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Finalement, nous terminons ce chapitre en présentant la leçon de dévelop-

pement de la fluidité, une structure que vous pourrez utiliser quotidienne-


ment auprès de petits groupes pour aider les élèves à améliorer leur fluidité
en lecture.

La lecture en écho
La lecture en écho est une technique de développement de la fluidité dans
laquelle l’enseignant lit une phrase à voix haute à un petit groupe d’élèves.
Ceux-ci font alors écho à cette lecture en relisant cette même phrase à voix
haute, en se concentrant sur la précision et la prosodie. La lecture en écho se
poursuit pour tout le reste du texte.

Fondements scientifiques
Cette méthode est dérivée des stratégies associant l’écoute à la lecture, propo-
sées par le linguiste Chomsky en 1976. Alors que Chomsky se contentait de
demander aux élèves d’écouter pendant la lecture à voix haute, cette stratégie
propose à l’enseignant de lire une phrase à voix haute aux élèves, qui l’écoutent
avant de la répéter à leur tour. La différence majeure avec les stratégies tradi-
tionnelles d’écoute durant la lecture, c’est qu’ici, les élèves écoutent d’abord,
avant de lire. Cette stratégie ajoute donc un élément de transfert graduel des
responsabilités, puisque l’enseignant commence par modeler la lecture, avant
d’offrir aux élèves une occasion immédiate de s’exercer.

Matériel et marche à suivre


Pour mettre en œuvre cette stratégie, vous aurez besoin de vous munir d’un
texte correspondant au niveau de lecture autonome des élèves et de réunir
un petit groupe de lecteurs aux habiletés homogènes. Vous pourrez reprendre
vos groupes de lecture guidée existants, mais plutôt que de choisir un texte
de niveau d’apprentissage, vous opterez cette fois pour un texte que les
élèves pourront lire avec aisance. Évidemment, nous vous recommandons
toujours de proposer des leçons qui permettent à vos élèves d’atteindre leur
plein potentiel ; ainsi, vous pourrez considérer l’utilisation d’un texte de niveau
d’apprentissage ou d’un texte plus complexe encore, selon vos observations.
Assurez-vous ensuite que chaque élève du groupe dispose d’un exemplaire du
texte. Expliquez la marche à suivre en termes clairs et simples.
1. Je vais lire une phrase à voix haute.
2. Vous prêterez attention aux mots que je lis et à mon expression.
3. Vous me lirez ensuite cette même phrase à voix haute.
4. Vous devez vous assurer d’avoir une bonne expression dans votre lecture à
voix haute.
Commencez votre lecture à voix haute. Assurez-vous que les élèves vous
écoutent attentivement, avant de lire en écho avec précision et expression.
Continuez ainsi pour l’ensemble du livre, de l’extrait ou du poème choisi.

Chapitre 3 37
La lecture en dyade
La lecture en dyade est une stratégie efficace pour le développement de la flui-
dité. Certains élèves pourraient avoir besoin d’un enseignement de la fluidité
adoptant une forme plus directe et plus intensive. La lecture en dyade offre aux
élèves l’occasion de profiter d’une expérience de lecture assistée individualisée.
Cette activité associe un lecteur moins avancé à un lecteur plus expérimenté.
Pendant une période déterminée et régulière (de 10 à 20 minutes, habituelle-
ment), les deux lecteurs lisent ensemble et de façon simultanée. Le lecteur plus
expérimenté adapte sa voix pour suivre le rythme du lecteur moins avancé.

Fondements scientifiques
Bien que la marche à suivre semble plutôt simple, les résultats peuvent être
fort impressionnants. Après plusieurs études sur la lecture en dyade, Keith
Topping (1987a, 1987b, 1989, 1995) a conclu que l’utilisation quotidienne de
cette stratégie pouvait permettre à des lecteurs en difficulté de faire des progrès
considérables, non seulement en reconnaissance des mots et en fluidité, mais
aussi en compréhension et dans la maîtrise générale de la lecture.

