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Modélisation en génie des procédés

par Jean-Paul GOURLIA


Ingénieur ENSIC (École Nationale Supérieure des Industries Chimiques de Nancy)
Docteur ès Sciences
Ingénieur au Centre de Recherche d’Elf à Solaize, Elf Antar France

1. Généralités................................................................................................. J 1 022 - 2
2. Modélisation de type boîte noire ........................................................ — 2
2.1 Approche mathématique ............................................................................ — 2
2.2 Approche par intelligence artificielle ......................................................... — 2
2.3 Cas particulier des systèmes dynamiques ................................................ — 3
2.4 Conclusions.................................................................................................. — 4
3. Modélisation de type génie chimique ................................................ — 4
3.1 Concept de bilans ........................................................................................ — 4
3.2 Principes et limites des logiciels généraux de simulation statique......... — 4
3.3 Principes et limites des logiciels généraux de simulation dynamique ... — 5
3.4 Conclusions.................................................................................................. — 5
4. Modélisation de type mécanique des fluides................................... — 6
4.1 Principes de base de cette approche ......................................................... — 6
4.2 Présentation des logiciel commerciaux..................................................... — 6
5. Conclusions, prospectives .................................................................... — 6
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. J 1 022

éfinir la modélisation en génie des procédés est une tâche délicate tant elle
D recouvre d’actions et d’objectifs divers. On pourrait néanmoins lui donner
la définition synthétique suivante.
La modélisation est une démarche qui permet, à partir de faits expérimen-
taux, de construire un outil mathématique reliant les sorties d’un système à
ses entrées.
On entend par système une structure physique prise de manière isolée ; un
cristallisoir, un réacteur chimique, un atelier... représentent autant d’exemples.
Ses entrées sont les paramètres qui agissent sur son comportement. Elles
peuvent être contrôlées ou non. Ses sorties sont les paramètres résultant des
valeurs données aux entrées.
Pour illustrer cette notion, considérons un réacteur agité adiabatique fonc-
tionnant en régime permanent dans lequel se produit une réaction chimique
A → B. Les variables d’entrée du système sont le débit de charge, la concen-
3 - 1995

tration de A, la température du réacteur, le volume du réacteur ; les variables


de sortie sont le taux de conversion de A en B ou bien les concentrations de
chaque constituant et la température de sortie.
En ce qui concerne la terminologie utilisée dans ce chapitre, le lecteur pourra
utilement se reporter aux chapitres Représentation d’un système [R 7 130] et
Connaissance d’un système [R 7 135] dans la rubrique Automatique du traité
J 1 022

Informatique industrielle.

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MODÉLISATION EN GÉNIE DES PROCÉDÉS __________________________________________________________________________________________________

1. Généralités l’importance relative des sorties eu égard aux objectifs du procédé.


Nous nous focaliserons donc sur le dernier point en explicitant,
dans un sens de complexité croissante, les approches possibles.
Remarquons dès maintenant que la description d’un procédé
On distingue dans un procédé (figure 1) : complexe peut se scinder en sous-ensembles pour lesquels les
— le vecteur des entrées (u1 , u2 , ..., uk ) ; modèles sont de nature différente.
— le vecteur des sorties (y1 , y2 , ..., ym ) ;
— le vecteur des perturbations (p1 , p2 , ..., p ).

