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Conception et mise au point

d’une gamme d’emboutissage

par François RONDÉ-OUSTAU


Ingénieur civil des Mines de Nancy
Docteur-Ingénieur
PSA Peugeot-Citroën, unité de Recherches Matériaux Technologie

1. Généralités................................................................................................. B 7 540 - 2
1.1 Définitions .................................................................................................... — 2
1.2 Caractéristiques du procédé ....................................................................... — 3
1.2.1 Organisation d’une ligne d’emboutissage ....................................... — 3
1.2.2 Cadencement ...................................................................................... — 3
1.2.3 Critères d’acceptation......................................................................... — 3
1.3 Matériaux ..................................................................................................... — 5
1.3.1 Matériaux emboutissables................................................................. — 5
1.3.2 Caractérisation de l’emboutissabilité................................................ — 5
1.3.3 Critères de choix ................................................................................. — 6
2. Étapes de la conception de la gamme ............................................... — 6
2.1 Définition géométrique de la pièce ............................................................ — 6
2.2 Détermination du flan minimum................................................................ — 7
2.3 Établissement des conditions d’emboutissage......................................... — 7
2.3.1 Identification des zones d’allongement, pliage, rétreint ................. — 7
2.3.2 Séparation des zones développables et non développables.......... — 7
2.3.3 Séparation des zones visibles et non visibles.................................. — 7
2.3.4 Recherche de l’enveloppe générale des surfaces d’aspect............. — 7
2.3.5 Équilibrage des lignes d’aspect......................................................... — 8
2.3.6 Évaluation des rayons poinçon/matrice ........................................... — 8
2.3.7 Portées de serre-flan. Joncs et autres artifices ................................ — 8
2.3.8 Opérations complémentaires, finitions ............................................ — 8
3. Outillages ................................................................................................... — 9
3.1 Types d’outils : simples et à coulisseaux................................................... — 9
3.2 Réalisation des outils .................................................................................. — 9
3.3 Mise au point des outils .............................................................................. — 10
4. Paramètres de réglage............................................................................ — 10
5. Suivi de produit/qualité.......................................................................... — 10
6. CAO et simulation numérique.............................................................. — 11
6.1 Intérêt des approches numériques ............................................................ — 11
6.2 Composantes de la simulation numérique ............................................... — 11
6.3 Différents niveaux d’investigation ............................................................. — 11
5 - 1995

7. Perspectives d’avenir.............................................................................. — 12
7.1 Évolution des matériaux ............................................................................. — 12
7.2 Procédés concurrents.................................................................................. — 12
8. Variantes du procédé .............................................................................. — 13
8.1 Stretch-draw................................................................................................. — 13
B 7 540

8.2 Formage sur élastomère ............................................................................. — 13


8.3 Formage de flans raboutés ......................................................................... — 13
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. B 7 540

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique B 7 540 − 1
CONCEPTION ET MISE AU POINT D’UNE GAMME D’EMBOUTISSAGE _____________________________________________________________________________

armi tous les procédés de mise en forme des tôles minces (épaisseur infé-
P rieure à 3 mm), l’emboutissage est de loin le plus utilisé. C’est un procédé
qui permet de réaliser des pièces de surface non développable à partir
de tôles minces. Il trouve son application dans bon nombre de secteurs d’acti-
vité tels que le mobilier métallique, l’électroménager, l’emballage métallique (fer-
blanterie) et surtout la carrosserie des véhicules automobiles qui représente
environ 300 pièces embouties pour une masse totale d’acier mis en œuvre de
500 kg environ. C’est à cette dernière application que nous nous intéresserons
plus particulièrement. Compte tenu des chutes inhérentes au procédé, la carros-
serie automobile représente à travers le monde environ 20 millions de
tonnes d’acier par an, soit près de 20 % de la production mondiale de tôles
minces d’acier extra-doux. Particulièrement développé sur les aciers, ce procédé
est aussi applicable avec plus ou moins de facilité à d’autres matériaux, en parti-
culier l’aluminium.
Pour une approche plus facile de cet article, le lecteur devra se reporter aux
articles voisins de cette rubrique :
— Aptitude à l’emboutissage des tôles minces [B 7 530] ;
— Tôles pour mise en forme [B 7 520] ;
— Tribologie de l’emboutissage [B 7 535] ;
— Formage à la presse [B 7 510] ;
— Presses [B 7 570].

L’auteur remercie vivement ses collègues Bruno CHAMONT et François MAIRE, de la Direction
des Méthodes PSA, pour les conseils avisés et les suggestions amicales qu’ils ont bien voulu lui
apporter lors de la rédaction de cet article.

1. Généralités Au cours de sa déformation, le métal est soumis simultanément


à deux modes de sollicitation [1] :
— des déformations en expansion sur le nez du poinçon qui
1.1 Définitions s’effectuent au détriment de l’épaisseur ;
— des déformations en rétreint qui résultent d’un écoulement de
■ L’emboutissage des tôles minces est une opération qui est habi- matière sous serre-flan convergeant vers l’intérieur de la matrice et
tuellement réalisée sous presse double effet (cf. article Presses auxquelles s’associe un champ de contraintes compressif dans le
[B 7 570]) à l’aide d’outillages comprenant (figure 1) : plan de la tôle.
— un poinçon sur lequel se cambre et se tend le métal ; Tout l’art de l’emboutissage consiste en fait à réaliser le meilleur
— une matrice servant d’appui au métal et pouvant parfois être compromis possible entre les déformations des deux types en
une contre-forme (du moins partielle) du poinçon ; jouant sur les divers paramètres qui contrôlent l’écoulement du
— un serre-flan dont le rôle sera de maintenir la tôle et de frei- métal dans l’outil.
ner l’écoulement du métal vers l’intérieur de la matrice. ■ La réalisation d’une pièce emboutie suppose que, outre l’opéra-
Le métal à emboutir peut se présenter soit sous forme de tion d’emboutissage proprement dite, on effectue un certain nombre
bobines (alimentation continue), soit sous forme de flans, plaques d’opérations complémentaires dites de parachèvement indispen-
prédécoupées de contour circulaire ou polygonal la plupart du sables après emboutissage (figure 2) pour que la pièce réponde à sa
temps. Au cours de l’opération d’emboutissage, le métal est tout destination :
d’abord pincé entre la matrice et le serre-flan puis, lorsque le ser- — le calibrage permet de marquer certains détails fins et de
rage est effectif, le poinçon descend à l’intérieur de la matrice réduire la dispersion géométrique ;
entraînant ainsi le métal dans sa course et l’obligeant à épouser — le détourage consiste à séparer la partie utile de la pièce des
son contour sous l’effet des tensions engendrées par la retenue du parties annexes qui lui ont été ajoutées pour en permettre le
serre-flan. formage (§ 2.1) ;
— le tombage bord et le relevage bord ont pour objet de réorienter
des zones périphériques qui ont été embouties dans le prolongement
des surfaces principales de la pièce pour en faciliter le formage ;
— le poinçonnage et le relevé de collet permettent respectivement
de réaliser des trous et d’en relever le bord.
Pour les petites pièces, plutôt que de travailler opération par
opération, on préfère généralement réaliser l’ensemble des opéra-
tions sur une seule machine :
— soit une presse à poinçons multiples, également appelée presse
transfert, sur laquelle sont montés tous les outils de la gamme, les
transferts s’effectuant d’un poste à l’autre par un jeu de barres
Figure 1 – Schéma de principe de l’emboutissage équipées de pinces ou de ventouses ;

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— soit une presse à suivre équipée d’outils progressifs, dans les-


quels le squelette de la bande de découpe porte la pièce d’une opé-
ration à l’autre avant d’être éliminé (cf. article Formage à la presse
[B 7 510]).
Pour les pièces de grande dimension, l’emboutissage s’effectue
le plus souvent sur presse double effet monoposte, les opérations
de parachèvement étant réalisées sur des presses simple effet
alignées avec la première ; c’est le cas pour l’ensemble des pièces
de robe (c’est-à-dire pièces extérieures de carrosserie) nécessitant
3 à 5 presses de parachèvement. Les presses en ligne qui concourent
à la réalisation d’une pièce constituent un ensemble habituellement
désigné par l’expression ligne d’emboutissage (figure 3).

