partenariat

Dans le cadre de sa politique d’immigration aux fins d’emploi, l’UE a


développé depuis longtemps une pratique de conclusion d’accords
de coopération ou de partenariat avec plusieurs pays tiers. Multiples
et de portée distincte, ces accords visent principalement à assurer
réciproquement l’égalité de traitement entre les travailleurs de
l’Union et les ressortissants de l’État partenaire, d’abord lorsque les
premiers travaillent dans l’État tiers ou, inversement, lorsque les
derniers sont autorisés à travailler légalement sur le territoire

884
européen. Citons, à titre d’exemple, les accords d’association euro-
méditerranéens signés par l’UE (avec la République libanaise, la
République algérienne démocratique et populaire, la République
arabe d’Égypte, le Royaume hachémite de Jordanie, l’État d’Israël,
le Royaume du Maroc et la République tunisienne), ainsi que les
accords de partenariat ACP (États d’Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique).

Parmi ces accords, il y en a deux qui présentent une importance


particulière. Il s’agit, d’une part, de l’accord d’association avec la
Turquie et, d’autre part, de l’Accord de commerce et de
coopération signé avec le Royaume-Uni. Sans négliger, néanmoins,
les accords conclus entre l’UE et les membres de l’AELE (Norvège,
Lichtenstein, Islande, V. Supra) et la Suisse, en vertu desquels les
ressortissants de ces pays ont des conditions d’accès à l’emploi
identiques aux ressortissants des pays membres de l’Union.

I. Accord d’association avec la Turquie

Signé le 12 septembre 1963 entre l’UE et la Turquie (confirmé par la


o
décision du Conseil n 64/732/CEE actuellement décision du Conseil
o
n 008/157/C du 18 février 2008 relative aux principes, aux priorités
et aux conditions du partenariat pour l’adhésion de la République de
Turquie) cet accord institue une liberté de circulation des travailleurs
entre les États membres de l’UE et la Turquie (art. 12 de l’accord ;
protocole additionnel, art. 36). Selon la jurisprudence de la CJUE,
les dispositions de cet accord « forment partie intégrante de l’ordre
juridique communautaire » (CJCE 30 sept. 1987, Démirel, aff.
12/86), ce qui lui accorde corrélativement la compétence pour
statuer sur les questions préjudicielles posées par les juridictions
nationales.

885
Par ailleurs, les articles 6 et 7 de la décision 1/80 du Conseil
d’association du 19 septembre 1980 consacrent un droit au travail et
au marché de l’emploi des travailleurs turcs (et des membres de
leurs familles) appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État
membre (la Cour de Luxembourg reconnaît à ces articles un effet
direct : CJCE, 20 sept. 1990, Sévince, aff. C-192/89 ; CJCE, 26 oct.
2006, Güzeli, aff. C-04/05 ; CJUE, 4 févr. 2010, Genc, aff. C-14/09).

Jurisprudence
La CJUE consacre aussi le principe de l’égalité de traitement de ces
travailleurs (et des membres de leurs familles) par rapport aux travailleurs de l’UE
en ce qui concerne les questions relevant tant du droit du travail et que de la
protection sociale (CJUE, 29 mars 2012, T. Kahveci et O. Inan, aff. Jtes C-7/10 et
C-9/10 ; CJUE, 19 juil. 2012, Dügler, aff. C-451/11 ; CJCE, 28 févr. 2004, Öztürk,
aff. C-373/02).

Cependant, la décision 1/80 n’empiète pas sur la compétence des


États membres à réglementer sur les conditions d’entrée et d’emploi
des ressortissants turcs ; sous réserve, pourtant, de la clause de
« standstill » (art. 13 de la décision 1/80) qui dispose que les États
membres ne peuvent pas introduire de nouvelles restrictions
concernant les conditions d’accès et d’emploi (V. aussi CJUE,
10 juill. 2014, Dogan, aff. C-138/13 ; CJUE, 29 mars 2017, Tekdemir,
aff. C-525/15 ; CJUE, 10 juill. 2019, A c. Udlændinge- og
Integrationsministeriet, aff. C-89/18), sauf si elles sont justifiées par
un motif général, à l’instar de l’objectif d’intégration des
ressortissants des pays tiers poursuivi par une réglementation
nationale fixant une limite d’âge pour les mineurs introduisant de
demandes de titres de séjour aux fins de regroupement familial

886
(CJUE, 2 sept. 2021, B. c./Udlaendingenaevnet, aff. C-379/20).
Mais, aussi favorable qu’il soit, le statut du citoyen turc ne doit pas
être confondu avec celui du citoyen européen (CJUE, 8 déc. 2011,
N. Ziebel, aff. C-371/08). À titre d’illustration, par opposition aux
enfants des citoyens européens (CJUE, 6 oct. 2020, aff. C-181/19),
la Cour exclut l’existence d’un droit de séjour autonome au profit des
enfants turcs. Le seul droit dont ils bénéficient, en fonction du
principe d’égalité de traitement, concerne l’accès aux cours
d’enseignement, d’apprentissage et de formation professionnelle
dans l’État membre d’accueil. Or, ce droit à l’enseignement n’attribue
pas, par ricochet, aux parents qui assurent leur garde et dont les
titres de séjour ont expiré, un titre accessoire du droit de séjour des
enfants, dérivés lui-même du droit à l’enseignement (CJUE, 3 juin
2021, BY, aff. C-194/20).

II. Accord de commerce et de coopération entre l’UE


et la CEEA – RU et l’Irlande du Nord
er er
À partir du 1 mai 2021 (à partir du 1 janvier 2021 à titre
provisoire) les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne
sont définitivement réglementées par un accord signé le 30
décembre 2020. Cet accord prévoit un nouveau cadre institutionnel
pour leurs relations futures, ainsi que le statut de leurs citoyens
respectifs. Les citoyens du RU et de l’Irlande du Nord ont désormais
le statut des ressortissants de pays tiers. Par conséquent, avec
l’abandon du principe de la liberté de circulation des personnes, tous
les mouvements seront soumis aux législations migratoires de
l’Union européenne et du Royaume-Uni respectives applicables aux
ressortissants des pays tiers au regard du droit de séjour et des
droits à la protection sociale. Quant aux personnes dont la situation
er
de mobilité transfrontalière est antérieure au 1 janvier 2021 et qui

887
perdure après cette date (à condition que la situation de mobilité
existait avant cette date), elles continuent à être soumises à l’accord
de retrait du 17 octobre 2019, qui leur permet de continuer à
séjourner et travailler, dans le respect du principe de non-
discrimination et de la protection de leurs droits de sécurité sociale.
L’idée était de préserver les droits « acquis » au titre des périodes
antérieures et accorder aux personnes concernées une protection
suffisante. Les règles européennes de coordination de la sécurité
o
sociale (Règl. n 883/2004) restent en l’espèce applicables.

Le nouvel accord de commerce prévoit, en matière sociale, des


dispositions relatives à la coordination des droits de la sécurité
sociale et au détachement des travailleurs. Précisément, l’accord
garantit une protection accrue par la coordination des droits de la
sécurité sociale, à la fois aux personnes résidant légalement dans
un État membre et au RU, y compris les membres de leurs familles,
ainsi qu’aux ressortissants des pays tiers, aux apatrides et aux
réfugiés, et qui sont en situation de mobilité transfrontalière. Le
er
présent Protocole est définitivement entré en vigueur le 1 mai
2021.

Il comporte aussi les nouvelles dispositions en matière de


détachement des travailleurs.

888
Immigration irrégulière
Dans un souci de lutter contre l’immigration illégale aux fins d’emploi, l’UE a fixé
de normes minimales communes concernant les sanctions et les mesures
applicables dans les États membres à l’encontre des employeurs de ressortissants
o
de pays tiers en séjour irrégulier (Dir. n 2009/52, 18 juin 2009). La directive
prévoit diverses sanctions financières (paiement des frais de retour en cas
d’engagement de la procédure de retour ; paiement des arriérés de salaire au
travailleur en situation irrégulière ; paiement de tous les impôts et cotisations de
sécurité sociale que l’employeur aurait payés si le ressortissant d’un pays tiers
avait été employé légalement) et d’autres mesures (exclusion du bénéfice de toute
aide ou subvention publique ; exclusion des procédures de passation de marché
public ; fermeture temporaire ou définitive d’établissements ayant servi à
commettre l’infraction…) à l’encontre de l’employeur ayant commis l’infraction. Ces
normes peuvent parfois être combinées avec celles, s’inscrivant dans le cadre
plus général, du retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière (Dir.
o
n 2008/115, 16 déc. 2008).
o
La Régulation n 2019/1149 qui a institué l’Autorité européenne du travail a
modifié la Décision 2016/344 du Parlement et du Conseil du 9 mars 2016 mettant
en place une plateforme électronique européenne de lutte contre le travail déclaré.
Désormais, cette plateforme est intégrée dans les missions de la nouvelle Autorité
(V. supra).

889
POUR ALLER PLUS LOIN…

890
– A. ANTOINE, La première année de l’ère post-Brexit sous le signe
o
des paradoxes, Europe, 2022, n 4, Étude 4
– C. BAILLEX, La politique migratoire de l’Union Européenne, La
Documentation Française, 2013
– C. BERTRAND, « Les conditions d’une politique commune de
l’immigration : apports et limites du traité de Lisbonne », Europe,
o
2010, n 2, Étude 2
– J.-Y. CARLIER, « La libre circulation des personnes dans et vers
l’Union européenne », Chroniques, Journal de Droit européen,
2011, p. 75 ; 2012, p. 85
– P. DURAND et B. LÉON-ROBIN, « Brexit et protection sociale, les
éclairages de P. Durand et B. Léone-Robin », Liaisons sociales
o
Europe, n 3, 25 janvier 2021
– M. HANAFI-BAYRAM, « La Turquie et l’Union européenne : une
intégration par des étapes temporisées », RUE, 2011, p. 2016
– « Les aspects sociaux de l’accord de commerce et de
o
coopération », Liaisons sociales Europe, n 2, 16 janvier 2021

891
SOUS-TITRE 3
LE DÉTACHEMENT DES TRAVAILLEURS
SALARIÉS

o
Fiche n 71 Le détachement des travailleurs salariés
dans le cadre d’une libre prestation des services

892
o
Fiche n 71 Le détachement
des travailleurs salariés dans le cadre d’une
libre prestation des services

L’ESSENTIEL

La liberté de prestation des services (TFUE, art. 56) constitue l’une


des libertés essentielles pour la réalisation du marché intérieur
(TFUE, art. 26). Elle permet, en particulier, à un prestataire de
services étranger d’obtenir un marché dans un autre État membre et
d’exercer, par conséquent, à titre temporaire son activité dans le
pays où la prestation est fournie. Il existe en réalité un élément
d’extranéité dans la relation entre le prestataire et le destinataire du
service, étant donné qu’ils ne se trouvent pas dans le même État
membre. Combinée avec le principe de libre circulation des
travailleurs, celui de la libre prestation des services justifie
corrélativement les pratiques où l’entreprise prestataire, établie dans
un État membre, détache du personnel, pour une période limitée,
dans un autre État membre afin de participer à l’exécution d’une
prestation de services (par exemple, la construction d’un bâtiment).
Mais, si les pratiques de détachement des travailleurs sont
désormais légitimes, la concurrence entre la main-d’œuvre locale et
le personnel détaché risque de générer la mise en concurrence

893
déloyale des prestataires des services, voire un dumping social en
raison des disparités existantes relatives au coût de travail
(rémunération et protection sociale) entre les législations applicables
dans les États membres. La lutte contre les risques de dumping
social et contre l’utilisation des disparités sociales à des fins
concurrentieles, a conduit – suite au fameux arrêt Rush Portugesa
(CJCE, 27 mars 1990, aff. C-133/89) – à un débat animé qui s’est
terminé en 1996 avec l’adoption de la directive 96/71 du
16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs
effectué dans le cadre d’une prestation de services. Cette dernière a
o
été partiellement modifiée par la directive n 2018/957 du 28 juin
2018.

LES CONNAISSANCES

§1 Les règles actuelles applicables


sur le détachement des travailleurs
Le détachement intra-européen des travailleurs effectué dans le
cadre d’une prestation de services est actuellement régi par la
directive 96/71 après sa modification par la directive 2018/957. Les
modifications sont en application depuis le 30 juillet 2020.
Répondant à une problématique essentiellement économique, la
o
directive n 96/71 ne vise pas à harmoniser le statut des salariés
détachés, quel que soit l’État membre dans lequel s’opère leur
mobilisation. Il s’agit avant tout d’un dispositif de coordination en
vue de déterminer les conditions de travail et de sécurité sociale
applicables aux travailleurs en situation de détachement intra-
européen. Elle « garantit, (en particulier), la protection des

894
travailleurs détachés durant leur détachement en ce qui concerne la
libre prestation des services, en fixant des dispositions obligatoires
concernant les conditions de travail et la protection de la santé et de
la sécurité des travailleurs, qui doivent être respectées » (Dir.
o
n 96/71, art. 1§ -1).

o
I. Le champ d’application de la directive n 96/71

o
(Dir. n 96/71/CE, 16 déc. 1996, art. 1 § 1)
Aux termes de l’article 1 § 1 de la directive 96/71, cette dernière « s’applique aux
entreprises établies dans un État membre qui, dans le cadre d’une prestation de
services transnationale, détachent des travailleurs sur le territoire d’un État
membre ».

Autrement dit, elle ne vise que les situations de détachement à


l’intérieur de l’Union. En revanche, sont exclues du champ
d’application de la directive, les entreprises de la marine marchande
en ce qui concerne le personnel navigant (art. 1 § 2).

895
Agences d’intérim internationales
À l’heure actuelle, les agences d’intérim sont de plus en plus actives sur le
terrain de l’emploi international et certaines sont même plus particulièrement
spécialisées dans la sélection, le recrutement et le placement de travailleurs « bon
marché » (c’est-à-dire, des travailleurs low cost). Le placement de main-d’œuvre
intérimaire sur les marchés des États membres à standard social élevé est très
répandu dans certaines branches d’activité comme le bâtiment et travaux publics
(BTP), l’agriculture, l’agro-alimentaire, la restauration et l’hôtellerie ou le transport
routier et aérien.

Or, leur objectif est en réalité d’augmenter leur chiffre d’affaires, tout en bénéficiant
de la législation sur la Sécurité sociale qui leur est la plus favorable, permettant
ainsi le « forum shopping ». Une chose est sûre : les pratiques utilisées sont très
sophistiquées et dans ce contexte le rôle du juge de l’Union s’avère cardinal pour
apporter un éclairage sur le sens et la finalité des règles européennes et assurer,
corrélativement, leur bonne application.

Dans le cadre, notamment du détachement des travailleurs, une agence d’intérim


internationale implantée dans un État membre et mettant ses salariés à la
disposition d’un client dans un autre État membre, ne peut demander auprès des
autorités compétentes du premier État la délivrance du certificat A1 (attestant le
rattachement des intérimaires à la législation de la sécurité sociale de celui-ci
pendant la période de mise à disposition) que si elle exerce effectivement dans cet
État ses « activités substantielles », voire la mise à disposition qui, cette dernière
génère effectivement le chiffre d’affaires et est considérée comme une « activité
substantielle » (CJUE, 3 juin 2021, Team Power Europe, aff. C-784/19).

Le § 3 du même article précise les situations de mobilisation


envisagées, qui sont au nombre de trois : il s’agit, premièrement, du
détachement d’un travailleur, pour le compte et sous la direction de
l’entreprise dans le cadre d’une prestation de services qu’elle opère
dans un autre État membre. Deuxièmement, le détachement du
travailleur dans une autre entreprise ou établissement appartenant
au même groupe et opérant dans un autre État membre est
possible. Et, troisièmement, le détachement par mise à disposition,

896
par une entreprise ou par une entreprise de travail intérimaire,
auprès d’une entreprise utilisatrice établie ou exerçant son activité
dans un autre État membre, est envisagé.

Ainsi, est soumis au régime de la directive 96/71, « tout travailleur


qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire
d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel il travaille
habituellement » (art. 2 § 1). Par conséquent, il faut qu’il existe,
d’une part, un lieu d’exercice habituel du travail (autre que celui où le
travailleur va être détaché) et, d’autre part, une limitation du
détachement dans le temps. La directive de 2018 fixe une durée
maximale de détachement de 12 mois, avec une possibilité
d’extension à 18 mois lorsque le prestataire des services fournit une
notification motivée (art. 3§1 bis). Aucun contrat n’est conclu entre le
travailleur détaché et le destinataire final de sa prestation de travail.

897
Détachement des conducteurs dans le secteur
de transport international routier
Sous la pression de la coalition des 13 pays de Visegrád (mais aussi de l’Espagne
et du Portugal), la Directive 2018/957 prévoit, dans son article 3 qu’elle
s’appliquera au secteur du transport routier à partir de la date d’application d’un
acte législatif modifiant la directive 2006/22/CE établissant des règles spécifiques
en ce qui concerne la directive 96/71/CE et la directive 2014/67/UE pour le
détachement de conducteurs dans le secteur du transport routier. La directive
2006/22 a été en effet modifiée par la directive 2022/1057. Deux autres textes
s’inscrivent dans le cadre du « Paquet mobilité » concernant les chauffeurs
routiers internationaux : le Règlement 2020/1055, relatif à l’accès à la profession
du transporteur en route et le Règlement 2020/1054 (modifiant le Règl. 561/2006)
relatif au temps de conduite, de repos et à l’utilisation des tachygraphes.
o
Ces textes ont été transposés en France par la loi n 2021-1308 du 8 octobre
2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne
dans le domaine de transport, de l’environnement, de l’économie et des finances.

898
Jurisprudence
er
Par un arrêt rendu le 1 décembre 2020 (aff. C-815/18), la Cour de Justice a
apporté des éclaircissements sur le détachement dans le secteur « sensible » du
transport international routier des marchandises. Concernant, d’abord, le champ
d’application de la Directive 96/71 dans ce domaine : en faisant une interprétation
er
combinée des articles 1 §2 et 2§1 de ladite Directive, de l’article 9§1 de la
Directive 2014/667 et du considérant 7 de la Directive 2020/1057, la Cour a retenu
que la Directive 96/71 doit être interprétée en ce sens qu’elle est applicable aux
prestations de services transnationales dans le secteur du transport routier. La
Cour a également rejeté au titre de l’article 3 de la Directive de 2018 deux recours
en annulation de la Directive 2018/957 formés par la Pologne et la Hongrie (CJUE,
8 déc. 2020, aff. C-620/18 et aff. C-626/18).

Concernant, ensuite, la qualification en « travailleur détaché » des chauffeurs


routiers : prenant en considération la présence d’une « circonstance mobile », la
Cour retient que le lien entre l’exécution du contrat de travail et le territoire d’un
État membre (autre que celui où le travail s’effectue habituellement) s’apprécie
globalement par l’ensemble des éléments qui caractérisent l’activité du travailleur
concerné, c’est-à-dire, la nature des activités accomplies par le travailleurs
concerné sur ledit territoire ; le degré d’intensité du lien se ses activités avec le
territoire de chaque État membre dans lequel il opère et la part que lesdites
er
activités représentent dans l’ensemble du service de transport (CJUE, 1 déc.
2020, aff. C-815/18, points 45 et 51).

899
Le régime juridique de détachement dans le cadre de la prestation de
services se distingue du régime d’un travailleur qui se mobilise en application de la
liberté de circulation des travailleurs (TFUE, art. 45). Dans le premier cas de
figure, le travailleur détaché reste soumis au droit de son pays d’origine. Dans le
deuxième, c’est le droit du pays d’accueil qui s’applique entièrement (V. Fiche
o
n 68).

Le détachement doit être envisagé sous trois angles distincts, indépendants les
uns des autres :

a) du point de vue du droit du travail applicable au travailleur détaché ;

b) du point de vue de la sécurité sociale ;

c) du point de vue du droit fiscal.

D’ailleurs, les définitions et les conditions d’application du détachement diffèrent


d’un régime à l’autre. Ainsi, un travailleur peut être qualifié de « détaché » du point
de vue de la sécurité sociale, mais pas pour autant du point de vue de la fiscalité.

II. Le statut du travailleur détaché

A La garantie d’une protection minimale en matière


de conditions de travail et d’emploi
o
Bien que la directive n 96/71 ait vocation à coordonner les
différentes règles nationales applicables dans une situation de
détachement, elle prévoit toutefois le respect d’un noyau de règles
impératives assurant une protection minimale en faveur du
travailleur détaché. L’existence de ce noyau s’explique
essentiellement par les disparités sociales entre les États membres,
qui sont utilisées à des fins concurrentielles, en vue d’en tirer un
avantage économique. Adoptée à l’issue d’un long processus
o
législatif et politique, la directive n 2018/957 reprend en principe
o
l’esprit de la directive n 96/71, mais elle renforce davantage le

900
statut et la protection des travailleurs détachés, sur le fondement de
l’égalité de traitement entre salariés détachés et salariés locaux
(art. 3§1).

o
1 La protection minimale sous la directive n 96/71
o
Dans sa version initiale, la directive n 97/71 prévoit que les
travailleurs détachés seront couverts par une liste de normes
minimales applicables dans le pays d’accueil, même s’ils restent
les employés de l’entreprise qui les détache et relèvent donc de la
législation de l’État membre d’origine. Cette liste inclut les conditions
de travail et d’emploi et, en particulier : les périodes maximales de
travail et les périodes minimales de repos ; la durée minimale des
congés annuels payés ; le taux de salaire minimal, y compris les
taux majorés pour les heures supplémentaires ; les conditions de
mise à disposition des travailleurs, notamment par les entreprises de
travail intérimaire ; la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ; les
mesures protectrices applicables aux conditions de travail et
d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher,
des enfants et des jeunes ; l’égalité de traitement entre hommes et
femmes, ainsi que d’autres dispositions en matière de non-
o
discrimination (ex. art. 3 § 1, Dir. n 96/71).

Une fois ce noyau dur déterminé, l’enjeu principal consiste à cerner


les sources instituant ces normes minimales qu’il conviendra de
faire respecter. Selon la combinaison des §§1 et 8 de l’article 3 de la
directive, il s’agit soit des dispositions législatives, réglementaires ou
administratives, soit des conventions collectives ou sentences
arbitrales déclarées d’application générale (condition que la Cour de
justice interprète de façon stricte).

901
Jurisprudence
En effet, dans plusieurs affaires, la Cour a refusé l’application aux travailleurs
détachés des dispositions prévues par des conventions collectives locales ou
d’entreprise ou de secteur dépourvues de portée générale, car une telle mesure
est susceptible de constituer une restriction à la libre prestation des
services(CJCE, 18 déc. 2017, Laval un Partneri Ltd, aff. C-341/05 ; CJCE, 3 avr.
2008, Rüffert, aff. C-346/06).

er
Dans un arrêt du 1 décembre 2020 (aff. C-815/18), la Cour de justice a précisé
que la déclaration d’une convention collective « d’application générale » ne
peut se faire que conformément au droit du travail de l’État membre concerné. En
d’autres termes, la notion de convention d’application ne constitue pas une notion
autonome du droit de l’Union. Répond ainsi à la notion visée par l’article 3, §§1 et
8 de la Directive, une convention collective de travail qui n’a pas été déclarée
d’application générale, mais dont le respect conditionne, par les entreprises qui en
relèvent, la dispense d’application d’une autre convention collective déclarée,
quant à elle, d’application générale, et dont les dispositions sont en substance
identiques à celles de cette autre convention collective de travail.

Enfin, l’article 3 §§ 7 et 10 permet l’application par l’État d’accueil de


conditions de travail et d’emploi plus favorables pour les travailleurs
détachés, sous réserve qu’elles correspondent à des dispositions
d’ordre public.

902
Jurisprudence
Il s’agit, en particulier, de « dispositions dont l’observation a été jugée cruciale
pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique de l’État
membre concerné, au point d’en imposer le respect à toute personne se trouvant
sur son territoire national ou à tout rapport juridique localisé dans celui-ci » (CJCE,
19 juin 2008, Commission c./Luxembourg, aff. C-391/06). Or, l’application des
dispositions d’ordre public ne peut en aucun cas constituer une restriction
injustifiée aux libertés économiques, voire à la libre prestation des services et à la
liberté d’établissement (CJCE, 25 oct. 2001, Finalarte, aff. C-49/98 ; CJCE, 14 avr.
2004, Wolff et Muller, aff. C-60/03).

2 Le renforcement de la protection par la directive


o
n 2018/957
Sans remettre en cause la majorité des règles minimales
o o
impératives prévues par la directive n 96/71, la directive n 2018
envisage de garantir aux travailleurs détachés une protection accrue
par l’instauration d’une plus grande égalité de traitement par rapport
aux travailleurs locaux. À cet égard, elle a procédé à certaines
modifications portant sur deux éléments principaux :

i) La rémunération, qui remplace le salaire minimum. Cette


modification trouve son fondement juridique sur le principe « à travail
égal, salaire égal » en vertu duquel les salariés détachés devraient
recevoir le même salaire que les travailleurs locaux pour le même
o
poste de travail (art. 1§2a 1c, Dir. n 2018/957 – art. 3§1 c, Dir.
o
n 96/71). Reprenant la jurisprudence de la Cour de Justice, la
rémunération qui doit être appliquée au travailleur détaché est
déterminée par la législation et/ou les pratiques nationales de l’État
membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché et s’étend à
tous les éléments constitutifs de la rémunération rendus obligatoires

903
par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives
nationales, ou par des conventions collectives ou des sentences
arbitrales qui, dans cet État membre, ont été déclarées d’application
générale ou qui s’appliquent à un autre titre conformément au
paragraphe 8. Désormais, les règles conventionnelles d’application
générale s’appliqueront à tous les secteurs professionnels relevant
o
de leur champ d’application territoriale (Dir. n 96/71, art. 3§8). En
France, il s’agit de la rémunération au sens de l’article L. 3221-3 du
Code du travail.
ii) Amélioration des conditions de déplacement et d’hébergement
des travailleurs détachés. Désormais, les frais de déplacement de
l’État d’envoi vers l’État d’exécution de la prestation de travail, ainsi
que les frais de déplacement liés aux déplacements professionnels
sur le territoire de l’État d’accueil font partie du « noyau dur ». Sont,
en particulier, concernés les allocations ou le remboursement de
dépenses de voyage, de logement et de nourriture des travailleurs
éloignés de leur domicile pour des raisons professionnelles (art. 1
o o
§ 2 a) h et i, Dir. n 2018/957 – art. 3§1, h et i, Dir. n 96/71).
L’employeur rembourse ces dépenses conformément à la
législation et/ou aux pratiques nationales applicables à la relation de
travail. En revanche, les allocations propres au détachement lui-
même font partie de la rémunération, à moins qu’elles ne soient
payées à titre de remboursement des dépenses effectivement
o
encourues du fait du détachement (Dir. n 2018/957, art. 1 § 2 c ;
o
Dir. n 96/71, art. 3§7).

904
Jurisprudence
La Cour de justice retient une conception large du caractère minimal du
salaire. Ainsi, elle a retenu la qualification d’« allocation propre au détachement »
d’une indemnité journalière versée à un chauffeur routier pendant la période de
son détachement. En répondant à une questions préjudicielle, elle a répondu que,
dans la mesure où ladite indemnité différait selon que le détachement durait trois,
quatre ou cinq semaines, voire plus, ce caractère forfaitaire et progressif semble
indiquer que cette dernière a pour objet non pas tant la couverture des frais
déboursés par les travailleurs à l’étranger, mais plutôt la compensation des
inconvénients dus au détachement, consistant dans l’éloignement de ces
travailleurs de leur environnement habituel (CJUE, 8 juill. 2021, OL, PM, RO
c./Rapidsped, aff. C-428/19).

B Les dérogations
En dehors de l’hypothèse de l’exception – dans un sens favorable –
d’ordre public (V. supra), la directive prévoit trois situations pour
lesquelles les États membres peuvent décider de ne pas appliquer
certaines des règles protectrices évoquées ci-dessus. La première
situation concerne les travaux de montage et/ou de première
installation d’un bien qui forment partie intégrante d’un contrat de
fourniture des biens et sont indispensables pour la mise en
fonctionnement du bien fourni (art. 3 § 2). Dans ce cas de figure, les
règles relatives à la rémunération et à la durée minimale des congés
payés annuels ne s’appliquent pas à condition que les travaux soient
exécutés par les travailleurs qualifiés et/ou spécialisés de
l’entreprise de fourniture et que la durée du détachement n’excède
pas 8 jours. La deuxième situation concerne les détachements
n’excédant pas un mois, à l’exception du détachement intervenant
au titre d’une mission de travail temporaire (art. 3 §§3 et 4). La
directive permet aux États membres, par voie législative ou
conventionnelle, d’écarter les seules garanties relatives à la

905
rémunération. La troisième situation vise, enfin, les travaux de faible
ampleur, cette notion devant être déterminée par les États membres
qui en font usage (art. 3 § 5). Dans ce dernier cas de figure, sont
autorisées les dérogations en matière de durée minimale des
congés payés annuels et de rémunération.

Selon les chiffres officiels de la Commission européenne, le nombre des


travailleurs détachés dans l’Union européenne s’estime à 2,8 millions, soit 0,8 %
de l’emploi total dans l’Union européenne. Entre 2010 et 2017 le nombre de
détachements a augmenté de 83 %. Le détachement est très concentré sur
certains pays et sur certains secteurs d’activité. Précisément, l’Allemagne, la
France et la Belgique accueillent, à eux trois, 50 % des travailleurs détachés.
De plus, les secteurs principalement concernés sont le BTP, l’industrie
manufacturière, les services aux entreprises (services administratifs,
professionnels et financiers), les services personnels (éducation, santé et action
sociale), le travail temporaire, l’agriculture et le transport routier. Enfin, les
principaux pays d’envoi des travailleurs détachés sont la Pologne, l’Allemagne et
la Slovénie.

La France est le premier pays d’accueil des travailleurs détachés en provenance


de Belgique, Espagne, Islande, Italie, Luxembourg, Portugal et Royaume-Uni
(avant le Brexit) et le troisième pays qui pourvoit en travailleurs détachés
l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal, le Royaume- Uni (avant
le Brexit) et la Suisse, notamment.

906
Le travail temporaire transfrontalier
La mise en œuvre du principe de libre prestation des services pose des problèmes
spécifiques dans le cadre du travail intérimaire transfrontalier. En effet, dans
certains secteurs d’activité (ex. : construction ou industrie agroalimentaire), il n’est
pas rare qu’une entreprise de travail temporaire basée dans un État membre
mette une main-d’œuvre bon marché à la disposition d’une entreprise utilisatrice
qui se situe dans un État frontalier. Contrairement au travailleur migrant qui quitte
son pays d’origine pour aller vivre et travailler dans un autre pays, le travailleur
frontalier conserve des liens avec deux pays, celui de résidence et celui d’emploi :
il vit dans un pays et il travaille dans un autre. À titre d’exemple, cette pratique est
très répandue entre la France, la Belgique et le Luxembourg.

La complexification de cette relation triangulaire ne pourrait être résolue par la


o
directive n 96/71 et une nouvelle réglementation européenne a été mise en
œuvre, prévoyant des dispositions plus adaptées à la spécificité du contexte du
travail intérimaire transfrontalier.
o
Ainsi, la directive n 2008/104 du 19 novembre 2008 a organisé la levée des
restrictions à la libre prestation des services dans le domaine de l’intérim
transfrontalier. À cet égard, elle a fixé un ensemble de règles conduisant non
seulement à l’application de la législation qui a été déterminée dans le contrat de
travail, mais également à celle d’un noyau dur de règles de l’État d’accueil qui
dépassent l’égalité partielle offerte par la directive 96/71. Ainsi, l’article 5 § 1
consacre le principe d’égalité de traitement concernant « toutes les conditions
essentielles de travail et d’emploi » (la notion est proche de celle utilisée dans le
cadre du détachement des travailleurs). L’égalité de traitement des travailleurs
intérimaires s’apprécie par rapport à la situation des travailleurs recrutés
directement par l’entreprise utilisatrice pour le même type de poste.

La directive a toutefois pour spécificité de permettre aux États membres de faire


évoluer le contenu de cet ensemble de règles en autorisant les partenaires
nationaux à définir les conditions spécifiques de travail et d’emploi pour les
travailleurs intérimaires (art. 5 §§2 à 4).

§2 Suivi et contrôle du détachement des travailleurs

907
o
I. La directive n 2014/67 relative à l’exécution de la directive
o
n 96/71

Depuis l’élargissement de l’Union à des pays d’Est en 2004, la


o
directive n 96/71 a été régulièrement accusée de favoriser le
dumping social, dans la mesure où le coût de la main-d’œuvre
détachée était tiré vers le bas, ce qui mettait en avant les disparités
sociales existant entre les États membres. En outre, plusieurs
rapports avaient démontré le phénomène d’instrumentalisation du
système des travailleurs détachés, ainsi que l’impuissance actuelle
des règles de contrôle face à la sophistication des fraudes, des abus
et des contournements. La pratique nous offre plusieurs exemples,
tels que la non-déclaration des salariés, le non-respect du salaire
minimal et de la durée légale du travail, la non-déclaration de
nombreux accidents de travail, la non-transmission à l’inspection du
travail des informations obligatoires ou même l’apparition de
montages pour contourner l’esprit de la loi, par exemple avec les
entreprises « coquilles vides » ou « boîtes aux lettres » qui
n’exercent aucune activité réelle dans le pays d’origine, mais
détachent des salariés à l’étranger.

o
Adoptée le 15 mai 2014, la directive n 2014/67 contient une gamme
de dispositions qui visent à renforcer l’efficacité de la directive 96/71.
Ces dispositions s’articulent autour de deux axes principaux.

