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Manuel Du Rorschach Et Du TAT - CHABERT Catherine, AZOULAY Catherine, Verdon Benoît, Louët - 2020 - Dunod - 9782100816163 - Anna's Archive
Manuel Du Rorschach Et Du TAT - CHABERT Catherine, AZOULAY Catherine, Verdon Benoît, Louët - 2020 - Dunod - 9782100816163 - Anna's Archive
© Dunod, 2020
11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff
ISBN 978-2-10-081616-3
Liste des auteurs
Catherine Psychologue clinicienne, psychanalyste, membre titulaire de
CHABERT l’Association Psychanalytique de France, et professeur
émérite en psychopathologie clinique à l’Institut de
Psychologie de l’Université de Paris.
Chez Dunod Éditeur, elle a publié et dirigé de nombreux
ouvrages dans le champ de la méthodologie projective. Elle
est l’auteur du « Rorschach en clinique adulte, Interprétation
psychanalytique » (2012), de « La psychopathologie à
l’épreuve du Rorschach » (2012) et co-auteur du « Nouveau
Manuel du TAT » (2019). Elle a dirigé la collection
« Psychopathologie et méthodes projectives ». Elle a
également été directrice de la collection « Psychanalyse et
psychopathologie » et du « Traité de Psychopathologie
Clinique ». Auteur de plusieurs ouvrages de psychanalyse,
elle a publié, toujours chez Dunod, « La jeune fille et le
psychanalyste » (2015).
Estelle Psychologue clinicienne, psychanalyste, maître de
LOUËT conférences en psychologie clinique et psychopathologie au
Laboratoire de Psychologie clinique, psychopathologie,
psychanalyse (PCPP – EA 4056) à l’Institut de psychologie
de l’Université de Paris. Elle enseigne notamment au sein du
Diplôme Universitaire de Psychologie projective (DUPP).
Elle est membre du comité de lecture de la revue
Psychologie clinique et projective. Elle a notamment publié
« Schizophrénie et paranoïa. Étude psychanalytique en
clinique projective » avec C. Azoulay (Dunod, 2016),
« Dépressions extrêmes. Approche psychanalytique et
projective » avec C. Chabert et F.-D. Camps (Dunod, 2017),
« Les méthodes projectives » avec D. Anzieu et C. Chabert
(PUF, 2017).
Catherine Psychologue clinicienne, psychanalyste, professeure de
AZOULAY psychologie clinique et de psychopathologie à l’Institut de
Psychologie de l’Université de Paris et membre du
Laboratoire de Psychologie clinique, psychopathologie,
psychanalyse (PCPP – EA 4056). Elle dirige le Diplôme
Universitaire de Psychologie projective (DUPP). Elle a été
rédactrice en chef adjointe, puis rédactrice en chef de la
revue Psychologie clinique et projective, et coordinatrice du
Réseau International de Recherche : Psychanalyse et
méthodes projectives (Réseau MPP). Elle a notamment
codirigé avec Catherine Chabert l’ouvrage « 12 études en
clinique projective » (Dunod, 2011) et publié avec Michèle
Emmanuelli et Denis Corroyer le « Nouveau Manuel de
cotation des formes au Rorschach » (Dunod, 2012).
Benoît Psychologue clinicien, psychanalyste, professeur de
VERDON psychologie clinique et psychopathologie au Laboratoire de
Psychologie clinique, psychopathologie, psychanalyse
(PCPP – EA 4056) à l’Institut de psychologie de l’Université
de Paris. Il enseigne notamment au sein du Diplôme
Universitaire de Psychologie projective (DUPP). Ancien
président de la Société du Rorschach et des méthodes
projectives de langue française et ancien directeur de
publication de la revue Psychologie clinique et projective, il
est actuellement membre du Bureau de l’International
Society of the Rorschach and Projective Methods. Il a
notamment publié « Clinique et psychopathologie du
vieillissement. Apports des méthodes projectives » (Dunod,
2012), et codirigé avec Catherine Azoulay « Psychoanalysis
and Projective Methods in Personality Assessment. The
French School » (Hogrefe Publishing, 2019).
Table des matières
Avant-propos
Introduction
Remerciements
Partie 1
Fondements théoriques et cliniques
Partie 2
Le Rorschach
Partie 3
Le TAT
CHAPITRE 13 – MÉTHODOLOGIE
1. Spécificité de la situation-TAT
2. La démarche d’analyse
3. Matériel, consignes
4. Le déroulement de la passation
5. Analyse du matériel
6. Présentation de la feuille d’analyse des procédés du discours
Sommaire
1. Les épreuves projectives, pourquoi, où, quand et
comment ?
2. Un objet médiateur
3. Interférences perceptives et projectives
4. Spécificité des épreuves projectives
5. Complémentarité du Rorschach et du TAT
6. Indications et contextes cliniques
2. Un objet médiateur
Il existe un principe de base concernant l’étude du fonctionnement
psychique : il implique une certaine humilité chez le clinicien quant à
l’étendue et à l’exactitude de son savoir. L’approche psychanalytique nous
apprend en effet que la prise en compte de l’inconscient suppose une part
d’inconnu qui ne sera pas nécessairement ni toujours éclaircie. Le travail
d’investigation auprès de sujets en situation de difficulté de vie se heurte
inévitablement à une part de méconnaissance. Pour permettre un
approfondissement de cette étude, pour pouvoir envisager et construire les
modalités thérapeutiques susceptibles d’être engagées, la complémentarité
des méthodes est indispensable : les entretiens, si nuancés soient-ils, les
échelles, si détaillées soient-elles, ne permettent pas toujours de cerner
l’essentiel.
Dans cette perspective, les méthodes projectives occupent une place
majeure du fait de la validité et de la fidélité des productions psychiques
auxquelles elles permettent d’accéder. Il arrive parfois, trop souvent peut-
être, que le psychologue use des épreuves projectives comme d’un écran
qui le préserverait d’une implication trop importante dans sa relation avec
son interlocuteur. Cet écran peut même devenir une sorte de bouclier
derrière lequel il se cache et qui le protège, dans un halo de « neutralité »,
servant de barrage interne contre la parole de l’autre, la condamnant à une
fin de non-recevoir.
Ici encore caricature, excès de schématisation, mais qui nous permet de
souligner davantage le caractère nécessairement relationnel et personnalisé
de la situation de test. Celle-ci comprend trois termes : le sujet, le test et le
clinicien. La relation va s’établir entre les personnes à travers la médiation
d’un objet tiers qui ne trouve son sens que dans l’expression de l’un et
l’écoute de l’autre à travers un échange chaque fois spécifique et particulier.
Quel est l’intérêt de cet objet médiateur ? Il existe encore des cliniciens
qui le réfutent, arguant de l’inutilité d’un instrument qui vient gêner la
relation en enfermant le patient dans une consigne qui endigue son
expression spontanée, et en mettant en cause les capacités d’un clinicien
« aux mains nues ». À quoi nous répondons que l’usage des épreuves
projectives n’exclut d’aucune façon les entretiens, exclusion qui paraîtrait,
au contraire, fort dommageable. Il s’inscrit plutôt dans une démarche
clinique d’ensemble dont la visée exploratoire nécessite une approche
pluridimensionnelle permettant une compréhension la plus fine possible du
sujet.
À cet égard, il ne nous paraît pas souhaitable d’utiliser systématiquement
un bilan projectif. Il semble abusif de soumettre à ces épreuves des sujets
pour lesquels d’autres formes d’investigations cliniques ont été fructueuses.
En revanche, elles viennent compléter et même éclairer des données
obscures ou insuffisantes qui peuvent alors prendre un sens déterminant
dans la compréhension du sujet et dans l’orientation des décisions le
concernant. Par ailleurs, la référence aux éléments apportés par les
méthodes projectives et leur confrontation avec les informations venant
d’autres sources conduisent à une appréhension du fonctionnement
psychique d’un individu beaucoup plus exhaustive et fiable, en permettant
une économie de temps dont on aurait tort de mésestimer l’importance dans
notre société même si on la condamne pour des raisons d’ordre
déontologique.
Cela dit, il est bien évident que l’usage des méthodes projectives prend
bien d’autres significations, et comporte d’autres intérêts que nous pouvons
maintenant essayer de cerner.
Sommaire
1. La rencontre en clinique projective : quel(s)
transfert(s) ?
2. Transfert, transferts
3. Situation projective et situation analytique
4. Incidences transférentielles en clinique projective
5. Entre perception et projection, entre dedans et
dehors : la situation projective est-elle une situation
transitionnelle ?
6. Rigueur de la démarche
2. Transfert, transferts
Freud parle du transfert et en même temps d’un transfert parmi d’autres : il
y aurait le transfert de base, qu’il conçoit d’essence paternelle, à ne pas
démasquer, et un transfert relevant cette fois du déplacement d’une figure
actuelle de la vie du patient sur la personne du médecin. Le transfert ne
témoigne pas seulement d’une relation à deux, il ne se ferme pas sur la
répétition d’une relation inscrite seulement dans le rapport entre l’analyste
et le patient : le transfert est ouvert sur autre chose que lui-même. Il faut
donc maintenir l’idée de transferts au pluriel : le travail analytique s’attache
aux transferts, qui doivent être saisis un par un, sur le fond d’une relation de
base, identifiée par Freud comme transfert de la relation au père à la
relation au médecin. La distinction fondamentale entre les transferts et le
transfert doit être maintenue : il ne faut pas abandonner les premiers sous
prétexte d’une évolution de la pensée freudienne stigmatisée par la
découverte du transfert dans la névrose de transfert, même si celle-ci
occupe le psychanalyste plus particulièrement en tant que produit de la cure
dont les effets, en termes d’affects ou de résistances, retiennent
particulièrement l’attention par les conséquences à la fois nécessaires et
gênantes du phénomène.
On peut remarquer les formulations très divergentes, voire contradictoires,
que Freud a pu proposer quant aux fonctions du transfert : par rapport à la
remémoration, le transfert constitue un obstacle et prend son sens de
résistance mais il permet en même temps, grâce à la répétition, que
s’actualisent dans l’ici-maintenant de la cure, la problématique singulière
du patient et notamment sa névrose infantile. Dans cette perspective, il offre
un outil essentiel à l’analyste parce qu’il lui permet de se saisir de la
« conflictualité » intrapsychique de l’analysant dans tous les déploiements
du processus de la cure, en particulier dans la mise en scène des conflits en
termes de désirs contradictoires, portés par des instances en lutte les unes
contre les autres.
5.2 La projection
La projection occupe une place de choix dans les conceptions modernes
du travail psychique, puisqu’elle introduit un processus qui n’est plus
seulement interne mais se joue obligatoirement entre deux organismes. La
définition qu’en propose la psychanalyse est bien connue : il s’agit d’une
« opération par laquelle le sujet expulse de soi et localise dans l’autre,
personne ou chose, des qualités, des sentiments, des désirs, voire des
« objets » qu’il méconnaît ou refuse en lui » (Laplanche et Pontalis, 1967,
p. 344).
Sur le plan métapsychologique, la projection trouve son ancrage
fondamental dans la théorie des pulsions. L’organisme est soumis à deux
sortes d’excitations : celles dont il peut se protéger par la fuite ; celles
contre lesquelles il ne peut rien, en tous les cas dans les débuts de la vie,
avant que s’établisse le système de pare-excitation. Cette distinction permet
une première différenciation entre dedans et dehors. La projection offre un
recours défensif par rapport aux excitations internes, en mettant à
l’extérieur les excitations désagréables et en les évitant comme tout danger
extérieur.
Le second aspect métapsychologique (Freud, 1925b) accorde à la
projection une fonction déterminante dans la genèse du jugement et dans
celle de l’opposition et de la différenciation entre sujet et objet. Déjà signalé
dans Pulsions et destins des pulsions, le mécanisme selon lequel le sujet
« prend dans son moi les objets qui se présentent à lui en tant qu’ils sont
sources de plaisir, il les “introjecte” (selon l’expression de Ferenczi) et,
d’autre part, il expulse de lui ce qui dans son propre intérieur est occasion
de déplaisir (mécanisme de projection) » (1915a, p. 182), le mécanisme
donc d’introjection/projection inscrit, à l’origine, la différenciation entre
interne et externe, associée à une qualité de jugement (bon et/ou mauvais) à
partir de laquelle s’établit le jugement d’existence. Cette fois encore, il
s’agit d’extérieur et d’intérieur : le non-réel, ce qui est seulement
représenté, c’est-à-dire le subjectif, est à l’intérieur ; le réel est à l’extérieur.
Il n’est pas seulement important de savoir si une chose mérite d’être
accueillie dans le moi (parce qu’elle est source de satisfaction), il faut aussi
savoir si cette chose est bien là, dans le monde extérieur, pour pouvoir s’en
saisir. Au départ, la distinction entre subjectif et objectif n’existe pas, elle
s’établit lorsque la pensée acquiert la capacité de rendre présente quelque
chose autrefois perçue, par reproduction. C’est ici que la projection se
retrouve dans son association dialectique avec l’introjection, dans l’activité
de représentation ; c’est ici aussi que les écarts sont susceptibles
d’apparaître entre réalité perçue et réalité représentée.
6. Rigueur de la démarche
6.1 Le débat entre l’approche quantitative et
l’approche qualitative
Notre insistance sur la composante clinique ne peut pas être comprise
comme une invitation au libre cours intuitif, sensitif et impressionniste.
Trop souvent les milieux « psy » renvoient de la clinique une image floue
d’arbitraire et de projection : trop souvent, les épreuves projectives sont
considérées comme non fiables parce que trop dépendantes de variables
subjectives difficiles à maîtriser et à étudier « scientifiquement ». Beaucoup
de psychologues, pour obéir aux exigences « scientifiques » dont on les
accuse de manquer, ont pourtant dressé des listes de données quantitatives,
présenté des calculs statistiques sophistiqués dans l’exposé de recherches en
clinique et ailleurs, utilisant en particulier le Rorschach. Il est vrai que la
codification des réponses par le système des cotations de même que la
synthèse des données par le psychogramme facilitent l’approche purement
quantitative et permettent des études sur des populations nombreuses. Mais
il faut se garder d’une représentation de la rigueur « scientifique » qui ne
passerait que par une quantification, si précise soit-elle. Notre propos est de
nous attacher non pas à l’utilisation des méthodes projectives à des fins de
recherche quantitative, mais à l’étude qualitative de protocoles individuels
au niveau d’approche le plus affiné possible, permettant de découvrir des
indices cliniques et psychopathologiques pertinents.
C’est dans cette perspective que nous pouvons revendiquer la rigueur ;
non pas une rigueur cantonnée aux données chiffrées mais celle qui préside
la démarche clinique. Il s’agit d’avoir en tête les diverses composantes de
cette situation, qui sont à considérer comme des variables ayant chacune un
impact spécifique. Il s’agit d’apprécier les interactions des différents
facteurs qui se combinent dans le processus de la réponse, il s’agit enfin de
connaître la méthode : en effet, cet aspect de l’épreuve projective ne doit
être ni négligé, ni dédaigné, ni opposé à la conception floue de « clinique »
que nous critiquions tout à l’heure.
Sommaire
1. Le modèle psychanalytique de l’appareil psychique
2. La métapsychologie freudienne et post-freudienne
3. Le point de vue topique
4. Le point de vue économique : les deux théories des
pulsions
5. Le point de vue dynamique
6. L’angoisse et les mécanismes de défense
Sommaire
1. La construction du moi
2. Les relations d’objet
1. La construction du moi
C’est dans Le moi et le ça (1923b) que Freud propose l’élaboration la plus
approfondie de la construction du moi dont il analyse les composantes
conscientes et inconscientes, la dynamique et l’investissement pulsionnel. Il
souligne que la construction du moi relève de la sédimentation des
identifications aux objets perdus et abandonnés ce qui témoigne de
l’intrication étroite du narcissisme et des relations à l’autre.
1.2 Identifications
L’identification est un « processus psychologique par lequel un sujet
assimile un aspect, une propriété, un attribut de l’autre et se transforme,
totalement ou partiellement, sur le modèle de celui-ci. La personnalité se
constitue et se différencie par une série d’identifications » (Laplanche et
Pontalis, 1967, p. 187). L’identification correspond ainsi pour Freud (1921)
à une dimension très importante du lien à l’autre, participant de
l’organisation psychique du sujet qui se laisse modifier, avec plus ou moins
de consentement et d’harmonie.
Différentes formes d’identifications ont été décrites par Freud, notamment
l’identification hystérique dans le cadre des névroses de transfert. Le
fameux cas Dora (1905a) illustre la multiplicité, l’instabilité et la labilité
des identifications de cette jeune fille aux différents membres de son
entourage, qu’ils soient aimés ou haïs, par la survenue des nombreux
symptômes qu’elles entraînent. Freud a également été attentif à la
manifestation de tels phénomènes psychiques dans des conditions de plus
grande ampleur (fascination changeante de foules pour un leader, un idéal,
une attraction ; hypnoses et conversions hystériques collectives, etc.) Ces
caractéristiques sont typiques de l’identification hystérique dans la névrose
et montrent également, de manière plus générale et non pathologique, la
place de l’identification dans le traitement de la problématique œdipienne.
Ainsi, les identifications aux parents appartiennent aux transactions
œdipiennes, et renvoient à l’instauration des instances surmoi/idéal du moi.
En effet, le surmoi, selon Freud, peut être considéré comme un modèle
d’identification réussie au surmoi parental. De ce fait, l’aboutissement du
complexe d’Œdipe correspond à l’abandon des investissements de la
personne des parents qui sont remplacés par des identifications, permettant
le déploiement des investissements libidinaux de nouveaux objets. Ce mode
d’identification, fondé sur la reconnaissance de la différence des sexes et
des générations, peut être qualifié d’identification secondaire. Il peut être
associé à des troubles dans les choix d’objets du fait de difficultés à
accepter le renoncement, du désir de tout posséder et conquérir, et de la
confrontation aux interdits. Désir, jalousie et culpabilité, portés par le ça et
le surmoi, peuvent provoquer des dilemmes, des conflits et des souffrances
intenses.
Freud (1915c) élabore également la notion d’identification narcissique,
où, comme dans la mélancolie, l’investissement de l’objet est faible et où la
libido retirée de l’objet se porte, non pas sur un autre objet, mais sur le moi
emporté par une identification du moi à l’objet perdu, sans prise en compte
de leurs différences. Dans l’identification mélancolique – modèle le plus
extrême de l’identification narcissique – le moi se confond avec l’objet
mort, paradoxalement toujours présent puisque sa perte est impossible à
admettre, ce qui déclenche des fantasmes autodestructeurs et des angoisses
d’anéantissement.
Dans Psychologie des masses et analyse du moi, Freud démontre comment
l’identification joue un rôle majeur dans la préhistoire du complexe
d’Œdipe en tant qu’elle « est la forme la plus originelle de la liaison de
sentiment à un objet » (1921, p. 45) mais également plus tard dans la
résolution de ce même complexe (1924b). Les premières identifications,
que Freud nomme identifications primaires, constituent un socle durable sur
lequel va potentiellement se déployer ensuite tout un éventail
d’identifications qui participeront aussi à la construction de l’identité
composite du fonctionnement psychique du sujet et à la « bigarrure » de son
moi (Freud, 1930, p. 249). S’il met surtout là l’accent sur le père de la
préhistoire personnelle, afin de souligner le travail en cours d’identification
au genre humain, Freud reconnaît que « peut-être serait-il plus prudent de
dire : identification aux parents, car avant la connaissance certaine de la
différence des sexes, du manque de pénis, père et mère ne se voient pas
accorder de valeur différente » (ibid., p. 271). Il insiste de fait sur
l’importance, dans ces temps premiers, de l’identification à une figure
puissante, nantie, phallique, aux vertus potentiellement protectrices certes,
mais aussi omnipotente, voire dangereuse.
Les identifications s’inscrivent dans un processus qui en permet la
diversification et l’affinement dans la construction du moi. La qualité des
assises identificatoires se repère ainsi également à travers la capacité de
reconnaissance de la différence des sexes et des générations étroitement liée
à la différenciation des imagos parentales : non plus seulement objets
nourriciers ou dangereux, bons ou mauvais, mais objets d’amour et/ou de
rivalité, objets de satisfaction et d’interdits. Autant de modalités qui peuvent
animer une dynamique identificatoire participant d’une organisation
œdipienne où les conflits peuvent s’exprimer en termes de relations
triangulaires et d’ambivalence des sentiments.
Sommaire
1. La création du Rorschach
2. La poursuite des travaux
1. La création du Rorschach
Le psychiatre et psychanalyste suisse Hermann Rorschach, auteur du test
qui porte son nom, avait d’abord envisagé d’embrasser une carrière
artistique. Ses camarades l’avaient même surnommé « Klex » (pour Klecks,
mot allemand qui signifie « tache ») tant sa passion pour les arts graphiques
était fameuse. Rorschach a grandi à une époque où les arts des images
connaissaient des bouleversements spectaculaires dans l’utilisation des
effets d’optique, des couleurs, des matières et des styles (impressionnisme,
fauvisme, expressionnisme, cubisme, etc.). L’affranchissement de
l’évidence de la figuration et l’écart avec la réalité perceptive se révélaient
des témoins du jeu, de la liberté et de l’imagination artistiques, mais
Rorschach constatera bientôt combien ils peuvent s’inscrire aussi dans des
fonctionnements psychiques marqués par de vives souffrances et
désadaptations. Il fut de fait très intéressé par la diversité des réactions de
ceux qu’il côtoyait devant les œuvres d’art, les formes des paysages, des
éléments minéraux, des nuages ou des papiers peints, autant de supports de
projection qui annonçaient le test des taches d’encre à venir.
Lors de sa formation auprès d’E. Bleuler et C. Jung au Burghölzli, célèbre
clinique psychiatrique de l’université de Zurich, H. Rorschach fut sensible
aux découvertes de la psychanalyse pour comprendre les troubles du
fonctionnement psychique et tenter d’apaiser les souffrances des patients,
mais aussi pour saisir les rouages des productions culturelles. Il soutint une
thèse de médecine sur les hallucinations réflexes et les perceptions, et
devint en 1915 le directeur-adjoint du petit hôpital psychiatrique d’Herisau
où il animait des ateliers de dessin, de pâte à modeler et de peinture ; il
montrait aux patients et au personnel soignant des images agrandies sur les
murs grâce à un projecteur et observait la diversité de leurs réactions.
Sa volonté de faire de la recherche commença par des travaux minutieux
de comparaison des réponses données devant des taches d’encre par des
adultes, des enfants, des adolescents, des patients hospitalisés pour troubles
mentaux et des personnes tout-venant, des artistes, des membres d’une
même famille, etc. Mais il ne se satisfit pas de l’idée d’une évaluation de la
seule imagination et ne s’attacha pas seulement au contenu d’une réponse,
si original était-il. Il comprit rapidement que les réponses étaient le résultat
de l’intrication de processus conscients et inconscients et repéra d’emblée
que certaines concernaient toute la tache présentée, d’autres seulement
certains détails, que certaines personnes donnaient plusieurs réponses,
certaines des réponses en mouvement, que d’autres utilisaient les couleurs
de l’encre dans leurs réponses, que certains sujets refusaient de répondre,
que certains contenus étaient formulés plus fréquemment que d’autres, etc.
Il décela vite que des ressources et des fragilités existaient à divers degrés
en tout un chacun et qu’il fallait se garder des typologies et des pronostics
systématiques : plus ses travaux avançaient, plus les questions se
multipliaient.
En dépit de nombreux obstacles, H. Rorschach parvint à faire imprimer
dix planches avec de l’encre noire, de l’encre rouge et diverses encres de
couleurs pastel et ébaucha une méthodologie d’analyse des protocoles
susceptible d’éclairer les cliniciens sur les modalités de fonctionnement
psychique des sujets (méthode de cotation des réponses par des sigles,
règles d’établissement de scores bruts et de calcul de pourcentages,
démarche d’analyse qualitative du protocole ; diversité des réponses des
patients selon leur diagnostic psychiatrique certes, mais aussi différence
d’analyse qualitative d’une même réponse ou d’un même facteur selon
l’organisation psychique du patient, etc.).
Ce test a pourtant bien failli ne pas connaître le succès qui est le sien
aujourd’hui. D’une part, il fut pensé, construit et mis à l’épreuve au sein
d’un petit réseau de psychiatres alémaniques, sans le support d’un
laboratoire de recherche. Les conférences que fit H. Rorschach, malgré le
soutien sans réserve d’E. Bleuler, rencontrèrent des réactions contrastées,
souvent dubitatives. Son livre, paru en 1921, et le matériel, n’eurent à
l’époque aucun succès et les rares critiques publiées furent négatives,
notamment dans les milieux de la psychologie expérimentale, déjà fort
opposés à la méthode clinique et à la psychanalyse. Et surtout, alors qu’il
nourrissait mille et un projets de recherche, H. Rorschach mourut
brutalement en avril 1922 à 37 ans, laissant son œuvre inachevée,
balbutiante et fragile.
Sommaire
1. La consigne et le dispositif
2. L’enquête
3. L’enquête aux limites
4. L’épreuve des choix
1. La consigne et le dispositif
La consigne formulée par le psychologue propose au sujet de dire ce à
quoi le matériel lui fait penser : elle exprime une attente et présente un
cadre plus ou moins explicite ; il importe donc de noter que la directivité,
l’ouverture, ainsi que les mots précisément employés, ne sont pas sans effet
sur la passation elle-même.
La consigne « Je vais vous montrer des planches ; dites-moi ce à quoi
elles vous font penser, ce que cela pourrait être » intègre des éléments
essentiels comme la référence relationnelle qui s’établit à travers les trois
termes : sujet (« vous ») – matériel (« planches ») – clinicien (« je »), ainsi
que la sollicitation perceptive et projective (« montrer », « penser »,
« pourrait être »).
Certains praticiens ajoutent : « Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises
réponses, dites tout ce qui vous vient à l’esprit en regardant les planches. »
Cette précision, facultative, peut toutefois s’avérer utile si l’on veut dégager
la passation d’une dimension performative influencée par l’administration
antérieure d’épreuves d’efficience intellectuelle.
Une fois la consigne énoncée et la première planche présentée, le clinicien
observe et note ce qui se passe de la manière la plus exhaustive possible
(manipulation du matériel, comportement, etc.). Il reporte également les
temps de latence (temps écoulé entre la présentation de la planche et la
première réponse effective donnée en dehors de commentaires, silences
intra-récit), et le temps passé devant chaque planche1. Le discours du sujet
est retranscrit in extenso, sans aucune correction de langage, ni rajout de
mots manquants, ni soustraction des réponses données puis annulées, en
notant les réponses données mais également les questions que le sujet se
pose ou pose au clinicien, les commentaires, les exclamations et les apartés
qu’il fait, etc.