1.2 Caractéristiques du procédé


1.2.1 Organisation d’une ligne d’emboutissage
Les presses généralement mécaniques, parfois hydrauliques,
constituent les machines de base du procédé d’emboutissage (cf.
article Presses [B 7 570]).
Une ligne de presses se compose typiquement d’une presse
double effet suivie de 3 à 5 presses de finition simple effet, d’efforts
plus faibles, chargées de réaliser les opérations de parachèvement.
Le transfert de la pièce d’une presse à la suivante s’effectue le plus
souvent à l’aide de robots manipulateurs ou de transferts méca-
niques. Les presses utilisées en carrosserie automobile sont classées
en familles en fonction de leur effort nominal.
Figure 2 – Phases de transformation
À titre indicatif, les grosses pièces type panneaux de côté, pour la réalisation d’une pièce emboutie
pavillons, planchers sont embouties sur des presses double effet de
1 300 t, voire 2 000 t, dont les dimensions de table avoisinent
4 m × 2,4 m alors que les presses simple effet de parachèvement ont 1.2.2 Cadencement
un effort compris entre 900 et 1 300 t (les efforts développés par les
presses sont souvent donnés en tonnes plutôt qu’en kilonewtons). L’emboutissage est un procédé particulièrement bien adapté à la
La tendance actuelle consiste à remplacer la presse double effet production de masse à cadence élevée ; les cadences de frappe
de tête par une presse simple effet à coussin. Ce dispositif, qui fonc- courantes sont de l’ordre de 10 à 20 coups/min. Ces cadences élevées
tionne en opposition par rapport au coulisseau, permet l’action de sont réalisées grâce à des lignes fortement automatisées qui fonc-
serrage nécessaire pour emboutir en remplacement du rôle du tionnent généralement par campagne de 3 000 à 5 000 pièces
coulisseau serre-flan pour les presses double effet. On évite ainsi correspondant à 2 ou 3 jours de production des ateliers d’assemblage
le retournement de la pièce entre le poste d’emboutissage et les des carrosseries. Ces campagnes relativement courtes (3 à 5 h)
postes de parachèvement, opération qui est source de défauts. supposent des changements rapides d’outillages (inférieurs à la
L’amenage de la tôle peut se faire en continu par déroulage et demi-heure) pour réduire au maximum le manque à produire des
découpe directe de la bobine. C’est le cas des presses dites de lignes d’emboutissage.
découpe sous lesquelles on peut monter des outils à suivre. C’est
également le cas pour certaines presses à poinçons multiples à
forte cadence. Pour les lignes d’emboutissage, l’amenage est la 1.2.3 Critères d’acceptation
plupart du temps discontinu (pièce à pièce), le flan étant préalable-
ment découpé et palettisé, puis réintroduit dans la ligne par un Selon la destination des pièces (robe ou structure), les critères
dépileur (cf. article Presses [B 7 570]). Depuis quelques années, le d’acceptation peuvent être très différents. Ils se rattachent à des
concept de presse à poinçons multiples utilisée pour les petites problèmes de résistance mécanique ou de qualité d’aspect de
pièces a été étendu successivement aux pièces de gamme surface.
moyenne (traverses, pièces longues et étroites) avec des cadences De par le principe même de l’emboutissage, la réalisation d’une
de 20 à 25 coups/min, puis aux grosses pièces (pavillon, plancher, pièce est un compromis entre des déformations en rétreint et des
côté de caisse, panneaux extérieurs de porte par paire) avec des allongements en expansion dont les limites respectives sont les
cadences de 12 à 15 coups/min. Les presses de très grandes phénomènes de plissement et ceux de striction/rupture qui
dimensions auxquelles on aboutit, appelées presses transfert à constituent les critères de base de mise au rebut. Mais des causes
ventouses (PTV, figure 4) regroupent sous un même chapiteau les supplémentaires de rebut peuvent également être prises en
5 ou 6 coulisseaux d’une ligne de presses ordinaire. La presse de considération au niveau aspect de surface.
tête est dans ce cas une presse simple effet avec coussin, ce qui
évite le retournement de la pièce entre les deux premiers postes. ■ Striction/rupture
Pour tous les postes, le poinçon se trouve ainsi monté sur la table La présence de rupture sur une pièce est un critère de rebut indis-
de presse. L’effort nominal de telles machines peut atteindre cutable. Cette rupture se produit généralement dans les zones de
6 000 t et leur productivité dépasser sensiblement celle des lignes l’embouti sollicitées en expansion ou en traction plane. Son appari-
de presses équivalentes (facteur 1,5 environ). tion signifie en fait que les déformations locales ont dépassé la capa-
cité d’allongement plastique du métal. L’absence de rupture n’est
cependant pas suffisante pour garantir la réussite de l’embouti.

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Figure 3 – Ligne de presses d’emboutissage avec vue d’un poste d’emboutissage (Citroën Aulnay)

■ Plis
On appelle plis les ondulations de la tôle résultant d’un flambe-
ment local associé à un champ de contraintes de compression [2].
Généralement associés à des déformations en rétreint, ils peuvent
apparaître aussi bien dans les brins libres (zones de la tôle qui
momentanément ne sont en contact ni avec la matrice, ni avec le
poinçon) que sous serre-flan. Ils peuvent résulter aussi bien des
contraintes de formage proprement dites que des contraintes
résiduelles libérées après décharge et extraction de la pièce hors de
l’outil.
On peut faire une distinction à partir de l’ampleur du phénomène :
— les plis à proprement parler que la faible longueur d’onde
(quelques centimètres) et la hauteur supérieure au millimètre
rendent parfaitement visibles (figure 5) ;
— les ondulations ou déflexions de surface, de faible amplitude
(quelques dixièmes de millimètre) et parfois de grande longueur
d’onde, visibles surtout en lumière rasante où elles se manifestent
par une impression de flou. Elles peuvent parfois se présenter sous
forme de creux ou de cuvettes de quelques dixièmes de millimètre
de profondeur se situant au voisinage d’un contre-embouti du type
Figure 4 – Presse transfert à ventouse (PTV) de 6 000 t logement de la poignée de porte. Elles peuvent aussi affecter un
(Peugeot Mulhouse) panneau tout entier conduisant à un défaut alors désigné par
manque de tendu. Une ondulation est souvent un pli en voie de
résorption en fin de course.
La striction, amincissement localisé de la tôle juste avant rupture,
constitue également un motif de rebut (cf. article Aptitude à l’embou- Les pièces présentant des plis ne sont pas forcément à rebuter,
tissage des tôles minces [B 7 530]). Parfois difficile à déceler, elle s’il s’agit par exemple de pièces non visibles où les défauts de
s’accompagne généralement d’une granulosité plus forte en forme obtenus ne présentent aucune incidence sur le
périphérie. Elle peut aussi apparaître sous l’aspect de pans coupés comportement en service (résistance mécanique, vibrations en par-
ou chanfreins sur les rayons les plus petits, associés à des débuts ticulier). Il convient cependant d’être prudent et de veiller à ce que
d’entailles dans la matière. les plis, si petits soient-ils, ne favorisent pas la ruine de la pièce par
flambement dans quelque circonstance d’utilisation. C’est pour-
Dans tous les cas, une pièce présentant un amincissement local quoi il est préférable de les maîtriser en les transformant par
de type striction est réputée mauvaise car, du point de vue exemple en nervures supplémentaires judicieusement disposées
mécanique, la striction représente une faiblesse pouvant se trans- qui renforceront la pièce tout en facilitant son formage.
former très rapidement en rupture sous des sollicitations relative-
ment faibles, et, du point de vue aspect, elle constitue un défaut ■ Aspect de surface
(parfois de type peau d’orange ) que ne masquent pas toujours les L’aspect de surface constitue un critère déterminant pour l’accep-
laques habituellement déposées en couches minces. tation des pièces de robe de la carrosserie et peut également être
Compte tenu du fait que, dès son apparition, la localisation des pris en compte pour certaines pièces de structure partiellement
déformations s’intensifie rapidement et de façon non contrôlable, visibles.
l’emboutisseur a intérêt à choisir des conditions opératoires qui le Les défauts d’aspect peuvent avoir deux origines différentes :
tiennent suffisamment loin de la striction sous peine de se trouver
— les défauts accidentels (tels que picots, rayures, marquages
confronté à des arrêts de ligne fréquents, ou du moins à des rebuts
divers) liés à des incidents survenus au cours de la manipulation
importants.
des pièces comme au cours du formage et dont la prévention passe
par une préparation et un entretien soignés de l’ensemble des
moyens de production (propreté des outils, manipulateurs et palettes
de stockage adaptés) ;

