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Catalyse acido-basique

par Bernard TORCK


Ingénieur de l’École des Hautes Études Industrielles de Lille
et de l’École Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs
Expert auprès de la Direction de l’Économie et de la Documentation
de l’IFP (Institut Français du Pétrole)

1. Rappel des notions sur l’acidité .......................................................... J 1 210 - 2


1.1 Théorie d’Arrhenius..................................................................................... — 3
1.2 Théorie de Brönsted .................................................................................... — 3
1.3 Théorie de Lewis.......................................................................................... — 3
1.4 Composantes électrostatique et covalente de l’acidité ............................ — 4
2. Catalyseurs acido-basiques et leurs forces respectives............... — 4
2.1 Importance de l’activité protonique ........................................................... — 4
2.2 Acides protoniques en milieu aqueux dilué.............................................. — 5
2.3 Milieu aqueux concentré et fonction d’acidité .......................................... — 5
2.4 Solvants aquo-organiques et organiques ................................................. — 9
2.5 Milieux superacides..................................................................................... — 11
3. Modes d’action des catalyseurs acido-basiques............................. — 12
3.1 Schémas types de catalyse acido-basique ................................................ — 12
3.2 Milieux aqueux ............................................................................................ — 13
3.2.1 Catalyses spécifique et générale en milieu dilué............................. — 13
3.2.2 Catalyse en milieu concentré............................................................. — 15
3.3 Solvants aquo-organiques ou organiques ................................................ — 18
4. Transformation des hydrocarbures en catalyse acide................... — 18
4.1 Caractéristiques de l’activation des hydrocarbures.................................. — 18
4.2 Activation de la liaison π d’une oléfine ................................................... — 19
4.2.1 Réactivité des oléfines........................................................................ — 19
4.2.2 Synthèse du méthyl tert-butyléther (MTBE)..................................... — 19
4.2.3 Polymérisation cationique de l’isobutène ........................................ — 19
4.3 Activation d’une liaison π d’un noyau aromatique.................................. — 19
4.3.1 Alkylation des composés aromatiques............................................. — 20
4.3.2 Production de l’éthylbenzène ............................................................ — 20
4.3.3 Obtention d’alkylats détergents ........................................................ — 20
4.4 Activation d’une liaison σ carbone-hydrogène ou carbone-carbone..... — 21
4.4.1 Évolution des catalyseurs d’isomérisation....................................... — 21
4.4.2 Isomérisation des paraffines ............................................................. — 21
4.4.3 Alkylation aliphatique......................................................................... — 22
4.4.4 Isomérisation des xylènes ................................................................. — 23
Références bibliographiques ......................................................................... — 24
6 - 1991

omme le soulignait G.N. Lewis en 1923, les interactions acide-base


C sont le processus que l’on rencontre le plus fréquemment en chimie orga-
nique ou minérale. Le solvant des réactions en phase liquide peut ne constituer
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parfois que le milieu physique où s’effectue la réaction, mais, presque toujours,


il intervient dans le chimisme du phénomène, et les interactions chimiques
entre le solvant et les réactifs où les produits sont alors du type acide-base.

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La presque totalité des réactions chimiques dans la matière vivante ont lieu
en solution dans l’eau et impliquent des échanges acido-basiques à divers stades,
notamment dans la majorité des processus enzymatiques, et ce n’est d’ailleurs
pas par hasard qu’un grand nombre des premières études fondamentales en
catalyse acide-base sont issues du Laboratoire Carlsberg de Copenhague dont,
entre autres, le travail classique de Sörensen sur le pH paru sous le titre Études
enzymatiques.
Les premières recherches en catalyse homogène, datant du début du siècle,
sont étroitement associées à celles sur la catalyse acido-basique. Ces travaux,
portant essentiellement sur l’étude de la catalyse et des schémas réactionnels
en phase aqueuse et auxquels sont associés les noms d’Arrhenius, Ostwald,
Franklin, Brönsted et Lewis, ont conduit Brönsted à établir des relations per-
mettant de distinguer une catalyse « spécifique » d’une catalyse « générale »,
et Lewis à donner à la notion d’acidité une nouvelle définition, beaucoup plus
générale et toujours en vigueur de nos jours.
L’évolution au cours des années quarante à soixante s’est effectuée en fonction
d’événements nécessitant l’étude et la définition de catalyseurs plus actifs et
mieux adaptés à l’industrie. De ce point de vue, l’industrie pétrolière a beaucoup
contribué au développement d’études devant conduire à la mise au point de nou-
veaux catalyseurs acides, nécessaires au raffinage des coupes pétrolières et
à leurs transformations en produits chimiques. En particulier, le développement
impératif du craquage catalytique a provoqué une évolution considérable des
catalyseurs acides depuis les silico-alumines amorphes utilisées par Houdry en
1930 jusqu’aux zéolithes, beaucoup plus acides et plus sélectives. De même, la
nécessité de produire des essences pour l’aviation et l’automobile a entraîné une
évolution dans le domaine des catalyseurs d’alkylation et d’isomérisation. Dans
les unités d’alkylation, on utilise de l’acide sulfurique ainsi que de l’acide fluor-
hydrique anhydre. Les catalyseurs d’isomérisation d’essences ont été marqués
également par le remplacement progressif des solutions de chlorure d’aluminium
activé par l’acide chlorhydrique, par des catalyseurs solides où des espèces
acides proches de AlCl3 sont greffées sur des supports constitués d’alumine.
Plus récemment, les recherches sur les milieux superacides ont été initiées
dans le but d’activer, à basse température, des composés particulièrement peu
réactifs tels que les paraffines ou les xylènes.
Des interactions entre des acides ou des bases de Lewis et des atomes métal-
liques, pour lesquelles des règles ont été élaborées, sont également présentes
dans les complexes organométalliques utilisés en catalyse de coordination.
L’évolution des connaissances sur les interactions acide-base montre que les
frontières entre la catalyse acido-basique et la catalyse de coordination tendent
à s’estomper si l’on considère les réactions au niveau électronique et les
complexations au niveau des interactions des orbitales des molécules donneur
ou accepteur d’électrons.
L’évolution des notions d’acidité et de basicité depuis les théories anciennes
jusqu’aux conceptions les plus modernes permet de mieux saisir l’impact des
concepts acido-basiques sur la catalyse.

1. Rappel des notions appliquée à des milieux non aqueux a d’abord conduit Brönsted et
Lowry à une première généralisation ne considérant que le proton
sur l’acidité et son transfert au cours d’une réaction acido-basique. Simulta-
nément, Lewis a donné une définition plus générale, ne considérant
l’interaction acido-basique qu’au niveau électronique. Les imperfec-
tions de cette théorie ont plus récemment contribué à l’élaboration
Sans retracer l’historique de la notion d’acide et de base, il est
de nouveaux concepts, règles ou équations qui, bien que n’étant pas
bon de rappeler que, dès la fin du siècle dernier, Arrhenius et Ostwald
universels, permettent d’éclaircir non seulement les phénomènes en
montraient qu’en solution aqueuse les propriétés acides étaient
catalyse acide-base classique, mais aussi les interactions intervenant
engendrées par les composés qui donnaient naissance à des
en catalyse de coordination (cf. article Catalyse de coordination
protons H+ tandis que les propriétés basiques étaient reliées à la for-
[J 1 220]).
mation d’ions hydroxyle OH–. Cette représentation des phénomènes

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1.1 Théorie d’Arrhenius et les bases, celles qui sont aptes à le fixer :
–– –– – – –
Selon Arrhenius, les acides sont des composés qui, en solution SO 4 , CO 3 , OH , CH 3 COO , Cl , NH 3 , H2 O, CH 3 OH, C 2 H5 OC 2 H5 , etc.
dans l’eau, donnent naissance à l’ion hydrogène, comme l’acide
Certains de ces composés tels que H2O, CO3H– ou SO4H–, qui sont
chlorhydrique :
capables de jouer les rôles d’acide ou de base en cédant ou en fixant
CIH → Cl– + H+ un proton, sont appelés amphotères. Du fait de son caractère amphi-
et les bases des composés qui donnent naissance à des ions protique, l’eau donne lieu à un équilibre acide-base d’autoprotolyse :
hydroxyle, comme la soude :
H2 O + H2 O £ H3 O + + OH–
NaOH → Na+ + OH–
caractérisé par la constante d’autoprotolyse :
Quand un acide et une base se neutralisent, il se forme un sel et
de l’eau qui est le solvant : Kw = [H3O+] [OH–] = 1 × 10–14 mol · L–1 à 25 oC
CIH + NaOH → CINa + H2O [ ] désignant les concentrations des espèces considérées.
Sous une forme généralisée, la réaction acide-base consiste en Il existe de nombreux exemples du même type dont quelques-uns
une recombinaison favorable entre les ions pour former le solvant : sont rassemblés dans le tableau 1.

H+ + OH– → H2O

1.3 Théorie de Lewis


1.2 Théorie de Brönsted
En 1923, Lewis propose une nouvelle définition qui caractérise
En 1923, Brönsted et Lowry arrivaient indépendamment à une les interactions acido-basiques sur la base d’une redistribution des
conception plus généralisée de la réaction acido-basique. La réac- électrons de valence des composés plutôt qu’en terme d’échange
tion d’un acide sur une base consiste en un transfert de proton de de proton.
l’acide vers la base, soit par exemple :
— dans l’eau : H3O+ + OH– → H2O + H2O
Selon Lewis, une base est un composé qui possède une paire
+ –
— ou dans l’ammoniac : NH 4 + NH 2 → NH 3 + NH 3 d’électrons libres qui peut être donnée pour compléter la cou-
ronne de valence d’un autre atome ; un acide est un composé
Brönsted définit un acide comme une espèce qui agit comme qui peut accepter un doublet d’électrons libres pour compléter
donneur de proton et une base comme une espèce agissant comme sa propre couronne de valence.
accepteur de proton. On peut remarquer à ce sujet qu’un hydroxyde
alcalin tel que la soude ne répond pas à cette définition puisque la
véritable base est l’ion OH– qu’elle fournit par dissolution et désa- La définition de Lewis étend donc la notion d’acidité et de basicité
grégation du réseau cristallin. à des molécules ou des ions ne possédant pas d’atome d’hydrogène.
La réaction acide-base ne correspond plus au seul échange d’un
Les réactions de transfert de protons peuvent se produire dans proton mais à la mise en commun d’un doublet d’électrons. Parmi
les solvants mais aussi en phase gazeuse, comme dans le cas des
ses exemples d’acides, Lewis inclut le proton H+, SO2 , BCl3 , SnCl4 ,
gaz ammoniac et acide chlorhydrique.
Ag+ ; parmi ses exemples de bases, il cite OH–, I –, S2–, la triméthy-
+
CIH + NH 3 → Cl – + NH 4 lamine, la pyridine, les éthers.
acide base base acide En passant de la conception protonique à celle du doublet d’élec-
trons, Lewis a contribué à donner une vue beaucoup plus globale
L’acide chlorhydrique cède un proton pour donner l’anion Cl– qui du phénomène très général que constitue l’acidité et à rendre cette
est la base conjuguée de l’acide CIH. notion toujours très actuelle.
+ Toutefois, il s’est avéré très rapidement que, du fait de cette
NH 4 , qui a accepté un proton, est l’acide conjugué de la base NH3 . généralisation, il devenait difficile d’effectuer un classement même
D’une manière générale, à un acide fort (c’est-à-dire complètement qualitatif des acides et des bases. En effet, d’après la définition de
dissocié) correspond une base conjuguée faible et à un acide faible, Lewis, il n’existe pas de référence pour effectuer une comparaison,
une base conjuguée forte. contrairement à la théorie de Brönsted où les couples acide-base
Dans cette théorie, les acides sont des substances capables de peuvent être classés par le degré de transfert de proton mesuré par
céder un proton comme par exemple : le pK.
(0)
+
H 3 O + , NH 4 , CIH, CH 3 COOH, H 2 O, CO 3 H – , SO 4 H – , C 6 H 5 OH, etc.

Tableau 1 – Constantes d’autoprotolyse de solvants à 25 oC


Solvant SO4H2 HCO2H CH3CO2H FH H2 O CH3OH C2H5OH NH3

pK = – lgK 3,47 6 12,6 13,7 14 16,6 18,9 29,8


D’après la référence bibliographique [1].

