Lettres

Collège
SEPT. 2023
N°682 / 11,25€

Nouvelle
Revue nrp-college.nathan.fr
Pédagogique
ISSN 1636-3574
La revue & sa banque de ressources

L’amitié en
toutes lettres
 NOUVEAU

Des livres en FALC*

pour les élèves relevant
des dispositifs ULIS
COLLECT ION Ado ou en difficulté de lecture.

CLÉMENTINE
BEAUVAIS
Les petites reines,
extrait.

COLLECT ION Théâtre

COLLECT ION Jeunesse

* FACILE À LIRE ET À COMPRENDRE :

méthode européenne qui a pour but
de traduire un langage classique
en un langage simplifié.

COLLECT ION Adulte

La littérature adaptée pour tous !

www.kilema-editions.fr
 Conformément aux dispositions sur le droit d'auteur (Code de la Propriété Intellectuelle),
la reproduction et la représentation de tout ou partie de ce numéro de la NRP notamment sur
les sites web contributifs, les blogs, sont strictement interdites et passibles de sanctions pénales et civiles.

N°682
Nouvelle Revue Pédagogique
Collège / SEPTEMBRE 2023

Édito
L’amitié, c’est « ce rapport sans dépendance […] où entre cependant toute la simplicité de
la vie », dit joliment Maurice Blanchot dans un texte écrit à l’occasion de la mort de son ami
Georges Bataille. Le dossier explore cette dualité spécifique des relations amicales à travers le
prisme de la philosophie. Dans la littérature, l’amitié est certes, en volume, un thème mineur
par rapport aux innombrables histoires d’amour, mais il occupe une place centrale dans
deux romans dont ce numéro propose une étude, Les Trois Mousquetaires et L’Ami retrouvé.
En 6e, la séquence élaborée à partir de deux albums magnifiques d’Anthony Browne peut
également servir de support pour les heures de soutien et d’approfondissement en français.
Les jeunes collégiens se reconnaîtront forcément dans la profondeur des liens que dessinent
et racontent ces histoires d’amitié.

Sommaire
Éditeur : Nathan, 92, avenue de France
75013 Paris ACTUALITÉ
Directrice de la publication : Michèle
Benbunan
Directrice déléguée : Delphine Dourlet
Brèves ........................................................................ 4
Directrice éditoriale : Catherine Gaschignard Livres ......................................................................... 6
Rédactrice en chef :
Claire Beilin-Bourgeois
Lire au CDI................................................................... 8
Édition : Claire Beilin-Bourgeois et Armand
Kadivar
Atelier d’écriture ........................................................... 9
Édition Web : Salomé Bernard
Fabrication : Isabelle Montel DOSSIER L’amitié au plus-que-parfait ............................ 10
Iconographie : Laure Penchenat
Marketing/Diffusion : Marion Baras
Impression : Imprimerie de Champagne, SÉQUENCES PÉDAGOGIQUES
ZI Les Franchises, 52200 Langres
Création de la couverture : Élise Launay
Création des pages intérieures : Élise Launay
Séquence 6e A
 nthony Browne, deux albums pour célébrer l’amitié ........... 16
et Clémentine Largant Séquence 4 e
 lexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires....................... 20
A
Mise en page : Pierre-Yves Skrzypczak
Publicité et partenariats : Comdhabitude Séquence 3e  red Uhlman, L’Ami retrouvé .................................... 28
F
publicité, directrice de la publicité : Clotilde
Poitevin, 7 rue Émile Lacoste 19 100 Brive
Tél. : 05 55 24 14 03 FICHES ÉLÈVES
Code article : 53672
N° d’édition : 10292768 Accompagnement personnalisé 6e 5e 4e 3e
Dépôt légal : SEPTEMBRE 2023
Écrire des phrases bien orthographiées.......................................... 34
Abonnement 1 an – 4 numéros papier + BREVET Une étoile de malheur : Joseph Joffo, Un sac de billes ................ 40
version numérique des 4 numéros : France
45 €, DOM/TOM : 57 € , Étranger : 61 € Latin 5e 4e La fondation de Rome............................................ 43
– 4 numéros papier + toutes les archives
numériques depuis 2012 : France 69 €, DOM/
TOM : 81 € , Etranger : 85 €
Abonnement 100% numérique 1 an à partir
de 25 € sur nathan.aboshop.fr
Téléphone Abonnement : 01 44 70 14 76
Abonnement pour la Suisse : EDIGROUP SA, Une nouvelle banque de ressources
abonne@edigroup.ch pour les profs de lettres
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Sprl, email : abobelgique@edigroup.org Codes Retrouvez les séquences et les articles
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Prix au n° : 11,25 € aux ressource nrp-college.nathan.fr
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de ressources nrp-college.nathan.fr

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     1

 NOUVEAU

2 CARNETS COLLÈGE
• Utilisables quels que soient les textes
étudiés
• Attractifs, entièrement consommables
et personnalisables
• Pour garder une trace écrite
• Pour stimuler la lecture et réussir
le Brevet

Rendez-vous sur nathan.fr/mes-carnets

2 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
 Vos rendez-vous de septembre
nrp-college.nathan.fr dans la banque de ressources NRP

Marvelous Productions/ Collection Christophe L

Parce ce qu'elles s'ancrent souvent dans l'enfance,
les histoires d'amitié touchent les lecteurs collégiens.

© Curiosa Films-IMAV-M6 Films

Nous avons sélectionné quatre séquences de la NRP
qui traitent de romans dans lesquels l’amitié, autant
qu’un thème, est un moteur de l’intrigue.

https://college.nathan.fr/
BIS / Coll. Archives Larbor-© Selznick International Vanguard Films Prod.

nrpc_sept23_p3_petitnicolas

Les copains du
Petit Nicolas
Dans les aventures scolaires du
Petit Nicolas, Alceste, Eudes, Rufus,
Geoffroy et même Agnan ne sont
jamais loin. Face au monde trop
sage des adultes, ils sont unis pour
imposer leurs rires et leur inépuisable
imagination.

https://college.nathan.
fr/nrpc_sept23_p3_oz

Le Magicien d’Oz, le film et le roman

Beaucoup connaissent le film réalisé en 1939 par Victor Flemming, mais les
aventures de Dorothée et de ses drôles d’amis ont d’abord été le sujet d’un roman
de Lyman Frank Baum écrit en 1900, bestseller de la littérature jeunesse.
BIS / BNF

https://college.nathan.fr/
Clémentine nrpc_sept23_p3_montecristo
Beauvais, Les
Petites Reines
À la bêtise et la brutalité de Edmond Dantès
petits harceleurs de cour et l’abbé Faria
de récréation, Clémentine Si l’abbé Faria n’occupe qu’une
petite partie des pages du Comte
© Adobe stock / Maksym

Beauvais oppose la
détermination, la solidarité
et l’humour de trois filles
qui enfourchent leurs vélos
pour un grand et beau
voyage.
https://college.nathan.fr/
nrpc_sept23_p3_petitesreines
de Monte-Cristo, sa place dans
le roman est capitale, grâce à la
nature exceptionnelle des liens
qui l’unissent à Dantès durant leur
captivité. Ce temps de l’amitié
révèle la profonde humanité des
personnages dumasiens.

Crédit photo
Couverture : © DEEPOL by Plainpicture

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     3

ACTU
En bref
Brèves
De quoi vous tenir au courant des décisions,
des changements et des réformes qui font la vie
de l’institution
Prix des Incorruptibles 2023-24
Le prix des Incorruptibles, créé en 1998, est le premier prix litté-
raire français consacré à la littérature jeunesse contemporaine. Il est
décerné par de jeunes lecteurs, de la maternelle au lycée. L'objectif
du prix est de susciter l'envie et le désir de lire auprès des plus jeunes
à travers des sélections de livres de qualité. Les enfants votent pour
leur titre préféré.
En classe, c’est l’occasion d’inverser la perspective scolaire habi-
tuelle : ce n’est pas l’élève qui est évalué dans sa capacité à comprendre
un livre, mais le livre qui est évalué dans sa capacité à plaire au lecteur
et à être compris de lui.
Pour l’année scolaire 2023-2024, les inscriptions sont ouvertes
jusqu’au 29 septembre 2023. Sur le site dédié (lesincos.com), il est
possible d’accéder à la liste des livres sélectionnés, de les commander,
et de prendre rendez-vous avec les auteurs et les illustrateurs.
La question environnementale à l’école
Souvent réservé à des projets au sein des établissements, l’ensei-
gnement de la question écologique et des risques liés au changement
climatique peine à montrer son efficacité et sa cohérence, traité de manière
inégalitaire sur le territoire. C’est ce que dénonce un rapport de l’Inspection
Générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche de mars dernier qui
s’appuie sur une consultation réalisée pendant 6 mois auprès de 500 jeunes.
Au cours du Conseil National de la Refondation de la jeunesse en
juin dernier, Élisabeth Borne a annoncé que « bien s’alimenter », « trier les
déchets », « comprendre le changement climatique », « protéger la planète »
figureraient désormais dans les programmes dès la 4e et que ces connais-
sances donneraient lieu à une évaluation en fin de 3e. Cette mesure rejoint
les priorités annoncées – mais aussitôt oubliées – il y a plus d’un an par
Pap Ndiaye qui avait alors décliné une vingtaine de mesures pour faire
de l’école le « premier lieu d’engagement pour la transition écologique ».
On comprend dans ce contexte que le groupe Histoire-Géo du SNES-
FSU voie dans cette mesure « une commande politique », et dénonce la
multiplication de certifications qui s’empilent aux dépens des savoirs
scolaires. Matthieu Gonard, coordinateur du Collectif français pour l’édu-
cation à l’environnement vers le développement durable, insiste, lui, sur
la nécessité de la mobilisation de tous les acteurs, enseignants, élèves,
parents, associations d’élèves pour que ces annonces prennent effet dans
la vie des établissements et le cursus des élèves. Il a raison de s’inquiéter,
car les modalités de cet enseignement et de la certification qui l’accom-
pagne sont encore en gestation : doit-on réserver un créneau horaire
hebdomadaire à la matière ? Qui assurerait ces cours ? Pour l’heure, le
CNED est chargé de construire un outil en ligne. Le SNES-FSU voit les
choses autrement : « les questions environnementales demandent du temps
d’apprentissage, une approche interdisciplinaire qui doit être construite par
les équipes, au sein de la classe. » Pour le 1er syndicat enseignant, « certifier
n’est pas former ».
4 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
Ce qui change au cycle 3
À partir de la rentrée de septembre 2023, plusieurs
mesures s'appliqueront pour les classes de CM1, CM2 et 6e
afin d'assurer la maîtrise des savoirs fondamentaux indis-
pensables à une scolarité réussie, annonce le ministère de
l’Éducation nationale.
En 6e, le dispositif « Devoirs faits » sera rendu obligatoire
afin de donner davantage d’autonomie aux élèves et ainsi
réduire les inégalités devant les apprentissages. Côté cours,
le BO du 22 juin 2023 confirme les changements à venir
en sciences pour la classe de 6e : suppression de l’heure de
technologie, annoncée dès janvier par Pap Ndiaye, étude
de la sexualité humaine et place plus importante accordée
à la physique-chimie. L’accent est mis sur le français et les
mathématiques, avec une heure de soutien ou d’appro-
fondissement dans l’une de ces deux matières.
Cette heure supplémentaire est complexe à organiser
puisqu’elle se heurte à la pénurie d’enseignants. L’idée de
faire intervenir des professeurs des écoles risque de faire
long feu, étant donné les obstacles qui se dressent, des
conflits d’emploi du temps à la distance entre les établis-
sements, en particulier en zone rurale.
Capes : des postes non pourvus
Pap Ndiaye est bien obligé de le reconnaître : « L’attrac-
tivité du métier d’enseignant baisse depuis plusieurs années
[...] et cela va être vrai également pour la rentrée 2023. Nous
savons que nous allons ouvrir des postes et que tous les
postes ne seront pas pourvus et donc nous ferons appel à
des enseignants contractuels. » Bien que le gouvernement
se soit engagé à porter le salaire des jeunes enseignants à
2 000 euros net, l’attractivité d’une profession ne dépend
pas seulement de sa rémunération mais également de ses
conditions d’exercice.
Dès lors, il n’est pas surprenant de constater un grave
déficit de lauréats aux concours enseignants du second
degré : en effet, au Capes externe 2023, 16 % des postes
ne sont pas pourvus (863 postes non pourvus sur 5 200
places). On compte parmi les disciplines les plus déficitaires
les mathématiques, les lettres modernes, l’allemand et la
physique-chimie. Les conséquences à venir pour la rentrée
2023 ont un goût de déjà-vu entre remplacements non
assurés et recours à des recrutements hors concours par
le biais de petites annonces et de « job dating ». De quoi
fragiliser encore plus une institution déjà tourmentée…
J Odile Collet
 La revue & sa banque de ressources

4 numéros papier par an

de septembre à mai
l’accès à plus de 2 500 ressources en ligne

Découvrez le programme 2023/2024

Septembre Histoires d’amitié N° 682 Mars Quatre ans au collège : N° 684

« Parce que c’était lui, parce que c’était moi », dit Montaigne de son ami
La Boétie. L’amitié sera traitée dans ce numéro à travers des œuvres
de littérature contemporaine, mais aussi patrimoniales, comme
Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas en 4e et l’Ami retrouvé de
Fred Uhlman en 3e.
préparer le brevet et faire le bilan
On apprend beaucoup de choses au collège. Comment ancrer ces
connaisances ? Dans ce numéro, une fois n’est pas coutume, on se
concentre sur l’année de 3e pour aider les élèves d’une part à
s’entraîner au Brevet, d’autre part à asseoir des savoirs et des
méthodes afin d’aborder sereinement la classe de 2de.

Décembre Monuments littéraires N° 683 Mai Le corps et le sport N° 685

Maisons, immeubles, monuments historiques ont leur place dans À la veille des JO de Paris, le sport sera thème central de ce numéro.
ce numéro qui croise architecture, littérature et histoire, au cœur de Il y sera question de champions et de héros, mais aussi de la place
roman comme Pot-Bouille de Zola. C’est aussi l’occasion d’étudier et du sport et du corps dans la formation individuelle comme dans les
d’écrire des récits policiers. rapports sociaux.

Bulletin d’abonnement Enseignant Individuel Année scolaire 2023/2024

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de limitation, d’opposition, de suppression, du droit à la portabilité de vos données, de transmettre des directives sur leur sort en cas de décès. Vous pouvez exercer ces droits en adressant un mail à contact-donnees @sejer.fr.
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Générales de Ventes NRPsur
accessibles COLLÈGE    
nathan.aboshop.fr 5 prix sont
- * Ces
valables pour la France Métropolitaine uniquement.
ACTU
Livres
Essai
Clémentine Beauvais,
Écrire comme une abeille,
La littérature jeunesse
de la lecture à l’écriture,
Gallimard jeunesse,
452 pages, 27,90 €
Dans l’atelier de l’écrivaine
jeunesse
Manuel d’écriture, essai sur la spécificité de l’écriture
et de la réception de la littérature jeunesse, bibliographie
commentée, récit d’expérience, réflexion politique, cet
ouvrage important n'a « rien en lui qui pèse ou qui pose » .
Il se présente comme une conversation menée entre une
autrice confirmée et des lectrices1 aspirantes écrivaines.
L’autre réussite de l’ouvrage est de lier constamment
lecture et écriture. L’étude des spécificités des œuvres
pour la jeunesse dans les trois premiers chapitres a pour
but de faire comprendre le bien-fondé des conseils
d’écriture qui constituent la matière des sept chapitres
suivants.
C’est ainsi qu’on découvre des caractéristiques
majeures de cette littérature comme l’importance de
l’intertextualité, une extraordinaire diversité de styles
et de formes, avec notamment des romans en vers et
des romans-albums, ainsi qu’une conscience aigüe des
circonstances de la réception. Ainsi, un album pour
les tout-petits sera pensé en fonction des gestes de
l’adulte-lectrice (comme celui de tourner les pages) et
des effets de voix qu’elle peut produire.
La littérature jeunesse demande une sensibilité parti-
culière aux attentes du public parce que l’autrice doit
s’adresser à quelqu’un de différent d’elle, et que la lecture
pour un enfant est aussi un apprentissage de l’activité
de lecteur. Ces éléments vont orienter certains choix
d’écriture : voix narrative, usages de la description, carac-
térisation des personnages, traitement des personnages
négatifs, manière d’aborder les sujets tabous.
Pour aider les apprenties écrivaines, Clémentine Beau-
vais livre son expérience et donne de véritables outils,
de la conception du livre à la parution. Elle le fait avec
générosité et humour, sans la prétention sacralisante qui
caractérise souvent les invitations aux ateliers d’écrivains
de la littérature adulte.
J Édith Wolf
1. Nous reprenons à l’autrice l’usage du féminin à valeur
généralisante s’agissant d’un domaine dans lequel les lec-
trices, écrivaines et éditrices sont de loin plus nombreuses
que leurs homologues masculins.
6 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
Méditation
Ryoko Sekiguichi,
La Voix sombre,
POL format poche,
92 pages, 9 €
L’inflexion des voix chères
qui se sont tues
Chaque ouvrage de Ryoko Sekiguichi produit un
effet paradoxal de nouveauté radicale et d’évidence
immédiate. Ainsi, dans La Voix sombre, l’autrice fait surgir
du silence du papier la vibration des voix des morts,
édifiant par l’écriture un tombeau pour des sons et des
êtres disparus. Afin d’évoquer deux d’entre eux, son
grand-père et une autre personne, l’autrice interroge ce
qu’elle vit de singulier dans ces pertes. L’une la prive d’un
être dont elle a appris la mort au téléphone ; l’autre la
sépare de quelqu’un dont on peut encore entendre la
voix enregistrée pour la radio. Elle est donc confrontée
à une mort d’où le corps est absent et à une autre dans
laquelle la voix vivante est accessible à tout moment.
Ces expériences l’amènent à une conscience aigüe du
rapport singulier du temps et de la voix. Elle s’interroge
sur la nature du moment où se situe la voix enregistrée
d’un mort alors que son surgissement sonore s’accomplit
toujours au présent. Elle questionne également la nature
du lieu d’où nous parle cette voix, son rapport au corps
qui l’a accompagnée, son cousinage avec les fantômes.
Pour rendre compte de ses perplexités, l’autrice nous livre
un texte constitué de fragments de longueurs variables.
Chacun de ces fragments livre l’entièreté fulgurante
d’une expérience, exprimant dans des formules limpides
la nature précise de l’énigme qu’elle fait surgir dans la
conscience.
D’un questionnement à l’autre, le glissement se fait
insensiblement, et la pensée est comme portée dans un
courant où une question entraîne une évocation qui elle-
même engendre une interrogation.
Aidée par la beauté transparente de la langue, la
lecture se fait naturellement lente, méditative, proche de
celle d’un poème dont le lecteur laisse résonner en lui les
échos, et de celle d’un traité philosophique dont il perçoit
les multiples implications. Mais surtout, cette lecture
est en elle-même une expérience, une mise en relation
avec les énigmes vertigineuses que place devant notre
conscience le simple fait de vivre une existence humaine.
J Édith Wolf
 ACTU

Livres
Fiction jeunesse
Murielle Szac,
Le Feuilleton
de Tsippora,

illustrations de Joëlle
Jolivet, préface de
Delphine Horvilleur,
Bayard jeunesse,
296 pages, 20,90 €
La Bible racontée
par une femme
On peut dire que Murielle Szac a inventé sinon un
genre, du moins une forme narrative. Récrivant pour la
jeunesse les mythes grecs, elle a publié les « feuilletons »
d’Hermès, de Thésée et d’Ulysse avant celui d’Artémis,
centré sur les personnages féminins. Reprenant la même
structure – un ensemble de cent courts chapitres dont
chacun peut constituer une lecture du soir pour un enfant
– elle revisite la matière biblique, proposant aux jeunes
lecteurs un récit centré sur l’histoire de Moïse, avec des
incursions dans d’autres épisodes de la Bible. L’autrice
fait commencer le récit au moment où Moïse, égaré, fuit
l’Égypte parce qu’il a tué un soldat et trouve refuge dans
la tribu de Jethro, père de Tsippora. C’est au moment où
son amour pour Tsippora lui permet de revivre que Dieu
se manifeste.
Moïse répond à l’appel divin par la crainte, le refus,
le doute. Et l’Éternel, poursuivant son prophète, l’oblige
à accepter sa mission. Tsippora est le témoin de chaque
épisode des combats entre Moïse et son Dieu, puis entre
Moïse et Pharaon et, enfin, entre le peuple hébreu et son
guide. Alors que ce personnage féminin est tout juste
nommé dans le texte biblique, Murielle Szac en fait une
actrice à part entière du récit, mais aussi une voix qui
questionne, donc une interprète possible des interroga-
tions des jeunes lecteurs.
Afin de donner accès à une partie significative de la
matière de la Genèse, de l’Exode et du livre d’Esther, l’au-
trice fait intervenir le prophète Élie qui apparaît à Tsippora
lorsque celle-ci s’interroge. Pour répondre à ses questions,
Élie fait surgir devant les yeux de la jeune femme d’autres
épisodes, lui permettant même d’y intervenir : ainsi elle
assiste au sacrifice d’Abraham et à l’histoire d’Esther.
Cette forme très souple, qui permet à la fois de voir se
dérouler le destin de Moïse et de confronter son histoire
à d’autres récits, témoigne d’une liberté de ton bienvenue
s’agissant d’un texte aussi chargé de traditions sacrées.
J Édith Wolf
aussi
À lire
Correspondance
> George Sand
et Emmanuel Arago,
Notre fraternité est scellée
à jamais par des liens sacrés,
Le Passeur poche, 432 pages,
9,50 €
Lire les 130 lettres échangées par
Emmanuel Arago (fils de François, homme politique
républicain) et George Sand, c’est s’immerger dans les
années 1830-1860, comprendre les réalités de la vie
littéraire de l’époque, et aussi découvrir le récit que
fait l’écrivaine d’un des épisodes les plus douloureux
de sa vie : celui de la rupture avec sa fille.
Évocation
autobiographique
> Henri Raczymov,
L’Arrière-saison des lucioles,
L’Antilope, 196 pages, 19,90 €
L’auteur entraîne le lecteur dans
une déambulation qui le mène du
Paris populaire des Juifs ashkénazes
dans l’après-guerre aux milieux littéraires des années
1970, faisant revivre des personnages disparus, qu’il
s’agisse de figures connues comme Henri Krasucki
ou d’êtres chers à l’écrivain. L’ironie tendre de ces
chroniques fait de cette évocation des morts un bel
hommage à la saveur de la vie.
Nouvelles
> Ivo Andric,
Contes de la solitude,
Zulma, 212 pages, 10, 95 €
Le narrateur-écrivain reçoit chez
lui des personnages qui peuplent son
univers romanesque et font de lui le
témoin de leurs malheurs : un pacha
vaincu que son vainqueur humilie, une femme battue
par son mari qui ne peut ni le quitter ni le tuer, une
esclave qui se suicide. Ces destins qui ont pour cadre le
Sarajevo ottoman nous émeuvent, grâce à l’humanité
du regard de l’auteur, faisant de ces êtres douloureux
des presque frères.
J Édith Wolf

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     7

ACTU
Chaud devant !
Lire au CDI
Dessine pour demain
Par Claire Rouveron, professeure documentaliste membre de l’A.P.D.E.N