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Les aciers à très bas carbone et sans interstitiels sont particuliè-


rement bien adaptés au formage des pièces difficiles du fait de leur
faible limite d’élasticité (110 à 150 MPa), de leur forte anisotropie
(r > 2), de leur forte écrouissabilité et de leur allongement important.
Les aciers à haute limite d’élasticité (HLE), particulièrement
intéressants pour leur tenue en service, sont en revanche plus
délicats à transformer et nécessitent de recourir à des gammes de
formage plus progressives que les performances toujours accrues
des aciers classiques ont conduit à oublier.
Les tôles revêtues de zinc (électrozinguées ou galvanisées) sont
aujourd’hui très utilisées pour leurs propriétés de résistance à la
corrosion. La présence de 5 à 10 µm de zinc en surface pose quelques
problèmes liés à la faible dureté du revêtement qui a tendance à
encrasser les outils et à engendrer des défauts d’aspect (picots,
poudrage). De plus, les conditions de frottement à l’interface
pièce/outil s’en trouvent modifiées, obligeant ainsi à changer les
conditions de lubrification dont l’incidence sur le résultat du formage
est très sensible (cf. article Tribologie de l’emboutissage [B 7 535]
dans ce traité).
Figure 5 – Plis sur pièce emboutie Les aciers inoxydables sont peu utilisés en automobile. Leurs
applications se limitent essentiellement au domaine de la décoration
— les défauts systématiques liés à une hétérogénéité de défor- (baguettes, enjoliveurs de roue ou de pare-chocs) ; la sobriété
mation ou au glissement du métal sur le rayon d’entrée de la matrice actuelle des lignes et la concurrence de matériaux de remplacement
résultant directement des choix opérés lors de la conception de la (plastiques) ne leur laissent qu’un créneau plutôt étroit.
gamme et dont l’acceptabilité repose sur la non-visibilité des zones ■ Alliages d’aluminium
correspondantes sur le produit fini.
Parmi les non-ferreux, l’aluminium et ses alliages constituent la
■ Tolérances dimensionnelles famille la plus utilisée. Les alliages des séries 5000 (Al, Mg) et surtout
La pièce emboutie n’a jamais la géométrie de l’outil. Certes, elle 6000 (Al, Mg, Si) sont ceux qui présentent le meilleur comportement
s’en rapproche souvent de très près, mais présente généralement au formage. Généralement appréciés pour leur aptitude au soudage
un écart de cote lié au retour élastique de la pièce après extraction ultérieur, les alliages 5000 ont l’inconvénient de présenter un écoule-
de l’outil. Ce phénomène est d’autant plus marqué que la limite ment plastique hétérogène lié, d’une part, à la faible interaction des
d’élasticité du métal est plus élevée et son module d’élasticité plus dislocations mobiles avec les atomes de magnésium et, d’autre part,
faible. Il se traduit généralement par une augmentation des rayons à l’aptitude de ces petits atomes à diffuser facilement dans le réseau
de courbure d’autant plus grande que ce rayon est grand, une ouver- atomique du métal de base (vieillissement dynamique à température
ture des angles et un raccourcissement des fibres sous tension dans ambiante). C’est pourquoi, dans les applications de carrosserie auto-
l’outil. mobile, on leur préfère les alliages de la série 6000 où la présence
de précipités du type Mg2Si régularise les écoulements. Les alliages
Cet écart par rapport à la géométrie nominale peut être minimisé de la série 2000 (Al, Cu) durcis par le cuivre sont en revanche plus
par une mise au point méticuleuse des outils. Mais il ne peut géné- difficiles à mettre en œuvre.
ralement être complètement annihilé du fait des dispersions inévi-
tables de l’ensemble des paramètres qui régissent le procédé. Notons pour mémoire que les alliages de la série 3000 (Al, Mn)
sont également très utilisés en fabrication de boîtes de boisson.
Si cette différence de géométrie n’est pas contenue dans des tolé- Malgré une ductilité réduite, leur aptitude au repassage (allongement
rances sévères, elle peut être préjudiciable au bon fonctionnement des parois par réduction de leur épaisseur) est particulièrement
du processus aval fortement automatisé. À titre d’exemple, les écarts appréciable pour ce type d’application.
angulaires tolérés sont généralement inférieurs au demi-degré.
Une opération de calibrage peut parfois s’avérer nécessaire pour ■ Cuivreux
assurer la précision géométrique recherchée. Le cuivre et les laitons sont présents dans bon nombre de matériels
électromécaniques mais généralement sous forme de petites pièces
relevant essentiellement du découpage-emboutissage sur outils à
1.3 Matériaux suivre. Les laitons α (teneur en zinc inférieure à 33 %) sont de loin
les plus appropriés à la déformation à froid.
1.3.1 Matériaux emboutissables
1.3.2 Caractérisation de l’emboutissabilité
Tous les matériaux disponibles en feuilles et présentant une bonne
ductilité à froid sont susceptibles d’être transformés par emboutis-
sage. L’article Tôles pour mise en forme [B 7 520] dans ce traité en La caractérisation de l’emboutissabilité est largement traitée à
présente un inventaire détaillé avec les caractéristiques mécaniques l’article Aptitude à l’emboutissage de tôles minces [B 7 530] dans ce
correspondantes. Dans ce paragraphe, nous nous intéresserons prin- traité. Nous rappellerons cependant que l’aptitude à l’emboutissage
cipalement à ceux d’entre eux qui font l’objet d’applications pour est fortement corrélée à deux phénomènes particulièrement
l’automobile. importants :
— l’écrouissage, qui traduit l’aptitude du matériau à résister à la
■ Aciers localisation de la déformation. Dans le cas de matériaux satisfaisant
Traditionnellement, les matériaux de prédilection pour l’embou- à la loi d’Hollomon σ = kε n (acier extra-doux par exemple), un coeffi-
tissage sont les aciers extra-doux. Présentant des allongements cient d’écrouissage n élevé traduit un comportement favorable. Sur
élevés voisins de 40 %, une anisotropie forte (r = 1,5 à 2,5), un un plan pratique, un rapport Re /Rm faible est également un bon
écrouissage important et un module d’élasticité élevé (environ indicateur ;
200 GPa), ils répondent particulièrement bien aux sollicitations
imposées par ce procédé (cf. article Aptitude à l’emboutissage des
tôles minces [B 7 530]).

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— l’anisotropie du matériau, qui conditionne la répartition des ■ Balancement de la pièce