2. L’enquête
Moment second dans le temps de passation, l’enquête consiste à reprendre
les réponses spontanément données par le sujet à chaque planche, afin d’en
cerner la localisation, d’en déterminer les facteurs constituants et d’en
évaluer le poids respectif, ainsi que le contenu. Là encore, la qualité de la
prise de notes importe : elle doit être fidèle aux commentaires du sujet et
aussi détaillée, explicite et précise que possible. L’enquête nécessite de
prendre du temps et implique une plus grande participation du clinicien qui
intervient davantage ; elle est l’occasion de pratiquer si besoin l’enquête
dite « aux limites » et se conclut par l’épreuve des choix. Elle reste
fondamentalement un moment clinique où le psychologue continue
d’observer et de penser ce qu’il se passe pour le sujet qui reprend contact,
de façon plus ou moins reconnue et assumée, avec sa production première.
L’enquête permet en effet de montrer de nouveau les planches
éventuellement refusées et de voir si ce « refus » persiste ; elle est le lieu
potentiel de commentaires supplémentaires, de reprises et de descriptions
nouvelles, de nouvelles réponses, de critiques, de non-reconnaissance
spontanée, voire de désaveu des réponses données, etc. Si certains
psychologues conduisent une enquête systématique sur chaque réponse
selon une technique d’investigation associée à de multiples questions
conduisant à l’obtention d’un véritable protocole additionnel, d’autres
réservent l’enquête aux réponses vaguement formulées et peu explicitées.
Là encore, un équilibre, alliant souplesse et rigueur, peut être trouvé afin de
saisir au mieux le processus qui a participé de la construction de la réponse
à partir de ce que le sujet est en mesure d’en dire, sans verser dans une
attitude d’examinateur qui dévoilerait des attentes performatives qui n’ont
pas lieu d’être ici.
Clarifions le terme « enquête » qui reprend certes la notion essentielle de
recherche mais que vient parfois recouvrir une nuance plus policière dont
nous devons éviter l’écueil car cette nouvelle étape de la passation peut
surprendre le sujet qui se sent alors pressé de justifier ses réponses alors
qu’une grande liberté d’interprétation lui avait été permise jusque-là. Il
importe que le psychologue ait une claire représentation de ce qu’est
l’enquête, de son but et de sa technique d’application : s’agit-il d’une
seconde séquence, plus souple, plus centrée sur l’échange qui va permettre
au sujet de se détendre davantage dans le dialogue avec le clinicien dans un
travail commun de recherche et d’approfondissement du matériel apporté ?
S’agit-il d’obtenir de nouvelles informations ou de s’en tenir strictement à
la production spontanée du sujet ? S’agit-il d’une invitation à la libre
association, à la fantasmatisation, à partir du matériel qui en demeure le
prétexte mais plus éloignée du percept, sans le moule formel imposé par la
réalité du stimulus, avec une focalisation sur les éprouvés du sujet2 ? S’agit-
il d’une entreprise de correction par la réalité qui contraint le sujet à repérer
les engrammes précis de ses réponses dans un travail d’adaptation
perceptive qui permettra la remise en place des limites de ce qui appartient
au sujet et à l’objet ? Enfin, question primordiale, à qui doit servir
l’enquête ? Au sujet pour une meilleure expression de lui-même, au
clinicien pour faciliter son travail, ou aux deux dans une perspective de
communication qui clarifie les messages dans leur émission et leur
réception ?
Là encore, les termes employés dans la manière de présenter ce moment
de la passation reflètent partiellement ces préalables, orientant l’enquête
dans un sens plus normatif ou perceptif ou au contraire dans le sens d’un
appel à la fantasmatisation ou à l’expression d’affects.
Il est préférable de laisser d’abord venir les souvenirs qu’a le patient de
ses réponses, quitte à les lui rappeler s’il ne s’en souvient pas
spontanément ; nous proposons la consigne suivante : « Nous allons
maintenant reprendre les planches ensemble ; vous essaierez de me dire ce
qui vous a fait penser à ce que vous avez évoqué. » On peut ajouter : « S’il
vous vient d’autres idées, vous pouvez tout à fait m’en faire part. »
L’intérêt d’une consigne ouverte est de permettre au sujet de choisir tel ou
tel aspect du travail ; et l’on peut rapidement apprécier le type
d’investissement de l’enquête par le sujet et ainsi modeler nos
interventions : certains acceptent aisément la sollicitation associative sans
déborder le cadre de l’examen, d’autres ne supportent pas le rappel de la
réalité ; bref nous n’avons pas à prendre une attitude correctrice ou
éducative, nous avons seulement à respecter les limites de la consigne et de
la situation, ce qui suppose que nous jouions un rôle de contenant.
Sommaire
1. Questions à propos du contenu manifeste
2. L’analyse des sollicitations latentes du matériel
Sommaire
1. La démarche de cotation
2. L’établissement du psychogramme
3. Interprétation du psychogramme
1. La démarche de cotation
La cotation des réponses n’est pas une codification automatique : pour
devenir un outil de travail opérant, elle s’appuie sur une écoute attentive de
la réponse et rend compte de son processus. Les principes de cotation allient
souplesse et compréhension des facteurs mis en œuvre dans l’articulation de
la réponse. La cotation permet la liaison et la rencontre entre l’externalité
objective et la subjectivité du clinicien au service de celle du sujet. Mais
surtout, l’utilisation des cotations s’étaye sur un questionnement concernant
les conduites psychiques qui les sous-tendent. Cela suppose que la
formation du psychologue lui ait permis d’acquérir des connaissances
essentielles quant aux significations des différents facteurs Rorschach.
Certains praticiens du Rorschach attachent aux cotations une importance
considérable en appliquant scrupuleusement un système de règles et en
s’intéressant surtout, parfois d’abord, aux résultats codés, transformant une
parole vivante en un squelette de sigles et de lettres qui en dessèchent la
résonance ; d’autres au contraire, dénient tout intérêt aux cotations en
valorisant seulement le discours en tant que tel. Cette attitude les prive alors
d’un instrument méthodologique précieux. De même, il est discutable de
n’accorder aucun intérêt ou, au contraire, un intérêt exclusif aux données
quantitatives du psychogramme (cf. p. 368). Si l’on rend aux cotations leur
statut de support nécessaire à la prise de connaissance du matériel apporté
par le sujet, sans les considérer comme une fin en soi, si on en saisit à la
fois l’intérêt et les limites, leur utilisation apportera une armature solide et
rigoureuse au travail d’analyse.
On établit pour chaque réponse trois critères de cotation :
1. le mode d’appréhension ou localisation, c’est-à-dire la partie de la
planche sur laquelle porte la réponse (globalité, détail facilement isolable
et fréquemment utilisé, détail original rarement utilisé, espaces blancs de
la planche) ;
2. le déterminant, c’est-à-dire le moteur de la réponse (la forme, le
mouvement, la couleur, l’estompage) ;
3. le contenu, c’est-à-dire les images évoquées (« humain », « animal »,
« objet », « anatomique », « botanique », etc.).
On utilise pour cela une série de symboles conventionnels parmi lesquels
on choisit celui ou ceux qui peuvent rendre compte le plus fidèlement
possible de la réponse du sujet telle que celui-ci l’a vue et énoncée. Il est
bien évident qu’aucune de ces catégories n’est totalement objective ni
subjective et que chaque réponse est le fruit de la rencontre entre une réalité
extérieure et la subjectivité du sujet. La cotation proprement dite porte sur
les réponses données spontanément. Lors de l’enquête, on distingue ce qui
correspond à une simple explication de la réponse spontanée (qui sert de
base à la cotation) et ce qui constitue un nouvel apport ou une réélaboration.
Cela ne sera pas coté comme tel, ou alors en « tendance » (→) ou sous
forme de réponse additionnelle, mais sera quand même à prendre en compte
dans l’analyse qualitative proprement dite.
Le G : réponse globale
• L’interprétation porte sur la tache dans son entier.
• Si un petit détail est exclu, on cote G (G barré).
• On admet une « G de convention » à la planche III à l’endroit pour des
personnages vus dans les parties noires latérales (avec ou sans les D
rouges et le D gris médian inf.).
Le Di : détail d’inhibition
• Les réponses dans un détail dit d’inhibition (Di) utilisent une partie du
matériel d’ordinaire intégrée à une localisation plus grande et envisagée
comme un tout. Par exemple :
– « tête d’homme » dans le D noir supérieur de la planche III alors
qu’habituellement le personnage est vu en entier en G ;
– « des ailes » dans les D latéraux de la planche V alors que la réponse
commune est « un papillon » vu en entier en G.
• Le Di concerne uniquement les réponses à contenu banal ou fréquent, il
est toujours de bonne qualité formelle et correspond à une double
réduction : réduction du champ perceptif et réduction du contenu.
2. L’établissement du psychogramme
Il s’agit d’une grille (cf. page 368) où sont récapitulées plusieurs données
comme le nombre de réponses, les temps (de latence, total, par planche),
l’ensemble des cotations ainsi que certains éléments qualitatifs hors réponse
(chocs, remarques, choix…). On y fait également figurer les résultats de
certains calculs permettant une comparaison avec des données normatives,
démarche utile à la pose de premières hypothèses cliniques.
F% élargi = × 100
F+% = × 100
F+% élargi = × 100
RC% = × 100
2.3 Éléments qualitatifs
• Chocs et équivalents de choc : ce sont des perturbations du processus
associatif qui peuvent s’exprimer soit verbalement d’une façon directe
(« Oh quelle horreur ! » ; « C’est affreux ! »), soit par le silence ou le
refus, mais aussi par de nombreux retournements, l’allongement du temps
de latence (temps le plus long ou nettement supérieur au temps moyen),
des commentaires verbaux, des critiques subjectives et objectives, la
réduction ou l’augmentation spectaculaire du nombre de réponses à une ou
plusieurs planches, l’appauvrissement brusque de la qualité des réponses.
On peut par exemple spécifier « choc couleur », « équiv. choc Clob ».
• Persévération : lorsqu’une réponse formellement adéquate ou non à sa
première apparition est répétée au moins deux fois arbitrairement (F–) aux
planches suivantes.
• Remarque couleur : toute remarque portant sur les couleurs.
• Remarque symétrie : toute remarque portant sur la symétrie des taches.
• Critique subjective : toute critique de soi, de son efficience ou de ses
difficultés.
• Critique de l’objet : toute critique portant sur les caractéristiques du
stimulus.
• Les choix faits lors de l’épreuve des choix.
3. Interprétation du psychogramme
3.1 Comparaison avec les données
normatives. Problématique de la norme et
données normatives actuelles
Le traitement quantitatif permis par le psychogramme sert en partie
d’armature à l’interprétation qualitative. Il rend compte en particulier, pour
un certain nombre de ces facteurs, de la possibilité qu’a, ou pas, le sujet de
s’inscrire dans un mode de fonctionnement plus ou moins adaptatif, en
adéquation mesurée, en adhésion excessive ou en écart plus ou moins
important, avec les données de la réalité. Ces éléments révèlent aussi la
possibilité pour un sujet d’adopter des modalités de traitement perceptif
semblables à celles de la majorité des sujets de la population de référence.
Et pour être totalement fiable, une telle comparaison nécessite de s’appuyer
sur les données propres à chaque culture, constituée rigoureusement, et
suffisamment importante quant au nombre.
Mais la question de la norme a toujours été une question délicate à traiter
dans le champ de la psychologie clinique, et plus particulièrement dans le
champ psychanalytique. En effet, il y a un hiatus entre l’idée selon laquelle
il n’existe pas de frontières préétablies fondamentales entre normalité et
pathologie, juste une question de degré et d’intensité, et la démarche de
comparaison des données chiffrées déduites du protocole de Rorschach
d’un individu irréductiblement singulier à des normes permettant
d’interpréter le psychogramme et de là, de contribuer à poser des
hypothèses sur le fonctionnement psychique.
Pour N. Rausch de Traubenberg, le psychogramme relève d’un « ensemble
réducteur et statique par rapport à la richesse du protocole et ne peut en
aucun cas suffire à une appréciation de la personnalité du sujet » (1990,
p. 204). Pour preuve, à psychogramme comparable, les modes de
fonctionnement psychique de deux sujets peuvent être très différents. C’est
pourquoi l’analyse du psychogramme doit prendre appui sur un discours
éclairant la présence d’éventuels écarts par rapport aux données normatives
permettant d’assurer les liens avec l’exploration du fonctionnement
psychique. La compréhension des données normatives du Rorschach et leur
justification relèvent de la même démarche de quête de sens du
fonctionnement psychique dans le respect de l’individualité et de
l’originalité de chaque sujet, et ne doivent pas être confondues avec une
démarche normalisante.
De ce fait, nous pouvons nous référer à G. Canguilhem (1966) qui met en
garde contre l’idée d’une normalité seulement définie comme étant
conforme à des normes statistiques, ce qui donne à penser que serait
anormal tout écart à la norme. À l’appui de critères biologiques, mais à
distance des dichotomies normal/pathologique, malade/en bonne santé que
proposent les normes médicales, il invite à parler plutôt de normativité,
laquelle signifie que l’organisme humain peut demeurer vivant et en bonne
santé, dans un cadre de vie particulier, en intégrant un ensemble de
conditions physiologiques en constante interaction créant l’équilibre mais
aussi susceptibles de mettre en question cet équilibre à tout moment par
l’instauration de la maladie et… de se rétablir. C’est la mise en œuvre de cet
équilibrage normatif dynamique, entre chute et rétablissement, en
mouvement durant toute la vie, qui est à l’origine de la création permanente
de nouvelles normes pour un organisme donné.
Cette définition constructive de la norme, proche de la définition
freudienne référée au fonctionnement mental, a été adoptée par la
psychologie projective développée par l’École de Paris5.
Sommaire
1. Les modes d’appréhension
2. Les déterminants
3. Les contenus
2. Les déterminants
Si le repérage des modes d’appréhension peut, d’une certaine manière,
relever d’un simple constat de la part du clinicien puisqu’il s’agit de situer
les localisations des réponses dans des espaces délimités à partir des
indications de l’auteur de la réponse, l’appréciation du déterminant se
révèle d’emblée plus complexe. En effet, les déterminants sont souvent à
déduire et demandent un effort de réflexion, donnant lieu parfois à des
débats concernant tant la procédure de conduite de l’enquête, de la cotation
de la réponse et de l’interprétation des processus qui ont œuvré à sa
construction. Il importe de tenir compte de la diversité des significations
d’un même déterminant et de la proximité éventuelle qui peut surgir dans la
mise en place de mécanismes pourtant cotés différemment. Il faut
cependant distinguer le travail d’interprétation qui porte globalement sur un
facteur donné et l’étude plus fine des manifestations particulières de ce
facteur au sein du protocole. On comprend dès lors combien la conduite de
l’enquête (cf. p. 96) est primordiale.
Nous allons donc présenter et analyser les différents déterminants, tout à
fait susceptibles de s’intriquer les uns aux autres, enrichissant tant la
réponse elle-même que notre travail d’analyse.
3. Les contenus
Les contenus des réponses sont tout à la fois potentiellement d’une grande
diversité et cependant assez régulièrement les mêmes d’un protocole à
l’autre. Certains sont très fréquemment retrouvés, d’autres sont plus rares et
originaux. Leur analyse exige beaucoup de rigueur car l’interprétation peut
vite devenir arbitraire si elle procède par généralisation hâtive sans tenir
compte de la dynamique associative dont chaque contenu est partie
prenante. En effet, les contenus ne sont que des traductions, parfois des
travestissements de sens que nous avons à découvrir.
Sommaire
1. Les défenses rigides
2. Les défenses labiles
3. Les défenses par l’inhibition
4. Les défenses narcissiques
5. Les défenses projectives
Facteurs spécifiques
• F% élevé : formalisation excessive, description, focalisation sur les
contours externes.
• Nombreux F ± : doute, crainte d’engagement, de prise de position claire et
déterminée.
• TRI où les réponses sensorielles sont peu nombreuses, lutte contre
l’émergence des affects.
• Exacerbation de l’utilisation des G, D ou Dd : souci de maîtrise du
matériel en ce qui concerne ses configurations perceptives et contention
des mouvements internes.
• Intellectualisation repérable par la combinaison de G organisés, de
déterminants kinesthésiques et de contenus spécifiques (Art, Géol,
Abst…).
Facteurs spécifiques
• Approche globale, vague ou impressionniste : mise à distance, évitement,
absence apparente de « curiosité » et de « pénétration » du matériel
(refoulement).
• TRI extratensif (composé surtout de réponses sensorielles) : mise en avant
des émotions et/ou des affects pour éviter l’émergence des représentations
• Suggestibilité se traduisant par la grande sensibilité aux variations du
stimulus et en particulier aux changements chromatiques (variété des
réponses sensorielles C, C’, Clob, E).
• La prévalence accordée à la réactivité subjective apparaît dans la faiblesse
de l’intérêt porté à la forme et à l’objectivité (F% bas).
Réponses ou séquences de réponses
• Refoulement décelé dans le refus, l’incapacité à fournir des associations à
des planches sexuelles (planches II, III, IV, VI et VII).
• Dénégation et fonction d’écran de certaines représentations : « Je ne vois
vraiment pas, un voile opaque à travers lequel on ne peut rien deviner. »
• Érotisation des relations par des mises en scènes kinesthésiques : « une
femme dansant le tango entre deux hommes », « un couple enlacé qui
s’embrasse ».
Facteurs spécifiques
• Modes d’appréhension très dépendants des qualités structurales des
planches (compacte, dispersée).
• F% élevé avec beaucoup de F± : difficultés d’implication, craintes
d’engagement dans des prises de position affirmées.
• TRI et Fc peu expressifs dans les pôles kinesthésiques et sensoriels.
• Néanmoins, la réactivité sensorielle spécifique au noir (Clob, C’, E) peut
permettre de déceler des traces d’angoisse et de souffrance dépressive.
Réponses ou séquences de réponses
• Neutralité des personnages humains : « deux personnes », « des
bonshommes ».
• Minimisation des mouvements projectifs : absence de précision d’actions,
utilisation de verbes dont la portée et l’intensité sont moindres par rapport
à la réactivité spontanée.
• Évitement de localisations particulières (D rouge, lacunes intermaculaires,
certains appendices).
• Banalisation, placage d’images stéréotypées servant d’écran à l’expression
plus spontanée.
Facteurs spécifiques
• F% et F+% élevés : contour établissant des frontières stables entre dedans
et dehors.
• Centration sur la symétrie, assurant un rassemblement centripète et un
déni de la différence.
• Surinvestissement des C’ : recours à la surface, à la périphérie, qui fait
écran à l’émergence des sources pulsionnelles internes.
• H neutres, sans identification sexuelle, investis pour leur fonction
(« avocat », « empereur ») ou leurs habits (« un roi et sa tiare », « robes
chamarrées »).
• Réponses « peau » : animaux à carapace ou fourrure, vêtements, masques.
Facteurs spécifiques
• Émergences en processus primaire : ponctuelles ou réitérées ?
• Faiblesse du D% et du F+% sans compensation par le F+% élargi :
mauvaise qualité de l’ancrage dans la réalité objective.
• Kinesthésies à valence interprétative, déréalisante ou délirante.
• TRI marqué par une prédominance des réponses C pures.
• Contenus peu socialisés : faiblesse des Ban, H et A au profit des (H), (A),
Hd, Ad et Anat. Bestiaire archaïque dominé par la dangerosité, la toute-
puissance, la destructivité.
• Absence de réactivité spécifique aux planches, persévérations
Au total, l’articulation entre l’analyse des conflits et l’organisation
défensive constitue la clé de voûte de l’appréciation diagnostique.
Un travail de construction nécessaire au moment de la synthèse
s’attache à situer le sujet dans une dynamique conflictuelle
dominante où le dégagement de la nature de l’angoisse et le
repérage des mécanismes de défense contribuent à la
confirmation de l’hypothèse diagnostique.
Chapitre 11
Articulation et synthèse
des données du Rorschach.
Illustration clinique
Sommaire
1. Clinique de la démarche
2. Analyse et interprétation du protocole de Rorschach
de Michel, 24 ans
1. Clinique de la démarche
Première dans la démarche d’interprétation, l’étude de la clinique de la
passation relève d’une lecture approfondie du protocole permettant une
redécouverte des messages, entendus cette fois en l’absence du sujet. Le
clinicien se trouve alors plus disponible par rapport aux données mais aussi
par rapport à ses associations personnelles, pour percevoir le style du sujet,
la logique ou la discontinuité, la qualité de la verbalisation, les
manifestations plus individuelles, plus particulières ou originales
confirmant ou infirmant les appréciations ou les intuitions cliniques,
permettant d’établir des hypothèses qui seront corroborées ou non par le
travail d’analyse. Ce préalable établit les bases d’une approche qui obéit à
des objectifs synthétiques mettant en évidence l’interaction des différents
facteurs. Il ouvre ainsi un certain nombre d’hypothèses en référence aux
significations diverses qui sous-tendent la multidimensionnalité des
facteurs.
Sur le plan quantitatif, au psychogramme, c’est la prédominance
accordée à certains facteurs et leur combinaison qui servent de base à la
mise en place des hypothèses : le privilège attribué à un mode
d’appréhension et/ou à un déterminant donnés, configuration du type de
résonance intime… Cela permet de repérer, par exemple, que l’organisation
est rigide ou labile, que le sujet est inséré ou non dans la réalité, ce qui sera
à mettre à l’épreuve de l’analyse approfondie.
L’intérêt réside surtout dans la confrontation des données qualitatives et
quantitatives : elle favorise l’appréciation des conduites psychiques
dominantes d’un sujet par la pose de premières hypothèses cliniques.
L’analyse des processus de pensée révèle la capacité d’un sujet à investir
sa pensée, dans un contexte qui tient compte de son environnement
(attachement à la réalité externe, différenciation dedans-dehors), en termes
de plaisir, de souffrance, d’inhibition à penser ou encore de
désinvestissement. Elle permet de déceler les troubles du maniement de la
pensée et souligne l’origine de ces difficultés. Le fonctionnement de la
pensée, compris comme une activité psychique inscrite au sein de
l’ensemble du psychisme, est tributaire des aléas de la vie pulsionnelle, tels
que les conflits narcissiques et objectaux, les angoisses et les défenses.
Étroitement articulée au langage, aux symboles et aux fantasmes qu’elle
véhicule, ainsi qu’au système culturel dans lequel le sujet évolue, l’activité
des processus de pensée s’apprécie, au Rorschach, à l’aide des facteurs
concernés, dans la mise en évidence de la diversité et de la créativité de ses
élaborations et dans les liaisons associatives qui les organisent au sein des
processus primaires ou secondaires.
L’étude de l’identité permet d’appréhender les fondements identificatoires
(identifications primaires) et l’accès à la différence des sexes et des
générations (identifications secondaires) en lien avec la bisexualité
psychique. Cette démarche s’articule à l’analyse de la qualité du
narcissisme et des limites sujet/objet qui détermine le rapport du sujet avec
lui-même et face à l’autre. Elle permet ainsi, par l’étude de certains
facteurs, de se saisir de ces questions et d’y apporter des réponses en termes
de stabilité ou d’instabilité identitaire ou identificatoire, de fragilité ou de
solidité narcissique, et de tenue, d’effritement ou d’éclatement des
frontières corporelles et psychiques.
L’analyse des représentations de relations souligne l’expression et le
traitement des mouvements pulsionnels, agressifs et libidinaux, au sein des
représentations de relations d’objets : les différentes modalités de leurs
expressions, dégagées par le biais des facteurs impliqués, mettent au jour
des mouvements conflictuels d’allure œdipienne, narcissique, de perte, de
fusion ou de destruction, susceptibles de se combiner. Les figures parentales
apparaissent, aux planches qui les sollicitent, sous l’angle de représentations
archaïques, persécutrices, narcissique-phalliques ou juste suffisamment
ambivalentes.
L’investissement ou le désinvestissement pulsionnel des objets sont partie
prenante de l’analyse des conflits mais aussi des liaisons possibles ou non
entre affects et représentations, et de la nature de l’angoisse : angoisse de
castration, angoisse de perte, narcissique ou objectale, angoisse de
morcellement ou de dissolution, peuvent se révéler dans diverses
configurations psychopathologiques et le repérage de leurs intrications
permet d’en dégager des nuances subtiles.
Les mouvements défensifs sont mobilisés en regard des angoisses
déclenchées par les conflits : la mise en évidence de leur nature, de leur
fonction et de leur poids économique constitue un révélateur de la
dimension plus ou moins pathologique du fonctionnement psychique. Ainsi,
la dynamique défensive peut être organisée selon un mode rigide, labile,
inhibé, narcissique, projectif… et permettre le traitement intrapsychique du
conflit ou, au contraire, l’externaliser, le placer au-dehors, dans la réalité
externe. Le(s) registre(s) psychopathologique(s) peuvent ainsi être dégagés
en termes névrotique, limite, narcissique, psychotique… et témoigner en
faveur de la souplesse, de la massivité ou de la désorganisation du
fonctionnement psychique.
La synthèse, suivant la démarche d’interprétation du Rorschach, s’attache
au dégagement des problématiques prévalentes, à la mise en place
d’hypothèses psychopathologiques concernant l’organisation du
fonctionnement psychique. Ces hypothèses seront confrontées à celles qui
seront proposées à l’issue de l’analyse et de l’interprétation du TAT1.
2. Analyse et interprétation du protocole
de Rorschach de Michel, 24 ans2
Michel a consulté un psychiatre pour des attaques de panique survenant
sur son lieu de travail. Son métier comporte des risques pour lui et ses
collègues et il prétexte des problèmes somatiques pour rester en retrait
« sans passer pour un homme faible ». Le psychiatre a prescrit un traitement
anxiolytique léger et évoqué la possibilité d’une psychothérapie mais
Michel dit qu’il veut « juste faire le point pour l’instant ». Le psychiatre lui
propose alors de rencontrer un psychologue pour un bilan psychologique.
2.1 Rorschach
Planche I Un papillon, surtout les ailes, G F+ A
1. Imm. Un insecte, un les pinces font plutôt penser à Ban
papillon. + Quelque un autre insecte. Il a des taches
chose de… ça a l’air sur les ailes. Les ailes sont Rem.
d’être parfaitement abîmées, déchiquetées [montre sym.
symétrique, pas tout à fait les bords des ailes].
d’ailleurs. +
60”
Planche II Rép. add. : D rouge sup. : Deux Rem.
Toujours cette symétrie traces de doigts (D F+ Hd) sym.
apparente des taches. 10” D rouge inf. : une tache mais
2. Une tache de sang. ++ tombée en faisant « splash » ! D CF
Une ouverture, un passage. Dbl Sang
3. Comme un trou blanc au + Dd de bordure → kob
milieu, comme une Rép. add. : Deux têtes de
porte… qui permet de rhinocéros en train de DblDd
passer à travers. + s’embrasser. (D kan+ Ad) Deux C’F Fgt
ours ou deux souris sans tête qui
jouent à se taper sur les mains
1’10” (D noir). (D kan-Ad)
Planche III Rem.
Toujours symétrique, Qui sont face… sym.
toujours ces taches.
4. 10” On dirait deux D sup. G K+
personnages debout qui H/Scène
tiennent quelque chose. + Ban
5. Ces taches rouges, ça me
fait penser à des coulées D CF
de sang. + Sang
6. Au milieu, des poumons D médian. Ou des reins plutôt, D F+/–
ou un cœur. ++ ça n’a pas trop la forme des Anat
Oui. Des personnes qui poumons.
s’arrachent quelque Ils déchiquettent chacun de leur
chose, qui le prennent côté (?) Je sais pas, à manger,
chacune de leur côté. un gros morceau de pain.
