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L'enseignement de la grammaire à l'école primaire : comment susciter


l'intérêt des élèves du cycle moyen ?

Gremion, Sarah

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GREMION, Sarah. L’enseignement de la grammaire à l’école primaire : comment susciter l’intérêt des
élèves du cycle moyen ? 2018.

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L’enseignement de la grammaire à l’école primaire :
comment susciter l’intérêt des élèves du cycle moyen ?

Etude de cas concernant l’attribut du sujet en 7PH

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L'OBTENTION DE LA MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN


ENSEIGNEMENT PRIMAIRE (MAEP)

PAR

SARAH GREMION

Directrice du mémoire Ecaterina Bulea Bronckart – FAPSE, Université de Genève

Membres du jury Martine Panchout-Dubois – Haute Ecole Pédagogique Vaud

Alexia Forget – FAPSE, Université de Genève

Genève, Janvier 2018


1
Résumé

Ma recherche s’inscrit dans une nécessité, en tant qu’enseignante, de rendre


la grammaire plus attractive aux yeux des élèves et des enseignants. En effet,
il est primordial que les élèves y reprennent goût, car il s’agit d’une
composante essentielle de la communication. Mais encore faut-il que les
enseignants en aient une image positive ... Mon premier objectif est de
soumettre l’image négative dépeinte au secondaire par la littérature, aux
discours d’enseignants primaires. Dans un second temps, je cherche à faire le
point sur les manières de motiver les élèves face à la grammaire. J’ai donc
réalisé une séquence didactique dans une classe de 7PH, sur la notion
d’attribut du sujet. Ceci m’a alors permis de mettre à l’épreuve certains
aspects tirés des méthodes inductives, jugées propices à la motivation. A
travers cette expérimentation, j’ai pu dégager quelques pistes quant aux
supports, types de tâches et méthodes d’enseignement à privilégier pour
motiver les élèves en grammaire.

2
Remerciements

Je tenais à remercier les personnes sans qui je n’aurais probablement pas pu


réaliser ce mémoire.

Un grand merci tout d’abord à ma directrice de Mémoire ; Mme Ecatarina


Bulea Bronckart qui a parfaitement su m’accompagner durant toute la
réalisation de ce mémoire. Je vous remercie pour vos relectures, vos conseils,
votre écoute attentive, votre compréhension, votre capacité à me rassurer
lors des moments de doute, ainsi que pour toutes les discussions qui ont étayé
ma réflexion sur le sujet.

Je remercie également Mme Martine Panchout-Dubois et Mme Alexia Forget


d’avoir accepté d’être les membres de mon jury.

Merci à mon Directeur, Mr Augustin Perez, de m’avoir donné l’autorisation de


réaliser cette recherche au sein de son établissement.

Merci à mes collègues enseignants de m’avoir permis de recueillir leurs


propos durant les entretiens. Merci également à ma duettiste ; Mme Nathalie
Perreira Lapaire, ainsi qu’à tous mes collègues de m’avoir soutenue durant
cette première année d’enseignement.

Merci aux parents d’élèves concernés d’avoir donné leur autorisation pour
utliser le discours de leurs enfants dans le cadre de ma recherche.

Merci à Mme Isabelle Cervo, Mr François Cervo, Mme Tatiana Leroux, Mme
Prisca Tschakala et Mr Julien Cervo pour vos précieuses relectures.

Je souhaiterais également remercier mes parents, ma petite sœur, ma grand-


mère, mon compagnon ainsi que ses parents, de m’avoir soutenue face aux
obstacles de cette période difficile, de m’avoir encouragée, permis de
prendre du recul, et de reprendre confiance en moi.

3
A mon grand-père, avec qui j’aurais aimé partager ce travail.
Merci de veiller sur moi, même depuis les étoiles.

A mes parents qui, malgré leurs propres obstacles à surmonter,


sont toujours présents dans les moments importants de ma vie.
Merci de m’avoir transmis votre persévérance.

A mon compagnon, qui sait toujours m’apaiser dans les moments difficiles.

4
Table des matières

Introduction .......................................................................................... 10

Première partie : éléments théoriques et conceptuels ................... 12

1. L’enseignement rénové de la grammaire ........................................... 12


1.1 De l’enseignement traditionnel à l'enseignement rénové de la
grammaire ............................................................................................................ 12
1.1.1 Les origines de la grammaire traditionnelle .............................................. 12
1.1.2 Des caractéristiques aux critiques de la grammaire traditionnelle : les
raisons de la création d’une nouvelle grammaire .............................................. 15

1.2. La nécessité d’une nouvelle grammaire : des objectifs visés à la mise en


place de l’enseignement rénové de la grammaire ....................................... 18
1.2.1 Objectifs actuels de l’enseignement rénové ............................................ 21
1.2.2 Des caractéristiques aux critiques de la grammaire traditionnelle : les
raisons de la création d’une nouvelle grammaire .............................................. 24

1.3 Comment enseigner la grammaire rénovée et à partir de quelles


ressources ? .......................................................................................................... 25
1.3.1 Trois caractéristiques fondamentales de l’enseignement de la
grammaire rénovée ............................................................................................ 26

1.3. 2 Principes pédagogiques de la grammaire rénovée ................................ 27


1.3. 3 La démarche de type inductif au service de l’enseignement de la
grammaire .......................................................................................................... 29

1.4. Liens avec les prescriptions officielles de l’Institution scolaire et les


moyens d’enseignement .................................................................................... 36
1.4. 1 Dans le Plan d’Etudes Romand ................................................................ 36
1.4.2 Document d’orientation à l’intention des enseignants de l’école
obligatoire de la Suisse romande ........................................................................ 39

1.4. 3 Dans les moyens d’enseignement ........................................................... 42

1.5. Problème ouvert concernant l’enseignement de la grammaire


rénovée ................................................................................................................. 49

5
1.5. 1 Projet trop ambitieux ? ............................................................................. 50

1.5. 2 Décalage entre intentions et pratiques ................................................... 51

1.5. 3 Problème de transposition didactique .................................................... 52

1.5. 4 Manque de clarté ? ................................................................................. 53

1.5. 5 Limites des démarches préconisées ........................................................ 53

2. L’image de la grammaire au coeur des représentations des


enseignants et des élèves ........................................................................... 54
2 .1 Les représentations des élèves .................................................................. 55
2 .2 Les représentations des enseignants ......................................................... 56

3. Pourquoi est-il nécessaire de motiver les élèves pour apprendre ? . 58


3.1 La motivation scolaire ................................................................................. 58
3. 1. 1 Le rôle de la motivation dans les apprentissages .................................... 59

3. 1. 2 La dynamique motivationnelle de l’élève (Viau) .................................... 59

3. 1. 3 La motivation selon Vianin ....................................................................... 64

3. 1. 4 L’usage des TIC ........................................................................................ 70

3.2 Motivation et grammaire............................................................................ 72


3. 2. 1 Constats sur la motivation en grammaire ................................................ 72
3. 2. 2 Pistes avancées par Leeman (1996) pour motiver les élèves en
grammaire. ..................................................................................................................... 73

Deuxième partie : éléments méthodologiques................................ 77

1. Problématique......................................................................................... 77

2. Questions de recherche et hypothèses ............................................... 78


2. 1 Première question de recherche ............................................................... 78
2. 2 Deuxième question de recherche ............................................................ 79
2. 3 Troisième question de recherche .............................................................. 80

3. Méthodologie.......................................................................................... 81
3. 1. Contexte ....................................................................................................... 81

6
3. 2 Types de données ....................................................................................... 83
3. 2. 1 Entretiens avec les enseignants ...................................................................... 83
3. 2. 2 Expérimentation de la séquence d’enseignement ..................................... 84
3. 2. 3 Entretiens avec les élèves ................................................................................ 84
3. 3 La notion étudiée : l’attribut du sujet ........................................................ 85
3. 3. 1 Justification du choix de la notion .................................................................. 85
3. 3. 2 Définition ............................................................................................................ 86
3. 3. 3 Difficultés de la notion ...................................................................................... 88
3. 3. 4 L’attribut du sujet dans le PER (2010) ............................................................... 88
3. 3. 5 L’attribut du sujet dans les moyens d’enseignement ................................... 89
3. 4 Ingénierie didactique de la séquence proposée ................................... 93
3. 5 Synthèse ...................................................................................................... 101

Troisième partie : Analyse des résultats .......................................... 102

1. Discours des enseignants ...................................................................... 103


1. 1 Analyse du discours des enseignants...................................................... 103
1. 2 Conclusion en lien avec la première question de recherche ............. 113

2. Les tâches réalisées ............................................................................... 115


2. 1 Réalisation de l’activité 1 : tâche de manipulation (a) ........................ 115
2. 2 Analyse de l’activité 1 (tâche a) ............................................................. 122
2. 3 Réalisation de l’activité 2 : tâche de manipulation (b) et tâches de
discrimination (a, b, c) ...................................................................................... 126
2. 4 Analyse de l’activité 2............................................................................... 133
2. 5 Réalisation de l’activité 3 : tâche de discrimination (d) et tâche de
production .......................................................................................................... 136
2. 6 Analyse de l’activité 3............................................................................... 141
2. 7 Conclusion en lien avec la question de recherche .............................. 144

3. Les supports utilisés.................................................................................. 148


3. 1 Compte rendu sur les supports utilisés ...................................................... 148
3. 2 Analyse des supports utilisés ..................................................................... 152

7
3. 3 Conclusion en lien avec la question de recherche .............................. 154

Conclusion ......................................................................................... 156


1. Les impacts des types de tâches et des supports sur la motivation
des élèves .................................................................................................... 156
2. Les enseignants et la grammaire déductive ..................................... 159
3. Quelques principes généraux ............................................................. 160
3. 1 L’utilisation d’un processus inductif par moments …. .......................... 160
3. 2 … et le recours à une démarche plus traditionnelle à d’autres
moments. ............................................................................................................ 161
3. 3 Quels principes retirer de ces conclusions ?.......................................... 162

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................... 167

ANNEXES ............................................................................................. 171


Annexe 1 : canevas des entretiens avec les enseignants ............................ 171
Annexe 2 : canevas des entretiens avec les élèves ..................................... 172
Annexe 3 : précisions cantonales du PER ....................................................... 173
Annexe 4 : guide pédagogique de Ile aux mots page 74 ........................... 174
Annexe 5 : livre de l’élève pages 139-140 ...................................................... 175
Annexe 6 : cahier d’exercice Ile aux mots page 46 ..................................... 177
Annexe 7 : fiches d’exercices COROME......................................................... 178
Annexe 8 : mémento COROME ....................................................................... 182
Annexe 9 : affichages et fiche de suivi de tournus (activité 3 – ateliers) .... 185
Annexe 10 : règles des jeux de cartes (activité 3 – ateliers) ........................ 188
Annexe 11 : retranscription de l’entretien avec l’enseignant E1. ................ 189
Annexe 12 : retranscription de l’entretien avec l’enseignant E2. ...........Erreur !
Signet non défini.
Annexe 13 : retranscription de l’entretien avec l’enseignant E3. ...........Erreur !
Signet non défini.

8
Annexe 14 : retranscription des entretiens avec les élèves – activité 1 .Erreur !
Signet non défini.
Annexe 15 : retranscription des entretiens avec les élèves – activité 2 Erreur !
Signet non défini.
Annexe 16 : retranscription des entretiens avec les élèves – activité 3 .Erreur !
Signet non défini.
Annexe 17 : retranscription des entretiens avec les élèves – question finale
Erreur ! Signet non défini.
Annexe 18 : tableau réccapitulatif des données recueillies durant les
entretiens avec les élèves ................................................................................ 189

Note : les annexes 11 à 17 ont été enlevées dans la version


électronique publique pour des raisons de confidentialité.

9
Introduction
Durant les stages et remplacements effectués au cycle moyen, j’ai remarqué
que la grammaire était généralement considérée comme un fardeau par les
élèves mais aussi parfois même, par les enseignants. Pour certains, il semble
s’agir d’un objet d’enseignement certes obligatoire mais dont ils remettent en
question l’utilité dans la pratique effective et face au public d’élèves qu’ils
ont aujourd’hui. La grammaire comme étant problématique semble être une
image souvent véhiculée par la société actuelle. Selon Bronckart (2003, p. 5),
l’enseignement des langues a toujours été objet de débats et on émet
souvent un « diagnostic de crise » le concernant. Les interprétations des
études PISA sont souvent à l’origine de ces inquiétudes, et rendent la situation
toujours plus alarmante (Burger, 2010). A cela, s’ajoute un constat d’une
maîtrise « médiocre » des termes de grammaire chez les élèves (Bronckart,
2016, p. 16). Ainsi, la complexité de la grammaire vraisemblablement
combinée au peu d’attrait qu’elle suscite, serait telle que les élèves n'arrivent
pas à la maîtriser suffisamment bien.

A partir de ces “impressions”, je souhaitais, dans un premier temps connaître


les réelles représentations des enseignants sur l’enseignement de la
grammaire : que pensent-ils de cet objet d’enseignement ? Est-il si “barbant”
qu’on le laisse entendre ? Comment font-ils pour l’enseigner et le rendre plus
“vivant” ? Par la suite, ces questions m’ont finalement poussée à me
demander si le “problème“ de l’enseignement de la grammaire ne relevait
non pas du contenu, mais davantage de la manière de l’aborder. Le
souvenir des fiches de grammaire redondantes me revenait alors en mémoire
: pourrait-on envisager d’enseigner la grammaire d’une manière plus ludique,
qui permettrait de motiver davantage élèves et enseignants ? C’est à partir
de cette interrogation que s’est construite ma problématique. En effet, à
travers ce mémoire, mon objectif est déjà de définir précisément les
représentations des enseignants à l’école primaire, vis-à-vis de ce qu’en dit la
littérature. Il s’agit également et surtout de tenter de trouver des pistes
concrètes et réalisables afin de susciter l’intérêt des élèves pour la
grammaire, facilitant, de cette manière, leurs apprentissages. Il me semble
effectivement important que les élèves reprennent goût à ce domaine de la
discipline du français car, bien qu’ils ne s’en rendent pas encore compte, il
est essentiel pour communiquer de manière adéquate. Bronckart (2005, p. 9)
affirme d’ailleurs qu’il s’agit d’ « un facteur décisif de réussite aussi bien
scolaire que sociale ». Afin de répondre à ces préoccupations, j’ai décidé
d’interroger des enseignants de 7PH sur leurs représentations de la grammaire
et de son attrait ainsi que de mettre en place une séquence didactique

10
motivante pour les élèves, au sein de ma classe de 7PH, en me focalisant sur
la notion de l’attribut du sujet, dans le but de répondre à ma problématique :
Comment susciter l’intérêt des élèves au cycle moyen pour la grammaire ?

Les éléments recueillis devraient pouvoir me donner des indications


permettant de réguler mon enseignement actuel de la grammaire. Dans la
mesure où celui-ci a subit beaucoup de changements, il peut être difficile, en
tant qu’enseignant de s’y retrouver. En tenant compte de la grammaire
rénovée ainsi que des nouveaux dispositifs d’apprentissage qui émergent,
cette recherche pourrait permettre de "faire le point" sur les supports, les
modalités sociales de travail, les types de tâches (identification, manipulation,
production), les gestes professionnels, les mises en œuvre de l’enseignant, qui
donnent le plus envie aux élèves de rentrer dans l’apprentissage des notions
grammaticales. Tout en restant modeste, ce recueil de pratiques "ludiques"
d’enseignement de la grammaire, pourrait alors être utilisé par les
enseignants dans leur pratique effective. En effet, ce travail fait écho a un
réel besoin, pour ma part, de constituer un tel recueil car il me permettrait
d’une part d’être plus à l’aise dans l’enseignement de la grammaire et
d’autre part de tenter d’amener les élèves à être eux aussi plus "preneurs" de
ce domaine du français II.

Je traiterai cette problématique en m’appuyant tout d’abord sur plusieurs


éléments théoriques et conceptuels de l’enseignement de la grammaire : le
passage de l’enseignement de la grammaire traditionnelle à la grammaire
rénovée, les caractéristiques de cette nouvelle grammaire et les démarches
en lien, ainsi que les nouveaux problèmes qui ont pu en découler. Les
représentations des enseignants et des élèves de la grammaire seront
également décrites en prenant appui sur les recherches réalisées sur ce sujet,
au secondaire. J’aborderai ensuite les facteurs motivationnels qui entrent en
jeu dans l’enseignement de la grammaire.

Dans la seconde partie de ce travail, la problématique ainsi que les questions


de recherche et hypothèses seront détaillées. La méthodologie utilisée sera
présentée à travers la description du contexte et du type de données
récoltées. Je définirai ensuite la notion grammaticale choisie : l’attribut du
sujet. Après avoir présenté et justifié la séquence didactique prévue, je ferai
le point sur les difficultés anticipées.

Au fil de la troisième partie, les résultats recueillis seront décrits et analysés.


Cette analyse permettra de mettre en lumière les éléments probants ou non
et de mettre en avant quelques principes généraux dans la conclusion finale.

11
Première partie : éléments théoriques et conceptuels

1. L’enseignement rénové de la grammaire

Afin de permettre au lecteur de comprendre davantage les enjeux sous-


jacents aux questionnements qui seront présentés ultérieurement, il semble
pertinent de retracer l’évolution de la grammaire afin d’aboutir à une
définition ainsi qu’aux objectifs visés par la grammaire dite rénovée. Une
présentation des directives de l’Institution scolaire permettra ensuite de
mettre en lumière certains “décalages” au sein de cette approche.

1.1 De l’enseignement traditionnel à l'enseignement rénové de la


grammaire

Le passage de l’un à l’autre s’inscrit dans un plan de rénovation de


l’enseignement de la discipline français dans son ensemble, dont la plupart
des travaux concernent l’enseignement de la grammaire.

1.1.1 Les origines de la grammaire traditionnelle

Dans leur ouvrage Repenser l’enseignement des langues : comment identifier


et exploiter les compétences, Bronckart, Bulea & Pouillot (2005) mettent en
évidence deux anciennes configurations didactiques opposées, qui seraient
d’ailleurs à l’origine des problématiques actuelles de l’enseignement de la
grammaire, selon eux.

D’après la première configuration décrite par les auteurs (p. 11);


(...) les structures d’une langue constituent des manifestations directes
et fidèles de la “Logique” censée organiser le monde; elle soutenait en
conséquence que la maîtrise de la grammaire codifiant ces structures
constitue une condition du développement des connaissances en
même temps que des capacités langagières.
A partir de cette idée, le latin fut donc considéré comme langue unique
jusqu’à la Renaissance. C’est à cette époque, que la Grammaire de Port-
Royal 1 , selon laquelle il s’agissait de développer simultanément les
« capacités de pensée » et « les capacités langagières » est apparue. Cette
nouvelle approche produit alors les grammaires scolaires traditionnelles. Selon
certains auteurs, ces grammaires ne permettent pas de « (...) rendre compte

1 Arnauld & Lancelot, 1660 / 1973 cité par Bronckart, Bulea & Pouillot, 2005, p. 11.

12
de l’organisation effective du français tel qu’il se pratique. » (p.11). Dans la
mesure où l’approche de la Grammaire de Port-Royal ne serait pas
adéquate à une utilisation en classe, les grammaires scolaires vont “se
mélanger” à des grammaires dites « normatives » (p. 11). Ce type de
grammaire donne à voir une langue “idéale” utilisée par les grands auteurs.
Dès lors, va se construire l’idée selon laquelle cette langue doit
indéniablement s’appuyer sur « (...) une solide maîtrise de grammaire
traditionnelle. » (p. 12). Le schéma résultant de cette grammaire est alors le
suivant : il est nécessaire de s’entraîner en réalisant des exercices de
grammaire et diverses lectures, dans le but de maîtriser les « règles
grammaticales et normatives » (p. 12), pour ensuite atteindre l’objectif final;
accéder aux “bons” auteurs. Cette conception laissait alors de côté l’étude
des situations de communications “réelles”. Le maître, quant à lui, avait pour
fonction d’assurer le caractère indiscutable des règles grammaticales face
aux élèves en adoptant un enseignement déductif, que Bronckart, Bulea &
Pouillot (2005, p. 12) qualifient même de « frontal ». Les auteurs soulignent
également les répercussions de cette grammaire scolaire quant à l’accès
aux savoirs. En effet, les écarts entre les différents niveaux socio-économiques
se sont alors creusés au profit des classes sociales les plus aisées : les plus
défavorisées n’avaient donc pas accès au savoir grammatical, et a fortiori à
la culture, à travers la lecture d’ouvrages de grands auteurs.

La seconde configuration était soutenue par moins d’auteurs que la première


et ces derniers étaient qualifiés d’ « utopistes » (p. 12). Contrairement à la
première configuration, les disciples de la deuxième considéraient les
variations et la diversité de la langue et réfutait l’idée d’une langue unique et
unifiée. Pour certains, face à un seul monde, un lien entre les structures
langagières et celles de description de ce dernier ne pouvait donc pas
exister. Plus tard, Saussure permettra de crédibiliser cette idée, à travers
l’émergence de ce que Bronckart, Bulea & Pouillot (2005, p.13) nomment
« une véritable linguistique » et qui sera encore développée au cours du
17ème siècle. Mais au départ, c’est notamment à travers le discours de
Comenius (1657) que cette approche s’est imposée. Cet auteur a proposé la
création d’écoles publiques afin de lutter contre l’élitisme, permettre l’accès
au savoir à une plus large partie de la population et ainsi donner à l’école
une mission de socialisation égalitaire des individus. Comenius se positionnait
contre les démarches déductives de la première approche en postulant que
l’enfant avait en lui toutes les capacités nécessaires pour apprendre. D’après
lui, il était nécessaire d’appuyer la progression de l’enseignement sur ces
dernières, tout en prenant en considération les centres d’intérêt des élèves.
Cela permettait alors selon lui de “faire parler” les élèves et ainsi mobiliser le

13
langage en situation de communication réelle. Il s’agit finalement des
prémices des démarches de types inductives dans la mesure où l’on suivait le
processus suivant : « observer d’abord, conceptualiser ensuite les
observations, les généraliser enfin sous forme de règles lorsque c’est possible
et utile. » (p. 14).

Bronckart, Bulea & Pouillot (2005, p. 15) expliquent qu’à partir de ce


mouvement, on parle par la suite de grammaire « moderne ». De nombreux
changements au niveau des objectifs et des démarches de l’enseignement
des langues vont alors s’opérer. Ces nouveautés sont décrites par les auteurs
de la manière suivante (p. 15) :
Au plan des objectifs [...] il s’agit de développer sa maîtrise des formes
textuelles, orales et écrites, qu’il [l’enfant-élève] a ou aura à mettre en
oeuvre dans sa vie sociale. Une fois cette maîtrise acquise, et sur la
base de cette dernière, pourra alors être envisagé l’objectif second
d’accès à la littérature, cette dernière ne se limitant évidemment plus
à certains auteurs élus par les normes ambiantes, mais étant conçue
dans une perspective diversifiée et contemporaine. Au plan des
méthodes, il s’agit en conséquence de se centrer d’abord sur les
variantes de la langue d’usage (et notamment celle de l’élève lui-
même), d’inciter ce dernier à les produire, à les observer, puis à en
dégager certaines régularités, et à se constituer ainsi, par induction, un
savoir d’ordre grammatical qui lui servira d’appui et d’aide-mémoire
dans son développement langagier ultérieur.

Les auteurs précisent, à juste titre, qu’il existait déjà à l’époque, un important
décalage entre les intentions de cette nouvelle approche de l’enseignement
de la grammaire et sa mise en place. Ainsi, pour répondre aux exigences du
secondaire - qui s’inscrivaient dans une approche de l'enseignement de la
grammaire du type de la première conception - l’école primaire publique va
revenir à un enseignement traditionnel voire scolastique : « la décomposition
analytique du programme-cible, et la construction d’une progression fondée
sur des degrés de complexité des savoirs, tels que les adultes les conçoivent. »
(p. 16).

Suite à ce que l’on pourrait qualifier de “retour en arrière”, le principe de


démocratisation va lui aussi tendre à disparaître comme nous l’explique
Bronckart (2016). C’est notamment de ce problème que naîtra, dans les
années 1950-1960, la volonté de revoir l’enseignement de la grammaire,
accentuée par la mise en évidence de nombreuses autres limites.

14
1.1.2 Des caractéristiques aux critiques de la grammaire
traditionnelle : les raisons de la création d’une nouvelle
grammaire

Bien que la partie précédente ait permis de mettre en lumière certaines


caractéristiques de la grammaire traditionnelle, les propos de Bronckart
(2001), Béguelin (2000) et Genevay (1994) se rejoignent et apportent une
description très précise des éléments constitutifs de cette grammaire. Cela
nous permettra de mieux comprendre ses limites, puis les raisons du refus de
persévérer dans cette direction à l’école primaire.

Selon Bronckart (2001) la grammaire dite traditionnelle s’inscrit dans une


« logique de déduction » (p. 3) et s’appuie sur quatre principes. On retrouve
des principes similaires dans la description réalisée par Béguelin (2000), mais
dans un ordre différent pour les premières étapes. Selon cet auteur la
première étape consiste à observer un corpus d’exemples « soigneusement
choisis » (p. 71). A partir de là, les élèves, avec le guidage de l’enseignant,
peuvent déduire les notions grammaticales en jeu. Une définition de la notion
observée est ensuite apportée et devra être mémorisée. D’après Bronckart
(2001), il s’agit d’abord d’enseigner des règles grammaticales ainsi que des
définitions que les élèves doivent mémoriser. L’observation d’exemples
mettant en exergue les règles apprises est ensuite proposée aux élèves. Bien
que l’ordre des étapes diffère, le principe reste le même : « recevoir des
connaissances et les appliquer » (Genevay, 1994, p. 55). A titre d’illustration,
Genevay (1994) s’appuie sur un exemple tiré du manuel 4e/3e de Mauffrey,
Cohen et Lilti (1988, p. 181) sur l’expansion du nom. Il remarque que la théorie
apparaît effectivement en amont des activités, ces dernières faisant ensuite
office d’application des règles présentées. Dans ce sens, Bronckart (2001) et
Béguelin (2000) décrivent la suite de la démarche de la même façon. Les
élèves continuent leur “apprentissage” en s’entraînant à travers des
exercices répétitifs pour arriver à une maîtrise des règles. Finalement,
l’enseignant évalue les élèves sur leur connaissance des règles, et non pas sur
la capacité à remobiliser la règle dans la construction des phrases. Enfin, et
d’après les propos de Bronckart (2001), « l’objectif culturel traditionnel » de la
grammaire est le suivant : « (...) analyser la langue pour analyser le monde et
ainsi développer les capacités de “pensée” de l’élève » (p. 15-16). Autrement
dit, analyser le fonctionnement de la langue devrait permettre d’acquérir des
compétences langagières réflexives et descriptives de l’environnement qui
nous entoure.

15
A travers ce descriptif succinct, nous voyons déjà se dessiner les limites de
l’enseignement traditionnel de la grammaire, au regard des démarches
d’enseignement actuelles qui prônent des pédagogies actives où l’enfant-
élève est “maître” de ses apprentissages et découvre les savoirs au fil de ses
questionnements. Nous nous centrerons ici sur les principales critiques, qui ont
poussé les didacticiens à proposer une nouvelle grammaire. Pour ce faire, je
m'appuierai sur les propos de Bronckart (2001), Bulea Bronckart (2015), Paret
(1992), Béguelin (2000) et Genevay (1996).

Bronckart (2001) émet quatre critiques à l’intention de la grammaire


traditionnelle. La première concerne l’absence de distinction entre les
différents critères au sein des définitions : « les considérations logiques,
morpho syntaxiques et sémantiques » sont mélangées » (p. 2). Autrement dit,
les définitions ne distinguent pas la nature, la fonction, ou encore le sens
d’une notion grammaticale. Cet aspect conduit, selon Bulea Bronckart (2015)
à un manque de précision problématique pour les élèves. Dans la mesure où
l’on ne distingue pas les « critères syntaxiques, sémantiques, et logiques » (p.
17), il en résulterait forcément des définitions incomplètes et insuffisamment
précises, qui risqueraient de plonger les élèves dans la confusion. Cette limite
est également dénoncée par Béguelin (2000, p. 70) qui considère elle aussi
les notions « mal définies et parfois contradictoires ».

En lien avec le manque de précision dépeint ci-dessus, la grammaire


traditionnelle ne semble pas suffisamment bien organisée et ne donne alors
pas l’image de la langue, comme le système qu’elle est réellement. En effet,
Bronckart (2001), tout comme Béguelin (2000), relève un problème
d’organisation de la structure de cette grammaire dans la mesure où elle ne
présente pas « différents niveaux d’organisation de la langue (mots,
catégories, groupes, fonctions, etc.) » (p. 2). Bulea Bronckart (2015) souligne
les conséquences d’une telle organisation sur l’apprentissage des élèves.
Nous savons que les notions grammaticales ne sont pas indépendantes, ou
isolées les unes des autres et qu’il existe des liens ainsi que des rapports entre
elles. Or, dans le cas de grammaire traditionnelle, les élèves n’ont pas la
possibilité de considérer la grammaire comme un système hiérarchisé, alors
que cette conception pourrait les aider dans leur compréhension du
fonctionnement de la langue.

En outre, les auteurs (Bronckart, Béguelin, Bulea Bronckart, Pellat) ont souvent
jugé que cette grammaire était trop focalisée sur les irrégularités et les
exceptions de la langue. D’après Bronckart (2001, p. 2), elle n’attache pas
assez d’importance à « l’analyse des règles syntaxiques » : en cherchant à

16
étudier les irrégularités, la grammaire traditionnelle tend alors à délaisser la
description des régularités dans la composition des phrases. Cette idée de
centration sur les exceptions du fonctionnement de la langue se retrouve
également chez Bulea Bronckart (2015) et nous semble aujourd’hui présenter
trop de difficultés pour être efficace et probante. La grammaire française
étant déjà relativement complexe, il paraît surprenant de s’atteler à décrire
toutes les exceptions qu’elle contient : si l’on veut l’enseigner à des enfants, il
serait davantage pertinent d’opter pour une méthode inverse en décrivant
des règles grammaticales dans leur globalité, pour commencer.

La problématique du sens accordé à l’apprentissage de la grammaire a


également été considérée comme une limite de cette grammaire par les
auteurs, à plusieurs niveaux. D’une manière générale et en lien avec l’objectif
de la grammaire traditionnelle énoncée plus haut, on vise, avec cette
approche une maîtrise abstraite de la grammaire, qui devrait ensuite être
utilisée dans la production et la lecture/compréhension. De ce fait,
grammaire et expression sont deux objets distincts qu’il ne convient de
« mélanger » (Bulea Bronckart, 2015). Cet aspect semble ainsi rendre
l’enseignement dénué de sens car aucun lien n’est fait entre les savoirs
grammaticaux appris et leur utilisation dans le discours. Bronckart (2001, p. 2)
ajoute d’ailleurs que les « (...) notions acquises (...) paraissent inutiles » et non
remobilisables dans les tâches d’expression ou de compréhension de texte.
Quel sens peut-on alors donner aux règles et notions grammaticales si l’on ne
permet pas aux élèves de percevoir leur utilité dans nos discours ? Toujours
dans la même idée, Bronckart (2001) et Béguelin (2000) montrent que les
exemples utilisés par les enseignants sont eux aussi dénués de sens car il ne
s’agit pas d’écrits « usuels », utilisés dans la vie quotidienne (Bronckart, 2001, p.
2). On donne plutôt à voir aux élèves des corpus de textes provenant
d’oeuvres littéraires, qui ne correspondent finalement pas à la réalité des
discours auxquels l’école devrait préparer les élèves, à travers le
développement de leurs compétences langagières et de leur
compréhension du fonctionnement de la langue. En ne laissant pas la place
aux productions spontanées ou provenant des élèves eux-mêmes, ces
grammaires deviennent alors trop normatives, empêchant les élèves de
réinvestir les notions dans les activités d’expression ou de compréhension de
texte (Béguelin, 2000).

Etant donné que la grammaire traditionnelle se base sur une démarche


déductive, la dernière limite présente un aspect problématique concernant
la méthode d’enseignement elle-même. D’après Paret (1992) et Genevay
(1996), la grammaire traditionnelle ne se concentrait que sur la

17
reconnaissance des mots, ce qu’ils nomment "l’étiquetage”. Cette idée de
« simples étiquettes verbales apposées aux choses » est d’ailleurs souvent
reprise dans les discours sur la grammaire traditionnelle (Bronckart, 2016, p.
19). Paret (1992, p. 32) précise que ce procédé n’est absolument pas
suffisant, dans la mesure où « nommer n’est pas maîtriser ». Effectivement,
reconnaître une notion grammaticale ne signifie pas que l’on est capable de
l’utiliser de manière adéquate ou que l’on a compris son fonctionnement.

Enfin, Genevay (1996) met en lumière un aspect pertinent à travers l’analyse


de l’exemple énoncé2 plus haut. En effet, les auteurs du manuel semblent
être conscients du côté insatisfaisant de la démarche adoptée puisque dans
leur avant propos, ils déclarent que « Le professeur garde la liberté du choix
de sa démarche : utiliser ou non le texte d'introduction, partir des exercices
pour tirer des conclusions etc. » (p. 57). Genevay (1996) pose la question :
« pourquoi alors, dans le manuel lui-même, n’avoir pas opté pour une
présentation favorisant cette autre démarche ? » Comme cet auteur
l’avance, il semble peu probable que les maîtres fassent usage de la "liberté"
accordée !

Au regard des limites mises en avant ici, les propos de Ferdinand Brunot
relevés par Bronckart (2016, p. 8) illustrent bien le besoin de modifier la
manière dont on enseigne la grammaire. En effet, il s’agit de revoir les
démarches pédagogiques d’enseignement dans leur globalité : « (...) ce
n’est pas qu’on enseigne trop peu la grammaire, c’est qu’on l’enseigne
mal ».

1.2. La nécessité d’une nouvelle grammaire : des objectifs visés à la


mise en place de l’enseignement rénové de la grammaire

1.2.1 Un nouvelle approche de la grammaire : quelles


intentions ?

Dans l’ouvrage dirigé par Chartrand (2016), Bronckart apporte plusieurs


informations sur les nouveautés en termes d’enseignement de la grammaire.
Au regard des “défauts” de la grammaire traditionnelle observés, un projet
considéré comme fondateur de la rénovation de l’enseignement de la
grammaire va voir le jour en 1970 : « le Plan de rénovation de l’enseignement

2Concernant le manuel 4e/3e de Mauffrey, Cohen et Lilti (1988, p. 181) sur l’expansion du
nom.

18
du français à l’école élémentaire, plus connu sous l’appellation de Plan
Rouchette » (Bronckart, 2016, p. 8).

En plus d’une volonté de démocratisation de l’enseignement, le plan


Rouchette avait deux principales intentions. Il s’agissait, d’une part, de mettre
en place une démarche pédagogique qui pourrait articuler la « libération de
la parole et la structuration des connaissances de la langue » (Bronckart,
2016, p. 9), c’est-à-dire les activités grammaticales et celles relatives à
l’expression / production de l’écrit et de l’oral. D’autre part, cette rénovation
souhaitait s’appuyer sur la psychologie développementale - afin d’exploiter
l’idée de « capacités réflexives des enfants-élèves » - ainsi que sur l’approche
linguistique structurale et générative, que nous verrons plus en détail
ultérieurement (Bronckart, 2016, p. 9). Dans le Plan Rouchette (1970), les
auteurs avaient pris soin de déterminer deux principes méthodologiques
fondamentaux qu’il était nécessaire d’intégrer dans les activités de
grammaire. Bronckart (2016, p. 9) explique qu’il s’agissait de passer, dans un
premier temps, par « une phase de grammaire implicite » à travers des
exercices dits « structuraux » par lesquels les élèves devaient corriger et
améliorer leurs propres énoncés, sans parler de “grammaire” à proprement
parler à ce stade. Ensuite, venait la phase de « grammaire explicite » : « (...)
manipulation organisée » d’énoncés sur la base de laquelle les élèves
devaient progressivement « découvrir puis codifier les règles de base de la
syntaxe » (p. 9). La progression des savoirs a elle aussi été revue. Ainsi, au lieu
de partir de la plus petite unité pour aller vers les plus grandes (plus
complexes), il s’agissait ici de démarrer par les plus grandes unités
langagières pour aller vers les plus petites (phrase → syntagmes (groupes) →
natures → fonctions grammaticales)

En Suisse romande, les idées de la rénovation coïncident avec une volonté


d’uniformiser les programmes différents d’un canton à l’autre. L’ouvrage
Maîtrise du français – une concrétisation du Plan Rouchette – qui est
apparu en 1979, permettait ainsi d’avoir une référence unique pour
l’enseignement de la langue. Dans l’introduction de cet ouvrage, Besson,
Genoud, Lipp, & Nussbaum (1979, p. 1) présentent trois idées déterminantes
de la rénovation de l’enseignement du français, à cette époque :

• La langue est le moyen de communication par excellence. Apprendre


une langue c’est apprendre à communiquer.

• Lorsqu’il entre à l’école, l’enfant a déjà entrepris cet apprentissage. Il


s’agit dès lors d’en favoriser la poursuite, en tenant compte de l’acquis.

19
• Cet apprentissage n’est possible que si l’enfant éprouve le besoin d’entrer
en communication avec autrui, le besoin de s’exprimer, le besoin de
comprendre. A la faveur de cet apprentissage, il structure peu à peu sa
pensée.

Nous sommes alors déjà loin des idées de la grammaire traditionnelle.


Cependant, durant les années 1970, on a observé un sentiment de confusion
chez les enseignants – ainsi que chez leurs élèves – qui étaient tiraillés entre les
anciennes démarches traditionnelles d’enseignement de la grammaire et les
nouvelles méthodes et terminologies. Ce climat « faisait obstacle au
traitement effectif de questions plus fondamentales ayant trait au statut
même de la grammaire, à la méthodologie de son enseignement et à la
place que celui-ci devait prendre dans le cadre général de l’enseignement
de la langue » (Bronckart, 2016, p. 13). Ainsi, on “tombait” à nouveau dans un
manque de précision qui faisait tort à l’image de la grammaire. En Suisse
romande, l’IRDP 3 a pointé la difficulté que présentait la rénovation du
français à travers l'utilisation de Maîtrise du Français par les enseignants et
Bronckart (2016, p. 14) le verbalise de la manière suivante :
(...) si la rénovation était justifiée dans son principe, le projet émanant
de l’ouvrage de référence était trop ambitieux ou prématuré en ce
qu’il requérait de la part des enseignants un ensemble de capacités
pratiques et théoriques bien supérieures à ce à quoi leur formation les
avait préparés et de la part des instances de la politique éducative de
chaque canton, l’adoption de Plan d’études plus précis.

A partir de ce constat, les didacticiens ont alors décidé de modifier les textes
de référence et de créer des moyens d’enseignement adaptés aux
enseignants. De plus, dans un souci de légitimation de cette rénovation que
beaucoup de ses détracteurs critiquaient, le Groupe Bally (Bronckart, 1989;
2014) a rédigé un rapport afin d’expliciter la démarche tout en proposant des
« solutions pour les divers problèmes théoriques, méthodologiques et
techniques qui avaient été identifiés. » (Bronckart, 2016, p. 14). Bronckart
(2016, p. 14) retient quatre éléments notoires de ce rapport. Tout d’abord, les
auteurs conservent l’idée selon laquelle les tâches de structuration de la
langue sont utiles au développement de trois aspects : « l’enrichissement des
capacités d’expression en générale, la maîtrise des principales règles
d’orthographe grammaticale et l'acquisition des langues secondes ou
étrangères ». Il précise également la présence d’un « corpus de notions de la
grammaire de la phrase avec des recommandations d’ajustement »
(Bronckart, 2016, p. 14), permettant ainsi d’obtenir une terminologie plus

3 Institut romand de recherche et de documentation pédagogique.

20
claire et cohérente vis-à-vis des intentions de la rénovation. Concernant les
démarches, on préconise de réaliser les activités de structuration et celles de
production / expression de manière dissociée, durant deux temps
didactiques séparés. Enfin, les auteurs souhaitent s’atteler aux représentations
des enseignants quant à la grammaire et leur permettre de maîtriser et
comprendre davantage le fonctionnement de la grammaire.

Par la suite, à la fin des années 1980, la nécessité de diversifier les genres de
textes à enseigner et les réformes qui ont suivi, ont empiété sur la rénovation
grammaticale en cours, laissant de côté, en Suisse romande, les propositions
du Groupe Bally. Les travaux de ce groupe avaient néanmoins abouti à la
création d’ouvrages en accord avec les objectifs pré-cités, pour les élèves du
secondaire. Malheureusement, les autorités scolaires leur ont préféré des
manuels scolaires français, créant ainsi une nouvelle source de confusion que
ce soit dans les terminologies ou au niveau des démarches. Ce processus – le
recours aux manuels conçus pour être utilisés en France – est encore très
fréquent aujourd’hui, malgré des tentatives de retrouver une certaine
cohérence entre objectifs et manuels.

Bronckart (2016, p. 19) propose trois pistes afin de relancer la rénovation :


« Diffuser une plus juste image de la grammaire et de son rôle », « Conforter la
place et le rôle de la grammaire dans l’enseignement de la langue » et enfin
« Poursuivre l’homogénéisation des notions et règles de grammaire ». Ces
propositions ne seront pas détaillées ici, mais elles permettent de mettre en
avant le sentiment d’inachevé qui peut se dégager de la rénovation de la
grammaire. Il revient donc aux enseignants de tenter de mettre en oeuvre,
en les adaptant si nécessaire, les principes de la grammaire moderne afin
d’atteindre les objectifs que ce beau projet s’était fixé, sans entacher
davantage l’image déjà trop négative de la grammaire.

1.2.1 Objectifs actuels de l’enseignement rénové

Au début de la rénovation, on défendait surtout un objectif utilitariste de la


grammaire : le but était d’abord de permettre aux élèves de pouvoir
communiquer, puis de développer leur maîtrise de la grammaire (Bronckart,
2016). En effet, il s’agissait de « (...) mettre en place un enseignement visant
d’abord le développement des capacités d'expression orale et écrite des
élèves, et ensuite la maîtrise d’une démarche d’analyse et de notions
grammaticales (...) » (Bronckart, 2001, p. 1). L’apprentissage de la grammaire
était donc au service du développement des compétences d’expression
orale et écrite.

21
Aujourd’hui, Bronckart (2016, p. 20) explique que l’on semble s’accorder sur
l’objectif suivant :
(...) la grammaire scolaire constitue un appareil notionnel ayant pour
fonction de compléter et de (ré-)organiser les connaissances dont
disposent déjà les apprenants et de tendre ce faisant à rendre ces
connaissances plus conformes aux savoirs scientifiques à propos du
langage et des langues.
Sur la base de cet objectif, Bronckart (2016), formule différentes visées de la
grammaire. Il s’agit déjà de développer des compétences afin de pouvoir
analyser la langue, compétences qui seront mobilisées afin de maîtriser les
capacités d’expression. Bronckart (2016, p. 21) distingue trois « finalités » des
capacités grammaticales :
(...) la maîtrise de formes d’organisation textuelles, en tant que gage du
développement des capacités d’expression orale et écrite ainsi que
des capacités de réception-interprétation; la maîtrise des règles de
l’orthographe grammaticale de la langue en usage; l’élaboration de
processus transversaux facilitant l’acquisition de langues secondes ou
étrangères.