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Néanmoins, un certain nombre de règles générales ont pu être


énoncées pour caractériser l’acidité intrinsèque de ces acides de Tableau 2 – Classification de quelques acides
formule générale MXn [2]. Cette acidité dépend essentiellement de et bases selon le principe HSAB de Pearson
la configuration électronique de l’atome M et des effets du
substituant X . L’acidité décroît à l’intérieur d’un groupe de la Acides durs : Acides mous :
classification périodique des éléments lorsque le volume atomique H+, Li+, Ca2+ CH3Hg+, Cu+, Ag+
augmente. Par ailleurs, quand n est inférieur à 4, l’acidité est d’autant Al3+, Cr3+, Co3+, Fe3+, Ti4+ Pd2+, Pt2+, TI3+
plus forte que l’atome doit prendre moins d’électrons pour compléter BF3 , AlCl3 , Al(CH3)3 GaCl3 , I2
sa couronne de valence. C’est ainsi que les composés des éléments
du groupe III forment les acides de Lewis les plus forts et que, pour Bases dures : Bases molles :
des composés comparables, l’acidité croît selon la séquence H2O, OH–, F– I–, H–, R–, CN–
B > Al > Ga > In > TI. Les composés peuvent également accepter des ROH, R2O, NH3 RSH, R2S, CO, C6H6
électrons en utilisant des orbitales d. L’acidité qui en découle est
toutefois moins marquée que lorsque les électrons complètent un D’après la référence bibliographique [4].
octet. L’utilisation de ces orbitales d est d’autant plus aisée et efficace
que M est plus lourd. Sur la base de nombreux résultats, Satchell
Alors que le principe HSAB s’est avéré utile dans un bon nombre
classe de manière qualitative les acides de Lewis selon la séquence :
de cas, des exceptions de plus en plus nombreuses ont favorisé
BX3 > AlX3 > FeX3 > GaX3 > SbX5 > InX3 > SnX4 > AsX5 l’éclosion de critiques et ont conduit Pearson à redéfinir une nouvelle
> ZnX2 > HgX2 théorie des acides durs et mous comportant deux paramètres : la
dureté absolue et l’électronégativité absolue, définies par une
Les substituants X, dans la plupart des cas des halogènes, modi- combinaison du potentiel d’ionisation et de l’affinité électronique des
fient l’acidité des composés par leurs effets inductifs, mais l’acidité espèces considérées [5].
attendue peut toutefois être perturbée par des effets stériques. Parallèlement, Drago avait proposé en 1965 une équation à quatre
On verra plus loin (§ 2.5) que la détermination de l’acidité des paramètres pour prédire les enthalpies des réactions acido-basiques
milieux superacides, obtenus par introduction des acides de Lewis en phase gazeuse ou dans des milieux peu solvatants :
dans des acides minéraux, permet de classer plus quantitativement
les acides de Lewis. – ∆HAB = EAEB + CACB
l’acide A et la base B étant caractérisés chacun par deux paramètres
indépendants :
1.4 Composantes électrostatique — une valeur E interprétée comme la capacité de l’acide ou de
la base à réagir de manière électrostatique ;
et covalente de l’acidité — une valeur C interprétée comme leur aptitude à former une
liaison covalente.
En fait, progressivement est apparue la nécessité de caractériser Les paramètres E et C ont été déterminés de façon à obtenir le
un acide ou une base par au moins deux paramètres. meilleur accord, pour un grand nombre de complexes acido-
basiques, entre les valeurs des enthalpies mesurées en phase
Ahrland, Chatt et Davies [3] proposent de classer les acides en
gazeuse et celles calculées à partir de l’équation EC de Drago
deux catégories selon leur caractère A ou B découlant de la séquence
ci-dessus [6] [7].
de fixation des anions halogénés : parmi les métaux du groupe IIB ,
le zinc possède le caractère A parce qu’il se fixe plus volontiers à F – Ces tentatives de quantification des interactions acido-basiques,
qu’à I –, tandis que le cadmium et le mercure ont le caractère B parce ainsi que d’autres telles que le nombre donneur de Gutmann ou le
que l’ordre de complexation est inversé. nombre accepteur de Mayer, restent encore imparfaites mais
permettent de mieux appréhender ces interactions et de faire le lien
En 1963, Pearson propose de classer les acides et les bases
avec les interprétations basées sur la théorie des orbitales
suivant leur comportement dur ou mou [4]. Utilisant des données
moléculaires.
concernant la réaction d’échange :

BH + + CH 3 Hg ( OH 2 ) + £ CH2 HgB + + H3 O +
les bases B sont classées dures ou molles selon leur complexation 2. Catalyseurs acido-basiques
préférentielle vis-à-vis de deux acides particuliers, l’un typiquement
dur, le proton H+, l’autre typiquement mou, le cation CH3Hg+. Partant
et leurs forces respectives
du fait que les interactions entre les espèces dures sont essentiel-
lement ioniques et que celles entre les espèces molles sont essen- 2.1 Importance de l’activité protonique
tiellement covalentes, Pearson établit le principe HSAB (Hard and
Soft Acids and Bases) : les acides durs préfèrent s’associer aux bases
Une transformation à laquelle les molécules neutres de coréactifs
dures et les acides mous aux bases molles.
ne peuvent donner lieu qu’avec difficulté, par suite de la répulsion
Une sélection d’acides et de bases, classés selon leur caractère de leurs nuages électroniques, se trouvera facilitée si l’on arrive à
dur ou mou, est donnée dans le tableau 2. Si l’on examine la modifier de manière convenable cette interaction électrique. Ce but
nature des acides durs, on peut constater que le caractère dur est peut être atteint par une polarisation ou, mieux encore, par une ioni-
présenté par des espèces de petite dimension, dont l’état d’oxyda- sation de l’un ou des deux coréactifs.
tion est élevé et qui ne possèdent pas de doublet d’électrons libres
L’ionisation peut être provoquée par la présence d’acides de Lewis
dans leur couronne de valence, caractéristiques leur conférant une
tels que le chlorure d’aluminium, qui ont trouvé de nombreuses
forte électronégativité et une faible polarisabilité. Par contre, les
applications dans toutes les réactions de Friedel et Crafts [8]. Mais
espèces à caractère mou sont des molécules de grosse dimension,
il faut reconnaître le rôle privilégié que peut avoir le proton, parce
dont l’état d’oxydation est faible ou nul et qui sont fortement
qu’il est en effet le seul cation univalent à se réduire au noyau
polarisables.
atomique dont les dimensions sont, en ordre de grandeur, cent mille
(0) fois plus petites que celles des autres ions. Il en résulte que, lorsqu’il
s’approche d’une molécule, il ne met pas en jeu la répulsion entre

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les nuages électroniques et qu’il exerce à son voisinage un champ La force relative de divers acides dans un même solvant se
électrique et par suite une action polarisante particulièrement trouve donc mesurée par la constante d’acidité. Il est commode de
puissants [9]. L’individualité très affirmée du proton donne donc aux considérer dans la théorie de Brönsted, outre le pH introduit par la
interventions des acides et des bases une unité fondamentale qui théorie d’Arrhenius :
se traduit par l’existence de lois quantitatives dont l’utilité va de pair pH = – lg [H3O+]
avec la généralité. En catalyse acide-base, l’activité catalytique des
acides ou des bases est reliée à leurs forces et, d’une manière plus le logarithme de l’inverse de la constante d’acidité :
générale, à l’activité protonique. Mais, du fait de ses propriétés
pKa = – lg K a
particulières, le proton n’existe pas à l’état libre. Il est soit associé
à la base conjuguée du composé porteur d’hydrogène qui peut lui La relation entre le pH et le pKa est donnée par l’expression :
donner naissance, soit associé au solvant S dans lequel s’effectue
la réaction : [ AH ]
pK a = pH + lg ------------
-
AH + S £ –
A + SH
– [ A– ]

La mobilité de l’hydrogène d’un acide selon Brönsted n’est pas En fait, le pKa d’un acide ne sera directement accessible à la
systématique. Elle dépend de la structure de la molécule, en parti- mesure que si l’équilibre acide-base auquel il donne lieu dans l’eau
culier de la différence d’électronégativité entre l’hydrogène et l’élé- n’est pas trop déplacé. Ainsi l’acide acétique en solution dans l’eau
ment auquel il est lié (halogène, oxygène, azote, carbone) et des n’étant que partiellement dissocié, on a coutume de la considérer
effets inductifs, mais aussi de la stabilité des espèces qui sont for- comme un acide faible et l’on peut déterminer son pK a (4,75). Par
mées, due en particulier à la basicité du solvant dans lequel l’équi- contre, l’acide perchlorique est tel que la fraction non dissociée
libre acido-basique s’établit. Ainsi, en solution aqueuse , l’eau n’est pas mesurable. Il en est de même de la première fonction
agissant comme une base vis-à-vis des composés porteurs d’hydro- acide de l’acide sulfurique ainsi que d’autres acides minéraux que
gène, les acides perchlorique ou sulfurique sont complètement l’on appelle acides forts. On traduit souvent le fait qu’au-delà d’une
dissociés du fait de la basicité relative faible des anions certaine force les acides ne se distinguent plus par leur degré de
– dissociation dans un solvant donné, en disant que ce dernier
ClO –4 et SO 4 H . L’acide acétique n’y est que partiellement dissocié exerce un effet de nivellement d’autant plus prononcé qu’il est
parce que la basicité de l’anion CH3COO– est du même ordre que plus basique.
celle de l’eau. L’acide chlorhydrique, qui est un acide fort en solution Le tableau 3 donne la valeur du pKa d’un certain nombre d’acides,
aqueuse, se comporte comme un acide faible dans des solvants tels minéraux et organiques, qui croît de 0 à 16 correspondant à des
que l’acide formique, l’acétone ou le nitrométhane qui sont moins forces acides décroissantes, d’après [10].
basiques que l’eau. Par contre, dans l’ammoniac liquide, plus
Symétriquement, il y aura un effet de nivellement pour les bases
basique que l’eau, l’acide acétique est complètement dissocié et
que l’on peut partager en bases faibles et bases fortes. Pour mesurer
devient un acide fort.
la force d’une base, on prend comme référence la molécule d’eau
Pratiquement, en catalyse, il importe de connaître certes l’acidité solvant :
des composés porteurs d’hydrogène mais, bien plus, l’ activité
protonique des solutions dans lesquelles ces composés ont été H2 O + B £ OH – + BH +
introduits. Il s’avère donc utile de connaître la force relative des [ BH + ] [ OH – ]
composés porteurs d’hydrogène, ce qui a pu être fait en solution K b = ---------------------------------
[B]
aqueuse diluée, mais également de pouvoir comparer entre elles les
solutions acides ou basiques, depuis les solutions aqueuses pour En général, on compare les bases par l’acidité de leur acide
lesquelles il existe un grand nombre de données jusqu’aux milieux conjugué BH+, soit :
superacides ou superbasiques, ainsi que pour des solutions dans
des solvants organiques. Une telle comparaison peut être effectuée [B]
K a = ---------------------------------
correctement par l’intermédiaire des fonctions d’acidité. [ BH + ] [ OH – ]
une base forte aura un pKa supérieur à 14 et l’intervalle de pKa
mesurable dans l’eau va donc, dans ces conditions de 0 à 14.
2.2 Acides protoniques Le tableau 4 donne les valeurs de pKa pour un certain nombre
en milieu aqueux dilué de bases faibles, d’après [10].

L’ionisation d’un acide dans l’eau s’effectue par l’échange proto-


nique entre la molécule porteur d’hydrogène et l’eau agissant
2.3 Milieu aqueux concentré
comme base : et fonction d’acidité
AH + H 2 O £ A – + H3 O +
Le comportement détaillé des acides et des bases, mis en solution
La force d’un acide dans l’eau, c’est-à-dire sa tendance à céder en l’absence de substances réactionnelles, a surtout été étudié en
un proton à celle-ci, peut être exprimée quantitativement par la milieu aqueux. Les valeurs du pKa permettent de comparer la force
constante d’équilibre : des acides et des bases par rapport à l’eau qui joue le rôle de base
[ H3 O + ] [ A – ] ou d’acide.
K = -------------------------------
-
[ AH ] [ H 2 O ] Lorsqu’il s’agit d’activer des réactifs chimiques et de catalyser la
transformation, c’est essentiellement l’acidité de ces solutions qui
Comme on peut considérer que la concentration en molécules présente un intérêt particulier, si l’on considère que le taux de trans-
d’eau non dissociées est constante (55,5 mol · L–1 à 25 oC), la force formation du réactif en son acide conjugué, qui affecte directement
de l’acide est représentée par la constante d’acidité : la vitesse de réaction, résulte de la tendance de la solution à céder
un proton et de celle du substrat à l’accepter.
[ H3 O + ] [ A – ]
- = K [ H 2 O ] = constante
K a = ------------------------------- (0)
[ AH ]
En milieu dilué, les solutions peuvent être considérées comme
et la force de la base A– par l’inverse de la constante d’acidité de idéales. Il est alors possible d’exprimer les équilibres thermo-
l’acide conjugué, 1/Ka . dynamiques en termes de concentration et, en particulier, l’acidité

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Tableau 3 – Valeurs du pKa d’acides (couple AH/A–) Tableau 4 – Valeurs du pKa de bases (couple BH+/B)