1’40”
Planche IV Comme un monstre de G F+ (H)
7. 10” Là, ça fait un peuLovecraft, un gros démon, on le → K
gros personnage de
voit d’en bas. On est tellement
dessin animé, grospetit qu’il nous voit même
monstre vu en contre- pas… ou en train de s’affaler en
plongée, avec les
arrière, de basculer. Là (D G F+ Bot.
tentacules qui pendent médian), une troisième jambe,
[rit]. ou la queue ou…
D médian : tronc. D lat. sup. :
8. Ou un arbre, avec le des lianes comme le saule
feuillage autour, qui pleureur, un feuillage qui
protège ou qui fait de redescend, il y a de la place
l’ombre. + encore dessous.
55”
Planche V Comme si elle s’écrasait sur un G F– A
9. 5” Une limace… ou miroir… La bave qui coule… → kan
deux… j’en sais rien… Ou deux qui se rejoignent et se
les antennes… comme les fondent.
escargots avec le truc (Ban ?) Ouais, avec des ailes Rem.
visqueux qui traîne pointues. (G F+ A Ban) sym.
derrière. À chaque fois
c’est symétrique.
1’
Planche VI Une fente, un trou, les parois G FE+/–
10. Imm. Une crevasse, une qui s’affaissent à l’intérieur. Ça Fgt/Sexe
faille ++ [rit] Ça fait vraiment penser à un sexe → kob
m’inspire rien d’autre. Jede femme.
sais pas. Rép. add. : (D sup.) Seulement
cette partie-là, le sommet des
totems indiens où sont
représentés des aigles ou des
45” serpents à plumes.
(D F+ Obj./A)
Planche VII Comme un canal qui arrive sur Gbl F+/–
11. Imm. On peut penser une calanque, une crique avec Géo
aux contours d’une côte, l’ouverture sur l’océan, le
une calanque, quelque pourtour de la côte. G : terre.
chose qui s’ouvre aussi. Dbl int. : océan. D médian :
Au début, c’est étroit, canal. Comme une carte
c’est tout écrasé, ça ancienne, on ne connaît pas le
s’écarte, ça s’écarte un reste, donc, c’est pas dessiné
peu. + (d’où le Dbl ext.)
50”
Planche VIII
Ah, des couleurs ! D rose-orange : bassin. Axe : G F– Anat
12. Imm. Ça fait penser à colonne vertébrale. D gris + D
une cage thoracique, le rose lat. : les côtes. (Sternum ?) D F+ A
squelette, les côtes, le Je sais pas vraiment, car je sais Ban
sternum. pas si on le voit de dos ou de
13. On dirait deux face, plutôt de dos. (D bleu ?) Rem. C
caméléons aussi, sur le
côté, verticaux. ++ Ça pose problème [rit], je sais
Il y a une dégradation des pas, peut-être les muscles ou…
couleurs aussi : orange,
rose, bleu, gris.
1’30”
Planche IX Du brouillard, des volutes de G CF Fgt
14. 10” La fumée, ouais, la fumée de couleur qui cachent → E
fumée qui cache ce qu’il quelque chose, des traits plus
y a derrière, on voit à définis derrière (Dd médian plus
peine ce qu’il y a sombre) mais on voit pas ce que
dessous. c’est. Avec le contraste, on a
l’impression de voir à travers.
30”
Planche X Plusieurs choses différentes
Toujours plus de couleurs.
+ Plein d’entités
séparées, chacune d’une D jaune et D orange médians D FC
couleur. Le rouge-rose Bot./Sexe
toujours prépondérant…
15. 35” Comme des
graines, jaunes et rouges,
comme des ovules, des
œufs. ++
16. Le bleu, ça fait penser à Des araignées de mer pleines de D F+ A
des crabes… Sinon, je pattes. Ban
sais pas. Rép. add. :
Les os du bassin (D médian
bleu) (D F+ Anat.)
La colonne vertébrale (D gris
2’10” sup.) (D F+ Anat.)
Deux têtes de perroquets qui se
regardent. J’ai pas vu ça tout à
l’heure, le bec, les yeux, la
houppette. Ils se regardent, ils
se défient même. (D gris sup.)
(D kan– Ad)
Michel regarde les planches très attentivement.
Choix + :
IV : J’sais pas pourquoi… parce que ça me rappelle les monstres de mon
enfance.
VII : Y’a cette ouverture, impression de ne plus être écrasé. La différence
entre le haut et le bas.
Choix – :
IX : J’aime bien les couleurs mais j’aime pas parce qu’il y a quelque chose
de caché, quelque chose derrière.
II : À cause des taches de sang… des ours à la tête coupée.
2.2 Psychogramme
R = 16
T = 11’30”
T/R = 43”
TL moyen = 8”
G 9 (dont 1 Gbl) 56 % F 9 H/Scène 1 H% : 6 %
D6 38 % F+ 5 (H) 1 H%é : 12 %
DblDd 1 6 % F+/– 2
F– 2 A4 A% : 25 %
F% = 56 % K1
F+% = 67 % FC 1 Anat. 2
CF 4 Sang 2
FE 1 Fgt 2
T.A : G.D.DblDd Fgt./Sexe 1
TRI : 1K // 4.5ΣC → K 1 Bot./Sexe 1
Fc : 0k // 0.5ΣE → kan 1 Géo. 1
→ kob 1 Bot. 1
RC% : 5/16 : 31 % →E1
Ban : 4 (+1)
Choix + : IV et VII
Choix – : IX et II
2.9 Conclusion
L’analyse approfondie du protocole de Rorschach et la synthèse
permettent de conclure à une organisation névrotique à valence phobo-
obsessionnelle, tout en permettant de repérer la présence d’un noyau
hystérique qui soutient la sensibilité à l’objet sans pour autant permettre à
Michel de se laisser vraiment affecter, toucher.
Le conflit est assurément de facture intrapsychique ; la problématique
sexuelle, mobilisant bisexualité psychique et différence des sexes, angoisse
de castration et passivité dans la dialectique des identifications sont autant
d’éléments significatifs d’un conflit œdipien où les figures parentales
demeurent des objets d’attraction et d’interdit très investis. Malgré les
défenses, la continuité associative est souvent aisée à dégager, les
sollicitations latentes des planches clairement saisies ; le refoulement est
mobilisé avec efficacité mais parfois trop d’intensité pour que se déploient
avec aisance et souplesse des potentialités fantasmatiques pourtant vives. Si
les affects peinent à être exprimés, qu’ils soient à valence agressive,
libidinale ou dépressive, l’angoisse affleure sous les représentations, les
associations et les commentaires, en spontané comme à l’enquête, ce qui
témoigne de l’intensité des mouvements pulsionnels engagés.
Partie 3
Le TAT
Chapitre 12
Fondements théoriques
Sommaire
1. Le TAT : quelques repères historiques
2. Analyse du processus TAT
3. La feuille d’analyse des procédés du discours TAT
Sommaire
1. Spécificité de la situation-TAT
2. La démarche d’analyse
3. Matériel, consignes
4. Le déroulement de la passation
5. Analyse du matériel
6. Présentation de la feuille d’analyse des procédés du
discours
1. Spécificité de la situation-TAT
La situation-TAT est déterminée par les paramètres habituels de toute situation
de test projectif. Contrairement au Rorschach dont les planches sont non
figuratives, le matériel-TAT présente cette particularité – commune aux tests
thématiques – d’être à la fois figuratif et ambigu. En ce sens, il se prête à une
analyse objective du percept c’est-à-dire de son contenu manifeste et à une
interprétation subjective, entraînant des associations d’ordre projectif, relatives
aux significations latentes attribuées au stimulus. La possibilité pour le sujet
d’accepter l’objet-test dans sa double appartenance perceptive/projective, à se
situer dans le champ intermédiaire entre réel et imaginaire, sous-tend la
démarche d’analyse : le sujet peut-il se laisser aller à associer à partir d’une
réalité perceptive, sans être ni désorganisé par cette activité associative, ni
démesurément contraint par les impératifs de l’objectivité ?
2. La démarche d’analyse
La durée de l’épreuve, limitée par le temps de passation, l’attitude du clinicien,
etc., sont autant d’éléments constitutifs de la situation-TAT permettant de
recueillir des données qui, en référence à la théorie sous-jacente, le conduiront à
apprécier le mode de fonctionnement psychique du sujet.
Après la passation, le matériel recueilli va faire l’objet d’une analyse. La
méthode d’analyse d’un protocole repose essentiellement sur l’étude des
procédés du discours mis en œuvre dans l’élaboration des récits et de leur
articulation avec les problématiques qu’ils s’efforcent de traiter.
Elle comporte deux temps : l’analyse planche par planche et la synthèse des
informations obtenues.
4. Le déroulement de la passation
4.1 Le temps
Classiquement, on tient compte des caractéristiques temporelles de la
passation. On mesure le temps de latence (temps écoulé entre la présentation de
la planche et le moment où le sujet commence à parler), le temps total par
planche, (temps écoulé depuis la présentation de la planche jusqu’à la fin du
récit raconté par le sujet). Les temps de latence et les temps totaux doivent être
pris en considération mais leur interprétation dépend des éléments cliniques
apportés par l’analyse de l’ensemble du ou des récits.
Les caractéristiques temporelles ne sont jamais interprétées en termes
d’efficience ou de performance – à la différence des épreuves d’intelligence –
mais uniquement en tant que repères cliniques, montrant la plus ou moins forte
réactivité du sujet ou au contraire sa tendance à l’inhibition. Y a-t-il nécessité
pour lui de prendre du temps avant de s’engager ou au contraire de se précipiter
dans le récit ? Les planches déclenchent-elles des effets spécifiques notamment
repérables au niveau des temps de latence (sidération, réflexion, scrutation du
matériel, agitation…) ?
5. Analyse du matériel
La grande découverte de V. Shentoub a été de penser les planches du TAT dans
la double perspective du contenu manifeste et du contenu latent et de leur
articulation. Ces notions fondamentales en psychanalyse trouvent là une
application parfaitement originale car elles portent non seulement sur les récits
du sujet – à l’instar des rêves – mais sur le matériel du test lui-même dont on ne
peut oublier qu’il a été créé, choisi, décidé par H. Murray, un homme, animé par
ses propres mouvements psychiques.
CM – (Hypo)manie
CM1 : Exaltation et
emballement des
affects et des
représentations
(élation)
CM-2 : Hyper-
instabilité des
identifications et des
objets
CM-3 : Fabulations
CM-4 : Pirouettes,
clin d’œil – Ironie –
Humour
CM-5 : Associations
par contiguïté, par
consonance, coq-à-
l’âne…
Chapitre 14
Les procédés du discours
Sommaire
1. Procédés de la série A (Rigidité)
2. Procédés de la série B (Labilité)
3. Procédés de la série C (Évitement)
4. Procédés de la série D (Manifestations hors narration)
5. Procédés de la série E (Émergences du processus
primaire)
6. Synthèse
Planche 6BM
« Deux personnages qui sont en deuil car le monsieur tient son chapeau
par les deux mains et la femme tient un mouchoir. Ils vont à un
enterrement. L’homme a l’air soucieux, la femme a l’air béate, surprise,
étonnée… (?) Ça doit être son mari, grand-père, et là ça doit être le fils. »
La description permet d’aborder une interprétation liée au contenu latent
et de la justifier (« car le monsieur tient son chapeau ») mais l’intensité
du fantasme œdipien mobilisé désorganise l’adéquation au réel dans
l’approche du percept (« la femme a l’air béate »).
A1-2 : Précisions temporelles, spatiales, chiffrées
Toute référence concernant le temps (époque), l’espace (région, pays…)
ou apportant des précisions chiffrées (dates, mesure…). Ces précisions sont
le plus souvent sous-tendues par une tentative de contrôle, et parfois de
mise à distance (à ne pas confondre dans ce cas avec un développement
dans le futur de l’action évoquée, comme par exemple : « Plus tard, il
fera… »).
Planche 8BM
« Euh, une dissection, d’un cadavre, il faut espérer, probablement, ça me
fait penser à un tableau de Rembrandt : Leçon d’anatomie. Les
personnages me feraient penser à l’époque élisabéthaine, au début du
e
XVII siècle par rapport à la barbe et collerette alors que l’autre [planche 5]
me faisait penser à une servante hollandaise ou de Flandres et c’est une
leçon magistrale d’anatomie dans une université du XVIIe siècle. Le garçon
n’a rien à voir avec ça puisque c’est un garçon du XXe siècle, BCBG, peut-
être un lycéen des années 1930 ou 1940. Ah ! On aperçoit au fond… ce
qui pourrait être une bibliothèque, le coin des rayonnages d’une
bibliothèque. »
Les précisions temporelles, spatiales et chiffrées posent un cadre qui se
veut rigoureux : par la mise à distance, il participe à la défense contre
l’émergence d’un fantasme agressif massif pourtant exprimé dès la
première phrase, et soutient ainsi le recours à la dénégation et l’isolation.
L’ensemble se déploie à l’abri d’une intellectualisation patente
notamment dans les références culturelles.
Planche 13B
« Un petit gamin qui s’ennuie, soit il n’a pas de copains ou il attend ses
parents… dans une cabane en bois… qui m’évoque soit les États-Unis,
l’Ouest au XIXe, ou certaines régions de Scandinavie. Voilà. »
Le recours aux précisions temporelles, spatiales et chiffrées, associé à des
procédés d’inhibition empêchent le déploiement du récit et l’élaboration
du conflit.
A1-3 : Références sociales, au sens commun et à la
morale
Ce procédé du discours permet au sujet d’aborder le conflit à l’abri de
références communément admises par le socius, voire par la morale. Il
s’agit en général d’une référence ponctuelle qui n’enlise pas le récit, elle
permet de trouver un compromis entre principe de plaisir et de réalité, dans
une situation conflictuelle, entre désirs et défenses. Ce procédé est à
différencier du procédé CF-3 (« Affects de circonstance, référence à des
normes extérieures ») coté quand le récit est plat, abrasé, a-conflictuel.
Planche 13MF
« Y’a une femme allongée et un homme debout qui vient de se réveiller…
ils ont probablement dormi ensemble… Lui c’est son mari, se levant pour
reprendre son travail, alors que sa femme bénéficie d’un repos
supplémentaire, n’ayant pas des horaires très fixes. »
Sous couvert de l’anonymat des personnages (« une femme, un homme »),
l’évocation très policée de l’intimité du couple (« probablement dormi
ensemble ») s’exprime sous couvert des règles sociales pour mettre à
distance et contenir l’excitation pulsionnelle associée aux fantasmes
sexuels.
Planche 6BM
« Toujours l’image de la mère et de son fils. La mère réfléchit car son fils
vient de lui raconter une histoire, un fait extrêmement grave, enfin grave
selon son idée. Il a l’air très sombre, il a son chapeau à la main. Il se
reproche d’avoir commis cette faute et de l’avoir racontée à sa mère… (?)
Je crois que généralement la mère pardonne tout à l’enfant. Oui, c’est ça,
la mère pardonne mais son fils… et son fils est toujours fautif malgré
tout. »
Par la référence au sens commun et à la morale, le sujet trouve un
compromis : la culpabilité est apaisée dans le sens du principe de plaisir
et en référence au sens commun (« la mère pardonne tout ») mais elle est
maintenue pour satisfaire les exigences du surmoi (« son fils est toujours
fautif »).
A1-4 : Références littéraires, culturelles
La réalité externe qui sert de cadre au récit appartient ici au monde
culturel (arts graphiques, cinéma, théâtre, littérature…) et s’inscrit dans le
registre de la fiction. Cette discrète mise à distance permet d’aborder le récit
sur un mode tempéré : il s’agit le plus souvent d’une attitude ponctuelle, qui
permet de négocier la pression conflictuelle sollicitée par la planche tout en
abordant le contenu latent.
Planche 11
20” « C’est un… ça me fait penser à un décor de théâtre devant lequel on
jouerait Faust… Enfin pourquoi Faust… Faust mais alors Faust moderne,
c’est tout… (?) Je vois des rochers, je vois pas très bien et je vois un pan
de maison et j’ai vu un film, La beauté du diable, non c’est pas ça… Oui
avec Gérard Philippe et il évoluait dans des décors de ciels très nuageux
et de ruines, oui, c’est tout. »
Les références culturelles et le recours à la fiction encadrent l’expression
de fantasmes sexuels (« Faust », « La beauté du diable », « Gérard
Philippe »). La dimension chaotique de la planche est reconnue (« décors
de ciels très nuageux et de ruines ») et mais les effets régressifs sont
contenus par l’insistance sur le cadre culturel.
Planche 5
« C’est au XIXe siècle, c’est la bonne qui vient dire « la table est servie ».
Un peu comme dans les contes de Maupassant. Il va se passer une
histoire incroyable avec la bonne, par exemple, elle va attraper la syphilis
avec son patron, puis la femme du patron s’enfuit, on la retrouve morte
dans la forêt et la bonne est congédiée. L’homme, lui, fréquente les
tavernes et il meurt, il finit sa vie, noyé dans l’alcool et les femmes. »
La référence littéraire, tout comme la mise à distance temporelle, situent
le récit dans le cadre d’une fiction qui ne parvient pas à maintenir la
distance recherchée, et les fantasmes massifs alliant sexualité et mort,
transgression et rétorsion, envahissent la fin de l’histoire.
Planche 13B
« Oh là là… ! + Il était une fois, dans un pays imaginaire…, un petit
garçon que ses parents avaient laissé seul car ils étaient invités à une
soirée et pas lui. C’était une soirée pour adu… une soirée entre adultes et
lui il avait école le lendemain et devait se coucher tôt. Le petit garçon
commençait à trouver le temps long. Il était même un peu triste… Alors, il
s’est assis sur le pas de la porte. Il aurait voulu aller se promener avec ses
copains, mais ses parents lui ont dit de rester à la maison et de ne pas se
coucher tard… Il se demande ce que font ses parents… Bon, j’ai dit que
c’était dans un pays imaginaire, mais c’est un peu raté mon affaire (rit) car
ce n’est pas très imaginaire comme histoire. Y’a des contes comme ça, ça
a beau être des contes, ils sont durs hein ; on ne devrait pas raconter des
his… ces histoires aux enfants. »
Le sujet n’est pas dupe de la dimension un peu forcée du recours au fictif
pour introduire son histoire et tenter de mettre à distance le
conflit, repérable entre le désir lié à la curiosité sexuelle (scène primitive)
et l’interdit réactivant un vécu d’exclusion.
A2-2 : Intellectualisation
Par l’abstraction, la symbolisation, le titre donné à l’histoire, le sujet
donne une formulation intellectualisante aux conflits et aux affects évoqués
dans son récit. Cependant, le contact avec la réalité perceptive et avec le
contenu latent de la planche demeure efficace. Utilisé de façon ponctuelle,
ce procédé peut permettre l’exposé ou le déploiement du conflit en
référence au contenu latent de la planche.
Planche 4
« Mais ça en fait, c’est, ça symbolise la fuite de l’homme devant la femme,
la recherche d’un idéal ou d’une raison de vivre à travers autre chose que
le couple… Mais en fait la femme essaie de le retenir, elle le regarde.
Enfin, elle est belle, maquillée, séduisante, mais ceci semble avoir assez
peu d’importance pour l’homme… Mais oui en fait son regard exprime
des pensées nobles… voilà… oui… enfin c’est possible de situer un peu
le dessin dans le temps d’après la mode. Voilà. »
L’intellectualisation, sous forme de symbolisation de l’agressivité et de la
défense par rapport à la sexualité, introduit une prise de distance avant la
mise en scène du conflit désir/défense qui s’engage ensuite sur un mode
plus labile.
Planche 6BM
« Ça pourrait s’intituler… “Au chevet de quelqu’un”, ou “L’attente”…
“L’attente de quelqu’un”… On voit à l’expression du personnage
masculin qu’il se passe quelque chose de grave… il a son chapeau à la
main… toute son attitude reflète un événement dramatique. Quant à la
femme, on ne sait pas si c’est sa mère ou une servante qui l’a introduit
dans une maison près de sa fiancée. Ou une scène de rupture […]. »
L’utilisation ponctuelle de l’intellectualisation, sous forme de titre donné
à l’histoire, n’entrave pas la poursuite du récit qui met en scène le
conflit : des références discrètes mais claires (« au chevet de quelqu’un »,
« un événement dramatique ») renvoient au fantasme de meurtre du père,
alors que l’érotisation des relations par l’évocation de la fiancée permet,
grâce au déplacement, la réalisation du désir œdipien.
Utilisée de façon plus massive, l’intellectualisation, associée à d’autres
procédés mobilisés à des fin défensives, tend à couper de façon drastique la
représentation de son substrat pulsionnel.
Planche 2
« Tableau allégorique de la rencontre du travail manuel représenté par le
fermier et la fermière et d’une personne à l’allure intellectuelle avec des
livres à la main. Il laboure, ils n’ont aucun contact entre eux, chacun
restant sur ses positions. »
Le titre donné à l’histoire et l’abstraction s’inscrivent dans une défense
massive contre l’évocation d’une relation triangulée. L’évocation d’un
rapproché œdipien est particulièrement conflictuel comme le montre le
recours à l’isolation radicale.
A2-3 : Dénégation
Procédé par lequel le sujet, tout en formulant un désir, une pensée ou un
sentiment, continue de s’en défendre en niant qu’il lui appartienne. La
dénégation porte sur des représentations et des affects, donc sur la réalité
interne, alors que le déni porte davantage sur la réalité perceptive.
Planche 1
« C’est un jeune prodigue ou prodige, un garçon qui joue du violon, il a
l’air assez pensif, peut-être qu’il est admiratif devant son violon, je ne
pense pas qu’il ait envie de jouer, en fait ça le laisse rêveur… il doit avoir
7 ou 8 ans je pense. C’est tout. »
La dénégation porte sur le désir lié à l’investissement de l’objet, dont le
sujet refuse de reconnaître qu’il appartient à son monde interne. Cette
défense permet de faire l’économie de l’angoisse de castration.
Planche 4
« Là ça me fait penser à une scène d’un film américain genre western, non
pas vraiment puisque la femme a l’air d’être habillée comme dans les
années 50 et lui, le mec, il s’en va, il va… pas se battre en duel puisque ce
n’est pas un western, mais régler ses comptes avec quelqu’un, et sa petite
amie lui dit : “Non n’y va pas”, mais il y va quand même car il a déjà le
regard ailleurs. Il écoute pas ce qu’elle dit mais pense à ce qu’il va faire. »
Le recours au fictif (« scène d’un film américain genre western ») ne suffit
pas à contenir la mobilisation d’un fantasme agressif. Au sein d’une
dynamique narrative pétrie d’allers-retours entre les interprétations
(« non pas vraiment », « mais quand même »), le sujet a recours à la
dénégation pour dire et ne pas dire l’expression pulsionnelle qu’il peine à
assumer.
Planche 8BM
« Alors là ! … On dirait qu’on opère quelqu’un… On dirait qu’on opère
quelqu’un (ton inquiet)… Ça ne m’inspire rien d’autre… une opération…
Il ne s’agit tout de même pas d’une mise en bière n’est-ce pas ?… Plutôt,
à mon avis, des soins… une opération… quelqu’un qui est allongé et qui
est soigné… Ce que je ne comprends pas, c’est cet homme différemment
habillé et qui ne regarde pas, manifestement très triste. »
Les vœux de meurtre et la charge pulsionnelle agressive surgissent à la
conscience à la condition d’être niés. La dénégation est porteuse du
conflit entre désirs (« mise en bière ») et défense en formation
réactionnelle (« soins », « opération »).
A2-4 : Accent porté sur les conflits intra-personnels.
Aller/retour entre l’expression pulsionnelle et la
défense
Accent porté sur les conflits intrapersonnels
Ce procédé rend compte de l’existence d’un conflit intrapsychique entre le
désir et la défense, suscité par des exigences internes contraires ; conflits
entre sentiments ou désirs contraires et/ou entre désirs et interdits.
Planche 1
« Joël, un petit garçon de 10 ans, est triste et songeur devant son violon. Il
euh… il doit préparer son cours bihebdomadaire et s’interroge sur son
vrai désir de jouer du violon. Il est triste parce qu’il pense qu’en fait, c’est
pas vraiment son choix, qu’il plutôt tenté par un autre instrument… Il
pense, mais sans joie et euh… il met en cause sa réussite dans cet
instrument, avec cet instrument… alors que par contre il aime beaucoup
entendre jouer le violon et il se pose la question « est-ce que je vais m’y
mettre, ou est-ce que je vais pas m’y mettre ? Est-ce que je vais continuer
ou est-ce que je vais m’arrêter ? »
L’opposition entre des exigences contradictoires est clairement présentée
au sein de la psyché du héros de l’histoire (« m’y mettre », « pas m’y
mettre » ; « continuer », « arrêter »). L’absence d’issue au conflit
témoigne de son acuité et de ses incidences dépressives (« triste »).
Aller-retour entre l’expression pulsionnelle et la
défense
Le récit oscille, au cours de différentes séquences, entre l’expression
pulsionnelle (le plus souvent l’agressivité) et les défenses mobilisées pour
traiter l’angoisse suscitée par celle-ci ; elles relèvent le plus souvent de
l’annulation, la dénégation, le doute. Le procédé A24 s’accompagne donc
généralement d’autres procédés qui témoignent de la lutte défensive. On
retrouve ici la notion de lutte entre les exigences contradictoires, de conflit
intrapsychique.
Planche 5
« C’est une femme qui entre à l’improviste dans une pièce, qui ouvre la
porte de la pièce pour inspecter ce qu’il y a dedans. Au début, j’ai eu
l’impression qu’elle surprenait quelque chose comme elle faisait de
drôles d’yeux, qu’elle inspecte, mais en fait non… il n’y a pas
d’étonnement dans son regard, mais de la minutie à inspecter. »
L’excitation pulsionnelle suscitée par la planche entraîne la mobilisation
de défenses par l’annulation rétroactive (« mais en fait non ») et la
dénégation (« il n’y a pas d’étonnement dans son regard »). Le conflit
s’exprime entre l’expression pulsionnelle (la curiosité sexuelle) et la
défense (interdit surmoïque) dont témoignent par ailleurs les formations
réactionnelles (« minutie à inspecter »).
Planche 10
« Une étreinte, l’amour, voilà, l’amour tout simplement… pourtant j’y
vois, non j’allais dire que j’y vois une nuance de douleur, mais non,
l’amour, une profonde tendresse, un attachement profond et viscéral et
physique aussi. »
Le mouvement libidinal est donné d’emblée sur un mode intellectualisé,
puis l’oscillation entre pulsion sexuelle et agressivité se met en place
(« pourtant, une nuance de douleur, mais non, l’amour »), à partir de
l’annulation. Celle-ci rend compte du conflit sous-jacent.