Le premier contient des mécanismes et des mesures appropriés en


vue d’améliorer et d’uniformiser la mise en œuvre et l’exécution
pratique de la directive, tels que l’amélioration de l’accès à
l’information des entreprises et des travailleurs concernés (art. 5), le
renforcement de la coopération administrative entre les États

908
membres (art. 6-8), la reconnaissance mutuelle des sanctions et
amendes administratives (art. 13-16), la mise à disposition des
travailleurs de procédures judiciaires ou administratives leur
permettant de faire valoir leurs droits avec l’obligation d’ouvrir l’accès
à ces procédures aux syndicats et associations (art. 11).

Le deuxième, qui constitue une nouveauté importante, vise à lutter


contre les abus et les contournements de la pratique du
détachement et à les prévenir. À cette fin, la directive d’exécution
met l’accent sur la responsabilité du sous-traitant en cas de non-
paiement de la rémunération (art. 12), tout en renforçant les
dispositifs de contrôle relatifs au caractère véritable du détachement
(art. 4) et aux obligations imposées par les États membres aux
entreprises, à l’instar de la déclaration de détachement, de la
fourniture du contrat de travail, des fiches de paye et des relevés
des heures de travail et des inspections (art. 9-10). Néanmoins,
dans ce dernier cas de figure, les mesures mise en œuvre par les
États membres risquent parfois d’être discriminatoires. Enfin, la
directive 2014/67 attribue aux États membres la discrétion d’établir
un régime de sanctions en cas d’infraction aux dispositions
nationales adoptées en vertu de la présente directive et prendre
toutes les mesures nécessaires pour que lesdites dispositions soient
appliquées et respectées (art. 20). Faute d’harmonisation, le contenu
des sanctions dépend ainsi du pouvoir d’appréciation des États
membres, à condition néanmoins d’être « effectives, proportionnées
et dissuasives ».

909
Jurisprudence
La Cour de justice intervient alors pour préciser que ces mesures doivent être
« nécessaires, justifiées et proportionnées afin de ne pas porter une atteinte
excessive à la libre prestation des services ». Il a été ainsi interdit l’exigence d’une
durée minimale d’exécution du contrat de travail ou d’une autorisation préalable
avant qu’un détachement ne puisse être envisagé (CJCE, 19 janv. 2006,
Commission c./Allemagne, aff. C-244/04 ; CJCE, 21 sept. 2006, Commission
c./République d’Autriche, aff. C-168/04) ou la désignation sur le territoire du pays
d’accueil d’un mandataire ad hoc pour la réalisation du détachement (CJCE,
19 juin 2008, Commission c./Luxembourg, préc.).

Concernant les sanctions, la Cour de Luxembourg a eu récemment l’occasion


(CJUE, 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Füstenfeld, Aff. C-205/20)
de se prononcer sur l’effet juridique de l’exigence de proportionnalité des
sanctions prévue dans l’art. 20 de la directive 2014/67 et, partant de cette
première appréciation, se prononcer sur l’office du juge national saisi d’un litige
dans le cadre duquel il est amené à appliquer une réglementation nationale
imposant des sanctions disproportionnées.

Elle retient, en particulier, qu’il s’agit d’une disposition « inconditionnelle et


suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par un particulier et appliquée
par les autorités administratives et les juridictions nationales » (point 29). Elle est
dotée d’un effet direct et peut ainsi être invoquée par les particuliers devant les
juridictions nationales à l’encontre d’un État membre qui en a fait une transposition
incorrecte (points 31 et 38). Corrélativement, et sans violer les autres principes
généraux de l’Union (sécurité juridique, légalité des délits et des peines, non-
rétroactivité de la loi pénale et égalité en droit), le principe de primauté du droit
de l’Union permet aux autorités nationales d’appliquer même partiellement une
règlementation nationale, en laissant inappliquée la partie qui est contraire à
l’exigence de proportionnalité des sanctions prévue à l’article 20 de la directive
2014/67.

o
II. La directive n 2018/957 : renforcement du suivi
et du contrôle

Dans un souci de lutter contre les pratiques de détachement


o
abusives, la directive n 2018/957 prévoit un nouvel article (Dir.

910
o
n 96/71, art. 5) en renforçant la responsabilité qui pèse sur les États
membres concernés par le détachement des travailleurs, en termes
de suivi, de contrôle et d’exécution des obligation prévues par la
o o
Directive n 96/71 et par la Directive n 2014/67. En cas de non-
respect desdits textes, les États membres prennent toutes les
mesures nécessaires et appropriées pour garantir leur mise en
œuvre. Les sanctions prévues doivent être effectives,
proportionnées et dissuasives.

III. Le rôle de l’Autorité européenne du travail

L’Autorité européenne du travail joue un rôle très important dans la


lutte contre les fraudes au détachement des travailleurs et le travail
illégal pratiqué en Europe. Il existe, en particulier, trois catégories de
fraudes au détachement : en premier lieu, l’omission des formalités
administratives par l’employeur étranger ; en deuxième lieu, le non-
respect des règles relatives au « noyau dur » de règles impératives
relatives aux droits garantis aux travailleurs détachés (V. Supra) et,
en troisième lieu, la fraude à l’établissement au sens de l’article L.
8221-3, 3° du Code du travail.

Grâce à une coopération des autorités nationales compétentes par


la réalisation des inspections conjointes et concertées, elle contribue
à l’application effective du droit de l’Union en matière de la
coordination de la sécurité sociale et du détachement transfrontalier
des travailleurs (V. également Supra).

911
Plusieurs affaires médiatisées ont montré que les règles établies par la
directive de 1996 ne prémunissaient pas contre les abus, qui demeuraient très
fréquents notamment dans les secteurs de la construction, du transport routier et
de l’agriculture. Notons d’abord l’affaire des travailleurs détachés sur le chantier
de l’EPR de Flamanville. Dans cette affaire, la société Bouygues travaux Publics
avait été condamnée en appel (CA Caen, 20 mars 2017) pour avoir fait travailler
sur le chantier des travailleurs polonais illégalement détachés par une entreprise
de travail temporaire (ETT) irlando-chypriote, Atlanco, basée à Chypre et qui
n’avait pas déclaré les 163 ouvriers polonais aux organismes sociaux. Un autre
exemple concerne l’agriculture. Les éleveurs porcins bretons ont porté plainte, en
avril 2011, auprès de la Commission européenne contre les abattoirs allemands
qui recourent massivement (jusqu’à 90 % des effectifs dans certaines entreprises
allemandes d’abattage) à des salariés détachés embauchés par les ETT situées
dans les pays de l’Est de l’Europe (notamment Roumanie, Pologne et même
Ukraine). Cependant, étant donné que la filière d’abattage et de découpe n’est
pas couverte en Allemagne par un accord de branche de portée générale
établissant un salaire minimum, les salariés concernés sont rémunérés moins de
6 ou 7 euros l’heure (contre 20 à 21 euros dans les abattoirs bretons), ce qui crée
une importante distorsion de concurrence au détriment des éleveurs français.

o
Loi n 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté
de choisir son avenir professionnel
Cette loi comporte un volet important sur les mesures relatives au détachement
des travailleurs et la lutte contre le travail illégal (art. 89 à 103), en introduisant
dans le Code du travail une nouvelle section dite de « conditions particulières de
détachement » (C. trav., art. L. 1261-3 et s.). Les nouvelles dispositions visent à
renforcer le système de lutte contre la fraude au détachement et le travail illégal,
tout en allégeant partiellement certaines formalités et obligations.

o
L’ordonnance n 2019-116 du 21 février 2019 a transposé en droit français la
o
directive n 2018/957.

912
913
POUR ALLER PLUS LOIN…

914
– M. DEL SOL et M. LE BARBIER-LE BRIS, « Directive
détachement : une révision doublement nécessaire », RDT 2012,
p. 262
– I. DESBARATS, « Détachement dans le cadre d’une prestation de
travail internationale. Vers une révision du droit communautaire »,
Cahiers de droit de l’entreprise, 2013, p. 19
– A. EMERIAU, « La régulation du détachement intra-européen des
travailleurs : état des lieux, freins et marges de manoeuvre »,
o
Regards, 2020/2, n 58, pp. 157 à 166
– A. EMERIAU, « Le travail détaché en europe : concurrence sociale
déloyale ou garantie d’un socle minimal de protection ? »,
o
Informations sociales, 2021/2, n 203-204, pp. 144 à 152
– J-Ph. LHERNOULD et B. PALLI, « La révision de la directive
détachement, deuxième épisode d’une saga décevante », SSL
o
2017, n 1794, p. 6
– M.-A. MOREAU, « Le détachement des travailleurs dans l’Union
Européenne : 20 ans après… », Dr. Social 2016, p. 584
– F. MULLER, « La révision des règles en matière de détachement :
l’heure des choix en droit du travail et droit de la sécurité sociale »,
RTD Eur. 2018, p. 75
– G. SAVARY, « Détachement des travailleurs : la construction
européenne à l’épreuve des disparités sociales nationales », Dr.
Soc. 2016, p. 592
– C. MINET-LETALLE, « L’encadrement encore limité du
détachement en France après la loi pour la liberté de choisir son
o
avenir professionnel », Bulletin Joly Travail, n 9, p. 73

915
TITRE 2
LE RAPPROCHEMENT
DES LÉGISLATIONS SOCIALES
NATIONALES

o
Fiche n 72 Le principe de non-discrimination (le cadre
général)
o
Fiche n 73 L’égalité de traitement entre les femmes
et les hommes
o
Fiche n 74 L’harmonisation minimale des règles régissant
les relations individuelles du travail
o
Fiche n 75 L’harmonisation minimale des règles relatives
à la protection des travailleurs face aux restructurations
des entreprises

916
o
Fiche n 72 Le principe de non-
discrimination
(le cadre général)

L’ESSENTIEL

Le principe de l’égalité de traitement constitue l’une des valeurs


fondamentales l’Union européenne (TFUE, art. 2 et 3).

(TFUE, 25 mars 1957, art. 19)


L’article 19 TFUE, introduit initialement par le traité d’Amsterdam (ex-art.13)
habilite le Conseil « dans les limites des compétences conférées à l’Union […] à
prendre toutes les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination
fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un
handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ».

De plus, l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union


européenne proclame le principe de non-discrimination auquel il
confère une portée très large, étant donné le nombre et la variété de
critères de discriminations qu’il prohibe. À l’heure actuelle, le
principe de non-discrimination constitue un élément essentiel de la
construction juridique de l’Union européenne et il a beaucoup évolué
grâce à l’œuvre du droit dérivé et de la jurisprudence de la CJUE qui

917
le place parmi les principes généraux du droit de l’Union (CJCE,
13 sept. 2007, Del Cerro Alonso, aff. C-307/05).

LES CONNAISSANCES

§1 La lutte contre les discriminations

Afin d’assurer à toute personne qui vit et circule dans l’Union


européenne une protection juridique efficace, un premier cadre a été
o
mis en place par le biais de deux directives : la directive n 2000/78
sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et la
o
directive n 2000/43 sur l’égalité raciale. Les directives assimilent
« principe d’égalité de traitement » et absence des discriminations,
er
aussi bien directes qu’indirectes (art. 1 ).

I. Le concept de discrimination

Les deux directives mentionnées ci-dessus définissent (art. 2) ce


qu’il faut entendre par discrimination directe d’une part, et par
discrimination indirecte, d’autre part. Tout d’abord, la discrimination
directe correspond à la situation d’une personne qui, pour une
raison visée par les directives (race, handicap, sexe…) est traitée,
sans justification, moins favorablement qu’une autre personne
placée dans une situation comparable. La différence de traitement,
dont une personne fait l’objet, représente l’élément central de toute
discrimination directe. Par exemple, plusieurs personnes travaillent
ensemble, mais certains sont moins bien traités que d’autres sans
justification.

918
Quant à la discrimination indirecte, elle correspond à la situation
dans laquelle une disposition (c’est-à-dire une norme), critère ou
pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un
désavantage pour les personnes d’une religion, d’un sexe, d’un
âge etc. donné. Cependant, contrairement à la discrimination
indirecte, cette forme ne s’applique pas nécessairement aux
personnes placées dans des situations comparables. Ces dernières
peuvent même faire l’objet d’un traitement identique ; or, ce sont les
effets du traitement qui diffèrent, lesquels seront ressentis
différemment par des personnes présentant des caractéristiques
différentes.

919
Jurisprudence
À titre d’illustration, dans l’affaire Schönheit (CJCE 23 oct. 2003, aff. C-4/02 et
V-5/02), l’objet du litige concernait le fait que les pensions de vieillesse des
employés à temps partiel étaient calculées sur la base d’un taux différent de celui
appliqué aux employés à temps plein, sans qu’il y ait une justification concernant
une durée du travail différente. Par conséquent, le montant de la pension de
salariés à temps partiel était inférieur à celui perçu par les salariés à temps plein.
Toutefois, étant donné que 88 % des travailleurs à temps partiel étaient des
femmes, cette disposition avait un effet préjudiciable disproportionné sur les
femmes, par rapport aux hommes.

Il a été également jugé que la pratique d’un employeur consistant à verser un


complément de salaire aux seuls travailleurs handicapés ayant remis une
attestation de reconnaissance de handicap après une date qu’il a lui-même fixée
est susceptible de constituer une discrimination directe ou indirecte fondée sur le
handicap. Cette pratique, bien qu’apparemment neutre, est susceptible de
constituer une discrimination indirectement fondée sur le handicap lorsqu’elle
entraîne un désavantage particulier pour des travailleurs handicapés en fonction
de la nature de leur handicap, sans qu’elle soit objectivement justifiée par un
objectif légitime et sans que les moyens pour réaliser cet objectif soient appropriés
et nécessaires, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier (CJUE, 26
janv. 2021, VL/Szpital Kliniczny im. dra J. Babińskiego).

Mais le concept de discrimination dans le droit de l’union


européenne est beaucoup plus large, de sorte que sont inclus dans
celui-ci le harcèlement et l’injonction à pratiquer la discrimination.
Quant au harcèlement discriminatoire, les deux directives (art. 2
§ 3) disposent que « le harcèlement est considéré comme une forme
de discrimination lorsqu’un comportement indésirable […] a pour
objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et
de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant
ou offensant ». Il convient, pourtant, de souligner que la directive
n’entend pas condamner de manière générale la discrimination dans

920
les relations de travail, comme le fait le droit français avec le
harcèlement moral (C. trav. art. L. 1152-1). En revanche, seul le
comportement lié à l’un des motifs de discrimination (race, âge,
sexe etc.) est pris en considération. Quant au harcèlement sexuel, il
est désormais visé et condamné par la directive relative à l’égalité
o
professionnelle entre les hommes et les femmes (V. Fiche n 79).
En outre, dans l’article 2 § 4 des directives anti-discrimination, le
législateur européen prévoit une forme particulière de
discrimination par injonction. Elle consiste à enjoindre à
quelqu’un de pratiquer une discrimination à l’encontre des
personnes pour l’une des causes discriminatoires (race, religion…).
C’est le cas, par exemple, des salariés indiquant à leur employeur
qu’ils ne souhaitent pas travailler avec un salarié handicapé ou
porteur du sida. Toutes ces demandes, en soi discriminatoires,
n’autorisent pas l’employeur à pratiquer une discrimination.

Enfin, la jurisprudence de la Cour de Luxembourg a relevé une autre


forme de discrimination, à savoir la discrimination par association.
Dans ce cas de figure, la victime de la discrimination n’est pas elle-
même la personne qui présente la caractéristique protégée
concernée.

921
Jurisprudence
L’arrêt Coleman (CJCE, 17 juill. 2008, aff. C-303/06) en est une illustration. En
l’espèce, une mère soutenait avoir été victime, dans le cadre de son travail, d’un
traitement défavorable lié au handicap dont souffrait son fils. Ce handicap l’avait
parfois contrainte à arriver en retard à son travail et à demander que ses horaires
soient aménagés en fonction des besoins de son fils. Cependant, non seulement
ses demandes étaient rejetées, mais elle avait également reçu des menaces de
licenciement, ainsi que des commentaires déplacés concernant le handicap de
son fils. En comparaison avec la situation de ses collègues occupant des postes
similaires et ayant des enfants, la Cour a pu déduire que ce comportement de
l’employeur était constitutif d’une discrimination et d’un harcèlement fondés sur le
handicap de son enfant.

II. Les « caractéristiques protégées »

Le droit de l’Union ne condamne pas toute distinction. L’article 19 TFUE


énumère de façon limitative diverses caractéristiques protégées, à savoir : le
sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un
handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. La nationalité est, néanmoins,
absente, ce qui s’explique par le fait qu’elle concerne les seuls ressortissants de
l’Union et toute interdiction de discrimination sur la nationalité fait l’objet d’une
o
disposition autonome (TFUE, art. 18, V. Fiche n 70). En outre, la liste de
l’article 19 TFUE énumère des causes de discrimination non visées par l’article 14
CEDH, à l’instar du handicap, de l’âge et de l’orientation sexuelle. La CJUE fait
une interprétation large des caractéristiques protégées et il existe à l’heure
actuelle un impressionnant corpus jurisprudentiel établi en matière de non-
discrimination.

922
Jurisprudence
Ainsi, les déclarations publiques par lesquelles un employeur fait savoir que,
dans le cadre de sa politique de recrutement, il n’embauchera pas de salariés
ayant une certaine origine ethnique ou raciale suffisent à présumer, au sens de
o
l’article 8 § 1 de la directive n 2000/43, l’existence d’une politique d’embauche
directement discriminatoire et il incombe à cet employeur de prouver qu’il n’y a pas
eu de violation du principe de l’égalité de traitement (CJCE, 10 juill. 2008, Centrum
voor gelijkheid van kansen en voor racismebestrijding c./ Firma Feryn NV, aff. C-
54/07).

De la même façon, il a été considéré comme discriminatoire une réglementation


allemande permettant sans restriction la conclusion de CDD successifs pour les
travailleurs salariés ayant atteint l’âge de 52 ans, alors que pareille succession
n’est pas autorisée avant cet âge. Dans l’arrêt Werner Mangold du 22 novembre
2005 (aff. C-144/04), la Cour de Justice a ainsi accordé la valeur de principe
général aux prohibitions des discriminations en fonction de l’âge. La jurisprudence
de la Cour s’est beaucoup développée en la matière et le principe connaît une
grande souplesse (V. Infra).

Concernant la liberté religieuse, la Cour de justice s’efforce de trouver un


équilibre entre cette liberté et la liberté d’entreprendre, en énonçant qu’ « une
règle interne d’une entreprise, interdisant aux travailleurs de porter tout signe
visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu du
travail, ne constitue pas, à l’égard des travailleurs qui observent certaines règles
vestimentaires en application des préceptes religieux, une discrimination directe
fondée sur la religion ou sur les convictions (…) dès lors que cette règle est
appliquée de manière générale et indifférenciée » (CJUE, 15 juill. 2021, aff.
Jointes C-804/18 et C-341/19). Il incombe ainsi à l’employeur de poursuivre une
politique de neutralité politique, philosophique ou religieuse, mais de manière
cohérente et systématique.

Force est de souligner que chaque caractéristique protégée fait


l’objet des dispositions qui lui sont propres, permettant de spécifier le
régime qui lui est applicable.

III. Le domaine de la lutte contre les discriminations

923
A Domaines communs à toutes les discriminations
La prohibition des discriminations par le droit de l’Union concerne
« toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le
secteur privé, y compris les organismes publics » et son champ
matériel couvre principalement les conditions du travail et d’emploi
o
(art. 3 des directives n 2000/43 et 200/78).

Il s’agit, en premier lieu, des conditions d’accès à l’emploi qui font


l’objet d’une interprétation large par la CJUE. Cette dernière
considère, en particulier, que la notion d’emploi inclut également une
période de formation et que l’accès à l’emploi concerne non
seulement les conditions existant avant la naissance d’une relation
de travail mais aussi tous les facteurs censés être pris en
considération par la personne intéressée avant de décider
d’accepter ou non une offre d’emploi.

Jurisprudence
Par un arrêt du 23 avril 2020 (Associazione Avvocatura per i diritti LGBTI, aff.
C-507/18), la Cour de justice souligne que les déclarations suggérant l’existence
d’une politique de recrutement homophobe relèvent de la notion de « conditions
d’accès à l’emploi (…) ou au travail », même si elles émanent d’une personne qui
n’est pas juridiquement capable d’embaucher, pourvu qu’il existe un lien non
hypothétique entre ces déclarations et la politique de recrutement de l’employeur.
La Cour a eu l’occasion de rappeler que la notion de « conditions d’accès à
l’emploi (…) ou au travail » au sens de la directive 2000/78 requiert une
interprétation autonome et uniforme et ne saurait faire l’objet d’une interprétation
stricte.

Il s’agit, en deuxième lieu, des conditions d’emploi, y compris les


questions en matière de licenciement et de rémunération. Sur ce

924
point également, l’approche de la Cour de Luxembourg témoigne
d’une interprétation assez extensive, afin d’y inclure toute condition
découlant d’une relation de travail, à l’instar de la mise à disposition
de garderies pour enfants sur le lieu du travail ou de la réduction du
temps de travail. De même, les notions de licenciement et de
rémunération font l’objet d’une approche tout aussi extensive et la
jurisprudence est très riche en la matière.
L’accès à l’orientation et la formation professionnelles est visé en
troisième lieu. De nouveau, la Cour de Justice a adopté une
définition assez vaste de ce qu’il y a lieu d’entendre par « orientation
et formation professionnelles », de sorte qu’elle englobe aussi les
enseignements universitaires.

B Domaines réservés aux discriminations raciales


ou ethniques
En matière de discrimination raciale ou ethnique, le champ ouvert
par l’interdiction s’étend plus largement et va au-delà des conditions
d’emploi et de travail stricto sensu. Il recouvre en outre la protection
sociale (sécurité sociale et soins de santé), les régimes de
prévoyance sociale, les avantages sociaux, l’éducation, ainsi que
l’accès aux biens et services et la fourniture des biens et services.

Jurisprudence
Quelques précisions s’imposent concernant tout d’abord les avantages
sociaux, pour lesquels la CJUE a retenu une définition large : sont envisagés tous
les avantages ou non liés au contrat d’emploi, y compris les réductions sur les prix
des transports (CJCE, 30 sept. 1975, Anita Cristini, aff. 32/75). De plus, la Cour a
retenu que toutes les mesures générales visant à faciliter la fréquentation de
l’enseignement – comme par exemple les bourses mensuelles d’entretien aux
enfants en âge scolaire – relèvent du domaine de l’éducation.

925
o
Attention La directive n 2000/78 étend la prohibition des discriminations à
l’adhésion et l’accès à une organisation de travailleurs ou d’employeurs, mais
aussi à l’engagement des personnes au sein de cette organisation.

§2 Les moyens de lutte contre les discriminations

I. Les moyens institutionnels et procéduraux

A Les garanties procédurales


o
Les deux directives (Dir. n 2000/43/CE, 29 juin 2000, art. 7 et Dir.
o
n 2000/78/CE, 27 nov. 2000, art. 9) prévoient que les victimes des
discriminations puissent avoir accès aux procédures judiciaires et
administratives des États membres. Les deux directives précisent
toutefois que cet accès doit être ouvert, « même après que les
relations dans lesquelles la discrimination présumée se soient
terminées ». Cependant, faire valoir une plainte ne suffit pas pour les
personnes qui s’estiment lésées par le non-respect du principe
d’égalité de traitement. Elles doivent en apporter la preuve.

De plus, l’action de substitution engagée par les syndicats ou autres


organisations pour la défense des droits de la victime fait son
apparition dans le droit social de l’UE.
o
Aux termes des articles 7 § 2 et 9 § 2 des directives n 2000/43 et
2000/78 respectivement, les États membres doivent veiller à ce que
« les associations, les organisations ou les personnes morales » qui
ont un intérêt légitime à agir contre les discriminations puissent
engager toute procédure judiciaire et/ou administrative prévue
« pour le compte ou à l’appui du plaignant, avec son approbation ».

B Le partage de la charge de preuve

926
Selon la lettre des directives, « les États membres prennent les
mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin
que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect du
principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou
une autre instance compétente, des faits qui permettent de
présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il
incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu de
violation du principe de l’égalité de traitement ». Autrement dit, le
droit européen de la non-discrimination autorise le partage de la
charge de la preuve : le requérant doit présenter les éléments de
preuve établissant l’exercice d’un traitement discriminatoire. Ces
éléments feront naître une présomption de discrimination, que
l’auteur présumé devra ensuite réfuter. La jurisprudence de la Cour
de justice est abondante en la matière, en jetant des
éclaircissements utiles.

Il est donc manifeste que, pour démonter le bien-fondé d’une


allégation de discrimination, la victime doit prouver la réalité d’une
différence de traitement fondée sur une caractéristique protégée et
pour laquelle aucune justification ne peut être retenue. Il n’y a,
corrélativement, pas besoin de prouver certains facteurs
secondaires qui entourent les situations incriminées, tels l’existence
de préjugés ou d’une intention de discriminer. Ainsi, il n’est pas
nécessaire de prouver que l’auteur a des opinions « racistes » ou
« sexistes » pour démonter l’existence d’un cas de discrimination
fondée sur la race ou le sexe.

Il est tout à fait possible que l’auteur présumé justifie la différence de


traitement (V. Infra).

927
C Les organes institutionnels de promotion de l’égalité
de traitement
L’un des apports importants des directives anti-discrimination est
d’avoir fait appel aux organes dont l’action peut donner plus
d’efficacité à la lutte contre les discriminations. Au premier abord, le
rôle des partenaires sociaux s’avère essentiel, dans la mesure où ils
peuvent participer à la promotion de l’égalité de traitement « […] par
la surveillance des pratiques sur le lieu de travail, par des
conventions collectives, des codes de conduite et par la recherche
ou l’échange d’expériences et de bonnes pratiques » (Dir.
o o
n 2000/43, art. 11 § 1 et Dir. n 2000/78, art. 13 § 1). De plus, le
droit de l’UE encourage la promotion par les États membres du
dialogue avec les organisations non gouvernementales concernées
o
par la lutte contre les discriminations (Dir. n 2000/43, art. 12 et Dir.
o
n 2000/78, art. 14).
La directive relative aux discriminations fondées sur la race ou
l’origine ethnique prévoit en outre l’intervention d’un ou plusieurs
organismes désignés par les États membres chargés de promouvoir
o
l’égalité de traitement (Dir. n 2000/43, art. 13). Ces organismes,
publics ou privés, – qui peuvent faire partie des organes chargés de
défendre à l’échelon national les droits de l’homme – doivent avoir
compétence pour apporter une aide aux victimes des discriminations
qui engagent une procédure pour discrimination, pour conduire des
études et pour émettre des recommandations. Ils agissent en toute
indépendance.

928
o
En France, la loi n 2004-1486 du 30 décembre 2004 avait institué la
Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde).
Cette autorité administrative indépendante était compétente pour connaître toutes
les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un
engagement international auquel la France fait partie, en vue d’y apporter une
o
solution amiable non contentieuse. Mais, elle a été dissoute par la loi n 2011-333
du 29 mars 2011 et ses compétences ont été transférées au Défenseur de droits,
dont le champ d’intervention ne se limite pas aux seules discriminations. Toutefois,
un collège spécifique a été créé pour prendre en charge la lutte contre les
discriminations et la promotion de l’égalité.

II. Les sanctions

S’agissant de directives, les États membres ont les obligations qui


sont usuellement les leurs relatives à la mise en conformité du droit
national au droit de l’Union. Il leur appartient donc de supprimer les
dispositions législatives ou réglementaires contraires au principe
d’égalité de traitement, ainsi que de prendre toutes les mesures
nécessaires afin que les dispositions contraires qui figurent dans les
contrats, les conventions collectives ou les règlements intérieurs
o o
soient déclarées nulles (Dir. n 2000/43, art. 14 et Dir. n 2000/78,
art. 16).

Concernant les sanctions, il incombe aux États membres de


déterminer le régime des sanctions applicables aux violations des
dispositions nationales adoptées en application du droit de l’Union. Il
est question de « sanctions effectives, proportionnées et
o
dissuasives » (Dir. n 2000/43, art. 15 et Dir. 2000/78, art. 17),
pouvant comprendre le versement d’indemnités à une victime de
discrimination (CJCE, 10 juill. 2008, Firma Feryn, préc.).

929
§3 Les différences de traitement autorisées

I. Justification par un objectif légitime

L’article 2 § 2b de deux directives prévoit que la discrimination


indirecte peut être objectivement justifiée par un objectif légitime et si
les moyens utilisés sont appropriés et nécessaires pour réaliser cet
objectif. Autrement dit, un objectif légitime peut justifier une
différence de traitement entre situations comparables, pourvu
toutefois que le principe de proportionnalité soit respecté.

Jurisprudence
La CJUE a livré une explication approfondie de l’idée de justification objective
dans le cadre de l’affaire Bilka-Kaufaus (CJCE, 13 mai 1986, aff. 170/84) à propos
d’une salariée à temps partiel exclue du régime de pension de retraite institué par
la société Bilka (un grand magasin). Ladite salariée avait formé un recours dans
lequel elle soutenait que cette exclusion constituait une discrimination indirecte à
l’égard des femmes, dans la mesure où ces dernières représentaient la vaste
majorité des travailleurs à temps partiel. Il convient de souligner que la Cour de
Luxembourg se montre réticente à l’égard des différences de traitement justifiées
par des raisons de gestion liées aux préoccupations économiques des
employeurs.

En revanche, elle est plus encline à admettre une différence de


traitement fondée sur des objectifs plus larges de politique sociale et
d’emploi revêtant des implications fiscales.

Ce type de différence de traitement reprend un regain d’intérêt


concernant les discriminations en fonction de l’âge. L’article 6 de la
o
directive n 2000/78 autorise, en particulier, la discrimination fondée
sur l’âge, lorsque celle-ci est justifiée par des « objectifs légitimes de

930
politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation
professionnelle si les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés
et nécessaires ». La directive fournit un nombre limité d’exemples
des cas de figure dans lesquels une différence de traitement peut
être justifié (accès à l’emploi et à la formation professionnelle,
conditions de licenciement et de rémunération, fixation des
conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle et
d’ancienneté, fixation d’un âge minimum pour le recrutement…).

Jurisprudence
La jurisprudence de la Cour de justice est abondante en la matière (CJCE,
16 oct. 2007, Palacios de la Villa, préc. ; CJCE, 22 nov. 2005, Mangold, préc. ;
CJUE, 12 janv. 2010, Wolf, aff. C-229/08 ; CJUE, 12 janv. 2010, Petersen, aff. C-
341/08).

II. Exigence professionnelle essentielle et déterminante

Les directives prévoient également (art. 4) qu’il n’y a pas de


discrimination lorsqu’une « exigence professionnelle essentielle et
déterminante » commande de recourir aux services d’une personne
ou d’un groupe. Bien entendu, l’objectif poursuivi doit être légitime et
l’exigence proportionnée. Il est désormais bien établi que certaines
activités relèvent de la dérogation tirée de l’exigence professionnelle
essentielle et déterminante.

Ainsi, la CJUE, dans l’affaire Commission c./Allemagne du 21 mai


1985 (aff. 248/83), a indiqué – sur la base d’une étude de la
Commission – un certain nombre des professions auxquelles cette
dérogation pourrait vraisemblablement être appliquée (professions
artistiques, mannequins, club fitness réservés aux femmes qui

931
embauchent uniquement des femmes…). Dans le même registre, il a
été retenu comme légale la décision des autorités françaises de
réserver des emplois principalement aux candidats masculins dans
les prisons pour hommes et principalement aux candidats féminins
dans les prisons pour femmes (CJCE, 30 juin 1988, Commission
c./France, aff. 318/86). D’un autre côté, il a été jugé (CJUE, 17 avr.
2018, Vera Egenberger, aff. C-414/16) que la religion ou
l’appartenance religieuse n’est pas automatiquement une exigence
professionnelle essentielle pour tous les emplois offerts au sein
d’une organisation religieuse. Par conséquent, elle pourrait faire
l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif, la juridiction nationale
devant vérifier si l’exigence en question est appropriée et ne va pas
au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.

932
Jurisprudence
En 2012, l’Evangelisches Werk a publié une offre d’emploi pour
l’établissement d’un rapport sur la convention internationale des Nations Unies à
propos de l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La
candidature de Mme Vera Egenberger a été rejetée faute de préciser sa
confession, exigence posée par l’organisation religieuse. Considérant qu’elle était
victime d’une discrimination fondée sur la religion, cette dernière a saisi la Cour
fédérale du travail de Berlin qui a posé auprès de la CJUE la question préjudicielle
de savoir si une Église peut diffuser une offre d’emploi précisant, parmi les
conditions, l’appartenance à sa confession. Cette question vaut aussi bien pour les
« entreprises religieuses » que pour les entreprises qui défendent des convictions
– politiques, syndicales, philosophiques – regroupées sous l’appellation
d’« entreprises de tendance ». L’arrêt du 17 avril 2018, qui limite la portée de
l’exception de l’article 4 § 2 de la directive 2000/78 (encadre le principe de non-
discrimination pour les entreprises de tendances), intéresse en premier chef le
droit français. En effet, il pourra servir de guide d’interprétation de l’article L. 1133-
1 du Code du travail concernant non seulement le recrutement, mais également
l’exécution et la rupture du contrat de travail. À cet égard, il serait possible de
croiser, sous l’influence de la CEDH, la question de savoir si une Église peut
licencier un salarié au motif qu’il est divorcé ou qu’il a conclu un mariage
homosexuel (CJUE, 17 avr. 2018, Vera Egenberger, aff. C-414/16).