écoulements de matière dans les différentes directions de l’espace. Cette phase a pour objet de définir la position que devra avoir la
Un coefficient d’anisotropie r élevé traduit une bonne résistance à pièce par rapport à l’axe d’emboutissage. Le balancement ou balance
l’amincissement dans un mode de déformation en traction et, par de la pièce est indispensable pour l’opération d’embouti, principale-
voie de conséquence, un écoulement privilégié dans le plan de la ment pour les pièces d’aspect.
tôle facilitant la déformation dans les zones de rétreint (sous
serre-flan en particulier). Le choix de cette position est fait de façon à respecter l’équilibre
des efforts selon les différents brins de la pièce et à prévenir ainsi
les glissements sur le nez de poinçon, au niveau des lignes de style
1.3.3 Critères de choix en particulier. Lors de la progression du plongeur, la ligne restera
totalement bloquée sous le poinçon en n’entraînant aucun glisse-
ment apparent.
La sélection du matériau est le plus souvent dictée par les condi-
tions de service de la pièce. Mais, dans tous les cas, il ne peut s’agir Sur les pièces intérieures, l’exigence d’équilibre est moindre ;
que de matériaux ne présentant pas de fragilité au formage. elle est dictée par des raisons d’usure des outillages.
Dans la mesure du possible, il convient de viser de préférence des Dans le cas général, l’opération s’effectue en deux phases :
matériaux à basse limite d’élasticité, à fort coefficient d’anisotropie — partant de la section estimée la plus difficile (profondeur,
pour des déformations de rétreint et à écrouissage important pour complexité), on opère un premier basculement dans son plan en
favoriser la répartition des déformations. Un fort allongement en fonction des lignes à équilibrer, des pentes d’embouti et des
traction est une garantie supplémentaire de réussite bien que non contre-dépouilles éventuelles. On obtient ainsi une direction provi-
indispensable dans certains modes de déformation. soire d’emboutissage de cette section (phase ➀, figure 6) ;
Une courbe limite de formage élevée est généralement considérée — coupant ensuite la pièce selon un plan perpendiculaire au
comme un critère favorable. Il convient toutefois de rappeler que premier et contenant la direction provisoire d’emboutissage, on
le front des déformations obtenu dans l’embouti n’est pas seulement réitère l’opération de basculement dans ce second plan de coupe
lié à la géométrie de la pièce, mais aussi fortement influencé par pour obtenir la direction recherchée (phase ➁, figure 6).
la réponse rhéologique du matériau. Au cours de ces phases, il convient de vérifier qu’aucune zone de
la pièce ne se trouve mise en contre-dépouille, ce qui rendrait
impossible l’emboutissage en direct et nécessiterait :
— soit de recourir à des opérations secondaires à cames ;
2. Étapes de la conception — soit de basculer en reprise pour accéder aux zones en contre-
dépouille avec d’inévitables problèmes de recentrage de la pièce
de la gamme d’une opération à l’autre.
Lors des opérations de reprise, on bascule souvent la pièce par
rapport à sa position emboutie :
La conception de la gamme d’emboutissage nécessite plusieurs
— soit pour accéder verticalement à certains détourages,
étapes que nous allons suivre pas à pas.
ajourages ou rabattre bord ;
— soit pour manipuler la pièce d’une opération à l’autre ;
— soit pour faciliter l’évacuation des chutes.
2.1 Définition géométrique de la pièce Remarques : les règles d’équilibre exposées ci-dessus sont parfois transgressées :
— pour des économies de mise matière ;
— pour privilégier une zone par rapport à une autre pour l’équilibre d’une ligne
d’attaque du poinçon (ligne de caractère la plus visible de la pièce) ;
L’emboutissage ne permet que très rarement d’obtenir directe- — parce que la pente de la matrice ne permet plus un serrage suffisant.
ment la pièce définie par le bureau d’études. Généralement, il est Pour les zones de pièces non obtenues en direct sur les poinçons,
nécessaire de réaliser une pièce dérivée capable de la géométrie on procède avec des coulisseaux qui permettent de travailler en
souhaitée, c’est-à-dire dans laquelle cette géométrie sera découpée contre-dépouille. Il faut alors disposer de parties mobiles sur ces
lors du détourage. De plus, plusieurs opérations complémentaires derniers pour les dégager lors de l’évacuation de la pièce, ce qui
sont souvent indispensables pour l’obtention de détails secondaires en fait des outils complexes et coûteux (§ 3.1).
par rapport à l’opération d’emboutissage proprement dite (tombage
ou relevage bord, relevé de collets, frappe de détails, etc.).
La première étape consiste donc, partant de la pièce Études, à la
remodeler dans ses zones périphériques et à la compléter par des
surfaces additionnelles (ou habillage) pour aboutir à une pièce
Méthodes plus équilibrée qui sera emboutissable avec un minimum
de difficultés (figure 2). Cette approche, qui augmente l’engagement
matière et renchérit d’autant le coût de la pièce, repose sur les deux
analyses ci-après.
■ Étude des gradients de profondeur
Des variations de profondeur importantes entre deux sections
voisines conduisent à des champs de déformations sévères suscep-
tibles de provoquer des ruptures ou des plis rédhibitoires. Il convient
donc d’évaluer les profondeurs, section par section, de façon à
vérifier que ces gradients de profondeur soient raisonnables au Figure 6 – Balancement de la pièce
regard des caractéristiques du matériau (allongement en particulier). pour la détermination de la direction d’emboutissage
Des différentiels de profondeur importants entre deux parois
opposées de la pièce entraînent généralement le rehaussement de
la plus basse pour équilibrer les écoulements dans les deux parois.

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_____________________________________________________________________________ CONCEPTION ET MISE AU POINT D’UNE GAMME D’EMBOUTISSAGE

2.2 Détermination du flan minimum 2.3 Établissement des conditions


d’emboutissage
Une fois la pièce Méthodes définie en position dans l’outil, il est
L’établissement des conditions d’emboutissage nécessite la prise
possible de définir la ligne d’entrée matrice et donc la dimension
en compte d’aspects très divers. Dans cette mise au point, la simula-
du flan minimum à l’aide de considérations géométriques.
tion numérique (§ 6) peut s’avérer être un moyen très intéressant
— Une approche classique consiste à réaliser un développement pour visualiser le comportement de la pièce à l’intérieur des outils
de la surface de la pièce ligne par ligne qui conduit à un contour tout au long de l’opération d’emboutissage.
de flan minimum (figure 7a) ; elle s’applique essentiellement aux
pièces à fort élancement (rapport longueur sur largeur).
— Une autre approche consiste à réaliser une décomposition de 2.3.1 Identification des zones d’allongement,
la pièce en volumes simples que l’on développe ensuite en surfaces pliage, rétreint
équivalentes (figure 7b).
— Développement des parties droites : ayant réalisé des sections Cette étape permet de caractériser les différentes zones de la pièce
successives de la pièce, on peut calculer pour chacune sa longueur en fonction de leur mode de déformation, donc de pouvoir identifier
totale en sommant les longueurs des arcs de cercles et des seg- les types de difficultés (striction, pli) susceptibles d’apparaître à
ments de droite qui la constituent : l’intérieur de chacune d’entre elles et par-là même de prévoir les arti-
fices permettant de réguler les écoulements dans ces zones (jonc,
)

L = AB + BC + CD + DE + EF + FG + GH redan ou gradin, (§ 2.3.7)).

La longueur développée est calculée sur la fibre neutre supposée


à mi-épaisseur dans les parties rectilignes et à 2/5 de l’épaisseur côté 2.3.2 Séparation des zones développables
intérieur dans les parties courbes. et non développables
— Développement des coins : un coin équivaut à un cylindre de
hauteur h et de rayon R raccordé au fond par un rayon r. L’application La géométrie de la tôle lors de l’attaque du poinçon est directement
du théorème de Guldin (cf. article Formage à la presse [B 7 510]) issue des déformations imposées par le serre-flan lors de son
permet alors de déterminer le rayon du flan correspondant à la serrage. Pour que cette géométrie soit propice à l’emboutissage, il
surface équivalente. est nécessaire qu’elle soit exempte de distorsions qui pourraient
conduire à des défauts de formage rédhibitoires. C’est pour cette
raison que les portées du serre-flan sont construites, dans la mesure
du possible, à partir de surfaces développables.

2.3.3 Séparation des zones visibles


et non visibles

Une pièce emboutie peut être décomposée en zones visibles et


volumes non visibles. Cette identification doit être prise en compte
pour éviter que le processus d’emboutissage imaginé ne conduise
à des détériorations de surface des zones visibles par suite de
contacts intempestifs avec les outillages, telles que les traces de
déplacement ou les marquages par glissement sur les rayons
d’entrée matrice. La distinction n’est cependant pas toujours aussi
nette. Certaines zones peuvent être considérées comme semi-
visibles : entrée de porte sur côté de caisse ou champ de panneau
intérieur de porte, par exemple.

2.3.4 Recherche de l’enveloppe générale


des surfaces d’aspect

La finalité de cette opération est la prévision des précautions


nécessaires à l’obtention d’une pièce dont les parties visibles sur
véhicule seront exemptes de défauts engendrés par le procédé
d’emboutissage.
Cette étape consiste à déterminer la surface approchée la plus
simple selon laquelle la tôle s’enroulera lorsque le poinçon attaquera
la surface du flan. Elle peut être obtenue à partir de deux lignes enve-
loppes correspondant aux sections les plus caractéristiques de la
pièce (figure 8). On ne tient pas compte à ce stade des contre-
courbures de la pièce ; tout se passe comme si on couvrait la pièce
par une feuille d’emballage.
Figure 7 – Développement d’un renfort de fixation d’essieu Les formes locales seront obtenues ensuite en plus et en moins
par rapport à cette surface enveloppe qui est en quelque sorte
l’enveloppe génératrice. Cette surface en général s’approchera
d’une surface faite de sous-ensembles simples : cylindre, cône ou
tore.