Acides pKa Acides pKa Bases pKa Bases pKa

Acide picrique (I) .............. 0,3 Acideβ-naphtoïque ......... 4,2 Acétamide ..................... – 0,5 Pyridine ................................... 5,23
(II) ........... ........ 15 Acide benzoïque................ 4,2 Diméthylformamide ... 0,0 méthyl-3 (picoline γ)....... ........ 5,68
Acide oxalique (I) ............. 1,3 trinitro-2,4,6 ............ ........ 0,65 Urée.................................. 0,4 méthyl-2 (picoline β)...... ........ 5,97
(II) ........... ........ 4,3 dinitro-2,4 ................ ........ 1,4 Acétanilide..................... 0,4 Hydroxylamine ..................... 6,0
Acide maléique (I)............ 1,9 o-nitro ....................... ........ 2,2 Diphénylamine ............. 0,8 N-Diéthylaniline.................... 6,5
(II).......... ........ 6,2 o-chloro ................... ........ 2,9 Acétoxime ..................... 1,8 Éthylènediamine (I)............. 6,8
Acide phosphorique (I)... 2,1 p-nitro ....................... ........ 3,4 Proline (1)...................... 1,9 I(I) ........... ........ 9,9
(II) ........ 7,2 p-cyano .................... ........ 3,5 α-Naphtylamine.......... 4,0 Hydrazine (II)......................... 8,0
(III) ........ 12,4 m-bromo .................. ........ 3,8 β-Napthylamine .......... 4,1 Diéthanolamine .................... 9,0
Glycine (1) .......................... 2,3 o-méthyl ................... ........ 3,9 Aniline.............................. 4,6 Ammoniac.............................. 9,25
Acide isophtalique (I)...... 2,3 o-méthoxy ............... ........ 4,1 p-nitro......................... ........... 1,02 Benzylamine.......................... 9,4
(II) ... ........ 4,7 p-méthyl................... ........ 4,3 dichloro-2,5 .............. ........... 1,2 Éthanolamine ........................ 9,5
Acide malonique (I) ......... 2,8 p-amino.................... ........ 4,9 dichloro-2,4 .............. ........... 2,1 Hexaméthylènediamine (I) 9,8
(II) ....... ........ 5,7 Acide acétique................... 4,75 o-chloro..................... ........... 2,64 II)
( ........ 10,9
Acide tartrique (I) ............. 3,0 trifluoro .................... ........ 0,23 m-méthoxy................ ........... 4,2 tert-Butylamine .................... 10,5
(II)........... ........ 4,2 trichloro ................... ........ 0,66 o-méthyl .................... ........... 4,4 Méthylamine......................... 10,6
Acide salicylique (I)......... 3,0 chloro ....................... ........ 2,9 p-méthyl .................... ........... 5,1 Cyclohexylamine................. 10,6
(II)....... ........ 13,4 acétyl........................ ........ 3,6 N-Méthylaniline........... 4,85 Triéthylamine ........................ 10,9
Acide fumarique (I).......... 3,0 phényl....................... ........ 4,3 Quinoléine ...................... 5,0 Pipéridine................................ 11,1
(II)........ ........ 4,4 triméthyl................... ........ 5,0 N-Diméthylaniline ....... 5,1 Di(n-butyl)amine.................. 11,3
Acide o-phtalique (I)....... 3,1 Acide propionique............. 4,9 Guanidine (2)......................... 13,5
(II) .... ........ 5,4 Acide carbonique (I)........ 6,4 (1) Acide pyrrolidine-carboxylique-2.
Acide citrique (I) ............... 3,1 (II) ..... ........ 10,2 (2) Imino-urée ou carbamide.
(II)............. ........ 4,8 Nitroéthane......................... 8,6 Les bases sont ici classées dans l’ordre croissant de leur pKa ; les valeurs de
(III)........... ........ 6,4 Hydroquinone..................... 9,1 première basicité notée (I) sont indiquées dans la première colonne. Dans la
(IV)........... ........ 16,0 β-Naphtol ............................ 9,6 seconde colonne se trouvent les valeurs du pKa de la seconde basicité éven-
Acide fluorhydrique ......... 3,2 Phénol................................... 9,9 tuelle (II) ou bien celles des dérivés subsititués indiqués en italique.
Acide sulfanilique............. 3,2 p-nitro....................... ........ 7,2
β-Alanine (2)...................... 3,6 p-chloro ................... ........ 9,4
L’équilibre auquel donne lieu une base B en présence d’un pro-
Acide formique.................. 3,75 p-méthyl................... ........ 10,1 ton répond à l’équation stœchiométrique :
Acide glycolique ............... 3,8 Éthylmercaptan................. 10,5
Acide lactique.................... 3,9 Trinitrotoluène.................... 14,4 B + H+ £ BH +
Acide succinique (I) ........ 4,2 Éthylèneglycol ................... 15,1
(II) ...... ........ 5,6 Méthanol ............................. 16,0 et il est caractérisé par la constante thermodynamique :
(1) Acide aminoéthanoïque.
(2) Acide amino-3 propanoïque.
aB aH+ [B] fB
- = ---------------
K BH + = --------------- - a + ---------
-
Les acides sont ici classés dans l’ordre croissant du pKa de leur première aci- a BH + [ BH + ] H f BH +
dité notée (I), dont les valeurs sont indiquées dans la première colonne de
chiffres. Dans la seconde colonne se trouvent les valeurs des pKa des acidi- où a représente l’activité et f le coefficient d’activité, et encore par
tés suivantes, notées (II, III ou IV) ou celles des dérivés substitués indiqués l’expression :
en italique.
[ BH + ] 1 fB
---------------- = ------------ a H + ----------
[B] K BH + f BH +
des solutions d’acide fort s’identifie à la concentration en acide ou
à celle en ions hydronium H3O+, exprimée par le pH. Lorsqu’il dans laquelle le premier membre représente le taux de transforma-
s’agit de transformer des substances peu réactives, la tion de la base en son acide conjugué et le second le produit de la
concentration de l’acide et même celle du réactif peuvent être tendance de la base à fixer un proton (1/KBH+) par la tendance du
grandes. Dans ces conditions, la définition de l’acidité par le pH milieu à le céder.
cesse d’être utilisable. Par exemple, dans le système H2O – H2SO4 , Hammett et Deyrup [11] ont défini en conséquence la fonction
lorsque l’on augmente la concentration en acide, la concentration d’acidité h0 de la manière suivante :
en H3O+ passe par un maximum au voisinage d’une composition
équimolaire, tandis que l’acidité, qui est mesurée par la tendance fB
de la solution à céder des protons à une base, continue à augmen- h 0 = a H + ----------
f BH +
ter. En fait, les ions H3O+ sont alors remplacés par des molécules
H2SO4 encore plus acides. On conçoit qu’il soit alors nécessaire de plus souvent représentée sous sa forme logarithmique, par analo-
s’exprimer en termes d’activité et en particulier de considérer que gie avec le pH :
la véritable grandeur caractéristique de l’acidité est alors l’activité
du proton (aH+). (0)
  = pK [ BH + ]
fB
H 0 = – lg h 0 = – lg a H + ---------- – lg ----------------
Toutefois, la détermination de cette activité protonique dans une f BH + BH + [B]
solution quelconque est d’une part sujette à caution et d’autre part
ne donne que peu de renseignements sur les équilibres acide-base Ainsi définie, l’acidité du milieu peut être exploitable en catalyse.
susceptibles de s’établir, du fait que ces derniers dépendent aussi Par ailleurs, elle est mesurable expérimentalement à condition de
de la force de la base et de son activité en solution. pouvoir déterminer le rapport des concentrations de la base et de
son acide conjugué.

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Pour la commodité expérimentale, Hammett a utilisé comme


bases des indicateurs colorés dont il est facile de distinguer par
spectroscopie les formes base initiale et acide conjugué, et qui se
prêtent à la mesure à des concentrations très faibles, c’est-à-dire sans
modification sensible des propriétés du milieu que l’on cherche à
caractériser. La mesure de H0 se ramène alors à celle des pK BH + .
Dans le cas d’indicateurs assez basiques, le pK BH + peut être déter-
miné directement en solution aqueuse diluée par les méthodes
classiques :


[ BH + ]
pK BH + = lim [ acide ] → 0 lg ---------------- – lg [ H + ]
[B] 
mais, avec les indicateurs faiblement basiques utilisés pour que
leur virage soit observable en solution très acide, cette méthode
n’est plus utilisable. On procède alors par la méthode de chevau-
chement qui consiste à écrire pour deux indicateurs B et C dont les
intervalles de virage s’effectuent dans le même domaine d’acidité :

[ BH + ] [ CH + ]
H 0 = pK BH + – lg ---------------- = p K CH + – lg ----------------
[B] [C]
[ CH + ] [ BH + ]
soit pK CH + – pK BH + = lg ---------------- – lg ----------------
[C] [B]
Cette technique permet de vérifier en même temps la validité de
la définition de la fonction d’acidité par le fait que les courbes
[ BH + ] [ CH + ]
représentatives de lg ---------------- ou de lg ---------------- en fonction de la
[B] [C]
concentration de l’acide sont parallèles ; ce qui revient à dire que,
pour une même activité protonique, les rapports des coefficients Figure 1 – Valeurs de la fonction d’acidité H 0′
d’activité sont égaux : pour divers systèmes acide-eau
fB fC
--------- - = ...
- = ---------
f BH + f CH + (0)

Les indicateurs utilisés par Hammett, anilines primaires, secon- Tableau 5 – Valeurs de H 0′
daires et tertiaires, ainsi que diverses autres bases de nature diffé- pour certains systèmes acide-eau
rente, ne répondaient pas parfaitement à cette condition. Et il s’est
avéré par la suite qu’il était souhaitable de n’associer des valeurs Acide
de fonction d’acidité qu’à une famille d’indicateurs possédant la % en
même structure chimique. C’est ainsi qu’a été définie une fonction masse HClO4 H2SO4 HCl HNO3 H3PO4 HF
d’acidité H 0′ , mesurée avec une famille d’indicateurs constitués [14] [15] [16] [13] [17] [13] [18] [19]
d’anilines primaires portant différents substituants sur le noyau
aromatique et pour laquelle la condition de validité de la fonction 1 .............. + 0,81 + 0,52 .............. + 1,53
d’acidité est respectée. D’autres fonctions d’acidité ont également 2 .............. + 0,53 + 0,16 + 0,33 + 1,29
5 – 0,02 + 0,11 – 0,39 – 0,20 + 0,97 + 0,80
pu être établies [12], comme par exemple la fonction H 0′′′ , obte-
10 – 0,35 – 0,31 – 1,01 – 0,64 + 0,63 + 0,15
nue pour une famille d’anilines tertiaires [13]. 15 – 0,67 – 0,66 – 1,57 – 0,97 + 0,37 – 0,37
Comme on peut s’y attendre, les valeurs des fonctions d’acidité, 20 – 0,98 – 1,01 – 2,12 – 1,28 + 0,15 – 0,55
par exemple les valeurs de H 0′ , varient, pour une même 25 – 1,28 – 1,37 – 2,67 – 1,57 – 0,05 – 1,02
concentration d’acide, avec la nature de l’acide, comme cela apparaît 30 – 1,60 – 1,72 – 3,33 – 1,85 – 0,26 – 1,25
dans le tableau 5 et est illustré par la figure 1. Ces valeurs montrent 35 – 1,94 – 2,06 – 3,98 – 2,10 – 0,48 – 1,60
40 – 2,40 – 2,41 – 4,63 – 2,36 – 0,72 – 2,05
en particulier que l’acide sulfurique à 100 % est environ 1012 fois plus
acide qu’une solution molaire dans l’eau. Si les acidités relatives de 45 – 2,86 – 2,85 .............. – 2,62 – 0,93 – 2,50
ces milieux sont qualitativement les mêmes que les forces relatives 50 – 3,48 – 3,38 .............. – 2,88 – 1,17 – 3,00
de ces acides en solution diluée, il faut toutefois remarquer que 55 – 4,26 – 3,91 .............. – 3,13 – 1,42 – 3,74
l’acide fluorhydrique se distingue par le fait qu’étant un acide faible 60 – 5,27 – 4,46 .............. – 3,42 – 1,66 – 4,30
en solution diluée il devient, lorsqu’il est anhydre, un acide presque 65 – 6,46 – 5,05 .............. – 3,72 – 1,97 – 5,05
aussi fort que H2SO4 à 100 %. En effet, des mesures expérimentales 70 – 7,74 – 5,80 .............. – 3,99 – 2,29 – 5,78
récentes [20] placent la valeur de H0 aux environs de – 11 pour HF 75 – 9,26 – 6,58 .............. – 4,30 – 2,63 – 6,55
anhydre. Des valeurs de H0 pour différents acides fluorobenzène- 80 – 10,8 – 7,34 .............. – 4,62 – 3,05 – 6,85
85 .............. – 8,14 .............. – 4,96 – 3,48 – 7,30
sulfoniques ont également été déterminées [21].
90 .............. – 8,92 .............. – 5,31 .............. – 7,70
95 .............. – 9,85 .............. – 5,77 .............. – 8,26
98 .............. – 10,41 .............. .............. .............. – 9,25
99 .............. – 10,71 .............. .............. .............. – 9,50
99,4 .............. – 11,05 .............. .............. .............. – 9,60
100 .............. – 12,0 .............. .............. ..............

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La fixation d’un proton sur un réactif sujet à transformation cata- Les différences entre les fonctions d’acidité sont attribuables à un
lytique ne se fait pas toujours sur des atomes d’azote mais peut, dans certain nombre de facteurs parmi lesquels il faut prendre en compte
bien des cas, conduire à des espèces chargées positivement sur un toutes les caractéristiques chimiques et structurales de la base et
atome de carbone du type ion carbonium (ou carbocation ). Deux de son acide conjugué avec, en premier lieu, le degré de solvation
autres grandes classes d’équilibres acide-base sont alors impor- par l’eau des différentes espèces impliquées, ce qui a pour résultat
tantes, l’une dans laquelle la fixation du proton sur un groupe qu’une quantité d’eau variable avec le type de base est fixée ou libé-
hydroxyle conduit à la formation d’un ion carbonium avec libération rée dans l’équilibre :
d’eau :
B ( H2 O )b + H + ( H2 O )h £ BH + ( H2 O )a + ( b + h – a ) H2 O
ROH + H + £ R + + H2 O
l’autre qui représente l’addition du proton sur une double liaison Comme la fixation ou la libération d’eau influent sur la thermo-
oléfinique pour donner également un ion carbonium : dynamique de la réaction, la position de l’équilibre dépend de la
quantité d’eau fixée ou libérée. D’une manière formellement plus
R′ + H + £ R ′ H+ rigoureuse, il faut faire intervenir l’activité de l’eau au lieu de sa
concentration. Même si la vérification conserve un caractère formel,
Pour le premier de ces équilibres, une fonction d’acidité, appelée cela est bien illustré par la figure 3 d’après [24] où l’on voit que les
H R , a été établie en utilisant comme indicateurs des diphényl- fonctions d’acidité H 0′ pour les acides perchlorique, sulfurique,
carbinols et des triphénylcarbinols substitués sur le groupe chlorhydrique et nitrique aqueux se disposent de manière régulière
phényle [22]. sur une courbe unique.
Hammett avait également défini une fonction d’acidité H– qui se
a H + f ROH [ R+ ]
H R = – lg h R = – lg ---------------------- = p K R – lg ----------------- rapporte à un équilibre dans lequel la base porte une charge
a H2 O f R + [ ROH ] négative :
– +
Pour le deuxième équilibre, on définit également une fonction A +H £ AH
H R’ : fA– [ AH ]
fR ′ [ R ′ H+ ] H – = – lg a H + -------
- = p K AH – lg ------------
-
- = p K R ′ H + – lg ------------------
H R′ = – lg h R ′ = – lg a H + + ----------- f AH [ A– ]
fR ′ H+ [R′]
Cet équilibre peut caractériser également l’ionisation d’un acide
que l’on détermine avec des phényl-1 ou diphényl-1 alcènes-1 faible utilisé comme indicateur. Les milieux basiques concernent en
substitués sur le groupe phényle [23]. Ces deux fonctions d’acidité premier lieu les solutions aqueuses de bases fortes comme les
sont apparentées car elles impliquent des cations qui sont similai- hydroxydes alcalins ou les hydroxydes d’ammonium quaternaire.
res et il existe entre elles la relation : Des mesures ont été effectuées pour ces solutions en utilisant
H R ′ = H R – lg a H 2O comme indicateurs une série d’indoles substitués. Le tableau 6
donne les valeur de H– pour des solutions aqueuses de différents
L’allure de la variation de ces fonctions d’acidité avec la hydroxydes alcalins et de l’hydroxyde de benzyltriméthyl-
concentration en acide sulfurique est illustrée sur la figure 2 où ont ammonium.
été portées également pour comparaison les fonctions d’acidité
H′0 et H ′′′
0 .