Matériel et marche à suivre


L’un des grands avantages de la lecture en dyade, c’est qu’elle peut être utilisée
avec n’importe quel texte. Normalement, l’élève moins avancé choisit le texte.
Il pourra s’agir d’une lecture pour le plaisir, d’une lecture
En laissant le choix du texte à l’élève demandée par l’enseignant ou même d’une lecture sélection-
née au hasard, comme ce sera le cas pour un texte trouvé dans
moins avancé, nous lui donnons les un magazine. En laissant le choix du texte à l’élève moins
clés de cette activité. avancé, nous lui donnons les clés de cette activité. Le matériel
devrait correspondre au niveau d’apprentissage de l’élève, c’est-
à-dire qu’il sera exigeant sans devenir frustrant (généralement, cela signifie que
l’élève pourra lire environ 95 % des mots correctement).
Cette procédure est par ailleurs facile à mettre en œuvre. L’élève et le tuteur
s’assoient confortablement côte à côte. Au signal, ils commencent à lire le
texte à voix haute. Notez bien que dans la lecture en dyade, les lecteurs ne
lisent pas des lignes ou des paragraphes à tour de rôle : ils lisent le même texte
simultanément, ou en chorale. La lecture se poursuit alors que l’élève moins
avancé suit le texte du doigt durant la lecture à voix haute. Le tuteur adapte
le rythme de sa lecture à celui de l’élève à qui il vient en aide, en tenant égale-
ment compte du niveau de difficulté du texte. De temps à autre, il pourra lire
un peu plus rapidement pour encourager son compagnon à se dépasser. Par
ailleurs, si le texte (ou l’extrait du texte) est plus complexe qu’à l’accoutumée,
le tuteur pourra lire un peu plus fort que d’habitude pour lui offrir un soutien
additionnel.
Si l’élève se sent à l’aise à l’idée de lire seul, sans l’aide du tuteur, il peut le lui
signaler en lui touchant le poignet ou en utilisant un autre signal non verbal.
À ce moment, le tuteur cesse simplement de lire à voix haute, en poursuivant
cependant sa lecture en silence. Si l’élève à qui il vient en aide lui fait à nouveau
un signe, le tuteur reprend sa lecture à voix haute.

40 Le palier 2 : L’enseignement de la fluidité en petits groupes


Si l’élève en difficulté fait une erreur dans la lecture d’un mot alors qu’il lit
en dyade ou seul, le tuteur peut simplement lui indiquer la prononciation
correcte du mot en le pointant, avant d’inviter l’élève à faire de même. Il n’est
pas nécessaire d’arrêter la lecture pour donner une leçon à partir d’une simple
erreur de décodage. Cela empêcherait l’expérience de lecture d’être authen-
tique et détournerait l’attention des lecteurs du sens du texte. Le tuteur peut
prendre bonne note de toute erreur commise durant la lecture en dyade et en
discuter avec l’élève à qui il vient en aide à la fin de leur lecture commune. Une
brève discussion sur le texte et sur la lecture faite par l’élève vient généralement
clore une séance de lecture en dyade.

