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CHAP II : JEAN-MARC ELA : UNE PENSEE THEOLOGIQUE ET PASTORALE

FONDEES SUR L’ « EVANGILE DE LA LIBERATION »

Le chapitre précédent a consisté en la présentation de la paroisse saint Joseph de Tindamba. Dans


la dite présentation il s’est agi pour nous de parler brièvement de l’histoire du diocèse de Bertoua
en partant du grand diocèse de Doumé aux différentes divisions puis nous avons dégagé les
éléments socio-anthrologico-culturels ainsi que l’ossature, l’organisation et les difficultés
pastorales rencontrées dans la dite paroisse. Dans ce second chapitre, nous voulons nous arrêter
tant soit peu sur la personne de Jean-Marc Ela et sur sa pensée théologique qui promeut la
libération et le développement intégral de l’homme et de tout l’homme en reconnaissant sa
dignité. Pour y parvenir nous voulons structurer ce chapitre en trois points essentiels qui nous
permettent de cerner le personnage de Jean-Marc Ela et de mieux comprendre sa théologie pour
en maitriser les tenant et les aboutissements. Bien qu’il soit auteur de plusieurs ouvrages tels
que : L’Afrique des villages ; le cri de l’homme africain ; l’Afrique, l’irruption des pauvre :
Société contre Ingérence, Pouvoir et Argent ; Ma foi d’Africain ; Repenser la théologie
africaine. Le Dieu qui libère, c’est sur ce-dernier que portera plus notre étude.

• JEAN-MARC ELA ET L’EMERGENCE D’UNE THEOLOGIE EN CONTEXTE


AFRICAIN

I. 1. Qui est Jean-Marc Ela ?

I. 1. 1. Vie et études

Jean-Marc Ela est né le 27 septembre 1936 à Ebolowa, chef-lieu de la région du Sud-


Cameroun. En présentant ses parents comme des grands chrétiens, avec une vie profondément
orientée à l’Évangile et qui lui ont donné une éducation rude et stricte, on comprend très vite la
rigueur qu’il a manifesté dans sa vie et dans sa pensée car Il a su concilier sociologie et théologie
dans ses recherches scientifiques.

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Après un parcours scolaire débuté en 1946, Jean-Marc Ela obtient cinq ans plus tard le
Certificat d’Étude Primaire à Ebolowa. Au sujet de sa vocation, Michel-Marc Mvomo parlant de
lui, souligne qu’il était un enfant de chœur et qu’il travaillait comme « boy » chez les
missionnaires et c’est de cette proximité avec les religieux qu’il eut le désire de devenir prêtre. Il
va exprimer son désir en entrant au Grand-Séminaire d’Otélé en 1956 après son obtention du
baccalauréat ; et plus tard il est ordonné prêtre par Mgr Pierre Célestin Nkou à Abang (Ebolowa)
en 1960.

Après son ordination, Jean-Marc Ela sera envoyé aux études en France où « il aura étudié
la philosophie, la sociologie et la théologie catholique. Et en 1969, il soutient, avec mention très
honorable sa thèse de doctorat sur la transcendance de Dieu et l’existence humaine selon
Martin Luther : Essai d’introduction à la logique d’une théologie. L’année 1970 marque son
retour au Cameroun. Sans se lasser, « il continuera à mener une activité d’écriture universitaire
qui va aboutir à une thèse en sociologie à la Sorbonne » (mention très bien), sur le thème :
structures sociales traditionnelles et changements économiques chez les montagnards du
Nord-Cameroun. Le cas de Tokombéré. « Dans ce travail qui constitue une sorte de
propédeutique à l’histoire vivante des montagnards, Ela analyse, du point de vue sociologique,
les implications et les répercussions de la pénétration des puissances extérieures sur leur mode
de production agricole ».

De retour au Cameroun Ela sera affecté successivement « au petit séminaire Jean XXIII
d’Ebolowa et comme vicaire paroissial à Akom II, au collège Saint-Kisito de Sangmélima ».
Cependant, le désir de transformer la réalité et de changer le modèle existant va pousser Ela à
rejoindre Baba Simon chez les Kirdis.