Figure 3 – Relation entre la fonction d’acidité H 0′ et l’activité


de l’eau a H O dans les solutions aqueuses d’acides perchlorique,
Figure 2 – Comparaison des différentes fonctions d’acidité à 25 oC 2
sulfurique, chlorhydrique et nitrique, à 25 oC
pour le système eau-acide sulfurique

(0)

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Tableau 6 – Valeurs de H– à 25 oC dans différentes solutions Tableau 7 – Valeurs de H– pour des mélanges
aqueuses d’hydroxydes eau-bases organiques
Base
[Hydroxyde] LiOH NaOH KOH C6H5CH2(CH3)3N+OH–
(mol · L–1) [25] [25] [26] [25] [27] % en masse Éthylène-
Hydrazine Éthanolamine
diamine
0,01 .............. 12,01 .............. 12,02 [28] [31]
[29] [30]
0,02 .............. 12,31 .............. 12,32
0,05 .............. 12,71 .............. 12,72 5 11,18 12,03 12,05
0,1 .............. 13,0 13,0 13,02 10 11,55 12,50 12,22
0,5 13,68 13,71 13,75 13,75 20 12,20 13,30 12,60
1 13,96 14,02 14,11 14,26 30 13,10 14,05 13,00
2 14,26 14,37 14,51 15,27 40 13,95 14,90 13,45
2,5 14,36 14,54 14,69 16,38 50 14,70 15,80 13,85
3 14,45 14,65 14,85 60 15,38 16,60 14,25
4 14,58 14,95 15,15 70 15,65 17,35 14,58
5 14,71 15,20 15,44 80 .......................... 17,90 14,89
8 .............. 15,75 16,33 90 .......................... 16,30 15,10
10 .............. 16,20 16,90 100 .......................... 15,50 15,35
12 .............. 16,58 17,39
15 .............. 17,10 18,23
16 .............. 17,30
2.4 Solvants aquo-organiques
et organiques
Bien que la plupart des bases organiques soient faibles si l’on
considère les valeurs de pK données dans le tableau 4, leur mélange
avec de l’eau conduit à des solutions relativement basiques. C’est En milieu organique anhydre, les fonctions d’acidité sont éga-
le cas en particulier pour l’hydrazine, l’éthylènediamine et l’étha- lement mesurables et permettent donc aussi de chiffrer le degré de
nolamine dont les valeurs de H– sont données dans le tableau 7. Il transformation d’une base B en son acide conjugué BH+. Pour la
faut remarquer que l’éthylènediamine est le composé qui donne les comparaison des échelles d’acidité d’un milieu à l’autre, on utilise
valeurs de H– les plus fortes avec, en particulier, un maximum pour l’eau pure comme solvant de référence, c’est-à-dire que les pK BH +
une solution contenant 80 % de base, dont la valeur de H– égale à des indicateurs utilisés en milieu organique sont les mêmes que ceux
17,90 est aussi élevée que celle des solutions concentrées d’hydro- mesurés en milieu aqueux. D’une manière générale, on constate que
xydes alcalins. Ces milieux présentent par ailleurs l’avantage d’être la tendance de la solution à céder des protons, mesurée par la fonc-
de bons solvants pour de nombreux composés organiques, contrai-
rement aux solutions d’hydroxydes alcalins. tion H 0′ , est d’autant plus marquée que le solvant a un caractère
basique moins prononcé, comme le montre la figure 4. Il ressort des
Les catalyseurs basiques sont beaucoup moins utilisés industriel- courbes représentées que l’acide sulfurique possède une activité
lement que les catalyseurs acides. Ils interviennent néanmoins dans protonique beaucoup plus grande dans le nitrométhane que dans
la fabrication de certains copolymères, comme par exemple sous l’eau. En effet, pour des solutions d’acide sulfurique à 5 % en masse,
forme d’amines dans la fabrication de mousses de polyuréthannes
à partir d’isocyanates ou encore dans la formation de certaines le rapport des activités protoniques est d’environ 106 entre le nitro-
résines phénolformaldéhyde. méthane et l’eau, et de 10 4 entre le sulfolane et l’eau. Plus
concrètement, on peut dire qu’une solution à 5 % en masse d’acide
Ils sont utilisés également dans la polymérisation de diènes ou
dans le nitrométhane équivaut du point de vue acidité à une solution
de monooléfines. La réactivité des oléfines en présence de cataly-
à 75 % dans l’eau.
seurs basiques est l’inverse de celle obtenue en catalyse acide, à
savoir : Les acides forts, qui sont équivalents en milieu aqueux dilué par
suite d’un effet de nivellement, se différencient dans les solvants
éthylène > propylène > butène-1 > butène-2 > isobutène organiques peu basiques et présentent donc des fonctions d’acidité
Il faut par ailleurs remarquer qu’en catalyse basique les produits différentes [35]. C’est ce que montrent les données de la figure 5 rela-
de réaction sont souvent différents de ceux obtenus en catalyse tive aux acides perchlorique, sulfurique et chlorhydrique, employés
acide. En particulier, l’éthylène s’alkyle sur le noyau aromatique du en faible concentration dans l’acide acétique anhydre. D’un acide au
toluène en catalyse acide tandis qu’il s’additionne au groupement suivant, la fonction d’acidité H0 diffère d’environ une unité, pour une
méthyle en catalyse basique : même concentration d’acide ; l’acide perchlorique apparaît donc
dans l’acide acétique cent fois plus fort que l’acide chlorhydrique.
Dans les milieux constitués de mélanges d’eau et de solvant orga-
nique permettant d’effectuer des transformations de réactifs qui sont
impossibles dans l’eau pure ou dans un solvant pur pour des raisons
de solubilité, la fonction d’acidité reste très utile, tout d’abord pour
situer l’activité protonique de la solution et également comme
instrument pour l’étude des schémas et des mécanismes réac-
tionnels. Dans les mélanges eau + p-dioxanne [36], la détermination
des fonctions d’acidité montre que les acides forts se différencient,
comme ils le font dans l’acide acétique.

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Figure 5 – Valeurs de H0 à 25 oC pour différents acides HA


dans l’acide acétique anhydre (d’après [35])

lorsque le pourcentage de solvant organique augmente, mais on


obtient alors des niveaux de basicité beaucoup plus élevés. Les résul-
tats, donnés dans le tableau 8, montrent que le diméthylsulfoxyde
Figure 4 – Valeurs de H 0′ à 25 oC pour l’acide sulfurique est un solvant particulièrement intéressant pour la catalyse basique.
dans différents solvants Lorsqu’il est pratiquement anhydre et avec une faible concentration
d’hydroxyde de tétraméthylammonium, il est possible d’atteindre des
valeurs de H– proches de 26.
La détermination de la basicité de solutions de bases dans des (0)
milieux organiques et aquo-organiques a également pu être effec-
tuée par l’intérmédiaire de la fonction H– et a permis de montrer
que, si la fonction H– reste limitée à 18 dans les milieux aqueux, Tableau 8 – Valeurs à 25 oC de H– dans les mélanges d’eau
l’utilisation de certains solvants organiques conduit à des milieux et de solvants aprotiques contenant 0,011 mol/L
très basiques dont la valeur de H– peut atteindre 26 dans certains d’hydroxyde et tétraméthylammonium
cas, soit des milieux apparemment 10 8 fois plus basiques que les
solutions concentrées de base forte dans l’eau. Diméthyl-
Solvant Pyridine Sulfolane
Le cas le plus étudié est celui des solutions de méthoxyde de sulfoxyde
% molaire [27] [39] [27] [39]
lithium, de sodium et de potassium dans le méthanol anhydre [37]. [27]
Si les valeurs de H– dans le méthanol sont de 0,5 à 2 unités plus 1 12,27 12,36 12,16
élevées que celles obtenues en solution aqueuse, des solutions
5 12,60 12,52 12,64
encore plus basiques peuvent être obtenues en remplaçant le métha-
10 13,04 12,74 13,24
nol par d’autres alcools [38]. En particulier, pour de faibles
15 13,44 12,97 13,85
concentrations d’alkoxydes [RO–], une relation simple a pu être
établie : 20 13,75 13,22 14,46
30 14,33 13,72 15,52
H – = B + ln [RO–] 40 14,76 14,25 16,49
avec B constante caractéristique de la basicité des alcools et 50 15,05 14,88 17,45
amino-alcools considérés. 60 15,31 15,56 18,49
65 15,40 15,94 19,00
Cette relation montre, à partir des valeurs de B données par
Bowden [39], qu’il est possible d’obtenir, en utilisant par exemple 70 .......................... 16,37 19,51
le tert-butanol comme solvant (B = 20,14), des basicités 107 fois 80 .......................... 17,23 20,57
plus élevées que dans le méthanol (B = 13,66). 90 .......................... 18,30 21,95
95 .......................... 19,28 23,08
Dans les mélanges d’eau et d’une proportion croissante d’alcool, 98 .......................... .......................... 24,31
on observe une croissance monotone de la fonction H–. Avec des 99 .......................... .......................... 25,13
solvants aprotiques tels que la pyridine, le sulfolane et le diméthyl-
99,5 .......................... .......................... 25,94
sulfoxyde, on obtient également une croissance continue de H– ,

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2.5 Milieux superacides Des mesures de la fonction d’acidité H0 pour des solutions de ces
acides de Lewis dans FSO3H ont été effectuées par la méthode des
indicateurs colorés de Hammett [51] et leur valeurs sont présentées
Dans les années soixante-dix s’est manifestée une recrudescence sur la figure 6b. Contrairement à l’augmentation considérable
d’intérêt pour les milieux fortement acides, depuis la mise en évi- d’acidité que SO3 entraîne en solution dans SO4H2 , il ne modifie que
dence que certains de ces milieux sont de un million à un milliard faiblement l’acidité de FSO3H. Par contre, l’introduction de penta-
de fois plus acides que les acides minéraux à l’état concentré et que fluorure d’arsenic et surtout de pentafluorure d’antimoine conduit
l’on peut y préparer de nouvelles entités, jusqu’alors inconnues, à des milieux de très forte acidité (H0 = – 19) qui peut d’ailleurs être
chargées positivement et très réactives [40] [41] [42]. Outre que ces
milieux sont particulièrement adaptés à la formation et à l’étude des encore renforcée par l’introduction de SO3 . Il se forme alors des
ions carbonium puisque ces derniers peuvent s’y retrouver à des fluorures-fluorosulfonates d’antimoine tels que SbF 4 SO 3 F ou
concentrations pouvant atteindre 2 mol/L [43], de nouvelles espèces SbF2(SO3F)3 dont l’acidité de Lewis est donc plus forte que celle
électrophiles polyatomiques, où la charge positive se trouve loca- de SbF5 .
lisée sur des atomes autres que le carbone, ont été découvertes. Les
hétéroatomes peuvent être O, S, Se, Te, N, Cl, Br, I, H, Xe, Kr. Ainsi D’autres déterminations de H0 ont été effectuées pour les acides
+ + + + perfluoroalcanesufoniques et leurs mélanges avec SbF5 [52]. Ces
ont pu être mises en évidence les espèces I2 , I3 , Br 3 [44], H3 O2 [45] composés sont moins acides que FSO3H. En effet, la valeur de H0
+ de l’acide trifluorométhanesulfonique, CF3SO3H, est égale à – 14,1
ou NO 2 ...
et l’acidité diminue lorsque le nombre d’atomes de carbone aug-
Dans de tels milieux, on observe des réactions inhabituelles mente pour atteindre la valeur H0 = – 12,3 pour C6F13SO3H. Toute-
comme l’activation des paraffines à basse température [40] [41] [42]
fois, l’augmentation de – H0 pour les mélanges avec SbF5 est
avec formation d’hydrogène [46] ou la formation de carbocations tels
+ + relativement plus importante pour les acides à nombre d’atomes
que CH 3 et CH 5 par activation du méthane [47]. La réactivité des de carbone élevé (figure 6b ).
composés organiques y est telle qu’on peut y effectuer de façon La détermination de H0 par la méthode des indicateurs de
sélective des réactions difficiles telles que l’isomérisation « phénol- Hammet reste limitée à des valeurs de – 19 du fait qu’il n’existe pas
diénone » en série stéroïde [48], et que ces diénones peuvent être de composés de basicité suffisamment faible pour pouvoir détecter
réduites sous pression d’hydrogène [49]. un équilibre d’ionisation.
Les oléums sulfuriques sont sans doute, avec les catalyseurs de Une autre méthode, utilisant la mesure des déplacements
Friedel et Crafts AlCl3 + HCl, les premiers milieux superacides qui chimiques en RMN [53] [54] [55], a permis d’étudier des milieux
aient été utilisés. d’acidité plus forte (H0 = – 20,5). Des mesures [56], effectuées pour
En fait, un milieu est appelé arbitrairement superacide lorsque des concentrations plus élevées en SbF5 , montrent que H0 atteint
son acidité est plus élevée que celle de l’acide sulfurique à 100 % une valeur égale à – 26,5 lorsque la fraction molaire en SbF5 est
(H0 = – 11,9). égale à 90 %. Cette méthode a permis de constater également que
SbF5 —FH est plus acide que SbF5 —FSO3H, bien que l’acide
L’acide sulfurique à 100 % peut donc constituer un solvant à par-
fluorhydrique soit un acide moins fort que l’acide fluorosulfurique.
tir duquel il est possible d’obtenir des milieux superacides [50]. En
En effet, un mélange contenant 1 % en moles de SbF5 est mille fois
y dissolvant SO3 , il est connu que l’on obtient, par suite des réac-
plus acide dans FH (H0 = – 20,5) que dans FSO3H (figure 6b ). Cette
tions équilibrées, l’acide disulfurique S2 O7 H2 et des acides polysul- acidité particulièrement élevée des mélanges SbF5 —FH doit être
furiques tels que S3 O10 H2 et S4O13H2 qui peuvent s’ioniser en due au déplacement très prononcé de l’équilibre d’autoprotolyse