Concernant la première finalité, Bronckart (2001, p. 3) explique que « les


objectifs et démarches dits de Libération », correspondent au fait de
développer la maîtrise de la communication en français oral et écrit des
élèves. Pour ce faire, il est important que les enseignants présentent des
situations de communication suffisamment variées afin que les élèves puissent
maîtriser des « différentes variétés de français oral et écrit » (p. 3). L’idée sous-
jacente est de permettre aux élèves « de communiquer efficacement dans
diverses situations pratiques d’interaction » (Bulea Bronckart, 2015, p. 21).
D’après Béguelin (2000, p. 72), cela implique alors de laisser de côté les
« exercices déconnectés de la sensibilité et de l'affectivité de l’enfant où le
langage fonctionne en quelque sorte à vide ». Autrement dit, l’objectif n’est
plus de pouvoir lire et comprendre de grands auteurs comme dans le cadre
de la grammaire traditionnelle mais bien de pouvoir utiliser les savoirs
langagiers, en situation, dans la vie quotidienne, la visée de l’école
retrouvant alors tout son sens dans la formation de futurs citoyens capables
de communiquer et d’exprimer leurs pensées.

Le deuxième objectif de l’enseignement de la grammaire est en lien avec


« les objectifs et démarches dits de structuration », pour lesquels il s’agit de
développer chez les élèves une compétence d’analyse réflexive de la
langue (Bronckart, 2001, p.3). On remarque ici que contrairement à la
grammaire traditionnelle la maîtrise des notions grammaticale est visée dans

22
un second temps. Dans ce sens, on estime qu’elle vient outiller « la mise en
oeuvre des quatre types de savoirs (...) : savoir parler, savoir écrire, savoir
écouter, savoir lire » (Bulea Bronckart, 2015, p. 21). Ainsi, comme l’avance
Béguelin (2000, p. 72), la grammaire « s’articule à l’activité de
communication ». Chartrand (2009, p. 14) précise également : « (...) il faut
donc plus d’une approche utilitaire et instrumentale de la langue [...]. Il faut
permettre à l'élève de comprendre l’essentiel des mécanismes syntaxiques
en jeu, ce qui requiert aussi une approche réflexive de la langue ». L’auteure
insiste alors sur le fait que la langue est alors plus qu’un simple outil de
communication, et qu’il doit faire l’objet d’un enseignement à part entière.

Bien que traités ici de manière séparée, dans le but de faciliter leur
compréhension, il est important de préciser qu’il n’y a aujourd’hui pour la
plupart des auteurs, plus de hiérarchie entre ces objectifs. En effet, Bulea
Bronckart (2015, p. 14) parle d’un « enseignement intégré » des deux versants
de la grammaire. Il s’agirait alors de « (...) coordonner deux objectifs
apparemment opposés dits de libération de la parole et de structuration de
la langue » (Bronckart, 2001, p. 42). Cependant, bien que cela puisse sembler
contradictoire, Bronckart (2016), explique que pour pouvoir articuler les deux
objectifs de la grammaire, il est important de les traiter séparément dans un
premier temps, mais de finalement garder à l’esprit qu’ils devraient être
considérés comme interdépendants. C’est donc dans ce sens que nous
pourrions interpréter les propos de Bronckart (2001) : l’enseignement de la
grammaire est second et devrait s’intégrer à la première étape de visée
communicative. Cette volonté d’entretenir une relation d’interdépendance
entre structuration et expression fait cependant débat par son manque de
clarté et de consensus. Certains auteurs mettent ainsi en lumière quelques
éléments problématiques qui seront traités par la suite (cf. supra première
partie, 1.5).

Finalement, et comme le souligne Bulea Bronckart (2015), il n’y a plus


aujourd’hui cette volonté d’enseigner dans une approche abstraite de
l’enseignement de la langue mais il s’agit, au contraire, de contextualiser les
savoirs grammaticaux et langagiers en situation de communication “réelle”,
afin de ré-attribuer du sens à ces savoirs fondamentaux. Cette idée apparaît
d’ailleurs nettement dans l’article de Chartrand (2009, p. 13) lorsqu’elle définit
les finalités de l’enseignement grammatical : « (...) la maîtrise des règles de
construction des phrases et des textes ainsi que des règles et des normes
orthographiques et typographiques [...] dans la perspective de développer
des compétences en lecture, en écriture, et en communication orale des
élèves ».

23
1.2.2 Des caractéristiques aux critiques de la grammaire
traditionnelle : les raisons de la création d’une nouvelle
grammaire

La grammaire moderne s’est inspirée des deux théories linguistiques suivantes


: le structuralisme américain ainsi que la grammaire générative et
transformationnelle. Elle a également emprunté quelques éléments de la
théorie des actes de langage et des théories de l’énonciation (Bronckart,
2001). Bien que différentes, ces deux grammaires comportent deux points
communs : elles décrivent toutes les deux les différentes unités linguistiques
ainsi que les règles de leur organisation – contrairement à la grammaire
traditionnelle – et elles font “abstraction du sens”, se centrant principalement
sur la syntaxe4. En prenant appui sur les propos de Bronckart (2001), Besson,
Genoud, Lipp & Nussbaum (1979) et Béguelin (2000), il s’agira donc de
décrire succintement les apports de ces théories linguistiques afin de
davantage comprendre les choix linguistiques effectués dans le cadre de la
grammaire rénovée.

Le structuralisme s’appuie sur la théorie de Ferdinand de Saussure pour qui la


langue est un système de signes, eux-mêmes composés d’un signifié (le sens
apporté à une chose, ce qu’elle est) et d’un signifiant (le mot - constitué de
différents phonèmes; unités sonores, qui traduit la chose) qui lui correspond
(Bronckart 2001). La langue étant un système, les groupes de mots
s’organisent entre eux pour former des phrases, respectant certaines
caractéristiques propres à chaque groupe (Béguelin, 2000). La méthodologie
en lien préconise de réaliser des manipulations sur ces segments de phrases
(découpage, suppression, déplacement, remplacement, …) dans le but de
mettre en avant leurs « propriétés structurales et fonctionnelles » (Bronckart,
2001, p. 7). D’après Besson, Genoud, Lipp & Nussbaum (1979), la rénovation
va surtout prendre appui sur le structuralisme américain de Bloomfield (1970),
en utilisant la méthode d’analyse distributionnelle. Sous cet angle d’analyse,
l’élément central est le corpus : des énoncés dits réels qui devraient
permettre de tester la validité des règles découvertes à partir de l’étude de
ce corpus. L’analyse distributionnelle comporte un intérêt notable car elle
permet la « classification des catégories d’unités sur des bases
méthodologiques précises » (Besson, Genoud, Lipp & Nussbaum, 1979, 334). A
contrario, la répartition traditionnelle regroupait des unités qui ne se

4 Bronckart (2001)précise que l’aspect sémantique est indispensable mais qu’il est possible de
le “laisser de côté” dans la mesure où ce type d’analyse ne permet pas de comprendre le
fonctionnement des unités linguistiques dans la phrase.

24
comportaient pas de la même manière syntaxiquement parlant, ce qui était
d’ailleurs à l’origine de son manque de clarté.

Selon Besson, Genoud, Lipp & Nussbaum (1979, p. 335), la grammaire


générative et transformationnelle a pour objectif de « rendre compte des
règles de fonctionnement du système ». Ainsi, à la différence du
structuralisme, il s’agit davantage de comprendre l’organisation du système
dans son ensemble. Ceci implique également des transformations du
système, telles que les procédés de substitution, déplacement, addition,
effacement. C’est sur la base des travaux de Chomsky, (1957 et 1965) que la
rénovation s’est principalement appuyée, mais en Suisse Romande, nous
avons retenu les principes de la grammaire générative ainsi qu’une partie de
l’analyse distributionnelle de Harris (Canelas-Trevisi, 2009, p. 37). Plusieurs
éléments seront utilisés dans le cadre de la grammaire rénovée, notamment
cette idée d’ « identification et de classement des unités et des structures » à
partir de laquelle la grammaire moderne va préciser les différences entre les
niveaux de ce nouveau classement ; classes grammaticales, groupes,
fonctions, valeurs sémantiques et fonctions textuelles (Bulea Bronckart, 2015,
p.20).

Enfin, Besson, Genoud, Lipp & Nussbaum (1979) formulent une remarque très
pertinente concernant les théories décrites ici. Selon eux, il revient à
l’enseignant de choisir, pour telle ou telle activité, ce qu’il juge nécessaire
d’emprunter à l’une ou à l’autre des grammaires. Il ne s’agit donc pas
« d’appliquer en classe l’une ou l’autre de ces théories, mais de choisir dans
chacune d’elles des instruments d’analyse pouvant servir au mieux ses
objectifs pédagogiques » (p. 335).

1.3. Comment enseigner la grammaire rénovée et à partir de quelles


ressources ?

Au regard des bases de la grammaire rénovée mises en évidence ci-dessus,


on comprend que l’objectif est de faire table rase de la méthodologie
traditionnelle jugée moyenâgeuse mais également de revenir sur
l’organisation de la langue (Bronckart, 2016). Plusieurs auteurs ont d’ailleurs
défini des caractéristiques concernant ces deux aspects. Nous débuterons
par le second, en nous appuyant sur divers auteurs afin d’obtenir une
représentation de cette grammaire la plus complète et objective possible.
Nous ferons de même pour la démarche employée, en nous centrant
notamment sur la démarche de type inductif.

25
1.3.1 Trois caractéristiques fondamentales de l’enseignement de
la grammaire rénovée

Les auteurs ont défini trois caractéristiques de la grammaire que l’on pourrait
nommer dans les termes suivants : recours à une analyse sémantique et
structurelle de la langue, création de règles et de normes, organisation de la
langue.

Concernant la première caractéristique, Bronckart (2001) distingue « différents


critères d’analyse de la structure et du fonctionnement de la langue ». En
effet, Bronckart (2016, p. 17) affirme qu’il ne s’agit pas de traiter uniquement
la « dimension sémantique » dans l’analyse des constituants de la phrase,
mais qu’il faut aussi s’intéresser aux « propriétés syntaxiques observables ». Il
faudrait alors commencer par une « approche de l’organisation des
signifiants »; autrement dit le niveau morphologique et syntaxique de la
langue. Puis, de manière indépendante, traiter l’organisation des « signifiés »;
au niveau sémantique et logique. Selon Bronckart (2001), cela permettrait
d’établir une synthèse des unités linguistiques du français cohérente.

Dans la mesure où il est important de distinguer les « caractéristiques


syntaxiques, morphologiques et sémantiques des unités de la langue, la
deuxième caractéristique apparaît très en lien avec la première » (Bulea
Bronckart, 2015, p. 19). En effet, il s’agit ici d’organiser ces différents niveaux
d’analyse (préalablement différenciés) ainsi que leurs interactions les uns
avec les autres afin de pouvoir « aboutir à une conception clarifiée, voire
simplifiée de l’organisation de la langue » (Bronckart, 2016, p. 20). Autrement
dit, en délimitant plus précisément les différents niveaux que l’élève peut
utiliser pour analyser une phrase (à partir du sens, de l’origine des mots, et de
l’aspect grammatical), ce dernier sera moins perdu dans l’observation de la
langue.

La dernière caractéristique de la grammaire rénovée se situe à l’opposé de


la grammaire traditionnelle car elle appelle, non plus à se centrer sur les
irrégularités de la langue, mais au contraire à identifier et analyser ce que
Bronckart (2001, p. 4) nomme les « régularités d’organisation de ces unités
dans le cadre de la phrase ». A partir de là, nous pourrions alors outiller les
élèves pour qu’ils puissent fabriquer eux-mêmes des phrases grammaticales
en mobilisant les règles établies. D’après Bronckart (2016), ces règles
devraient être déduites à travers une analyse de la langue pertinente que
nous aborderons plus en détails plus tard.

26
Ces éléments caractéristiques donnent une orientation plus stable, régulière
et organisée de la grammaire. Pour résumer, il s’agit d’ « (...) observer les
caractéristiques de la langue, induire les régularités, puis codifier cette
connaissance acquise en termes grammaticaux » (Bronckart, 2001, p. 3).

1.3. 2 Principes pédagogiques de la grammaire rénovée

Chartrand, Lord et Lépine (2016), donnent à voir trois orientations à prendre


en compte pour « atteindre les finalités assignées à l’enseignement
grammatical » : « Tenir compte des conceptions des élèves », « Rendre l’élève
conscient de ses savoirs pour qu’il puisse les redéployer dans d’autres
situations de communication » et « Réaliser des démarches pour
appréhender la langue comme un système » (p. 41-42).

Pour respecter le premier aspect, Chartrand, Lord et Lépine (2016) proposent


une démarche contenant huit points importants. Tout d’abord, il s’agit de
donner à l’élève une situation problème à résoudre, comme nous pourrions le
faire en mathématiques, mais cette fois pour la langue. Dans un deuxième
temps, les tâches proposées pour résoudre le problème doivent permettre à
l’élève de manipuler la langue. Pour ce faire, Besson, Genoud, Lipp et
Nussbaum, (1979, p. 3) précisent dans Maîtrise du français, qu’il faut amener
« (…) l’enfant à faire fonctionner la langue. Les activités d’expression, les
manipulations lui feront découvrir progressivement de façon tout d’abord
intuitive, puis réflexive, les principes de ce fonctionnement. ». L’objectif de ces
manipulations est donc de « démontrer les principaux mécanismes de la
langue et inventorier les possibilités » (Besson, Genoud, Lipp et Nussbaum,
1979, p. 337). Pour Bronckart (2001, p. 43), la démarche de manipulation est
un « aspect central de la rénovation de l’enseignement de la langue » qu’il
définit très précisément :
Elle permet d’abord de mettre en application le principe de la
pédagogie active, en dotant l’élève de techniques lui permettant
d’agir sur sa langue. (...) elle permet ensuite de “faire voir” les
régularités effectives du système de la langue avant de procéder à
l’étiquetage des notions et des règles dans le cadre d’une terminologie
grammaticale.

Ainsi, à partir des manipulations réalisées et des observations qui en sont


ressorties, les élèves pourront émettre des hypothèses, les conduisant peu à
peu à l’identification de la notion en jeu. Cet élément fait d’ailleurs partie
d’un point essentiel de la démarche proposée par Chartrand, Lord et Lépine

27
(2016, p. 41), qui considèrent qu’il faut que les élèves puissent prendre le
temps d’observer et de poser des questions (hypothèses, comparaison avec
l’ouvrage de référence consulté, etc), car « ce qui compte ce n’est pas tant
la réponse que le raisonnement suivi pour arriver une réponse ».

Dans ce sens, ces auteurs proposent aussi de demander aux élèves


d’expliquer leurs hypothèses et observations en utilisant des exemples et des
contre-exemples ainsi que de fournir des explications et des justifications
écrites de celles-ci, dans le but de comprendre davantage l’importance de
« l’écriture pour penser » (Chartrand, Lord et Lépine, 2016, p. 41). La
confrontation des points de vue des élèves entre pairs est également une
dimension essentielle de la démarche, au même titre que le statut de l’erreur.
Ce dernier est discuté en collectif, car il s’agit d’une source importante
d’apprentissage. Enfin, pour être en cohérence avec ce qui vient d’être
énoncé, il faudrait tenir compte, dans les évaluations autant de la démarche
que de la réponse.

Le deuxième point soulevé dans l’ouvrage dirigé par Chartrand (2016)


concerne la prise de conscience des élèves quant aux savoirs acquis et leur
capacité de remobilisation de ces acquis. D’après les auteurs, faire verbaliser
n’est alors pas suffisant, il faut pouvoir leur permettre de transférer leurs
connaissances dans la pratique. Il faudrait alors inviter les élèves à se poser
des questions sur ce qu’ils ont appris et énumérer les situations dans lesquelles
ils pourront remobiliser ce nouveau savoir. En lien avec cette finalité, Besson,
Genoud, Lipp et Nussbaum (1979, p. 3), proposent dans Maîtrise du français
de partir des productions de l’élève, dans l’optique de « (...) faire vivre la
langue française comme moyen d’échange (...) lui permettant ainsi
d’adapter sa langue aux diverses situations dans lesquelles il se trouve
placé ». Autrement dit, il s’agirait de partir de ce que connaissent les élèves
en termes de production de la langue et d’y adapter son enseignement afin
que la remobilisation des nouveaux savoirs prennent davantage de sens.

Enfin, Chartrand, Lord et Lépine (2016) précisent qu’il ne s’agit pas de laisser
les élèves complètement en charge de leurs apprentissages. Il est
effectivement nécessaire de bien structurer l’enseignement de la grammaire
en s’assurant d’une bonne clarification des contenus. De plus, il est important
de conserver l’exercisation afin « d’automatiser les raisonnements et les
procédures » (Chartrand, Lord et Lépine, 2016, p. 42).

28
1.3. 3 La démarche de type inductif au service de
l’enseignement de la grammaire

Généralités

Comme nous avons pu déjà l’apercevoir précédemment, l'enseignement de


la grammaire rénovée s’oppose à « la didactique déductive traditionnelle »
et propose « l’adoption d’une perspective de découverte, d’observation et
d’induction des règles de la langue » (Bronckart, 2001, p. 14). Ainsi, la
démarche inductive marque la fin de la grammaire “frontale” et des
démarches qui consistent à observer la règle grammaticale, puis à réaliser
des exercices d’application de cette règle (Bulea Bronckart, 2016). L’objectif
de la démarche inductive est alors de permettre à l’élève d’expérimenter le
fonctionnement de la langue. En effet, contrairement aux démarches
déductives (la règle est directement transmise par l’enseignant, à l’élève), les
démarches inductives permettent à l’élève de réaliser un « travail réflexif » à
partir de « l’observation d’un corpus menant à des hypothèses à confirmer »
(Vincent, Dezutter, Lefrançois, 2013, p. 93). Dans ce sens, les exercices
viseront à « faire manipuler la langue, c’est-à-dire observer, classer,
déconstruire, transformer, reconstruire des phrases » (Paret, 1992, p. 33). De
plus, en laissant davantage de place à la parole de l’élève ce dernier serait
plus à même de comprendre le raisonnement en jeu (Dolz & Simard, 2009).

Genevay (1996, p. 57) résume cette nouvelle démarche de la manière


suivante : « observer, manipuler, découvrir, utiliser ». Ainsi, l’enseignement
d’une notion grammaticale débute par une « phase de recherche collective,
un atelier au cours duquel les élèves ont pour activité d’observer un
ensemble choisi d’énoncés caractéristiques d’un problème de langue afin
de découvrir certaines régularités de fonctionnement et d’en formuler de leur
mieux les lois ». Pour ce faire, l’enseignante demande aux élèves de produire
des écrits en lien avec la notion qu’elle souhaite travailler et en sélectionne
quelques-uns. Au cours de l’observation, les élèves pourront tester diverses
manipulations : suppression, déplacement, remplacement, ajouts,
transformations. Le travail se poursuit par une « consolidation » permettant
aux élèves de vérifier les « constats obtenus et de mettre en oeuvre les
connaissances acquises lors de la recherche » (Genevay, 1996, p. 58). Pour
cet auteur, il est primordial que les élèves rédigent les constats obtenus car
cela leur permet de constituer progressivement un « aide-mémoire »
(Genevay, 1996, p. 58).

29
Vincent, Dezutter, Lefrançois (2013), montrent que l’approche inductive est
davantage efficace pour l’apprentissage de la grammaire que l’approche
déductive. Les auteurs préviennent cependant les lecteurs qu’il est difficile de
généraliser ces résultats pour l’enseignement de la L1 (langue 1). De plus, ils
rejoignent l’idée de Parisi et Grossman (2009, p. 94) selon laquelle il faudrait
« éviter le débat caricatural entre les tenants des deux approches
didactiques » 5 . En effet, « la combinaison occasionnelle des deux types
d’approche peut s’avérer d’autant plus pertinente que la variation des
pratiques permet d’intéresser, au cours d’une année un plus grand nombre
d’élèves » (Vincent, Dezutter, Lefrançois, 2013, p. 94). Il ne faudrait donc pas
rester prisonnier, d’une seule approche, au risque de perdre certains élèves,
qui s'installeraient dans une routine d’apprentissage.

Vincent, Dezutter, Lefrançois (2013) mettent en lumière diverses approches


de la démarche inductive auxquelles d’autres peuvent encore s’ajouter : la
démarche de découverte (ou DADD), la démarche de situation problème, la
démarche intuitive (relative uniquement à l’enseignement de la L2 – langue
2) ou encore la démarche par dévoilement. Les deux premières démarches
sont décrites plus précisément ci-dessous.

La démarche active de découverte (DADD) - Chartrand

La démarche active de découverte est souvent défendue par les auteurs qui
prônent la démarche inductive au service de l’enseignement de la
grammaire. Je m'appuierai essentiellement sur Chartrand (1996), en
complétant mon exposé avec les apports de Bulea Bronckart (2016) et
Bronckart (2001).

Le but de la démarche active de découverte, comme son nom l’indique, est


de rendre les élèves actifs, de leur permettre « d’expérimenter la langue et
de l’observer pour la découvrir » (Bulea Bronckart, 2016, p. 28). Comme nous
l’avions déjà abordé dans le cadre de la construction de la nouvelle
grammaire, Chartrand (1996, p. 14) s’inscrit dans une approche réflexive de
la langue et nuance ses propos par rapport à certains auteurs car pour elle,
« la langue n’est pas qu’un outil de communication dans le cadre de la
classe de français, elle doit être aussi un objet digne de connaissance car sa
connaissance est nécessaire à une utilisation correcte (...) ». Chartrand (1996,
p. 14) précise cependant que l’on n’attend pas des élèves qu’ils apprennent
telles quelles des règles grammaticales; mais plutôt qu’ils puissent développer

5 Cité par Vincent, Dezutter, Lefrançois (2013).

30
« en classe un esprit de recherche et d’interrogation à l’égard du langage
qui fait déjà partie de la vie de l’élève. ».

Cette démarche prend appui sur les principes de la pédagogie active selon
laquelle il est souhaitable de placer les élèves dans des situations sollicitant
leur expression. Il faudrait ensuite poursuivre le travail avec des activités de
structuration à partir de certains énoncés, permettant d’observer la langue;
son fonctionnement, ses régularités, sa structure, afin d’arriver à une
« codification des phénomènes observés » (Bronckart 2001, p. 42). Dans le
cadre de la DADD, Bronckart (2001, p. 43) précise que l’on dépasse cette
approche à travers l’utilisation de « techniques d’observation, de
découverte, d’induction des régularités de la langue, techniques qui
constituent le produit d’une transposition didactique de celles qui sont
effectivement utilisées par les linguistes structuralistes et générativistes. ».
Chartrand (1996, p. 14) définit parfaitement la démarche active de
découverte : « les élèves construisent leurs connaissances en utilisant une
démarche de type expérimental grâce à l’observation des phénomènes
langagiers et à l’introduction pour tenter de les expliquer ». De cette manière,
ils « découvrent eux mêmes les principaux mécanismes de la langue en la
manipulant » (Chartrand, 1996, p. 14).

Selon Chartrand (1996, p. 13-14), la DADD est composée de sept étapes, que
j’ai choisi de synthétiser de la manière suivante :

1. Observation du phénomène à partir d’un corpus de textes ou de


phrases d’élèves.

2. Manipulations 6 permettant de « faire émerger certains aspects du


fonctionnement du phénomène ».

3. Formulation d’hypothèses à partir des résultats des manipulations, puis


vérifiées à travers d’autres corpus.

4. Création d’une règle (si l’hypothèse est généralisable).

5. Vérification de la règle dans un ouvrage de référence grammatical.

6. Application de la règle découverte « dans le plus grand nombre de


contextes linguistiques possible » (« phase d’application »).

6classement, comparaison, modification des énoncés; remplacement, substitution,


déplacement, permutation, addition, soustraction, dédoublement etc

31
7. Remobilisation des connaissances dans des « activités de
compréhension et production de texte » (« phase de transfert conscient
de ces connaissances »). Dans cette étape, il est important d’éviter les
« phrases stéréotypées et démesurément simplifiées à partir desquelles
l’élève procède de façon mécanique sans réflexion » et plutôt de
proposer des exercices adaptés aux élèves.

Chartrand (1996, p. 20) s’appuie sur Paret (1992) pour mettre en évidence
certaines conditions à la mise en pratique de cette démarche. Il est
nécessaire de mettre en lien la notion grammaticale étudiée et « sa
réalisation dans des textes » afin qu’elle soit intégrée par les élèves dans ces
deux dimensions (textuelle et discursive), tout en veillant à bien se focaliser
uniquement sur l’aspect souhaité. La terminologie utilisée pour désigner les
notions et phénomènes doit être clarifiée et commune à tous les élèves, sans
quoi la découverte peut se révéler problématique. « Une attitude de
recherche doit primer sur une volonté d’arriver à des savoirs sûrs », car le but
de la démarche est justement de pouvoir suffisamment exploiter les propos
des élèves (Chartrand, 1996, p. 41). Il est donc primordial, bien que complexe
de “lâcher la bride” et de laisser le temps aux élèves d’essayer, de se
tromper, de recommencer, voire se tromper à nouveau, pour finalement
comprendre.

Malgré les conditions de mise en pratique présentées ci-dessus, la DADD,


présente, pour Chartrand (1995), de nombreux intérêts. Tout d’abord, l’élève
est « actif tout au long de son apprentissage » et il expérimente des
« procédures d’observation et de manipulation » remobilisables dans d’autres
disciplines (p. 14). Cette démarche permet également une grande
adaptation aux besoins et compétences des élèves, ce qui ne peut être que
bénéfique pour les élèves qui avancent à leur rythme. De plus, à travers
cette approche, l’élève est initié « à la démarche expérimentale » et il
développe « un esprit de rigueur » qui peut lui servir dans d’autres domaines.
Pour finir, ce type de méthode « favorise l’écoute des autres points de vue, la
discussion développant les habiletés argumentatives des élèves » (p. 14).

32
La démarche de situation problème - Tisset

Tisset (2010) présente sa démarche, issue d’une approche inductive, à travers


sept étapes, désignées par des termes représentatifs de cette approche.

• P comme « problème » (p. 19)

La question du sens accordé à la réflexion sur le fonctionnement de la langue


est centrale pour l’auteur. Il est primordial que l’activité ait une finalité,
« réponde à une question ou à un problème que la classe se pose, lève un
obstacle devant lequel on s’est trouvé. C’est ce qu’on appelle une situation-
problème. » Il faut ensuite savoir s’écarter du sens pour se focaliser sur le
fonctionnement de la langue en lui même.

• H comme « hypothèses » (p. 19-20)

Selon Tisset, les hypothèses des élèves au sujet des phénomènes observés et
mis en évidence par les élèves eux-mêmes vont donner à l’enseignant les
« représentations initiales des élèves ». Les élèves vont formuler des solutions à
partir de leurs savoirs et intuitions de base. L’enseignant pourra alors intervenir
en donnant « des contre-exemples afin de faire avancer la réflexion ». Grâce
à cela les élèves vont pouvoir passer « de l’épilinguistique au
métalinguistique, d’une intuition sur le fonctionnement à une explication
rationalisante ». En effet, pour Tisset « acquérir une connaissance
grammaticale c’est [...] mettre en rapport forme et sens ».

• A comme « action » (p. 20)

Selon Tisset, il faut permettre aux élèves de réaliser des manipulations


(« regroupement par analogie, suppression, déplacement, remplacement,
contre-exemple ») afin de tester leurs hypothèses, « créer des conflits cognitifs
entre les diverses conceptions et [...] provoquer leur dépassement ».
L’interaction entre pairs est donc importante mais néanmoins pas suffisante :
Tisset considère que les élèves ne peuvent pas construire eux-mêmes les
savoirs en grammaire. Par conséquent, le rôle de l’enseignant est primordial
car c’est lui qui va permettre aux élèves de dépasser les « intuitions
ponctuelles et contextualisés » et d’aller vers des « généralisations ».

33
• Va comme « validation » (p. 20)

A partir des manipulations et observations réalisées, les élèves vont par la


suite valider les hypothèses probantes. En fonction de « l’âge et la capacité
d’abstraction », l’enseignant pourra accepter des explications plus ou moins
complètes, car le processus de validation nécessite une « capacité
d’abstraction » importante : « le cerveau doit accepter d’abandonner une
idée ancienne et réorganiser tous les savoirs en fonction de la nouvelle
représentation. ».

• D comme « décontextualisation » (p. 21)

Parallèlement aux tentatives d’explication du phénomène, l’abstraction doit


se poursuivre jusque dans les exemples : il s’agit de « décontextualiser les
exemples, de prendre des exemples types et non ceux de chaque individu »
dans le but de pouvoir généraliser l’explication obtenue. Selon Tisset; la
décontextualisation, qui « est le premier symptôme d’un savoir acquis » se
réalise à travers trois phases. Durant la première phase; dite « analogique »,
l’élève effectue des regroupements « par confrontations successives ». Ces
dernières vont lui permettre de relever des « oppositions, des rejets »
(deuxième phase). La dernière phase consiste à rechercher des nuances
parmi les découvertes réalisées jusqu’ici. Le passage par ces stades est
primordial au risque de « perturber l’appropriation » du savoir grammatical.
Pour Tisset, ce dernier ne peut se faire, sans l’implication cognitive de
l’élève; « que par une lente élaboration du sujet qui produit une activité qui
tente diverses explications ».

• Ar comme « analyse réflexive » (p. 21)

A ce stade, l’élève a « encore besoin d’un temps de réflexion pour analyser


le fonctionnement ». L’élève va alors mobiliser le nouveau savoir, mais Tisset
précise bien que ces activités n’ont « rien à voir avec l’habituelle application
sans conscience ». En effet, à travers des « exercices et des phases de
confrontation », l’élève va s’entraîner à « expliciter sa pensée, justifier son
analyse, la confronter à celle des autres ». Cette étape de la démarche vise
donc l’intégration du nouveau savoir.

• A comme « automatisation » (p. 22)

La dernière étape consiste à automatiser certaines marques graphiques, de


manière à ce qu’elle deviennent une évidence pour l’élève. Le but est qu’il

34
ait recours au savoir de manière “automatique”, sans devoir repasser par
toute la réflexion déjà réalisée.

Tisset (2010, p. 23) fait remarquer que la démarche « phavadar » 7 , « se


termine par la “définition”, c’est-à-dire par un essai de généralisation là où,
traditionnellement, commence la leçon de grammaire ». Elle juge cette
approche « à la fois inductive et déductive selon les phases d’acquisition » (p.
23). De plus et d’après les hypothèses de Tisset (2010), cette démarche
présenterait de nombreux aspects positifs. En effet, si l’on considère que « les
enfants apprennent quand ils sont acteurs (Piaget, Vygotski, Bruner) » (Tisset,
2010, p. 23), la méthode décrite ci-dessus devrait leur permettre de mieux
entrer dans les apprentissages, comprendre les savoirs et les retenir en
mémoire. La seconde hypothèse, selon laquelle « les enfants apprennent
quand le savoir fait sens pour eux » (Tisset, 2010, p. 23), montre à nouveau les
bénéfices de la démarche « phavadar » car elle met l’élève face à un
problème, une énigme qu’il doit réussir à résoudre. Enfin, Tisset (2010, p.
24) considère que « les enfants apprennent quand ils peuvent verbaliser avec
leurs mots ce qu’ils comprennent ». Dans la mesure où, la démarche
présentée repose en grande partie sur l’interaction des élèves entre eux ainsi
que sur leurs explications du phénomène en jeu, cette méthode s’inscrit bien
dans l’approche vygotskienne.

Tisset (2010, p. 25) met un point d’honneur à différencier sa démarche de


celle de la « pédagogie du problème » de Britt-Mari Barth, définie par Philipe
Merieu. Contrairement à cette approche, Tisset (2010) explique que pour sa
part, ce n’est pas l’enseignant qui va fournir des contre-exemples, valider les
hypothèses des élèves ou les induire jusqu’à leur faire découvrir des
propriétés. Dans la démarche de Tisset (2010, p. 24), l’enseignant ne revêt pas
le rôle de « spécialiste » qui « infirme ou confirme les propositions des élèves ».
Pour Tisset (2010, p. 25), c’est à l’élève que revient tout ce travail car :
Pour que l’élève apprenne, l’analyse doit venir de lui et non de
l’extérieur, de l’adulte. Il gagne en autonomie. L’acquisition ne peut
être dépendante d’un autre, fût-ce l’enseignant, sous peine de ne pas
être un savoir acquis. [...] La reconnaissance d’une classe de mots ou
d’une fonction doit pouvoir se faire en dehors de la présence de
l’enseignant et dans tous les contextes scolaires réquisitionnant cette
compétence.

7 Sigle formé par la première lettre de chaque phase de la démarche.

35
1.4. Liens avec les prescriptions officielles de l’Institution scolaire et les
moyens d’enseignement

1.4. 1 Dans le Plan d’Etudes Romand

Le Plan d’Etudes Romand (2010) se focalise sur quatre visées prioritaires de


l’enseignement du français qui sont chacunes travaillées de manière
spiralaire, au cours des cycles :

• Maîtriser la lecture et l'écriture et développer la capacité de


comprendre et de s'exprimer à l'oral et à l'écrit en français.

• Découvrir les mécanismes de la langue et de la communication.

• Développer des compétences de communication opérationnelles


dans plusieurs langues.

• Construire des références culturelles et utiliser les médias, l'image et les


technologies de l'information et de la communication.

Ces quatre visées sont également décomposées en objectifs fondamentaux


organisés en réseau et illustrés dans le tableau suivant 8.

8 Tiré du site internet du Plan d’Etudes Romand : http://www.plandetudes.ch/web/guest/francais.

36
Dans les commentaires généraux propres au domaine Langues, les quatre
visées sont ensuite transformées en « quatre grandes finalités » similaires, mais
dont les objectifs sont davantage développés. En lien avec l’objet d’étude,
seules les deux premières finalités ont été dégagées ci-dessous (PER, 2010, p.
6-7).

Apprendre à communiquer et communiquer

Travailler les langues et la communication à l'école, c'est permettre à chaque


élève :

• d'acquérir les outils nécessaires à la maîtrise de la lecture et de l'écriture;

• de développer et mobiliser des techniques et des stratégies de


compréhension et d'expression dans des situations de communication en
français et dans au moins deux langues étrangères;

• de maîtriser progressivement – et à des degrés distincts pour la L1 et les


autres langues étudiées – les principaux genres de textes (oraux et écrits)
pertinents dans le contexte scolaire (exposé, commentaire écrit,
consignes,…), social (discours public, informations télévisées,…) et culturel
(récit, conte,…);

• d'accéder, en français et, à un degré moindre, dans au moins deux


langues étrangères, aux informations et connaissances lui permettant de
comprendre le monde et de s'exprimer en tant qu'individu et citoyen;

• de se construire comme personne.

Pour faire face aux situations de communication présentes à l'école, dans le


monde professionnel et dans la vie sociale, les élèves doivent développer des
pratiques langagières, orales et écrites, répondant à des situations et projets
de communication divers, qui se complexifient au cours de la scolarité. Parler,
écouter, lire, écrire et interagir – en français et dans les autres langues
étudiées – représentent des savoir-faire indispensables à tout citoyen et
garantissent l'accès aux savoirs.

37
Maîtriser le fonctionnement des langues / réfléchir sur les langues

Étudier le fonctionnement des langues et réfléchir à leur sujet, c'est permettre


aux élèves:

• de s'approprier les outils nécessaires afin de maîtriser les bases des


différentes langues, qui permettent d'utiliser la langue de manière
adéquate dans les situations de communication auxquelles les élèves sont
confrontées;

• de mieux comprendre les règles de fonctionnement de la langue


française (grammaire, orthographe, conjugaison, lexique,…) et de les
maîtriser pour elles-mêmes et dans le cadre de la compréhension et de la
production de textes;

• d'analyser et évaluer les pratiques langagières et communicatives ainsi


que leurs caractéristiques, de se questionner à propos de leur sens et des
intentions qui les fondent pour mieux comprendre les mécanismes de la
communication;

• d'observer les règles de fonctionnement de la langue française et des


autres langues étudiées dans le but de mieux percevoir les similitudes et les
différences et d'établir des liens entre apprentissage des langues
étrangères et du français (pour les élèves allophones : liens avec leur-s
langue-s maternelle-s).

Il s'agit ainsi pour les élèves, lorsqu'ils se trouvent en situation de


communication, d'utiliser la langue dans le respect des règles et des normes
correspondant à cette situation, en mobilisant leurs connaissances et en
recourant au besoin aux ressources qu'ils ont appris à maîtriser (usage de
dictionnaires, d'ouvrages de référence, de correcteurs orthographiques,
questionnement de l'interlocuteur,…).

38
1.4.2 Document d’orientation à l’intention des enseignants de
l’école obligatoire de la Suisse romande

En 2006, la CIIP9 fait paraître un document visant à éclaircir les objectifs de


l’enseignement de la langue à l’école primaire. Il semble donc important de
présenter certains éléments de ce document pour comprendre davantage
les enjeux de l’enseignement rénové de la langue.

Vers une articulation des finalités de l’enseignement du français

Les auteurs de ce document, donnent tout d’abord à voir trois finalités


« étroitement imbriquées » de l’enseignement du français qui font écho aux
orientations présentées précédemment : « apprendre à
communiquer/communiquer, maîtriser le fonctionnement de la langue/
réfléchir sur la langue, construire des références culturelles » (CIIP, 2006, p. 9).
Ce sont les deux premières finalités qui nous intéressent ici, dans la mesure où
elles intègrent toutes les deux l’enseignement de la grammaire. Ainsi, pour la
première finalité, le « point de départ » et le « point d’arrivée » de
l’enseignement du français réside dans la capacité des élèves à « produire et
à comprendre des textes divers en tenant compte des règles de
fonctionnement de la langue, à l’oral comme à l’écrit » (CIIP, 2006, p. 9). La
seconde finalité est davantage axée sur la maîtrise des « outils nécessaires à
la réflexion sur le fonctionnement de la langue et de la communication »
(CIIP, 2006, p. 9) permettant aux élèves d’utiliser la langue à bon escient et
de savoir l’analyser.

Dans ce document, on estime que les


trois finalités de l’enseignement du
français n’ont pas la même
importance, la première finalité
(capacité de communication) étant
prioritaire. Ainsi, les deux autres finalités
sont « complémentaires mais
indispensables à une communication
réussie » (CIIP, 2006, p. 10). Autrement
dit, bien qu’elles demeurent
hiérarchisées, ces finalités sont
interdépendantes les unes des autres.

9 Conférence Intercantonale de l’Instruction Publique de la Suisse romande et du Tessin.

39
A titre d’illustration, le schéma issu de document (cf. ci-dessus) permet de
bien visualiser cette articulation (CIIP, 2006, p. 10).

Ce qui “rassemble” ces


finalités est finalement l’unité
d’analyse utilisée : le texte. En
effet, il permet « de traiter
l’essentiel des points de
structuration à aborder dans
l’enseignement du français
dans les domaines du lexique,
de la grammaire, de
l’orthographe et de la
conjugaison » (CIIP, 2006, p.
12). Cela peut se réaliser de
deux manières différentes : on
peut intégrer directement un
travail de production ou de
compréhension sur la base
d’un texte ou se focaliser
davantage sur une difficulté
d’ordre grammatical en
utilisant le texte comme support d’activités « dites décrochées » (CIIP, 2006,
p.12). Le schéma ci-dessus permet de soutenir ces propos (p. 13).

Les rédacteurs du document d’orientation, mettent cependant en avant


quelques risques à cette organisation du français. Lors des activités dont
l’objectif premier porte sur la structuration de la langue (mais qui demandent
également d’étudier le contenu du texte, au niveau de la compréhension), il
apparaît effectivement difficile pour les élèves de partager « leur attention sur
le contenu et sur la forme » (CIIP, 2006, p. 14). Les auteurs préconisent alors de
séparer l’activité, permettant ainsi aux élèves de s’occuper d’abord du
contenu (compréhension) puis de la forme (structuration). Par conséquent,
bien que l’idée d’une articulation des composantes du français semble plus
cohérente, il est important de toujours s’adapter aux élèves, afin de ne pas
les “perdre”.

40
Progression et démarche

Les auteurs du document Orientations (CIIP, 2006, p. 14) donnent à voir une
progression dite spiralaire qui permet à l’élève d’apprendre « grâce à des
activités ayant du sens ». En effet, on reprend systématiquement les
composantes travaillées l’année précédente en approfondissant certains
éléments. Le rôle de l’erreur est alors primordial, car c’est sur cette base que
l’élève va construire petit à petit ses apprentissages.

Concernant la démarche adoptée, les auteurs expliquent qu’il s’agit d’une


approche généralisée dans l’enseignement de la plupart des disciplines et
définissent précisément les critères (CIIP, 2006, p. 16) – qui font d’ailleurs écho
aux démarches actives (cf. supra …..) – de la manière suivante :

• la prise en compte des connaissances initiales des élèves, fondement


de l’évaluation formative et de la différenciation de l’enseignement;

• la mise en problème des objets de savoir afin de les présenter non


comme des éléments d’un savoir «fini» mais comme un «obstacle» à
dépasser ;

• les échanges et la coopération entre élèves pour créer des situations


favorisant le partage de la parole tout en visant l’acquisition de
compétences en communication orale;

• la consolidation des acquis par des exercices et de l’entraînement


systématique.

Qu’en est-il de l’enseignement de la grammaire précisément ?

Les auteurs décomposent le domaine « grammaire au sens large » en quatre


sous-domaines : « grammaire au sens étroit, conjugaison, lexique
(vocabulaire) et orthographe » (CIIP, 2006, p. 29). Nous nous focaliserons
donc essentiellement sur l’axe grammatical, pour lequel sont définis des
objectifs prioritaires, une démarche ainsi qu’une progression spécifique.

Les objectifs prioritaires de la grammaire sont définis ainsi(CIIP, 2006, p. 29) :


(…) être capable de maîtriser les règles de fonctionnement de la
langue, d’utiliser un vocabulaire spécifique pour parler de la langue, de
construire et acquérir des outils pour réfléchir sur la communication et la
langue (outils qui deviendront une aide à la rédaction).

41
La grammaire devrait donc permettre de donner aux élèves les outils
nécessaires à la production/compréhension de la langue, ces outils étant
alors « au service des deux autres finalités du français (aptitude à
communiquer et à construire des références culturelles) » (CIIP, 2006,p. 29).
Dans cette optique d’approche intégrée, des « buts utilitaires de
l’enseignement de la grammaire » sont notamment définis (CIIP, 2006, p. 30) :

• la maîtrise des règles de l’expression écrite (gestion de la temporalité


verbale dans un texte long, reprises nominales et pronominales, etc.),

• la maîtrise des correspondances graphèmes-phonèmes et des règles


de l’orthographe grammaticale (accords, morphologie verbale, etc.).

