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Extensométrie

par Jean-Luc LE GOËR


Ingénieur ESL (École Technique Supérieure du Laboratoire)
Président de Vishay-Micromesures
et Jean AVRIL
Ancien Élève de l’École Polytechnique

1. Généralités : la mesure des contraintes............................................ R 1 850 - 2


1.1 Définition de l’extensométrie ..................................................................... — 2
1.2 Rappel sur la théorie de l’élasticité ............................................................ — 2
1.3 Fondements des méthodes usuelles de mesure des contraintes ........... — 2
1.4 Notion de base de mesure.......................................................................... — 3
1.5 Nombre des mesures à faire autour d’un point........................................ — 3
1.6 Détermination des directions principales.................................................. — 4
1.7 Revêtements extensométriques................................................................. — 5
2. Jauges résistives et extensomètres ................................................... — 5
2.1 Extensomètres transposables .................................................................... — 5
2.1.1 Amplification....................................................................................... — 5
2.1.2 Lecture ................................................................................................. — 6
2.2 Jauges extensométriques........................................................................... — 6
2.2.1 Principe des jauges............................................................................. — 6
2.2.2 Principes fondamentaux des mesures.............................................. — 7
2.2.3 Effets parasites d’origine thermique................................................. — 7
2.2.4 Mesures de contraintes à chaud ....................................................... — 9
2.2.5 Limitations et corrections .................................................................. — 9
3. Extensométrie par revêtements........................................................... — 11
3.1 Revêtements à réseaux de moiré............................................................... — 11
3.1.1 Précision des mesures ....................................................................... — 11
3.1.2 Réalisation pratique............................................................................ — 12
3.2 Revêtements photoélastiques .................................................................... — 12
3.2.1 Lois de la photoélasticimétrie............................................................ — 12
3.2.2 Préparation des revêtements............................................................. — 12
3.2.3 Appareillage et conduite des relevés................................................ — 13
3.2.4 Limitations........................................................................................... — 13
3.3 Comparaison entre les deux sortes de revêtements ................................ — 13
4. Mesure des contraintes résiduelles par diffraction
des rayons X.............................................................................................. — 13
4.1 Fondements et limites de validité de la méthode..................................... — 13
4.2 Procédés expérimentaux ............................................................................ — 14
4.2.1 Rayonnement utilisé........................................................................... — 14
4.2.2 Appareillage ........................................................................................ — 14
4.2.3 Conduite des expériences.................................................................. — 15
4.2.4 Exploitation des résultats................................................................... — 15
4 - 1992

4.3 Application à la détermination in situ des contraintes résiduelles ......... — 15


5. Interférométrie holographique et moirés de granulation ............ — 15
5.1 Interférométrie holographique ................................................................... — 15
5.1.1 Principe de l’holographie ................................................................... — 15
5.1.2 Observation d’un hologramme ......................................................... — 15
5.1.3 Mesure interférométrique des déplacements .................................. — 16
R 1 850

5.1.4 Avantages et inconvénients de l’interférométrie holographique ... — 16


5.2 Moirés de granulation ................................................................................. — 17
Références bibliographiques ......................................................................... — 17

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et article est une revue des moyens et des procédés actuels de l’extenso-
C métrie ; il ne constitue en aucune manière un manuel de mesure des
contraintes. Son but est de faire saisir les possibilités et les limites de cette tech-
nique métrologique particulière.

Le lecteur se reportera également aux articles Photoélasticimétrie [R 1 870] et Capteurs à


jauges extensométriques [R 1 860] dans le présent traité.

1. Généralités : la mesure L’étude de la répartition des efforts internes dans un milieu solide
continu conduit de son côté à la notion de contrainte, force par unité
des contraintes de surface exercée sur une facette passant par le point considéré,
et elle montre de même que les contraintes ne peuvent se répartir
de manière quelconque sur les diverses facettes, mais que l’extré-
1.1 Définition de l’extensométrie mité du vecteur représentant la contrainte décrit nécessairement un
ellipsoïde, l’ellipsoïde des contraintes, dont les trois axes définissent
En règle générale, la manière dont un corps donné (tel qu’un les directions principales des contraintes.
organe de machine, un élément de structure, etc.) se comporte dans Les matériaux usuels ne sont continus ni à l’échelle atomique ni
des conditions données (forces appliquées, pressions, vibrations, même pour la plupart à l’échelle microscopique, mais ils le sont
etc.) peut être prévue à partir des contraintes que, conformément en général suffisamment à l’échelle macroscopique pour que les
à la théorie de l’élasticité, ces conditions font apparaître aux divers notions de déformation et de contrainte y soient valables.
points du corps. Si le milieu continu est en outre homogène et isotrope, et si l’on
suppose les déformations élastiques et infiniment petites et la corres-
pondance entre contraintes et déformations biunivoque, on montre
Ainsi les conditions limites au-delà desquelles les premières
que cette correspondance ne fait intervenir que deux coefficients,
déformations rémanentes apparaissent en un point donné sont,
par exemple le module d’Young E et le coefficient de Poisson ν , les
de manière classique, exprimées par une valeur critique d’une
relations entre les déformations principales ε I , ε II , ε III et les
fonction plus ou moins compliquée des trois contraintes princi-
contraintes principales σ I , σ II et σ III étant de la forme :
pales (§ 1.2) en ce point : le choix de cette fonction constitue le
problème du critère de dépassement de la limite d’élasticité. À 1
d’autres modes de ruine correspondent d’autres critères, dans ε I = ----- [ σ I – ν ( σ II + σ III ) ] (1)
E
l’expression desquels les contraintes interviennent habituelle-
ment encore. et les directions principales des déformations et des contraintes
étant confondues.
On appelle extensométrie l’ensemble des techniques permettant Sauf exception, les matériaux usuels sont suffisamment homo-
la mesure de ces contraintes, sans impliquer a priori aucune condi- gènes et isotropes pour que ces relations puissent être tenues pour
tion particulière quant à la nature du corps étudié. valables. Des réserves sont cependant parfois nécessaires, que ce
soit quant à l’homogénéité (par exemple, pour les agrégats comme
Un exemple de technique impliquant une telle condition (dans ce le béton ou les composites comme les plastiques armés) ou quant
cas, l’existence de la biréfringence accidentelle) est fourni par la photo- à l’isotropie (par exemple, pour les métaux en feuilles laminées,
élasticimétrie sur modèle. présentant une texture cristallographique marquée).
La puissance des moyens de calcul, qui permet même dans certains
cas d’envisager le calcul direct de la répartition des contraintes dans
le corps étudié (par exemple à l’aide de la méthode des éléments 1.3 Fondements des méthodes usuelles
finis), rend également possible la détermination de ces contraintes
à partir de relevés de forme, à condition que ces relevés soient d’une
de mesure des contraintes
précision convenable ; cela a conduit à la recherche de méthodes
expérimentales telles que l’holographie, le speckle : ces méthodes Les relations (1) sont à la base de l’extensométrie. En effet, les cas
rendent service en particulier là où l’extensométrie tombe en défaut où les contraintes sont mesurables autrement que par l’intermédiaire
en raison des conditions d’environnement (température) ; elles font des déformations qui leur sont associées restent tout à fait
l’objet seulement d’un rapide aperçu à la fin du présent article (§ 5). exceptionnels.
La règle générale est donc de mesurer les déformations et de
remonter de là aux contraintes par les relations fondamentales de
la théorie de l’élasticité.
1.2 Rappel sur la théorie de l’élasticité
En un point d’un corps, les contraintes résultent de la super-
Nota : le lecteur se reportera utilement à l’article Théorie de l’élasticité [A 350] dans le position des contraintes résiduelles (existant en l’absence de toute
traité Sciences fondamentales des Techniques de l’Ingénieur. sollicitation extérieure) et des contraintes engendrées par la solli-
L’étude des petites déformations d’un milieu solide continu [1] [2] citation extérieure. Ces contraintes globales, mesurables directe-
montre que, autour d’un point de ce milieu, les déformations ne ment par diffraction des rayons X, sont également accessibles par
peuvent se répartir de manière quelconque dans diverses directions, divers procédés semi-destructifs comportant une modification locale
mais que la déformation d’une sphère donne nécessairement un de forme, par exemple le perçage d’un trou : la perturbation
ellipsoïde, dont les trois axes définissent les trois directions princi- entraînée se traduit par des déformations mesurables, d’où l’on peut
pales des déformations. en principe remonter aux contraintes globales.

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En pratique toutefois, ces méthodes compliquées ne sont Mais, quand la dérivée seconde ε ′′0 n’est pas nulle (figure 1), la
employées que pour la mesure des seules contraintes résiduelles, valeur moyenne de la déformation sur la longueur de base  diffère
en l’absence de sollicitation extérieure. Lorsqu’une sollicitation exté- de la déformation ε 0 et un calcul simple montre qu’en négligeant
rieure existe, on s’intéresse en fait aux contraintes que cette solli- les termes d’ordre supérieur on peut écrire :
citation même engendre, plutôt qu’aux contraintes globales, les
premières seules traduisant l’influence des formes et des dimen- ε moy = ε 0 + (  2 /24 ) ε ′′0 (3)
sions. Pour que l’on puisse mesurer séparément ces contraintes dues
à la sollicitation extérieure, il est indispensable qu’il y ait variation avec ε 0 et ε ′′0 valeurs de la déformation et de sa dérivée seconde
de l’intensité de la sollicitation : par exemple, on fera des relevés au point milieu de la base de mesure.
sous des sollicitations de même type, d’intensités échelonnées entre Ainsi la courbe expérimentale diffère d’autant plus de la courbe
deux valeurs extrêmes, ce qui, par différence, fournira les variations réelle que le terme (  2 /24 ) ε ′′0 est plus grand. Elle passe donc par
de la déformation, d’où, par application des formules (1), les varia-
les points d’inflexion de cette courbe réelle, mais partout ailleurs elle
tions de la contrainte dues à une variation donnée de la sollicitation.
se trouve dans sa concavité, l’écart entre les deux courbes
Les mesures portent alors seulement sur la surface extérieure de correspondant au tiers de l’intervalle qui existe, pour l’abscisse x 0 ,
la pièce étudiée et, plus précisément, sur les portions non chargées entre l’arc de la courbe réelle compris entre les abscisses
de cette surface (c’est-à-dire sur les portions de cette surface qui ne
x 0 – ( /2 ) et x 0 + (  /2 ) et la corde de cet arc.
subissent pas directement l’effet de la sollicitation extérieure) : sur
ces portions, dans l’une des directions principales, à savoir la direc- Cela étant, la longueur  de la base de mesure doit être d’autant
tion normale à la surface, la contrainte est nulle, donc le système plus petite que la dérivée seconde de la déformation ε est plus
des contraintes est seulement double et les mesures se font exclu- grande. D’ailleurs, si cette longueur est assez faible pour que, les
sivement dans le plan des deux contraintes principales non nulles. courbes réelle et expérimentale étant voisines, on puisse assimiler
leurs dérivées secondes l’une à l’autre, on est en droit de corriger
la formule (3) en écrivant :
1.4 Notion de base de mesure ε 0 = ε moy – (  2 /24 ) ε moy
′′ (4)