Adaptations
Nous aimons particulièrement la lecture en dyade, parce que cette stratégie
permet une expérience de lecture authentique. L’élève en difficulté choisit le
texte et a un certain contrôle dans l’intervention, ce qui peut augmenter l’inté-
rêt qu’il y trouve. Essentiellement, la lecture en dyade n’est ni plus ni moins
que l’association de deux personnes qui lisent un texte ensemble (en y trou-
vant un certain plaisir). Il y a plusieurs façons d’adapter la lecture en dyade en
fonction des différentes expériences de lecture que l’on veut susciter.
D’abord, la personne qui joue le rôle du tuteur peut changer. Il pourra s’agir
de l’enseignant, d’un parent, d’un membre de la famille de l’élève, d’un assis-
tant pédagogique, d’un élève plus âgé ou encore d’un autre élève de la classe.
Il faut simplement s’assurer que le tuteur est un lecteur plus accompli que
l’élève à qui il vient en aide. Comme nous l’avons mentionné précédemment,
le texte qui est utilisé dans la lecture en dyade pourra changer selon les préfé-
rences de l’élève moins avancé. Toutefois, si le tuteur met la main sur un texte
particulièrement intéressant et intrigant pour la lecture en dyade, rien ne
l’empêchera de le recommander pour cette activité.
La lecture répétée est une approche très reconnue pour le déve-
loppement de la fluidité. La lecture en dyade peut aisément La lecture répétée est une approche
être associée à la lecture répétée pour produire un effet de très reconnue pour le développement
synergie. Un texte lu une journée pourra être relu la journée de la fluidité. La lecture en dyade peut
suivante (le tuteur pourrait alors fournir un soutien moins aisément être associée à la lecture
important, en lisant moins fort et en laissant l’élève diriger la
répétée pour produire un effet de
lecture). Après une deuxième (ou même une troisième) jour-
née consacrée à la relecture d’un texte, le tuteur et l’élève en synergie.
difficulté devraient discuter de la façon dont la lecture de ce
dernier s’est améliorée. Il est très encourageant, pour cet élève, de constater
que la quantité de texte lue dans une période de 10 minutes a augmenté de la
première à la deuxième (ou à la troisième) lecture. En effet, en améliorant sa
fluidité au fil des lectures, l’élève devrait être capable de couvrir plus de texte.
Nous croyons qu’il est utile de consacrer quelques minutes à une discussion
portant sur la lecture de l’élève, après une séance de lecture en dyade. Le
tuteur devrait alors mettre l’accent sur les éléments positifs qu’il a relevés au
cours de cette lecture : le ton assuré, une bonne expression, les pauses faites
aux moments appropriés, le phrasé adéquat, etc. Le tuteur pourrait également
mentionner quelques points à améliorer. Si des erreurs dans la reconnaissance

Chapitre 3 41
des mots semblent être un frein important à la lecture en dyade, le tuteur
pourra consacrer du temps à corriger ces erreurs, en fournissant à l’élève des
stratégies qui l’aideront à déchiffrer les mots plus complexes et à comprendre
leur sens.

Exemple pour les 6 à 8 ans


Mme Robinson croit que les élèves de 7 et 8 ans devraient lire autant que
possible. En plus d’encourager la lecture à l’école, elle s’efforce d’impliquer les
parents et les familles dans cette activité. « J’aime savoir que les parents lisent
à leurs enfants tous les jours. C’est peut-être la chose la plus importante qu’ils
peuvent faire, et je le leur rappelle sans cesse. » Mme Robinson croit que les
parents peuvent jouer un rôle encore plus important, à cette étape critique du
développement de la lecture de leurs enfants. Au début de l’année scolaire, elle
demande donc aux parents de participer à une première séance d’une heure de
formation sur la lecture en dyade. Durant cette rencontre, l’enseignante décrit
la lecture en dyade, en démontrant comment elle peut être mise en pratique
avec un élève, avant de demander aux parents d’employer cette stratégie avec
leur enfant au moins trois fois par semaine. Elle remet alors aux parents
un journal de lecture hebdomadaire qui leur permet de faire le suivi de leurs
lectures en dyade.
« Les améliorations, particulièrement chez mes lecteurs éprouvant des difficul-
tés, sont tout simplement remarquables. » Mme Robinson est si convaincue de
la valeur de cette approche qu’elle envoie régulièrement des mots à la maison
à ce sujet, en plus de proposer des formations sur cette stratégie et des mesures
de suivi tout au long de l’année scolaire. Au mois de mai, elle invite les pa-
rents à célébrer en classe les progrès réalisés par les élèves, grâce à l’appui qu’ils
leur ont apporté par la lecture en dyade. Elle demande alors aux parents de
s’engager à poursuivre cette activité durant les vacances estivales.