Le projet « Chaud devant ! Dessine pour demain » se donne pour ambition

de travailler le dessin de presse avec une classe de 6e sur des thématiques
écologiques, dans une perspective d’éducation au développement durable.
Alliant les objectifs disciplinaires des professeurs d’histoire-géographie-EMC, de
français et du professeur documentaliste, le travail artistique de réalisation d’un
dessin d’actualité est complété par la rédaction d’un poème en français. Le tout
est rassemblé dans une exposition interactive associant productions plastiques
et numériques.
Décoder le dessin de presse des tracés de personnages, d’animaux,
de décors. Ils réfléchissent également à la NOTION
En premier lieu, les élèves découvrent notion de slogan, à la petite phrase « choc » INFO-DOCUMENTAIRE :
l’exposition « Dessine-moi l’écologie1 » réali- qui accompagnera et dénoncera la situation EXPLOITATION
sée par l’Association Cartooning for Peace. mise en images. Les dessins ont vocation DE L’INFORMATION
Celle-ci traite, notamment, des enjeux liés à être exposés, accompagnés d’un texte L'exploitation de l'information
à la pollution, à la gestion des déchets, aux explicatif (genèse du choix de la problé- comprend différentes actions de traite-
migrations climatiques, aux catastrophes matique soulevée, techniques artistiques ment (sélection, prise de notes, évalua-
naturelles ou encore à la biodiversité, afin utilisées, solutions proposées pour un avenir tion et référencement de l'information
de sensibiliser au dérèglement climatique et durable, etc.). pertinente) permettant de comprendre,
d’inciter à s’engager en faveur d’un monde d'organiser et d'utiliser l'information pour
durable. Le professeur documentaliste Écrire un poème : « Demain... » répondre à ses besoins. Notion organisa-
trice de journalisme.
aborde avec les élèves l’histoire du dessin de En troisième et dernier lieu, en complé- Définition complète à consulter sur :
presse, questionne le statut du dessinateur ment du texte d’accompagnement du https://wikinotions.apden.org/notions.
de presse, également journaliste, analyse dessin, les élèves s’essaient à une autre php?p=consult&nom=Exploitation%20
les enjeux de la liberté d’expression et de forme d’écrit plus littéraire : le poème. En de%20l%27information
la presse. Un dessin, oui, mais surtout un vers ou en prose, c’est au choix de chacun,
message, un engagement et un point de les élèves racontent une histoire sur l’avenir,
vue exprimés. Les techniques et les figures sur « Demain... ».
BIBLIOGRAPHIE
Documentaires
de style utilisées dans le dessin de presse, Pour amorcer le travail d’écriture, les • Ça chauffe pour la planète ! : 60 dessins de
à visée souvent satirique, sont étudiées en élèves sont invités à participer collective- presse, Gallimard loisirs, 2018.
coopération avec le professeur de français : ment à un « remue-méninge » autour du • Jacques Azam, C'est quoi, l'écologie ? : nos
le paradoxe, la personnification, la carica- réponses dessinées à tes questions pressantes,
mot « environnement ». Les élèves doivent Milan jeunesse, 2017.
ture, etc. noter sur des post-its tous les mots qui leur • Karine Balzeau, Clémence Lallemand, Trier les
viennent spontanément à l’esprit. Les mots déchets, ça sert à quoi ? : et toutes les questions
Réaliser un dessin de presse que tu te poses pour protéger la planète...,
sont ensuite collés au tableau puis recopiés
sur l’environnement Fleurus, 2018.
et classés en deux catégories : « problèmes » • Karine Balzeau, Laurent Audouin, Défis zéro
En second lieu, les élèves investissent les et « solutions ». Les élèves ont alors la possi- déchet : 32 défis à relever pour protéger la
planète !, Rusti'kid, 2019 et 2020
connaissances théoriques acquises précé- bilité de « piocher » des idées parmi les mots • Emmanuelle Figueras, Terramania : biodiversité,
demment dans la réalisation plastique d’un notés ou d’en choisir de nouveaux afin de écologie, écosystèmes, Milan jeunesse, 2018.
dessin de presse. Encadrés par un dessi- rédiger leur poème pour la planète de • Sophie Frys, Vis une année sans plastique ! :
nateur de presse professionnel et par les demain. Les élèves s’entraînent ensuite à la en 52 missions, Fleurus, 2020.
professeurs de la classe, et plus particuliè- lecture de leur texte à voix haute, dans l’op- Romans
• La série de Thierry Colombie, Polar vert, chez
rement le professeur d’histoire-géographie, tique de créer des enregistrements sonores Milan jeunesse : 1. Les Algues assassines, 2021 ;
ils réfléchissent tout d’abord à la probléma- qui seront intégrés à un livre numérique 2. Anguilles sous roches, 2022 ; saison 2 - 1, La
tique environnementale qu’ils souhaitent regroupant les dessins et poèmes réalisés Malédiction de l’ours, 2022 ; saison 2 - 2, Les
aborder. Pour ce faire, un corpus de romans Arbres magiques, 2023.
par l’ensemble des élèves. La production
et de livres documentaires leur est proposé numérique complète alors la production
1. https://www.calameo.com/
comme sources d’inspiration2. plastique dans une exposition interactive read/00252483963363b29b93b
Puis, pendant cinq séances, les élèves proposée à l’ensemble des élèves et des 2. Une sélection partielle est proposée dans la
apprennent des techniques de dessin, personnels de l’établissement. bibliographie ci-dessus.

8 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023

 ACTU
Construire une histoire

Atelier d’écriture
par étapes
Par Marie-Françoise Roger

Pour faire réfléchir les

élèves à l’importance
de la situation spatio-
temporelle d’un récit, on
peut leur faire écrire une
histoire par étapes.

Créer un personnage
On demande aux élèves en 10 minutes
de composer un personnage en notant
sur une fiche un nom, un prénom, un âge,
un sexe, une profession ou une activité et
d’attribuer au personnage un but pour

© Istock /ra2 studio

sa journée : il va faire ses courses, se rend
chez le médecin, va à l’école, au cinéma,
etc. Ils partiront d’un personnage proche,
de quelqu’un qu’ils ont croisé. Et bien sûr,
broderont, inventeront… Ce sont des notes,
nul besoin de rédiger.
1re étape, choisir un lieu
Les élèvent nomment le lieu où ils
vont faire arriver leur personnage. On leur
demande d’avoir une approche cinémato-
graphique en allant du plus loin au plus près
à la façon dont une caméra zoome progres-
sivement sur un lieu et les personnages qui
s’y meuvent. Chacun est invité à écrire 4
ou 5 paragraphes qui commenceront par
« c’est »1 :
« C’est une gare […] c’est la salle des
pas perdus […] c’est un quai noirci par la
pollution et les années […] c’est un wagon
bondé, un jour de départ en vacances […]
Bientôt, le train s’élancera […] . »
Ils choisissent un lieu qu’ils connaissent
bien, un lieu extérieur : une queue devant
un magasin, un pique-nique sur la
pelouse d’un parc, une terrasse de café, un
passage-piétons dans la rue, l’entrée d’un
musée, d’une administration, les escaliers
devant un théâtre, un marché, une plage
etc. Que leur stylo agisse à la manière d’un
drone, et emmène le lecteur, à tire-d’aile,
jusqu’au cœur de la scène.
2e étape, l’arrivée du personnage
Le lieu se précise, on distingue des
silhouettes. Soudain leur personnage fait
irruption. Une arrivée en mouvement. Il
apparait, habillé pour sortir en fonction de
la saison. Et habillé en fonction du motif de
son déplacement (il va travailler, faire du
sport, voyager…). Chacun apportera de la
précision à la description des vêtements.
Les vêtements sont essentiels pour cerner
les êtres. L’extérieur dit beaucoup de l’in-
térieur. On peut lire aux élèves la première
page d’Un monde à portée de main, de Maylis
de Kerangal (en libre accès sur le site de
Gallimard).
Dans ce roman, le personnage principal,
Paula Karst, s’initie à la peinture de décor et
au trompe-l’œil à l’institut d’art de Bruxelles,
rue du Métal. C’est le soir, la jeune femme
dévale les escaliers, quitte l’appartement
de ses parents, sort. Et la phrase se déploie
sur dix-neuf lignes étourdissantes : clique-
tis du trousseau de clés dans les poches,
mouvement de la chevelure sur les épaules,
tourbillon du corps dans l’escalier en spirale,
moment d’arrêt devant le miroir du vesti-
bule pour vérifier le maquillage …
3e étape : Le ciel s’en mêle
La météo est atroce : pluie, tempête,
chaleur excessive, orage, grêle. Chacun
montre son personnage en marche transi,
trempé, ruisselant ou au contraire suant,
soufflant. Son habit est inadapté au climat
ou à la situation. Chacun montre le reten-
tissement de cet élément extérieur sur l’état
d’esprit du personnage et sur la réalisation
de son projet, établit une correspondance
entre physique et humeur du personnage.
Le texte nous fait entrer dans l’intériorité
du personnage. On peut rester au « il » ou «
elle » en rendant compte de ce qu’il ressent,
pense, espère, ou employer le monologue
intérieur au « je ».
Lire les textes à voix haute, et vérifier
avec les élèves la précision des lieux et de la
silhouette du personnage. Pourrait-on faci-
lement adapter leur texte au cinéma ? On
pourrait poursuivre l’histoire : une rencontre
modifie la situation… Qu’arrive-t-il ?
1. Comme le fait, dans l’exemple cité, Philippe
Besson, dans Paris-Briançon.

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     9

Dossier
© Paul Lehr
Geoffroy de Lagasnerie, Didier Éribon et Édouard Louis, Paris, 2023.
L'amitié au plus-que-parfait
Par Aline Beilin, professeure agrégée de philosophie
Sommaire
Ce qu'est l'amitié, ce qu'elle
n'est pas  11
Quelques traits communs à l'amitié
Amitiés imparfaites, amitié parfaite
Que cherche-t-on en l'ami,
le même ou l'autre ?  12
L’amitié parfaite, une espèce d’égalité
L'amitié, entre égoïsme et altruisme
L’amitié, affaire de corps
ou d'esprit ? 
L'amitié intellectuelle, ou l'esprit en partage
L'amitié n'est pas l'amour
La fin de l'amitié 
10 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
Sauf à vivre dans une solitude radicale,
tout individu prend place dans un réseau
d’amitiés qui le lient aux autres et au
monde. Ce réseau se tisse et se détisse
au fil de l'existence, dans l'entre-soi d'un
cercle, sur un réseau social – dans ses
formes humaines ou numériques –, dans un
syndicat ou un parti avec ses camarades,
dans une entreprise avec ses collègues,
au front entre camarades. Dans la cité
grecque, le terme philia, que l'on traduit
par amitié, recouvre la totalité de ces liens
d'appartenance et d'alliance qui sont au
fondement de la vie en commun. L'amitié
relie chacun à sa famille, son village, sa
13 communauté, à la cité. Certaines de ces
amitiés sont même réglées par les coutumes,
la loi ou les contrats. En son sens politique,
l'ami est le proche et le lointain. Mais
15 l'amitié désigne aussi un lien privilégié,
électif, rare et authentique. C'est de cette
amitié-là qu'il sera question ici.

Ce qu'est l'amitié,
ce qu'elle n'est pas
Quelques traits communs à l'amitié
L'amitié est une élection. Les amis se choisissent
mutuellement. On ne peut être l'ami que d'une per-
sonne, de chair et de sang. On ne peut être l'ami de
l'inanimé que de manière métaphorique. Ainsi on
n'est pas l'ami du vin, nous dit Aristote. On peut bien
veiller à sa conservation, le mettre sous bonne garde,
mais le vin n'est pas l'ami ni de l'ivresse ni de la per-
sonne ivre. On ne peut pas davantage être l'ami de
quelqu'un qui ne le saurait ni ne le voudrait : l'amitié
unilatérale se nie elle-même ; elle ne peut être qu'une
illusion, un faux-semblant. C'est aussi pourquoi on
ne peut être l'ami du genre humain. Comme élection
et sélection, le lien d'amitié diffère de la philanthropie
ou de l'amour du prochain, qui ne distinguent pas.
« L’amitié n’est due qu’à ceux avec qui l’on est actuel-
lement en commerce ; le genre humain pris en général,
est trop étendu, pour qu’il soit en état d’avoir commerce
avec chacun de nous, ou que chacun de nous l’ait avec
lui », écrit Diderot dans l'article « Amitié » de l'En-
cyclopédie. L'amitié est partage, en acte. Elle est une
expérience qui se joue et se réassure dans le temps
partagé, les habitudes mutuelles et les pensées com-
munes. Il ne suffit donc pas de déclarer l'amitié.
« À la vie, à la mort », proclament les enfants avant
de partager une goutte de leur sang. Si l'on peut dire
qu'elle est autoproclamée, c'est en tant qu'elle n'est
assise sur aucun contrat : le contrat formule des
clauses qui doivent être garanties par une institution,
et l'on imagine mal deux amis couchant sur le papier
leurs droits et obligations réciproques, et exigeant
de la justice qu'elle répare quelque manquement…
L'amitié se vit, s'éprouve, dans un lien fondé sur la
confiance donnée et partagée.
L'amitié est généreuse. L'avare, le radin, le rapiat
peuvent-ils avoir des amis ? La générosité consiste
à écouter l'ami, à entrer dans ses problèmes pour
l'aider à les surmonter. Le conseil et l'entraide, s'ils
sont intéressés, ne sont-ils pas viciés ? Entre amis, il
n'y a ni obligation ni devoir. Peut-on être redevable
de quelque chose à un ami ? Allons plus loin : entre
amis pas de dette possible. Diogène, fondateur du
cynisme grec, allait jusqu'à dire que lorsqu'il avait
besoin d'argent, il priait ses amis non pas de lui en
donner mais de lui en rendre : si entre amis, tout
est commun, emprunter de l'argent ne consiste qu'à
reprendre ce qui nous appartient. La thèse est radi-
cale mais elle dit bien – paradoxalement, puisqu'il
s'agit d'argent – que le propre de l'amitié est d'être
un lien capable de désintéressement, de donner sans
compter et sans attendre en retour. Au fond, l'être
humain a besoin d'amis pour exercer sa générosité
et répandre ses bienfaits. En somme, l'ami qui reçoit
est alors celui qui permet la générosité de l'ami
L'amitié au plus-que-parfait
Dossier
qui donne : la réciprocité est bien le gage de l'ami-
tié authentique.
L'amitié est sincère : elle ne tolère ni tromperie
ni mensonge. Est-ce à dire qu'entre amis le par-
ler-franc soit absolu et qu'il faille tout dire à l'ami ?
Sans doute la franchise peut-elle être bornée par la
volonté d'épargner l'ami, de le protéger. Est-ce men-
tir, voire trahir ici ? Pas tout à fait, si l'on se rapporte
à la typologie des mensonges dans la théologie chré-
tienne telle qu'on peut la lire chez Thomas d'Aquin,
par exemple. L'amitié pourrait s'accommoder du
mensonge officieux et du mensonge joyeux, mais
non pas d'un mensonge pernicieux. Celui-là, inten-
tionnel comme la tromperie et la ruse, ne peut être
que le fait d'un faux-ami ou d'un flatteur. Parler-vrai
et parler-franc semblent donc inhérents à l'amitié
authentique. Mais comment distinguer le parler-vrai
de la flatterie ? Plutarque met en garde contre celui
qui feint d'être franc avec sérieux et qui, ce faisant,
met l'amitié en péril en la pervertissant : « La flat-
terie pernicieuse est celle qui se cache et ne s'avoue pas,
celle qui est non pas plaisante, mais sérieuse ; car elle va
jusqu'à rendre suspecte la véritable amitié elle-même, avec
qui souvent elle se rencontre en plusieurs points si l'on n'y
prend pas garde »1. Il faudrait donc, si l'on en croit
Plutarque, prendre garde à ne pas prendre pour une
amitié ce qui n'en est pas.
L'amitié véritable est sans aucun doute chose
rare. Telle est la leçon de la fable « Parole de Socrate »
(Livre IV, 17). La Fontaine y figure Socrate faisant
bâtir une maison. Les prétendus amis du philosophe
la visitent et la trouvent bien petite. Mais Socrate la
juge, toute petite qu'elle est, suffisante pour recevoir
ses amis. Et la leçon tombe, sans appel :
« Chacun se dit ami ; mais fol qui s'y repose.
Rien n'est plus commun que ce nom ;
Rien n'est plus rare que la chose. »2
Amitiés imparfaites, amitié parfaite
Suivons la recommandation de Plutarque et
essayons de distinguer entre des amitiés. Les amis
s'aiment. Or, nous dit Aristote, est aimable ce qui est
bon, ce qui est agréable ou ce qui est utile. L'amitié
peut donc se distinguer selon ce que les amis ont en
partage, la vertu, le plaisir ou l'utilité.
Il existe donc une amitié fondée sur l'utilité. C'est
en ce sens que le pauvre est l'ami du riche, ou que
telle nation est l'alliée d'une autre. Celui qui fait
preuve d'hospitalité, en accueillant chez lui quelqu'un
dans le besoin, peut être un tel ami. Ici, l'ami n'est
pas aimé pour lui-même mais pour le service ou le
bien qu'il peut procurer. Le premier doit posséder ce
que le second espère. Une telle amitié suppose donc
l'inégalité. Ainsi, le médecin peut bien être l'ami de
son patient mais, nous dit Platon, c'est la santé que le
malade aime ici, davantage que son thérapeute. Une
telle amitié n'existe qu'en vue de ce qui est recherché
et attendu. Il est à craindre qu'elle s'éteigne une fois
obtenus le bien et l'effet recherchés. La relation est
instable, sujette aux mouvements de l'intérêt qui la
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     11
Dossier
© Liliy Franey / GAMMA-RAPHO
Deux jeunes filles jouant dans le jardin Nelson Mandela, Paris.
motive et la fonde. Elle est, on le voit, imparfaite à
bien des égards.
L'amitié peut aussi être fondée sur le plaisir.
L'ami est alors aimé pour le plaisir qu'il peut pro-
curer, mais non encore pour lui-même. L'on peut
penser ici aux « bons moments » passés entre amis, aux
petites attentions et aux petits soins que l'ami peut
prodiguer, mais aussi à l'amitié amoureuse ou à l'ami-
tié entre jeunes gens. C'est l'exemple que nous donne
Aristote : « l’amitié chez les jeunes gens semble avoir pour
fondement le plaisir ; car les jeunes gens vivent sous l’em-
pire de la passion, et ils poursuivent surtout ce qui leur
plaît personnellement et le plaisir du moment ; mais en
avançant en âge, les choses qui leur plaisent ne demeurent
pas les mêmes. C’est pourquoi ils forment rapidement des
amitiés et les abandonnent avec la même facilité, car leur
amitié change avec l’objet qui leur donne du plaisir »3.
Dans le temps, une telle amitié ne s'étend pas au-delà
du plaisir et s'éteint avec lui. Elle prend place dans
un temps court et connaît les variations du plaisir.
En cela, elle est imparfaite et n'est pas encore l'amitié
authentique recherchée pour elle-même.
La forme la plus élevée de l'amitié, la plus rare,
est l'amitié vertueuse. Chacun alors souhaite le
bien de l’autre, pour l'autre, dans une parfaite réci-
procité. Cette amitié comprend en elle les deux
autres, car l’ami cherche le bien et le plaisir de son
ami. Quel ami chercherait à nuire ou à ennuyer son
alter ego ? Mais l'amitié parfaite ne peut être fon-
dée que sur la vertu, car seuls les amis vertueux le
sont, l'un pour l'autre, et pour lui-même seulement :
« La parfaite amitié est celle des hommes vertueux et qui
sont semblables en vertu », conclut Aristote. Les autres
formes sont amitiés par accident, par ressemblance.
Sans être des faux-semblants ou des amitiés pure-
12 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
ment illusoires, les amitiés fondées sur l'utilité ou
le plaisir sont des formes inférieures du lien amical.
La preuve en est que deux êtres méchants peuvent
être amis, si leur lien est fondé sur le plaisir ou l'in-
térêt. Tandis que l'amitié parfaite est le fait d'êtres
bons, vertueux. Elle vaut par elle-même et non par
ses effets. Elle échappe ainsi aux vicissitudes de
l'existence ; elle est, dans les mots du Stagirite, « à
l'abri des traverses ». Car la vertu est une disposition
durable, insensible aux tempos du plaisir et de l'utile.
À l'évidence, cette amitié parfaite est exigeante.
Elle requiert du temps et des habitudes communes,
car chacun doit petit à petit se montrer digne d'un
tel lien. Cette amitié-là se construit, se conquiert.
L'amitié parfaite ne peut résulter d'un crush et l'ami
d'un jour n'est pas un ami. Mais une fois la confiance
établie, il n'y a plus de place pour le doute, la crainte
de la flatterie ou de la ruse. L'amitié parfaite exclut
que l'on se fasse du tort, puisqu'elle est amitié entre
gens vertueux.
À ces qualités de l'amitié, Montaigne ajoute l'indi-
visibilité. « Cette parfaite amitié dont je parle est indivi-
sible. Chacun se donne tellement en entier à son ami, qu’il
ne lui reste rien à donner ailleurs ; au contraire, il déplore
de n'être pas double, triple, quadruple, de ne pas avoir plu-
sieurs âmes et plusieurs volontés, pour les attribuer toutes à
son ami. Les amitiés ordinaires, elles, peuvent se diviser »
(Livre I, chap. 27)4.
Que cherche-t-on
en l'ami, le même ou
l'autre ?
L’amitié parfaite réalise une espèce
d’égalité
De prime abord, il semble que c'est bien son
alter ego que l'on espère trouver en l'ami. On connaît
la phrase de Cicéron, déjà présente chez Aristote,
reprise par Montaigne ou Érasme : « est enim is qui
est tamquam alter idem »5, que l'on traduit par « le véri-
table ami est comme un autre soi-même ». Si l'ami est un
autre, il est d'abord le plus proche parmi les « alter ».
L'ami est un autre moi-même : il est mon alter ego,
mon double, ma réplique. Les enfants le savent, qui
disent : « on fait tout pareil ». Par distinction de l'amitié
fondée sur l'intérêt qui requiert que les amis soient
inégaux, l'amitié parfaite se réalise dans une parfaite
réciprocité, une parfaite égalité. Comment ne pas
penser les amis comme des égaux, lorsqu'on prend
la mesure du temps et des goûts partagés, des habitu-
des communes ? Quand elle n'est pas là à son origine,
cette égalité se réalise dans l'amitié. C'est du moins
ce que signifie le proverbe latin « amicitia aut pares,
aut facit », que l'on traduit par « l’amitié ou trouve les
hommes égaux, ou les rend tels ».