A3 : Procédés obsessionnels
A3-1 : Doute : précautions verbales, hésitations entre
interprétations différentes, remâchage
Les différentes traductions langagières du doute sont regroupées ici. Si ce
procédé se retrouve de manière discrète dans nombre de protocoles, il est
particulièrement présent dans les protocoles de facture obsessionnelle.
Mobilisé de façon importante, il signale le poids économique de la défense
mise en place pour traiter les émergences fantasmatiques et pulsionnelles. Il
est utile d’apprécier l’importance de l’entrave susceptible d’être associée à
l’indécision, à l’impossibilité de faire un choix interprétatif, pouvant parfois
confiner à l’enlisement.
Précautions verbales
Elles s’expriment à partir de formules telles que « peut-être », « il me
semble », « on peut imaginer », ou par l’usage de formes verbales au
conditionnel « cela pourrait être » : tout emploi d’expressions qui
permettent au sujet de ne pas s’engager dans une affirmation directe.
Planche 13MF
« Là… C’est une scène dans la chambre d’un couple. L’homme a l’air très
anxieux, fatigué. La femme semble dormir ou se reposer… il serait
difficile de dire ce qu’il se passe entre les personnages, leurs attitudes sont
très différentes : l’homme est habillé, debout ; la femme est nue. Il ne
semble pas que l’homme ait envie de relations très intimes, il aurait plutôt
des problèmes. La femme a l’air très décontractée. Ils ne se regardent pas.
Voilà. »
Les nombreuses précautions verbales sont là pour tempérer les
émergences fantasmatiques, sexuelle et agressive, et le conflit opposant le
désir et la défense « leurs attitudes sont très différentes », « l’homme est
habillé, debout, la femme est nue », « ils ne se regardent pas »).
Hésitation entre interprétations différentes
Elle est marquée par toute indécision dans le choix, le développement ou
le thème.
Planche 5
« C’est une femme qui rentre dans une chambre à coucher d’un de ses
enfants… Bien que la table ne soit pas une table de chambre à coucher…
La manière dont elle rentre fait penser à un geste d’une mère entrant dans
la chambre de ses enfants… Ou bien encore, une femme qui vient
prévenir que le repas est servi ou qui entre dans le bureau de son mari,
celui-ci recevant un visiteur… quoique de la table ne soit pas une table de
bureau. La lampe n’est pas une lampe de salon, c’est une lampe de
chambre… Et il y a trop peu de livres sur les quelques étagères pour que
ce soit un cabinet de travail… Ça peut être par contre les quelques livres
qu’on a dans sa chambre… »
L’oscillation permanente entre différentes versions de l’histoire (« bien
que », « ou », « ou bien encore », « quoique », « par contre ») témoigne
de l’acuité du conflit où s’affrontent le désir (sexuel) et l’interdit
(surmoïque), conflit sous-tendant les hésitations identificatoires
(« femme », « mère », « mari », « visiteur »).
Remâchage
C’est un procédé qui consiste à revenir continuellement sur le même
thème, sans progression dans le récit, comme si la pensée s’enlisait.
Planche 7BM
Imm. « Là aussi, là aussi, c’est, c’est, c’est même, pas de la réflexion,
c’est de la réflexion euh… je trouve que ce sont des visages tristes. Il n’y
aucun sourire, au niveau des zygomatiques, on ne voit absolument rien.
Encore l’homme à la rigueur a un visage relativement apaisé, mais alors
le jeune hein, chapeau ! visage assez tourmenté, les yeux enfoncés, la
bouche, enfin, avec euh les coins de la bouche là qui vont vers le bas et…
L’homme à la limite euh, oui, c’est un visage apaisé. C’est peut-être là,
j’sais pas, peut-être la philosophie de la vieillesse, ou la résignation, mais
ce visage de l’homme est intéressant. Mais celui du jeune, alors là
chapeau ! Voilà. »
Les tentatives répétées pour définir les états d’affects des protagonistes de
l’histoire que le sujet tente d’objectiver par le recours à la description
(« visages tristes », « visage relativement apaisé », « visage assez
tourmenté ») entravent le déploiement du récit. Le remâchage et les
préoccupations rationalisantes témoignent de la difficulté à traiter le
conflit de rivalité.
A3-2 : Annulation
Par ce procédé, une première proposition, porteuse d’un conflit, est
déclarée nulle et non advenue par une seconde proposition. Ce procédé vise
à annuler, de façon magique, le représentant pulsionnel (affect et/ou
représentation) apparu à la conscience.
Planche 4
« Ça me fait penser, c’est une femme qui aime un homme et l’homme part
pour l’armée, pour une guerre, quelque chose comme ça, et la femme elle
le retient et l’homme à la fin, je pense qu’il va pas revenir de la guerre.
Ou si c’est pas la guerre, c’est la police qui l’emmène ; il se fait arrêter ou
quelque chose comme ça. »
La première représentation « guerre » porteuse d’agressivité est annulée
par la seconde « c’est pas la guerre ». L’hésitation entre les deux
interprétations témoigne de l’opposition entre désir et défense,
l’annulation représentant le pôle défensif.
Planche 2
« Cette jeune femme cherche à s’émanciper de parents trop contraignants.
Certes, ils aiment leur fille mais ils voudraient bien qu’elle reprenne leur
ferme et ils sont un peu insistants à ce sujet. Elle, elle veut partir à la ville,
rencontrer d’autres gens et se consacrer entièrement à… à l’histoire de
l’art, ce dont ses parents ne lui ont jamais parlé. La mère découragée et
triste, s’appuie sur un arbre pendant que le père continue de travailler
comme si ça ne le touchait pas… + (regarde attentivement) Ou alors, elle
part à la ville, mais pas pour étudier l’histoire de l’art, ce serait alors
pour étudier l’agronomie, je crois que ça s’appelle comme ça, elle va
apprendre à gérer une ferme ; ainsi, elle aura de meilleurs rendements que
ses parents, elle pourra embaucher du personnel, peut-être même trouver
un mari (rit), et elle pourra suivre des cours d’histoire de l’art ! »
L’expression d’un désir d’émancipation engage une charge agressive et
libidinale conflictuelle, le recours à l’annulation ouvre sur une solution
de compromis permettant tant la satisfaction du désir que celle de la
défense.
A3-3 : Formation réactionnelle
Tout élément du récit rendant compte de l’investissement d’attitudes,
d’actions, de sentiment de sens contraire à un désir refoulé : aider/s’opposer
ou faire du mal, mettre de l’ordre/salir… Le renversement de la pulsion en
son contraire témoigne de la difficulté à reconnaître la satisfaction
pulsionnelle, à valence agressive et/ou sexuelle.
Planche 5
« Alors là… Alors là, c’est une maman qui vérifie si son enfant fait bien
ses devoirs. C’est le soir, ils sont dans… c’est une époque où les lampes
étaient rares, où on allumait peu. Voilà, je pense qu’elle regarde s’il
travaille bien, s’il est sage. (Repose la planche) C’est trop long ou c’est
pas assez… c’est trop court ? »
La curiosité sexuelle, sous-tendue par la pulsion scopique, est contre-
investie par l’insistance sur les thématiques de l’ordre, la morale et
l’éducation (« vérifier », « devoir », « sage »). Les fantasmes œdipiens
(séduire, faire plaisir) et l’angoisse de castration qu’ils suscitent
ressurgissent en fin de récit dans la question adressée au clinicien.
Planche 7GF
+ « Cette maman regarde son enfant… ou sa petite fille afin qu’elle ne
fasse pas de bêtise dans l’avenir et… qu’elle soit comme elle, toujours…
une personne honnête et aimante. »
Le lien mère/fille mobilise un net contre-investissement de représentations
conflictuelles à valence agressive, associé à l’inhibition.
A3-4 : Isolation entre représentations ou entre
représentation et affect – Affects minimisés
Ce procédé consiste à ignorer et à ne pas évoquer le lien potentiel qui
existe entre les éléments et/ou les personnages de l’image, entre deux
représentations ou entre une représentation et un affect.
L’isolation se présente au TAT sous diverses formes : changement brusque
dans le cours de l’histoire, isolement des personnages, détails évoqués et
non intégrés, affects minimisés…
Le changement brusque dans le cours de l’histoire
(avec ou sans pause dans le discours)
Après avoir évoqué un premier thème en rapport avec le contenu latent de
la planche, le sujet donne une seconde interprétation sans rapport apparent
avec la précédente, niant le lien qui existe entre les deux thèmes, alors que
ceux-ci sont sous-tendus par le même fantasme.
Planche 8BM
« Là, derrière, y’a deux médecins qui sont en train d’opérer un garçon qui
imagine comment va se passer l’opération. On lui dit qu’il va être opéré,
alors il imagine… + (?) Ça a plutôt l’air de lui faire peur parce que l’autre
a l’air de souffrir sur la table. Tiens, y’a un fusil là. Autre version, celui-là
opéré en catastrophe pendant la guerre, ce serait son fils, on lui raconte
une histoire, l’histoire de son père opéré d’urgence pendant la guerre. »
Le changement de thème sert l’isolation à l’abri de laquelle surgissent
avec clarté les désirs agressifs à l’encontre de la figure paternelle (second
thème) entraînant une angoisse de castration importante (premier thème).
L’isolement des personnages
Il n’y a pas de lien évoqué entre les personnages, ou le lien est
explicitement nié.
Planche 2
« Au deuxième plan, il y a des paysans qui travaillent. Enfin, l’homme
travaille… cet homme travaille… avec son cheval… ils travaillent la
terre. Ils ont chaud visiblement, l’homme s’est mis torse nu. À droite, une
femme, peut-être une voisine ; elle, elle se repose ; elle ne travaille pas.
Elle n’est pas avec l’homme. Au premier plan, on ne voit pas bien ce
qu’elle vient faire là… Une jeune femme qui n’a pas grand-chose à voir
avec les autres. Elle n’est pas habillée comme eux. Elle n’est pas du
même monde. Ça pourrait être une étudiante en biologie, ou en zoologie,
ou en… comment on appelle ça, l’étude des plantes…, étudiante en
botanique, elle tient un herbier ; elle s’intéresse aux plantes et aux
insectes, c’est pour ça qu’elle vient à la campagne. »
Les personnages sont évoqués sans référence à un lien entre eux :
l’isolation est au service du refoulement des représentations sexuelles
dans un contexte de triangulation œdipienne. L’isolation des personnages
sur différents plans sert le contrôle de l’excitation sexuelle liée au
rapproché œdipien (« s’est mis torse nu », « s’intéresse aux plantes et aux
insectes »).
Détails évoqués et non intégrés
Il s’agit de tout détail perçu et non utilisé dans la construction de
l’histoire, par exemple « le violon » à la planche 1, « le fusil » à la
planche 8BM.
Planche 8BM
« Hou là ! Qu’est-ce que c’est que ça ! Une opération à la va-vite non ?
Deux hommes, visiblement concentrés, sont en train d’opérer une
personne qui a été blessée. + Au premier plan, un jeune homme en
cravate, on ne comprend pas bien ce qu’il fait là, habillé comme ça. A côté
de lui, on dirait… oui, ça semble être un fusil. Bon. C’est bizarre. Non, ce
qui m’intrigue, c’est la scène du second plan. Mais je ne trouve rien à en
dire de plus. On opère quelqu’un dans des conditions délicates ; c’est sans
doute un accident, ce n’était pas prévu donc on fait avec les moyens du
bord. Voilà. »
Si tous les éléments majeurs du contenu manifeste sont perçus et nommés,
le sujet peine à les intégrer au scénario et à en assumer la composante
agressive et conflictuelle : le détail « fusil » est nommé et isolé de la
scène, comme le sont les plans de l’image.
Affects minimisés
Les affects évoqués sont très atténués par rapport à la représentation à
laquelle ils s’associent, ou encore ils sont absents alors que les thèmes
évoqués engagent potentiellement une forte charge affective (thèmes de
dénuement, perte, destruction…).
Planche 13MF
« C’est un homme qui trouve sa femme morte. Il en est peiné. »
La minimisation de l’affect associé à une représentation massive (la mort
de la femme) vise l’isolation entre représentation et affect.
B1 : Investissement de la relation
Les procédés regroupés ici rendent compte d’une modalité de
fonctionnement centrée sur l’investissement, plus ou moins permanent, de
relations dans lesquelles les protagonistes du récit sont généralement
différenciés. Les relations servent de cadre aux projections tempérées de
l’imaginaire (scénarios mettant en scène des personnages, attributions
d’affects …) qui soutiennent la trame des récits, en lien avec le contenu
latent : mise en avant des affects, et plus généralement de ce qui s’éprouve
subjectivement. Les modes d’investissement de la relation au sein des récits
renseignent plus largement sur les modalités d’investissement de l’objet.
B1-1 : Accent porté sur les relations interpersonnelles,
mise en dialogue
Accent porté sur les relations interpersonnelles
On cote ce procédé chaque fois qu’une relation entre deux personnes est
évoquée dans un récit. En tant que tel, on peut le trouver dans beaucoup de
protocoles, au moins ponctuellement. Il est donc important d’en apprécier le
poids et la fonction dans l’élaboration du récit. Il est très présent dans les
protocoles marqués par la labilité des récits où il participe, avec d’autres
procédés, à la mise en scène de relations d’objets différenciés,
conflictualisées, dans un registre libidinal. La dimension labile de ce
procédé peut être régulièrement minimisée, tempérée par le recours à
l’inhibition, les B1-1 s’accompagnent alors de CI-2 « Anonymat des
personnages ». Dans certains protocoles, ce procédé peut être remplacé,
secondairement, par des représentations de relations spéculaires ou
d’étayage. Dans des protocoles appauvris au plan des investissements
objectaux ou dominés par la confusion, il est important de repérer ce
procédé : il signifie que la relation à l’autre est investie, même si c’est de
façon transitoire et précaire.
Planche 4
« C’est un homme qui a décidé de quitter sa maîtresse, non sa femme, et
sa femme elle sait pas pourquoi. L’homme lui dit qu’il veut pas lui faire de
mal mais qu’il a envie de vivre avec une autre et elle, elle s’accroche et
elle a l’impression d’être impuissante et elle pense qu’il y a pas de plus
gros malheur que l’homme qu’elle aimait la quitte pour une autre femme.
Elle s’aperçoit comme c’est difficile. »
L’accent porté sur les relations interpersonnelles s’inscrit dans la mise en
scène d’un conflit pulsionnel rendant clairement compte de l’ambivalence
du désir.
Mise en dialogue
L’usage du dialogue entre les personnages au cours du récit donne au récit
une dimension théâtrale.
Planche 6GF
« “Que faisais-tu hier soir ? dit l’homme. J’ai appris que tu n’étais pas à
ton bureau ? – Que me dis-tu, dit-elle en se retournant, je ne comprends
pas ce que tu veux dire. – Je suis en train de me demander, je ne sais pas
si c’est un oubli, mais tu ne m’as pas dit pourquoi tu n’étais pas à ton
bureau où j’ai téléphoné. Étais-tu souffrante et as-tu décidé de ne pas aller
au travail ? – Je ne pense pas qu’il soit important pour toi de savoir où
j’étais toute la journée. – Bien, je me contenterai de cette réponse, en tout
cas, je ne déjeunerai pas à la maison ce soir. Je vais faire un tour, à plus
tard !” dit le monsieur suite à la réponse de la dame. »
La mise en dialogue donne au récit une tonalité très labile : les deux
personnages sont investis comme porteurs des polarités antagonistes du
conflit. La mise en scène interpersonnelle, dramatisée, rend compte de
l’ambivalence du désir, dont la dimension conflictuelle (entre désirs et
défense) s’exprime à l’abri de l’anonymat des personnages.
B1-2 : Introduction de personnages non figurant sur
l’image
Ce procédé consiste à faire référence à un personnage non représenté sur
le contenu manifeste de la planche. Il rend généralement compte de
modalités de fonctionnement psychique qui témoignent de l’existence d’un
espace psychique interne reconnu comme tel, peuplé de représentations
d’objets. En ce sens il révèle la capacité du sujet à prendre une relative
distance vis à vis de la réalité externe et participe a minima du jeu avec
l’imaginaire. Ce procédé peut être parfois utilisé pour remplir les récits et
peupler la planche de divers personnages face au vécu de solitude,
participant alors d’une lutte antidépressive.
Planche 9GF
« Alors ce sont deux jeunes filles qui sont poursuivies par un brigand et
elles sont au bord de la plage et… Donc y’en a une qui s’enfuit en courant
et qui a du mal à courir parce qu’elle a des hauts talons et une robe, et
l’autre réussit à attraper son livre et son mouchoir et à se cacher derrière
un arbre. Donc elle observe toute la scène entre le brigand qui court et sa
compagne, et finalement le brigand réussit, enfin ne réussit pas à les
attraper parce qu’il perd la trace de celle qui courait et l’autre comme elle
était cachée derrière un arbre, il l’a pas aperçue. Donc il l’a pas
retrouvée. »
L’introduction de la figure du « brigand » qui « poursuit », « court » etc.
soutient la dramatisation et l’expression de fantasmes de séduction au
sein d’un récit conflictualisé.
Planche 5
« C’est un intérieur bourgeois et la bonne rentre et surprend dans le salon,
non dans la salle à manger, pardon… sa jeune maîtresse en tête à tête avec
un jeune homme. C’est tout… elle a l’air choquée. »
L’introduction de deux personnages ne figurant pas sur l’image permet la
mise en scène d’un scénario sous-tendu par la curiosité sexuelle et les
fantasmes de scène primitive. L’intensité dramatique implique également
la dynamique transférentielle (« pardon »).
B1-3 : Expression d’affects
Les affects exprimés sont en rapport avec le contenu latent de la planche et
en accord avec les représentations évoquées dans le récit (ils ne sont ni
minimisés, ni exagérés, ni massifs) : le quantum d’affects reste traitable et
le lien entre affect et représentation, s’il est possible, est maintenu et
cohérent. Ce procédé est à différencier du procédé CN-1 « éprouvé
subjectif » où l’affect peut être exprimé, avec finesse, dans une forme
proche de l’expression labile, mais à laquelle manque la dimension
essentielle de conflit interpersonnel. Le procédé CN-5 « Affect-titre » met
en avant l’affect tout en le figeant au sein d’un titre.
Planche 1
+++ « Ben c’est un petit garçon studieux… sérieux… qui a exprimé
l’envie de faire de la musique et auquel on a offert un violon… alto, et qui
se demande maintenant… comment il va pouvoir s’entraîner, si ça va
vraiment lui convenir, si c’est vraiment ce qu’il souhaitait, si ça va lui
causer trop, lui demander trop d’efforts, lui causer trop de peine, donc y’a
une euh… certaine inquiétude, une certaine interrogation et… comme
c’est un petit garçon sérieux, studieux, finalement, il décidera d’essayer
de jouer au violon, du violon, et il réussira sans doute fort bien. »
L’expression d’affects qui jalonnent le récit, participe du conflit
intrapsychique opposant le désir et la défense, face à l’angoisse de
castration ravivée à cette planche.
Planche 5
« …Cette dame se demande pourquoi elle n’a pas vu encore son… enfant
euh… venir lui demander le goûter, comme il fait d’habitude. Alors il
commence à être tard puisque la lumière est allumée, donc elle passe la
tête par la porte et quelle n’est pas sa surprise de voir que son… sa petite
fille disons – pourquoi forcément son petit garçon ? –, sa petite fille est en
train de manger des sucettes allongée par terre, sans rien faire,
tranquillement et… la petite fille se redresse et elle explique à sa maman
qu’elle a déjà tout fini, qu’elle a fini ses devoirs et que la maîtresse lui a
donné une sucette parce qu’elle avait bien travaillé ; alors la maman,
quand même, reste un peu surprise quand même, mais comme elle aime
bien sa petite fille et puis que généralement euh… elle est assez
obéissante, et bien elle va la relever, elle va la chercher, elle la relève et
puis elles s’en vont ensemble dans la cuisine. »
Le conflit entre le désir – le fantasme sexuel (symbolisme transparent
« manger des sucettes, allongée par terre ») et la défense (formation
réactionnelle « elle a déjà tout fini, elle a fini ses devoirs »), mobilise
l’expression d’affects exprimés de façon nuancée (« un peu surprise »,
« aime bien »).
B2 : Dramatisation
Dans la dramatisation, le monde interne du sujet est investi, à l’instar
d’une scène de théâtre où les conflits s’expriment, par la mise en scène
d’événements, de situations relationnelles et/ou d’émergence d’affects
suggérés par le matériel. Dans ce jeu théâtral, laissant parfois apparaître un
plaisir d’évocation, la distance entre réel et imaginaire est maintenue ainsi
que la conscience d’interpréter. Leur association avec des procédés B1 et
B3 utilisés de façon privilégiée, marquant le recours sous-jacent à des
défenses labiles, peut soutenir l’hypothèse d’un diagnostic de
fonctionnement hystérique. Cette catégorie de procédés est le pendant des
procédés A2 « Investissement de la réalité interne », en ce qu’ils témoignent
d’une conflictualité intrapsychique, s’exprimant sur un mode
interpersonnel.
B2-1 : Entrée directe dans l’expression, exclamations,
digressions – Références et/ou commentaires
personnels – Théâtralisme, histoires à
rebondissements
Entrée directe dans l’expression
La précipitation dans le discours (sans temps de latence) concerne soit la
situation perçue, soit les sentiments éprouvés par le sujet face à cette
situation. Le sujet va directement au cœur de la situation conflictuelle ou
exprime vivement l’affect qu’elle suscite en lui.
Planche 10
« J’adore ce genre d’image, ça m’émeut toujours beaucoup ! J’aime ce
que ça dit d’une tendresse partagée, un vieux couple qui semble traverser
un moment difficile, ou qui sort d’un moment difficile, un désaccord et
qui se disent leur amour et leur soutien mutuel. On sent qu’ils sont très
proches l’un de l’autre. J’aime beaucoup. J’espère qu’avec mon mari,
quand on sera vieux, on s’aimera encore comme ça. »
Le sujet met d’emblée en avant ses sentiments éprouvés éveillés par le
rapproché des personnages figurés sur la planche. Le récit allie
représentations de relation et expression d’affects au sein d’un récit
conflictualisé.
Exclamations
Sont cotées les différentes manifestations affectives exprimées à propos du
matériel, de la situation, des dires du sujet, quelles qu’en soient les
tonalités. Ce procédé renvoie à la mise en avant des affects, qui peut parfois
participer du refoulement des représentations.
Planche 1
« Le pauvre ! Il a l’air bien malheureux ! À peine âgé de sept ans, on
l’avait enfermé dans une chambre avec un violon et un crayon
[précipitation] non ce n’est pas un crayon [rit], mais avec un archet et une
partition, avec l’obligation de faire des gammes et… Ça m’ennuyait
énormément, pardon [rit], ça l’ennuyait énormément, parce qu’il faisait
beau dehors et qu’il aurait préféré jouer. Il aime bien le violon mais quand
même, il n’aime pas être contraint. »
L’exclamation introductive et l’entrée directe dans l’expression d’une
relation de contrainte témoignent de la forte identification du sujet au
héros de l’histoire (ce que confirme le lapsus « ça m’ennuyait
énormément »). Les affects mis en avant s’articulent aux représentations
dans un récit conflictualisé.
Digressions
Le sujet s’éloigne temporairement du thème du récit en extrapolant, les
digressions participant à la dramatisation de l’histoire.
Planche 4
« Ce serait aux États-Unis, dans les années 50, à Broadway, non
Brooklyn, lui serait ouvrier dans un quartier pauvre, non, contremaître et
en même temps il ferait partie d’un syndicat et il aurait amené les ouvriers
à la grève, au début c’était bien mais ça tourne mal car ça dure trop, les
patrons sont inflexibles et… en fait elle, elle voudrait qu’il recommence à
travailler, c’est sa femme, elle voudrait une vie stable, et lui, il a beaucoup
d’ambition, il voudrait arriver et c’est pas le cas, lui, il a essayé avec la
grève d’arriver jusqu’au patron et elle, elle veut que lui, et ça devient une
histoire personnelle par rapport à son ambition et elle, elle lui fait
comprendre qu’il faut arrêter la grève en accord avec les ouvriers qui en
ont marre. »
Le conflit s’exprime clairement sous la forme de désirs et de
représentations contrastés portés par les deux protagonistes du récit. Les
considérations sociales, politiques et économiques dépassent les enjeux
au sein du couple, participant à la dramatisation du conflit.
Références et/ou commentaires personnels
Toute comparaison explicite et ponctuelle entre la situation évoquée et la
propre expérience du sujet : le sujet se retrouve dans la même situation que
le héros du récit, cette proximité identificatoire soutient l’intensité
conflictuelle tout en maintenant la différence. Ce procédé est à différencier
du CN-1 (« Accent porté sur l’éprouvé subjectif – références
autocentrées ») dans laquelle l’expérience du sujet ne soutient pas
l’expression d’un conflit interne (l’objet est assimilé au vécu propre du
sujet).
Planche 5
« [Rit] Ça, c’est une grande personne qui entre dans la chambre d’un
enfant par inquiétude, curiosité. Elle essaie de voir rapidement si tout va
bien. Et puis, elle va refermer la porte après avoir remarqué ce bouquet de
fleurs personnel qui ne lui est pas destiné. C’est un peu un secret entre
l’enfant et elle. Quand ma grand-mère entre dans ma chambre, elle
m’exaspère (rit). »
Le conflit suscité par la planche mobilise des défenses de type formation
réactionnelle destinées à contenir la charge pulsionnelle agressive et
libidinale. Celle-ci ressurgit en fin de récit à la faveur de la référence
personnelle.
Théâtralisme
C’est un procédé qui témoigne du plaisir pris à mettre en scène des
événements, des relations entre les personnages, sous une forme plus ou
moins théâtrale : il accompagne souvent l’accent sur les relations
interpersonnelles, les affects forts et contrastés et les histoires à
rebondissement.
Planche 13MF
« Lui, on dirait qu’il vient de tuer quelqu’un ! Bon ! Est-ce que c’est un
crime passionnel, ouais j’ai l’impression qu’elle est morte la dame, donc
là par rapport à ses attitudes, à ses gestes, j’ai l’impression qu’il le regrette
bon alors ! Ouais, peut-être un crime passionnel… ! (?) Peut-être que
c’était quelqu’un de marié et que la maîtresse après multe (sic) euh
ultimatums lui ait dit : « soit tu la quittes, soit je lui dis quoi », et que lui
euh peut-être qu’il avait trop à perdre avec ces révélations, peut-être
qu’elle lui a annoncé qu’elle était enceinte, et qu’elle allait le garder et
qu’elle allait le faire savoir, pareil qu’il avait trop à perdre par rapport à
cette situation. »
Après une entrée directe dans l’expression, le récit se déploie en
multipliant les interprétations de façon labile et dramatisé, ce qui confère
à l’histoire sa dynamique conflictuelle. Le mode d’expression est
essentiellement interpersonnel au sein d’un scénario triangulé.
Histoires à rebondissements
C’est un récit comportant des péripéties, des détours, une multiplication
des séquences temporelles, sans pour autant que les sollicitations latentes
soient perdues de vue. Procédé à différencier du procédé CM-3
(« Fabulations »), et du E2-1 (« Inadéquation du thème au stimulus »), dans
lequel le lien avec le contenu manifeste et latent disparaît.
