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Pervaporation

par Robert CLÉMENT


Maître ès sciences, Docteur d’État
Maître de conférences à l’École nationale supérieure des industries chimiques (Nancy)
et Anne JONQUIÈRES
Ingénieur ENSIC, Docteur de l’Institut national polytechnique de Lorraine (INPL)
Chargée de recherche au CNRS

1. Généralités................................................................................................. J 2 820 - 2
1.1 Principe de la séparation............................................................................. — 2
1.2 Grandeurs caractéristiques......................................................................... — 3
1.3 Paramètres de fonctionnement .................................................................. — 4
1.4 Atouts du procédé de pervaporation ......................................................... — 4
1.5 Trois types de séparation ............................................................................ — 4
1.6 Membranes de pervaporation .................................................................... — 5
2. Mise en œuvre du procédé de pervaporation .................................. — 6
2.1 Procédé continu ........................................................................................... — 6
2.2 Procédé batch .............................................................................................. — 8
2.3 Procédés hybrides ....................................................................................... — 9
3. Limitations du procédé .......................................................................... — 10
3.1 Polarisation de concentration..................................................................... — 10
3.2 Spécificité des membranes......................................................................... — 11
3.3 Procédé d’épuration ou de déplacement d’équilibre ............................... — 11
4. Analyse technico-économique ............................................................. — 11
4.1 Exemples de séparations industrielles ...................................................... — 11
4.2 Influence des conditions opératoires......................................................... — 12
5. Principales applications......................................................................... — 13
6. Recherche et développement ............................................................... — 15
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. J 2 820

L a pervaporation est un procédé de séparation de mélanges liquides qui met


à profit le transfert sélectif de matière à travers une membrane dense. Au
cours de cette opération, le perméat est vaporisé puis condensé sur une paroi
froide ; mais, contrairement à la distillation, seule une faible partie de la charge
subit ce changement d’état. Il en résulte que ce mode de séparation est plus éco-
nome en énergie que la distillation. L’exploitation de cette spécificité implique
naturellement que la pervaporation soit essentiellement mise en œuvre en tant
que procédé d’épuration, d’extraction ou de déplacement d’équilibre.
Parce qu’il tire généralement partie d’interactions fortes entre la membrane et
les composés à extraire, ce procédé présente en outre une sélectivité de sépara-
tion qui peut être complètement différente de celle de la distillation, procédé
avec lequel il est souvent couplé. Cette technique est actuellement utilisée pour
traiter des mélanges hydroorganiques (déshydratation de solvants et extraction
de composés organiques), mais ses aptitudes à séparer des mélanges entière-
ment organiques ont déjà été montrées au stade industriel. Associée à d’autres
procédés, elle permet souvent de les optimiser en réalisant d’importantes éco-
nomies d’énergie et de matière première, tout en réduisant l’infrastructure des
installations classiques ou en limitant la pollution liée aux effluents liquides.

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 2 820 − 1
PERVAPORATION ______________________________________________________________________________________________________________________

1. Généralités Mélange Membrane Phase


liquide dense vapeur

Équilibre
1.1 Principe de la séparation de Diffusion Condensation
sorption Désorption sur
paroi froide
L’évaporation d’un mélange liquide à travers une membrane Amont Aval
dense conduit au passage d’une vapeur, dans le compartiment aval, (pression réduite)
de composition généralement différente de celle de la charge dont
elle est issue. Le transfert de matière est entretenu en maintenant le Figure 1 – Schéma de principe du transfert en pervaporation
compartiment aval sous faible pression par pompage et condensa-
tion des vapeurs sur une paroi froide. Ce transfert sélectif, observé
pour la première fois par Kahlenberg en 1906 avec des mélanges
d’hydrocarbures et d’alcool, a reçu sa dénomination définitive de ment évacuées vers le condenseur sans qu’une solvatation consé-
pervaporation dans un article de Kober [1] publié en 1917. quente de la face aval de la membrane ne puisse s’établir. Cela
revient à admettre que les concentrations en espèces migrantes
Il s’agit donc d’un procédé dans lequel les espèces transférées sont pratiquement nulles au voisinage de l’interface aval de la mem-
subissent un changement d’état (vaporisation). Mais, à la différence brane [3].
de la simple évaporation qui se produit en distillation simple, la
membrane agit comme un tiers corps solide et modifie la composi- ■ Il existe plusieurs façons d’entretenir les gradients d’activité (ou
tion de la charge par l’intervention de deux processus complémen- de concentration) à travers la membrane afin d’assurer un transfert
taires. Tout d’abord, il se produit une inégale dissolution des espèces de matière stabilisé.
à la face amont en contact avec le liquide, ce qui revient à modifier
la composition du mélange qui franchit l’interface membranaire ● La plus courante consiste à établir initialement dans le compar-
amont. Suite à ce facteur d’ordre thermodynamique, un deuxième timent aval une pression suffisamment réduite pour que toutes les
facteur, d’ordre cinétique, intervient pour modifier la composition espèces à transférer s’y trouvent à l’état vapeur (c’est-à-dire qu’il
du mélange transféré ; il s’agit de l’inégale mobilité des espèces faut que la pression aval soit bien inférieure à la pression de vapeur
dans le matériau (diffusivité). Ce deuxième processus constitue le saturante de chaque espèce à la température de fonctionnement) et
facteur limitant majeur du transfert de matière et explique pourquoi à maintenir les pressions partielles à ces bas niveaux à l’aide d’un
l’épaisseur de la couche active des membranes est toujours très fai- condenseur assez efficace. Un pompage annexe est alors unique-
ble (quelques micromètres). ment utilisé pour compenser les éventuelles entrées d’air dans le
système. On désigne habituellement cette procédure par le terme
■ Considéré d’un point de vue fondamental, le transfert de matière de « pervaporation sous vide » (vacuum pervaporation en anglais).
repose donc sur un mécanisme, en trois étapes (figure 1), générale-
ment désigné sous le vocable de « solution-diffusion » [2]. ● Une deuxième procédure, dont l’usage est limité au laboratoire,
consiste à stabiliser le gradient de potentiel des espèces à transférer
● En effet, la membrane dense se comporte comme une lame sol-
en évacuant ces dernières à la face aval de la membrane à l’aide
vante qui gonfle de façon sélective face au mélange liquide adja-
d’un balayage de gaz inerte. Cette procédure est désignée par le
cent. Cette sélectivité de solvatation constitue la première étape du
terme de « pervaporation sous balayage » (sweeping-gas pervapo-
transfert et est fortement conditionnée par les affinités respectives
ration). Son intérêt est surtout métrologique puisqu’elle permet
que le matériau membranaire manifeste envers les différentes enti-
d’échantillonner et d’analyser directement des vapeurs à l’aide de
tés présentes dans la charge à traiter. Cependant, chaque espèce qui
dispositifs qui peuvent être automatisés.
pénètre dans le matériau contribue à en modifier les propriétés
intrinsèques. Ce comportement est analogue à ceux qui sont recher-
■ Le transfert de matière s’accompagne des deux phénomènes
chés lors des techniques de plastification consistant à ajouter des
induits suivants.
adjuvants dans les polymères afin d’en modifier les propriétés
mécaniques. Il en résulte qu’il est difficile de déduire de manière ● La manifestation d’une forte asymétrie de gonflement de la par-
sûre les propriétés de solvatation d’un film donné, face à un tie active de la membrane. En effet, la couche amont qui est au con-
mélange de deux espèces, à partir des comportements de ce poly- tact de la charge liquide est plus ou moins fortement solvatée par ce
mère en présence de chacune de ces espèces considérées séparé- liquide tandis que la couche en contact avec la vapeur est pratique-
ment. ment sèche. Il s’établit donc un gradient de concentration entre la
● Lors de la deuxième étape du transfert, les espèces absorbées face amont et la face aval d’autant plus important que le matériau
dans le film dense diffusent sous l’influence du gradient d’activité est plus apte à gonfler dans le mélange traité. Cette asymétrie
local qui existe pour chaque entité et en chaque point de la mem- génère des contraintes mécaniques qu’il faut gérer soit en limitant
brane. De nouveau, la composition locale du film a une grande inci- le gonflement de la membrane par des modifications physiques ou
dence sur la mobilité des molécules en transit et les lois de diffusion chimiques de celle-ci, soit en opérant dans un domaine de composi-
sont généralement complexes. En particulier, en pervaporation, la tion limité.
diffusivité ne peut pas être considérée comme une grandeur inva- ● La vaporisation du pervaporat à l’aval de la membrane
riante, mais doit au contraire être envisagée comme une fonction de s’accompagne de l’absorption de l’enthalpie de la transformation
la composition locale. De plus, si le gonflement est important, le flux physique correspondante. Or la chaleur de vaporisation est essen-
d’entraînement produit par les espèces en mouvement doit égale- tiellement fournie par le liquide amont dont la température chute au
ment être pris en considération pour rendre compte du transfert de contact de la membrane. Ce phénomène impose donc de disposer
matière. des échangeurs de chaleur dans le circuit amont afin de réchauffer la
● La dernière étape du transfert consiste en une désorption, sous charge et ainsi de maintenir l’amplitude du transfert à un niveau
pression réduite, des molécules parvenues à la face aval. Dans les acceptable. Le corollaire à ce phénomène est qu’il est beaucoup
conditions normales de fonctionnement, ce dernier processus est plus intéressant de conduire une séparation donnée en réalisant
bien plus rapide que les précédents et il est admis qu’il ne joue pas l’extraction du composé minoritaire, ce qui limite la surface de
de rôle dans la sélectivité du transfert ni dans le contrôle du flux de membrane nécessaire et surtout l’énergie de vaporisation, puisque
transfert. Sous une pression réduite suffisante (moins de 10 mm Hg, – contrairement à la distillation – seule la fraction transférée con-
soit moins de 1,33 kPa), les vapeurs sont pratiquement continuelle- somme de l’énergie.