Mais le semblable n'est pas l'identique. L'ami,
l'autre moi-même, est aussi « un soi-même séparé »,
selon l'expression d'Aristote. N'est-ce pas ce que
signifie le « tamquam » de la phrase de Cicéron ?
L'ami est pour ainsi dire un autre moi-même. Il
n'est pas le même que moi, identique à moi, car il
est autre. Cette altérité, on l'a vu, est nécessaire à
l'accomplissement de l'amitié. La générosité, la sin-
cérité, la loyauté, la confiance sont des vertus qui
s'expriment pleinement dans la réciprocité. Elles
ont en commun de traiter l'ami, l'autre soi, en égal
et en semblable. Elles supposent l'altérité, tout en
travaillant à la réduire dans la plus grande proximité
avec l'ami. Si entre amis tout est commun, les amis
sont égaux, semblables, proches, tout proches, mais
différents. L'altérité est condition de possibilité de
l'amitié authentique. L'altérité ouvre même la pos-
sibilité du dissensus. Hésiode mentionnait déjà l'en-
vie qui pervertit les relations entre des individus qui
se ressemblent trop : le potier en veut au potier, le
charpentier au charpentier. Comme le vide cherche
le plein, le pauvre est l'ami du riche et le malade celui
du médecin. Il est utile et fécond de s'opposer. L'ami-
tié doit donc s'accommoder des désaccords, des dis-
sonances. Mais peut-on qualifier alors l'ami d'« autre
soi-même » ? On le peut, si l'on comprend les disputes
entre amis à la manière des tensions entre des parties
du soi, entre soi et soi.
L'amitié, entre égoïsme et altruisme
Si l'ami est un autre soi-même, on est tenté de
pousser la logique du semblable jusqu'à son terme et
d'interroger la possibilité d'être l'ami de soi-même. À
cette question, Platon apporte une réponse intéres-
sante : en l'être humain il faut distinguer entre une
partie rationnelle et une partie irrationnelle, affec-
tive, désirante. De ce point de vue, l'on peut être en
accord ou en désaccord avec soi-même. Le propre de
l'humanité serait donc, ici, de pouvoir être l'ami ou
l'ennemi de soi-même. Agir de manière rationnelle, et
ne pas se laisser guider par ses affects, c'est être l'ami
de soi-même. Et par là il ne faut entendre ni l'amour-
propre ni l'égoïsme. Mais plutôt une harmonie de soi
à soi, écho de la concorde avec l'ami. Car celui qui
agit selon sa raison agit pour son bien et pour celui
de son ami.
La division entre soi et soi permet de repenser et
d'une certaine manière de dépasser la tension entre
l'égoïsme et l'altruisme. Cette tension n'est-elle pas
un souci permanent pour chacun d'entre nous ?
Lequel, du privilège de soi ou de l'ami, faut-il laisser
prévaloir ? La réflexion d'Aristote sur l'amitié parfaite
lui permet de proposer une résolution de la tension
entre l'égoïsme et l'altruisme, communément présen-
tés comme deux opposés voire deux contradictoires.
Or pour Aristote, dans l'amitié parfaite, souhaiter du
bien à l'ami, c'est se souhaiter du bien. Aider l'ami,
c'est s'aider soi-même. Aimer l'ami, c'est s'aimer soi-
L'amitié au plus-que-parfait
Dossier
même. L'amitié devient amitié envers soi-même. Et
le parfait ami n'est autre qu'un parfait égoïste. Le
terme est ici redéfini, car celui qui ne suivrait que la
partie irrationnelle en lui, son intérêt ou son plaisir
propres, serait égoïste dans le sens très commun du
terme. Mais entendue autrement, la parfaite récipro-
cité permet de résoudre l'opposition entre l'égoïsme
et l'altruisme et d'en faire plutôt une même réalité,
comprise sous deux angles différents.
e.
t s'aider soi-mêm
« Aider l'ami, c'es êm e.
t s'aimer soi-m
Aimer l'ami, c'es rfait
est autre qu'un pa
Le pa rfai t am i n'
égoïste. »
L’amitié, affaire de corps
ou d'esprit ?
L'amitié intellectuelle, ou l'esprit en
partage
Comment évoquer l'amitié intellectuelle sans
évoquer le lien qui unissait Montaigne à La Boétie
? Ils se sont rencontrés en 1558 alors qu'ils étaient
tous deux membres du Parlement de Bordeaux.
Montaigne a 24 ans, La Boétie 27 ans. La Boétie est
déjà marié, quand Montaigne est un jeune homme
un peu impétueux, voire licencieux. L'amitié entre
eux est une amitié parfaite. Mais La Boétie meurt
jeune, en 1563. Montaigne assiste aux derniers ins-
tants de celui qu'il appelle « mon frère » et fera le récit
de ces ultimes moments dans une magnifique lettre à
son père. L'amitié en acte entre les deux hommes n'a
duré que cinq années. À la mort de l'ami, Montaigne
hérite d'une vingtaine de livres qui ont appartenu à
La Boétie, dont quelques-uns sont annotés par l'au-
teur du Discours sur la servitude volontaire. Montaigne
veut rendre hommage à l'ami disparu et fait peindre
une longue phrase dans la bibliothèque qui occupe
la tour de son château du Périgord : « Privé de l’ami
le plus doux, le plus cher et le plus intime, et tel que notre
siècle n’en a vu de meilleur, de plus docte, de plus agréable
et de plus parfait, Michel de Montaigne, voulant consacrer
le souvenir de ce mutuel amour par un témoignage unique
de sa reconnaissance, et ne pouvant le faire de manière
qui l’exprimât mieux, a voué à cette mémoire ce studieux
appareil dont il fait ses délices6. » Montaigne conçut le
projet de la rédaction des Essais autour de la publica-
tion du Discours que son ami avait rédigé tout jeune,
qui devait y figurer en belle place. Si le Discours est
finalement absent des Essais, la relation d'amitié y est
bien présente, notamment, dans le chapitre 27 du
livre premier intitulé « De l'amitié ». Entre ces deux-là,
l'amitié a été intellectuelle, à n'en pas douter.
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     13
Dossier
De tels amis ont en partage une « sentimen-
thèque ». Créé par Patrick Chamoiseau dans son
ouvrage Écrire en pays dominé, ce terme désigne l’en-
semble de notes et de références qui renvoient le plus
souvent à des auteurs et des textes et qui constituent
une culture commune. Didier Éribon, qui a éla-
boré la théorie d'amitiés intellectuelles qu'il a vécues
(l'amitié avec Michel Foucault et Pierre Bourdieu)
et vit encore (avec Édouard Louis et Geoffroy de
Lagasnerie7) utilise le terme de « sentimenthèque »
pour évoquer ce que les amitiés entre gens d'esprit
ont en partage. Mais Éribon rend aussi hommage
à la générosité de Bourdieu, au soin que celui-ci a
pris, lorsque le jeune homme est arrivé à Paris depuis
Reims, pour le faire advenir comme penseur et philo-
sophe. Il évoque volontiers les moments de rire par-
tagés avec Foucault. Ces amitiés intellectuelles ne
sont pas intellectuelles seulement. L'amitié, nous dit
Éribon après Foucault, est un mode de vie. Intellec-
tuelle, l'amitié est aussi charnelle, affective, émotive
et politique. La question de savoir si Montaigne et
La Boétie se sont unis sexuellement est posée par les
spécialistes. Mais il faut bien admettre que la réponse
n'affecte en rien l'amitié parfaite qui les a liés. Dans
sa réflexion sur l'amitié, Foucault est parvenu à l'hy-
pothèse d'un lien étroit entre la disparition de l'amitié
comme mode de relation à autrui au xviiie siècle et
l'émergence de l'homosexualité au titre de problème :
« Tant que l'amitié était une chose importante et socia-
lement acceptée, personne ne se rendait compte que les
hommes faisaient l'amour ensemble. Qu'ils fassent l'amour
ou non, d'ailleurs, n'avait pas d'importance. Mais une
fois l'amitié disparue en tant que relation culturellement
acceptée, le problème s'est posé : que fabriquent donc les
hommes ensemble ? Je suis certain que la disparition de
l'amitié en tant que relation sociale et la déclaration de
l'homosexualité comme un problème socio-politico-médi-
cal sont un seul et même processus8. » On en revient à
un trait caractéristique de l'amitié parfaite : « entre
amis, tout est commun », disait Platon. Entre amis, on
partage des idées et des goûts, on s'accorde et on
discorde, mais l'on mange aussi ensemble, on rit, on
pleure, on voyage, on admire, on s'ennuie.
L'amitié n'est pas l'amour
Si l'on en croit les amitiés vécues par Montaigne
ou Éribon, l'amitié parfaite n'exclut pas les relations
sexuelles entre amis. Mais qu'en est-il de la passion
ou du sentiment amoureux ? Épicure tranche ainsi
la question : l'amour vient polluer l'amitié. Selon lui,
si le désir sexuel est par nature limité, la passion ou
la « fringale amoureuse », elle, est illimitée et en cela
obstacle au bonheur. C'est pourquoi le sentiment
amoureux est ignoré du sage : un tel sentiment révé-
lerait chez le sage un état de manque contradictoire
avec son état. En revanche, le sage a besoin d'ami,
car il doit partager sa sagesse et sa vertu. Il convient
donc de bien faire la part entre l'amitié et le senti-
ment amoureux, car si la première est une condition
du bonheur – peut-on être heureux sans ami ? – le
14 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
second pollue l'amitié : là où se mêle le désir
amoureux, l'amitié n'est plus pure et sans mélange.
D'un rapport de nature intellectuelle, elle devient un
rapport entre des corps. Le corps doit se retirer de
la relation entre amis. Et qui veut être sage privilégie
l'amitié et se défie de l'amour.
Dans le chapitre des Essais consacré à l'amitié,
Montaigne prend grand soin de distinguer l'ami-
tié de l'amour ou plutôt, l'amitié amoureuse de la
relation strictement amoureuse. Ainsi l'amitié est
définie négativement, par ce qu'elle n'est pas. On ne
résiste pas à redonner les quelques lignes les plus
lues sur l'amitié, rappelées à l'envi : « Au demeurant,
ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés ne
sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque
occasion ou commodité par le moyen de laquelle nos âmes
s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent
et se confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel
qu’elles s’effacent et ne retrouvent plus la couture qui les
a jointes. Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je
sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : "Parce
que c’était lui, parce que c’était moi"». L'alexandrin a
été travaillé par Montaigne : la césure à l'hémistiche,
le parallélisme syntaxique expriment la parfaite réci-
procité. Plus que d'un coup de foudre amical, il s'agit
ici de l'impossibilité d'expliquer rationnellement la
familiarité parfaite que vivent les amis. L'amitié
s'éprouve, inconditionnellement, mais ne se pense
ni se dit.
Pourtant, peu après, Montaigne distingue par
le menu l'amitié parfaite du sentiment amoureux.
Le libre choix est plus grand en matière d'amitié :
l'on choisit d'entrer dans le mariage comme on choi-
sit l'ami, mais on n'est pas maître de la durée du
mariage (éternel à l'époque), tandis que la relation
amicale repose sur un consentement qui se rejoue
sans cesse. Il y aurait sans doute beaucoup à dire du
consentement requis pour entrer dans le mariage à
l'époque de Montaigne. Mais c'est bien sur la part
du choix que Montaigne fonde la distinction. Une
autre différence réside dans l'intensité de la relation :
là où l'amour est impétueux et susceptible d'empor-
tement, d'hubris et de dérèglement, l'amitié est douce,
délicate : elle ne connaît, écrit Montaigne, « rien de
violent ni de poignant ». Enfin, l'amitié se nourrit des
plaisirs partagés et se solidifie au gré des jouissances
communes, là où l'amour décroît et se dissout au fur
et à mesure qu'il se vit. Tant et si bien que l'amitié
peut être dite de plus « haute volée » que l'amour.
Si l'amitié n'est pas l'amour, comment l'amitié
s'accommode-t-elle d'un amour commun ? L’amitié
peut-elle avoir un amour en partage ? C'est le thème
de deux contes publiés en 1770, Les Deux amis, conte
iroquois de Saint-Lambert et Les Deux Amis de Bour-
bonne de Diderot9. Le conte de Saint-Lambert ayant
connu quelque succès, Diderot, en voyage à Bour-
bonne-les-Bains, conçut l'idée d'une variation sur le
même thème. Dans les deux contes, il est question
d'une amitié parfaite entre deux hommes – les deux
iroquois Mouza et Tolho chez Saint-Lambert,

Olivier et Félix chez Diderot – mise à l'épreuve par
l'amour qu'éprouvent les deux amis pour une même
femme – Érimé chez les Iroquois, « la même fille »
chez Diderot. L'analyse littéraire comparée ferait
apparaître bien des différences entre les deux contes,
© Collection Kharbine -Tapabor
mais une seule nous intéresse ici. Dans les deux
contes, les amis sont égaux en tout, et par là égaux
en désir. Prisonniers d'un dilemme affectif (et non
moral), les héros des deux contes incarnent des choix
de conduites différents. Les Iroquois de Saint-Lam-
bert s'isolent pour réfléchir ensemble : aucun des
deux amis ne veut s'effacer. Au terme de quelques
périples, les deux amis proposent de constituer avec
Érimé un couple à trois, un trouple en somme. Érimé
accepte et s'engage à aimer les deux amis sans pré-
férence ; elle devient l'amie des deux amis. Mais leur
lien ne parvient pas à éteindre la jalousie. Entre les
deux amis de Bourbonne, l'affaire est vite entendue :
« Il n’y eut entre eux aucune rivalité ; le premier qui
s’aperçut de la passion de son ami se retira : ce fut Félix.
Olivier épousa. » Les deux contes présentent deux
manières de vivre et réaliser l'amitié parfaite, l'un
dans l'exclusive, l'autre dans la possibilité du partage.
C'est sans doute chez Diderot que l'amitié est la plus
inconditionnelle. Elle se passe de mots. Les amis
agissent avec une générosité absolue : le sentiment
amical est pure fraternité, sans mélange, don de soi
jusqu’au sacrifice.
deux
Saint-Lambert,
« Dans le conte de
ec Érimé
is prop osen t de constituer av
am mme.
un trouple en so
un couple à trois, m ie des
elle devient l'a
Érimé accepte ;
deux amis. »
La fin de l'amitié
À la mort de La Boétie, Montaigne peut écrire
« je ne suis plus qu'à demi ». La relation s'éteint avec
la mort de l'ami, comme elle s'éteint parfois douce-
ment quand les amis s'éloignent. « Que sont mes amis
devenus, le vent je crois les a ôtés », dit la « Complainte
de Rutebeuf »mise en musique par Léo Ferré. Mais
l'amitié se rompt aussi lorsque l'ami brise la parfaite
réciprocité et l'égalité établies au fil des ans. Que l'on
songe au dialogue entre H/1 et H/2 dans Pour un oui
ou pour un non de Nathalie Sarraute. Les deux amis
ne se comprennent plus : il flotte entre eux comme
un malaise. H2 admet finalement que ce sont des
mots qui ont cassé le lien : « "C’est bien… ça…" Juste
avec ce suspens… cet accent… » Quel mot poser sur ce
sentiment ? Un peu de distance, une nuance de pitié
ou de mépris ? Impossible à dire, et pourtant l'amitié
vient se briser sur ces quelques mots.
Si l'on en croit un passage de l'Ecclésiaste
(XXII, v 26-27), l'amitié ne peut survivre à la tra-
hison : « Si tu as tiré l'épée contre ton ami, ne désespère
pas, car il y a moyen de revenir. Si tu l'as attristé par
tes paroles, ne crains rien ; une réconciliation est possible.
L'amitié au plus-que-parfait
Dossier
Michel de Montaigne et Étienne de la Boétie, illustration anonyme pour
La Mosaïque du Midi, 1839.
Mais pour l'outrage, le reproche injurieux, la révélation
du secret et la blessure faite en trahison, l'ami s'éloignera
sans retour. ». L'histoire de l'amitié entre Diderot et
Rousseau confirme ce point. Leur amitié était privée
et publique. Rousseau avait écrit que Diderot était un
génie, un esprit universel et unique, dont on s'aperce-
vrait un jour qu'il n'était pas homme… Diderot avait
répondu : « Ô Rousseau, mon cher et digne ami, je n’ai
jamais eu la force de me refuser à ta louange ». Or l'ami-
tié se brise au printemps 1758, publiquement. Le
motif ? Rousseau avait confié à Diderot son amour
pour Sophie d'Houdetot, qui était alors la maîtresse
de Saint-Lambert, retenu au front. Diderot éventa
l'affaire. Il assura ensuite Rousseau qu'il avait agi
en toute bonne foi. Mais Rousseau ne le crut pas et
publia en note de la préface de la Lettre sur les Spec-
tacles les quelques lignes de l'Ecclésiaste citées plus
haut. Diderot comprit à la lecture qu'on parlait de
lui. En retour, il inséra dans sa pièce Le Fils naturel
ces quelques mots : « il n'y a que le méchant qui soit
seul ». Rousseau entendit parfaitement qu'on lui ren-
dait la pareille : il vivait alors retiré du monde. La
rupture était publique. Les amis s'éloignèrent l'un de
l'autre, sans retour. L'amitié peut se briser net si l'un
des amis retire son consentement. C'est sans aucun
doute le prix à payer d'une relation fondée sur le pur
consentement, par là, émancipatrice.
Notes et bibliographie indicative
1. Plutarque, « Comment on pourra distinguer le flatteur
d’avec l’ami », Œuvres morales, tome 1.
2. Jean de La Fontaine, « Parole de Socrate » (IV, 6) et « Les
Deux Amis » (VIII, 11), Fables, 1668.
3. Aristote (appelé parfois le Stagirite), Éthique à Nicomaque,
livres VIII et XIX, Le Livre de poche.
4. Michel de Montaigne, « De l’amitié », Essais, Livre premier,
chapitre 27.
5. Cicéron, « Lelius ou l’amitié », section 80.
6. Michel de Montaigne, Sur la mort d’un ami, texte présenté
par France Quéré, Paris, Desclée De Brouwer, 1995.
7. Geoffroy de Lagasnerie, 3 – Une aspiration au dehors,
Flammarion, 2023.
8. Michel Foucault, « Que fabriquent donc les hommes
ensemble ? » Le Nouvel Observateur, 22 novembre 1985.
9. Saint-Lambert, Deux amis, conte iroquois, et Denis Dide-
rot, Les Deux Amis de Bourbonne, 1770.
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     15
Séquence 6 e
THÈME DU PROGRAMME  Récits d’aventures

Anthony Browne :
deux albums pour célébrer l’amitié
par Marie-Astrid Clair, professeure agrégée de Lettres modernes

Supports • Anthony Browne, Une histoire à

Petite Beauté, © Anthony Browne, Kaléidoscope, 2008

quatre voix, Kaléidoscope
• Anthony Browne, Petite Beauté, Présentation
Kaléidoscope
• Une histoire à quatre voix, lu en • Lorsqu’il reçut en 2000 le
français prix Hans Christian Andersen
• Voices in the Park, lu en anglais pour la jeunesse, parfois
https://www.youtube.com/ appelé « le petit Nobel de
watch?v=N2genqtP9Co littérature », Anthony Browne
• A Walk in the Park, lu en anglais eut ces mots à propos des
https://www.youtube.com/ albums et de leur richesse.
watch?v=Nw8T-zm1Ti4
« Ce que j’aime dans la
• Petite Beauté, version lue en
français https://www.youtube.com/
conception d’un album, c’est
watch?v=sdSE89rtqYk le rapport entre les images et
les mots, et la manière dont un
Objectifs • Redécouvrir l’album illustré, enfant peut faire le lien entre les deux. J’adore mettre des indices
support de nombreux apprentissages visuels dans mes livres, des indices qui nous donnent une idée de
• Pratiquer la lecture croisée texte et ce qui se passe vraiment dans la tête et dans le cœur des protago-
images nistes, ce qui permet à l’image de raconter une autre histoire que
• Imaginer une histoire et l’illustrer, celle mise en avant par les mots ». Dans ce même discours, l’au-
créer un album numérique teur-illustrateur mit en avant les grandes capacités des enfants :
Durée • 7 heures environ « Ils peuvent appréhender des idées complexes et sophistiquées
avec une certaine aisance, ils ont une conscience visuelle bien plus
affûtée que celle des adultes, ils remarquent les détails et les indices
Sommaire dans mes livres bien plus rapidement que leurs instituteurs et leurs
ÉTAPE 1. Pourquoi et comment étudier des albums parents. »
en classe ? • L’album ou l’iconotexte, cet objet hybride qui conjugue deux
Séance 1 : L’objet album récits, par les mots et par l’image, est donc un excellent support
Séance 2 : Petite Beauté, une histoire d’amitié pour aiguiser les capacités d’observation et d’interprétation de
ÉTAPE 2. Textes et images nos élèves et stimuler leur créativité.
Séance 3 : Le dispositif narratif de l’album
Séance 4 : Illustrations et citations picturales
• Cette courte séquence s’appuyant sur Petite Beauté et Une
histoire à quatre voix d’Anthony Browne peut concerner des
Séance 5 : Réécritures et variations d’une
même histoire
classes du CM1 à la 5e et permettra donc de les mettre en
ÉTAPE 3. Créer et illustrer une histoire collective confiance, mais aussi de les outiller pour devenir de véritables
Séance 6 : Invention d’un album en classe experts en sémiotique. Elle leur permettra aussi d’observer le
travail des auteurs, illustrateurs, traducteurs mais aussi des
conteurs, pour ensuite se lancer dans un travail de création
Séquence 6e Les ressources collective.
• Si cette séquence est choisie en 5e, elle nécessitera de prendre
Séance 1. Une fiche pour expliquer ses des précautions plus grandes que si elle est mise en œuvre en
choix cycle 3. Pas question de donner l’impression aux élèves qu’on
Séance 4. Une grille d’observation pour les humilie, qu’on les prend pour des bébés. Il conviendra donc
décrire les planches d’expliquer à la classe que l’album n’est pas réservé aux seuls
Séance 6. Un questionnaire pour réfléchir enfants, qu’il est au contraire en pleine expansion, les romans
aux ingrédients de l’histoire inventée graphiques connaissant un net essor pour les adultes.