Planche 10
« C’est un homme et une femme, oui, c’est une femme, ça, qui viennent
de se retrouver depuis une séparation d’au moins trente ans. Et cet homme
la cherchait partout, parce qu’ils ont été séparés… à la guerre disons…
Donc ça fait quarante ans, non trente ans, ils se retrouvent en 70. Elle a dû
aller aux États-Unis sans le vouloir et lui est resté en Europe. Non, c’est le
contraire : c’est lui qui est allé aux États-Unis. Et il n’a jamais cessé de la
chercher. Et elle s’est réfugiée dans une famille ; elle s’est mariée avec le
fils et il a été exécuté parce qu’il était, disons, résistant ; elle est devenue
veuve… L’homme aux États-Unis, il est devenu agent secret ; il a eu
beaucoup de missions en Europe et elle, à la libération, elle a été enrôlée
au KGB. Et c’est au cours d’une mission qu’ils se sont retrouvés. Tous les
deux, ils avaient l’ordre de se tuer, mais ils savaient pas qui ils étaient, et
en fait elle, elle avait beaucoup vieilli. Lui, il avait beaucoup vieilli, ils
avaient changé de nom. C’est quand ils se retrouvent face à face, et lui,
sans faire exprès, il la tue, et c’est quand ils sont face à face, ils se
retrouvent après trente ans. Et elle agonise. C’est très triste. Mais lui, il est
déjà marié. Donc, en fait, c’est pas si triste que ça. »
Tout en mettant en scène les protagonistes dans des représentations très
contrastées, le récit garde globalement sa cohérence : l’histoire à
rebondissements, prenant de prime abord appui sur des procédés rigides,
permet de prendre en charge, en ménageant le plaisir, l’ambivalence des
sentiments et le conflit réactivé par la planche.
B2-2 : Affects forts ou exagérés
L’affect est exprimé de façon un peu théâtrale, ou semble exagéré par
rapport aux sollicitations latentes du matériel, tout en demeurant congruent
avec ces dernières (il n’est ni massif, ni discordant).
Planche 5
« Ça représente une chambre où l’enfant… non d’adolescent plutôt et
c’est la mère qui ouvre la porte, inquiète de ne pas voir… voir personne,
de ne pas voir quelqu’un à l’intérieur, son fils ou sa fille, pas rentré(e),
elle est inquiète et surprise à la fois… ou alors non, lumière, effet d’une
lampe éclairée ou… effrayée, légèrement en colère parce que les enfants
ne sont pas sages, ils se disputent, pourtant, non, il y a un sentiment
d’effroi dans son visage et d’inquiétude, la lampe, un bouquet, quelques
livres, c’est une chambre en même temps salle à manger, ce n’est pas très,
un intérieur assez restreint, étroit. »
L’affect fort, qui succède à des affects nuancés est mis en avant pour
lutter contre l’émergence de représentations sexuelles : on pourra coter
également l’item B3-1 (« Mise en avant des affects au service du
refoulement des représentations »).
Planche 6GF
« Oh, ben c’est toujours des histoires de… ! + Voyez par exemple, un film
avec un… avec une scène comme ça, eh bien je fermerais la télévision. Ça
ne m’intéresse absolument pas. Je ne peux pas raconter d’histoire. + Oh,
peut-être que la fille a reçu une lettre, que le mari, ou le père, elle est très
jeune, surprend… La lettre se trouve dans la corbeille, ou sur la table à
côté. Elle a l’air affolée et lui tout content de la surprendre. (Tient la
planche à bout de bras). C’est des vieux trucs. »
La sensibilité immédiate aux sollicitations sexuelles de la planche dont
témoignent les commentaires introductifs mobilise des défenses
importantes. L’affect fort qui émerge en fin de récit participe du
refoulement de la représentation sexuelle.
B2-3 : Représentations d’actions associées ou non à
des états émotionnels de peur, de catastrophe, de
vertige, etc.
Ce procédé met l’accent sur les actions des protagonistes de l’histoire dont
le sujet accentue la dimension périlleuse et angoissante. La mise en scène
du corps, investi comme porteur du désir, est volontiers dramatisée et
souvent érotisée au sein de récits conflictuels. Ce procédé est à différencier
du procédé CF-1 « Accent porté sur le quotidien, le factuel, le faire –
Référence plaquée à la réalité externe » que l’on cote lorsque l’action
s’inscrit au plus près de la réalité sans épaisseur fantasmatique ni
symbolique.
Planche 9GF
« Cette scène se passe dans un pays nordique, la Suède ou le Danemark.
Ces deux jeunes femmes sont des princesses danoises. Non, la princesse
et la suivante. La princesse amoureuse d’un roturier se sauve, en pleine
nuit avec sa suivante pour retrouver ce garçon. Elle est partie sur un coup
de tête, court dans la nuit, traverse des forêts, des rivières glacées, est
heureuse et libre, enfin cela se termine bien, elle sait ce qu’elle veut. »
Les représentations d’actions interviennent dans un contexte très
dramatisé où l’érotisation des relations avec un personnage non figurant
sur l’image s’inscrit dans un contexte œdipien. L’accent sur le mouvement
libidinal, porté par l’agir, permet d’éviter le conflit entre les deux femmes.
Planche 11
« J’ai des difficultés à comprendre. C’est peut-être un cauchemar. Un pays
plein de rochers. Il y a un dragon qui descend du ciel, tout noir, on voit à
peine. Il a tout à fait… Il y a un homme dans cette histoire. Il veut
s’accrocher à quelque chose parce qu’il y a un vent épouvantable et il a
tout le temps la sensation de tomber dans un vide noir. Oh ! Sa vie est en
péril, par le monstre, les vagues, le vide et il se réveille assez troublé par
ce rêve. »
L’association de l’investissement de l’agir (« dragon qui descend du
ciel », « il veut s’accrocher à quelque chose ») et d’états émotionnels liés
à la peur, au vertige (« cauchemar », « sensation de tomber dans un vide
noir ») permet tout à la fois l’expression de l’angoisse suscitée par le
contenu latent et le refoulement des représentations.
B2-4 : Représentations et/ou affects contrastés.
Aller-retour entre désirs contradictoires
Ce procédé concourt à l’expression d’un conflit intrapsychique au travers
de relations interpersonnelles, chaque protagoniste étant porteur de motions
pulsionnelles (affects et/ou représentations) différentes, très contrastées,
voire contradictoires. Le conflit s’exprime par l’expression contradictoire
de désirs rendant compte de la lutte entre instances : par exemple entre les
désirs du ça et ceux du surmoi. Il se différencie du A2-4 coté lorsque le
conflit s’exprime chez un même protagoniste.
Représentations et/ou affects contrastés
Les récits montrent le passage plus ou moins brusque d’une image, d’un
thème, d’un affect, à un autre. Les oppositions et contrastes traduisent le
plus souvent l’ambivalence des sentiments ainsi que le conflit entre des
désirs contradictoires.
Planche 4
« Ça fait très film américain avec toujours cette dualité entre l’homme qui
est très mâle, qui doit pas se laver très souvent, buriné par le temps.
Femme sophistiquée, sourcils épilés, qui a l’air de le supplier. Il a pas l’air
de la voir, il regarde ailleurs quelque chose, qui l’attire, pas une femme,
mais autre chose, son travail, tout ce qui n’est pas… amoureux. Peut-être
elle s’ennuie. »
Les contrastes entre représentations (« homme qui doit pas se laver très
souvent, buriné par le temps », « femme sophistiquée, sourcils épilés ») et
entre affects (« a l’air de le supplier », « tout ce qui n’est pas…
amoureux ») soutiennent un net conflit d’ambivalence.
Aller-retour entre désirs contradictoires
Cela renvoie à l’oscillation entre l’expression du désir et de l’interdit. Les
désirs contradictoires sont portés par des personnages différents, mais ils
peuvent être exprimés par le même protagoniste. Dans ce cas, le
protagoniste est porteur de désirs et d’affects contrastés dans un récit labile
(ce qui le différencie du A2-4).
Planche 7GF
« Ça, on dirait une peinture de Balthus… C’est peut-être ça alors ! Avec
une petite fille assise sur un canapé et elle tient dans ses bras un chat ou
une poupée. Et c’est une petite fille très charmante, très petite fille
modèle, avec des cheveux ondulés, une barrette, une robe avec col et puis
des chaussures avec des socquettes. Et sa mère est en train de lui lire une
histoire, qu’elle n’a pas l’air d’écouter d’ailleurs, pas vraiment, elle est
distraite, et elle regarde quelque chose à la fenêtre, de l’autre côté de la
pièce. Sa mère, au contraire, à l’air très concentré, très attentive à sa
lecture, et en même temps, en même temps elle se penche avec affection
vers l’enfant qui a l’air d’être plutôt indifférente. Sans doute a-t-elle envie
de se promener ou de faire autre chose que d’écouter de la lecture, c’est
peut-être une lecture ennuyeuse, ou moralisatrice. Il me semble qu’elle va
pas rester là longtemps. »
Sous couvert d’une référence culturelle (Balthus) qui laisse entendre un
fantasme sexuel rapidement contre-investi par une formation
réactionnelle, le conflit peut se déployer à partir du contraste entre une
figure surmoïque et une figure de désir.
B3 : Procédés hystériques
Ces procédés du discours renvoient à des modalités défensives labiles tout
particulièrement présentes dans les fonctionnements hystériques. Lorsqu’ils
apparaissent en association avec les procédés B2, B1 et certains procédés A,
on peut considérer que plus le poids économique de ces procédés est
important, plus leur dimension névrotique est prévalente.
B3-1 : Mise en avant des affects au service du
refoulement des représentations
La mise en avant des affects au détriment des représentations témoigne du
refoulement de représentations chargées d’un fort investissement libidinal et
frappées d’interdit par l’instance surmoïque. En investissant l’affect, le sujet
se défend de savoir et de dire, s’interdit l’accès à la représentation de désir,
en l’utilisant comme un écran (refoulement).
Planche 5
« … Alors là, je ne sais pas. Une femme qui ouvre la porte, semble voir
quelque chose, non simplement ouvrir la porte et regarder si une personne
est là. Peut-être elle a l’air surprise… ou surprise en ouvrant la porte elle
trouve quelque chose d’inhabituel. Elle est étonnée ou elle surprend
quelqu’un ou… des personnes qu’elle s’attend pas à voir. Quelque chose
l’étonne, ça peut être aussi bien une bagatelle ou rien du tout, voir,
chercher, refermer et repartir. (?) Ou elle est surprise ou un geste naturel.
C’est tout. »
La mise en avant de l’affect de surprise, avec un certain remâchage, vient
au service du refoulement de la représentation érotisée liée à la curiosité
sexuelle (« ouvrir la porte et regarder »).
Planche 6GF
« C’est une jeune fille qui était assise dans son salon et qui vient d’être
surprise par un homme qui semble plus âgé. Ça pourrait être son père
mais il paraît plus âgé pour que ça soit sa fille… et cet homme est en train
de lui dire, je sais pas, il lui raconte quelque chose qui la surprend, elle.
Voilà. »
L’affect de surprise permet de maintenir refoulée la relation érotisée liée
au fantasme de séduction qui vient troubler discrètement la syntaxe.
B3-2 : Érotisation des relations, symbolisme
transparent, détails narcissiques à valeur de
séduction
Ces procédés témoignent de la prégnance de la problématique sexuelle qui
émerge dans le contenu de l’histoire et sous-tend les conduites d’élaboration
des récits.
Érotisation des relations
La problématique sexuelle est donnée explicitement sous forme
d’érotisation plus ou moins importante des relations interpersonnelles (y
compris à des planches dont le contenu latent ne suggère pas
nécessairement cette problématique).
Planche 5
« Ce serait au début du siècle encore, fin XVIIIe début XIXe, dans une
famille un peu coincée, bourgeoise, embêtante. C’est la fille de la famille,
fiancée avec son cousin, elle est aisée, la famille du cousin plus pauvre,
donc le mariage c’est une association, mais elle est très très amoureuse de
lui car elle n’a eu des contacts qu’avec cet homme dans ce milieu fermé
et lui est un peu volage mais il est pas vraiment malheureux, il se fait une
raison et là quand elle rentre dans la pièce et elle voit que c’est une jeune
fille qui vient donner des cours de piano à leurs enfants (sic) et elle la voit
avec le cousin son fiancé, en train de l’embrasser et elle est très
malheureuse mais ne dit rien car elle ne veut pas le perdre et il est très
désiré par toutes les autres femmes et elle ne dit rien pour ne pas le
perdre. »
La surenchère de la thématique sexuelle, introduite dans les relations
évoquées entre des personnages non figurant sur l’image, rend compte de
l’intensité de la dimension œdipienne du conflit : celui-ci se traduit, grâce
à la dramatisation, dans des représentations contrastées. La défense par
la sexualisation des relations, dont l’excès donne lieu à un lapsus (« à
leurs enfants »), permet de négocier l’angoisse de perdre l’amour de
l’objet.
Symbolisme transparent
Toute évocation de représentation comportant un double registre de
significations : en-deçà du contenu manifeste, à l’insu du sujet, le contenu
latent est connoté d’érotisme. Ce procédé fait référence à la sexualité latente
et à la notion de symbolisation, mécanisme qui rend compte des capacités
de déplacement d’une représentation à une autre. Le symbolisme
transparent est partageable, la clarté de la double lecture (manifeste et
latente) ne pose pas de difficulté. Il se différencie en cela du « symbolisme
hermétique » (E4-4).
Planche 5
« C’est une mère qui entre dans la chambre de son fils, très tard dans la
nuit, parce qu’elle pense qu’elle a entendu un bruit dans sa chambre et
elle le trouve en train de lire à haute voix. Elle est très surprise de
découvrir que son fils reste jusqu’à très tard dans la nuit à lire des poésies.
Le fils continue à faire ça quelques années jusqu’à ce qu’il passe l’âge du
romantisme et devient… un professeur. »
L’évocation d’« un bruit dans la chambre », représentation au
symbolisme transparent, renvoie à des fantasmes de curiosité sexuelle et
de scène primitive.
Détails narcissiques à valeur de séduction
L’accent porte sur des détails physiques et esthétiques (corps, vêtements,
parure…) des protagonistes du récit, connotés positivement ou
négativement, qualifications qui s’inscrivent dans un contexte de relations
objectales dont elles traduisent la dimension séductrice. Ce procédé est
à différencier du procédé CN-3 (« Détails narcissiques à valence positive ou
négative ») coté lorsque les détails révèlent l’idéalisation.
Planche 2
« Je crois que cette jeune fille est très troublée par ce beau jeune homme
qu’elle voit derrière elle et dont elle voit le dos qui est très costaud, puis
elle pense qu’elle se mariera un jour, qu’elle est jolie pour le moment
mais que lorsqu’elle aura des enfants, qu’elle aura travaillé à la ferme, elle
sera comme cette femme à droite, elle grossira, elle aura la poitrine qui
tombe, elle aura des rides… Mais elle pense aussi qu’elle peut devenir
quelqu’un grâce à ses études, elle peut devenir médecin, elle peut devenir
institutrice. Elle peut vivre dans une ville et épouser un petit bourgeois…
notaire. Mais elle s’ennuiera de la campagne. »
L’histoire est construite autour d’un net investissement des détails
narcissiques (valence positive et négative) à valeur de séduction dans un
contexte de grande rivalité. L’important contraste entre deux
représentations féminines est sous-tendu par une forte ambivalence
pulsionnelle. La culpabilité est à la mesure de l’intensité du désir contre
lequel se dresse l’interdit (« s’ennuiera de la campagne »), conduisant
aux attaques disqualifiantes en fin de récit.
B3-3 : Labilité dans les identifications
Ce procédé renvoie à un mécanisme de défense prévalent dans les
fonctionnements hystériques : il se traduit dans le récit par la capacité à
s’identifier tantôt à un personnage et tantôt à l’autre, selon des mouvements
rapides, sans que l’on puisse déterminer à qui le sujet s’identifie
préférentiellement, mais sans que soient perdues pour autant, la subjectivité
et l’unité du moi (différence des sexes et des générations maintenue). Ce
procédé est à différencier du procédé E3-1 (« Confusion des identités.
Télescopage des rôles ») coté lorsque la confusion entre les personnages de
l’histoire domine.
Planche 4
« Merci. C’est un jeune couple où la jeune femme a l’air très attentionnée
et guette, peut-être il y a eu une contrariété, elle essaye de guetter une
réaction ou a l’air très douce, de faire revenir son ami sur une décision
peut-être l’a-t-elle blessé, alors que lui a l’air beaucoup de penser qu’elle
l’embête, peut-être de ne pas attacher beaucoup d’importance à elle, a le
regard plus loin, un petit sourire, c’est une attitude, je sais pas, elle a l’air
plus amoureuse de lui, alors que, lui, c’est un peu feint. On pourrait
imaginer non, elle a le regard trop tendre, peut-être un camarade. »
Dans ce récit, la labilité des identifications s’inscrit comme une autre
forme d’aller-retour entre désirs contradictoires et rend compte de
l’ambivalence du sujet, partagé entre l’identification à la position de la
femme amoureuse et l’identification à l’homme qui cherche à s’en
dégager.
Planche 9GF
« L’action de cette scène se passe dans une jungle car je vois une femme
cachée dans un tronc d’arbre… elle cherche d’un air sévère, très en
colère… la personne car elle lui aurait fait un tour, une farce. La personne
qui est cachée derrière l’arbre attend que l’autre, celle qui a l’air en furie,
soit passée pour reprendre son chemin. En plus, elle a un livre ou je sais
pas quoi qui appartient à l’autre dame en colère, peut-être elle va essayer
de lui redonner avec gentillesse, essayer d’être amies après. »
Les passages rapides d’un personnage à l’autre, renforcés par leur
anonymat (« une femme », « une personne ») rendent compte de la labilité
dans les identifications. Elle témoigne de représentations conflictuelles
dans un contexte de rivalité, mobilisant des affects de colère.
CI : Inhibition
L’inhibition peut porter sur différentes modalités du fonctionnement
psychique : le conflit, les affects, les représentations, les processus de
pensée… Elle est, pour Freud, « l’expression d’une restriction fonctionnelle
du moi qui peut elle-même avoir des causes très diverses » (1926, p. 207).
L’association des procédés CI à des procédés d’autres séries permettra d’en
appréhender le sens et la fonction. Par exemple, s’ils sont associés à de
nombreux procédés A ou B, ils pourront renvoyer à la dimension phobique
d’un fonctionnement obsessionnel (phobo-obsessionnel) ou hystérique
(hystérophobique).
CI-1 : Tendance générale à la restriction (temps de
latence long et/ou silences importants intra-récits,
tendance refus, refus)
Il s’agit du regroupement de plusieurs procédés sous-tendus par une même
conduite psychique, consistant à éviter d’aborder ou de développer un récit
conflictuel.
Associé à des procédés A2 ou B2, ce procédé peut renvoyer au mécanisme
de refoulement. Dans ce cas, la présentation du matériel possède un impact
fantasmatique que le sujet refoule, repérable dans l’émergence de fantasmes
à symbolique sexuelle (retour du refoulé).
Planche 7GF
« C’est un bébé qu’il y a là +++ C’est une jeune fille qui vient voir sa
sœur qui vient d’avoir un enfant +++ Franchement, je vois pas. »
L’inhibition massive grève le récit et sert l’évitement d’un conflit de
rivalité mère-fille.
Associé à des procédés de la série E dominants, ce procédé renvoie au
processus de rupture des liens associatifs. Dans ce cas, le sujet dénie ou
désinvestit les liens existant entre réalité externe et réalité interne ainsi que
l’impact fantasmatique suscité par le matériel.
Planche 8BM
« Une autopsie. C’est tout. »
Planche 11
« L’enfer » +
L’inhibition drastique des récits vient en contrepoint de représentations
massives que le recours à l’inhibition tente d’endiguer.
Associé à une majorité de procédés CL, ce procédé peut s’inscrire dans
l’une ou l’autre des propositions précédentes (refoulement ou rupture des
liens) et/ou s’apparenter à un mouvement de retrait dépressif.
Planche 19
(Regarde au dos de la planche) > « Peut-être comme ça, non. < V L > et
bien que je regarde dans tous les sens, devant, derrière, à droite ou à
gauche, je comprends rien. Je pourrai pas raconter d’histoire parce que je
comprends rien. Je suis pas dans le coup. Ce genre me… non, me dit
rien. »
Le caractère peu figuratif de cette planche conduit à une perte des
capacités de contenance et de différenciation (retournements de
planches), entravant toute possibilité de mise en récit, en dépit de
l’accrochage drastique aux repères spatiaux.
CI-2 : Motifs des conflits non précisés, banalisation,
anonymat des personnages
Motifs des conflits non précisés
Le sujet laisse dans le vague les raisons des actes ou les relations des
personnages entre eux. Ce mécanisme est proche de la banalisation et peut
porter sur l’ensemble du récit.
Planche 6GF
« C’est pas des scènes reprises dans des films ? C’est un homme qui parle
à une femme avec une pipe dans la bouche (rit)…Cet homme inquiète un
peu cette femme par ses propos. Il est un peu intrigant. Il lui apprend des
choses qui lui font peur. Lui en dit un peu trop exprès, ça fait partie de son
jeu. Les habits sont dans les années cinquante. »
Le lien de séduction est mis à distance en maintenant dans le vague, tant
la relation entre les personnages (« un homme, une femme ») que les
motifs des échanges, participant du refoulement des représentations
sexuelles.
Banalisation
Le sujet interprète la planche d’une façon très anodine, pratiquement sans
évoquer le conflit. Les sollicitations fantasmatiques sont traitées avec
distance et fortement banalisées. Poussée à l’extrême, la banalisation se
rapproche du procédé CF-1 (« Accent porté sur le quotidien, le factuel, le
faire – Référence plaquée à la réalité externe »).
Planche 3BM
« C’est une femme qui pleure au bord de son lit (?). Je sais pas (?). Elle
s’est fait gronder (?). Elle a pas fait ce que ses parents lui avaient dit, je
sais pas, par exemple mettre la table ou ranger la cuisine. »
Si les questions du clinicien (CI-3) permettent la levée partielle de
l’inhibition, la banalisation des motifs du conflit en fin de récit, témoigne
de leur nécessaire mise à distance. La banalisation permet ainsi au sujet
d’échapper au conflit réactivé par le contenu latent (« pleure »
« gronder »).
Anonymat des personnages
Mise en scène de personnages dépourvus de statut familial ou social
(personne, monsieur, dame, quelqu’un, on…). Cette forme d’inhibition
permet l’évitement d’un choix identificatoire, elle est à nuancer en fonction
de la nature claire ou floue des personnages présentés sur l’image.
Planche 5
« Y a qu’un personnage… Oh mais vous notez ça aussi… ? ++ Que dire
de, du personnage qui ouvre une porte et regarde dans la pièce ouverte ?
S’il lui est possible de rentrer…, ne voyant pas les personnages, s’il y en
a, dans la pièce euh en… dans la pièce. Pff… C’est tout… Je vais pas
parler de la jambe [rit]. Là, je sais pas comment interpréter ça… (?) Ben
oui, si elle a, elle est assez découverte alors je me dis « qu’est-ce qu’elle
vient faire dans cette pièce ? » Voilà, c’est pour ça. Ah ! mais vous écrivez
tout ce que je dis ? Oh ! Je suis là jusqu’à quelle heure ? … Surtout qu’il
faut en raconter, c’est ça… Moi, je suis pas une personne imaginative…
Surtout sur des… des anonymes comme ça. »
L’anonymat des personnages permet de maintenir à distance des liens
susceptibles d’engager des mouvements pulsionnels sexuels et agressifs.
CI-3 : Nécessité de poser des questions
Le clinicien doit poser des questions pour soutenir la mise en récit. On
notera la possibilité ou non du sujet de s’appuyer sur ces questions pour
s’engager ou poursuivre son récit. Les associations suivant l’intervention du
clinicien permettront de rendre compte des motifs de l’inhibition.
Planche 10
« … Je sais pas… je sais pas… +++ (?) Une main… (?) Deux nez, des
yeux, des oreilles, des cheveux.
Ce récit est entravé par une inhibition majeure, la question du clinicien
permet d’en comprendre la teneur défensive, à savoir la lutte contre les
effets de désorganisation identitaire (angoisse de morcellement) et la perte
de liens entre les pensées.
Planche 6GF
C’est une femme assise sur un canapé et elle parle avec un homme… (?)
Ben je sais pas, il lui pose des questions, on dirait un détective… elle c’est
une… c’est une témoin, un témoin (?) d’un meurtre (?) son mari. »
L’inhibition mobilisée est difficilement levée par les questions du clinicien
lesquelles permettent néanmoins d’en dévoiler la fonction de refoulement
des fantasmes sexuels (curiosité) et agressifs (meurtre).
Planche 5
« C’est une maison, y’a une dame qui rentre chez elle, y’a une armoire, et
un pot de fleurs et une table et une lampe avec une petite bibliothèque
accrochée au mur. [?] Il se passe rien, elle rentre chez elle, peut-être qu’il
y a quelqu’un d’autre derrière l’image. [?] Elle fait rien. »
Ici, l’attachement aux détails perceptifs et concrets de la planche
découvre la fonction défensive face aux angoisses de persécution qui
apparaissent en fin de récit (« quelqu’un d’autre derrière l’image »).
CF-3 : Affects de circonstance – Références à des
normes extérieures
Affects de circonstance
Ce sont des affects convenus, conformistes, dictés par la bienséance, qui
prennent la place du traitement des affects sur la scène interne.
Planche 13MF
« C’est encore la mort ! C’est la mort. Alors, c’est la mort, le désespoir.
Mais on survit toujours à ce genre de problème, si on a assez de force…
et cet homme, grâce à l’amour qu’il avait pour sa femme, continuera à
vivre et à élever ses enfants, malgré son chagrin… et il en fera des
hommes. »
Après une entrée dans le récit marquée par l’intensité des représentations
et des affects, la référence à des normes extérieures permet d’en tempérer
l’impact et de faire l’économie de l’ambivalence des sentiments et avec
lui de la reconnaissance du conflit et de la culpabilité.
Références à des normes extérieures
Toute référence à des règles ou des principes externes, qui ne s’inscrivent
pas dans un conflit entre désir et défense, la référence aux interdits y
demeure plaquée, de convention.
Planche 13MF
« C’est un homme qui rentre le soir chez lui, qui trouve sa femme, d’après
le geste qu’elle fait elle doit être morte ou alors c’est lui qui l’a tuée mais
c’est tout… (?). Si c’est pas lui qui l’a tuée, comme il l’aimait bien il peut,
il peut être au désespoir ou alors si c’est lui qui l’a tuée, il peut aller en
prison. C’est tout. »
Ce récit illustre les procédés « Affects de circonstance » et « Références à
des normes extérieures ». Il rend compte du recours à des éléments
affectifs et surmoïques communément admis face à un acte de cette
nature, sans culpabilité.