III. Actions positives

Pour assurer la pleine égalité dans la pratique, le principe de non-


discrimination n’empêche pas un État membre de maintenir ou
d’adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou
compenser des désavantages liés à la cause de discrimination
combattue. Tel est le cas, par exemple, des aménagements
raisonnables pour les personnes handicapées (aménagements des
postes de travail, des locaux, adaptation des équipements, des
rythmes de travail…), dans la mesure où ils n’imposent pas à
o
l’employeur une charge disproportionnée (Dir. n 2000/78, art. 5). À

933
ce titre, il a été retenu par la Cour de justice, que réaffecter le
salarié déclaré inapte à un autre poste de travail, constitue une
mesure appropriée selon les dispositions de l’article 5 de la directive
o
n 2000/78, puisqu’il permet de continuer à participer à la vie
professionnelle de l’entreprise (CJUE, 10 févr. 2022, Aff., C-485/20).

Principe de non-discrimination et droits des LGBTIQ


La Commission européenne a présenté, le 12 novembre 2020, sa toute première
stratégie en faveur de l’égalité des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles,
transgenres, non-binaires, intersexuées et queer (LGBTIQ). Cette stratégie définit
des actions ciblées, dont des mesures juridiques et des mesures de financement,
à mener au cours des 5 prochaines années. Sur le plan juridique, en particulier,
parmi les deux axes principaux des actions à engager, l’un impliquera le dressage
d’un état des lieux de la Directive 2000/78 d’ici 2022 et la promotion d’un cadre
juridique protecteur sur l’égalité des genres.

934
935
936
POUR ALLER PLUS LOIN…
– Agence des droits fondamentaux de l’UE, Cour EDH, Conseil de
l’Europe, Manuel de droit européen en matière de non-
discrimination, éd. 2011
– M.-Th., LANQUENTIN, « La preuve de la discrimination, l’apport
du droit communautaire », Dr. soc. 1995, p. 435
– M. MERCAT-BRUNS, « La discrimination fondée sur l’âge : un
exemple d’une nouvelle génération de critères
discriminatoires ? », RDT 2007

937
o
Fiche n 73 L’égalité de traitement entre
les femmes et les hommes

L’ESSENTIEL

Proclamé depuis le traité de Rome uniquement en matière de


rémunération (ex-art. 119), le principe de l’égalité entre les hommes
et les femmes figure actuellement en tant que tel parmi les valeurs
fondatrices de l’Union européenne (TFUE, art. 2), qui doit
« promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes » (TFUE, art.
3) et « combattre toute discrimination fondée sur le sexe » dans la
définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions (TFUE,
art. 10). Ce principe est également repris dans la Charte des droits
fondamentaux de l’UE (art. 23) qui impose que l’égalité en fonction
du sexe soit assurée dans tous les domaines, y compris en matière
d’emploi, de travail et de rémunération. Par ailleurs, l’article 157 § 1
TFUE consacre l’égalité des rémunérations entre les hommes et les
femmes pour un même travail ou un travail de même valeur. De
plus, aux termes de son § 3 l’Union habilite le Parlement et le
Conseil à adopter « toutes les mesures visant à assurer l’application
du principe d’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre
les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail, y
compris le principe de l’égalité des rémunérations ». À l’heure

938
actuelle, la politique européenne de l’égalité des genres s’appuie sur
un important corpus juridique, né de l’interaction entre les
innovations prétoriennes et une production législative abondante, qui
s’est progressivement stabilisée. Enfin, faisant partie du
mainstreaming de toutes les actions de l’Union (TFUE, art. 8), la
promotion de l’égalité des genres s’inscrit dans des stratégies non
contraignantes de la Commission.

LES CONNAISSANCES

L’arrêt Defrenne II rendu par la Cour de justice le 8 avril 1976 (aff.


43-75), fut le point de départ des interactions fécondes entre le
législateur européen et les juges de Luxembourg, qui se sont
cristallisées en une abondante législation jusqu’à sa consolidation en
o
2006 à travers de la directive n 2006/54 du 5 juillet 2006 qui a
refondu les précédentes directives en la matière. Il serait intéressant
d’étudier, dans un premier temps le principe de l’égalité entre h/f
(§ 1) et, dans un second temps, les modalités de sa mise en œuvre
(§ 2).

§1 Le principe

I. Les actes et les situations discriminatoires


o
La directive n 2006/54 s’applique aux discriminations tant directes
qu’indirectes (art. 2). Leur définition correspond à celle donnée
précédemment pour les autres causes de discrimination. Tout
d’abord, une discrimination directe correspond à « la situation
dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable

939
en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait
dans une situation comparable ».

Jurisprudence
À titre d’illustration, est constitutive d’une discrimination directe fondée sur le
sexe, la prise en considération par l’employeur de l’état de grossesse d’une
travailleuse pour refuser sa réintégration dans son emploi avant la fin de son
congé parental d’éducation (CJCE, 27 févr. 2003, Busch, aff. C-320/01).

Constitue, ensuite, une discrimination indirecte, « la situation dans


laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment
neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe
par rapport à des personnes de l’autre sexe […] ». Par conséquent,
il existe une discrimination indirecte lorsqu’on utilise un autre critère
de distinction que le sexe (ainsi le temps de travail), qui aboutit
cependant à une différence de traitement entre les hommes et les
femmes. Qu’il y ait ou non une intention malveillante de la part de
l’employeur, c’est le résultat qui est pris en considération. Un
exemple classique concerne la prise en considération de la période
des congés de maternité dans le calcul de l’ancienneté, lorsque
celle-ci constitue un facteur déterminant pour la promotion, pour
l’acquisition des droits à une pension complémentaire, ou pour
l’acquisition de droit à la modification de la durée du congé
d’éducation. Le temps de travail à temps partiel est également
susceptible de servir de fondement de discrimination indirecte,
lorsqu’il constitue un critère de calcul pour l’attribution des
avantages, à l’instar de la titularisation des fonctionnaires, de
l’acquisition d’une prime de fin d’année ou du calcul des pensions de

940
vieillesse (V. Supra, CJCE 23 oct. 2003, Schönheit, aff. C-4/02 et V-
5/02).

o
La directive n 2006/54 inclut spécifiquement dans les actes de
discrimination le « harcèlement et le harcèlement sexuel ainsi que
tout traitement moins favorable reposant sur le rejet de tels
comportements par la personne concernée ou sa soumission à
ceux-ci » (art. 2 § 2a). Elle définit, en particulier le harcèlement
comme « toute situation dans laquelle un comportement non désiré
lié au sexe d’une personne survient avec pour objet ou pour effet de
porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un
environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou
offensant » (art. 2 § 1c). Si cette conduite a une connotation sexuelle
s’exprimant physiquement, verbalement ou non, le harcèlement est
qualifié de sexuel.
Constitue, enfin, un acte discriminatoire l’injonction de pratiquer à
l’encontre de personnes une discrimination fondée sur le sexe (art. 2
§ 2b).

II. Les domaines protégés

L’élément le plus marquant de la directive refonte est d’avoir étendu


le domaine matériel et personnel couvert par l’exigence de l’égalité.
Désormais, il concerne : l’accès à l’emploi, y compris la promotion et
la formation professionnelle, les conditions de travail, y compris les
er
rémunérations (art. 1 , 4 et 14) et, enfin, les régimes professionnels
er
de la sécurité sociale (art. 1 et 5 à 7). De plus, la directive
o
n 2004/113 du 13 décembre 2004 déborde les conditions d’emploi
et de travail pour pénétrer sur un terrain extérieur au droit social, à
savoir l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et

941
services. La Cour de justice a eu l’occasion d’y apporter des
précisions et des éclaircissements.

Jurisprudence
Dans un premier temps, il a été retenu, dans plusieurs affaires, que la prise en
considération par l’employeur de l’état de grossesse d’une salariée pour refuser de
l’embaucher est constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe
(CJCE, 3 févr. 2000, Mahlburg, aff. C-207/98 : CJCE, 8 nov. 1990, Dekker, aff. C-
177/88). De même, le principe de l’égalité professionnelle s’oppose à une
réglementation nationale qui prive une femme du droit d’être notée et, par voie de
conséquence, de pouvoir profiter d’une promotion professionnelle parce qu’elle
s’absente de l’entreprise en raison d’un congé de maternité (CJCE, 30 avr. 1998,
CNAVTS c./Thibault, aff. C-136/95).

Dans un second temps, l’égalité concerne l’ensemble des conditions de travail et


s’étend aussi aux conditions de licenciement. Le principe veut que la femme soit
protégée pendant son congé de maternité contre un licenciement motivé par son
absence (CJCE, 8 nov. 1990, Handels, aff. C-179/88). De plus, un droit national ne
peut pas autoriser un employeur à licencier une salariée en raison de son état de
grossesse, même si elle avait été engagée en vertu d’un CDD pour remplacer une
femme, elle-même en congé de maternité (CJCE, 14 juill. 1994, Webb c./EMO Air
Cargo Ltd, aff. C-32/93). Dans le même sens, constitue une discrimination le fait
de licencier une salariée, postérieurement à son congé de maternité, pour une
absence résultant d’une maladie liée à la grossesse (CJCE, 30 juin 1998, Brown,
aff. C-394/96).

Par ailleurs, l’égalité de traitement en matière de rémunération


(TFUE, art. 157) fait partie des fondements de l’UE (CJCE, 8 avr.
1976, Defrenne II, op. cit.). La notion de rémunération est assez
vaste. Il s’agit du « salaire ou du traitement ordinaire de base ou
minimum, ainsi que d’autres avantages payés directement ou
indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur aux
travailleurs, en raison de son emploi ». À titre d’illustration, sont
inclus dans celle-ci tous les paiements indirects versés par

942
l’employeur après la cessation de la relation de travail comme les
retraites conventionnelles, même obligatoires, les primes, les
allocations de congés et les indemnités de rupture du contrat.

Proposition de directive sur la transparence salariale et le renforcement


du principe d’égalité de rémunération pour le même travail entre les H/F

Dans le cadre de la mise en œuvre de sa stratégie en faveur de l’égalité entre les


hommes et les femmes 2020-2025, la Commission européenne a proposé, le
4 mars 2021, une nouvelle directive visant à renforcer l’application du principe de
l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un
travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes
d’exécution. Il s’agit d’une initiative qui envisage de lutter contre la discrimination
salariale fondée sur le sexe et à éliminer les écarts de rémunération entre eux. Ce
texte est actuellement en progression dans les négociations. Début avril 2022, le
Parlement européen a donné son accord pour entrer en négociation avec les
gouvernements des États membres sur la proposition de directive.

Dans un troisième temps, concernant l’égalité de traitement dans


les régimes professionnels de sécurité sociale, la directive
o
n 2006/54 couvre une série de risques (maladie, invalidité,
accidents de travail et maladies professionnelles, vieillesse et
chômage) et s’applique également aux régimes professionnels de
sécurité sociale prévoyant d’autres prestations, en nature ou en
espèces (comme les pensions de survivants et les allocations
familiales), lorsqu’elles constituent un avantage payé par l’employeur
au salarié en raison de l’emploi de ce dernier. En revanche, elle
exclut une série de mécanismes d’assurance individuelle.

943
Jurisprudence
Répondant à une question préjudicielle qui lui a été posée par une juridiction
espagnole, la Cour de justice a relevé récemment un nouveau cas de
discrimination indirecte fondée sur le sexe en matière de sécurité sociale. A été,
en particulier, jugée contraire au droit de l’Union une réglementation nationale
excluant du régime d’assurance chômage les employés de maison qui sont à
95,53 % des femmes contre 4,47 % des hommes (CJUE, 24 févr. 2022, CJ
c./Tesoría General de la Seguridad Social, aff. C-389/20).

Concernant son champ d’application personnel, elle couvre toute la


population active, c’est-à-dire à la fois les salariés et les travailleurs
o
indépendants. Cette directive est complétée par la directive n 79/7
du 19 décembre 1978, applicable aux régimes légaux de sécurité
sociale.

III. Les différences de traitement autorisées

A Activités professionnelles spécifiques / exigence


professionnelle véritable et déterminante

944
Jurisprudence
Une abondante jurisprudence de la Cour de Luxembourg a défini les contours
de ces deux hypothèses de dérogation au principe de l’égalité de traitement entre
les hommes et les femmes. Il a ainsi été jugé que l’exclusion des femmes du
service dans des unités combattantes spéciales telles que les Royal Marines peut
être justifiée, en raison de la nature et des conditions d’exercice des activités en
cause (CJCE, 26 oct. 1999, Sirdar c./the Army Board RU, aff. C-273/97). En
revanche, les femmes ne sont pas exclues de manière générale des emplois
militaires comportant l’utilisation d’armes et qui leur autorisent seulement l’accès
aux services de santé et aux formations de musique militaire (CJCE, 11 janv.
2000, Kreil, aff. C-285/98). De même, concernant l’exercice de l’activité de policier,
la Cour a retenu qu’il appartient à l’État membre de prendre en considération les
exigences de la protection de la sécurité publique pour réserver, dans une
situation interne caractérisée par des attentats fréquents, les tâches générales de
police à des hommes équipés d’armes à feu (CJCE, 15 mai 1986, Johnston, aff.
222/84).

Dans tous les cas, afin de permettre, d’une part, à la Commission


d’exercer un contrôle utile et, d’autre part, aux personnes
éventuellement lésées par des mesures discriminatoires de défendre
leurs droits, les États membres doivent préciser les critères objectifs
justifiant l’exclusion des activités concernées du champ d’application
du principe d’égalité de traitement. Ne sont, par conséquent, pas
objectivement justifiées les dérogations présentant un caractère
général (CJCE, 8 nov. 1983, Commission c./RU et Irlande du Nord,
aff. 165/82).

B Discriminations indirectes objectivement justifiées


o
Si la directive n 2006/54 interdit en principe les discriminations
indirectes, elle autorise, toutefois, les dispositions, critères ou
pratiques objectivement justifiés par un but légitime, si les moyens

945
pour y parvenir sont appropriés et nécessaires. La Cour de justice
laisse en principe l’appréciation des faits aux juges nationaux.
Cependant, elle contrôle directement la légitimité de l’objectif
poursuivi lorsque la question concerne la conformité d’une législation
nationale ou d’une disposition conventionnelle avec le droit de
l’Union.

Ainsi, la Cour de Luxembourg a dû se prononcer sur la validité de


plusieurs critères de différenciation. Elle a, tout d’abord, autorisé les
distinctions fondées sur le caractère physiquement pénible du
travail, tout en souhaitant que les facteurs objectifs retenus tiennent
compte des aptitudes particulières de chaque sexe. Elle a encore
approuvé des rémunérations et des calculs distincts basés sur le
désir de l’employeur de décourager le travail à temps partiel, sur
l’intérêt de bonnes relations sociales, ou sur l’absence de candidats
à une fonction et la nécessité de les attirer par des salaires plus
élevés. A contrario, n’est pas conforme au droit de l’Union une
réglementation nationale en matière de rémunération des
fonctionnaires qui rémunère moins les heures supplémentaires
effectuées par les femmes, étant donné que le pourcentage des
femmes travaillant à temps partiel est considérablement élevé.

§2 La mise en œuvre

I. La preuve des discriminations en fonction du sexe

En vertu de la combinaison des articles 17 et 19 de la directive


o
n 2006/54, les États membres prennent les mesures nécessaires
afin que, dès lors qu’elle s’estime lésée par le non-respect à son
égard du principe de l’égalité de traitement, une personne puisse

946
faire respecter les obligations qui découlent de la présente directive,
grâce notamment à des procédures judiciaires efficaces.

On retrouve ici les mêmes règles concernant la preuve qu’à propos


des formes de discriminations étudiées précédemment. Quant à
l’objet de la preuve, en cas de discrimination directe, la preuve
consistera à faire apparaître l’existence d’une règle ou d’une
pratique se référant à un critère lié au sexe. Mais, en cas de
discrimination indirecte, il suffit d’établir que l’effet d’une règle ou
d’une pratique est de désavantager les hommes ou les femmes.
Quant à la charge de la preuve, il appartient en premier lieu au
demandeur d’établir l’existence d’une différence de traitement en
fonction du sexe. Pour ce faire, il suffit qu’il fournisse un indice
sérieux, ou encore qu’il mette en lumière une probabilité. Une fois la
discrimination directe ou indirecte présumée, le défendeur doit
combattre la présomption de discrimination qui pèse sur lui et si un
doute demeure après sa défense, la preuve incombe au demandeur.
C’est dans cet allégement de la charge reposant sur le demandeur
que se marque en général le particularisme des règles relatives à la
charge de la preuve des discriminations. Ce système de preuve
n’empêche, bien entendu pas, les États membres d’imposer un
régime probatoire plus favorable à la partie demanderesse (Dir.
o
n 2006/54, art. 19 § 2).

Il ne faut surtout pas négliger le rôle des données statistiques en


matière de la preuve, dans la mesure où elles peuvent fournir au
requérant une aide précieuse dans l’établissement d’une
présomption de discrimination. Si certaines pratiques semblent
neutres à première vue, il convient de mettre l’accent sur leurs effets
sur des groupes de personnes par rapport à d’autres, afin de

947
démontrer l’existence d’un déséquilibre. Il appartient au juge national
d’apprécier dans quelle mesure les données statistiques produites
devant lui, caractérisant la situation de la main-d’œuvre, sont
valables et si celles-ci peuvent être prises en compte, c’est-à-dire si,
notamment, elles ne sont pas l’expression de phénomènes
purement fortuits ou conjoncturels et si, d’une manière générale,
elles apparaissent significatives (CJUE, 8 mai 2019, Violeta Villar
Láiz, aff. C-161/18).

Jurisprudence
Or, la CJUE précise que ce déséquilibre doit être substantiel : « pour être jugé
discriminatoire, la mesure doit affecter un nombre beaucoup plus élevé de femmes
que d’hommes » (CJCE, 13 juill. 1989, Rinner-Kühn, aff. C-171/88), un
« pourcentage considérablement plus faible d’hommes que de femmes » (CJCE,
7 févr. 1991, Nimz, aff. C-184/89) ou « un nombre beaucoup plus élevé de
femmes que d’hommes » (CJCE, 24 févr. 1994, De Weerd, aff. C-343/92 ; CJCE,
2 oct. 1997, Gerster, aff. C-1/95 ; CJCE, 23 oct. 2003, Schönheit, aff. C-4/02 et C-
5/02).

II. Les sanctions

Outre le recours à la conciliation et à d’autres procédures (Dir.


o
n 2006/54, art. 17 § 1), les éventuelles victimes ont le droit
d’introduire une action auprès des tribunaux. Cette faculté est
également accessible, avec l’approbation du plaignant, aux
associations, organisations et autres entités juridiques qui ont un
intérêt à agir, en son nom ou pour l’appuyer (art. 17 § 2).
À cet égard et selon le principe du droit de l’UE, il appartient aux
États membres de déterminer le régime des sanctions applicables et
de prendre, corrélativement, toute mesure nécessaire pour assurer

948
l’application de ces sanctions (art. 25). Ces sanctions, qui peuvent
également comprendre le versement d’une indemnisation financière
à la victime – couvrant intégralement le préjudice subi –, doivent être
effectives, proportionnées et dissuasives.

Jurisprudence
En l’absence de mise en œuvre appropriée de la directive, il est de
jurisprudence constante de la Cour de Justice que le régime défavorisant un sexe
est écarté au profit de l’autre (substitution) ; cette solution s’applique que la
disposition discriminatoire soit de nature législative ou conventionnelle (CJCE,
4 déc. 1986, Pays-Bas c./FNV, aff. 71/85 ; CJCE, 13 déc. 1989, Ruzius-Wilbrink,
aff. C-102/88).

De plus, les États membres introduisent dans leurs ordres juridiques


internes de mesures pour protéger les salariés et leurs
représentants contre les mesures de rétorsion, licenciement ou
autre, prises par le chef d’entreprise en représailles à une plainte ou
o
à un recours judiciaire (Dir. n 2006/54, art. 24).

Jurisprudence
La CJUE ne limite pas cette protection au seul licenciement, mais elle l’étend
également à des mesures destinées à entraver les démarches du travailleur
licencié dans sa recherche d’un nouvel emploi (CJCE, 22 sept. 1998, Coote
c./Granada Hospitality Ltd, aff. C-185/97).

III. Les discriminations positives

La promotion de l’égalité des genres constitue désormais l’une des


priorités des actions publiques. À cette fin, les États doivent prendre

949
toutes les mesures nécessaires pour se conformer au droit de l’UE
o
et engager des actions vers ce sens (Dir. n 2006/54, art. 23, 28 et
29). En même temps, ils encouragent la promotion de l’égalité par le
dialogue social, ainsi que par l’action d’autres organismes, y compris
o
les organisations non-gouvernementales (Dir. n 2006/54, art. 20,
21et 26). Par ailleurs, le quatrième paragraphe de l’article 157 TFUE
permet aux États membres de déroger au principe de l’égalité de
traitement et de prévoir des avantages spécifiques « pour assurer
concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la
vie professionnelle ». Cette autorisation des discriminations positives
qui a intégré le droit primaire depuis le traité d’Amsterdam est
essentiellement une construction prétorienne. Ces discriminations
visent surtout à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par
le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des
désavantages dans la carrière professionnelle.

A La protection de la maternité
Au premier abord, une protection particulière réservée aux femmes
est directement liée à sa condition biologique, pendant la grossesse
o
et la maternité. L’article 15 de la directive n 2006/54 consacre le
droit d’une femme en congé de maternité de retrouver son emploi ou
un emploi équivalent au terme de ce congé. Il en va ainsi d’une
formation professionnelle qui fait partie intégrante de son emploi et
qui est obligatoire pour pouvoir prétendre à une nomination définitive
à un poste de fonctionnaire (CJCE, 6 mars 2014, Napoli, aff. C-
595/12). En outre, il a été admis que le principe d’égalité des
rémunérations ne s’oppose pas au versement d’une allocation
forfaitaire aux seuls travailleurs féminins qui partent en congé de
maternité, dès lors que cette allocation est destinée à compenser les

950
désavantages professionnels qui résultent pour ces travailleurs de
leur éloignement du travail (CJCE, 16 sept. 1999, Abdoulaye, aff. C-
218/98). Enfin, protection fondamentale de la salariée enceinte, le
licenciement est interdit du début de la grossesse jusqu’à la fin du
congé de maternité, sauf motif étranger à son état communiqué par
écrit.

B Les limites d’une protection spécifique de la travailleuse


(jurisprudence de la CJUE)
La Cour de justice fait, pourtant, une interprétation restrictive des
possibilités de différences de traitement entre les hommes et les
femmes. De manière générale, sont conformes au principe de
l’égalité de traitement les réglementations nationales dont l’objet
n’est pas d’assurer un résultat – recrutement ou promotion – mais
seulement d’améliorer les chances des candidats féminins d’obtenir
un tel résultat.

Au premier abord, des droits particuliers accordés aux femmes en


fonction de qualités que les hommes peuvent, eux aussi, avoir,
heurtent le principe d’égalité.

951
Jurisprudence
À titre d’exemple, l’arrêt Stoeckel (CJCE, 25 juill. 1991, aff. C-345/89 ; CJCE,
25 oct. 1988, Commission c./France, aff. 312/86) a jugé non conforme au principe
d’égalité une disposition qui interdit le travail de nuit aux femmes seulement. La
solution est identique en ce qui concerne l’attribution d’autres avantages (ex :
versement d’une prime de crèche ou réduction du temps de travail) réservés à une
femme car liés à sa qualité de parent ou de travailleur âgé. Ces mêmes avantages
peuvent également être prévus au bénéfice des hommes qui peuvent avoir, eux
aussi, les mêmes qualités. Il en va ainsi de l’interdiction générale d’emploi des
femmes en atmosphère hyperbare ou aux travaux de plongée, dans la mesure où
les hommes ayant les mêmes caractéristiques physiques que les femmes sont
er
éligibles à cet emploi (CJCE, 1 févr. 2005, Commission c./République
d’Autriche, aff. C-203/03).

Dans le même registre, la Cour s’oppose à toute réglementation


nationale qui accorde automatiquement aux femmes une priorité
d’emploi « absolue et inconditionnelle » dans les secteurs ou elles
sont sous-représentées (CJCE, 17 oct. 1995, Kalanke, aff. C-
450/93). A contrario, de telles mesures sont autorisées si elles
comportent des « clauses de souplesse » ou d’ouverture en faveur
des hommes (CJCE, 11 nov. 1997, Hellmut Marschall, aff. C-409/95)
ou lorsqu’il y a une « flexibilité des quotas » (CJCE, 28 mars 2000,
Georg Badeck, aff. C-158/97).

952
o
La directive n 2019/1158 sur l’équilibre entre
vie professionnelle et vie privée des parents
et des aidants
Dans le processus de mise en application du Socle européen des droits sociaux
(principe 2 : égalité entre les femmes et les hommes) et, soucieuses de
promouvoir, d’une part, la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle,
et, d’autre part, un meilleur partage des responsabilités familiales entre les
hommes et les femmes, les institutions européennes ont adopté, le 20 juin 2019,
o
un nouveau texte législatif : la directive n 2019/1158 sur l’équilibre entre vie
professionnelle et vie privée des parents et des aidants. Cette dernière abroge la
o
Directive n 2010/18 du 8 mars 2010 qui portait spécifiquement sur le congé
parental.

Cette nouvelle directive vise, en particulier, à moderniser le cadre juridique de l’UE


existant en matière de congés familiaux et de formules souples de travail. Les
dispositions emblématiques de ce texte sont : l’instauration d’un congé de
paternité de 10 jours rémunéré (Art. 4) ; le renforcement du droit existant en
matière de congé parental (Art. 5 - il est de 4 mois payés en principe, dont 2 mois
ne peuvent pas être transférables entre les parents) ; l’instauration d’un congé
pour les aidants de 5 jours par an (Art. 6) et l’extension du droit existant de
demander des formules souples de travail (réduction du temps de travail, horaire
de travail flexible et flexibilité concernant le lieu de travail) à tous les parents
d’enfants au moins jusqu’à 8 ans et à tous les aidants qui travaillent (Art. 9).

Il convient, sur ce point, de souligner que le droit du jeune père, comme celui de la
jeune mère, à un congé parental pour s’occuper de son bébé est un droit
individuel ouvert à chaque parent, même si le conjoint n’exerce aucune activité
professionnelle (CJCE, 16 juill. 2015, Maïstrellis, aff. C-222/14).

953
o
France : Loi n 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la
sécurité sociale pour 2021

Dans le souci de permettre aux pères de s’investir davantage dans la parentalité


et de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes, cette loi a prévu,
er
à partir du 1 juillet 2021, l’allongement du congé de paternité de 14 à 28 jours,
dont une partie (4 jours) devient obligatoire et posée immédiatement après le
congé de naissance de 3 jours. Les 21 jours restants ne sont pas obligatoires et
peuvent être pris de manière fractionnée dans les 6 mois suivant la naissance. Le
o
décret n 2021-574 du 10 mai 2021 en détermine les modalités.

Institut européen pour l’égalité entre les hommes


et les femmes
Depuis mai 2007, un Institut dédié à la question de l’égalité des genres, dont
le siège est à Vilnius, en Lituanie, a été créé. Cet Institut européen pour l’égalité
entre les hommes et les femmes (EIGE), qui s’inscrit dans le cadre d’une stratégie
non-contraignante en la matière, est principalement chargé d’évaluer l’application
du droit de l’Union. À cet égard, il effectue de recherches, fournit des données
statistiques et définit des bonnes pratiques. De plus, il contrôle la manière dont
l’UE respecte les engagements internationaux en faveur de l’égalité des sexes, en
publiant un rapport annuel sur le progrès accomplis à cet égard. L’Institut travaille
en étroite collaboration avec les parties prenantes à différents niveaux, c’est-à-
dire, les institutions européennes (la Commission, le Conseil de l’UE et le
Parlement européen), les États membres, les organisations internationales, ainsi
que les acteurs de la société civile (organisations, universitaires, partenaires
sociaux). À l’heure actuelle il est doté d’un important budget qui doit donc
permettre de renforcer l’expertise technique disponible pour mettre en œuvre des
mécanismes efficaces de mainstreaming et d’échanges d’expérience.

954
955
POUR ALLER PLUS LOIN…

Agence des droits fondamentaux de l’UE, Cour EDH, Conseil de


l’Europe, Manuel de droit européen en matière de non-
discrimination, éd. 2011
M. DARMON et J.-G. HUGLO, « L’égalité de traitement entre les
hommes et les femmes dans la jurisprudence de la CJCE »,
RTDE 1994, p. 425
M.-Th. LANQUENTIN, « L’égalité de traitement entre les
hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail (à
propos de la directive “refonte” du 5 juillet 2006) », Dr. soc.,
2007, p. 861
S. LAULOM, « L’égalité de traitement entre les femmes et les
o
hommes », SSL 2014, n 1640, p. 36
S. VAN RAEPENBUSCH, « La jurisprudence de la CJCE en
matière d’égalité de traitement entre les hommes et les
femmes », RJS 1994, p. 3
F. LUETZ, « La directive sur l’équilibre entre vie professionnelle
et vie privée : vers un partage plus égalitaire des responsabilités

956
familiales », Revue de l’UE 2019, p. 355

957
o
Fiche n 74 L’harmonisation minimale
des règles régissant les relations
individuelles du travail

L’ESSENTIEL

À l’heure actuelle, l’Union européenne dispose d’une compétence


partagée en matière sociale, dont le domaine est assez vaste
(TFUE, art. 153 § 1). Précisément, une législation européenne
importante, qu’on pourrait qualifier de « Code du travail de l’UE »
assure un rapprochement des législations nationales en matière de
relations individuelles de travail, en imposant une série de
« prescriptions minimales applicables progressivement » (TFUE, art.
153 § 2b) aux contrats et aux conditions de travail. Elles exercent
une influence impérative sur les droits nationaux.

LES CONNAISSANCES

Les garanties applicables aux relations individuelles du travail sont


relatives à la fois au contrat de travail (§ 1) et aux conditions de
travail (§ 2). Elles constituent ainsi gage de la liberté de circulation
des travailleurs.

958
§1 Les garanties applicables au contrat de travail
o
I. La directive n 2019/1152 relative à des conditions
de travail transparentes et prévisibles dans l’Union
européenne

Inscrite dans la droite ligne de la proclamation du socle européen


o
des droits sociaux, la Directive n 2019/1152 relative à des
conditions de travail transparentes et prévisibles abroge l’ancienne
o
Directive n 91/533 du 14 octobre 1991 ayant consacré l’obligation
pour l’employeur d’informer le travailleur sur les conditions
applicables au contrat ou à la relation de travail. Elle est entrée en
vigueur rapidement, à savoir 20 jours après sa publication au
Journal officiel de l’UE.

Son objectif est d’améliorer les conditions de travail en favorisant un


emploi plus transparent et plus prévisible, tout en assurant la
capacité d’adaptation du marché du travail (art. 1§1).
À cet égard, elle instaure des droits minima applicables à tous les
travailleurs – y compris les travailleurs détachés et expatriés – et à
toutes les formes de travail, y compris les plus souples et les plus
atypiques, ainsi que les nouvelles formes de travail (ex : contrats
« zéro heure », travail occasionnel, travail domestique, travail via
une plateforme électronique).

Au premier abord, l’employeur a – ce qui était le cas sous la


Directive 91/533 – l’obligation d’informer le travailleur sur les
éléments essentiels de la relation de travail (art. 4). Cette
obligation d’information vaut non seulement lors de l’embauche,
mais elle est également due en cas de modification de l’un des
éléments de la relation (art. 6). Mais, cette obligation d’information

959
est renforcée, dans la mesure où la liste des « éléments essentiels
de la relation de travail » qui doivent être communiqués au travailleur
est très étendue (art. 4§2). De plus, le délai de transmission du
document écrit (contrat de travail écrit et/ou lettre d’engagement
et/ou d’un ou de plusieurs autres documents écrits), est réduit à une
période qui débute le premier jour de travail et qui se termine le
septième jour calendaire au plus tard (art. 5). Par ailleurs, des
informations supplémentaires sont communiquées pour les
travailleurs envoyés dans un autre État membre ou un État tiers (art.
7).