Plaçons-nous dans le cas évoqué précédemment où une des


contraintes principales est nulle ; les formules fondamentales (1) de 1.5 Nombre des mesures à faire
la théorie de l’élasticité s’écrivent, en chacun des points où des
mesures sont faites : autour d’un point
E 
σ 1 = ----------------- (ε 1 + ν ε 2) Le but assigné à l’extensométrie est le plus souvent de déterminer
1 – ν2 
 (2) complètement le système des contraintes en chacun des points
E  étudiés, ce qui implique que l’on donne les contraintes principales
σ 2 = ----------------- (ε 2 + ν ε 1) 
1 – ν2 en un tel point à la fois en direction et en grandeur.

avec σ 1 et σ 2 contraintes dans deux directions orthogonales 1 et 2,


E module d’Young,
ν coefficient de Poisson,
ε 1 et ε 2 déformations dans les mêmes directions 1 et 2 (qui
peuvent éventuellement, mais non forcément, être
les directions principales).
Par définition, les déformations ε qui interviennent dans ces
formules sont les déformations relatives prises sur une longueur infi-
niment petite. Or la mesure ne saurait, en fait, être exécutée que
sur une longueur finie, dite base de mesure, de sorte que l’on
remplace la déformation au point considéré par sa valeur moyenne
sur toute la longueur de la base de mesure. Cette première approxi-
mation, on le verra ci-après, n’est acceptable que si la base de mesure
est suffisamment courte.
D’un autre côté, si certaines techniques de mesure (les jauges)
mettent effectivement en jeu les déformations tout le long de la base
de mesure, dans d’autres (extensomètres), on se borne à mesurer
le déplacement relatif des extrémités de la base de mesure . Si cette
base est rectiligne, les deux procédés sont évidemment équivalents,
mais il n’en est plus de même quand elle présente une courbure
sensible : il intervient alors une seconde approximation, qui consiste
en somme à assimiler un arc à sa corde et qui, elle aussi, n’est accep-
table que sous certaines conditions.
Nota : l’erreur correspondante est de 1,5 % pour une base de 2 mm et un rayon de
courbure de 6 mm.

■ Influence propre de la longueur de la base de mesure


Si la déformation ε varie linéairement tout le long de la base,
celle-ci peut changer de longueur, son point milieu restant fixe, sans
Figure 1 – Influence de la longueur de base
que la déformation moyenne sur la longueur de base cesse d’être
sur la mesure de la déformation
égale à la déformation ε 0 au point milieu de la base.

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La théorie de l’élasticité indique que ce résultat peut être obtenu l’hypothèse de Bernoulli tend à faire admettre que les contraintes
à partir de mesures de déformations faites dans trois directions principales sont en tout point longitudinales, la symétrie n’autorise
distinctes de la surface de la pièce, c’est-à-dire, en pratique, sur trois pas à exclure a priori la disposition inclinée (figure 4) des lignes de
bases de mesures distinctes, centrées sur le point considéré. En fait, contraintes principales (ou isostatiques).
il est particulièrement commode de prendre deux de ces bases ortho-
gonales entre elles, la troisième étant à 45o sur les deux premières : ■ Mais il existe, pour la détermination par voie expérimentale des
à partir des déformations mesurées sur ces bases, un programme réseaux d’isostatiques (c’est-à-dire des lignes tangentes en chaque
facile à établir permet d’obtenir, à l’ordinateur, les déformations prin- point aux contraintes principales), des techniques spéciales fondées
cipales en grandeur et en direction, d’où les contraintes principales sur l’emploi de revêtements fragiles dans lesquels, sous l’effet des
par les formules (2). contraintes engendrées dans leur substrat par la sollicitation appli-
quée à la pièce en essai, apparaissent des réseaux de craquelures,
Mais on peut aussi – et cela nous servira plus loin pour évaluer dont l’identité avec une des familles d’isostatiques a été démontrée
les erreurs possibles – appliquer une construction graphique (cercle dans les cas accessibles au calcul.
de Mohr des déformations, figure 2 et encadré 1).

Encadré 1 – Détermination des déformations principales


à l’aide du cercle de Mohr

Soit (figure 2 ), dans un plan où règne un état de tension


double, un point O et une direction ON, ainsi que deux axes de
coordonnées ε O 1 γ , sur lesquels nous portons en abscisses la
déformation ε selon ON et en ordonnées le demi-glissement γ /2
sur la facette perpendiculaire à ON . Quand la direction ON varie
en balayant le plan considéré, le point représentatif n décrit un
cercle dont le centre O 2 est sur l’axe O 1 ε . D’ailleurs, quand ON
tourne d’un angle ϕ, O 2n tourne d’un angle 2ϕ, tandis que O 3n
(O 3 étant sur le cercle) tourne seulement d’un angle ϕ, de sorte
que, par un choix judicieux de O 3 , la direction O 3 n peut
demeurer constamment parallèle à ON. Les points représentatifs Figure 2 – Cercle de Mohr des déformations
a et b correspondent par définition aux directions principales
(glissement nul).
Supposons donc connues les déformations en O selon deux
directions rectangulaires OM et ON et une direction OP à 45o sur
les précédentes (figure 3). Portons sur l’axe O 1 ε des déforma-
tions les points m 1 , n 1 et p 1 , tels que O 1m 1 , O 1n 1 et O 1p 1 repré-
sentent respectivement ces déformations. Sur le cercle des
déformations, les points représentatifs des directions OM , ON
et OP se trouvent respectivement à l’intersection avec les
droites D m , D n et D p perpendiculaires à O 1ε en m 1 , n 1 et p 1 .
D’autre part, m et n étant diamétralement opposés puisque
l’angle MON est droit, le centre O 2 de ce cercle est au milieu
de m 1n 1. Quant à p, comme l’angle MOP est égal à 45o, il se
trouve sur la perpendiculaire en O 2 à O 2m ; on passe donc de m
en p par une rotation de 90o autour de O 2 dans le sens même qui
fait passer de OM à OP par une rotation de 45o, c’est-à-dire que
p se trouve sur la parallèle D m ′ à O 1 ε déduite de Dm par cette
même rotation de 90o.
Ayant ainsi obtenu p, on peut tracer le cercle des déforma-
tions, puis, sur ce cercle, porter le point O 3 à l’intersection avec Figure 3 – Détermination des directions principales
la parallèle O 3 p à OP et, enfin, en joignant O 3 aux extrémités a à l’aide du cercle de Mohr des déformations
et b du diamètre porté par O 1ε , trouver les directions princi-
pales. Quant aux déformations principales, elles sont données
respectivement par les segments O 1a et O 1b.
Il ne reste plus qu’à calculer les contraintes principales, à
partir des déformations principales, à l’aide des relations fonda-
mentales (2) de l’extensométrie.

1.6 Détermination des directions


principales
■ Les directions principales peuvent parfois se déduire de considé-
rations de symétrie. Ces considérations doivent toutefois concerner
exclusivement la forme de la pièce et le type de sollicitation auquel
cette pièce est soumise, à l’exclusion de la disposition des Figure 4 – Disposition inclinée des isostatiques,
contraintes telle qu’on la conçoit dans telle ou telle théorie élémen- révélée par l’essai de craquèlement dans une poutre d’assemblage
taire de la résistance des matériaux. Ainsi, dans une poutre droite de en flexion composée sur trois appuis
section constante, travaillant en flexion composée, alors que