Au niveau des démarches, les auteurs (CIIP, 2006, p. 29) préconisent de


« proposer des activités de grammaire de la phrase et du texte ancrées dans
les activités communicatives ou spécifiques selon les besoins ». Cela devrait
également permettre aux élèves de trouver davantage de sens aux activités
de structuration.

Enfin, la progression soutenue ici, implique de partir « de la réflexion à propos


de la langue et de la communication, aux activités systématiques de
manipulation et de réflexion » (CIIP, 2006, p. 29), tout en utilisant un
vocabulaire similaire qui permettrait aux élèves de maîtriser les règles.
L’objectif d’une telle progression est finalement de construire une « boîte à
outils » concrète, que les élèves puissent utiliser à travers les activités, et
remobiliser dans la production/ compréhension de discours oraux/ écrits (CIIP,
2006, p. 31).

1.4. 3 Dans les moyens d’enseignement

A l’image de l’évolution de l’enseignement de la grammaire, les moyens


d’enseignement utilisés ont eux aussi subi de nombreux rebondissements.
Dans l’ouvrage édité par Burger (2010), Betrix Koehler & Panchout-Dubois
retracent bien les différents changements qui se sont produits.

Maîtrise du français, issu de la grammaire rénovée, souhaitait que les activités


de structuration soient “au service” des activités de communication.
Cependant, Betrix Koehler & Panchout-Dubois (2010) relèvent que cette
articulation n’était pas directement présente dans les moyens, et qu’elle était
à la charge des enseignants, qui n’ont pas tardé à demander des moyens

42
d’enseignement compatibles avec la rénovation. C’est ainsi qu’apparaissent
les moyens COROME (1996) qui « concernent quasi uniquement la grammaire
de la phrase, l’orthographe, le vocabulaire et la conjugaison » et « on
retrouve donc les appellations traditionnelles et familières des savoirs à
acquérir » (Betrix Koehler & Panchout-Dubois, 2010, p. 115). Au final, on
s’aperçoit que le travail de structuration de la langue domine celles
d’expression, que les brochures devaient pourtant favoriser. Betrix Koehler &
Panchout-Dubois (2010, p. 115) rapportent alors qu’ « une enquête menée en
Suisse romande (de Pietro et al., 1993) met clairement en évidence le besoin,
pour les enseignants, de disposer de moyens d’enseignement en expression
orale et écrite ».

Ainsi, une dizaine d’années plus tard, Dolz & al (2002) créent un nouveau
moyen; S’exprimer en français « permettant de travailler les différentes
opérations de la production orale et écrite » (Betrix Koehler & Panchout-
Dubois, 2010, p. 116). Contrairement à Maîtrise du français, S’exprimer en
français réussit l’articulation entre la production textuelle et les savoirs sur la
langue dans le domaine de la grammaire textuelle. Allal et al. (2001) repèrent
ici « un curriculum spiralaire dans lequel les savoirs sur la langue sont
convoqués par le travail d’écriture et font également l’objet d’un travail
spécifique » (Betrix Koehler & Panchout-Dubois, 2010, p. 116). Néanmoins, il
faut encore trouver une manière permettant aux élèves de construire les
« notions de grammaire de phrase » (p. 116). De plus, il semblerait que les
moyens des années 80 ne soient « plus adaptés à la réalité d’aujourd’hui, ni
sur le plan linguistique, ni sur le plan psycholinguistique » (Betrix Koehler &
Panchout-Dubois, 2010, p. 116).

Au regard de l’apparition de nouvelles démarches d’enseignement


(démarches inductives) et à la suite des travaux du GREF 10, le besoin d’utiliser
de nouveaux moyens d’enseignement est apparu. On a décidé de
sélectionner, selon des critères précis, des ouvrages qui existaient déjà dans le
monde francophone. C’est la collection Mon manuel de français (2010)11 qui
a été jugée la plus pertinente à utiliser dans le cadre de l’enseignement
genevois. Malgré la « non-adéquation » selon les experts, de la collection Ile
aux mots (2012)12, ce moyen d’enseignement a tout de même été choisi,
dans le but d’être une « alternative à Mon manuel de français » (Betrix
Koehler & Panchout-Dubois, 2010, p. 119). Néanmoins, Bulea Bronckart (2015)
met en évidence un aspect problématique des moyens d’enseignement

10 Groupe de Référence du Français.


11 Egalement connu sous le nom de MMF.
12 Egalement connu sous le nom de IAM.

43
actuels. Elle observe en effet que c’est davantage l’idée selon laquelle la
grammaire est au service de la production-compréhension – et uniquement
dans ce sens – qui prédomine. Il est alors intéressant de se pencher sur ces
deux manuels, et de comparer leurs objectifs à ceux de la grammaire
moderne.

Mon Manuel de français (MMF)

Concernant Mon manuel de français (2010), le site des ressources pour les
enseignants (Disciplines EP13), le présente comme un « moyen officiel », bien
que dans la pratique et considérant ce que j’ai pu observer, il reste peu
utilisé. Le site de la CIIP 14 donne la description suivante de ce manuel :

Caractéristiques
La collection Mon manuel de français met en œuvre une démarche axée sur
la maîtrise du langage et de la langue française, dans leurs usages scolaires,
à l’oral comme à l’écrit, et dans toutes les disciplines. Considérant que le
langage est au centre des processus d'apprentissage, l'option
pluridisciplinaire conduit à le développer à la fois comme objectif (ensemble
de connaissances) et comme outil (moyen de construire toutes les
connaissances).

Composition et démarche pédagogique:

• Le manuel de l’élève est organisé en unités disciplinaires dont chacune


repose sur quatre temps distincts:

• une situation initiale, dont l’objectif est un projet de communication,


permettant l’émergence des premières représentations des élèves;

• des activités d’apprentissage et de structuration destinées à faire


acquérir des compétences langagières;

• une synthèse réalisée par l’élève, qui formalise ainsi les savoirs et savoir-
faire acquis pendant l’unité;

• une mise en œuvre des acquis au travers d’une production orale et


écrite.

13 http://edu.ge.ch/ep/disciplines
14 http://www.ciip.ch/Moyens-denseignement/-Francais/Mon-manuel-de-francais

44
• Le Mémento constitue un fascicule unique pour les quatre degrés du
cycle 2. Comportant des pages blanches, ce document est propriété
de l’élève et peut être enrichi au fur et à mesure des apprentissages,
sous la conduite du maître. C’est l’outil de référence pour l’élève en
matière de savoirs relatifs au fonctionnement de la langue.

• Le fichier d’activités de l’élève suit l’organisation du manuel et en est le


prolongement indispensable. Les activités s’inscrivent dans une
conception de l’apprentissage mobilisant l’élève sur des activités
complexes et significatives, et dans une construction des savoirs fondée
sur les interactions.

• Le livre du maître, accompagné d’un CD audio, expose les choix


didactiques et la démarche pédagogique construite selon trois temps :
évaluation des besoins, apprentissages, évaluation du projet. Un
guidage précis, séance par séance, explicite la mise en œuvre
concrète des activités.

Les auteurs ajoutent que le manuel a été adapté pour répondre aux objectifs
du PER ainsi qu’aux « orientations de l’enseignement/apprentissage du
français en Suisse romande ».

Le site Disciplines EP précise certains éléments propres à chaque degré. Dans


la mesure où la 7PH a été retenue comme degré d’observation pour ce
mémoire, voici la description en lien :
Le manuel de l'élève 7e comporte sept unités disciplinaires dont trois
thèmes sont empruntés à la littérature, un à l'éducation civique, un aux
mathématiques, un à la géographie et un à l'histoire. Chaque unité,
construite autour d'un projet de communication, se décline en quatre
compétences langagières : dire, lire, écrire, fonctionnement de la
langue.
A travers ce paragraphe, nous découvrons un aspect qui n’était pas mis en
évidence sur le site de la CIIP. En effet, MMF traiterait de manière simultanée
activités d’expression et de structuration de la langue, sans qu’il n’y ait de
hiérarchisation, pour le moins apparente. De plus, l’étude du français serait
ancrée dans d’autres disciplines scolaires, ce qui est plutôt novateur.

L’avant-propos du manuel du maître explique d’entrée de jeu que cette


collection est en adéquation avec le Concordat Harmos et qu’elle a de ce
fait été adaptée au contexte de la Suisse romande. De plus, Christian Berger
(p. 4) précise les intentions de ce manuel :

45
[…] que l’étude de la langue, dans le cadre de ce qu’il nomme la
grammaire au sens large, s’effectue à partir du texte qui sert de point
de départ pour construire les concepts grammaticaux et de point
d’arrivée pour les mettre en œuvre dans lecture et l’écriture.

Dans Mon manuel de français (2010), l’unité minimale de sens est le texte et
c’est donc de là que partent tous les savoirs à enseigner. Mais penchons-
nous sur la partie Fonctionnement de la langue, qui m’intéresse plus
particulièrement dans le cadre de ce mémoire. Les concepteurs s’inscrivent
das une « perspective instrumentale : ce qu’il faut enseigner, c’est comment
les connaissances grammaticales et lexicales interviennent dans les processus
de lecture et d’écriture » (2010, p. 8). Nous sommes donc bien loin des leçons
traditionnelles de grammaire de l’époque. Les auteurs y préfèrent un
enseignement utilitariste de la structuration de la langue : « j’expérimente puis
j’explicite » et non « j’apprends puis j’applique » (p. 9-10). L’objectif est ici que
les élèves sachent mobiliser leurs connaissances sur le fonctionnement de la
langue dans leur discours écrit et oral ainsi que dans la lecture.

Dans le recueil de Burger (2010), Betrix Koehler & Panchout-Dubois, (p. 119-
120) mettent en évidence les aspects positifs et négatifs de MMF. L’avantage
de ce manuel réside déjà dans le fait que l’apprentissage repose sur « des
situations-problèmes explicitement formulées aux élèves sous forme de
questions ». De cette manière « la construction des savoirs sur la langue est au
service de la compréhension et de la production des divers textes ». Par
rapport à la terminologie, elle correspond bien à ce qui a été retenu en
Suisse romande et « à ce que les psycholinguistes identifient comme
capacités des élèves du primaire ». Bien que le manuel ait fait l’objet de
nombreuses modifications pour être en adéquation avec la « réalité des
élèves romands », un aspect demeure cependant problématique : le
manque de diversité des exercices visant la maîtrise du fonctionnement de la
langue. Dans ce sens, il est recommandé de donner d’autres exercices
d’entraînement aux élèves lorsque l’on utilise MMF, afin d’aboutir sur une
certaine automatisation.

46
L’île aux mots (IAM)

Au même titre que MMF, l’Ile aux mots (2010) est lui aussi considéré comme
un moyen d’enseignement officiel sur le site de Disciplines EP. On y précise
également que ces moyens ont été adaptés « par la CIIP pour la Suisse
romande sur les plans culturels et terminologiques » et « propose une
distribution équilibrée entre les activités de communication (lire, dire, écrire)
et l’étude de la langue (grammaire, orthographe, conjugaison,
vocabulaire) ». Le site de Disciplines EP offre une description plus succincte
que pour MMF, en présentant directement le manuel par degré (ici 7PH):
La première partie présente dix unités de lecture et expression dont
chacune d’entre elles s’organise autour de textes de même genre ou
de même thématique. La seconde partie consacrée à l’étude de la
langue comporte onze unités de grammaire, treize unités
d’orthographe, douze unités de conjugaison, onze unités de
vocabulaire et des propositions de textes à dicter.
A première vue, l’enseignement de l’expression et celui du fonctionnement
de la langue semblent complètement séparés et aucune articulation n’est
visible.

Penchons nous sur le guide pédagogique relatif à l’IAM (2012, p. 5) pour en


savoir davantage. Etonnamment, l’introduction du manuel du maître débute
avec un titre pour le moins en adéquation avec les finalités de la rénovation
du français : « Articuler tous les domaines du français ». Les auteurs expliquent
qu’ils visent une « maîtrise globale de la langue », à travers la maîtrise des
« trois grands domaines de l’activité langagière - langage orale, écriture,
lecture » et des « apprentissages réflexifs » désignant l’axe de structuration de
la langue. Ils précisent également que « les apprentissages réflexifs sont au
service de l'activité langagière et non l’inverse » (p. 5), ce qui ne correspond
finalement pas à l’articulation décrite plus haut et aux nouvelles orientations
de la grammaire rénovée. Un peu plus loin dans la présentation, les auteurs
semblent nuancer leurs discours (p. 5) :
En insistant fortement sur l’activité langagière, on assure l’expression
personnelle, l’immédiateté, le bonheur de découvrir, les échanges et la
communication. Mais si l’on en reste là, la communication orale, les
productions d’écrits, les rencontres avec les textes se succèdent sans
qu’une réelle progression dans la maîtrise de la langue soit assurée.
Inversement, il n’est pas souhaitable de privilégier exagérément les
activités réflexives. Il faut en permanence mesurer le risque de
désincarner, de “fossiliser” les apprentissages réflexifs. En effet, la
conséquence immédiate d’un enseignement trop théorique de la

47
langue est le “zapping” de l’enfant. Il ne comprendra pas le sens de
ces exercices purement “scolaires” si l’on ne prend pas le temps de les
lui expliquer, de le faire réfléchir sur le “pourquoi” pour donner du sens
à l’apprentissage.

Au niveau de la démarche pédagogique à employer, les auteurs mettent en


garde les enseignants face au fonctionnement par « découpage », qui
consiste à enseigner par « moments », chacun correspondant à un domaine
du français, et cela de manière séparée, ou encore au regroupement
d’activités sous un même thème qui reviendrait à « faire croire [à l’élève] qu’il
est auteur de cet apprentissage » alors que ce n’est pas le cas (p. 5). Pour
arriver à une pratique cohérente il faudrait donc (p. 6) :
(…) à la fois conserver à chaque démarche de découverte son
homogénéité propre – la pratique langagière a sa cohérence, les
activités “réflexives” ont la leur – et de tisser entre ces différentes
démarches, des liens explicites, de façon que l’élève comprenne que
la langue est un tout.

Dans la suite de l’introduction, les auteurs présentent une organisation en


« deux parties » : « L’expression orale et écrite” et « l’étude de la langue » qui
sont toutefois reliées par des « passerelles » permettant (p. 6) :

• de chercher dans un texte de lecture des terrains d’application


à “la réflexion fonctionnelle” en grammaire, orthographe,
conjugaison et vocabulaire afin que celle-ci ne soit pas
“désincarnée”. Exemple : chercher des mots qui appartiennent au
même champ lexical ; repérer les liens temporels qui organisent le
texte…

• de passer d’un projet d’écriture à une leçon centrée sur le


fonctionnement de la langue afin d’indiquer aux élèves les outils
langagiers à mobiliser lors de leur travail de production écrite.
Exemple : renvoi à l’unité 4 de vocabulaire, Les synonymes, pour
l’écriture d’un poème.

L’analyse de Betrix Koehler & Panchout-Dubois, (2010, p. 119) donne un autre


regard sur ce manuel et permet d’en saisir les points positifs et les limites. Selon
ces auteurs, le manuel « propose un important choix de textes
majoritairement issus de la littérature de jeunesse, bien adaptés aux élèves »,
donnant ainsi davantage de sens au corpus de texte utilisé par les élèves.
Deux aspects négatifs sont cependant relevés : « la profusion de notions

48
grammaticales et l’omniprésence d’une terminologie traditionnelle rend
difficile l’usage de la collection dans les classes de l’enseignement primaire »
et « l’abondance des activités proposées dans un ordre qui doit
impérativement être respecté risque de ne laisser place à aucune autre
activité de français à l’initiative de l’enseignant. » (p. 119). Les auteurs
s’interrogent alors, à juste titre, sur l’espace restant pour traiter « la lecture
d’oeuvres intégrales et la production de textes de genres variés inclus dans
des projets de classe » (p. 119).

Bien que Maîtrise du français ait laissé place à ces nouveaux moyens, force
est cependant de constater que de nombreux enseignants utilisent encore
les “anciennes” fiches COROME (1996) afin de compléter les nouveaux
manuels. Il semblerait que de tout temps les manuels ne soient pas suffisants
pour arriver aux objectifs de la grammaire en vigueur. Un aspect semble
pourtant avoir été laissé de côté : qu’en est-il des autres supports utilisés lors
d’une leçon de grammaire ? Avec l’utilisation des nouvelles technologies,
nous pourrions nous demander s’il n’existerait pas d’autres supports que le
manuel, qui permettraient tout en accédant aux finalités prévues, d’attirer
davantage l’attention des élèves lors des leçons de grammaire. Un simple jeu
de carte pourrait-il articuler les différents domaines du français et dans le
même temps mobiliser la motivation des élèves, au détriment peut-être des
fiches d’exercices rébarbatives souvent évoquées par les enseignants et les
élèves ? Cette question reste en suspens …

1.5. Problème ouvert concernant l’enseignement de la grammaire


rénovée

Selon Bronckart, Bulea et Pouliot (2005), la société pointe de nombreux


échecs quant à l’enseignement des langues, chaque institution se plaignant
de la précédente. De plus, les auteurs mettent avant des enquêtes récentes15
qui « ont démontré que les élèves français maîtrisent de moins en moins leur
langue à l’écrit » (p. 16), « les élèves issus de classes sociales
économiquement et culturellement défavorisées » étant les plus touchés (p.
17). Une question se pose alors : pourquoi, en dépit de tous les changements
pertinents mis en place, la situation de l’enseignement de la grammaire ne
s’améliore-t-elle pas, et au contraire semble même régresser ?

15L’enquête menée par Danielle Manesse en 2007 ainsi que le rapport d’Alain Bentolila en
2006.

49
Dans cette partie, il ne s’agira pas de critiquer “simplement” la grammaire
moderne, mais plutôt de mettre en lumière quelques problèmes qui
subsistent, ce qui rejoindra parfois les difficultés que j’ai moi-même
rencontrées dans la préparation et la réalisation de ma séquence
d’enseignement.

1.5. 1 Projet trop ambitieux ?

Le premier élément qui ressort de l’analyse des auteurs (Dolz, Paret,


Burger) se situe au niveau de la grammaire rénovée de manière générale,
qu’ils considèrent comme étant trop ambitieuse. Rappelons-le, l’objectif
premier de cette nouvelle grammaire est de permettre aux élèves d’utiliser la
grammaire au service des compétences de communication afin, notamment
de lui donner davantage de sens. De cette manière, on laisse de côté les
leçons de grammaire traditionnelles, qui étaients complètement décrochées
des situations de communication (Dolz et Simard, 2009). Mais est-ce vraiment
réalisable ? Cette question refait souvent surface parmi les auteurs. En effet,
d’après Dolz et Simard (2009, p. 18) ainsi que Béguelin (2000), il est difficile
« d’articuler les activités de structuration avec celles de communication » et
les observations réalisées16 montrent un maintien des leçons traditionnelles de
grammaire, que les pratiques enseignantes illustrent bien. Malgré cela, ces
auteurs pensent nécessaire de ne pas séparer les activités de structuration
des activités d’expression.

Pour Paret (1992, p. 32), cela paraît difficile à considérer en termes de


faisabilité, notamment quant au problème de transfert des compétences
grammaticales « dans les activités de production des élèves ». L’auteur se
pose alors la question : « est-il possible de travailler la grammaire en classe de
façon à ce qu’elle contribue vraiment à développer les possibilités
d’expression des élèves ? » (p. 32). Il semblerait que cela soit possible mais
seulement à certaines conditions, d’après Paret (1992). Dans un premier
temps, il ne faut pas traiter la grammaire de manière séparée de la situation
de communication, mais inscrire son étude dans un corpus de textes, des
phrases, etc. Pour chaque notion, il s’agit de « partir (...) de ses dimensions
discursives ou textuelles, c’est-à-dire se demander pourquoi on l’utilise de
cette façon et à ce moment donné dans le discours » (p. 33), travaillant
ainsi sur l’aspect sémantique de la grammaire. L’auteure préconise
également des exercices de « (...) travail systématique sur les mécanismes de
la langue (…) » en référence aux « bons vieux exercices décontextualisés » (p.

16 Observations réalisées au secondaire, par Dolz et Simard (2009).

50
33). En effet, pour Paret (1992), mettre en lien grammaire et production/
compréhension n’empêche en rien de faire pratiquer et de permettre aux
élèves de s’entraîner à travers des exercices. Bien qu’ils soient teintés de
l’image d’une grammaire traditionnelle, ils sont un outil précieux car ce n’est
pas parce qu’on est capable d’identifier une notion qu’on arrive à l’utiliser
par la suite. Pour cela il faut l’exercer. En outre, il est nécessaire que la
démarche inductive soit pertinente en adoptant des « instruments adaptés »
(procédés de transformation par exemple) ainsi qu’une réelle attitude de
découverte. Selon Paret (1992, p. 34), « il devient urgent de réellement
adopter ces instruments de manière claire dans les programmes ». Enfin, il est
important de faire écrire les élèves en « distinguant soigneusement (...)
l’étape de production du contenu et l’étape de travail sur la langue ». Il serait
également plus judicieux que la correction soit réalisée par l’élève et non pas
par l’enseignant. Bien qu’intéressants, ces constats et conditions sont à
considérer avec précaution car ils s’inscrivent dans le contexte québécois et
non suisse.

Burger (2010) se situe dans une position similaire aux précédents auteurs :
selon lui, il est important d’inscrire l’apprentissage de la grammaire dans celui
de la production et de l’expression, mais il relève une difficulté en lien avec le
curriculum. En effet, d’après Allal et al. (2001), il s’agit d’un curriculum à deux
voies (fonctionnement de la langue et production/ expression) qu’il paraît
difficile de traiter simultanément. Ainsi, la mise en place de la grammaire
moderne met en évidence un problème central dans l’enseignement de la
grammaire : comment donner du sens – recherché par la grammaire
rénovée – à l’enseignement / apprentissage de la grammaire, dans la
pratique ?

1.5. 2 Décalage entre intentions et pratiques

Nous l’avons déjà remarqué, l’idée selon laquelle il faudrait « doter l’enfant-
élève d’une maîtrise de la langue d’usage, qui lui permette d’entrer
efficacement en communication dans les différentes situations d’interaction
qu’il est susceptible de rencontrer, (...) » a de la peine à être acceptée et
mise en place dans les moyens et manuels d’enseignement alors qu’elle est
pourtant recommandée par l’Institution (Bronckart, Bulea, Pouliot, 2005, p.
15). Dans ce sens, Béguelin (2000, p. 14) dénonce le décalage entre
intentions et réalité : « certaines contradictions entre les buts avoués de la
réforme (méthode inductive, objectif de libération de l’expression) et les
contenus grammaticaux relativement conformistes dans les faits ». Bronckart,
Bulea et Pouliot (2009, p. 16) précisent alors qu’il y a un décalage entre les

51
« intentions (...) de démocratisation et de socialisation » et les méthodes
utilisées pour enseigner la grammaire. Selon eux, c’est d'ailleurs, cette
« contradiction abusive » qui serait à l’origine de l’inquiétude et du
pessimisme collectif au regard de l’enseignement de la grammaire (p.16).

D’un autre côté, certains auteurs continuent de prôner une grammaire


traditionnelle, accusant la nouvelle grammaire d’être responsable de l’échec
de l’enseignement du français. Les chercheurs ont alors redoublé d’efforts
pour se concentrer sur la didactique de la langue française et parmi les trois
questions encore à explorer aujourd’hui, la suivante m’interpelle
particulièrement : « Comment faire en sorte que les ressources grammaticales
proposées puissent être réellement construites par les élèves (et non
imposées), [...] ? » (p. 18). Car c’est bien sur ce terrain que s’opposent
grammaire traditionnelle et grammaire rénovée, cette dernière tentant,
malgré les difficultés, d’atteindre cet objectif de construction du savoir par
l’élève.

1.5. 3 Problème de transposition didactique

La transposition didactique des savoirs grammaticaux est souvent l’objet de


discussions parmi les auteurs, dans la mesure où elle est considérée comme
relativement complexe à mettre en oeuvre. Elle consiste à transposer les
savoirs savants en savoirs qui soient davantage accessibles aux élèves.
Laenzlinger & Peters (2009, p. 46) expliquent que malgré sa difficulté, elle est
primordiale : « Comme il s’agit (...) bien d’enseigner à tous les élèves des
savoir-faire procéduraux et le pouvoir réel de communiquer en français, on
ne peut, en ce domaine, faire l’économie d’une transposition didactique
soigneusement préparée ». Cependant, d’après eux, deux problèmes se
posent, en lien l’un avec l’autre : il s’agit de modifier la théorie de référence,
sans en perdre le contenu essentiel tout en l’adaptant au public d’élèves.

Pour Béguelin (2000, p. 13) le problème provient du fait que « Les théories
linguistiques ne sont ni achevées ni unifiées », elles sont « lacunaires »
et « parfois incompatibles entre elles, ce qui rend d’autant plus délicat le
travail de transposition didactique ». Ainsi, le décalage entre les conceptions
du linguiste et celles de l’enseignant seraient à l’origine de la difficulté d’une
transposition didactique.

52
1.5. 4 Manque de clarté ?

Concernant l’articulation des activités de structuration et d’expression, Bulea


Bronckart (2015, p. 26) met en évidence un aspect pertinent :
« l'enseignement de la grammaire est-il articulé à l’enseignement des textes
ou subordonné à l’enseignement textuel ? ». En effet, la finalité de la
grammaire rénovée ne semble pas être très claire dans la mesure où elle
pourrait être interprétée de deux manières, qui bien qu’elles semblent
proches changent pourtant toute la donne. D’après l’auteure, ce manque
de clarté pourrait venir désorienter les enseignants quant au « pourquoi on
fait de la grammaire » (p. 26). Face à cette « double interprétation », les
auteurs semblent chacun se prononcer, à l’image de Bulea Bronckart (2015,
p. 26) qui prône une « articulation sans hiérarchisation ».

Bronckart (2016, p. 22) relève également deux aspects problématiques de ce


renouveau. Tout d’abord, « la réorganisation et le réétiquetage des
catégories grammaticales (...) sont demeurés partiaux ou incomplets (...) ce
qui empêche la mise en évidence de leurs différences de comportement
syntaxique ». A cela s’ajoute une absence de catégorisation pour quelques
entités linguistiques. De plus, l’auteur observe une confusion entre l’analyse
structurelle (sur les groupes et leur organisation) et l’analyse fonctionnelle (rôle
des groupes dans la phrase), pouvant provoquer des incompréhensions chez
les élèves.

1.5. 5 Limites des démarches préconisées

Bien que novatrices et regorgeant d’avantages, les démarches inductives


présentent toutefois quelques limites. Dans son article, Chartrand (2009) en
relève quelques-unes. Cette démarche implique déjà un temps et un
investissement considérable de la part de l’enseignant : elle « demande une
préparation sérieuse (...) et des connaissances grammaticales assez
développées. Or la tâche des enseignants est lourde et leurs connaissances
grammaticales fragiles » (p. 15). En prenant appui sur Chartrand (2011) ainsi
que sur Canela-Trevisi et Schneuwly (2009), Bronckart (2016, p 16) explique
d’ailleurs que « la plupart des enseignants peinent à maîtriser eux-mêmes les
notions qu’ils ont à enseigner et sont en conséquence dans l’impossibilité de
mettre en oeuvre des démarches d’enseignement de type actif et inductif »,
ce qui provoque une moindre utilisation des manipulations. Ainsi, les
enseignants ne seraient pas suffisamment à l’aise pour utiliser une démarche
qui demande une certaine maîtrise et abstraction des savoirs grammaticaux.

53
Bronckart (2011) précise également qu’il ne s’agit pas d’appliquer
aveuglément une démarche d’induction durant les activités de structuration.
Il s’agit de l’adapter, en la combinant avec « (...) la formulation de règles et
la réalisation d’exercices d’apprentissage » et en fonction de la situation car
elle n’est pas toujours et systématiquement nécessaire (p. 15). L’auteur met
d’ailleurs en garde contre un phénomène de cause à effet incorrect (p. 15) :
Appliquer une démarche de découverte n’implique pas que
l’acquisition des catégories et des règles de la langue soit naturelle ou
spontanée; la découverte est une condition pour un apprentissage et
cet apprentissage se traduira nécessairement par la mise en place de
notions grammaticales plus ou moins techniques. Le processus de
découverte n’exclut donc en aucun cas un produit grammatical
socialisé.

Au regard des discussions mises en évidence, la grammaire actuelle, à


l’image de la grammaire traditionnelle avant elle, semble devoir faire face à
quelques remaniements pour convaincre les plus revendicateurs, en espérant
cependant que cela n’aboutisse pas une fois encore, à un changement
radical. Le risque serait de plonger l’enseignement de la grammaire encore
davantage dans la confusion.

2. L’image de la grammaire au coeur des représentations des


enseignants et des élèves

Dans l’ouvrage dirigé par Dolz et Simard (2009), Falardeau et Simard, font le
point sur les représentations des enseignants et des élèves sur la grammaire
ainsi que son enseignement. Lord (2012) apporte une autre description des
représentations des enseignants qui permet de compléter les apports de Dolz
et Simard (2009). Il est important de préciser que ces deux recherches traitent
le sujet dans le cadre de l’enseignement du français au secondaire. Aucune
recherche ne fait pour le moment état de ces représentations à l’école
primaire. Le regard des élèves quant à la grammaire est également présenté
par Tisset (2010). Cette partie s'appuiera donc sur l’ensemble de ces auteurs,
afin d’obtenir une vue d’ensemble des représentations telles qu’elles figurent
dans la littérature.

54
2 .1 Les représentations des élèves

Falardeau et Simard (2009) donnent une image de la grammaire des élèves


à travers les discours de plusieurs d’enseignants interrogés dans le cadre de la
recherche. D’après ces derniers, l’étude de la grammaire est synonyme
d’ « ennui » et de « lourdeur » aussi bien pour les élèves que pour les
enseignants (p. 240). Chartrand, Lord et Lépine (2016, p. 38) soulignent elles
aussi ce phénomène : « “aujourd’hui nous allons faire de la grammaire !”
Maintes fois répétée (...) cette phrase suscite rarement l’enthousiasme des
élèves. Pour bon nombre d’entre eux, la grammaire c’est pénible, ennuyeux,
difficile (…) ». Les enseignants sont également “frappés” par le désintérêt des
élèves face à la grammaire, même s’ils pouvaient s’y attendre dans la
mesure où eux-mêmes accordaient peu d’importance à la grammaire à cet
âge, d’après Falardeau et Simard (2009, p. 236). En effet, l’opinion des
enseignants (cf. supra première partie, 2.2) semble souvent se fonder sur
« leurs souvenirs de leur propre scolarité” et ils “jugent ces enseignements
souvent inintéressants et ennuyeux »17 (Falardeau et Simard, 2009, p. 236). Il
n’est donc pas “surprenant” que leurs élèves aient la même idée de la
grammaire, même si on aurait pu penser que la rénovation du français
donnerait un “coup de jeune” aux représentations ... Un des enseignants
interrogés a relevé certaines expressions de ces élèves lorsqu’il leur parle de
grammaire : « c’est pas populaire », « c’est d’un ennui mortel (...) c’est donc
bien ennuyeux », « on n’a pas besoin de ça, on se comprend » (Fisher et
Nadeau, 2009, p. 212). Un autre enseignant explique que lorsqu’il demande à
ses élèves pourquoi ils détestent le français : « ils disent tout le temps c'est trop
de grammaire, c’est toujours on travaille dans le cahier d’exercices » (p. 239).

D’après ce même enseignant, « la relation affective conflictuelle des élèves


avec la grammaire reposerait (....) sur une tradition scolaire où dominent les
exercices répétitifs qui ne donnent pas véritablement accès à une
compréhension profonde de la langue » (p. 239). Selon les enseignants
interrogés, donner du sens aux apprentissages grammaticaux pour les élèves
est d’ailleurs central. Forts de cette volonté les enseignants cherchent à
susciter leur intérêt de diverses manières. Tisset (2010) reprend d’ailleurs cette
idée d’une grammaire « déconnectée de la réalité des élèves » et dont les
activités ont peu de sens pour les élèves » (p. 15). En effet, pour les élèves, la
grammaire « ça ne sert à rien », alors pourquoi s’investir ? (Chartrand, Lord et
Lépine, 2016, p. 38). Pour Tisset (2010, p. 15) il est même :
(...) impératif de changer l’image que l’école donne de la grammaire,
et qui est hautement discriminatoire. Seuls réussissent en grammaire les

17 Paolacci et Garcia-Debanc, 2003, p. 94.

55
enfants soumis à l’institution, ceux qui ne vivent pas l’école comme un
monde étrange et étranger parce que leurs parents tiennent les
mêmes discours que les enseignants, parce qu’ils savent que c’est un
passage obligé pour la réussite sociale.

2 .2 Les représentations des enseignants

Beaucoup d’auteurs montrent que la grammaire est considérée par notre


société comme un objet d’enseignement poussiéreux et ennuyeux.
Falardeau et Simard (2009) ont justement voulu vérifier ces présupposés ainsi
que la part d’affectivité présente dans leur rapport à la grammaire depuis
leur propre scolarité jusqu’à l’exercice de leur métier d’enseignant. Les
résultats de leur recherche montrent effectivement une relation négative des
enseignants à l’égard de la grammaire dont l’origine se situerait dans les
expériences vécues en tant qu’élève. Un enseignant témoigne de son
ressenti : « Je détestais tellement qu’on me mette plein de cas d'exceptions
et qu’en réalité quand tu découvres vraiment la langue, il n’y en a pas tant
que ça, des cas d’exceptions » (p. 237). Les exercices répétitifs combinés à
un enseignant perçu comme un « technicien » qui « distribue les savoirs », ne
permettait pas à ce futur enseignant de s'intéresser suffisamment à la
grammaire (p. 237). D’après Falardeau et Simard (2009, p. 239), il s’agirait
alors d’un « blocage affectif » connu et reconnu, aussi bien chez les
enseignants que chez les élèves. En effet, les enseignants relèvent un
« manque de motivation » et « une insécurité par rapport à la réflexion
grammaticale » (p. 239) lorsqu’ils enseignent aujourd’hui.

Au cours de sa recherche Lord (2012) met également en lumière les


représentations des enseignants du secondaire mais en se focalisant sur trois
aspects très précis. En effet, l’auteure a interrogé des enseignants sur les
éléments suivants : ce que signifie connaître la grammaire, l'apport de la
grammaire dans le développement des compétences langagières et la
place qu'elle occupe dans la discipline « français ». (p. 139).

Pour la majorité des enseignants, « connaître la grammaire » c’est « pouvoir


faire des phrases claires et correctes ». La connaissance des règles
n’intervient qu’en seconde position. Lord (2012, p. 140) explique que cela
implique pour les enseignants « d’avoir certaines compétences (sans doute
davantage liées à l'écrit qu'à l'oral), car faire des phrases claires signifie qu'on
doit tenir compte du destinataire et des contenus traités et savoir appliquer
les principales règles de grammaire ». Ce résultat n’est cependant pas
surprenant pour l’auteure dans la mesure où il est vraisemblablement lié à la

56
nouvelle finalité de la grammaire : permettre aux élèves de s’exprimer
correctement.

Pour le second item, Lord relève que « presque la totalité des enseignants (98
%) estime que l'enseignement de la grammaire est essentiel à la maîtrise du
français standard » (p. 143). Elle précise cependant qu’il faut prendre en
compte un potentiel « facteur de désirabilité sociale » dans l'interprétation de
ces résultats. Tout en prenant en compte cet effet et malgré l’image
négative qu’ils peuvent en avoir, les enseignants seraient donc bien
conscients de l’importance de la grammaire dans l’enseignement de la
langue française.

Paradoxalement, « faire de la grammaire n'est pas l'activité qu'ils jugent la


plus importante en français ». En effet, entre « écrire des textes variés, lire des
textes variés, faire de la grammaire et communiquer oralement », la
grammaire apparaît en troisième position (Lord, 2012, cf. tableau 22, p. 145)
pour les enseignants interrogés. Ainsi, bien que la majorité des enseignants
considère que la grammaire est nécessaire à la maîtrise du langage, la
plupart pense qu’il s’agit d’une activité d’une importance moindre.

Bronckart, Bulea et Pouliot (2005) montrent également que l’image négative


de la grammaire, relevée ci-dessus, persiste depuis la fin du 19ème siècle.
Cependant, ils expliquent que « le niveau de maitrise du français est resté
globalement stable au cours de ce siècle, en dépit de la constante
diminution de la dotation horaire de cette discipline » (p. 10). Ainsi, les
représentations négatives n’auraient pas d’effet sur les compétences des
élèves. Cela vient contredire les résultats issus de la recherche de Lord (2012,
p. 149), selon lesquels, trois quarts des enseignants trouvent que « les élèves
connaissent mal la grammaire à la fin de leurs études secondaires ». Le fait
que les enseignants considèrent la grammaire comme un élément essentiel
permettant la maîtrise des capacités d’expression (Lord, 2012), pourrait peut-
être expliquer que le niveau des élèves en grammaire n’ait pas autant chuté
qu’on nous laisse le croire et cela en dépit de la mauvaise publicité que l’on
peut en faire. D’après Bronckart, Bulea et Pouliot (2005), on observe donc un
important décalage entre le regard négatif porté sur l’enseignement du
français et la réalité des faits.

Enfin, bien que ces recherches permettent de connaître les représentations


des enseignants au secondaire concernant la grammaire, elles nous
décrivent peu les méthodes employées par les enseignants pour susciter la
motivation auprès de leurs élèves. En outre, ces résultats concernent le

57
secondaire et non l’école primaire. Il serait donc intéressant de savoir, si ces
affirmations se vérifient d’une part, et d’autre part de pouvoir en apprendre
davantage sur le lien motivation – grammaire dans les représentations des
enseignants. Pour aller plus loin, Viau (2000) explique dans son article que les
enseignants peuvent parfois être démotivés, justement parce qu’ils observent
un manque d’intérêt de la part de leurs élèves. Et comme nous avons pu le
voir durant cette partie les élèves semblent être peu enclins à entrer dans les
apprentissages grammaticaux ...

3. Pourquoi est-il nécessaire de motiver les élèves pour


apprendre ?

La notion de motivation étant un élément primordial de ma problématique, il


était nécessaire de la traiter. J’ai choisi de l’aborder dans un premier temps
sous l’angle de l’enseignement général afin d’en présenter les enjeux sous-
jacents, tout en m’appuyant sur divers auteurs et approches. Dans un
deuxième temps, la motivation sera traitée à travers l’enseignement de la
grammaire de manière plus spécifique : en quoi ces deux éléments sont-ils liés
? C’est ce que nous tâcherons de découvrir.

3.1 La motivation scolaire

Aujourd’hui, plus encore qu’à l’époque semblerait-il, l’école paraît de moins


en moins attrayante : demandez donc à un enfant de dix ans ce qu’il préfère
entre aller à l’école ou jouer aux jeux vidéo. Il y a de fortes chances pour que
ce soit le jeu vidéo qui l’emporte ! Et si la concurrence ne se résumait qu’à
cela … ! Mais l’évolution des technologies a rendu le quotidien des élèves
beaucoup plus “connecté” et “robotisé”. A tel point qu’au risque de devenir
désuète, l’école se renouvelle peu à peu en habillant ses savoirs de ludique,
“fun”, informatique et compagnie, afin de motiver les élèves. Mais en quoi la
motivation a-t-elle un impact sur les apprentissages ? Comment motiver
davantage les élèves ? L’utilisation des TIC serait-elle la “solution” ? Ces
questions seront traitées à la lumière des exposés de Viau (2000, 2004, 2009),
Vianin (2006) et Karsenti (2003).

58
3. 1. 1 Le rôle de la motivation dans les apprentissages

Viau (2000) et Vianin (2006) se rejoignent sur le fait que la motivation


est « une condition de toute première importance pour apprendre » (Viau,
2000, p. 2). Vianin (2006, p. 21), considère que c’est de la motivation que
dépendent les apprentissages : « véritable moteur de l’activité , elle assure,
en plus du démarrage, la direction du “véhicule” et la persévérance vers
l’objectif qui permet de surmonter tous les obstacles ». L’auteur va plus loin en
qualifiant même la motivation de « méta-objectif en éducation » dans la
mesure où c’est grâce à elle que l’on pourra atteindre les autres objectifs
(Vianin, 2006, p. 21).

Viau (2000, p. 2) relève que les chercheurs ont observé que plus les élèves
« étaient motivés, plus ils consacraient de temps à leur étude et plus il
apprennaient ». Dans ce sens, Viau (2009, p. 90) explique que le rôle de la
motivation est perceptible dans la dynamique motivationnelle de l’élève que
nous traiterons par la suite :
(...) un élève motivé s’engage sur le plan cognitif, c’est-à-dire qu’il fait
appel à des stratégies d’apprentissage efficaces pour accomplir une
activité pédagogique, persévère dans son accomplissement et par
ricochet fait généralement les apprentissages souhaités.
Par conséquent, « ne s’engageant pas et ne persévérant pas, cet élève
n’apprendra pas ou peu » ce qui s’illustrera par la mise en place de stratégies
d’évitement (Viau, 2009, p. 90). Ainsi, la motivation étant un facteur
d’apprentissage important, elle semble donc nécessaire à prendre en
compte pour les enseignants, lorsqu’ils planifient et mènent leurs leçons.

3. 1. 2 La dynamique motivationnelle de l’élève (Viau)

Viau (2000, p. 2) s’inscrit dans une approche sociocognitive, selon laquelle la


motivation de l’élève constitue une « interaction entre ses perceptions et des
facteurs liés à son environnement scolaire, familial et social ». En effet, la
motivation de l’élève va évoluer au fil de ces expériences et perceptions et
Viau avance d’ailleurs que c’est au cycle moyen que la motivation
commence à chuter. L’objectif ici est d’expliciter les constituants de cette
dynamique motivationnelle de l’élève : les déterminants, les indicateurs et les
facteurs motivationnels.

59
Déterminants et indicateurs motivationnels

Lorsqu’il parle de motivation, Viau (2004) distingue ce qui va déterminer


qu’un élève soit motivé (déterminants) et ce qui va nous permettre de
percevoir que l’élève est motivé (indicateurs). Le schéma ci-dessous, tiré de
l’article de Viau (2004), illustre bien ces deux éléments, au coeur de la
dynamique motivationnelle.

Ainsi, d’après Viau (2004, p. 2), la motivation de l’élève est déterminée par ses
perceptions : « la valeur » qu’il apporte à l’activité au niveau de son intérêt et
de son utilité, sa compétence à l’accomplir et « le contrôle qu’il exerce sur
celle-ci ». L’engagement cognitif, la persévérance et la réussite de l’élève
sont quant à eux des indicateurs de l’intérêt de l’élève. Ces éléments seraient
donc à prendre en considération pour créer des situations motivantes pour
les élèves.