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Histoire d’un procédé


1

Vapeur ou sorbat C '


Historiquement, au début des années 1960, suite à la mise au point par on
Loeb et Sourirajan d’une technique de fabrication de membranes asymé- Pervaporati
triques disposant d’une mince couche dense superficielle, une équipe de
recherche de l’American Oil Compagny (USA) dirigée par Binning va être
à l’origine de nombreux brevets et publications portant sur la séparation 0,75
de mélanges d’hydrocarbures ou sur la séparation de mélanges d’usage
io n
industriel. Cependant, malgré les bonnes qualités de certaines sépara- rpt
tions obtenues, l’industrialisation du procédé de pervaporation ne se pro- So
duira pas à la suite de ces travaux.
Ensuite, le relais sera alors principalement pris, à partir du milieu des 0,5
années 1960, par l’équipe dirigée par le Professeur Néel à Nancy qui va
développer des études plus fondamentales sur le procédé et montrer
l’incidence de la nature des substituants portés par les matériaux poly-
mères sur la séparation réalisée. Ce groupe va aussi établir, par des
mesures systématiques et la modélisation, tout l’intérêt économique du 0,25
procédé lorsqu’il s’agit d’extraire un composé minoritaire d’un mélange ELV
ou lorsqu’il s’agit de déplacer un équilibre en cas de distillation difficile
(azéotropie ou pseudoazéotropie). Il apparaît alors clairement que la per-
vaporation constitue une technique complémentaire de la distillation et
que, dans certains cas, elle peut même se substituer très avantageuse- 0
ment à ce procédé classique de séparation. 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Finalement, la sensibilité grandissante du monde industriel aux coûts
de l’énergie et des matières premières aidant, les premiers pilotes en per- Composition de la charge liquide C
vaporation vont être installés à partir de 1982 par la firme allemande GFT
(Gesellschaft für Trenntechnik). Installées au Brésil, ces unités avaient Mélange eau-éthanol séparé par pervaporation à l'aide d'un film dense
pour objectif de montrer la bonne compétitivité économique de la techni- de poly(alcool vinylique) (T = 65 °C)
que de pervaporation lorsqu’elle est utilisée pour déshydrater de l’étha- Les compositions sont exprimées en teneurs massiques en eau
nol, déjà rectifié par distillation, face au procédé de distillation
« azéotropique » avec tiers corps. La même année se tenait à Nancy le
premier « workshop » international rassemblant une vingtaine d’univer- Figure 2 – Comparaison de la sélectivité de pervaporation
sitaires spécialistes de cette méthode de séparation. avec l’équilibre liquide-vapeur (ELV) et avec la composition du sorbat
En 1996, la firme GFT, pionnière et leader dans le domaine, maintenant en équilibre avec le liquide [4]
devenue Sulzer Chemtech, avait commercialisé plus de 60 installations à
travers le monde.

avec α sélectivité ou facteur de séparation (sans


dimension).
1.2 Grandeurs caractéristiques Remarque : une valeur de sélectivité n’a de sens que si on lui
associe la valeur de la teneur amont C, qui lui correspond. En effet,
les deux expressions α et β donnent des valeurs d’autant plus gran-
La qualité du transfert est caractérisée par deux grandeurs qui des que la teneur C du liquide d’origine est faible et l’effet est doublé
sont le flux de matière Jp (en kg · h−1 · m−2) traversant la membrane pour l’expression de α qui est un rapport de rapports ; cela explique
et la sélectivité de la séparation. que l’usage de cette dernière tende à se faire plus rare (cf.
La sélectivité de la séparation s’exprime à travers plusieurs tableau 1). Des formules, simples à établir, permettent de convertir
variantes, mais elle se réfère toujours au composé préférentielle- une valeur exprimée selon un formalisme dans l’autre :
ment transféré. 1ÐC α
α = -------------------- β et β = ---------------------------------------
■ La forme la plus simple consiste à exprimer la composition du 1 Ð βC 1 + (α Ð 1)C
pervaporat en fonction de celle de la charge. Elle se présente donc
sous la forme d’un diagramme carré (figure 2) analogue à ceux qui (0)
représentent les courbes d’équilibre liquide-vapeur (ELV), représen-
tation qui a par ailleurs le mérite de permettre une comparaison Tableau 1 – Équivalences entre différentes expressions
immédiate de la sélectivité de la pervaporation avec celle d’une sim- de la sélectivité
ple vaporisation (1er étage de distillation).
C (kg/kg) 0,05 0,05 0,05 0,02 0,02 0,02 0,005 0,005 0,005
■ Une autre grandeur très souvent utilisée est le facteur d’enrichis-
C ’ (kg/kg) 0,50 0,90 0,98 0,50 0,90 0,98 0,50 0,90 0,98
sement β qui est égal au rapport des teneurs massiques aval C ’, et
amont C, de l’espèce préférentiellement transférée : β 10 18 19,6 25 45 49 100 180 196
α 19 171 931 49 441 2 401 199 1 791 9 751
C′
β = -----
C
avec β facteur d’enrichissement (sans dimension), ■ La caractérisation d’une membrane placée face à un mélange
C teneur massique amont de l’espèce préféren- donné s’effectue en mesurant, en régime stabilisé et à température
tiellement transférée (kg/kg), définie, la composition et le flux global de pervaporat récupéré par
unité de temps et de surface.
C’ teneur massique aval de l’espèce préféren- Nota : ces opérations de caractérisation peuvent être avantageusement réalisées à
tiellement transférée (kg/kg). l’aide d’un dispositif automatisé couplant un ensemble pneumatique à un chromatographe
via un ordinateur équipé de moyens d’acquisition et de commande. Ce montage automa-
■ Par analogie avec la sélectivité qui est utilisée en distillation ou en tisé présente divers avantages :
perméation gazeuse, la sélectivité α (aussi appelée facteur de sépa- — éviter la perte de matière (ou la condensation parasite de vapeur d’eau) qui peut se
produire lors de l’ouverture du piège contenant le pervaporat qui a été condensé puis
ration) est définie selon la relation : réchauffé ;
— augmenter la précision sur les délais de prélèvement (commande automatique des
vannes) ;
C′ 1ÐC — réduire les durées de mesure (masse échantillonnée de l’ordre du milligramme) ;
α = --------------- × ------------- — mettre en évidence le délai de stabilisation de la membrane ;
1 Ð C′ C — caractériser des films peu perméables (délais de mesure plus courts).

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1.3 Paramètres de fonctionnement diminue si la pression aval n’est pas maintenue à un niveau suffi-
samment bas [5] [6].

■ L’influence de la température se manifeste au niveau des proces- Lors des mises en régime, il faudra donc bien veiller à établir
sus de sorption et de diffusion et la variation des flux partiels Jpi le vide avant de mettre la membrane au contact de la charge
peut souvent être décrite par une loi de type Arrhenius, car les deux liquide. Cette recommandation est tout particulièrement justi-
processus élémentaires obéissent généralement à une telle loi ; fiée si le système de pompage et de condensation n’est pas
avec des énergies d’activation qui sont des grandeurs caractéristi- surdimensionné pour être en mesure d’absorber un flux initial
ques d’un système donné : de vapeur bien supérieur à celui de l’équilibre de fonctionne-
ment visé, et être ainsi capable de sécher rapidement la face aval
ÐE afin d’atteindre le régime permanent souhaité.
 a i
J p i = ( J o i exp )  -----------
RT

avec Jo i facteur préexponentiel (kg · h−1 · m−2), 1.4 Atouts du procédé de pervaporation
Ea i énergie d’activation (J · mol−1),
■ Aspects concernant la sélectivité de transfert et l’énergie requise
R constante molaire des gaz (8,314 4 J · mol−1 · K−1), Les membranes de pervaporation sont mises au point en vue
d’applications bien identifiées et leur sélectivité est généralement
T température absolue (K).
très grande (C ’ > 0,9 pour C < 0,05). Lorsque la pervaporation est
Si les énergies d’activation sont équivalentes pour les deux espè- mise en œuvre en tant que procédé d’épuration, cette haute sélecti-
ces transférées, la sélectivité est indépendante de la température. Si vité des membranes se traduit par la vaporisation d’une fraction très
ce comportement est observé, le flux global obéit alors à une loi de limitée de la charge (quelques pour-cent), ce qui implique d’impor-
type Arrhenius. Dans le cas contraire, il faut utiliser, à la place du flux tantes économies d’énergie relativement à la distillation. Il est éga-
global de pervaporat, les expressions donnant les flux partiels de lement fréquent que la pervaporation soit aussi très sélective dans
chaque composant i en fonction de la composition de la charge et de des domaines de composition où ce procédé classique de sépara-
sa température : tion ne l’est plus ou relativement peu (cas des compositions azéo-
tropiques ou pseudoazéotropiques). Cette technique se présente
donc comme une méthode de séparation alternative et complémen-
J p i = f (C i , T )
taire à la distillation.
Les énergies d’activation peuvent varier de quelques kJ · mol−1 à ■ Aspects thermiques
environ 80 kJ · mol−1 pour les systèmes les plus associés tels que La vaporisation du perméat sous pression réduite demande une
les mélanges aqueux traités sur des membranes portant des grou- certaine quantité de chaleur qui est empruntée à la charge liquide.
pes fortement polaires. Cette énergie d’activation peut donc être Cependant, cette énergie thermique peut être fournie à des niveaux
importante et avoir une forte incidence sur les flux. modérés de température. Cette possibilité est exploitable à travers
Exemple : une valeur de Ea égale à 60 kJ · mol−1 correspond deux aspects pratiques. Tout d’abord, une installation de pervapora-
approximativement à un doublement des flux chaque fois que la tem- tion peut utiliser de l’énergie dégradée issue de divers fluides d’ori-
pérature de fonctionnement s’élève de 10 ˚C. gine industrielle (50 à 120 ˚C). Ensuite, la possibilité de fonctionner à
des températures douces (30 à 80 ˚C) permet aussi à la pervapora-
tion de traiter des produits thermosensibles (arômes et composés
Une telle énergie d’activation incite évidemment à faire fonction-
issus des biotechnologies).
ner le pervaporateur à la température la plus élevée possible qui soit
compatible avec les propriétés de la membrane, la stabilité du ■ Traitement d’effluents dilués
mélange traité et l’optimisation économique entre les coûts de
Sa grande capacité à concentrer, en un seul passage, des espèces
l’énergie et ceux de l’installation. Il est même fréquent de faire fonc-
diluées (domaines de teneurs massiques allant de quelques pour-
tionner l’installation en légère surpression amont afin de dépasser
mille à quelques pour-cent) en font une technique de choix pour
la limite naturelle fixée par les températures d’ébullition observées
extraire des polluants ou pour recycler des molécules diluées dans
dans les conditions normales.
des effluents de procédé (dépollution ou valorisation).
■ Par ailleurs, l’influence de la pression (amont ou aval) a aussi été ■ Aspects propres aux techniques utilisant des membranes
largement étudiée. L’expérience montre que la surpression amont Les procédés faisant appel aux séparations à l’aide de membra-
est pratiquement sans effet notable tant quelle reste inférieure à nes ont en commun quelques avantages sur les procédés classiques
10 bar. En revanche, comme cela a déjà été évoqué plus haut, la de séparation. Le plus important est sans doute le caractère modu-
pression aval doit être maintenue franchement au-dessous de la laire des installations qui autorise une construction sur mesure par
pression de vapeur saturante du composé le moins volatil afin d’évi- ajout d’éléments standards. La standardisation des modules auto-
ter d’altérer sérieusement les caractéristiques de la membrane. En rise également une maintenance relativement souple. Un autre
effet, lorsque les pressions partielles aval augmentent, les gradients avantage est la capacité offerte par ces montages d’extraire des pro-
d’activité diminuent, ce qui tend à réduire les flux de matière dans duits en continu de milieux entièrement isolés de l’extérieur par le
les mêmes rapports. Cependant, la sélectivité de la membrane peut film séparateur (confinement de réacteur, de fermenteur...) et d’évi-
être modifiée dans des proportions encore plus importantes. L’aug- ter ainsi toute contamination croisée entre l’amont et l’aval.
mentation de la pression de vapeur dans le compartiment aval a
pour effet d’augmenter l’amplitude du phénomène de sorption de la
partie aval de la membrane et de plastifier cette dernière avec
l’espèce la plus condensable. Cette sorption a pour conséquence de 1.5 Trois types de séparation
rendre la membrane plus perméable à l’autre espèce qui conserve
un gradient d’activité relativement plus favorable. Si l’espèce la plus
condensable est aussi celle qui est préférentiellement transférée Il est possible de distinguer deux grands ensembles de mélanges
dans les conditions normales de fonctionnement, alors la sélectivité liquides que l’on peut séparer par pervaporation. Le premier est