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2.3.5 Équilibrage des lignes d’aspect Les rayons de poinçon sont de préférence supérieurs aux rayons
d’entrée matrice afin d’éviter les déchirures du métal à leur droit.
Sur les pièces de robe, les lignes d’aspect (dites aussi de style ou Cette règle n’est valable que si les rayons ne sont pas ceux de la
de caractère) exigent une grande netteté de réalisation du fait de pièce, sinon ce sera le styliste qui imposera sa valeur (cas le plus
leur rôle déterminant dans l’esthétique de la carrosserie (figure 9). fréquent des risques de striction).
Cela suppose en particulier qu’il n’y ait pas glissement de la tôle
sur le nez de poinçon dans les zones du flan qui leur 2.3.7 Portées de serre-flan.
correspondent. Ce résultat ne peut être acquis qu’au prix d’un Joncs et autres artifices
équilibrage soigné des efforts exercés de part et d’autre de la ligne
par les diverses parties de l’outillage, ce que le service des
Méthodes réalise en opérant les basculements appropriés de l’outil Les portées de serre-flan ainsi que la forme et la position des joncs
lors de la détermination de la direction d’emboutissage. sont les derniers éléments sur lesquels le service des Méthodes
pourra jouer pour obtenir une pièce bonne.
Parfois, ces précautions ne suffisent pas et il faut introduire la
notion de serrage différentiel, la géométrie n’étant pas régulière En règle générale, la portée de serre-flan doit constituer une
d’une extrémité de la pièce à l’autre. On crée un équilibre entre les surface développable afin de prévenir la formation de plis lors du
deux sections les plus extrêmes possibles et, au-delà, il faut gérer serrage de la tôle dans l’outil. Quand la développabilité complète
un compromis où l’équilibre général n’est plus respecté (cas fréquent s’avère impossible, on s’efforce de l’obtenir par morceaux, en
des pointes d’ailes avant et arrière). veillant au raccordement des surfaces adjacentes. Lorsque la
géométrie le permet, il est possible d’utiliser des zones utiles de la
C’est également le cas lorsqu’il y a plusieurs lignes de style pièce comme portée de serre-flan, de façon à minimiser l’engage-
superposées : l’une (voire deux) de ces lignes sera équilibrée, mais ment matière.
les autres glisseront inévitablement.
Le contrôle de l’écoulement est obtenu à l’aide d’artifices qui
freinent la matière, du type jonc de retenue, gradin ou redan
2.3.6 Évaluation des rayons poinçon/matrice (figure 10), habituellement placés sur la matrice hors des zones
utiles de la pièce.
Une fois définies les formes annexes et la direction d’emboutis-
sage, il convient de dimensionner les rayons d’outils de façon à éviter 2.3.8 Opérations complémentaires, finitions
les déchirures intempestives du métal. En règle générale, plus les
rayons d’entrée matrice sont petits, plus les efforts de formage
augmentent et plus les gradients locaux de déformation sont Une fois définie la phase d’emboutissage proprement dite, il faut
sévères. En pratique, ils sont compris entre cinq et dix fois l’épaisseur répartir sur les presses simple effet les différentes opérations
de la tôle. Pour des tôles de 0,7 mm d’épaisseur (cas courant en complémentaires qui restent à réaliser pour obtenir la pièce finie :
carrosserie), des rayons d’entrée matrice inférieurs à 5 mm sont à frappe de calibrage éventuelle, détourage de la pièce, poinçonnages
éviter. divers, relevés de collets et tombages et relevages bords (§ 1.1).

Figure 8 – Détermination de la surface enveloppe


des volumes d’aspect

Figure 9 – Ligne d’aspect de portière

Figure 10 – Jonc de retenue, gradin ou redan

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Ces opérations sont généralement regroupées en opérations Pour les grosses pièces de carrosserie, les outils sont le plus
combinées de façon à réduire le nombre de passes, donc la lon- souvent réalisés à partir de moulages en fonte. Les principales
gueur des lignes et le nombre des outils qui pèsent lourdement sur nuances utilisées sont les fontes grises lamellaires de type FGL 240
les investissements et le coût du procédé. ou les fontes à graphite sphéroïdal FGS 600 ; une trempe superfi-
cielle peut être localement réalisée pour renforcer la tenue à
l’usure. Les pièces fragiles sont réalisées en acier 50 CD 4 ou
35 NCD 16.
3. Outillages Pour les outils à cadence rapide où l’allègement des masses
mobiles est recherché, on peut parfois utiliser des alliages
d’aluminium de type Fortal.
3.1 Types d’outils : Pour les prototypes ou les très petites séries (quelques dizaines
simples et à coulisseaux de pièces), des outillages à base de béton de résine ou d’alliage à
bas point de fusion (Cerrotru ) sont souvent utilisés.
Les outillages sont généralement composés d’éléments massifs
issus de fonderie qui constituent les bâtis inférieur et supérieur, le ■ Principe de réalisation
poinçon, la matrice et le serre-flan. Leur rigidité constitutionnelle Si les petits outils sont généralement usinés dans la masse, les
assure la transmission des efforts de formage de la presse vers la gros outils de carrosserie automobile sont obtenus à partir
tôle. Ils disposent de goulottes en tôle qui permettent d’évacuer les d’ébauches de fonderie dont les surépaisseurs sont usinées le plus
chutes de matière vers des trappes à chutes où elles sont collectées souvent sur des machines à commande numérique.
par des convoyeurs souterrains (jusqu’à 40 % de la matière mise en Le recours à des techniques d’usinage non conventionnelles :
œuvre). électroérosion, électrochimie, peut parfois s’avérer intéressant,
Des outillages à coulisseaux (figure 11) permettent de renvoyer l’électroérosion étant plutôt utilisée pour des petites pièces, l’électro-
l’effort vertical du plongeur dans des directions horizontales ou chimie fournissant en particulier un état de surface très fin.
obliques pour travailler la pièce dans plusieurs directions à la fois, Des traitements thermiques peuvent être nécessaires pour
différentes de la verticale de l’outil, autorisant ainsi l’obtention de renforcer des zones fortement sollicitées. Ces opérations sur gros
formes impossibles à réaliser avec des outils monoblocs (contre- outils sont réalisées localement à l’aide de chauffage par induction
dépouilles par exemple). Les cames et les glissières des chariots ou même au chalumeau.
mobiles sont généralement supportées par les bâtis. Lorsque les
coulisseaux sont fixés sur des parties mobiles de type serre-tôle, on Des traitements de surface sont parfois utilisés ; les plus classiques
parle d’outils à coulisseaux suspendus. sont le chromage dur et la nitruration. Les techniques de dépôt par
voie chimique (CVD) ou physique (PVD) commencent à se
Pour les séries limitées, on utilise préférentiellement des outils développer ; elles concernent essentiellement les dépôts de
constitués de plaques superposées qui limitent fortement la carbures, nitrures et carbonitrures de titane.
dimension du laboratoire (volume disponible sous presse).
Les opérations de polissage, généralement manuelles, constituent
habituellement la phase finale de la réalisation des outils. Réalisées
de façon sélective (rayon d’entrée matrice/poinçon), elles ont pour
3.2 Réalisation des outils but bien sûr de préserver la qualité de surface des pièces, mais aussi
de faciliter les écoulements de métal dans certaines zones (nez de
poinçon, par exemple).
■ Matières des outils Notons enfin que, pour des raisons diverses (coût de réalisation,
Les outils pour petites pièces de carrosserie sont habituellement entretien, caractéristiques locales particulières, etc.), les outils
réalisés à partir d’aciers en plaque s’échelonnant du E24 jusqu’au peuvent parfois être réalisés à partir d’inserts – éléments rapportés
160 CDV 12, avec ou sans traitements thermiques ou de surface. sur une base support – dont la réalisation et/ou le traitement se
trouvent ainsi facilités par rapport à un outil monobloc.