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Ces revêtements craquelants [3], pour la plupart à base de 2.1 Extensomètres transposables
résines traitées, peuvent être appliqués soit à chaud sous forme de
laque, c’est-à-dire à l’état fondu, soit à froid sous forme de vernis, Lorsque l’extensomètre est attaché rigidement à la pièce aux deux
c’est-à-dire à l’état dissous dans un solvant volatil, éventuellement extrémités de la base, il faut que celle-ci ne subisse pas de flexion
additionné de plastifiant. Dans le premier cas, le coefficient de dila- sous l’effet de la sollicitation qui lui est appliquée, sinon la défor-
tation de la laque étant de beaucoup supérieur à celui de son subs- mation de la pièce n’est pas transmise fidèlement. En fait, le procédé
trat (environ cinq fois celui de l’acier), le revêtement se trouve, par n’est plus utilisé que dans les appareils à base de plusieurs déci-
le refroidissement même, fortement sollicité en contrainte isotrope mètres, employés sur de grands ouvrages.
de traction ; dans le second cas, le retrait de séchage du vernis pro-
duit un effet analogue. Il suffit alors d’une action additionnelle Dans une solution plus générale, les extrémités de la base peuvent
minime, en fait la déformation élastique de la pièce sous l’effet de être matérialisées par des billes ou des cônes, portant dans des
la sollicitation extérieure qui lui est appliquée, pour déclencher la logements ménagés sur la pièce : l’appareil est alors un déformètre,
formation de craquelures, orientées en fonction de cette déforma- que l’on peut à volonté enlever et remettre en place. Ces extrémités
tion. Des contraintes de quelques dizaines de mégapascals dans peuvent aussi être matérialisées par des pointes effilées ou des
une pièce en acier sont capables de faire apparaître ainsi le réseau couteaux appliqués sur la surface de la pièce par un effort
des isostatiques orthogonales en chaque point à la plus forte convenable : ni trop faible, de manière à éviter tout glissement sur
contrainte de traction. la pièce, ni trop fort, pour ne pas y perturber la distribution des
contraintes (10 à 50 N pour les bases de 2 à 20 mm).
Ce procédé des revêtements craquelants est simple et économique.
Dans l’un et l’autre cas, l’extensomètre comprend un dispositif à
D’une manière générale, les lois quantitatives relativement guidage parallèle : à piston et fourreau, ou à parallélogramme
complexes qui président au craquèlement des revêtements fragiles articulé sur lames élastiques, ou à couteau double dont le plan de
ne sont pas complètement connues et, sauf dans les cas les plus symétrie est perpendiculaire à la base, ce dernier dispositif trans-
simples (pour lesquels il est possible de procéder à un étalonnage formant la déformation en une rotation proportionnelle.
directement significatif), on ne peut compter apprécier avec une
grande précision, par le seul essai de craquèlement, la valeur des
contraintes régnant dans une pièce. L’erreur possible est de 10
2.1.1 Amplification
à 30 %.
En revanche, la direction des contraintes principales est déter- ■ Sur grande base, l’amplification peut être inutile (sur 1 m d’acier,
minée correctement : par conséquent, on peut obtenir une évalua- une contrainte de 100 MPa donne une déformation de 0,5 mm), ou
tion plus rigoureuse des contraintes en n’utilisant cet essai que de du moins il n’y a pas besoin d’autre amplification que celle d’un
manière qualitative, c’est-à-dire en vue du tracé des isostatiques, comparateur à cadran usuel, ce qui a permis, au début de l’extenso-
puis en revenant aux techniques classiques de l’extensométrie, dont métrie, l’emploi d’appareils simples tels que le dilatomètre
l’application se trouvera à la fois allégée et rendue plus sûre par ce Manet-Rabut utilisé sur les ouvrages d’art et le déformètre
tracé préalable. Whittmore. Ces appareils ne sont plus commercialisés mais sont
facilement réalisables.
■ Le type des appareils à amplification mécanique est l’extenso-
1.7 Revêtements extensométriques mètre Huggenberger à double levier, dont le fonctionnement est
très bon sur base de 20 mm.
À côté des revêtements craquelants, qui fournissent essentielle- ■ L’amplification optique utilise le principe du miroir de Poggendorf.
ment le tracé des isostatiques (§ 1.6), on utilise également d’autres Elle n’est en fait plus guère employée en France que dans l’appareil
revêtements, destinés à la détermination quantitative des déforma- à miroir de Martens.
tions, mais qui ne donnent pas directement les directions princi-
■ L’amplification pneumatique, fondée sur le principe du système
pales. Parmi ces revêtements extensométriques, il convient de citer
buse-palette, permet de réaliser des appareils très petits (2 mm de
particulièrement les revêtements à réseaux de moiré (§ 3.1) et les
base) et à gain élevé (200 000), mais n’est guère linéaire que dans un
revêtements photoélastiques (§ 3.2).
domaine restreint. Elle présente l’avantage d’une possibilité de télé-
mesure en milieu explosif.
■ Ses facilités de télémesure et de traitement de l’information favo-
2. Jauges résistives risent le développement de l’amplification électrique, surtout pour
la détermination de caractéristiques mécaniques sur éprouvettes et
et extensomètres l’asservissement de machines [extensomètres à transformateur
différentiel (figure 5), à variation d’inductance, etc.].
■ Enfin, en employant la déformation à mesurer pour tendre une
Pour l’utilisateur, il n’est évidemment pas sans intérêt de savoir
corde vibrante (extensomètre électro-acoustique, figure 6), on carac-
si les appareils utilisés pourront servir seulement une fois ou, au
térise cette déformation par une variation de fréquence de vibration.
contraire, être démontés après usage et remontés pour d’autres
applications à plusieurs reprises. Dans ce dernier cas, les appareils
sont dits transposables.
En pratique, seuls sont transposables les extensomètres qui pro-
cèdent par mesure de la variation de la distance entre deux points
de la pièce étudiée (§ 2.1), tandis que les jauges extensométriques,
mises en place par collage, sont à usage unique, à l’exclusion de
tout réemploi.
Compte tenu de l’évolution des jauges d’extensométrie, de leur
grande facilité d’emploi et de leur faible coût les extensomètres
transposables sont de moins en moins utilisés.
Figure 5 – Amplification à transformateur différentiel

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2.1.2 Lecture

Le dispositif de lecture dépend directement du type d’amplifica-


tion adopté.
Les systèmes les plus pratiques sont ceux qui comportent la
lecture directe sur l’appareil (cadran ou oculaire micrométrique) ou
la lecture à distance avec liaison par fil (amplification électrique ou
acoustique) ou par tube de caoutchouc (amplification pneumatique).
Seule la lecture à distance permet l’emploi de graduations étendues,
sur lesquelles les lectures se font rapidement et sans fatigue, ainsi
que le traitement de l’information.

2.2 Jauges extensométriques

Nous réserverons le nom de jauges extensométriques aux appa-


reils qui sont influencés par les déformations tout le long de la base
de mesure. Collée sur la surface de la pièce étudiée, une telle jauge
fait, en chaque point de la longueur de base, correspondre à la défor-
mation de la pièce une variation proportionnelle de l’une de ses pro-
priétés physiques, à savoir la biréfringence accidentelle (vernis
photoélastiques : § 3.2 et article Photoélasticimétrie [R 1 870]), la
formation de moirés (§ 3.1) ou la résistance électrique [4].
La valeur de la mesure par jauges repose donc d’abord sur celle
Figure 6 – Extensomètre électro-acoustique Telemac
de la liaison par collage. Celle-ci doit non seulement ne pas varier
dans le temps (absence de viscosité), mais encore être telle que la
partie sensible de la jauge soit placée à faible distance de la surface
de la pièce (couche de colle aussi mince que possible), faute de quoi
une erreur systématique s’introduit, notamment lorsque la courbure
change sous l’effet de la sollicitation.

La technique par jauges à élément résistant, grâce à la variété


des ressources qu’elle offre quant aux types (nature et dimen-
sion) des jauges et aux caractéristiques des ponts de mesure qui
leur sont associés, constitue sans doute la forme actuellement la
plus répandue de l’extensométrie.
Figure 7 – Jauge à trame

À l’origine, les jauges étaient constituées d’un fil, généralement


en constantan, d’un diamètre de 0,03 à 0,05 mm, collé en spires
rapprochées sur un support mince (papier, puis résine synthétique) Si l’on considère un fil fin que l’on soumet à une traction, dans
et terminé par des connexions appropriées, ramenées à la même les limites de son domaine élastique, il s’allonge sous l’effet de la
extrémité de la jauge. charge, cependant que sa section diminue. Si ε est l’allongement
relatif, le diamètre subit une diminution relative, soit – ν ε , ν étant
La tendance moderne est aux jauges à trame (dites quelquefois
le coefficient de Poisson, voisin de 0,3 pour la plupart des métaux.
jauges imprimées ). Une telle jauge est obtenue à partir d’une feuille
métallique mince (quelques micromètres) et d’un support isolant Sachant que la résistance d’un fil conducteur est :
(résine synthétique), et que l’on traite, comme un circuit imprimé,

par photographie et attaque à l’acide (figure 7). R = ρ ----
s
La technique des jauges à trame facilite la réalisation de rosettes
(à deux, trois et quatre directions) pour la détermination des direc- avec ρ résistivité,
tions principales. De manière plus générale, elle se prête à la réali-  longueur,
sation de circuits de forme optimisée selon la grandeur mécanique
à mesurer (par exemple : circuit en spirale pour capteurs de pression s section,
à membrane). on a par dérivation logarithmique, et en confondant les faibles
variations de grandeurs physiques avec les différentielles
mathématiques :
2.2.1 Principe des jauges
∆R ∆ρ ∆ ∆s
--------- = --------- + --------- – ---------
Les brins de fil constituant la jauge étant principalement alignés R ρ  s
suivant la direction ε x (sauf les boucles de raccordement entre brins soit, en tenant compte des remarques précédentes :
successifs), on peut admettre en première approximation que le fil
subit les mêmes déformations que la surface sur laquelle la jauge ∆R ∆ρ ∆
est collée. La théorie la plus communément admise est celle qui ---------- = --------- + --------- ( 1 + 2 ν )
R ρ 
considère que le fil subit les mêmes déformations que s’il était tendu
par ses extrémités.