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constitué par les mélanges hydroorganiques et peut être subdivisé Dans le sens de la déshydratation d’un solvant à l’aide d’une mem-
en deux groupes : brane hydrophile, on tire partie du fait que l’eau diffuse avec une
— les mélanges dont on cherche à éliminer l’eau ; vitesse qui est pratiquement deux ordres de grandeur plus rapide
— les mélanges dont, inversement, on cherche à éliminer un que celles des solvants organiques. Au contraire, la très grande
composé organique. solubilité préférentielle des molécules organiques dans les mem-
Le second ensemble concerne les mélanges entièrement organiques. branes hydrophobes (cas des films en polydiméthylsiloxane ou
PDMS) rend bien compte de la grande sélectivité de ces membranes
■ Déshydratation de solvants pour le transfert des composés organiques. En effet, la sorption de
Très associée à l’état liquide, l’eau est capable de donner lieu à de l’eau dans ces élastomères, y compris à partir de mélanges titrant
fortes interactions avec les polymères accepteurs ou donneurs de plus de 99 % en eau, reste souvent inférieure à 1 %.
liaison hydrogène et, de plus, elle est apte à s’individualiser à l’état
dilué pour acquérir une grande mobilité conforme à sa faible masse Les membranes hydrophobes à couche active en PDMS [45]
moléculaire. Ces deux aspects, qui renforcent respectivement la [46] se caractérisent presque toujours par un très faible flux
solubilité et la diffusivité de la molécule, rendent bien compte de sa d’eau qui reste quasi constant dans tout l’intervalle usuel (fai-
très grande vitesse de transfert à travers les matériaux hydrophiles bles teneurs en composé organique) alors que le flux du com-
relativement aux molécules organiques. Cette propriété originale, posé organique est proportionnel à la teneur de cette entité dans
qui est à l’origine de la première application du procédé, reste la charge. Cette observation est conforme au fait que l’activité de
encore actuellement à la base du domaine majeur d’application de l’eau ne varie que très peu dans le domaine de travail au con-
la pervaporation [4] [7] [8] [9] [10] [11] [12]. traire de celle du produit organique qui varie proportionnelle-
■ Extraction de composés organiques de l’eau ment à la teneur de la charge. La teneur critique définie par
l’abscisse de l’intersection des courbes représentant le flux du
L’utilisation des films organophiles (et hydrophobes) permet au composé organique et celui de l’eau est donc une caractéristi-
contraire de contrarier le passage de l’eau en mettant à profit sa fai- que importante à connaître lors de la mise en œuvre d’une telle
ble solubilité dans ces matériaux. Ce deuxième mode de séparation membrane.
est bien adapté au traitement des effluents aqueux chargés en molé-
cules organiques qu’il permet d’extraire, de recycler ou de valoriser
[13] [14]. ■ Cependant, si un matériau gonfle trop dans un milieu donné,
■ Séparation de mélanges entièrement organiques sans pour autant s’y dissoudre, il risque de ne pas répondre au pro-
blème posé.
La séparation de deux composés organiques, de tailles souvent
proches, est essentiellement obtenue en mettant en œuvre des Tout d’abord, le film doit conserver des propriétés mécaniques
matériaux extrêmement spécifiques capables de sorber très préfé- suffisantes pour conserver une géométrie stable dans le milieu
rentiellement la molécule à extraire (membranes organosélectives).
traité. Ensuite, en présence d’un fort gonflement, le deuxième ris-
Bien que plusieurs problèmes de séparation aient été résolus au
niveau du laboratoire [15] [16] [17] [18], ce dernier type de sépara- que est l’entraînement d’une espèce dû à la présence de l’autre à un
tion n’a encore que très rarement dépassé le cap de l’étude de faisa- niveau de concentration élevé dans le film.
bilité au stade pilote. Cependant, son potentiel de développement
est important puisqu’il pourrait être utilisé pour déplacer des réac- Pour concilier ces deux aspects contradictoires, il faut générale-
tions chimiques ou pour raffiner des molécules produites en grand ment procéder à des modifications chimiques du film afin de
tonnage, lorsque la distillation n’est pas bien appropriée (par exem- réduire le gonflement de ce dernier sans trop en altérer ses proprié-
ple, désaromatisation des hydrocarbures). tés spécifiques de séparation. La méthode la plus classique consiste
à réticuler la couche active au cours de sa fabrication. Outre la réti-
culation chimique, l’action des rayonnements, de la lumière ultra-
1.6 Membranes de pervaporation violette, des plasmas ou des électrons sur les polymères sont aussi
des techniques utilisées pour limiter le gonflement des films et ren-
dre les matériaux insolubles.
■ Une bonne membrane de pervaporation doit être capable
d’extraire préférentiellement une espèce, généralement minoritaire,
d’un mélange donné. Cet objectif ne peut être atteint que si ce soluté ■ Les membranes industrielles doivent assurer un flux de pervapo-
présente, face au matériau, à la fois un bon pouvoir de solvatation rat le plus élevé possible. Ce résultat s’obtient en réduisant la cou-
préférentielle et, éventuellement, une mobilité plus élevée que celle che active à l’épaisseur minimale qui soit compatible avec l’absence
de l’espèce à maintenir dans le rétentat. En effet, plus le niveau de défauts. En conséquence, les films industriels sont composites et
d’entrée sera élevé à la face amont de la membrane et plus le gra- formés par la superposition de couches dont les fonctions sont com-
dient de concentration sera favorable au passage de ce soluté. La plémentaires. La base peut être formée par un matériau inerte, de
première étape de la recherche d’une membrane sélective consiste type textile tissé ou non tissé, qui assure la résistance physique du
donc, souvent, à sélectionner un polymère présentant de fortes inte-
film et, en particulier, sa stabilité dimensionnelle. Cette première
ractions avec la molécule à transférer.
couche est trop grossière pour permettre un dépôt efficace de la
Cette démarche sera d’autant plus difficile que les deux consti- couche active avec une épaisseur minimale. Elle est donc souvent
tuants du mélange à séparer auront des propriétés physico-chimi- recouverte par une première membrane de type ultrafiltration dont
ques voisines. En revanche, pour séparer deux molécules de
les pores sont assez fins en surface pour éviter que le collodion ne
propriétés nettement différentes, par exemple un composé polaire
et un autre qui ne l’est pas ou relativement peu, il existera d’avan- puisse y pénétrer de façon trop importante lors de sa mise en place.
tage de matériaux performants. Une première approche pourra con- Le matériau constituant cette sous-couche est aussi choisi de telle
sister à comparer les paramètres de solubilité de différents sorte que ses propriétés ne soient pas antagonistes avec celles de la
polymères avec ceux des deux molécules à séparer. L’expérience couche active (par exemple, on choisira un polymère hydrophile si
montre que la solvatation préférentielle indique presque toujours le l’on souhaite utiliser la membrane pour extraire de l’eau). Puis, fina-
sens dans lequel s’effectue la sélectivité de pervaporation [15]. lement, la couche active superficielle, ne représentant qu’une frac-
Le cas des mélanges hydroorganiques, fortement éloignés de tion de micromètre à quelques micromètres, est déposée sur cette
l’idéalité thermodynamique, est généralement plus facile à traiter. couche intermédiaire (figure 3).

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Pour réaliser toutes ces opérations de fabrication, il faut que Couche active de poly
les matériaux soient filmogènes et puissent être mis en solution. 1 à 2 µm (alcool vinylique) réticulé
Pour obtenir une bonne perméabilité, il est préférable que les 70 à 100 µm Support asymétrique
polymères présentent une température de transition vitreuse poreux en poly
inférieure à la température de fonctionnement (Tg < T). Cepen- 100 µm (acrylonitrile)
dant cette notion de Tg ne doit pas être prise de façon stricte, car Nappe de polyester
la présence de solutés sorbés dans le matériau abaisse la tem- (non-tissé)
pérature de transition vitreuse du système ainsi formé. Figure 3 – Schéma de principe d’une membrane industrielle
Le taux de cristallinité du polymère actif constitue un autre de pervaporation (membrane hydrophile GFT-1000)
paramètre important. Premièrement, les zones cristallines sont
des obstacles qui allongent le déplacement des perméants et,
deuxièmement, elles constituent autant de points de réticula-
tion physique qui contribuent aussi à réduire la mobilité des Point froid (condenseur)
espèces mobiles. Un film plus cristallin sera donc plus sélectif et
moins perméable. Cependant, la présence d’une certaine cris-
tallinité dans un film constitue plutôt un handicap car elle repré- Périmètre p Vapeur Jp , C ' Pression réduite (aval)
sente un risque d’évolution a) en présence de solvants capables
T0 Tt
de désorganiser les zones cristallines ou b) dans des conditions
Q0 (T, Q, C) Qt
thermiques extrêmes [11].
C0 Ct
On cherchera donc, pour rendre l’utilisation de ces matériaux
moins aléatoire, à leur faire subir une désorganisation stable à Charge dz Rétentat
l’aide d’une réticulation, d’une modification chimique partielle liquide
(amont) 0 z ,
ou en l’associant, avec un autre polymère, dans un alliage.
Modèle de l'écoulement piston au contact d'une surface de
périmètre p et de longueur , avec bilans dans une tranche
d'épaisseur infinitésimale dz.