Figure 11 – Outillage à coulisseaux multiples (en rouge) (doc. Citroën)

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3.3 Mise au point des outils — la stabilité du processus d’emboutissage impose une bonne
répétabilité des conditions de lubrification, en particulier du gram-
mage d’huile déposée ;
La mise au point des outils repose sur l’application de toutes les
— les pièces devant être peintes ultérieurement, la dégraissabilité
règles théoriques précédentes. Mais rares sont les cas où il n’y a
après emboutissage limite le choix du lubrifiant.
pas de retouches.
Compte tenu du coût du lubrifiant et des nuisances engendrées
La mise au point commence toujours par un équilibrage et ajus-
par la manutention de pièces grasses (salissure des sols), de plus
tage statique pour partir sur une base connue. Cet ajustage est assez
en plus d’ateliers s’abstiennent de rehuiler et se contentent d’utiliser
rapide aujourd’hui du fait du mode de reproduction numérique, mais
l’huile de protection comme lubrifiant d’emboutissage.
il est ensuite remis en cause par la dynamique des mouvements de
la tôle. On parle alors d’ajustage dynamique. ■ Pression de serre-flan
La presse a un rôle important dans le système presse/outil/tôle C’est en fait le principal paramètre sur lequel l’opérateur agit pour
et, à chaque fois qu’il y a un changement de machine, il faut envisager assurer la qualité des pièces. Plus elle est élevée, plus les modes
un réajustage dynamique. La rigidité et la vitesse de la presse de de déformation se déplacent vers l’expansion, mais aussi plus les
mise au point doivent être les plus proches possibles de celles de amincissements et les risques de rupture augmentent. On désigne
la presse qui sera utilisée en production, sinon on s’expose à de habituellement par latitude de réglage l’amplitude de variation de
longues remises en cause. pression de serre-flan disponible entre la disparition des plis et
Pour sortir sa pièce, le metteur au point peut jouer sur : l’apparition de la striction (cf. article Tribologie de l’emboutissage
— l’ajustage des portées de serre-flan ; [B 7 535]).
— le dimensionnement du flan ; Classiquement uniforme sur toute la portée du serre-flan et
— les dispositifs de contrôle de déplacement (jonc, gradin, etc.) ; constante tout au long de l’emboutissage, la tendance actuelle serait
— les réglages de serrage de la presse utilisés de façon raison- plutôt de s’orienter vers son pilotage pour moduler les pressions
nable (c’est-à-dire pas trop déséquilibrés). Cependant, les réglages selon les zones et le stade d’emboutissage.
adoptés ne doivent pas être trop pointus, sous peine de compro-
mettre la fiabilité de production ultérieure. ■ Joncs de retenue
Lorsqu’il a utilisé toute sa panoplie et que sa pièce ne sort toujours Ce sont des artifices ajoutés dans la zone serre-flan dans le but
pas convenablement, le metteur au point doit remettre en cause les de freiner les glissements du métal dans les régions où ils sont
surfaces additionnelles (ou habillage) en premier lieu, puis éven- particulièrement importants. Ces dispositifs viennent en complé-
tuellement la pièce Études. L’attitude la plus pragmatique est de ne ment des formes déjà prévues dans cette optique, à savoir les gradins
pas attendre cette extrémité pour modifier la pièce Études. C’est d’entrée matrice (figure 10).
pourquoi il doit participer à la phase initiale (préparation, maquette, Fonctionnant selon le même principe de pliage-dépliage, leur
etc.) où il peut, par son jugement, faire évoluer une pièce dans le sévérité peut être adaptée aux exigences locales par diminution de
bon sens, c’est-à-dire anticiper les problèmes potentiels. leurs rayons et/ou augmentation de leur hauteur. Des joncs multiples
Dans le futur, les logiciels de simulation numérique (§ 6) devraient (généralement deux, voire trois) disposés en rangées parallèles
lui permettre de mieux cibler son intervention. peuvent également être utilisés pour accroître l’effet de frein dans
les zones fortement sollicitées.
■ Forme du flan
La géométrie du flan est le paramètre le plus influent sur les écoule-
4. Paramètres de réglage ments du métal. Son choix est cependant fortement restreint par les
considérations de mise matière et de coût d’outillages de découpe.
Une fois l’outillage mis au point, le réglage de l’opération C’est pourquoi les flans sont le plus souvent de forme rectangulaire
d’emboutissage repose sur le choix d’un petit nombre de ou trapézoïdale correspondant au coût minimal de réalisation et
paramètres. d’entretien des lames de découpe.

■ Cadence
Affectant directement le régime thermique de l’outil, la réduction
de cadence permet d’améliorer la qualité des pièces difficiles ; elle
se situe habituellement entre 10 et 20 coups/min.
5. Suivi de produit/qualité
Soulignons que, dans le cas des presses mécaniques, la réduction
de cadence ne change pas le cycle d’emboutissage, ce dernier étant La qualité des pièces embouties est assurée par divers contrôles :
déterminé par les éléments cinématiques de la presse (longueur de — tout d’abord, un contrôle visuel quasi unitaire par l’opérateur
bielle en particulier). Il ne peut donc pas en résulter de changement chargé de palettiser les pièces en bout de ligne et dont le regard
dans les vitesses de déformation ou dans les temps de maintien des apprécie l’absence de défauts dans les zones critiques de la pièce ;
efforts de formage. — ensuite, un contrôle statistique réalisé par prélèvement pério-
dique de pièces dont la géométrie est vérifiée sur des mannequins
■ Lubrification
de contrôle et caractérisée par un indice de qualité géométrique
En emboutissage comme dans tous les procédés de formage, la (IQG).
lubrification a une incidence directe sur les écoulements de métal ;
Pour les pièces extérieures, le contrôle est renforcé par un palpage
en particulier, en facilitant le glissement du métal sur les outils, elle
des pièces avec une grande fréquence.
augmente le déplacement du métal et donc l’usure des outils.
Une pratique qui se fait jour dans ce domaine consiste à instru-
Une lubrification différentielle selon les zones de la pièce serait
menter les presses et à comparer les signaux effort/course mesurés
la bienvenue pour le pilotage des écoulements, mais sa mise en place
à une courbe préenregistrée (dite signature de l’outil) correspondant
n’est pas évidente à réaliser.
au cycle d’emboutissage d’une pièce bonne. Toute dérive du signal
Dans le domaine de la lubrification, les règles sont en fait très relevé hors de l’intervalle d’acceptabilité constitue un indice de
variables d’un atelier à l’autre pour les raisons suivantes : risque d’incident et engendre alors un arrêt de ligne pour une inter-
— la présence d’huile de protection anticorrosion sur les tôles vention de l’opérateur.
d’acier doux pose un problème de compatibilité avec les huiles
d’emboutissage. On adopte parfois la solution alternative du dégrais-
sage des flans avant rehuilage pour emboutissage ;