2. Modélisation
de type boîte noire
Un modèle de type boîte noire se réduit à une description du
procédé dénuée de toute signification physique. De nombreuses
formes peuvent lui être données depuis la formulation mathé-
matique pure reliant les entrées et les sorties jusqu’à une descrip-
tion qualitative comme les techniques modernes d’intelligence
artificielle l’autorisent. Quel que soit le type d’approche adopté, la
priorité est d’atteindre la meilleure qualité de représentation des
Figure 1 – Nomenclature décrivant la structure d’un procédé
réponses du système en fonction des entrées, ou plus exactement
le rapport optimal qualité/complexité du modèle. En effet, il est pré-
férable d’utiliser un modèle moins performant mais plus simple, de
Ce dernier ensemble de valeurs (les perturbations) correspond manière à avoir une garantie sur sa robustesse.
aux paramètres influant sur le comportement statique ou dyna-
mique du procédé sans que l’on puisse les maîtriser ou que l’on
veuille les prendre en compte dans le modèle. Ce concept de per-
turbations est très important pour les problèmes de modélisation 2.1 Approche mathématique
dynamique et/ou d’automatisation.
En fait, la description précédente restreint le problème aux bornes Deux problèmes sont à résoudre lorsque l’on cherche à créer des
du système, c’est-à-dire aux entrées et sorties. Le plus souvent, une relations mathématiques entre entrées et sorties. Le premier
succession de phénomènes internes intervient dans la relation entre consiste à sélectionner les variables influant le plus sur la sortie
les entrées et les sorties. Par exemple, dans une colonne à distiller étudiée. Le second consiste à chercher la forme mathématique la
pour laquelle sont définis débit de reflux et puissance de rebouillage, plus appropriée.
les caractéristiques (débit et composition) du distillat et du résidu
sont la conséquence des phénomènes de transfert de matière et Bien que le premier puisse être traité directement par identifica-
d’équilibre intervenant sur chaque plateau. Ces variables internes tion, des outils statistiques peuvent aider, à partir de l’analyse des
sont souvent appelées variables d’état du procédé (x1 , x2 , ... xn ). valeurs expérimentales, à déterminer les variables ayant le plus
Elles peuvent dépendre du temps (lorsqu’elles décrivent un procédé d’influence (composantes principales).
non stationnaire) ou non (lorsqu’elles représentent un procédé en La recherche des relations est généralement empirique et se
régime permanent). limite, le plus souvent, à l’emploi de relations polynomiales. Pour
Très généralement, toute description mathématique d’une opé- identifier le nombre optimal de paramètres (qui doit être le plus
ration unitaire ou d’un procédé peut se ramener au système faible possible), des tests statistiques sur le résidu entre valeurs
d’équations suivantes : expérimentales et valeurs calculées sont nécessaires. Très généra-
lement, on utilise le test de Student (cf. chapitre Erreurs de mesure
[R 280], dans le traité Mesures et Contrôle). Mais, pour pallier les
 dx ( t )
 f  ----------------, x ( t ), u ( t ), p ( t ), a ( t ), t  = 0 inconvénients de ces lois polynomiales (comportements non phy-
  dt  siques en dehors des plages de calage, valeurs non bornées lorsque
 les variables deviennent trop grandes), il est souvent intéressant
  dy (t )
 g  --------------- -, y ( t ), x ( t ) = 0 d’utiliser d’autres fonctions mathématiques sélectionnées pour
dt 
 leurs caractéristiques géométriques. Citons la fonction sigmoïde
définie par la relation :
t représente le temps et a (t ) un vecteur de paramètres permettant exp ( ax ) – 1
d’ajuster le modèle à la réalité expérimentale. Là encore, leurs ---------------------------------
exp ( ax ) + 1
valeurs ne sont pas a priori constantes au cours du temps. Un
exemple typique est la décroissance de l’activité d’un catalyseur au a est le paramètre de calage. Lorsque celui-ci est grand, l’évolution
cours du temps ou l’encrassement des échangeurs de chaleur. de cette fonction est brutale et tend vers la fonction de Heaviside.
Un tel ensemble n’est pas toujours accessible ou se révèle
impossible à résoudre. Le problème de base lié à une démarche de
modélisation est de faire des choix :
2.2 Approche par intelligence artificielle
— relatifs à la structure de base du modèle (définition des
entrées, des sorties et des perturbations) ;
— relatifs à la structure des équations. Considérée par certains comme une technique d’intelligence arti-
Le choix des entrées d’un modèle est extrêmement arbitraire. En ficielle et par d’autres comme une technique de modélisation de
fait, ce sont les variables dont on est obligé de fixer les valeurs pour type boîte noire, la modélisation par réseaux neuronaux a pris une
rendre le système soluble. extension récente justifiée par les performances de cette approche.
Il est clair que, dans un tel document, il est impossible d’aborder Ces réseaux, très souvent présentés à l’aide d’une analogie contes-
le premier item de manière concrète. En effet, ces choix dépendent table avec les neurones du cerveau humain, sont composés d’un
essentiellement du procédé, de la sensibilité des entrées, de certain nombre de nœuds (ou neurones) qui sont répartis en couche