Facteurs motivationnels : zoom sur les activités d’apprentissage

Selon Viau (2004, p. 5), il faudrait également être attentif à l’influence des
facteurs externes, « relatifs à la classe » qui peuvent plus ou moins susciter la
motivation des élèves : « les activités pédagogiques [...] les modes
d’évaluation [...], l’enseignant lui-même, le système de récompenses et
sanctions [...] le climat de travail et la collaboration ». Dans le cadre de ce
mémoire, seul le premier item sera traité.

D’après Viau (2009, p. 136), pour qu’une activité attire suffisamment


l’attention des élèves et les fassent ainsi entrer dans les apprentissages visés,
celle-ci doit déjà comporter les éléments suivants :

• introduction (buts, consignes, sensibilisation à l’importance de l’activité,


etc.);

60
• explication de ce que l’on attend des élèves sur le plan de
l’apprentissage;

• support et encadrement lors de l’accomplissement des différentes


tâches par les élèves;

• retour sur l’activité, évaluation, réflexion sur ce qui a été fait.

Ensuite, pour qu’une activité soit motivante, elle doit également respecter les
dix conditions, brièvement explicitées ci-dessous (Viau, 2009).

• « Une activité doit comporter des buts et des consignes claires » (p. 136)

L’enseignant doit commencer sa leçon par énoncer l’objectif de l’activité et


« montrer son intérêt et son utilité ». Les consignes aussi doivent être précises
dès le départ afin d’informer l’élève de ce qu’il doit faire. L’enseignant doit
éviter de changer les consignes de base au cours de l’activité. D’après
l’auteur, en respectant cette condition on peut « réduire l’anxiété et dissiper
le doute que certains élèves peuvent avoir sur leur capacité à accomplir ce
qu’on leur demande », favorisant ainsi « leur perception de compétence ».

• « Une activité doit être signifiante aux yeux de l’élève » (p. 137)

Pour que l’élève soit motivé, il faut qu’il ait pu « donner du sens » à l’activité.
En d’autres termes, il faudrait que, d’une certaine manière, l’activité soit liée
à ses « centres d’intérêt, projets personnels » et qu’elle réponde à ses propres
interrogations. Toujours dans une optique d’ancrer les activités dans une
réalité qui fasse sens pour les élèves, l’enseignant aurait tout intérêt à bien
« expliquer les bénéfices qu’ils peuvent tirer » et « les liens qui existent entre
l’activité et la vie personnelle » des élèves. Ainsi, « plus une activité a du sens
à ses yeux, plus il la juge intéressante et utile ».

• « Une activité doit amener à la réalisation d’un produit authentique »


(p. 138)

Viau conçoit la notion d’authenticité dans le sens où, ce que les étudiants
apprennent devrait ressembler à ce qu’ils feront plus tard dans leur métier. Le
sens de ce mot se trouve nécessairement modifié dans le contexte de l’école
primaire : « une activité d’apprentissage est jugée authentique si elle
demande aux élèves de réaliser un produit authentique, c’est-à-dire qui
ressemble à ceux qu’ils sont susceptibles de retrouver dans leur vie
courante ». Ces activités permettent ainsi à l’élève d’utiliser les savoirs acquis
en classe pour réaliser un travail similaire à ce qu’il pourrait faire à l’extérieur.

61
Selon Viau, à travers ce genre d’activité on évite les sensations de « travail
purement scolaire » et sans intérêt que l’on retrouve fréquemment chez les
élèves : "ça ne sert à rien ce qu’on fait là !”. En procédant ainsi, l’élève
« constate que ce qu’il apprend peut lui servir dans la vie courante ».

• « Une activité doit être diversifiée et s’intégrer aux autres activités » (p.
138)

On peut diversifier une activité sur plusieurs aspects : le nombre de tâches à


réaliser (une seule tâche est généralement démotivante), la variété au fil de
la semaine (répéter tous les jours la même activité peut la rendre
inintéressante pour l’élève) et son lien avec les autres activités. D’après Viau,
l’aspect de la variété « touche à la perception de contrôlabilité de l’élève » :
« Si celui-ci est invité à accomplir différentes activités et surtout si on lui donne
l’opportunité de choisir celles dans lesquelles il peut s’investir davantage, il
aura le sentiment d’exercer un certain contrôle sur ce qui se déroule en
classe ».

• « Une activité doit représenter un défi pour l’élève » (p. 139)

Pour qu’une activité soit considérée comme un défi, elle doit être « ni trop
facile, ni trop difficile ». D’après Viau, il faudrait favoriser « les simulations, les
projets et les jeux pédagogiques » pour « stimuler la motivation des élèves ».
Au final, « cette condition influe sur la perception qu’a l’élève de sa
compétence, car s’il réussit à relever le défi, il aura tendance à attribuer son
succès, non pas à la facilité de l’activité, mais à ses propres capacités et ses
efforts », et c’est bien cette prise de confiance que nous recherchons.

• « Une activité doit exiger un engagement cognitif de l’élève » (p. 140)

L’activité doit permettre à l’élève de remobiliser ses savoirs et de mettre en


place des stratégies et non pas de lui faire appliquer « de façon mécanique »
une théorie. En effet, « un élève est motivé à accomplir une tâche si elle
exige de sa part un engagement cognitif ». Pour ce faire, Viau recommande
de partir d’une « grande question » pour amorcer les leçons, plutôt que de
« concepts fragmentés ». Il s’agit encore ici d’une condition en lien avec la
perception de compétence.

• « Une activité doit responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des


choix » (p. 141)

Afin de motiver les élèves, l’enseignant peut choisir de laisser la responsabilité


de certains aspects de l’activité en prenant appui sur « la connaissance qu’il

62
a de ses élèves », « le thème de travail, le matériel utilisé, la désignation des
membres de l’équipe, la durée du travail, le mode de présentation du travail,
etc. ». Il peut également décider de mettre en place un processus de
négociation avec les élèves quant aux éléments cités ci-dessus. Cependant,
il faut garder en tête que « certains élèves vont souhaiter des balises claires,
des consignes précises et un encadrement constant ». Ainsi, permettre aux
élèves faire des choix – favorisant la perception de contrôlabilité – ne signifie
pas les laisser totalement libres et sans filet. Enfin, selon Viau, il faut éviter de
tomber dans le piège des activités où l’enseignant décide de tout de A à Z,
en exigeant que les élèves réalisent « la même chose au même moment et
de la même façon », car cela produirait un « sentiment d’incontrôlabilité ».

• « Une activité doit permettre à l’élève d'interagir et de collaborer avec


les autres » (p. 142)

Au cours des activités d’apprentissage, il est important de favoriser une


« double dépendance » dans le sens où il faut que la « réussite d’un élève
dépende de lui même [...] mais également des autres ». Ainsi, le travail des
uns et des autres permet de faire avancer tout le groupe et la collaboration
en est d’autant plus riche. Donner des rôles aux élèves lors des travaux de
groupes permet aussi de favoriser cette interdépendance. Le travail à deux
est également un bon moyen de susciter la motivation des élèves.
L’apprentissage par collaboration est donc généralement source de
motivation chez les élèves « car il favorise la perception qu’ils ont de leur
compétence et de leur capacité à contrôler leurs apprentissages ».

• « Une activité doit avoir un caractère interdisciplinaire » (p. 143)

D’après Viau, il est judicieux que l’activité d’apprentissage s’appuie sur


d’autres disciplines qu’uniquement sur celle de base. En effet, faire « appel
aux connaissances acquises dans d’autres domaines d’étude » favoriserait
« la perception de la valeur chez l’élève ». De plus, ce type d’approche
permettra à l’élève de percevoir le sens des activités et les liens qu’il est
possible de faire entre les savoirs issus de différentes disciplines.

• « Une activité doit se dérouler sur une période de temps suffisante » (p.
144)

Dans une optique de proposer des tâches « authentiques », il serait important


de respecter ce critère au niveau du temps accordé à l’activité : celui-ci ne
devrait pas être réduit, mais plutôt tendre vers le temps “réel”, nécessaire
pour réaliser l’activité dans la vie courante, par exemple écrire une lettre
pour un journal. Les élèves devraient donc pouvoir bénéficier d’un temps

63
suffisant pour rentrer dans toutes les tâches proposées, permettant ainsi une
« perception de compétence positive ». Il est également important que
l’enseignant conserve suffisamment de temps pour conclure correctement
l’activité afin que les élèves puissent verbaliser ce qu’ils ont appris.

Pour conclure, le tableau ci-dessous tiré de l’article de Viau (2004, p. 4)


montre bien l’importance des représentations des élèves et l’influence
qu’elles peuvent avoir sur la motivation. L’image véhiculée par la société de
certaines disciplines scolaires, de la grammaire par exemple, n'arrangent en
rien ces "impressions” il faut pouvoir trouver un moyen d’inverser la tendance.
Les constats présentés ici prouvent une fois de plus que la notion de
« responsabilité », à travers la mise en activité de l’élève est primordiale pour
qu’il soit motivé.

3. 1. 3 La motivation selon Vianin

Dans son ouvrage, Vianin (2006) présente la motivation à travers trois


approches. Il s’agira donc ici de présenter brièvement les approches vis-à-vis
de cette notion et de pointer les aspects qui permettent de motiver les
élèves, pour chacune d’entre elles.

La motivation selon l’approche béhavioriste

Pour les béhavioristes seules les motivations extrinsèques (les facteurs externes
à l’individu sont à l’origine de la motivation) sont à prendre en considération.

64
L’individu serait motivé à agir en fonction des récompenses (ainsi que par
certaines tâches) et des sanctions qu’on lui donne. Dans le premier cas,
l’élève va réaliser l’activité car il veut réussir à obtenir la récompense prévue.
Dans le second cas, voulant éviter la punition, l’élève va tout faire pour
réaliser correctement l’activité. Notons cependant que cette dernière
attitude est considérée comme peu efficace et peu recommandée par
Skinner. Vianin (2006, p. 55) explique que ces éléments constituent ce que les
béhavioristes appellent des « renforcements » ou « renforçateurs ». Il en existe
plusieurs types : les « renforçateurs tangibles (biens matériels), sociaux ou
affectifs (par exemple; les compliments), les activités renforçantes ou
privilèges, les renforcements naturels (récompense dans l’acte lui-même) »
(Vianin, 2006, p. 55).

En prenant appui sur l’approche behavioriste, Vianin (2006) met en avant trois
axes à prendre en compte lorsque l’on souhaite motiver les élèves.

Les objectifs
• Développer une pédagogie par objectifs.
• Découper la matière en étape progressives et fixer des objectifs
proximaux.
• Donner des exercices se rapportant directement aux objectifs.
• Choisir seulement des questions de tests correspondant directement aux
objectifs fixés.
• Définir clairement les objectifs, en termes opérationnels.
• Proposer des objectifs perçus comme difficiles mais réalisables.
• Évaluer les progrès en fonction de l’objectifs défini.
• Fixer des délais raisonnables (éviter les objectifs trop lointains).
• Proposer des objectifs “malins” : mesurables, atteignables, limités dans le
temps, individualisés, négociés avec l’élève et spécifiques. (Legrain, 2003,
p. 125).

Les renforcements
• Prévoir un renforcement pour chaque étape réalisée.
• Fournir rapidement à l’élève l’occasion de réussir et le renforcer
positivement.
• Ne pas hésiter à utiliser des renforcements tangibles (bons points,
gommettes, etc.)
• Renforcer de manière occasionnelle et non systématique (de manière
fortuite).
• Annoncer la récompense avant l’activité.
• Autoriser les élèves à choisir eux-mêmes leur récompense.

65
• Offrir un enseignement dont la progression permette la plupart du temps
de réussir (le succès engendre le succès).
• Éviter les sanctions, les mauvaises notes, les punitions, etc.

Le feed-back
• Donner régulièrement des informations sur la qualité du rendement.
• Fournir des rétroactions immédiates et aussi précises que possible (ne pas
oublier les rétroactions positives !)
• Pointer sur les copies les réussites et n’indiquer qu’une ou deux erreurs
seulement.
• Utiliser des didacticiels : l’ordinateur donne “spontanément” des
rétroactions immédiates.

La motivation selon l’approche humaniste

Contrairement au béhaviorisme, la théorie humaniste de Rogers s’appuie sur


une motivation intrinsèque : c’est l’individu lui-même et ses caractéristiques
qui sont à l’origine de sa motivation. La motivation se situe donc dans « dans
le désir de l’étudiant » à apprendre (Vianin, 2006, p. 66). Dans cette
approche, Rogers considère que l’enseignant joue le rôle d’un « facilitateur »
en trouvant le juste milieu entre faire appliquer « les exigences
institutionnelles » et laisser libre cours aux « intérêts personnels de chacun des
enfants » (Vianin, 2006, p. 67). Il permet aux élèves « de choisir leurs propres
objectifs d’apprentissages », répondant ainsi à leurs propres interrogations,
qui font davantage sens pour eux. Rogers (1894, p. 93, cité par Vianin, 2006,
p. 67) explique que c’est grâce à cette « liberté pour apprendre » que l’élève
est motivé car « (...) lorsque les étudiants perçoivent qu’ils sont libres de
poursuivre leurs propres objectifs, la plupart d’entre eux s’engagent
personnellement davantage, travaillent avec plus d’acharnement,
retiennent et utilisent plus de choses que dans les cours traditionnels ».

Vianin (2006, p. 79) met en lumière les propositions suivantes de Rogers (1984)
pour motiver et ainsi « stimuler l’apprentissage et de développer l’autonomie
des élèves ».

66
L’autonomie :
• Donner à l’élève une certaine latitude dans la sélection et l'organisation
de la matière à étudier (choix des exercices, du matériel, des horaires, des
modalités de travail, etc.).
• Proposer plusieurs approches possibles et laisser aux élèves la possibilité de
choisir celle qui leur convient (...).
• Demander à l’élève de fixer lui-même ses objectifs.
• Etablir des dispositifs d’auto-évaluation.
• Permettre à l’élève de choisir les modalités de l‘évaluation (moment,
durée, objectifs évalués, barème, etc.).
• Etablir un contrat pédagogique avec l’élève en définissant clairement les
objectifs poursuivis et les responsabilités de chacun.
• Établir des règles du jeu social qui permettent à chacun d’exprimer son
autonomie et d’en percevoir les limites (discipline).

Les besoins et les intérêts :


• Partir du questionnement des élèves, de leurs problèmes, de leur vécu, de
leurs préoccupations.
• Laisser les élèves exprimer leurs besoins, leurs attentes, leurs intérêts.
• Les encourager à poser des questions et imaginer des problèmes, avant
de commencer un nouveau thème.
• Présenter un travail sous la forme d’une énigme.
• Essayer de concilier projet personnel et projet scolaire; rechercher
l’adhésion des élèves aux objectifs proposés.
• Proposer des activités d’apprentissage signifiantes, authentiques, proches
de la vie courante.

Les relations :
• Respecter l’opinion des élèves.
• Croire inconditionnellement aux possibilités de progression de chaque
élève.
• Développer l’image et l’estime de soi par la pensée positive.
• Exprimer sa joie quand l’élève réussit.
• Mutliplier les messages de réassurance.
• Toujours évaluer le travail de l’enfant et non sa personne.
• Profiter des interactions entre pairs et des conflits socio-cognitifs.
• Demander aux élèves d’expliquer à autrui, après la leçon, ce que
l’enseignant a permis de comprendre.
• Maintenir un dialogue régulier avec tous les partenaires impliqués (parents,
enseignants, psychologue scolaire, etc.).

67
Le climat
• Etablir un climat de confiance et d’écoute.
• Prévoir des moments d’accueil de l’élève (par exemple le matin) ou de
bilan (en fin de journée).
• Favoriser la coopération et l’entraide dans la classe.
• Développer l’humour dans la classe.
• Se passionner soi-même, en tant qu’enseignant, pour la matière
enseignée et partager son enthousiasme aux élèves.
• Manifester son plaisir de travailler en classe.

La motivation selon la psychologie cognitive

Pour les tenants de cette approche la motivation est « le fruit d’une


élaboration cognitive du sujet » (Vianin, 2006, p. 81). C’est à travers leurs
opinions d’eux-mêmes, leurs pensées positives ou négatives, que les élèves
vont agir. Autrement dit, la motivation des élèves repose ici sur leurs
conceptions « des buts poursuivis par l’école (...) de ce qu’est l’intelligence
(...) de la valeur de la tâche à effectuer » ainsi que de leurs perceptions « des
exigences de la tâche » et de la « contrôlabilité de la tâche » (d’après Tardiff,
1992, chap. II, repris par Vianin, 2006, p. 82). Ici, le rôle de l’enseignant est de
permettre à l’élève de verbaliser ses pensées et ses représentations de la
tâche pour mieux l’aider.

D’après Vianin (2006, p. 91), la psychologie cognitive distingue ainsi les six
éléments suivants, qu’il s’agit de prendre en compte lorsque l’on parle de
motivation scolaire.

Les buts :
• Définir les activités en termes de buts d’apprentissage.
• considérer l’erreur comme une chance de mieux comprendre le
fonctionnement de l’élève et comme une étape nécessaire à tout
processus d’apprentissage.
• Aider les élèves à comprendre ce qui les motive, ce qui ne les motive pas,
ce qui pourrait les motiver (par le dialogue pédagogique).
• Amener l’élève à comprendre le concept de responsabilité personnelle.

68
L’intelligence :
• Eviter d’attribuer la réussite au hasard et l’échec au manque de don
• Aider l’élève à prendre conscience que l’intelligence est composée d’un
ensemble de connaissances et de stratégies cognitives et métacognitives,
fondamentalement évolutives et susceptibles d’être apprises.
• Discuter ouvertement avec l’élève de son système d’attribution causale.

La valeur :
• Partir des représentations de l’élève.
• Rendre signifiantes les activités d’apprentissage.
• Souligner la valeur de la tâche et les retombées personnelles de l’activité.

Les exigences :
• Informer les élèves des exigences de la tâche.
• Utiliser des “tableaux de situation” individuels tenus constamment à jour
qui permettent aux élèves de savoir où ils en sont dans leurs
apprentissages.
• Prévoir une forme de “carnet de devoirs et leçons” favorisant l’auto-
régulation (planification, gestion du temps, auto-contrôle, etc.).
• Demander aux élèves les étapes à franchir et le temps à consacrer pour
exécuter leur travail.
• Aider les élèves à prévoir les obstacles qui peuvent gêner l’attente des
objectifs et les ressources qu’ils peuvent solliciter.

Les stratégies :
• Fournir – ou faire découvrir aux élèves – les méthodes et stratégies
efficaces.
• présenter à l’élève des connaissances procédurales et conditionnelles et
pas uniquement des connaissances déclaratives.
• objectiver avec les élèves sur leur façon d’apprendre, de résoudre un
problème d’utiliser des stratégies, etc.
• Utiliser des fiches d’auto-régulation des processus d’apprentissage
(activité métacognitive).

La contrôlabilité
• Développer le sentiment de contrôlabilité.
• Amener l’élève à réaliser que les causes de l’échec ou de la réussite lui
appartiennent (importance des stratégies cognitives).
• Aider l’élève à prendre conscience de l’existence d’une attitude
inadaptée.
• Définir avec l’élève en quoi consiste une attitude mieux adaptée.

69
• Utiliser la “gestion mentale” (La Garanderie) qui permet aux élèves de
restaurer leur sentiment de contrôlabilité et leur redonne du pouvoir sur
leurs réussites.

3. 1. 4 L’usage des TIC

Aujourd’hui les outils informatiques et technologiques tels que les ordinateurs,


tablettes, tableaux interactifs, et même mini robots – ce que l’on appelle
communément les TIC18 – font “fureur” dans l’enseignement. Les auteurs des
recherches sur les TIC « tentent de montrer que les technologies représentant
pour l’enseignement et l'apprentissage une voie fascinante, motivante et
unique » (Karsenti, 2003 p. 28). Selon Viau (2009), plusieurs recherches ont
d’ailleurs abouti à ce constat. Cependant, cet auteur dénonce deux réserves
quant à ces résultats. « L’effet de nouveauté » (p. 174) de ces recherches
constituerait un biais. Car après avoir découvert les TIC de manière
ponctuelle et sur une courte durée, certains auteurs (Corno et Mandinach,
2004) se sont aperçus que sur une période plus longue, « une fois habitués aux
logiciels mis à disposition, les élèves leur accordaient moins d’intérêt » (Viau,
2009, p. 175). Le deuxième point problématique vient de la conception de la
plupart de ces chercheurs, selon laquelle le plaisir d’un élève à réaliser une
activité serait la condition de sa motivation. Viau (2009, p. 175) précise
néanmoins qu’il ne s’agit pas de l’indicateur le plus important pour mesurer la
motivation et qu’il est « important de distinguer motivation spontanée à
utiliser les TIC d’une réelle motivation à apprendre découlant d’un
engagement et d’une persévérance au travail ». Au final, Viau (2009)
présente diverses études dont les constats divergent. Certains chercheurs
concluent avec plus de réserve que les TIC ont « un effet positif (....) sur la
motivation et l’intérêt des élèves » (Viau, 2009, p. 176). Pour d’autres, les TIC
développent « une attitude plus positive (...) envers eux mêmes » et « les
matières scolaires » (Viau, 2009, p. 176). Enfin certains sont convaincus que les
TIC « améliorent la motivation et l’intérêt » (Viau, 2009, p. 176).

Viau (2009), en s’appuyant sur Lebrun (2007, p. 19) nous rend déjà attentifs au
fait que les TIC constituent des outils et que par conséquent leur efficacité
dépend également du contexte d’utilisation. En effet, Karsenti (2003) le
souligne également : c’est la manière dont les TIC sont utilisés en classe qui
motivera ou non les élèves. Il ne s’agit pas d’utiliser les TIC, juste pour les
utiliser, il faut qu’ils servent pour aider les élèves, qu’ils les motivent d’une
certaine manière, qu’ils soient au service d’un objectif pédagogique clair.

18 Technologies de l’Information et de la Communication.

70
D’ailleurs, Depover et al. (2007, p. 176-177, cité par Viau, 2009, p. 177)
précisent que les TIC « ne sont pas intrinsèquement des outils cognitifs, mais
plutôt des outils à potentiel cognitif. C’est donc dire que le contexte et
l’usage sont des facteurs importants de l’impact TIC sur l’apprentissage [...] ».
Dans ce sens, Viau (2009, p. 177-178) explique alors que les TIC « ne sont pas
motivantes en soit, mais ont un fort potentiel motivationnel » grâce à plusieurs
caractéristiques : « une relation interactive (...) dans laquelle il doit
constamment interagir avec la machine », « la possibilité de les programmer
de telle sorte que chaque élève soit en situation de faire des choix (Ambrose,
1991) », les rétroactions et encouragements immédiats, « la capacité de
tolérer l’erreur (Spitzer, 1996) » des TIC à travers l’absence de jugement ou de
critique humaine, l’accès gratuit à un stock d’informations, et enfin la
possibilité de « sortir virtuellement de l’école, d’échanger et de partager ses
idées avec d’autres personnes ».

Karsenti (2003) présente dans son article quelques avantages à utiliser les
TIC. Ces derniers sont flexibles, accessibles et permettent de varier les modes
d’enseignement, ce qui n’est pas un luxe dans un contexte où les élèves
s’ennuient toujours plus et plus vite. L’auteur avance qu’ « en général il en
résulte de meilleurs apprentissages, un enseignement amélioré et plus adapté
aux réalités quotidiennes pour les agents scolaires » (Karsenti, 2003, p. 28).
Dans la même optique, il reprend l’idée de Tardif (1998, p. 28) selon laquelle
« les nouvelles technologies permettent aussi de faire des apprentissages
davantage “signifiants” ». Ainsi, recourir aux TIC permettrait de combler
l’écart entre l’école et la vie quotidienne des élèves, ces derniers accordant
alors davantage d’intérêt aux savoirs présentés à travers les TIC.

Malgré l’attrait que présentent les TIC, il existe toutefois un inconvénient


principal. Pour certains élèves l’information serait trop fragmentée et
provoquerait « le sentiment d’être perdus » (Viau, 2009, p. 179). Cette
sensation peut également être due au trop grand choix d’options, qui peut
même aller jusqu’à démotiver l’élève. Par conséquent, il est primordial que
l’enseignant puisse guider l’élève dans la découverte du système
informatique, sans quoi les TIC perdent leurs caractéristiques
motivationnelles.

Au regard des aspects positifs et plus problématiques des TIC, Viau (2009, p.
180) a établi une liste de conditions à respecter si l’on souhaite motiver les
élèves à travers l’utilisation des TIC : « des conditions propres aux TIC et des
conditions qui sont plus d’ordre pédagogique ». Concernant les conditions
relatives aux TIC, il est déjà nécessaire de s’assurer que les élèves maîtrisent

71
suffisamment bien l’outil et qu’ils pourront donc « en tirer tout le potentiel » (p.
180). Cet outil doit permettre à l’élève « d’interagir régulièrement et de faire
des choix », « de faire des erreurs sans pour autant être critiqué », « de
travailler en collaboration » (p. 180). Il est également important que
l’enseignant encourage l’élève et le soutienne dans ses choix et sa
démarche d’apprentissage. Enfin, il faut veiller à ce que « l’environnement
technologique soit convivial et attrayant », sans néanmoins être similaire aux
jeux vidéo (p. 180).

Pour conclure cette partie sur la motivation scolaire, les propos de Viau (2004)
mettent en avant un aspect qu’il me semblait intéressant d’aborder. L’auteur
fait l’hypothèse que certains enseignants sont démotivés parce qu’ils
remarquent « le peu d’impact de leur enseignement sur leurs élèves », ce qui
les pousse à accorder « de moins en moins de valeur à la matière qu’ils
enseignent et aux méthodes qu’ils utilisent » (p. 15). Viau (2004, p. 16) remet
alors en question la formation des enseignants :
Y a-t-il une place dans la formation des maîtres pour aider l’étudiant qui
se destine à l’enseignement à non pas seulement devenir un expert de
contenu, mais également un “maître à penser”; une personne qui, par
ses comportements, suscite la motivation à apprendre de ses élèves ?
Mon propre cursus me laisse penser que la réponse est pour le moment
négative ...

3.2 Motivation et grammaire

Ces notions sont peu visibles côte à côte dans la littérature sur la grammaire
même si certains auteurs ponctuent leurs discours de ces termes. Ils sont
pourtant essentiels aujourd’hui, avec l’arrivée des démarches inductives ou
de situations problème. Il s’agira ici de faire le point sur les discussions
actuelles concernant la motivation en grammaire et de mettre en lumière les
pistes proposées par les auteurs afin de motiver davantage dans
l’apprentissage de ces savoirs.

3. 2. 1 Constats sur la motivation en grammaire

Falardeau et Simard (2009) expliquent que les enseignants ont bien


conscience que les élèves n'apprécient pas et ne sont pas motivés par la
grammaire, notamment à cause du « blocage affectif » explicité
précédemment (cf. supra 2. 2). Les enseignants essayent donc d’apporter
davantage de sens à ce domaine, en tentant d’engager « l’affectivité mais
davantage du côté de la motivation que de l’aversion » (p. 253).

72
En effet, Falardeau et Simard (2009) précisent que « pour que le sujet
accepte de se prêter au jeu de l’apprentissage et intègre ses nouvelles
connaissances dans sa culture première, sa compréhension du monde, la
langue par exemple, il doit percevoir le sens ou la valeur de ce savoir » (p.
252). Nous l’avons vu, les représentations des élèves convergent vers l’idée
d’une grammaire “inutile” et les élèves ne trouvant pas de sens à ces savoirs,
s’en trouvent dès lors démotivés. Les paroles d’un enseignant interrogé,
viennent illustrer davantage ce constat : « Et avec la conviction du sens (...)
viendra la motivation (...) », « Les élèves développent leur motivation face à
la langue. Leur intérêt. La grammaire. Le soucis de bien écrire, [...] d’utiliser les
connaissances grammaticales pour en arriver à écrire bien, sans fautes ou
avec peu de fautes » (p. 248). On peut ajouter à cela les propos de Leeman
(1996), qui cherche à intéresser davantage les élèves à la grammaire dans
son article : « (…) la motivation est la première chose à déclencher chez les
élèves, leur intérêt effectif étant la condition préalable à l'assimilation et à la
maîtrise de ce qu’on leur enseigne ».

3. 2. 2 Pistes avancées par Leeman (1996) pour motiver les élèves


en grammaire

Pistes concernant le contenu grammatical

Leeman (1996) présente une démarche détaillée qui permet d’intéresser les
élèves à la grammaire, décomposée en quatre « angles d’attaque » et un
travail écrit final, portant sur l’appropriation et la compréhension d’une notion
(l’attribut du sujet dans son article) dans le cadre de l’enseignement
secondaire. Il s’agira de présenter succinctement cette démarche, tout en
ayant conscience que cette dernière demeure relativement complexe pour
être transposable à l’école primaire.

Le premier angle d’attaque consiste à permettre aux élèves d’analyser les


manuels et exercices qui leur sont proposés afin d’amener une première
discussion collective autour de la notion : « Qu’en pensent-ils ? Sont-ils
d’accord ? » (p. 235). A partir de là, les élèves vont entrer dans une première
compréhension de la notion. La seconde étape va leur permettre de
confronter les informations recueillies et discutées des manuels à un texte
“extérieur”. Les élèves pourront alors vérifier si ces informations sont
cohérentes dans d’autres textes. Ce moment débute par une réflexion
individuelle, se poursuit par une « confrontation des résultats entre pairs » et

73
aboutit à une discussion collective (p. 239). A cela s’ajoute une phase de
bilan : à l’aide de l’enseignant, les élèves doivent être capables de repérer la
notion en jeu. Leeman (1996) précise qu’il est normal qu’à ce stade les élèves
ne sachent pas encore tout de la notion. Bien que cela puisse provoquer une
certaine frustration chez les élèves, cette dernière « engendre le désir d’en
savoir plus », et donc la motivation (p. 240). A travers le troisième angle
d’attaque, les élèves vont se pencher sur les propriétés de la notion qu’ils ont
pu dégager jusqu’à présent en formulant des hypothèses, toujours dans
l’objectif de mieux pouvoir la repérer. Ensuite, les élèves vont tester leurs
hypothèses en prenant appui sur le dictionnaire afin de diversifier les
exemples. Enfin, la dernière étape consiste à remettre par écrit tout le chemin
réflexif réalisé jusqu’ici qui permettra à l’élève d’obtenir une définition critique
et exemplifiée de la notion.

Vous l’aurez remarqué, la méthode de Leeman (1996) semble très marquée


par les méthodes de type inductif, mais elle présente un intérêt particulier
dans la mesure où cette approche est exploitée différemment et est
davantage axée sur un travail réflexif et linguistique que didactique.

Autres pistes didactiques pertinentes

En mettant en parallèle les éléments théoriques présentés sur les démarches


inductives et ceux qui concernent la motivation, on remarque que certains
éléments de la dynamique motivationnelle de Viau (2009), ainsi que
différentes approches présentées par Vivaini (2006) se retrouvent dans les
nouvelles démarches d’apprentissage permettant de susciter l’intérêt des
élèves. Falardeau et Simard (2009) expliquent d’ailleurs qu’utiliser des
démarches inductives permettrait de motiver davantage les élèves.
Chartrand, Lord et Lépine (2016) avancent trois grands principes pour motiver
les élèves en grammaire, en lien avec les théories de Viau (2009) qui seront
étayées avec l’apport d’autres auteurs.

D’après Chartrand, Lord et Lépine (2016, p. 39), le premier principe consiste à


« proposer des activités qui aient du sens, qui stimulent les élèves et qui leur
permettent de s’engager cognitivement ». Ainsi, les tâches devraient
permettre aux élèves d’atteindre leur zone proximale de développement
(Vygotsky). Autrement dit, les activités doivent « permettre de mobiliser les
capacités intellectuelles et affectives des élèves; elles ne doivent être ni trop
faciles ni trop difficiles » (p. 39). Pour cela il faudrait d’éviter les tâches
d’application “pures et dures” et privilégier des tâches d’observation,

74
manipulation et transformation des phrases et de formulation de constats.
Dans la même optique, Falardeau et Simard (2009) expliquent qu’il est
important d’intégrer les activités grammaticales aux activités d’écriture ainsi
que de partir des productions des élèves et de travailler les difficultés qui s’en
sont dégagées, car cela motiverait davantage les élèves. Selon Paret (1992,
p. 33), il est important de travailler sur l’aspect sémantique de la grammaire,
pour chaque notion, en se demandant « pourquoi on l’utilise de cette façon
et à ce moment donné dans le discours », car les élèves percevraient alors
davantage l’intérêt de ce travail. Ils seraient alors plus motivés dans la mesure
où l’élève « a sans cesse besoin de voir ses efforts justifiés par l’intérêt que
présente l’acquisition de connaissances nouvelles » (p. 33). Ainsi, on
remarque que le premier principe rejoint certaines conditions d’une activité
motivante d’après Viau (2009, p. 33), à savoir « être signifiante aux yeux de
l’élève », ce qui implique le critère ; « doit exiger un engagement cognitif de
l’élève ».

Le second principe s’appuie sur les critères de diversité et d’authenticité


avancés par Viau (2009) : « Une activité doit être diversifiée et s’intégrer aux
autres activités » et « Une activité doit amener à la réalisation d’un produit
authentique »). En effet, Chartrand, Lord et Lépine (2016) expliquent que la
répétition du même type de tâche est démotivant et qu’il serait plus motivant
pour les élèves de leur proposer des tâches en lien avec leur vie quotidienne.
Cela permettrait de leur montrer qu’ils peuvent remobiliser les savoirs en
« situation non scolaire » et ainsi leur « prouver » l’utilité de la grammaire, en
leur faisant par exemple écrire une lettre (Chartrand, Lord et Lépine, 2016, p.
40).

Chartrand, Lord et Lépine (2016) soulignent dans le dernier principe qu’il est
nécessaire de mettre en oeuvre des activités qui contiennent des interactions
entre pairs. On retrouve à nouveau une composante de la motivation de
Viau (2009); « Une activité doit permettre à l’élève d'interagir et de collaborer
avec les autres ». Les auteurs précisent que cet aspect prend appui sur des
démarches, telles que l’éducation nouvelle ou l’éducation active, dont
l’origine remonte au 17ème siècle.

Au delà des principes présentés par Chartrand, Lord et Lépine (2016),


plusieurs auteurs mettent en avant l’importance de l’interdisciplinarité – c
comme le préconise Viau (2009) – pour motiver les élèves à étudier la
grammaire. Viau (2009, p. 143) lui même précise qu’il serait judicieux
d’intégrer d’autres matières à l’apprentissage du français : « L’intégration du
français à d’autres disciplines aiderait l’élève à se rendre compte que de

75
bonnes connaissances langagières (....) sont profitables à tous ceux qui
communiquent leurs idées verbalement et par écrit, et ce qu’ils soient des
sportifs, des scientifiques, des juristes ou des mécaniciens ». Nous pouvons
faire l’hypothèse que ce constat serait transposable à la grammaire.
Falardeau et Simard (2009) préconisent également de favoriser
l’interdisciplinarité pour susciter davantage l’intérêt des élèves, ce que MMF a
d’ailleurs choisi de faire dans ses manuels (cf. supra 1. 4. 3).

On remarque également que la composante « Une activité doit


responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix » (Viau, 2009) se
retrouve dans le discours de Courtillon (2001, p. 164) :
Pour intéresser les étudiants en maintenant leur motivation grâce à des
résultats rapides, il faut “dégraisser” les méthodes de leur encombrant
appareil grammatical et orienter leurs contenus et leurs propositions
méthodologiques vers l’acquisition rapide par les étudiants des
capacités de leurs choix : lire et/ou comprendre l’oral, produire à l’oral
et à l’écrit si c’est leur souhait, et non apprendre cette entité abstraite
qu’est “la langue”.

Enfin, Chartrand, Lord et Lépine (2016) abordent la problématique de la


motivation en grammaire sous l’angle de l’attitude de l’enseignant lui-même.
Ce dernier devrait posséder certaines qualités pour espérer motiver les élèves.
Ainsi, il devrait « être convaincu de la pertinence des contenus à enseigner »
et veiller à bien respecter « les capacités des élèves ».

Pour conclure, et bien que plusieurs éléments de réflexion se dégagent de la


motivation en grammaire, celle-ci reste traitée de manière générale. Certes,
on évoque les caractéristiques des démarches et des activités, mais on parle
finalement peu du type d’activité précis et des supports qui permettraient de
motiver les élèves, dans la pratique. Il faut bien entendu donner davantage
de sens à la grammaire en rendant l’élève actif de ses savoirs. Cependant, il
serait nécessaire de déterminer, parmi les différentes types de tâches que
l’on connaît (identification, observation, manipulation, production, tâche
simple/complexe, tâche d’application, …), lesquelles seraient les plus
motivantes pour les élèves ? Il serait effectivement intéressant de savoir
quelles actions et opérations cognitives elles mobilisent chez les élèves, pour
finalement connaître les tâches qu’il faudrait privilégier pour réussir à motiver
les élèves en grammaire. Au regard des propos des auteurs, on se rend
compte que l’enseignement de la grammaire n’est peut-être pas
suffisamment analysée au niveau de l’ingénierie didactique en tant que telle
(type d’activités, supports, etc).

76
Deuxième partie : éléments méthodologiques

1. Problématique

Les éléments conceptuels relevés précédemment ont mis en évidence


plusieurs aspects problématiques. L’enseignement de la grammaire, certes
complexe, serait considéré comme inintéressant par les élèves et les
enseignants eux-mêmes. Bien que la rénovation du français ait permis de
rediriger les objectifs de l’enseignement de la grammaire et que les finalités
du français soient davantage cohérentes avec la mission de l’école, les
enseignants sont perdus de part les nombreux changements apportés - que
ce soit au niveau des démarches, du contenu ou des manuels utilisés - et le
manque de précision de certains éléments. Les diverses démarches
proposées pour permettre aux élèves d’acquérir une meilleure maîtrise des
contenus grammaticaux, qu’ils mobiliseront au service de l’expression, se
révèlent être très pertinentes mais finalement peu utilisées. Les recherches
montrent effectivement une persistance d’un enseignement “traditionnel”.
Même si certains aspects des démarches de type inductif demeurent
complexes, ces dernières semblent cependant être davantage prédisposées
à susciter l’intérêt des élèves. Et c’est d’ailleurs l’intérêt des élèves qui semble
faire défaut en grammaire !

Finalement, nous arrivons au constat que la grammaire n’est pas, aux yeux
de la société, un objet d’enseignement considéré comme suffisamment
intéressant pour justement s’y intéresser, en tant qu’enseignant ou élève (la
représentation du premier influençant, semblerait-il, fortement celle du
deuxième). Pour quelles raisons cette image perdure-t-elle ? Dans la mesure
où la grammaire est une base sur laquelle nous nous appuyons chaque jour
pour communiquer avec autrui, n’est-il pas important que les élèves la
maîtrisent ? D’ailleurs, une des clés de l’apprentissage réside dans l’attrait de
l’activité pour l’élève et son pouvoir d’action dans celle-ci. Plus une tâche est
proche des préoccupations de l’élève, représente un défi pour lui ou
l’intrigue et plus il peut agir, plus il sera motivé et plus il apprendra et retiendra
les savoirs. Les théories de la motivation et les démarches inductives nous l’ont
d’ailleurs bien montré ; un élève qui ne perçoit pas le sens, l’utilité d’un savoir,
n’y prendra pas goût et ne pourra que difficilement apprendre. Les pistes que
les auteurs proposent ne semblent cependant pas explorer tous les éléments
susceptibles d’engendrer davantage d’intérêt. Cette motivation passant par
les activités proposées à l’élève, il revient à l’enseignant de créer des
situations adaptées qui lui donnent envie d’entrer et de s’investir dans les

77
tâches. Par conséquent, en tant qu’enseignante primaire, je me questionne :
comment pourrions nous susciter l’intérêt des élèves de l’école primaire pour
la grammaire ?

2. Questions de recherche et hypothèses

2. 1 Première question de recherche

Le champ des représentations des enseignants vis-à-vis de la grammaire a


déjà été exploré et il semblerait que l’image d’une discipline “poussiéreuse”
et dénuée de sens lui “colle à la peau”, tant chez les enseignants que pour
les élèves. Cependant, considérant tous les changements mis en place pour
donner à nouveau du sens à la grammaire, en l’inscrivant notamment dans
un but utilitariste – pouvoir s’exprimer correctement dans des situations
discursives de la vie quotidienne – il semble quelque peu contradictoire que
cette image persiste dans notre société actuelle. Ainsi, il serait intéressant de
comparer ce que nous dit la littérature à ce sujet avec le discours
d’enseignants de l’école primaire, cette fois-ci. En effet, seuls les
représentations des enseignants du secondaire ont été relevées jusqu’à
présent et à ma connaissance. Cela me permettrait de vérifier, modestement
et à petite échelle bien sûr, cette vision, au demeurant, négative de la
grammaire : les représentations des enseignants sur l’enseignement de la
grammaire correspondent-elles à la littérature sur le sujet ? Il s’agirait
également de questionner plus précisement le lien entre la grammaire et la
motivation pour les enseignants eux-mêmes et l’idée qu’ils en ont,
concernant leurs élèves.

Hypothèse

Je fais l’hypothèse que les représentations des enseignants ne correspondent


pas totalement à la littérature qui l’étudie. La représentation que l’on peut se
faire d’une discipline reste très subjective et repose sur plusieurs facteurs
; notre parcours, nos préférences, nos compétences et connaissances, etc.
Nous pourrions alors nous demander si les “idées reçues” concernant la
grammaire ne provoqueraient pas un effet de généralisation selon lequel
personne n’apprécierait la grammaire, les enseignants y compris. Ainsi, sans
toutefois remettre en questions les études et les recherches menées à ce
sujet, il serait possible que, dans une volonté de “suivre le mouvement” le
discours des enseignants interrogés ait été inconsciemment biaisé. De plus, les

78
études étant ancrées dans le contexte du secondaire, il est probable qu’au
vu de l’âge et des savoirs plus complexes en jeu, le rapport à la grammaire
ne soit pas le même chez des élèves plus jeunes et leurs enseignants.

2. 2 Deuxième question de recherche

Après avoir exploré les champs étudiés par les auteurs, je me suis rendue
compte qu’ils ne s’attardaient pas – ou très peu – sur le type de tâche
motivante pour les élèves en grammaire. Certes, ils donnent des pistes très
précieuses concernant la démarche à suivre, les activités à privilégier ou
encore les modalités sociales et l’attitude de l’enseignant, mais ils n’abordent
pas ce qui se situe “en dessous de l’iceberg”. La démarche est une chose,
mais elle dépend également du type de tâche; identification, manipulation
ou production et plus précisément, des actions qu’elle cherche à mobiliser
de la part des élèves. En effet, Bulea Bronckart, Marmy Cusin et Panchout
Dubois (à paraître) expliquent que les exercices grammaticaux impliquent
diverses actions attendues de la part des élèves. Les auteures regroupent les
actions attendues des élèves en cinq catégories illustrées par leur schéma ci-
dessous (p. 7).