2. Mise en œuvre du procédé Figure 4 – Transfert de matière en pervaporation dans le mode


de fonctionnement continu
de pervaporation
Si on connaît la composition et la température locales, il est facile
Pour dimensionner une installation de pervaporation, il faut tout d’établir les bilans de matière et de chaleur sur une tranche transver-
d’abord disposer d’une description expérimentale des caractéristi- sale d’épaisseur infinitésimale dz située à une position z dans le
ques de la membrane utilisée. Ces caractéristiques seront expri- module. Cette petite tranche est aussi caractérisée par un débit mas-
mées sous forme de lois mathématiques heuristiques décrivant au sique local de rétentat (soit Q ce débit). Désignons par Q0 et Qt les
mieux le flux de pervaporat Jp et le facteur d’enrichissement β en débits correspondants à l’entrée et à la sortie du module. Trois sortes
fonction de la composition de la charge et de la valeur de la tempé- de bilans sont réalisés : un bilan global de matière, un bilan partiel
rature au voisinage de la membrane : sur le composant préférentiellement transféré (désigné par A) ainsi
qu’un bilan thermique [19] [20].
flux = Jp(C, T) et sélectivité = β(C, T)
● Bilan global
Deux modes de fonctionnement sont envisageables selon les Dans l’élément volumique considéré, la diminution du débit mas-
besoins de la production. sique dans la charge correspond au débit de pervaporat à travers
l’élément de surface, soit :
dQ = −Jp(C, T ) p dz (1)
2.1 Procédé continu ● Bilan sur le composé A
La variation de la quantité massique de A dans la charge est égale
■ Théorie au produit du débit massique total de pervaporat à travers l’élément
de surface par sa teneur en composant A (C ’), soit :
La charge liquide entre à une extrémité de l’installation avec une
teneur massique C0 et en ressort à l’autre extrémité avec une teneur d(QC ) = −Jp(C, T ) p dz C ’ = −Jp(C, T ) β(C, T ) C p dz
massique résiduelle Ct (Ct < C0 car cette grandeur se réfère toujours Ce qui donne, avec la relation (1) :
au composé préférentiellement transféré). Le chemin parcouru par
la charge peut être assimilé à un tunnel de longueur finie dont les Q dC = Jp(C, T ) [1− β (C, T )] C p dz (2)
parois sont limitées par la membrane représentant un périmètre p
(de section circulaire pour un module constitué de fibres creuses ou ● Bilan thermique
rectangulaire pour un module équipé de membranes planes [45] Si cp(C ) et Lp(C ’) sont respectivement la capacité thermique mas-
[46]). Au fur et à mesure de la progression du liquide dans le sique du rétentat et l’enthalpie de vaporisation du pervaporat aux
module, il se produit simultanément un appauvrissement en com- compositions correspondantes, la chaleur consommée par la vapo-
posé préférentiellement transféré et un abaissement de tempéra- risation du pervaporat est directement perdue par la charge liquide
ture dû à la vaporisation du perméat. C’est-à-dire que le module est dont la température diminue de dT, ce qui s’écrit :
le siège de deux gradients décroissants lorsque l’on se déplace de
l’entrée vers la sortie (gradients longitudinaux de concentration et Q cp(C ) dT = Jp(C, T ) Lp(C ’) p dz (3)
de température). Pour simplifier le calcul, on admettra que l’écoule-
ment dans le module est de type piston et que les gradients trans- avec C0 teneur massique initiale de la charge (kg/kg),
versaux de concentration et de température sont négligeables Ct teneur massique finale de la charge (rétentat)
(figure 4). (kg/kg),

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______________________________________________________________________________________________________________________ PERVAPORATION

Q débit massique local de rétentat (kg · h−1), — énergie consommée par kilogramme de produit B épuré :
Q0 débit massique initial de la charge (kg · h−1), ∑ [ Qi 0 cp ( Ci 0 ) Ti 0 Ð Qi t cp ( Ci t ) Ti t ]
Qt débit massique final de rétentat (kg · h−1), i
E = -------------------------------------------------------------------------------------------------------------- (J · kg−1)
Qn t
p périmètre de la membrane (m),
Exemple : déshydratation d’un mélange eau-éthanol titrant 6 % en
z abscisse de la tranche d’épaisseur dz (m), eau, avec une membrane de type GFT 1 000, pour en réduire la teneur
, longueur totale du parcours (m), à 0,3 % . La température de fonctionnement se situe dans le domaine
100 à 80 ˚C (fonctionnement sous faible surpression) et cette mem-
S surface utile totale de membrane (m2), brane présente des flux de matière dont l’énergie d’activation est de
l’ordre de 60 kJ · mol−1. Le calcul donne :
c p (C ) capacité thermique massique du rétentat
— capacité de production : 2,52 kg d’éthanol à 99,7 % par heure et
(J · kg−1 · K−1),
par mètre carré de membrane ;
Lp(C ’) enthalpie de vaporisation du pervaporat — taux de récupération en alcool dans le rétentat : 98% ;
(J · kg−1), — coût de séparation : 339 kJ par kg d’alcool épuré obtenu ;
— titre moyen en eau du pervaporat : 75 %.
T température locale du rétentat (K), Si l’on compare les coûts en énergie thermique de la séparation par
T0 température de la charge à l’entrée d’un module pervaporation avec ceux de la distillation par entraînement à l’aide d’un
(K), tiers corps (2 700 à 3 350 kJ par kg d’alcool anhydre), on mesure
l’ampleur des économies d’énergie que l’on peut obtenir en mettant
Tt température du rétentat en sortie d’un module en œuvre la pervaporation.
(K).
■ Dispositifs industriels
● Résolution du système d’équations
Les dispositifs industriels utilisés sont le plus souvent de type fil-
Les équations (1) (2) (3) constituent un système d’équations diffé- tre-presse, donc équipés de films plans. Le rétentat circule entre
rentielles qui est soluble par voie numérique (méthode de Runge- deux films appuyés sur des espaceurs métalliques rigides et perfo-
Kutta, par exemple). Le calcul est démarré à partir des valeurs initia- rés assurant le contact, par leurs faces extérieures, avec l’atmo-
les C0, Q0 et T0. Un incrément de longueur dz et un périmètre p sont sphère de vapeur sous pression réduite. Ces éléments de base sont
fixés, puis le calcul est réalisé en fonction de l’avancement z dans le empilés pour constituer des modules associant quelques mètres
module. Pour toute valeur de cette variable, on dispose des valeurs carrés de membrane.
locales Q, C et T. La résolution peut être conduite en fixant, soit la
longueur élémentaire d’un module, soit les limites T0 et Tt du Tous ces modules sont disposés en série dans une enceinte dans
domaine de température dans lequel on souhaite se placer. Chaque laquelle la pression partielle est maintenue au niveau choisi en con-
fois que la limite choisie est atteinte, il suffit de relancer le calcul en trôlant la température du condenseur. Un échangeur de chaleur est
réinitialisant préalablement la température du rétentat à sa valeur intercalé entre chaque module de façon à maintenir le flux de perva-
d’entrée, ce qui correspond au réchauffage du rétentat entre deux porat à son niveau maximal (figure 5). Le dimensionnement de
modules consécutifs. L’obtention de la composition Ct désirée cons- l’installation est réalisé de telle sorte que la plage de variation de la
titue le critère de sortie du calcul et la valeur cumulée du chemin température demeure dans un domaine tel que les flux de transfert
parcouru , donne la valeur de la surface de membrane ( S = p , ) restent conséquents. Cette disposition concentre donc l’essentiel de
nécessaire au traitement de la charge considérée sous un débit la tuyauterie au niveau du circuit amont de l’installation.
d’entrée Q0. Le nombre n de modules mis en œuvre correspond au Dans certains cas, si la charge est directement disponible sous
nombre d’étapes de réinitialisation de la température de la charge à forme vapeur, la mise en œuvre du procédé de pervaporation peut
sa valeur maximale. Toutes les autres grandeurs caractérisant le pro- être simplifiée en disposant les modules directement au contact de
cédé se déduisent alors par les relations suivantes : la vapeur comme, par exemple, en tête d’une colonne de distillation,
ce qui conduit à l’économie d’un échangeur de chaleur et élimine la
— capacité de production déduite du débit massique final de polarisation de température de la couche liquide. Ce dernier mode
rétentat Qn t : de fonctionnement est habituellement désigné sous le terme de
Qn t « perméation de vapeur » [21].
J t = --------- (kg · m−2 · h−1)
S
— capacité de traitement (entrée) :
Échangeurs Enceinte sous Condenseur
de chaleur pression réduite
Q0
J 0 = ------- (kg · m−2 · h−1) Membrane
S Charge Pompe
liquide à vide
— bilan donnant le flux moyen de pervaporat :

<Jp> = J0 − Jt (kg · m−2 · h−1)

— bilan sur A donnant la composition moyenne du pervaporat :


J0 C0 Ð Jt Cn t
< C ′> = --------------------------------- (kg/kg)
< Jp >
Rétentat
— rendement en espèce B récupérée dans le rétentat :
Module de Pervaporat
Qn t ( 1 Ð Cn t ) pervaporation
R = -------------------------------- (sans dimension) Figure 5 – Schéma de principe d’une installation industrielle
Q0 ( 1 Ð C0 ) de pervaporation