I. 1. 2. Fondement du discours théologico-pastoral de Jean-Marc Ela

Il existe quatre moments forts qui structurent et donnent un sens à toute la pensée de Jean-
Marc Ela, si les deux premiers sont historiques, les deux autres sont le résultat d’une
herméneutique théologique.

I. 1. 2. 1. Son expérience chez les Kirdis au Nord-Cameroun

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Jean-Marc Ela considère cette expérience chez les Kirdis comme un cheminement
spirituel qui lui permit d’ouvrir les yeux sur les réalités de la société africaine mais aussi, cette
expérience favorisa sa propre libération. C’est au côté de Baba Simon qu’il apprit à « danser »
au rythme des Kirdis, à prendre « conscience des problèmes cruels auxquels sont confrontés les
africains qui luttent pour leur survie. Il mesure aussi le degré de précarité et d’exploitation de la
part des politiques économiques d’alors et des difficultés psychico-culturelles des villageois qui
les empêchent de lutter pour changer leur condition d’existence ». Cette initiation se faisait
chaque samedi sous le grand Tamarinier ou lors des veillées de partage avec ce peuple des
montagnes. C’est d’ailleurs lors d’une veillée d’échange sur la Parole de Dieu avec les Kirdis,
qu’Ela eut l’impulsion de rédiger son œuvre : Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui
libère, aux éditions Kartala, Paris, 2003, 447 pages. À travers la question de la femme Kirdi:
« Dieu, Dieu, et après? », Jean-Marc Ela « voit et expérimente ce que signifient la misère et
l’oppression d’un peuple. C’est dans ce nouveau milieu austère qui fait désormais partie de sa vie
qu’il expérimente et réalise l’inadéquation entre la théologie apprise dans les institutions et
universités coloniales et européennes et la réalité que vit le peuple (…) entre ce qu’il a appris et
ce qui est vécu » entre « la théologie qui était faite en Afrique par les missionnaires et la
hiérarchie religieuse qui ne prenait pas en compte la situation existentielle et concrète des gens et
par-dessus le marché, cette théologie parlait un langage qui n’était pas compréhensible aux
africains ». Il fallait une théologie qui tient compte du contexte, du milieu culturel, économique
et politique.

I. 1. 2. 2. L’irruption des pauvres dans l’histoire de l’Afrique et de l’humanité

L’irruption des pauvres fut un évènement mondial et historique, causé par plusieurs
facteurs que Jean-Marc Ela décrit dans son œuvre l’Afrique, l’irruption des pauvres : Société
contre ingérence Pouvoir et Argent. La traite négrière, la colonisation et aujourd’hui le
néocolonialisme sont pour Jean-Marc Ela à l’origine du tiers-monde caractérisé par la misère, la
faim, la maladie, la pauvreté et pourtant occupant des territoires aux richesses multiples. Le désir
d’autodétermination politique, économique et social observé dans les années 1950, va aussi
influer sur la pensée théologique ; un exemple très palpable, le célèbre livre intitulé Des prêtres
noirs s’interrogent, éd. Cerf, Paris, 1956. Parallèlement à son expérience chez les Kirdis, « Jean-
Marc Ela qui vit cet évènement mondial du rassemblement des peuples pauvres pour plaider leur

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cause face à l’exploitation abusive de leurs ressources par des forces impérialistes et
colonisatrices comme un temps de grâce, y voit en même temps un moment favorable de
renouvellement radical et de reconsidération profonde de la mission de l’Église en Afrique». Et
c’est l’africain lui-même qui est sujet et auteur de cette réflexion théologique et de
l’interprétation de la bible.