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Si, en première approximation, on admet que la résistivité ρ est ■ Isolation électrique des jauges
constante, on devrait trouver : Si une jauge n’est pas bien isolée par rapport à une masse
∆R ∆ commune, de nombreuses fuites r 1 , r 2 , etc. (figure 9) sont équiva-
---------- = 1,6 --------- lentes à une résistance parasite en parallèle, r. Comme les mesures
R 
doivent être très sensibles, il faut que r soit supérieur à une valeur
En fait, on trouve : très élevée, s’exprimant en centaines ou milliers de mégohms :
une mesure par jauges électriques suppose un isolement parfait.
∆R ∆ Il n’est pas possible de mesurer les résistances séparées r 1 , r 2
---------- = K --------- (5)
R  mais on peut se ramener à la mesure de l’isolement entre le circuit
K étant une constante qui dépend des matériaux considérés, soit de la jauge et la masse sur laquelle la jauge est collée. Cet isole-
environ : ment doit être de l’ordre de plusieurs centaines de mégohms. On
calculera facilement qu’une résistance parasite de 1 MΩ, en paral-
• K = 2 pour le constantan et le Karma (nickel-chrome) ; lèle sur une jauge de 120 Ω, crée une erreur de 100 µm/m environ.
• K = 3,2 pour l’Élinvar (Isoelastic, alliage fer-chrome-molybdène) ; Il faut donc mesurer l’isolement de toutes les jauges chaque fois
• K = 0,5 pour le Manganin (alliage cuivre-nickel-manganèse). que c’est possible. Des mégohmmètres sont conçus pour cet
usage. Il est souhaitable de mesurer ces isolements sous la tension
recommandée de 50 V.
2.2.2 Principes fondamentaux des mesures
Cette nécessité d’isolement parfait conduit à protéger les jauges
contre l’atmosphère humide ; a fortiori elles doivent être absolument
Soit 4 résistances R 1 , R 2 , R 3 , R 4 , branchées suivant le schéma de étanches lorsqu’elles sont immergées.
la figure 8 (pont de Wheatstone). Entre les points B et D, on a une
différence de potentiel nulle. Un instrument de mesure, par exemple Les jauges, comme leurs instruments, étant produites industriel-
un galvanomètre G, ne dévie pas lorsque la relation R 1 R 3 = R 2 R 4 lement, il est nécessaire d’avoir un standard pour leur résistance
est satisfaite. nominale. La valeur la plus répandue est 120 Ω. Viennent ensuite les
valeurs 350, 1 000 et 4 500 Ω.
Si la résistance R 1 varie légèrement, l’équilibre est détruit. On
peut soit mesurer la variation de résistance par le courant ou par
la tension de déséquilibre, soit rétablir l’équilibre par une variation 2.2.3 Effets parasites d’origine thermique
connue d’une des 3 autres résistances.
On vérifiera facilement que les variations de R 1 et R 3 agissent dans Lorsqu’une jauge est collée sur un métal déterminé, en l’absence
le même sens sur l’équilibre du pont, cependant que R 2 et R 4 agissent de contraintes, elle subit des effets propres ainsi que la dilatation
en sens contraire, d’où la propriété : deux résistances adjacentes thermique du métal, déformation qui localement n’est pas créatrice
agissent en sens opposés, cependant que deux résistances opposées de contrainte. En fonction de la température, la résistance varie
agissent dans le même sens. suivant une courbe propre au type de jauge et au métal sur lequel
Dans la pratique, soit l’une soit plusieurs de ces quatre résistances la jauge est collée. L’idéal évidemment est de disposer d’une jauge
sont des jauges, les autres étant des résistances pures. La propriété ayant une courbe horizontale.
ci-dessus permet éventuellement d’éliminer des effets parasites au
profit des grandeurs recherchées.
En mesure de déformations, R 1 est une jauge active collée sur la
structure. R 2 est une jauge identique collée sur une pièce du même
métal, mais ne subissant pas de contraintes. R 3 et R 4 sont des
résistances pures. Dans ces conditions, les effets thermiques
s’éliminent et seules les déformations liées aux contraintes sont
détectées.
Dans les capteurs, on utilise presque toujours quatre jauges, judi-
cieusement disposées pour ajouter leurs effets en vue d’être plus
sensibles au phénomène mesuré, mais aussi de retrancher les effets
parasites qui sont à éliminer.

L’ordre de grandeur des variations de résistance est très faible.


Ainsi, pour mesurer sur de l’acier une contrainte uniaxiale de
l’ordre de 10 MPa, il faut pouvoir détecter une variation relative
de résistance de l’ordre de 10–4. Pratiquement les instruments
peuvent même détecter 10–6 et quelquefois mieux. En fait, une
telle précision n’est utile que pour la connaissance des variations Figure 8 – Pont de Wheatstone
de résistance et non pour la résistance elle-même. Les instru-
ments sont donc réalisés dans ce sens.

Du fait qu’il s’agit de très faibles variations de résistances, il


importe de ne pas perturber la partie A B C D du circuit. Au cours
des mesures, il faut éviter de modifier, soit par des changements
de fils, soit par la présence de contacts défectueux, la partie du pont
autre que ses liaisons extérieures. Par contre, pour les liaisons à la
source de courant ou à l’instrument de mesure, ces conditions sont
moins rigoureuses. Lorsqu’un pont unique est utilisé pour contrôler
successivement plusieurs jauges, la commutation doit être
particulièrement soignée.

Figure 9 – Résistances parasites

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■ Lorsqu’il en est autrement, on utilise le procédé de la jauge de La résistance d’une jauge est fonction de nombreuses variables ;
compensation. Une jauge identique à celle qui servira aux mesures par des artifices de fabrication, une seule d’entre elles subsiste, les
de déformations est collée sur un échantillon du même matériau autres étant éliminées. Cette variable restante est la déformation
que la structure (figure 10). Montée sur une branche adjacente du réelle ou fictive associée à l’existence de contraintes. Lorsqu’un
pont, elle doit annuler tous les effets thermiques, sous condition de corps même libre est chauffé mais pas de façon homogène, il peut
subir les mêmes variations de température que la jauge active. Ce subir des contraintes dites contraintes thermiques, également détec-
procédé a longtemps été le seul utilisé. tées par une jauge autocompensée.
Il se justifie encore lorsque les hypothèses précédentes sont garan- Une jauge ne pouvant être compensée que pour une dilatation
ties. Il faut bien voir que cette jauge de compensation n’est qu’un donnée, les jauges autocompensées sont réalisées en groupes 00,
thermomètre et la question qui se pose est la suivante : ce thermo- 03, 06, etc., chacun des nombres associés étant lié au coefficient de
mètre est-il meilleur ou non que tout autre procédé de mesure de dilatation thermique (exprimé en ppm / oF). La figure 12 est un
température ? Dans de nombreux cas, et principalement pour les exemple de courbes contenues dans chaque paquet de jauges et
mesures de contraintes dues à des causes thermiques, il est établies pour chaque lot.
préférable de mesurer la température, par exemple, à l’aide d’une
sonde thermique et de se reporter à la courbe propre résistance-
température de la jauge.
■ Quel que soit le procédé adopté, il vaut mieux utiliser des jauges
autocompensées, c’est-à-dire à courbe pratiquement horizontale. Le
but de l’autocompensation est d’éliminer, autant que possible, les
effets thermiques des jauges, y compris la dilatation propre du métal
de la pièce étudiée. Les effets des dilatations de métaux sont du
même ordre de grandeur que les déformations : ainsi, 5 oC d’éléva-
tion de température créent dans une barre d’acier le même allonge-
ment qu’une traction de 1 MPa.
Les dilatations thermiques homogènes ne créent pas de
contraintes. Elles n’intéressent donc pas directement l’analyse des
structures. Par contre, lorsqu’une pièce n’est pas libre de se dilater,
des contraintes apparaissent.
La figure 11 donne une image de ces notions. La première
poutre (a ) est libre ; la seconde (b ) est encastrée entre deux murs qui
empêchent toute dilatation. Toutes deux sont chauffées uniformé-
ment. Une jauge parfaitement autocompensée, placée sur la première
poutre dans le sens longitudinal, ne varie pas de résistance, bien que
s’allongeant. Par contre, placée sur la seconde, elle indique une
contraction alors que géométriquement elle ne varie pas de longueur.
Nota : le second cas pourrait être obtenu par un cycle différent ; la poutre étant libre, se Figure 11 – Jauge autocompensée
dilatant librement, puis par contrainte on la ramènerait à sa dimension initiale. Seule la
seconde déformation est liée à une contrainte et elle seule est détectée par une jauge
parfaite.

Figure 10 – Procédé de la jauge de compensation : principe


Figure 12 – Courbes de déformation apparente
sur un échantillon d’acier

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Ces courbes sont valables pour un métal donné, identifié par ses Le facteur de jauge indiqué avec chaque paquet de jauges est établi
références normalisées. Elles sont donc valables pour ce métal ou à température ambiante. Soit K 1 ce facteur. Pour une température
tout autre de même coefficient de dilatation. Lorsqu’on doit utiliser différente de l’ambiante, le facteur prend une autre valeur K 2 . Si l’on
cette courbe (par exemple pour des mesures de contraintes enregistre une déformation ε 1 , l’instrument ayant été réglé sur le
thermiques) et que l’on n’est pas sûr de connaître exactement le coef- facteur K 1 , la véritable valeur de la déformation mesurée est :
ficient de dilatation du métal, il peut être nécessaire de l’établir
soi-même. K1
ε 2 = ε 1 ---------
K2
∆
Ces courbes sont exprimées en --------- , cela afin de faciliter les calculs,