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et rassemblent des informations provenant des couches anté- D’autres outils sont disponibles où disparaissent complètement
rieures. Ces informations sont additionnées et transformées par la les équations. Citons ici les systèmes experts, la logique floue, la
fonction de réponse du neurone. physique qualitative... dont la caractéristique de base est de fournir
La figure 2 est un exemple de représentation d’un système à trois des réponses de type décisionnel à partir des informations four-
entrées et deux sorties par un réseau neuronal à cinq neurones nies. Les principes de tous ces outils sont très proches. À partir de
répartis en deux couches. Pour chacun des nœuds de ce réseau, la connaissances obtenues sur le procédé, des règles logiques reliant
sortie est définie par : des faits et des évènements sont établies ; lorsque cette relation
i=N
est stricte, la technique est appelée système expert. Lorsque les
  conséquences ne le sont pas, nous tombons dans le domaine de
w = f  ∑ A i u i la logique floue. Lorsque la définition des événements n’est plus
i = 1 
précise mais repérée par de simples niveaux de valeur, nous abor-
Les Ai sont des paramètres de pondération (ou poids) de chacune dons le principe de la physique qualitative. À partir de cette base
des entrées ui . de règles, un outil (moteur d’inférence pour les systèmes experts)
explore toutes les possibilités et donne une solution. Comme nous
f est une fonction de transition choisie par l’utilisateur parmi l’avons remarqué ci-avant, ces techniques, bien adaptées pour
toute une gamme de fonctions à seuil (fonction échelon unité de identifier des décisions, le sont beaucoup moins lorsqu’une appro-
Heaviside, fonction linéaire à seuil, fonction sigmoïde...). Un che plus quantitative des interactions entrée/sortie est recherchée.
exemple de ce type de fonction est donné par la figure 3.
Une telle approche est extrêmement intéressante car, en entre-
prenant un faible effort en termes d’identification (essentiellement 2.3 Cas particulier
les poids Ai ), des modèles non linéaires multivariables sont
construits et conduisent à un excellent accord entre valeurs expé- des systèmes dynamiques
rimentales et valeurs calculées pour des processus fortement non
linéaires. On considère souvent que trois niveaux sont suffisants Pour les procédés fonctionnant en régime dynamique ou insta-
pour y parvenir. Toutefois, ces modèles restent des modèles de tionnaire, le problème se complique dans la mesure où la dimen-
régression dont l’utilisation en extrapolation est périlleuse sans sion temporelle s’ajoute aux autres variables. Toutefois, ce qui a été
précaution. La représentation par réseau neuronal reste une des- dit auparavant sur la recherche de structure et de dimension du
cription strictement algébrique des relations entrée/sortie. modèle reste valable.
Il faut toutefois rappeler que l’utilisation des fonctions de trans-
fert est intéressante. Les processus linéaires monovariables
peuvent être représentés par des équations différentielles simples.
Pour un système du premier ordre, cette équation s’écrit :

dy ( t ) y (t )
---------------- = -----------
-
τ + b u (t )
dt
avec b constante,
τ constante de temps du procédé.
Pour des systèmes d’ordre supérieur, le nombre de dérivations
de y par rapport au temps est augmenté d’autant. Pour éviter de
manipuler des équations différentielles, celles-ci peuvent être
avantageusement transformées en équations algébriques à l’aide
de la transformation de Laplace (ou en z pour les systèmes échan-
tillonnés) avec tous les avantages que cela apporte en termes de
Figure 2 – Réseau neuronal à deux niveaux et cinq connexions manipulation. Ces équations donnent aussi très rapidement accès
à des principes de réglage de régulateurs.
Lorsque les processus mis en œuvre ne sont pas linéaires, ils
peuvent être approchés de la même manière autour d’un point de
fonctionnement. Les paramètres τ, intervenant dans les équations,
représentent alors les principales constantes de temps du procédé,
mais il est difficile de remonter à leurs origines.
Très souvent, pour des processus échantillonnés, les utilisateurs
préfèrent employer des régressions liant la valeur actuelle d’une
sortie aux valeurs précédentes et à l’entrée correspondante. Ce type
de modèles, décrit par l’équation suivante, est souvent dénommé
modèle ARMA :
i= j=m
y [k ∆t ] = ∑ ai y [ ( k – i ) ∆ t ] + ∑ bj u [ ( k – j – r ) ∆ t ]
i=1 j=1

Dans cette équation, ∆t représente le pas de temps.


k est l’indice du temps courant,  et m les horizons de temps
influant sur le comportement du procédé.
r représente le retard.
Figure 3 – Exemple de fonction de transition f Cette modélisation a l’avantage de se réduire à une expression
linéaire facilement exploitable. Seuls les paramètres a, b,  , m, r
sont à identifier, ce qui impose une connaissance du passé.