16 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023


Étape 1Pourquoi et comment
étudier des albums en classe ?
Séance 1
ÉCHANGES, LECTURE
L’objet album
Supports : Albums choisis par les élèves
Objectif : Saisir les spécificités de l’album
Durée : 1 heure
Mise en œuvre pédagogique
En amont de cette première séance, le professeur demande
aux élèves d’apporter un album. Ils donnent trois raisons pour
lesquelles ils l’ont choisi. Autre possibilité, demander à chacun de
présenter sa page préférée : cela sera l’occasion de commenter en
classe les choix faits par l’illustrateur et de développer le vocabulaire
technique des élèves.
Les spécificités de l’album illustré pourront être rappelées : tout
d’abord, l’alliance de deux narrations, celle de l’auteur qui nous
parle avec des mots et celle de l’illustrateur qui nous touche avec
des images. Par ailleurs, les pages d’un album ne sont pas de simples
illustrations fonctionnant indépendamment des autres, chaque
planche s’inscrit dans une série, un continuum brièvement ponctué
par la page tournée.
Cette séance sera l’occasion de réfléchir à l’objet très libre qu’est
l’album : livre à toucher, à manipuler, l’album revêt des formes et
des formats très variés, du tout petit Œuf de Mimosa de Bénédicte
Guettier aux très grands formats emplis de détails de Claude Ponti
en passant par les grands formats à la française comme le Plouf de
Philippe Corentin, ou l’alternance pleine page et vignettes comme
en est coutumier Yvan Pommaux. Les techniques diverses d’illus-
trations pourront être évoquées : gouache du Chien Bleu de Nadja,
encre de Chine et aquarelle pour Chen Jiang Hong et François Place,
crayons de couleur pour Chiaki Okada ou Claude Boujon, huile pour
Vincent Rocca, dessins volontairement imparfaits et mal coloriés de
Quentin Blake… Mais il faut ajouter les jeux de cadrage et de zoom,
la place du texte et de l’image, le choix des typographies : il y a beau-
coup à dire tant l’album est un espace de liberté et de fantaisie !
Une fiche pour aider les élèves à expliquer leur choix
d’album est disponible dans la banque de ressources.
Séance 2 LECTURE INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE
Petite Beauté, une histoire
d’amitié
Supports : Anthony Browne, Petite Beauté ; Petite Beauté,
version lue en français
Objectif : Saisir les signes caractéristiques de l’album brownien
Durée : 1 heure
Mise en œuvre pédagogique
Le professeur lit et montre l’album, ou il projette l’album raconté.
Les élèves pourront remarquer le format inhabituel de l’album, qui
est presque carré.
L’histoire racontée, inspirée d’une histoire vraie, traite de l’amitié
entre un gorille, capable de communiquer en langue des signes, et
un chaton.
Séquence 6e
Travail individuel
On demande aux élèves d’examiner la première et la quatrième
de couverture et de lister toutes leurs observations. Ici, tous les
détails pourront être décrits et commentés : l’argenté du titre ainsi
que le choix des majuscules à l’initiale indiquent dès le départ la pré-
ciosité d’une relation dont on voit d’emblée les deux protagonistes.
Les élèves pourront aussi remarquer l’orange qui domine et donne
une harmonie à l’ouvrage. Par ailleurs, la quasi-symétrie de cette pre-
mière de couverture donne l’impression d’une certaine harmonie
même si elle pointe bien la différence de taille entre les deux person-
nages. Les plus attentifs remarqueront peut-être un phénomène fré-
quent dans l’album, le mélange de techniques picturales : le visage
du gorille et le chaton sont dessinés avec précision, à l’aide de fines
hachures alors que pour les poils des épaules, ils semblent obtenus
de manière bien plus brute, à l’aide de pinceaux et de peinture que
l’artiste a grattés. Comme le dit Christian Bruel dans sa monographie
consacrée à Anthony Browne1 , ce dernier « adore brouiller les habitu-
des visuelles de ses lecteurs ».
Travail de groupe
La classe peut ensuite être divisée en 4 groupes qui auront la
charge d’observer dans les 4 albums :
- la place de l’image sur chaque page ou double page ;
- la place ou l’absence de texte sur la page, et le choix des polices,
des tailles des mots ;
- les différentes techniques de dessin observées, parfois sur une
même page ;
- les effets de symétrie, de cadrage ou de zoom dans chaque
page, le choix des couleurs.
Chaque groupe présente le fruit de son travail à la classe, et la
classe peut se livrer à des interprétations en se demandant pourquoi
l’artiste a fait tel ou tel choix. Cette séance pourra donner lieu à un
bilan écrit collectivement. Les roses dessinées au début et à la fin de
ce conte des temps modernes mériteront une attention particulière,
rappelant la fin de Tristan et Iseult et la « ronce fleurie » unissant à
jamais les deux amants. Certains élèves familiers de Browne seront
également attentifs aux papiers peints et tissus d’aménagement
caractéristiques de l’œuvre de Browne : il a confié les avoir asso-
ciés à une triste période de sa jeunesse, et c’est parfois le cas dans
ces pages, mais ces motifs d’art décoratif donnent aussi un « air de
famille2 » à tous les albums browniens.
Étape 2 Textes et images
Séance 3 LECTURE
Le dispositif narratif de l’album
Support : Anthony Browne, Une histoire à quatre voix ; Une
histoire à quatre voix, album lu en français
Objectif : Comprendre le jeu des voix qui forment le dispositif
narratif de l’album
Durée : 1 heure
Mise en œuvre pédagogique
On ne s’attarde pas sur le titre, sur lequel les élèves reviendront
ensuite. Le professeur peut soit lire l'album à la classe et montrer
les images au fur et à mesure, ce qui n’est pas l’idéal car tous ne
verront pas bien, soit il aura scanné les images et les projette à la
classe, ce qui privera le professeur du plaisir de tourner les pages.
Autre possibilité, le faire écouter lu sur internet.
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     17
Questions
1. Quelle est l’histoire racontée dans cet album ?
2. Qu’avez-vous remarqué d’étrange dans cet album ?
Éléments de réponse
Ces deux questions auxquelles les élèves répondront par écrit
permettront de voir qui a compris qu’il s’agit d’une même histoire,
racontée par 4 personnes différentes. La notion de point de vue
pourra être abordée, il sera bon alors de revenir sur le titre et sur
la mention de « première voix… » qui aura peut-être échappé à
certains. Loin de culpabiliser ceux qui ne l'auraient pas compris, il
s’agit plutôt de mettre en avant la malice de Browne qui demande
la collaboration du lecteur : impossible de tout voir dès la première
fois lorsqu’on feuillette un album de Browne. Une deuxième lecture
sera donc proposée, et les élèves se montreront attentifs au style de
chaque personnage ainsi qu’au vocabulaire employé.
Questions
3. Trouvez trois adjectifs pour décrire chaque voix et chaque
personnage de l’album.
4. Quelle suite imaginez-vous à cette histoire ?
5. Y a-t-il une morale que l’on peut dégager de cette histoire ?
Éléments de réponse
La dimension morale de cette histoire sera mise en valeur par BIS / © Munch Museet, Munch Ellingsen Group
les élèves car s’il s’agit de singes, ils n’en sont pas moins anthropo-
morphes et inscrits dans un milieu social très différent. Des signes
extérieurs de pauvreté et de dureté sociale transparaissent dans
les planches de la deuxième voix, notamment grâce à deux tours
de centrale nucléaire absentes lorsque la mère détache son chien
au même endroit. Toutefois, les personnages ne sont pas caricatu-
raux. On peut se demander si Charles a un père puisque sa mère
évoque « notre chien » puis « notre fils » sans jamais mentionner de
co-parent. Est-ce bien leur maison que l’on voit au début ? Chez
Browne, les parents gorilles donnent-ils naissance à des enfants
chimpanzés ?
Car, chez Browne, les voix sont-elles toutes fiables ? La pre-
mière voix est démentie par les illustrations lorsqu’il est question
Edvard Munch, Le Cri, 1893, musée Munch, Oslo.
de la poursuite des chiens. Les jeux et les regards des enfants
peuvent laisser imaginer que l’amitié est réciproque mais est-ce
Le professeur s’appuie sur ce travail pour remarquer avec les
bien le début d’un avenir meilleur, où les uns et les autres ne res-
élèves les points suivants, typiques du travail d’Anthony Browne :
teraient pas figés dans leur monde ? Certes la fin est ouverte, mais
- reprises d’un même motif (chapeau, nuage) ;
la construction d’un monde nouveau où régneraient l’empathie et
- image bien encadrée pour la voix de la mère, dessins débor-
l’égalité sociale n’est pas tout à fait certaine…
dant du cadre dans d’autres images, hors-champ ;
On pourra en tout cas donner aux élèves cette phrase de
- transfiguration d’un lieu, d’un élément (chaussettes de
Browne : « Quand je repense à ma carrière d’auteur illustrateur, je me
Charles) ;
rends compte que la grande majorité de mes livres ne traitent pas,
- jeux d’ombre (crocodile dans la forêt) ;
comme certains semblent de le croire, de gorilles ou de chimpanzés :
- arbres qui racontent toujours quelque chose ;
ils parlent d’émotions et d’enfants solitaires »
- lignes verticales et horizontales, jeux de symétrie ou lignes
courbes, effondrées ;
Séance 4 LECTURE D'IMAGES, HISTOIRE DE L'ART - contrepoint offert par les chiens.
Illustrations, citations picturales Dans un second temps, le professeur aide les élèves à com-
parer les différentes polices selon la personne qui parle : pour la
mère, une police avec empâtements, le Baskerville, pour le père
Support : Anthony Browne, Petite Beauté
Objectif : Appréhender les références esthétiques une police dépouillée, le Franklin gothique, pour Charles l’American
Durée : 1 heure Writer une police maigre et pour Réglisse la chaleureuse Stanton :
Mise en œuvre pédagogique les élèves seront certainement amusés de voir que les polices ne
Cette séance est consacrée aux illustrations. Chacune des 30 produisent pas le même effet. Entourés de publicités, ils y sont sen-
pages de l’histoire fait l’objet d’une description détaillée par un sibles, même sans s’en apercevoir, depuis leur plus jeune âge, car
élève, guidée par la grille proposée dans la banque de ressources. tous connaissent la police de McDonald’s, Disney ou Coca-Cola.
Le professeur pourra choisir de donner deux planches et de faire Le professeur achève cette séance en donnant à voir ou à
travailler les élèves en binômes. rechercher les œuvres d’art auxquelles Browne fait un clin d’œil

18 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023


dans cet album. Les références à Magritte sont extrêmement nom-
breuses : L’Empire des lumières, Arbre et grelot, Le Fils de l’homme,
Le Blanc-seing… Certains élèves auront aperçu La Joconde qui
danse avec un autre personnage venu de la peinture classique, Le
Cavalier riant de Franz Hals. La maison de la mère est à rapprocher
de La Maison des Hodgkin d’Edward Hopper, Le Cri de Munch est
représenté dans le journal du père et peut-être détourné lorsque
la mère appelle son fils. La fontaine où jouent les deux enfants est
inspirée de la fontaine de Neptune à Bologne. La juxtaposition des
deux images permettra aux élèves de jouer à une sorte de jeu des 7
erreurs qui est en réalité un hommage parodique. King Kong appa-
raît également, tout comme Mary Poppins.
Une grille d’observation pour décrire les planches est
disponible dans la banque de ressources.
Séance 5 LECTURE COMPARÉE
Réécritures et variations d’une
même histoire
Supports : Antony Browne, les deux albums
Objectif : Mettre en avant la notion de réécriture
Durée : 1 heure
Mise en œuvre pédagogique
Cette séance s’intéressera à la genèse d’Une histoire à quatre voix.
Cet album est en effet un palimpseste, puisque l’histoire et les
personnages de Voices in the Park1 proviennent d’un album créé
20 ans auparavant, A Walk in the Park.
Pour que les élèves le découvrent eux-mêmes, on leur projette
la version audio du premier ouvrage en anglais : les élèves se
familiariseront avec l’anglais, tâcheront de repérer les noms des
personnages, puis après avoir exprimé leurs premières impres-
sions, ils écouteront la version anglaise de Voices in the Park qu’ils
connaissent mieux.
Questions posées après l’écoute
1. Quelles ressemblances et quelles différences remarquez-vous
entre les deux albums ?
2. Quel est votre album préféré ? Justifiez votre réponse.
Éléments de réponse
1. Les élèves verront vite qu’il y a de nombreux points com-
muns entre les deux textes, car même si le premier texte est pris en
charge par un seul narrateur externe, il s’agit de la même histoire
avec de nombreux motifs similaires. Les personnages ne sont pas
des singes mais certains portent les mêmes noms et deux chiens
puis deux enfants jouent dans un même parc, accompagné d’un
parent.
En revanche, les élèves découvriront que Réglisse était prénom-
mée Smudge dans les deux versions anglaises : ce mot n’est pas
un prénom mais plutôt un verbe ou un nom qui signifie « tache »,
« bavure » , « souillure ». Dans A Walk in the Park, le nom Smythe
est la version prononcée avec un accent snob de Smith, nom du
père de Smudge. Ils trouveront les mêmes motifs d’arbres et de
bancs dans les deux albums, mais seront sans doute attentifs à
l’étanchéité des deux mondes, bien plus grande dans le premier
album. Dans la version anglaise de Voices in the Park, les élèves
pourront entendre que les narrateurs changent de manière de
Séquence 6e
parler à chaque fois, et seront sensibles à une lecture distincte et
expressive – et pas au seul vernis à ongles de la conteuse…
Étape 3
Créer et illustrer
une histoire collective
Séance 6 ÉCRITURE
Invention d’un album en classe
Support : Anthony Browne, Petite Beauté, Kaléidoscope
Objectifs : Imaginer une histoire et l’illustrer ; créer un album
numérique
Durée : 2 heures
Mise en œuvre pédagogique
Il s’agit d’écrire puis d’illustrer une histoire collective sur le thème
de l’amitié, qui fait entendre quatre voix et quatre points de vue sur
la même histoire. Par exemple, l’histoire de Petite Beauté pourrait
être réécrite selon les points de vue successifs du singe, du gardien
de zoo, du chaton et d’un visiteur du zoo.
Invention d’une histoire illustrée
• Le questionnaire permet de réfléchir, seul ou à deux, aux
ingrédients possibles de l’histoire commune. La classe se met-
tra ensuite d’accord sur les différentes propositions les plus
construites : il s’agit de s’accorder sur les éléments de décor et sur
les protagonistes qui doivent être reconnaissables dans chaque
histoire. On veille à ne pas trancher par un vote mais plutôt à
obtenir un consentement de la classe à un même projet, quitte à
mixer différentes propositions.
• Un groupe d’élèves volontaire peut se charger de l’illustration,
aidant les 4 autres groupes en charge d’une des quatre voix à
construire leurs deux ou trois planches chacun. Pour l'illustra-
tion, le soutien du professeur d'arts plastiques sera utile. On peut
suggérer l’utilisation de collage ou d’images photocopiées ou de
dessins photocopiés ou décalqués.
Un questionnaire est disponible dans la banque de
ressources.
Création d’un livre numérique
• Une fois les planches des quatre voix mises bout à bout, celles-
ci peuvent donner lieu à un livre numérique , en utilisant par
exemple l’application Book Creator qui permet d’intégrer très
facilement du texte, des photos, des vidéos et des enregistre-
ments sonores. La plateforme du numérique pour le primaire,
Primàbord, propose des exemples mais aussi des liens vers des
tutoriels académiques très bien faits. L’enseignante pourra donc
déléguer un certain nombre de tâches aux élèves : la prise de
photo, l’enregistrement des quatre voix, l’insertion du texte avec
un choix de police selon les caractères des narrateurs successifs.
Le travail en classe pourra être complété par un travail à la maison
pour les plus experts, dont on valorisera le travail par le biais des
compétences « s’engager dans un projet collectif » (domaine 3 du
socle) et « développer des documents multimédia » (domaine 2).
Ce travail peut être partagé avec les parents et l'ensemble de
l'établissement.
1. Christian Bruel, Anthony Browne, Être, 2001.
2. Ibid.
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     19
Séquence 5 - 4 e e
THÈME DU PROGRAMME  5e Famille, amis, réseaux
 4e Individus et société : confrontations des valeurs

Alexandre Dumas,
Les Trois Mousquetaires
par Édith Wolf et Martine Rodde, professeures agrégées de Lettres modernes
© Julien Panie-Chapter2-M6 Films / Collection Christophe L

Vincent Cassel, Romain Duris et Pio Marmaï dans Les Trois Mousquetaires,
Sommaire réalisé par Martin Bourboulon d’après le roman d’Alexandre Dumas, 2023.
ÉTAPE 1. Entrer dans l’œuvre
Séance 1 : Découvrir l’univers du roman
Séance 2 : Un début de roman en forme de
récit initiatique
ÉTAPE 2. Un roman de cape et d’épée
Séance 3 : Un roman de l’action
Séance 4 : Duels et violence Présentation
Séance 5 : Un roman historique et un film
en costumes
• Classique très actuel, le roman d'Alexandre Dumas constitue
un véritable mythe tant ses personnages et leur univers ont
ÉTAPE 3. L’amitié nourri la culture populaire. La sortie d’une adaptation cinéma-
Séance 6 : Une communauté de mousquetaires tographique à grand succès de la première partie du roman
ÉTAPE 4. Le roman de Milady
aura permis au jeune public un accès par l’image à l’univers du
Séance 7 : La femme fatale
Séance 8 : Une certaine noirceur
récit. Du fait de cette actualité, de nombreuses éditions adap-
tées à la jeunesse sont rendues disponibles par les éditeurs.
Celle que nous avons choisie, assez récente, reste très accessible
sans trahir l’œuvre.
Séquence 5e -4e Les ressources
 éance 1. Le texte du conte Vassilissa la Belle
S Organisation de la séquence
Séance 3. Des exemples de réponses pour • L’étude propose plusieurs pistes, s’attachant à montrer en
repérer des effets comiques (chapitre 4) et quoi ce roman historique constitue le type même du récit
des rebondissements dramatiques (chapitre de cape et d’épée tout en jouant avec les registres héroïque,
20) tragique et comique. Par ailleurs, l’œuvre exalte les valeurs de
Étape 3. Une séance complémentaire sur
l’amitié, de la solidarité et permet de s’interroger sur la violence
les liens amicaux qui se construisent dans le
roman et ses représentations dans la littérature et le cinéma.
Séance 8. Des questions pour confronter • Le travail de questionnement des textes, souvent mené en
Les Trois Mousquetaires au roman noir, avec groupes, est accompagné de pistes d’activités diverses : élabo-
des éléments de réponse ration d’une vidéo de type booktube, visionnage d’extraits de
films, jeu théâtral, lecture expressive, expression écrite, débat.

20 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023


Supports • Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, Livre de Poche Jeunesse, 2014
• André Hunebelle, Les Trois Mousquetaires, 1953
• Zhang Yimou, Le Secret des poignards volants, 2004
• Martin Bourboulon, Les Trois Mousquetaires, 2023
Objectifs • Appréhender le contexte historique qui préside à l’écriture du roman de Dumas : la classe nobiliaire, la pratique du
duel
• Comprendre comment est représentée et stylisée l’action dans le genre romanesque en comparaison avec d’autres
formes d’art
• Découvrir des figures majeures de femme fatale et de méchants dans la fiction
Durée • 15 heures environ
Étape 1 Entrer dans l’œuvre
Séance 1
LECTURE D'IMAGES, ORAL
Découvrir l’univers du roman
Supports : L’ensemble du roman ; des vidéos de booktube ; la
bande-annonce du film de Martin Bourboulon
Objectif : Permettre l’entrée dans le récit par des activités et des
réalisations des élèves
Durée : 2 heures
Mise en œuvre pédagogique
Les élèves auront lu l’ensemble du roman avant la première séance.
On invite les élèves à entrer dans l’univers du roman par une série
d’activités diverses : réaliser une vidéo de type Booktube, regarder
et analyser une bande-annonce de film, proposer une lecture orale
expressive.
I. Réaliser une vidéo de type Booktube
Avant la première séance , les élèves sont invités à réaliser seuls
ou à deux une vidéo à propos du roman de Dumas. Il s’agira d’un film
d’une minute et demie s’inspirant des éléments trouvés sur le site
https://www.youtube.com/watch?v=bD_lCo-Xu1s .
En amont de ce travail, pour aider les élèves à identifier les élé-
ments à citer, on peut leur montrer les deux premières interventions
filmées et leur faire expliquer sur quels points s’expriment les book-
tubeuses : résumé du récit, facilité de lecture, intérêt de l’histoire,
sentiments provoqués par le récit, thèmes, type de texte, causes du
plaisir de la lectrice.
En classe, on passe plusieurs films réalisés par les élèves et on
demande à la classe de réagir : les explications sont-elles claires,
donnent-elles envie de lire l’ouvrage, l’opinion exprimée est-elle
argumentée ? Retrouvez-vous vos propres impressions de lecture ?
II. Regarder et commenter la bande-annonce du film
réalisé par Martin Bourboulon (2023)
Questions
1. Quels personnages reconnaissez-vous ? Quelles scènes ?
2. Quels personnages sont constamment en mouvement ?
3. Commentez le rôle de la musique.
4. Quel est le rythme des dernières images ?
5. La bande-annonce vous donne-t-elle envie de voir le film ?
Éléments de réponse
1. Personnages : les mousquetaires, le roi, le cardinal, Milady.
Scènes : on retrouve le défi des trois duels, le combat contre les
mousquetaires du cardinal, les entrevues avec le roi et le départ
des troupes.
Séquence 5e - 4e
2. D’Artagnan et les mousquetaires sont en mouvement.
3. La musique répétitive et forte souligne l’intensité de l’action.
4. Le rythme de la bande-annonce s’accélère à la fin pour mettre
en valeur la rapidité de l’action.
III. Lire à voix haute
On forme des équipes de trois. Chaque équipe choisit un pas-
sage d’une page maximum à lire de façon expressive. Chaque équipe
explique les raisons du choix du passage. On organise la lecture orale
en suivant l’ordre de déroulement du récit.
Pour la séance suivante
– On invite les élèves à relire les chapitres 1 à 9 du roman.
– On leur demande de lire le conte Vassilissa la Belle et de repérer
l’âge de l’héroïne au début et à la fin du récit. (Réponse : l’héroïne
est une enfant au début, elle a huit ans, et, à la fin du conte elle se
marie, elle est donc adulte).
Le conte Vassilissa la Belle est disponible dans la banque
de ressources.
Séance 2 LECTURE
Un début de roman en forme
de récit initiatique
Support : Les chapitres 1 à 9
Objectif : Repérer la dimension initiatique du début du récit
Durée : 2 heures
Mise en œuvre pédagogique
Par la lecture d’un conte traditionnel, on fait comprendre aux
élèves ce qu’est un récit initiatique, avant d’appliquer cette notion
aux 9 premiers chapitres du roman.
I. Travail sur un conte initiatique : Vassilissa la Belle
On formule dans un échange oral les résultats de la recherche
faite à la maison. On fait ensuite repérer les épreuves, les adjuvants,
les opposants. On demande enfin en quoi l’histoire de l’héroïne est
celle d’une initiation à la vie adulte.
Éléments de réponse
Les épreuves sont : la mort de sa mère, les persécutions de sa
marâtre et de ses belles-sœurs, son trajet dans la forêt la nuit, la vie
chez Baba-Yaga et les tâches qu’elle doit y accomplir, la conquête
du tsar grâce à son habileté de couturière. Les adjuvants : la poupée
et Baba-Yaga (lorsqu’elle lui donne le crâne), la vieille femme qui
l’héberge. Les opposants : la marâtre et les belles-sœurs, Baba-Yaga.
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     21

© Collection Kharbine-Tapabor
Ivan Bilibine, illustration pour Vassilissa-la-très-belle, 1900.
II. Analyse du début du roman comme récit initiatique
Questions
1. Quelle étape de l’initiation du héros présente le chapitre 1 ?
2. Comment Tréville et le roi désignent-ils d’Artagnan dans le
chapitre 6 ? En quoi est-ce lié au caractère initiatique de ce pas-
sage ?
3. Quel personnage d’adjuvant apparaît dans le chapitre 2 ?
4. Quelles situations sont incomprises de d’Artagnan ?
5. Quelles épreuves traverse-t-il ?
6. En quoi les titres des chapitres 7 et 9 montrent-ils que d’Ar-
tagnan a été initié à la vie de mousquetaire ?
7. Relevez un passage du chapitre 7 qui montre que d’Artagnan
est à égalité avec les trois mousquetaires.
8. Chapitre 9, quel rôle joue d’Artagnan dans le groupe des
quatre ?
Éléments de réponse
1. D’Artagnan quitte sa famille et reçoit de son père des règles
de conduite.
2. Tréville le désigne par l’expression « un jeune cadet », le roi
emploie le mot « enfant » et l’expression « jeune homme ». Cela
montre qu’il n’a pas encore atteint la maturité.
3. Monsieur de Tréville est le personnage d’adjuvant.
4. Au chapitre 2, d’Artagnan ne comprend pas le comportement
des mousquetaires et pense que les railleries contre le cardinal
seront punies de mort (page 21). Dans le chapitre 4, il commet une
maladresse en ramassant le mouchoir perdu par Aramis. Il ne saisit
pas tout de suite le jeu entre le roi et le cardinal. Dans le chapitre 6,
il est le seul naïvement enthousiaste à l’idée de voir le roi.
5. Les épreuves commencent dès le chapitre 1, où d’Artagnan
est blessé par l’homme de Meung (il perd sa lettre de recomman-
dation) ; dans le chapitre 4, il provoque en duel les trois mousque-
taires successivement ; dans le chapitre 5, il combat les hommes du
cardinal ; dans le chapitre 9, il apparaît capable de ruse et devient
la tête pensante du groupe des quatre.
6. Dans le titre « L’intérieur des mousquetaires » , d’Artagnan est
intégré au groupe. Le titre « D’Artagnan se dessine » renvoie à sa
personnalité qui s’affirme et à l’influence qu'il exerce sur les autres.
22 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
7. Au début, c’est l’argent de d’Artagnan qui permet à tous de
vivre correctement : « La vie des quatre jeunes était devenue com-
mune […] comme des ombres », page 55.
8. Quand les gardes se présentent, d’Artagnan incite ses amis à
la prudence, il est donc celui qui mène le groupe : « Un moment […]
demi-tirées. Prudence ! », page 64.
Les autres mousquetaires le reconnaissent comme une sorte de
chef : « Vous laisserez faire d’Artagnan, dit Athos », page 65.
Pour la séance suivante
On invite les élèves à faire une recherche sur la définition du roman
de cape et d’épée et les origines de ce genre.
Réponses : Le genre se définit avant tout par l’action, et l’inscrip-
tion dans une période historique précise : entre les xve et xviiie
siècles. C’est dans le théâtre espagnol que naît le genre. Les duels y
tiennent une grande place. L’appellation renvoie au costume.
Étape 2Un roman
de cape et d’épée
Séance 3 LECTURE, ORAL
Un roman de l’action
Support : Les chapitres 4 et 20
Objectif : Réfléchir sur l’action et le genre romanesque
Durée : 1 heure
Mise en œuvre pédagogique
Par un travail d’analyse en équipes de deux, on amène les élèves à
comprendre le rôle de l’action dans le roman de cape et d’épée, et
à en découvrir les ressorts comique et dramatique.
I. Première définition du genre
On exploite oralement le travail demandé à la maison. Puis on
demande aux élèves d’écrire une phrase dans laquelle ils justifient
l’appellation « de cape et d’épée » pour le roman de Dumas.
Réponse : on peut dire que Les Trois Mousquetaires est un roman
de cape et d’épée par l’inscription historique – le début du xviie
siècle – et par l’importance de l’action et des duels.
II. Les actions dans le roman
On divise la classe en deux groupes, chaque groupe travaillant
sur une des caractéristiques du genre : un roman de l’action sou-
tenu par des effets comiques (chapitre 4), un roman construit sur
des rebondissements dramatiques (chapitre 20).
Des exemples de réponses pour chacun de ces axes sont
disponibles dans la banque de ressources.
III. Synthèse orale du travail des deux groupes
Les deux passages reposent sur l’action. Le premier est fondé
sur la conflictualité : dialogues-duels, déplacements constants et
opposition physique. Le second montre une quête semée d’obsta-
cles, avec des mises en danger des personnages où la traversée de
l’espace correspond à la réussite de la quête.
Pour la séance suivante
Étude du Cid, Acte II scène 2, jusqu’au vers 412 (« coups de maître »).
On demande aux élèves de former des équipes de deux et d’en
préparer la lecture expressive ou le jeu.
 Séquence 5e - 4e

Séance 4 IV. Visionnage de films

ANALYSE, EXPRESSION ÉCRITE
Duels et violence
Supports :
- Article du National Geographic sur le duel : https://www.natio-
nalgeographic.fr/histoire/2020/08/en-garde-pourquoi-la-france-
etait-elle-capitale-la-capitale-europeenne-des-duels
- Extrait du Cid : acte II scène 2 jusqu’au vers 412
- Le film Les Trois Mousquetaires d’André Hunebelle
- Extrait du film Le Secret des poignards volants, de Zhang Yimou
(chapitre 6, 44’ à 47’)
Objectifs : Mener une réflexion sur la violence dans la littéra-
ture et le cinéma ; écrire une scène d’action
Durée : 2 heures
Mise en œuvre pédagogique
On invite les élèves à effectuer une recherche en ligne sur l’histoire
du duel et on l’exploite dans un échange oral. On répartit ensuite
la classe en trois groupes qui mènent une réflexion sur l’un des
sujets proposés liés à la question du duel. Chaque groupe choisit
un rapporteur qui expose à la classe le résultat du travail du
groupe, puis on lance un débat sur chacune des questions. Deux
équipes d’élèves proposent une interprétation de la scène du Cid.
On montre aux élèves un extrait de film de genre fondé sur les
arts martiaux chinois pour les rendre sensibles à la stylisation de la
violence. On termine la séance par un travail d’expression écrite.
I. Histoire du duel
Lisez en ligne l’article du National Geographic « En garde !
Pourquoi la France était-elle la capitale mondiale du duel ? ».
1. Quelle classe sociale était concernée ? Au nom de quelle
valeur le duel était-il pratiqué ?
2. Quel roi l’interdit et à quelle date ?
3. Quel rituel devait être observé ?
4. En dehors des deux protagonistes, qui était présent ?
5. Combien de morts a causés le duel sous le règne d’Henri IV ?
6. Pourquoi, selon vous, les autorités voulaient-elles l’interdire ?
• On passe aux élèves le début du chapitre 6 (44’ à 47’) du film Le
Secret des Poignards Volants de Zhang Yimou. Il s’agit d’un combat
avec des armes traditionnelles chinoises. On interroge les élèves
sur les procédés de stylisation de la violence : ralentis, caméra sui-
vant le trajet des projectiles, chorégraphie des mouvements, acro-
baties, irréalisme, dissimulation des réalités physiques du combat.
• On lance une réflexion sur la stylisation de la violence à partir du
film d’André Hunebelle. Dans la scène où les trois mousquetaires
affrontent les hommes du cardinal (16’ après le début), ou celle
où des hommes en noir veulent emmener Constance (37’33), les
éléments de stylisation sont : l’absence totale de sang et d’images
de blessures, les chutes spectaculaires (dans la rivière), le rôle de
la musique qui rythme l’action, la stylisation des gestes de com-
bat inhérente à l’art de l’escrime. Pour la deuxième séquence, on
note aussi la distanciation de la violence par la mise en parallèle
du combat comique mené par Bourvil à coups de poêle à frire et
du combat « sérieux » de d’Artagnan.
V. Expression écrite
Racontez une scène de bagarre qui se passe aujourd’hui. Vous
utiliserez les procédés repérés au cours de la séance précédente :
phrases courtes, dialogues, ponctuation expressive, mouvements.
Travail à la maison pour la séance suivante
Lisez les pages 461 à 475 du roman.