CL : Attachement aux limites
Cette série regroupe des procédés qui témoignent, de manière le plus
souvent transitoire, mais parfois massive, d’une organisation marquée par la
dépendance à l’objet externe, le surinvestissement des limites, ainsi que
l’hétérogénéité du fonctionnement susceptible d’être sous-tendue par le
clivage. Le concept de clivage recouvre, sur le plan théorique, un sens
différent selon que l’on se réfère à Freud et à la notion de clivage du moi ou
à M. Klein et à celle de clivage de l’objet. Aux épreuves projectives, le
clivage est susceptible de trouver différentes traductions : par des conduites
psychiques hétérogènes (processus primaire et secondaire par la projection
d’objets bons ou mauvais, par l’externalisation des conflits etc.) La notion
de clivage fonctionnel proposée par G. Bayle permet d’en concevoir la
fonction défensive susceptible d’être mobilisée au sein de toute organisation
psychique, dans la mesure où elle s’oppose « aux modifications brusques du
narcissisme » (2012, p.155). La fonction du clivage, structurel ou
fonctionnel, ne pourra que se déduire de l’analyse de l’ensemble des
modalités d’élaboration des récits, dans leur articulation avec le traitement
des problématiques.
Au TAT, l’attachement aux limites peut prendre la forme soit d’un
renforcement, soit d’une porosité plus ou moins importante des frontières :
entre dedans et dehors, moi et objet pulsionnel, sujet et autre, réel et
imaginaire. La fragilité des limites entre scène interne (le dedans, le
projectif) et externe (le dehors, le perceptif) peut conduire à la perte plus ou
moins nette de la conscience d’interpréter et au vacillement identitaire. Le
récit est alors marqué par la coexistence de modes de fonctionnement tantôt
dominés par le processus primaire tantôt par le processus secondaire, une
pensée « tolérante aux processus primaires » (Brelet, 1986).
CL-1 : Fragilité des frontières dedans dehors (entre
narrateur/personnages, entre sujet/objet, entre réalité
interne/réalité externe…)
Ce procédé témoigne de la fragilité des frontières entre le dedans et le
dehors et du brouillage des limites entre soi et l’autre. Il peut être sous-
tendu par des mécanismes d’identification projective, de clivage, de déni et
de projection. Les récits font apparaître une perte discrète de la conscience
d’interpréter, brouillant les limites entre narrateur et héros de l’histoire,
découvrant la grande perméabilité entre réalité interne et externe,
susceptible de conduire à des moments de franche confusion.
Planche 5
+ « Ce côté propret, bien rangé… et puis ce côté noir… ça me fait penser
à quelqu’un qui vient me déranger en tout cas. »
Le récit, dominé par une grande inhibition, témoigne de la fragilité des
limites entre dedans et dehors, perceptible dans la perte de conscience
d’interpréter. Les tentatives pour instaurer une différenciation nette entre
les espaces « côté propret » « côté noir », ne peuvent soutenir
l’expression d’un conflit. L’opposition porte sur des niveaux
d’interprétations hétérogènes : une interprétation qui qualifie l’intérieur
« propret », l’autre portant sur les qualités sensorielles du matériel
« noir ». L’irruption du sujet dans le récit (« me ») témoigne de la
porosité des limites.
Planche 12BG
« Ça, c’est un cerisier en fleurs ! Y’a une barque qu’est posée sur la terre.
Donc y a un couple qui vient pique-niquer en amoureux sous le cerisier.
Mais on ne les voit pas parce qu’ils sont derrière le plan de la photo.
C’est le printemps, c’est la vie c’est tout beau. J’aimerais bien être là-
bas ! »
La perte de la conscience d’interpréter est perceptible dans les confusions
entre les personnages et l’auteur du récit rendant compte de la fragilité
des limites.
CL 2 : Insistance sur les limites et les contours (+ ou –
perméables)
Ce procédé renvoie au surinvestissement des enveloppes corporelles,
celles-ci s’avérant plus ou moins perméables et fragiles. Il se traduit par
l’insistance sur les frontières entre dedans et dehors perceptible par l’accent
porté sur la délimitation d’un espace ou sur les qualités sensorielles
(luminosité, chaud/froid, odeur, toucher …).
Planche 11
Imm. « Ah… Qu’est-ce que c’est ?… Je pense qu’il s’agit d’une… d’un
ouvrage d’art dans un lit de torrent. C’est la montagne. Je ne suis pas sûr
qu’il y ait de l’eau mais il devrait y en avoir. C’est très frais. Sur le muret,
d’étranges choses qui pourraient être des fleurs, des oiseaux. Oui, je pense
que le mur se poursuit par un petit ponton et qu’il y a un torrent près
d’une maison dont on aperçoit un mur sur la droite. Je pense que ça doit
sentir très bon et très frais. »
Face à la confusion initiale des limites (« un ouvrage d’art dans un lit de
torrent »), le sujet met en place un début d’histoire à connotation
intellectualisée et idéalisante. Le surinvestissement de qualités
sensorielles valorisées, l’investissement du percept, sont mobilisés pour
renforcer des frontières fragiles.
Planche 19
5” « Là je crois bien que c’est une maison sous la neige avec deux petites
fenêtres comme deux yeux où apparaissent des personnages en chapeaux
pointus et une cheminée qui doit être chaude puisque la neige a fondu
autour. Et tout autour les éléments… je dirais pas qu’ils sont hostiles mais
ils ont quelque chose d’un peu diabolique, j’aperçois un trou avec deux
yeux blancs, qui feraient un coup autour de la maison que ça ne
m’étonnerait pas. Y a du brouillard, du vent, de la neige, mais ça n’est pas
foncièrement hostile. D’abord y a la maison qui est là, qui est rassurante.
Je crois qu’il y a… y a des fantômes, je trouve ça plutôt assez drôle. »
La fantaisie personnelle qui se déploie au début de récit conduit à un
attachement sensoriel et aux limites. Les éléments persécutifs font vaciller
les limites que le recours à la sensorialité tente de soutenir en maintenant
une bipolarité dedans/dehors.
CL 3 : Accent porté sur la fonction d’étayage de l’objet
(+/–)
L’objet se définit essentiellement à travers sa fonction d’étayage et de
support. Ce mécanisme peut sous-tendre un processus de lutte contre une
pulsionnalité libidinale ou agressive ; il peut aussi rendre compte d’une
défense plus ou moins ponctuelle pour traiter l’angoisse de perte d’objet.
Aisément repérable dans les thèmes d’appui ou d’aide, il s’exprime
également dans l’attachement particulier aux indices perceptifs du matériel.
Planche 10
« C’est deux êtres qui vivent un amour passionné, passionnel, tendre, qui
sont heureux de vivre cet amour. Le mari chouchoute bien sa femme, il
l’embrasse bien tendrement, elle, elle ferme les yeux, elle se sent en
sécurité avec cet homme. Voilà. »
Le fort investissement relationnel libidinal mobilisé d’emblée est contre-
investi par un lien de tendresse qui permet d’atténuer la charge
d’excitation pulsionnelle. L’évolution du récit vers le registre de
l’idéalisation et de l’étayage positif inscrit la défense du côté d’une lutte
antidépressive mais aussi désexualisante. Ainsi, l’excitation est contrôlée
et les risques de perte, liés au registre œdipien des relations
hétérosexuelles, sont esquivés.
Planche 3BM
« Il s’agit de la détresse. Une femme en détresse. Elle est en train de
pleurer, s’appuie sur le fauteuil. Elle a l’air abattu, elle a un grand
chagrin. On peut penser que c’est quelqu’un qui l’a laissée tomber.
Comme si elle s’était, elle avait parlé avec d’autres personnes et s’était
mal entendue avec eux. Elle peut se sentir coupable. Elle est sur soi-
même, elle est recroquevillée. Elle est en train de tourner le dos pour pas
qu’on la voie. Elle s’accroche au canapé, quelque chose de confortable
qui la raccroche à quelque chose. Elle est habillée avec une jupe et des
souliers… des chaussures légères. Ça a l’air d’être une femme qui est
seule, qui est délaissée. [Fin ?] Elle ne va pas trouver de réponse à son
chagrin. Elle essaye de combattre son chagrin. Elle n’y arrivera pas. C’est
comme une sorte de désespoir. Et aussi l’aspect bossu du dos. »
La détresse, fortement réactivée ici et associée à un vécu d’abandon,
conduit en de multiples recours à insister sur la fonction d’étayage des
objets, notamment en s’appuyant sur les détails manifestes de la planche.
La quête d’étayage participe du contre-investissement d’un intense vécu
de désarroi dans un contexte de grandes fragilités narcissiques (« et aussi
l’aspect bossu du dos »).
CL-4 : Discontinuité des modes de fonctionnement
(interne/externe, perceptif/symbolique,
concret/abstrait…)
La discontinuité se repère dans l’hétérogénéité des registres
(interne/externe ; perceptif/symbolique ; concret/abstrait…) et celle des
représentations et/ou des affects. La fragilité de la différenciation des
espaces internes et externes entraîne la juxtaposition de modes de
fonctionnement hétérogènes, voire antagonistes, sans conflictualité
intrapsychique, caractéristiques essentielles des fonctionnements limites. Ce
mode de fonctionnement peut être particulièrement sollicité lorsque le sujet
n’est pas en mesure de prendre en charge des mouvements pulsionnels
internes violents et/ou des affects dépressifs.
Planche 1
« J’arrive pas à bien voir on peut pas … Je vois un petit garçon avec un
violon en face de lui, il faut qu’il y ait des couleurs sinon je peux pas
raconter, je vois un petit garçon qu’est devant un violon, qu’a l’air un peu
triste peut-être parce que son violon est cassé, il peut pas en jouer, c’est en
noir et voilà c’est dur à deviner une histoire en noir et blanc (?) pff.
(Fin ?) Par exemple il vient, y va voir quelqu’un, un violo… quelque
chose je sais pas quoi, y va faire réparer son violon par exemple, ce serait
la fin, ce serait une belle fin. »
Les limites entre interne et externe sont mises à mal comme en témoigne
la mise sur le même plan des qualités sensorielles du matériel (noir et
blanc) et du registre symbolique (deviner une histoire, je peux pas
raconter).
Planche 13B
« On dirait un enfant dans un camp de concentration, un ancien camp de
concentration. L’enfant est venu visiter le camp de concentration avec ses
parents. Il s’amuse un peu à rejouer l’histoire en s’asseyant ici… il a l’air
un peu mal à l’aise… on peut supposer que ses parents vont lui dire de
s’arrêter de jouer à reproduire l’histoire, que c’est pas quelque chose avec
lequel on peut s’amuser. La porte paraît bien trop grande pour lui en fait,
comme si l’histoire paraissait bien trop grande pour lui aussi, il est pas
de taille à pouvoir l’affronter. D’ailleurs il semble s’en mordre les doigts.
Y’a quelque chose qui est perturbant c’est qu’il est pieds nus. On sait pas
trop pourquoi. Peut-être qu’il a voulu jouer le rôle à fond ou peut-être
qu’on l’a obligé à être pieds nus. C’est tout. »
La forte réactivation des angoisses d’abandon entraîne un flottement des
limites entre les registres concrets (« porte trop grande », « pas de taille
à ») et symboliques (« histoire trop grande pour lui », « s’en mordre les
doigts »). En fin de récit, la remarque « on sait pas trop pourquoi » rend
compte tant de la nécessité de retrouver un appui sur le percept que de la
perte de conscience d’interpréter. Réalité interne et réalité externe sont
placées sur le même plan.
CN : Centration narcissique
Cette série renvoie au surinvestissement narcissique de l’image de soi qui
a pour effet d’assigner les objets environnants au rôle de figurants
exclusivement investis pour restaurer l’image défaillante de soi. La
centration sur les qualités narcissiques du héros de l’histoire, valorisées ou
disqualifiées a pour effet de reléguer les autres personnages au rang de
faire-valoir.
Dans ce contexte, il faut souligner fermement l’importance primordiale du
poids économique de ces procédés au sein du fonctionnement psychique
afin de distinguer problématique et pathologie narcissiques. Plus encore,
compte tenu de la fonction essentielle du narcissisme dans l’investissement
libidinal du moi et donc dans l’économie psychique du sujet tout au long de
la vie, il s’agit d’établir clairement la différence entre narcissisme normal et
pathologique.
CN-1 : Accent porté sur l’éprouvé subjectif, références
autocentrées, autosuffisance
Accent porté sur l’éprouvé subjectif
C’est la description minutieuse, des affects, des traits de caractère, des
expériences vécues par l’un des protagonistes de l’histoire. La mise en
scène narcissique est surinvestie de façon positive ou négative.
Planche 12BG
« Comme tous les après-midi, quand je rentre de l’école je jette mon
cartable dans le jardin… j’avale deux tartines de confiture, j’attrape ma
canne à pêche et me précipite vers la rivière où je peux pratiquer mon
sport favori tout en me relaxant. Mais cette fois-ci, un énorme poisson
mordit à l’hameçon et ma frêle canne à pêche se brisa vite. Je plongeais
donc à l’eau et voyant le fil filer, je le saisis et je tentais de ramener le, la
bête mais trop tard. Cette gigantesque carpe s’était repliée dans les
branchages où elle avait emmêlé le fil de nylon qui se brisa net. »
Ce récit, entièrement formulé à la première personne, est exemplaire de la
mobilisation de défenses narcissiques. Derrière son allure dramatisée et
son animation (dont on peut interroger la fonction antidépressive et la
connotation auto-érotique), le récit est exclusivement centré sur le sujet
(du récit) et ses éprouvés. Le procédé narcissique est accentué par
l’utilisation du « je », à visée d’évitement du conflit (ce qui le différencie
du procédé B2-1 « Commentaires personnels ») et de traitement de la
problématique de perte.
Références autocentrées, autosuffisance
Le sujet raconte son histoire et se dégage de la sollicitation de la consigne,
raconter une histoire. Il occupe le devant de la scène en excluant l’autre,
témoignant de l’investissement narcissique. Par l’autocentration et
l’autosuffisance, le sujet vise l’exclusion plus ou moins radicale de l’objet
et le risque de dépendance qu’il fait courir pour la satisfaction de ses désirs.
Planche 1
« Ça correspond à de la musique… + Ben, c’est une histoire assez récente.
Y’a un air qui m’a trotté dans la tête, je l’ai entendu très souvent à la
télévision. C’est une espèce de… valse très lente avec euh… beaucoup
d’émotions, qui m’a toujours fait ressentir beaucoup d’émotions. Et je
cherchais partout, j’ai interrogé les gens : « est-ce que vous connaissez cet
air ? » J’essayais de le fredonner mais je n’y arrivais pas, je ne suis pas
très fort en musique. Et l’autre jour, j’ai entendu un concert, donné par le
musicien André Rieu, justement et dans ce concert, il y avait ce morceau
de musique ! C’était un éblouissement pour moi. »
Le récit est entièrement élaboré par des procédés narcissiques. Par les
références autocentrées, le sujet affirme son autosuffisance pour contre-
investir l’angoisse de castration (« je n’y arrivais pas ») suscitée par le
contenu latent de la planche.
CN-2 : Accent porté sur la sensorialité, sensibilité aux
contrastes
Ce procédé renvoie à l’investissement de l’enveloppe corporelle et au
renforcement de la frontière entre dedans et dehors, par l’accent porté sur la
délimitation d’un espace ou sur des qualités sensorielles (luminosité, chaud,
froid, odeur, toucher…). Si le CF-2 s’attache essentiellement aux
caractéristiques concrètes du matériel dans leur dimension factuelle, le CN-
2 renvoie à un surinvestissement des qualités sensorielles utilisées à des fins
de renforcement narcissique. Ces deux procédés peuvent néanmoins être
utilisés conjointement.
Planche 12BG
« À travers les branchages, le doux soleil printanier miroitait sur les
feuilles et les fleurs. La mare pétillait d’insectes. Des parfums nous
envahissaient de leurs douces senteurs et toute l’espérance s’installait en
nos cœurs. »
Planche 16
« Ah ben voyons ! [Rit] + J’avançais sur cette route fleurie. Mon amie me
donnait le bras. Nous étions joyeux, gais, pleins d’espérance, et le paysage
s’avançait vers nous. Il était de plus en plus coloré, lumineux, plein de
musique, de chants d’oiseaux, et nos cœurs s’embrasaient devant ces
merveilles ! Continuant d’avancer, la lumière devenait de plus en plus
éblouissante et nous éclatâmes en elle dans la pureté absolue ! »
Ces deux récits extraits d’un même protocole témoignent du
surinvestissement des qualités sensorielles du matériel. L’insistance sur la
magnificence du paysage, la centration sur l’exaltation des sens, rendent
compte d’une centration narcissique mobilisée face à l’absence de
support figuratif réactivé par ces deux planches.
Planche 1
+ « C’est l’histoire d’un petit garçon… qui… dont les parents sont
musiciens tous les deux et il est intrigué malgré tout par cet instrument
magique dont il entend les sons. Il a décidé un jour… de vouloir vérifier
ce que… comment était fait cet instrument. Donc il s’est mis à le
démonter et il a été de plus en plus surpris par la beauté du bois, par la
précision des… des matériaux utilisés, la manière dont ça a été taillé et il
a décidé un jour, dans sa tête, que… au lieu d’être musicien, il deviendrait
euh… il s’installerait, il ferait des instruments de musique. + Cet enfant
est intrigué par… ce violon… et fasciné. + Il est d’ailleurs devenu, plus
tard, il est devenu fabricant d’instruments de musique. Il a eu la chance de
rencontrer les hommes célèbres, violonistes, pour qui il fabriquait les plus
beaux violons. Voilà. »
La centration sur les qualités sensorielles de l’objet violon s’inscrit dans
une idéalisation de l’objet dont les qualités sont magnifiées, tout en
faisant l’économie de la reconnaissance de l’immaturité fonctionnelle et
de l’angoisse de castration. La mobilisation des procédés narcissiques
(idéalisation, qualités sensorielles) rend compte de la lutte contre
l’atteinte narcissique ravivée par l’angoisse de castration.
CN-3 : Détails narcissiques à valence positive ou
négative – Idéalisation (+/–)
Détails narcissiques à valence positive ou négative
Les « détails narcissiques » du CN-3 sont à différencier des « détails
narcissiques à valeur de séduction » du B3-2 : ils ont pour fonction
d’assurer le repérage identitaire et la différenciation sujet/objet dans la
relation à l’autre et non de séduire par un mouvement d’investissement
libidinal. Les détails narcissiques sont ici l’équivalent des réponses « peau »
au Rorschach en ce sens qu’ils assurent un renforcement de l’enveloppe
corporelle pour protéger le sujet des excitations pulsionnelles.
Planche 7GF
« C’est une maman et sa fille ça ! La maman doit faire la lecture à sa fille
qui doit être très jeune car elle a une poupée. La maman est dans un
canapé style Régence. La petite fille est assise sur un bras du fauteuil.
Cela peut se passer dans un salon, je pense qu’on y voit du parquet. Une
petite table avec un napperon. La maman est aussi coiffée pas d’actualité,
par contre elle a une jolie robe avec un grand parement et un col blanc.
La petite fille doit avoir des souliers vernis et des socquettes. On voit
qu’une jambe mais elle a la jambe repliée derrière l’autre. Je pense que la
maman doit lui lire quelque chose parce que la petite fille n’a pas l’air de
remuer les lèvres, une histoire de son âge, c’est tout ce que ça m’inspire. »
L’insistance sur les vêtements et le corps des personnages (et aussi sur les
limites externes) constitue un repérage de tous les détails permettant la
délimitation identitaire entre les protagonistes et l’évitement du conflit.
Idéalisation (+/–)
C’est la représentation positive ou négative d’un objet perçu comme
idéalement bon, puissant, beau, ou le contraire.
Planche 1 (à valence positive)
« C’est l’histoire d’un petit garçon qui… a reçu un violon mais qui ne sait
pas s’en servir. Il rêve qu’on lui donne des cours de violon… ne sait pas
comment s’y prendre. Il a une famille de musiciens chez lui… Il veut
devenir un virtuose pour ne pas décevoir ses parents et montrer que lui
aussi peut réussir dans la musique. »
Le recours à l’idéalisation s’inscrit dans une quête identificatoire, contre-
investissant un vécu d’impuissance mobilisé face à l’angoisse de
castration et la crainte de ne pas être à la hauteur des vœux narcissiques
grandioses.
Planche 9GF
« C’est une femme qui se regarde dans l’eau, au bord de la mer. C’est
pareil. C’est un peu démodé la coiffure. Elle est jolie, elle s’appuie contre
un tronc d’arbre. Y’a deux personnages, mais je pense qu’il y en a une qui
est le reflet. C’est assez serein. »
Ici, la défense narcissique échoue et le déni forcené de la différence
entraîne une confusion des identités.
CN-5 : Mise en tableau – Affect-titre – Posture
signifiante d’affects
L’ensemble de ces procédés renvoie aux tentatives d’inhibition
pulsionnelle par l’immobilisation dans des scènes (mise en tableau) ou par
la négation des perceptions internes et des affects. C’est le mouvement
même, en tant qu’il engage un désir, qui nécessite d’être figé.
Mise en tableau
Le déroulement de l’histoire se fixe en un tableau, une photo, un dessin,
comme un cliché de l’instant qui échappe à toute historisation. En
immobilisant le temps, le sujet tente de bloquer tout ce qui est susceptible
d’animer la scène et donc les mouvements pulsionnels qui en sont à la
source.
Planche 5
« Ça, ça me fait penser à une peinture ou un dessin d’artiste pour montrer
un intérieur : un salon, une salle à manger euh… Une femme qui rentre
dans son salon. Difficile de dire quelque chose de plus là. On a plus
l’impression que c’est euh un dessin. »
La mise en tableau, dans ce récit inhibé, témoigne de la nécessité de geler
tout mouvement de désir, en évitant le conflit dans le lien avec la figure
maternelle.
Affect-titre
Loin de repousser l’affect, le sujet le met en exergue, l’érige et le donne à
voir comme ce qui identifie le ou les protagonistes du récit.
Planche 6GF
+ « On pourrait appeler cette histoire « connivence ». Cet homme, un
homme et une femme sont réunis dans un boudoir et l’homme parle euh…
de ses futurs projets. Sa compagne a l’air très surprise et ne sait pas si… si
elle, si elle les apprécie réellement, elle a besoin de réfléchir. Elle est très
intéressée par les propos. + Alors c’est vrai qu’il n’y a pas de fin pour
l’instant. C’est qu’une discussion. Je ne connais pas l’issue de cette
histoire… Partira-t-elle avec lui ou non… ? La suite au prochain
numéro… »
L’affect qui donne le titre à l’histoire ouvre sur l’évocation de fantasmes
de séduction qui s’expriment dans un contexte labile.
Planche 10
+ « C’est une photo, enfin un portrait pardon je retire, que nous allons
appeler « Amour à un certain âge » (?). Y’a pas d’histoire à raconter.
“Amour”. »
Les mécanismes narcissiques sont mobilisés pour éviter toute
conflictualité comme en témoignent la mise en tableau et l’affect titre. La
formation réactionnelle « pardon je retire » témoigne de l’agressivité
sous-jacente.
Posture signifiante d’affects
La position du corps traduit l’affect. La centration sur la posture permet de
déplacer l’affect à la périphérie, ce qui constitue une mesure de protection
par rapport à l’impact émotionnel. L’affect est reconnu mais se trouve
repoussé au niveau de l’enveloppe externe.
Planche 3BM
« C’est la position d’une femme découragée. Ça n’est pas un enfant, c’est
une… un adulte, mais qui est écrasé par, écrasé par une souffrance. On ne
sait pas si c’est une condamnation parce qu’il n’y a pas de référence à une
prison mais ça pourrait être… ça pourrait être… soit une… un échec ou…
une peine énorme… qui l’écrase complètement. »
L’investissement de l’attitude corporelle soutient ici l’expression d’un
affect (« souffrance ») sur fond d’une culpabilité dont les motifs ne
peuvent s’exprimer (« prison »).
CM : (Hypo)manie
Les procédés CM, caractérisés par un emballement des pensées, des
affects et de la parole, regroupent des modalités défensives mobilisées pour
éviter la construction de scénarios de perte et l’évocation d’affects
dépressifs ou de colère fondamentalement déterminés par l’angoisse de
perdre l’amour de la part de l’objet. Ces procédés relèvent d’une affirmation
de toute-puissance dans une tentative de restauration d’un moi érigé et
triomphant.
CM-1 : Exaltation et emballement des affects et des
représentations (élation)
L’exaltation de « l’humeur maniaque confère au moi les couleurs les plus
vives de l’idéal » (Chabert, 2015). L’état d’excitation jubilatoire élève les
relations du moi et de l’objet, dans une quête de sensation de triomphe, in
fine du moi sur l’objet.
Planche 16
« [Rit] Superbe ! Excellent ! Et bien il s’agit de la page blanche du temps
qui va s’écouler à partir de la minute qui va suivre celle-ci. C’est la page
blanche du devenir, du futur, du lendemain, de tout ce qui reste à faire.
Certains disent « l’angoisse de la page blanche », non moi je dis plutôt
« l’ivresse de la page blanche ». Ce serait une curiosité, mais cette page
ferait également penser à un linceul, à une immensité recouverte de neige
et disons sans doute à la mort, mais qui n’est pas triste du tout, qui fait
partie du devenir de toute façon. Cette page blanche symbolise la remise
des compteurs à zéro et… pour moi, le départ dans le monde de la mort,
tout neuf. Voilà ! »
L’ensemble du récit est dominé par l’exaltation et l’emballement des
affects et des représentations, fortement mobilisés pour lutter contre
l’émergence des angoisses de mort et des affects de tristesse.
Planche 16
« C’est la plus merveilleuse histoire ! Le peintre ou le photographe ou les
auteurs des photos précédentes, des œuvres, des œuvres précédentes, est
fatigué, lassé et il nous donne cette feuille de façon à pouvoir nous-mêmes
inventer une histoire merveilleuse qu’on va pouvoir écrire là-dessus,
dessiner, écrire, peindre, ou rêver tout simplement. C’est l’avenir. Alors
moi personnellement… parce que c’est la liberté, chacun fait là où il
veut… Moi, ça me fait penser à la pièce de… Machinette là… Yasmina
Reza… qui a écrit une pièce sur un tableau blanc et c’est follement drôle.
Je vous conseille vivement d’aller là voir. Vous l’avez vue ? »
L’enthousiasme, l’exaltation est perceptible autant dans le contenu que
dans l’animation du sujet au cours de la narration.
CM-2 : Hyper-instabilité des identifications et des
objets
Le défaut d’inscription psychique d’objets internes stables aboutit à des
prises de position identificatoires et à des investissements d’objets multiples
et instables, dont témoigne le passage extrêmement labile d’une place à une
autre. Cette hyper-instabilité montre la nécessité d’occuper tous les rôles à
la fois pour n’en perdre aucun, de ne pas s’attacher à un seul objet mais à
plusieurs équivalents, interchangeables : tout semble mis sur le même plan.