Exemple pour les 8 à 12 ans


Comme c’est souvent le cas, la classe d’élèves de 10 et 11 ans de Mme Destin
contient des lecteurs avancés, des lecteurs moyens et des lecteurs en difficulté.
Si la lecture autonome en silence est une pratique quotidienne, dans sa classe,
l’enseignante tient également à proposer des expériences de lecture variées.
C’est pourquoi elle a recours à des activités de lecture en dyade. Tous les deux
mois, elle associe ses lecteurs les plus avancés à des élèves qui éprouvent plus
de difficultés. Pendant 10 à 15 minutes, ces tandems se réunissent dans un
coin tranquille de la classe pour faire de la lecture en dyade. Certains mois,
l’enseignante remet un livre aux coéquipiers, lorsqu’elle croit qu’ils aimeront
particulièrement en faire la lecture dans ce contexte. À d’autres occasions, elle
laisse le soin aux élèves de chaque dyade de choisir un texte qui leur convient.
« À mon avis, il ne fait aucun doute que l’investissement en temps que j’ac-
corde à la lecture en dyade en vaut largement la peine. Ce que j’apprécie par-
ticulièrement dans cette stratégie, c’est qu’elle encourage l’entraide entre les
élèves. Même les élèves les plus avancés semblent profiter de cette approche, en
développant leur empathie alors qu’ils apportent un soutien important à leur
partenaire. J’associe souvent des élèves qui n’ont pas d’affinités personnelles

42 Le palier 2 : L’enseignement de la fluidité en petits groupes


particulières au préalable. Chaque fois, j’ai le plaisir de les voir travailler effi-
cacement ensemble pour lire et comprendre un livre... ou tout autre forme
de texte. »
Plus tard au cours de l’année, Mme Destin travaille avec une enseignante
de troisième année pour que des volontaires de sa classe puissent faire de la
lecture en dyade avec des élèves d’un niveau scolaire inférieur. Mme Destin a
remarqué que cette activité permettait à ses élèves qui éprouvent des difficultés
de lire des textes plus faciles à maîtriser pour eux, alors qu’ils occupent à leur
tour le rôle de tuteur. « C’est vraiment une situation gagnante pour tous les
élèves impliqués ! »

La lecture guidée
La lecture guidée est une stratégie éprouvée en classe, qui a fait l’objet de nom-
breuses recherches. Elle permet d’aider les élèves à développer leurs habiletés
en lecture au sein de petits groupes homogènes (Fawson et Reutzel, 2000 ;
Fountas et Pinnell, 1996 ; Goldenberg, 1992). L’enseignant regroupe de trois
à cinq élèves, en fonction de leur niveau d’apprentissage, et leur offre un ensei-
gnement explicite de différents éléments de la lecture, en utilisant un texte de
niveau approprié. Il s’agit d’un contexte idéal pour un enseignement explicite
de la fluidité en lecture.

Fondements scientifiques
Selon le modèle de transfert graduel des responsabilités, la
lecture guidée est la dernière étape avant l’autonomie. L’en- Selon le modèle de transfert graduel
seignant y offre un certain niveau de soutien, mais accorde des responsabilités, la lecture guidée
une grande part de la responsabilité aux élèves (Pearson et est la dernière étape avant l’autonomie.
Gallagher, 1983). L’objectif est d’amener les élèves à interna- L’enseignant y offre un certain niveau
liser les processus, les habiletés et les stratégies associées à la
lecture, pour qu’ils puissent finalement les utiliser de façon
de soutien, mais accorde une grande
autonome. Il est donc impératif d’offrir un soutien suffisant part de la responsabilité aux élèves
aux élèves pour leur permettre de réussir à lire le texte, en pre- (Pearson et Gallagher, 1983).
nant garde de ne pas trop les prendre par la main inutilement.
C’est ce qui fait en sorte que la planification de la lecture guidée peut s’avérer
relativement difficile. Pour assurer la réussite de cette stratégie, il faut donc
faire un dosage judicieux de la difficulté des textes, bien choisir ses objectifs et
procéder à une planification réfléchie.

Matériel et marche à suivre


Dans un premier temps, il faut s’assurer que le texte retenu correspond au
niveau d’apprentissage de l’élève. Si les livres sont trop simples ou trop com-
plexes, les élèves pourraient ne pas atteindre les objectifs de la leçon. C’est
pourquoi il faut procéder à une évaluation attentive avant de faire des regrou-
pements et de choisir des textes à proposer. Il est impératif que les élèves
soient groupés en fonction de leur niveau de lecture respectif. Cette évaluation
aura une incidence directe sur l’enseignement et sur le choix des textes, qui

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