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2.4 Conclusions Pour donner des références européennes, citons encore :


— PROSIM, développé à l’ENSIGC de Toulouse et commercialisé
Quelles que soient les techniques utilisées, les modèles de type par Prosim S.A. : ce simulateur, moins connu que les deux premiers
boîte noire sont des modèles de régression, c’est-à-dire qu’ils ne cités, est un excellent produit ;
représentent de manière fiable que le domaine expérimental sur — BELSIM, développé par l’Université de Liège, est distribué par
lequel ils ont été calés. Les utiliser en extrapolation est un risque Belsim S.A. et présente les mêmes caractéristiques que le précédent.
qu’il faut savoir maîtriser. Ces derniers produits font moins référence que les précédents,
Cette approche est souvent la seule possible quand peu de pourtant leurs performances sont tout à fait satisfaisantes et
connaissances physiques sont disponibles. couvrent l’essentiel des besoins habituels.
■ Tous ces logiciels, par le biais d’une programmation spécifique
(macrocommande ) ou d’une interface graphique permettant le
codage du problème, exploitent une bibliothèque de sous-
3. Modélisation de type programmes et de base de données.
génie chimique La bibliothèque de sous-programmes se décompose en deux par-
ties. La première contient les méthodes de calcul des propriétés
physico-chimiques des mélanges ; elles font appel à la base de
données qui rassemble les propriétés physiques des corps purs et
3.1 Concept de bilans les paramètres d’interaction caractérisant la non-idéalité des
mélanges ; son contenu est essentiel pour que le logiciel soit adapté
La modélisation de type génie chimique permet d’établir un aux besoins de l’utilisateur. La deuxième rassemble les modèles des
modèle de procédé à partir des lois fondamentales de la physique opérations unitaires (distillation, équilibre entre phases, échan-
et de la chimie telles que la conservation de la masse, le premier geurs de chaleur, pompe, compresseur...). La richesse de cette
principe de la thermodynamique, les équilibres entre phases, les bibliothèque de modèles ou « modules » est un autre critère de
lois de transfert... Dans leur formulation la plus générale, ceux-ci comparaison entre les différents produits commerciaux.
s’écrivent : Au moment de la résolution du problème, deux approches sont
(ce qui rentre) + (ce qui se crée) = (ce qui sort) + (ce qui s’accumule) possibles ; elles définissent deux classes de logiciels.

Le terme de création correspond par exemple à la production ■ Les plus nombreux résolvent le problème séquentiellement ; les
d’espèce chimique dans un réacteur ou à l’augmentation d’entropie opérations unitaires, appelées « unités », sont calculées les unes
dans un bilan entropique. Il peut être négatif pour traduire une après les autres selon un ordre choisi automatiquement ou imposé
consommation d’espèce chimique dans un réacteur. par l’utilisateur. Dans l’exemple de la figure 4, la simulation du pro-
cédé hors recyclage se ferait en calculant le réacteur puis la colonne
Le terme d’accumulation n’intervient que dans les systèmes à distiller.
instationnaires ; il traduit les fluctuations de la quantité de produit
en réponse à un changement de concentration ou de rétention. Lorsque des recyclages existent dans le schéma, et c’est le cas
de l’exemple de la figure 4, une procédure doit être mise en place
Les deux autres termes représentent la contribution des flux pour les caractériser en débit, composition, température, pression.
convectifs et des phénomènes de transport. Les deux opérations unitaires du schéma sont calculées en faisant
Dans ce type d’approche, les transferts de matière ou de chaleur une hypothèse sur les caractéristiques du recyclage. Après calcul,
et les pertes de charge sont définis par des corrélations se référant celles-ci ne seront pas égales, sauf à convergence, avec les valeurs
à des critères hydrodynamiques macroscopiques (nombre de hypothésées. Il est donc nécessaire de les réactualiser pour tendre
Reynolds) et des constantes physico-chimiques. vers la solution. Cette décomposition du recyclage en deux flux (cf.
Cette modélisation est la plus répandue ; on la retrouve principa- doubles barres sur la figure 4), l’un permettant de définir une
lement dans les logiciels commerciaux de simulation statique ou hypothèse, l’autre de la vérifier, est communément appelée cou-
dynamique. Ces logiciels extrêmement performants s’appuient sur pure. Pour des procédés complexes contenant beaucoup de recy-
des modèles thermodynamiques calculant les propriétés de clages, la localisation des coupures n’est pas unique ; leur choix a
mélange à partir de celles des corps purs (équilibre entre phases, une forte incidence sur la robustesse et la rapidité des calculs. Cel-
enthalpie, entropie) et sur des variables intensives (température, les-ci dépendent aussi des procédures choisies pour accélérer la
pression et composition). convergence par le biais de modules adaptés.