solution selon des équilibres dans lesquels SO4H2 joue le rôle de de FH par suite de la formation, en plus de SbF 6 , d’anions
– –
base : polymériques très stables tels que Sb 2 F 11 et Sb 3 F 16 .
S 2 O 7 H 2 + SO 4 H 2 £ HS2 O–7 + SO4 H+3 Ce déplacement de l’équilibre d’autoprotolyse peut être provoqué
par d’autres acides de Lewis et le classement d’un certain nombre
Les valeurs des fonctions d’acidité de ces mélanges, d’après [50] de ces acides a pu être obtenu dans l’acide fluorhydrique par une
présentées sur la figure 6a montrent que l’introduction de SO3 méthode électrochimique [57] [58] conduisant à des valeurs expri-
augmente fortement l’acidité de la solution, puisqu’un oléum mées dans l’échelle rédox R (H). Pour une solution contenant 2 %
contenant 75 % en mole de SO3 et dont la valeur de H0 est égale en moles de SbF5 dans FH, R (H) = – 27,9. À partir de cette valeur
à – 14,9 est mille fois plus acide que l’acide sulfurique. Un autre et de celle obtenue pour une solution molaire de KF dans FH
acide fort, HB(SO4H)4 , peut être obtenu en dissolvant l’acide bori- [R (H) = – 14,2], le niveau d’acidité des solutions de divers acides de
que dans l’oléum. Les acides chloro- et fluorosulfuriques n’aug- Lewis dans l’acide fluorhydrique a pu être situé dans cette échelle
mentent que faiblement l’acidité de l’acide sulfurique. Par contre, selon le classement suivant :
lorsque la composition tend vers 100 % dans le cas de FSO3 H, SbF5 > AsF5 > TaF5 > BF3 > NbF5 > PF5
l’acidité augmente fortement jusqu’à atteindre une valeur
H 0 = – 15, indiquant que l’acide fluorosulfurique est mille fois plus R (H) = – 27,9 – 25,8 – 23,3 – 21,3 – 20,9 – 18,2
acide que l’acide sulfurique. De même que des traces d’eau dimi-
nuent fortement l’acidité de SO4H2 , des traces de ce dernier font Ces résultats sont en accord avec les déterminations de H0 effec-
chuter celle de FSO3 H. On conçoit donc qu’aucun autre acide miné- tuées dans ces milieux [20].
ral puisse renforcer l’acidité de FSO3H.
Par contre, un certain nombre d’acides de Lewis tels que SO3 ,
AsF5 , SbF5 se comportent comme des accepteurs d’anions et
+
contribuent à augmenter la concentration en FSO 3 H 2 en
déplaçant l’équilibre d’autoprotolyse vers la droite.

2 FSO 3 H £ FSO3 H+2 + FSO–3


+ –
2 FSO 3 H + SbF 5 £ FSO 3 H 2 + FSO 3 SbF 5

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Figure 6 – Valeurs de la fonction d’acidité H0 pour différents milieux superacides

3. Modes d’action — la transformation de celle-ci, intramoléculairement ou avec un


coréactif, dans une étape qui peut également être catalysée par les
des catalyseurs acides ou les bases présents dans le milieu.
L’ensemble des schémas réactionnels est alors commandé par
acido-basiques les valeurs relatives des constantes de vitesse k1 , k –1 et k2 . Les
diverses situations possibles peuvent être clarifiées en considérant
quelques cas limites, soit par exemple en catalyse acide les deux
3.1 Schémas types de catalyse cas ci-après.
acido-basique
■ k 2  k –1
Dans la transformation de molécules neutres, la catalyse par les La consommation de HSH+ par la seconde étape compte peu
acides et les bases est essentiellement régie par le proton qui, du devant celle qui résulte de la réaction inverse de la protonation ini-
fait de sa nature particulière, permet d’obtenir aisément des espèces tiale. La concentration du substrat protoné est alors réglée essen-
franchement ionisées, soit par son transfert sur un substrat neutre tiellement par l’équilibre préliminaire. Si l’équilibre est tel que HSH+
en catalyse acide, soit par son extraction de substrat par l’intermé- reste en concentration faible ( k 1  k –1 ) , on est en présence d’un
diaire d’une base en catalyse basique. cas classique de catalyse acide où, dans l’étape lente qui consiste
en la transformation de HSH+, peuvent intervenir non seulement le
Le processus fondamental de la catalyse acido-basique est donc
coréactif R mais aussi les catalyseurs H2O, A–, OH –...
constitué d’au moins deux étapes, comme le montre la figure 7 :
— la production par transfert de proton de la forme réactionnelle
intermédiaire, ionisée positivement ou négativement dans une
réaction équilibrée ;

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Figure 7 – Schémas types


de catalyse acido-basique

■ k 2  k –1 Un cas classique de catalyse acide est celui où le substrat est


La consommation de HSH+ est assurée essentiellement par la d’abord transformé en son acide conjugué, par un équilibre rapi-
seconde étape et l’ensemble se présente comme deux réactions dement établi, mais tel que la concentration de cet acide conjugé
consécutives. Si l’on a k 1  k 2 , HSH+ apparaît en quantité expé- reste petite devant celle du substrat initial. La réaction subséquente
rimentalement mesurable comme l’intermédiaire de la suite de est donc lente, comparée à celles qui composent l’équilibre, et
deux réactions. Ce n’est pas à proprement parler un cas de cata- constitue l’étape cinétique de l’ensemble. Cela revient à avoir :
lyse acide. Si, par contre, on a k 1  k 2 , c’est un cas de catalyse k 1  k –1 et k 2  k –1
acide dans laquelle le réactif R et les catalyseurs H2O, A–, OH–,
impliqués seulement dans les processus qui suivent l’étape lente, ■ Si cette étape lente n’implique que l’acide conjugué du substrat :
ne se manifestent pas cinétiquement.
Les cas limites considérés sont plutôt la règle, compte tenu de la + HA
relativement faible probabilité pour que les constantes de vitesse +
aient des valeurs comparables.
HS £ HSH
lent
produits
rapide
Il faut ajouter que, dans les cas classiques de catalyse acide, la
formation des produits dans la seconde étape s’effectue avec régéné- l’équation de vitesse prend la forme :
ration du proton, et c’est pour cette raison qu’il est considéré comme
le catalyseur de la transformation. C’est effectivement le cas lorsque v = k2 [HSH+]
le proton a été fixé initialement sur des atomes électronégatifs tels
que l’oxygène ou l’azote et, d’une manière générale, lorsque les réac- En solution aqueuse diluée, si les divers acides HAi sont du type
tions s’effectuent en milieu aqueux. classique, c’est-à-dire donnent lieu à des équilibres de dissociation
très rapides :
On peut toutefois remarquer que cela n’est pas toujours le cas,
en particulier lorsque l’équilibre préliminaire conduit par transfert HA i + H 2 O £ H3 O + + Ai–
de proton à la formation d’ions carbonium qui peuvent réagir dans
certains cas, au cours de l’étape lente, en redonnant d’autres ions l’ensemble des équilibres qu’ils donnent avec le substrat peuvent
carbonium. On peut alors les considérer comme les catalyseurs de être représentés par l’équilibre avec H3O+, puisqu’ils sont tous
la réaction, puisque le proton n’intervient plus directement dans la interdépendants et très rapides :
réaction mais ne sert en fait qu’à l’initier et à maintenir une
concentration stationnaire en ions carbonium. C’est effectivement H 3 O + + HS £ H2 O + HSH +
ce qui se passe lors de l’activation des hydrocarbures par les milieux
superacides. La concentration en HSH+ peut être exprimée en fonction de cet
équilibre à partir de sa constante de dissociation K + :
HSH
1
3.2 Milieux aqueux [ HSH + ] = --------------- [ H 3 O + ] [ HS ]
K +
HSH

3.2.1 Catalyses spécifique et générale l’équation de vitesse s’exprime donc de la manière suivante :
en milieu dilué
k2
v = --------------- [ H 3 O + ] [ HS ]
La manière la plus courante d’étudier les processus de catalyse K +
HSH
acido-basique est de mettre en œuvre les réactifs et l’acide en faible
concentration dans un solvant qui, dans la plupart des études, est L’apparence cinétique de la réaction est alors celle d’une catalyse
l’eau. Il est alors possible de procéder à une analyse des principaux par les ions hydronium seuls, quels que soient la nature et le nombre
schémas simples et des cinétiques correspondants [59]. des acides réellement présents, et l’on parle de « catalyse
spécifique » par ces ions.

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Un exemple de réaction de ce type est celui de l’hydrolyse des acide et basique, à l’établissement des schémas réactionnels
acétals conduisant à une molécule d’aldéhyde et deux molécules suivants :
d’alcool :

■ Si l’étape lente est elle-même catalysée par les bases dont la


fonction est de reprendre un proton à l’acide conjugué du substrat, Sous l’action des acides, il se produit une transformation rapide
l’équation de vitesse s’écrit alors : du substrat en son acide conjugué avec fixation du proton sur
k2 l’oxygène. L’étape lente de la transformation résulte du transfert
v = --------------- [ HS ] [ H 3 O + ] [ A – ] d’un autre proton du groupement CH3 sous l’action des différentes
K +
HSH bases présentes dans le milieu (H2O, OH –, A–) conduisant à un
Compte tenu que cette base est elle-même en équilibre avec les dérivé énol qui subit dans une troisième étape une captation
ions hydronium dans un équilibre régi par la constante : rapide par l’halogène.
En catalyse basique, c’est la production de l’ion énolate par arra-
[ H3 O + ] [ A – ] chement d’un proton lié au carbone, sous l’action des diverses
K HA = -------------------------------
-
[ HA ] bases, qui constitue, au cours de la première étape, le processus
lent. La captation de cet anion par l’halogène s’effectue alors de
l’équation de vitesse prend la forme : manière rapide.
k 2 K HA On voit donc que, dans un cas comme dans l’autre, les bases
v = ------------------- [ HA ] [ HS ] interviennent dans le processus lent pour extraire un proton. Dans
K +
HSH le premier cas, la réaction répond formellement à une catalyse
– généralisée par les acides, on a alors :
et si plusieurs bases A i sont présentes, il vient :
v = ( k 0′ + k ′ + [ H 3 O + ] + k HA
′ [ HA ] + ... ) [ HS ]
1
v = --------------- [ HS ] ∑  k 2 K HAi [ HA i ] 
i H
K +
HSH i où les constantes englobent les constantes d’équilibre et la
constante de vitesse propre à la base, soit :
Dans ce cas, la catalyse est provoquée non seulement par les ions
hydronium mais, à des degrés divers, par tous les autres acides. A–
k 2 K HA
L’apparence est celle d’une « catalyse générale » par les acides, qui k ′HA = --------------------
-
est, en fait, une catalyse générale par les bases conjuguées de ces K HSH +
acides, ayant pour fonction d’extraire, au cours de l’étape lente, un
proton qui peut d’ailleurs être différent de celui fixé initialement sur et où k 0′ est la constante relative à l’eau.
le substrat. Dans le second cas, la réaction répond à une catalyse généra-
Le premier exemple de catalyse acide générale a été établi pour lisée par les bases et l’on a :
la réaction entre l’acétone et l’iode. La catalyse générale par les
v = ( k 0 + k A – [ A – ] + k OH – [ OH – ] + ... ) [ HS ]
bases a été démontrée par Brönsted [60] pour la décomposition de
la nitramide. La mutarotation du glucose est également sujette à
où les constantes sont alors les constantes vraies de la première
une catalyse générale par les acides et les bases.
étape relatives à chacune des bases.
L’halogénation des cétones, qui a fait depuis de nombreuses
Les bases se caractérisent par une réactivité qui est en raison
années l’objet d’un ensemble important de travaux, constitue un
inverse de la force des acides qui les engendrent, puisqu’elles
exemple particulièrement intéressant d’une catalyse acide-base
agissent en enlevant un proton. Pour relier l’activité catalytique des
généralisée [59]. Cinétiquement, la réaction se manifeste par un
acides et des bases à leur constante d’acidité, des relations appe-
ordre 1 par rapport à la cétone et par un ordre 0 par rapport à
lées relations de Brönsted ont été établies :
l’halogène, et elle n’est pas affectée par la nature de l’halogène
(I2 , Cl2). L’analyse des mesures cinétiques a conduit, en catalyses k HA = G A ( K HA ) α
β
 
1
k = G′B ( K – ) β = G B ----------
A– A K HA

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avec GA et GB constantes caractéristiques de la réaction et du


solvant,
α et β compris entre 0 et 1, constantes mesurant la sen-
sibilité de la réaction, et donc de l’enlèvement du
proton, à la force des acides et des bases.
Une valeur de β égale à 0 signifierait que les bases apparaissent
comme équivalentes et que la réaction est exclusivement catalysée
par l’eau qui se trouve en grand excès.
Une valeur de β égale à 1 signifierait que l’action catalytique des
bases est directement proportionnelle à leur constante de basicité
et que la réaction présente une sensibilité extrême à la force de la
base. Dans le cas de l’ioduration de l’acétone, catalysée par les
acides, les résultats présentés dans le tableau 9 conduisent à une
valeur de α égale à 0,62 indiquant que cette réaction présente une
sensibilité moyenne à la force des acides. Par contre, en catalyse
basique, la valeur de 0,88 obtenue pour le coefficient β montre que
la réaction est très sensible à la force de la base. Cette différence
de sensibilité s’explique en considérant que l’enlèvement du pro-
ton est plus facile à partir de la forme acide qu’à partir de la forme
neutre du substrat. (0)

Tableau 9 – Catalyse acide générale de l’ioduration


de l’acétone à 25 oC (d’après [1])
106kHA
Nature de l’acide KHA mesuré calculé
(1)
dichloroacétique ................ 5,7 × 10–2 220 270
α, β-dibromopropionique .. 6,7 × 10–3 63 54
chloroacétique.................... 1,41 × 10–3 34 32
glycolique ........................... 1,54 × 10–4 8,4 7,9
β-chloropropionique .......... 1,01 × 10–4 5,9 6,2
acétique .............................. 1,75 × 10–5 2,4 2,2
propionique ........................ 1,34 × 10–5 1,7 1,8 Figure 8 – Illustration du postulat de Zucker et Hammett :
triméthylacétique ............... 0,91 × 10–5 1,9 1,5 hydrolyse du saccharose à 25 oC
–4 0,62
(1) Par la formule : k HA = 7,9 × 10 K HA .