Cette opération peut conduire au flou des identifications et du repérage des
objets, et/ou à une surenchère des caractéristiques labiles à valeur
antidépressive. Il s’agit d’un mécanisme par lequel le sujet semble investir
très faiblement les objets, sans pouvoir s’attacher plus spécifiquement à l’un
ou à l’autre du fait de leur instabilité et du risque de perte qui y est associé.
L’attribution très singulière de prénoms peut traduire cette hyper-instabilité
des identifications : ce procédé y assure un contrôle, à visée antidépressive,
des différentes positions identificatoires sollicitées par le matériel.
Ce procédé est à différencier du B3-3 : « Labilité dans les
identifications », qui s’inscrit dans les aléas des difficultés d’intégration de
la bisexualité psychique et qui fait écho au désir œdipien de prendre la place
du parent rival auprès du parent désiré, dans ce cas le récit est nettement
conflictualisé.
Il est aussi à différencier du E3-1 : « Confusion des identités –
Télescopage des rôles », dans lequel sujet et objet sont confondus en raison
du gommage de la différenciation intersubjective, précipitant la perte totale
des repères entre dedans et dehors.
Planche 13B
« On dirait Elvis. C’est Elvis Presley, mais je suis pas sûr de moi. Pieds
nus parce que je sais que ses parents étaient pauvres à l’époque. Ou un
paysan russe sans chausson, sans vêtement. Ou un Américain qui attend
sa mère ou son père au début du siècle, le siècle dernier, l’Ouest
américain (?). Pas de fin. »
La forte instabilité identificatoire passe par des hésitations sur la
nationalité attribuée au personnage, sans qu’aucune ne fasse l’objet d’un
investissement spécifique. Pas d’identité stable, ni de fin à l’histoire, à
l’image de l’impossible déploiement d’un scénario qui ferait courir le
risque de perte de l’objet.
Planche 10
« C’est deux personnes, un mari et une femme, un frère et une sœur qui,
ou une amie, qui se disent au revoir, ils vont se quitter pour longtemps,
pour un certain temps, et ils savent pas quand ils pourront se revoir. Ou
bien c’est deux personnes qui regrettent quelqu’un qui est mort, mais c’est
deux amoureux qui sont serrés l’un contre l’autre. »
L’excitation liée au rapproché entre les deux personnages conduit à une
forte instabilité identificatoire. L’oscillation rapide d’une position
identificatoire à une autre témoigne de l’intensité du fantasme incestueux
et de mort mobilisé par le rapproché.
CM-3 : Fabulations
Il s’agit le plus souvent d’un long récit qui n’a qu’un rapport lointain avec
le contenu latent de la planche (à la différence du procédé B2-1 : « Histoire
à rebondissements », dans lequel le rapport au matériel manifeste est
maintenu). Ce procédé rend compte de la diffluence de la pensée et de la
perte des repères logiques sous la pression de la projection.
Planche 11
« Merci… c’est comme ça ?… (70”). Rocky II se trouvait dans un sacré
pétrin. Il s’était enfui de l’hôpital où on l’avait déplacé et où il s’était
battu avec les infirmiers. Il était parti si loin qu’il s’était embarqué dans
une affaire de meurtre. Il sauva une jeune femme qui était aussi fugitive
avec son petit garçon. Ils coururent si loin qu’ils se trouvèrent près d’une
chute d’eau. Là, ils aperçurent un dragon énorme. Heureusement celui-ci
s’enfuit par la feinte [sic] de la montagne. Rocky II, la jeune fille et son
petit garçon furent emportés par une chute d’eau. Ils s’accrochèrent à un
morceau de bois, pour ensuite atterrir dans une autre cité. Parfois on peut
raconter plusieurs histoires ? Voilà. »
Par la fabulation, le sujet tente de s’éloigner des sollicitations anxiogènes
de la planche. Ce récit pseudo-labile, qui prend appui sur des expériences
vécues ainsi que sur le récit fait à d’autres planches, a une valeur de
remplissage face à l’inquiétude, au vertige, suscités par la planche.
L’éloignement offert par la fabulation permet ensuite au sujet de
reprendre appui sur le matériel.
CM-4 : Pirouettes, clin d’œil – Ironie – Humour
Si les pirouettes relèvent du retournement maniaque pouvant fragiliser
l’élaboration secondaire, le clin d’œil au clinicien tend à nier la différence
avec lui et plus généralement, l’altérité, dans une quête de complicité ;
l’ironie, par le détournement de l’agressivité sur le psychologue ou la
situation, lie la charge agressive et procure du plaisir (dans sa composante
plus ou moins sadique) ; par le jeu avec les pensées, l’humour permet
l’épargne d’une dépense d’affect pénible. Le triomphe du moi et du principe
de plaisir s’autorise de la bienveillance du surmoi (Freud, 1927). Le jeu
avec les mots et les pensées constitue une solution économique permettant
un court-circuit de la décharge pulsionnelle.
Pirouettes, clin d’œil
Planche 16
+ « Pour moi c’est une carte postale et au dos y aurait marqué : “Regarde
comme on s’amuse, je t’embrasse très fort. Un ami.” Une famille plutôt.
Face à la séparation, la pirouette participe du déni des affects de tristesse
retournés en leur contraire. »
Planche 12BG
« Était-ce le printemps ? Était-ce l’hiver ? Nous ne le saurons jamais… »
Planche 19
« Je ne suis pas prêt à vous ouvrir ma porte. Ma chandelle n’est pas
encore morte. »
Les deux récits extraits du même protocole rendent compte de la
mobilisation de défenses hypomaniaques, à la planche 12BG, pour dénier
les affects dépressifs perceptibles dans l’hésitation entre « printemps » et
« hiver », à la planche 19, par le recours à une comptine masquant
difficilement les angoisses de mort sous-jacentes.
Ironie, humour
Planche 3BM
« [Rit] Comme c’est du noir et blanc, ça donne tout de suite une
ambiance heureuse [rit]. Ah, cette personne-là pour raconter une histoire
c’est sympa, ils auraient pu éviter le noir et blanc. ++ (?) Y’a juste une
femme assise, la tête contre une banquette ou un fauteuil, donc niveau
action, c’est plutôt limité. Je me demande si on a fait passer ce genre de
test au dessinateur qui l’a fait. Y’a un truc, c’est que par terre je me
demande c’est quoi. Déjà c’est pas normal qu’elle soit comme ça écroulée
par terre, comme façon de s’asseoir y’a mieux. Le mieux ce serait de lui
demander mais je pense pas qu’elle puisse répondre [rit]. »
Associée à toutes sortes de caractéristiques défensives, l’ironie teintée
d’agressivité et d’humour s’inscrit comme une recherche d’issue à
l’angoisse dépressive.
CM-5 : Associations par contiguïté, par consonance,
coq-à-l’âne
Il s’agit de particularités du discours qui se retrouvent, le plus souvent
combinées ensemble, dans des propos d’allure maniaque et qui relèvent de
la précipitation des pensées ou encore de la fuite des idées.
• Associations par contiguïté : discours dominé par des associations d’idées,
sans lien apparent entre elles.
• Associations par consonance : évocation de termes choisis pour leur
ressemblance phonétique.
• Coq-à-l’âne : suite de propos passant brusquement d’un sujet à un autre et
pouvant entraîner des contractions dans le discours, le rendant alors
incohérent voire contradictoire.
Planche 2
« Elle va réussir celle-là, elle est belle, très mignonne, sa mère l’envoie à
l’école pour qu’elle soit pas une paysanne mais une demoiselle. Il est beau
l’homme, de dos on voit rien mais elle, elle sera pas satisfaite, il faut
absolument qu’elle quitte la ferme et qu’elle parte mais c’est quand même
beau là où elle est, c’est très beau. Il y a la mère, mais elle aura d’autres
mères, sa mère elle, aura rien connu mais elle est peut-être très contente, il
y a beaucoup de gens qui ne bougent pas, mais elle est belle, elle a de
beaux yeux, j’ai envie de porter ce truc qu’elle a, c’est joli. »
Le poids du fantasme sous-jacent entraîne une désorganisation du
discours qui se voit infiltré par les associations courtes, les coq-à-l’âne et
les associations par consonance.
Planche 6BM
« Le jeune homme et sa grand-mère se racontèrent une histoire de
mobylette en panne. La grand-mère écoutait ses histoires. Le jeune
homme acheta une veste noire pour lui et une robe de chambre pour sa
grand-mère. La grand-mère fut très contente et le jeune homme aussi. Le
jeune homme servait le café dans un restaurant pendant plusieurs années.
Le soir quand il était libre, il téléphonait à sa grand-mère ou à ses amis.
Le jeune homme fut ravi d’aller chez sa grand-mère et chez les amis. »
Dans ce récit, l’utilisation massive d’associations par contiguïté et de
coq-à-l’âne rend le discours totalement incohérent et sans suite logique.
Noter aussi la perte des repères temporo-spatiaux (E3-3).
Planche 1
« Alors ça, c’est un enfant qui est devant ses devoirs, et… et, il réfléchit,
s’évade et rêve. Il a pris un objet, comme un violon, a posé sur ses
devoirs et ça lui permet de se reposer devant ses devoirs. »
Les associations par consonance sont autant de tentatives de maintenir
des liens soutenus ici par la proximité phonétique entre les mots
(« poser », « reposer »).
Planche 1
« Là, c’est un petit garçon, un garçon, donc qui joue de la musique, donc
il joue un instrument, ça doit être un violon, un instrument à cordes. Il a
l’air fatigué ou ennuyé ou dans la lune… Silence… On pourrait être…
[Bâille +++] Mais il n’a pas l’air très concentré sur son instrument.
Donc, là on voit, c’est un instrument en noir et blanc et on voit vraiment
l’enfant. On voit pas où il est, on pourrait imaginer qu’il est chez lui…
[Bâille, relâchement tonique] On pourrait faire l’hypothèse que l’enfant a
la place de faire de la musique, rêve… [Bâille]… Euh rêve où même, je
ne vois pas très bien [Bâille +++] Il est presque somnolent… [Bâille]
Non… Il rêve [S’affale sur la table]. »
Les effets dépressifs de l’impuissance sont projetés dans le corps
(« bâille », « s’affale »…) et attribués au personnage par la voie des
éprouvés corporels (« fatigué », « dans la lune »). L’attachement aux
sollicitations perceptives, sensorielles du matériel et aux contrastes
(« noir et blanc ») n’assure pas une fonction de pare-excitation suffisante
ce qui entraîne une porosité des limites. Le retournement de l’agressivité
contre le moi apparaît dans ses effets dépressifs, traduits par des
manifestations corporelles sans possibilité de mise en mots.
D2 : Manifestations émotionnelles
(rires, larmes, rougeurs, tremblements, soupirs, etc.)
Nous entendons par manifestations émotionnelles, des expressions telles
que les rires, les larmes, les tremblements, les soupirs… Elles sont à
différencier des exclamations et commentaires cotés B2-1 qui relèvent de
l’expression d’affects au sein du récit. Provoquées par des états de tension
interne face au matériel, les manifestations émotionnelles participent de la
décharge de l’excitation, elles comportent une intentionnalité relationnelle
(inconsciente). Leur expression varie en quantité et en qualité, pouvant
aller, par exemple, d’une humeur enjouée au rire maniaque. Seule l’analyse
des associations du sujet pourra donner des indices concernant les qualités
de plaisir ou de déplaisir associées à ces expressions émotionnelles.
Planche 7BM
+ « “Écoute mon garçon. Tu… non… tu viens de me confier tes intentions
d’épouser cette fille. Cela me paraît totalement déraisonnable.” »
–+« “Père, je ne… comprends pas pourquoi Geneviève vous semble une
fille qui ne serait pas digne de moi.” »
–+ « “Enfin, mon fils, vois-tu la différence de milieu où vit cette
personne. Toi, dont la réussite sociale est si brillante !” (Éclate de rire
+++) Ouf, ça soulage ! Je vois mon avenir devant moi… comme auteur
littéraire ! (?) Disons que l’éclat de rire est la conclusion. »
Le récit est construit à partir d’une mise en dialogue père/fils, dans une
tonalité très labile alliée à une forte expressivité émotionnelle. Le rire
permet une décharge de l’excitation sexuelle et de l’agressivité et aussi de
trouver un compromis au conflit mettant fin au récit (« Ouf ça
soulage ! »).
Planche 3BM
« Ça, elle est très triste cette photo. C’est une dame, c’est une personne, je
sais pas si c’est un homme ou une femme. En tout cas, elle a dû perdre
quelqu’un de très cher. Ou elle a été maltraitée. Ou elle est pauvre. Ou elle
est très triste parce que personne ne la comprend non plus. Elle souffre
beaucoup. Quelqu’un qui souffre. [Elle a les larmes aux yeux, semble très
émue.] ++ C’est la première fois que je passe ce genre de test. »
La résonance aux sollicitations dépressives de la planche est intense et
entraîne une labilité des identifications (« dame » « personne » « homme
ou femme ») au sein d’un récit dramatisé qui découvre un fantasme de
fustigation. Les affects fortement mobilisés s’expriment ouvertement au
travers les manifestations émotionnelles (« larmes aux yeux », « émue »).
Planche 16
« [Elle rit très longuement] Y’a rien [Elle rit] +++ C’est une page
blanche ! [Elle rit] Il faut que je raconte une page blanche ? Y’a rien à
dire. C’est rigolo ! [Elle rit]. »
L’absence de support perceptif éveille des manifestations émotionnelles
(rires) intenses et répétitives envahissantes qui entravent toute possibilité
de mise en récit, dans une atmosphère maniaque patente.
D3 : Adresses directes au clinicien
(interpellations, appels, critiques, impatience, ironie,
etc.)
Toute question adressée directement au psychologue sur ce que le sujet
doit faire, un détail de l’image, l’interprétation qu’il conviendrait de donner,
une critique du matériel…, se situant hors du champ de la narration. Ces
adresses sont verbales, leur caractère direct, d’interpellation, d’apostrophe,
a pour effet de susciter l’attention du psychologue appelé à réceptionner la
charge pulsionnelle, le plus souvent agressive, qui ne peut être traitée par
l’intermédiaire de la mise en récit. Elles assurent une fonction de décharge,
en même temps qu’elles cherchent en l’autre une forme de contenance.
C’est la fréquence et l’impact sur le récit qui permettent d’en analyser le
sens dans l’économie psychique du sujet.
Planche 1
+ « Oh là, c’est un gamin, il est vraiment fatigué, il en a vraiment ras le
bol de ses études de violon. Il s’en tient la tête. [Pas trop vite, s’il vous
plaît.] Vous devriez avoir un enregistreur ! Vous pouvez bien leur
demander ça à l’organisme, je sais pas, dont vous dépendez ?! + Il
regarde le violon. + Pour lui, c’est pas une source de joie, on doit l’obliger
à jouer du violon. C’est tout. C’est le gosse qu’est pas heureux. Si ça se
trouve, c’est un très grand violoniste qu’on a photographié mais là il est…
Le violon lui pose problème. On l’oblige à jouer du violon certainement.
Je vais pas vous raconter beaucoup de choses parce que si vous écrivez
comme ça alors… [Repose la planche, la reprend] [Fin ?] Honnêtement
non, on voit une expression, il en a marre, il est là. Plutôt qu’un
instrument de musique, c’est un instrument de torture pour lui et pourtant
il regarde, il voudrait peut-être le comprendre. Il se pose des questions.
C’est tout. Vous avez assez écrit. »
L’intervention du psychologue en début du récit (lui demande de ralentir
le débit verbal) conduit rapidement à une adresse directe au clinicien
porteuse d’une forte charge agressive (« vous pouvez bien leur
demander… »). Alors que se découvre le vécu de contrainte faisant
l’économie de la reconnaissance de la castration, les décharges verbales
(« je vais pas vous raconter beaucoup de choses… ») et motrices (repose
et reprend la planche) entraînent la suspension de la narration.
L’émergence d’un fantasme sadique (« un instrument de torture ») et le
risque de débordement pulsionnel conduisent à l’adresse finale qui
interrompt le récit (« vous avez assez écrit »).
Planche 16
« Euh… Superbement reposant ! Papier couché au moins 120 grammes,
légèrement jauni. Très agréable à l’œil ! [Rit]. Je ne vous sens pas très
convaincu. J’ai une grande ambition. [C’est-à-dire ?] Vous faire rire ! Je
trouve que vous ne riez pas beaucoup. »
L’absence d’image conduit à un appui sur la matérialité du support, et à
un accrochage au sensoriel, avec une dimension de disqualification. Le
rire ironique rend compte de l’attaque agressive sous-jacente. Le sujet
cherche à interpeller le clinicien pour éprouver les effets de sa parole sur
l’autre, in fine les effets de ses attaques agressives mobilisant des
défenses à valence antidépressive.
Planche 13MF
« C’est l’avant-dernière ? Elles sont sympas vos photos ! [Prend la
planche.] C’est la détresse d’un homme qui observe sa femme
apparemment morte et qui ne sait pas quoi faire, apparemment il a des
regrets de n’avoir pas pu la sauver je pense, voilà. [Repose la planche.] »
L’interpellation initiale précède un commentaire ironique qui a pour
fonction de déjouer l’impact anxiogène de la planche, tout en adressant
l’agressivité au clinicien. La prise en main du matériel participe de la
nécessité de contrôler les émergences pulsionnelles agressives (et les
fantasmes de meurtre sous-jacents) suscitées par la planche. Les affects
de convenance (CF « regrets ») témoignent de l’absence de conflictualité
intrapsychique, le conflit n’étant que de surface.
E1 : Altération de la perception
E1-1 : Scotome d’objet manifeste
Ce procédé est coté lorsqu’un élément manifeste du matériel n’est pas
évoqué dans le récit. Il n’y a pas de déformation du réel, à l’inverse de la
fausse perception, mais une modification du perçu susceptible de renvoyer
au déni ou au refoulement.
Dans les fonctionnements psychotiques, il relève d’un déni perceptif. La
réalité perceptive est refusée réalisant une forme d’effacement de la trace de
l’objet.
Les scotomes se repèrent aussi dans les organisations phobiques,
hystériques ou obsessionnelles et, plus généralement, dans les organisations
où l’inhibition domine. Ils relèvent du refus de voir (« cécité ») un objet
significatif à valence sexuelle et/ou agressive sous l’effet du refoulement.
Planche 1 (fonctionnement névrotique)
« C’est un gosse qui a l’air de s’embêter, voilà c’est tout… Faut que je
raconte encore ? … On dirait qu’on l’a mis en pénitence… Il a pas l’air
content, on dirait qu’il a envie d’aller jouer au football… (?) Il a pas l’air
très énergique. Je pense pas qu’il passe par la fenêtre pour aller jouer au
foot avec les copains, enfin je pense qu’il doit certainement en vouloir aux
gens qui l’ont mis là. »
Le scotome du violon soutient le refoulement de la problématique liée à
l’investissement et au désir objectal. Le conflit (« envie d’aller jouer »
versus « en vouloir aux gens ») est déplacé sur l’investissement d’une
activité substitutive « jouer au football ».
Planche 7 BM
« Deux jeunes hommes dont les cheveux sont gras, un grand nez, aux
yeux noirs et bien poilus et au menton pointu s’aimèrent beaucoup. Ils
étaient deux amis. Le plus vieux des deux avait un train électrique et une
guitare. L’autre ami avait une mobylette pour aller chez ses amis. »
Ces détails rares témoignent de l’infiltration du discours par le processus
primaire. Ils participent des efforts de différenciation entre les
personnages, renforcés par l’attribution d’attributs spécifiques à chaque
protagoniste. L’expression d’un conflit entre désir et défense ne peut être
soutenue sur une scène interne.
La justification arbitraire à partir de ces détails rares ou bizarres
correspond à l’une des expressions des liens arbitraires existant entre les
pensées et signalent le maintien de la liaison en dépit de la domination du
processus primaire.
Planche 8BM
« C’est, c’est l’hôpital… il est couché… c’est une femme on va dire à
cause du bras… il essaie de faire une opération chirurgicale… peut-être
l’enfant c’est le fils de cette femme… quelque chose qui est bien dans
notre monde [mot incompréhensible] la lampe qui éclaire son visage.
[Souffle.] C’est moi. »
Le lien arbitraire (« on va dire à cause du bras ») participe de la lutte
contre le risque de déliaison pulsionnelle et de la quête de repères
différenciateurs. L’échec se lit dans la confusion entre les personnages de
la planche conduisant à la perte de la conscience d’interpréter (« c’est
moi »).
Certaines perceptions rares et très fines, non arbitraires, peuvent s’inscrire
dans un contexte obsessionnel.
Planche 1
« Quand on voit un jeune homme qui est en train de considérer
attentivement son violon, on peut supposer qu’on l’a peut-être obligé à
protéger ce violon car il est posé de manière très statique sur un tissu de
protection […]. »
La perception du détail « tissu » est rare, mais adéquate sur le plan
formel. L’attention portée à ce détail est sous-tendue par un mécanisme
de formation réactionnelle et la nécessité de contenir tout mouvement
agressif ou de désir (« posé de manière statique »).
E1-3 : Perceptions sensorielles – Fausses perceptions
Perceptions sensorielles
Il s’agit d’une opération par laquelle le sujet est renvoyé de façon massive
à une réalité (généralement ressentie sur le mode persécutif, vécue comme
dangereuse) à laquelle il adhère sans distance et sans appui sur la réalité
manifeste. Dans ce mouvement, la confusion entre sujet et objet apparaît de
façon très nette. La dimension arbitraire est patente dans une perception
quasi hallucinatoire et délirante.
Ce procédé est à distinguer du CN-2 « Accent porté sur la sensorialité,
sensibilité aux contrastes » dans lequel la dimension arbitraire est absente.
Planche 1
« C’est le violon de son grand frère… Il se demande à quoi servent toutes
ces cordes et il imagine dans sa tête que chaque corde correspond à un
son, et il se demande ce que le violon va lui dire s’il le touche. Alors le
violon parle, c’est son grand frère qui lui parle parce qu’en fait son grand
frère est mort, il est mort en serrant la corde autour de son cou parce
qu’il lui manque une corde au violon et c’est cette corde-là qui crie le
plus et la corde elle est invisible et l’archet, il va essayer de jouer sur cette
corde et l’archet il va grincer, il va grincer en grinçant la corde va lui
dire, va prononcer le nom de son grand frère et il va parler au petit frère
la corde va parler au petit frère. »
La forte teneur hallucinatoire de ce récit témoigne de l’envahissement de
la pensée par le processus primaire, entravant fortement le rapport à la
réalité.
Fausses perceptions
Elles se réfèrent à l’altération des éléments manifestes de la planche et
rendent compte d’une déformation de la réalité. À l’inverse du détail rare
pour lequel la perception est correcte, il y a une distorsion voire une
aberration perceptive.
Planche 1
« C’est un livre ça … (?) Une casserole… (?) Ben, il est triste parce que
sa casserole est cassée. C’est tout. (?) Il va en acheter une autre. »
La distorsion perceptive s’inscrit dans un mouvement d’attaque de l’objet
perçu comme détérioré (E3-4) dans un contexte projectif que l’inhibition
tente de contenir. La massivité de la projection distord le rapport à la
réalité et conduit à une fausse perception sous-tendue par un mécanisme
hallucinatoire.
Planche 10
« C’est une photo d’un bébé et d’une personne âgée. Ça a l’air d’être son
grand-père, quoi ! Ils ont pris la photo ensemble. J’estime que c’est des
grands frères, grand-père et son petit. »
La fausse perception relève d’un trouble identitaire majeur conduisant à
une confusion entre les personnages de la planche. La projection d’une
différence des générations, au mépris de la reconnaissance du contenu
manifeste, témoigne des tentatives, vaines, de différencier les
personnages.
E2 : Massivité de la projection
E2-1 : Inadéquation du thème au stimulus,
persévération
Les contenus manifestes et latents ne sont pas vraiment pris en compte, ils
sont mis de côté au profit de l’émergence de fantasmes et de thématiques
sans lien avec eux.
La massivité de la projection entraîne une inadéquation du thème, ou la
reprise inadéquate d’un thème qui s’impose régulièrement en dépit des
variations du stimulus (persévération) ; ou encore, ce mécanisme aboutit à
une rupture qui se manifeste par un discours abstrait sur des considérations
métaphysiques.
Inadéquation du thème au stimulus
Planche 19
« C’est marrant ça, c’est pas du Picasso quelque chose comme ça ? Ça,
c’est une histoire de microbe. Alors voilà un microbe là et ça, c’est la
maison du microbe. Alors il est dans un noyau de pêche. Un gros plan du
microbe. P. m’a dit un jour pourquoi dit-on “microbe”, on devrait dire
“crobe” tout court. Ce microbe était dans la pêche, était entré dans le
noyau et un jour un petit garçon a mangé la pêche, sucé le noyau et
attrapé ce microbe. Le microbe a fondé une famille, pondu des œufs, fait
des petits et il y avait un bouillon de culture. Ils se sont fourrés dans
l’appendice et lui ont donné une irritation. Il a eu des douleurs, s’est fait
opérer et le vilain microbe s’est fait tuer. »
Le thème du récit semble déconnecté du stimulus perceptif. La massivité
des angoisses d’intrusion rend inopérantes les tentatives de clivage entre
dedans/dehors.
Persévération
La persévération fait référence à la compulsion de répétition. Celle-ci
prend des valeurs différentes selon qu’elle s’inscrit dans un registre
névrotique ou non.
Dans les protocoles de sujets au fonctionnement névrotique, la compulsion
de répétition existe et le contenu manifeste est pris en compte. La répétition
du thème se caractérise alors souvent par un aller-retour entre expression
pulsionnelle et défense.
Dans des protocoles de sujets présentant un fonctionnement psychotique,
la persévération d’un thème d’une planche à une autre, révèle la prégnance
d’un fantasme massif en lien avec la destruction et/ou la sexualité,
s’installant de façon incongrue malgré la modification des situations
mobilisées par le contenu manifeste et latent des planches. Une pensée
compulsive, susceptible de se répéter également dans un même récit, peut
faire supposer l’existence d’une activité délirante.
Les exemples suivants sont issus du même protocole (fonctionnement
psychotique) :
Planche 6BM
« Une mère… c’est le fils prodigue qui revient. La mère lui rappelle ses
souvenirs de jeunesse. Il est très ému. À la fin ils se marient. »
Planche 10
« Retrouvailles entre Jean Gabin et Michèle Morgan. Jean Gabin : “Tu as
de beaux yeux tu sais.” Michèle Morgan : “Embrassez-moi.” Et ils se
marièrent à la fin. »
Planche 11
« Qu’est-ce que c’est que cet animal ? Invasion du monde par les
extraterrestres. Animaux bizarres et c’est tout. Et ils se marient à la fin. »
Planche 13 B
« Un petit garçon devant sa maison, sur le seuil de la porte et qui attend
que sa mère ait fait la bouffe pour manger. Ils se marient à la fin. »
Planche 19
« La maison de l’aveugle en plein hiver auquel Frankenstein rendra visite.
Une femme viendra et ils se marient à la fin. »
Planche 16
« C’est après le mariage et c’est tout. »
La répétition compulsive du thème et de la formule « ils se marient à la
fin » fait fi des variations des sollicitations des planches. L’insistance sur
une fin heureuse témoigne de la lutte contre les effets de déliaison et la
menace de destruction interne.