79
Les actions de type 1 et 2 pourraient s’inscrire dans une tâche de type
manipulation, dans le sens où ces actions se prêtent bien à la manipulation
d’un corpus de phrase par les élèves, qui aboutirait à définir la notion. Les
actions 3 et 4 seraient relatives à une tâche de discrimination : comparer et
nommer les fonctions grammaticales par exemple permet de les repérer et
de pouvoir les identifier clairement. L’action 5 semble faire référence à une
tâche de production. Nous pourrions ainsi questionner l’influence du type de
tâche; manipulation, discrimination ou production et des actions qu’elle
induit, sur la motivation de l’élève : quelle(s) tâche(s) serai(en)t plus
propice(s) à capter l’attention de l’élève durant les leçons de grammaire, et
pour quelles raisons ?

Hypothèse

Je fais le postulat que selon le profil des élèves, le type de tâche qui les
motiverait le plus pourrait lui aussi varier. L’élève sans difficultés pourrait
trouver les activités de production et de manipulation davantage
intéressantes que celles de repérage (discrimination) de la notion, qu’il
pourrait juger trop simple, repérée une première fois. En effet, réaliser des
transformations sur la phrase pourrait présenter un challenge chez ce type
d’élève et réveiller sa curiosité. La tâche de production serait l’occasion pour
lui de tester l’appropriation du contenu, ce qui pourrait à nouveau être perçu
comme un « défi » à relever. A l’inverse, un élève avec davantage de
difficultés sera peut-être plus à l’aise et ainsi plus motivé dans les tâches de
discrimination qui ne demandent pas de sa part une multitude d’actions
différentes comme c’est le cas pour les tâches de manipulation ; « observer,
supprimer, déplacer, remplacer » (Bulea Bronckart, Marmy Cusin et Panchout
Dubois, 2017, p. 7). Je postule que ce type de tâche pourrait provoquer une
surcharge cognitive chez l’élève qui finirait par le décourager. Les tâches de
production supposant une bonne assimiliation de la notion ainsi qu’une
remobilisation des caractéristiques pourrait également s’avérer trop
complexe.

2. 3 Troisième question de recherche

Enfin, les auteurs se sont souvent intéressés aux manuels d’enseignement de


la grammaire, d’ailleurs régulièrement considérés comme source de son
image “ moyenâgeuse”. Là encore de nombreuses modifications ont vu le
jour afin de moderniser les ouvrages, mais peu d’attention a été prêtée aux
autres supports utilisés en grammaire (mais aussi dans d’autres disciplines

80
scolaires). En effet, les fameuses fiches d’exercices semblent avoir participé
au désintérêt des élèves, ce qui peut, de nos jours être relativement
compréhensible. Il est vrai qu’avec l’arrivée des tableaux interactifs et autres
technologies, on peut se demander si l’on ne pourrait pas utiliser ce genre de
supports pour “ redorer le blason” de la grammaire. En effet, il existe une
variété de supports que l’on pourrait exploiter pour traiter la grammaire, à
défaut du mode papier-crayon, tels que l’utilisation du projecteur, les jeux de
cartes ou les exercices sur ordinateur. Je pose donc la question suivante :
lequel de ces quatre supports serait le plus enclin à développer l’intérêt des
élèves pour la grammaire ?

Hypothèse

J’avance l’hypothèse selon laquelle l’utilisation du projecteur susciterait plus


de motivation chez les élèves que les supports papier-crayon, ce matériel
attirant déjà davantage l’œil de l’élève. Les dispositifs tels que les jeux de
cartes ou des cartes effaçables pourraient être plus efficaces en donnant
peut-être moins l’impression aux élèves d’être réellement en train de
travailler la grammaire. Enfin, il serait intéressant de pouvoir “vérifier” le
postulat – qui me semble correct – selon lequel les activités sur ordinateur
seraient les plus probantes en termes d’intérêt des élèves.

3. Méthodologie

3. 1. Contexte

Cette recherche s’est déroulée dans une école primaire située dans un
quartier très aisé. J’ai choisi de réaliser la recherche dans la classe de 7PH
dont j’étais en charge à 50%. Il s’agissait de ma première année
d’enseignement en tant que titulaire et l’autre 50% était assuré par ma
collègue qui avait huit ans d’expérience derrière elle. La classe comptait dix-
sept élèves; huit filles et neuf garçons, dont une élève allophone.

Les élèves étaient dynamiques et actifs lorsqu’ils étaient intéressés mais


pouvaient également s’avérer très blasés et distraits lors de certaines leçons.
L’adolescence se faisait ressentir pour certains d’entre eux, avec une
tendance forte au bavardage et à l’insolence qui pouvait parfois prétériter
les leçons. En effet, la dynamique de classe pouvait s’avérer très complexe à
gérer. De gros problèmes de comportement sont survenus avec l’un des

81
élèves, ce qui n’a malheureusement pas arrangé la situation de la classe. A
l’aide de ma collègue, j’ai entrepris un important travail de gestion des
comportements afin de permettre aux élèves d’apprendre dans de
meilleures conditions.

Indépendamment de cela, les élèves avaient un bon niveau scolaire, voire


excellent pour huit d’entre eux, ce qui représente une partie importante de la
classe. Certains élèves avaient davantage de difficultés, ce qui provoquait
de gros écarts tant de compétence que de rythme. Un des élèves était
diagnostiqué dysorthographique et bénéficiait de mesures spécifiques. En
français I, les élèves étaient généralement preneurs des activités proposées.
Au cours de l’année, nous avons abordé la poésie avec MMF et l’article de
journal avec les moyens COROME S’exprimer en Français. Il faut savoir que
suite à des échanges entre enseignants du même degré, nous avons décidé
de traiter le français I par modules compacts au cours de l’année, le reste du
temps étant consacré à l’étude du français II. Bien que cette organisation
était jugée plus “pratique ”, elle ne correspondait malheureusement pas aux
orientations de la grammaire rénovée. Pour le français II, la motivation des
élèves laissait souvent à désirer, les “Oh non pas du français II !” résonnant
souvent dans la classe, ajoutant ainsi une certaine appréhension chez moi. En
prenant du recul, il me semble que sur l’ensemble des disciplines, c’est celle
qui intéressait le moins les élèves et pour laquelle il était le plus difficile de
capter et conserver leur attention. L’enseignement du français II était réalisé
à travers l’utilisation du manuel et du cahier Ile aux mots, complété par
quelques fiches COROME (1996) ou provenant d’autres ressources.

Après avoir reçu la validation de mon projet et obtenu les autorisations


nécessaires pour réaliser ma recherche, j’ai expliqué aux élèves, dans les
grandes lignes, que j’allais expérimenter des activités en français II. J’ai
précisé que j’allais recueillir, en les enregistrant, les impressions de quelques
élèves et qu’il me fallait l’autorisation des parents. Je n’ai cependant pas
précisé le moment exact de la réalisation des activités. Pourquoi tant de
“mystère” me direz-vous. Mon objectif était de pouvoir faire de la grammaire
sans qu’ils s’en rendent vraiment compte.

Afin de répondre à mes questions de recherche et vérifier mes hypothèses,


j’ai décidé d’exploiter trois types de données. Dans un premier temps, j’ai
commencé par recueillir les représentations de trois enseignants sur la
grammaire. Dans un second temps, j’ai mis en place une séquence sur
l’attribut du sujet dans ma classe : j’ai observé et relevé tant bien que mal les

82
réactions des élèves de manière générale et interrogé cinq élèves sur leurs
ressentis vis-à-vis des activités.

3. 2 Types de données

Comme présenté ci-dessous, la recherche comporte trois étapes et trois


types de données.

3. 2. 1 Entretiens avec les enseignants

Dans un premier temps, j’ai mené des entretiens semi-dirigés avec des
enseignants, dans la mesure où la première question cherchait à connaître
leur représentation de la grammaire, en primaire. Dans ce sens, ces entretiens
se sont déroulés selon un canevas d’entretien prédéfini (cf. annexe 1),
regroupant les questions selon trois grands axes : - leur position vis-à-vis de la
grammaire de manière générale ; - leur pratique effective ; - les dispositifs
d’enseignement qu’ils utiliseraient pour traiter la notion d’attribut du sujet. J’ai
choisi de me focaliser sur l’enseignement de cette notion car elle est souvent
considérée comme difficile par les élèves et du fait de sa complexité, elle
semblait d’autant plus intéressante à traiter. L’échantillonnage était basé sur
deux critères : être enseignant primaire, ayant actuellement ou ayant eu une
classe de 7PH. Le choix de ce degré était dépendant de la mise à l’épreuve
d’une ingénierie didactique portant sur l’attribut du sujet, dans ma classe
actuelle. S’agissant d’élèves de 7PH, il me semblait plus cohérent d’interroger
des enseignants qui connaissaient les enjeux d’apprentissages de ce degré
en grammaire et qui avaient déjà enseigné cette notion. Finalement, j’ai pu
m’entretenir avec deux enseignants ayant une classe de 7PH (E1. et E2.) et
un enseignant ayant une classe de 8PH, mais qui avait souvent eu des 7PH
auparavant (E3.). Au niveau de l’expérience professionnelle, E1. peut être
considéré comme un enseignant débutant, E2. serait une enseignante en
milieu de carrière et E3. un enseignant en fin de carrière.

Les entretiens ont été enregistrés sur format audio uniquement, puis
retranscrits. Avant de commencer l’entretien, j’ai présenté le formulaire de
consentement que chacun des participant a lu et signé. J’ai ainsi informé les
enseignants du but de la recherche et plus précisément de l’intérêt de leurs
témoignages : recueillir les conceptions des enseignants au sujet de la
grammaire, dans la pratique, en primaire. Ils ont également été informés de
l’enregistrement audio et, dans le cas où une personne ne souhaitait pas être
enregistrée, j’avais prévu de mener l’entretien en prenant uniquement des

83
notes. Il leur a été rappelé le caractère confidentiel de la recherche et le fait
qu’ils pouvaient arrêter l’entretien à tout moment. Cet entretien s’est déroulé
sur une durée approximative d’une demi-heure.

3. 2. 2 Expérimentation de la séquence d’enseignement

Dans un deuxième temps, j’ai mis en place dans ma classe de 7PH, trois
activités sur la notion d’attribut du sujet. Ces activités se différenciaient du
point de vue : - des supports utilisés ; - des modalités sociales de travail ; - du
type de tâche demandée (production, discrimination, manipulation). Tous les
élèves de la classe étaient concernés par les tâches proposées. Certaines
activités étaient réalisées sous la forme d’un tournus ; les élèves n’étaient pas
tous en train de faire la même activité au même moment, mais au final ils
devaient avoir tous réalisé les mêmes tâches. Pour chaque activité, les
données récoltées ont été comparées selon des critères précis : intérêt des
élèves et apprentissages effectivement réalisés. J’ai noté les indices
observables que j’ai pu relever durant leur réalisation et/ou à posteriori, dans
le cahier d’observation prévu à cet effet (l’attitude des élèves, les impressions
qu’ils dégageaient, leurs remarques, leur compréhension, etc.). Cet outil
permettait ici d’évaluer l’efficacité didactique des activités proposées. Il ne
s’agissait donc pas d’une observation psychologique des élèves.

3. 2. 3 Entretiens avec les élèves

Dans un troisième temps, j’ai réalisé des entretiens avec cinq élèves aux
profils différents, afin de tester l’efficacité des activités proposées selon ces
profils. J’ai pu interroger deux élèves ayant un très bon niveau scolaire (EL1. Et
EL2.), une élèves ayant un assez bon niveau (EL3.) et deux élèves ayant plus
de difficultés19 (EL4. et EL5). Les entretiens ont été réalisés sur la base d’un
canevas (cf. annexe 2), toujours produit en amont, contenant une liste de
questions sur trois grands aspects : - les apprentissages effectifs des élèves ; -
l’attrait (ou non) de l’activité ; - et les ressentis face à l’activité réalisée. J’ai
insisté sur le fait que les informations seraient uniquement utilisées pour la
recherche et n’interviendraient en aucun cas dans leur évaluation afin de les
rassurer quant à une possible peur d’être jugé. J’ai expliqué qu’il serait donc
important qu’ils répondent aux questions de la manière la plus honnête et
libre possible. Ces entretiens ont fait l’objet d’enregistrements audio et dans le
cas où un élève ne souhaitait pas être enregistré, je prévoyais de mener

Par commodité, les termes « très bon élève » ou « bon élève » seront utilisés dans la suite du
19

mémoire, mais je suis bien entendue consciente du caractère limité de ces expressions.

84
l’entretien en prenant uniquement des notes. Les entretiens avec les élèves
ont duré au total entre 10 et 15 minutes par élève.

J’ai choisi d’utiliser la méthode de l’entretien semi-directif, car elle m’a permis
autant pour les enseignants que pour les élèves de recueillir des informations
relatives à leurs représentations (enseignants) et leurs ressentis (élèves) de
manière précise. Dans la mesure où je cherche à recueillir les réactions des
élèves dans le but d’observer les modalités d’apprentissage qui les motivent
ou non, les données qualitatives obtenues me seront précieuses. En effet, un
questionnaire n’aurait pas permis d’explorer à ce point le sujet car il ne
permet pas de rebondir sur des aspects intéressants en posant une autre
question pour approfondir un élément par exemple.

3. 3 La notion étudiée : l’attribut du sujet

Les paragraphes suivants devraient permettre au lecteur de davantage


comprendre la notion choisie dans le cadre de cette recherche, afin de
faciliter, je l’espère, sa compréhension des tâches et des choix réalisés dans
l’élaboration de la séquence.

3. 3. 1 Justification du choix de la notion

Le choix de l’attribut du sujet repose essentiellement sur l’organisation de mon


enseignement en classe. En effet, des contraintes liées à la planification
réalisée – et aux modifications/ adaptations survenues au cours du premier
trimestre – réduisait les notions que je pouvais aborder. Dans la mesure où je
prévoyais de réaliser la séquence au deuxième trimestre, entre janvier et
mars, j’avais le choix entre les « thèmes » suivants : compléments de phrase
(temps, lieu, manière), l’attribut du sujet et la classe grammaticale et la
fonction d’un mot. L’attribut du sujet faisait écho aux souvenirs de mon stage
en 7P de l’année précédente. Cette notion m’avait paru difficile à enseigner
et les élèves semblaient eux aussi en difficulté et peu motivés. En discutant
également avec ma directrice de mémoire, nous avons jugé que la notion
d’attribut du sujet était plus complexe que les autres et qu’il serait donc
d’autant plus intérresant d’essayer de rendre cette notion plus attractive pour
les élèves.

85
3. 3. 2 Définition

Pour définir la notion d’attribut du sujet, je m’appuierai sur la grammaire de


référence, Lire, écrire, comprendre la grammaire et la langue (CIIP, 2013)
utilisée dans l’enseignement primaire. L’attribut du sujet est une fonction
grammaticale, au même titre que le sujet, le groupe verbal (ou prédicat), le
complément de verbe, le complément de nom. Les auteurs mettent en
évidence la définition suivante afin de mieux percevoir le sens d’une fonction
grammaticale (p. 143) .

Concernant l’attribut du sujet, cette fonction est décrite ainsi (p. 158) :

Du point de vue sémantique, l’attribut du sujet est donc très utilisé dans notre
vie quotidienne.

Comme les autres fonctions, l’attribut du sujet est repérable au moyen de


« tests opératoires » ou transformations de la phrase (déplacement,
effacement, remplacement, addition, ….) ainsi que des caractéristiques bien
précises, explicitées dans le document (p. 159).

86
Pour revenir sur les verbes attributifs, ou verbes dits “d’état”, les auteurs
expliquent qu’ils « introduisent un attribut du sujet (...). Ils servent de support à
une relation de caractérisation entre l'attribut et le sujet (...) » (p. 129) et « ils
précisent certains verbes appartenant à cette catégorie » : « être, paraître,
sembler, devenir, demeurer, rester, passer pour, avoir l’air, tomber, partir,
naître, être considéré comme, se croire, s’appeler » (p. 30). On constate que
la liste reste cependant non exhaustive.

L’attribut du sujet a plusieurs “identités”, comme j’aime à les appeler avec les
élèves; c’est-à-dire que l’on peut l’observer réalisé au travers de différentes
classes grammaticales, comme l’expliquent les auteurs (p. 159).

87
Le document de référence va plus loin dans l’analyse des constituants de la
phrase et parle également de la « fonction attribut du complément de
verbe » ( p. 160). Cependant, la cette notion étant trop complexe, elle n’est
pas abordée, en tout cas pas en 7PH.

3. 3. 3 Difficultés de la notion

L’article de Leeman (1996), met en lumière plusieurs difficultés de la notion


d’attribut du sujet. En effet, l’auteure montre qu’il existe une confusion entre
attribut et complément (de verbe) dans la mesure où il s’agit dans les deux
cas, « d’un mot ou d’un groupe de mots qui complète » (p. 230). Le seul
élément qui les distingue est que l’attribut du sujet est nécessairement relié à
un « verbe attributif» (p. 231). En parcourant internet à la recherche
d’informations sur les difficultés relatives à l’attribut du sujet, j’ai remarqué que
cette confusion est un élément qui revient souvent sur les blogs
d’enseignants.

Pour revenir aux verbes attributifs, Leeman montre dans son article que ce
type de verbe peut être difficile à reconnaître. L’auteure considère d’ailleurs
comme primordial que les élèves connaissent la liste de ces verbes ou du
moins qu’ils sachent les identifier, car sans cela comment pourront-ils
reconnaître un attribut ? Lors de mes recherches, j’ai d’ailleurs pu constater
que la mémorisation ainsi que la reconnaissance de ces verbes était souvent
relevée comme une difficulté possible chez les élèves.

3. 3. 4 L’attribut du sujet dans le PER (2010)

Du point de vue du Plan d’Etudes


Romand (2010), les élèves de 7PH,
les élèves doivent pouvoir identifier
l’attribut du sujet lorsque celui-ci
prend la forme du groupe adjectival
ou du groupe nominal (p. 59). Nous
pouvons remarquer qu’il s’agit d’un
objectif travaillé de la 5PH à la 8PH
et non pas spécifique à la seconde
partie (7ème - 8ème) du cycle II.
Néanmoins, lorsqu’on s’attarde sur
les attentes fondamentales (cf.
document ci-contre), autrement dit

88
ce que l’élève doit être capable de réaliser « au plus tard à la fin du cycle »
(p. 59), la notion d’attribut du sujet n’apparaît pas comme fonction à savoir
identifier.

Un autre élément problématique se dégage lorsque l’on consulte les


précisions cantonales (cf. annexe 3) concernant la progression des
apprentissages du français II. En effet, le document précise que
l’identification de l’attribut du sujet devrait être travaillée en 6PH. Or, après
discussion avec des collègues, il s’avère que cette notion est le plus souvent
légèrement introduite, seulement en fin de 6PH voire parfois non traitée. De
plus, le document laisse penser que l’attribut du sujet devrait être abordé
uniquement en 6PH, car il n’apparaît plus en 7PH-8PH, contrairement au
prédicat qui est repris en 7PH, par exemple.

Pour conclure sur les attentes concernant la notion choisie en 7PH, celles-ci
demeurent quelque peu floues lorsque l’on s’y penche plus précisément. Le
PER restant le document officiel quant aux objectifs d’apprentissage, l’attribut
du sujet est donc une fonction que les élèves de 7PH doivent pouvoir
identifier lorsqu’il se présente sous la forme d’un groupe adjectival ou
nominal.

3. 3. 5 L’attribut du sujet dans les moyens d’enseignement

Pour terminer sur la présentation de la notion d’attribut du sujet, il me semblait


pertinent de mettre en évidence la manière dont elle est traitée dans les trois
moyens d’enseignement recommandés, notamment au regard des diverses
démarches discutées précédemment.

Dans Mon Manuel de Français

Lorsque j’ai consulté Mon manuel de français (2010), j’ai remarqué que
l’attribut du sujet ne faisait pas partie des notions travaillées dans le moyen
d’enseignement. Dans la mesure où les précisions cantonales, préconisent
d’aborder cette notion en 6PH, j’ai également regarder dans les moyens de
6PH, mais aucune trace d’un travail sur l’attribut du sujet et en 8PH non plus
d’ailleurs. On remarque cependant dans l’introduction du manuel, qu’un
travail approfondi sur la manière d’enseigner le complément de verbe est mis
en avant. Le souci du sens accordé au complément de verbe en allant au
delà d’un simple étiquetage de ce dernier pourrait expliquer que l’on ne
puisse pas s’atteler également à l’attribut du sujet. En effet, pour les auteurs :

89
« l’important est que le lecteur comprenne comment le repérage des
compléments de verbe intervient dans le processus de lecture et dans
l’élaboration d’un énoncé oral ou écrit » (2010, p. 15). Pour rappel (cf. 1.4
supra), la méthode a choisi de traiter simultanément la grammaire et les
genres de texte. Cela explique en effet l’absence d’un travail spécifique sur
l’attribut du sujet dans le sens où ce manuel se centre davantage sur les
textes que sur une étude systématique des fonctions syntaxiques. Cela reste
pour le moins problématique pour un moyen dit « recommandé » - bien qu’il
soit conseillé de l’utiliser avec d’autres ressources.

Dans l’île aux mots (cf. annexes 4, 5, 6)

Dans le manuel de l’élève (annexe 5), on observe deux étapes qui


permettent d’introduire la notion d’attribut du sujet. Il s’agit de faire découvrir
la notion 20 grâce à des questions portant sur l’observation de phrases
spécifiques. Ces questions s’appuyent sur les connaissances préalables des
élèves sur le complément de verbe. Durant la première étape, il s’agit de
répondre d’abord en individuel pour aboutir ensuite à des échanges en
collectif. Dans le guide pédagogique (annexe 4) on propose aux enseignants
de poursuivre dans la comparaison avec le complément de verbe, en créant
des phrases « à partir de caractéristiques attachées à des objets de la classe,
voire à des élèves » (p. 74, 2012). Concernant la seconde étape, le guide
pédagogique propose ici encore d’aller plus loin en utilisant le verbe non
choisi (exercice 2, du livre, cf. annexe 5), et de compléter la fin de la phrase
afin de faire remarquer aux élèves que la suite est un complément de verbe.
On conseille également « d’inviter les élèves à proposer par substitution
d’autres adjectifs attributs du sujet » (p. 74, 2012) dans le même exercice.
Dans le livre, les deux étapes de découverte sont suivies par un encadré
jaune qui sert de “leçon”, de référence aux élèves, leur permettant de
résumer leurs « trouvailles » avant de passer à des exercices d’application du
livre et du cahier (annexe 5 et 6). Enfin, le paragraphe « Pour aller plus loin »
du guide pédagogique donne à voir une possibilité d’approfondissement,
centrée sur la différence entre le complément de verbe et l’attribut du sujet,
sur la base d’une bande dessinée, s’inscrivant ainsi dans un genre de texte.

On retrouve quelques aspects des méthodes inductives dans les moyens Ile
aux mots (2010), tels que le recours à des questions sur des faits de langue, la

20 Bien que lorsqu’ils ouvrent leur livres, les élèves peuvent déjà se douter, même s’ils ne
savent pas encore ce que c’est, qu’ils vont découvrir la notion d’attribut du sujet, à travers le
titre.

90
mobilisation de savoirs connus sur lesquels les élèves peuvent s’appuyer pour
guider leur réflexion, le recours à des exemples proches de la réalité des
élèves ou encore la confrontation de leurs points de vue. Cependant, cette
démarche semble très (trop ?) dirigée et cadrée par les questions et laisse
finalement peu de place aux hypothèses des élèves ainsi qu’aux essais et
manipulations de leur part. Par conséquent, la méthode semble être encore
loin de la DADD de Chartrand (1995) et se situe plutôt entre l’inductif de par
la réflexion qu’elle souhaite impliquer chez les élèves et une méthode plus
traditionnelle à travers un cheminement qui ne laisse pas réellement la
responsabilité des apprentissages aux élèves.

Dans Maîtrise du français - COROME (cf. annexe 7)

Dans ces moyens, le terme “attribut du sujet” n’est pas encore utilisé, et on lui
préfère celui de “suite du verbe être”. Le livre du maître 21 COROME fait
référence à Maîtrise du français (1979) qui propose un “atelier” (p. 387-390)
pour faire découvrir la notion d’attribut du sujet. A la lecture de cet atelier, on
remarque de nombreux éléments proches de la DADD proposée par
Chartrand (1995) : la production d’un corpus de phrases contenant le verbe
être par les élèves ainsi que l’observation des manipulations et des
transformations de la phrase, permettant d’aboutir à différents inventaires
qu’il s’agit de vérifier avec d’autres exemples. Au fil de la séance, ces listes
permettent aux élèves de mettre en évidence les caractéristiques des suites
d’être : les différentes natures possible de cette suite, son accord avec le
sujet, les manipulations qui permettent de reconnaître cette suite, et les
autres verbes de “type être” qui induisent des suites similaires. Les
concepteurs sont d’ailleurs clairs quant à leur volonté : il faut que les élèves
puissent “manipuler leur langue en vue d’une activité de réflexion”. Des
fiches d’exercices sont ensuite proposées pour permettre aux élèves de
remobiliser les nouveaux savoirs.

On remarque néanmoins que les modalités sociales de travail ne sont pas


précisées dans Maîtrise du français (1979), ce qui ne laisse pas apparaître de
phase d’échange entre élèves ou de confrontation des hypothèses. La
phase de remobilisation des savoirs est également réalisée de manière plus
“traditionnelle” au travers des fiches d’exercices (annexe 7). De plus, les
phases 5 à 7 de la DADD telle que l’explique Chartrand (1995) sont absentes
de la méthode.

21 Consultable sur le site disciplines EP.

91
Ainsi, aucune des deux méthodes 22 ne possède tous les critères des
démarches découverte. Néanmoins, Maîtrise du français (1979) semble
s’inscrire davantage dans une démarche de type inductive que Ile aux mots
(2010). On remarque également que ni l’un ni l’autre des moyens ne
correspond aux critères de la démarche de situation problème de Tisset
(2010), dans la mesure où les situations ne sont pas présentées comme un
problème à résoudre, ceci pouvant pourtant être davantage motivant pour
les élèves … Bien qu’une analyse plus fine et détaillée des moyens
d’enseignement aurait été très intéressante à mener, il ne s’agit néanmoins
pas du sujet central de ce mémoire, voilà pourquoi je terminerai sur la
réflexion suivante : dans la mesure où nous connaissons des démarches qui
permettraient d’intéresser les élèves à la grammaire, pourquoi ne pas s’en
inspirer davantage dans les manuels didactiques et les manuels
d’enseignement ? Comme nous l’avons vu, les moyens COROME, pourtant
antérieurs à ceux de l’Ile aux mots (2010), semblaient être sur la bonne voie ...

22Mon Manuel de Français (2010) n’a pas été retenu ici puisqu’il ne travaille pas l’attribut du
sujet. Le manuel présente néanmoins quelques similitudes avec les démarches de type
inductif, notamment son ancrage dans les genres de textes.

92
3. 4 Ingénierie didactique de la séquence proposée

Le tableau suivant permet d’obtenir une vue d’ensemble des activités de la


séquence planifiée.

Act. Type de Modalités


Objectif(s) Supports et matériel
n° tâche sociales
Tableau noir En collectif

Etiquettes mots
Découvrir la En groupe de
Affiche
3-4
notion de Fiche de constat 1
1 l’attribut du Manipulation
sujet et ses Cartons phrases plastifiés
En groupe de
caractéristiques Stylo effaçable
3-4
Fiche de constat 2

Feuille java En collectif

Projecteur, ordinateur et
présentation powerpoint En collectif
Comprendre le Feuille java
rôle de l’attribut
du sujet. Fiche de constat 3 Seul puis en
Discrimina- Mémento collectif
2
Connaître les tion
natures de
Jeu de cartes à tâches + Par groupes
l’attribut du
règles du jeu de 4
sujet.
2 à 4 ordinateurs Par deux
Cahier Ile aux mots Seul

Fiche de constat final


Seul
Feuille de brouillon

Remobilisation Projecteur, ordinateur et


des acquis sur présentation powerpoint Collectif en
l’attribut du avec les devinettes des groupes
3 Production
sujet : produire élèves
sa propre
devinette. Fiche d’exercice
Seul
Jeu de cartes avec stylo
Par deux
effaçable.

Afin de faciliter la lecture, chaque activité prévue sera décrite également


sous forme de tableau et justifiée dans les paragraphes suivants. Le temps
prévu pour chaque activité était de deux périodes. J’avais prévu de faire
une activité par semaine (sauf pour la dernière activité, décomposée en
deux parties), étalant ainsi la séquence sur trois semaines consécutives.

93
J’avais également prévu de faire des groupes hétérogènes et de les changer
d’une tâche à une autre, si possible au moins pour chaque activité.

3.4.1 Planification de l’activité 1

94
L’amorce se présente comme une phase d’exploration similaire aux
démarches actives mais davantage guidée. Dès le début, je souhaitais
donner l’opportunité aux élèves d’être actifs et responsables de leurs
découvertes car c’est d’eux que proviennent le corpus de phrases qui sera
analysé. Lorsque je leur demande d’entourer ce qu’ils connaissent, je désirais
m’appuyer sur les connaissances qu’ils avaient déjà et en profiter pour les
valoriser, afin de leur donner confiance et de les mettre à l’aise. Inciter les
élèves à émettre des hypothèses donnant ainsi du “pouvoir” à leur parole.

Par la suite, en les mettant par groupe pour vérifier leurs hypothèses, l’objectif
est qu’à travers la confrontation de points de vue, les élèves apprennent
encore davantage. Le poids de leur mission étant partagée, certains élèves
pour qui ce genre de démarche active pourrait déboussoler peuvent alors se
sentir plus en sécurité avec leurs camarades. Dans la mesure où il s’agit d’une
séquence sur trois semaines, il était important pour moi de permettre aux
élèves de cristalliser leurs découvertes, à travers l’utilisation de fiches de
constat pour chaque activité. Concernant le support et le matériel utilisé, ces
derniers se voulaient réellement “mobiles” afin que les élèves puissent
vraiment manipuler les mots au sens premier du terme, en les déplaçant, les
enlevant de la phrase grâce à leur format et à la Patafix.

Pour les deux tâches, il me semblait riche que chaque groupe, par
l’intermédiaire d’un porte parole puisse exposer les constats réalisés. Cette
étape avait pour but d’élargir encore un peu la réflexion des élèves en la
comparant aux autres groupes. L’écoute de l’exposé des autres groupes
devait susciter des interrogations de la part des élèves, provoquant une
discussion à plus grande échelle. L’institutionnalisation vient ensuite “fixer” les
découvertes des élèves et leur donne l’opportunité de faire la liste des
caractéristiques observées. Elle permet également de rassurer les élèves qui

95
seraient perdus par ce nouveau type de démarche. Imager à l’aide des
élèves eux-mêmes, en leur donnant le rôle d’un sujet, d’un verbe et d’un
attribut du sujet, pourrait leur permettre de mieux comprendre la notion.

La seconde tâche a pour but de faire découvrir une nouvelle caractéristique


de l’attribut du sujet. Pour cela, il s’agit de faire manipuler les élèves mais de
manière plus “libre” et plus approfondie en les faisant remobiliser ce qu’ils
viennent de découvrir. Dans la mesure où il s’agit d’une activité qui peut
sembler similaire à la précédente, il était important de varier les supports de
travail tout en gardant à l’esprit que l’élève doit être actif et pouvoir
manipuler.

3.4.2 Planification de l’activité 2

96
Toujours dans le but d’habiller les tâches de manière à susciter l’intérêt des
élèves, l’utilisation de la devinette, surtout pour traiter l’attribut du sujet, me
paraissait totalement justifiable. Cette idée provient d’internet. Lorsque que je
cherchais l’inspiration pour réaliser des activités plus ludiques, je suis tombée
sur la vidéo d’une enseignante québécoise23. J’ai donc choisi de reprendre
cette idée, car elle permet, selon moi, d’illustrer à la perfection l’utilité de
l’attribut du sujet, mais également d’élargir l’analyse grammaticale en
découvrant la nature que ce dernier peut revêtir. De cette manière, nous
travaillons également la devinette comme un genre textuel, ce qui permet
aux élève de comprendre le rôle de l’attribut du sujet au sein d’un texte.
Ainsi, je traite les deux versants de la grammaire : après avoir débuté par une
manipulation syntaxique, l’activité 2 permet d’aborder le niveau sémantique
de la notion.

Je trouvais plus judicieux de demander aux élèves d’écrire leurs constats,


seuls, cette fois, car cela devait leur permettre de faire le point sur ce qu’ils
avaient eux-mêmes compris et retenu, sans l’aide ou l’influence de leurs
camarades. A ce stade, chaque élève devait pouvoir au moins noter un
élément.

Après une disscussion collective à partir des constats des élèves, définir ces
constats comme des “règles” de grammaire devait participer à changer le
regard des élèves sur la grammaire. Il ne s’agit pas de lire les règles dans un
manuel et de les appliquer, il s’agit de faire en sorte que ce soient les élèves
qui découvrent ces règles. Forts de ce “pouvoir”, ils devraient également
prendre confiance et mieux intégrer les nouveaux savoirs. Ensuite, comparer
leurs règles à celles du mémento ajoute encore du “positif” à la démarche

23 https://www.youtube.com/watch?v=gDLSK8Zsq0A

97
car les élèves réalisent qu’ils ont découvert les mêmes règles, pourtant
rédigées par des grammairiens, ce qui ne devrait faire de mal à leur estime.

La tâche d) a une visée “d’entraînement” sur la base de divers supports afin


de “driller” la notion sans pour autant rendre l’activité monotone. Ce
“mouvement” se caractérise par l’enchaînement des ateliers, le tournus en
luimême, le fait que les élèves se déplacent d’un atelier à un autre
(permettant par la même occasion de faire office de petite transition), mais
également par les différentes modalités sociales que les ateliers suscitent.
Autrement dit, les élèves ne peuvent que difficilement – j’ose l’espérer –
“s’ennuyer”. L’utilisation d’une affiche récapitulative du tournus pour chaque
élève et affichée au tableau en format A3 (cf. annexe 8), permet aux élèves
d’être responsables et d’éviter les “Je dois aller où ? Je fais quoi après ?” qui
pourraient provoquer un “méli-mélo” dans la classe. Dans une optique
d’autonomie, les règles des jeux de cartes (cf. annexe 9) sont affichées au
tableau et insérées dans les enveloppes des jeux.

3.4.3 Planification de l’activité 3

98
La phase de production est importante autant pour l’enseignant que pour
l’élève, car elle permet aux deux acteurs de connaître le niveau d’acquisition
des savoirs en jeu. Afin de donner du sens à la grammaire au cours de cette
séquence, il était important pour moi que les élèves puissent remobiliser ce
qu’ils avaient appris en écrivant. Ainsi, en utilisant leurs savoirs, j’espérais qu’ils
se rendent compte de l’importance de la grammaire. Pour rester dans le
ludique et responsabiliser les élèves, le fait que le jeu lui-même soit construit
par les élèves et leurs propres devinettes me paraissait judicieux. Un élément
est cependant à prendre en compte : afin de pouvoir recenser toutes les
devinettes, la tâche b) ne pourra pas se dérouler directement après la
première car elle demande un certain temps de préparation. Par
conséquent, j’imagine qu’elle se déroulera le jour suivant et qu’il sera possible
d'enchaîner avec la tâche c). D’une manière générale, l’activité 3 permet
aux élèves de remobiliser leurs connaissances, tant dans l’utilisation de
l’attribut du sujet, de son accord, que dans son repérage travaillant ainsi
l’aspect sémantique de la notion.

La dernière tâche permet de travailler davantage l’orthographe


grammatical, un entraînement des accords n’étant pas de trop, dans la
mesure où il s’agit d’une erreur courante des élèves. Une fois encore, les deux
modalités de travail proposées devaient permettre de varier les tâches et de
faire en sorte que les élèves s’investissent davantage. Le jeu propose une
sorte de défi et la fiche d’exercice permet aux élèves d’avoir un moment
calme pour s’entraîner.

Enfin, d’une manière générale, le temps peut paraître long pour certaines
activités, mais il comprend le temps de formulation des consignes. En effet, la
clarté des consignes est indispensable à un investissement dans la tâche de
la part de l’élève. De plus, comme nous l’avons vu les activités proposées
permettent de traiter autant l’aspect sémantique que syntaxique. En effet, il
s’agissait de faire le lien entre les deux, afin de s’inscrire dans les finalités de la
grammaire “ de sens” actuelle.

3.4.4 Difficultés anticipées

J’avais quelques doutes quant à la mise en place de la séquence présentée


ci-dessus. D’une manière générale ces doutes concernaient surtout la gestion
et l’organisation du travail des élèves. La classe pouvait être très agitée :
mauvaise écoute des consignes, non-respect des règles de classe, ce qui
provoquait parfois un arrêt complet de leçons. Bien que je sois consciente

99
que ces éléments font partie de la réalité du terrain, j’avais peur que cela
vienne entraver la réalisation des activités et que je ne puisse pas les mener à
bien. Si les élèves n’étaient pas suffisamment attentifs, je craignais de perdre
encore leur attention à travers le dispositif de découverte de la notion prévu.
Le travail en groupe pouvait également s’avérer problématique, certains
élèves refusant parfois de collaborer avec leurs camarades ou ne prenant
pas aux sérieux la tâche demandée.

De plus, les déplacements des élèves dans la classe étaient souvent difficiles
à gérer, certains élèves profitant de ces moments pour en déranger d’autres
ou “oubliant” les règles concernant le volume de la voix. Par conséquent,
j’appréhendais la phase d’entraînement où les élèves devaient se
déplacer pour changer d’activité : si les élèves ne prenaient pas au sérieux
l’enchaînement des activités, je risquais d’être prise au dépourvu.

Le temps était là aussi une de mes inquiétudes, car je souhaitais réaliser toutes
les activités prévues. Mais je savais qu’il était possible que je doive
interrompre une activité ou revoir les règles de comportement en classe pour
que les activités se déroulent bien, et cela à tout moment.

En outre, j’avais peur que le moment de présentation des découvertes de


chaque groupe soit vecteur d’ennui chez certains élèves, ceci pouvant alors
provoquer leur déconcentration et leur désintérêt … L’anticipation de ces
difficultés n’ont fait que renforcer le challenge et m’ont rendue
particulièrement attentive à ces éléments d’organisation.

Enfin au niveau de la notion en elle-même, mon seul doute concernait le


nombre de caractéristiques de l’attribut du sujet. Je craignais que cela
entraîne une surchage cognitive, notamment lors de la phase de
remobilisation.

100
3. 5 Synthèse

Avant d’entrer dans l’analyse des tâches réellement mises en œuvre, il me


semblait important de « faire le point » sur les objectifs de la séquence, les
notions travaillées ainsi que les difficultés anticipées. La numérotation
correspond aux activités n° 1, 2 et 3 présentées précedemment.

•1. Découvrir la notion d'attribut du sujet.


•2. Comprendre la fonction d'attribut du sujet et repérer les classes
grammaticales qui la réalisent.
Objectifs •3. Remobiliser des acquis sur l'attribut du sujet et produire sa propre devinette.

•1. Manipulation
•2. Discrimination
Type de •3. Production
tâche

•1. Verbe d'état, transformation de la phrase, pronominalisation, accord de


l'attribut en genre et en nombre.
• 2. Rôle de l'attribut du sujet et remobilisation des caractéristiques vues dans
Notions l'activité 1.
travaillées • 3. La phrase contenant un attribut du sujet.

•Gestion du travail des élèves : respect des règles.


•Conflits lors des travaux de groupe.
•Gestion du temps.
Difficultés •Moments d'écoute pouvant provoquer de l'ennui chez les élèves.
anticipées •Surcharge cognitive dûe à la remobilisation des différentes caractéristiques de
l'attribut du sujet.

101
Troisième partie : Analyse des résultats

Le tableau suivant récapitule les différentes données qui seront analysées et


qui me permettront de répondre aux questions de recherche.

• Rapport à la grammaire
Entretiens avec les

• Importance de la grammaire
enseignants24

• Opinion sur les moyens d’enseignement actuels


• Opinion sur la grammaire par le jeu
• Difficulté à enseigner la grammaire par rapport aux autres disciplines
• Niveau de motivation
• Types de supports utilisés
• Enseignement de l’attribut du sujet

• Intérêt
Entretiens avec les élèves

• Difficultés
• Sensations durant l’activité
• Impression vis-à-vis de la grammaire
• Apprentissages
• Volonté d’en savoir plus

• Classement des ateliers (tâche de discrimination) : appréciation et


apprentissages
• Classement des trois activités : appréciation et apprentissages
Observations
des activités

1. Remarques d’élèves
2. Impressions générales
3. Modifications de la planification prévue à réalisation effective

• Résultats des activités de manipulation


d’activités

• Fiche de constat n°1 (par groupe)


Traces

• Fiche de constat n° 2 (par groupe)


• Feuille java (résumé des découvertes avec le groupe classe)
• Fiche de constat final (pour chaque élève)

24 Il s’agit de transcriptions de contenu pour lesquelles je n’ai pas utilisé les conventions de
transcription.

102
1. Discours des enseignants

1.1 Analyse du discours des enseignants

Je centrerai l’analyse des entretiens sur le contenu que je pourrai comparer


aux différentes conclusions de la littérature (cf. infra, première partie). Ainsi,
même si cela aurait pu être révélateur, je n’analyserai pas le discours
(vocabulaire, formulations, procédés linguistiques, etc.) des enseignants.

Le tableau suivant résume les résultats obtenus à travers la lecture des


entretiens. Les critères sont commentés et illustrés par quelques citations.

E1. E2. E3.