Les réactions donnant lieu à une corrélation linéaire avec H0


3.2.2 Catalyse en milieu concentré étaient considérées comme obéissant à un schéma de catalyse
acide spécifique, appelé schéma de type A1 dans la notation
d’Inglod :
En raison de la faible réactivité de certains substrats, comme par
exemple les oléfines ou les hydrocarbures aromatiques, il est + +
HS + H % HSH produits
fréquent que l’on soit contraint d’opérer à un niveau d’acidité ou de lent
rapide
basicité élevé. peu avancé
La variation de teneur en acide ou en base provoque un change-
ment progressif, mais important, de la nature du milieu, et il devient La vitesse de l’étape lente s’exprime de façon générale par :
indispensable de remplacer les concentrations par les activités pour
exprimer la loi de vitesse de la réaction et d’étendre le concept de a HSH +
v = k 0 ---------------
fonction d’acidité aux substrats fonctionnant comme base. f*
■ L’hydrolyse du saccharose, dont il est connu que la vitesse croît avec k0 constante de nature thermodynamique,
plus vite que la concentration en acide fort de la solution, constitue
a + activité du substrat protoné,
la première application de la fonction d’acidité à l’étude des méca- HSH
nismes des réactions catalysées par les acides. Hammett et Paul [61] f* coefficient d’activité du complexe de transition.
ont montré, comme cela est illustré par la figure 8, que le logarithme L’activité du substrat protoné est reliée à l’activité protonique par
de la constante de vitesse, d’ordre 1 par rapport au saccharose, croît la constante thermodynamique de l’équilibre de protonation :
linéairement avec la fonction d’acidité, tandis que l’ordre par rapport
à la concentration en acide n’est pas égal à 1 et varie même lorsque a HS a H +
la concentration en acide augmente, comme le montre la courbe en K HSH + = --------------------
-
a HSH +
tireté.
et l’expression de la constante de vitesse d’ordre 1 par rapport au
substrat devient alors :

v k0 f HS
k′ = ------------- = --------------- a H + --------
[ HS ] K HSH + f*

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dans laquelle on peut introduire la fonction d’acidité h0 , détermi- l’état de transition et de constater une différence de comportement
née avec un indicateur B : à l’égard de l’acidité, compatible avec les idées actuelles, à savoir
que plus la réaction implique d’eau, moins elle est sensible à l’acidité.
k0 f BH + f HS
k ′ = --------------- h 0 --------------------- ■ L’hydrolyse des esters constitue un exemple très instructif pour
K HSH + fB f *
l’étude de l’influence de la participation de l’eau dans l’étape lente de
f BH + f HS la réaction, mais également pour la mise en évidence des change-
d’où lg k ′ = – H 0 + lg --------------------
- + constante ments de mécanisme possibles en fonction de la nature des
fB f *
composés ou de la composition du milieu.
La corrélation expérimentale de pente 1 équivaut alors à l’égalité : L’hydrolyse des esters présente, ainsi que sa réaction inverse :
l’estérification des acides carboxyliques par les alcools, un grand
f HS fB intérêt industriel. Ainsi la production de polyéthylènetéréphtalate,
- = p ----------
-------
f* f BH + obtenue par estérification d’acide téréphtalique par l’éthylèneglycol,
ou par transestérification du diméthyltéréphtalate par l’éthylène-
avec p égal à 1, ce qui revient à dire que le saccharose se comporte glycol, est le procédé d’estérification le plus important si l’on
en tant que base comme un indicateur de mesure de H0 . Un grand considère qu’en 1987, 6,9 millions de tonnes d’acide téréphtalique
nombre de réactions, présentées dans une revue générale sur le ont été consommées dans le monde pour la production de ce poly-
sujet [62], donnent lieu à une corrélation linéaire avec H0 . ester (cf. article spécialisé dans la rubrique Procédés industriels et
fiches produit de ce traité). Parmi les autres esters produits en quan-
■ D’autres réactions voient leur vitesse dépendre non plus de H0 tité importante, on peut citer les phtalates utilisés comme plasti-
mais de la concentration en acide. L’exemple le plus classique est fiants, les acétates pour leur pouvoir solvant ainsi que les acrylates
celui de l’ioduration de l’acétophénone en milieu acide dont l’étape et les méthacrylates.
lente est, comme on l’a déjà signalé, l’énolisation du substrat pro-
toné par enlèvement d’un proton par une base, en l’occurrence L’hydrolyse des esters trouve son application la plus importante
l’eau. Cette réaction, qui implique l’eau dans l’étape cinétique et industriellement dans la fabrication des savons par saponification
dont le schéma est appelé A2, présente une corrélation linéaire de des corps gras. Alors que l’hydrolyse des esters peut être catalysée
pente 1 entre le logarithme de la constante de vitesse et le loga- à la fois par les acides et les bases, l’estérification catalysée par les
rithme de la concentration d’acide. bases n’est pas connue et elle s’effectue donc exclusivement en
présence d’acide.
■ Zucker et Hammett, en généralisant les constatations obtenues En catalyse basique, les esters sont hydrolysés suivant le
pour ces réactions, ont proposé l’hypothèse de l’alternative simple schéma réactionnel type présenté sur la figure 9. Dans la plupart
qui consiste à distinguer deux groupes de réactions sur la base de la des cas, la formation de l’alcool s’effectue par coupure de la liaison
dépendance de leur vitesse vis-à-vis de H0 ou vis-à-vis de la entre le carbone et le groupement OR’ et non entre l’oxygène et le
concentration en acide : les réactions obéissant à un schéma de type groupement R’. Ainsi l’alcool n-amylique produit par hydrolyse
A1 et celles obéissant à un schéma de type A2 où intervient l’eau
dans l’étape cinétique. basique de l’acétate de n -amyle en présence d’eau enrichie en O18
ne contient pas d’O18. De même, en catalyse acide, l’acide acétoxy-
Bien que cette hypothèse soit apparue rapidement comme
succinique donne l’acide hydroxysuccinique avec rétention de
simpliste du fait des nombreux cas où elle tombait en défaut, elle
configuration.
a permis de mettre en évidence l’importance du rôle de l’eau dans

Figure 9 – Hydrolyse des esters : schémas réactionnels

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Il n’y a donc pas passage par un ion carbonium, la charge posi-


tive apportée par le proton en catalyse acide se retrouvant soit sur
le groupement hydroxy, soit sur le groupement alkoxy, comme
cela apparaît dans le schéma réactionnel le plus général présenté
sur la figure 9. Dans le cas de l’hydrolyse acide des esters (E) et de
l’estérification des acides par les alcools, cela conduit, pour
l’hydrolyse acide, à l’équation de vitesse, ci-après [63] :

d[E] k 1 K 1 [ E ] [ H 2 O ] [ H + ] k 2 K 2 [ A ] [ R ′ OH ] [ H + ]
– ------------ = ---------------------------------------------------
- – -------------------------------------------------------
dt 1+α 1 + 1/ α
où α dépend des constantes de vitesse dont les valeurs sont sup-
posées être élevées.
Ce schéma réactionnel, considéré comme le plus classique, est
appelé, dans les notations d’Ingold, schéma AAc 2, c’est-à-dire
schéma où l’étape lente est une réaction bimoléculaire entre l’acide
conjugué de l’ester et l’eau.
D’autres schémas réactionnels sont également possibles, dans
certains cas particuliers :
— le schéma AAc1 où l’étape lente est la dissociation mono-
moléculaire de l’acide conjugué de l’ester en un ion acylium et en
une molécule d’alcool :

— le schéma AAl1 où l’étape lente est la dissociation mono-


moléculaire de l’acide conjugué de l’ester en acide et en ion
carbonium :

Figure 10 – Hydrolyse des acétates dans les mélanges


eau-acide sulfurique à 25 oC
On conçoit que la réaction s’effectuera par l’une de ces trois
voies possibles au cours de l’étape lente selon la nature de R et de
R’. Le schéma AAc1 sera favorisé si l’ion acylium R—CO+ bénéficie
d’une stabilisation du fait de la nature de R. Le schéma AAl1 sera et sur le fait que l’on peut reconnaître parmi les valeurs de la pente
favorisé si l’ion carbonium est stabilisé du fait de la nature de R’. ω des intervalles caractéristiques des principaux schémas réac-
Par ailleurs, compte tenu du rôle stœchiométrique de l’eau dans le tionnels possibles, en particulier en ce qui concerne l’eau dans
schéma AAc 2, on conçoit que, dans des mélanges eau + acide l’étape cinétique.
sulfurique en proportions variables où l’activité de l’eau varie de ■ Les hydrolyses d’acétals font partie des cas où l’eau n’intervient
manière considérable, le schéma réactionnel est susceptible de pas, ainsi que les hydrolyses de certains esters encombrés tels que
changer, le schéma AAc 2 étant favorisé du côté des solutions l’acétate de tert-butyle. Par contre, dans l’hydrolyse des esters non
fortement aqueuses et l’un ou l’autre des schémas AAc1 et AAl1 du encombrés, des valeurs de ω largement positives (+ 4,1 à 7,0) sont
côté de l’acide sulfurique. obtenues, indiquant une participation de l’eau comme agent trans-
L’étude cinétique de l’hydrolyse d’une famille d’acétates dans des porteur de proton dans l’étape cinétique.
solutions aqueuses d’acide sulfurique de concentrations variables
montre que le mécanisme réactionnel diffère selon la nature ■ L’hydratation des oléfines constitue un autre exemple où l’eau
primaire, secondaire ou tertiaire de R’ [64]. Par ailleurs, en faisant n’intervient pas dans l’état de transition et qui se trouve être intéres-
varier la concentration en acide sulfurique et par conséquent sant pour l’étude des schémas des réactions catalysées par les
l’activité de l’eau, il est possible de conclure, pour certains esters, acides en milieu concentré.
à des changements de mécanisme, comme l’illustre la figure 10. Elle est mise en œuvre industriellement pour obtenir des alcools,
Une interprétation plus fine [64] [12] permet de dire que, dans le essentiellement l’éthanol, l’isopropanol et l’alcool sec-butylique, par
schéma AAc2, deux molécules d’eau sont impliquées dans l’état de addition d’eau sur la double liaison des oléfines. Elle s’effectue en
transition. présence de catalyseurs acides et plus particulièrement en présence
L’intervention de l’eau dans l’état de transition avait conduit de solutions aqueuses d’acide sulfurique dont les concentrations
Bunnet [65] à proposer en 1961 une systématique des réactions varient avec la nature et donc la réactivité de l’oléfine. L’alcool
catalysées par les acides en solution aqueuse, reposant sur la mise isopropylique [65] et l’alcool tert-butylique [67] [68] peuvent égale-
en évidence expérimentale de relations linéaires entre la somme ment être obtenus en présence de résine sulfonique, catalyseur
lg k + H0 et le logarithme de l’activité de l’eau : obtenu par sulfonation de polystyrène.

lg k + H 0 = ω lg a H2 O + Cte

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La figure 11 montre d’une part l’influence de la concentration en


acide sulfurique sur la vitesse de protonation d’une série d’oléfines
aliphatiques [69], et d’autre part le niveau de concentration en
acide sulfurique nécessaire pour que la réaction ait lieu selon la
nature tertiaire ou secondaire de la double liaison et la présence de
certains substituants.
L’existence d’une corrélation avec H0 dans l’hydratation de l’iso-
butène a conduit dans un premier temps à envisager un mécanisme
consistant en la formation préalable d’un complexe π :

suivie de la formation lente de l’ion carbonium qui, par des réac-


tions subséquentes rapides, conduit à l’alcool :