mais, comme le facteur K varie avec la température, il importe de
préciser qu’elles représentent en fait des variations de résistance et 2.2.4 Mesures de contraintes à chaud
∆
que l’indication --------- est obtenue en divisant les valeurs mesurées
 Il existe des jauges pouvant être utilisées à des températures
de résistance à chaque température par le facteur de jauge K à élevées. Lorsqu’on parle de mesures à chaud il faut bien différencier
température ambiante. la nature des essais, les difficultés n’étant pas les mêmes dans les
● Courbes de déformation apparente
différents cas.
Sous l’effet d’une variation de température ∆T, une jauge collée ■ S’il s’agit simplement d’avoir des amplitudes de vibration rapide-
subit, en l’absence de contraintes, deux phénomènes : ment variables, on n’a pas à tenir compte de la composante continue,
— d’une part une variation de résistance, comme tout conducteur seule influencée par la température. Ces essais sont possibles à des
(β G = coefficient thermique de la grille) ; valeurs très élevées (800 à 1 000 oC).
— d’autre part la différence des coefficients de dilatations ther- Exemple : vibrations d’ailettes de turbines.
miques respectifs de la structure et de la grille (α S – α G ).
La résultante de ces deux effets est donc une courbe de défor- ■ On travaille à température élevée sur une structure dont les
mation apparente : contraintes n’ont que des causes mécaniques. L’équilibrage du pont
se fait à chaud. Ces essais ne présentent pas de grandes difficultés.
βG Si la température varie légèrement autour d’une valeur, on a intérêt
ε APP ( G/ S ) = -------- – ( α S – α G ) ∆T à choisir une jauge compensée dans le domaine considéré.
K
Exemple : mesure des contraintes sur un engin de levage destiné
Si ces phénomènes étaient linéaires, cette expression pourrait à travailler dans une atmosphère chaude.
s’annuler, par un choix judicieux des matériaux. On aurait une jauge
autocompensée parfaite. En fait, on peut obtenir une courbe qui, ■ Il s’agit de mesurer des contraintes dues simultanément à des
pour un métal donné, présente un palier au voisinage de la tempé- causes mécaniques et thermiques. Ces dernières peuvent être dues
rature ambiante (figure 12). Cette courbe de déformation apparente à des dilatations contrariées, des gradients thermiques, etc. L’équili-
est fournie par le constructeur pour chaque paquet de jauges. Il est brage du pont se fait à froid. Avec la température apparaissent des
important de connaître cette courbe, surtout pour effectuer des dilatations locales et des déformations de contraintes. Seules ces
mesures de contraintes d’origine thermique. dernières sont à déterminer.
● Variations du facteur de jauge en fonction de la température Exemple : contraintes créées dans un réservoir en cours de
Ces variations sont représentées par les courbes de la figure 13 remplissage par un fluide chaud ou froid.
pour différents métaux utilisés pour la fabrication de jauges.
Si l’on considère la courbe de température de la jauge sur une
pièce du métal considéré, en dilatation libre (figure 14), l’équilibrage
est exécuté à la température ambiante, par exemple 20 oC (point A).
Si la pièce métallique était chauffée en l’absence de contraintes, on
aurait une courbe de température AB dépendant des propriétés de
la jauge et de la dilatation du métal. Si donc, ayant atteint la tempé-
rature d’expérimentation (250 oC), nous sommes en C, la différence
des ordonnées, soit BC, représente la variation de résistance créée
par des contraintes, qu’elles soient d’origine mécanique et/ou ther-
mique. Comme la courbe AB dépend du coefficient de dilatation du
métal de la pièce, il est absolument nécessaire de la connaître. On
peut obtenir une telle courbe du producteur de jauges, mais il s’agit
d’un métal déterminé. Si l’on utilise un autre métal, même légère-
ment différent, il faut en connaître la courbe de dilatation thermique,
soit par une expérimentation, soit par un calcul à partir des diffé-
rences de coefficients de dilatation. D’où un principe qui, quoique
évident, trouble de nombreux expérimentateurs : il est absolument
impossible d’effectuer des mesures de contraintes thermiques sur
un corps dont on ignore le coefficient de dilatation thermique.

2.2.5 Limitations et corrections

■ Dimensions et emplacement de la jauge mal choisis


Cette erreur est fréquemment commise (figure 15a ). La défor-
Figure 13 – Variation du facteur de jauge
mation présente un maximum très étroit suivant une abscisse x .
en fonction de la température
La jauge, dont il ne faut jamais oublier qu’elle mesure la moyenne
de l’intégrale de ses déformations, indiquera une valeur inférieure
à la valeur réelle.

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Il n’y a pas de correction théorique possible d’une telle erreur, ■ Limites d’élongation maximale d’une jauge
mais on comprendra, d’après cette figure, que des erreurs de 30 % Toutes les jauges ont des limites d’allongement à ne pas dépasser.
ou plus sont possibles. Au-delà, la grille peut être coupée, le support fissuré ou bien la jauge
Pour éviter cette erreur, on choisit donc une jauge plus petite. C’est peut se décoller.
une condition nécessaire mais pas suffisante, car on risque de se Les jauges de hautes performances à support renforcé de fibre de
trouver dans le cas de la figure 15b. Plus une jauge est petite, plus verre sont généralement limitées à 10 000 ou 20 000 µm/m. Les jauges
il faut la positionner avec précision. Dans ce cas, deux méthodes d’usage courant à support de polyimide atteignent 50 000 µm/m et
sont préconisées : même 100 000 µm/m pour les grandes tailles. Les jauges sans support
— soit une étude préliminaire par photoélasticité ; collées à l’aide de ciment céramique sont limitées à 5 000 µm/m.
— soit l’utilisation de plusieurs jauges successives groupées
Il existe des jauges spécialement conçues pour les grandes élon-
sous la forme de ce qu’on appelle une chaînette.
gations, jusqu’à 200 000 ou 250 000 µm/m, avec une excellente linéa-
rité. Le métal utilisé est du constantan recuit et le support est en
polyimide. Ces jauges ne sont pas encapsulées, afin de limiter le
cisaillement. Elles sont collées à l’aide de colles époxydes à deux
composants, non ou faiblement chargées. Il faut soigner, tout
particulièrement, le traitement de la surface de collage et éviter les
bulles dans la colle. Les soudures et fils de liaison doivent être prévus
pour supporter les fortes élongations.
Il faut noter que les jauges pour grandes élongations ne peuvent
subir indéfiniment des déformations alternées aussi importantes,
tout au plus quelques cycles. Mais cela n’est pas une servitude, car
rares seraient les structures elles-mêmes capables de subir, sans
détérioration, des déformations alternées de l’ordre de 250 000 µm/m
durant de nombreux cycles.
■ Limites de fatigue
Figure 14 – Courbe de température de la jauge Tous les métaux sont détériorés en fatigue lorsqu’ils sont soumis
en présence de contraintes mécaniques et thermiques à des contraintes alternées ; celui des jauges également. Pour
d’importantes amplitudes de déformations alternées et au bout d’un
certain nombre de cycles, des fissures apparaissent sur les bords
des brins et se propagent perpendiculairement à leur direction. Cela
a pour conséquence de provoquer une dérive lente de la résistance,
un déplacement du zéro. Les courbes de la figure 16 représentent
l’allure du phénomène pour différentes amplitudes appliquées à un
même type de jauges. La dérive apparaît pour un nombre de cycles
d’autant plus faible que les déformations sont plus grandes.
De telles courbes ont été établies pour les différents types de
jauges.

Figure 15 – Dimension et emplacement de la jauge mal choisis

Figure 16 – Courbes de fatigue d’alliages


utilisés pour la fabrication des jauges

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3. Extensométrie Pour appliquer le phénomène de moiré en extensométrie, il suffit


de prendre la surface de la pièce à étudier comme support d’une
par revêtements trame, formée de deux réseaux orthogonaux entre eux, et de
comparer successivement chacun de ces réseaux avec le réseau
témoin correspondant. On obtient ainsi, dans toute l’étendue
L’extensométrie par revêtements peut être utilisée pour des couverte, les lignes de niveau des déplacements u et v dans les deux
relevés statiques ou dynamiques : dans les deux cas, les revêtements directions orthogonales Ox et Oy correspondant à la trame : graphi-
utilisés sont en effet les mêmes et ils suivent avec la même fidélité, quement (figure 17) ou par dépouillement automatique, on en
dans ses déformations, la surface sur laquelle ils sont appliqués. Les déduit les dilatations normales ε et le glissement γ , en se fondant
relevés dynamiques supposent le recours à la cinématographie ou, sur les formules de définition :
s’il s’agit de phénomènes périodiques, à la stroboscopie.
∂u 
ε x = --------- 
∂x

3.1 Revêtements à réseaux de moiré ∂v
ε y = --------

∂y  (6)

Le phénomène de moiré est obtenu par superposition de deux 1 ∂u ∂v 
réseaux de pas voisins, formés de traits parallèles dont l’épaisseur
est sensiblement égale à l’intervalle entre deux traits consécutifs :
2 ∂y ∂x
γ = ----- --------- + --------  

des franges apparaissent là où les traits de l’un des réseaux couvrent Nota : conformément au fascicule de documentation AFNOR X 10-011 (mars 1958), le
les intervalles de l’autre. terme dilatation désigne une déformation due non pas à une variation de la température
du milieu étudié, mais bien à l’application d’un système de contraintes à ce milieu.
Si l’un des réseaux est un réseau témoin et l’autre un réseau
obtenu par une déformation limitée (mais à part cela quelconque)
d’un réseau initialement identique au réseau témoin, le passage
d’une frange à la suivante caractérise un déplacement différentiel 3.1.1 Précision des mesures
du réseau déformé, dont la composante orthogonale aux lignes du
réseau est égale au pas p du réseau témoin : les franges sont en En fait, les mesures se ramènent à des décomptes de franges de
somme des lignes de niveau de cette composante. moiré : leur précision croît par conséquent avec le nombre des
franges décomptées.