3.2 Principes et limites des logiciels


généraux de simulation statique
■ Les premiers outils de simulation statique de procédés sont
apparus au cours des années 1970. Depuis, de nombreux logiciels
commerciaux ont été développés. Leur abondance rend impossible
une revue exhaustive. Nous en citons ci-après quelques-uns en
commençant par les plus connus :
— ASPEN, commercialisé par Aspen Tech, est extrêmement
complet ; il possède une base de données très importante et orien-
tée vers la chimie ;
— PRO II, distribué par SimSci (Simulation Science Inc.), a les
mêmes potentiels ; il est plus orienté vers l’industrie pétrolière ;
— HYSIM, distribué par Hyprotech, a la particularité d’avoir été
développé spécifiquement pour micro-ordinateur ; il bénéficie donc
d’une interface très conviviale ; il est assez orienté vers l’industrie Figure 4 – Exemple de procédé modélisable par simulateur statique
pétrolière.

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■ Les autres simulateurs résolvent simultanément toutes les équa- Les simulateurs dynamiques ne traitent que des systèmes à
tions de bilan à l’aide d’une méthode de type Newton (cf. chapitre paramètres localisés, c’est-à-dire ceux où une seule valeur décrit
Optimisation [R 7 210] dans la rubrique Automatique du traité Infor- l’état d’une variable dans un volume.
matique industrielle). Les flux de recyclage n’ont plus besoin d’être Un réacteur agité en est bien sûr l’exemple typique. Cette limi-
coupés et les convergences sont beaucoup plus rapides. Cette tation est extrêmement importante au niveau pratique car tout
approche est avantageuse pour des procédés comportant beaucoup système n’appartenant pas à cette classe doit être décomposé en
de recyclages. Inversement, si le choix des hypothèses de calcul est un certain nombre de cellules interconnectées. Cette méthode de
mauvais, l’utilisateur dispose de peu de moyens pour analyser le discrétisation de la variable spatiale est une approximation satis-
problème et localiser l’origine de la divergence. faisante dans la plupart des cas (les échangeurs de chaleur, par
■ Quelle que soit leur origine, ces logiciels ont la caractéristique exemple).
fondamentale d’être dédiés aux calculs de bilan matière et enthal- Le choix de la structure du modèle est en fait l’étape déterminante
pique ainsi qu’aux calculs d’équilibre entre phases. Tous les aspects pour obtenir des résultats quantitatifs. Ainsi, dans une colonne à
transfert de matière ou de chaleur ne sont pas vraiment pris en distiller où condenseur et rebouilleur sont les appareils ayant les
compte. En dehors de quelques cas particuliers tels les échangeurs rétentions les plus importantes, la qualité des résultats sera large-
de chaleur, les performances des appareils sont estimées à partir ment conditionnée par le choix du modèle. Réduire ces appareils
de valeurs fournies par l’utilisateur. à un volume parfaitement agité est souvent insuffisant.
Pourtant, les résultats des simulations sont exploités pour effec- Contrairement au cas précédent où l’offre est pléthorique, peu de
tuer un prédimensionnement des appareils. Ces données utiles simulateurs dynamiques existent commercialement. À ce jour, le
pour des estimations économiques préliminaires doivent être vali- seul produit largement diffusé est SPEED UP, développé initia-
dées par des méthodes spécifiques avant toute construction. lement par l’Imperial College de Londres et distribué par Aspen
Par contre, ils ont tous la même faiblesse : la modélisation des Tech. D’autres produits viennent d’arriver sur le marché ; leur
réacteurs. Tous proposent des modules de réacteur parfaitement jeunesse empêche de les décrire. D’autres encore apparaîtront
agité ou de réacteur piston. Ceux-ci ne sont en fait que des entités prochainement.
d’accueil pour y introduire tant le schéma réactionnel que le modèle Il faut toutefois noter que les principales fonctions sont les
cinétique. Cette limitation impose donc à l’utilisateur de se procurer mêmes que celles des simulateurs statiques (établissement des