I. 1. 2. 3. L’effondrement de la pensée chrétienne occidentale

L’effondrement de la pensée occidentale est l’un des fondements herméneutico-


théologique. Jean-Marc Ela pense que « le socle épistémologique et culturel de la pensée
chrétienne s’est effondré. Les instruments de pensée utilisés dans les Églises d’Occident pour
exprimer la foi ont perdu leur pertinence. Cette crise oblige à s’interroger sur la légitimité des
formes de communication permettant à dire Dieu dans un langage neuf compte tenu de
l’élargissement des horizons ouverts par l’avènement de cultures différentes». Il faut maintenant
lire l’Évangile non plus dans « l’univers néoplatonicien où saint Augustin a repensé le
christianisme (…)» mais plutôt dans l’univers humano-religieux des peuples auxquels nous
sommes appelés à annoncer la Bonne Nouvelle du salut. Il pose donc ici le problème d’une
nouvelle interprétation du sens de l’Évangile et de la Révélation.

I. 1. 2. 4. La nécessité de libérer l’Évangile et le christianisme en Afrique.

Dans son œuvre Ma foi d’Africain, Ela pose une question importante « comment
‘‘libérer’’ l’Évangile, pour lui permettre d’être ferment de libération dans un contexte
socioreligieux où l’on découvre que le Dieu de Jésus-Christ résiste au rôle qu’on lui a fait jouer
en sacralisant les pouvoirs qu’il conteste ? ». Il dénonçait déjà l’attitude de l’Église « qui pactise
avec les régimes qui dépouillent et massacrent les gens » ce qui selon lui justifie la culture du
soupçon observé chez les africains vis-à-vis de la Parole de Dieu aujourd’hui. Dans sa lettre aux
Corinthiens saint Paul se situait dans la perspective du statu quo. Il déclare : « que chacun
demeure dans la condition où il se trouvait quand il a été appelé. Étais-tu esclave quand tu as été
appelé? Ne t’en soucie pas au contraire alors même que tu pourrais te libérer, mets plutôt à profit
ta condition d’esclave » (1Co 7,20). Saint Paul dans ces propos ne prend véritablement pas
position par rapport à la condition des esclaves. Une attitude qu’Ela dénonçait aussi dans les
écrits de certains ecclésiastiques comme Cyril d’Alexandrie qui déclare : « Si tu es esclave ou

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pauvre n’en conçoit pas de honte : celui qui a permis qu’on le traite en esclave n’aura aucun
mépris pour les esclaves ». De même, « Les théologiens enfermés dans les structures d’une
religion de l’empire ne pouvaient mettre en valeur le potentiel critique et libérateur de l’Évangile
de Jésus-Christ sans se trouver en conflit avec les groupes d’intérêts qui avaient besoin de la
caution de l’Église pour maintenir les pouvoirs au sein d’un système d’inégalités et de
domination ». D’où aujourd’hui la nécessité de libérer cette Évangile afin qu’il réalise
pleinement sa fonction libératrice.

I. 3. Quelques thématiques abordées par Jean-Marc Ela dans son œuvre Repenser la
théologie africaine. Le Dieu qui libère

I. 3. 1. L’échec de la première évangélisation en Afrique

L’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa fait une brève histoire de


l’évangélisation en Afrique qui s’est faite en trois phases : la première a eu lieu dans les premiers
siècles du christianisme, la deuxième au XV et XVI siècle et la troisième au XIX siècle. Cette
dernière phase marque également le début de la conquête de l’Afrique par l’Europe. En tant
qu’anthropologue et sociologue, Ela analyse l’entreprise missionnaire du XIX siècle dont Il
reconnait le zèle, l’engagement et le dévouement. « Mais en tant que théologien il ne peut pas
s’empêcher de réfléchir sur (…) la nature même de l’évangélisation. Son regard devient alors
critique sur le fond et la forme de l’évangélisation des missionnaires ». Pour lui, la première
évangélisation fut un échec. Cet échec repose sur le fait qu’« elle s’est avérée incapable
d’enraciner le message de Dieu dans le monde des croyances africaines dont les missionnaires
d’hier n’ont pas su apprécier les valeurs faute d’attention ou de respect à l’égard d’une autre
manière de vivre et de penser». Or, ces missionnaires auraient dû évangéliser en restant à
l’écoute des hommes et des femmes, à l’écoute de leur culture, valeurs, de leurs situations, leurs
inquiétudes et leurs aspirations. Au contraire, ils ont fait de l’évangélisation une domination, une
conquête. Leur priorité reposait sur la nécessité de faire des africains des européens à la peau
noire par le biais de l’acculturation et pourtant la semence du Verbe de Dieu se trouve dans
toute culture. C’est au vu de tout ceci que la question de la femme Kirdis prend un sens : « Dieu,