Éléments de réponse
1. La noblesse pratiquait le duel au nom de l’honneur.
2. Louis XIV l’interdit en 1679, Richelieu avait déjà tenté d’en
limiter la pratique sous le règne de Louis XIII.
3. Les duellistes devaient se défier, leurs vêtements et leurs
armes étaient codifiés (chemise, épée).
4. Des seconds étaient présents.
5. Entre 4 000 et 50 000 participants auraient perdu la vie.
6. Cette pratique décime la noblesse.
II. Réflexion sur l’un des sujets proposés
Groupe 1 : L’honneur
Proposez une définition de cette valeur. Vous semble-t-elle
encore actuelle ? Adhérez-vous à cette valeur ? Pourquoi ?
Groupe 2 : La violence dans la société
Trouvez-vous la société actuelle plus ou moins violente que
celle évoquée dans le roman ? Vous semble-t-il que la violence soit
BIS / Ph. Coll. Archives Nathan

plus ou moins tolérée aujourd’hui ? Justifiez votre réponse.

Groupe 3 : Justice et vengeance
Pensez-vous que l’on doive se faire justice soi-même ? Justifiez
votre réponse.
III. Interprétation théâtrale
Proposez une interprétation de la scène du Cid. Quels sont les
points communs entre l’action et l’écriture de la scène et celles du
chapitre 4, page 33 et 34 ? Duel de mousquetaires, BnF, Paris.

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     23

 Diltz © Titanus (Rome) / Pathé Cinema Paris / Bridgeman Images
4. Les épisodes comiques sont la bastonnade de d’Artagnan par
les valets et le plongeon dans la rivière des ennemis des duellistes.
Le valet de d’Artagnan, interprété par Bourvil, prend une grande
importance et renforce le comique. L’épisode de la pêche aux sau-
cisses est ajouté.
5. Le film récent est moins comique et plus violent. La lumière
est beaucoup plus sombre et les costumes moins clinquants.

Pour la séance suivante

On fait relire les chapitres 29 et 47.
On demande un rappel des trois ordres de la société d’Ancien
Régime et la définition des mots « gentilhomme » et « mousque-
taire ».

Étape 3 L’amitié
Les Trois Mousquetaires d’André Hunebelle, 1953, avec de gauche Séance 6 ORAL
à droite Jean Martinelli, Georges Marchal, Bourvil, Jacques
François, Gino Cervi.
Une communauté
Séance 5 ORAL, LECTURE D'IMAGES de mousquetaires
Support : Chapitres 4, 5, 29 et 47
Un roman historique et un film en Objectif : Comprendre sur quelles valeurs et quelles réalités
costumes partagées se fonde l’amitié
Durée : 2 heures
Support : Pages 461 à 475 du roman ; deux extraits du film Mise en œuvre pédagogique
d’André Hunebelle, Les Trois Mousquetaires, du début jusqu’à la Par un questionnement oral, on fait découvrir les valeurs que par-
minute 24 d’abord, puis de 1h09 à la fin tagent les héros puis les difficultés qui les rapprochent et fondent
Objectif : Réfléchir à la dimension historique du récit leur amitié. On clôt le questionnement par une synthèse sur la
Durée : 2 heures dimension à la fois héroïque et comique du roman.
Mise en œuvre pédagogique On finit la séance par un débat sur le thème de l’amitié. Les
On répond d’abord aux questions 1 à 3 dans un échange oral élèves réfléchissent en équipes de deux à une des questions. Ils
avant de visionner le film et de répondre à la question 4. débattent ensuite dans un échange oral.

Questions I. Des frères d’armes unis par des valeurs communes

1. Citez trois faits historiques mentionnés dans le roman.
2. Quels personnages importants du roman viennent de Questions
sources historiques ? 1. À quel ordre de la société appartiennent les mousquetaires ?
3. Quelle action importante le vrai d’Artagnan a-t-il accomplie Quelle place dans la société cette appartenance leur donne-t-elle ?
pour le roi Louis XIV ? Quel livre a servi de point de départ à Dumas Quelle est leur devise ? Commentez-la.
pour inventer son d’Artagnan ? Ce livre est-il exact historiquement ? 2. Trouvez dans les chapitres 4 et 5 quatre passages dans les-
4. Après avoir regardé les deux extraits des Trois Mousquetaires quels, avant même de se connaître, les mousquetaires et d’Arta-
du début jusqu’à la minute 24 et la fin à partir de 1h09, vous répon- gnan se reconnaissent comme des semblables.
drez aux questions suivantes : citez deux passages comiques dans 3. Montrez en quoi les quatre mousquetaires et M. de Tréville
le début du film. Quel personnage secondaire prend de l’impor- constituent une sorte de famille, n’oubliez pas de préciser leur ori-
tance (citez un épisode ajouté dans le film) ? Les acteurs vous gine géographique.
semblent-ils incarner les personnages tels que vous pouviez les 4. Rappelez qui sont les valets de chacun des personnages. En
imaginer ? relisant les pages 52 à 54, montrez en quoi certains ressemblent à
5. Si vous avez vu le film sorti au printemps 2023, citez trois dif- leur maître. Quel est leur rôle dans le roman ?
férences majeures entre les deux adaptations cinématographiques. 5. Repérez dans le chapitre 47 trois passages d’une demi-page
où la bravoure des personnages est exaltée. Lisez-les à deux à voix
Éléments de réponse haute. Rappelez quelles valeurs guident la conduite des héros.
1. Le siège de La Rochelle, la question des duels dans la
noblesse et l’attitude du pouvoir politique, la rivalité entre la France Éléments de réponse
et l’Angleterre, l’assassinat du duc de Buckingham. 1. Ils appartiennent à la noblesse, considérée comme la classe
2. Louis XIII, Richelieu, les mousquetaires, Anne d’Autriche, supérieure de la société, et sont donc voués à la guerre. Leur devise,
Felton, le duc de Buckingham. « Tous pour un, un pour tous », illustre la solidarité qui les unit.
3. Il a arrêté Fouquet. Les Mémoires de Monsieur d’Artagnan 2. – « Monsieur l’homme pressé [...] moins dix minutes. », page 34
de Gatien de Courtilz sont des mémoires apocryphes, donc non – « En outre [...] estimait fort. », page 35
fiables historiquement. – « Dégainez s’il vous plaît [...] je serai tué par un mousquetaire. »

24 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023


– « Se tournant donc vers Athos [...] et cela m’entraîne. », page 43
3. Il joue le rôle d’un père dont les fils seraient les mousque-
taires et d’Artagnan. Tous sont originaires de Gascogne.
4. Les valets : Mousqueton est le valet de Porthos et, comme
lui, il aime les beaux vêtements et l’apparence ; Bazin, celui d’Ara-
mis, imite son maître dans son allure cléricale, Grimaud est le valet
d’Athos et Planchet, celui de d’Artagnan. On peut dire que les valets
sont un peu les doubles des maîtres. Ils constituent un prolonge-
ment du groupe des mousquetaires.
5. Page 318 : « Qu’y a-t-il, Grimaud ? [...] recharger les armes. »
Pages 319-320 : « Que faites-vous donc, mon cher ? [...] le touchât. »
Page 324 : « Alors feu [...] et tout fut dit. » Les valeurs sont : le courage,
l’indifférence à la mort, la loyauté envers le suzerain (le roi), la vail-
lance à la guerre, le panache.
II. Des gentilshommes pauvres soumis aux nécessités
matérielles
Questions
1. Dans les chapitres 28 et 29, à quelle sorte de difficulté les
mousquetaires sont-ils confrontés ?
2. Comment font-ils pour se procurer de l’argent ? En quoi ces
démarches peuvent-elles apparaître amorales et humiliantes ?
3. En quoi leurs préoccupations matérielles peuvent-elles appa-
raître contradictoires avec leur statut social ?
Éléments de réponse
1. Ils n’ont plus d’argent sauf d’Artagnan et ont perdu leurs che-
vaux en les jouant ou en les vendant. Ils doivent se procurer un
équipement de mousquetaire.
2. Aramis vend son cheval, ils errent dans la ville à la recherche
d’argent perdu, Porthos se fait donner de l’argent par une femme
qu’il n’aime pas en simulant l’amour. Ils agissent comme de véri-
tables pauvres et Porthos fait preuve d’hypocrisie.
3. Ils sont supposés, en tant que nobles, appartenir à
l’ordre supérieur de la société, ce qui leur interdit l’hypocrisie et
la déchéance.
III. Des héros entre exploits héroïques et comédie
Questions
1. Cherchez des exemples dans la BD de personnages comiques
liés à la nourriture, à la boisson ou à l’argent. Ces personnages sont-
ils des héros au sens « héroïque » du terme ? Montrez qu’ils consti-
tuent le double comique d’un autre personnage. Expliquez en quoi
ce fonctionnement du rôle comique de certains personnages est
différent de ce que montre le roman de Dumas.
2. Expilquez en quoi le passage, page 316, de « J’espère » à
« assez » est représentatif des valeurs et des comportements des
mousquetaires dans le roman. Dites en quoi cette association rap-
proche le comique et l’héroïsme.
3. Montrez, en utilisant vos réponses précédentes, qu’une telle
amitié ne peut concerner que des hommes.
Éléments de réponse
1. Obélix, Picsou, Rantanplan et le capitaine Haddock sont
des personnages comiques liés à la nourriture, à la boisson ou à
l’argent. Chacun d’eux est le double comique d’un personnage qui
constitue le véritable héros : Astérix, Donald, Lucky Luke, Tintin.
Dans le roman de Dumas, ce sont les mêmes personnages qui sont
à la fois héroïques et comiques : Porthos, son solide appétit et ses
Séquence 5e -4e
amours ridicules, Aramis et son aspiration mystique fluctuante ainsi
que son grand appétit, d’Artagnan et ses maladresses de débutant.
2. Athos souligne à la fois le plaisir de la bonne nourriture et
de la bonne compagnie et le danger qui contribue à la gloire des
mousquetaires. Le comique, associé au corps et à la nourriture, est
relié à l’héroïsme du comportement des personnages.
3. Les valeurs militaires, le fait de porter une épée, le combat,
sont à cette époque réservés aux hommes.
IV. L’amitié, une valeur universelle, débat
Vous réfléchirez par équipes de deux à l’une des questions sui-
vantes : L’amitié est-elle possible entre filles et garçons ? L’amitié
suppose-t-elle des valeurs communes ? À quoi sert un(e) amie(e) ?
Une séance complémentaire sur les liens amicaux qui se
construisent dans le roman est disponible dans la banque
de ressources.
Pour la séance suivante
Relisez les chapitres 33, « Soubrette et maîtresse », et 45, « Scène
conjugale ».
Faites une recherche sur trois des personnages suivants : Ève,
Hélène de Troie, Médée, la fée Morgane, Cléopâtre et Mata-Hari.
Vous chercherez pour chacune son origine, son rapport avec les
hommes, trois de ses actions et la manière dont elle finit sa vie.
Étape 4 Le roman de Milady
Séance 7 RECHERCHES, LECTURE
La femme fatale
Supports : Chapitres 33 et 45
Objectif : Faire le portrait de Milady
Durée : 2 heures
Mise en œuvre pédagogique
Les élèves fournissent oralement les éléments de leur recherche sur
les personnages féminins. L'objectif est de composer le portrait de
Milady. On termine la séance par un écrit de synthèse sur le person-
nage de Milady.
.
I. Échange oral sur le thème de la femme fatale
Une « femme fatale » est un type de personnage féminin pré-
sent dans les mythes et les représentations artistiques, et le mot
peut même s' appliquer à des personnages réels de l’Histoire. La
femme fatale est belle et séduisante, si bien que tous les hommes
tombent amoureux d’elle. Mais elle ne les aime pas et vise à prendre
le pouvoir sur eux, goûtant la domination qu’elle exerce. En les
trompant, elle va jusqu’à entraîner leur perte et peut commettre
des actions cruelles et criminelles. Elle est une incarnation féminine
du mal.
II. Portrait de Milady
Questions
1. Rappelez qui est Milady dans le début du roman : pour qui
travaille-t-elle ? Rappelez quel a été son rôle dans l’affaire des
ferrets de la reine, dans la vie de madame Bonacieux, dans la vie
d’Athos et dans celle de d’Artagnan.
2. Par quelles métaphores est-elle désignée, chapitre 45 ?
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     25
 Éléments de réponse
1. Les réponses se trouvent dans le passage pages 308-309 de
« Écoutez » à « assassiner d’Artagnan. »
2. Milady est appelée « démon » et « vipère ».
III. Écrit de synthèse
Expliquez pourquoi on peut dire que Milady est une femme
fatale en complétant les phrases suivantes :
Comme Hélène de Troie, Milady.....................................................
Comme Morgane, elle....................................................................
Comme Cléopâtre, elle asservit les hommes à son pouvoir...........
Comme Morgane, Ève et Médée, elle.............................................
Comme Mata-Hari, elle...................................................................
Comme Médée, elle........................................................................
Éléments de réponse
Comme Hélène de Troie, Milady séduit par sa beauté ; comme
Morgane, elle a le pouvoir d’une sorcière envoûtante ; comme
Cléopâtre, elle asservit les hommes à son pouvoir ; comme
Morgane, Ève et Médée, elle fait le malheur des hommes qu’elle
séduit ; comme Mata-Hari, elle est espionne au service d’un homme
de pouvoir ; comme Médée, elle est capable de crimes.
Pour la séance suivante
Relire les chapitres 49, 52 à 57 et 66.
Séance 8 ANALYSE DE TEXTE
Une certaine noirceur
Supports : Chapitres 49, 52 à 57, 66
Objectif : Montrer que l’écrivain donne ainsi une couleur
sombre à son roman de cape et d’épée
Durée : 2 heures
Mise en œuvre pédagogique
Au cours de cette séance, il s’agit surtout de montrer ce qui relie
le roman à la tragédie. On peut aussi séparer la classe en deux
groupes, l’un chargé du thème de la tragédie, l’autre du roman
noir. Les élèves reçoivent l’ensemble du questionnaire. Avant qu’ils
ne commencent à y répondre, on donne les définitions.
. 2. Choisissez-en un dont vous ferez le portrait.
I. La tragédie
On appelle tragédie une pièce qui montre l’affrontement entre
des personnages et leur destin funeste.
Questions
1. Cherchez l’étymologie du mot « fatal » et montrez le lien
entre tragédie et femme fatale.
2. En observant les titres des chapitres 49 et 52 à 57, montrez
que Dumas renvoie le lecteur à l’univers de la tragédie.
3. Observez les huit dernières lignes des chapitres 52 à 56.
Montrez qu’à chaque passage, on assiste à une étape de la séduc-
tion de Felton par Milady.
4. Dans la tragédie classique, un grand récit fait par un des
personnages rapporte aux spectateurs des évènements que l’on
ne peut ou ne veut pas représenter sur scène. Montrez que dans
le chapitre 57, Milady recourt à ce moyen pour convaincre Felton.
Éléments de réponse
1. « Fatal » vient de fatum en latin qui signifie le destin. Fatum
est une forme du verbe fari : dire. Le fatum est ce qui est « déjà dit »,
26 SEPTEMBRE COLLÈGE JUIN 2023
ce qui est écrit à l’avance. La tragédie repose sur l’idée que le destin
funeste est inévitable, que les personnages ne peuvent y échapper,
de même qu’il est difficile d’échapper à une femme fatale.
2. Les titres « Fatalité » et « Un moyen de tragédie classique »
renvoient explicitement à la tragédie. Le fait qu’il y ait cinq épisodes
dans la séduction de Felton, comme il y a 5 actes dans une tragédie
invite à considérer cet ensemble comme les étapes du destin tra-
gique et inéluctable de Felton et renvoie au pouvoir de la femme
fatale qu’est Milady.
3. Le chapitre 52 finit par un échec de Milady : Felton éprouve
du dégoût pour elle. À la fin du chapitre 53, Milady remarque que
Felton a peur d’elle ou plutôt de lui-même, ce qui montre qu’elle
commence à avoir prise sur lui. Le 54 s’achève sur un arrêt de Felton
devant la porte de Milady, qui l’entend soupirer, ce qui prouve qu’il
ressent des émotions liées à elle. À la fin du chapitre 55, Felton lui
donne un rendez-vous. Le 56 finit par un moment de faiblesse
de Felton, et Milady comprend qu’il souffre pour elle et déteste
son ennemi.
4. Milady fait un récit de sa vie inventé de toutes pièces, dans
lequel elle se présente comme une victime de Buckingham, que
Felton déteste déjà comme un ennemi de sa religion.
II. Le roman noir
Le roman noir, parfois appelé roman de terreur ou roman
gothique, est un genre narratif qui naît en Angleterre au xviiie siècle.
Il se caractérise par une action riche en rebondissements et en actes
très violents, par des personnages sans nuances, très bons ou très
cruels, par des thématiques comme celles de la vengeance, et par
un goût pour les lieux terrifiants et les scènes à effets.
Des questions sur le roman noir sont disponibles, avec
leurs éléments de réponse, dans la banque de ressources.
Prolongement : réflexion et expression écrite
sur le roman noir
Questions
1. Quels personnages de « méchants » connaissez-vous dans les
traditions religieuses ? Dans la littérature ou le cinéma ?
3. Inventez un personnage de « méchant ». Vous pouvez l’ins-
crire dans un univers imaginaire fantastique ou de fantasy. Pensez à
son apparence, à ses pouvoirs, à ses goûts et à son caractère.
Éléments de réponse
1. Dans la tradition biblique, Caïn est le premier meurtrier : il tue
son frère Abel avant d’être marqué et maudit par Dieu. Malgré son
crime, il aura une nombreuse descendance, notamment parmi les
créateurs de la technique (forgerons, architectes).
Dans la tradition chrétienne, Jésus est présenté comme soumis
à la tentation par Satan et il guérit des possédés que celui-ci a pla-
cés sous son emprise. Satan est un ange déchu.
Dans les Sherlock Holmes, l’ennemi est le professeur Moriarty,
génie du mal aussi intelligent que le héros. Dans Harry Potter,
Voldemort, en réalité Tom Jedusor, est Celui-dont-on-ne doit-pas-
prononcer-le-nom, un sorcier à l’allure de serpent et aux grands
pouvoirs qui veut dominer le monde des sorciers. Dans Le Seigneur
des Anneaux, Sauron est l’ennemi qui règne sur le pays maudit du
Mordor et qui a forgé l’anneau de pouvoir maléfique. Dans Star
Wars, Dark Vador est un chevalier Jedi passé au service du malé-
fique Empereur.
 Séquence 55e -4
e e

arts
Histoire
des Alex de Andreis, L’Arrivée de d’Artagnan,
début du xxe siècle
Par Daniel Bergez
Roman historique et roman
de cape et d’épée,
Les Trois Mousquetaires est
aussi le récit d’une amitié

© Christie’s/ Artothek / LA COLLECTION

entre quatre personnages que
le hasard a fait se rencontrer.
C’est lorsqu’il arrive à Paris pour
faire carrière dans le corps des
mousquetaires au service du
roi Louis XIII, que D’Artagnan,
jeune homme sans fortune, va
rencontrer ses trois compères.
Après les avoir combattus en duel
dans une circonstance fortuite,
il va se ranger de leur côté dans Télécharger
l’image
un combat contre les gardes du
Cardinal de Richelieu. Et c’est
alors que les quatre personnages Alex de Andreis, L’Arrivée de d’Artagnan, huile sur toile, 0,82 m x 1,16 m, début du
xxe siècle. Coll. Particulière.
se font serment d’amitié.