son propre modèle en l’achetant spécifiquement à des fournisseurs bilans matière et enthalpique, absence de calcul des coefficients de
ou en le développant lui-même. transfert, modules de réacteur limités au rôle d’entité d’accueil).
La faiblesse de la représentation hydrodynamique limite aussi Les principales applications de la simulation dynamique réali-
leur domaine d’application. Pour atteindre une représentation plus sables à l’aide de ce type de logiciels sont :
réaliste, il devient nécessaire d’identifier la distribution des temps — l’étude de procédés discontinus (optimisation de conditions
de séjour avant de travailler à l’aide des analogies classiques du opératoires) ;
génie de la réaction chimique ou de développer son propre module — les tests de protocoles d’automatisation pour comparer leurs
intégrant toutes les caractéristiques voulues. efficacités ;
Une autre fonction fréquemment rencontrée mérite d’être citée ; — les études de sécurité où les conséquences d’événements
presque tous les logiciels offrent des modules d’optimisation (fermeture d’une vanne, apparition de fuites) sont quantifiées ;
exploitant des fonctions créées pour chaque application. Cette — les simulateurs d’entraînement.
option est très importante pour rechercher les meilleures conditions Cette dernière application requiert un environnement important
opératoires, minimiser la présence de composés dans les recy- en termes d’interfaçage.
clages, optimiser économiquement la conception des unités...
Une revue aussi générale que celle-ci ne peut pas mettre en
exergue toutes les spécificités des logiciels disponibles. Le lecteur 3.4 Conclusions
ayant un problème particulier devra rechercher si la fonction cor-
respondante existe chez un fournisseur.
Les outils de type génie chimique offrent des ressources impor-
tantes pour aider à la compréhension d’un procédé et à la définition
d’une structure de procédé. Mais cette puissance est redoutable car
3.3 Principes et limites des logiciels elle impose une parfaite maîtrise des méthodes thermodynamiques
généraux de simulation dynamique employées pour prédire les enthalpies, les entropies (nécessaires
pour les compresseurs) et les coefficients d’équilibre. Une descrip-
Les simulateurs dynamiques calculent l’évolution d’un système tion de ces méthodes est effectuée dans les chapitres Thermo-
en régime transitoire. Contrairement aux simulateurs précédents, dynamique chimique [J 1 025] [J 1 026] [J 1 028] de ce traité , qu’il
ces logiciels tiennent compte des phénomènes d’accumulation dans est indispensable de bien connaître avant d’utiliser les produits de
le procédé. Pris au sens le plus large, ils vont résoudre un système simulation dynamique ou statique. Trop d’erreurs ont pu être faites
d’équations du type : à cause d’une mauvaise sélection des méthodes de calcul ou d’une
information insuffisante sur les propriétés des corps purs. En cas
 dx ( t ) d’ambiguïté, la consultation de la littérature scientifique ou de
 g x ( t ), t, ----------------, m ( t ) = 0 banques de données telles que celles de la DECHEMA (disponible
 dt
 à la fois sous forme de documents ou de logiciels) est nécessaire.
 h [ x ( t ), t ] = 0
La puissance de calcul de ces logiciels ne doit pas faire oublier
où x (t ) représente le vecteur des variables d’état (température, leur faiblesse principale qui est de ne pas tenir compte de l’hydro-
pression, composition, débit...) et t le temps. dynamique et de toutes ses conséquences sur les coefficients de
transfert et autres phénomènes de couplage.
m est le vecteur des rétentions dans le procédé ; celles-ci sont soit
de type matière (volume), soit d’origine thermique (capacité ther-
mique des produits et des parois).
Remarquons dès maintenant que ces équations ne tiennent pas
compte d’une éventuelle évolution des variables d’état par rapport
à une variable spatiale comme on la rencontre dans un réacteur
piston, une colonne à garnissage, un échangeur de chaleur. Cette
caractéristique est fondamentale et s’énonce de la façon suivante.