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Dieu et après ? ». À quoi me sert un discours sur Dieu s’il ne peut répondre ni au problème de la
faim, ni à celui de la domination (culturelle, économique, politique…) ni à celui de l’injustice et
de l’oppression ? Ces interrogations font « découvrir l’urgence de forger de nouveaux
paradigmes, de créer des outils et des instruments opératoires, de définir des cadres
d’intelligibilités et des grilles de lecture appropriées et pertinents en vue de repenser la théologie
africaine et de découvrir ce Dieu dont Jésus vient manifester le Nom là où nous prenons
conscience des réalités de notre existence et de notre condition historique».

I. 3. 2. La mise en valeur du monde d’ici bas ( p 79)

En parcourant l’histoire du salut, fort est de constater que c’est dans les situations
d’exclavage ( Ex 28,2; Mi 6,4), de persecution ou d’oppression ( 2S 22,8; Ps 106,10), d’exil ( Jr
50,19), de detresse et de pauvrete, de maladie ( Mc 6,3) que le Dieu Sauveur intervient en faveur
de l’etre humain. On se rend aussi compte que les demandes contenues dans la priere du Notre
Pere : << Que ton regne vienne, Que ta volonte soit faite sur la terre comme au ciel, donne-nous
aujourd’hui notre pain de ce jour … delivre-nous du mal>>, situent le commencement de
l’experience du bonheur sur la terre. Contrairement au << christianisme negrier (qui) n’a jamais
accorde de valeur au monde d’ici bas dans la mesure ou le bonheur ne leur etait promis que dans
l’audela … en faisant du christianisme une religion de la soumission et de la resignation. Ce
christianisme n’est pas biblique>> (81) car il ne met pas en valeur la personne humaine, le corps,
la sexualite, ni meme le monde et la creation. Or, L’evangile nous donne d’affronter la realite
concrete de notre existence non de le fuir, il nous met au travail en nous invitant a participer a la
transformation que Dieu entreprend. (80) Il fait donc de nous des acteurs et des ouvriers du
royaume. Ainsi, pour Ela, << dans le christianisme, le salut n’existe pas en dehors du monde et
de l’histoire et en dehors du service des autres >> (80). Cette théologie s'appuie sur le fait que le
Dieu auquel nous croyons, revelé en Jésus Christ s'est incané, il a pris la condition d'homme pour
nous relever, pour nous rendre notre dignité perdu.

I. 3. 3. L'Evangile, la foi au service de libération

La bible parle de Dieu non à partir de la création mais à partir de sa revélation comme un
Dieu libérateur qui apporte le salut à l'homme pris dans les systèmes de paupérisations qui
piétinent sa dignité. A cet egard, l'on ne peut se permettre d'annoncer un évangile de la