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Un autre avantage du procédé de pervaporation vient du fait qu’il ● Bilan sur le composé A
est entièrement contrôlé par les deux températures limites (charge Le transfert de l’espèce A dépend de la sélectivité de la mem-
liquide et paroi froide) lorsque le débit d’alimentation et la composi- brane, soit :
tion de la charge sont fixés. Au contraire, le procédé de distillation
par entraînement nécessite, outre un coût énergétique plus élevé, la d(mC ) = −S Jp(C, T ) C ’ dt = −S Jp(C, T ) β(C, T ) C dt
mise en équilibre de plusieurs colonnes couplées et demande, par La combinaison avec la relation (4) conduit à la forme suivante :
conséquent, des délais de mise en régime beaucoup plus longs.
m dC = −S Jp(C, T ) C [β(C, T ) − 1] dt (5)
La température du condenseur doit être adaptée à la compo- avec m masse de la charge à l’instant t (kg),
sition du pervaporat de telle sorte que celui-ci reste à l’état m0 masse initiale de la charge (kg),
liquide et puisse s’écouler sur les échangeurs sans former de
films solides qui bloqueraient rapidement l’installation. Pour mt masse finale de la charge (rétentat) (kg),
s’affranchir de ce problème, dans certains cas, la sélectivité de la t durée du traitement (h),
membrane peut être réduite afin d’obtenir un pervaporat liquide tt durée totale du traitement (h).
dans les conditions de fonctionnement (cas de la déshydratation
de solvants). ● Bilan thermique
Dans la mesure où le fonctionnement de l’installation est iso-
therme (charge maintenue en température), le bilan thermique se
limite à estimer l’énergie utile pour vaporiser le pervaporat, ce qui
2.2 Procédé batch nécessite simplement de faire un bilan entre l’état initial et l’état
final de la charge pour connaître la masse totale du pervaporat et sa
composition moyenne.
■ Théorie ● Résolution du système d’équations

La résolution numérique du système d’équations différentielles


L’avantage majeur du mode de fonctionnement en batch réside constitué par les relations (4) et (5) permet d’associer à toute valeur
dans le fait que la membrane est en présence d’un mélange de com- du temps écoulé t la masse résiduelle m de rétentat ainsi que sa
position sensiblement égale sur la totalité de sa surface de travail, composition instantanée C. Lorsque cette grandeur atteint la limite
d’une part, et que l’espèce à extraire s’y trouve donc à une teneur la souhaitée Ct, il est facile de déduire les caractéristiques suivantes :
plus élevée possible (proche de la composition instantanée de la
— capacité de traitement :
charge) à chaque instant, d’autre part, ce qui favorise le flux de per-
vaporat. En outre, si la circulation de la charge est assez rapide, la m0
température de fonctionnement de la membrane reste proche de sa J 0 = -------- (kg · h−1 · m−2)
valeur initiale. Pour réaliser une extraction donnée, il faudra donc St t
globalement moins de surface (ou moins de temps) relativement au
mode continu. En revanche, la composition du pervaporat varie — capacité de production :
avec l’avancement de la séparation et le rétentat n’est disponible
qu’à la fin de l’opération. Généralement, la charge est stockée dans mt
un réservoir thermostaté et une pompe la fait continuellement circu- J t = -------- (kg · h−1 · m−2)
St t
ler au contact de la membrane afin de limiter les phénomènes de
polarisation de concentration. — rendement en composé B récupéré dans le rétentat :
Ce mode de fonctionnement est bien adapté au traitement de Jt ( 1 Ð Ct )
petites quantités ou de charges disponibles de façon intermittente. R B = --------------------------- (sans dimension)
Une variante de ce procédé peut également s’appliquer lorsque le J0 ( 1 Ð C0 )
procédé de pervaporation est couplé avec un réacteur duquel on
souhaite retirer une espèce qui s’y accumule et perturbe quantitati- — rendement en composé A récupéré dans le perméat :
vement ou qualitativement la production (déplacement d’un équili-
bre chimique ou régénération d’un solvant de procédé). Le J0 C0 Ð Jt Ct
pervaporateur peut alors maintenir le niveau de composition du R A = ------------------------------ (sans dimension)
réacteur en espèce à extraire au-dessous d’un seuil plafond dépen- J0 C0
dant de la vitesse de production et des paramètres de fonctionne-
— composition moyenne du pervaporat :
ment de la pervaporation (température de la charge,
caractéristiques et surface de membrane). Dans ces conditions, la m0 C0 Ð mt Ct
membrane fonctionne en régime stationnaire et le pervaporat se < C ′> = ----------------------------------- (kg/kg)
caractérise par une composition constante. m0 Ð mt

Soient m0 et C0 la masse initiale et la composition associée d’une — énergie consommée par kilogramme de produit B épuré :
charge dont on veut réduire la teneur en espèce A à un niveau Ct à
l’aide d’une membrane de surface S fixée. Comme dans le cas pré- ( m 0 Ð m t ) L p ( < C ′> )
cédent, trois bilans permettent de décrire le système [13]. La varia- E = ---------------------------------------------------- (J · kg−1)
mt
ble d’intégration est le temps écoulé et à chaque instant t sont
associées les grandeurs instantanées m et C qui caractérisent la ■ Remarque relative aux deux modes de fonctionnement (continu
charge, ce qui donne les bilans suivants. et batch)
● Bilan global Les mises en équation des deux modes de fonctionnement (con-
tinu et discontinu) font apparaître une expression commune dans
La perte totale de matière dans la charge est proportionnelle au les relations (2) et (5) exprimant la variation de la concentration ins-
flux de pervaporat Jp, à la surface de membrane S et à l’intervalle de tantanée dans la charge. En effet, on constate que la diminution de
temps dt, soit : la concentration en espèce à extraire (dC ) est toujours proportion-
nelle à un facteur, assimilable à un indice de performance, qui prend
dm = −S Jp(C, T ) dt (4) en compte à la fois le flux et le facteur d’enrichissement. Ce critère

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constitue un bon indicateur pour comparer deux membranes qui


diffèrent à la fois par leurs flux et leurs sélectivités [19]. Cependant,
il ne faut pas oublier que l’utilisation de ce critère de comparaison
n’est valable que pour une situation fixée, définie par la composition Composé
et la température de la charge : organique
Azéotrope ou
pseudoazéotrope
Indice de performance = J p ( C, T ) [ β ( C, T ) Ð 1 ] (6) Pervaporation

2.3 Procédés hybrides Distillation

Charge Pompe à vide


La pervaporation est un procédé qui permet d’optimiser d’autres
procédés de séparation ou d’en étendre le domaine de fonctionne- Condenseur
ment au moyen d’un couplage avec ceux-ci. Parmi les associations
envisageables, la distillation est l’opération unitaire le plus souvent
couplée à la pervaporation selon différentes variantes [3] [22].
■ Couplage avec la distillation simple
Dans les cas des distillations difficiles, et lorsque le composé à Eau
extraire se trouve à faible teneur résiduelle dans la charge, la perva-
poration peut avantageusement s’appliquer pour terminer la purifi- Procédé hybride appliqué à la déshydratation des mélanges
azéotropiques à teneur en eau
cation [12]. Cette situation se rencontre lorsque la courbe d’équilibre
liquide-vapeur est très proche ou coupe la diagonale du diagramme
(cas des azéotropes hydroorganiques positifs). Dans le cas d’une
distillation peu efficace, l’adjonction d’une installation de pervapo- Figure 6 – Couplage de la distillation simple avec le procédé
ration permet de réduire le nombre de plateaux nécessaires à la de pervaporation
séparation. En cas de véritable azéotropie, un procédé hybride
impliquant la pervaporation permet de réaliser la séparation tout en
évitant le recours à l’entraînement par un tiers corps qui contamine
toujours un peu le solvant final et le surcoût dû à l’usage de trois
colonnes couplées en distillation (investissement et énergie de fonc-
tionnement) [23]. Distillation 1 Distillation 2
Azéotrope
Exemple : le montage schématisé sur la figure 6 est bien adapté à
la déshydratation de l’éthanol à 95 %.

■ Couplage avec deux colonnes de distillation


Si la composition azéotropique est proche de la composition
médiane (50/50), le retrait total d’une espèce par pervaporation n’est Charge
pas envisageable d’un point de vue économique. Cependant, la per-
vaporation peut encore éviter le recours à l’entraînement par un ter-
Pervaporation
naire en contribuant simplement à franchir la composition
azéotropique. Il s’agit donc de réaliser une distillation assistée par
pervaporation dans le domaine où la technique classique n’est pas
efficace. Les bornes de composition d’entrée et de sortie du perva- Pompe
porateur sont des grandeurs à optimiser en fonction de critères éco- à vide
nomiques (coûts énergétiques, natures des énergies disponibles,
Eau Condenseur Pyridine
matériels existants...).

Exemple : ce type de couplage est mis en œuvre pour séparer le


mélange azéotropique eau-pyridine (41,3 % en eau) à l’aide d’une
membrane hydrophile [3] (figure 7). Figure 7 – Franchissement des compositions azéotropiques
médianes (proches de 50/50) par couplage d’un module
■ Couplage de la pervaporation avec une étape de décantation de pervaporation avec deux colonnes de distillation

Dans d’autres cas, le couplage de procédés classiques avec la per-


vaporation contribue fortement à augmenter le taux de récupération
autorise de bons flux de matière dans chaque étage de pervapora-
d’espèces diluées.
tion et limite également les phénomènes de polarisation de concen-
Dans les cas où le mélange hydroorganique à séparer présente tration au voisinage des membranes.
une miscibilité partielle caractérisée par une teneur en composé
organique pas trop faible dans la phase aqueuse, il est possible
d’exploiter cette propriété en combinant deux membranes de carac- Exemple : la figure 8 illustre le procédé mis au point par la société
téristiques complémentaires (organophile et hydrophile) avec un Texaco qui valorise de cette façon la méthyléthylcétone (MEC) conte-
décanteur intermédiaire. La première membrane permet d’entrer nue à faible teneur dans des effluents aqueux [24].
dans le domaine de séparation de phase tandis que le décanteur Ce même procédé a aussi été appliqué par GFT, maintenant Sulzer
permet d’obtenir deux phases dont chacune est assez riche en cons- Chemtech, pour récupérer 98 % du n-butanol contenu dans les solu-
tituant préférentiellement transféré par chaque membrane, ce qui tions aqueuses saturées (7,7 %) [3].