De plus, la directive établit certaines exigences minimales


concernant les conditions de travail, à savoir : la durée de la période
d’essai qui ne peut pas excéder six mois (art. 8) ; les restrictions par
l’employeur concernant l’exercice d’un emploi parallèle par le salarié,
sauf si ces restrictions sont objectivement justifiées par des motifs
objectifs, tels que la santé et la sécurité, la protection de la
confidentialité des affaires, l’intégrité de la fonction publique ou la
prévention de conflits d’intérêts (art. 9) ; la fourniture d’une formation
obligatoire gratuite (art. 13) ; le droit du salarié de recevoir une
réponse écrite à une demande de transfert vers un emploi plus sûr
(art. 12) ; le droit de savoir dans un délai raisonnable quand le travail
aura lieu lorsque les horaires de travail sont très variables, comme
dans le cas du travail à la demande (art. 11).

Enfin, la directive consacre le principe de prévisibilité minimale du


travail (art. 10), lorsque le rythme de travail d’un travailleur est
entièrement ou majoritairement imprévisible, soit les horaires du
travail sont très variables, comme dans le cas du travail à la
demande. Le salarié aura ainsi le droit d’être prévenu par son
employeur d’une tâche dans un délai de prévenance raisonnable, ce

960
qui implique corrélativement son droit de refuser ladite tâche en cas
de non-respect par l’employeur de cette exigence.

Jurisprudence
Cette liste est, selon la jurisprudence de la Cour de Justice, loin d’être
exhaustive. Selon elle, tout élément considéré comme essentiel du contrat de
travail ou de la relation de travail doit être porté à la connaissance du travailleur
salarié, y compris lorsqu’il n’est pas mentionné dans la liste fixée par la directive
(CJCE, 8 févr. 2001, Wolfgang Lange, aff. C-350/99, à propos de la réalisation des
heures supplémentaires sur simple demande de l’employeur).

La nouvelle directive n’exige pas non plus que les contrats de travail – en
réalité le CDI – prennent une forme écrite ; elle impose simplement la rédaction
d’un écrit qui informe le salarié sur les conditions de la relation de travail et qui
peut être remis à celui-ci postérieurement à la formation du contrat de travail.

Concernant les sanctions applicables faute de respect de l’obligation


d’information, la directive reste muette sur leur nature, laissant aux
États membres la possibilité d’en décider et de choisir la sanction
appropriée, pourvue qu’elle soit efficace et dissuasive (art. 19). C’est
à ces derniers de permettre aux travailleurs de faire valoir leur droit
au respect des prescriptions de la directive par voie juridictionnelle
ou devant d’autres instances.

II. L’encadrement de certaines formes d’emploi

A Emploi à durée déterminée


Issu d’un accord-cadre européen signé le 18 mars 1999 entre les
organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES,

961
o
UNICE, CEEP), la directive n 1999/70 porte sur le travail à durée
déterminée y compris dans le secteur public. Elle énonce les
principes généraux et les prescriptions minimales relatifs aux
contrats et aux relations de travail à durée déterminée. Leur objectif
est, en particulier, double : d’une part, améliorer la qualité du travail
à durée déterminée en garantissant l’application du principe de
l’égalité de traitement et, d’autre part, prévenir les abus découlant de
l’utilisation de relations de travail ou de CDD successifs.

Ainsi, dans un premier temps, l’attention s’est portée sur le respect


du principe de non-discrimination ou de l’égalité de traitement par
rapport au travailleur à durée indéterminée « comparable » (clause 4
§ 1, accord-cadre du 18 mars 1999) en termes de « conditions
d’emploi », sauf si un traitement différencié se justifie par des
raisons objectives (CJUE, 22 avr. 2010, Zentralbetriebsrat der
Landeskrankenhäuser Tirols c./land Tirol, aff. C-486/08).

De plus, le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas au


versement d’indemnités de rupture du contrat de travail moindres
pour les travailleurs en CDD que pour les travailleurs en CDI. Cette
différence s’explique, selon la Cour de Justice, par le fait que les
travailleurs à durée déterminée avaient accepté que leur contrat
prendrait fin et pouvaient anticiper cet événement, alors que le
licenciement pour motif économique vient au contraire bouleverser le
déroulement normal de la relation de travail pour les travailleurs en
CDI (CJUE, 11 avr. 2019, Cobra Servicios Auxiliares, aff. Jtes C-
29/18, C-30/18 et C-44/18).

962
Jurisprudence
Selon la Cour de justice, la notion de « conditions d’emploi », au sens de la
clause 4, est assez vaste. Elle englobe, en particulier : les conditions relatives aux
rémunérations ; celles concernant les pensions qui font fonction de relation
d’emploi, à l’exclusion des conditions concernant les pensions découlant d’un
régime de sécurité sociale ; enfin, le droit pour un travailleur en CDD de demander
un congé spécial lui permettant de suspendre la relation de travail, afin d’être
placé dans une position administrative et de se consacrer à l’exercice d’un mandat
politique pour lequel il a été élu (CJUE, 20 déc. 2017, Margarita Isabel Vega
González, aff. C-158/16). Bien entendu, le principe de l’égalité de traitement
implique la prise en considération des travailleurs à durée déterminée dans le
calcul des seuils rendant obligatoires la mise en place des institutions
représentatives du personnel, leur information sur les postes permanents dans
l’entreprise ou leur accès aux mêmes opportunités de formation et en matière de
santé et de sécurité au travail.

Par ailleurs, afin d’éloigner les travailleurs de la précarité, l’accord


vise également à « prévenir les abus » non pas quant au recours
initial au CDD, mais quant à son renouvellement. À cette fin, les
États membres doivent introduire dans leur législation nationale les
mesures permettant de prévenir l’utilisation abusive des CDD ou des
relations de travail à durée déterminée successifs : l’exigence des
raisons objectives justifiant le renouvellement des CDD ; la limitation
de leur durée maximale totale, ainsi que le nombre de
renouvellement des tels contrats (clause 5). La liberté laissée aux
États doit toutefois être encadrée.

963
Jurisprudence
La Cour de Luxembourg a eu l’occasion de préciser la notion de « raisons
objectives » qui, au sens de la clause 5, requiert que « le recours à ce type
particulier de relations de travail, tel que prévu par la réglementation nationale, soit
justifié par l’existence d’éléments concrets tenant notamment à l’activité en cause
et aux conditions de son exercice » (CJCE, 4 juill. 2006, Adeneler, op. cit. ; CJCE,
22 nov. 2005, Mangold, aff. C-144/04 ; CJCE, 12 juin 2008, Spyridon et
a. c./Dimos Kerkyras, aff. C-364/07). Il a même été considéré que le recours à des
CDD successifs est justifié lorsque le renouvellement satisfait à certains besoins
provisoires, alors qu’en réalité, ces besoins sont permanents et durables (CJCE,
23 nov. 2009, Lagoudakis, aff. C-162/08 à C-164/08 ; CJUE, 26 nov. 2012, Kücük,
aff. C-586/10).

Par un arrêt du 19 mars 2020 (aff. C-103/18 et C-429/18), la Cour de Luxembourg


a répondu à une série de questions préjudicielles portant sur la clause 5, point 1
de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée qui vise à prévenir les abus
résultant de CDD successifs. En procédant, d’abord, à certains rappels sur la
notion des CDD successifs, sur celle de « raisons objectives » et sur les sanctions
applicables, la Cour a rappelé, par la suite, que la clause 5, point 1, n’est pas
inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par un
particulier devant le juge national. Par conséquent, une juridiction nationale n’est
pas tenue, dans le cadre d’un litige relevant du droit de l’UE, de laisser inappliquée
une disposition de son droit national contraire à ladite clause. Si, dans cette
situation, demeure l’obligation de procéder à une interprétation conforme du droit
interne, c’est sous la réserve que cela ne conduise pas à une interprétation contra
legem du droit interne.

Les États membres sont libres dans le choix des mesures de


sanction de l’utilisation abusive des contrats successifs, mais ils ne
peuvent écarter la requalification de ces contrats successifs en CDI
que dans le cas où d’autres mesures de sanction sont prévues
« présentant des garanties effectives et équivalentes de protection
des travailleurs pour sanctionner dûment cet abus et effacer les
conséquences de la violation du droit communautaire » (CJCE,

964
4 juill. 2006, Adeneler et a c./Ellinikos Organismos Galaktos (ELOG),
aff. C-212/04).

B L’emploi à temps partiel


Comme dans le cas de la relation à durée déterminée, la législation
européenne relative à l’emploi à temps partiel est issue d’un accord-
cadre sur le travail à temps partiel signé le 6 juin 1997 par la CES,
l’UNICE et le CEEP. Cet accord a ensuite été annexé, sans aucune
o
modification, à la directive n 97/81 du Conseil du 15 décembre
1998 qui l’a simplement mis en œuvre. Son objectif est clairement
de faciliter le recours à temps partiel « sur une base volontaire ». À
cet égard, un certain nombre de prescriptions minimales ont été
prévues.

L’accord met également l’accent sur le respect du principe de non-


discrimination entre travailleurs à temps partiel et travailleurs à
temps plein comparables en ce qui concerne les conditions d’emploi,
à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons
objectives (clause 4 de l’accord). Cette règle évoque la
jurisprudence de la Cour de justice relative aux discriminations
indirectes dont peuvent souffrir les femmes, dans la mesure où elles
forment très majoritairement la population des travailleurs à temps
o
partiel (V. Fiche n 78). Par ailleurs, ce principe d’égalité de
traitement doit être respecté pour l’ensemble des conditions
d’emploi, à l’instar de l’accès à un régime professionnel de retraite
ou des modalités de calcul de l’ancienneté.

Il convient, enfin, de souligner qu’au-delà du principe de non-


discrimination, l’accord-cadre prend une tournure
recommandationnelle. À cet égard, en vue de faciliter le

965
développement du travail à temps partiel, il énonce que les États
membres, les partenaires sociaux ou encore les employeurs
« devraient » réaliser certains actes ou prendre certaines mesures
dans le but d’« éliminer les obstacles » – juridiques ou
administratifs – au recours au travail à temps partiel (clause 5 de
l’accord). À titre d’illustration, le refus d’un travailleur d’être transféré
d’un travail à temps plein à temps partiel, ou vice versa, ne devrait
pas en tant que tel constituer un motif valable de licenciement
(clause 5 § 2). De la même façon, l’employeur est incité à diffuser en
temps opportun des informations sur les postes à temps partiel et à
temps plein disponibles dans l’entreprise et à fournir aux
représentants des travailleurs les informations appropriées sur le
travail à temps partiel (clause 5 § 3). Par ailleurs, une réglementation
nationale qui exige la notification à l’administration d’une copie des
contrats de travail à temps partiel dans un délai de 30 jours suivant
leur conclusion (CJCE, 24 avr. 2008, Michaeler, aff. C-55/07 et C-
56/07), a été jugée non compatible au droit de l’Union. En effet, une
telle réglementation instaure un obstacle administratif susceptible de
limiter les possibilités de travail à temps partiel (V. clause 5 § 1).

C Le travail intérimaire
Contrairement aux deux formes d’emploi précédemment
développées ayant fait l’objet de négociations collectives réussies
par les partenaires sociaux européens, les prescriptions minimales
o
sur le travail intérimaire ont été prévues par la directive n 2008/104
du 19 novembre 2008, adoptée dans le cadre de la procédure
législative ordinaire.

La directive pose, dans un premier temps, les exigences minimales


en vue d’encourager et d’encadrer le recours au travail intérimaire,

966
tout en ouvrant aux États membres la possibilité de renforcer la
o er
protection des travailleurs concernés (Dir. n 2008/104, art. 1 ) par
des dispositions plus favorables et sans que sa mise en œuvre
puisse constituer un motif de régression de la protection nationale
(art. 9). Il s’agit de : la reconnaissance de l’entreprise de travail
temporaire comme l’employeur du travailleur intérimaire (art. 2) ; la
justification par des raisons d’intérêt général (protection des
travailleurs intérimaires, exigences de santé et de sécurité au travail,
nécessité d’assurer le bon fonctionnement du marché du travail) des
interdictions ou des restrictions apportées au recours à l’intérim (art.
4).

En outre, le texte législatif vise à assurer l’égalité de traitement des


travailleurs intérimaires (art. 5), notamment en ce qui concerne les
« conditions essentielles de travail et d’emploi », à savoir le temps
de travail et la rémunération (art. 3, § 1, f). Cette disposition
n’empêche pas l’existence de dérogations, prévues par voie de
négociation collective ou par les autorités publiques (art. 5, § 2 à 4),
sous réserve toutefois que les États prennent toutes les mesures
propres à éviter l’utilisation abusive des possibilités de cette
dérogation (art. 5 § 5). Ainsi, sont nulles les clauses interdisant ou
empêchant la conclusion d’un contrat de travail entre l’entreprise
utilisatrice et le travailleur intérimaire après l’expiration de sa mission
(art. 6 § 2). De même, il est interdit aux entreprises de travail
intérimaire de se faire rémunérer par les travailleurs en échange
d’affectations dans une entreprise utilisatrice (art. 6 § 3).

967
Jurisprudence
o
La Cour de justice précise que la directive n 2008/104 doit être interprétée en
ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui habilite les
partenaires sociaux à déroger, au niveau de la branche des entreprises
utilisatrices, à la durée maximale de mise à disposition d’un travailleur intérimaire
fixée par une telle réglementation (CJUE, 17 mars 2022, aff. C-232/20).

Dans ce même arrêt, la Cour a également apporté une précision sur la notion de
o er
« temporaire » de la mission d’intérim (Dir. n 2008/104, art. 1 , §1). Ledit
article doit, en particulier, être interprété en ce sens que les termes « de manière
temporaire » ne s’opposent pas à la mise à disposition ayant un contrat de travail
avec une agence d’intérim auprès d’une entreprise utilisatrice « aux fins de
pourvoir un poste qui existe durablement et qui n’est pas occupé à titre de
remplacement ».

Cependant, elle considère que « constitue un recours abusif à l’attribution de


missions successives à un travailleur intérimaire le renouvellement de telles
missions sur un même poste auprès d’une entreprise utilisatrice pour une durée
de 55 mois, dans l’hypothèse où les missions successives du même travailleur
intérimaire auprès de la même entreprise utilisatrice aboutissent à une durée
d’activité auprès de cette entreprise qui est plus longue que ce qui peut être
raisonnablement qualifié de « temporaire », au regard de l’ensemble des
circonstances pertinentes, ce qui comprennent notamment les spécificités du
secteur, et dans le contexte du cadre réglementaire national, sans qu’aucune
explication objective soit donnée au fait que l’entreprise utilisatrice concernée
recourt à une succession de contrat de travail intérimaire successifs ».

III. Protection des données à caractère personnel


des salariés

La nouvelle réglementation européenne sur la protection des


o
données à caractère personnel (Règl. n 2016/679 abrogeant la
o
directive n 95/46) renforce l’information des salariés et accorde une
attention particulière à la transparence du traitement, notamment
quant à la durée de conservation des données, aux finalités du

968
traitement ainsi qu’aux cas de recours auprès de la Commission
nationale de l’Informatique et des libertés (CNIL).

A Le traitement des données personnelles dans le cadre


des relations de travail à la lumière du RGPD
À l’heure actuelle et selon la législation nationale, les données à
caractère personnel du salarié sont protégées tout au long de la vie
du contrat, de sa formation jusqu’à sa rupture, y compris lors de la
phase préalable de recrutement. Mais, le régime de collecte et de
stockage des informations personnelles du salarié connaît de
changements depuis l’application du RGPD.
Désormais, et toujours dans un souci de sensibiliser les
responsables du traitement, la procédure de déclaration à la CNIL
est supprimée et remplacée par l’obligation pour les employeurs de
tenir un registre interne des activités de traitement (Règl.
o
n 2016/679, art. 3), qui devra être mis à la disposition de la CNIL en
cas de contrôle.
De plus, afin de répondre aux exigences du règlement qui renforce
l’information et l’accès aux données personnelles (art. 13 à 15),
l’employeur devra revoir les clauses des documents de collecte des
données personnelles (ex. : règlement intérieur, contrat de travail,
bulletin de paie), afin d’informer les candidats et les salariés de leurs
droits et des traitements qui seront apportées à leurs données. En
même temps, il doit mettre en œuvre les mesures techniques et
organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de
confidentialité et de sécurité de traitement adapté aux éventuels
risques (art. 32), étant également tenu de notifier à l’autorité de
contrôle toute violation des données à caractère personnel (art. 33-
34). Enfin, l’une des nouveautés du règlement consiste à obliger le
responsable du traitement – en l’espèce, l’employeur – à désigner

969
un délégué à la protection des données personnelles qui devient le
véritable « clé de voûte » de la conformité en matière de la
protection des données au sein de l’entreprise. À cet égard, il exerce
des missions d’information, de contrôle, de conseil vis-à-vis du
responsable du traitement, ainsi que de coopération avec l’autorité
de contrôle (art. 37 à 39).

B Une harmonisation partiellement applicable


au traitement des données du salarié

Aux termes de l’article 88 § 1 du règlement, « les États membres peuvent


prévoir, par la loi ou au moyen des conventions collectives, des règles plus
spécifiques pour assurer la protection des droits et libertés en ce qui concerne le
traitement des données à caractère personnel des employés dans le cadre des
relations de travail, aux fins, notamment, du recrutement, de l’exécution du contrat
de travail, y compris le respect des obligations fixées par la loi ou les conventions
collectives – voire accords d’entreprise –, de la gestion, de la planification ou de
l’organisation du travail, de l’égalité et de la diversité sur le lieu du travail, de la
santé et de la sécurité au travail, de la protection des biens appartenant à
l’employeur ou au client, aux fins de l’exercice et de la jouissance des droits et des
avantages liés à l’emploi, individuellement ou collectivement, ainsi qu’aux fins de
résiliation de la relation de travail ».

Ces règles doivent alors inclure des « mesures appropriées et


spécifiques pour protéger la dignité humaine, les intérêts légitimes et
les droits fondamentaux des personnes concernées », en particulier
au regard de la transparence du traitement, du transfert des
données au sein d’un groupe d’entreprises et des systèmes de
contrôle sur le lieu du travail (art. 88 § 2).
Sur ce point, il convient de souligner que la loi informatique et
o
libertés n 2018-493 du 20 juin 2018 ne prévoit pas un régime
général en matière de données personnelles des salariés. Seules

970
les dispositions L. 1221-6 et L. 1221-9 du Code du travail traitent
cette question.

La question se corse en ce qui concerne le traitement des données au


sein d’une multinationale. Une centralisation des systèmes d’information des
ressources humaines est-elle envisageable ? En faisant une lecture de l’article 88
à la lumière du considérant 155 du RGPR, il apparaît que l’employeur, malgré
l’existence du lien de subordination juridique, doit demander le consentement du
salarié pour toute opération de traitement. Ceci rend en pratique difficile
l’existence dans les multinationales d’un système d’information RH transversal et
sans frontière. Par conséquent, l’harmonisation des règles de protection des
données applicables au sein de l’Union ne s’appliquera que partiellement au
traitement des données des salariés.

§2 Les garanties applicables aux conditions de travail

I. La protection de la santé et de la sécurité des travailleurs

Une importante législation européenne s’est construite


progressivement. Elle se présente schématiquement en deux blocs,
d’inégal volume : l’un qui détermine les principes généraux en
matière de santé et de sécurité au travail et, l’autre, qui encadre une
série de directives plus ciblées qui complètent ce cadre général afin
de tenir compte des besoins spécifiques de protection.

o
A La directive-cadre n 89/391
Applicable à tous les secteurs d’activité, privés ou publics,
industriels, commerciaux, agricoles, administratifs, éducatifs,
culturels, de services, de loisirs et autres (art. 2), la directive
o
n 89/391 du 12 juin 1989 marque un tournant décisif pour

971
l’amélioration de la sécurité et de la santé au travail, en mettant en
œuvre un « cadre » juridique qui garantit les conditions minimales de
sécurité et de santé à travers l’Europe (art. 1 § 1).

À cet égard, elle établit des principes généraux qui sont de deux
ordres : d’une part, ils visent l’action contre les risques, à savoir la
prévention, l’élimination, l’information, la consultation et la formation
(art. 1 § 2). D’autre part, ils organisent l’implication de tous les
partenaires au sein de l’entreprise (Section II et III de la directive).
C’est ainsi qu’elle impose une obligation générale pesant sur
l’employeur, mais recense également un certain nombre
d’obligations qui incombent aux travailleurs eux-mêmes. Elle ne
porte pas atteinte aux dispositions plus favorables à la santé et à la
sécurité des travailleurs, dispositions existantes ou futures,
nationales et communautaires (art. 1 § 3).

1 Les obligations de l’employeur


Aux termes de l’article 5 de la directive, l’employeur est tenu de
respecter une obligation générale de sécurité « dans tous les
aspects liés au travail », y compris lorsqu’il fait appel à des services
ou à des personnes extérieures à l’entreprise. Cependant, cette
disposition ne va pas jusqu’à instaurer un régime de responsabilité
sans faute de l’employeur. Ainsi, une loi nationale transposant la
directive pouvait prévoir que « tout employeur est tenu d’assurer la
santé, la sécurité et le bien-être de tous ses travailleurs au travail,
pour autant que ce soit raisonnablement praticable » (CJCE, 14 juin
2007, Commission c./ Royaume-Uni, aff. C-127/05). D’un autre côté,
la directive permet à l’employeur de bénéficier d’une diminution,
voire d’une exonération de responsabilité pour les faits dus à des
circonstances qui sont étrangères à ces derniers, anormales ou

972
imprévisibles, ou encore en cas d’événements exceptionnels, dont
les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toute la
diligence déployée (art. 5 § 4).

Dans le cadre de cette obligation générale de sécurité, la directive


impose, avant tout, à l’employeur de mettre en œuvre une série de
principes généraux de prévention, cette dernière notion étant en
réalité le maître-mot du système (art. 6 §§2 et 3). Il s’agit,
notamment, de : éviter les risques professionnels ; évaluer les
risques incompressibles pour les combattre à la source ; « adapter le
travail à l’homme », en ce qui concerne surtout l’organisation des
postes et des méthodes de travail ; tenir compte de l’évolution des
techniques ; planifier la prévention ; donner priorité à la protection
collective sur la protection individuelle ; donner aux travailleurs les
instructions appropriées et prendre en considération leurs capacités
en matière de sécurité et santé dans leurs affectations ; consulter
régulièrement les travailleurs et/ou leurs représentants sur
l’introduction des nouvelles technologies en ce qui concerne leurs
conséquences sur la santé et la sécurité des travailleurs (art. 11) ;
évaluer les risques dans les choix des équipements, des substances
utilisées et dans l’aménagement des locaux.

Il revient également à l’employeur d’organiser un service de


protection et de prévention, en désignant à cette fin un ou plusieurs
travailleurs pour s’occuper des activités de protection et des activités
de prévention des risques professionnels de l’entreprise (art. 7).

Enfin, il existe une obligation de formation à la fois suffisante et


adéquate des travailleurs en matière de santé et de sécurité. Celle-ci
prend concrètement la forme d’informations (art. 10) et d’instructions
liées aux risques pour la sécurité et la santé pendant leur activité.

973
2 Les obligations des travailleurs
Selon l’article 13 § 1 de la directive, « il incombe à chaque travailleur
de prendre le soin, selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa
santé ainsi que celle des autres personnes concernées du fait de
ses actes ou de ses omissions au travail, conformément à sa
formation et aux instructions de son employeur ». Si l’obligation
générale de sécurité pèse en principe sur l’employeur, la directive
fait pourtant apparaître un concept nouveau : celui de la participation
équilibrée des travailleurs et de leurs représentants aux tâches de
sécurité. Cette obligation de sécurité des travailleurs implique, en
particulier : l’utilisation correcte des machines, outils, substances
dangereuses et équipements ; la mise hors service ou la
modification des dispositifs de sécurité ; le signalement immédiat de
toute situation de travail dont les travailleurs ont un motif raisonnable
de penser qu’elle présente un danger grave et immédiat pour la
santé et la sécurité, ainsi que toute défectuosité du système de
protection ; la collaboration avec l’employeur et l’autorité compétente
aux tâches de sécurité dans l’entreprise (art. 13 § 2).

B Les directives spécifiques dans le domaine de la santé


et de la sécurité au travail
Une série de directives spécifiques complètent la directive-cadre.
Elles sont regroupées à l’heure actuelle en six catégories :
premièrement, celles liées aux lieux de travail, équipements, signes,
protection individuelle ; deuxièmement, celles concernant
l’exposition à des agents chimiques et à la sécurité chimique ;
troisièmement, celles concernant l’exposition aux risques
physiques ; quatrièmement, celles relatives à l’exposition à des
agents biologiques ; cinquièmement, celles visant la charge de
travail, les risques ergonomiques et psychosociaux et sixièmement,

974
les directives concernant des secteurs spécifiques ou des questions
connexes (pour une présentation des différentes directives,
V. Tableau 5).

Structures spécifiques européennes


Soucieux de garantir aux travailleurs un environnement de travail sûr et sain,
l’Union européenne a créé deux structures spécifiquement dédiées à cette
problématique. Il s’agit, d’une part, de la Fondation européenne pour l’amélioration
des conditions de vie et de travail (EUROFOUND) et, d’autre part, de l’Agence
européenne pour la santé et la sécurité des travailleurs (EU-OSHA).

II. Le rapprochement des législations relatives


au temps de travail
o
La directive n 2003/88 du 4 novembre 2003 établit à l’heure actuelle
un standard minimum commun de protection des travailleurs en
matière d’aménagement du temps de travail, d’autres
réglementations spéciales la complètent concernant l’aménagement
du temps de travail dans certaines professions.

A Les règles générales de l’aménagement du temps


o
de travail (la directive n 2003/88)

1 Un modèle minimal européen


o
La directive n 2003/88 fixe des normes minimales en ce qui
concerne le temps de travail et les périodes de repos, en
commençant par la définition même de ces termes dont celui de
temps de travail et de temps de repos. Précisément, constitue un
temps de travail, « toute période durant laquelle le travailleur est au

975
travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son
activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou
pratiques nationales ». Trois éléments sont réunis : présence
physique sur le lieu de travail, disponibilité, exercice de l’activité. En
revanche, le temps de repos est « toute période qui n’est pas du
temps de travail » (art. 2 § 1 et 2).

La directive prévoit une série exhaustive de normes de protection


minimale relatives au repos journalier (art. 3), au repos
hebdomadaire (art. 5), à la durée maximale hebdomadaire du travail
(art. 6) et au congé annuel (art. 7). De façon plus concrète, le repos
journalier doit être d’une période minimale de onze heures
consécutives sur 24 heures. Le repos minimal hebdomadaire doit
être de 24 heures consécutives. La durée hebdomadaire doit être
limitée en moyenne à 48 heures, y compris les heures
supplémentaires. Enfin, les congés annuels sont de quatre semaines
payées au moins, la période minimale de congé ne pouvant être
remplacée par une indemnité financière sauf en fin de contrat.

976
Jurisprudence
Concernant le congé annuel, la Cour de justice évoque un droit qui résulte
directement du droit communautaire, « imposant aux États membres une
obligation claire et précise pour que le travailleur bénéficie d’un congé annuel payé
d’au moins quatre semaines » (CJCE, 26 juin 2001, The Queen c./Secretary of
State for Trade and Industry, aff. C-173/99). Une jurisprudence européenne
abondante a été produite sur la question du droit aux congés annuels, voire les
modalités de son ouverture, de son utilisation et du maintien de la rémunération.

La Cour s’est prononcée récemment sur la détermination du montant de


l’indemnité perçue par le travailleur pendant ses congés lorsque, pendant la
période de référence, la personne était, au moins en partie, en arrêt maladie et
subissait de ce fait une diminution de ses revenus. Elle estime en substance que
les droits à congés payés, y compris la rémunération de ces congés, ne peuvent
être réduits du fait de l’incapacité de travail liée à une maladie (CJUE, 9 déc. 2021,
Staatssecretaris van Financiën, aff. C-217/20).

De plus, il a été également retenu que les heures correspondant à la période de


congé annuel payé sont prises en compte en tant qu’ « heures de travail
accomplies » pour le paiement des heures supplémentaires (CJUE, 13 janv. 2022,
Koch Personaldienstleistungen, aff. C-514/30).

Cependant, si le droit aux congés annuels est un minimum


intangible, les durées maximales de travail et les durées minimales
de repos constituent des minima modulables. En d’autres termes, la
directive permet à l’employeur de les respecter en moyenne sur une
période de référence donnée (art. 16). Cette possibilité permet
d’assurer une flexibilité ajustée aux charges de travail.

2 Les facultés de dérogation


o
La directive n 2003/88 comporte un dispositif sophistiqué
d’exceptions et de dérogations, permettant parfois de ne pas
appliquer certaines dispositions pour des activités dont la durée n’est

977
pas prédéterminée (cadres dirigeants, main-d’œuvre familiale,
travailleurs dans le domaine liturgique des églises et des
communautés religieuses) ou qui présentent de caractéristiques
spécifiques. Dans ces deux cas de figure, les États membres se
voient tout d’abord reconnaître la possibilité de déroger à
l’application des dispositions relatives au repos journalier, au repos
hebdomadaire, au temps de pause, à la durée maximale
hebdomadaire du travail, à la durée du travail de nuit et au
mécanisme des périodes de référence (art. 17 § 1, renvoyant aux
art. 3 à 6, 8 et 16). En ce qui concerne, notamment, les dérogations
en raison des spécificités des activités, celles-ci peuvent également
être adoptées par voie des conventions collectives (art. 17 § 2).
Cette flexibilité de la durée du travail concerne une série de métiers
ou de types d’activités cités dans les paragraphes 3, 4 et 5 du même
article.
L’article 18 permet enfin, exclusivement par la voie de la négociation
collective, de déroger dans n’importe quel secteur à l’une et/ou
l’autre des règles posées aux articles 3 à 5, 8 et 16 de la directive.
Ces dérogations s’accompagnent, néanmoins d’une obligation de
prévoir des « périodes équivalentes de repos compensateur » pour
les travailleurs concernés.

Toutes ces dérogations revêtent en principe un caractère collectif.


Cependant, le Royaume-Uni a pu acquérir une « clause d’opting-
out » individuel (art. 22 § 1) en ce qui concerne les règles sur la
durée maximale hebdomadaire (art. 6). Par ailleurs, la Cour de
Luxembourg a insisté, dans un arrêt du 3 octobre 2000 (Simap, aff.
C-303/98) sur le fait que le consentement du travailleur devait bien
être individuel et non collectivement exprimé dans la convention
applicable dans l’entreprise.

978
Vers une révision de la directive temps de travail ?

Le 22 septembre 2004, la Commission européenne avait adopté une proposition


visant à modifier la directive de 2003. Les principaux points de modification étaient
les suivants : ajout de nouvelles définitions du temps de travail et, notamment, de
celle d’un « temps de garde » et de « la période inactive de garde » (afin de lever
les difficultés soulevées dans les établissements sociaux et médicosociaux) ;
modification du régime de l’opting-out avec en perspective sa suppression à
l’échéance de trois ans ; possibilité pour les États membres de porter de 14 à
12 mois la période de référence pour le calcul de la durée hebdomadaire de
travail de 48 heures en moyenne. Cependant, le Parlement européen a pris le
contre-pied de la Commission en exigeant la suppression de la clause d’opting-
out au préalable à toute discussion sur la révision de la directive et, en même
temps, une minorité de blocage a été constituée au Conseil autour du Royaume-
Uni, qui ne fait plus partie de l’UE.

Face à cet échec, la Commission a été amenée à proposer, en 2010, une


nouvelle révision de la directive 2003/88 en lançant la procédure de consultation
des partenaires sociaux (TFUE, art. 154). Des discussions approfondies ont eu
lieu tout au long de l’année 2012, mais aucun accord n’a été conclu. Il appartient
désormais à la Commission – qui mène actuellement une analyse d’impact
détaillée – de se prononcer en la matière.

B Les réglementations spéciales sur l’aménagement


du temps de travail
Le temps de travail fait actuellement l’objet de réglementations
spéciales applicables à certaines catégories professionnelles. Sont
o
principalement concernés les métiers de la mer (Dir. n 1999/63),
o
ceux dans l’aviation civile (Dir. n 2000/79), certaines professions
o
dans le transport ferroviaire (Dir. n 2005/47) et les chauffeurs
o
routiers (Dir. n 2002/15 fixant les règles minimales de protection

979
o
sociale pour les conducteurs et règlement n 561/2006 fixant les
règles communes concernant les temps de conduite et de repos).

Proposition de Directive – salaires minimaux adéquats

La Commission européenne a proposé, le 22 octobre 2020, une Directive relative


aux salaires minimaux adéquats dans l’UE. Fondée sur l’article 153§1, b TFUE,
cette initiative vise à établir un cadre relatif à la détermination du niveau adéquat
des salaires minimaux et à l’accès des travailleurs à la protection offerte par des
salaires minimaux, sous la forme de salaires fixés par des conventions collectives
ou sous la forme d’un salaire minimal légal, lorsqu’il existe (art. 1). Le Conseil et le
Parlement européen sont parvenus à un accord politique provisoire le 7 juin 2022,
qui sera suivi par un vote formel au sein de chacune de deux institutions.