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6. CAO et simulation estimer les conditions aux limites, imaginer un maillage adapté aux
particularités locales et interpréter les résultats obtenus. C’est donc
numérique essentiellement un profil de physicien complété par une bonne
connaissance de l’emboutissage qui lui permettra de venir à bout
des simulations les plus complexes avec un minimum de mobilisa-
6.1 Intérêt des approches numériques tion de ressources. La phase de préparation des modèles pouvant
nécessiter des modifications de géométrie, une compétence
La conception et la mise au point d’une pièce emboutie et de l’outil- complémentaire en conception assistée par ordinateur (CAO) semble
lage d’emboutissage correspondant représentent un travail très indispensable.
important d’épure et de définition géométrique pour la réalisation ■ Machines
duquel l’assistance de logiciels de dessin est particulièrement bien
adaptée. Les opérations de balancement d’outil, de recherche de L’accès à un supercalculateur ou Très Gros Ordinateur (TGO) est
contre-dépouilles et de construction de surface du serre-flan s’en une solution techniquement idéale pour traiter les modèles
trouvent ainsi facilitées et les temps de conception correspondants d’emboutissage, généralement très consommateurs en espace
fortement réduits. mémoire et temps de calcul.
En complément de la DAO (Dessin Assisté par Ordinateur), la Cependant, les progrès importants réalisés ces dernières années
simulation numérique de l’emboutissage présente de multiples au niveau des stations de travail permettent aujourd’hui d’utiliser
intérêts : avantageusement ce type de matériel sans que les délais d’exécution
ne deviennent déraisonnables (facteur 5 environ).
— en remplaçant des expérimentations physiques par des essais
numériques, elle est utilisable très en amont dans le processus de ■ Logiciels
conception et peut ainsi aider à effectuer les choix de géométrie de La simulation numérique de l’emboutissage est particulièrement
pièce les mieux adaptés à la mise en forme par emboutissage, délicate à réaliser compte tenu des non-linéarités fortes et multiples
induisant de ce fait des gains de délai de mise au point et des éco- qui caractérisent les géométries, les matériaux et les phénomènes
nomies d’outillages d’essai ; associés au procédé. L’utilisation de codes généraux, c’est-à-dire
— en permettant, de par sa versatilité, de comparer différentes capables de traiter toutes sortes de phénomènes de base de la
configurations et donc d’optimiser la solution, elle conduit à une physique, est une voie qui peut être séduisante. Mais deux difficultés
meilleure stabilité de la production, à des économies de matière principales limitent cette approche :
(mise au mille), à une meilleure tenue des outils et à un accroisse-
ment de la qualité des pièces ; — les logiciels en question ne sont généralement accessibles que
— en décrivant l’évolution tout au long du process de phéno- compilés et il n’est pas toujours évident de convaincre le fournisseur
mènes inobservables pratiquement, elle permet de prévoir les de réaliser certains développements spécifiques qu’on pourrait
défauts et surtout de comprendre leurs mécanismes de formation, souhaiter ;
suggérant ainsi des solutions pour leur prévention ; — l’utilisation de produits généraux ne permet pas de rendre
— en fournissant une évaluation des efforts de formage, transparentes pour l’utilisateur certaines fonctionnalités qui
contraintes, pressions et températures locales, elle peut être un auxi- exigeront de lui de bonnes compétences numériques et
liaire précieux pour la conception des outils et le choix des machines informatiques.
(dimensionnement, choix des traitements thermiques ou de Le recours à des codes spécifiques (ou dédiés) est certainement
surface) ; la voie la plus intéressante du point de vue de l’utilisateur. Leur archi-
— de par les résultats quantitatifs qu’elle fournit, elle permet tecture et leurs fonctionnalités ayant été conçues de façon à s’adapter
d’évaluer le poids de chaque paramètre et donc de renseigner sur aux modes de pensée du métier correspondant, ils peuvent être plus
le ou les paramètres à modifier en priorité pour un meilleur facilement utilisés par un homme de métier n’ayant pas d’aptitudes
compromis coût/résultat ; particulières pour l’analyse numérique ou l’informatique, mais ayant
— en estimant les caractéristiques de type contraintes résiduelles, en revanche une bonne connaissance du procédé.
épaisseurs résiduelles, elle peut en outre servir à l’optimisation de
la définition de la pièce par rapport aux conditions de service. ■ Données physiques
Pour fournir des résultats satisfaisants, tout logiciel nécessite
d’être alimenté en données physiques les plus réalistes possible
(propriétés mécaniques, rhéologiques, tribologiques) caractérisant
6.2 Composantes de la simulation les matériaux et/ou interfaces divers dans différentes confi-
numérique gurations de pression, de vitesse de déformation ou d’état de
déformation.
Comme pour toute simulation numérique, celle de l’emboutis- L’accès à ces données n’est pas toujours facile, même lorsque
sage nécessite quatre types de ressources : celles-ci existent. Leur recueil, voire leur détermination, doit être une
— un personnel compétent pour engendrer les modèles et inter- préoccupation aussi importante que la mise au point des logiciels.
préter les résultats ;
— des machines susceptibles de traiter les modèles souvent
volumineux ;
— des logiciels reposant sur une modélisation suffisamment 6.3 Différents niveaux d’investigation
complète des phénomènes en jeu ;
— des données relatives aux matériaux et phénomènes physiques
pris en compte. La mise au point d’un embouti nécessite l’obtention d’informa-
tions relatives à différents niveaux d’investigation [3] ; on en
■ Ressources humaines distingue principalement quatre.
Si la mise au point de logiciels de simulation numérique fait appel ■ Approches géométriques
à de sérieuses compétences en mathématiques, analyse numérique
et informatique, le profil de l’utilisateur apparaît tout autre. Disposant Il s’agit en fait d’investigations qui relèvent davantage de la CAO
d’un produit conçu dans l’optique métier, l’opérateur de simulation que de la simulation proprement dite. C’est le cas par exemple des
numérique doit surtout maîtriser la physique des phénomènes en opérations de recherche de contre-dépouilles lors du balancement
jeu de façon à pouvoir simplifier astucieusement le problème posé, de la pièce ou d’identification des zones d’attaque du poinçon en
début d’emboutissage.

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■ Approches 2D
Ces approches bidimensionnelles permettent d’obtenir rapide-
7. Perspectives d’avenir
ment des informations raisonnables en travaillant sur des sections
de la pièce. Cette approche, qui se justifie principalement sur des 7.1 Évolution des matériaux
pièces longues à section peu évolutive ou sur des pièces à géométrie
proche de la symétrie de révolution, permet de déterminer en par- Le lecteur se reportera utilement à l’article Tôles pour mise en
ticulier les rayons d’entrée matrice. forme [B 7 520] dans ce traité.
■ Approches inverses L’évolution conjointe des connaissances en métallurgie et des
Partant de la pièce finie, cette approche permet d’estimer les épais- procédés d’élaboration des aciers a conduit, au cours des vingt
seurs résiduelles attendues localement sans avoir à prendre en dernières années, à des tôles à propriétés améliorées du point de
compte les surfaces annexes qui seront ajoutées à sa géométrie pour vue déformabilité ou caractéristiques de service.
la réaliser. Aujourd’hui se font jour des aciers présentant simultanément ces
Reposant sur des techniques de projection et de minimisation deux types d’avantages au travers de nuances à déformabilité élevée
énergétique, ces logiciels simplifiés peuvent soit se limiter à une et dont les caractéristiques d’usage se développent au cours de leur
approche strictement géométrique, soit au contraire prendre en mise en œuvre soit par l’écrouissage proprement dit, soit par des
compte des éléments de plasticité et de frottement, affinant ainsi les effets de température sur structure écrouie pendant la phase de
informations locales obtenues dans les zones à forts gradients de cuisson des peintures (aciers dits à bake hardening), soit par trans-
déformation. formation métallurgique induite par la déformation plastique (TRIP
steel ).
■ Approches 3D Du point de vue de l’emboutisseur, l’arrivée massive des tôles
Ces approches tridimensionnelles assurent une simulation prérevêtues de zinc (galvanisées ou électrozinguées) constitue sans
complète du processus d’emboutissage (figure 12). Les logiciels doute l’évolution majeure de ces dernières années tant les réper-
correspondants reposent sur des modèles de type coques minces cussions ont été sensibles au niveau du procédé, qu’il s’agisse de
en grandes déformations élastoplastiques prenant en compte la plas- la modification des conditions de frottement tôle/outils comme des
ticité anisotrope du matériau et les interactions pièce/outillage. nouveaux défauts d’aspect liés à la nature même du revêtement.
Malgré leur degré de sophistication, ces logiciels ne répondent Des revêtements équivalents au zinc pourraient voir le jour
pas à toutes les questions que se pose le préparateur en embou- prochainement (PVD en particulier) nécessitant vraisemblablement
tissage. En particulier, la prévision des retours élastiques s’avère un réajustement des procédures de transformation.
délicate en raison même du choix des éléments coques pour la Du côté des non-ferreux et dans la conception actuelle des véhi-
description du modèle qui ne donnent pas une description suffi- cules en structure monocoque, seul l’aluminium appraît comme un
samment fine des gradients de contraintes dans l’épaisseur de la concurrent potentiel de l’acier pour la réalisation des carrosseries
tôle. par emboutissage. Cependant, même si ce matériau a déjà été utilisé
au cours des années cinquante dans le domaine de la carrosserie
automobile (Dyna Z de Panhard en 1953), son utilisation en construc-
tion automobile reste difficile aujourd’hui du fait de son prix, d’une
part, et du fait de l’inadaptation des moyens de fabrication existants,
d’autre part. En effet, malgré des caractéristiques particulièrement
intéressantes (densité, résistance mécanique), les alliages d’alumi-
nium requièrent l’utilisation de gammes d’emboutissage plus
longues et le développement de nouvelles techniques d’assemblage.
Le passage de l’acier à l’aluminium nécessiterait des investissements
dont la lourdeur explique en partie la lenteur des évolutions dans
ce sens.
Notons enfin l’apparition récente de matériaux de type sandwich
constitués de deux feuilles de métal (acier principalement) séparées
par un film de polymère. Leur intérêt principal réside dans leurs
propriétés acoustiques qui permettent de réduire le niveau sonore
à l’intérieur de l’habitacle. La mise en forme de tels produits est
limitée par le délaminage (ou décollement des couches
constituantes) dans les régions à forte courbure. Les techniques de
déformation sur élastomère (§ 8.2) semblent les mieux adaptées à
leur transformation.