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Membrane Décanteur Membrane Liquide Couche Membrane Vapeur


organophile hydrophile homogène limite

10 % MEC 60 % MEC 89 %
Charge
Eau C
MEC 2% C (x )
Jp Facteur de polarisation :
γ = Cm /C
Recyclage ou Cm
C'
traitement sur MEC 99 %
charbon actif
δ x 0

Schéma de principe indiquant l'allure du profil de concentration de


MEC 23% l'espèce préférentiellement transférée au voisinage d'une membrane
de pervaporation
Couplage avec deux étages de pervaporation utilisant des membranes
de propriétés complémentaires
Figure 9 – Polarisation de concentration
Figure 8 – Exploitation de la miscibilité partielle de mélanges
hydroorganiques
Le principe de conservation du flux partiel en A conduit alors à
l’égalité suivante :

3. Limitations du procédé dC
J p C ( x ) + D m --------- = J p C ′ (7)
dx

L’intégration de l’équation (7) est réalisée en utilisant le fait que


3.1 Polarisation de concentration C(x) = C, lorsque x = δ.
Soit :
L’extraction de composés minoritaires qui s’opère au contact
d’une membrane de pervaporation peut être pénalisée par l’exis- C′ Ð C(x) Jp
tence d’une couche limite dans laquelle les teneurs en espèces pré-  
ln  ------------------------ = ---------- ( δ Ð x ) (8)
férentiellement transférées se trouvent abaissées, relativement à la C′ Ð C Dm
composition de la charge liquide homogène. Cet abaissement de la
teneur locale, aussi appelé polarisation de concentration, se traduit Si l’on se place au contact de la membrane (x = 0 et C(x) = Cm), le
généralement par une diminution du flux de matière et surtout par membre de gauche s’écrit :
une diminution de la sélectivité apparente de la membrane [11] [25]
[26]. Il est donc important de connaître les paramètres qui gouver- C ′ Ð Cm βÐγ 1Ðγ 1Ðγ
nent ce phénomène et de pouvoir estimer son amplitude.    
ln  -------------------- = ln  ------------ = ln  1 + ------------ [ ------------ car β >> 1 > γ
Dans le cas d’un mélange liquide binaire, le facteur de polarisa- C′ Ð C βÐ1  β Ð 1 β Ð 1
tion γ est défini comme étant le rapport de la teneur massique en
espèce préférentiellement transférée (espèce A) présente au contact et il vient finalement :
de la membrane, soit Cm, à celle de la composition homogène C
(figure 9) : Jp
γ = 1 Ð ( β Ð 1 ) -------- δ (9)
Cm Dm
γ = -------- < 1
C
Lorsque le régime permanent est atteint, le flux de matière est La relation (9) montre clairement que le phénomène de pola-
constant en tous les points de son parcours. En particulier, le flux du risation est amplifié avec :
constituant A est invariant, qu’il soit considéré à l’aval de la mem- — le critère de performance de la membrane Jp (β − 1) ;
brane ou bien dans la couche limite d’épaisseur δ. Considérons un — l’épaisseur de la couche limite δ ;
élément infinitésimal situé dans la couche liquide à une distance x — la faible diffusivité de l’espèce retenue Dm.
de la surface de la membrane, pour lequel la teneur locale en A vaut Il faut également remarquer que l’expression (9) sous-entend
C(x). Cet élément est le siège de deux effets complémentaires. implicitement que le phénomène de polarisation augmente
D’une part, du fait de l’existence du gradient de concentration de lorsque la teneur C en composé à extraire diminue. En effet,
l’espèce A, celle-ci diffuse et d’autre part, sous l’influence du flux l’expérience montre que β = C ’/C croît lorsque C diminue.
global de matière, cette même espèce migre également par convec-
tion.
En pratique, ce phénomène pourra perturber le transfert des
Pour pouvoir mettre le phénomène en équation [3] tout en molécules de tailles moyennes lorsque les teneurs en composé
conservant les grandeurs avec leurs unités d’usage en pervapora- extrait seront inférieures au pour-cent, seulement dans le cas où
tion, il faut convertir le coefficient de diffusion de A dans le liquide l’agitation de la charge est faible ou inexistante. En revanche, lors-
DA en coefficient de diffusion massique rapporté à une heure Dm ; que le flux de matière est très grand (Jp > 5 kg · h−1 · m−2) ou lorsque
soit : la molécule à extraire est de masse élevée (M > 100 Da), la polarisa-
coefficient de diffusion massique horaire : tion de concentration doit être limitée en assurant un régime
d’écoulement turbulent [11]. Généralement, il n’est pas économique
Dm = DA ρA × 3 600 (kg · h−1 · m−1) d’utiliser la pervaporation pour extraire les derniers millièmes d’un
effluent ; il est préférable de lui adjoindre un traitement annexe, tel
avec DA coefficient de diffusion standard (m2 · s−1), que l’adsorption sur charbon, pour atteindre cet objectif. Cependant,
ρA masse volumique de A (kg · m−3). la valorisation de produits à haute valeur ajoutée, tels que des arô-

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mes alimentaires, peut se faire par pervaporation en mode batch ple, alcool et éther ou hydrocarbure saturé et hydrocarbure aroma-
jusqu’à des teneurs de quelques dizaines de ppm [27] tique [17] [18]).
Exemple : mise en évidence du phénomène
En réalisant la pervaporation successive de deux phases en équilibre
(système présentant une démixtion) avec une même membrane utili- 3.3 Procédé d’épuration
sée dans des conditions hydrodynamiques identiques, il est possible
d’observer des variations de flux partiels tout à fait significatives. ou de déplacement d’équilibre
Par exemple, le traitement de la phase organique du système
eau/ n-octanol (4,7 % massique en eau) ou celui de la phase
aqueuse associée (99,9 % massique en eau) avec une membrane en La pervaporation est principalement une technique de séparation
acétate de cellulose d’environ 3 µm d’épaisseur donne des flux en eau concurrente de la distillation, qui est particulièrement appropriée
respectivement voisins de 0,5 et 2 kg · h−1 · m−2 (T= 40 ˚C et vitesse lorsque cette dernière est peu sélective (cf. paragraphe 1.2). Son
d’agitation = 150 t/min). Au contraire si l’épaisseur de la membrane est avantage se trouve aussi dans la limitation de la fraction de charge
fixée à 20 µm, les deux flux partiels en eau sont égaux, ainsi que le qui est vaporisée au niveau du pervaporat, entraînant une économie
laisse prévoir la thermodynamique, et proches de 0,19 kg · h−1 · m−2 d’énergie d’autant plus grande que la membrane est plus sélective.
[11]. La même expérience réalisée sur le système eau/n-butanol ne Pour que le procédé conserve son avantage, il n’est donc pas envi-
donne pas de résultats différenciés tant que l’épaisseur de la mem- sageable de le faire fonctionner autrement qu’en tant que procédé
brane est supérieure à 2,5 µm, alors que les flux partiels en eau sont d’épuration ou qu’en tant que procédé de déplacement d’équilibre
déjà voisins de 8 kg · h−1 · m−2. (cas des réactions équilibrées ou des zones azéotropiques).
Ce déplacement d’équilibre est souvent associé, à travers un cou-
plage, avec un autre procédé de séparation qu’il peut ainsi rendre
Remarque : l’important transfert de chaleur qui accompagne plus performant (cf. paragraphe 2.3) ou bien avec une réaction chi-
la vaporisation du pervaporat se traduit aussi par la manifesta- mique réversible qu’il contribue à rendre totale [31] [32]. Dans ce
tion d’un gradient de température dans le liquide au contact de dernier cas, la pervaporation permet non seulement d’obtenir une
la membrane. Cependant, les différents auteurs s’accordent conversion complète à partir du mélange de composition stœchio-
pour dire que ce phénomène de polarisation de température est métrique, mais dispense aussi de séparer les produits des réactifs
souvent de faible amplitude et qu’il ne dépasse pas quel- excédentaires.
ques degrés (par exemple, 1,1 ˚C pour un flux d’eau de
0,9 kg · h−1 · m−2) dans les cas les plus critiques [28].

4. Analyse technico-
3.2 Spécificité des membranes économique
Le procédé de séparation par pervaporation trouve son origine au
cœur du matériau membranaire qui est sélectionné pour sa perméa- 4.1 Exemples de séparations industrielles
bilité sélective. En conséquence, chaque type de membrane de per-
vaporation possède des performances limitées à un domaine
d’application, plus ou moins restreint, généralement indiqué par le
fournisseur [46]. On peut cependant essayer de dégager quelques ■ Déshydratation d’éthanol
grandes lignes caractérisant les champs d’application usuels. Principal domaine d’application industrielle de la pervaporation,
la déshydratation finale des coupes de composition proche de la
■ Dans la mesure où il est possible de favoriser le flux au détriment teneur azéotropique (alcool à 95 %) est généralement réalisée par
de la sélectivité (ou le contraire), il existe généralement dans une un procédé hybride (cf. figure 6) associant la distillation et la perva-
même gamme de films des variantes « haut flux » et « haute poration [22].
sélectivité » qui seront plus adaptées pour réaliser respectivement
des opérations de déplacement d’équilibre ou des opérations d’épu- D’un point de vue général, ces procédés hybrides permettent :
ration. Ce genre de matériaux est maintenant courant dans le
— de produire un éthanol quasi anhydre (pureté de 99,7 à
domaine du traitement des mélanges hydroorganiques où les mem-
99,95 %), de meilleure qualité que celui qui est produit par le pro-
branes peuvent aussi présenter une certaine polyvalence tant que
cédé classique de distillation (absence de contamination par un tiers
les charges traitées sont relativement inertes du point de vue chimi-
corps et teneur en méthanol plus faible, car ce dernier alcool est par-
que.
tiellement éliminé dans le pervaporat). Cette qualité le rend apte aux
■ En revanche, lorsque la charge à traiter est relativement agres- usages médicaux et cosmétiques ;
sive (acides organiques, amines, bons solvants...), la membrane — des économies d’énergie importantes par rapport à la distilla-
doit être élaborée sur mesure, ou du moins elle doit être conçue en tion azéotropique avec tiers corps [8] [9] [10] [22]. Sur la base d’une
conciliant une affinité raisonnable avec l’espèce à extraire avec une année de fonctionnement, le bilan, sur une installation hybride utili-
bonne résistance mécanique et chimique dans le milieu traité [29] sée pour déshydrater de l’éthanol à 94 % en masse, fait état d’une
[30]. Cette résistance ne peut souvent s’obtenir que par une densifi- économie d’environ 60 % en coûts opératoires, principalement
cation des ponts, physiques ou chimiques, entre les chaînes macro- d’origine énergétique [10]. En revanche, le coût d’investissement
moléculaires constituant les films organiques. Cela se traduit reste comparable à celui du procédé classique de distillation en pré-
habituellement par des flux de matière moindres et surtout par des sence d’un composé ternaire (tableau 2). Ces chiffres sont à rappro-
domaines d’application beaucoup plus étroits. cher de ceux d’autres fabricants qui revendiquent des économies de
l’ordre de 28 % en coûts d’investissement et de 40 % en coûts opé-
■ Enfin, on peut aussi facilement imaginer que la séparation de ratoires pour un procédé hybride plus complexe associant la perva-
mélanges entièrement organiques fera appel à des membranes très poration à deux unités de distillation dans le cas de la
spécialisées dont l’usage ne sera pas facilement transposable à déshydratation d’éthanol dans la même plage de concentration
d’autres systèmes liquides, sauf si leurs constituants respectifs (94 % à 99,85 %) [33]. Pour plus de détails sur d’autres schémas de
appartiennent à deux familles de molécules identiques (par exem- procédés, le lecteur pourra utilement consulter la référence [22].