Figure 17 – Principe du dépouillement


des franges de moiré

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Ce nombre est évidemment d’autant plus élevé que le décompte reposent donc sur la détermination de la différence de marche entre
porte sur une étendue plus grande. Mais augmenter cette étendue deux rayons ayant traversé le revêtement et polarisés dans les
équivaut à accroître la longueur de base, avec les incidences directions orthogonales qui correspondent aux directions princi-
étudiées au paragraphe 1.4 : on ne peut donc aller loin dans cette pales des contraintes supportées par le revêtement dans son plan.
voie, à moins que la contrainte ne soit répartie de manière sensi- On pourra se reporter, pour plus de détails, à l’article Photoélasti-
blement uniforme, ce qui est exceptionnel. En règle générale, c’est cimétrie [R 1 870] dans le présent traité.
donc par un accroissement de leur densité qu’il faut chercher à Collé sur la surface de la pièce, le revêtement en suit les déforma-
augmenter le nombre des franges décomptées. tions. Or les déformations principales ε I et ε II à la surface de la pièce
Or cette densité dépend en premier lieu, d’une part, du module sont telles que :
d’Young du substrat, dont en principe on n’est pas maître, d’autre σ I – ν σ II
part, du niveau des contraintes à mesurer. Quant à ce dernier, il faut ε I = -------------------------
-
E
noter que, sauf dans le cas exceptionnel où les contraintes sont uni-
formes, on peut observer d’importantes variations de la densité des σ II – ν σ I
franges d’un point à l’autre de la surface de la pièce : il peut alors et ε II = -------------------------
-
E
être avantageux d’augmenter la densité des franges dans les
régions peu contraintes en substituant au réseau témoin, de même ( 1 + ν ) ( σ I – σ II )
pas que la trame à l’état neutre, un réseau de pas légèrement d’où ε I – ε II = ---------------------------------------------
-
E
différent.
Mais le moyen le plus évident d’accroître la densité des franges tandis que, dans le revêtement, on a de même :
consiste à utiliser des trames dont les traits sont eux-mêmes plus ( 1 + ν r ) [ ( σ I ) r – ( σ II ) r ]
serrés : c’est ce qui justifie les efforts faits pour produire des trames ( ε I ) r – ( ε II ) r = --------------------------------------------------------------
-
de plus en plus fines, sans pourtant en sacrifier la qualité photo- Er
métrique, qui demeure essentielle pour l’obtention de franges nettes.
de sorte que les contraintes principales dans la pièce, σ I et σ II , et
On peut définir la distance entre deux franges avec une précision dans le revêtement, (σ I)r et (σ II)r , satisfont à la relation :
de 1 %. Si le réseau a un pas de 0,012 5 mm (80 lignes par millimètre)
et que l’on observe un interfrange de 25 mm, la déformation est : E 1 + νr
σ I – σ II = ------- ---------------- [ ( σ I ) r – ( σ II ) r ] (7)
0,012 5 Er 1 + ν
ε = --------------------- = 500 µ m/m
25 En général, le coefficient de Poisson νr de la résine est plus élevé
Si cet interfrange est défini à 1 % près, la précision de la lecture que celui de la pièce, supposée métallique. Cependant, le rapport
est de 5 µm/m. (1 + νr )/(1 + ν ) ne dépasse jamais de beaucoup l’unité et, pratique-
ment, on peut souvent se contenter d’écrire :
E
3.1.2 Réalisation pratique σ I – σ II = ------- [ ( σ I ) r – ( σ II ) r ]
Er
On trouve sur le marché des réseaux atteignant des dimensions
de plusieurs décimètres pour des nombres de traits par millimètre Que cette simplification soit ou non apportée, la mesure de
de 8 à 40. [(σ I )r – (σ II )r ] fournit, à un facteur connu près, la valeur de (σ I – σ II ).
Or la biréfringence accidentelle du revêtement de résine d’épaisseur
Actuellement, la technique utilisée est celle dite des réseaux trans- d, caractérisée par une constante photoélastique C, entraîne une
posables. Ces réseaux transposables sont fabriqués par le dépôt différence de marche :
d’une très fine couche de métal sur une plaque de mylar servant Cd [(σ I )r – (σ II )r ]
de support. Le réseau et son support sont collés sur la surface à
analyser et, après séchage, le support est facilement ôté, laissant à la traversée de ce revêtement. Toutefois, l’expérience ne peut ici
en place le réseau sans aucune distorsion. Le procédé d’application être faite par une traversée simple en raison de l’opacité de la pièce.
est très semblable au collage des jauges d’extensométrie. La couche de résine est donc métallisée sur la face appliquée contre
Quel que soit le procédé utilisé, le revêtement est toujours très la pièce, laquelle forme ainsi miroir ; la lumière traverse alors deux
mince (si mince qu’il est presque invisible et beaucoup plus mince fois le revêtement, d’où une différence de marche double :
que dans les revêtements photoélastiques), de sorte que les défor- 2 Cd [(σ I )r – (σ II )r ]
mations de la trame suivent très fidèlement celles de la surface à
laquelle le revêtement adhère.
Les franges de moiré qui caractérisent ces déformations sont enre- 3.2.2 Préparation des revêtements
gistrées soit par photographie directe du réseau témoin superposé
à la trame du revêtement, soit par superposition d’une photographie ■ La méthode la plus simple consiste à étaler sur la pièce, au pinceau
de cette trame et d’une photographie du réseau témoin, prises sépa- ou avec une spatule, voire au pistolet, le mélange formé de la résine
rément. Plus compliquée, cette dernière méthode n’est employée de base et de son durcisseur. Mais l’impossibilité d’obtenir ainsi une
que lorsque le contact de la trame avec le réseau risquerait de valeur uniforme pour l’épaisseur, dont l’importance sur la différence
détériorer celui-ci ; d’ailleurs elle exclut pratiquement la possibilité de marche ressort de la formule précédente, conduit à limiter le pro-
de relevés dynamiques par cinématographie ou stroboscopie. cédé aux expériences seulement qualitatives.
Nota : le lecteur trouvera des développements sur cette méthode dans l’ouvrage
Encyclopédie d’analyse des contraintes, par J. Avril et al., éditeur Vishay-Micromesures.
■ En employant des feuilles préfabriquées de quelques dixièmes à
quelques millimètres d’épaisseur, on élimine toute incertitude sur
cette épaisseur. Mais de telles feuilles ne peuvent être collées que
sur des surfaces planes ou développables à faible courbure.
3.2 Revêtements photoélastiques
■ Pour des surfaces franchement courbes, on commence par couler
3.2.1 Lois de la photoélasticimétrie la résine liquide dans un moule plan, exactement horizontal. Au bout
de quelques heures de polymérisation, on obtient une feuille molle,
Un revêtement photoélastique est constitué d’une résine trans- qui peut être découpée à la demande, puis formée à la main sur la
parente, dont, comme en photoélasticimétrie bidimensionnelle clas- pièce elle-même, sur laquelle elle ne doit d’ailleurs être collée qu’une
sique, on met à profit la biréfringence accidentelle. Les mesures fois la polymérisation achevée.

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■ La colle employée pour fixer la feuille sur la pièce est générale- de raccordement, etc., où, de ce fait, la méthode prend un caractère
ment chargée de paillettes métalliques, qui confèrent à la face en plus qualitatif que quantitatif.
contact avec la pièce le pouvoir réflecteur nécessaire.
■ Pièces très minces
Enfin, lorsque le substrat du revêtement est lui-même mince, on
3.2.3 Appareillage et conduite des relevés ne peut plus négliger le supplément de raideur apporté par le revê-
tement à ce substrat. Il faut corriger les mesures par calcul.
Pour la mesure de la différence de marche, on a d’abord fait appel
aux mêmes principes qu’en photoélasticimétrie bidimensionnelle
classique, les détails de réalisation de l’appareillage étant seulement
adaptés au cas particulier. Le polariseur et l’analyseur sont dans le 3.3 Comparaison entre les deux sortes
même plan au lieu d’être de part et d’autre d’un modèle transparent. de revêtements
Étant donné l’épaisseur limitée des revêtements, il faut des défor-
mations relativement importantes pour produire une différence de Dans nombre de cas, on peut employer aussi bien l’un que l’autre
marche déterminée : entre deux lignes isochromes successives, on des revêtements extensométriques qui viennent d’être présentés.
doit, pour un revêtement de 2 mm d’épaisseur, compter sur une Cependant, les points suivants méritent qu’on les relève.
déformation ∆ / de 10 –3 à 2 × 10 –3. C’est dire qu’au moins dans Sans limitation de principe du côté des grandes déformations, la
le cas des pièces métalliques on ne peut absolument pas se borner méthode du moiré permet de visualiser, mieux que tout autre pro-
à décompter les isochromes et qu’il faut nécessairement interpoler cédé connu, l’apparition et le développement des déformations plas-
entre elles : la méthode goniométrique de Tardy, qui permet d’appré- tiques. Par ailleurs, la stabilité des trames gravées en fait un moyen
cier le centième de frange, est couramment employée à cet effet. de choix pour l’étude des contraintes d’origine thermique (soudage)
Quant au relevé des isoclines, il ne se fait pas autrement qu’en ou la mesure par voie semi-destructive des contraintes résiduelles
photoélasticimétrie bidimensionnelle classique. susceptibles d’évoluer au cours du temps.
On a ainsi d’une part les directions principales, d’autre part la En revanche, dans les limites que leur assignent les sujétions résul-
différence σ I – σ II entre les contraintes principales contenues dans tant de leur épaisseur relativement forte, les revêtements photo-
le plan du revêtement. élastiques donnent des résultats plus sûrs lorsqu’il s’agit de
déterminer la distribution des contraintes élastiques dans des zones
étendues de pièces de forme complexe, ce qui représente le problème
Remarque : si ces informations ne sont pas considérées le plus fréquemment rencontré en extensométrie.
comme suffisantes, c’est-à-dire s’il faut séparer les contraintes
principales, la méthode d’intégration graphique (méthode de
Maxwell-Coker, dite aussi de Mesnager), classique en photo-
élasticimétrie bidimensionnelle, ne reste applicable que lorsque
la surface de la pièce est assimilable à un plan. Dans le cas
4. Mesure des contraintes
contraire, la seule ressource serait de faire, point par point, des résiduelles par diffraction
relevés en incidence oblique dans les plans principaux du sys-
tème des contraintes : d’où, entre les contraintes σ I et σ II , une des rayons X
seconde relation linéaire. Mais, en raison même de l’obliquité de
l’incidence, le procédé n’est pas rigoureusement ponctuel, la Nota : le lecteur pourra se reporter aux références bibliographiques [5] [6].
longueur de la base de mesure étant de l’ordre de grandeur de
l’épaisseur du revêtement. De plus, ce procédé est très lourd :
trop peu utilisé de ce fait, il ne sera pas décrit en détail ici. 4.1 Fondements et limites de validité
L’appareillage est décrit dans l’article Photoélasticimétrie [R 1 870] du présent traité.
de la méthode
L’emploi des rayons X en extensométrie repose sur le fait que,
3.2.4 Limitations dans leur état usuel, les métaux et leurs alliages constituent des
agrégats polycristallins, dont chaque cristal constitutif jouit de la
Bien plus forte que celle des revêtements à réseau pour moiré, propriété de diffracter les rayons X, c’est-à-dire de donner lieu, par
l’épaisseur des revêtements photoélastiques implique diverses possi- interférence, à une réflexion partielle et sélective de ces rayons dès
bilités d’erreur inconnues pour ceux-là. lors que leur longueur d’onde λ et leur incidence θ sur une famille
de plans réticulaires du cristal, d’équidistance d, satisfont à la loi
■ Effets de bord de Bragg :
Si le revêtement ne couvre pas toute la surface de la pièce, le bord 2 d sin θ = λ (8)
de ce revêtement se trouve dans un état de contrainte particulier,
différent de l’état de contrainte double de la surface de la pièce. Il Ce qu’on peut espérer atteindre par application de cette propriété,
faut donc éviter de faire porter les mesures dans une marge dont c’est donc la déformation ∆ d /d dans la direction orthogonale à la
la largeur peut être prise de trois à quatre fois l’épaisseur du famille de plans réticulaires considérée : par exemple, dans un acier
revêtement. à structure α, la famille des plans (3 1 0) de la ferrite. En effet, en
différentiant la relation de Bragg, on obtient :
Cette restriction ne s’applique pas en principe au contour des
trous entièrement entourés par le revêtement ou aux arêtes entiè- ∆d ∆θ
ε = ---------- = – ---------------- (9)
rement longées par lui, la géométrie de ces systèmes étant toute d tan θ
autre. Toutefois, dans un tel cas, des anomalies peuvent également
y apparaître sous l’effet des variations de température, en raison Autrement dit, la base de mesure, au sens du paragraphe 1.4,
de la différence entre les coefficients de dilatation du revêtement correspond ici au paramètre d du réseau cristallin (ou à un multiple
et de son substrat. entier de ce paramètre). L’échelle à laquelle on opère est ainsi très
différente de l’échelle macroscopique, qui est normalement celle de
■ Si la surface de la pièce change de courbure sous l’effet du charge- l’extensométrie : à cette échelle-là, il n’est, par principe même, plus
ment, le revêtement se trouve sollicité non plus seulement dans son licite de considérer le milieu comme continu et isotrope. Pour exploi-
plan, mais bien par flexion, de sorte que les contraintes y varient dans ter les mesures, il faut néanmoins faire l’hypothèse que les déforma-
l’épaisseur, l’effet photoélastique moyen obtenu étant donc différent tions des réseaux cristallins élémentaires sont distribuées dans le
de celui qui correspondrait à des déformations uniformément égales milieu suivant les lois de la théorie de l’élasticité, c’est-à-dire comme
à celles de la surface de la pièce. Le cas se rencontre notamment dans si ce milieu était continu, homogène et isotrope : tel est le paradoxe
les régions fortement courbées de la surface, telles que les congés fondamental de l’extensométrie par diffractométrie des rayons X.
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La relation de Bragg impose que la longueur d’onde des rayons X