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4. Modélisation de type Nous décrivons ici l’équation de Navier et Stokes pour un milieu
homogène incompressible, newtonien et de viscosité constante :
mécanique des fluides ∂u ∂u x ∂u x ∂u x
ρ  ---------x + u x --------- + u y --------- + u z ---------
∂t ∂x ∂y ∂z
La distinction entre méthodes du génie chimique et méthode de 2 2 2
∂P ∂ u ∂ u ∂ u x
type mécanique des fluides peut paraître incongrue aux yeux de = – -------- + µ  -----------2x- + -----------2x- + -----------
- + ρ g x
∂x  ∂x ∂y ∂z 
2
certains. Elle vise à caractériser une différence technique. L’objectif,
ici, est d’obtenir un modèle très fin des phénomènes intervenant avec ρ masse volumique,
dans un système en tenant compte de tous les couplages (cinétique
chimique, transfert, hydrodynamique). P pression,
µ viscosité,
gx accélération due à la pesanteur.
4.1 Principes de base de cette approche Pour exploiter ces équations de base, il faut ajouter d’autres lois
exprimant ri , la perte de charge, en fonction des autres paramètres
et celles décrivant les conditions aux limites. Celles-ci, s’exprimant
Pour atteindre ce niveau de description, il faut être capable de entre autres par une vitesse nulle perpendiculairement à la paroi,
décrire le fonctionnement du processus dans un volume élémen- permettent de prendre en compte l’influence de la géométrie sur les
taire tel que celui représenté par la figure 5. performances du procédé.
Les lois précédentes ont été explicitées dans un cas particulier en
employant des coordonnées cartésiennes. Comme la plupart des
systèmes physiques ne sont pas d’une géométrie régulière, un gros
travail doit être accompli pour découper le volume étudié en
volumes élémentaires décrivant de manière satisfaisante la géomé-
trie de toute l’enceinte. Dans la plupart des cas, les volumes
élémentaires servant de structure de base à la résolution des équa-
tions ne sont ni égaux, ni réguliers.
Qu’apportent des outils aussi lourds par rapport aux techniques
du type génie chimique ? Ces deux approches sont en fait complé-
mentaires dans la mesure où les méthodes du génie chimique sont
capables de représenter de gros systèmes en se limitant à des
hypothèses simplificatrices sur les aspects hydrodynamiques et
Figure 5 – Description d’un volume unitaire transfert. Inversement, les méthodes de type mécanique des
fluides simulent de manière très détaillée le fonctionnement d’un
appareil. Elles sont couramment utilisées, entre autres, pour :
Pour ce faire, les équations de conservation de masse, d’énergie — améliorer les distributeurs de fluide dans des échangeurs de
et de quantité de mouvement doivent être écrites. On remarque chaleur ;
immédiatement que cette dernière équation s’ajoute à celles utili- — vérifier le mélangeage dans une cuve ;
sées dans l’approche de type génie chimique. — déterminer la présence de points chauds dans des réacteurs ;
— calculer la diffusion de polluants dans l’atmosphère suite à des
■ Équation de bilan matière pour un constituant i incidents.
en phase homogène
Elle s’écrit :
∂ Φ ix ∂ Φ iy ∂ Φ iz ∂c i 4.2 Présentation des logiciel
- + ------------ + ----------- + ------- = r i
-----------
∂x ∂y ∂z ∂t commerciaux
∂ ci Là encore, différents produits sont accessibles ; nous nous
Φ ix = u x c i – D i -------
∂x contenterons d’en citer deux :
avec ci concentration de l’espèce i dans le volume de — FLUENT, distribué par Fluent France ;
contrôle, — PHOENIX, distribué par concentration and Heat Momentum Ltd.
ux vitesse du fluide considérée dans la direction x, Ces logiciels fonctionnent sur les mêmes principes. Ils donnent
accès à un solveur d’équations. Le système d’équations à résoudre
ri vitesse d’accumulation de l’espèce i due à des et la description de la géométrie sont fournis par l’utilisateur. Bien
réactions chimiques ou des phénomènes de sûr, cette programmation est faite à partir d’un macrolangage et
transfert de matière, facilitée par des aides.
Φix , Φiy , Φiz flux de matière de l’espèce i respectivement
dans les directions x, y et z,
Di diffusivité de l’espèce i.
■ Équation de bilan enthalpique
5. Conclusions, prospectives
L’équation correspondante a la même structure que celle du bilan
Le domaine de la modélisation a énormément évolué au cours
matière ; il suffit de remplacer le terme de concentration par
de ces dernières années. En fait, peu de nouveaux concepts sont
l’enthalpie.
apparus. Certains, parfois fort anciens tels que les systèmes experts
■ Équation de conservation de la quantité de mouvement ou les réseaux neuronaux, sont arrivés à maturité. Les progrès
majeurs sont dus au développement vertigineux des moyens infor-
La mise en forme de cette équation change selon que le fluide
matiques et des logiciels. Ainsi, l’ingénieur peut disposer de nos
est compressible ou incompressible.
jours de toute une gamme de produits laissant envisager à terme