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soumission et de l'obeissance aux tyrans ou faire de ces-dernières " une véritable vertu, c'est-à-
dire, un art de vivre dans la foi. Non seulement une telle doctrine ne ferait que renforcer le
ystème qui ne recule devant aucune forme de cruauté pour aggraver les conditions de vie des
gens (...) mais elle rendrait inintélligible l'attitude de Dieu qui n'a pu toléréer que son peuple soit
soumis à la misère" ( Rpta 58). Jean-Marc Ela s'attele donc à montrer que le désir de libération
ne se réalise pas seulement dans les cieux mais aussi sur terre (Rpta 62) et s'i,surge contre le
statu quo que saint Paul prone dans sa 1 Co 7, 20-24 où il demande aux chrétiens de Corinthe de
demeurer dans la condition où ils se trouvaientt quand ils devenus croyant. Etais-tu esclave?
Restes-y. Etais-tu pauvre? restes- y. Mets plutot à profit ta condition d'esclave, ta condition de
pauvre en espérant une libération et un richesse dans les cieux. " Le message est clair : ne pas
changer de condition" (Rpta 62) or "Dieu se dit dans une histoire de libération" (Rta 59).

Tout ce qui précède converge à montrer que Jean-Marc Ela se veut faire une théologie
incarnée, qui tient compte du contexte socio-economico-culturel et même politique.

II. LE CARACTERE SITUE DE LA THEOLOGIE DE JEAN-MARC ELA

Depuis le cercle théologique de Lovanium à Kinshassa en 1960, avec la contribution de


l’abbé Thomas Tibangou, le père Chamoine Vaneste, le père Ave Maire Henry, Fabien
Eboussi Boulaga et bien d’autres encore, << on ne s’interroge plus sur la possibilite et la
legitimite d’une theologie africaine. Plus personne ne conteste le caractere situe de toute
theologie>>.( 4 cou) C’est sans doute ce caractère nécessaire qui va guider Jean-Marc Ela
dans sa « réflexion sur l’expérience de la rencontre entre l’Évangile et les peuples africains».
Nous retenons ici deux moments qui révèlent la visée contextuelle de sa réflexion et de sa
pastorale.

II. 1. Une théologie anthropocentrique

Dans cette question de la femme Kirdis : « Dieu et Dieu après ? », se soulevait aussi la
crise anthropologique du discours théologique en Afrique. La théologie, selon son étymologie
« Theos » Dieu et « logos » discours, est certes un discours dont la réflexion porte sur Dieu qui
s’est révélé tout au long de l’histoire du salut néanmoins, elle ne peut et ne doit pas rester

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indifférente aux questions existentielles des hommes et des femmes. À cet effet, Karl Rhanner
affirme que : « la théologie dogmatique doit devenir une anthropologie théologique. On ne doit
pas considérer le problème de l’homme ni la réponse qu’on y fait comme un territoire différent
matériellement et localement des autres domaines d’expression théologique, mais il couvre la
théologie dogmatique tout entière. Cette thèse ne contredit pas le caractère théocentrique de toute
théologie. Dès lors qu’on regarde l’homme comme absolue transcendance orientée à Dieu l’
‘‘anthropocentrisme’’ et le ‘‘théocentrisme’’ de la théologie ne se contredisent pas mais sont
rigoureusement une seule et même chose exprimée à partir de deux points de vue» . Ne pas se
« dérober à la tâche qui consiste à dégager l’intention ou la visée anthropologique qui anime
toute théologie digne de ce nom» apparait donc d’une importance capitale pour Jean-Marc Ela
qui se fait la voix des pauvres et des opprimés

II. 2. Une théologie ouverte à l’inculturation de la foi en Afrique

Léon Magloire Foé dans ces propositions Pour une méthodologie efficace de
l’évangélisation en Afrique soulevait déjà cette urgence. Il dit : « pour parvenir jusqu’à nous, la
Bonne Nouvelle du salut a traversé l’espace et le temps. Tout au long de cette odyssée, la Parole
a été confrontée aux différentes situations socioculturelles qu’ont vécues les messagers et les
destinataires de la Bonne Nouvelle (…) En effet, l’annonce et la réception du kérygme sont
porteuses de l’exigence même de l’inculturation. Car l’Église, chargée de cette mission,
s’adresse aux hommes de chaque époque en actualisant le message qu’il véhicule ». Inculturer la
foi signifie insérer le message chrétien dans une culture, y adhérer avec ses modes de penser,
d’agir, de vivre ; avec ce qu’on est et aspire à être. Il s’agit en l’occurrence d’une volonté et d’un
effort concret pour évangéliser nos traditions, convertir nos mentalités bref, pour purifier et
mûrir toute notre culture au regard de la Bonne Nouvelle du salut apportée par Jésus-Christ. Le
seul et grave problème qui se pose dans nos Églises africaines est celui de l’inculturation de la
foi chrétienne. « Nos Églises d’Afrique seront africaines ou ne seront pas. C’est là l’enjeu de
l’avenir du christianisme chez nous ». Ainsi, pour Jean-Marc Ela, l’inculturation comme
discours postcolonial vise la production d’une identité chrétienne authentiquement africaine. Il
s’agit ici de concilier la « catholicité » de la foi chrétienne et la « particularité » des cultures
africaines.