utilisés soit du même ordre de grandeur que le paramètre cristallin ;
le pouvoir pénétrant de tels rayons est faible, de sorte qu’on ne peut
observer de rayonnement diffracté qu’en provenance d’une mince
couche superficielle (quelques dizaines de micromètres) de la pièce
en essai. Il faut en outre que la surface de cette pièce soit directement
accessible : dans ces conditions (comme au paragraphe 1.3), le
système de contrainte à l’échelle macroscopique est seulement
double, la contrainte normale à la surface étant nulle et les deux
autres contraintes principales σ I et σ II étant contenues dans le plan
tangent à cette surface.
Avec les hypothèses du paragraphe 1.2, on trouve que, dans ce
même plan tangent, la contrainte σ ϕ , dans la direction faisant
l’angle ϕ avec l’axe Oσ I (figure 18), a pour valeur :

σ ϕ = σ I cos2 ϕ + σ II sin2 ϕ (10)


et que, dans le plan NO σ ϕ , la déformation ε (ϕ, Ψ ) suivant l’axe
Oε (ϕ, Ψ ), faisant l’angle Ψ avec la normale ON au plan tangent, est
donnée par :
1+ν ν
ε ( ϕ , Ψ ) = -------------- σ ϕ sin 2 Ψ – ----- ( σ I + σ II ) (11)
E E
avec E et ν respectivement module d’Young et coefficient de
Poisson macroscopiques.
Ainsi, dans la couche accessible à la diffractométrie des
rayons X, la déformation annoncée par la théorie de l’élasticité est,
pour un angle ϕ donné, une fonction linéaire de sin2 Ψ. Figure 18 – Principe de la méthode de mesure de la contrainte  

Si l’on met à profit (figure 18) un système de plans réticulaires P


orthogonaux à l’axe O ε (ϕ, Ψ ) pour observer l’angle θ sous lequel,
avec des rayons X de longueur d’onde λ , se produit la diffraction anticathode appropriée : cette raie est prise généralement dans le
de Bragg, puis que l’on répète l’opération pour la même valeur de ϕ, groupe K, qui correspond à des longueurs d’onde moindres que les
mais pour diverses valeurs de Ψ , on peut représenter graphiquement groupes L et M.
en fonction de sin2 Ψ les déformations ∆d /d calculées à l’aide de la En vertu de la relation (9), l’angle ∆θ à mesurer, pour une valeur
formule (9). Pourvu que les déformations du milieu puissent être donnée de ∆d /d, est d’autant plus élevé que θ est plus voisin de 90o.
considérées comme homogènes à l’échelle des grains élémentaires, Une fois fixée la longueur d’onde λ, on devra donc encore choisir
la courbe ainsi obtenue se montre bien assimilable à une droite, ce judicieusement la famille de plans réticulaires à mettre en jeu,
qui, pour la plupart des cas, semble établir effectivement la validité compte tenu de la relation de Bragg : en pratique, on s’arrangera
de l’extensométrie par diffraction des rayons X. pour que l’angle θ soit voisin de 80o, par exemple dans le cas du fer
pur en utilisant les plans (3 1 0) avec la raie K α 1 du cobalt (θ = 80,69o)
ou les plans (2 1 1) avec la raie K α 1 du chrome (θ = 78,04o).
La condition d’homogénéité des déformations à l’échelle des
grains peut notamment cesser d’être satisfaite lorsque des défor- Entre combinaisons (λ, d ) sensiblement équivalentes quant à
mations plastiques sévères ont été infligées au milieu. l’angle θ, le choix sera éventuellement guidé par des critères supplé-
mentaires, notamment le degré d’anisotropie associé aux plans
réticulaires considérés, ou l’intensité de la réflexion obtenue.
Toutefois, si la pente de la droite représentative se montre bien Sur ce dernier point, on notera qu’une intensité convenable n’est
égale à (1 + ν ) σϕ / E pour les métaux particuliers (tel le tungstène) assurée que lorsque la zone irradiée est d’étendue suffisante : cette
dont les cristaux élémentaires sont pratiquement isotropes, elle en zone est habituellement un rectangle de 1 à 3 mm de largeur et de
diffère pour les autres, et cela d’autant plus que l’anisotropie du 2 à 15 mm de longueur, si bien que les mesures ne donnent que
monocristal est plus accusée : autrement dit, on n’a pas le droit, en des valeurs moyennes dans cette étendue.
diffraction des rayons X, d’appliquer alors la relation (11), en en
calculant les coefficients à partir des valeurs macroscopiques de E
et de ν . Pour obtenir une mesure correcte de la contrainte σϕ , il est 4.2.2 Appareillage
donc, en règle générale, indispensable de procéder à un étalonnage
de la méthode sur un échantillon soumis à une contrainte connue
et de même nature que la pièce sur laquelle porte la mesure, afin Le diffractomètre à compteur de rayons X est l’appareillage clas-
de connaître les coefficients à faire intervenir dans la relation (11). sique en extensométrie ; on adopte un montage assurant une bonne
focalisation du faisceau et l’on enregistre le profil du pic de diffrac-
tion X cherché, de préférence pas à pas avec comptage d’un même
nombre d’impulsions à chaque pas.
4.2 Procédés expérimentaux
4.2.1 Rayonnement utilisé En effet, avec un compteur de rayons X, une raie de diffraction
s’enregistre en fonction de l’angle θ sous la forme d’un pic de dif-
L’angle de diffraction θ étant fonction de la longueur d’onde λ , il fraction (figure 19), dont la largeur finie dépend entre autres de
faut évidemment utiliser un rayonnement de longueur d’onde la nature des cristaux élémentaires constituant le métal étudié.
connue. En pratique, on fait donc appel non pas au fond continu de
l’émission X, mais à une raie caractéristique, fournie par une La précision sur la mesure d’un angle est meilleure que le centième
de degré.

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4.3 Application à la détermination in situ