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PERVAPORATION ______________________________________________________________________________________________________________________

(0)
■ Purification du carbonate de diméthyle
Tableau 2 – Comparaison des coûts relatifs
Ce dernier exemple, correspondant à une étude de procédé réali-
à la déshydratation d’éthanol à 94 % en masse sée par Texaco, montre l’intérêt de la pervaporation pour le traite-
par les procédés de distillation azéotropique ment de mélanges entièrement organiques. Le carbonate de
et de pervaporation (1) diméthyle forme un mélange azéotropique avec le méthanol (70 %
en masse de méthanol) [34]. Dans ce cas, il serait défavorable
Distillation d’extraire tout le méthanol de cet azéotrope par pervaporation
azéotropique en (composé majoritaire dans la charge à traiter). La pervaporation
Poste de dépense Pervaporation
présence de couplée à la distillation permet de franchir la barrière azéotropique
cyclohexane et de réinjecter un mélange de composition sensiblement différente
Vapeur basse pression 50 à 75 6,25 au niveau d’un plateau inférieur. Comparé à la distillation, le pro-
cédé hybride distillation/pervaporation permet des économies
Eau de refroidissement 7,5 2 importantes en coûts fixes et opératoires comme le montrent les
Énergie électrique 2,25 5,70 données économiques de Texaco rassemblées dans le tableau 4.
Malgré le coût significatif du remplacement des membranes, les
Tiers corps 2,4 à 4,5 coûts opératoires ne sont que d’environ 40 % ceux du procédé con-
Membranes 8 à 16 ventionnel de distillation, principalement en raison d’une impor-
tante économie d’énergie.
Total de coûts 62 à 89 22 à 30
(0)
(1) Coûts évalués en DM par tonne d’éthanol anhydre produit (pureté
finale : 99,8 %) (Bilan portant sur une année, réalisé en 1988 sur une ins-
tallation industrielle [10]). Tableau 4 – Comparaison des coûts pour la purification
du carbonate de diméthyle par distillation
et par un procédé hybride distillation/pervaporation (1)
Remarque : bien que les données technico-économiques Distillation/
publiques sur les coûts et les durées de vie des membranes de Poste de dépense Distillation Pervaporation
pervaporation soient pratiquement inexistantes, les équipemen- (procédé hybride)
tiers indiquent généralement des durées de vie des membranes
supérieures à 3 années si celles-ci sont mises en œuvre correc- Coûts fixes 1,5 × 106 0,6 × 106
tement ainsi que des coûts relatifs modérés (10 à 20 % du coût Coûts des utilitaires 171 000 45 000
de l’infrastructure globale).
Coût du remplace- 21 000
ment des modules
■ Déshydratation d’isopropanol Total des coûts 171 000 66 000
opératoires
La comparaison des coûts énergétiques de trois procédés utilisés (1) Coûts évalués (en US $) pour une production annuelle de 907 t de carbo-
pour la déshydratation de cet alcool (distillation, adsorption et per- nate de diméthyle (Étude économique réalisée en 1991 par Texaco [34]).
vaporation) montre que la pervaporation surclasse très largement
les techniques classiques en termes d’économie d’énergie
(tableau 3). Selon une mise au point récente rassemblant plusieurs
travaux [22], le procédé hybride distillation/pervaporation permet 4.2 Influence des conditions opératoires
une économie en coûts opératoires de l’ordre de 30 à 40 % par rap-
port au procédé classique de distillation par entraînement avec tiers
Pour illustrer l’incidence de différentes conditions opératoires sur
corps (généralement le benzène). Le gain obtenu porte principale- les performances du procédé de pervaporation, nous présentons ci-
ment sur le poste de dépense énergétique. dessous quelques variantes relatives à sa mise en œuvre dans le
cadre d’un système représentatif. Il s’agit de déshydrater un
(0) mélange eau-éthanol, de composition proche de la composition
azéotropique (teneur massique en eau : 5,5 %), à l’aide d’une mem-
brane hydrophile de surface unitaire (1 m2) dont les caractéristiques
Tableau 3 – Évaluation des dépenses énergétiques à 90 ˚C sont indiquées sur la figure 10. Le périmètre utile des modu-
(exprimées en kWh) pour la déshydratation de 100 kg les tubulaires est fixé à 0,50 m et l’objectif du traitement est d’obte-
d’isopropanol (1) nir un rétentat dont la teneur soit proche de 99,5 % en éthanol.
L’énergie d’activation qui caractérise les deux flux partiels de perva-
Distillation Pervapora- porat est fixée à 60 kJ · mol−1 et les résultats qui suivent sont direc-
Postes de dépense Adsorption tement issus du traitement numérique des équations différentielles
azéotropique tion
(1) (2) (3) (4) (5).
Énergie d’évaporation 17 3,3 3,9
■ Plage de température
Énergie de condensation 17
La température est une variable essentielle pour la conduite d’un
Eau de refroidissement 3,3 3,9 procédé de pervaporation. Cette grandeur intervient au niveau de la
performance de la membrane, en déterminant les amplitudes des
Pompes... 2 22 4 flux partiels de matière, ainsi qu’au niveau de l’efficacité du conden-
Total des coûts 36 29 12 seur dont le rôle est de maintenir, à l’aide d’un point froid, le poten-
tiel aval de chaque composé aux niveaux requis. Le contrôle de ces
(1) Déshydratation à partir de l’azéotrope, dont la teneur massique en iso- deux grandeurs suffit d’ailleurs pour piloter entièrement une unité
propanol est de 88 % par trois procédés concurrents (Bilan réalisé par le de pervaporation. Nous supposerons que la température du point
groupe industriel allemand BMVT [12]). froid est suffisamment basse pour assurer la condensation efficace

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d’autant plus élevée que cet intervalle de température est plus étroit
1 1,2
C ' (kg/kg)

J (kg · h–1 · m–2)


ainsi que cela apparaît sur la figure 11 e sur laquelle sont éga-
lement indiqués les nombres de modules associés à chaque valeur
1
de Tt (avec T0 = 90 ˚C). Le nombre de modules à installer sera donc
0,8 fixé en tenant compte de critères économiques. La figure 11 e pré-
sente également le mérite de montrer que le mode de traitement
0,8 discontinu constitue un optimum économique lorsqu’il s’agit de
0,6 minimiser la surface de membrane. Dans ces dernières conditions
(batch), la vitesse de circulation de la charge au contact de la mem-
0,6 brane doit être suffisamment rapide pour pouvoir assimiler la tem-
0,4 pérature de fonctionnement à celle du réservoir d’origine.
0,4 ■ Plage de composition