Une amitié festive
Dans le tableau d’Alex de Andreis, la rencontre entre
D’Artagnan et les trois autres mousquetaires est pleine d’anima-
tion. Le peintre a rejeté l’action principale sur le côté gauche, à
moitié cachée : c’est l’arrivée du personnage principal. Au centre
figurent ceux qui constituent son groupe d’amis en même
temps que ses frères d’armes : Athos et Aramis, assis de part et
d’autre d’une petite table, et Porthos qui est debout entre les
deux.
Le jeu des regards et les sentiments qui se dessinent sur les
visages témoignent de l’amitié qui les relie. Si les motifs pro-
fonds n’en sont pas explicités – la peinture ne peut pas le faire –
sa modalité est claire : c’est une amitié festive, marquée par une
joie communicative. Elle est rendue perceptible par deux motifs
adjoints : le motif du vin, qui relie sur un axe presque linéaire les
verres tenus par Athos, Aramis, et placés devant les deux servi-
teurs ; et le motif du jeu, avec le plateau d’échecs placé presque
au centre du tableau, sur la table base, point de convergence
optique de lignes de construction obliques venant de gauche et
de droite. Jouer et boire, mêler l’ivresse (raisonnable) et le sens
du risque, voici donc la clé de cette amitié.
Une peinture d’histoire
Le scénario des Trois Mousquetaires a été inspiré à Dumas
par Les Mémoires de Monsieur d’Artagnan de Courtilz de Sandras,
écrivain du xviie siècle d’abord engagé dans la compagnie des
Mousquetaires du roi, et qui avait connu personnellement
D’Artagnan. Si l’imagination fertile d’Alexandre Dumas se donne
libre cours dans le récit, les épisodes s’insèrent dans un fond
d’histoire véridique.
Le tableau d’Alex de Andreis reproduit cette dualité de l’in-
vention romanesque et de la fidélité historique. Il relève de la
peinture d’histoire telle qu’elle s’était redéfinie à partir du roman-
tisme : non plus une représentation emphatique des grands mo-
ments de l’histoire militaire, mais des scènes intimes, dans des
espaces intérieurs, où les personnages se prêtent à des portraits
psychologiques dans un contexte bien identifiable.
Le peintre a ainsi respecté la couleur locale : dans une at-
mosphère lumineuse qui rappelle la peinture hollandaise ou fla-
mande du xviie siècle, il condense les motifs architecturaux (en-
cadrement de la porte, moulures décorées, escalier en pierre) qui
renvoient à la mémoire culturelle des spectateurs. Les pièces de
mobilier, chaises et petites tables en bois, sont caractéristiques
du style Louis XIII. Les costumes, mêlant amples drapés aux re-
flets satinés, dentelles et gants en cuir, se déploient en dessous
de têtes aux longs cheveux ondulés tels que le lecteur-specta-
teur pouvait se les imaginer.
Cet effet de reconnaissance met d’autant plus en relief, par
contraste, l’invention artistique, qui propose une variation pleine
de charme et de vivacité sur la rencontre des quatre mousque-
taires. À l’allure joviale et pleine de vitalité de D’Artagnan, forte-
ment éclairé à gauche, s’opposent les deux serviteurs de droite,
en costumes simples, à moitié dans l’ombre, et dont les visages
traduisent la réserve et la déférence. Entre ces deux pôles, les
émotions (surprise, enjouement, sympathie) qui se lisent sur les
visages sont d’une étonnante diversité.

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     27

Séquences 3 e
THÈME DU PROGRAMME
Fred Uhlman, L’Ami retrouvé,
entre roman historique et
autobiographique
Par Anne Pascal, professeure certifiée de lettres modernes au collège Vercingétorix (Montech).
© Films Ariane/ FR3/ EVERETT / Aurimages
Samuel West et Christian Anholt dans Reunion, l’adaptation
filmique de L’Ami retrouvé, réal. Jerry Schatzberg, scénario
d’Harold Pinter, 1980.
Sommaire
ÉTAPE 1. Un roman historique ?
Séance 1 : La chronologie du roman
Séance 2 : L’Histoire dans le roman
Séance 3 : Un roman historique ?
Séance 4 : Hans Schwartz est-il Fred Uhlman ?
ÉTAPE 2. Une histoire d’amour ?
Séance 5 : Un coup de foudre amical
Séance 6 : Un ami idéal ?
Séance 7 : Un ami retrouvé
Séquences 3e Les ressources
 éance 1. La fiche élève 1 et son corrigé
S l’idéalisme du personnage de Hans. Cette partie offre l’occa-
Séance 2. La frise vierge et l’intégralité de la
séance
Séance 3. Des exemples de faits historiques
pour l’exercice d’écriture
Séance 4. La fiche élève 2 et son corrigé
28 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
 Agir sur le monde
Se chercher, se construire
Présentation
• La lecture de L’Ami retrouvé de Fred Uhlman en 3e présente
de nombreux intérêts pour les élèves de ce niveau : il s’agit
d’un court roman, simple à comprendre mais écrit dans un
style élégant et pudique, qui parle avec fougue d’amitié,
thème auquel les élèves sont sensibles, et offre un aperçu
poignant de la douleur d’être juif en Allemagne alors que le
parti nazi gagne du terrain. Les élèves peuvent donc, avec
intérêt, appréhender cette page d’histoire cruciale dans le
programme, d’une façon plus incarnée à travers les person-
nages opposés que représentent Hans (le narrateur juif ) et
Conrad (sympathisant nazi) ; de plus, de nombreux éléments
montrent que le roman ressemble à s’y méprendre à un récit
autobiographique, ce qui est également au programme de 3e.
Organisation de la séquence
• Il nous a semblé judicieux d’aborder cette œuvre par l’angle
du genre, en nous demandant à quelle catégorie narrative ce
récit appartenait.
• Tout d’abord, nous proposons d’interroger la dimension
historique du roman, ce qui permet de consolider les connais-
sances acquises en cours d’Histoire, mais aussi de comprendre
l’intérêt de la fiction pour entrer véritablement dans la psyché
de personnages confrontés à ces faits peut-être abstraits pour
un lecteur jeune. S’intéresser aux sentiments de Hans s’avère
plus instructif que d’apprendre des dates pour comprendre
l’horreur nazie. Nous suggérons donc ensuite d’approcher la
dimension autobiographique évidente du roman.
• Enfin, nous avons souhaité analyser la dimension sentimen-
tale de l'oeuvre. Il s’agit bien d’un roman dans lequel l’amitié
est au cœur de l’intrigue et cristallise le conflit qui tua tant
de personnes ; cependant, les élèves seront les premiers à le
remarquer, l’intensité de cette amitié, sa naissance, renvoient
pour beaucoup à un coup de foudre amoureux. Il fallait
prendre en compte cette dimension en la rapprochant de
sion de réfléchir aux points communs et aux différences entre
l’amitié et l’amour, leurs propres attentes en matière d’amitié
pour ensuite mieux comprendre la trahison de Conrad et son
impact sur Hans, avant le coup de théâtre final.
 Séquences 3e

Supports • L’Ami retrouvé, Fred Uhlman, éditions Belin-Gallimard, Classico Collège

• Des vidéos sur internet
• Un dictionnaire
Objectifs • Enrichir ses connaissances historiques par la lecture d’un livre patrimonial
• Approfondir ses connaissances sur les genres littéraires
• Comprendre la puissance de la fiction pour appréhender le réel
• Exploiter les principales fonctions de l’écrit (écrits de travail, écrits de fiction)
Durée • 10 heures environ

Étape 1 Un roman historique ? Éléments de réponse

Séance 1 RECHERCHES
La chronologie du roman
Support : L’incipit du roman ; le début des chapitres 16, 17 et
18 ; la fiche élève 1
Objectif : Repérer le cadre spatio-temporel du roman
Durée : 2 heures
Mise en œuvre pédagogique
Les élèves ont lu le roman. En fonction de leurs avancées dans
leur cours d’Histoire, ils seront plus ou moins au fait du contexte
historique du roman. Il est nécessaire et formateur de repérer dans
le roman les éléments qui permettent de situer l’œuvre dans un
cadre spatio-temporel précis qui, au-delà d’être réaliste, est réel.
Il est donc utile de relire l’incipit et les moments clefs du roman
qui permettent d’établir une chronologie du roman, que l’on peut
ensuite reporter dans l’étape 1 de la fiche élève 1.
La fiche élève 1 et son corrigé sont disponibles dans la
banque de ressources.
Questions
Chapitre 1
1. Dans les deux premiers paragraphes, l’auteur donne les élé-
ments qui permettent de situer où et quand commence son his-
toire. Relevez-les.
2. Quelle est l’identité du narrateur ? Qui est le deuxième person-
nage principal, qui donne son titre au livre ?
3. Quand deviennent-ils amis ?
Chapitre 16
4. De quelle époque parle le début du chapitre 16 ? Et où revient
le paragraphe suivant (p. 87) ?
5. Comment appelle-t-on le procédé que constitue donc le pre-
mier paragraphe ? Quelle est son utilité ?
Chapitre 17
6. Quand se déroule le chapitre 17 ?
7. À quel moment Hans quitte-t-il l’Allemagne ? Pourquoi ?
Chapitre 18
8. À quelle date approximative le narrateur reprend-il son récit
au chapitre 18 ?
9. Quelle information cruciale révèle-t-il dans le chapitre final ?
Pourquoi cette information, cette simple dernière ligne, permet-elle
de comprendre le titre du livre ?
1. Dès la première ligne, on apprend que l’« ami » qui va être si
crucial dans cette histoire « entr(e) dans (s)a vie en février 1932 » (dans
la vie du narrateur), et ce « pour n’en jamais sortir ». L’histoire se passe
à Stuttgart en Allemagne : « J’étais au Karl Alexander Gymnasium à
Stuttgart, le lycée le plus renommé du Wurtemberg ».
2. Étonnamment, le nom du narrateur apparaît plus loin, au cha-
pitre 2 (p. 17) : « moi, Hans Schwartz » ; celui du futur ami est donné
dès le premier chapitre puisqu’il est nouveau dans la classe et qu’il
donne son identité au professeur : « Graf von Hohenfels, Conrad ».
3. Ils deviennent amis au printemps 1932 : « Nous fûmes dès lors
inséparables », « Avec la venue du printemps, toute la campagne ne fut
qu’une immense floraison ». Ils se sont sentis proches pour la première
fois le « 15 mars » (p. 31).
4. Le seizième chapitre parle de « quelque douze années plus
tard », pour évoquer la ville de Stuttgart presque entièrement
détruite. On peut raisonnablement penser que l’auteur évoque l’an-
née 1944 ou 1945, puisque l’on compte douze ans après 1932. Le
paragraphe suivant, lui, démarre après les vacances d’été de l’an-
née 1932.
5. Le premier paragraphe est donc un saut en avant dans le
temps, procédé que l’on appelle une « prolepse ». Son utilité est de
montrer la gravité des faits qui s’annoncent dès 1932. Il n’y a aucun
intérêt à produire du suspense puisque les faits, liés à la Seconde
Guerre mondiale, sont connus de tous.
6. Le chapitre 17 se déroule à l’hiver 1932-1933 : « au début de
décembre ».
7. « Je quittai le lycée à la Noël et le 19 janvier, mon jour d’anniver-
saire […] je partis pour l’Amérique. » Hans est envoyé en Amérique
par ses parents qui veulent protéger leur fils du nazisme qui monte
en puissance dans le pays et exacerbe la haine à l’encontre des juifs ;
ils veulent qu’il puisse faire des études sans être dérangé. Peut-être
devinent-ils que les choses vont mal tourner.
8. Hans reprend son récit trente ans plus tard, c’est-à-dire
approximativement en 1963. Il vit en Amérique : « C’est ainsi que je
suis venu en Amérique, où je vis depuis trente ans. »
9. À ce moment-là environ, il est contacté par l’ancien lycée de
Stuttgart où il était élève et où il a connu Conrad, qui lui demande
s’il veut participer à l’érection d’un monument à la gloire des élèves
morts pendant la Seconde Guerre mondiale, et lui donne une liste de
ces jeunes qui ont péri. Il apprend alors que son ami perdu, Conrad,
est mort, exécuté par les nazis, parce qu’il a été impliqué dans un
complot visant à éliminer Hitler. C’est une révélation bouleversante
car il apprend alors que son ami ne l’a pas trahi : il s’est rebellé contre
l’injustice et le traitement criminel réservé aux juifs et a tenté de faire
quelque chose contre les nazis, pour sauver les juifs, ce qui lui a coûté
la vie. Voilà pourquoi on peut parler de « L’Ami retrouvé ». Trente ans
plus tard, Hans retrouve son ami qui n’était donc pas devenu son

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     29

ennemi. Le tragique réside dans le fait qu’il soit mort, que Hans n’ait
pas su ce que son ami faisait et avait décidé.
Séance 2 RECHERCHES, ÉCRITURE
L’Histoire dans le roman
Support : Livre d’histoire/géographie ou leurs cours ; documen-
taire court
Objectif : Repérer le cadre spatio-temporel du roman
Durée : 2 heures
Mise en œuvre pédagogique
Les élèves reprennent la fiche 1, et grâce à différents documents,
ils retrouvent les dates des événements qui marquent la montée
du nazisme, la Seconde Guerre mondiale et la capitulation de l’Al-
lemagne. Ils peuvent ensuite les placer sur la frise correspondante.
On peut organiser ce travail au CDI avec des petits groupes qui se
répartissent les recherches. Les événements à dater sont donnés
pour faciliter la recherche et ne pas se noyer dans la complexité des
faits. Ensuite, on projette au tableau une frise vierge et on place
ensemble les événements avec leurs dates.
Retrouvez la frise vierge et l’intégralité de la séance dans
la banque de ressources.
Séance 3 ANALYSE LITTÉRAIRE, ÉCRITURE
Un roman historique ?
Support : Dictionnaire ; le roman
Objectif : Comprendre l’importance du romanesque dans le
roman historique
Durée : 1 heure
Mise en œuvre pédagogique
On demande aux élèves de réfléchir à l’importance de la fiction
dans un roman historique et à ses visées.
On demande dans un premier temps, en devoir à la maison
par exemple, de chercher la définition de « roman historique ». Les
élèves vont tous arriver avec une définition approchant de celle-ci :
« Le roman historique met en scène un personnage réel ou fictif dans
des évènements ayant eu lieu dans le passé. L'Histoire est alors vécue
à travers les émotions et la vision de ce personnage. » On demande
ensuite aux élèves si L’Ami retrouvé correspond à cette définition.
On conviendra aisément avec eux que le roman de Fred Uhlman
appartient bien à cette sous-catégorie du roman, car le récit fait
référence à des faits historiques réels, à travers les yeux d’un nar-
rateur-personnage dont il va maintenant s’agir de déterminer le
statut (réel ou fictif ? Voir l’étape 2 de la séquence). Avant cela, on
demande aux élèves de réfléchir à l’utilité des romans historiques
et à leurs visées.
Questions
1. À quoi servent, selon vous, les romans historiques ?
2. En quoi peuvent-ils être plus efficaces que des documen-
taires ?
Éléments de réponse
1. Les romans historiques s’appuient sur des faits réels, ce qui
plaît souvent au lecteur qui aime que le récit soit semblable à la
vraie vie. De plus, en s’intéressant à des moments marquants de
30 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
l’Histoire, ils apportent des informations détaillées que l’on ne
trouve pas forcément dans les documentaires.
2. Ils peuvent, de ce fait, être plus efficaces que les documen-
taires car ils évoquent « de l’intérieur », grâce aux personnages et
à l’accès à leurs émotions, ce que les gens qui ont vécu lors de ces
moments cruciaux ont pu ressentir. Le roman historique permet
donc au lecteur de « se mettre à la place », d’éprouver, par identifica-
tion, les enjeux et souffrances engendrées par les faits historiques.
Écriture
On demande aux élèves de réaliser un devoir d’écriture. On
leur présente plusieurs moments marquants de l’Histoire (au pro-
gramme en 3e), et on leur demande de les raconter à travers un
personnage fictif. Pour évaluer ce travail, on porte l’attention sur le
respect des faits historiques, sur la transposition par un narrateur
interne, l’expression des sentiments. On demande aux élèves, en
amont, de chercher des documents sur lesquels s’appuyer et d’in-
diquer leur source sur la copie.
Pour cet exercice d’écriture, des exemples de faits
historiques sont disponibles dans la banque de
ressources.
Séance 4 ANALYSE LITTÉRAIRE
Hans Schwartz est-il Fred Uhlman ?
Support : Internet, roman, fiche élève 2
Objectif : Saisir les nuances entre autobiographie stricte et
fiction fondée sur des souvenirs personnels
Durée : 1 heure
Mise en œuvre pédagogique
On demande aux élèves de s’intéresser à la vie de l’auteur et à la
dimension autobiographique de son roman. On fait remplir la
colonne de gauche (sur la vie de Fred Uhlman en amont, comme
devoir à la maison). En classe, on met en commun, on remplit la
colonne de droite et on essaie de dégager des conclusions.
La fiche élève 2 et son corrigé sont disponibles dans la
banque de ressources.
Étape 2 Une histoire d’amour ?
Séance 5 LECTURE, ORAL
Un coup de foudre amical
Support : Les chapitres 1 à 6 inclus
Objectif : Comprendre l’intensité de la rencontre des deux
jeunes hommes
Durée : 1 heure
Mise en œuvre pédagogique
Les élèves auront compris que l’amitié fictive avec Conrad, sym-
pathisant nazi pendant un temps limité, est donc le vrai sujet du
livre. L’enseignant va les guider pour saisir les particularités de cette
rencontre qui a beaucoup en commun avec un coup de foudre
amoureux.

Akg-images / TT News Agency /SVT
Jeunes gens devant l’entrée de l’école Wichern à Hambourg dans
les années 1930.
Questions
1. À quel moment du chapitre 1 apprend-on l’identité du
« Il » qui est le premier mot du roman ? Quel effet ce suspense pro-
duit-il ?
2. La première phrase contient une certaine radicalité ;
laquelle ? Le premier paragraphe évoque le moment depuis lequel
le narrateur écrit ; quel champ lexical y domine ?
3. Relevez les termes mélioratifs qui servent à décrire Conrad.
Quelle est la réaction des autres élèves lors de son apparition ? Et
celle du professeur ?
4. Dans le chapitre 2, montrez que Hans est fasciné, et
dites pourquoi.
5. Quelle décision prend Hans au début du chapitre 3 ? Cela
vous paraît-il étonnant ou comprenez-vous cet état d’esprit ?
Relevez le champ lexical de la séduction dans ce chapitre et le sui-
vant.
6. En quoi la date du 15 mars est-elle importante dans leur ami-
tié ? Pourquoi Hans pense-t-il avoir trouvé « quelqu’un qui correspon-
dait à [s]on idéal d’un ami » ?
Éléments de réponse
1. Le « Il » qui ouvre le texte, qui en est le premier mot, est un
pronom personnel qui renvoie à un personnage présenté comme
crucial mais dont l’identité ne sera révélée que quatre pages plus
tard, à la toute dernière phrase du chapitre : « Graf von Hohenfels,
Conrad ». Ce suspense montre que cette amitié est si importante
qu’elle transcende le nom : Conrad a tant compté pour Hans que
celui-ci le considère comme le « il », le seul qui compte.
2. La première phrase annonce que Conrad est entré dans sa vie
« en février 1932 pour n’en jamais sortir. » Dès la première phrase, le
narrateur annonce l’intensité de cette rencontre, son importance.
Dans le premier paragraphe, le champ lexical est assez sombre
puisque le narrateur dit que « plus d’un quart de siècle » après, qu’il
désigne par « plus de neuf mille journées fastidieuses et décousues »,
il a ressenti du vide, tout au long de ces années et de ces jours,
« nombre d’entre eux aussi morts que les feuilles desséchées d’un arbre
mort ». On trouve le champ lexical de la tristesse, de la désolation :
Séquences 3e
« vides », « mort », « morts », « desséchées ». La répétition du mot
« mort » est remarquable : le narrateur semble dire qu’il n’y a pas
d’autre mot pour décrire une bonne partie de sa vie.
3. Lorsque Conrad paraît, il éblouit tout le monde, et Hans en
particulier : il a « un maintien plein d’assurance », un « air aristocra-
tique », un « sourire nuancé d’un léger dédain », et de l’« élégance ».
Ses vêtements le distinguent des autres élèves : « un pantalon de
bonne coupe et au pli impeccable qui, de toute évidence, n’était pas
comme les nôtres, un vêtement de confection », un « luxueux costume
gris clair […] fait de tissu à chevrons » […] « garanti anglais », qui
offre une « image d’aisance et de distinction ». De plus, alors qu’il
pourrait être intimidé, il « se tenait immobile et calme, sans le moindre
signe de nervosité », ce qui le fait paraître « plus âgé et plus mûr »
(p. 13-14). Tout le monde le regarde « fixement », « avec envie »,
comme si c’était un « fantôme » tant ils sont ébahis. Même le pro-
fesseur semble impressionné puisqu’il descend de son estrade,
l’accompagne à sa nouvelle place, incline la tête en signe de salut
respectueux et regagne l’estrade à reculons, comme devant un roi.
4. Hans est fasciné : il le regarde « fixement », « comme s’il était
venu d’un autre monde ». Il observe « le moindre de ses mouvements »
(p. 16, l. 37 à 41) ; « Tout en lui éveillait ma curiosité… » (l. 41 à 45).
« J’observais son fier visage aux traits joliment ciselés », comme « un
adorateur » aurait contemplé Hélène de Troie, convaincu de son
« infériorité » (p. 17 l. 48 à 62) ; il admire « ce garçon aux cheveux d’or »
qui lui inspire « un tel respect mêlé de crainte ». Ses autres cama-
rades semblent également « sous un charme » (p. 17). Le professeur
lui-même développe ses annotations sur ses copies contrairement
aux autres. Cette fascination vient de la prestance du jeune homme
mais aussi de la « gloire » et du « mythe » de sa famille (cf. p. 16-17) ;
il est issu d’une « illustre famille de Souabe » qui a compté, depuis le
Moyen Âge, dans l’histoire de l’Allemagne. Hans est complexé par
son ascendance : il pense que ses ancêtres (juifs) ont croupi dans
des ghettos d’Europe, il sait que sa famille n’est pas aristocratique
puisqu’il vient d’une lignée de « petits commerçants et de marchands
de bestiaux » (p. 17).
5. Dès le début du chapitre 3, on apprend que Hans « décid(e)
qu’il fallait que Conrad devînt son ami. » Après ce coup de foudre, il
a donc décidé, sans plus le connaître, que ce garçon va devenir son
ami idéal. Il lui faut donc : « l’attirer vers (lui) » (p. 23). Il se demande
comment il va pouvoir « le conquérir », « le pénétrer du fait qu’[il]
étai[t] différent de ce morne troupeau », « le convaincre ». Il décide
donc de se « mettre en relief » et se mue en élève zélé, notamment
en sport. Il se surpasse lors d’un exercice de gymnastique : « un seul
désir : celui de vaincre. C’est pour lui que je devais réussir. » (p. 26), et il
obtient l’attention de Conrad : « il me regardait ». Il met également
en place une stratégie consistant à amener des pièces de sa col-
lection pour attirer son attention et cela fonctionne (p. 27). Toute
cette période ressemble à une parade amoureuse, ce que confirme
la phrase p. 29 : « comme deux jeunes amoureux ».
6. Le 15 mars, Conrad semble l’attendre sur le chemin du retour
du lycée, ils se serrent la main puis discutent pendant une heure.
Hans sent que « dès lors, [s]a vie ne serait plus morne et vide, mais
pleine d’espoir et de richesse pour tous les deux ». Il se sent tellement
heureux qu’après, il rit, parle tout seul, a envie de crier, de chanter
(p. 30). Lorsqu’ils deviennent inséparables, Hans dit que ce sont des
mois qui furent « les plus heureux de [s]a vie », bonheur qui s’accorde
avec le printemps et le renouveau de la nature. Ils se découvrent
encore des goûts communs comme le poète Hölderlin ; cela cor-
respond à la « cristallisation amoureuse » qu’évoque Stendhal, le
moment où l’être aimé est paré de toutes les qualités. Voilà ce qui
en fait un ami idéal, dans ce qui ressemble à une amitié amoureuse.
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     31
Séance 6
LECTURE, EXPRESSION ÉCRITE
Un ami idéal ?
Support : Les écrits d’élèves ; les chapitres 3, 5, 6, 7, 12 du
roman
Objectif : Montrer que la construction de l’amitié de Hans et de
Conrad se heurte à une question morale
Durée : 2 heures
Mise en œuvre pédagogique
Cette séance s’appuie sur l’expérience des élèves et leurs idées sur
l’amitié. On leur demande de rédiger les critères qui constitueraient
pour eux l’ami(e) idéal(e). On va ensuite les confronter à ceux que
l’on pourra observer chez Conrad.
Un ami idéal, c'est quoi ?
• En classe, l’enseignant demande aux élèves de rédiger le por-
trait-robot de leur ami(e) idéal(e). Il n’est pas impossible que le
portrait soit moral mais aussi physique. On leur fera donc re-
marquer que l’amitié et l’amour peuvent avoir en commun de
prendre en compte le physique de quelqu’un, son apparence.
Les élèves volontaires lisent leurs écrits, et on peut alors lan-
cer un débat, pour trouver des dénominateurs communs.
• On relit alors le chapitre 3 dans lequel Hans a très tôt parlé de
son amitié avec Conrad en des termes très forts : « pour qui
j’aurais volontiers donné ma vie », « j’eusse été prêt à mourir pour
un ami, presque avec joie » ; on fait donc remarquer que Hans
a une très grande exigence en matière d’amitié, qu’il s’agit
d’une relation « à la vie à la mort » (chapitre 3), qu’il qualifie de
« romanesque idéal de l’amitié ».
On énumère ses attentes exprimées dans ce chapitre :
- un ami qui « eût compris mon exigence d’une confiance, d’une
abnégation et d’un loyalisme absolus » ;
- un ami qui aurait de l’imagination, qui aimerait la poésie, qui
aimerait rêver, comme lui ;
- un ami d’« une naïve innocence et une radieuse pureté de corps
et d’esprit », « un besoin passionné d’abnégation absolue et désin-
téressée ».
• L’enseignant s’assure que les termes sont bien compris et com-
plète la liste des exigences de Hans, en explorant les chapitres
cités ci-dessus :
- avoir les mêmes centres d’intérêt : les pièces anciennes, des
objets anciens (chapitres 13) ;
- se ressembler : Hans est timide, comme lui (chapitre 5) ;
- être uni : il est sincère quand il se montre joyeux de le voir
(chapitre 6), ils deviennent « inséparables », ils font des sorties
le samedi, des randonnées, lisent des poèmes, ils ont le même
poème préféré ;
- avoir les mêmes convictions religieuses (un désaccord éclate
entre eux au chapitre 7 au sujet de l’existence de Dieu) ;
- en être au même point sur le sujet « des filles », c’est-à-dire être
encore très innocents et intimidés ;
- accepter la famille de l’autre (Conrad est « enchanté » par la
mère de Hans), en revanche son père agit avec timidité et mala-
dresse, mais Conrad réagit avec tact et compréhension (chapitre
12) ;
- être accepté dans la famille de l’autre (point compliqué pour
Conrad qui n’invite pas Hans, ou alors seulement quand ses
parents sont sortis) ;
32 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
- ne pas avoir honte de son amitié, ne pas la cacher aux yeux
d’autrui (incident crucial à l’opéra, Conrad l’a ignoré devant ses
parents, il révèle à Hans que sa mère déteste les juifs et, sur sa
table de nuit, elle a bel et bien le portrait de Hitler, chapitre 15).
On demande alors de relire la lettre de Conrad (p. 96-97) qui
précède le départ de Hans.
Explication de texte de la lettre de Conrad
Questions
1. Quel est l’objet de la lettre ?
2. Relevez les croyances qu’elle avoue.
3. Montrez que Conrad montre à la fois du tact envers son ami
mais aussi du mépris.
4. Pourquoi le narrateur n’a-t-il pas raconté ses sentiments
après cette lecture ? Dans quel état imaginez-vous qu’il se trouve ?
5. Conrad est-il donc un ami idéal ?
Éléments de réponse
1. La lettre a un objet flou : ce n’est pas vraiment une lettre
d’adieu puisqu’il dit qu’il espère revoir Hans un jour : « Peut-être un
jour, nos chemins se croiseront-ils de nouveau » ; il veut lui dire au
revoir, et aussi lui dire qu’il adhère à la vision de Hitler.
2. Il annonce croire en Hitler (son vocabulaire relève de la
croyance, presque de la religion) : « L’Allemagne de demain sera dif-
férente de celle que nous avons connue […] pour des siècles à venir »
(l. 40 à 43, p. 96) ; « je crois en cet homme » (Hitler), « Lui seul peut pré-
server notre pays bien-aimé du matérialisme et du bolchevisme ; c’est
grâce à lui seul que l’Allemagne regagnera l’ascendant moral. » (l. 44
à 48) ; « Sa personnalité et sa sincérité m’ont impressionné » (l. 50-51) ;
« perspicacité prophétique » (l. 56) ; « C’est Dieu qui nous l’a envoyé ».
3. Conrad montre une forme de tact en anticipant le désaccord
de Hans : « Tu seras scandalisé si je te dis » (l. 44), « tu n’en conviendras
pas » (l. 48) ; il montre aussi qu’il prend en compte les sentiments
de Hans : « j’imagine ton amertume et ton chagrin » (l. 38) ; il exprime
aussi les siens : « combien je suis triste de te voir partir » (l. 34-35), «
Je suis plus fâché que je ne saurai dire de ce que […] il n’y aura pas de
place pour toi dans cette Nouvelle Allemagne » (l. 58-60).
Mais il montre peut-être sans s’en rendre compte du mépris
pour Hans à travers son rejet des juifs : « L’Allemagne a besoin de
gens comme toi […] choisir, parmi les éléments juifs, entre les bons
et les indésirables » (l. 61-64). Les termes « gens comme toi » et « élé-
ments » montrent que Conrad ne considère plus les juifs comme des
êtres humains à proprement parler, comme Hitler qui les considère
comme des sous-hommes, une race inférieure. Il approuve aussi
son départ : « c’est la chose la plus sensée que tu puisses faire » (l.
39-40), ce qui montre qu’il accepte la nouvelle réalité installée par
Hitler, sans la condamner.
4. Le fait que le chapitre se termine sur cette lettre laisse imagi-
ner la douleur de Hans. Celui-ci sait que Conrad représentait énor-
mément pour lui, qu’il était prêt à mourir pour lui, cette trahison a
donc dû provoquer en lui une douleur immense, au-delà des mots.
5. Il est évident qu’après cette trahison, Conrad n’est plus un
ami et encore moins un ami idéal. Il a perdu ce statut.
Exercice d’écriture
Rédigez à votre tour une lettre dans laquelle vous expliquez
à un ami qui vous a déçu les raisons de votre contrariété, voire de
votre éloignement. Respectez les trois parties suivantes, ainsi que
les codes de la lettre : rappel des moments où l’amitié était com-
plète et heureuse, récit de l’événement qui a rompu cette harmonie,
les conséquences de l’incident sur votre confiance et amitié.
 Séquences 3e