980
981
982
983
POUR ALLER PLUS LOIN…
– S. ROBIN-OLIVIER, « L’impact de la directive 2008/104/CE
relative au travail intérimaire – “vu d’ici” », RTD 2009, p. 737
– C. SCHULTIS, « Le traitement de données dans le cadre des
relations de travail dans le règlement sur la protection des
données personnelles », Dalloz IP/IT 2017, p. 265
– C. VIGNEAU, « L’accord-cadre européen sur le travail à durée
déterminée »,
Dr. soc. 1999, p. 928
– F. BARON, « La notion de temps de temps de travail en droit
communautaire », Dr. soc., 2001, p. 1097
– J. BARTHELEMY, « Temps de travail et temps de repos, l’apport
du droit communautaire », Dr. soc., 2000, p. 76
– P. LOKIEC et S. ROBIN-OLIVIER, « L’obligation de sécurité de
l’employeur en Europe », RDT 2008, p. 124

984
o
Fiche n 75 L’harmonisation minimale
des règles relatives à la protection
des travailleurs face aux restructurations
des entreprises

L’ESSENTIEL

La protection des droits des travailleurs en cas de restructurations a


été essentiellement renforcée en droit de l’Union européenne grâce
à l’adoption de plusieurs directives depuis la fin des années 1970.
Par ailleurs, cette protection trouve également un fondement
juridique supplémentaire dans les clauses des articles 115 et 122
TFUE, qui créent des compétences générales pour l’achèvement du
marché intérieur. Or, le niveau de protection sociale des États
membres présente de disparités. À cet égard, et dans l’objectif de
« maintenir la compétitivité de l’économie de l’Union […] », ainsi que
de « favoriser l’harmonisation des systèmes sociaux » (TFUE, art.
151) et de faciliter la libre circulation des travailleurs, l’Union
européenne met en œuvre des procédures de rapprochement des
règles sociales dans le marché intérieur.

985
LES CONNAISSANCES

§1 Le cadre général d’information et de consultation


des travailleurs dans l’entreprise nationale
o
La directive n 2002/14 du 11 mars 2002 établit un cadre général
fixant des exigences minimales pour le droit à l’information et à la
consultation des travailleurs sur des événements de la vie
d’entreprise qui sont de nature à affecter de façon importante leur
situation d’emploi. Il s’agit d’un encadrement vertical des droits
nationaux – sans, pour autant, porter atteinte aux cadres juridiques
nationaux existants – dans la mesure où ce socle commun doit être
respecté par tous les États membres. Elle repose essentiellement
sur l’idée de « renforcer le dialogue social et les relations de
confiance au sein de l’entreprise afin de favoriser l’anticipation des
o
risques […] » (considérant n 7).

I. Le champ d’application
o
Le cadre général institué par la directive n 2002/14 a vocation à
s’appliquer dans les entreprises ou les établissements situés sur
l’ensemble du territoire de l’Union européenne, qu’ils aient une
dimension transnationale ou non (art. 1 § 1). Elle ajoute, toutefois,
un critère d’effectif : en effet, l’article 3 § 1 précise que, selon le choix
fait par les États membres, la directive s’applique soit aux
entreprises employant au moins 50 travailleurs, soit aux
établissements employant dans un État membre au moins 20
salariés. Il est donc manifeste que le champ d’application est
potentiellement beaucoup plus large que les directives visant les
entreprises ou les groupes à dimension communautaire ou ayant

986
o
adopté un statut de société européenne (Règl. n 2157/2001 et Dir.
o
n 2001/86, 8 oct. 2001).

987
Le comité d’entreprise européen dans les structures
« de dimension communautaire »
Les prémices de la législation actuelle datent de la proposition Vredeling de 1980
(JO CE C 297 du 15 nov. 1980) sur l’information et la consultation des travailleurs
des entreprises à structure complexe, notamment les entreprises multinationales.
L’ambition de la directive proposée était d’assurer l’information et la consultation
des représentants des travailleurs, en particulier à l’occasion de décisions
importantes pouvant avoir des conséquences directes ou indirectes sur l’emploi
des travailleurs concernés. La concrétisation de l’idée vient avec l’adoption de la
directive 94/45 du 22 septembre 1994 ayant elle-même fait l’objet d’une révision
par la directive 2009/38 du 6 mai 2009 concernant « l’institution d’un comité
d’entreprise européen (CEE) ou d’une procédure dans les entreprises et les
groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de
consulter les travailleurs ».

Objectif de la directive et les entreprises concernées

Aux termes de l’article 1 de la directive 2009/38, « la présente directive a pour


objectif d’améliorer le droit à l’information et à la consultation des travailleurs dans
les entreprises de dimension communautaire ou les groupes d’entreprises de
dimension communautaire ». Est une « entreprise de dimension
communautaire » l’entreprise employant au moins 1 000 travailleurs dans les
États membres et, dans au moins deux États membres différents, au moins 150
salariés dans chacun d’eux (art. 2§1 a). Autrement dit, il importe que l’entreprise
ait des établissements dans deux États membres différents au moins, ainsi qu’une
taille importante. A contrario, les entreprises et les groupes de dimension nationale
lui échappent. De plus, la localisation du centre de décision, voire sa « direction
centrale », importe peu. Il peut, par exemple, y avoir des entreprises ou
d’établissements implantés en dehors de l’Union européenne. Dans ce cas de
figure, la mise en œuvre de la directive incombe au représentant dans l’Union de
la direction centrale (voire de l’entreprise qui exerce le contrôle) ; à défaut d’un tel
représentant, il incombe à la direction de l’entreprise ou d’établissement ayant le
plus gros effectif dans un État membre (art. 4§2).

Quant aux « groupes de dimension communautaire », la directive prévoit que,


constitue un groupe d’entreprises l’ensemble formé d’une « entreprise qui exerce
le contrôle » et des «entreprises contrôlées » (art. 2§1 b). Précisément, est une
« entreprise qui exerce le contrôle », au sens de la directive, celle qui peut exercer
une influence sur une autre entreprise (l’entreprise contrôlée), par exemple du fait
de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent (art.

988
3§1). Une présomption simple d’influence dominante est établie lorsqu’une
entreprise : détient la majorité du capital souscrit de l’entreprise contrôlée ;
dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par l’entreprise ; peut
nommer plus de la moitié des membres du conseil d’administration, de direction
ou de surveillance de l’entreprise (art. 3§2). En outre, il convient de souligner que
pour déterminer si une entreprise « exerce le contrôle », la loi applicable est celle
de l’État membre sur le territoire duquel est situé le représentant de l’entreprise
dominante ou, à défaut de représentant, celle de l’État membre sur le territoire
duquel est située la direction centrale de l’entreprise qui emploie le plus grand
nombre des travailleurs (art. 3§6).

La procédure spécifique de l’information et de consultation des


représentants du personnel

L’un des apports les plus évidents de la refonte opérée par la directive de 2009 est
la détermination des notions d’« information » et de « consultation », bien que des
incertitudes demeurent sur leur moment précis. D’un côté, l’information se définit
comme la « transmission par l’employeur de données aux représentants des
travailleurs afin de permettre à ceux-ci de prendre connaissance du sujet traité et
de l’examiner » (art. 2§1 f). De l’autre côté, la consultation est conçue comme un
« dialogue et un échange de vues entre les représentants des travailleurs et la
direction centrale ou tout autre niveau de direction plus approprié, à un moment,
d’une façon et avec un contenu qui permettent aux représentants des travailleurs
d’exprimer, sur la base des informations fournies dans un délai raisonnable, un
avis concernant les mesures proposées qui font l’objet de la consultation » (art.
2§1 g).

Deux modalités existent pour la mise en place d’un CEE : soit la mise en place
d’un CEE « volontaire » (art. 5§1 de la directive 2009/38), soit la mise en place
d’un CEE « légal » (art. 7) en l’absence d’accord des partenaires sociaux dans
l’entreprise ou de groupe de dimension communautaire. Il incombe ainsi au
législateur national à adapter les modalités d’application au système national de
représentation des travailleurs.

Le CEE, un phénomène en évolution

Le CEE est une instance ad hoc de représentation du personnel dans les


entreprises de dimension communautaire, ne se substituant pas aux institutions
représentatives mises en place en application des législations nationales. Aux
termes de l’article 1§3 de la directive, sa compétence est limitée aux seules
questions transnationales. À l’heure actuelle, nombreux sont les entreprises et les
groupes de dimension communautaire. Cependant, le nombre des CEE n’a pas

989
augmenté de manière significative depuis la réforme de la directive en 2009. Seul
un tiers de toutes les entreprises couvertes par la directive disposent d’un CEE.
Suite à la publication, le 14 mai 2018, de son rapport d’évaluation de la directive
révisée sur le CEE, la Commission européenne n’envisage pas d’apporter une
réponse législative à l’échec de la directive d’atteindre certains de ces objectifs. En
revanche, face aux faiblesses constatées dans le rapport (tendance à la baisse en
termes de création des CEE, inefficacité de la consultation, différences dans la
nature et le niveau des sanctions…), la Commission opte pour l’élaboration d’un
guide de bonnes pratiques et pour la mobilisation des instruments de financement
de l’UE en vue d’appuyer les CEE.

Récemment, le Parlement européen a adopté, le 16 décembre 2021, une


résolution intitulée « La démocratie à l’œuvre : un cadre européen pour les droits
de participation et la révision de la directive sur le comité d’entreprise européen »
qui entend remettre les thématiques de la participation des salariés aux décisions
de l’entreprise et de la révision de la directive sur les CEE à l’ordre du jour du
programme de la Commission européenne. Entre autres, la résolution aborde la
o
question de la révision de la directive n 2009/38 sur les CEE.

II. Le contenu et les modalités d’information


et de consultation

o
(Dir. n 2001/86, 8 oct. 2001)
Aux termes de l’article 1 § 2 de la directive, « les modalités d’information et de
consultation sont définies et mises en œuvre conformément à la législation
nationale et aux pratiques en matière de relations entre les partenaires sociaux en
vigueur dans les différents États membres, de manière à assurer l’effet utile de la
démarche ».

Concernant, d’abord, le contenu de l’information et de la


consultation, elles recouvrent : les évolutions de nature économique,
financière et stratégique ; la structure et l’évolution prévisible de
l’emploi ainsi que les mesures qui en découlent ; les décisions
pouvant entraîner des modifications substantielles dans

990
l’organisation du travail et dans les relations contractuelles (art. 4
§ 2).

Concernant, ensuite, les modalités concrètes de l’information et de


la consultation, elles doivent respectivement s’effectuer à un
moment, par des moyens et avec un contenu appropriés (art. 4 §§3,
et 4 a). La consultation doit s’effectuer au niveau pertinent de
direction et de représentation en fonction du sujet traité, de façon à
permettre aux représentants des travailleurs de se réunir avec
l’employeur et d’obtenir une réponse motivée à tout avis qu’ils
pourraient émettre (art. 4 § 4, b et d). La prise en considération de
ces éléments doit contribuer à assurer l’objectif poursuivi, qui est
d’aboutir à un accord sur les décisions relevant des pouvoirs de
l’employeur (art. 4 § 4, e).

Dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, les représentants des


travailleurs jouissent d’une protection et de garanties suffisantes leur
permettant d’accomplir de façon adéquate leurs tâches (art. 7).

Jurisprudence
Ainsi, selon la Cour de justice, il est clair que le licenciement d’un représentant
des travailleurs, motivé par sa qualité ou par les fonctions exercées par celui-ci en
cette qualité de représentant, serait incompatible avec la protection exigée par
l’article 7 (CJUE, 11 févr. 2010, Ingeniøforeningen i Danmark, aff. C-405/08).

§2 Les transferts d’entreprises ou d’établissements


Le droit de l’Union européenne crée également les conditions d’un
rapprochement entre les législations des États membres relatives au
maintien des droits de travailleurs en cas de transfert d’entreprises.

991
o
La législation dans ce domaine existe depuis 1977 (Dir. n 77/187,
14 févr. 1977), mais elle a été complétée au début des années 2000
o
par le biais de la directive n 2001/23 du 12 mars 2001.

I. Le champ d’application

o er
(Dir. n 2001/23, 12 mars 2001, art. 1 )
er
Aux termes de l’article 1 de la directive 2001/23, « la présente directive est
applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou partie d’entreprise ou
d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou
d’une fusion ».

Cependant, la définition de ce champ d’application a déclenché


d’importants contentieux portant à la fois sur les modes de transfert
et sur son objet même, à savoir les entreprises concernées.

A L’objet du transfert

Jurisprudence
Fortement inspiré par la jurisprudence de la Cour de Luxembourg (à propos
du critère d’identité : CJCE, 18 mars 1986, Spijkers, aff. 24/85 ; CJCE, 7 mars
1997, Merckx et Neuhuys, aff. C-171 et 172/94 ; à propos de la notion d’entreprise
en tant qu’une organisation de moyens, même si les moyens se limitent parfois à
la seule collectivité des travailleurs : CJCE, 11 mars 1997, Süzen, aff. C-13/95), le
er
point b du 1 article stipule qu’« est considéré comme transfert, au sens de la
présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité,
entendue comme un ensemble organisé des moyens, en vue de la poursuite d’une
activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire ».

992
Ainsi, la Cour de justice, dont la jurisprudence est abondante en la
matière, demande régulièrement au juge national d’examiner, en
premier lieu, si l’exploitation est effectivement poursuivie ou reprise,
avec les mêmes activités ou des activités analogues et, en second
lieu, si les circonstances de fait (ex. : transfert d’éléments corporels
– bâtiments et biens immobiliers –, éléments incorporels, effectifs,
clientèle, degré de similarités des activités exercées avant et après
transfert) permettent de vérifier que la même entreprise se poursuit.
Par conséquent, la notion de l’entreprise-activité prévaut.
Mais, la Cour est allée encore plus loin dans son interprétation, en
retenant une conception plus large du transfert d’entreprise, de sorte
qu’un glissement de l’entreprise-activité à l’entreprise-organisation
s’opère. En effet, elle requiert la nécessité du maintien de l’identité
de l’entreprise par le maintien des liens fonctionnels de production.

Jurisprudence
À titre d’illustration, dans un arrêt en date du 12 février 2009 (Klarenberg, aff.
C-466/07) elle a retenu que « la directive 2001/23 s’applique dans une situation où
la partie d’entreprise ou d’établissement cédée ne conserve pas son autonomie du
point de vue organisationnel, à condition que le lien fonctionnel entre les différents
facteurs de production transférés soit maintenu et qu’il permette au cessionnaire
d’utiliser ses derniers aux fins de poursuivre une activité économique identique ou
analogue ».

993
Exemple d’« entreprise-organisation »
o
La directive n 2001/23 s’applique à une situation dans laquelle un donneur
d’ordre, qui avait confié la gestion complète de la restauration collective au sein
d’un hôpital à un premier entrepreneur, met fin à ce contrat et conclut, en vue de
l’exécution de la même prestation, un nouveau contrat avec un second
entrepreneur en vertu duquel ce dernier utilise d’importants éléments d’actifs
corporels (locaux, eaux, énergie, petits et gros équipements nécessaires à la
confection des repas et machines à laver) précédemment utilisés par le premier
entrepreneur et mis successivement à leur disposition par le donneur d’ordre,
quand bien même le second entrepreneur aurait émis l’intention de ne pas
reprendre les salariés du premier entrepreneur (CJCE, 20 nov. 2003, Abler, aff. C-
340/01).

o
En outre, la directive n 2001/23 est applicable aux entreprises
publiques et privées exerçant une activité économique, qu’elles
poursuivent ou non un but lucratif (art. 1 § 1, c).

B Le mode de transfert
Selon la lettre de l’article 1 § 1 a de la directive, elle a vocation à
s’appliquer « à tout transfert… résultant d’une cession
conventionnelle ou d’une fusion ». Cependant, en présence de
divergences de traduction entre les États membres, la Cour de
justice a considéré que le contenu de la notion de cession
conventionnelle doit être interprété à la lumière de la finalité de la
directive. Ainsi, la directive est applicable dans toutes les
hypothèses de changement, dans le cadre des relations
contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de
l’exploitation de l’entreprise qui contracte les obligations de
l’employeur vis-à-vis des employeurs de l’entreprise (CJCE 15 juin
1998, Bork International, aff. 101/87). Il est alors manifeste que la

994
notion de transfert revêt une ampleur importante. Reste, pourtant, à
préciser ses différents modes, dans la mesure où la Cour de
Luxembourg a posé la règle d’une interprétation large de la notion
de cession conventionnelle.

En premier lieu est concerné tout cas de figure qui fait présumer
l’existence d’un lien de droit entre le cédant et le cessionnaire, à
l’instar de : vente – totale ou partielle –, fusion, scission d’un
établissement, d’une partie d’établissement ou d’une entreprise ;
mutation juridique de la personne de l’employeur à l’intérieur d’un
groupe de sociétés ; transfert par succession ; sous-traitance ou
concession d’une activité de services ; mise en location.

Ensuite, le transfert d’entreprise est possible même en l’absence


d’un lien de droit entre le cédant et le cessionnaire. Il s’agit, d’abord,
de l’hypothèse de la perte du marché, c’est-à-dire l’hypothèse où le
contrat de services existant entre deux entreprises n’est plus
reconduit et passe à un autre prestataire pour diverses raisons
commerciales. Dans ce cas de figure, la cession s’effectue en deux
étapes par l’intermédiaire d’un tiers, soit un propriétaire soit un
bailleur. La Cour de Justice a, à plusieurs reprises, retenu que
l’absence de lien conventionnel entre le cédant et le cessionnaire, ne
saurait revêtir une importance déterminante dans le transfert. Il
s’agit, en second lieu, de l’hypothèse d’une coopération mutuelle
entre deux sociétés dans un but de transfert d’éléments
d’exploitation, même à défaut d’existence d’un accord écrit ou verbal
entre elles.

Enfin, il y a transfert d’entreprise au sens de la directive en cas de


transfert d’une activité économique exercée par une autorité
administrative. Constitue ainsi un transfert d’entreprise

995
l’externalisation des activités qui ne relèvent pas de l’exercice de la
puissance publique hors de l’Administration (à propos de l’attribution
successive de l’activité d’aide à domicile à différents opérateurs par
un organisme public : CJCE, 10 déc. 1998, Hidalgo, aff. C-173/96)
ou, inversement, l’intégration des telles activités dans la compétence
de l’Administration (à propos de la reprise par une commune des
activités de publicité et d’information sur les services qu’elle offre au
public : CJCE, 26 sept. 2000, Mayeur, préc.). Sont, en revanche,
exclues les réorganisations des structures de l’autorité administrative
publique ou le transfert des fonctions administratives (art. 1 § 1 c).

II. Le maintien des relations individuelles

Jurisprudence
Le principe, affirmé dans l’article 3 § 1, a été posé par la Cour de justice dans
un arrêt du 25 juillet 1991 (Urso, aff. C-362/89) : « les droits et les obligations qui
résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant
à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire ».
Cette règle s’applique malgré la volonté contraire du cédant ou du cessionnaire
d’exécuter leurs obligations ou malgré la constatation de l’« état de crise » d’une
entreprise.

Dans une jurisprudence abondante, la Cour de justice nous apporte


plusieurs éclaircissements et précisions sur la date du transfert,
l’éventuelle opposition du salarié au transfert, les droits des
travailleurs liés au licenciement ou à l’octroi d’une retraite anticipée
prise en accord avec l’employeur et la modification des relations de
travail du fait du transfert.

III. L’impact du transfert sur les relations collectives

996
A Les conditions du maintien des conventions collectives

o
(Dir. n 2001/23, 12 mars 2001, art. 3 § 3)
L’article 3 § 3 prévoit qu’« après le transfert, le cessionnaire maintient les
conditions de travail convenues par une convention collective dans la même
mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date de résiliation ou
d’expiration de la convention collective ou de l’entrée en vigueur ou de l’application
d’une autre convention collective ».

Trois enseignements peuvent en être tirés : premièrement, la


convention collective qui sera applicable au profit des travailleurs
transférés est celle en vigueur au moment du transfert ; cela signifie,
deuxièmement, que le cessionnaire – qui n’est pas partie à la
convention collective – n’est pas lié par les évolutions futures de
celle-ci et son droit à ne pas s’associer est ainsi pleinement garanti.
Troisièmement, l’application immédiate de la convention collective
applicable dans l’entreprise cessionnaire ne saurait avoir pour but ou
pour effet d’imposer aux travailleurs transférés des conditions
globalement moins favorables que celles applicables avant le
transfert (CJCE 6 sept. 2011, Scattolon, aff. C-108/10).

Cependant, aux termes de l’alinéa 2 du § 3, les États membres


peuvent limiter la période du maintien des conditions du travail, sous
réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an.

B La représentation des travailleurs

1 L’obligation d’information et de consultation


des représentants du personnel

997
L’opération de transfert intéresse les représentations du personnel
tant du cédant que du cessionnaire ; elles devront l’une et l’autre
être informées et consultées sur la date et le motif du transfert, les
conséquences – juridiques, économiques et sociales – du transfert
pour les travailleurs, ainsi que les mesures envisagées à leur égard
(art. 7 § 1).

L’information, comme la consultation, doivent intervenir « en temps


utile », avant la réalisation du transfert pour le cédant et, pour le
cessionnaire, avant que ses travailleurs ne soient affectés
directement dans leurs conditions d’emploi et de travail par le
transfert.
En cas de carence de la représentation du personnel, les travailleurs
concernés doivent eux-mêmes être directement informés sur les
mêmes sujets que ceux qui auraient été soumis à leurs
représentants (art. 7 § 6).

Par ailleurs, la directive prévoit la possibilité de recours à une


instance d’arbitrage en vue de l’adoption d’une décision sur les
mesures à prendre à l’égard des travailleurs, lorsque le transfert
réalisé provoque une modification au niveau de l’établissement
susceptible d’entraîner des désavantages substantiels pour une
partie importante des travailleurs (art. 7 § 3).

2 Le maintien conditionnel de la représentation de l’entité


transférée
Afin que les droits des travailleurs transférés soient mieux protégés,
la directive prévoit enfin le maintien – selon les mêmes modalités et
suivant les mêmes conditions – de la représentation du personnel
qui existait avant le transfert dans l’entité transférée (art. 6 § 1, al. 1),

998
à condition que « l’entreprise, l’établissement ou la partie de
l’entreprise ou d’établissement conserve son autonomie » (art. 6 § 1,
al. 4). Autrement dit, l’entité transférée devrait demeurer un cadre
juridique autonome de représentation au regard de la législation
nationale applicable. Ainsi, si le cadre demeure le même, la
représentation se poursuit sans qu’il y ait lieu à aménagement. En
revanche, si elle ne l’est plus, la représentation est appelée à
disparaître et des aménagements sont nécessaires, qui reviennent
aux droits nationaux.

La Cour de justice a apporté des éclaircissements à la notion


o
d’autonomie au sens de l’article 6 de la directive n 2001/23, qui ne
doit pas être confondue avec celle d’identité. Elle s’entend, en
particulier, comme « le droit de se gouverner par ses propres lois »,
c’est-à-dire que « les pouvoirs organisationnels des responsables de
cette entité demeurent en substance inchangés » (CJUE, 29 juill.
2010, UGT-FSP, aff. C-151/09). Or, le simple changement des
supérieurs hiérarchiques les plus élevés ne suffit pas à
compromettre l’autonomie de l’entité transférée.
En revanche, lorsque le cadre de l’entreprise ou de l’établissement
change, la représentation est appelée à disparaître et des
aménagements sont nécessaires, qui reviennent aux droits
nationaux. Ce sont principalement les cas où, suite au placement de
l’entreprise ou de l’établissement dans une situation juridique
nouvelle (ex. : passage au-dessous du seuil d’effectifs ; création d’un
autre type d’institution suite à une absorption, scission…), les
conditions d’une nouvelle désignation ou de nouvelles élections sont
réunies, selon les règles nationales applicables. Dans ce cas de
figure, il n’y a pas de raison de maintenir les représentants en
fonction au moment du transfert, qui céderont leur place à l’organe

999
nouvellement élu ou désigné (art. 6 § 1, al. 2). Cela implique, bien
entendu, que les États membres prennent toutes les mesures
nécessaires pour assurer que les travailleurs transférés soient
convenablement représentés jusqu’à la nouvelle élection ou
désignation des représentants des travailleurs.

Si le mandat des représentants des travailleurs concernés par le


transfert expire en raison du transfert, les représentants continuent à
bénéficier des mesures de protection prévues par les droits
nationaux (art. 6 § 2).

§3 Les garanties collectives

I. Les licenciements collectifs


o
La directive n 98/59 du 20 juillet 1998 a cherché à rapprocher les
législations des États membres relatives aux licenciements collectifs,
à savoir les licenciements effectués par un employeur pour un ou
plusieurs motifs non-inhérents à la personne des travailleurs et
intéressant un nombre minimum de personnes sur une même
er
période, selon le choix effectué par les États membres (art. 1 ). Ce
rapprochement concerne donc les licenciements économiques
collectifs, la Cour de Luxembourg ayant apporté plusieurs précisions
sur cette notion.

1000
Jurisprudence
Par un arrêt rendu le 11 novembre 2020 (Marclean Technologies, Aff. C-
er
300/19) la Cour de justice s’est prononcée sur l’interprétation de l’article 1 de la
Directive 98/59 à propos de la période de référence à prendre en considération
pour l’établissement de l’existence d’un licenciement collectif. En confirmant
l’analyse de l’avocat général, la Cour de Luxembourg retient qu’en fonction des
faits de chaque cas spécifique, la période de référence pourrait se situer
entièrement avant, entièrement après ou en partie avant et en partie après le
licenciement en question. Cette solution, qui s’inscrit dans une logique très
protectrice pour les salariés, peut avoir des conséquences pratiques importantes
dans le contexte actuel de multiplication des restructurations et de suppressions
d’emploi.

Les garanties proclamées par la directive s’articulent autour de trois


axes principaux : premièrement, l’établissement d’une obligation
d’information et de consultation des représentants des travailleurs
incombant à l’employeur destinée à définir les catégories d’emplois
touchés, ainsi que les mesures d’accompagnement mises en œuvre.
Ces consultations doivent être conduites en vue d’aboutir à un
accord (art. 2) ; deuxièmement, la fixation d’une procédure à suivre
pour procéder aux licenciements (art. 3) ; troisièmement, l’obligation
pour l’employeur de notifier aux autorités publiques compétentes
tout projet de licenciement collectif (art. 4).

II. L’insolvabilité de l’employeur

Fondée sur l’ex-article 100 du traité initial (TFUE, art. 114) et


fortement inspirée par la loi française du 23 décembre 1973 relative
à la protection des créances salariales en cas d’insolvabilité de
o
l’employeur, la directive n 80/987 du 20 octobre 1980 tendait au
rapprochement des législations des États membres afin de garantir

1001
le paiement des créances salariales malgré la défaillance de
l’employeur. Celui-ci est en effet réalisé grâce à l’intervention d’une
institution de garantie financée par les entreprises mais
indépendante d’elles. D’ailleurs, il s’agit désormais d’une obligation
o
de droit international, prévue également par la Convention n 173 de
o
l’OIT, adoptée en 1992 et complétée par la Convention n 180.
o
Après une première modification en 1987, la directive n 80/987 a
o
fait l’objet d’une révision importante par la directive n 2002/74 du 23
o
septembre 2002, elle-même modifiée par la directive n 2008/94 du
22 octobre 2008. Un contentieux assez important s’est développé
devant la Cour de justice s’agissant du domaine et du montant de la
garantie. De plus, l’application de la directive a été à l’origine de
nombreux recours en manquement des États membres.

1002
POUR ALLER PLUS LOIN…

1003
– M. CORTI et A. KOUKIADAKI, « La transposition de la directive
2002/14 sur l’information et la consultation des travailleurs dans la
Communauté européenne », RDT 2009, p. 466
– G. COUTURIER, « Le maintien des droits de travailleurs en cas de
transfert d’entreprise », Dr. soc., 1989, p. 557
– F. VASQUEZ, « La dimension européenne des restructurations »,
Dr. soc.,2006, p. 260

1004
TITRE 3
LA COORDINATION DES SYSTÈMES
DE SÉCURITÉ SOCIALE

o
Fiche n 76 Les principes de la coordination des systèmes
de sécurité sociale
o
Fiche n 77 Les techniques de la coordination
des systèmes de sécurité sociale
o
Fiche n 78 Le domaine de la coordination des systèmes
de sécurité sociale

1005
o
Fiche n 76 Les principes
de la coordination des systèmes de sécurité
sociale

L’ESSENTIEL

La promotion d’une protection sociale adéquate s’inscrit dans les


valeurs fondamentales de l’Union européenne (TFUE, art. 3 et 9).
Elle est prise en compte dans la définition et la mise en œuvre des
actions de l’Union. Cependant, en raison de l’impossible
harmonisation des droits nationaux en la matière, la méthode qui a
été choisie est celle de la coordination, sans, toutefois, porter
atteinte à la compétence souveraine des États, principe
constamment affirmé par la Cour de justice. En outre, l’article 153
§ 1, c et k TFUE permet à l’Union d’arrêter des « prescriptions
minimales » par voie de directives dans le domaine de la sécurité et
de la protection sociale des travailleurs, ainsi que dans celui de la
modernisation des systèmes de la protection sociale. Or, cette
faculté n’a jamais été exercée car elle se heurte à la réticence des
plusieurs États membres et relève de l’unanimité. Il convient, enfin,
de souligner que le domaine de la coordination des régimes de
sécurité sociale représente 10 % de la production jurisprudentielle

1006
de la Cour de justice, qui a prononcé depuis 1959 plus de 600 arrêts
sur l’interprétation des règles de coordination.

LES CONNAISSANCES

La coordination des droits nationaux en matière de protection sociale


exclut par nature l’établissement de règles communes de sécurité
sociale indifféremment applicables dans tous les États membres.
Son objectif consiste essentiellement à faciliter la libre circulation
des travailleurs et à assurer, corrélativement, une forme de
continuité de leur protection sociale lors de leurs déplacements dans
l’Union. La situation du travailleur présente alors un élément
d’extranéité au sein même de l’Union. Adopté sur le fondement de
l’article 48 TFUE, l’instrument de coordination actuellement en
o
vigueur est le Règlement n 883/2004 du 29 avril 2004 (auparavant
o
règlement n 1408/71 du 14 juin 1971) portant sur la coordination
des systèmes de sécurité sociale et son Règlement d’application
o
n 987/2009 du 16 septembre 2009, modifiés par le Règlement
o
n 465/2012 du 22 mai 2012. Il convient ainsi, dans un premier
temps, d’étudier son périmètre, à savoir son champ d’application
personnel (§ 1) et la détermination du droit applicable (§ 2).

§1 Le champ d’application personnel du règlement


de coordination
o
Aux termes de l’art. 2 § 1 du règlement n 883/2004, les règles de
coordination s’appliquent, en premier lieu, à tous les citoyens de
l’Union, quelle que soit leur appartenance professionnelle ou
catégorielle, qui sont ou ont été soumis à législation de la sécurité

1007
sociale d’un ou de plusieurs États membres. Peu importe,
corrélativement, que ces personnes soient des actifs (salariés,
fonctionnaires ou travailleurs indépendants) ou des non-actifs
(demandeurs d’emploi, retraités, étudiants). Ce qui importe c’est
qu’ils bénéficient ou qu’ils ont déjà bénéficié d’une couverture
sociale ; d’où le glissement de la notion de travailleur à celle
d’« assuré social ». Sur ce point, il convient de souligner que le
régime de coordination s’étend également aux citoyens assurés
sociaux de l’Islande, du Liechtenstein, de la Norvège et de la Suisse.

En deuxième lieu, sont explicitement cités au nombre des


bénéficiaires de la coordination les réfugiés et les apatrides, au sens
des Conventions respectivement de Genève, du 28 juillet 1951 et de
New York, du 28 septembre 1954 (art. 1 g et h). Il faut que ces
personnes résident dans un État membre (ou en Islande, au
Liechtenstein, en Norvège ou en Suisse) et qu’elles soient ou aient
été soumises à la législation de sécurité sociale d’un ou de plusieurs
États membres.

1008
Jurisprudence
Pendant longtemps, la Cour de Luxembourg opérait une distinction entre
droits propres et dérivés en retenant que les membres de la famille ne sauraient
prétendre qu’aux droits dérivés (à titre d’exemple : CJCE, 23 nov. 1976,
Kermaschek, aff. 40/76). Sa jurisprudence a progressivement évolué et, tout en
préservant la distinction entre droits propres/droits dérivés, elle a cantonné les
droits propres à certains types de prestations fortement liées à l’activité
professionnelle de l’affilié (ex. : prestations de chômage, prestations d’accidents
de travail et de maladies professionnelles). Par conséquent, les membres de la
famille bénéficient directement d’autres types de prestations, à l’instar des
allocations familiales (CJCE, 15 mars 2001, Offer-manns, aff. C-85/99 ; CJCE,
5 févr. 2002, Humer, aff. C-255/99). Mais, depuis la substitution de la notion
o
d’« assuré social » à celle de « travailleur » (sous le Règl. n 1408/71), le débat ne
présente pas de réel intérêt, dans la mesure où le bénéfice des droits de la
sécurité sociale est déconnecté de l’activité professionnelle.

o
En troisième lieu, depuis 2003, le règlement n 1231/2010 du
24 novembre 2010 étend, dans le cadre du développement d’une
politique migratoire de l’Union européenne, le bénéfice de la
coordination aux ressortissants des pays tiers qui résident et
travaillent légalement dans un État membre et sont amenés à
effectuer une mobilité à l’intérieur du territoire européen.
Le mécanisme de coordination couvre, en dernier lieu, les membres
de la famille et les survivants des bénéficiaires principaux de la
coordination (citoyens européens, réfugiés ou apatrides,
ressortissants des pays tiers), quelle que soit leur nationalité. Mais,
au-delà de la définition des « membres de la famille » (art. 1 i), se
pose la question de savoir si les droits dont ils bénéficient leurs sont
reconnus directement ou indirectement. En d’autres termes, sont-ils
bénéficiaires de droits propres à prestations ou ne bénéficient-ils que

1009
de droits dérivés, c’est-à-dire ceux acquis en tant que membres de
la famille ou survivants du bénéficiaire principal de la coordination ?