Figure 11 – Influence de la concentration en acide sulfurique aqueux


L’hypothèse de la formation de l’ion carbonium dans un équilibre sur la vitesse d’hydratation de diverses oléfines aliphatiques à 25 oC
rapide, préalable à l’étape lente, a pu être écartée en se basant sur
le fait que des oléfines telles que le méthyl-2 butène-1 et le méthyl-
2 butène-2 donnent le même alcool sans isomérisation de l’oléfine. dépolymérisation du trioxanne [35] qui donne une corrélation de
pente voisine de – 1. Toutefois, la comparaison des corrélations
L’ion carbonium peut toutefois se former directement dans
dans l’eau et dans le mélange p-dioxanne + eau fait ressortir un
l’étape lente, sans équilibre préalable selon le schéma :
décalage entre les constantes de vitesse de l’ordre de 10 en faveur
du solvant mixte. En fait, on s’aperçoit que la fonction d’acidité, qui
définit l’activité protonique, ne permet pas à elle seule de définir
l’activité catalytique du proton mais qu’interviennent également
des effets spécifiques dus au solvant, favorables ou défavorables
selon le solvant choisi.
Des effets spécifiques dus à la nature même de l’acide minéral
Le premier schéma doit répondre à un cas de catalyse spéci- dissous dans le solvant peuvent également se manifester dans
fique, tandis que ce dernier est intrinsèquement un cas de catalyse certains solvants. Ainsi, dans l’acide acétique anhydre ou aqueux,
générale. Des études effectuées sur les effets isotopiques de sol- qui est un solvant de réaction courant, il existe un grand nombre
vant permettent de conclure que la catalyse est en fait une catalyse d’exemples apparemment satisfaisants de corrélation avec H0 .
générale avec un transfert lent de proton au cours de la première Ainsi, dans le cas de la dépolymérisation du trioxanne et de son
étape [70] [71] [72]. L’étude de l’hydratation des oléfines, en parti- homologue le paraldéhyde, on obtient une relation linéaire entre
culier celle de styrènes substitués, a conduit à l’élaboration d’une lg k et H0 [35], de pente voisine de – 1, mais on observe aussi,
fonction d’acidité cinétique [73] [74] qui devrait permettre de régir selon l’acide employé : chlorhydrique, sulfurique ou perchlorique,
la vitesse de protonation des bases carbonées. des décalages importants entre les constantes de vitesse ramenées
à la même valeur de H0 .
On peut en conclure que l’échelle des valeurs de H0 établie dans
3.3 Solvants aquo-organiques des solvants organiques n’a qu’une valeur relative et que le solvant
ou organiques ou l’anion de l’acide exerce, par l’intermédiaire des équilibres pré-
cinétiques, des influences spécifiques sur la vitesse de réaction.
L’utilisation de solvants autres que l’eau ouvre un champ d’appli-
cation illimité pour les réactions catalysées par les acides et les
bases. Le solvant organique peut tout d’abord permettre d’augmen-
ter la solubilité des substrats dans la phase acide où s’effectue la 4. Transformation
réaction. Le remplacement progressif ou total de l’eau par un
solvant moins basique que l’eau contribue à modifier, pour une des hydrocarbures
même concentration en acide, l’activité protonique, comme on a pu
le voir par les valeurs de la fonction d’acidité obtenues dans divers
en catalyse acide
solvants organiques. Enfin, certains milieux, appelés superacides,
permettent d’activer certains substrats qui sont inactifs dans les 4.1 Caractéristiques de l’activation
milieux acides traditionnels. Ce sont en particulier les substrats
nécessitant l’activation des liaisons π carbone-carbone ou des des hydrocarbures
liaisons σ carbone-hydrogène ou carbone-carbone, d’une manière
générale les hydrocarbures et plus particulièrement les paraffines. Les équilibres acido-basiques concernant des échanges de pro-
tons entre atomes fortement électronégatifs tels que l’oxygène ou
Dans les mélanges p-dioxanne + eau contenant jusqu’à 60 % en
l’azote sont considérés comme très rapides, tandis que, si l’échange
volume du premier, il est possible de définir convenablement les
de proton implique un transfert sur un atome de carbone ou bien
valeurs de la fonction d’acidité H0 et un certain nombre de réac-
à partir de l’un de ces atomes, il est généralement lent.
tions se prêtent à des corrélations avec elle. Un exemple est la

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D’une manière générale, l’activation des hydrocarbures est une d’isobutène [76]. Il constitue également une source d’obtention
réaction difficile qui nécessite des catalyseurs ou des milieux acides d’isobutène de grande pureté par craquage.
différents des milieux aqueux et dont l’activité protonique soit suf- La réaction peut s’effectuer en présence d’acide sulfurique, mais
fisamment forte pour que le proton puisse être transféré sur un elle est, en fait, mise en œuvre industriellement en utilisant comme
atome de carbone. D’autre part, les schémas réactionnels des trans- catalyseur des résines sulfoniques qui ont un comportement
formations d’hydrocarbures se différencient nettement des schémas homogène du fait des conditions opératoires [77] :
classiques de catalyse acide-base définis en milieu aqueux. En effet,
si dans ces derniers, le catalyseur est le proton, puisqu’il est régénéré — température inférieure à 100 oC ;
lorsque les produits sont formés, dans le cas des hydrocarbures, le — pression de 0,4 à 0,5 MPa.
proton est transféré au cours d’une première étape, mais c’est en La production industrielle d’éthers supérieurs a démarré en 1987
fait l’ion carbonium formé dans cette étape qui, dans la plupart des en ce qui concerne le tert-amylméthyléther (TAME) obtenu par
cas, devient le catalyseur puisque la formation des produits s’effec- réaction du méthanol sur les isoamylènes [78], et il est question de
tue avec régénération d’un ion carbonium qui peut d’ailleurs être produire l’éthyl tert-butyléther (ETBE) par réaction de l’éthanol sur
différent de celui qui a provoqué la réaction. Le proton n’intervient l’isobutène.
qu’au cours d’une étape d’initiation pour produire ces ions carbo-
nium jusqu’à une concentration stationnaire dépendant de l’activité
protonique de la solution. Si ce transfert de proton est certes difficile 4.2.3 Polymérisation cationique de l’isobutène
puisqu’il s’effectue sur un atome de carbone, il ne constitue pas en
général l’étape limitative de la réaction qui est le plus souvent, selon Le produit industriel le plus important obtenu par polymérisation
les cas, le réarrangement des ions carbonium, le réarrangement de cationique [79] est le caoutchouc butyle, un copolymère d’isobu-
complexes π en complexes σ ou un transfert d’hydrure. tène et d’isoprène. La polymérisation de l’isobutène contenant de 1
Comme, par ailleurs, les hydrocarbures présentent des réactivités à 5 % en volume d’isoprène s’effectue à – 100 oC en présence de
différentes selon le type de liaison qui doit être activée, liaison π dans AlCl3 dissous dans le chlorure de méthylène (0,2 % en masse).
le cas des oléfines et des composés aromatiques, liaison σ carbone- Une autre application importante de la polymérisation cationique
hydrogène ou carbone-carbone dans le cas des paraffines (ou est la production de polyisobutylènes élastomères obtenus par poly-
alcanes), leurs transformations nécessitent des milieux très diffé- mérisation à basse température de l’isobutène en présence de BF3
rents et s’effectuent selon des schémas réactionnels présentant des ou de AlCl3 .
particularités propres à chaque réaction et, de ce fait, difficilement L’isobutène anhydre ne polymérise pas en présence de BF3 et la
classifiables comme dans le cas des milieux aqueux. Il est donc présence d’eau est nécessaire pour engendrer un initiateur proto-
préférable de les présenter de manière indépendante et selon le type nique. La polymérisation de l’isobutène s’effectue en plusieurs
de liaison qui doit être activée. étapes (figure 12). L’initiation se produit dans une première étape
par formation de cation tertiobutylique qui réagit ensuite avec une
autre molécule d’isobutène dans une étape de propagation
4.2 Activation de la liaison  conduisant à un autre ion carbonium. La polymérisation peut cesser
par transfert de proton à partir de cet ion carbonium sur une molécule
d’une oléfine d’isobutène ou par un transfert d’hydrure se trouvant en position
allylique d’une α-oléfine, vers le cation propageant la chaîne,
4.2.1 Réactivité des oléfines conduisant à un cation allylique très stable.
La réactivité particulièrement élevée des oléfines, due à la pré- La masse moléculaire du polyisobutylène, qui peut être de
sence des électrons de liaison π, a conduit les pétrochimistes à l’ordre de 106, dépend de la présence de ces composés, qui pro-
transformer, dans les vapocraqueurs, l’éthane, le propane ou le voquent soit des transferts de proton, soit des transferts d’hydrure.
naphta (constitué de pentanes et d’hexanes) en hydrocarbures insa- Les agents de transfert de proton, tels les halogénures d’alkyle,
turés, plus particulièrement en éthylène mais également en une réduisent la masse moléculaire sans affecter le rendement, tandis
gamme d’autres oléfines et dioléfines supérieures. L’affinité des olé- que les agents de transfert d’hydrure, telles les α-oléfines,
fines pour le proton ou pour des espèces électrophiles telles que réduisent le rendement sans modification de la masse moléculaire.
les ions carbonium augmente avec l’accroissement de la densité Cette dernière est également d’autant plus élevée que la tempéra-
électronique de la double liaison par des radicaux donneurs d’élec- ture est plus basse. En passant de – 100 à – 30 oC, elle peut être
trons et donc par exemple selon la séquence : divisée par 100. Le transfert de proton, à partir de l’ion qui entre-
tient la propagation de la chaîne, est donc plus fortement influencé
éthylène < n-butènes ≈ propylène < isobutène par la température que ne l’est l’addition de cet ion sur la double
liaison de l’isobutène.
Ces oléfines sont transformées industriellement en présence de
catalyseurs acides soit par polymérisation, soit par addition élec- Il est ainsi possible, à condition d’opérer à plus haute température,
d’obtenir des oligomères d’isobutène, composants d’essences à
trophile d’eau, d’alcool, de formol... Par exemple, l’addition du
formol à l’isobutène en présence d’acide sulfurique, appelée réaction haut indice d’octane. Cette oligomérisation s’effectue industriel-
de Prins [75], conduit au diméthylmétadioxanne-1, 3 qui, par cra- lement en présence d’acide sulfurique, d’acide phosphorique, de
résine sulfonique, de silicoalumine, comme dans le procédé
quage, donne de l’isoprène dont la polymérisation stéréospécifique
Polynaphta de l’IFP.
permet d’obtenir un élastomère identique au caoutchouc naturel.

4.2.2 Synthèse du méthyl tert-butyléther (MTBE) 4.3 Activation d’une liaison 


d’un noyau aromatique
Le MTBE, obtenu par réaction du méthanol sur l’isobutène
contenu dans les butènes obtenus par vapocraquage ou craquage Parmi les réactions étudiées par Friedel et Crafts [8], la fixation
catalytique, est un produit utilisé comme composant d’essences d’un groupement alkyle sur un noyau aromatique est celle qui a
pour automobiles du fait de son indice d’octane élevé. Par suite des l’importance industrielle la plus grande si l’on considère par exemple
réglementations sur la réduction de la teneur en plomb dans les la production mondiale d’éthylbenzène, intermédiaire pour la fabri-
essences, sa production mondiale a connu en 10 ans une croissance cation de styrène , qui a atteint 11 millions de tonnes en 1987
considérable atteignant 6 millions de tonnes par an en 1988. Sa syn- (cf. article spécialisé dans la rubrique Procédés industriels et fiches
thèse permet en outre d’obtenir des coupes n-butènes exemptes produit de ce traité [J 1 220]).

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Figure 12 – Polymérisation cationique de l’isobutène : schéma réactionnel

4.3.1 Alkylation des composés aromatiques 4.3.2 Production de l’éthylbenzène

Elle peut s’effectuer avec des oléfines, des alcools ou des halogé- Quatre procédés sont exploités industriellement pour produire
nures d’alkyle mais, le plus souvent, on utilise des oléfines telles l’éthylbenzène par alkylation du benzène par l’éthylène en présence
que l’éthylène, le propylène, l’isobutène, le tétramère du propylène de catalyseurs acides.
ou des oléfines linéaires à nombre d’atomes de carbone compris
entre 10 et 18. ■ Dans le procédé Alkar d’UOP, BF3 est utilisé comme activateur
d’un support solide constitué d’alumine.
La réaction d’une oléfine sur un noyau aromatique s’effectue en
présence de catalyseurs acides, selon un schéma de substitution ■ Un procédé d’alkylation, utilisant les zéolithes ZSM5, a été indus-
électrophile présenté sur la figure 13. Elle procède en plusieurs trialisé par Mobil Badger.
étapes dont la première, considérée comme une étape d’initiation,
est la formation d’ions carbonium obtenus soit par protonation de ■ Dans les deux autres procédés ci-après, le catalyseur est le chlo-
l’oléfine, soit par ionisation d’un chlorure d’alkyle par complexation rure d’aluminium mis en œuvre en phase liquide :
avec un acide de Lewis tel que AlCl3 . Dans une deuxième étape, — dans le procédé d’Orkem-Technip, où l’alkylation s’effectue
ces ions carbonium se complexent avec les électrons π du noyau en système liquide-liquide, cette phase catalytique contient en
aromatique pour donner transitoirement un complexe  qui se régime stationnaire 27 % de AlCl3 , 25 % de polyéthylbenzènes
transforme en complexe σ. L’alkylbenzène est finalement obtenu par et 48 % de benzène et d’éthylbenzène ; l’alkylation s’effectue entre
transfert du proton vers l’anion avec passage par un complexe π. 100 et 110 oC en opérant avec un rapport molaire benzène/éthylène
égal à 2, de manière à limiter la formation de polyéthylbenzènes
La formation des ions carbonium dépend de la réactivité de l’olé-
qui sont néanmoins séparés et recyclés au réacteur pour être trans-
fine et de l’activité du catalyseur. L’alkylation d’une oléfine peu
formés en éthylbenzène par transalkylation avec le benzène ;
réactive telle que l’éthylène ne se fait pas en présence d’acide sul-
— dans un procédé développé plus récemment par Monsanto
furique ou d’acide fluorhydrique mais en présence de chlorure
[80], la quantité de chlorure d’aluminium injectée en continu dans
d’aluminium et d’activateurs protoniques (par exemple HCl).
le réacteur est ajustée pour que AlCl3 reste en solution dans les
L’ion carbonium se fixe sur le noyau aromatique en des positions hydrocarbures, évitant ainsi la formation d’une deuxième phase
où la densité électronique est la plus forte. En conséquence, la pré- liquide ; la réaction est alors effectuée à plus haute température
sence d’un substituant peut modifier par effet inductif non seulement (140 à 200 oC) et la formation de polyéthylbenzène est moins impor-
la densité électronique globale mais aussi celle sur les différentes tante, ainsi que la consommation de catalyseur (0,001 9 kg/kg
positions du noyau. En particulier, la présence d’un groupe alkyle d’éthylbenzène).
favorise la substitution en ortho ou en para. Ainsi, dans l’alkylation
du benzène, la fixation d’un premier groupement alkyle facilite la
substitution d’un autre alkyle entraînant la formation de di- et 4.3.3 Obtention d’alkylats détergents
trialkylbenzènes. Pour inhiber ces réactions secondaires, il est néces-
saire d’opérer avec des rapports molaires benzène/oléfine compris Le marché mondial des alkylats détergents reste dominé par le
entre 2 et 10. dodécylbenzènesulfonate de sodium qui est progressivement
Les polyalkylbenzènes étant des composés beaucoup plus remplacé par les n-alkylbenzènesulfonates de sodium beaucoup
basiques que les dérivés monoalkylés, les complexes σ qu’ils plus biodégradables. Tous deux sont produits à partir d’un inter-
forment avec le catalyseur sont, de ce fait, beaucoup plus stables médiaire obtenu par alkylation du benzène, le premier avec le tétra-
et contribuent à sa désactivation. mère de propylène, le second avec des chlorures de paraffines
linéaires ou avec des coupes d’oléfines linéaires à nombre d’atomes
de carbone compris entre 10 et 18, obtenues par craquage de cires
de paraffines, par oligomérisation de l’éthylène ou par déshydro-
génation de paraffines normales. La position du groupe phényle sur