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II. 3. Une théologie pour les pauvres

Parler de Jean-Marc Ela et son option préférentielle pour les pauvres c’est montrer
comment ce grand théologien se « proposait de remédier à la misère et à la pauvreté en Afrique
noire ». Les pauvres sont au cœur de la pensée théologique de Jean-Marc Ela. Le docteur André
Valery Ndongo le mentionnait déjà lorsqu’il présentait l’œuvre de Jean-Marc Ela « comme une
vie pour les pauvres et une pensée pour les pauvres ». Car, sa théologie n’est pas née entre quatre
murs. Elle nait précisément sous l’arbre à palabre dans les montagnes du Nord-Cameroun où,
les soirs, il retrouvait avec les paysans et paysannes, pour lire la Bible avec leurs yeux
d’Africains, lorsque pendant près de quatorze ans, il a partagé leur sort et qu’il s’est impliqué
dans un travail d’évangélisation.

Sa pensée sociologique en est aussi imprégnée. Dans certains de ses livres Ela fait échos
de la souffrance du pauvre en Afrique noire : l’Afrique des villages ; le cri de l’homme africain ;
l’Afrique, l’irruption des pauvres : Société contre Ingérence, Pouvoir et Argent. Si le premier
présente les ravages de la pauvreté en milieu rural les deux derniers insiste à relever que le
milieu urbain n’en est pas exempt de cette réalité existentielle et économique. Face aux cris du
peuple africains et en s’appuyant sur la situation d’Israël en Égypte, Ela milite à « montrer que
la révélation de Dieu en Jésus-Christ trouve sa pleine signification en Afrique lorsque l’Église
fait mémoire de l’ ‘‘Évangile de libération’’ ». Quelles stratégies propose t-il pour libérer
l'Afrique?

III. STRATEGIES POUR LA LIBERATION DE L' AFRIQUE

Jean-Mrc Ela propose deux statégies pour libérer l'Afrique: "la théologie sous l'arbre" et
"la pastorale du grenier."

III. 1. La théologie sous l'arbre

Le lien que Jean-Marc Ela enretenu avec les pauvres, les opprimés, les personnes qui pour lui
font partir du "monde d'en bas", lu permis d'élaborer une manière pertinente de faire de la
théologie. cette théologie il l'a appellé " la théologie sous l'arbre", qui s'élabore quand le pasteur
partage le sort d'un peuple ou d'une communauté et l'aide à se prendre en charge et à travailler

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pour transformer ses conditions de vie. Dans une Afrique cribléepar la misère et la pauvreté,
Jean-Marc Ela à travers cette "théologie sous larbre" " veut privilégier un vivre-ensemble de
solidarité, de fraternité et de partage" ( ). Cette théologie implique deux choses de la part du
pasteur :

III. 1. 1. Aller à la rencontre de l'homme et de son environnement

Selon Ela, cette première étape exige du pasteur de quitter son " bureau climatisé pour
rejoindre le peuple là où il respire. Car la vie donne matière à la théologie" ( ). Quitter sa zone
de confort comme lui-meme, Ela, s'invitait souvent chez les Kirdis, dans les hautes montagnes du
Nord-Cameroun pour "danser" leur rythme et trouver dans la Parole de Dieu des moyens de
defense et d'espérance des pauvres qui luttent chaque jour pour leur survit.