Critères
Annexe 10 Annexe 11 Annexe 12
Rapport
P P P
P = positif / N = négatif
Importance
I : important / M : Général I I =
moyen
PI : pas important Français I I =
= : importance similaire
B
B
COROME =
Moyens d’enseignement actuels COROME = TB
COROME = MB
TB / B / MB : moins bien MB IAM = TB
IAM = B
M = TB MMF = MB
MMF = MB
IAM = B
La grammaire par le jeu
B B B
TB / B / MB : moins bien

Difficulté à enseigner la grammaire


par rapport aux autres disciplines 7–8 6-7 =
(de 1 à 10)
Niveau de motivation
6–7 9 =
(de 1 à 10)
M+
Types de supports utilisés IAM + M+
COROME +
Le plus souvent = + COROME = Corome +
IAM +
Le moins souvent = - MMF -
MMF -
Attention particulière pour Adaptation
Liste claire des Rapport au
l’enseignement de l’attribut du sur le
verbes d’état sujet
sujet moment

103
Un rapport à la grammaire positif

Les trois enseignants interrogés semblent partager une vision positive de la


grammaire. Pour E1., cette vision pourrait être liée à son expérience scolaire
elle aussi positive : « (...) c’est pas forcément quelque chose […] qui a posé
problème lors de ma scolarité » et il ajoute d’ailleurs : « est-ce que ça vient de
manière générale parce que j’avais plus de facilité là-dedans ou parce que
c’est les moyens qui ont fait que … je ne saurai pas trop dire ». Dans la même
idée, E3. affirme que son rapport est positif, car d’une manière générale il
« aime bien la langue ». Les trois enseignants mettent également en évidence
diverses utilités de la grammaire qui expliqueraient leur engouement pour ce
domaine. D’après E1., la grammaire est un outil primordial d’expression : c’est
« (...) une dimension du français qui t’aide quand même à mieux t’exprimer,
qui aborde quand même pas mal la syntaxe de tes phrases ». Pour E2., la
grammaire permet de donner du sens aux phrases et au langage : « Souvent
les enfants, ils ont, ils s’expriment et ils placent les mots mais sans vraiment
savoir le pourquoi et du coup c’est un travail approfondi sur le français en
général ». E2. et E3. partagent l’idée que grâce à la grammaire nous pouvons
« décortiquer les phrases » (E2.), et qu’il s’agit « d’une structure, ça permet
l’organisation d’une langue, de mettre en évidence les éléments
grammaticaux » (E3.). Enfin, selon E3., la grammaire implique également « des
comparaisons entre différentes langues » permettant « un enrichissement de
la langue, du savoir, de la culture ». Ainsi, il semblerait que la grammaire
présente un intérêt important pour la maîtrise du français et pour les
enseignants primaires.

L’importance de la grammaire

A la lecture des entretiens, j’ai remarqué que l’importance de la grammaire


apparaissait déjà nettement dans les réponses des enseignants lors de la
première question. Cet aspect suscite des comparaisons intéressantes avec
les autres domaines du français et les autres disciplines. Lorsque E1. compare
la grammaire aux autres composantes du français II, il met en avant le fait
qu’il s’agit pour lui de « la principale », car c’est celle qui permet au final
« d'écrire des phrases correctes et dans le bon ordre », donc de pouvoir
s’exprimer de manière adéquate.

104
La comparaison réalisée par E2. avec les mathématiques montre également
le degré d’importance de la grammaire :
« c’est comme pour les maths, l’apprentissage des calculs, les
techniques pour arriver, par exemple, pour la division, c’est de savoir,
comprendre pourquoi on partage, avant de faire l’algorithme. Pour
moi le français et entre autres la grammaire c’est ça aussi. C’est
analyser en profondeur, pour mieux comprendre aussi, les phrases telles
quelles. »

E3., quant à lui, est moins “tranché” et hésite à accorder la même


importance à toutes les disciplines dans le sens où cela fait partie de son
contrat en tant qu’enseignant de toutes les honorer.

Avis mitigés quant aux moyens d’enseignement actuels : le recours aux


“anciens” moyens paradoxalement généralisé

L’Ile aux mots (2010) semble être plutôt apprécié des enseignants interrogés,
sans pour autant faire l'unanimité. En effet, d’après eux c’est un moyen
« intéressant » et avec de « bonnes introductions » (E1.), bien « organisé »
(E3.), dans lequel « les notions théoriques sont bien expliquées » et qui « paraît
bien » (E2.). E2. précise également qu’elle ne pense pas avoir suffisamment
de recul pour juger ce moyen. E1. et E3. relèvent cependant un nombre
d’exercices insuffisant, contrairement aux moyens COROME (1996) : « parfois
pas assez de drill ». Un point “négatif” pointé par E2. concerne l’absence « de
fiches récapitulatives à chaque fois ou de mémento bien construit auquel les
élèves peuvent faire référence et conservent durant leur scolarité ».

Mon manuel de français (2010) semble être nettement moins utilisé par les
enseignants interrogés, bien que la plupart reconnaissent l’intérêt de
l’approche utilisée. En effet, E1. et E3. jugent la démarche très intéressante :
« le fait […] d’englober français I et français II pour avoir plus de productions,
parce que j’estime qu’on en fait pas assez de production, ça me plaît bien »,
« je trouve que l’idée de base était bonne, donc on part d’un texte, c’est un
support et puis ensuite on regarde ce qu’il se passe au niveau de la
structuration de la langue » (E3.). Cependant, au niveau du français II, le
manuel ne semble pas remplir son contrat dans le sens où toutes les notions
ne sont pas abordées ou du moins, pas suffisamment d’après E1. : « certains
points de théorie, j’ai l’impression qu’ils n’existent pas dedans », « je trouve
qu’il manque quand même quelque chose avec MMF ». Pour E3., le
problème réside davantage dans le manque de clarté pour les élèves et

105
l’enseignant : « ce n’était pas toujours évident de se repérer là-dedans et puis
il me semble que ça n’aidait pas à clarifier les choses en grammaire ». E2.
n'émet pas de commentaires au sujet de MMF.

Concernant les moyens COROME (1996), les avis sont moins uniformes. E1. fait
référence à son expérience scolaire avec les fiches COROME (1996) qu’il
qualifie de « rébarbatives » : « on faisait cinq fois la même fiche pour travailler
un point de grammaire, c’était un peu pénible ». Il ne nie cependant pas
l’utilité de ces moyens comme complément nécessaire aux moyens actuels :
« si on avait que l’Ile aux mots ça serait effectivement beaucoup trop court
[...] surtout en grammaire ». E2 et E3. semblent être d’accord sur le fait que
COROME (1996) est plus « complet » (E2.) que les moyens d’enseignement
actuels. E3. explique avoir tenté d’utiliser les nouveaux moyens (IAM et MMF)
plus régulièrement, mais qu’il est finalement « revenu aux moyens COROME »
en pointant, comme E3. le manque d’exercices. E3. et E2. utilisent tous les
deux le mémento en lien avec les moyens COROME (1996). Il s’agit pour eux
d’un support-outil indispensable sur lequel nous reviendrons plus tard.

La grammaire par le jeu : intérêt probable mais pas toujours pertinent et


réalisable

E1. et E2. ont une opinion plutôt positive sur l’utilisation du jeu en grammaire :
« je pense que le jeu et ce genre de choses ça peut de toute façon apporter
quelque chose » (E3.), « je pense que ça peut être bien, après j’ai jamais
utilisé. Je pense que tu trouves pas mal de trucs au SEM25, mais j’ai jamais eu
recours » (E2.) Dans la mesure où ils n’ont jamais utilisé de jeux, ils ne peuvent
pas affirmer que cela serait aussi efficace que l’utilisation des manuels
traditionnels : « entre le jeu ou d’autres manières d’entrer dans la tâche, je me
saurai pas dire si le jeu a une efficacité particulière » (E3.). Les enseignants ont
cependant énoncé d’autres manières de rendre, pour eux la grammaire plus
ludique. E2. explique par exemple son recours fréquent aux élèves eux-
mêmes pour faciliter leur compréhension :
« par exemple leur expliquer, un groupe nominal, ça reste un groupe
nominal, mais après il peut avoir, enfin il peut être positionné
différemment dans la phrase. Il peut être sujet, et là du coup je prends
un élève, je dis voilà toi tu es, tu t’appelles, je ne sais pas Adriano, tu as
les yeux bleus, tu as les cheveux châtain clair, tu resteras toujours
Adriano, mais je peux te déplacer, puis je prends d’autres élèves, je

25 Service Ecole Média

106
peux te placer là, enfin voilà. J’essaye à chaque fois d’imager ce que
je dis, notamment avec la grammaire, je le fais. »
Pour E2., il ne s’agissait pas de quelque chose de prévu, l’objectif était de
trouver un moyen de « les impliquer plus, pour qu’ils comprennent, je l’ai fait
et c’est vrai que ça a eu un bon retour, et puis les enfants ont bien compris.
Après ils font tout de suite des liens et ils aiment, ils arrivent mieux à
comprendre parfois ». E1. et E2. utilisent également fréquemment les
Lexidata pour réaliser un “drill” qui diffère des traditionnelles fiches
d’exercices. S’agissant d’un support, celui-ci sera traité plus tard.

Enfin, E1. et E3. mettent en avant le fait que selon eux, il n’est pas toujours
pertinent d’utiliser le jeu. E1. utilise davantage les jeux pour d’autres disciplines
telles que les mathématiques ou les langues, car il a « trouvé et les moyens et
l’intérêt de sa part plus accentués, de travailler sous forme de jeu ». E3. rejoint
cette idée en précisant qu’il y a « certains thèmes de grammaire qui s’y
prêtent et puis d’autres peut-être moins, ça risque d’être plus difficile ».

Démarche d’enseignement

Les enseignants interrogés adoptent des démarches d’enseignement


relativement différentes, mais qui présentent des similitudes intéressantes sur
certains points.

E1. explique qu’il reste dans un schéma “classique” de leçon du type théorie
puis entraînement à travers des exercices. Il précise dans la suite de
l’entretien la manière dont il procède sur la base du manuel Ile aux mots
(2010) méthode qui ne s’avère finalement pas si traditionnelle que cela. E1.
part de l’idée suivante : « on expose un problème, comment je peux résoudre
ce problème quand [...] j’écris en français d’habitude, et quelle est la règle
que je peux vraiment mettre en place et sur laquelle je peux me baser pour
ne plus avoir ce problème-là ». Cette idée est nettement teintée d’une
approche inductive de l’enseignement de la grammaire (cf. infra première
partie, 1.3). E1. varie parfois sa démarche et commence “par la fin” en
demandant aux élèves de réaliser des exercices sans avoir vu un point
théorique spécifique au préalable : « je fais volontairement la fiche en
sachant qu’ils vont faire des fautes et puis après on se dit ok vous avez pas
mal de fautes, est-ce qu’on arrive à extraire une règle de tout ça pour
justement peut-être éviter de refaire ces fautes ». L’enseignant a ensuite
recours au manuel afin de fixer la règle déduite, avant d’exercer une
nouvelle fois la notion. D’après E1., « partir des préoccupations des élèves et

107
des questions des élèves [...] c’est une manière d’agir qui reste très collée à
ce que les élèves ont envie d’apprendre et qui évite tout ce qui est ennui,
distraction, etc. ». Il précise néanmoins que cela reste complexe à mettre en
place de par le manque de moyens selon lui et la trop grande quantité de
règles de la langue française.

Selon E2., il serait efficace de varier le travail grammatical en proposant des


petits moments de drill réguliers au lieu de se lancer systématiquement dans
d’interminables leçons centrées sur la théorie :
« (...) je pense que la grammaire, comme par exemple le calcul réfléchi
en maths, pour moi c’est quelque chose qui doit être travaillé un peu
tout le temps, et ça peut être très ennuyeux, si on s’attarde, enfin si on
prend beaucoup beaucoup de temps dessus. Mais par contre, si c’est
ponctué, notamment avec les phrases tu vois, écrire chaque fois une
phrase, analyser une phrase par jour où bah justement, on analyse tant
la fonction, on pronominalise, et puis après on s’attarde sur les mots,
juste en tant que tel, voilà pour moi c’est un peu du drill ».
E2. tente également d’impliquer les élèves en donnant directement des
"responsabilités” aux élèves. Voici le fonctionnement explicité dans ses
propres mots :
« Je nomme toujours un spécialiste, un ou deux spécialistes parmi les
élèves et puis comme on reprend à chaque fois, bah je fais référence à
ces élèves. Tout d’un coup, ah ok, le spécialiste sujet, ok, spécialiste tu
me rappelles, et puis du coup ça leur donne une responsabilité, ils
s’impliquent plus et ils n’oublient pas. Et en fait même dans la tête des
enfants, quand je pose une question par rapport admettons bah voilà
le complément de phrase, ce que c’est, ils font déjà référence à
l’élève, et en faisant référence à l’élève, ils ont déjà la notion ».

Bien qu’il semble s’inscrire dans une démarche similaire à celle de E1., E3. se
détache davantage du manuel et débute sa séance en demandant aux
élèves de produire un corpus de phrases qui servira de base à la construction
de l’objet grammatical. À partir des phrases, les élèves vont ensuite pouvoir
manipuler les mots. Pour E3., « c’est eux qui donnent des idées qui produisent,
qui inventent, on essaye, c’est un espèce de petit laboratoire comme ça et
puis si c’est pas le bon élément, on rectifie, quelqu’un trouve une autre idée,
une autre piste et puis voilà on chemine ». E3. explique ensuite qu’à travers
tout cela :
« (...) on essaye de définir un principe, un fonctionnement, qu’on va
appeler une règle. La règle, on l’écrit. Là de nouveau ce n’est pas moi
qui vais l’écrire, je vais dire, les enfants, qui m’invente une règle si on

108
veut dire, comment on a procédé, quelles sont les étapes, quelle est la
règle qui permet de reproduire, etc. ou un constat ? »

On remarque finalement que chez les trois enseignants, ressort nettement une
volonté de susciter chez les élèves une réflexion sur la langue et de les rendre
acteurs de leurs apprentissages.

Difficultés de la grammaire

Lorsque j’ai questionné le premier enseignant sur les difficultés qu’il relevait en
grammaire, je ne me suis pas tout de suite rendue compte que j’avais
davantage orienté la question sur les difficultés qui le concernaient lui-même,
plutôt que les élèves. Ainsi, pour E1. le fait qu’il existe de nombreuses règles et
qu’il nous arrive souvent d’en oublier certaines, demande de la part de
l’enseignant de « réinvestir [...] la notion pour être sûr d’être à l’aise devant les
élèves ». Pour les deux enseignants suivants, j’ai axé ma question sur les
difficultés des élèves. D’après E2., ce qui est problématique en grammaire
c’est que « si les bases ne sont pas bien acquises dès le départ », il est difficile
pour les élèves de s’y retrouver. De plus, « à partir du moment où ils suivent
bien et qu’ils n’ont pas décroché [...] la grammaire ça ne fait pas partie des
choses les plus difficiles ». E2. situe alors le niveau de difficulté entre 6 et 7 sur
10. Selon E3., il est difficile d’établir une échelle : la grammaire « mobilise peut-
être d’autres compétences, d’autres types de raisonnements » et « certains
des élèves, on pourrait dire, ils ont le sens de la grammaire, les choses sont
facilement claires pour eux, très rapidement et pour qui les maths ça serait
plus difficile et inversement ». Pour E3., les difficultés en grammaire seraient
donc relatives à des « types de raisonnement » propres à chaque élève.

Niveau de motivation

D’une manière générale, les enseignants ne paraissent pas démotivés à


l’idée d’enseigner la grammaire. Plusieurs facteurs influencent d’ailleurs cette
motivation dans leurs discours. Pour E1., il semblerait que le moyen
d’enseignement ainsi que « les performances de classe qui sont plutôt bonnes
en français » le motivent. Cependant, il admet que le fait d’être moins à l’aise
en grammaire, impliquant qu’il faille parfois revoir les règles ou s’investir
davantage avant de donner la leçon « peut créer une démotivation ». E2.
semble être très motivée à enseigner la grammaire bien qu’elle ne donne
pas de raison précise, si ce n’est son « goût » pour la grammaire : « j’aime
assez bien ». Pour E3., il n’y a pas de hiérarchie dans sa motivation à

109
enseigner les diverses disciplines. Tout en reconnaissant l’aspect « ennuyeux,
poussiéreux » de la grammaire, il explique qu’il prend du plaisir à l’enseigner.
Le discours de E2. et E3. quant au plaisir qu’ils prennent à enseigner la
grammaire est un déterminant important de la motivation. E3. tente d’ailleurs
de communiquer ce goût à ses élèves :
« (...) si on essaye de jouer avec les éléments grammaticaux, de leur
montrer que la langue, on peut jouer, comme on peut jouer avec des
chiffres etc. [... ] Et puis je pense que si les élèves le ressentent et bien
ça peut aussi leur donner plus ou moins du plaisir. En fait, essayer de
pas leur donner du déplaisir. »
Rendre la grammaire « plus agréable, plus vivante, plus ludique, plus drôle »
semble être tout à fait envisageable pour cet enseignant. Le tout est de
réussir à utiliser des aspects de leur quotidien, « qui les concerne », dans le
corpus de texte notamment : « si on en prend un complément et puis il doit y
avoir une personne, si c’est un musicien, [...] on va mettre un chanteur à la
mode et tout de suite ça les accroche. ».

Enfin, E1. s’exprime également quant à la motivation qu’il perçoit des élèves :
« je n’ai pas l’impression qu’ils soient ennuyés de le faire je pense qu’ils
trouvent que le moyen il est quand même intéressant et […] je pense que les
exercices passent bien auprès des élèves ». De son point de vue, il n’y aurait
pas de problème de motivation lors des leçons de grammaire, ou du moins ils
ne seraient pas liés au manuel utilisé (Ile aux mots, 2010).

Supports utilisés

E1. établit un classement des supports qu’il utilise pour enseigner la


grammaire. L’Ile aux mots (2010) apparaît en première position (95% du
temps). Il complète ce support avec l’utilisation des fiches COROME (1996)
quand il s’avère nécessaire de driller un peu plus, « aux alentours de 5 à 8 % ».
Il admet ne pas ou quasiment pas utiliser Mon Manuel de Français (2010).

Pour E2. et E3. le mémento 4-5-6e (2010) issu des moyens COROME (1996) est
le support le plus utilisé. E2. considère cet ouvrage de référence comme sa
« bible pour la grammaire » et l’utilise très fréquemment avec ses élèves.
D’après E3. et E2., il s’agit d’un support « très bien fait, très bien structuré et
puis qu’on peut bien utiliser. Et pour les enseignants c’est très facile à
manipuler et on peut le montrer facilement aussi aux enfants qui peuvent s’y
repérer. ». E3., tout comme E2., le considère comme un outil de vérification
des découvertes des élèves.

110
E2. explique également qu’elle utilise beaucoup les fiches COROME (1996)
(davantage que les exercices proposés par l’Ile aux mots) justement en lien
avec le mémento, car elle dit ne pas avoir « suffisamment de recul » avec l’Ile
aux mots (2010). De plus, ce moyen ne contient pas « tous les thèmes » selon
E2.. L’ordinateur est un support que E2. dit ne pas utiliser.

E3. considère le tableau noir comme un support à part entière, qui fait office
« d’atelier, où tout le monde peut écrire, les élèves viennent écrire, ils
viennent parfois eux-mêmes avec la craie, avec leur écriture ». Enfin, E1. et
E2. utilisent aussi souvent les Lexidata, qui permettent de driller de manière
plus ludique qu’à travers des fiches d’exercices.

On remarque que bien que les enseignants semblent s’inscrire dans des
démarches de type plutôt inductif, le mode “papier-crayon” demeure le
support le plus utilisé - l’un n’empêchant cependant pas l’autre pour autant !

Enseignement de la notion d’attribut du sujet

D’après E1., dans l’Ile aux mots (2010), la notion d’attribut du sujet reste un
« thème un peu flou » et insuffisamment dissocié de l’étude du complément
de verbe, alors qu’elle mériterait selon lui un travail plus approfondi de part sa
complexité. Cette notion fait partie des thèmes qui, pour E1. mériteraient de
« partir des interrogations des élèves ». E1. aborderait la notion de la manière
suivante :
« Ecrire deux phrases au tableau, une avec une suite d’être accordée,
l’autre avec une suite d’être pas accordée, et pourquoi est-ce que
l’une est accordée et pas l’autre ? Et juste, comment vous diriez, vous
les filles, comment est-ce que vous diriez, vous les garçons, comment
ça se fait qu’il y a une différence entre les filles et les garçons alors que
le complément de verbe ne s’accorde pas en temps normal ? Après, à
partir de là, je rebondirai là-dessus pour introduire d’un point de vue
théorique avec le moyen et après des exercices. Je pense que ça
serait quelque chose comme ça. »
Ainsi, E1. introduirait l’attribut du sujet par la caractéristique de l’accord, en
s’appuyant sur la différence des genres, avant de “rebondir” sur le manuel.
Pour cet enseignant, il faudrait s’assurer que la liste des verbes entraînant un
attribut du sujet soit claire pour les élèves.

111
Pour E2., l’attribut du sujet implique déjà de « bien maîtriser le sujet ». Dans un
second temps, il serait important de pouvoir identifier les verbes qui
impliquent un attribut du sujet. Dans la mise en œuvre, deux options sont
envisageables pour E2. :
« Lire la théorie, essayer de comprendre, poser des questions et puis
ensuite driller avec des exercices (...) Ou alors je peux mettre des
phrases au tableau, et puis après faire des groupes et puis toutes celles
en fait où c’est l’attribut du sujet, faire une famille, enfin leur dire que
ça constitue une famille, pourquoi ? Et puis ensemble essayer de
trouver, de faire ressortir la théorie. C’est aussi une possibilité qu’il m’est
arrivé de faire. Mais en soi, même si je procède de cette manière-là
c’est la théorie qui en ressort et après on fait les exercices. Après la
théorie, on peut l’amener de différentes manières. »

Enfin, la séance de E3. se déroulerait de la manière suivante :


« (...) on construit ensemble une phrase, un énoncé au tableau.
L’exigence ça va être avec des verbes de type être, l’attribut du sujet.
Et on va essayer de produire plusieurs phrases avec différentes formes
des suites du verbe être, des compléments du verbe être et après on
va essayer de les observer, de regarder comment ça fonctionne. Et
puis de voir à quoi elles renvoient et les élèves d’eux-mêmes
généralement, assez rapidement, ils voient, ils constatent que certaines
suites renvoient au sujet, et puis on va les nommer, il faudra leur donner
un nom pour les identifier clairement, voilà ça sera attribut du sujet. Et
puis d’autres pas, qui restent des compléments du verbe être et sans
être attribut et avec une fonction différente. Et après de nouveau on
va établir des règles, dans quels cas, sous quelle forme, etc. Ensuite on
va constater dans le mémento, qui va valider ce qu’on a fait et puis
après on part dans des fiches d’exercices.”
Pour E3., il serait important d’insister sur la distinction entre complément de
verbe et attribut du sujet.

Pour terminer, la notion d’attribut du sujet ne semble pas avoir été, dans les
souvenirs des enseignants, une notion difficile à comprendre pour les élèves.
Les propos de E1. laissent penser que si la notion est suffisamment claire pour
l’enseignant, alors il pourra l’expliquer afin qu’elle le devienne également
pour ses élèves.

112
1.2 Conclusion en lien avec la première question de recherche

Pour conclure, plusieurs éléments issus de la description et de l’analyse du


contenu du discours des enseignants font écho à la littérature (cf. supra,
première partie, 2.2). Le fait que notre expérience vis-à-vis d’une discipline
puisse influencer notre rapport à cette dernière, une fois enseignant
(d’après Falardeau et Simard (2009)) se retrouve dans le discours des
enseignants primaires mais d’une manière nettement plus positive. Dans la
mesure où les enseignants n’ont pas eu de difficultés avec la grammaire
durant leur scolarité, il semblerait que cela leur permettre d’être relativement
motivés à l’idée de l’enseigner.

Les enseignants primaires interrogés reconnaissent l’intérêt de l’enseignement


de la grammaire vis-à-vis de la maîtrise de la langue, ce qui soutient le
résultat obtenu par Lord (2012) au secondaire. Mais contrairement aux
enseignants du secondaire, les enseignants interrogés estiment que la
grammaire est l’élément le plus important en français. Ils semblent avoir
conscience de l’image que l’on donne à la grammaire, mais cela ne les
empêche pas d’être motivés à l’enseigner. Ils admettent également que la
grammaire est une discipline relativement difficile à enseigner, sans pour
autant que cela soit un facteur de démotivation de leur part. Il est intéressant
de noter que le plus jeune des enseignants primaires interrogés met en avant
le fait que l'investissement (révision des règles grammaticales, par exemple)
que demande l’enseignement de la grammaire pourrait être démotivant.
D’après lui, cela est toutefois compensé par les performances de ses élèves.
Contrairement au regard très négatif des enseignants au secondaire, les
enseignants primaires interrogés semblent vouloir partager leur plaisir avec
leurs élèves.

Comme au secondaire, les enseignants primaires semblent tout faire pour


donner davantage de sens aux activités grammaticales et la description de
leurs démarches en est la preuve. L’objectif est de rendre l’élève actif afin
d’éviter l’ennui et de lui proposer de constituer des corpus proches de sa
réalité.

Pour rappel, je cherchais à savoir si les représentations des enseignants sur


l’enseignement de la grammaire correspondaient à la littérature sur le sujet.
J’avais fait l’hypothèse que les résultats avaient été biaisés par les “idées
reçues” véhiculées par la société et qu’ils ne correspondaient pas réellement
à la réalité du terrain. Je souhaitais savoir ce qu’il en était dans le contexte

113
primaire étant donné qu’aucune recherche n’existait dans ce contexte-ci et
connaître le degré de motivation des enseignants ainsi que ses facteurs. Il
semblerait que mon hypothèse soit en partie correcte dans le sens où les
enseignants primaires interrogés partagent une vision très positive de la
grammaire – malgré leurs expériences différentes. Ce résultat présente
néanmoins un biais dans la mesure où aucun des enseignants interrogés n’a
eu d’expérience négative avec la grammaire. Ainsi, je n’ai pas pu “vérifier” le
« blocage affectif » dont parlent Falardeau et Simard (2009). Nous
remarquons que les enseignants primaires reconnaissent l’aspect
“poussiéreux” de la grammaire mais ils ne s’enferment pas dans cette image
négative, contrairement au secondaire et s’efforcent de lui redonner
davantage de sens auprès des élèves. Cependant, il est important de relever
que le discours des enseignants primaires vient tout de même confirmer le fait
que leur expérience influence leur enseignement et leur rapport à la
discipline. De plus, il reste difficile de généraliser ce constat au vu du petit
nombre d’enseignants interrogés. Il serait donc intéressant de conduire une
recherche à plus grande échelle auprès des enseignants primaires afin de
vérifier ce premier résultat. Par conséquent, il semblerait que l’aspect négatif
de la grammaire soit exagéré et que les enseignants primaires ne soient pas
autant démotivés à enseigner la grammaire que la littérature le laisse penser.

Pour aller plus loin, on remarque que les enseignants ne sont pas totalement
dans une démarche inductive ou de découverte mais qu’ils ne s’inscrivent
pas non plus dans une méthode trop traditionnelle. Il semblerait donc que
dans la pratique, les enseignants mélangent les deux types de dispositifs et
utilisent l’un ou l’autre selon leurs goûts et leurs expériences avec les élèves.
Ce constat fait écho à la sédimentation des pratiques évoquée par
Schneuwly et Dolz (2009). En effet, les pratiques des enseignants sont
consituées de « strates historiques diverses » : une partie plus traditionnelle et
une autre issue des rénovations.

114
2. Les tâches réalisées

La partie descriptive relative aux tâches réalisées en classe s’appuiera sur les
observations réalisées durant la séquence, les décalages avec la
planification prévue26, les discours des élèves interrogés (cf. retranscriptions ;
annexes 14 à 17 et tableau récapitulatif ; annexe 18) ainsi que les traces des
activités des élèves27 qui illustreront mon propos.

2. 1 Réalisation de l’activité 1 : tâche de manipulation (a)

2.1.1 Observations durant la séance

26 Afin de notifier les éléments ajoutés ou modifiés à la planification initiale, une autre police
est utilisée dans les tableaux.
27 Afin de conserver l’anonymat des élèves, les prénoms sont camouflés.

115
Au départ, j’ai trouvé les élèves très investis et intrigués lors de la création du
corpus de phrase : quasiment tous les élèves levaient la main pour proposer
une phrase qui répondaient à mes critères. Le corpus formé par les élèves est
le suivant :

Je suis contente. Elle semble triste. Je joue au football.

Lorsque j’ai demandé aux élèves ce qu’ils connaissaient dans la première


phrase, cet intérêt s’est transformé en soupirs et en « Oh non pas de la
grammaire ! » De plus, il s’est avéré plus difficile que prévu de faire ressortir les
groupes de la phrase. Les élèves semblaient également perplexes que je ne
nomme pas le groupe "qui ressemble à un complément de verbe, mais qui
n’en est pas un” : « mais c’est quoi ce groupe alors ? ». Dans une perspective
de découverte, je ne souhaitais pas leur donner le nom directement, afin
d’aller au bout de la démarche. La différence entre l’attribut du sujet et le
complément de verbe était difficile à saisir pour les élèves. Je me suis alors
rendu compte que la notion de complément de verbe n’était pas
totalement maîtrisée.

En effet, lorsque nous essayions de faire les transformations et que nous


remarquions qu’on ne pouvait pas supprimer le groupe attribut du sujet,

116
certains élèves affirmaient « le complément de verbe non plus on ne peut
pas le supprimer ! ». J’ai donc dû soumettre d’autres exemples aux élèves
pour qu’ils puissent percevoir la différence entre les deux groupes. La
pronominalisation fut également dure à réaliser par les élèves, ce qui a posé
à nouveau quelques problèmes pour la découverte de l'attribut du sujet. Pour
eux, il n’était pas possible de pronominaliser les phrases. J’ai donc finalement
beaucoup guidé les élèves – du moins davantage de ce qui était prévu –
allant parfois jusqu’à créer un effet Topaze28, pour que les élèves puissent
avoir une première idée de l’attribut du sujet. Durant ce moment d’essais
successifs, j’ai également vu l’attention des élèves diminuer. En effet, tous les
élèves ne pouvaient pas participer à ce moment-là et certains
commençaient à bavarder et l’ennui apparaissait. L'exemplification explique
le temps supplémentaire requis lors de la réalisation de l’activité que l’on voit
sur le tableau précédant.

La reconstitution des phrases (cf. images de la page suivante) s’est


relativement bien faite et les élèves semblaient “être dans la tâche”. Mais je
me suis rapidement aperçue que les élèves s’agitaient, rigolaient à la vue des
phrases contenant leurs prénoms. Lorsque que je passais parmi les groupes,
j’ai remarqué que les élèves n’essayaient pas de faire les transformations que
l’on avait tentées de réaliser juste avant en collectif et qu’ils ne savaient pas
« à quoi sert la ligne ». Cela ne m’étonne guère dans la mesure où peu
d’entre eux étaient attentifs durant le moment d’échange et celui
d’explication des consignes. J’ai donc décidé de stopper l’activité et de
rappeler les transformations à “tester”, ainsi que les consignes, avant
d’accorder un temps supplémentaire de dix minutes aux groupes. Lors de
cette petite remédiation j’ai essayé de relancer les élèves dans la tâche,
dans une optique de “chercheur” qui teste, expérimente. Néanmoins j’ai bien
vu que tous les élèves ne paraissaient pas convaincus par ce rôle ….

28Cet effet consiste à aider l’élève à tel point que l’on fini par résoudre le problème à sa
place (Brousseau, 1998).

117
Groupe 1 Groupe 2 (dont EL3. et EL4).

Groupe 3 Groupe 4

Groupe 5 (dont EL2.) Groupe 6 (dont EL1. et EL5)

Le passage à l’écriture des constats fut lui aussi complexe et plusieurs élèves
semblaient démotivés : « On ne sait pas quoi écrire ». J’ai à nouveau arrêté
l’activité pour rappeler la consigne aux élèves, mais la tâche demeurait
difficile pour certains groupes. Durant ce moment, j’ai également dû
m’occuper d’un groupe qui dysfonctionnait : un des élèves ne voulait pas
collaborer avec ses camarades et les empêchait de réaliser leur activité.
Lorsque j’ai essayé de remédier au problème, l’élève a tenté d’entrer en

118
confrontation avec moi, ce qui m’a demandé du temps supplémentaire.
Avec tout cela, les élèves du groupe n’ont pas réussi à réaliser de constat.

Durant la mise en commun, les élèves étaient très agités. J’ai dû stopper les
élèves porte-parole car le reste de la classe n’écoutait plus. Finalement, les
élèves expliquaient assez bien les transformations testées mais ils n’arrivaient
toujours pas à distinguer le complément de verbe de l’attribut du sujet. Le fait
de pouvoir le pronominaliser a directement été perçu comme un critère
rattachant ce groupe au complément de verbe.

Lors de l'institutionnalisation, j’ai tenté d’éclaircir la notion en commençant


par la nommer. A travers mes questions, nous sommes arrivés à dégager
quelques caractéristiques de l’attribut du sujet. Lorsque nous avons abordé la
pronominalisation, j’ai finalement donné la “réponse”, ce qui a semblé
déstabiliser encore quelques élèves : « j’ai rien compris maintenant ». Je leur
ai alors expliqué que j’allais le noter mais qu’on verrait cela plus précisément
la prochaine fois, car je voyais bien que cela était encore flou pour eux. J’ai
davantage insisté sur les déplacements afin d’être sûre que cela était
compris. Pour certains des élèves perdus, le fait que j’illustre les déplacements
m’a paru les aider dans la compréhension des transformations possibles, sans
pour autant préciser tout à fait la notion ... Enfin, j’ai repris l’explication des
types de verbes abordée par les élèves et je suis allée un peu plus loin en
nommant les deux catégories de verbes, tout en m’appuyant sur les phrases.

Dans la mesure où la réalisation de la première tâche a nécessité plusieurs


moments d’arrêts, du fait de la déconcentration des élèves et des
explications supplémentaires, je n’ai pas eu le temps de réaliser la tâche b)
durant la première séance.

119
2.1.2 Entretiens des élèves (cf. annexe 16)

Il me paraît important de préciser que, par manque de temps, les élèves ont
été interrogés sur l’activité 1 la semaine suivante, ce qui peut avoir créé un
biais au niveau de la précision de leur discours que l’on peut parfois
difficilement distinguer d’une mauvaise compréhension.

Intérêt de l’activité

L’impression que les élèves étaient perdus lors de cette première activité se
confirme à la lecture des entretiens. On remarque tout de suite, en la
comparant aux autres activités qu’elle est la seule pour qui l’intérêt était
« moyen » (EL1.) – bien que cela soit uniquement l’avis d’une élève sur cinq.
Une des élèves (EL3.) exprime bien le manque de clarté ressenti :
« C’était bien (...) enfin au début moi j’ai pas vraiment compris à quoi
ça servait de nous faire découvrir comme ça et enfin, je trouvais ça un
petit peu bizarre de nous faire découvrir quelque chose, en douceur,
parce que nous en général on a appris, comme ça, comme ça et on a
appris. Du coup ça fait un petit peu bizarre, mais sinon j’ai bien aimé.
Mais j’ai toujours pas compris à quoi ça servait. »

Cependant, il semblerait que le moment de groupe où les élèves devaient


réellement manipuler ait été une tâche motivante et intéressante pour les
élèves. Cet aspect apparaît d’ailleurs de manière très claire chez les deux
élèves ayant le plus de difficultés : « On pouvait inventer, c’était marrant »
(EL4.), « (...) je pense que cette chose avec les post-it et tout ça a bien aidé
parce que au lieu de le voir au tableau, c’est toi qui fais, c’est toi qui vois
comment le faire, au lieu que tu nous expliques, c’est nous qu’on réfléchit
nous même. » (EL5.). Ainsi, le fait d’avoir tenté de dévoluer entièrement la
tâche, d’avoir rendu les élèves acteurs de leurs apprentissages semble leur
avoir plu, alors qu’ils sont pourtant loin d’être “des adeptes” de grammaire.

Niveau de difficulté

En lien avec les observations recueillies durant la réalisation de l’activité, les


élèves ont, de manière générale trouvée l’activité difficile. Il était complexe
pour eux de réaliser les transformations et les hypothèses formulées au départ
n’étaient pas suffisamment bien comprises. Cependant, l’appréciation
semble différer en fonction du niveau des élèves allant de « plutôt facile »
(EL1.) et « moyennement facile » (EL2.) au « difficile » pour les élèves moins à
l’aise scolairement parlant. De plus, EL4. différencie la tâche de manipulation

120
en groupe, des moments d’écoute en collectif : le travail en groupe semble
avoir participé à rendre l’activité plus facile pour lui, tout en étant
paradoxalement difficile à gérer en termes de collaboration. Le discours de
EL5. donne l’impression que le fait d’être en groupe ne lui permettait pas de
réfléchir calmement et de soumettre ses doutes ou questions.

Sensations

Globalement et sans surprise au regard de mon ressenti, les élèves étaient


peu à l’aise durant cette activité. Ces derniers expliquent avoir été
déstabilisés par plusieurs raisons : notion pas encore vue (EL1.) ou du moins
pas suffisamment maîtrisée, mauvaise compréhension des consignes et des
attentes de l’enseignante (EL3.) et « blocages » (EL5.).

Impressions vis-à-vis de la grammaire

Malgré ma tentative d’amorcer l’activité sans verbaliser le fait qu’il s’agissait


de grammaire, les élèves se sont vite rendu compte de quoi il retournait, d’où
les remarques relevées durant l’observation. Dans leurs discours, les élèves
sont assez catégoriques : à partir du moment où l’on a parlé de phrases,
regardé les groupes, construit des phrases il s’agissait forcément de la
grammaire. Un élève utilise d’ailleurs le terme « analyser ». Deux élèves sortent
cependant du lot : elle ne se sont pas vraiment aperçues qu’elles faisaient de
la grammaire.

Apprentissages effectifs

Les apprentissages des élèves à la fin de la première activité demeurent flous


et parcellaires. L’élève ayant un très bon niveau scolaire (EL1.) semble avoir
compris que certains verbes nécessitent une suite alors que d’autres non,
mais n’arrive pas à pointer la différence entre les deux au niveau des
déplacements possibles. Pour l’autre élève ayant des facilités (EL2.), le bilan
est encore moins clair. Etrangement, dans le cas de EL3. qui est jugé avoir un
niveau moyen, la notion semble davantage se préciser. On remarque que
dans les trois premiers cas d’élèves, la notion “attribut du sujet” est nommée
alors que ce n’est pas le cas pour les élèves plus en difficulté. Comme les
observations le laissent entrevoir, la différence entre le complément de verbe
et l’attribut du sujet n’est pas totalement intégrée par les élèves, sauf pour
EL5.. En effet, bien que je me sois aperçue que je guidais davantage les
élèves en difficulté dans mes questions (ce qui pourrait constituer un biais), il
semblerait que EL5. ait davantage appris de choses que les élèves ayant des

121
facilités dans la mesure où – même s’il ne les nomme pas – il arrive à
distinguer les deux groupes : « Là j’ai bien appris qu’il y a deux groupes et il y
en a un où tu peux pas changer, pas supprimer et il y en a un où tu peux » et
repère une caractéristique de l’attribut du sujet :
I : (...) il y a d’un côté le complément de verbe qu’on a l’habitude
d’utiliser et de l’autre il y a l’attribut du sujet qu’on a essayé de
découvrir. C’est lequel qu’on ne peut pas supprimer ?
EL5. : Bah c’est l’attribut du sujet.

Volonté d’en savoir plus

Les réponses des élèves illustrent parfaitement le sentiment d’inachevé que


j’ai moi-même ressenti à la fin de l’activité. Les élèves n’ont pu que découvrir
partiellement la notion d’attribut du sujet, ce qui, par défaut, semble-t-il, leur
a donné envie d’en savoir davantage afin de combler les apprentissages
manquants.

2. 2 Analyse de l’activité 1 (tâche a)

Le bilan de cette première activité reste très mitigé. La démarche de


découverte semble avoir davantage déstabilisé qu’intéressé les élèves. Cela
est peut-être dû au fait qu’il y avait trop de mystère, d’hypothèses, ce qui ne
permettait pas aux élèves d’être immédiatement sûrs de ce qu’ils étaient en
train d’apprendre. Il semblerait que laisser davantage la responsabilité des
apprentissages aux élèves n’implique pas toujours un intérêt de leur part. A
certains moments, les élèves ont peut-être besoin d’éléments qui les
rassurent, de repères fixes sur lesquels s’appuyer. Je pensais que le
complément de verbe était une notion sur laquelle ils pourraient justement
prendre appui, mais elle s’est avérée insuffisamment maîtrisée. Cela a
provoqué une confusion bien visible dans les observations et les entretiens. Je
pense que le fait de ne pas avoir nommé le “groupe à découvrir” n’a pas
arrangé les choses et les élèves sont restés (trop) focalisés sur le complément
de verbe. Cela est frappant lorsque l’on observe les constats des élèves ci-
dessous.

122
Groupe 2 (dont EL3. et EL4).
Groupe 1

Groupe 5 (dont EL2.)


Groupe 4

Groupe 6 (dont EL1. et EL5)

Les constats du groupe 6 et 4 montrent bien une confusion entre le


complément de verbe et l’attribut du sujet. Bien que la réflexion ne soit pas
finalisée, le constat du groupe 1 donne à voir le début d’une construction de
la notion.

De plus, la première phase de recherche collective était très décousue : les


élèves ont rapidement décroché et peu assimilé les hypothèses émises par les
élèves actifs. J’aurais peut-être dû à ce moment là “rentrer dans leur jeu” et
leur demander de chercher eux-mêmes ce que l’on pouvait observer dans
les phrases du tableau, mais cela me paraissait bien trop ambitieux. Je pense
cependant être en partie responsable de la confusion des élèves quant au
complément de verbe. En effet, dans l’optique de rester dans une démarche
de découverte, je n’ai finalement pas suffisamment guidé les élèves. J’aurais
notamment dû fixer clairement les caractéristiques du complément de verbe,
dans la mesure où il ne s’agissait pas de l’objet à découvrir. J’aurais pu écrire
à l’aide des élèves les caractéristiques de cette fonction grammaticale pour

123
qu’ils perçoivent davantage la différence avec l’attribut du sujet. Mais dans
la mesure où je considérais que les apprentissages étaient à leur charge
durant ce moment, je me suis quelque peu laissé prendre par le dispositif.
Ainsi, en tentant de reprendre des éléments d’un dispositif inductif, je me suis
rendu compte que mes consignes et mes attentes étaient insuffisamment
claires pour les élèves – alors qu’il s’agit pourtant d’un des critères de la
DADD (cf. supra première partie, 1.3). Cela s’est d'ailleurs également ressenti
dans le discours des élèves et semble même avoir rendu la tâche plus difficile
: « (...) c’est juste que comme moi j’avais pas très bien compris et que les
autres personnes du groupe avaient pas bien compris, bah ça a donné
qu’on a pas pu faire grand chose. » (EL3.)

Je me suis également aperçue qu’en voulant à tout prix rendre les activités
plus proches des élèves, cela pouvait parfois les écarter de la tâche. Le fait
que j’ai proposé des phrases à reconstruire avec des prénoms d’élèves de la
classe ou que j’”utilise” des élèves pour illustrer les transformations, semble
avoir davantage fait rire les élèves et provoqué leur déconcentration que les
avoir réellement aidés. Pour avoir testé cette illustration avec les élèves dans
ma classe actuelle de 5PH, il semblerait que l’âge des élèves puisse être mis
en cause, étant donné que les élèves de 7PH étaient déjà pour certains dans
une période de préadolescence.

D’un autre côté, il était difficile, à certains moments, de “lâcher les rênes”.
Lors de l’échange en collectif, j’aurais par exemple pu noter les deux
hypothèses concernant la pronominalisation et expliquer aux élèves qu’ils
verraient laquelle était correcte, en testant eux-même la transformation dans
les phrases, au lieu de trancher moi-même directement. Dans le même sens,
je dois avouer qu’il était très difficile, d’écouter les élèves durant la mise en
commun, sans intervenir pour les remettre sur la bonne voie.