On peut imaginer que ce travail sera noté selon les critères sui-
vants :
• respect des codes de la lettre ;
• respect des trois parties demandées ;
• incident bien choisi (suffisamment grave pour compromettre
une amitié) ;
• expression des sentiments développée et nuancée ;
• niveau de langue courant ;
• expression correcte syntaxiquement ;
• orthographe correcte.

Séance 7 LECTURE, DÉBAT

Un ami retrouvé
Support : Chapitres 1, 18 et 19 du roman
Objectif : Comprendre le titre du roman malgré la blessure
d’une vie
Durée : 1 heure
Mise en œuvre pédagogique

© Bridgeman Images / Tyne & Wear Archives & Museums

On demande aux élèves de recenser les pertes qu’a subies Hans
et la souffrance qu’il a endurée après la montée du nazisme dans
son pays natal. Puis, on relit la dernière phrase du roman et on
demande aux élèves d’expliquer le titre du livre.

Questions
À l’oral, on interroge les élèves : la révélation finale est-elle,
pour Hans, une consolation importante ? Est-elle suffisante ? Quelle
réponse apporte le titre du livre ?

Éléments de réponse
Hans a perdu :
• sa patrie ;
• ses parents ;
• son honneur (la vision des Juifs par Hitler est une humiliation
Portrait de Fred Uhlman par Kurt Schwitters, 1940.
ignoble en plus d’être meurtrière) ;
• son ami ;
• ses illusions.
Il a dû se reconstruire seul dans un pays inconnu, sans repères, aimé comme ami pour être celui qui finalement donne sa vie pour
sans attaches. lui (à travers la cause idéologique).
La dernière phrase du roman est un coup de théâtre inattendu : On peut éventuellement compléter cette conclusion en ouvrant
« VON HOFENHELS, Conrad, impliqué dans le complot contre Hitler. sur le récit ultérieur de Fred Uhlman publié post-mortem à sa
Exécuté. » demande : la lettre de Conrad, qui est précisément l’explication
Cela renverse totalement la vision de Hans. Cela signifie que du cheminement de pensée de Conrad et sa demande à Hans de
son ami, assez vite, s’est rebellé contre celui qu’il disait admirer en le pardonner, lettre rédigée alors qu’il est arrêté après l’échec du
1933 ; il lui a fallu un grand courage pour faire partie de ce com- complot et qu’il sait qu’il va être exécuté.
plot, comparable aux actes de Résistance en France, et il l’a payé
Voici la présentation de l’ouvrage par les éditions Stock :
de sa vie, vraisemblablement en 1944. Hans a donc vécu avec ce
« Ce bref et bouleversant roman, une suite de L'Ami retrouvé
sentiment de trahison pendant près de trente ans sans savoir que
– qui valut à Uhlman sa célébrité – ne fut publié, à la demande de
son ami avait finalement souhaité arrêter la folie nazie. Il est égale-
l'auteur, qu'après sa mort.
ment en droit de se demander à quel point l’amitié qu’avait Conrad
Quelques jours avant d'être exécuté en 1944 pour avoir parti-
pour lui a joué dans son changement de point de vue ; d’ailleurs,
cipé au complot contre Hitler, Conrad von Hohenfels écrit à Hans
Conrad disait lui-même dans sa lettre : « Tu as eu sur moi une grande
Schwarz, son ami d'enfance. La guerre a séparé les deux adoles-
influence. Tu m’as appris à penser, et à douter » (l. 70-72) ; c’est peut-
cents parce que Hans était juif. Dans cette lettre, Conrad tente de
être cette faculté à penser et à douter qui permis à Conrad de saisir
justifier ses choix et ses erreurs passés et de demander pardon à
la folie nazie. Le bouleversement de Hans à la suite de cette révéla-
Hans avec qui il partagea autrefois tant de moments de bonheur
tion semble si grand que son récit est alors appelé « L’Ami retrouvé »
exaltant. »
ce qui signifie qu’il retrouve celui qu’il a aimé, et que cette affection
était juste puisqu’il ne s’était pas trompé : Conrad l’a suffisamment

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     33

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Écrire des phrases bien orthographiées :

identifier les mots variables
J'identifie les mots variables
Les mots « variables » sont ceux qui s’accordent en changeant de forme, que ce soit entre le singulier et le pluriel (vif/
vifs) ou entre le masculin et le féminin (vif/vive), ou encore (pour les verbes) selon la personne (étais/était) .
1. Quels mots ou classes de mots sont variables ? Entourez-les et soulignez ceux qui restent invariables.
a. Il – feuille – tombera – maintenant – êtes – est – ravissant – après – ensuite – vert
b. Encore – plusieurs – minuscule – mon – sont – déjà – à – a – trop – carotte – vers
c. Nom (stylo, idée) – adverbe (rapidement, vite, hier) – déterminant (un, la, ses, cet) – préposition (à, dans, par, sans) –
adjectif (vif, clair) – verbe (manger, mangerai, mangé, avais mangé, …) – interjection (Oh ! hélas !) – pronom (je, tu, il, les
nôtres, ceux) – conjonction de coordination (mais, car) – conjonction de subordination (que, parce que, si)
2. MA SYNTHÈSE À RETENIR
J’utilise les 5 doigts de chaque main pour noter les classes de mots.
no
m

5 classes 5 classes
de mots de mots
variables invariables

3. Entourez les mots variables.

a. Hier, la jeune fille a cherché à s’échapper de la tour dans laquelle elle était enfermée.
b. Ce jour-là, il est allé tranquillement chez le pharmacien avec un de ses meilleurs amis parce qu’il n’était pas pressé.
c. Volontiers ! Je cuisinerai bientôt un radis trempé dans une sauce faite maison particulièrement épicée dont j’ai
le secret.
4. Réécrivez les phrases de l’exercice précédent en modifiant les mots variables selon la contrainte indiquée.
a. Les mots au singulier passent au pluriel : ......................................................................................................................
...........................................................................................................................................................................................
b. Les pronoms et noms masculins deviennent féminins : ................................................................................................
...........................................................................................................................................................................................
c. Les mots au singulier passent au pluriel : .......................................................................................................................
...........................................................................................................................................................................................

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34 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023

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Écrire des phrases bien orthographiées :

ponctuer
Je ponctue correctement les fins de phrases
1. Choisissez la bonne réponse
a. Est-ce qu’un signe de ponctuation est obligatoire à la fin de chaque phrase ? Oui – Non – Ça dépend.
b. Quels signes de ponctuation peut-on trouver en fin de phrases ? . – : – ; – ! – … – ? – , – ?!!!?!!
2. MA SYNTHÈSE À RETENIR
Reliez chaque signe de ponctuation au(x) type(s) de phrases et à un exemple qui convient (plusieurs
réponses possibles).
Point d’exclamation !  Phrase déclarative
   Nous partons ce soir ......
ou injonctive Fais tes valises immédiatement
 
Point. 
 Phrase interrogative ......
Points de suspension…   Phrase exclamative  Ça me laisse perplexe ......
Phrase déclarative pour
   Où avez-vous mis les clefs ......
Point d’interrogation ? 
marquer une hésitation  Quelle petite merveille......
 Phrase interrompue Est-ce que tu es sûr(e) de ne rien
 
avoir oublié ......
3. Écrivez la ponctuation qui convient à la fin de ces phrases.
1. Je ne sais pas où aller ...... 4. Quelle bonne surprise ......
2. Pourriez-vous m’indiquer le chemin, s’il vous plaît ...... 5. Je croyais que vous ne viendrez pas ......
3. Vous, ici ......

Je ponctue l’intérieur des phrases

4. Quels signes de ponctuation peut-on trouver à l’intérieur des phrases ? . – : – ; – ! – … – ? – ,
5. Parmi ces propositions, laquelle est bien ponctuée ?
a. La nuit, est un temps de mortelle, monotonie sous c. La nuit est un temps de mortelle monotonie sous
un toit en plein air par contre, elle s’écoule légère un toit ; en plein air, par contre, elle s’écoule, légère
parmi, les astres et la rosée et les parfums. parmi les astres et la rosée et les parfums.
b. La nuit est un temps de mortelle monotonie, sous Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes.
un toit en plein air par contre, elle s’écoule légère
parmi les astres, et la rosée et les parfums.
6. Des élèves de 6e ont imaginé des récits de création du monde, ou « cosmogonies ». Lisez ces extraits à voix haute,
de façon à repérer les groupes de mots et les pauses. Puis ajoutez la ponctuation à l’intérieur des phrases.
a. Elle leur dit « Rendez cette planète magnifique pour c. Cependant elle voulait avoir des animaux bipèdes
moi » puis elle disparut dans le vent. Ensuite avec Faune et intelligents et civilisés. Alors la divinité éructa. Elle prit des
Flore Terrania couvrit la Terre de belles choses. (Safia) atomes des particules et divers liquides de son éructation
b. En chemin le gamer trouva un objet très lumineux une et les modela mélangea malaxa puis les posa sur sa
sorte de balle. Alors pour s’amuser le gamer lança la balle planète préférée la Terre. Une fois son œuvre achevée
de toutes ses forces. Mais ce que le gamer ne savait pas elle laissa les humains évoluer se reproduire au fil des
c’est qu’il venait de lancer le soleil dans l’espace. (Max) millénaires contente d’elle. (Freya)

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SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     35

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Écrire des phrases bien orthographiées :

homophones et règles d’accords
Je fais un choix parmi les homophones grammaticaux courants
1. Donnez la nature des mots suivants en les surlignant selon le code couleur de votre choix.
A – à – et – est – son – sont – mes – mais – ou – où – manger – mangé – mordu – mordre – pris – prendre
Verbe au présent……… Déterminant ……… Pronom relatif ………
Verbe à l’infinitif ……… Conjonction de coordination ………
Participe passé ……… Préposition ………

2. Indiquez par quels mots vous pourriez remplacer les termes suivants.
a : …………… manger : …………… mes : …………… et : ……………
est : …………… mangé : …………… mais : …………… où : ……………
sont : …………… son : …………… ou : ……………
3. Coloriez les cases qui conviennent pour faire apparaître une phrase.
Mais où son mais affaires ? se a laisser son sac de a surveiller a un croiser au
demande le voyage inconnu musée.
touriste qui
Mes ou sont mes à laissé sont à surveillé à croisé

J’accorde les verbes et les adjectifs comme il convient

4. MA SYNTHÈSE À RETENIR
a. Transformez la phrase en faisant les modifications demandées.
b. Pour chaque transformation, soulignez les lettres nécessaires pour accorder.
Phrase au masculin singulier : Le petit mâle nourri de poisson est bien repu.
Féminin singulier: …………………………………………………… ……………………………………………………
Féminin pluriel: …………………………………………………… ……………………………………………………
Masculin pluriel: …………………………………………………… ……………………………………………………
5. Faites des flèches partant des mots encadrés vers les mots qui s’accordent avec eux.
a. Prudente et rapide, la reine des abeilles s’est envolée quand la ruche a été ouverte.
b. Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus sous notre chapiteau flamboyant éclairé de mille feux.
c. Quand vient la saison des moussons, les rues principales deviennent impraticables.
d. Oh ! Les Smashing Turtles ! C’est mon groupe préféré. Je les adore ! Nous les verrons en juin si nous sommes assez
rapides et chanceux pour avoir des billets.
6. Accordez les verbes et adjectifs comme il convient sur les pointillés. Justifiez à l'aide de flèches (voir ex.5).
a. Je les regard… flotter dans le ciel bleu… et slalomer entre les frêle… nuages blanc… .
b. Bien préparé… , Mia et Safia, les déléguées suppléant… , particip… activement aux réunions
régulier… du conseil de la vie collégien… avec les autre… délégués élu… .
c. De l’imposant… cheminée s’échapp… d’élégant… spirales de fumée gris… .
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36 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023

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Évaluation
Le jeu de l’agent secret
Vous devez rapporter à votre base des messages codés de la plus haute importance pour l’avenir de la planète. La
moindre erreur (lettre, majuscule ou ponctuation) ferait passer vos messages pour des faux (comme les faux mails
ou spams qui circulent sur internet) et ne vous permettrait pas d’en décoder le sens caché… Soyez vigilants !

Mission n°1 : écrire les messages codés sans erreur

1. Messages dictés par votre informateur. Attention, c’est à vous de trouver la ponctuation en fonction de
l’intonation.
a. ........................................................................................................................................................................................
b. .......................................................................................................................................................................................
c. ........................................................................................................................................................................................
2. Messages à obtenir par la réécriture
d. La carotte est vraiment trop cuite. > Au pluriel : ............................................................................................................
e. Mes amis étaient venus avec leurs enfants déguisés. > Au singulier : ...........................................................................
...........................................................................................................................................................................................
f. Le directeur fâché les regarde fixement. > Au féminin pluriel : ......................................................................................
...........................................................................................................................................................................................
Conseil méthode: se relire
• J’ai identifié les mots variables et je les ai accordés : je les ai encadrés et ai dessiné des flèches pour justifier.
• J’ai ponctué mes phrases : j’ai écouté la lecture, et je les ai relues dans ma tête.
• J’ai choisi parmi les homophones grammaticaux courants : j’ai remplacé par des mots de même nature.Missirete

Mission n°2 : déchiffrer le code secret

3. Rétablissez le message caché : en observant bien les six messages codés que vous avez obtenus, répondez aux
questions suivantes.
Ponctuation Homophones grammaticaux (soulignez la proposition
1. Combien comptez-vous de majuscules ? ………… juste)
2. Ajoutez le nombre de ? et de !. Combien en comptez- 7. Dans la phrase b, avez-vous écrit
vous ? ………… - « où » 2 fois (11), « ou » 2 fois (12), « ou » puis « où » (13),
3. Combien comptez-vous de virgules à l’intérieur des « où » puis « ou » (14) ?
phrases dictées par votre informateur ? ………… 8. Dans les phrases b et c, avez-vous écrit
Accords - « à » 3 fois (6), « a » 3 fois (8), « à » 2 fois puis « a » (10),
4. Dans les six messages, combien de fois comptez-vous la « a » 2 fois puis « à » (12) ?
lettre « s » ? ………… 9. Dans les phrases b, d et e, avez-vous écrit
5. Combien de verbes conjugués se terminent par - « sont », puis « son », puis « sont » (2), « son », puis «
« -ent » ? ………… sont », puis « son » (5), « sont » trois fois (7), « son » deux
6. Combien comptez-vous de participes passés du fois puis « sont » (8) ?
premier groupe, en « -é » ? …………
Code

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 35 36 37 38 39 40
C T À/A O L I E M G N B P Q U J V Z
Lettres obtenues : …………………………………….
Message déchiffré en remettant les lettres dans l’ordre : _ _ _ _ _ _ _ _ _
Ajoute le signe de ponctuation qui convient à la fin de la phrase obtenue.

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     37

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FICHE T
NAN
ENSEIG

Écrire des phrases bien orthographiées

Par Amélie Berthou-Sergeant, professeure de lettres modernes au collège de Sèvres

Présentation
À partir de la rentrée 2023, les élèves de 6e  Les ressources ne servent à rien sans la motivation…

bénéficient d’une heure hebdomadaire de soutien ou
d’approfondissement en français et en mathématiques.
Pour le soutien, cette heure a pour vocation notamment
de « raccrocher » les élèves les plus fragiles en leur
permettant de retravailler et de consolider les bases. Dans
ce numéro, l’objectif est de faire écrire des phrases bien
orthographiées.
 Chaque fiche contient une petite synthèse que
l'élève peut garder ou recopier.
 Les exercices habituent les élèves à des
manipulations : classement, substitutions, flèches, lecture
expressive dans sa tête, …
Chaque élève a une feuille de route et il est autonome pour
faire les cinq parties dans l’ordre de son choix. Il s’auto-
corrige en vert et c’est lui qui valide chaque étape. Le
professeur intervient pour la découverte du message final
décodé par l’élève.
 L’objectif de maîtrise de la langue se double d’un
objectif ludique et stimulant. Qui doit être particulièrement
précis dans la transmission écrite de son message ? Un
agent secret en mission, bien sûr. Le code final ne peut être
déchiffré que si l’orthographe des six phrases de message
est rigoureusement exacte…

2. FICHES D’AUTOCORRECTION
Les éléments qui suivent sont disponibles dans la banque de ressources. Vous pouvez imprimer chaque partie séparément
afin de ne donner aux élèves que la correction de ce qu’ils ont fait.

Feuille de route
 Votre objectif ici est d’écrire des phrases bien orthographiées.
 Vous pouvez faire ces étapes dans l’ordre que vous voulez. À la fin de chacune, posez des questions précises à votre professeur
si vous avez besoin et validez ensuite l’étape en cochant la case.
 Lorsque vous aurez validé toutes les étapes, vous testerez votre maîtrise au jeu de l’agent secret…
Étapes :
• Je sais identifier les mots variables (= qui s’accordent).
• Je ponctue correctement mes fins de phrases.
J’identifie les mots variables
1. a. Il – feuille – tombera – maintenant – êtes – est –
ravissant – après – ensuite – vert
b. Encore – plusieurs – minuscule – mon – sont – déjà – à – a
– trop – carotte – vers
c. Nom - adverbe - déterminant - préposition - adjectif -
verbe - interjection - pronom - conjonction de coordination
et de subordination
3. a. Hier, la jeune fille a cherché à s’échapper de la tour dans
laquelle elle était enfermée.
b. Ce jour-là, il est allé tranquillement chez le pharmacien
avec un de ses meilleurs amis parce qu’il n’était pas pressé.
• Je sais choisir parmi les homophones grammaticaux courants.
• Je ponctue à l’intérieur de mes phrases.
• J’accorde les verbes et les adjectifs comme il convient.
c. Volontiers ! Je cuisinerai bientôt un radis trempé dans
une sauce faite maison particulièrement épicée dont j’ ai
le secret.
4. a. Hier, les jeunes filles ont cherché à s’échapper des tours
dans lesquelles elles étaient enfermées.
b. Ce jour-là/Cette journée-là, elle est allée tranquillement
chez la pharmacienne avec une de ses meilleures amies
parce qu’elle n’était pas pressée.
c. Volontiers ! Nous cuisinerons bientôt des radis trempés
dans des sauces faites maison particulièrement épicées dont
nous avons le secret.