Cette démarche fait de "la théologie sous l'arbre" une théologie de la solidarité construite
sur le modèle de Jésus-Christ dont les évangiles montrent clairement qu'il s'est fait lui-mème
solidaire des pauvres en allant à leur rencontre, en les retrouvant dans leur conditions de famine,
de maladie, de discrimination, d'injustice pour leur annoncer l'Evangile qui libère. Son amour
pour les pauvres le conduisit à accepter le bois de la croix symbole de salut de tout chrétien et
model par excellence sur lequel se construit "l'arbre à palabre qui est un symbole, un lieu
authentique africain de concertation, d'echange et de debat par la parole en groupe" ( )
Rappelons que c'est sous cet arbre que nait la théologie de Jean-Marc Ela qui veut desormais
relire " l'Eavngile avec les yeux du petit peuple pour essayer de repondre au "Cri de l'homme
africain".

III. 1. 2. Se revetir d'humilité

Certes, "le monde d'en bas" se caractérise par sa simplicité car il regroupe ceux "qui ont
été formé plus par la vie ordinaire, en famille, au travail, dans la société que par les études"
accadémiques. Cependant, il faut éviter de racometter l'erreur des premiers missionnaires qui
pensaient aller vers des tabula raza . Il faut plutot envisager une évangélisation réciproque entre
pasteur et fidèle. Il semble que la question de la femme Kirdis aucour d'un debat sur Dieu a
completement boulversé la pensée de Jean-Marc Ela et l'a aidé à Repenser la théologie africaine
autour d'une problématique fondamental: "Dieu Dieu et après?". Afin de donner un sens nouveau
au Dieu de Jésus-Christ pour des personnes qui vivent dans les situations de pauvreté, de famine

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etc ce mariage entre théologie et vie, entre pensée et action, donna à Ela la possiblité d'élaborer
"une pastorale du grenier".

III. 2. La pastorale du grenier

Les greniers sont des espaces reservés pour contenir bien au chaud et au sec une partie
des aliments issus des récoltes ( céréales, graines, etc). Plutard, ces aliments bien conservés
permettront à la famille d'affronter les saisons difficiles sans trop se plaindre de la faim. Par
"pastorale du grenier", Ela entend ici, "une stratégie pour éduquer les gens simples à se prendre
en charge (TEl p162-163). ". Sans doute, la reflexion portant sur une telle stratégie, dit-il, etait de
repondre à une provocation qui lui était faite par un vieu sage du Nord-Cameroun, un soir, lors
de sa visite dans un vilage où il avait, selon lui, "la prétention d'aller dire la Parole de Dieu" ( Ma
foi... p125). Au moment où il commencait un viellard l'arréta en lui disant: " Autrefois, Dieu a
parlé aux hommes, maintenant il s'est tu, laissant les hommes en proie à la faim, à la maladie et à
la mort" (Ma foi... 125). Ainsi, dans notre analyse de la dite pastorale, nous avons pu ressortir
deux manières de la réaliser:

III. 2. 1. Rompre avec les cultures d'exportation qui affament le peuple pour des cultures
vivrières qui remplissent les greniers

En parcourant les villages du Nord-Cameroun, Ela se rend vite compte de la


destructuration de ces-dernières par des cultures d'exportations qui ne profitent pas à toute la
population masi à une minaurité: "chefs traditionnels, cadre de l'administration, dignitaires du
parti unique et aux multinationels" ( Ma foi... 126). cette expérience est pour luiloccasion de
libérer la force de la Parole de Dieu face aux injustices et aux forces de paupérisation qui
contraignent les gens à arracher leur mil pour cultiver le coton (126)( qui sera exporter) dans une
region tropical où la production agricole n'a qu'une récolte par an, livrant les femmes et les
enfants à un état de famine chronique et laissant ainsi les greniers vides (7), puisqu "on nous
prend tous nos champ nos champ, il ny apas de plce pour semer le mil"(124). Dans ce combat
entre ulture d'exportation et culture vivrière, entre le coton et le mil, entre la mort et la vie, Ela
précise que le "Dieu de l'Evangile se révèle comme le Dieu qui fait vivre, la foi nous fait donc
refuser un système qui produit des greniers vides, c'est-à- dire la famine et la mort; car le
message te la pratique de Jésus dénoncent l'exploitation des paysans et exige de nouvelle formes