§2 La détermination du droit applicable


Étant donné que les régimes nationaux de sécurité sociale
subsistent, l’essentiel du mécanisme de coordination des législations
nationales consiste à définir le droit de la sécurité sociale applicable
pour l’octroi des prestations à un travailleur migrant, dont la situation
de mobilité suppose qu’il ait été soumis à deux ou plusieurs régimes
de sécurité sociale (dans au moins deux États membres). Cette
définition prend un intérêt particulier si on tient compte de
l’hétérogénéité des facteurs d’affiliation aux régimes de la sécurité
sociale retenus par les différentes législations nationales (ex. :
résidence, nationalité de l’intéressé, lieu d’activité professionnelle).
Une telle hétérogénéité pourrait créer des conflits de lois, de sorte
que l’intéressé pourrait se trouver soumis à plusieurs régimes de
sécurité sociale ou totalement privé de protection sociale.
À cet égard, un ensemble de règles a été élaboré afin d’éviter tout
risque de conflits positifs ou négatifs (CJCE, 4 oct. 1991, De Paep,
o
aff. C-196/90) et le règlement n 883/2004 a posé le principe de
l’unicité de la législation applicable (art. 11 § 1, V. Infra),
amplement souligné par la Cour au fil de sa jurisprudence.
Autrement dit, les personnes intéressées « ne sont soumises qu’à la
législation d’un seul État membre ». C’est ce texte qui détermine les
différents critères de rattachement.

1010
Jurisprudence
Sur ce point, il convient de souligner que, sous réserve des exceptions qui
peuvent lui être apportées par voie d’accord entre autorités compétentes des
États, le système de règlement des conflits en matière de sécurité sociale est
impératif et il a pour effet de « soustraire du législateur de chaque État membre le
pouvoir de procéder à la détermination du droit applicable » (CJCE, 12 juin 1986,
Ten Holder, aff. 302/84 ; CJCE 3 mai 1990, Kits van Heijningen, aff. C-2/89).

I. Le principe : le lex loci laboris

En vertu de l’article 11 § 3a du règlement de 2004, la personne qui


exerce une activité salariée ou non salariée (ainsi que les membres
de sa famille) dans un État membre est soumise à la législation de
cet État membre, indépendamment de son lieu de résidence ou de
celui du siège de son employeur.

Jurisprudence
La Cour de justice entend ce lieu d’exercice d’activité comme « le lieu où,
concrètement, la personne concernée accomplit les actes à cette activité » (CJCE
27 sept. 2012, Partena ASBL, aff. C-137/11).

Cette règle de la loi de l’État de l’emploi repose à l’évidence sur


l’idée d’un lien entre les droits sociaux et l’exercice d’une activité
professionnelle.

1011
Jurisprudence
Aucune condition de résidence ne peut y être ajoutée (CJCE 3 mai 1990, Kits
Von Hejningen, préc. ; en l’espèce, la Cour de justice a déclaré inopposable au
travailleur une clause de résidence sur le territoire imposée par la loi du lieu
d’activité). D’ailleurs, le refus de verser des prestations sociales en raison de la
résidence du travailleur dans un État membre autre que l’État membre prestataire
pourrait dissuader ledit travailleur d’exercer son droit à la liberté de circulation et
constituerait, dès lors, une entrave à cette liberté (à propos des prestations
familiales : CJCE 22 févr. 1990, Bronzino, aff. C-228/88).

Par ailleurs, la règle du lex loci laboris est essentielle car elle dicte
non seulement les droits des personnes, mais aussi les obligations
en termes de cotisations des employeurs.

Jurisprudence
Il a été ainsi retenu par la Cour de Luxembourg que l’État de résidence d’un
travailleur ne peut, au titre de sa législation sociale, imposer des cotisations sur la
rémunération perçue par le salarié à l’occasion d’une activité exercée dans un
autre État membre et, de ce fait, assujettie à la législation de cet État (CJCE,
5 mai 1977, Perenboom, aff. 102/76). Cette solution vaut également pour la CSG
et la CRDS qui sont assimilées par la Cour à des cotisations sociales. C’est sur ce
fondement que la législation française a été condamnée pour y avoir assujetti des
travailleurs frontaliers résidant en France, mais qui payaient de cotisations
sociales à leur pays d’emploi (CJCE, 15 févr. 2000, Commission c./France, aff. C-
169/98).

II. Les aménagements du lex loci laboris

A Nécessité d’interprétation de la notion du lieu d’emploi

1012
Tout d’abord, des aménagements concernent les fonctionnaires (art.
11 § 3 b) et les personnes effectuant un service national ou un
service civil (art. 11 § 3 d) qui sont soumis, pour les premiers, à la
législation de l’État membre dont relève l’administration qui les
emploie et, pour les seconds, à la législation de l’État membre
concerné. En outre, le règlement apporte des précisions pour
déterminer l’État d’emploi des marins à bord des navires en mer (art.
11 § 4).

Jurisprudence
Ces derniers relèvent de la législation sociale de l’État membre du pavillon,
même si ces salariés n’ont ni la nationalité d’un État membre ni leur domicile dans
l’Union européenne (CJCE, 17 mars 1993, Sloman Neptun, aff. C-72/91).

Dans le même registre, l’activité du personnel navigant d’une


entreprise effectuant des transports internationaux de passagers (ou
de marchandises) est considérée comme étant une activité menée
dans l’État membre dans lequel se trouve la base d’affectation de
o
l’entreprise (art. 14 § 2 a du règlement n 1408/71). À titre
d’exemple, si une compagnie aérienne a sa base en France, le
régime de sécurité sociale français s’applique. En revanche, lorsque
la compagnie dispose d’une succursale sur le territoire d’un État
membre, autre que celui où elle a son siège, le personnel navigant
(membres de l’équipage) employé par la succursale est soumis à la
législation de l’État membre sur le territoire duquel se trouve cette
succursale. Cette question fait l’objet de plusieurs contentieux.

1013
Jurisprudence
La chambre sociale de la Cour de cassation a condamné (Cass. soc. 10 janv.
o
2018, n 16-16.713) une compagnie aérienne espagnole, Vueling Airlines, pour
dissimulation d’activité. En l’espèce, cette compagnie disposait d’une base
d’exploitation à l’aéroport de Roissy-Charles De Gaulle et, par conséquent, le
personnel navigant employé par cette succursale devrait être soumis au droit de la
sécurité sociale française et non espagnole.

Enfin, les agents contractuels de l’Union européenne peuvent choisir


entre l’application de la législation de l’État membre à laquelle ils ont
été soumis en dernier lieu ou de l’État membre dont ils sont
ressortissants, en ce qui concerne les dispositions autres que celles
relatives aux allocations familiales servies au titre du régime
applicable à ses agents (art. 15). Ce droit d’option, qui ne peut être
exercé qu’une seule fois, prend effet à la date d’entrée en service.

B La prédominance du critère subsidiaire du lieu


de résidence
Dans certaines situations particulières, le critère subsidiaire du lieu
résidence prévaut sur le critère principal du lieu de l’emploi.

1014
Jurisprudence
Si le règlement de 2004 détermine le lieu de résidence comme le lieu où une
er
personne réside habituellement (art. 1 , j), la Cour de justice (CJCE, 8 juill. 1992,
Knoch, aff. C-102/90) et le règlement de 2009 (art. 11) apportent quelques
précisions en retenant qu’il s’agit du « lieu où se trouve le centre principal ou
permanent des intérêts de la personne concernée », voire le lieu avec lequel le
sujet a un lien social stable et dominant, prenant ainsi en compte des « facteurs
autres que professionnels » (CJCE, 12 juill. 1973, Éts Angénieux c./Hakenberg,
aff. 13/73).

Notons, en premier lieu, le cas de figure des travailleurs exerçant


régulièrement leur activité normale sur le territoire de deux
États membres, qu’il s’agisse de travailleurs salariés ou non-
salariés (art. 13).

Jurisprudence
Selon la Cour de justice, l’« activité normale » correspond à l’exercice habituel
d’activités significatives, ce qui permet d’ignorer les activités exercées de façon
simplement ponctuelle (CJUE, 13 sept. 2017, X c./ Staatssecretaris van Financiën,
aff. C-569/15).

D’un côté, les travailleurs salariés sont soumis à la législation du lieu


de résidence s’ils y exercent une « partie substantielle de leur
activité » ou s’ils dépendent de plusieurs employeurs ayant leur
siège social ou leur siège d’exploitation dans différents États
membres. À défaut de pouvoir situer une activité substantielle dans
l’État membre de résidence, c’est la loi du siège de l’entreprise ou de
l’employeur qui l’emploie qui va s’appliquer (art. 13 § 1). Cependant,
quand au moins deux de ces employeurs ont leur siège social ou

1015
d’exploitation dans des États membres autres que celui de
résidence, s’appliquera la législation de l’État membre de résidence
s’appliquera.

D’autre part, en ce qui concerne les travailleurs non-salariés, le § 2


les soumet à la législation de l’État membre de résidence s’ils
exercent une partie substantielle de leur activité dans cet État (point
a), ou à la législation de l’État membre dans lequel se situe le centre
d’intérêt de leurs activités, s’ils ne résident pas dans l’un des États
membres où ils exercent une partie substantielle de leur activité
(point b). Tel est, par exemple, le cas des chauffeurs routiers
internationaux.

Jurisprudence
Afin de déterminer la législation nationale applicable au sens de l’art. 13§2, b,
la Cour de justice a procédé, dans un arrêt du 16 juillet 2020 (aff. C-610/18) à la
détermination de l’employeur de certains chauffeurs routiers internationaux. Elle l’a
fait au moyen de critères qui visent à déterminer la situation objective dans
laquelle se trouvaient les salariés, quel que soit le libellé des documents
contractuels. En l’espèce, une société chypriote avait conclu des contrats de
travail avec des chauffeurs routiers. Cependant, ces derniers n’avaient jamais
habité ni travaillé à Chypre, mais, ils continuaient à habiter aux Pays-Bas et
exerçaient, pour le compte des entreprises de transport situées aux Pays-Bas, leur
activité dans deux ou plusieurs États membres. La législation de sécurité sociale
applicable devrait alors être la législation néerlandaise et non la législation
chypriote.

Lorsque, enfin, un professionnel exerce une activité salariée et une


activité non salariée dans différents États membres, il est soumis à
la législation de l’État membre dans lequel il exerce son activité
salariée, ou s’il exerce une telle activité dans au moins deux États

1016
membres, à la législation déterminée au § 1, c’est-à-dire celle du lieu
de résidence ou du siège de l’entreprise (art. 13 § 3).

Notons, ensuite, les personnes qui bénéficient de prestations de


chômage en vertu de la législation de l’État membre de résidence.
Le règlement consacre leur affiliation à cet État. De plus, les
personnes inactives sont soumises à la législation de l’État de
résidence, sans préjudice des dispositions contraires du règlement
(art. 11 § 3, e).

Enfin, concernant les travailleurs frontaliers qui résident dans un


État membre différent de leur pays d’emploi (ex. : un résident
français travaille sur le territoire belge), un régime spécifique existe
(art. 19). Si, en principe, ils sont soumis au lex loci laboris (ils
doivent, donc, s’inscrire auprès de l’institution compétente de la
sécurité sociale du pays de l’emploi et c’est à cette institution qu’ils
verseront les cotisations sociales), ils peuvent, pourtant, bénéficier
des prestations sociales prévues également par la législation du
pays de résidence grâce à la présentation d’un formulaire de la
caisse dont ils dépendent. Le travailleur frontalier a alors accès aux
soins nécessaires et l’institution de sécurité sociale du pays de
résidence lui versera les prestations en espèces de maladie-
maternité, en appliquant les règles et les taux nationaux. Les
prestations en nature lui seront également versées par la caisse de
sécurité sociale de ce pays, mais elles ne seront pas financées par
lui. La caisse en question sera financée par celle du pays d’emploi
qui délivre à cette fin le formulaire S1 (ex- E106). Il s’agit
d’un document portable qui permet à la personne assurée et/ou ses
membres de famille qui résident sur le territoire d’un État membre
autre que l’État compétent de s’inscrire auprès de l’institution
d’assurance maladie de leur lieu de résidence afin de bénéficier des

1017
prestations en nature de l’assurance maladie maternité. Force est de
souligner que, contrairement au certificat E 101 (devenu A1) qui vaut
présomption d’affiliation du salarié au régime de Sécurité sociale de
l’État d’établissement de son employeur, le formulaire S1 constitue
une simple attestation de droits de prestation en matière
o
d’assurance maladie (Cass. crim. ,12 janv. 2021, n 20-80.647).

III. Les dérogations au lex loci laboris

Une première dérogation au principe de la loi de l’État d’emploi est


possible via les accords bilatéraux ou multilatéraux dérogatoires (art.
16). Précisément, deux ou plusieurs États membres peuvent prévoir
d’un commun accord et dans l’intérêt de certaines personnes ou
catégories de personnes, des dérogations aux règles qui viennent
d’être exposées. Ces accords sont fréquemment utilisés pour
déroger aux règles sur le détachement (V. supra). Ayant la nature
juridique d’accords administratifs, ils sont parfois conclus pour des
entreprises ou groupes d’entreprises, mais le plus souvent pour des
cas isolés. La possibilité de dérogation est offerte pour l’avenir, mais
elle peut également couvrir, dans l’intérêt du travailleur concerné,
des périodes déjà écoulées (CJCE, 29 juin 1995, Van Gestel, aff. C-
454/93). En France, le centre de liaison européen et international de
sécurité sociale est chargé de la mise en œuvre de ces accords.

La deuxième dérogation concerne le cas du détachement d’un


o
travailleur (V. Fiche n 71). Le règlement de 2004 pose le principe
que la personne qui exerce une activité salariée dans un État
membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses
activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour
son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la
législation sociale du premier État membre, à condition que la

1018
durée prévisible de ce travail n’excède pas 24 mois et que la
personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre
personne (art. 12). Deux conséquences juridiques en résultent :
premièrement, l’employeur continuera à cotiser selon les règles de
l’État d’origine et non dans l’État d’emploi ; deuxièmement, les
prestations dont peut éventuellement bénéficier le salarié sont
servies ou, selon le cas, sont finalement à la charge de l’institution
de sécurité sociale du pays d’origine.

Le détachement est formalisé par le formulaire portable A1 (venu


remplacer l’ancien formulaire E 101) délivré par l’institution
compétente de l’État membre dont le régime de la sécurité sociale
reste applicable. Il s’agit, en particulier, d’un certificat créant une
présomption de régularité de l’affiliation des travailleurs détachés
au régime de sécurité sociale de cet État membre où est établie
l’entreprise (revirement jurisprudentiel : CJCE, 30 mars 2000, Banks,
aff. C-178/97 ; CJCE, 10 févr. 2000, Fitzwilliam, aff. C-202/97). Par
ailleurs, la Cour de Luxembourg a précisé que les effets
contraignants produits par les certificats E101 ou A1 sont limités aux
obligations imposées par les législations nationales uniquement en
matière de sécurité sociale (CJUE, 14 mai 2020, aff. C-17/19). Cela
signifie alors que le juge pénal n’est pas lié par ces certificats et peut
les écarter dans son contrôle du travail dissimulé en cas d’omission
de l’employeur de procéder à la déclaration préalable à l’embauche
(DPAE), aux obligations déclaratives sociales et à l’immatriculation
o o
au RCS (Cass. crim., 12 janv. 2021, n 17-82.553 et n 18-86.757).
Par ailleurs, tant qu’il n’est pas retiré ni invalidé, le certificat s’impose
dans l’ordre juridique interne de l’État membre du détachement et lie
ses institutions. Par conséquent, et dans la mesure où la
condamnation pour travail dissimulé ne peut entraîner l’affiliation des

1019
travailleurs concernés à l’une ou l’autre des branches de la Sécurité
sociale, aussi longtemps que ces certificats n’ont pas été retirés ou
déclarés invalides par l’institution compétente, l’URSSAF ne peut
pas se constituer partie civile pour solliciter l’octroi de dommages-
o
intérêts (Cass. crim., 12 janv. 2021, n 18-86.757). Selon la Cour de
cassation, l’action civile n’appartient qu’à ceux qui ont
personnellement souffert du dommage directement causé par
l’infraction, à l’instar d’une union départementale des syndicats
o
(Cass. crim., 12 janv. 2021, n 17-82.553). En revanche, lorsque ce
certificat est retiré par l’institution compétente de l’État de
l’établissement de l’employeur des travailleurs détachés, seule
trouve à s’appliquer la législation de l’État membre où est exercée
o
l’activité salariée (Cass. soc., 4 nov. 2020, n 18-25.596).

Jurisprudence
Par ailleurs, en application du principe de la coopération loyale posée par le
Traité, la Cour de justice exige de l’institution émettrice du certificat une vigilance
particulière afin de garantir l’exactitude des mentions y figurant et de détecter a
priori certaines incohérences (CJUE, 4 oct. 2012, Format Urzdzenia c./Herbosch
Kiere NV, aff. C-2/05).

Pendant longtemps, la conséquence tirée par ce revirement


jurisprudentiel était que, en cas de doutes émis par l’institution
compétente de l’État membre d’accueil quant à l’exactitude des faits
qui sont à la base du certificat A1 et des mentions qui y figurent,
seule l’institution compétente qui l’a délivré pourrait reconsidérer son
bien-fondé et le retirer (présomption simple). À défaut, l’institution
de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le détachement est
effectué ne saurait soumettre le travailleur en question à son propre

1020
régime de sécurité sociale. En outre, une juridiction de l’État membre
d’accueil n’est pas, non plus, habilitée à vérifier la validité d’un
certificat A1 au regard des éléments sur la base desquels il a été
délivré (CJUE, 27 avr. 2017, A-Rosa Flusschiff GmbH, aff. C-
620/15).

Jurisprudence
Cependant, dans un souci de lutter contre les émissions frauduleuses de tels
certificats et les abus des normes de l’Union, la Cour de justice s’est prononcée
(CJUE, 6 févr. 2018, Ömer Altun, aff. C-359/16 ; CJUE, 14 mai 2020, aff. C-17/19)
sur la possibilité pour un juge national du pays d’accueil, lorsque l’institution
compétente du pays d’envoi s’abstient de procéder à un réexamen de la
délivrance du certificat A1 dans un délai raisonnable, d’écarter le certificat en
cause et de considérer que le salarié relève de son propre régime de sécurité
sociale.

1021
Jurisprudence
La Cour de Justice retient que les amendes disproportionnées sanctionnant
le non-respect d’obligations d’obtention d’autorisations administratives et de
conservation de documents salariaux concernant des travailleurs étrangers
détachés constituent une restriction à la liberté de prestation des services. Tel
était le cas d’une amende infligée par la police financière autrichienne à un
prestataire de services croate qui fournissait ses services en Autriche (217
travailleurs croates, serbes et bosniens y ont été détachés) et qui n’avait pas
fourni à l’entreprise utilisatrice autrichienne l’ensemble des documents relatifs aux
salaires versés à chacun de ses salariés. Cette infraction à la réglementation
autrichienne a été sanctionnée par une amende de plus de 3 millions d’euros au
gérant du prestataire croate, ainsi que par une amende de 2 millions d’euros à
chacun des quatre membres du directoire de l’entreprise utilisatrice autrichienne.
En cas de non-paiement, les amendes seraient converties en peines privatives de
liberté de plus de trois ans (CJUE, 12 sept. 2019, Maksimovic, aff. Jtes C-64/18,
C-140/18, C-146/18 et C-148/18). De telles sanctions peuvent être justifiées au
titre des objectifs de protection des travailleurs ou de lutte antifraude. Néanmoins,
elles doivent être adéquates et proportionnées à la gravité de situation.

1022
Une protection sociale pour tous les travailleurs
(principe 12, socle européen des droits sociaux)
Dans le cadre de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux
(principe 12) le Conseil a adopté le 8 novembre 2019, une recommandation
relative à l’accès des salariés et non-salariés à la protection sociale. La
recommandation comporte un certain nombre des principes (droit d’accès à une
couverture sociale adéquate, formelle, effective, transparente) à mettre en œuvre
par les États membres sur une base volontaire.
o o
Révision des règlements n 883/2004 et n 987/2009
o
Une proposition de révision du Règlement n 883/2004 et de son Règlement
o
d’application n 987/2009 a été présentée par la Commission européenne le
13 décembre 2016. Le Conseil a arrêté, le 21 juin 2018, sa position d’orientation et
il entamera des négociations avec le Parlement dès que ce dernier aura adopté sa
position. La révision vise à moderniser les règles relatives à la coordination en
prenant en considération l’évolution des systèmes nationaux de la sécurité sociale.
Le projet du règlement modificatif est axé sur 5 domaines : les prestations de
chômage ; les prestations pour les soins de longue durée ; les prestations
familiales ; la législation applicable aux travailleurs détachés et aux personnes
travaillant dans deux États membres ou plus. La nouvelle proposition est
actuellement en cours de discussion auprès du Parlement européen et du Conseil
de l’UE.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– Y. CHASSARD ET P. VENTURINI, « La dimension européenne de
la protection sociale », Dr. soc., 2005, p. 772
– B. DE PAUW, « Détachement intra-communautaire et formulaire E
101 : la créativité du juge face au pouvoir de l’Administration », Dr.
soc., 2010, p. 96
– E. GRASS, L’Europe sociale, La documentation Française, 2013,
pp. 83 et s.

1023
– J.-Cl. FILLON, « Union européenne et sécurité sociale : les
nouveaux règlements de coordination », RDT, 2009, p. 339
– J.-Cl. FILLON, « Le détachement de travailleurs salariés version
sécurité sociale (coordination des systèmes) : la loi de l’État
d’envoi
– J.-Ph. LHERNOULD, « Les règlements coordonnant les systèmes
nationaux de sécurité sociale : nouvelles lignes de force et points
de rupture », RTDE, 2018, p. 99
– A. MATH, « L’envoi de migrants détachés dans le cadre de libre
prestation de services transfrontaliers. Quels risques pour les
systèmes de protection sociale ? », RDSS 2005, p. 565

1024
o
Fiche n 77 Les techniques
de la coordination des systèmes de sécurité
sociale

L’ESSENTIEL

La coordination de la sécurité sociale européenne ne peut


s’effectuer que grâce à l’application de certaines techniques,
consacrées à la fois par le Traité dans son article 48 et par le
o
règlement n 883/2004. Elle se fonde, en particulier, sur cinq
principes cardinaux : l’unicité de la législation applicable ; l’égalité de
traitement ; la continuité des droits et le principe d’exportabilité des
prestations en espèce ; la totalisation des droits et des périodes
d’affiliation et la coopération des institutions de sécurité sociale.

LES CONNAISSANCES

§1 L’unicité de la législation applicable

Aux termes de l’article 11 § 1 du règlement de 2004, les personnes


entrant dans son champ d’application ne sont soumises qu’à la
législation d’un seul État membre qui est, en principe, celle de l’État

1025
de l’emploi. Cela signifie qu’à l’exclusion des assurances volontaires
ou facultatives, il ne peut y avoir cumul des droits, mais pas non plus
des cotisations : un salarié ne paiera pas deux contributions pour un
même risque (CJCE, 10 mai 2001, Rundgren, aff. C-389/99).
Cependant, le principe de l’unicité de la législation applicable
n’exclut pas l’application simultanée du lex loci laboris et de la loi de
l’État de résidence, lorsque cette dernière accorde un complément
de protection sociale.

Jurisprudence
Précisément, il a été retenu par la Cour de justice, dans un arrêt rendu le
20 mai 2008 (Bosmann, aff. C-352/06) que « le règlement 1408/71 ne s’oppose
pas à ce qu’un travailleur migrant, qui est soumis au régime de la sécurité sociale
de l’État membre d’emploi, perçoive, en application d’une législation nationale de
l’État membre de résidence, les prestations familiales dans ce dernier État » (ex. :
une prime de naissance).

§2 L’égalité de traitement

Aux termes de l’article 4 du règlement de 2004, les personnes


couvertes par ces règles bénéficient des mêmes prestations et sont
soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout
État membre, que les ressortissants de celui-ci.

1026
Jurisprudence
Toute discrimination fondée sur la nationalité dans le service des prestations
est donc interdite, qu’il s’agisse des discriminations directes ou indirectes (CJCE,
21 sept. 2000, Borawitz, aff. C-124/99).

La Cour de Luxembourg offre une abondante jurisprudence en la matière, le


règlement mettant notamment l’accent sur la nécessité de lever les « clauses de
résidence » lorsqu’un travailleur réside dans un État membre autre que son État
d’emploi. Cependant, elle autorise des traitements différents lorsqu’ils sont
objectivement justifiés et proportionnés à l’objectif poursuivi (CJCE, 21 sept. 2000,
Borawitz, préc.).

§3 La continuité des droits et le principe


d’exportabilité des prestations en espèces

(TFUE, 25 mars 1957, art. 48)


Afin de promouvoir la mobilité transnationale – temporaire ou permanente – des
travailleurs, l’article 48 TFUE insiste sur la nécessité de garantir au migrant
intéressé une continuité de sa couverture sociale à travers des règles permettant
le maintien des droits acquis et l’exportation des prestations. Selon, en particulier,
la lettre du texte, « le Parlement et le Conseil […] instituant notamment un
système permettant d’assurer aux travailleurs migrants salariés et non-salariés et
à leurs ayant droit : […] b) le paiement des prestations aux personnes résidant sur
les territoires des États membres ».

Ce principe est repris par l’article 7 du règlement de 2004 qui prévoit


la levée des clauses de résidence et dont l’objet consiste à garantir à
l’assuré social intéressé le droit de bénéficier de telles prestations,
même après avoir transféré sa résidence dans un autre État
membre, autre que son pays d’origine, sans que ses prestations
fassent l’objet d’une réduction, modification, suspension,
suppression ou confiscation (CJCE, 7 nov. 1973, Smieja, aff. 51/73 ;

1027
CJCE, 2 mai 1990, Winter-Lutzins, aff. C-293/88 ; CJCE, 30 mars
1993, de Wit, aff. C-282/91).

Quant aux prestations concernées par le principe de transférabilité,


le règlement de 2004 l’a étendu à « toutes les prestations en
espèces dues en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États
membres » (ex. : pensions d’invalidité, de vieillesse, rentes
d’accident de travail ou de maladie professionnelle, prestations de
maladie, prestations familiales…). Cette généralisation n’est,
toutefois, pas absolue et subit un certain nombre de dérogations en
fonction de la branche en question. Ce sont notamment les
prestations spéciales à caractère non-contributif ou celles de
chômage qui relèvent d’un régime différent.

En ce qui concerne les premières, qui présentent un caractère mixte


se situant entre les logiques de sécurité sociale et d’aide sociale (art.
70 §§1 et 2), elles sont exclusivement versées par l’institution du lieu
de résidence et ne sont pas exportables en dehors de ses frontières
(art. 70 § 3).

Ensuite, quant aux chômeurs percevant des allocations dans un État


membre et qui se rendent dans un autre État membre, le règlement
consacre une exportabilité à caractère temporaire (art. 64) – de 3 à
6 mois (art. 64 § 1 c) – assortie de certaines obligations incombant
aux personnes intéressées. Elles doivent, dans un premier temps,
demander, avant leur départ, auprès de leur institution l’autorisation
d’aller chercher du travail sur le territoire d’un autre État membre.
Dans ce cas de figure, elles doivent être inscrites auprès de
l’institution compétente depuis 4 semaines. Munies du document
portable U2 « maintien des droits aux prestations de chômage »,
elles doivent, dans un second temps, s’inscrire auprès de l’institution

1028
compétente de l’État d’accueil qui leur fournit un formulaire U3
« changements de situation susceptible d’affecter vos droits
d’assurance chômage ». Par ailleurs, l’indéniable facteur de
simplification est le fait que le chômeur continue à recevoir ses
prestations par l’État de son dernier emploi (art. 64 § 1 d).

Extension de la période du versement des allocations


de chômage
La Cour de Luxembourg a eu l’occasion de se prononcer (CJUE, 21 mars
2008, Klein Schiphorst, aff. C-551/16) sur l’exportabilité des allocations de
chômage, en vertu de l’article 64 § 1, c du règlement 883/2004. En faisant une
interprétation de ce dernier, elle confirme la libre circulation des chômeurs qui ont
le droit, d’une part, de conserver leurs allocations pendant trois mois et, d’autre
part, de demander la prolongation du versement de ces allocations pour une
période allant jusqu’à six mois. Cependant, la Cour de Luxembourg a jugé que
l’autorité compétente n’a obligation de faire droit à cette dernière demande que
lorsque certaines conditions sont satisfaites. Faute de fixation des critères
encadrant la marge d’appréciation du régime d’assurance chômage, il appartient,
par conséquent, aux États membres d’adopter des mesures nationales en la
matière.

Sur ce point, il convient de souligner que, dans le cadre de discussions sur la


o
révision du règlement n 883/2004, la Commission européenne propose d’étendre
le droit à percevoir les allocations de chômage à l’étranger de 3 mois actuellement
à 6 mois, avec la possibilité laissée aux États membres d’étendre l’exportation des
prestations de chômage jusqu’à l’extinction des droits à prestation.

§4 La totalisation des droits et des périodes


d’affiliation

Consacré par l’article 48 TFUE, le mécanisme de totalisation vise à


« assurer aux personnes qui se déplacent à l’intérieur de la
Communauté ainsi qu’à leurs ayants-droits et leurs survivants le

1029
maintien des droits et des avantages acquis et en cours
o o
d’acquisition » (considérant n 13 du règlement n 883/2004).
L’article 48 TFUE prévoit, en particulier, que cette totalisation de
toutes les périodes d’affiliation concerne l’ouverture et le maintien du
droit aux prestations, ainsi que le calcul de celles-ci.

La totalisation supposant en principe l’addition des périodes


d’assurance, l’article 6 du règlement de 2004 stipule que l’institution
compétente devrait tenir compte, si nécessaire, « des périodes
d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence
accomplies sous la législation de tout État membre, comme il
s’agissait de périodes accomplies sous la législation qu’elle
applique », lorsque de tels événements déterminent « l’acquisition,
le maintien, la durée ou le recouvrement du droit aux prestations,
l’admission au bénéfice d’une législation, l’accès à l’assurance
obligatoire, facultative continuée ou volontaire, ou la dispense de
ladite assurance ».

Jurisprudence
La jurisprudence de la Cour de justice a maintes fois affirmé les fonctions de
la totalisation (CJCE, 5 juill. 1967, de Moor, aff. 2/67 ; CJCE 10 mars 1983,
er
Baccini, aff. 232/82 ; CJCE 1 oct. 2009, Leyman, aff. C-3/08). Par ailleurs, cette
dernière est essentiellement sollicitée à propos de prestations à long terme
(maladie-maternité ; invalidité ; vieillesse et décès), mais elle peut également jouer
pour les prestations de chômage, ainsi que les prestations et allocations familiales.
En revanche, le mécanisme ne s’applique pas en matière d’accident de travail
et de maladie professionnelle.

D’un autre côté, l’application du principe de totalisation implique en


réalité le recours à une technique complémentaire : la proratisation.

1030
En effet, le mécanisme mis en place par le Traité et le règlement ne
cherche ni à désavantager ni même à avantager l’assuré qui se
déplace à l’intérieur de l’Union européenne. À cet égard, il s’est
avéré nécessaire d’instaurer un système de liquidation des
prestations qui permet notamment de répartir prorata temporis la
charge financière des prestations entre les différents régimes
auxquels l’intéressé aura été successivement soumis.
Concrètement, on ne proratise une pension qu’à condition d’avoir au
préalable totalisé (ce qui implique une demande de liquidation
auprès des institutions de tous les États membres concernés) les
périodes d’assurance accomplies sous diverses législations. Aucune
proratisation n’intervient si le droit naît du jeu d’une législation
unique. Ainsi, le bénéficiaire ne perçoit en pratique de la part de
chaque institution compétente qu’une part de la prestation à laquelle
il peut prétendre, part proportionnelle à la période effectivement
accomplie sous son empire. Il convient, pourtant, de souligner que la
proratisation ne concerne que les prestations à long terme, c’est-à-
dire les pensions (vieillesse, invalidité, décès). Pour les autres
(maladie, maternité, chômage), la totalisation des périodes permet
simplement de faire bénéficier le migrant et sa famille de prestations
servies par le régime de sécurité sociale auquel il est soumis au
moment où il les perçoit, sans qu’il soit nécessaire d’en tenir compte
au stade de la liquidation desdites prestations.

Enfin, la totalisation des prestations de vieillesse, d’invalidité et de


survivant est assortie du principe de non-cumul des prestations
(art. 10) principe consacré dans l’objectif d’établir un équilibre entre
assurés sédentaires et assurés migrants, générant ainsi une forme
de discrimination à rebours.