Je ponctue correctement les fins de phrases

1. a. Oui. b. Fin de phrases : . – ! – … – ? petite merveille !
2. Point d’exclamation ! > phrase exclamative > Quelle

38 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023

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Point. > Phrase déclarative > Nous partons ce soir.
Points de suspension… > Phrase interrompue, réflexion en
suspens. > Ça me laisse perplexe …
Point d’interrogation ? > Phrase interrogative > Es-tu
sûr(e) de ne rien avoir oublié ? – Où avez-vous mis les
clefs ?
Je ponctue à l’intérieur de mes phrases
4. : – ; – ,
5. Phrase c.
6. a. Elle leur dit : « Rendez cette planète magnifique pour
moi », puis elle disparut dans le vent. Ensuite, avec Faune et
Flore, Terrania couvrit la Terre de belles choses.
b. En chemin, le gamer trouva un objet très lumineux : une
sorte de balle. Alors, pour s’amuser, le gamer lança la balle
de toutes ses forces. Mais ce que le gamer ne savait pas,
Je fais un choix parmi les homophones grammaticaux courants
1. A – à – et – est – son – sont – mes – mais – ou – où –
manger – mangé – mordu – mordre – pris – prendre
Verbe conjugué au présent…
Verbe à l’infinitif …
Participe passé …
Déterminant …
Conjonction de coordination …
J’accorde les verbes et adjectifs comme il convient
4. Féminin singulier : La petite femelle nourrie de poisson
est bien repue. (Lettre = « e »)
Masculin pluriel : Les petits mâles nourris de poisson sont
bien repus. (Lettre = « s »)
Féminin pluriel : Les petites femelles nourries de poisson
sont bien repues. (Lettre = « es »)
5. Les flèches sont remplacées par des couleurs identiques
a. Prudente et rapide, la reine des abeilles s’est envolée
quand la ruche a été ouverte.
b. Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus sous notre
chapiteau flamboyant éclairé de mille feux.
Évaluation : Le jeu de l’agent secret
1. Messages à dicter par l’informateur/professeur.
Attention, faites entendre la ponctuation sans la dicter.
a. Les sanglots longs des violons de l’hiver blessent mon
cœur, eux aussi.
b. Mais où est donc passé ce coquin d’Ornicar ? Est-il allé à
Toulouse, à Brest ou est-il encore couché dans son lit ?
c. Tu es à l’heure, cette fois-ci, pour écouter les jolis accords
que chantent les rossignols réunis sur la branche. Quelle
douceur !
2. d. Les carottes sont vraiment trop cuites.
3. a. Je ne sais pas où aller …
b. Pourriez-vous m’indiquer le chemin, s’il vous plaît ?
c. Vous, ici ?
d. Quelle bonne surprise !
e. Je croyais que vous ne viendrez pas.
c’est qu’il venait de lancer le soleil dans l’espace.
c. Cependant, elle voulait avoir des animaux bipèdes,
intelligents et civilisés. Alors la divinité éructa. Elle prit des
atomes, des particules et divers liquides de son éructation
et les modela, mélangea, malaxa puis les posa sur sa
planète préférée : la Terre. […] Une fois son œuvre achevée,
elle laissa les humains évoluer, se reproduire au fil des
millénaires, contente d’elle.
Préposition …
Pronom relatif …
2. avait – était – étaient – mordre – mordu – mon ou ton –
tes ou ses – cependant – ou bien – et ou puis – à l'endroit
où / au moment où
3. Mais où sont mes affaires ? se demande le touriste qui
a laissé son sac de voyage à surveiller à un inconnu croisé
au musée.
c. Quand vient la saison des moussons, les rues principales
deviennent impraticables.
d. Oh ! Les Smashing Turtles ! C’est mon groupe préféré. Je
les adore ! Nous les verrons en juin si nous sommes assez
rapides et chanceux pour avoir des billets.
6. a. Je les regarde flotter dans le ciel bleu… et slalomer
entre les frêles nuages blancs.
b. Bien préparées, Mia et Safia, les déléguées suppléantes,
participent activement aux réunions régulières du conseil
de la vie collégienne avec les autres délégués élus.
c. De l’imposante cheminée s’échappent d’élégantes
spirales de fumée grise.
e. Mon ami était venu avec son enfant déguisé.
f. Les directrices fâchées les regardent fixement.
3. Ponctuation Accords Homophones
1. 11= Lettre B 4. 39 = Lettre V 7. 14 = Lettre R
2. 3 = Lettre A / À 5. 3 = Lettre A/À 8. 6 = Lettre I
3. 4 = Lettre O 6. 4 = Lettre O 9. 2 = Lettre T
Message à déchiffrer : BRAVO À TOI !
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     39
Entraînement BREVET
ÉLÈVE
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Une étoile de malheur…
Le récit autobiographique de Joseph Joffo narre la situation de sa famille sous l’occupation allemande. L’action se déroule en 1941.
Joseph, dix ans, et Maurice, douze ans, sont confrontés aux lois anti-juives promulguées par le gouvernement de Vichy qui collabore
avec les Allemands.
– À ton tour, Jo.
Je m’approche, mon veston à la main. Il est huit heures
et c’est encore la nuit complète dehors. Maman est assise
sur la chaise derrière la table. Elle a un dé, du fil noir et ses
5 mains tremblent. Elle sourit avec les lèvres seulement. Je
me retourne. Maurice est immobile. Du plat de la paume
il lisse sur son revers gauche l’étoile jaune cousue à gros
points : JUIF. Maurice me regarde.
– Pleure pas, tu vas l’avoir aussi ta médaille.
10 Bien sûr que je vais l’avoir, tout le quartier va l’avoir.
Quand on a ça, il n’y a plus grand-chose que l’on peut
faire : on n’entre plus dans les cinémas, ni dans les trains,
peut-être qu’on n’aura plus le droit de jouer aux billes non
plus, peut-être aussi qu’on n’aura plus le droit d’aller à
15 l’école. Maman tire sur le fil. Un coup de dents au ras du
tissu et ça y est, me voilà estampillé. Papa ouvre la porte
comme j’enfile ma veste. Il vient de se raser, il y a l’odeur
du savon qui est entrée avec lui. Il regarde les étoiles puis
sa femme.
20 – Eh bien, voilà, dit-il, voilà, voilà…
J’ai ramassé mon cartable, j’embrasse maman. Papa
m’arrête.
Travail sur le texte littéraire et sur l’image
Compréhension et compétences d’interprétation
(30 points)
1. En combien de parties cet extrait pourrait-il être
découpé ? Justifiez votre réponse en donnant un titre à
chacune. (2 pts)
2. Comment caractérisez-vous l’état d’esprit de la mère
des deux enfants ? Justifiez votre réponse par un relevé
d’indices dans le texte. (3 pts)
3. Relevez la figure de style présente dans la phrase de
Maurice, « Pleure pas, tu vas l’avoir aussi ta médaille ».
Quelle est la tonalité de cette phrase ? (2 pts)
4. Commentez les emplois du mot « étoile(s) » dans le
texte. Renvoie-t-il toujours à la même chose ? Comment
comprenez-vous ces différences d’emploi ? (4 pts)
5. Donnez un synonyme du mot « estampillé » dans
son contexte d’utilisation dans le texte. (1 pt)
40 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
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– Et maintenant tu sais ce qui te reste à faire ?
– Non.
25 – À être le premier à l’école. Tu sais pourquoi ?
– Oui, répond Maurice, pour faire chier Hitler.
Papa rit.
– Si tu veux, dit-il, c’est un peu ça.
– On va la garder longtemps, l’étoile ?
30 Il s’arrête pour me regarder.
– J’en sais rien, moi. Pourquoi, ça te gêne ?
Je hausse les épaules.
– Pourquoi ça me gênerait ? C’est pas lourd, ça
m’empêche pas de cavaler, alors…
35 Maurice
Télécharger cettericane.
fiche
– Alors
au format Wordsi ça te gêne pas, pourquoi tu mets ton cache-
nez devant ? Il voit toujours tout, ce mec.
– Je mets pas mon cache-nez devant.
C’est le vent qui l’a rabattu dessus.
40 Maurice rigole.
– T’as raison mon petit pote, c’est le vent.
Joseph Joffo, Un sac de billes, 1973.
©Jean-Claude Lattès
50 points
6. Selon vous, quelle réponse pouvait attendre le père à
sa question « Tu sais pourquoi » ? (4 pts)
7. À quel personnage attribuez-vous la phrase « On va la
garder longtemps, l’étoile ? » ? Justifiez votre réponse.
(2 pts)
8. Quel est le mot le plus présent dans le texte
(en dehors du mot « étoile ») ? En quoi son usage répété
nous renseigne-t-il sur le registre du discours et l’âge
des personnages ? (3 pts)
9. a. Décrivez en quelques lignes la photographie
ci-contre. (3 pts)
b. Quels points communs et quelles différences
envisagez-vous entre le texte et l’image ? (3 pts)
c. Quels sentiments cette photographie éveille-t-elle en
vous ? Pour répondre, appuyez-vous concrètement sur
ce que vous observez. (3 pts)

Grammaire et compétences linguistiques (20 points)
10. En vous appuyant sur le texte et le paratexte, identifiez
précisément le narrateur de l’histoire. À quelle personne
s’exprime-t-il ? Relevez les marques de sa personne dans le
premier paragraphe. (3 pts)
11. Relevez les adjectifs qualificatifs de « Je m’approche » à
« me regarde ». (1,5 pt)
12. Donnez la nature et la fonction des mots ou groupes de
mots soulignés. « Bien sûr que je vais l’avoir » / « Quand on a
ça » / « Il y a l’odeur du savon qui est entrée avec lui ». (3 pts)
Photographie prise à Oberhoffen (Alsace) en 1944.
Dictée 10 points
Écrivez la dictée lue par votre professeur.
Travail d’écriture 40 points
Sujet d’invention
Les deux enfants s’engagent sur le chemin de l’école.
Ils restent silencieux. Imaginez les impressions et les
interrogations qui traversent l’esprit du plus jeune.
Entraînement BREVET
13. Identifiez les temps verbaux des verbes et justifiez leur
emploi. (4,5 pts)
« On n’entre plus dans les cinémas » – « J’ai ramassé mon
cartable » – « J’embrasse maman »
14. Réécrivez la phrase qui va de « Quand on a ça » jusqu’à
« d’aller à l’école », en remplaçant « on » par « nous » et en
mettant les verbes au futur simple de l’indicatif.
Faites toutes les modifications nécessaires. (8 pts)
© BPK, Berlin, Dist.RMN-Grand Palais/ image BPK
Sujet de réflexion
Un camarade vient de vous dire que les histoires qui parlent
du passé ne l’intéressent pas. Vous essayez de le convaincre
du contraire en lui opposant au moins trois arguments. Vous
pourrez vous appuyer entre autres sur l’exemple d’Un sac de
billes de Joseph Joffo.
SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     41
Entraînement BREVET
FICHE T
NAN
ENSEIG
Une étoile de malheur…
Réponses aux questions 50 points
Compréhension et compétences d’interprétation
(30 points)
1. On distingue deux parties. La première allant du début
à « Eh bien, voilà », la deuxième jusqu’à la fin du texte.
Titre 1 : Fixation de l’étoile jaune
Titre 2 : Réflexions sur le port de l’étoile
2. La mère des deux enfants n’est pas sereine : « ses mains
tremblent », « Elle sourit avec les lèvres seulement » trahissent
son inquiétude.
3. La figure de style est une métaphore. La tonalité de
cette phrase est ironique.
4. L’étoile jaune correspond au signe distinctif visant à
discriminer les Juifs par rapport au reste de la population.
Toutefois, le texte fait aussi référence aux « étoiles » que «
regarde » le père, comme si, implicitement, il souhaitait que
cette étoile ne soit pas un symbole de malheur.
5. Un synonyme d’« estampillé » pourrait être « fixé » ou
« accroché » : le mot est ici employé au sens figuré.
6. Le père cherche à replacer son fils dans la situation
normale d’un élève de 12 ans.
7. La phrase « On va la garder longtemps, l’étoile ? » ne
peut être qu’attribuée à « Jo » puisqu’à la phrase suivante, on
trouve le pronom « me » qui renvoie au narrateur.
8. Le mot « ça », répété, indique que nous avons affaire au
discours familier d’un enfant de 10 ans.
9. a. La photographie représente une situation à la fois
anecdotique et dramatique. Au premier plan, deux enfants
accroupis jouent avec des armes qui ont été abandonnées
probablement par des soldats. Ils ne semblent pas avoir
conscience du danger. En arrière-plan, on voit des chaises
cassées et des bâtiments abîmés. (3 pts)
b. Le texte ne renvoie pas explicitement à une situation
de guerre. En revanche, la photographie montre des
éléments de destruction. Dans les deux cas, des enfants sont
confrontés à une situation de violence.
c. Plusieurs sentiments sont susceptibles d’entrer en
tension : la pitié pour ces enfants qui semblent livrés à eux-
mêmes ; la peur que leur inconscience du danger entraîne
des conséquences tragiques pour eux ; la colère contre les
adultes, qui mettent en péril les plus innocents.
Grammaire et compétences linguistiques (20 points)
10. Le narrateur, qui se prénomme « Joseph », est l’auteur
du livre, Joseph Joffo. Sa mère utilise un diminutif pour le
désigner : « Jo ». Il s’exprime à la première personne (« je
m’approche », « ma veste »).
11. « la nuit complète » – « maman est assise » – « du fil
noir » – « Maurice est immobile » – « son revers gauche » –
« l’étoile jaune cousue » – « à gros points ».
42 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023
Par Antony Soron, formateur Lettres, INSPE Paris
12. « l’» : pronom personnel complément, COD de
« avoir ».
« ça » : pronom démonstratif contracté, COD de « a ».
« qui est entrée avec lui » : Proposition subordonnée
relative complément de l’antécédent « savon ».
13. Présent de l’indicatif, valeur de vérité générale
– Passé composé de l’indicatif, antériorité par rapport au
présent de narration
– Présent de l’indicatif, valeur de présent de narration.
14. « Quand nous aurons ça, il n’y aura plus grand-chose
que nous pourrons faire : nous n’entrerons plus dans les
cinémas, ni dans les trains, peut-être que nous n’aurons plus
le droit de jouer aux billes non plus, peut-être aussi que nous
n’aurons plus le droit d’aller à l’école. »
Travail d’écriture 40 points
Sujet d’invention : amorce de rédaction
« Ni moi ni Maurice n’avons envie de parler. Cette étoile
commence à me faire peur. Comment les copains vont-ils réagir ?
Vont-ils nous laisser de côté en nous traitant de « sales Juifs » ?
Tout cela n’est peut-être que temporaire.
Sujet de réflexion :
« Je ne suis pas d’accord avec toi. Si tu ne moques de tout
ce qui est passé, tu n’as aucune chance de comprendre ce qui
se passe aujourd’hui. Moi, quand je lis un livre dans lequel
l’action se déroule à une autre époque, je me demande toujours
ce que j’aurais fait si j’avais été dans la même situation que les
personnages. Regarde « Jo » dans Un sac de billes. Tu aurais réagi
comment avec cette étoile jaune sur ta veste ? Des choses qui se
sont déroulées il y a longtemps pourraient se reproduire. C’est
cela qui est intéressant quand on lit des ouvrages sur des histoires
passées. Et puis, ce serait terrible de ne même pas savoir ce qu’ont
vécu nos arrière-grands-parents. Les lettres de Poilus par exemple
nous permettent de connaître les conditions de vie effroyables des
soldats dans les tranchées… »
Dictée 10 points
Déporté vers un camp d’extermination avec son épouse et
leurs nouveau-nés, un père fait le choix de jeter un de ses jumeaux
hors du train en voyant une femme inconnue courir à côté de la
voie ferrée…
Le père des ex-jumeaux souhaitait mourir, mais tout au
fond de lui poussait une petite graine insensée […]. Cette
petite graine d’espoir, indestructible, il s’en moquait, la
méprisait, la noyait sous des flots d’amertume, et pourtant elle
ne cessait de croître, malgré le présent, malgré le passé, malgré
le souvenir de l’acte insensé qui lui avait valu que sa chère et
tendre ne lui jette plus un regard, ne lui adresse plus une seule
parole avant qu’ils ne se quittent sur ce quai de gare sans gare
à la descente de ce train des horreurs.
Jean-Claude Grumberg, La Plus Précieuse des
Marchandises – Un conte, Seuil, 2019.
 Latin 5e 4e
ÉLÈVE
HE

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La fondation de Rome
Répondez sur une feuille à part.
Pour décider lequel des deux fondera et gouvernera la ville nouvelle, Romulus et Rémus s’en remettent au jugement
des dieux en déchiffrant dans le ciel les signes de leur volonté.
C’est à Rémus en premier, dit-on, que l’augure se manifesta, sous la forme de six vautours ; il venait d’être annoncé,
lorsque Romulus en vit arriver le double, et chacun des deux fut salué roi par ses partisans ; pour les uns c’était la priorité dans
le temps qui conférait la royauté, pour les autres c’était le nombre des oiseaux. Ils se querellent alors dans un affrontement
que leurs colères font dégénérer en un combat meurtrier ; frappé dans la mêlée, Rémus tomba mort. Une tradition plus
répandue dit que Rémus, par moquerie envers son frère, sauta par-dessus les remparts tout neufs, et que Romulus en colère
le tua, après avoir ajouté ces mots en criant : « Voilà ce que subira dorénavant le premier qui franchira mes murailles ! »
Romulus fut ainsi le seul maître du pouvoir, et une fois fondée, la ville prit le nom de son fondateur.
Tite-Live, Histoire romaine, I, 7
Traduction de Jean-Pierre Aubrit

Commentaire du texte de Tite-Live

1. Qui sont Romulus et Rémus ? Rappelez les données de précisément possible en quoi il consiste.
la légende qui précèdent ce récit de la fondation de Rome. 3. Tite-Live donne deux versions de la mort de Rémus.
2. Quels sont les deux sens du mot augure dans l’antiquité Quelles sont-elles ? Qu’est-ce qui les oppose ? Pourquoi,
romaine ? Lequel est ici employé ? Décrivez le plus selon vous, l’une d’elles est-elle « plus répandue » ?

Observation d’une gravure

4. Quelle version de
la mort de Brutus
cette gravure a-t-elle
choisi de représenter ?
Justifiez votre réponse
en décrivant la scène
centrale.
5. Commentez
l’attitude des autres
personnages en les
classant en trois
groupes. Quelle
relation entretiennent-
ils avec la scène au
© Memento Images / Aurimages

premier plan ?

William Marshall Craig (1765-1827), La Mort de Rémus.

SEPTEMBRE 2023 NRP COLLÈGE     43

Latin 5e 4e

FICHE T
NAN
ENSEIG

La fondation de Rome
Par Jean-Pierre Aubrit, professeur agrégé de lettres classiques

Les origines mythiques de Rome désigné. Il est normal que cette version soit « plus répandue »
La narration des origines de Rome relève entièrement car elle propose un contenu bien plus fort sur le double plan
du mythe, en dépit des efforts de Tite-Live pour dramatique et mythique. L’individualisation du conflit fait
distinguer entre diverses strates de récit. Cette séance naître en effet une scène riche en tension : le spectaculaire
sera donc l’occasion d’interroger non la vérité factuelle geste de défi de Rémus provoque une réaction violente de
mais le sens symbolique du récit mythique et de son frère, soulignée par une sentence vengeresse où Romulus
ses variations. revendique orgueilleusement sa prééminence (« mes
remparts »). Mais ce fratricide inscrit également la fondation
de Rome dans le mythe universel de l’affrontement létal
Le texte de Tite Live entre frères, souvent jumeaux, que l’on trouve à l’origine de
nombreuses civilisations : Atrée et Thyeste chez les Grecs, Set
1. Romulus et Rémus sont les petits-enfants de Numitor,
et Osiris chez les Égyptiens, Caïn et Abel dans la Genèse, etc.
roi d’Albe que son frère cadet Amulius avait chassé du trône.
Pour assurer son pouvoir, l’usurpateur avait assassiné ses
neveux et avait fait de sa nièce Rhéa Silvia une prêtresse La gravure de William Marshall Craig
de la déesse Vesta, la vouant de ce fait à la virginité. Mais 4. C’est la version du fratricide que Craig, connu comme
celle-ci fut séduite par le dieu Mars et mit au monde des illustrateur de livres, a classiquement choisi de représenter.
jumeaux, Romulus et Rémus. Déposés dans le Tibre sur l’ordre On y voit au centre Romulus prêt à porter le coup fatal
d’Amulius pour y être noyés, les nouveau-nés échouent sur à Rémus. Tombé sur le dos et donc dans une posture
le rivage où une louve les allaite. Découverts et élevés par désespérée (qu’illustre la nudité de sa tête et de ses pieds),
le berger Faustulus, les jumeaux deviennent chefs d’une celui-ci va très symboliquement trouver la mort sur les
bande qui rançonne les pillards. Mais ceux-ci font prisonnier premiers moellons de la muraille élevée par son frère et qu’il
Rémus et le livrent à Numitor, prétendant qu’il braconne sur avait franchie par défi. À noter que les deux hommes sont très
ses domaines. Le vieux roi déchu reconnaît en lui son petit- anachroniquement revêtus de la panoplie classique du soldat
fils tandis que Faustulus révèle à Romulus le secret de leur de la future Rome (casque conique, glaive, cuirasse, cape).
naissance. Les deux frères tuent Amulius et rétablissent leur En s’inscrivant dans une ellipse définie par le poing droit et
grand-père sur le trône d’Albe, désireux de fonder leur propre la tête de Romulus, puis par ceux de Rémus, et enfin par le
ville sur les terres de leur enfance. bras et la jambe gauches de Rémus, la composition du duo
2. Le terme français « augure » assimile deux réalités que renforce le caractère iconique de la scène.
•
le latin sépare par deux termes distincts : La suppression
d’une correspond aux différentes formes de la biffure.
part l’augur, 5. Les autres personnages de la scène se partagent entre
prêtre qui interprétait la volonté des dieux Elle
parest utilisée pour éliminer
l’observation définitivement
trois attitudes. De un
partsegment écrit,
et d’autre accourent trois jeunes
des oiseaux (leur vol, leur appétit ou leur épurer
chant) –un texte et en garder gens
à distinguer les éléments essentiels.
(deux viennent du fond, sur la gauche, un autre sur
• L’ajout
de l’haruspice (haruspex) qui prédisait l’avenir constitue l’insertionla d’éléments
en examinant droite est prèsnouveaux dans une
de s’interposer), comme pour empêcher
les entrailles des bêtes sacrifiées ; d’autre phrase, de façon à l’enrichir. l’irrémédiable. Leur vêtement et la lance que tient l’un d’eux
part, l’augurium
(synonyme de l’auspicium), qui désignait Le• l’observation
déplacement et permet de montrent
construirequ’ils
un ordre syntaxiqueàplus
appartiennent la troupe des jeunes guerriers
l’interprétation des signes envoyés par lescohérent
dieux, etenplus
permutant des mots ou des syntagmes.
naguère sous la conduite de Romulus et Rémus –ce sont
généralement, par métonymie, ces signesLeeux-mêmes.
• remplacement C’est correspondsansà l’ajout
douted’un élément de
des partisans dusubstitu-
second. Sur le bord gauche de
ce second terme que Tite-Live emploie, ettion dans son sens
à proximité d’un autre qui a été supprimé.
la gravure, un autrePage
groupe3 est constitué d’ouvriers occupés
précis de présage. Ici, les frères rivaux sont montés chacun sur à édifier la muraille – sous les ordres donc de Romulus : l’un
une colline (l’Aventin pour Rémus et le Palatin pour Romulus) brandit une pioche, un autre un maillet, et celui de devant
et observent le passage des oiseaux, sans doute venant par débarrasse le chantier d’un bouclier qui n’a rien à y faire. À
la droite, ce qui était « de bon augure », contrairement à droite de la gravure, enfin, deux femmes font un pendant
l’autre côté – on rappellera que le sens de « sinistre » vient du paisible à toute cette agitation : sur le bord, l’une arrive avec
préjugé défavorable attaché au côté gauche (sinister) lors des des victuailles sur la tête, apportant sans doute leur repas aux
présages. ouvriers – preuve que la violence du fratricide a interrompu
3. La première version fait état d’une bagarre générale le cours ordinaire des choses ; appuyée sur la muraille, l’autre
entre les deux camps, au cours de laquelle Rémus tombe femme contemple avec un regard navré le meurtre de
frappé à mort. Tite Live donne ensuite une autre version, Rémus – sa position de spectatrice aux premières loges du
qui substitue le combat singulier à l’affrontement collectif drame contribue elle aussi à transformer le fait divers en une
et transforme en un fratricide un coup mortel sans auteur scène mémorable.

44 NRP COLLÈGE SEPTEMBRE 2023

 Cahi e r D i x i t ! 5 e

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Des leçons de grammaire revues
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Quatre enfants parcourent Tokyo pour sauver
un jeune chef cuisinier au bord du gouffre.
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