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Figure 13 – Alkylation des composés


aromatiques : schéma réactionnel

la chaîne alkyle a beaucoup d’influence sur les propriétés mous- et à de nombreux travaux pour la transformation des hydro-
santes et tensioactives ainsi que sur la biodégradabilité du détergent. carbures. En particulier, en leur présence, les paraffines sont
De ce fait, le contrôle de la quantité de phényl-2-alcane est particu- activées à très basse température et la réaction d’isomérisation
lièrement important lors de la synthèse. peut s’effectuer à des températures comprises entre – 10 et 20 oC.
Cette alkylation est en majeure partie effectuée industriellement Cette isomérisation s’accompagne de craquage, particulièrement
en présence d’acide fluorhydrique ou de chlorure d’aluminium à lorsque le nombre d’atomes de carbone est supérieur à 6 [82].
une température comprise entre 20 et 50 oC et conduit dans les deux Les études effectuées dans ces milieux superacides ont permis
cas à un mélange de tous les isomères des phénylalcanes, dont la de mieux comprendre les mécanismes des réactions de transfor-
proportion varie toutefois suivant la nature du catalyseur. En partant mation des hydrocarbures s’effectuant par l’intermédiaire des ions
de dodécène-1, les teneurs en phényl-2 dodécane sont respecti- carbonium. Ces réactions sont très importantes dans le raffinage
vement égales à 35 et 20 % en masse selon que l’on utilise comme du pétrole puisqu’elles s’appliquent par exemple à l’isomérisation
catalyseur le chlorure d’aluminium ou l’acide fluorhydrique [81]. des essences légères, à l’alkylation aliphatique, au craquage cata-
La réaction principale est accompagnée de réactions secondaires lytique ou à l’isomérisation des xylènes (cf. articles spécialisés
dont la principale est la formation de dialkylats qui ne sont pas dans la rubrique Opérations unitaires de ce traité).
recyclés au réacteur et dont on limite la quantité (5 à 15 %) en met-
tant en œuvre des rapports molaires benzène/oléfine égaux à 10.
4.4.2 Isomérisation des paraffines

4.4 Activation d’une liaison  L’isomérisation des paraffines constitue une réaction importante
du raffinage du pétrole puisqu’elle est mise en œuvre pour trans-
carbone-hydrogène former le n-butane en isobutane, nécessaire pour l’alkylation du
ou carbone-carbone propylène et des butènes, également pour accroître l’indice
d’octane des essences légères pour automobiles, constituées de
paraffines en C5 et C6 , en augmentant leur teneur en paraffines
4.4.1 Évolution des catalyseurs d’isomérisation ramifiées, et qu’elle intervient dans les grands procédés tel le
craquage catalytique ou le reformage.
L’activation d’une liaison σ carbone-hydrogène ou carbone-
carbone est un processus qui nécessite des catalyseurs très actifs, Bien que, dans les nouvelles unités industrielles d’isomérisation,
en particulier dans la transformation des paraffines, réputées être on ne mette en œuvre que des catalyseurs hétérogènes constitués
peu réactives (du latin para affinum ). Ainsi le craquage catalytique, d’un support acide d’alumine chlorée ou de zéolithe et d’un métal
l’un des procédés pour l’obtention d’essences à haut indice noble, le platine, des catalyseurs liquides à base d’AlCl3—HCl ou
d’octane à partir de coupes pétrolières et qui s’effectue en pré- d’AlCl3—SbCl3 sont encore utilisés. Les milieux superacides tels
sence de catalyseurs solides acides, silico-alumines amorphes ou que SbF5—HF ont été testés dans des unités pilotes mais n’ont pas
cristallisées, doit être mis en œuvre à des températures comprises encore été développés à l’échelle industrielle.
entre 450 et 500 oC. L’isomérisation d’une paraffine s’effectue par une succession
De même l’évolution des catalyseurs d’isomérisation des paraf- d’un grand nombre de réactions qui peuvent être regroupées en
fines illustre bien la difficulté de cette activation. Les catalyseurs de trois étapes.
première génération du type monofonctionnel étaient constitués de
■ Une première étape correspondant à la formation d’ions carbo-
l’association d’un acide de Lewis, AlCl3 ou BF3 , avec un acide de
nium à partir de la paraffine peut se produire de deux manières dif-
Brönsted, HCl ou HF. En présence de ces catalyseurs très acides
férentes selon que l’on est en présence ou non de métal noble. En
utilisés en phase liquide, l’isomérisation avait lieu entre 60 et 120 oC.
présence de platine, la paraffine est déshydrogénée en oléfine qui
Ils ont été remplacés par des catalyseurs bifonctionnels asso- est alors transformée en ion carbonium par protonation. L’activation
ciant un solide acide, du type zéolithe ou alumine chlorée, à une de cette liaison σ carbone-hydrogène peut également être effectuée
fonction déshydrogénante apportée par le platine travaillant à plus sans métal noble lorsque l’activité protonique du catalyseur est suf-
haute température (150-250 oC). fisamment forte. En particulier, avec SbF5—HF, elle se produit par
L’exceptionnelle stabilité des ions carbonium dans les milieux activation protonique avec dégagement d’hydrogène. Cette réaction
superacides tels que les solutions de pentafluorure d’antimoine est en général plus lente que l’isomérisation proprement dite [46],
dans l’acide fluorhydrique ou dans l’acide fluorosulfonique a été mais elle n’est pas l’étape limitative de l’isomérisation car elle se
mise en évidence par Olah et a conduit au succès de ces milieux produit au cours de cette période d’initiation conduisant à une
concentration stationnaire en ions carbonium.

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■ Dans une deuxième étape, les ions carbonium se réarrangent


avec création d’une ramification alkyle sur la chaîne hydrocarbonée
et formation d’ions carbonium tertiaires selon un schéma présenté
sur la figure 14 dans le cas de l’hexane. Ce réarrangement s’effec-
tue en deux stades. Dans un premier stade, la création d’une ramifi-
cation méthyle s’effectue par une attaque électrophile de la liaison σ
carbone-hydrogène située en position γ du carbone porteur de la
charge positive, avec formation de complexes intermédiaires cyclo-
propaniques où 2 atomes de carbones sont tétracoordinés avec une
liaison à 3 centres et 2 électrons. Ces complexes peuvent être en
résonance entre 3 formes mésomères conduisant aux ions
carbonium du méthyl-2 pentane et du méthyl-3 pentane. Dans un
deuxième stade, où il y a branchement d’un deuxième méthyle, la
charge positive du carbone tertiaire de l’ion méthyl-2 pentylique
réagit avec la liaison σ carbone-hydrogène située en γ pour donner
un complexe cyclopropanique pouvant être en résonance entre 3
formes mésomères. Dans ce cas, les formes mésomères n’ont pas la
même stabilité du fait du nombre de groupements méthyle en α du
centre chargé positivement. Par ailleurs, les ions carbonium formés
n’ont pas non plus la même stabilité puisqu’ils sont tertiaires ou
secondaires. On explique ainsi que le diméthyl-2,2 butane soit un
isomère beaucoup plus difficile à obtenir que les autres isomères.
■ Dans une troisième étape, la formation des paraffines à partir des
ions carbonium peut s’effectuer de deux façons différentes selon que
l’on est ou non en présence de platine. Lorsque le platine est présent,
les ions carbonium sont transformés en paraffines par la réaction
inverse de leur formation, c’est-à-dire par passage par l’oléfine. Dans
les autres cas, les paraffines sont obtenues par un transfert d’hydrure
qui est le plus souvent l’étape limitative de l’isomérisation. Seule la
formation d’isomères tels que le diméthyl-2,2 butane [83] ou du
diméthyl-2,2 pentane [84] est limitée par l’étape de réarrangement
des ions carbonium.

4.4.3 Alkylation aliphatique

Sous le terme d’alkylation aliphatique [85], on englobe les réac-


tions entre une paraffine telle que l’isobutane et une oléfine pour
produire des alkylats, mélange de paraffines ramifiées à haut indice
d’octane (92 < NOR (*) < 98), utilisées comme composants d’essence
pour automobile, comme par exemple la réaction entre l’isobutane
et le butène-2 :

(*) L’indice d’octane (ou nombre d’octane) d’un carburant est, par définition, le nombre
entier le plus proche du pourcentage en volume d’isooctane dans un mélange d’isooctane
et de n-heptane, dont les caractéristiques antidétonantes équivalent à celles du carburant
étudié, lorsqu’on les compare suivant une méthode standard appelée « méthode
recherche » et donnant le nombre d’octane recherche (NOR).
La production mondiale d’alkylats a été en 1988 égale à 50 millions
de tonnes.
Ces réactions nécessitent l’activation non seulement de la liaison
π de l’oléfine mais aussi de la liaison σ carbone-hydrogène de la
paraffine. Lorsque l’oléfine est peu réactive comme l’éthylène,
l’alkylation doit être effectuée en présence de chlorure d’aluminium
Figure 14 – Isomérisation de l’hexane : réarrangement
activé par l’acide chlorhydrique. L’activation du propylène ou des
des ions carbonium
butènes pourrait se faire avec des milieux beaucoup moins acides,
mais c’est alors l’activation de l’isobutane qui requiert l’utilisation
d’acide sulfurique à 95-98 % (en masse), ou d’acide fluorhydrique
à 98 %. Du fait de la très faible solubilité des hydrocarbures dans
ces milieux, la réaction s’effectue en système liquide-liquide, les

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transferts de masse étant assurés par agitation des deux phases du cation tertiobutylique sur l’oléfine. Dans le cas du propylène, il
liquides, soit dans des réacteurs munis d’agitateurs spéciaux, soit ne se forme pas de diméthyl-2,2 pentane mais uniquement les
dans des réacteurs tubulaires où l’émulsion est obtenue en réglant diméthyl-2,3 et -2,4 pentanes à raison respectivement de 70 et
la vitesse linéaire d’injection de la charge. 30 %. L’alkylation des butènes s’effectue avec des réarrangements
Un schéma réactionnel typique de l’alkylation est présenté sur la intermédiaires beaucoup plus nombreux.
figure 15. La réaction principale ne s’effectue de façon sélective
qu’après une période d’initiation conduisant à la formation de
cations tertiobutyliques, obtenus par transfert d’hydrure entre l’iso- 4.4.4 Isomérisation des xylènes
butane et les ions carbonium formés par protonation de l’oléfine.
L’alkylation proprement dite se produit en plusieurs étapes. L’addi- Le m-xylène, n’ayant pratiquement pas d’utilisation industrielle,
tion rapide du cation tertiobutylique sur la double liaison de est le plus souvent transformé par isomérisation en o- et p-xylène,
l’oléfine donne un ion carbonium secondaire dont la vitesse de intermédiaire pour la fabrication d’anhydride phtalique et d’acide
réarrangement en ions carbonium tertiaires plus stables est plus téréphtalique (cf. articles spécialisés dans ce traité). Cette isoméri-
grande que celle de la réaction de transfert d’hydrure de l’isobu- sation s’effectue en présence de catalyseurs acides solides ou
tane. Le cation tertiobutylique qui est régénéré au cours de cette liquides. Les catalyseurs hétérogènes [86], constitués d’un solide
dernière étape lente constitue le catalyseur de la réaction. Les ions acide, alumine ou silico-alumine, supportant un métal noble ou
carbonium pouvant se réarranger très rapidement, les alkylats non noble, isomérisent les xylènes à des températures comprises
obtenus ne sont pas uniquement ceux obtenus par simple addition entre 400 et 500 oC.

Figure 15 – Alkylation aliphatique : schéma réactionnel

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L’isomérisation des xylènes peut être effectuée à température peut aussi être utilisée directement pour isomériser le m-xylène :
beaucoup plus basse en présence de milieux superacides tels que l’isomérisation se produit à basse température (inférieure à 100 oC)
les solutions de BF3 dans HF liquide. Un procédé d’extraction et par activation des liaisons carbone-hydrogène et carbone-carbone
d’isomérisation du m-xylène a été industrialisé en 1970 par avec déplacements d’hydrure et de groupe méthyle avec passage
Mitsubishi Gas and Chemical Co. [87]. Ce procédé repose essentiel- par un complexe π.
lement sur l’extraction sélective du m-xylène qui, du fait de sa Des xylènes peuvent être obtenus également par dismutation du
basicité de Lewis très différente de celle des autres isomères, toluène avec production simultanée de benzène. Celle-ci peut être
s’effectue à basse température (25 oC) par complexation avec effectuée en phase vapeur ou en phase liquide en présence de
BF3—HF sous forme de complexe σ. Cette solution est facilement catalyseurs solides tels que les silicoalumines du type mordenite.
séparée des autres composés aromatiques qui se retrouvent Il s’avère nécessaire d’effectuer le recyclage des triméthylbenzènes
exempts de m-xylène et peuvent être plus aisément séparés par qui se forment également et d’éliminer les aromatiques plus
des techniques physiques. Du m-xylène à 99 % de pureté peut être lourds.
obtenu par simple vaporisation de BF3—HF à 69 oC. La solution

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