Au niveau de l’intérêt de l’activité, il semblerait que les élèves ayant un


niveau moyen à très bon étaient moins intéressés par l’activité que les élèves
ayant plus de difficultés. Ceci pourrait être en lien avec le fait que les élèves
en difficulté disent avoir « aimé » l’activité, car ils pouvaient faire les choses
par eux-mêmes. Ce type de remarque n’apparaît pas dans le discours des
élèves ayant plus de facilité. De plus, l’appréciation positive – en dépit de la
difficulté reconnue – de l’activité semble avoir eu un impact sur la
compréhension de EL5. (élève en difficulté). En effet, lorsque je lui demande
s’il a appris quelque chose, il précise : « Et j’ai bien aimé, parce que j’ai bien
appris des choses, mais pas comme des fois on fait seulement des phrases et
puis ça c’est ça … ». Il compare ici la tâche réalisée avec les analyses

124
habituelles des phrases que l’on fait quotidiennement en classe, laissant
penser que la première est plus motivante pour lui. On remarque également
que EL5. semble avoir le plus appris alors que c’est l’élève qui a le plus de
difficultés. Nous pourrions faire l’hypothèse que l’activité étant plus un travail
de recherche, de découverte par essais-erreurs, les élèves qui ont plus de
facilités se retrouvent davantage déstabilisés par cette forme moins
“scolaire” d’apprentissage. Ceci pourrait expliquer que les contenus assimilés
soient peu clairs pour eux.

Bien que cela n’était pas prévu, j’ai dû stopper l’activité avant la réalisation
de la tâche b) qui aurait du permettre de finaliser la découverte des
caractéristiques de la notion et notamment le lien avec le sujet. En lisant les
entretiens, je me suis rendue compte que le fait de ne pas avoir terminé la
découverte pouvait avoir créé chez les élèves un besoin d’en savoir plus
qui pourrait être facteur de motivation. En effet, les élèves semblaient frustrés
de ne pas avoir vu la notion au complet et de ne pas l’avoir complètement
acquise à l’issue de la première activité lorsque je leur ai demandé s’ils
avaient envie d’en apprendre plus sur l’attribut du sujet :
« (…) en fait, j’ai rien compris de ce qu’on a fait, alors du coup je sais
pas vraiment … » (EL3.),
« Hum oui. Parce qu’on a travaillé un tout petit peu » (EL4.),
« A moitié parce que je sais qu’est-ce que l’attribut du sujet, qu’on peut
pas le changer tout ça mais (...) j’ai pas très bien appris à la lettre enfin,
pour moi j’ai compris seulement l’attribut du sujet tu peux pas le
changer. » (EL5.)
Les élèves ont donc besoin d'assister aux autres leçons pour compléter leur
savoir. Cependant, il faut bien avouer que ce manque d’informations
pourrait se révéler problématique et pour certains élèves cela aurait pu être
au contraire totalement démotivant. Ils auraient alors pu se dire : “de toute
façon je n’ai rien compris déjà au début, ça ne sert à rien que je continue et
que j’écoute la suite ».

Au final, l’objectif de la séance n’est pas vraiment atteint et cela pour


plusieurs raisons. L’activité n’a pas pu être terminée donc certains éléments
de compréhension sont manquants, ce qui rend la notion encore très floue
pour les élèves, alors qu’il s’agissait pourtant de la découvrir. J’ai trouvé la
séance assez “chaotique”, notamment du fait que je doive arrêter
fréquemment l’activité. Il me semble que ceci ne permettait pas aux élèves
de suivre le fil de la réflexion collective correctement.

125
2. 3 Réalisation de l’activité 2 : tâche de manipulation (b) et tâches
de discrimination (a, b, c)

2.3.1 Observations durant la séance

et discrimination

126
Tâche de manipulation (b)

Dans la mesure où la tâche (b) aurait du être réalisée la semaine précédent,


il me semblait pertinent et nécessaire de procéder à un rappel de ce qui
avait été vu. Etant donné que je m’étais aperçue que mon objectif n’avait
été que partiellement atteint, je souhaitais profiter de ce moment pour que
les élèves puissent visualiser plus clairement les découvertes qu’ils avaient fait.
Malheureusement l’image de la grammaire m’a très vite rattrapée lorsque
j’ai demandé aux élèves de nommer le groupe souligné au tableau : « Oh
non, on va faire de la grammaire avec la phrase ! ». Certains élèves ont alors
tenté de les calmer : « Ah mais c’est pour le travail de Sarah ». Cette réflexion
est importante car elle pourrait constituer un biais : à partir de ce moment les
élèves se sont calmés et ont prêté davantage attention. Comme je m’y
attendais, il était difficile pour les élèves de se rappeler les transformations
impossibles à réaliser. Bien que surprenant, le premier élément dégagé fut le
verbe d’état, alors que j’avais davantage insisté sur les transformations. Lors
de cette leçon, je me suis sentie beaucoup plus à l’aise que lors de la

127
première séance. J’ai enchaîné également plus rapidement les tâches afin
de laisser le moins possible de “temps morts”, propices aux bavardages et à
la déconcentration des élèves.

Durant cette tâche, j’ai déjà pu remarquer que les élèves participaient et
s’investissaient davantage. Même le petit problème technique causé par le
papier utilisé pour plastifier les cartons (qui ne permettait pas d’effacer
correctement le stylo) n’a pas perturbé le travail des élèves. A la différence
de la première tâche, j’ai choisi d’attribuer des rôles précis aux élèves du
groupe, dans l’espoir que les élèves puissent avancer plus rapidement et
efficacement que la dernière fois. Il est vrai que j’ai observé une prise en
charge de la tâche nettement plus sérieuse de la part des élèves, ce que
leurs travaux illustrent bien (cf. images ci-dessous).

Groupe 2 Groupe 2

Groupe 2
Groupe 4

Groupe 5

Groupe 6

128
Les constats des élèves étaient d’ailleurs bien plus réfléchis. La mise en
commun qui en a découlé est très intéressante, une majorité des élèves étant
beaucoup plus attentifs que lors de la première séance. En observant les
constats ci-dessous, on remarque que la plupart des groupes a identifié la
transformation de l’attribut du sujet lorsque le sujet change.

Groupe 2

Groupe 1

Groupe 3 (dont EL1. et EL2.) Groupe 4 (dont EL5.)

Groupe 6
Groupe 5 (dont EL4.)

L’institutionnalisation semblait également plus claire pour les élèves et j’ai


utilisé les travaux des élèves pour répondre à leurs questions.

Tâches de discrimination (a, b, c)

La tâche a) remporte un franc succès malgré l’agitation des élèves lors de


l’installation du matériel. Quasiment tous les élèves tentent de répondre à
mes questions. Lorsque j’explique la différence entre le complément du verbe
être et l’attribut du sujet les élèves demeurent très attentifs malgré la

129
complexité. Leur enthousiasme et investissement se trouve conservés durant
la tâche b). De manière improvisée, j’en profite pour les questionner sur les
modifications qu’imposeraient un changement de sujet sur l'attribut, à travers
les phrases projetées, afin de remobiliser la dernière caractéristique de
l’attribut du sujet découverte (accord avec le sujet). Je fais de même pour
revoir l’impossibilité de supprimer et de déplacer l’attribut du sujet. Lors de
l’institutionnalisation je m’aperçois que le groupe adjectival est une notion
encore floue pour les élèves et je prends donc le temps de la redéfinir avec
les élèves, d’où les cinq minutes supplémentaires.

Présentation de la devinette aux élèves Diapo après exercice avec les élèves

La tâche c) (retour sur les apprentissages en individuel) suscite davantage de


réflexion de la part des élèves et semble plus difficile. Une certaine panique
se fait sentir chez les élèves : « je ne sais pas »; « je me souviens plus »,
provoquant une confusion : « est-ce que l’attribut du sujet peut remplacer le
sujet ? ». Finalement au regard des productions d’élèves, les élèves semblent
tout de même avoir retenu quelques caractéristiques de l’attribut du sujet.
Les productions des élèves interrogés exposées ci-dessous, montrent une
compréhension relativement complète pour EL1. et EL3., malgré quelques
erreurs ou oublis (accord avec le sujet pour EL2. et on peut le pronominaliser
pour EL3.). La production de EL2. semble montrer une confusion concernant
la pronominalisation de l’attribut du sujet. Enfin, EL4. n’a pas retrouvé de
caractéristiques et EL5. a relevé deux caractéristiques toutes deux correctes.

130
EL2.

EL1.

EL4.

EL5.

EL3.

Je réalise qu’après l’activité avec le diaporama, l’attention et la


concentration ont diminué progressivement. Durant la comparaison avec le
mémento, les élèves étaient donc davantage agités. Le fait que j‘explique le
terme de “suite d’être” dans le mémento et sa “presque” similitude avec
l’attribut du sujet a complexifié la comparaison pour les élèves. Après
quelques exemples, leur confusion s’est dissipée. Lorsque j’ai mis en avant le
fait que les règles qu’ils avaient découvert (cf. feuille java ci-dessous) étaient
similaires à celles du mémento (cf. annexe 8) et qu’ils avaient fait un bon
travail, les élèves semblaient quelque peu blasés.

131
Dans la mesure où j’avais pris du retard lors de la première activité, nous
n’avons pas eu le temps de réaliser la tâche d). Celle-ci a donc du être
réalisée lors de la dernière séance, la semaine suivante.

2.3.2 Entretiens des élèves (cf. annexe 15)

L’enregistrement de l’élève EL5. a malheureusement été égaré suite à un


problème de sauvegarde. Pour cette activité, je n’ai donc pas pu retranscrire
son discours.

Intérêt de l’activité

En lien avec mes observations tous les élèves interrogés ont jugé l’activité 2
intéressante. EL3. précise même que les tâches lui ont permis de mieux
comprendre « à quoi ça servait et la différence avec le complément de
verbe ».

Niveau de difficulté

Globalement, l’activité semble avoir été plus facile que la première. Et c’est
surtout pour EL4. que l’on voit le plus grand écart : nous passons d’une
activité jugée très difficile pour la première, à très facile pour l’activité 2. A

132
nouveau, EL3. met en évidence le fait qu’elle a « mieux compris » ce qui
semble avoir diminué la difficulté de l’appropriation de la notion.

Sensations

Les élèves étaient plutôt à l’aise durant cette activité. Une fois encore on
constate une évolution entre la première et la seconde activité pour EL3. et
EL4., les élèves étant nettement plus à l’aise.

Impressions vis-à-vis de la grammaire

Lors de cette activité, les élèves avaient moins l’impression de faire de la


grammaire, mis à part EL4., pour qui il n’y avait pas de doute. EL1. est un plus
mitigée que lors de la première activité.

Apprentissages effectifs

Les réponses des élèves témoignent d’une meilleure appropriation du


contenu que lors de la première séance. EL4. précise d’ailleurs qu’il a appris
« plus que la dernière fois ». Cependant, on remarque que ce n’est pas
forcément l’accord avec le sujet et les natures de l’attribut du sujet qui
ressortent le plus, alors qu’il s’agissait pourtant des objets travaillés durant la
séance. En effet les élèves relèvent les transformations possibles (EL1.), la
pronominalisation de manière précise (EL2.) et la présence d’un verbe d’état
(EL4. et EL1.). Seule EL3. explique le contenu travaillé lors de la séance.

Volonté d’en savoir plus

Comme pour la première activité les élèves souhaitent en savoir encore


davantage et pouvoir tester les règles qu’ils ont découvert.

2. 4 Analyse de l’activité 2

D’une manière générale, la deuxième activité s’est nettement mieux


déroulée que la première, tant au niveau de l’attention des élèves que de
leur intérêt à réaliser les tâches. Si l’on compare les deux activités, les
différences résident dans l’ajout de l’ordinateur avec le projecteur, le
changement des groupes, l’attribution de rôles précis aux groupes, l’étude
de nouvelles caractéristiques de l’attribut (accord en genre et nombre avec
le sujet, rôle et nature de l’attribut du sujet) et l’observation d’une plus grande
attention des élèves. Nous pourrions faire l’hypothèse que ces éléments
pourraient avoir rendu l’activité plus intéressante et plus aisée pour les élèves.

133
Dans un premier temps, il semblerait que les élèves étaient moins “perdus”
que lors de la première séance : le rappel pourrait y être pour quelque chose.
En effet, les caractéristiques déjà découvertes sont rappelées et inscrites sur
la feuille java, elles sont ainsi “fixés” et ne changent pas. Cela a pu constituer
une base pour les élèves et les a peut-être rassurés. À la différence de la
première séance, les élèves ne partent donc pas de zéro, n’ayant pour seul
appui que quelques hypothèses, qu’ils devaient eux-mêmes vérifier. Le rappel
semble d’ailleurs avoir été bénéfique car beaucoup d’élèves rappellent les
éléments qui y figuraient, possible preuve qu’ils les avaient davantage
compris.

De plus, je me demande finalement si la tâche de repérage n’était pas plus


“simple”, demandant ainsi moins “d’efforts” de la part des élèves, ceci la
rendant peut-être plus attractive. Dans le même sens, nous pourrions postuler
que la tâche b) était peut-être plus “facile” car les éléments à découvrir
étaient immédiatement “visibles” à la différence des transformations qui
nécessitent des mouvements et qui provoquent souvent des remises en
questions “ça (ne) se dit (pas)” : pour certains élèves, par exemple, dire “elle
est” avait du sens.

Au regard des entretiens, l’intérêt et la facilité de l’activité sembleraient être


corrélés au fait que les élèves n’avaient pas vraiment l’impression de faire de
de la grammaire. L'utilisation de l’ordinateur et du genre de la devinette y
sont-ils pour quelque chose ? (cf. supra première partie, 3. 1. 4). Concernant
cet aspect, je me rends compte que, j’aurais dû aller plus loin durant les
entretiens, en demandant les raisons de cette impression de ne “pas être en
train de faire de la grammaire”. Enfin, le changement de groupe peut avoir
eu un impact sur le climat de classe et l'investissement des élèves mais aucun
élément ne peut confirmer cette hypothèse.

Un élément présenté dans la partie précédente m’a particulièrement


frappée : le fait que le verbe attributif, pourtant moins travaillé ait été l’un des
premiers souvenirs des élèves de l’attribut du sujet. Le verbe d’état est un
élément qui avait été formulé par un élève lui-même et que je n’avais pas
moi-même induit, ou qui n’était pas le résultat de mes questions, comme la
pronominalisation par exemple. Cette observation montre bien ici
l’importance des échanges entre pairs et l’impact qu’ils peuvent avoir sur les
apprentissages des élèves.

134
Malgré l’enthousiasme des élèves durant la plus grande partie de la séance,
leur attention s’est avérée diminuer dès la fin de la tâche b). Pour quelles
raisons ? Le passage d’un support à un autre est peut-être en cause (cf. supra
deuxième partie, 3.4). Il me paraît également important de préciser qu’au
moment de la tâche c), nous nous approchions de 11h30 (un mercredi
matin). L’approche de la sonnerie impliquant parfois excitation et désintérêt
des élèves, il est possible que cela ait joué un rôle lors de cette séance.

De plus, à la vue des constats finaux, je me rends compte aujourd’hui, avec


le recul, qu’un travail supplémentaire sur les caractéristiques de l’attribut du
sujet aurait peut-être dû être nécessaire. Au lieu de tout de suite comparer
leurs règles avec le mémento, il aurait été intéressant de regrouper les règles
des élèves – pourquoi pas à l’aide de l’ordinateur et du projecteur – et, lors
de la leçon suivante sélectionner les règles correctes et ainsi expliquer les
erreurs des règles incorrectes pour amener davantage de précision et “fixer”
les connaissances.

Concernant les constats finaux, il me semble important de préciser certains


aspects. Énoncer des règles peut être difficile et nous aurions pu peut-être
davantage percevoir l’appropriation du contenu dans un exercice. Il s’agit
d’une tâche de restitution assez “pure” qui peut poser problème à certains
élèves. Il est surprenant que cela ait été le cas pour EL2. jugée très bonne
élève. Il faut préciser que EL2. faisait partie du groupe (lors de la toute
première tâche) qui avait une phrase que l’on ne pouvait pas pronominaliser
et qui contenait pourtant un attribut du sujet. Au final, ma volonté d’exposer
quelques exceptions, ne s’est pas forcément avérée judicieuse car il
semblerait que EL2. se soit de ce fait quelque peu “emmêlée les pinceaux”.
EL2. explique d’ailleurs s’être sentie moins à l’aise durant cette activité, ce qui
peut également être un facteur influençant son intérêt ainsi que sa
compréhension. Ce qui demeure néanmoins surprenant est le fait que durant
l’entretien, EL2. arrive à expliquer parfaitement la caractéristique de la
pronominalisation.

Enfin, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre au regard de la


production de EL4., EL5. s’est démarqué en réussissant à écrire deux éléments
corrects. Les aprioris concernant les élèves en difficulté ne sont pas vérifiés ici:
EL5. qui a pourtant plus de difficultés que EL2. semble avoir davantage retenu
d’éléments sur l’attribut du sujet ! Le fait que EL2. ne semblait pas tout à fait
dans son élément durant la séance peut également être une explication. Ou
serait-ce la tâche qui correspondait davantage à EL5. ? Il aurait été

135
intéressant d’observer des traces de leurs performances dans les exercices
pour voir si ce résultat se confirmait dans la mise en pratique individuelle.

2. 5 Réalisation de l’activité 3 : tâche de discrimination (d) et tâche


de production

Comme explicité plus tôt, la fin de la tâche de discrimination a dû être


déplacée et rattachée à l’activité 3, faute de temps. De plus, la tâche de
production n’a finalement pas pu être réalisée par tous les élèves.

2.5.1 Observations durant la séance

discrimination

136
J’ai commencé l’activité en expliquant aux élèves que nous allions tester ce
qu’ils avaient appris les dernières fois avec plusieurs petits ateliers, mais
qu’avant cela nous allions vérifier s’ils étaient “capables” de réaliser ces
ateliers. Je souhaitais commencer de manière moins “directe” (« observez
cette phrase ») à travers une petite “mise au défi”. A la différence des
précédentes activités, aucun élève n’a formulé de remarque négative quant
à l’annonce de la tâche. A ma grande surprise beaucoup d’élèves ont
participé durant la phase de rappel. Lorsqu’ils étaient choisis pour aller au
tableau, une grande satisfaction pouvait se lire sur leur visage alors que
d’autres soupiraient de ne pas avoir été “sélectionnés”. Une fois au tableau,
certains élèves ont douté ou se sont trompés, ce qui m’a permis de faire
appel au reste de la classe. J’ai essayé de ne pas dire si les éléments entourés
étaient corrects ou non, mais plutôt de laisser cette responsabilité aux élèves.
Au final, ce moment de remobilisation des connaissances m’a démontrée
une bonne appropriation du contenu. Comme je m’y attendais, la phrase
Vous restez à la maison. a suscité quelques confusions, mais les élèves ont
globalement bien identifié qu’elle ne contenait pas d’attribut du sujet. En
effet, lorsque j’ai demandé d’entourer les verbes d’état et qu’un élève s’est
attelé à la tâche pour la première phrase, un léger bourdonnement d’élèves
s’est fait entendre. Finalement un autre élève s’est exclamé : « Mais non pas
là, ce n’est pas un attribut du sujet ». Je lui ai expliqué que nous allions le voir

137
par la suite et que même si c’était le cas, cela n’empêchait pas qu’il y ait un
verbe d’état pour autant. L’identification de l’attribut dans la dernière phrase
a été la plus complexe, mais à l’aide de quelques “questions guides”, les
élèves y sont finalement parvenus. Concernant la nature des attributs, les
élèves sont restés perplexes, et cela est bien normal me semble-t-il devant “la
mienne”. Après quelques indices, un seul élève a réussi à déterminer qu’il
s’agissait d’un pronom possessif. A ce propos, un élève a très justement fait
remarquer : « Ah c’est celui qui nous manquait quand on a regardé le
mémento ! » en faisant référence à la comparaison de “leurs” règles à celles
du mémento.

Dans la mesure où les élèves allaient travailler en autonomie, l’explication des


différents ateliers a pris un temps considérable. Pour les jeux de cartes, il fallait
préciser les règles. Les exercices sur ordinateur nécessitaient plusieurs
démonstrations. Et concernant les exercices du cahier, il a fallu que je
m’assure que tous les exercices soient bien compris, de la même manière
que pour la production de la devinette. Sur le moment, j’ai réalisé que 10
minutes ne serait pas un temps suffisant pour que tous les élèves puissent
réaliser tous les exercices du cahier Ile aux Mots. J’ai donc sélectionné les
exercices 1, 2, 3 et 4 (cf. annexe 6) comme exercices prioritaires (à faire
absolument) et si les élèves avaient le temps, ils pouvaient faire les autres
exercices. Il a également fallu prendre un temps pour expliquer le
fonctionnement du tournus et l’utilisation de la fiche (cf. annexe 10) leur
permettant de connaître l’atelier suivant. Durant ce moment, même si j’ai
trouvé les élèves assez attentifs, une certaine lassitude se faisait tout de
même sentir.

Les ateliers se sont bien déroulés et dans un calme très surprenant au regard
du comportement habituel de la classe (cf. supra deuxième partie, 2.6).
Concernant la tâche de discrimination qu’ils devaient permettre, j’étais assez
satisfaite du travail des élèves que j’ai pu apercevoir.

Finalement seuls quelques élèves ont réussi à réaliser la tâche de production,


car dès la fin du temps attribué aux ateliers j’ai dû passer à la correction
collective du cahier. Il était important pour moi d’avoir un retour concernant
les apprentissages des élèves, à la fin de la séance. Durant ce (court)
moment de correction j’ai essayé d’interroger tous les élèves (et pas
seulement ceux qui levaient la main). Nous avons corrigé les exercices
prioritaires en collectif et j’ai corrigé individuellement les exercices 5 et 6 que
certains élèves avaient eu le temps de faire. Je me suis rendu compte que
l’exercice 5 avait posé beaucoup de difficultés chez les élèves. Quelques

138
erreurs subsistaient encore, mais dans l’ensemble les élèves semblaient
pouvoir identifier l’attribut du sujet. Au niveau de l’attention des élèves, ces
derniers paraissaient épuisés de la séance et participaient peu.

Pour revenir à la tâche de production, j’avais mis la devinette comme travail


à avancer (en affichant les consignes pour la réaliser) lorsque les élèves
avaient terminé leur travail en cours (durant la semaine suivante). Néanmoins,
ils ont finalement eu peu de moments pour avancer. J’ai donc pu travailler
cette tâche seulement avec quelques élèves, auxquelles je soumettais des
corrections. J’ai d’ailleurs retapé à l’ordinateur les devinettes mais je n’ai pas
pu réaliser le petit jeu que je souhaitais, ce qui reste un de mes grands regrets
… Voici ci-dessous, les devinettes d’élèves après corrections de leur part.

Deux semaines plus tard, voyant que je n’arrivais pas à finaliser ma séquence
et dans le but de faire une révision avant l’évaluation de français II qui
approchait, j’ai donné des exercices sur l’attribut du sujet afin de “driller”
encore la notion. Ces exercices ont cette fois été corrigés individuellement,
dans le but de reprendre la notion avec les élèves qui en avaient besoin.

139
2.5.2 Entretiens des élèves (cf. annexe 13)

Intérêt de l’activité

L’intérêt des élèves durant la séance ne semble pas faire de doute à en


croire leurs propos. Pour EL1., l’activité avait l’allure d’un jeu et EL3. considère
que les différents ateliers lui ont permis de « plus réfléchir ». EL5. qualifie
l’activité de « sympa » de part le fait d’être en groupe et de pouvoir se
déplacer d’un atelier à un autre.

Niveau de difficulté

L’ordinateur semble avoir suscité le plus de difficulté pour EL1., EL3. et EL2.
sans que cela ne concerne réellement la tâche en elle-même. Il s’agissait
plutôt de difficultés techniques ou relatives aux modalités sociales (cf. supra
deuxième partie, 2.6). Pour EL4. c’est le cahier d’exercice qui a été le moins
facile à ses yeux et EL5. considère que le jeu de cartes était le plus difficile
pour lui.

Sensations

EL1. et EL3. se disent avoir été à l’aise durant l’activité alors que pour EL2., EL4.
et EL5. cette sensation est plus mitigée.

Impressions vis-à-vis de la grammaire

Une fois encore EL1. et EL3. se rejoignent sur le fait qu’elles n’avaient pas
l’impression de faire de la grammaire. Pour EL2., EL4. et EL5. il n’y a pas de
confusion possible et ils ont bien ressenti qu’ils travaillaient la grammaire
durant les ateliers.

Apprentissages effectifs

D’une manière générale, les élèves ont revu et davantage compris, pour
certains, la notion d’attribut du sujet. EL3. précise qu’elle a découvert que
l'attribut du sujet pouvait aussi être un pronom. Bien que nous l’avions vu dans
les “règles”, EL3. précise qu’elle a appris que l’attribut du sujet « pouvait aussi
être un pronom ». A la même question EL4. rappelle l’impossibilité de
déplacer l’attribut du sujet et son lien avec le verbe d’état. Ce dernier
élément revient également dans le discours de EL5., qui précise : « l’attribut
du sujet, j’avais déjà compris, mais pas à la perfection et maintenant je sais ».

140
Volonté d’en savoir plus

Bien qu’il s’agissait de la dernière “leçon” programmée pour entraîner la


notion d’attribut du sujet, tous les élèves expriment leur volonté d’en savoir
encore davantage. EL3. justifie cette envie par le fait qu’elle n’a pas toujours
tout réussi durant les exercices.

2. 6 Analyse de l’activité 3

L’amorce semble avoir intrigué ou du moins davantage capté l’attention des


élèves. Formuler directement ses attentes d’enseignant dans un premier
temps, sans commencer absolument par l’observation de la phrase, peut
finalement être préférable, en y ajoutant tout de fois un peu de challenge29.
De plus, le fait d’annoncer un travail sous forme d’“ateliers” semble aussi avoir
motivé les élèves. Ces éléments pourraient expliquer l’absence de remarques
négatives au sujet de la grammaire, comme cela avait été le cas jusqu’à
présent.

L’anticipation des élèves au sujet de la première phrase dans le rappel est un


bon signe d’appropriation dans le sens où ils semblent avoir compris la
différence entre l’attribut du sujet et le complément du verbe être, élément
qui avait peu été travaillé finalement. Cela pourrait également montrer que
le travail sur l’aspect sémantique s’est avéré utile : “à la maison” ne donne
pas d’information sur “comment est” le sujet !

L’impression d’ennui que j’ai ressenti durant l’explication du tournus peut se


comprendre : rester 20 minutes à écouter des consignes n’est pas une
activité particulièrement motivante. J’étais moi-même pressée de les laisser
enfin travailler. Cependant, ce temps que je pensais “perdu” au départ
semble avoir été fort utile car l’enchaînement des activités s’est déroulé sans
problème.

Comme nous l’avons vu, le discours des élèves laisse entrevoir plusieurs
hypothèses à leur concentration et calme durant la réalisation des activités.
Revenons sur le fait qu’ils pouvaient « plus réfléchir » d’après EL3. Je fais le
postulat que pour EL3., les ateliers lui ont permis de davantage s’exercer. Le
fait d’être en groupe semble être un facteur d’intérêt pour EL5. qui y fait

29Même si leur performance lors du rappel n’avait pas été suffisante, j’aurais pris le temps de
revoir avec eux, et ils auraient tout de même pu réaliser les ateliers.

141
souvent référence. De plus, il semblerait que le fait de créer une transition par
le mouvement à travers le changement d’ateliers lui ait également plu. Nous
pourrions faire l’hypothèse que s’agissant d’un élève plus en difficulté, ces
moments lui permettaient d’avoir une pause nécessaire pour pouvoir entrer
dans un nouvel atelier. Son discours laisse penser que le fait d’avoir
l’impression de faire de la grammaire lors d’une tâche aurait une influence
sur l’intérêt et la réussite de cette dernière :
I : Dans quel atelier tu as eu le plus l’impression de faire de la
grammaire ?
EL5. : Dans les cartes. Ah oui là je me suis dit c’est de la grammaire et
c’est pour ça que je n’ai pas trop réussi.

Je ne m’étendrais pas sur les difficultés propres à chacun des ateliers car ils
sont davantage reliés au support en lui même d’après le discours des élèves
(cf. infra 3.). Seul EL1. précise que certaines phrases lui ont posé problème sur
l’ordinateur. Comme j’en avais fait déjà l’hypothèse durant l’entretien
l’utilisation d’autres verbes d’état dans les exercices de l’ordinateur semble
avoir quelque peu déstabilisé EL1.

On remarque que les très bons élèves, se sont également sentis très à l’aise
durant l’activité, alors que ce n’est pas le cas pour l’élève “moyen” et ceux
avec difficultés. Le fait de passer par plusieurs ateliers en un temps
relativement court serait-il responsable ? Cela pourrait être une hypothèse. En
effet, après réflexion je me suis demandée si 10 minutes n’était pas insuffisant
pour permettre à tous les élèves d’entrer dans la tâche. Pour certains élèves,
10 minutes c’est le temps qui leur faut pour relire les consignes, se remettre
“dedans”. J’aurais peut-être dû prévoir 20 minutes avec des exercices
supplémentaires pour les plus rapides. Mais cela aurait demandé une période
supplémentaire que je n’avais pas à disposition.

Il est intéressant de souligner que pour les élèves ayant davantage de facilité
la tâche de discrimination semble avoir été perçue comme de
l’entraînement, de la révision des éléments déjà vus alors que les élèves ayant
plus de difficultés expriment avoir encore découvert certains éléments et
renforcé leur compréhension. Paradoxalement, tous les élèves interrogés
expriment le fait de vouloir en apprendre davantage sur l’attribut du sujet et
pas seulement les élèves en difficulté.

Les tâches de discrimination semblent avoir ouvert les yeux aux élèves sur ce
qu’ils s’étaient appropriés et sur ce qui leur restait à travailler. Visiblement et
contrairement à l’impression que j’avais, suite à la correction collective, les

142
élèves avaient encore besoin de travailler la notion. En effet, j’ai préféré
réaliser une correction collective plutôt qu’individuelle mais avec le recul je
me suis demandée si je n’aurai pas dû corriger moi-même les élèves, pour
avoir une réelle idée des apprentissages de chacun. Cependant, mon
objectif était de pouvoir, à travers la correction, revoir encore une fois les
règles découvertes en collectif. En y repensant, je regrette de ne pas avoir
conservé de traces écrites des exercices réalisés par les élèves car il aurait
été très intéressant de pouvoir observer l’appropriation ou non à travers des
exercices écrits. Néanmoins, l’objectif de mon travail était de rechercher et
tester différentes manières de motiver les élèves à entrer dans la grammaire
et non de tester l’efficacité de ces méthodes en termes d’apprentissages.
Cet axe serait toutefois très pertinent à traiter.

Enfin, le fait de ne pas pouvoir terminer la séquence fut frustrant pour les
élèves qui avaient réalisé les devinettes et encore davantage pour moi. Mais
la réalité du terrain impose de faire des choix, et les nombreuses évaluations
qui arrivaient impliquaient de terminer (bien que je n’apprécie pas ce terme)
certaines thématiques et d’en revoir d’autres. Néanmoins, le discours de EL5.,
nous donne tout de même une petite information quant à la tâche de
production raccourcie. Il explique durant l’entretien que la devinette est
l’atelier qu’il a préféré durant l’activité 3 car : « c’était intéressant parce que
tu devais réfléchir de un, l’attribut du sujet tout seul, et aussi comment est la
personne. ». Le fait que la devinette permette aux élèves de parler d’une
personne proche, tout en s’amusant semble avoir séduit EL5., même s’il n’a
finalement pu faire qu’une ébauche de sa devinette, qu’il n’a
malheureusement pas eu le temps de terminer.

Enfin, je peux faire l’hypothèse que le fait de passer de l’ordinateur au mode


“papier crayon” ait pu désenchanter les élèves, tel un retour à la “réalité de
l’école” avec son aspect plus traditionnel, comme si l’activité avec le
diaporama ne relevait pas d’un réel travail et qu’écrire sur du papier l’était
davantage.

143
2.7 Conclusion en lien avec la question de recherche

Je m’appuierai sur le tableau ci-dessous qui récapitule les résultats obtenus


lors de la comparaison des activités par les élèves, au regard des hypothèses
formulées, afin de répondre à ma deuxième question de recherche. Pour
rappel, je désirais savoir : quelles tâches, entre manipulation, discrimination,
et production, motivent davantage les élèves, au regard des actions qu’elles
impliquent chez les élèves ? Je faisais notamment l’hypothèse que
l’attractivité ou non d’une tâche dépendait du profil des élèves.

Classements Elèves Activité 1 Activité 2 Activité 3

EL1. 2 3 1

EL2. 3 2 1

Hypothèse 3 2 1
du + au –
apprécié / EL3. 3 2 1
motivant
EL4. 2 3 1

EL5. 3 1 2

Hypothèse 3 1 3

EL1. 1 2 3
EL2. 1 2 1
Classement
EL3. 3 1 2
apprentissages
EL4. 2 3 1
EL5. 3 2 1

Il me semble important de faire remarquer que le type de tâche concerné


par les activités a subi quelques modifications du fait d’un décalage dans le
temps (cf. tableau de la page suivante). Ces changements ont impliqué une
analyse des résultats plus complexe.

144
Tâche
Activité n° Tâche(s) réalisée(s)
prévue

La seconde tâche de manipulation (tâche b)


Activité 1 Manipulation
n’est pas réalisée.

Réalisation de la deuxième tâche de


Activité 2 Discrimination manipulation (tâche b) et des trois premières
tâches de discriminationn (tâche a, b, c).

Réalisation de la dernière tâche (d) de


Activité 3 Production discrimination et de la tâche de production pour
quelques élèves.

Tâches de manipulation

Contrairement à mon hypothèse, il semblerait que la tâche de manipulation


ne fut pas la plus motivante pour les élèves aisés. Au regard des résultats
généraux (annexe 15), cette tâche est la seule qui ait moyennement
intéressé EL1. et l’élève justifie cela par le fait qu’elle n’appréciait guère la
matière. Ainsi, bien que mon intention était de faire de la grammaire “sans
réellement en faire”, il semble difficile d’introduire une notion de grammaire
de cette manière sans que les “très bons élèves” ne s’ennuyent. C’est peut-
être cet apriori sur la grammaire (on observe des phrases) qui a empêché les
élèves de percevoir la tâche comme je le souhaitais, comme un challenge à
relever. Malgré une motivation moindre pour cette activité, les élèves
reconnaissent que c’est à travers cette activité qu’ils ont le plus appris. Ce
résultat ne semble pas surprenant, dans la mesure où c’est à ce moment là
que les élèves devaient “découvrir” la notion. Bien entendu, l’agitation
collective des élèves a peut-être également influencé l’image négative de la
première tâche.

Nous arrivons au même constat, pour les élèves ayant davantage de


difficultés. Comme je l’avais cette fois anticipé, l’activité fut jugée difficile par
ces élèves. Cependant, leurs discours montre que même si elle n’a pas été la
tâche la plus appréciée en comparaison avec les autres, les élèves semblent
tout de même avoir été motivés :
I : C’était parce que c’était vous qui deviez faire les phrases ?
EL4. : Ouais voilà. On pouvait inventer, c’était marrant.

145
EL5. : Euh non moi j’ai bien aimé, vu que y’avait beaucoup de, chacun
disait ce qu’il trouvait et je trouve que tu nous as bien expliqué les deux
groupes ceux qu’ils peuvent pas changer, peuvent pas supprimer et les
autres.
En dépit de la difficulté de la tâche, le fait de pouvoir manipuler les phrases
semble avoir motivé ces élèves (cf. supra troisième partie 2.1.2).

Tâche de discrimination

Conformément à mes prédictions, cette tâche n'apparaît jamais en première


position chez les élèves plus à l’aise scolairement. Cependant, il est important
de préciser qu’une partie de cette tâche s’est réalisée durant l’activité 3 qui
arrive en première position. Ainsi, nous pourrions déduire que dans la tâche
de discrimination, l’exercice avec la projection de la devinette n’a pas
vraiment séduit les très bons élèves, qui étaient d’ailleurs moyennement à
l’aise. Les ateliers, au contraire semblent les avoir nettement plus motivés : le
fait que « en même temps on faisait des jeux » est une des raisons de cet
intérêt pour EL1. et implique également une impression moindre de faire de la
grammaire. De plus, le fait que les ateliers aient permis, d’après les élèves, de
mieux revoir la notion, pourrait expliquer leur engouement dans la mesure où
il s’agirait de remobiliser tous les éléments vus pour réussir les ateliers, ceci
n’ayant finalement pas été aussi simple que ce que j’avais initialement prévu
dans mes hypothèses.

Je pensais que les élèves plus en difficulté seraient davantage motivés par la
tâche de discrimination, mais il est difficile là encore de confirmer cette
hypothèse et l'hétérogénéité des réponses des deux élèves ajoute encore
une difficulté à l’explication. Plusieurs interprétations sont possibles. Pour EL4.
la suite de la manipulation ainsi que l’observation de la devinette ne
semblent pas l’avoir motivé alors que la réalisation des ateliers l’a davantage
intéressé, cet élève n’ayant pas réalisé de devinette. On observe le
phénomène presque inverse pour EL5. : la tâche de manipulation et le travail
sur la devinette en collectif (partie de la tâche de discrimination) se sont
révélés être particulièrement motivants pour cet élève, ce qui permet
d’affirmer partiellement mon hypothèse. Son discours vient renforcer cette
idée :
EL5. : Alors celle que j’ai le plus aimé c’est la devinette.
I : Donc la deuxième séance.
EL5. : Oui. Et celle que j’ai le moins aimé c’est la première. Et sinon celle
que j’ai appris le plus c’est la devinette parce que moi en fait je suis

146
beaucoup aussi dans l’électronique donc pour moi de l’ordinateur ou
du projecteur, voir que je peux apprendre de l'électronique ça me
booste.
L’intérêt de EL5. pour la tâche de discrimination semble néanmoins être très
influencée par le support (projecteur) utilisé (cf. première partie, infra 3.1.4).

Tâche de production

Au final, dans la mesure où peu d’élèves ont réalisé l’activité de production, il


est difficile d’attribuer l’intérêt de l’activité 3 à cette tâche. Néanmoins, pour
les élèves ayant réalisé la devinette ou du moins commencé (EL1. et EL5.), il
s’agit de la tâche la plus appréciée en comparaison avec les tâches de
discrimination proposées durant les ateliers. Alors que je pensais que la tâche
de production serait trop complexe pour les élèves en difficultés et pourrait
les décourager, les propos de EL5. viennent contredire cette hypothèse (cf.
infra trosième partie, 2.6) :
I : Et est-ce que tu as eu l’impression d’apprendre quelque chose avec
les devinettes ?
EL5. : Oui, oui enfin oui ça va.
I : Donc c’est celle que tu as le plus appris et le plus aimé c’était les
devinettes ?
EL5. : Oui.
A nouveau le fait d’avoir le “contrôle” entier sur la tâche et de pouvoir
“créer” soi-même quelque chose sont des éléments qui semblent avoir
motivé EL5..

Pour conclure, il semblerait que la tâche de discrimination et plus


particulièrement la partie des ateliers, ait été la plus motivante et cela autant
pour les élèves en difficulté que les très bons élèves. Ainsi, le profil des élèves
n’était pas toujours en lien avec leur intérêt pour les différents types de tâches
comme je le pensais initialement.

Concernant les élèves en difficulté, il semblerait que les tâches qui impliquent
une possibilité de créer, d’essayer sans que cela soit vraiment figé comme sur
un cahier d’exercice ait été un facteur de motivation. Je postule alors que les
tâches de manipulation et celles de discrimination impliquaient un statut de
l’erreur différent des tâches habituelles. Ces élèves qui entrent généralement
dans un cercle de corrections perpétuelles, se sont peut-être ici vus libérés de
cette pression car les tâches étaient présentées comme une découverte par
tentatives, dans le premier cas et un entraînement principalement en groupe

147
dans le second. De plus, on remarque que les difficultés possibles des tâches
(dans la tâche de manipulation par exemple) ne semblent finalement pas
avoir tant découragé les élèves. Cependant le fait de “réussir” ou non durant
les ateliers pouvait les décourager et les démotiver. Dans la même idée, le
fait d’avoir “appris” à travers une tâche semble l’avoir rendue plus motivante
pour les élèves en difficultés contrairement aux élèves plus à l’aise.

Les “très bons élèves” quant à eux n’ont pas été attirés par la tâche de
manipulation probablement car le travail proposé était trop proche de la
grammaire telle qu’ils avaient l’habitude de la travailler : “avec des phrases”.
On observe que la première partie de la tâche de discrimination qui implique
finalement aussi une “découverte” assez similaire à la tâche de manipulation
est elle aussi moins attrayante pour les élèves. Ces observations pourraient
laisser penser que les phases de découvertes “ennuient” les élèves
contrairement à ce que je pensais ou du moins la manière de les mener ne
semble pas les avoir motivé. Il est intéressant de voir qu’une partie de la
tâche de discrimination, à travers les ateliers a été perçue comme une
révision par ces élèves. Le fait de pouvoir s’appuyer sur des éléments déjà vus
est peut-être un éléments qui les a motivé. Paradoxalement, les élèves aisés
semblent porter davantage d’intérêt lors des tâches impliquant une
remobilisation des savoirs que dans celles qui demandent une réflexion de
leur part.

3. Les supports utilisés

3. 1. Compte rendu sur les supports utilisés

3. 1. 1 Observations

Les observations recensées ci-dessous sont uniquement relatives à l’activité 3


étant donné qu’il s’agit de la séance qui a permis aux élèves d’utiliser
différents supports. Dans ce sens j’ai tenté de sélectionner les informations en
lien avec les supports eux-mêmes, le reste ayant déjà été traité
précédemment. Les trois supports utilisés étaient les suivants : l’ordinateur à
travers trois exercices (cf. page suivante), deux jeux de cartes (règles cf.
annexe 10) et la page d’exercice du cahier Ile aux mots (annexe 6).

Pour rappel cette séance s’est déroulée dans un calme et une concentration
assez surprenante au vu des déplacements à réaliser et du travail en groupe.

148
Une remarque d’élève m’a frappée lors de mon explication des différents
atelier : « Oh non je sais déjà que c’est l’île aux mots qui a être le plus nul ».

D’une manière générale, les élèves semblaient enthousiastes à l’idée d’utiliser


l’ordinateur : « Yes, je passe à l’ordi ! ». Cet engouement pouvait parfois
diminuer en fonction de l’élève partenaire : « Oh non pas lui / elle ». Les
élèves devaient réaliser trois exercices à l’ordinateur30. Je me suis aperçue
que certains groupes n’arrivaient pas à faire ou finir le dernier exercice.