des contraintes résiduelles
Tout ce qui vient d’être dit sur la mesure des contraintes par
diffractométrie des rayons X vaut en principe aussi bien pour les
contraintes globales au sens du paragraphe 1.3, que pour les seules
contraintes résiduelles. Toutefois, il est clair que cette mesure est
d’une complication bien plus grande que la plupart des autres
procédés extensométriques, de sorte qu’en fait son domaine d’élec-
tion est celui des contraintes résiduelles, où ces autres procédés
Figure 19 – Pic de diffraction de rayons X deviennent en principe inopérants.
Mais, dans une pièce quelconque, les contraintes résiduelles
forment toujours un système équilibré ; si l’on coupe la pièce en deux,
Tout en conservant une résolution spatiale convenable, l’adoption il devra donc en principe y avoir redistribution de ces contraintes,
d’un compteur spécial dit à localisation linéaire, qui explore simul- afin que l’équilibre soit assuré séparément dans chacune des deux
tanément, sans aucun déplacement mécanique, tout un espace parties. Il importe donc d’opérer sur la pièce elle-même, c’est-à-dire
angulaire de l’ordre de 10o, permet maintenant de gagner beaucoup in situ, et non pas sur échantillons tirés de cette pièce.
sur la durée d’essai : celle-ci est d’environ 15 min pour mesurer vingt Or, les premiers diffractomètres réalisés étaient essentiellement
et un angles Ψ d’une surface d’acier de 2 mm2. destinés à l’étude des structures cristallines sur spécimens souvent
très petits. Il a donc d’abord fallu en changer profondément la pré-
sentation, de manière qu’il devînt possible de les installer sur chan-
4.2.3 Conduite des expériences tier et de les régler en position par rapport à la région à étudier sur
une pièce quelconque.
Comme en extensométrie par jauges ou par extensomètres trans- Mais la sujétion la plus lourde tient à la durée des mesures. Sur
posables, il est nécessaire de prendre garde à la géométrie de la un chantier, il est en effet essentiel que cette durée se chiffre en
surface de la pièce sur laquelle portent les relevés diffractométriques. minutes plutôt qu’en heures. Les perfectionnements de l’appareil-
Mais ici il faut encore tenir compte de l’état physique de cette surface, lage, complétés par l’utilisation d’un micro-ordinateur assurant auto-
en raison de la condition d’homogénéité des déformations à l’échelle matiquement les corrections physiques et le dépouillement des pics
des grains élémentaires : le polissage mécanique, qui laisse inévi- de diffraction, ainsi que le calcul de la contrainte avec évaluation
tablement un certain écrouissage, doit donc être parachevé par de l’écart-type correspondant, autorisent un délai de l’ordre de
un polissage électrolytique, enlevant généralement 0,1 à 0,2 mm quelques minutes par valeur de contrainte obtenue.
d’épaisseur. Nota : le lecteur se reportera, pour plus de détails sur cette technique, aux articles Réso-
Pour la détermination d’une contrainte telle que σ ϕ (figure 18), la lution d’une structure cristalline par rayons X [P 1 075] et Caractérisation de solides cris-
tallisés par diffraction X [P 1 080] dans le traité Analyse et Caractérisation des Techniques
voie la plus couramment suivie consiste à admettre a priori la validité de l’Ingénieur, ainsi qu’aux références bibliograhiques [5] [6].
de la loi en sin2 Ψ : relevant alors l’angle ∆θ pour deux valeurs de
l’angle Ψ et tenant compte des résultats de l’étalonnage préalable,
on calcule aisément σ ϕ . Cette méthode, dite de la double exposition ,
est relativement rapide ; pour gagner encore du temps, on l’a mise 5. Interférométrie
en œuvre avec un double jeu de sources de rayons X et de compteurs,
opérant simultanément. holographique
Cependant, quand on a la possibilité d’étendre les mesures à un et moirés de granulation
nombre suffisamment grand de valeurs de l’angle Ψ , on a l’avantage
de pouvoir éprouver la validité de la loi en sin2Ψ et, par là, de se
faire une idée du caractère plus ou moins significatif des valeurs 5.1 Interférométrie holographique
obtenues pour les contraintes.
5.1.1 Principe de l’holographie
4.2.4 Exploitation des résultats Soit une surface diffusante S, illuminée par une onde cohérente
Ω i , issue d’une source ponctuelle O . Cette surface diffuse dans
Cette exploitation consiste d’abord à déterminer l’angle qui corres- toutes les directions une onde Ωd qui impressionne quasi unifor-
pond au sommet de chacun des pics enregistrés, opération qui mément l’émulsion d’une plaque photographique. Si, simultané-
soulève deux sortes de problèmes. ment, on impressionne également la plaque par une onde de
D’une part, en raison de la haute précision recherchée (0,005o), référence Ω r , issue de la même source O que l’onde incidente Ω i ,
on ne saurait négliger l’influence perturbatrice de divers effets on observe après développement un ensemble de réseaux de
physiques sur le profil des pics. Il faut ainsi apporter, à chacun des franges d’interférence, chacun des réseaux étant homologue à un
diagrammes enregistrés, les corrections correspondant au facteur point P de la surface S (figure 20).
de Lorenz polarisation, qui ne dépend que de θ, et au facteur Le cliché de l’ensemble des réseaux d’interférence des différents
d’absorption, qui dépend de θ et de Ψ. Dans le cas où l’on a employé points de la surface S constitue l’hologramme de cette surface.
comme rayonnement incident une raie de doublet, par exemple Nota : se reporter à l’article Applications de l’holographie [R 6 330] dans le présent
K α 1 , sans filtrer K α 2 à l’aide d’un monochromateur à cristal courbe, traité.
il convient encore d’éliminer par déconvolution la déformation du
pic K α 1 par le pic voisin K α 2 .
D’autre part, sur le profil ainsi corrigé et lissé de manière conve- 5.1.2 Observation d’un hologramme
nable, il faut déterminer l’abscisse du sommet. Sur les diffracto-
mètres actuels, un grand nombre de programmes permettent On illumine l’hologramme par la même onde de référence Ωr et
d’effectuer l’identification automatique des pics de diffraction et la sur le même montage optique que lors de l’enregistrement. L’holo-
correction des effets de polarisation et d’absorption. gramme diffracte l’onde de référence en deux autres ondes, dont l’une

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est semblable à l’onde initiale diffusée par la surface S, c’est-à-dire 5.1.3.1 Mesures statiques
de même amplitude Ad et de même phase ϕ d . Il apparaît donc une
■ Double exposition : sur le montage optique de la figure 20, effec-
image virtuelle, tridimensionnelle, de la surface S (figure 21), qui peut
tuons successivement deux expositions de la plaque photo-
être soit observée directement, soit photographiée sous différents
graphique, la première de l’état initial de la surface S, la seconde de
angles comme on le ferait avec la surface S réelle, d’où la qualification
son état final après déplacement ou déformation.
de photographie en relief donnée à l’holographie.
Obtenus à des instants différents, les deux hologrammes super-
posés sur la même plaque sont incohérents entre eux, mais par
5.1.3 Mesure interférométrique des déplacements contre les images virtuelles produites dans les conditions de la
figure 21 sont cohérentes, car issues d’une même source. Elles font
La reconstitution par holographie d’une image virtuelle et tri- donc apparaître des franges d’interférence qui, dues aux différences
dimensionnelle d’une surface diffusante quelconque a permis de chemin optique entre les deux états successifs de la surface S,
d’aborder la mesure interférométrique des déplacements et des caractérisent le déplacement ou la déformation de cette surface.
déformations de cette surface. Ces franges sont dépouillées soit directement, soit après enregis-
Les diverses techniques sont les suivantes. trement photographique, suivant des méthodes analogues à celles
employées en extensométrie par revêtements.
Le principal avantage de l’holographie double exposition est la
simplicité : il n’est pas nécessaire d’avoir un développement très
soigné, ni un recalage d’hologrammes très précis.
■ Interférométrie en temps réel : si, au lieu de deux hologrammes,
on n’enregistre que celui relatif à l’état initial et qu’après recalage
dans le montage optique on compare l’image virtuelle obtenue à
l’image réelle de la surface dans son état final et illuminée par la
même source cohérente, on observe les mêmes franges d’inter-
férence que précédemment.
Par la prise de clichés successifs des franges d’interférence, cette
méthode permet de suivre l’évolution de la surface S lorsqu’elle est
soumise à des sollicitations échelonnées ou lentement variables.

5.1.3.2 Mesures dynamiques


■ En temps réel : comme l’observation visuelle classique, l’interfé-
rométrie holographique en temps réel n’est limitée dans l’analyse
des phénomènes dynamiques que par la rapidité d’enregistrement
des états successifs de la surface observée et les mêmes techniques
sont employées, à savoir :
— pour les phénomènes cycliques, la stroboscopie par pilotage
d’un laser pulsé constituant la source de l’onde lumineuse cohérente ;
— pour les phénomènes non cycliques, l’enregistrement par
caméra ultrarapide.
■ En temps moyenné : cette méthode, issue de celle de la double
exposition, est surtout utilisée pour l’analyse modale des vibrations.
Si le temps d’exposition du second hologramme est grand devant
la période de vibration, la superposition des réseaux de franges
instantanés se traduit par un maximum de brillance aux nœuds de
vibration et de la sorte dessine des franges représentatives des
modes de vibration.

5.1.4 Avantages et inconvénients


de l’interférométrie holographique

Figure 20 – Principe de l’holographie ■ Application de l’optique cohérente, l’interférométrie holo-


graphique présente l’intérêt d’une méthode globale, permettant
l’analyse des déplacements et des déformations en chaque point de
la surface observée dont l’état ne nécessite aucune préparation
spéciale. Les résultats ne sont influencés ni par la température ni par
l’humidité. La réaction sur la surface est nulle. L’emploi simultané d’un
laser pulsé et d’une caméra ultrarapide autorise l’étude de phéno-
mènes dynamiques de courte durée.
■ Par contre, elle exige une source de lumière cohérente et sa
grande sensibilité rend sa mise en œuvre généralement fort délicate.
En particulier, le montage optique doit, pour l’interférométrie en
temps réel et dans le cas de lasers continus, être disposé sur une table
antivibratoire. Enfin, l’interprétation des enregistrements reste dif-
ficile et fastidieuse, à deux stades : d’une part le calcul des déforma-
tions à partir des mesures brutes, d’autre part celui des contraintes
Figure 21 – Observation directe d’un hologramme à partir des déformations.

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5.2 Moirés de granulation étant liées à la fois à l’état de la surface (donc entre autres à ses
déformations) et à la résolution de l’optique d’observation.
Une seconde voie d’application de l’optique cohérente à l’extenso- Si la surface est observée dans deux états successifs différents,
métrie fait actuellement l’objet de travaux de recherche : celle des les figures de granulation se révèlent également différentes, et les
moirés de granulation [8] [9] [10]. travaux actuellement en cours ont pour objectif l’établissement de
Une surface éclairée par une onde cohérente présente un aspect corrélations entre les moirés produits par la variation de ces figures
de granulation et les déformations de la surface.
granuleux (speckle ), la dimension, la densité et l’intensité des grains

Références bibliographiques

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KALBFLEISCH (J.), BONVALET (Ch.) et SPRAUEL (J.M.). – Mesure des contraintes rési- phique et photographie de speckle. Techniques
DARNAULT (G.). – Résistance des matériaux duelles par diffraction X. Pub. Sci. et Tech., 22, extensométriques. Rev. Française Mécan.,
expérimentale. Inst. Sup. des Matériaux et de ENSAM, Paris (1981). no 68 (1978).
la Construction Mécanique (1957). [6] Eigenspannungen und Lastspannungen [9] FRANÇON (M.). – La granulométrie laser
[2] L’HERMITE (R.). – Résistance des matériaux (Contraintes résiduelles et contraintes appli- (speckle) et ses applications en optique.
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gauge technology. Applied Science Publishers Docteur-Ingénieur présentée à l’Université mars-avril 1991.
(1982). Pierre-et-Marie-Curie Paris VI (1976).

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