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de rapports où les hommes s'organisent de telle manière que personne n soit privé sa ration de
mil." (Ma foi.. 123)

III. 2. 2. Faire du grenier à mil l'axe d'une pratique ecclésiale ou communautaire

● Il est question ici de faire de la lutte contre la pauvreté une affaire


communautaire. Déjà dans l'Afrique l'irruption des pauvre. Société contre
Ingérance Pouvoir et Argent, Ela pronait déjà un developemnt qui se pense par
le bas et non pas le haut. A cet effet, il recommande de prendre les femmes pour
modele de part leur esprit d'initiative, d'engament et surtout leur facilité à pouvoir
se mettre ensemble pour un plus grand resultat ( tontine, travaux champetre etc).
Il est question de penser le developpement en église et de s'organiser en église
pour résoudre les difficultés quotidiènnes. cediscours d'un responsable d'une
communauté du Nard-Cameroun que Ela rapporte dans Ma foi d'Africain
explique mieux cette idée: " On a vu qu'on manquait d'eau. Que peut on faie? On
a creusé un puits. On a vu ensuite la question de la santé, on s'est cotisé pour
achetre des médicaments de base et avoir une petite pharmacie. (...) les jeunes
disent à leur tour pour trouver l'argent il faut aller en ville... On a reflechit: est-ce
vraiment le seul moyen? Que peut-on faire ici surplace? Certains jeunes ont
commencé à faire le commerce avec l'arrachide, pour gagner leur vie en restant au
village. Les femmes ont commencé à tricoter des vètements, à fabriquer de l'huole
d'arrachide. Pour nou, la communauté ce sont des gens qui réflechissent ensemble
pour voir pourquoi leur vie est differente et pour trouver ensemble un regard
nouveau." ( Ma foi d'Arficain 126)

Au regard de ce qui précède, notre deuxième chapitre se divise en trois parties. La


prmière donne des informations sur la vie de l'homme Ela puis sur ce qui apparait comme les
piliers de son discours théologique et pastorale l'instar de : son expérience au Nord-Cameroun
chez les Kirdis un peuple des montagnes, l'irruption des pauvres dans l'histoire de l'humanité et
de l'Afrique suite à la traite négrière, la colonisation et le néocolonialisme; l'efondrement de la

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pensée chrétiènne occidentale et la nécéssité de libérer l'Evangile et le christianisme en
Afrique.Enfin, dans cette partie nous avons presnte quelques thématiques abordées par Ela dans
son ouvrage Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère, tels que: l'chec de la première
évangélisation et l'urgence d'une inculturation de la foi dans le teritoire africain.

La deuxième partie vise à montrer que la théologie de Jean-Marc Ela est une théologie
incarnée à cause de son pan anthropologique et de son option preférentièlle: les pauvres qui
pillulent les villes et les vilages des pays africains.

Dans la troisième partie nous explicaquons ce que ela entend par "Evangile de la
libération" et pour cela, nous partons de l'évolution sémantique de du mot "évangile" qui veut
dire "Bonne Nouvelle" pour ensuite poser la libération au coeur de la révélation. Pour Ela la
Bonne Nouvelle consiste à dire et à montrer que notre Dieu est un Dieu libérateur et qu'il vient
libérer l'Arique en générale et la paroisse saint Joseph de Tindamba en particulier de la pauvreté
afin que le salut apporter par le Christ à ceux qui croient et qui espère en lui.

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