30Ces exercices sont tirés des sites internet suivants : http://www.classe-numerique.fr/types-


dactivites/mots-a-trouver/lattribut-du-sujet-2, http://www.classe-numerique.fr/types-
dactivites/mots-a-trouver/trouver-lattribut-du-sujet, http://www.classe-numerique.fr/types-
dactivites/mots-a-placer/lattribut-du-sujet-3

149
Durant les jeux de cartes 31 (cf. exemple ci-dessous), j’ai remarqué que
certains élèves se prenaient réellement “au jeu” : « On va gagner vous allez
voir ». Il est vrai que lorsque les élèves se retrouvaient seuls à leur pupitres pour
réaliser le cahier d’exercices, certains regardaient leurs camarades aux
ordinateurs ou aux jeux de cartes presque en soupirant.

Lors de la réalisation des différents ateliers, j’ai tenté de passer parmi les
groupes pour répondre aux questions techniques qui pouvaient subsister, car
j’avais peur qu’avec la quantité d’informations que j’avais donnés aux
élèves, ceux-ci ne retiennent pas tout. Finalement cela s’est plutôt bien
déroulé. C’est surtout l’ordinateur qui a sollicité mon attention, car certains
élèves avaient des difficultés à utiliser le “glissé” de la souris et il y avait parfois
quelques conflits au sein des duos. Le jeu de carte et le cahier d’exercices
m’a également demandé de remédier à certains problèmes mais il s’agissait
davantage de difficultés de compréhension des phrases ou des règles. J’ai
cependant remarqué être nettement moins intervenue pour aider les élèves
au niveau du contenu d’apprentissage durant le jeu de carte que pour le
cahier d’exercices. J’ai d’ailleurs eu l’impresssion que certains élèves
entraient dans un processus d’évitement de la tâche face aux exercices du
cahier Ile aux mots : « Mais Sarah je n’arrive pas, je comprends pas ! » me
disait-il, alors que je venais de reprendre l’exercice avec l’élève en lui
donnant même un exemple.

31Jeu tiré du site internet suivant : https://www.teacherspayteachers.com/Product/Cartes-a-


taches-Attribut-du-sujet-2187356

150
3. 1. 2 Entretiens des élèves (cf. annexe 17)

Lors de l’entretien concernant la dernière activité, j’ai posé une septième et


dernière question aux élèves, davantage axée sur les supports dont les
données sont résumées dans les tableaux ci-dessous.

Le premier tableau montre le classement des ateliers et de la tâche de


production du plus au moins apprécié. Bien que l’enregistrement de l’élève
EL5. ait été égaré, son discours m’a permis de remplir une partie du
classement.

Jeux de Ile aux Création


Classements Elèves Ordinateur
cartes mots devinette
EL1. 2 (3) 1 (2) 3 (4) (1)
Classement du + au – EL2. 1 3 2 /
apprécié
EL3. 2 1 3 /

1à3/4 EL4. 1 2 3 /

EL5. 1 (2) 3 (4) 2 (3) (1)

Dans la mesure où nous traitons ici les supports, je ne prendrais pas en


compte la création de la devinette. Il me semblait toutefois important de
rendre visible le fait que cette tâche avait été particulièrement appréciée
(cf. infra première partie, 2.7). On remarque que l’ordinateur ne figure jamais
en dernière position alors que l’le aux mots est trois fois sur quatre le moins
apprécié. Le jeu de cartes est à deux reprises classé en premier (par EL1. et
EL3.) et EL2. et EL5. sont les seuls à ne pas avoir apprécié cet atelier. Le
discours de EL3. n’est pas très clair mais elle explique que le fait que son
camarade se soit en quelque sorte accaparé l’ordinateur lui a posé
problème.

151
Le tableau suivant donne à voir un classement des apprentissages permis par
les ateliers et la tâche de production : de l’atelier avec lequel les élèves ont
le plus appris à celui où ils ont le moins appris.

Jeux de Ile aux Création


Classements Elèves Ordinateur
cartes mots devinette

Classement EL1. 1 1 1 1
apprentissages EL2. 1 3 2 /
du + au –
EL3. 3 2 1 /
d’apprentissages
EL4. 2 1 3 /
1à 3 / 4 EL5. / / / 1

EL1. n’arrive pas à classer les ateliers de ce point de vue. Si l’on observe le cas
des autres élèves on remarque que chaque atelier a été classé premier une
fois. EL2. n’établit de différence entre l'appréciation et l’apprentissage qui
découlait des ateliers, l’ordinateur restant donc en tête du classement. Pour
EL3. il semble certain que malgré le fait qu’elle ne l’ait pas apprécié, l’Ile aux
mots soit le support qui lui ait permis de plus s’entraîner, l’ordinateur arrivant à
la fin du classement. Enfin, EL4. considère que c’est grâce au jeu de cartes
qu’il a le plus appris et place le cahier Ile aux mots en bas du classement.

3.7 Analyse des supports utilisés

Le fait que j’ai trouvé les élèves investis durant les ateliers et qu’ils aient
d’ailleurs exprimé qu’ils avaient particulièrement apprécié ce travail, pourrait
montrer que les ateliers étaient suffisamment intéressants pour permettre aux
élèves d’être concentrés dans la tâche et pas sur autre chose.

La remarque de l’élève concernant le cahier d’exercices Ile aux mots,


montre un certain apriori de l’élève : les exercices écrits “plairaient”
forcément moins que les jeux de cartes ou l’ordinateur. Le jeu de cartes
semblait impliquer une certaine compétition ainsi qu’un défi pour les élèves.
Dès lors, ils semblaient motivés comme cela aurait pu être le cas pour un jeu
lambda.

L’ordinateur demandait davantage d’aide de l’enseignant : même si on


pourrait penser que les enfants de cette génération sont habitués, les actions
sollicités par l’ordinateur ne sont pas forcément “naturelles” (cf. le glissé de la

152
souris). De plus, l’utilisation du support ordinateur impliquait de faire travailler
les élèves à plusieurs, car je n’en avais pas assez. Ceci a parfois provoqué
quelques conflits davantage liés à la modalité sociale qu’au support lui
même. Ces aspects, n’ont cependant pas impacté l’enthousiasme des
élèves pour ce support, sauf pour El3., pour qui la “cohabitation” avec l’autre
camarade semble avoir fait descendre la “cote” de l’ordinateur au plus bas,
tant au niveau de son appréciation que des difficultés qu’il impliquait (cf.
infra première partie, 3.1.4).

Étonnement EL5. a eu le plus l'impression de faire de la grammaire avec le jeu


de cartes et non pas avec l’Ile aux mots comme on aurait pu imaginer. Il
semblerait que le fait que EL5. n’ait pas “réussi” l’atelier (« j’avais moins de
points que les autres ») et la mauvaise estime de lui-même qui en ressortait;
« je suis nul », ait influencé son appréciation de l’activité : « comme c’était
difficile et que je n’y suis pas arrivé, c’est que ça devait forcément être un
truc difficile comme la grammaire » s’est-il peut-être dit inconsciemment ou
non. On retrouve un phénomène similaire chez EL4. Pour lui, « le moins facile
c’était l’Ile aux mots » et l’activité des cartes était « simple ». C’est justement
l’atelier avec lequel il pense avoir le plus appris alors que l’Ile aux mots est en
troisième position. Cet élément fait écho aux théories de la motivation (cf.
infra première partie 3.1.2). En effet il semblerait que l’appréciation, le
sentiment de compétence, la difficulté ou facilité à réaliser une tâche, ainsi
que les apprentissages qu’elle permet soient des éléments interdépendants,
l’un pouvant influencer les autres.

Il est important de faire remarquer que contrairement à l’Ile aux mots,


l’ordinateur et les cartes ne permettent pas d’avoir de traces des
apprentissages des élèves, ce qui peut s’avérer problématique pour
l’enseignant et qui explique également la nécessité de driller encore la notion
à travers des fiches d’exercice “papier”.

La variable de la modalité sociale de travail vient également biaiser le fait


que les élèves avaient davantage besoin d’une aide relative à la notion en
elle-même, plus souvent lors des exercices du cahier que pour le jeu de
cartes ou l’ordinateur. On peut faire l’hypothèse que cela était peut-être
influencé par le fait que les exercices se réalisaient individuellement pour le
cahier alors que les autres ateliers étaient en groupe : les membres du
groupes ont peut-être aidé les élèves dans leur compréhension.

Durant mes observations, je me suis rendu compte qu’un autre support que je
n’avais pas pris en considération apparaissait : le tableau noir. Ecrire au

153
tableau est également souvent source de motivation. Cet aspect a été
particulièrement visible lors de la phase de rappel de la dernière séance et
l’est tout autant dans le quotidien des classes. Lorsque l’on demande aux
élèves de venir faire quelque chose au tableau (écrire, entourer, souligner …)
la plupart des élèves sont enthousiastes, même si pour les élèves plus timides
cela est moins évident.

3.3 Conclusion en lien avec la question de recherche

A travers la mise en place de ces différents ateliers, je souhaitais savoir : quel


support, entre l’exercice écrit, le jeu de cartes et les exercices sur ordinateur
motivait le plus les élèves ?

Tout d’abord, j’avais émis l’hypothèse que l’utilisation du projecteur pouvait


davantage attirer l’attention des élèves. Néanmoins, d’après le discours des
élèves, la projection de la devinette n’a pas davantage motivé les élèves,
dans la majorité des cas, sauf pour EL5. Pourtant, si l’on se fie à mes
observations les élèves avaient l’air d’être intéressés durant cette tâche. Le
résultat reste donc mitigé et ne permet pas d’affirmer ma première
hypothèse.

Le tableau ci-après reprend les résultats obtenus et les compare à mes


hypothèses de départ.

Jeux de Ile aux Création


Classements Elèves Ordinateur
cartes mots devinette
EL1. 2 (3) 1 (2) 3 (4) (1)
Classement du + au – EL2. 1 3 2 /
apprécié
EL3. 2 1 3 /

1à3/4 EL4. 1 2 3 /

EL5. 1 (2) 3 (4) 2 (3) (1)

Hypothèses 1 2 3

Bien que sur les cinq élèves, l’ordinateur soit le plus apprécié pour trois d’entre
eux, ce résultat n’est pas si tranché que ce à quoi je m’attendais. Je pensais
que tous les élèves auraient préféré l’ordinateur mais il s’avère que le jeu de
cartes a lui aussi attiré l’attention des élèves, bien que cette impression reste

154
mitigée. L’appréciation de l’Ile aux mots permet d’affirmer mon postulat dans
la mesure où il arrive en dernière position pour trois élèves sur cinq.

Il est important de préciser que ces résultats sont à prendre avec prudence
dans le sens où la modalité sociale de travail a peut-être biaisé l’intérêt des
élèves pour certains supports. Certains d’entre eux “trainent” finalement des
questions de modalités socialesde travail. En effet, on remarque que ce sont
les ateliers en groupe qui ont remporté le plus de succès face à l’activité
individuelle. Il aurait donc été intéressant d’approfondir cet aspect et de
questionner les élèves en leur demandant si le fait d’être en groupe les a
motivés ou non. De plus, je me suis aperçue que les réponses des élèves
manquaient parfois de précision, de par les questions peut-être trop floues. Il
aurait été peut-être davantage pertinent de demander aux élèves de
réellement classer, par écrit les différents ateliers et de laisser un espace pour
qu’ils en donnent les raisons. Je pense que les résultats en auraient été
d’autant plus riches et exploitables.

155
Conclusion

A travers ce travail, je désirais trouver quelques pistes afin de répondre à mon


besoin, en tant qu’enseignante, de motiver les élèves dans leurs
apprentissages en grammaire. Je considère effectivement que la motivation
est le premier chemin vers l’apprentissage. Les théories de la motivation ainsi
que les démarches inductives confirment d’ailleurs ce point de vue. A partir
de l’expérimentation de la séquence que j’ai pu réaliser sur le terrain, j’ai
aujourd’hui quelques réponses à mes interrogations. Cette conclusion me
permet de faire le point sur les représentations des enseignants et l’influence
des types de tâches et des supports sur les élèves quant à leur motivation. En
prenant en considération ces éléments conclusifs, je pourrai mettre en
évidence quelques principes généraux, en réponse à ma problématique
mais également présenter les limites, les modifications ainsi que les
prolongements envisageables.

1. Les impacts des types de tâches et des supports sur la


motivation des élèves

On remarque que l’appréciation de certaines tâches ne varie pas en


fonction du niveau des élèves. En effet, l’analyse des résultats menée, montre
une large préférence pour les activités de discrimination, quelque soit le
niveau de difficultés des élèves. Durant cette étape, l’élève devait remobiliser
ses découvertes à travers différents ateliers, pour lesquels les supports
variaient. Il s’agissait d’un entraînement, du même type que l’on pourrait
retrouver dans les démarches traditionnelles, après avoir vu la “leçon”. Mais
la différence réside dans la diversité des supports d’exercices proposée aux
élèves. L’intérêt des élèves, observé durant l’activité 3, montre donc une
certaine influence du support utilisé. Les élèves l’ont d’ailleurs souvent
verbalisé, qu’ils soient jugés en difficulté ou non. Le fait de pouvoir passer
d’un atelier à un autre rendait les élèves assez autonomes puisque chacun
avait un “chemin” prévu à suivre. Cela faisait également office de petite
transition en marquant par le déplacement le changement d’exercices, ou
plutôt de supports. Les exercices visaient tous une compétence de
remobilisation des connaissances qui devait permettre aux élèves de
reconnaître l’attribut du sujet et de le distinguer des autres groupes, en
identifiant pour certains exercices sa classe grammaticale nature et le verbe
de type être associé.

156
L’activité de manipulation, qui s’apparentait pourtant à une démarche de
type actif n’a pas remporté beaucoup de succès en comparaison avec les
autres tâches. J’avais pourtant pris le soin de permettre aux élèves d’être
vraiment actifs et de pouvoir manipuler avec leurs propres mains les phrases.
Néanmoins, il semblerait que l’aspect “découverte” ait rendu la tâche
dénuée de sens et trop complexe pour les élèves. Ils semblaient déboussolés,
et ne pouvaient malheureusement pas vraiment s’appuyer sur leurs
connaissances du complément de verbe qui étaient trop floues ou peut-être
remises en question face à la découverte de cet “autre” groupe. Les élèves
n’étaient vraisemblablement pas habitués à ce type de “leçon” où
l’enseignant n’intervient pas. Malgré un certain intérêt résultant
probablement de leur curiosité face à ce nouveau procédé, ils n’étaient
visiblement pas à l’aise. Cela donne l’impression qu’ils avaient absolument
besoin de l’approbation de l’enseignant, qu’on leur dise si c’était “juste” ou
“faux”. Ces observations laissent penser que les démarches de type actif
impliquent un certain temps d’adaptation pour que les élèves trouvent le
sens des activités. Cela montre également à quel point les démarches plus
traditionnelles sont ancrées dans la vision du travail grammatical chez les
élèves. Par conséquent, lorsque l’on souhaite introduire des tâches de ce
type, il serait judicieux de s’y prendre à plusieurs reprises, afin que les élèves
s’habituent progressivement et soient alors plus à l’aise.

De plus, les deux élèves ayant réalisé et commencé la tâche de production


ont montré un intérêt que j’aurais pu prendre en considération, si les autres
élèves l’avaient également réalisé et avaient montré le même goût. Je ne
peux cependant pas généraliser ce “résultat”. Avec le recul et contrairement
à l’hypothèse que j’avais émise, je pense que cette tâche aurait pu motiver
les élèves (qu’importe leur niveau), presque autant que la tâche de
discrimination. En effet, cette tâche demande à l’élève de créer une
devinette, et donc des attributs du sujet, mais à propos de la personne qu’il
souhaite, ce qui peut la rendre amusante et de ce fait plus intéressante. Les
élèves en difficulté rencontreront peut-être quelques difficultés, mais comme
j’ai pu le remarquer, cela ne les empêche pas forcément de prendre du
plaisir dans la réalisation de la tâche.

Concernant les supports, j’arrive ici aussi au même constat quant à


l’uniformité de la motivation des élèves : l’exercice “papier-crayon” est jugé
beaucoup moins motivant que l’ordinateur pour les élèves, quelque soit leur
niveau scolaire. Ce résultat apparaît comme une “évidence” pour les élèves
qui ont montré un engouement certain pour l’ordinateur, comme si cet écran
“magique” pouvait toujours attirer leur attention.

157
Deux aspects varient cependant selon le niveau des élèves. Malgré un intérêt
général pour la tâche de discrimination, il a été surprenant d’observer de la
part des élèves en difficulté – contrairement aux élèves plus à l’aise – une
certaine motivation pour les tâches de manipulation qui leur permettait de
découvrir la notion en modifiant “réellement” les phrases. Cette tâche
requérant pourtant une certaine réflexion, a séduit les élèves en difficulté :
pouvoir essayer, en groupe, sans qu’il y ait véritablement d’erreur possible,
puisqu’il s’agissait d’une phase de découverte, est peut-être responsable de
cet effet. J’ai réalisé que même s’ils avaient considéré cette tâche difficile,
cela n’avait pas tant influencé leur motivation à la réaliser, comme si le fait
de pouvoir créer, “jouer” avec les mots pouvait compenser les difficultés
d’une tâche.

Néanmoins et paradoxalement, cela ne semble pas fonctionner de la même


manière pour les supports utilisés. EL5. avait clairement expliqué que le fait
qu’il n’avait pas réussi le jeu de cartes (il n’avait pas récolté autant de points
que ses camarades) l’avait démotivé durant l’exercice. Ainsi, l’aspect
“challenging” voulu par ce jeu ne convient pas forcément aux élèves avec
davantage de difficultés, peut-être parce qu’il met justement en avant leurs
difficultés en comparant leurs compétences aux autres élèves, provoquant
alors une certaine frustration et un désintérêt. La variable de la modalité
sociale entre ici en jeu et le soutien des camarades semble très important
pour les élèves plus en difficulté.

Le deuxième élément concerne le support : on remarque que le jeu de


cartes est (de manière générale) moins apprécié par les élèves plus en
difficulté que par les élèves plus à l’aise (sauf pour un élève.) Les élèves ayant
un bon niveau étaient peut-être davantage motivés par le côté défi du jeu
que les élèves en difficultés, que cet aspect, nous l’avons vu, pouvait
davantage déstabiliser.

Finalement, j’arrive à la conclusion que, sauf pour la tâche de manipulation


et le support jeu de cartes, le niveau des élèves n’a pas eu de réelle
influence sur leur motivation quant aux tâches ou aux supports présentés.

Le tableau suivant permet d’aller un peu plus loin quant au lien entre
motivation et apprentissages. Malgré ce que l’on pourrait penser, ce n’est
pas l’activité avec laquelle ils ont eu l’impression d’apprendre le plus qui les a
forcément plus motivés.

158
Représente le plus
La plus intéressant d’après
Elèves d’apprentissages d’après les
les élèves
élèves

EL1. Activité 3 Activité 1

EL2. Activité 3 Activité 1

EL3. Activité 3 Activité 2

EL4. Activité 3 Activité 3

EL5. Activité 1 Activité 3

2. Les enseignants et la grammaire déductive

Un mélange de diverses démarches ressort de l’analyse du discours des


enseignants interrogés. Bien qu’ils utilisent peu ou pas de supports différents
que le traditionnel “papier-crayon” ou le tableau noir, les enseignants
souhaitent rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages. Pour cela, ils
passent par une découverte de la notion à travers une étude des phrases qui
reste très proche de Mon manuel de français (2010) ou qui suit le manuel Ile
aux mots (2010). On pourrait considérer cette manière de procéder assez
traditionnelle (commencer par la “leçon” puis donner des exercices
d’entraînement aux élèves), mais les enseignants interrogés ajoutent
quelques éléments pour permettre aux élèves de percevoir davantage le
sens des tâches : utilisation d’un corpus proche de la réalité des élèves (E3.),
partir des difficultés des élèves plutôt que de la “théorie” (E1.), ou attribuer
des rôles grammaticaux aux élèves (E2.).

D’après eux, il n’y a pas vraiment de problème de motivation en grammaire


et l’utilisation d’autres supports ne permettrait pas forcément de rendre la
grammaire plus intéressante. Bien que, nous l’avons vu, les élèves ne sont pas
“fan” du mode “papier-crayon”, pour les enseignants interrogés, le manuel
reste le support le plus utilisé. Cela ne semble néanmoins pas être pour les
enseignants le signe d’un enseignement rébarbatif de la grammaire.

Le schéma classique leçon puis exercice demeure le plus utilisé par les
enseignants. EL2. met tout de même en avant le fait qu’il y a plusieurs
manières d’amener la théorie. Nous pourrions alors penser que ma séquence
d’enseignement met en avant une façon d’amener la théorie à la manière

159
des DADD, qui est ensuite exercée à travers des ateliers aux supports
différents contrairement à l’approche traditionnelle. Certains des enseignants
utilisent finalement eux-aussi une démarche de découverte lorsqu’ils font
observer les phrases aux élèves. C’est davantage la partie remobilisation des
connaissances qui se rapproche de l’enseignement traditionnel de l’époque.
Après toutes les remises en questions et les changements dans les démarches
d’enseignement, pour quelles raisons les enseignants conservent-ils toujours
une phase d’exercisation “pure et dure”, de type papier-crayon ? Cette
question serait intéressante à approfondir.

3. Quelques principes généraux


.

Le discours des enseignants ainsi que la réalisation de ma séquence


d’enseignement montrent les difficultés relatives à la mise en oeuvre de la
DADD et pose une question centrale : comment concilier des ingénieries
didactiques avec la réalité de la classe et du terrain ? En effet, je me suis vite
rendue compte qu’il était complexe de rester dans une démarche de
découverte uniquement.

3. 1 L’utilisation d’un processus inductif par moments ….

La confusion des élèves durant la première tâche de manipulation, qui était


selon moi un des moments les plus inductifs de la séquence vient justement
illustrer la difficulté présentée ci-dessus. Etre trop ancré dans une optique de
découverte peut parfois déstabiliser les élèves et les empêcher d’entrer
complètement dans la tâche. Le cadre et la discipline de la classe est
également un facteur important à prendre en compte lors de la réalisation
de ce type de tâche. Si les élèves ont déjà des difficultés à respecter les
règles durant les leçons classiques (écouter ses camarades, chuchoter, lever
la main, etc.), les moments de découverte peuvent être considérés comme
un moment de jeu sans importance. Bien que je souhaitais effectivement
“faire de la grammaire sans s’en apercevoir”, le groupe classe était parfois
trop dissipé pour que cela les motive vraiment à travailler, et ils profitaient
plutôt du travail de groupe ou des comptes rendus pour bavarder. De plus, je
me suis questionée sur le sens de cette tâche pour les élèves : certes les
phrases utilisaient leurs prénoms ce qui pouvait capter leur attention, mais au
delà de cela, quel pouvait être l’intérêt immédiat pour les élèves de
comprendre comment se comportait ce groupe “mystère” et ses
caractéristiques ? A l’inverse, la tâche de discrimination qui relevait aussi d’un

160
processus inductif a davantage capté l’attention des élèves : l’utilisation du
projecteur et du genre de texte de la devinette semblent en être les raisons.
Contrairement à la première tâche, les élèves étaient motivés par le fait de
résoudre la devinette, le problème posé allait donc au delà de “on aimerait
savoir ce qu’est ce groupe dans la phrase”.

3. 2 … et le recours à une démarche plus traditionnelle à d’autres


moments.

Les phases d’institutionnalisation et notamment celles durant laquelle les


élèves devaient comparer leurs règles à celles du mémento auraient un côté
traditionnel. Bien que durant ce moment, l’attention des élèves ait diminué, il
s’agit d’une phase qui me semble indispensable. En effet, je pense que les
élèves ont tout de même besoin d’un moment où l’on “pose la théorie” et
qu’il ne s’agit alors plus d’hypothèses. J’ai remarqué que créer une règle qui
s’appuie sur des hypothèses peut être très déstabilisant pour les élèves. Le
moment de théorie, certes un peu plus lassant, permet ainsi de les rassurer
quant aux caractéristiques de la notion et ils peuvent y voir plus clair.

Le support utilisé durant le moment de bilan individuel se rapproche


également d’une démarche plus traditionnelle bien que la tâche demandée
relève d’une métacognition que l’on ne prenait pas forcément en compte à
l’époque. Pour certains élèves, écrire ce qu’ils avaient appris paraissait
insurmontable. Finalement, cette tâche est assez similaire à une restitution
directe des savoirs, à la manière d’une récitation. Le contexte était
cependant différent dans la mesure où il n’y avait d’autre enjeu que de faire
point sur ce qu’ils avaient compris (pas de préparation, pas de note et de
pression de l’enseignant).

La tâche de discrimination pourrait aussi être considérée comme étant


traditionnelle dans le sens où l’on pourrait la rapprocher des phases
d’exercisation de l’époque. Il s’agit pourtant de la tâche qui a le plus motivé
les élèves. La différence avec les démarches traditionnelles réside dans
l’habillage, à travers les supports utilisés. Ainsi, sans avoir pour autant respecté
ce que préconisait la DADD, en utilisant des exercices de remobilisation
standards, les élèves étaient totalement investis dans leur tâche avec le jeu
de carte et l’ordinateur.

161
3. 3 Quels principes retirer de ces conclusions ?

Finalement, on remarque que les moments ludiques, tout comme les plus
traditionnels, ont généré autant de désintérêt à certains moments, que de
motivation à d’autres moments, chez les élèves. Dans le fond, l’une comme
l’autre des démarches peut être utilisée pour capter l’attention des élèves,
mais c’est surtout la forme qui doit être réfléchie. Je pense aujourd’hui qu’il
s’agit surtout de savoir utiliser l’une ou l’autre afin de créer une synthèse
cohérente sans forcément se contraindre à choisir entre les deux. Dans cette
optique et en m’appuyant sur le travail réalisé, j’ai dégagé quelques
principes qui permettraient d’intéresser l’élève, que j’ai identifié à la manière
de Tisset (2010, cf. infra première partie, 1.3.3)

S comme Sémantique

Avec le recul, je pense qu’il serait nettement plus judicieux de commencer la


découverte d’une notion par l’aspect sémantique et non pas par l’aspect
linguistique. En effet, confronter immédiatement les élèves à des phrases
décontextualisées à observer me semble trop frontal. Nous pourrions débuter
par la lecture d’un genre de texte permettant de mettre en évidence la
notion, comme cela est d’ailleurs préconisé par les directives actuelles (cf.
infra première partie, 13.2). Ceci donnerait peut-être moins l’impression de
faire de la grammaire. Bien entendu la présentation de la tâche et le choix
du texte sont à soigner : la devinette était particulièrement ludique par
exemple. Et c’est justement là que l’interdépendance entre l’axe du
fonctionnement de la langue et celui de la compréhension/production
prend tout son sens. J’ai d’ailleurs voulu retenter l’expérience avec mes
élèves de 5PH pour l’étude de l’adjectif, à nouveau à travers une devinette .
Les élèves ont remarqué que sans adjectif, il était plus difficile de deviner de
quel animal il s’agissait et ont alors saisi l’utilisation et le sens de la notion dans
leur langage courant. Sans l’adjectif, leur discours, manquerait cruellement
de précision ! Durant cette tâche, j’avais en face de moi des élèves
réellement intéressés. Dans ce sens, je fais l’hypothèse que les élèves sont plus
motivés à découvrir les caractéristiques de la notion, une fois qu’ils savent à
quoi celle-ci leur sert dans leur vie courante.

162
M comme Manipulation

Il me paraît également important de permettre aux élèves de manipuler


réellement les phrases, que les transformations soient réalisées par leurs
propres mains. Je pense que ce moment de découverte est particulièrement
nécessaire pour les élèves en difficulté car le rapport à l’erreur se trouve
sensiblement transformé. Il ne s’agit plus de faire juste ou faux mais
davantage d’essayer de tester et d’échanger avec ses camarades. Le fait
de réaliser ces manipulations en groupe me semble également fortement
judicieux. De plus, les élèves plus à l’aise devraient davantage s’impliquer
dans la tâche si l’on applique le premier principe en amont.

C comme Cadre

Bien que la démarche de découverte et la formulation d’hypothèses puissent


beaucoup apporter en termes de motivation, il est important de ne pas
oublier de conserver un certain cadre durant les activités pour éviter que le
côté ludique ne l’emporte trop (cf. DADD, infra première partie, 1.3.3). Le
risque, j’ai pu le voir, est de perdre l’attention et la concentration des élèves.
Durant les activités en groupe par exemple, j’ai remarqué que le fait de
donner des “missions” précises aux élèves leur permettait d’être plus investis
dans leur tâche. Ainsi, en plus de la nécessité de donner des consignes
claires, chaque élève du groupe devrait savoir ce que l’enseignant attend
de lui ou elle.

A comme Adaptation

Dans la même idée que le troisième principe, il faut veiller à ne pas


“s’enfermer” dans une démarche de découverte en voulant tout faire
“deviner” aux élèves. En effet, il est important de s’assurer que les élèves
bénéficient de bases suffisamment solides auparavant. Si ce n’est pas le cas,
il ne faut pas hésiter à les guider davantage s’il ne s’agit pas de la notion à
proprement parler. Le maître-mot me semble donc être l’adaptation. Je
considère que l’on peut adopter un processus déductif tout en guidant les
élèves sur les notions qui entourent celle que l’on souhaite faire découvrir. Il
ne s’agit donc pas d’appliquer ce type de démarche “à tout va”, il faut bien
la réfléchir et savoir l’adapter selon les besoins des élèves. Le danger est de
perdre complètement leur attention, s’ils ne peuvent finalement pas
s’appuyer sur des éléments concrets, qu’ils connaissent.

163
S comme Support

J’estime que l’attention portée à l’habillage des tâches et notamment le


support choisi est un élément essentiel pour motiver les élèves. Je pense que
cela ne signifie pas pour autant de laisser tomber le support papier-crayon
car il reste le seul qui nous permette réellement de recueillir des informations
sur l’apprentissage des élèves. Cependant, en proposant une certaine
diversité de support et en évitant d’utiliser toujours celui du papier durant les
tâches de discrimination, on peut créer un réel engouement des élèves pour
la grammaire. L’ordinateur est un des supports les plus appréciés, mais il reste
difficile à utiliser régulièrement si on en possède peu en classe. La grammaire
par le jeu, que ce soit un jeu de carte ou un plateau de jeu est un support qui
mérite d’être exploité davantage en classe : les élèves “jouent” avec leurs
pairs (ce qui implique des justifications de leur part). Il semble alors que
l’objectif du jeu (gagner la partie) leur fasse rapidement oublier qu’ils font des
exercices de grammaire, pourtant considérés si rébarbatifs à la base ! De
plus, ces jeux ne sont pas complexes à réaliser pour l’enseignant et Internet
regorge de ressources prêtes à l’emploi, qu’il suffira de découper.
Finalement, lorsqu’on compare, les moyens COROME de mathématiques
contiennent de nombreux jeux, pourquoi donc cela ne serait-il pas possible
pour la grammaire et le français en général ? Il est vrai qu’aucun jeu n’est
proposé aux enseignants pour cette discipline alors qu’il y aurait de
nombreuses possibilités. Il serait intéressant de pouvoir créer un recueil de
ressources ludiques pour le français et accessibles par les enseignants pour
que ceux-ci utilisent davantage ces supports. Peut-être qu’avec leur
généralisation, nous pourrions transformer l’image de la grammaire …

P comme posture de l’enseignant

Le dernier principe concerne les conceptions de l’enseignant lui-même. Je


pense qu’il est important d’avoir conscience que satisfaire l’intérêt de tous les
élèves est difficile voire parfois illusoire. En effet, il faut faire des choix et savoir
si l’on souhaite motiver davantage ceux qui ont plus de difficultés à ce
moment-ci au risque peut-être de perdre l’attention des autres, que l’on
pourra capter à nouveau durant une autre tâche. De plus, les élèves
réagissent différement aux tâches qu’on leur propose et ce n’est pas toujours
lié à leur profil d’élève. Ceci implique que nous ne pouvons pas toujours tout
anticiper à ce niveau (comme à bien d’autres niveaux dans
l’enseignement !). Je pense que la clé réside aussi dans notre propre attitude.
Si nous ne sommes pas à l’aise durant la tâche les élèves le sentiront et leur
intérêt n’en sera que moindre alors que si nos attentes sont claires, que nous

164
montrons notre propre engagement, nous arriverons peut-être plus à les
engager à leur tour. Ainsi, il ne s’agit pas d’obtenir constamment l’attention
des élèves et leur motivation mais plutôt d’insuffler un certain intérêt à un
moment T pour que l’élève s’investisse dans la tâche.

P comme progression

D’une manière générale, j’ai remarqué que les élèves avaient de la peine à
remobiliser l’attribut du sujet sur du long terme. Cela m’a alors fait réaliser que
la maîtrise d’une notion ne se résume pas à sa découverte et son
exercisation, mais qu’il est primordial de continuer de la travailler avec les
élèves tout au long de l’année. Face à cette remarque, les planifications
m’ont rapidement ramenée à la réalité, car les savoirs à enseigner
s’enchaînent et il faut les avoir tous traités d’ici la fin de l’année. Mais quel est
l’intérêt de “voir” des notions sans que les élèves ne les maîtrisent réellement
et complètement au regard des objectifs que l’on souhaite atteindre ? Et
c’est là toute la problématique de l’apprentissage spiralaire. Bien que j’ai pu
mettre en avant certains outils pour rendre le travail grammatical plus
attractif, une question persiste : comment réaliser un enseignement continué
de la grammaire et non pas linéaire et isolé au cours d’une année scolaire ?
Même si l’idée d’une progression spiralaire est souvent mise en avant par les
auteurs, celle-ci est ancrée dans la perspective du passage d’une année à
une autre, d’un cycle à un autre. Il me semble pourtant primordial de
reprendre ce type de progression au sein de la même année. Entre le début
d’une année scolaire et sa fin, les élèves sont embarqués dans
l’apprentissage d’un grand nombre de notions grammaticales dont ils
n’arrivent parfois pas à se souvenir et qu’ils ne parviennent pas à remobiliser.
Ainsi, nous pourrions mettre en place une progression spiralaire à l’année en
s’appuyant par exemple sur la conception de Chartrand (2015, p. 86), mais
en l’adaptant au fil de l’année scolaire :
Pour en favoriser l’apprentissage, l’objet pourra être étudié non
seulement en adoptant d’autres démarches d’enseignement mais
surtout en changeant de perspective d’analyse : d’une première
approche sémantique, à l‘occasion de pratiques de lecture et de
productions orales ou écites avec les plus jeunes, on passera à une
perspective morphologique et syntaxique puis énonciative, textuelle ou
discursive.

En effet, nous pourrions reprendre la progression proposée ci-dessus en


adaptant toutefois l’étude structurale à l’âge des élèves et aux objectifs à
atteindre. Nous pourrions imaginer la création d’un plan de travail “évolutif”

165
que les élèves pourraient réaliser une fois la notion découverte du point de
vue sémantique et qui la travaillerait sous d’autres angles. Cela permettrait
aux élèves d’être confronté à d’autres types de tâches, en utilisant des
supports différents, tout au long de l’année. Créer des moments réguliers de
remobilisation collective des savoirs, durant les transitions par exemple,
pourrait venir soutenir cette progression.

Cependant, un problème se pose à nouveau : dans la mesure où les objectifs


du PER concernent uniquement les fins de cycles (5PH-6PH, 7PH-8PH),
comment savoir, avec précision, ce que les élèves doivent connaître à la fin
de la 5PH ou de la 7PH ? Bien qu’il existe des “précisions cantonales” à ce
sujet, ces documents restent tout de même très vagues et nous renseignent
peu sur le degré de maîtrise à atteindre de la part des élèves vis-à-vis des
notions grammaticales. Cette sensation d’avancer “à l’aveugle” est souvent
l’objet de discussions avec mes collègues enseignants. Pour les enseignants
plus expérimentés, cette problématique s’est effacée car ils ont
progressivement su définir eux-mêmes les objectifs intermédiaires des cycles.
Néanmoins, pour les enseignants débutants, dont je fais partie, cela demeure
complexe. A l’échelle d’une progression par cycle, Chartrand (2015, p. 83)
avance elle aussi cette necessité de : « détailler les objets à enseigner (…) les
pratiques langagières à étudier et à développer, ainsi que les compétences
impliquées dans l’appropriation de ces pratiques communicationnelles ».

Adopter une progression spiralaire à l’année pourrait également participer à


éviter « le rabâchage, qui démotive les élèves, comme les enseignants » dont
fait état Chartrand (2015, p. 83). Dans la mesure où les contenus ne sont pas
sufffisament travaillés pour être assez maîtrisés, cela demande de reprendre
« à l’identique » ces notions les années suivantes. Je fais l’hypothèse que si
l’on travaille plus régulièrement les notions, il faudra certes faire quelques
rappels l’année suivante, mais les notions devraient être plus stabilisées. Les
élèves n’auront alors plus le sentiment de faire du sur-place. Ils pourront alors
réellement avancer dans leur apprentissage de la grammaire, en s’appuyant
sur des bases plus solides, ce qui devrait également davantage les motiver.

166
BIBLIOGRAPHIE

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170
ANNEXES

Annexe 1 : canevas des entretiens avec les enseignants

Questions générales

• Quel est votre rapport à la grammaire ? Est-il plutôt positif ou négatif ?


Pour quelles raisons ?

• Quelle importance accordez-vous à l’enseignement de la grammaire à


l’école primaire, plus particulièrement au cycle moyen ?

• Que pensez-vous de l’enseignement actuel de la grammaire (avec les


moyens d’enseignement préconisés) ?

• Que pensez-vous de l’apprentissage de la grammaire par le biais du jeu ?

Questions sur la pratique enseignante

• Comment préparez-vous une leçon de grammaire ?

• Comment évaluez-vous l’enseignement de la grammaire vis-à-vis des


autres disciplines ? Est-ce plus ou moins « facile » ?

• Sur une échelle de 1 à 10, à quel stade se positionnerait votre niveau de


motivation lors de l’enseignement de la grammaire ?

• Quels types de supports utilisez-vous le plus et le moins souvent lorsque


vous enseignez la grammaire ?

Questions sur l’objet thématique : l’attribut du sujet

• Avez-vous déjà enseigné cet objet ? Comment avez-vous fait pour


enseigner l’attribut du sujet dans une classe de 7PH ? (supports, modalités
sociales, etc.) Pour quelles raisons ? Sinon comment feriez-vous ?

• A quoi feriez vous / avez-vous fait particulièrement attention pour


enseigner cette notion ?

171
Annexe 2 : canevas des entretiens avec les élèves

• Qu’as tu pensé de l’activité que tu viens de réaliser ? Etait-elle intéressante


ou au contraire ennuyante ?

• Cette activité était-elle facile, moyennement facile ou très difficile ?


Pourquoi ?

• Comment t’es-tu senti(e) durant cette activité ? A l’aise, assez à l’aise, pas
du tout a l’aise.

• As-tu eu l’impression de faire de la grammaire ?

• As-tu appris quelque chose ? Si oui, qu’as tu appris ? Que peux-tu me dire
sur l’attribut du sujet ?

• Cette activité t’a t-elle donné envie d’en apprendre un peu plus sur
l’attribut du sujet ?

• Question finale, après la réalisation des trois activités :


• Classe les trois activité par ordre de préférence, de celle que tu as le plus
apprécié et grâce à laquelle tu as l’impression d’avoir le plus appris, à
celle que tu as le moins aimé.

172
Annexe 3 : précisions cantonales du PER

173
Annexe 4 : guide pédagogique de Ile aux mots page 74

174
Annexe 5 : livre de l’élève pages 139-140

175
176
Annexe 6 : cahier d’exercice Ile aux mots page 46

177
Annexe 7 : fiches d’exercices COROME

178
179
180
181
Annexe 8 : mémento COROME (p. 31-33)

182
183
184
Annexe 9 : affichages et fiche de suivi de tournus (activité 3 – ateliers)

ATELIERS
Ordinateur = 10 min Jeux de cartes = 10 – 15 min

Ordinateur Jeu de carte 1 Jeu de carte 2


Prénoms d’élèves (1)
Prénoms
Prénoms d’élèves
d’élèves
Prénoms d’élèves (2)

Prénoms d’élèves (1)


Prénoms
Prénoms d’élèves
d’élèves
Prénoms d’élèves (2)

Prénoms d’élèves (1)


Prénoms
Prénoms d’élèves
d’élèves
Prénoms d’élèves (2)

Prénoms d’élèves (1)

Prénoms
Prénoms d’élèves (2) Prénoms d’élèves
d’élèves
Prénoms d’élèves (1)

Groupe 1 : Prénoms d’élèves


Groupe 2 : Prénoms d’élèves
Groupe 3 : Prénoms d’élèves
Groupe 4 : Prénoms d’élèves

185
Ordinateur 1 Ordinateur 2
Prénoms de deux élèves Prénoms de deux élèves

Prénoms de deux élèves Prénoms de deux élèves

Prénoms de deux élèves Prénoms de deux élèves

Prénoms de deux élèves Prénoms de deux élèves

Prénoms de deux élèves

Jeu de carte 1 Jeu de carte 2


Groupe 1 Groupe 2
Prénoms d’élèves Prénoms d’élèves

Groupe 2 Groupe 3
Prénoms d’élèves Prénoms d’élèves

Groupe 3 Groupe 4
Prénoms d’élèves Prénoms d’élèves

Groupe 4 Groupe 1
Prénoms d’élèves Prénoms d’élèves

186
Fiche de suivi pour chaque élève

187
Annexe 10 : règles des jeux de cartes (activité 3 – ateliers)

188
Annexe 11 à 17 : retranscriptions des entretiens avec les enseignants et les
élèves.

Note : les annexes 11 à 17 ont été enlevées dans la version électronique publique pour des
raisons de confidentialité.

189
Annexe 18 : tableau réccapitulatif des données recueillies durant les
entretiens avec les élèves

Critère Elève Activité 1 Activité 2 Activité 3


EL1. M I I
Intérêt
EL2. I I I
Intéressant = I EL3. I I I
Moyen = M EL4. I I I
Ennuyant = E
EL5. I / I
EL1. F F M
Difficulté
EL2. M M M
Facile = F EL3. D M M
Moyen = M EL4. D F M
Difficile = D
EL5. D / M
EL1. M M A
Sensation
EL2. A M M
A l’aise = A EL3. M A A
M=M EL4. M A M
Pas à l’aise = PA
EL5. M / M
Impression vis-à- EL1. O O M
vis de la EL2. M M M
grammaire
EL3. N N N
Oui = O / Non = N EL4. O O O
Moyen = M EL5. O / O
Apprentissages ? EL1. 0-1 2+ Révision
EL2. 1 2 0
Rien = 0
Un élément = 1 EL3. 2 2+ 1
2-3 éléments = 2
EL4. 0 2 2
Plus de 2
éléments = 2+ EL5. 0–1 / 1
EL1. O O O
Volonté d’en
savoir plus ? EL2. O O O
EL3. O O O
Oui = O / Non = N EL4. O O O
Moyen = M
EL5. M / O

190

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