1031
Jurisprudence
La Cour de justice avait très tôt retenu qu’une même période ne peut pas
servir deux fois au calcul du montant des prestations (CJCE, 15 juill. 1967,
Ciechelski, aff. 1/67). Le non-cumul s’applique aux prestations de même nature se
rapportant à une même période d’assurance obligatoire. Il s’agit, en particulier, de
prestations dont l’objet, la finalité, la base de calcul ainsi que les conditions d’octroi
sont identiques. La jurisprudence de la Cour est très riche en la matière.

§5 Collaboration des institutions de sécurité sociale

Un mécanisme aussi complexe que la coordination internationale


des systèmes de sécurité sociale ne peut fonctionner efficacement
sans collaboration étroite des organismes nationaux de sécurité
sociale. Seule cette collaboration peut permettre de réaliser la
coordination et d’assurer, corrélativement, la protection sociale du
migrant en mobilité internationale.

I. Les organes européens de liaison

L’article 71 prévoit l’instauration d’une commission administrative


auprès de la Commission européenne, composée d’un représentant
gouvernemental de chaque État membre, qui peut être assisté de
conseillers techniques. Ses missions sont multiples (art. 72) :
administrer et interpréter le règlement et ses textes d’application ;
promouvoir l’échange d’informations (notamment les échanges
électroniques) et la collaboration entre les États membres et leurs
institutions de sécurité sociale ; faire toute proposition à la
Commission en matière de coordination des régimes de la sécurité
sociale, en vue surtout d’améliorer et de moderniser l’acquis
communautaire ; établir les éléments à prendre en considération

1032
pour la définition des comptes financiers entre les institutions et
arrêter les comptes annuels entre celles-ci.

Jurisprudence
Cependant, malgré sa mission d’interprétation, la Commission administrative
ne peut pas se substituer à la Cour de justice, de sorte que les juridictions
nationales ne peuvent pas la saisir d’un recours préjudiciel d’interprétation (Cass.
e er
civ. 2 , 1 déc. 1965, Torrekens). Ces décisions ont seulement valeur d’avis
(CJCE, 5 déc. 1967, Van Der Vecht, aff. 19/67). Elles ne lient, par conséquent, ni
les juridictions nationales ni la Cour de justice ni les institutions chargées
d’appliquer le droit de l’Union dans ce domaine (CJCE, 14 mai 1981, Romano, aff.
98/80).

De plus, une commission technique pour le traitement de


l’information est instituée en son sein (art. 73), ainsi qu’une
commission des comptes (art. 74). Cette dernière vérifie la méthode
de détermination et de calcul des coûts moyens annuels présentés
par les États membres, réunit les données nécessaires et procède
aux calculs requis pour l’établissement des créances revenant à
chacun. Elle a un droit de proposition.

Enfin, un comité consultatif pour la collaboration des systèmes de


sécurité sociale, chargé de réfléchir au fonctionnement du
mécanisme, associe les représentants gouvernementaux ainsi que
les organisations patronales et salariales (art. 75).

II. Les institutions nationales

Parallèlement au travail des organismes européens de liaison, la


mise en œuvre efficace du système de coordination des régimes de

1033
la sécurité sociale nécessite, d’une part, la coopération des autorités
et institutions compétentes des États membres et, d’autre part,
l’intervention des organismes nationaux de liaison de chaque État
(art. 76 à 86).

Les institutions compétentes des différents pays – énumérées dans


les annexes du règlement – ont une obligation mutuelle de
coopération loyale (CJCE, 12 mars 1987, Rindone, aff. C-22/86 ;
CJCE, 3 juin 1992, Paletta, aff. C-45/90 ; CJUE, 14 mars 2019,
Vester, aff. C-134/18). L’entraide administrative se manifeste, en
particulier, par la représentation mutuelle (art. 76), le recouvrement
des cotisations (art. 84) et le versement des prestations. Dans ce
registre, les autorités administratives et judiciaires d’un État membre
sont tenues de respecter les certificats et les actes analogues émis
par les institutions compétentes présumés réguliers, jusqu’à la
preuve du contraire, c’est-à-dire lorsque leur exactitude est
sérieusement contestée par des indices concrets (CJCE, 2 déc.
1997, Eftalia Dafeki, aff. C-336/94 ; CJCE, 10 févr. 2000, Fitzwilliam
Executive Search, aff. C-202/97 ; CJUE, 9 sept. 2015, X, aff. C-
72/14).

Par ailleurs, les institutions compétentes des États membres ont le


droit de designer des organismes (nationaux) de liaison, habilités à
communiquer directement entre eux.

POUR ALLER PLUS LOIN…


– F. KESSLER, « Les nouvelles règles de la détermination de la
législation applicable », RDSS 2010, dossier spécial Le nouveau
droit communautaire de la sécurité sociale, p. 14.

1034
– S. NERI, « Le cumul de prestations de sécurité sociale en droit
communautaire », RTD eur. 1988, p. 573

1035
o
Fiche n 78 Le domaine de la coordination
des systèmes de sécurité sociale

L’ESSENTIEL

La détermination du champ d’application matériel du Règlement


o
n 883/2004 du 29 avril 2004 est essentielle. L’intérêt est le suivant :
les prestations saisies par le règlement de coordination sont
soumises à un régime spécifique (ex. : levée des clauses de
résidence, interdiction du versement de doubles cotisations sociales,
unicité de la loi applicable, exportabilité, égalité de traitement, etc.),
ce qui facilite le maintien des droits acquis ou en cours d’acquisition
malgré la mobilité professionnelle sur le territoire des différents États
membres.

LES CONNAISSANCES
o
L’article 3 du Règlement n 883/2004 procède à la délimitation du
champ d’application matériel de la coordination qui comporte un
versant positif et un versant négatif : un certain nombre de
prestations entrent expressément dans le cadre de la coordination
(§ 1). D’autres sont expressément exclues (§ 2).

1036
§1 Prestations couvertes : les prestations de sécurité
sociale

I. Prestations rattachées à l’un des risques sociaux


o
énumérés par le règlement n 883/2004
o
Conformément au § 1 de l’article 3 du règlement n 883/2004, la
coordination a vocation à s’appliquer à « toutes les législations
relatives aux branches de sécurité sociale », dont il fournit une liste
exhaustive. Sont ainsi couvertes toutes les prestations liées à la
réalisation d’un risque social et envisageant sa réparation : a) les
prestations de maladie ; b) les prestations de maternité et de
paternité assimilées ; c) les prestations d’invalidité ; d) les
prestations de vieillesse ; e) les prestations de survivant ; f) les
prestations en cas d’accidents de travail et de maladies
professionnelles ; g) les allocations de décès ; h) les prestations de
chômage ; i) les prestations de préretraite et, enfin, j) les prestations
familiales.
Pour la qualification juridique de chacune de ces prestations, une
lecture combinée s’impose des articles 3 et 1 du règlement. Le
règlement prévoit dans ce dernier quelques définitions générales
applicables à l’ensemble des dispositions. Par exemple, la notion de
prestations familiales « désigne toutes les prestations en nature ou
en espèces destinées à compenser les charges de famille, à
l’exclusion des avances sur pensions alimentaires et des allocations
spéciales de naissance ou d’adoption visées à l’annexe I » du
er
règlement (art. 1 , z). Concrètement, pour la France, sont visées les
prestations générales d’entretien (allocations familiales, allocation de
soutien familial…), les prestations liées à la naissance et l’accueil de
la petite enfance (PAJE, PreParE…), ainsi que les prestations à
affection spéciale (allocation de rentrée scolaire, allocation

1037
journalière de présence parentale…). Le raisonnement est identique
er
pour les prestations en nature (art. 1 , v bis), les prestations de
er er
préretraite (art. 1 , x), et les allocations décès (art. 1 , y).

Le règlement comporte de dispositions spécifiques relatives aux


règles de priorité en cas de cumul des différentes prestations :
er
prestations de maladie, de maternité et de paternité (art. 1 et s.) ;
prestations d’accidents de travail et de maladies professionnelles
(art. 36 et s.) ; allocations de décès (art. 42 et 43) ; prestations
d’invalidité (art. 44 et s.) ; prestations de vieillesse et de survivant
(art. 50 et s.) ; prestations de chômage (art. 61 et s.) ; préretraites
(art. 66) ; prestations familiales (art. 67 et s.).

II. Prestations issues des régimes de sécurité sociale

Le § 2 de l’article 3 précise également que la coordination vaut pour


« les régimes de la sécurité sociale généraux et spéciaux, soumis ou
non à cotisations ». Par combinaison du § 1 (toutes les législations
relatives aux branches de sécurité sociale…) et du § 3, sont par
principe, concernées les prestations prévues par les régimes
légaux. Mais, la définition donnée par le règlement à la notion de
er
« législation » se caractérise par son contenu large (art. 1 , point l),
englobant tous les types de mesure législative, réglementaire et
administrative adoptés par les États membres et qui visent
l’ensemble des mesures nationales applicables en la matière (CJCE,
31 mars 1977, Bozzone, aff. 87/76 ; CJCE, 11 juil. 1980,
Commission c./ Belgique, aff. 150/79).

Les prestations de sécurité sociale sont issues, non seulement de


régimes légaux (Régime général, régime social agricole, les régimes

1038
spéciaux – IRCANTEC, CRPNPAC, SNCF, CNMSS, CROP etc.),
mais aussi de régimes volontaires de sécurité sociale ouverts aux
personnes qui exercent leur activité professionnelle dans les États
tiers (à propos de la Caisse des Français de l’Étranger, CJCE, 9 juill.
1987, Laborero et Sabato, aff. Jointes 82/86 et 103/86/86) ; à
condition, dans ce dernier cas de figure, bien entendu que l’assuré
social soit rattaché à un régime de sécurité sociale d’un État
membre, peu importe que les périodes d’assurance, dans le cadre
de ce régime, aient été accomplies dans les États tiers (CJCE,
23 oct. 1986, Van Roosmalen, aff. 300/84).
Par exception, les États disposent de la faculté d’écarter du champ
d’application du règlement européen les régimes de sécurité sociale
de manière ponctuelle. Pour ce faire, le régime en question doit
o
figurer dans l’annexe XI, arrêtée par le règlement n 988/2009,
o
adopté le même jour que le règlement d’application n 987/2009.

Sont, en revanche, exclues du champ de la coordination les


prestations issues des régimes privés gérés par des institutions
autres que les autorités publiques et qui jouissent d’une certaine
autonomie par rapport à celles-ci, ainsi que les prestations issues
des régimes conventionnels. Cependant, le règlement peut
s’appliquer à ces derniers à condition que l’État membre ait fait une
déclaration (art. 9) en ce sens. C’est le cas pour les régimes
obligatoires complémentaires de retraite AGIRC et ARRCO qui sont
dans la coordination depuis 2000 (Notification par le gouvernement
français, JO C 215 du 28 juil. 1999, p. 1), Or, ce n’est pas le cas
pour le régime de retraite complémentaire des ouvriers mineurs, car
ce régime repose sur une convention conclue entre partenaires
sociaux et n’a pas fait l’objet de déclaration (CJCE, 15 juin 2000,
Sehrer, aff. C-302/98).

1039
III. Approche extensive de la « prestation de sécurité
sociale » – Les prestations sociales en espèces à caractère
non-contributif

La Cour de justice a progressivement retenu une approche


extensive de la notion de « prestation de sécurité sociale », afin
d’inclure dans le champ matériel de la coordination des prestations
allant au-delà des conceptions des législations nationales. À cet
égard, elle a, à plusieurs reprises, retenu que la distinction entre
prestations exclues du champ d’application et prestations qui en
relèvent repose essentiellement sur les éléments constitutifs de
chaque prestation, notamment ses finalités et ses conditions
d’octroi, et non sur le fait qu’une prestation est qualifiée ou non par
une législation de prestation de sécurité sociale. C’est le cas des
prestations octroyées aux bénéficiaires en dehors de toute
appréciation individuelle et discrétionnaire de leurs besoins
personnels, mais sur la base d’une situation légalement définie
(CJCE, 16 juill. 1992, Hugues, aff. C-78/91 ; CJCE, 10 mars 1993,
Commission c./Luxembourg, aff. C-111/91 ; CJUE, 26 févr. 2015, de
Ruyter, aff. C-623/13 ; CJUE, 14 mars 2019, Dreyer, aff. C-372/18).

1040
Jurisprudence
La jurisprudence de la Cour est abondante en la matière. Relèvent,
notamment, de ce règlement : les prestations préventives de maladie susceptibles
d’être rattachées à la branche maladie (CJCE, 16 nov. 1972, Heinze, op. cit) ; les
aides à la formation professionnelle – rattachées à la branche chômage – au profit
des travailleurs dont l’emploi se trouve menacé (CJCE, 4 juin 1987, Campana, aff.
375/85) ; les allocations accordant un revenu aux chômeurs ou aux travailleurs
atteints d’une incapacité de travail partielle (CJCE, 2 août 1993, Acciardi, aff. C-
66/92) ; les allocations de congé parental rattachées aux prestations familiales
(CJUE, 19 sept. 2013, Hliddal, aff. C-216/12 et C-217/12) ; les allocations
destinées à aider socialement les travailleurs ayant charge de famille en faisant
participer la collectivité à ces charges (CJCE, 15 mars 2001, Offersmans, aff. C-
85/99) ; les allocations d’éducation qui visent à permettre à l’un des parents de se
consacrer à l’éducation d’un jeune enfant (CJCE, 10 oct. 1996, Hoever et Zachow,
aff. C-245/94) ; les « allocations subsidiaires de chômage » et les « allocations
sociales » destinées à la subsistance du parent temporairement en chômage et de
ses enfants (CJUE, 6 oct. 2020, aff. C-181/19) ; les allocations pour les travailleurs
ayant été exposés à l’amiante (CJCE, 9 nov. 2006, Nemec, aff. C-205/05) : les
rentes d’orphelin – rattachées aux prestations de survivant – dont l’orphelin est le
bénéficiaire direct et exclusif (CJCE, 16 mars 1979, Laumann, aff. 115/77) ; même
les allocations versées à des personnes atteintes d’une infirmité physique
affectant leur capacité de déplacement, qui sont assimilées à une prestation
d’invalidité au sens du règlement (CJCE, 20 juin 1991, Stanton-Newton, aff. C-
356/89) ou même l’allocation personnalisée d’autonomie et de prestation
compensatoire du handicap françaises (CJUE, 14 mars 2019, Dreyer, aff. C-
372/18).

Prestations spéciales à caractère non-contributif


L’approche extensive du champ matériel de la coordination retenue
par la Cour de justice a eu comme conséquence d’y inclure
expressément certaines prestations spéciales à caractère non
contributif (art. 3 § 3 et art. 70), c’est-à-dire ne faisant pas l’objet de
cotisations. Il s’agit de prestations qui sont à la frontière entre la
logique de la sécurité sociale et celle de l’assistance sociale. La

1041
Cour avait opté pour une troisième catégorie intermédiaire de
prestations, à savoir les « prestations non contributives de type
mixte », en identifiant deux critères à prendre en considération pour
déterminer leur existence (CJCE, 21 janv. 1987, Giletti, aff. jtes
379/85, 380/85, 381/85 et 93/86) : leur finalité (qui suppose un
rattachement aux risques de la sécurité sociale) et leurs conditions
d’octroi (indifférentes aux ressources du demandeur). Par
conséquent, lorsqu’un risque ne figure pas dans l’article 3 § 1, la
prestation est écartée même s’il confère aux bénéficiaires une
position légalement définie donnant droit à une prestation (CJCE,
18 mai 1995, Rheinhold & Malha, aff. C-327/92 ; CJCE 5 mai 1977,
Jansen, aff. 104/76). Dans ce prolongement, une prestation ne se
rapportant à aucune de ces branches est aussi exclue du champ
d’application (CJCE, 27 mars 1985, Hoeckx, aff. 249/83 ; CJCE
27 mars 1985, Scrivner, aff. 122/84). Tel était pendant longtemps le
o
cas pour le risque « dépendance », consacré désormais par la loi n
2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie
(désormais, le régime général de la Sécurité sociale comprend cinq
e
branches, la 5 étant dédiée à l’autonomie et gérée par la Caisse
nationale de solidarité pour l’autonomie). Tel fut aussi le cas pour le
Revenu minimum d’insertion. Tel est le cas, corrélativement, pour le
Revenu de solidarité active (RSA).

Désormais, l’article 70 § 2 pose trois conditions pour que ces


prestations soient intégrées dans le champ de la coordination :
– Finalité
Elles sont destinées : a) soit à couvrir à titre complémentaire,
subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux
branches de la sécurité sociale énumérées dans l’article 3 § 1 et, à
garantir aux intéressés un revenu minimal de subsistance eu égard

1042
à l’environnement économique et social dans l’État membre
concerné ; b) soit uniquement à assurer la protection spécifique des
personnes handicapées étroitement liées à l’environnement social
de ces personnes dans l’État membre concerné.

– Conditions d’octroi (art. 70 § 2 b)


Elles sont financées exclusivement par des contributions fiscales
obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales
et dont les conditions d’attribution et modalités de calcul ne sont pas
fonction d’une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs
bénéficiaires. Les prestations versées à titre de complément d’une
prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce
seul motif, comme des prestations contributives.

– Annexe X
Elles sont énumérées dans l’annexe X arrêté par le règlement
o
n 987/2009. Pour la France il s’agit des allocations supplémentaires
octroyées par le Fonds spécial d’invalidité et du Fonds de solidarité
vieillesse ; de l’allocation pour adultes handicapées ; de l’allocation
spéciale par rapport aux droits acquis et de l’allocation de solidarité
pour personnes âgées.

Les prestations spéciales à caractère non contributif sont octroyées


exclusivement dans l’État membre de résidence de l’intéressé et
conformément à sa législation. Elles ne sont pas exportables.

§2 Prestations exclues

I. Prestations d’assistance sociale

1043
Le § 5 de l’article 3 du règlement exclut du champ matériel de la
coordination « l’assistance sociale et médicale » (auparavant, CJCE,
11 juill. 1996, Otte, aff. C-25/95). Aucune définition n’est donnée par
le règlement pour faire le partage entre ce qui relève de la sécurité
sociale, d’une part, et de l’assistance sociale et médicale, d’autre
part. Cela étant, plusieurs critères ont été progressivement dégagés
en jurisprudence par la Cour de justice.

Dans un arrêt Biason (CJCE, 9 oct. 1974, aff. 24/74), elle les a
précisés négativement en énonçant que « si une législation, qui
s’apparente simultanément au régime de sécurité sociale et à
l’assistance sociale, a abandonné l’appréciation individuelle des
besoins, caractéristique de l’assistance et confère aux bénéficiaires
une position légalement définie, elle relève du régime de la sécurité
sociale au sens des règlements communautaires ».
Deux enseignements peuvent être tirés de cette jurisprudence :
premièrement, relèvent de l’assistance sociale et médicale les
prestations pour lesquelles est mise en œuvre une « appréciation
individuelle des besoins ». Autrement dit, l’attribution se fait au cas
par cas. Deuxièmement, les bénéficiaires des prestations ne
répondent pas à « une position légalement définie », c’est-à-dire
qu’il n’y a pas de référence à des conditions établies par des
dispositions légales et/ou réglementaires. À cet égard, relèvent de
l’aide sociale les prestations destinées à assurer un minimum vital et
qui ne se rattachent à aucun risque social énuméré dans l’article 3
§ 1 ou même une prestation accordée aux personnes gravement
handicapées (CJUE, 16 sept. 2015, Commission c./Slovaquie, aff.
C-433/13) ainsi qu’une prime de Noël (CJUE, 16 sept. 2015,
Commission c./Slovaquie, aff. C-361/13).

II. Prestations issues des fonds de garantie par l’État

1044
Le paragraphe 5 de l’article 3 du règlement de 2004 exclut également les
« prestations octroyées dans le cas où un État membre assume la responsabilité
de dommages causés à des personnes et prévoit une indemnisation, telles que les
prestations en faveur des victimes de la guerre et d’actions militaires ou de leurs
conséquences, des victimes d’un délit, d’un meurtre ou d’attentats terroristes, des
personnes ayant subi un préjudice occasionné par les agents de l’État membre
dans l’exercice de leurs fonctions ou des personnes ayant subi une discrimination
pour des motifs politiques ou religieux ou en raison de leurs origines ».

Concrètement, sont visés : les indemnisations versées par les


différents fonds de garanties, à l’instar des Fonds de garantie des
assurances obligatoires de dommages (FGATO), des Fonds de
garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions
(FGTI) ; les dommages et intérêts servis par la commission
d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) ou même les
prestations servies en faveur des victimes de guerre (CE, 8 juill.
o
2005, n 253728 ; CJCE 31 mars 1977, Fossi, aff. 79/76 ; CJCE,
31 mai 1979, Even, aff. 207/78), etc.

III. La protection sociale complémentaire et professionnelle


o
Le champ d’application matériel du règlement n 883/2004 n’inclut
pas les régimes complémentaires de retraite d’origine
professionnelle. Cela s’explique essentiellement par la diversité des
dispositifs de retraite professionnelle et leur inégal développement
d’un pays à l’autre. En France, outre les régimes complémentaires
obligatoires AGGIRC et ARRCO, deux catégories de régimes
complémentaires d’origine professionnelle existent destinés aux
travailleurs salariés : l’épargne retraite en entreprise (contrats PER
entreprise / Plan d’épargne pour la retraite collectif : PERCO) et

1045
l’épargne retraite individuelle (plan d’épargne retraite populaire :
PERP).
Mais, la mobilité des travailleurs n’est pas neutre sur leurs droits à
pension de retraite professionnelle et cela soulève plusieurs
questions quant aux conditions d’acquisition des droits, au sort des
droits acquis ou des droits futurs, ainsi qu’à leur fiscalité. Une
première réponse a été apportée par la directive 98/49 du 29 juin
1998 relative à la « sauvegarde des droits à pension
complémentaire des travailleurs salariés et non-salariés qui se
déplacent à l’intérieur de la Communauté ». Elle a mis en place
certaines mesures concernant le maintien des droits, les paiements
transfrontaliers, la situation des travailleurs détachés et l’information
des affiliés. Par la suite, un deuxième texte législatif a été adopté en
o
2014 (directive n 2014/50, couramment appelée « directive
portabilité ») pour les « prescriptions minimales visant à accroître la
mobilité des travailleurs entre les États membres en améliorant
l’acquisition et la préservation des droits à pension
complémentaire ». Cette directive devrait être transposée aux États
membres d’ici 21 mai 2018.

o
Ordonnance n 2019-697 du 3 juillet 2019

o
L’ordonnance transpose en droit français la Directive n 2014/50 relative aux
prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs dans l’Union
européenne en améliorant l’acquisition et la préservation des droits à retraite.

1046
1047
POUR ALLER PLUS LOIN…
– S. LAULOM, « Mobilité du travailleur et retraite complémentaire »,
o
SSL suppl. 26 mars 2012, n 1531, p. 55
– J.-Ph. LHERNOULD, « Les avantages sociaux en droit
communautaire », Dr. soc., 1997, p. 388
– J.-Ph. LHERNOULD, « L’accès aux prestations sociales des
citoyens de l’Union européenne », Dr. soc., 2001, p. 1103
– H. VERSCHUEREN, Les prestations sociales à caractère non
contributif et le règlement communautaire 1408/71, Dr. soc., 1995,
p. 921

1048
TITRE 4
Les conflits des lois et des juridictions
dans le cadre du contrat de travail
international

o
Fiche n 79 La loi applicable au contrat de travail
o
international Fiche n 80 La compétence juridictionnelle
en matière de contrat de travail international

1049
o
Fiche n 79 La loi applicable au contrat
de travail international

L’ESSENTIEL

Pour résoudre le problème de conflit de lois dans le cadre des


situations de mobilité professionnelle autres que celles du
o
détachement intra-européen (V. Fiche n 71), il convient de se
reporter à une convention internationale non spécifique au contrat de
travail (Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux
obligations contractuelles), devenue récemment un règlement dit
o
Règlement « Rome I » (Règl. n 593/2008, 17 juin 2008). Afin de
savoir quel est le texte applicable temporellement, il convient de se
reporter à la date de la conclusion du contrat de travail. Dans
tous les cas, l’applicabilité de ces textes nécessite la réunion de
er
deux conditions (Conv. Rome, 19 juin 1980, art. 1 ; Règl.
o er
n 593/2008, 17 juin 2008, art. 1 ) : la première concerne
l’existence d’un conflit de lois, caractérisé lorsqu’une relation de
travail est rattachée à deux ou plusieurs ordres juridiques différents.
La seconde concerne la présence d’une obligation contractuelle.

1050
er
La Convention de Rome est entrée en vigueur en France le 1 avril
1991 (Conv. Rome, 19 juin 1980, art. 17). Dès lors, seuls les contrats conclus
après cette date sont concernés par la Convention de Rome (Cass. soc., 31 janv.
o
2007, n 05-44.203). De la même façon, le règlement Rome I s’applique à tous les
contrats de travail conclus après le 17 décembre 2009 dans tous les États
o
membres à l’exception du Danemark et du Royaume-Uni (Régl. n 593/2008,
17 juin 2008, considérants 45 et 46). Ces deux derniers relèvent toujours de la
Convention de Rome dans leur relation avec les autres États membres de l’Union.
Cependant, un contrat de travail né avant le 17 décembre 2009 relève du champ
d’application du Règlement Rome I, dans la mesure où cette relation a subi, par
l’effet d’un consentement mutuel des parties contractantes qui s’est manifesté à
compter de cette date, une modification d’une ampleur telle qu’il doit être
considéré qu’un nouveau contrat de travail a été conclu à partir de ladite date, ce
qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer (CJUE, 18 oct. 2016,
Nikiforidis, aff. C-135/15).

LES CONNAISSANCES

Les textes internationaux mentionnés ci-dessus trouvent application


en cas d’existence d’un contrat de travail international. Plusieurs
cas sont envisageables : i) les deux parties ont la nationalité de l’un
des États membres ; ii) le travail est exécuté à l’intérieur de l’UE
même si les parties sont de ressortissants d’États tiers et iii) le
contrat est exécuté hors du territoire de l’Union mais l’une des
parties est ressortissant d’un État membre. L’objet de la partie IV de
cet ouvrage est d’étudier uniquement les contrats de travail
internationaux exécutés dans l’espace de l’Union à la fois par
de citoyens européens et par de ressortissants des pays tiers.
o
À cet égard, la Convention de Rome et le règlement n 593/2008

1051
déterminent l’application de certains critères de rattachement (§ 1),
susceptibles, pourtant, de trouver de limites (§ 2).

§1 La détermination de la loi applicable : le principe

I. Le choix de la loi par les parties

Le contrat de travail est avant tout un contrat, c’est-à-dire un acte


juridique régi par le principe de la liberté contractuelle. Seront donc
applicables les mêmes règles de résolution des conflits de lois que
pour un contrat classique. Ces règles accordent une place
primordiale à l’autonomie de volonté des parties. Autrement dit, le
contrat sera régi par la loi choisie par les parties (rattachement
subjectif). Deux hypothèses sont envisagées par la Convention de
Rome et le Règlement Rome I : celle où les parties ont désigné la loi
applicable à leur relation de travail et celle à défaut de choix des
parties. Il convient, sur ce point, de souligner que les « lois » au sens
desdits textes émanent d’un système juridique d’origine étatique. Est
ainsi exclue de la notion de « loi », selon l’intention de leurs
rédacteurs et la lecture qui en est faite par les institutions de l’Union,
une convention internationale et, partant, le droit dérivé d’une
convention, tel le statut ou le règlement du personnel d’une
o
organisation internationale (Cass. soc., 13 janv. 2021, n 19-17.157).

A Le choix de la loi applicable exprès


En théorie, le choix de la loi est clairement indiqué dans le contrat de
travail international ou dans une convention annexée au contrat. Ce
choix peut avoir lieu soit à l’occasion de la conclusion du contrat de
travail soit en cours d’exécution par un avenant au contrat (Règl.
o o
n 593/2008, 17 juin 2008, art. 3 ; Cass. soc., 21 janv. 2015, n 12-

1052
28.212). Lorsque les parties choisissent une loi, c’est le système
juridique propre à un État dans sa globalité qui est ainsi désigné, à
savoir les normes étatiques (constitutionnelles, législatives et
réglementaires), les normes internationales auxquelles a adhéré
l’État en question, ainsi que les normes conventionnelles (Cass.
re o
1 civ., 5 nov. 1991, Bull. civ. 1991, I, n 293). Dans l’absolu, le choix
peut porter sur n’importe quelle loi, que la loi ait un lien ou non avec
le contrat.

Exemple : L’employeur basé en France qui envoie un salarié en


Belgique se posera vraisemblablement la question du choix entre la
loi française et la loi belge, même si, dans l’absolu, toute autre loi
pourrait être « éligible ».

o
Aux termes de l’article 3 du règlement n 593/2008, les parties
peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie
seulement de leur contrat, selon la pratique dite du « dépeçage du
contrat ». À titre d’exemple, une clause d’indexation du salaire peut
être soumise à une loi différente de celle régissant le reste du
contrat. Même chose pour les règles de décompte des heures
supplémentaires.

B Le choix de la loi applicable tacite


Le choix tacite résulte de l’interprétation « de façon certaine » des
dispositions du contrat de travail ou des circonstances de la cause
o
(Règl. n 593/2008, art. 3 ; V. également : Cass. soc. 19 janv. 2017,
o
n 15-20.095). Pour constater la présence d’un choix certain, les
juges retiendront plusieurs indices pouvant se manifester au stade
de la conclusion, de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail.

1053
Jurisprudence
À titre d’illustration, dans un arrêt du 28 juin 1997 (Cass. soc., 28 oct. 1997,
o
n 94-42.340), il a été jugé que la loi tacitement choisie par les parties était la loi
française dans la mesure où le contrat a été conclu en France entre une société
française et un ressortissant français, que ce contrat a pris effet en France avant
le départ du salarié pour le Pakistan et que la rémunération étant stipulée en
francs français. Dans une autre décision du 29 novembre 2000 (Cass. soc.,
o
29 nov. 2000, n 98-41.724), il a été jugé que les parties avaient choisi de façon
certaine et implicite la loi française car le salarié de nationalité française a été
embauché par une entreprise située en France – qui est la société-mère d’un
groupe de sociétés – afin d’exécuter sa prestation de travail au sein d’une filiale du
groupe en Espagne.

II. L’absence de choix de la loi par les parties

En l’absence de choix (exprès ou tacite), les dispositions de la


Convention et du Règlement, selon le cas, prévoient trois types de
rattachements objectifs spécifiques au contrat de travail, dans la
mesure où ils sont supplétifs à la volonté des parties : la loi du lieu
d’exécution habituelle du contrat ; la loi du lieu d’embauche et la loi
du pays qui présente des liens plus étroits avec la relation de travail.

A Loi du lieu d’exécution habituel du travail (Règl.


o
n 593/2008, art. 8 § 2 ; art. 6.2, Conv. Rome, art. 6.2)
Il s’agit du lieu à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat,
accomplit habituellement son travail. La nouvelle disposition du
règlement permet de prendre en compte notamment le personnel
naviguant des compagnies aériennes.

1054
Cas de mobilité temporaire : Le critère du pays dans lequel le
salarié accomplit habituellement son travail n’est pas réputé changer
lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans
o
un autre pays (Règl. n 593/2008, art. 8 § 2 ; V. également : Cass.
o
soc., 5 nov. 2014, n 13-18.510). Il s’agit de l’hypothèse où « le
travailleur est censé reprendre son travail dans le pays d’origine
après l’accomplissement de ses tâches à l’étranger. La conclusion
d’un nouveau contrat de travail avec l’employeur d’origine ou avec
un employeur appartenant au même groupe de sociétés que
l’employeur d’origine ne devrait pas empêcher de considérer que le
travailleur accomplit son travail dans un autre pays de façon
o
temporaire » (Règl. n 593/2008, considérant 36). Ce qui compte
c’est le caractère temporaire et non la durée du temporaire (Cass.
o
soc. 18 janv. 2011, n 09-43.190).

Le règlement Rome I apporte, sur ce point, une amélioration


rédactionnelle par rapport à la Convention de Rome (art. 6.2 a) qui
se référait au « détachement temporaire » en semant la confusion
avec le champ d’application de la directive 96/71 (V. Fiche 76).

o
B Loi du lieu d’embauche (Règl. n 593/2008, art. 8 § 3 ;
Conv. Rome, art. 6 § 2 b). Si la loi applicable ne peut
pas être déterminé avec le critère du pays de travail
habituel, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel
est situé l’établissement qui a embauché le travailleur.
Ce dernier est considéré comme celui qui a procédé
à l’embauche (CJUE, 15 déc. 2011, Jan Voogsgeerd,
aff. 384/10), peu importe l’établissement qui occupe
effectivement le salarié. C’est le cas, par exemple,
de salariés recrutés spécialement en France pour travailler
sur une plateforme pétrolière.