7.2 Procédés concurrents


La réalisation des structures monocoques est essentiellement du
Figure 12 – Exemple d’une doublure de couvercle de coffre ressort de l’emboutissage. Les variantes que l’on pourrait imaginer
(demi-pièce) calculé en 3D : isoépaisseurs (doc. PSA/CREPI) ne sont pas réellement concurrentes mais plutôt dérivées de ce
procédé ; c’est pourquoi nous avons choisi d’évoquer les principales
d’entre elles dans le paragraphe 8.
En revanche, une conception différente du véhicule dans sa
définition et ses matériaux constituants peut conduire à d’autres
choix. C’est le cas en particulier des structures cage pour la réalisa-
tion desquelles on peut faire appel à des éléments de base profilés
(aluminium, acier), sur lesquels seraient accrochés des panneaux de
fermeture (aluminium, plastique, composite).

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_____________________________________________________________________________ CONCEPTION ET MISE AU POINT D’UNE GAMME D’EMBOUTISSAGE

Encore une fois, cette conception se heurte à la nécessité de — la possibilité de disposer localement d’un matériau plus épais
repenser et de réinvestir en totalité les moyens de production et n’est ou plus résistant mieux adapté aux charges locales que la pièce
pas de ce fait envisageable dans l’immédiat pour la grande série, aura à subir en service ;
d’autant plus que la rentabilité économique de tels choix technolo- — la réduction de l’engagement matière qui constitue un facteur
giques n’est pas évidente à apprécier a priori. coût important pour le prix de revient des pièces embouties ;
— la diminution des investissements en outils et ferrage (assem-
blage de la carrosserie) par réduction du nombre de pièces.
Cette technique de réalisation des flans est particulièrement bien
8. Variantes du procédé indiquée pour la fabrication de pièces présentant un ajourage
important, du type panneaux de côté de caisse, ou nécessitant des
renforcements locaux (planchers, doublures de portes).
Différents procédés dérivant directement de l’emboutissage sont
parfois utilisés pour le travail des tôles. Ces techniques étant
développées par ailleurs [4], nous nous limiterons à rappeler succinc-
tement le principe de trois d’entre elles dont l’utilisation est actuelle-
ment en voie d’extension.

8.1 Stretch-draw
Le procédé consiste à emboutir la tôle après l’avoir mise en
précontrainte de traction (figure 13). Cette façon de procéder
présente l’avantage de réduire les gradients de contrainte dans la
pièce, contribuant ainsi à diminuer la propension au plissement et
à réduire le retour élastique. En contrepartie, les déformations
locales dans la pièce s’en trouvent sensiblement augmentées, ce qui
impose généralement de recourir à des matériaux à ductilité élevée.
Mais l’inconvénient majeur est surtout économique et réside dans
un engagement de matière plus important lié à la prise de mors des
dispositifs de mise en précontrainte.

8.2 Formage sur élastomère


Figure 13 – Emboutissage sous traction (stretch-draw ) [4]
Souvent désigné sous l’appellation procédé Guérin, du nom de
son inventeur, le formage sur élastomère apporte une simplification
sensible au niveau des outils de formage et, par voie de consé-
quence, une réduction importante de leurs coûts de réalisation
comme de mise au point.
Dans ce procédé, une partie de l’outillage (le plus souvent la
matrice) est remplacée par une masse d’élastomère qui vient pla-
quer la tôle sur l’autre partie en matériau rigide (figure 14). Du fait
du comportement particulier de l’élastomère, la tôle est en perma-
nence soutenue, ce qui réduit notablement les risques d’apparition
de plis. Le caractère collant du contact tôle/élastomère conduit à
une meilleure répartition des déformations. En revanche, le
démoulage peut présenter quelques difficultés liées à l’effet de
ventouse provoqué par l’élastomère lors de son retrait des cavités
de la pièce. L’usure de l’élastomère au contact du flan et sa rupture
consécutive aux déformations intenses et répétées peuvent être
avantageusement contenues à l’aide d’une membrane de quelques
centimètres d’épaisseur dont le remplacement est plus aisé.
Une variante de cette technique, baptisée élastoformage [5], est
présentée sur la figure 15. L’élastomère joue dans ce cas le rôle de
poinçon tandis qu’un fond de matrice mobile permet de reconfor-
mer le métal en fin d’opération.
L’utilisation des procédés à base d’outils en élastomère est
particulièrement bien indiquée pour les productions en petites
séries où le coût des outillages pèse lourdement sur le prix de
revient des pièces. Elle paraît également être une voie très promet-
teuse pour la transformation des tôles sandwich.

8.3 Formage de flans raboutés


La variante dans ce cas se situe en fait du côté de la matière. Le
flan est constitué à partir de morceaux de flan assemblés par
soudage (laser, molette, etc.) et dont l’épaisseur et la nuance peuvent
différer (figure 16). Cette pratique présente plusieurs intérêts :
— l’obtention de flans de largeur supérieure à celle des tôles Figure 14 – Formage sur élastomère [4]
disponibles sur le marché ;

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CONCEPTION ET MISE AU POINT D’UNE GAMME D’EMBOUTISSAGE _____________________________________________________________________________

Figure 15 – Élastoformage : différentes étapes du procédé [5]

Figure 16 – Utilisation de flans raboutés : exemple d’un côté de caisse

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P
O
U
Conception et mise au point R
d’une gamme d’emboutissage
E
N
par François RONDÉ-OUSTAU
Ingénieur civil des Mines de Nancy
Docteur-Ingénieur
S
PSA Peugeot-Citroën, unité de Recherches Matériaux Technologie
A
Références bibliographiques V
[1] RAULT (D.). – Description de l’emboutissage et
problèmes posés. Chap. XVIII, Mise en Forme
des Métaux et Alliages (1976), Éd. CNRS (École
[3] MAEDER (G.), JAMEUX (J.P.) et EL
MOUATASSIM (M.). – L’emboutissage, les
attentes des constructeurs, modélisation.
[5] SANZ (G.). – Gagner du temps sur le temps.
Enjeux de la recherche/développement pour la
production sidérurgique et la mise en œuvre de
O
[2]
d’été de Villars-sur-Ollon) (1975).
RONDÉ-OUSTAU (F.). – Le plissement en
2e Symposium Automobile de Paris, (doc. Sol-
lac) 27-28 juin 1991.
l’acier. 1er Symposium Automobile de Paris,
(doc. Sollac) 27-28 juin 1990. I
emboutissage : approche phénoménologique [4] PEARCE (R.). – Sheet metal forming. Éd. [6] Calculs en emboutissage. Applications indus-
et expérimentale. 5e partie, Chap. 1, Physique
et Mécanique de la Mise en Forme des Métaux
Adam Hilger (New York) (1991). trielles pour la conception des pièces. Recueil
de conférences. CETIM (1994).
R
(1990), Presses du CNRS (École d’été d’Oléron)
(1987).

Organismes P
Syndicat National du Découpage et de l’Emboutissage, Repoussage et
Outillage de Presse SNDE. L
Centre Technique des Industries Mécaniques CETIM, service emboutissage.
U
Logiciels et leurs distributeurs S
(liste non exhaustive)

Logiciels spécifiques à l’emboutissage


AUTOFORM (3D implicite) École Polytechnique de Zürich (Suisse)
OPTRIS (3D explicite) AT & T DAT AID et Matra Datavision
PAM-STAMP (3D explicite) ESI
ISOPUNCH (3D méthode inverse) Isoform
SIMEM2 (3D méthode inverse) Simtech
Logiciels adaptés pour l’emboutissage
5 - 1995

FORGE2 (2D implicite) transvalor


RADIOS (3D explicite) Mecalog
Logiciels généraux avec fonctionnalités emboutissage
ABAQUS (2D/3D implicite/explicite) Abaqus Software
LS-DYNA3D (2D/3D implicite/explicite) Dynalys
Doc. B 7 540

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