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__________________________________________________________________________________________________ MODÉLISATION EN GÉNIE DES PROCÉDÉS

un système de conception généralisée par ordinateur. Est-ce un — le dimensionnement, qui calcule et définit les feuilles de spé-
rêve ? D’ores et déjà, des produits commerciaux existent dans les cification pour les appareils à mettre en place.
domaines suivants : À terme, ces logiciels devraient être de plus en plus interfacés
— la synthèse automatique de procédés, qui permet de trouver comme le montre la tendance rencontrée avec certains d’entre eux.
la structure optimale du procédé lorsque toutes les solutions L’ingénieur devra savoir les utiliser pour résoudre ses problèmes
alternatives ont été élaborées (en règle générale, ces logiciels défi- concrets.
nissent eux-mêmes une superstructure ) ;
— la simulation statique ou dynamique, qui, à partir d’hypo- Si la Conception Assistée par Ordinateur (CAO) semble une voie
thèses simplificatrices sur les problèmes d’hydrodynamique et de d’avenir, des progrès importants restent à faire sur la modélisation
transfert, détermine les performances du procédé et permet son thermodynamique, sur la modélisation cinétique des réactions et
optimisation, ce qui conduit parfois à l’arrêt d’appareils ; sur la prédiction des transferts de matière ou de chaleur. En effet,
— la simulation hydrodynamique, qui reconstitue les profils de les méthodes classiquement utilisées en génie des procédés sont
vitesse en fonction des formes géométriques des appareils et de des corrélations obtenues par une observation macroscopique des
leurs modes d’alimentation. Ceux-ci mettent en évidence les phénomènes. Une meilleure appréhension des phénomènes
volumes morts, les courts-circuits, les profils de température... et microscopiques sera source de progrès. Pour illustrer cette der-
leur emploi autorise ainsi l’évolution des structures mécaniques nière assertion, citons toutes les études sur le micromélange qui
des appareils afin d’en optimiser les rendements ; ont permis des progrès considérables dans des domaines tels que
la polymérisation.

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par Jean-Paul GOURLIA N
Ingénieur ENSIC (École Nationale Supérieure des Industries Chimiques de Nancy)
Docteur ès Sciences
Ingénieur au Centre de Recherche d’Elf à Solaize, Elf Antar France
S
Références bibliographiques A
[1] BORNE (P.), DAUPHIN-TANGUY (G.),
RICHARD (J. P.), ROTELLA (F.) et ZAMBET-
TAKIS (I.). – Commande et optimisation des
[2] SAATDJIAN (E.). – Phénomènes de trans-
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V
processus. Éditions Technip (1990). louse, oct. 1992. Supplément de Computer
and Chemical Engineering (1993). O
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3 - 1995
Doc. J 1 022

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