0,2
La plage de composition dans laquelle le film membranaire doit
0,2 fonctionner a une influence directe sur la surface de membrane à
mettre en œuvre pour traiter une charge donnée. La figure 11 f
représente l’évolution de la teneur en eau Ct dans la charge en fonc-
0 0
tion de son avancement dans le ou les modules utilisés. Les deux
0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1
représentations correspondent au traitement de la même charge ini-
C (kg/kg) tialement chauffée à une température de 90 ˚C. Les cercles noirs
(courbe I) traduisent l’évolution de Ct à travers 4 modules successifs
Figure 10 – Exemple de caractéristiques d’une membrane à base
équipés d’échangeurs de chaleur à leur entrée (cf. cas no 1). Les cer-
de poly (alcool vinylique) pour la séparation des mélanges
cles bleus (courbe II) correspondent à l’évolution obtenue en
eau-éthanol (T = 90 ˚C)
l’absence de réchauffement de la charge (cf. point correspondant à
1 module sur la figure 11 d). Pour obtenir le même résultat en
l’absence de réchauffement de la charge, il faut donc environ 7 fois
des vapeurs et nous allons exclusivement examiner l’influence de la plus de surface de membrane relativement à la disposition compre-
température de fonctionnement de la membrane. nant 4 modules. Un autre fait remarquable est que l’extraction quan-
o
● Cas n 1 titative de l’espèce préférentiellement transférée nécessite d’autant
plus de surface de membrane que sa teneur dans la charge est
On choisit d’alimenter le pervaporateur avec une charge chauffée faible.
à une température d’entrée de T0 = 90 ˚C et on accepte une chute
maximale de température de ∆T = 20 ˚C en sortie de module (cf.
figure 4). La figure 11 a montre la chute de température subie par la Cette caractéristique de la pervaporation alliée au phénomène
charge, du fait de sa vaporisation partielle à travers la membrane, de polarisation de concentration qui se manifeste pour les com-
en fonction de la distance parcourue par celle-ci. Le liquide étant le positions les plus faibles incite à ne pas fixer la teneur résiduelle
plus riche en eau à l’entrée, il s’ensuit que le seuil bas de tempéra- en composé extrait en deçà de 1 000 ppm. Pour atteindre des
ture de sortie Tt est atteint le plus rapidement dans le premier teneurs au-delà de cette limite, il faut envisager d’autres techni-
module ; ce qui détermine la longueur et la surface d’un module élé- ques complémentaires (adsorption, agents déshydratants...).
mentaire pour un débit de charge fixé. La figure 11 a montre éga-
lement que l’opération nécessite d’opérer avec 4 ensembles,
associant un échangeur de chaleur et un module, disposés en série.
Il faut aussi noter que l’amplitude de la chute thermique ∆T obser-
vée à la sortie du dernier module ne représente qu’environ 30 % de 5. Principales applications
celle du premier. Dans ces conditions, le débit de la charge diminue
le long du parcours selon une allure donnée par la figure 11 b. Fina-
lement, pour une surface unitaire, le débit d’entrée correspond à la ■ Applications actuelles
capacité de traitement (ici 3,12 kg · h−1 · m−2) et le débit de sortie En 1996, le groupe GFT, qui représentait l’essentiel du parc des
correspond à la capacité de production (ici 2,95 kg · h−1 · m−2). installations industrielles de pervaporation, comptait 63 unités
o
● Cas n 2 réparties à travers le monde [3]. Les domaines principaux d’applica-
On accepte toujours une différence de température maximale ∆T tion se limitaient presque exclusivement la déshydratation des sol-
de 20 ˚C entre l’entrée et la sortie des modules, mais cette fois on vants puisque la première application était la déshydratation de
considère différentes températures d’alimentation T0. À titre de l’éthanol (22 unités), la deuxième celle de l’isopropanol (16 unités)
comparaison, le calcul est réalisé comme précédemment en pré- et la troisième concernait des installations polyvalentes de dés-
sence de 4 modules de 0,25 m2. La figure 11 c illustre l’importante hydratation de solvants (12 unités). La liste comportait ensuite
décroissance de la capacité de production qui résulte d’un abaisse- 12 unités de déshydratation spécifiquement destinées aux esters
ment de température de la source chaude. Notez que le point haut (4 unités), aux éthers (4 unités), aux mélanges de solvants (3 unités)
de la courbe (T0 = 90 ˚C) correspond au résultat obtenu dans le cas et enfin une unité destinée à la déshydratation de la triéthylamine.
précédent. L’unique application classique dédiée à l’extraction de composés
o organiques de l’eau concernait la récupération de
● Cas n 3
tétrachloroéthylène [35]. Néanmoins, de nouvelles formes de mise
La température initiale de la charge est de nouveau fixée à en œuvre de la pervaporation apparaissent au niveau industriel (cf.
T 0 = 90 ˚C et l’on s’intéresse à l’incidence de l’amplitude ∆T de la § 6).
plage opérationnelle de température acceptée pour le premier
module (en faisant varier la température de sortie Tt) sur le nombre ■ Applications en devenir
de modules qu’il faut disposer sur le parcours de la charge. La Comme cela a été indiqué dans le paragraphe 1.5, la séparation
figure 11 d montre clairement qu’il ne faut pas trop réduire cet de milieux liquides entièrement organiques demande la mise au
intervalle de température si l’on souhaite limiter le coût de l’installa- point de membranes spécialement adaptées. Cette démarche spéci-
tion. Sur cette même figure, le point cerclé situe la configuration qui fique a été abordée dans le cadre de programmes de recherche
a été retenue dans les exemples précédents (4 modules). Cepen- européens Brite développés lors des années 1990-2000. Ces études,
dant, la capacité de production (par m2 de membrane installée) est menées en collaboration entre plusieurs laboratoires et organismes,

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95 3,15 3,5

Température de la charge (°C)

Débit de charge (kg/h)

J0 (kg · h–1 · m–2)


1 2 3 4 1 2 3 4 3
90 Performances obtenues
3,1 avec 4 modules de 0,25 m2
2,5

85
2
3,05
1,5
80

1
3
75
0,5

70 2,95 0
0 0,5 1 1,5 2 0 0,5 1 1,5 2 55 60 65 70 75 80 85 90 95
Distance (m) Distance (m) Température de la charge à l'entrée (°C)

a évolution de la température de la charge b évolution du débit de la charge liquide en c évolution de la capacité de traitement en
liquide en fonction de la distance totale fonction de la distance totale parcourue à fonction de la température d'entrée
parcourue à travers un système associant travers un système associant 4 modules de (chute thermique admise entre l'entrée et
4 modules de 0,25 m2 équipés d'échangeurs 0,25 m2 équipés d'échangeurs de chaleur la sortie du premier module égale à 20 °C).
de chaleur. (conditions thermiques identiques à celles
de la figure a ).

25 5 0,06

Nombre de modules

J0 (kg · h–1 · m–2)

Ct (kg/kg)
Batch
15 20
0,05
20 4 10
9
7
5 0,04
4
15 3
3
0,03
10 2
2
0,02

5 1
0,01
1 I II
0 0 0
0 10 20 30 40 50 40 50 60 70 80 90 100 0 2 4 6 8 10 12 14
T0 – Tt (°C) Tt (°C) Distance (m)

d évolution du nombre de modules nécessaires e évolution de la capacité de traitement en f évolution de la composition de la charge en
selon l'intervalle de température accepté fonction de la température acceptée en fonction de la distance parcourue avec
pour le fonctionnement du premier module sortie du premier module (conditions 4 ensembles (module de pervaporation
(température de la charge liquide à la sortie thermiques identiques à celles de la + échangeur de chaleur) (courbe I)
des échangeurs de chaleur égale à 90 °C). figure d ). ou avec un seul (courbe II).
Les nombres portés sur la courbe indiquent Les deux courbes correspondent à des
le nombre de modules nécessaires. périmètres de modules et à des débits
d'alimentation identiques.

Figure 11 – Déshydratation par pervaporation d’un mélange eau-éthanol contenant 5,5 % en masse d’eau

ont permis de mettre au point des matériaux répondant à des problème représente à l’heure actuelle un défi pour l’industrie
cahiers des charges établis sur des critères de séparation de types pétrolière avec des enjeux importants dans les domaines de l’envi-
industriels. ronnement et de la santé publique.
● Les deux plus importantes séparations visées correspondent à Dans ces deux cas, la pervaporation s’est révélée être une alterna-
des purifications de produits de grand tonnage appartenant au sec- tive intéressante à la distillation dans des plages de composition où
teur pétrolier. cette simple technique classique est inopérante et son potentiel de
La première a pour objet la production d’éthyltertiobutyléther couplage avec la distillation est maintenant bien établi [17] [18] [36]
(ETBE) à moindre coût. En effet, cet agent antidétonant est un com- [37] [38] [39].
posé entièrement organique, synthétisé à partir de la réaction équi- ● Dans le secteur de la chimie, la pervaporation peut apporter
librée entre l’éthanol et l’isobutène. Il forme un azéotrope avec une solution pour déplacer les réactions équilibrées en éliminant
l’éthanol, utilisé en excédent afin de déplacer l’équilibre, conduisant sélectivement un des produits formés ou en améliorant les métho-
à un mélange difficile à séparer par les techniques classiques. des de purification. Cet aspect a déjà fait l’objet de démonstrations
La deuxième séparation étudiée concerne la désaromatisation académiques [31] [32] et commence à être utilisé au niveau indus-
des hydrocarbures et, plus particulièrement, celle des carburants. Ce triel [35] [40].

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● Les effluents issus des industries agroalimentaires de transfor- fonctionnement permet non seulement de faire l’économie d’un
mation peuvent aussi être valablement traités par pervaporation, cycle de changement d’état de la charge ainsi que de l’énergie cor-
soit pour les désodoriser, soit pour extraire et valoriser les compo- respondante, mais permet aussi d’améliorer des procédés anciens
sés d’arôme qu’ils contiennent [27] [43]. (réactions de condensation, d’estérification ou de transestérifica-
tion) [42].
Nota : la perméation de vapeur, concernant des espèces à faibles niveaux de concentra-
tion, est actuellement proposée par des fabricants ou des équipementiers pour sécher des
6. Recherche gaz ou de l’air ou pour extraire des composants organiques d’effluents divers [44].

et développement ■ Procédés
Hormis quelques études de démonstration proposées au tout
début de son développement, la jeune science de la pervaporation
Le procédé de séparation par pervaporation est encore en phase ne compte que très peu d’études publiées intégrant les aspects pro-
de progrès ainsi que l’indique l’important volume annuel d’articles cédés et les aspects technico-économiques. Ce manque constitue
scientifiques internationaux portant spécifiquement sur le thème de un frein à l’expansion et surtout à la diversification de cette méthode
la pervaporation et nous proposons ci-dessous un court résumé des de séparation qui doit disposer d’un cahier des charges précisant les
préoccupations majeures des chercheurs [41]. objectifs à atteindre, en termes de flux et de sélectivité, pour orien-
ter efficacement la recherche de matériaux adaptés à toute sépara-
■ Matériaux et modules
tion nouvelle.
Le premier tiers de l’activité de recherche vise à l’amélioration des
performances des membranes et des dispositifs dans lesquels elles ■ Mécanisme de transfert et physico-chimie
sont disposées. Les matériaux polymères représentent l’essentiel
des sujets d’étude (plus de 90 %) et couvrent de façon équivalente D’un point de vue beaucoup plus fondamental, les processus phy-
toute l’étendue des propriétés recherchées (membranes hydrophi- sico-chimiques qui contrôlent le transfert sélectif du pervaporat font
les, organophiles et organosélectives). Au contraire, les matériaux l’objet d’études conduites en liaison avec le développement de nou-
inorganiques ne représentent qu’une faible partie des publications veaux films. Ces études visent à estimer quantitativement les rôles
alors que ce type de membrane, souvent entièrement minérale et respectifs des deux étapes principales qui gouvernent le passage
tubulaire, commence à prendre une importance significative dans le des composés à travers les membranes, à savoir les phénomènes
monde industriel du fait de leurs caractéristiques exceptionnelles en de sorption et de diffusion, et à établir des relations de type proprié-
termes de flux, de sélectivité et de résistance thermique [45] [46]. tés-structure afin de cibler et d’améliorer les performances des bar-
rières permsélectives.
■ Nouvelles séparations
La deuxième activité, d’importance sensiblement égale à la précé-
La pervaporation n’aurait peut-être jamais connu son essor actuel sans
dente, se focalise sur la recherche de nouvelles séparations ou sur la
la ténacité et l’optimisme du Professeur Émérite Jean Néel qui s’est atta-
mise en œuvre de séparations connues dans de nouveaux contex-
ché à développer et à vulgariser cette technique lors d’une grande partie
tes. Une importante tendance actuelle consiste à traiter directement
de sa carrière scientifique. Les auteurs souhaitent lui rendre hommage en
la vapeur produite en tête de distillation par un dispositif de perva-
lui dédiant cet article à l’occasion de son 75e anniversaire.
poration intégré (perméation de vapeur saturante). Ce mode de

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