1055
o
C « Liens étroits » avec une autre loi (Règl. n 593/2008,
art. 8 § 4 ; Conv. Rome, art. 6 § 2 b).
S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente
des liens plus étroits avec un autre pays que celui où s’accomplit
habituellement le travail ou encore celui où été embauché le salarié,
c’est la loi de cet autre pays qui est applicable (CJUE, 12 sept. 2013,
Anton Schlecker, aff. C-64/12). Cependant, il n’est pas toujours facile
de définir la notion de « liens étroits », ce qui implique l’interprétation
de la commune intention des parties et l’appréciation par les juges
d’un faisceau d’indices, à l’instar de la nationalité des parties, de
l’affiliation du salarié à la sécurité sociale, du lieu de la conclusion du
contrat, du lieu du siège social de l’entreprise, du lieu de paiement
des impôts, des règles de détermination et de paiement du salaire,
de son affiliation à un régime complémentaire. Même moins
favorable, le critère de liens étroits s’impose aux juges et aux parties
malgré la possibilité d’identifier la loi du lieu d’exécution ou du lieu
o
d’embauche (V. notamment : Cass. soc. 23 mars 2005, n 03-
o
42.609 ; Cass. soc. 19 janv. 2011, n 06-66.797 ; Cass. soc. 28 janv.
o o
2015, n 13-14.315 ; Cass. soc. 3 mars 2015, n 13-24.194 ; Cass.
o
soc. 13 oct. 2016, n 15-16.872).

§2 La détermination de la loi applicable : les limites

I. Les dispositions impératives relatives

Le principe dans la détermination de la loi applicable au contrat de


travail international reste celui de l’autonomie de la volonté des
o
parties (Règl. n 593/2008, art. 3 et 8 § 1). Cependant, elle ne peut
toutefois pas avoir pour résultat de priver le salarié de la protection

1056
que lui assurent certaines dispositions de la loi qui doit
s’appliquer à défaut de choix des parties. Les dispositions
protectrices en question sont celles auxquelles il n’est pas possible
o
de déroger par accord (Règl. n 593/2008, art. 8 § 1). Autrement dit,
il s’agit de dispositions impératives de la « loi objectivement
applicable » (V. supra : lieu d’exécution habituel du travail ; lieu
d’embauche ; lieu des liens étroits) qui accordent un minimum de
protection dont le travailleur doit bénéficier, quelle que soit la loi
choisie par les parties. Elles peuvent être non seulement d’origine
légale, mais aussi d’origine conventionnelle (Cass. soc., 29 sept.
o
2010, n 09-68.851 à 09-68.854) ou même internationale (Cass.
o
soc., 26 mars 2013, n 11-25.580). À titre d’illustration, les
dispositions du droit français relatives à la durée de la période
d’essai, à la rupture du contrat de travail sont de dispositions
o
impératives de la loi française (Cass. soc. 12 nov. 2002, n 99-
o
45.821 ; Cass. soc. 26 mars 2013, n 11-25.580 ; Cass. soc. 28 oct.
o
2015, n 14-16.269). Dans le même esprit, sont de dispositions
impératives relatives celles en matière de salaire minimal (CJUE, 15
juillet 2021, DG c./SC Gruber Logistics SRL, aff. Jointes C-152/20 et
C-218/20). Il incombe au juge de déterminer le caractère plus
favorable d’une loi ou d’une convention collective, à partir d’une
appréciation globale des dispositions légales ou conventionnelles
ayant le même objet ou se rapportant à la même cause (Cass. soc.,
o
8 déc. 2021, n 20-11.738). On assiste pratiquement à une
application combinée des lois applicables : d’une part, les
dispositions impératives relatives pour une certaine question (salaire
minimal, période d’essai, entretien de licenciement etc.) et, d’autre
part, la loi choisie par les parties applicable au reste de la relation
contractuelle.

1057
Jurisprudence
Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, ces dispositions
impératives ne sont applicables que si elles sont plus favorables pour le salarié
o
que les règles de la loi choisie (Cass. soc. 9 juil. 2015, n 14-13.497 ; Cass. soc.
o
28 janv. 2015, n 13-14.315). La détermination du caractère plus favorable d’une
loi doit résulter d’une appréciation globale des dispositions de la loi d’autonomie et
de celle « objectivement applicable » ayant le même objet ou se rapportant à la
o
même cause (Cass. soc., 12 nov. 2002, n 99-45.821). Il appartient au salarié
d’invoquer le caractère plus favorable d’une disposition (Cass. soc. 19 janv. 2017,
o
n 15-20.095).

II. Les dispositions impératives absolues : les « lois


de police »

Une deuxième limite à la loi d’autonomie des parties tient à


l’application des lois de police du for, c’est-à-dire les lois du pays
du juge en cas de litige. Issues du système juridique du juge saisi,
ces lois s’appliquent immédiatement au contrat de travail
international peu importe qu’elles soient plus protectrices ou
non, plus favorables ou non, pour le salarié. Ainsi, par opposition
aux dispositions impératives plus favorables qui constituent une
limite relative au principe du libre choix de la loi applicable, les lois
de police en constituent une limite absolue.

Il s’agit, en particulier, de dispositions impératives dont le respect est


jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics
tels son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en
o
exiger l’application à toute situation (Règl. n 593/2008, art. 9 § 1 ;
Conv. Rome, art. 7).

1058
Relèvent de la catégorie des lois de police les règles relatives à la
représentation des salariés et à la défense de leurs droits et intérêts
o
(Cass. soc., 3 mars 1988, n 86-60.507), les règles sur le
o
détachement des travailleurs (Cass. soc. 30 mars 2011, n 09-
70.306), les infractions pénales prévues par le Code du travail, les
règles d’hygiène et de sécurité, les règles fixant les missions de
l’inspection du travail, ou encore les règles fixant le régime d’emploi
des travailleurs étrangers.

1059
POUR ALLER PLUS LOIN…
– S. CORNELOUP, N. JOUBERT (dir.), « Le règlement
communautaire “Rome I” et le choix dans les contrats
internationaux », Paris, LexisNexis, Coll. CREDIMI, 2011, p. 341
– O. LANGLET, « Le contrat de travail international », Kluwer, Coll.,
Études pratiques de droit social, 2005, p. 205
– N. NORD, « La mobilité du travail : approches de droit international
privé », RDT 2012, p. 383
– N. NORD, « La nécessaire refonte du système de conflit de lois en
matière de contrat de travail international », RCDIP 2016, p. 309
– S. ROBIN-OLIVIER, « La mobilité internationale du salarié », Dr.
soc. 2011, p. 897
– P. RODIÈRE, « Coordination des droits nationaux, loi applicable,
compétence juridictionnelle », RTDE 2003, p. 529

1060
o
Fiche n 80 La compétence
juridictionnelle en matière de contrat
de travail international

L’ESSENTIEL

Dans l’ordre interne de chaque pays, les règles relatives à la


compétence territoriale déterminent la juridiction compétente en cas
de litige né à l’occasion des relations individuelles de travail. Mais,
les contentieux relatifs à la conclusion, à l’exécution ou à la rupture
du contrat de travail international relèvent de règles de compétence
judiciaire déterminées par des instruments juridiques internationaux.
Ces règles sont d’ordre public, excluant l’application des règles du
droit national (CJCE, 19 janv. 1993, aff. C-89/91 ; Cass. mixte, 11
o o
mars 2005, n 02-41.371 ; Cass. soc., 18 nov. 2020, n 19-17.794).
La compétence législative permet ensuite, à la juridiction
compétente, de déterminer indépendamment la loi applicable pour
résoudre la question litigieuse. À l’heure actuelle, trois conventions
européennes coexistent : d’abord, les règlements Bruxelles I (Règl.
o o
n 44/2001, 22 déc. 2000) et I bis (Règl. n 1215/2012, 12 déc.
2012) relatifs à la compétence judiciaire, la reconnaissance et
l’exécution des décisions entre les États membres. Ensuite, la

1061
Convention de Lugano du 16 septembre 1988 (révisée le 30 octobre
2007) destinée à étendre les principes du Règlement de Bruxelles I
en matière de compétence juridictionnelle à l’Islande, la Norvège et
la Suisse.

LES CONNAISSANCES

Après une présentation des modalités d’application des conventions


européennes (§ 1), une étude des règles de compétences est
nécessaire. Le règlement Bruxelles I bis établit en principe des
règles strictes sur les conflits de juridictions (§ 2) et ne laisse qu’une
autonomie restreinte aux parties pour les écarter et choisir une
juridiction pour régler un litige de travail (§ 3).

§1 Les modalités d’application des conventions


européennes
Application temporelle et territoriale : comme en matière de
conflit de lois, les textes portant sur la compétence des litiges à
caractère international intra-européen se succèdent dans le temps,
exprimant des règles dont la teneur est identique, même si la
formulation est distincte. Ce qui importe pour leur application, ce
n’est plus la date de conclusion du contrat de travail, mais, celle de
l’introduction de l’action en justice. Le règlement Bruxelles I bis
er
est entré en vigueur le 1 janvier 2015. Il s’applique entre la totalité
des 27 membres de l’UE.

Quant à la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 qui envisage


de faciliter la circulation des décisions judiciaires entre l’Union et les
pays-membres de l’Association européenne de libre-échange

1062
(AELE), elle est entrée progressivement en vigueur pour la Norvège
er er
(le 1 janvier 2010), la Suisse (le 1 janvier 2011) et l’Islande (le
er
1 mai 2011). En pratique, elle s’aligne sur le règlement Bruxelles I
bis, en reprenant même une numérotation identique à celle retenue
par le règlement s’agissant de la compétence juridictionnelle en
matière de contrats individuels du travail.

Les critères d’application : l’application des règlements Bruxelles I


et I bis suppose avant tout l’existence d’un litige à caractère
international intra-européen concernant plusieurs États membres
o
de l’UE (Cass. ch. mixte, 11 mars 2005, n 02-41.371). Lorsqu’un tel
litige existe, les règles européennes excluent, en raison de leur
caractère d’ordre public (CJCE, 19 janv. 1993, Shearson Lehmann
Hutton Inc, aff. C-89/91), l’application de règles internes de
compétence pour déterminer la compétence internationale du juge
(Cass. ch. mixte, 11 mars 2005, op. cit.).

Concernant les litiges à caractère international en dehors de l’Union, le


conflit de juridictions se résout en appliquant des règles de compétence de droit
international privé. En France, il y a lieu d’appliquer, à titre principal, les règles
issues du code du travail et, à titre subsidiaire, celles des articles 14 et 15 du Code
civil.

De plus, ce litige est né à l’occasion d’un contrat de travail


international conclu avec un employeur domicilié soit dans, soit en
dehors de l’Union. Dans tous les cas, le défendeur (employeur ou
salarié) est situé sur le territoire d’un État signataire ou d’un État
membre de l’Union européenne. Plusieurs scénarios sont donc
possibles : l’employeur et le salarié sont domiciliés dans l’UE ; le

1063
salarié défendeur est domicilié dans l’Union, y compris si son
employeur est domicilié hors de l’Union ; l’employeur défendeur est
domicilié sur le territoire européen, même si le salarié est domicilié
en dehors.

Lorsque le domicile de l’employeur – soit classiquement son siège


social – n’est pas situé sur le territoire d’un État signataire ou d’un
État membre de l’Union européenne, l’employeur est considéré
comme ayant son domicile dans l’État signataire ou membre de
l’Union européenne où il possède une succursale, une agence ou
o
tout autre établissement (Règl. n 44/2001, art. 18 § 2). Le
Règlement Bruxelles 1 bis a prévu une exception notable à la
condition relative à la domiciliation de l’employeur défendeur, de
sorte que son champ d’application s’étend désormais aux cas de
figure où l’employeur attrait en justice est domicilié hors de l’Union
(art. 21 § 2).

§2 Les règles de conflit de juridictions en l’absence


de clause attributive de compétence

I. Les règles générales de compétence

En principe, la juridiction compétente pour trancher le litige est celle


de l’État membre où le défendeur a son domicile, quelle que soit sa
nationalité (Règl. Bruxelles I bis, art. 4 § 1 ; Règl. Bruxelles, art. 2
§ 1). Les personnes qui ne possèdent pas la nationalité de l’État
membre dans lequel elles sont domiciliées sont soumises aux règles
de compétence applicables aux ressortissants de cet État (Règl.
Bruxelles I bis, art. 4 § 2, ; Règl. Bruxelles, art. 2 § 2).

1064
Parfois, à l’occasion de la mobilité salariale dans le cadre d’un
groupe international de sociétés, le salarié peut se retrouver face à
une pluralité d’employeurs. Se pose, dans ce cas de figure, la
question de savoir si l’article 8 § 1 du Règlement Bruxelles I bis
(Règl. Bruxelles I, art. 6 § 1) qui envisage l’hypothèse générale
d’une pluralité de défendeurs pourrait s’appliquer. Aux termes,
précisément, de cette disposition, « s’il y a plusieurs défendeurs, »
pourra être saisi « le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition
que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il
y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter
des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient
jugées séparément ».

Jurisprudence
Dans une décision « Laboratoires Glaxosmithkline » (CJCE, 22 mai 2008, Aff.
C-462/06), rendue sous l’empire du règlement Bruxelles I, la Cour de justice a
retenu que « la règle de compétence spéciale prévue à l’article 6, point 1, du
règlement nº 44/2001, […], ne peut pas s’appliquer à un litige relevant de la
section 5 du chapitre II dudit règlement, relative aux règles de compétence
applicables en matière de contrats individuels de travail ».

Cependant, l’article 20 § 1 du règlement Bruxelles I bis offre


désormais la possibilité à un salarié, pour un litige individuel du
travail, à attraire l’ensemble des employeurs devant un seul juge
européen lorsqu’une condamnation conjointe est nécessaire.

II. Les règles spéciales de compétence

Énoncées respectivement aux 20 et 21 du Règlement Bruxelles I bis


(art. 18, 19 et 20 du Règlement Bruxelles I), les règles de

1065
compétences spéciales en matière de contrats individuels du travail
sont différentes selon que le salarié ou l’employeur est demandeur à
l’action.

A Salarié demandeur
Conformément à la règle générale de compétence lorsque
l’employeur est domicilié dans un État contractant ou membre de
l’UE, il peut être attrait devant les tribunaux de cet État (Règl.
Bruxelles I bis, art. 21 § 1 a ; Règl. Bruxelles I, art. 19, 1). Il en va de
même pour un employeur domicilié dans un État tiers (ex : le
Maroc), mais qui possède une succursale, une agence ou tout autre
établissement dans un État membre. Selon les règlements
européens, cet employeur est considéré comme domicilié dans cet
État pour les contestations relatives à leur exploitation (Règl.
Bruxelles I bis, art. 20 § 2 ; Règl. Bruxelles I, art. 18).

Cependant, lorsque le salarié est demandeur, il bénéficie d’une


option de compétence de sorte qu’il peut assigner l’employeur
devant le tribunal d’un État membre autre que celui où se trouve son
domicile (Règl. Bruxelles I bis, art. 21 § 1 a ; Règl. Bruxelles I, art. 19
§ 2). Deux critères de rattachement sont prévus :
Le salarié peut assigner l’employeur devant le tribunal « du lieu
où ou à partir duquel il accomplit habituellement son
travail » si ce lieu se trouve dans un autre État contractant ou
membre.
La jurisprudence apporte quelques précisions, d’abord, sur la notion
du « lieu où le travailleur accomplit habituellement son
travail » : lorsque le salarié réalise de périodes stables de travail
dans des lieux successifs différents, il faut retenir le dernier lieu
d’activité dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été

1066
décidé que le travailler y exerçait de façon stable et durable ses
o
activités (Cass. soc., 31 mars 2009, n 08-40.367). Mais, si le travail
est entièrement exécuté en dehors du territoire des États
contractants ou membres, c’est le juge du domicile de l’employeur
qui reste compétent pour régler le litige (CJCE, 15 févr. 1989, Six
Constructions, aff. 32/88).

Jurisprudence
La Cour de cassation a retenu dans un litige opposant, d’une part, un salarié
italien domicilié à Strasbourg et travaillant sur différents chantiers tous situés en
France et, d’autre part, son employeur, société de droit allemand ayant son siège
en Allemagne, que la juridiction compétente était le Conseil des prud’hommes de
o
Limoges, lieu du dernier chantier (Cass. soc., 20 sept. 2006, n 04-45.717).

Quant au « lieu à partir duquel le travailleur accomplit


habituellement son travail » : dans cette hypothèse, le salarié se
déplace sur le territoire de plusieurs États distincts. Les juges
cherchent ainsi à déterminer le lieu à partir duquel le travailleur
s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son
employeur et qui est en réalité le centre de ses activités
o
professionnelles (Cass. soc., 25 janv. 2012, n 10-28.155). La
question se corse concernant le personnel aérien naviguant qui,
d’office, se déplace entre plusieurs États. À cet égard, la
jurisprudence de la Cour de justice de l’Union a utilisé, en matière de
droit de la sécurité sociale, la notion de « base d’affectation »,
définie comme « le lieu à partir duquel le personnel naviguant
débute systématiquement sa journée de travail et la termine à cet
endroit en y organisant son travail quotidien et à proximité duquel les
employés ont, durant la période d’exécution de leur contrat de

1067
travail, établi leur résidence et sont à la disposition du transporteur
aérien » (CJUE, 14 sept. 2017, C-168/16 et C-169/16). Si la
chambre sociale de la Cour de cassation suit cette solution, elle a
o
pourtant précisé, dans un arrêt du 9 septembre 2020 (n 18-22.971),
que la base d’affectation joue un rôle significatif pour la
détermination du « lieu où ou à partir duquel le salarié naviguant
accomplit habituellement son travail ». Or, les deux notions ne sont
pas assimilées ; la première reste un indice pour la détermination de
la deuxième, sans la remplacer.

Jurisprudence
Exemple 1 : un salarié ressortissant néerlandais, domicilié aux Pays-Bas,
exerçait ses activités pour son employeur (société de droit anglais établi à
Londres) au Royaume-Uni, en Belgique, en Allemagne et aux États-Unis
d’Amérique. Il accomplissait son travail depuis un bureau installé à son domicile
où il retournait après chaque voyage professionnel à l’étranger. La Cour de
Luxembourg a déduit de cette circonstance que c’est aux Pays-Bas où le salarié
avait établi le centre effectif de ses activités (CJCE, 9 janv. 1997, Rutten c./Cross
Medical, aff. C-383/95, Rutten c./Cross Medical).

Exemple 2 : un salarié ressortissant français et domicilié en France a été


engagé par une société commerciale de droit suisse en qualité de technicien
mécanicien pour effectuer ses prestations dans les eaux territoriales d’autres
États, voire dans les eaux internationales, à savoir, sur la barge Africain, au large
du Congo, puis du Mexique, et en dernier lieu de la Lybie. Il recevait ses ordres de
missions et ses instructions de voyage à son domicile en France. De plus, son
domicile était la base à partir de laquelle il commençait et terminait ses prestations
de travail et où les bulletins de paie (libellés en euros), lui étaient adressé par
l’employeur. Ce dernier lui avait même proposé l’adhésion à une assurance privée
du groupe pour la prévoyance santé auprès d’une société d’assurance de droit
français. La Cour de cassation a pu déduire de ces éléments qu’il accomplit
o
habituellement son travail à partir de la France (Cass. soc. 2 juin 2016, n 14-
14.019).

1068
Lorsque le salarié n’accomplit pas ou n’accomplit habituellement
pas son travail dans un même pays, il peut assigner l’employeur
devant la juridiction du « lieu où se trouve ou se trouvait
l’établissement qui a embauché le travailleur » (Règl.
Bruxelles I bis, art. 21 § 1 b, ii ; Règl. Bruxelles I, art. 19 § 2 b).
Dans cette hypothèse le salarié ne bénéficie pas du droit d’agir
devant les tribunaux de son propre domicile.

Jurisprudence
L’option de compétence n’est réservée qu’au salarié seul. Par
conséquent, s’il assigne l’employeur devant la juridiction de son domicile, ce
dernier n’est pas fondé à invoquer les règles spéciales de compétence, telles que
o
celle du lieu d’exécution du travail (Cass. ch. mixte, 11 mars 2005, n 02-41.371 et
02-41.372).

B Employeur demandeur
Dans ce cas de figure, c’est la règle générale de compétence qui est
applicable. Autrement dit, l’employeur doit assigner le salarié devant
le tribunal de son domicile (Règl. Bruxelles 1 bis, art. 22 § 1 ; Règl.
Bruxelles I, art. 20 § 1). Il n’y a pas d’option de compétence pour
l’employeur.

§3 Les règles de conflit de juridictions en présence


d’une clause relative à la compétence juridictionnelle

A La clause attributive de compétence


Contrairement aux règles de compétence du droit français qui
interdisent les clauses attributives en matière de contrat de travail

1069
(C. trav. art. L. 1221-5 et R. 1412-4), la validité de ce type des
clauses est admise à la fois par les textes européens (Règl.
Bruxelles I bis, art. 23 § 2 ; Règl. Bruxelles I, art. 21.2) et par la
o
jurisprudence (Cass. soc. 30 janv. 1991, n 87-42.086 ; Cass. soc.
o o
21 janv. 2004, n 01-44.215 ; Cass. soc. 29 sept. 2010, n 09-
40.688) en matière du contrat de travail de caractère international
intra-européen.

Pour être valable, la convention attributive de juridiction doit remplir


deux conditions cumulatives, l’une de forme, l’autre de fond.

Concernant, d’abord, la condition formelle, la convention attributive


de juridiction est formulée impérativement par écrit (même si la
transmission est effectuée par voie électronique, Règl. Bruxelles I,
art. 23 § 2) ou verbalement avec confirmation écrite, même si la
transmission est effectuée par voie électronique (Règl. Bruxelles I,
art. 23 § 1, a), ou sous une forme qui soit conforme aux habitudes
que les parties ont établies entre elles (Règl. Bruxelles I, art. 23 § 1,
b). Est, par conséquent, exclue, la validité de l’accord oral seul.

Concernant, ensuite, la condition de fond, la convention attributive


de juridiction ne produit des effets juridiques que dans deux cas :
premièrement, lorsqu’elle est postérieure à la naissance du différend
(Règl. Bruxelles I bis, art. 23 § 1). Dès lors, la convention ou la
clause antérieure au différend n’est pas opposable au salarié (Cass.
o
soc., 17 déc. 1997, n 94-45.445). Deuxièmement, lorsque, si elle
est antérieure au différend, elle permet au salarié de saisir d’autres
juridictions que celles relevant des règles de compétence générale
et spéciale (Règl. Bruxelles I bis, art. 23 § 2. V. supra). Autrement
dit, cette clause est opposable sous réserve qu’elle attribue une

1070
compétence à des juridictions qui s’ajoutent à celles des articles 20
et 21 du règlement Bruxelles I bis. Elle offre, ainsi, une alternative
supplémentaire au salarié.

Dans tous les cas, la clause attributive de juridiction ne peut être


invoquée que par le salarié et seulement s’il s’en prévaut pour assigner
l’employeur devant une juridiction autre que celle ayant normalement compétence
en ce domaine.

B La clause compromissoire
Une clause compromissoire permet aux parties de soumettre leurs
éventuels différends à l’arbitrage. Les règles de compétences du
droit français interdisent l’insertion d’une telle clause dans un contrat
de travail français (C. trav., art. L. 1411-4). La question se pose en
matière de contrats de travail internationaux.
Les règlements de Bruxelles I et I bis excluent l’arbitrage de leur
champ d’application. C’est la jurisprudence qui en a apporté une
o
réponse. Après un revirement par un arrêt du 16 février 1999 (n 96-
40.643), il est considéré que la clause compromissoire insérée dans
un contrat de travail international n’est pas nulle, mais elle est
frappée d’inopposabilité pour le salarié lorsqu’il saisit régulièrement
la juridiction compétente en vertu des règles de procédure
applicables. A contrario, si aucune compétence française n’est
envisageable, la clause compromissoire s’appliquera, peu importe la
loi régissant le contrat de travail.

1071
Jurisprudence
En l’espèce, un salarié de nationalité suédoise, a été engagé par la société
française Château Tour Saint-Christophe, en vertu d’un contrat de travail signé en
Suède le 21 octobre 1991. Ce contrat comportait une clause compromissoire
prévoyant « l’arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm » pour tout
er
différend concernant ce dernier. Suite à son licenciement le 1 octobre 1992, il a
saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir notamment le paiement des
indemnités liées à son licenciement. La société Château Tour Saint-Christophe a
décliné la compétence de la juridiction française en se fondant sur la clause
compromissoire. La Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel qui a
constaté la compétence du Conseil de prud’hommes français. Il a été retenu que
« la clause compromissoire insérée dans un contrat de travail international n’est
pas opposable au salarié qui a saisi régulièrement la juridiction française
compétente en vertu des règles applicables, peu importe la loi régissant le contrat
o
de travail » (Cass. soc., 16 févr. 1999, n 96-40.643).

Clause de privilège de juridiction en raison de la nationalité

Lorsque les règlements Bruxelles I et I bis s’appliquent, le privilège de juridiction


des nationaux français (art. 14 et 15 du Code civil) ne peut pas s’appliquer pour
déterminer le tribunal compétent (Règl. Bruxelles I, art. 3 et annexe 1).

1072
POUR ALLER PLUS LOIN…
– J.-M. BÉRAUD, « Les recours juridictionnel dans les rapports de
travail internationaux », Dr. soc., 1987, p. 524

1073
– J. ICARD, « Clauses de contentieux international de travail », Les
o
Cahiers sociaux, 2016, n 290, p. 576
– F. MOREAU, « La compétence juridictionnelle en matière de
contrat de travail international après le règlement (UE)
o
n 1215/2012 », Dr. soc., 2016, p. 359
– N. NORD, « Refonte du règlement “Bruxelles I” et protection du
travailleur », JCP S, 2014, 1488

1074
Index

Absence 1, 2
Absentéisme 1

Accident de trajet 1, 2
Accident du travail 1, 2
Accord de branche 1

Accord d’entreprise 1

Agirc-Arrco 1, 2
Allaitement 1

Aménagement conventionnel 1
Amendes 1

Arbitrage 1
Arrêt(s) de travail 1, 2

Assurance maladie 1
Assurance vieillesse 1
Attestation Pôle Emploi 1

Avantages en nature 1
Avertissement 1
Barème légal 1

Bilan de compétences 1, 2
Blâme 1

Bonnes mœurs 1

1075
Bulletin de paie 1
Cadre 1
Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) 1, 2

Cause réelle et sérieuse 1


CDI intérimaire 1

Certificat médical 1
Cessation d’activité 1
Changement dans la situation juridique de l’employeur 1

Changement des conditions de travail 1


Clause de mobilité 1

Clause Molière 1
Comité de groupe 1
Comité d’entreprise (CE) 1, 2

Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) 1, 2, 3, 4


Comité social et économique (CSE) 1, 2, 3, 4, 5
Commission de santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) 1

Complément de salaire 1
Compte personnel d’activité (CPA) 1

Compte personnel de formation (CPF) 1


Conciliation 1, 2

Congé de maternité 1
Congé de paternité et d’accueil 1
Congé de reclassement 1

Congé parental d’éducation 1


Congés payés 1, 2

Conseil d’entreprise 1, 2
Conseil des prud’hommes 1, 2
Contentieux de la sécurité sociale 1

Contrat à durée déterminée (CDD) 1

1076
Contrat de mission 1
Contrat de sécurisation professionnelle 1
Contrat de travail 1, 2

Contrat de travail international 1, 2, 3


Contre-visite médicale 1
Contrôles d’alcoolémie 1
Contrôle URSSAF 1
Conventions et accords collectifs 1

Couverture santé complémentaire obligatoire 1


Covid-19 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Curriculum vitae anonyme 1
Décès 1
Déclaration préalable à l’embauche (DPAE) 1

Dédit-formation 1
Défenseur des droits 1
Dégradation 1
Délai congé 1
Délai de carence 1

Délai de prévenance 1, 2

Délégués du personnel (DP) 1, 2


Délégué syndical 1
Délit 1, 2
Démission 1

Destruction 1

Détérioration 1
Difficultés économiques 1
Discipline 1
Discrimination 1, 2, 3, 4, 5, 6

Document unique d’évaluation des risques 1

1077
Dossier médical 1
Droit d’alerte 1, 2, 3
Droit de grève 1

Durée du travail 1
Durée maximale hebdomadaire 1
Écrit 1, 2
Égalité de rémunération 1
Égalité entre les hommes et les femmes 1

Égalité professionnelle 1
Élections professionnelles 1
Éléments essentiels 1
Entrave à la liberté du travail 1
Entretien préalable 1, 2, 3

Entretien professionnel 1
Épargne salariale 1
Établissement distinct 1
Faute disciplinaire 1
Faute grave 1

Faute lourde 1
Faute simple 1
Fêtes légales 1
Fin de conflit 1
Fonds social européen plus (FSE+) 1

Formation professionnelle 1
Franchissement des seuils 1
Garantie d’emploi 1
Grand licenciement collectif 1
Gratification 1

Grève 1, 2

1078
Grossesse 1, 2
Groupe 1
Harcèlement 1

Harcèlement au travail 1
Harcèlement moral 1, 2, 3, 4, 5
Harcèlement sexuel 1, 2, 3, 4
Heures de délégation 1
Heure supplémentaire 1

Hiérarchie des normes 1


Homologation 1
Horaire de travail 1
Horaires individualisés 1
Hygiène 1

Inaptitude 1
Indemnité 1
Indemnité de licenciement 1
Indemnité « de précarité » 1
Indemnités journalières 1

Indemnité temporaire d’inaptitude (ITI) 1


Inspection du travail 1, 2, 3
Insuffisance professionnelle 1
Intéressement 1
Invalidité 1

Jour chômé 1
Journée de solidarité 1
Jour ouvrable 1
Jours fériés 1, 2
Lettre de recadrage 1

Libre circulation 1, 2

1079
Licenciement 1
Licenciement économique 1
Licenciement individuel 1

Licenciement pour faute 1


Licenciement pour inaptitude 1
Licenciement pour motif personnel 1, 2
Lock-out 1
Maintien des contrats de travail 1

Maladie 1, 2
Maladie professionnelle 1, 2
Maternité 1
Médecin du travail 1, 2
Médiation 1

Menaces 1
Mensualisation 1
Mineur 1
Minimum conventionnel 1
Mise à l’index 1

Mise à pied 1
Mobilité 1, 2
Modification du contrat de travail 1, 2
Motif économique 1
Motif personnel 1, 2

Mutation disciplinaire 1
Mutations technologiques 1
Négociation collective 1
Négociations 1
Notes de service 1

Nullité du contrat de travail 1

1080
Nullité du licenciement 1
Obligation d’emploi 1
Obligation de sécurité 1, 2

Obligation générale d’information et de formation 1


Observation verbale 1
Ordre des licenciements 1
Participation 1
Paternité 1

Pause 1, 2, 3
Paye 1

Pension 1
Pension de retraite 1

Pension de réversion 1

Période de référence 1

Période d’essai 1
Petit licenciement collectif 1

Plan de développement des compétences 1


Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) 1

Pont 1
Poursuites disciplinaires 1

Poursuites pénales 1
Pouvoir de direction 1

Pouvoir disciplinaire 1

Pouvoir réglementaire 1

Préavis 1, 2, 3, 4
Prestations familiales 1

Prime 1, 2
Principe de neutralité 1

Principe de non-discrimination 1

1081
Principe de subsidiarité 1

Priorité de réembauche 1
Prise d’acte 1

Procédure disciplinaire 1
Procès prud’homal 1

Prolongation de la période d’essai 1


Protection relative 1

Protection sociale 1

Qualification professionnelle 1

Rappel à l’ordre 1
Reclassement 1, 2, 3, 4, 5, 6

Redressement ou de liquidation judiciaire 1


Régime Social des Indépendants (RSI) 1

Régimes spéciaux 1
Registre du personnel 1

Règlement intérieur 1
Réintégration 1, 2

Remplacement 1

Rémunération 1, 2, 3, 4

Renouvellement 1
Renvoi préjudiciel 1

Réorganisation de l’entreprise 1
Repos 1, 2, 3, 4

Repos dominical 1
Représentant de la section syndicale 1

Représentants de proximité 1
Représentants du personnel 1, 2, 3

Représentativité 1

Rescrit 1

1082
Résiliation judiciaire 1
Retraite 1, 2

Retraite supplémentaire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7

Rétrogradation 1

Risque professionnel 1
Rupture conventionnelle 1

Rupture du contrat de travail 1, 2, 3


Salaire 1

Salaire minimum conventionnel 1


Salaire minimum de croissance (SMIC) 1

Salariat 1, 2
Salarié malade 1

Salarié protégé 1

Sanction disciplinaire 1

Sanctions pécuniaires 1
Santé au travail 1, 2

Sécurité 1
Sécurité sociale 1, 2

Sécurité sociale européenne 1


Semestre européen 1

Séquestration 1
Service de santé au travail 1

Seuils 1

Solde de tout compte 1

Subordination 1, 2
Succession de CDD 1

Suicide 1
Suppression d’emploi 1

Suspension du contrat de travail 1

1083
Syndicat 1, 2

Tabagisme 1
Temps de trajet 1

Temps de travail 1, 2
Temps partiel 1

Terme 1, 2
Transfert d’entreprise 1

Transformation d’emploi 1

Travail dissimulé 1

Travailleurs étrangers 1
Travailleurs frontaliers 1

Travailleurs handicapés 1
Travail temporaire 1

Treizième mois 1
Union de Recouvrement des cotisations de sécurité Sociale et d’Allocations Familiales
(URSSAF) 1
Union européenne 1

Unité économique et sociale (UES) 1


Vestiaires 1

Violences 1
Visite médicale de reprise 1

Vol 1

1084

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