E2-2 : Évocation du mauvais objet, thèmes de
persécution, recherche arbitraire de l’intentionnalité
de l’image et/ou des physionomies ou attitudes –
Mégalomanie
La projection est sous-tendue par une dimension interprétative et sensitive.
Le mouvement commun est celui de l’attribution au matériel, ou aux
personnages, de caractéristiques que le sujet ne peut reconnaître comme
siennes, et qui font retour sous la forme d’objets plus ou moins
persécuteurs.
Dans tous les cas, cela met en évidence l’expulsion de représentations ou
d’affects insupportables, du dedans vers le dehors, et leur attribution à un
objet externe bien repéré. La projection protège le sujet, en rejetant sur
l’objet l’agressivité, la haine, les sentiments négatifs qu’il ne veut
reconnaître comme émanant de lui. À l’aide du clivage, il peut alors
identifier le mauvais à l’extérieur de lui et se considérer comme tout bon.
Ce procédé est fréquemment rencontré dans des vécus persécutifs
(paranoïa, schizophrénie, fonctionnements limites, plus rarement dans des
fonctionnements névrotiques).
Évocation du mauvais objet
Ce procédé est utilisé chaque fois que le sujet attribue un caractère
malfaisant à l’un des personnages de la planche. Le concept de « mauvais
objet », terme kleinien, désigne « les premiers objets pulsionnels, partiels
ou totaux, tels qu’ils apparaissent dans la vie fantasmatique de l’enfant »
(Laplanche et Pontalis, 1967, p. 51). L’évocation du mauvais objet relève de
la projection et peut être associée au clivage.
Planche 9GF (registre névrotique)
« C’est deux jeunes filles qui sont jalouses l’une de l’autre… (?) Elles
croient toutes les deux qu’un jeune homme aime l’autre, enfin que le
jeune homme qu’elles aiment aime l’autre… Celle qui est cachée derrière
un arbre a tendu un piège à celle qui est en train de courir sur la plage
++ (?). Je sais pas ce que ça pourrait être. »
Dans une mise en scène triangulaire, le récit évoque un « mauvais objet »
chargé d’éliminer la rivale œdipienne.
Planche 9GF (registre psychotique)
« Mais c’est moi qui vois mal ou c’est les photos qui sont floues…
Femme entre 25 et 30 ans qui court au bord d’une rivière ou d’une plage
ou tout du moins sur les pierres, qui a l’air hors d’elle, qui n’a plus le
contrôle d’elle-même, qui a le regard ahuri, plein de méchanceté, de
rancune, prête à tuer ou à faire une mauvaise action, décidément je suis
obsédée par les CRS, elle a l’air de courir vu la position. Y’a une femme
derrière, cachée derrière un arbre qui la surprend, qui a l’air d’avoir des
cartes de géographie ou des papiers, qui a l’air de la surprendre dans son
action ou être de connivence avec la personne qu’elle poursuit. On sait
plus si elle est là pour l’aider ou pour lui faire un mauvais coup. »
Le récit est dominé par l’évocation de mauvais objets, conduisant à une
certaine confusion entre les personnages. Celle-ci témoigne de la
difficulté à différencier le bon du mauvais, les liens étant vécus comme
porteurs de danger.
Thèmes de persécution
Ce procédé est coté chaque fois que les thématiques mettent l’accent sur
un environnement persécuteur, plus ou moins marqué. Les thèmes
persécutifs peuvent apparaître sans témoigner pour autant d’un
fonctionnement psychotique, ils peuvent être particulièrement sollicités à
certaines planches comme les planches 5, 11 ou 19.
Planche 5
« Une vieille dame qui se sentait persécutée entend un bruit dans une
autre pièce et en allant ouvrir la porte elle voit sur la table un vase avec…
des… des fleurs transmettant un message de haine… (?) +++ Elle aurait
un maître chanteur et aurait reçu des menaces de mort, elle voit par
exemple les… les roses fraîches qu’elle avait cueillies remplacées par des
fleurs lugubres et fanées. »
La confrontation à une figure féminine qui pénètre et regarde mobilise des
angoisses de persécution et de mort majeures, dans un contexte
franchement psychotique.
Planche 6GF
« Une jeune fille poursuivie par un obsédé qui n’arrête pas de la
persécuter. Un jour qu’elle s’était bien enfermée chez elle, elle entend un
bruit derrière elle, se retourne et voit son persécuteur. »
Les fantasmes sexuels sont projetés sur un agent séducteur dans un
mouvement projectif qui témoigne du caractère persécutant de l’excitation
pulsionnelle.
Recherche arbitraire de l’intentionnalité de l’image
La projection conduit le sujet à supposer que l’on cherche par le biais du
matériel à lui imposer certaines idées, sentiments ou réponses : « Vous
voulez me faire dire… » Le sujet pense que le matériel est sous-tendu par
des significations cachées, et plus généralement que l’on cherche à lui
tendre un piège. Ce procédé est proche de la justification arbitraire à partir
d’un détail rare, mais relève en plus d’une conviction interprétative et
projective. Cette conduite psychique est particulièrement présente dans les
protocoles de sujets présentant un fonctionnement paranoïaque.
Planche 5
« C’est très très laid, tout est hideux, c’est sans doute voulu. »
Dans ce récit, le sujet tente de déjouer ce qu’il projette comme des pièges
qui lui sont tendus dans une franche conviction interprétative.
Planche 6BM
« Autant les planches sont assez floues, autant là on ne peut pas
s’empêcher de penser que celui qui a fait ça avait une idée derrière la
tête. Ah vous notez ce que je dis, bon, enfin, tout de même, on ne fait pas
ces dessins sans penser à quelque chose de précis. »
Les angoisses de persécution sont telles qu’elles entravent toute
possibilité de mise en récit. Les éléments projetés sur le matériel ne sont
pas reconnus comme appartenant au sujet mais vécus avec la certitude
d’une manipulation par un « autre », sentiment qu’il s’efforce de déjouer
dans une attitude massivement interprétative.
Mégalomanie
Ce procédé relève de la projection massive, sans distance ni critique,
d’une image de soi ou de l’objet, grandiose et infaillible.
Planche 1
« Il s’agit d’un enfant prodige musicien qui se prépare pour son concert.
Là, il est dans sa loge, il se bouche les oreilles pour se concentrer parce
que ses assistants s’agitent dans le couloir et font du bruit… Ça ne
l’empêche pas d’entendre la clameur des applaudissements et des hourras
qui montent de la salle de spect… de concert où les spectateurs attendent
impatiemment le concert qui sera un événement sans pareil, sa
consécration. Oui, c’est ça. »
Par l’identification à une image toute-puissante (« enfant prodige »), le
sujet fait l’économie de la reconnaissance de l’immaturité fonctionnelle et
de l’angoisse de castration. L’environnement est perçu comme
discrètement persécuteur limitant ses fantasmes de triomphe à
connotation mégalomaniaque.
E2-3 : Expressions d’affects et/ou de représentations
massifs – Expressions crues liées à une thématique
sexuelle ou agressive. Inadéquation
affects/représentations
Ce procédé renvoie à une perte de distance marquée par la projection,
voire par l’identification projective. Les affects ou représentations massifs
peuvent être liés à différentes problématiques telles que l’agressivité, la
sexualité, mais aussi la perte, l’incapacité ou le dénuement. Les expressions
crues mettent l’accent sur des évocations brutales de meurtre, de viol, de
scène sexuelle, dénuées de participation affective.
Dans certains cas, cet item peut avoir une valeur de décharge pulsionnelle
ponctuelle (mots vulgaires), alors que, dans d’autres cas, la massivité de la
projection entraîne un débordement de plus en plus important, accompagné
alors d’autres procédés E.
Représentations massives
Planche 7GF
« Ça c’est spécialement affreux ça. Je ne pense pas que ce soit une
poupée, je pense que c’est un petit bébé mort… Mais ça paraît idiot que la
dame fasse la lecture à une petite fille qui a un bébé mort, donc on peut
supposer que c’est une dame qui fait la lecture à une petite fille qui a une
poupée puis qui a de l’imagination… et qui s’imagine un bébé mort, j’en
sais rien. »
Le lien mère-enfant mobilise immédiatement des vœux de mort exprimés
crûment, difficilement contenus en fin de récit par la référence à
l’imaginaire.
Planche 19
« C’est un chalet dans la montagne. Il neige et ce chalet prend feu. Tout le
monde est affolé. Comme il neige, toutes les sorties de secours, toutes les
sorties sont bloquées. Donc il y a les gens qui vont s’asphyxier, brûler vifs
et mourir brûlés vifs. »
Cette planche qui invite à se représenter un contenant soutenu par un
clivage dedans-dehors, conduit à la projection de fantasmes destructeurs
massifs.
Affects massifs
Planche 4
« Une frayeur, une frayeur et… il essaie… une frayeur qui retient son
attention, une frayeur (répète +++) et une femme qui essaie de le retenir.
Ah ! ouais… mais c’est beaucoup pour la photo. »
La répétition itérative de l’affect (« frayeur ») qui envahit le récit se
substitue aux représentations empêchant toute conflictualisation au sein
d’un récit.
Expressions crues
Elles peuvent apparaître comme irruptions isolées dans un protocole où
domine le contrôle comme dans les registres de fonctionnement
obsessionnel ou être davantage présentes lorsque le discours peine à
contenir les émergences fantasmatiques et pulsionnelles.
Planche 6BM
« Alors là, c’est la mère et son fils… c’est son fils qui est venu rendre
visite à sa mère… (Sourit) … et sa mère est en train de lui parler de ses
obsèques… [Pose l’image] (?) La grand-mère est atteinte d’un cancer de
la jambe ! [Rit] Putain ! Raconte une histoire avec un bonhomme et une
vieille ! Y’a rien à raconter ! »
Les fantasmes de mort massivement mobilisés par le rapproché mère-fils
débordent les capacités de secondarisation, notamment dans des
irruptions langagières grossières.
Planche 8BM
« Après avoir fait torturer son salaud de père… Stéphane, épuisé…,
renoue sa cravate et part au travail. »
Le fantasme parricide qui émerge crûment entrave toute capacité de
liaison pulsionnelle et d’accès à l’ambivalence, révélant le rapport
désaffectivé à l’objet.
Inadéquation affects/représentations
Ce procédé ne relève pas d’une mise en tension conflictuelle, mais d’une
dissonance, d’un défaut de concordance entre l’expression des
représentations et celle des affects.
Planche 6BM
« Là c’est une dame… vieille … et un monsieur… y a quelqu’un qui est
mort… elle, elle a les yeux au ciel et lui il rigole dans sa barbe. »
Le récit ne peut se conflictualiser autour de désirs contradictoires, la
dissonance entre l’affect (« il rigole ») et la représentation (« quelqu’un
est mort ») témoigne d’un débordement par le processus primaire.
Planche 3BM
« Là c’est une femme qui est dans sa cave, elle s’imagine qu’elle pense
qu’elle meurt, qu’elle ne va pas se réveiller, qu’elle va tuer quelqu’un.
Elle respecte sa volonté, elle croit en ce qu’elle fait, elle a chaud, elle est
heureuse. »
Dans ce récit marqué par l’importance de la déliaison, l’affect
(« heureuse ») est inadéquat à la représentation (« elle meurt, elle va tuer
quelqu’un »).
Planche 6BM
« On dirait des regards tristes. Soit une demande de mariage, soit un
homme, le prêtre en particulier, soit la nonne, qui vient annoncer que son
fils ou sa fille est mort. La sage-femme. »
Le rapproché mère-fils mobilise des fantasmes incestueux et de meurtre
entraînant une désorganisation des repères identitaires. L’usage de la
conjonction « soit » échoue dans sa fonction d’isolation conduisant à une
confusion des rôles et des personnages.
Planche 8BM
« C’est deux messieurs, médecins, avec une dame. Ils sont en train de la
soigner. (Fin ?) Ça finit comme ça. Avec un enfant qui est son mari à la
dame. »
L’intensité des fantasmes de meurtre sous-jacents, contre-investis par la
formation réactionnelle (« médecins », « soigner »), conduit à une perte
massive des repères identitaires.
E3-2 : Instabilité des objets
Cet item renvoie à l’instabilité de l’identité. Il s’agit d’un mécanisme par
lequel le sujet semble investir tous les objets sans s’attacher plus
spécifiquement à l’un ou à l’autre. De ce fait, les objets semblent
équivalents, interchangeables, comme s’il ne pouvait laisser de trace dans la
psyché : tout semble mis sur le même plan.
Planche 1
« C’est un petit garçon qui est en train de chercher une idée pour
composer un morceau sur le violon, quoi !… Il cherche, il a pas l’air
malheureux du tout, il a l’air pensif… je sais pas… j’ai pas autre chose…
C’est un Allemand, un Français, un Italien ou un Suisse… C’est un Suisse
Allemand, un petit Français d’Alsace-Lorraine, il va manger sa quiche
après… je l’appellerai Henri ou Théodore, quelque chose dans ce goût-là,
je sais pas. »
L’instabilité identitaire apparaît dans la multiplication des nationalités
attribuées au personnage sans qu’aucune ne fasse l’objet d’un
investissement spécifique.
Planche 13 B
« C’est un enfant, il a l’air de vivre dans un milieu plutôt pauvre, sans
personne. Il a l’air de vivre dans une HLM. Ça ressemble peut-être à une
cabine de plage, alors quand à ce qu’il pense, vu son visage, c’est dur à
dire. On peut supposer qu’il attend quelqu’un, père, mère, frère aîné ou
camarade ou la mer si c’est la mer […]. »
Cette énumération où tout est mis sur le même plan rend compte de
l’absence d’investissement d’objets privilégiés. Ce mécanisme révèle la
grande fragilité des objets, en écho à un manque total de fiabilité des
repères internes.
E3-3 : Désorganisation temporelle, spatiale ou de la
causalité logique
Il s’agit d’un procédé relativement rare qui, dès lors qu’il est massif,
s’inscrit dans un fonctionnement psychotique assez clair. Il doit être
différencié d’un moment de trouble tel qu’on peut le trouver dans d’autres
modalités de fonctionnement.
Désorganisation temporelle, spatiale
Ce procédé relève d’une confusion des temps (présent, passé, futur) ou
entre les espaces et renvoie à la perte des repères internes.
Planche 8BM
« Donc c’est un jeune garçon… + dont le frère… + a été tué dans une
partie de chasse… + et… il ne veut pas que son frère… serve de cobaye à
la science… + Donc il voudrait recueillir les cendres de son frère pour les
jeter au vent à l’endroit même où il a été tué… comme s’il renaissait…
+ et en même temps il se voit lui-même chirurgien plus tard et il se dit
qu’il aurait pu sauver son frère s’il avait pu extraire la balle… ++ et le
personnage principal, il a un visage un peu efféminé, il a l’air assez âgé,
d’avoir une vingtaine d’années et en même temps un peu efféminé, c’est
la chevelure qui fait ça… il est un peu ambigu. »
La massivité des fantasmes réactivés à cette planche entraîne la perte des
repères temporels et la confusion des espaces, dans un contexte de perte
identitaire majeure.
Planche 8BM
« Ah ça ! Ça parle d’un, d’un de la médecine. C’est un bonhomme qui
essaie de sauver un soldat, touché par une balle parce qu’on voit un
pistolet. On voit un étudiant à la cravate. C’est peut-être le soldat qui est
soigné avant. [Fin ?] L’opération réussit. »
La confusion des repères temporels dans ce récit déstructuré rend compte
de la confusion identitaire entraînée par la massivité des vœux de mort.
Désorganisation de la causalité logique
Ce procédé met au jour le défaut de cohérence des liens entre des pensées
ou des actions.
Planche 13MF
« Je sais pas ce qu’ils peuvent faire tout habillés. Je peux inventer une
histoire très bête, il est en train de mettre la montre à son oreille pour voir
si l’heure marche, si sa montre ne s’est pas arrêtée, parce qu’il faut qu’il
parte, parce que c’est une maîtresse là… voilà, il va rentrer chez lui
étudier, parce qu’il a ses bouquins qui sont là. »
La réactivation d’une fantasmatique sexuelle entraîne des efforts
d’esquive importants aboutissant notamment à des troubles de la
cohérence logique de la pensée (« parce que »).
Planche 9GF
« Mais où court-elle ? Qu’est-ce qu’elle fuit comme ça ? Qu’est-ce
qu’elles ont vu ? Elles ont peur ? La petite a peur, ça se voit sur son
visage. L’autre, je ne suis pas sûre, si, elle a l’air un peu inquiète. Est-ce
que c’est la pluie qui les fait fuir ? C’est un cahier qu’elles ont, elles
avaient commencé à travailler. Et bien, c’est un projet qui est à l’eau, il
faudra travailler ailleurs et fuir la forêt. C’est curieux comme elle enlace
l’arbre la grande. C’est vrai, finalement on va souvent vers un arbre. »
Tout le récit est rythmé par des interrogations tendant à circonscrire le
mouvement conflictuel en déplaçant la menace à l’extérieur de la
relation. La réflexion finale rend compte de la perte de la causalité
logique entre les pensées.
E3-4 : Perception d’objets détériorés ou de
personnages malades – Images de corps malformés
La projection met à mal le rapport au percept en déformant des objets ou
des personnages. Il s’agit donc d’une modalité de la fausse perception. Ce
procédé révèle, en général, l’existence sous-jacente d’une représentation de
soi atteinte dans ses fondements identitaires.
Planche 1
« Ça, c’est un enfant qui a une malformation des yeux, qui voudrait être
violoniste mais il ne peut pas lire les partitions, il est triste… et il va
décevoir son père, il est un peu découragé quoi… ++ Voilà. »
Le retentissement de l’angoisse de castration conduit à une atteinte de
l’identité du personnage dont l’intégrité corporelle est affectée. Cette
distorsion perceptive constitue un motif arbitraire en lien avec le vécu
d’incapacité à satisfaire les attentes de l’objet.
Planche 3BM
« C’est une femme qui s’allonge sur un drap. Elle est bossue.
Apparemment elle dort. C’est tout ce que j’ai à dire. »
La résonance aux sollicitations dépressives de la planche conduit à la
perception d’un personnage malformé, témoignant de l’atteinte de la
représentation de soi.
E4 : Altération du discours
E4-1 : Troubles de la syntaxe, craquées verbales
Ce procédé est coté pour toute perturbation dans la construction de la
phrase qui signe la défaillance des processus secondaires sous l’impact du
fantasme, tels que les lapsus par exemple. Cet item se rencontre donc dans
tous les types de protocoles et ne revêt pas nécessairement une signification
pathologique. En revanche, dans les fonctionnements psychotiques, les
néologismes ou autres bizarreries verbales soulignent la faillite de
l’adhésion au sens commun des mots et la présence de processus de pensée
désorganisés.
Planche 4
« Un mari qui semble attiré par un spectacle… ou une autre femme. Sa
femme cherche à la retenir. L’homme semble assez décidé. La femme se
fait suppliante. J’espère qu’il se laissera convaincre par sa femme et
rentrera dans la ligne la plus morale. »
La craquée verbale révèle ici le trouble identificatoire lié au conflit de
rivalité œdipienne éveillé par les sollicitations latentes.
Planche 3BM
« C’est une personne, euh buchée sur un lit par terre. C’est tout. (?) Elle
serait relevée… ou dormir sur un lit. [Regarde par la fenêtre.] »
Les troubles de la pensée s’expriment dans le discours, comme en
témoignent aussi bien l’utilisation du néologisme (« buchée ») que les
troubles de la syntaxe (« serait relevée ou dormir »).
E4-2 : Indétermination, flou du discours
Le discours est vague et perd de sa cohérence. Ce procédé peut apparaître
dans divers registres et ne constitue pas un indice diagnostique. Il renvoie à
une infiltration du cours de la pensée par le processus primaire.
Planche 7GF (registre névrotique)
« Je vois pas du tout. Une maman raconte… lit des histoires à sa petite
fille et ça la fait réfléchir aux difficultés que donnent les enfants à leurs
parents et les difficultés aussi… la surveillance que donnent des jeunes
bébés à des jeunes mamans… parce qu’elle tient sa poupée dans ses
bras… voilà. »
Les considérations générales sur les liens parents enfants conduisent à un
certain flou du discours, témoignant des difficultés à traiter le conflit dans
la relation mère/fille.
Planche 10
« Toujours un rôle à jouer dans la vie… comme mon père me disait le
chancelier de l’Échiquier… une femme elle a les mêmes oreilles que
moi… avec une autre femme… on n’arrive pas à distinguer… du
maquillage dans ses ongles c’est triste peut-être son fils il va partir en
voyage… On termine tous un jour dans un brancard, les gens craignent la
mort, on peut voir un psychiatre ou un psychologue… film sur la
Résistance française. »
Ce récit, entièrement construit en associations courtes, révèle la massivité
de la désorganisation identitaire et des processus de pensée.
E4-4 : Symbolisme hermétique
Il s’agit de considérations métaphysiques portant sur la vie, la mort, le
bien, le mal… Le symbolisme hermétique diffère du « symbolisme
transparent » (B3-2) dans la mesure où le discours du sujet n’est plus
partageable avec autrui. Il est susceptible de devenir délirant.
Planche 19
« Alors là c’est le fouillis, c’est un monde imaginaire qui n’existe pas du
tout, ça représente pas grand-chose et si j’étais un gosse de 8 ans je dirais
que c’est la maison du père Noël et quand je vois les deux trous ça me
rappelle Romulus et Remus parce que si les deux trous sont identiques il y
en a toujours un qui est plus fort que l’autre et Romulus a tué Rémus et
est devenu le premier roi de Rome… je trouve qu’il n’y a pas besoin de
deux cercles pour représenter la totalité de l’univers, un seul cercle suffit
à représenter la totalité de l’univers. »
Face à cette planche non figurative, les symbolisations peu partageables
témoignent de la perte des repères identitaires et de la confusion des
espaces.
Planche 16
« Donc… quelquefois c’est la peur du vide, la peur du blanc, la peur de
l’effacement… c’est pas une histoire, une juxtaposition de sensations…
c’est aussi l’amnésie, c’est tourner une nouvelle page, avoir le courage
d’effacer ce qu’on a pu vivre comme échec pour se reconstruire sur des
bases saines et blanches, immaculées quoi… ça symbolise le fait qu’il faut
pas se rattacher au passé… pas être nostalgique… c’est également la
feuille de papier, une forme géométrique, une forme de rectangle… Donc
c’est très rationnel… il y a pas de couleur… donc c’est un peu froid,
insensible… + ça représente aussi un piège qui serait recouvert par la
neige et qui serait pas décelable… comme un étang qui serait craquelé et
qui serait recouvert de neige. Et puis le blanc, c’est aussi la pureté, la
virginité… il y a pas beaucoup de folie quoi, ça manque de vie, c’est un
peu inanimé… »
Ce récit dominé par des symbolismes hermétiques témoigne de la
massivité des troubles de la pensée. L’hermétisme du discours reflète
l’envahissement de la pensée par une activité délirante venant lutter
contre l’activité de déliaison.
6. Synthèse
Après la cotation de chaque récit, il s’agit de remplir la feuille d’analyse
dans son intégralité, afin de déterminer les procédés du discours privilégiés
dans la construction des récits de l’ensemble du protocole. La synthèse doit
permettre de rendre compte de la diversité des agencements défensifs,
mobilisés pour traiter les conflits réactivés par le contenu latent des
planches, et des registres de problématiques prévalents. Elle conduira à
poser des hypothèses quant aux modalités de fonctionnement psychique du
sujet.
6.1 Procédés du discours et organisation
défensive
6.1.1 Regroupement des procédés du discours
Le regroupement des procédés du discours sur la feuille d’analyse
constitue un moment important et décisif dans l’interprétation d’un
protocole, il participe du dégagement de l’organisation défensive privilégiée
au sein du fonctionnement psychique. Il s’agit d’une démarche délicate en
ce sens qu’elle ne consiste pas en une simple évaluation quantitative qui
conduirait à « dresser un catalogue » des procédés présents ; elle exige de la
part du clinicien des connaissances approfondies en psychologie clinique et
en psychopathologie qui viendront, en s’articulant avec les résultats de
l’analyse, leur donner sens.
En pratique, le regroupement des procédés revient à les cocher sur la
feuille d’analyse en tenant compte de la fréquence de leur apparition et de
leur poids dans le processus associatif en fonction des opérations
psychiques qui les sous-tendent. Ces deux critères ne sont pas
nécessairement liés : en effet, certains procédés peuvent être peu fréquents
et marquer la présence de mécanismes défensifs particulièrement
significatifs, alors que d’autres procédés discursifs, bien que fréquents, sont
peu spécifiques. Cette méthode implique une démarche conjointe à la fois
qualitative et quantitative.
Les procédés du discours rencontrés dans le protocole sont représentés sur
la feuille sous la forme de croix : + (présents) ou ++ (fréquents) ou +++
(très fréquents).
On obtient une évaluation qui permet de repérer : le poids plus ou moins
important de certains procédés, les répartitions opérées au sein de chaque
série et dans les différentes séries, ainsi que leur articulation : prévalence
des procédés A ou B associés à E ou à C, ou encore prévalence de C
associés à E et à A ou B…, toutes les configurations sont possibles et
témoignent de la richesse et de la complexité psychique de chaque individu.
Par exemple :
• Au sein des procédés de la série A, certains, comme les précautions
verbales (A3-1), les descriptions (A1-1) sont susceptibles d’être
régulièrement retrouvés quelle que soit l’organisation psychique. D’autres
procédés (A1, A2-4 et A3-4) sous-tendus par la conflictualisation
intrapsychique rendent compte d’une distinction claire entre réalité interne
et réalité externe et mettent plus spécifiquement en évidence la dimension
interne du traitement du conflit pulsionnel. L’association de ces procédés
est susceptible de signer la nature névrotique du conflit s’ils rendent
compte de l’existence de mécanismes de défense spécifiques. Ceux-ci
traduiront l’écartèlement du sujet entre des positions contradictoires, la
lutte entre désirs et défenses et l’existence d’un conflit plus ou moins
important entre les instances psychiques.
• Les procédés de la série E n’auront pas le même poids selon qu’il s’agit de
procédés E4-1 « craquées verbales », présents dans tout récit, ou de
procédés E3-1 « confusion des identités-télescopage des rôles » et E2-2
« thèmes de persécution ». Ces derniers alerteront le clinicien quant au
recours à des mécanismes projectifs pour lutter contre le risque de
confusion entre dedans et dehors, entre moi et non-moi.
6.1.2 Procédés du discours et organisation défensive
Une fois les procédés du discours reportés sur la feuille d’analyse, le
psychologue va centrer son attention sur les particularités qualitatives de la
construction du discours, à savoir la nature, la diversité, la succession des
procédés du discours. Il est nécessaire de respecter la dialectique du
fonctionnement psychique en analysant les articulations singulières des
procédés apparaissant non seulement à chaque planche mais aussi dans
l’ensemble du protocole : quels sont les procédés mobilisés de façon
privilégiée ? Y a-t-il une surcharge de certains d’entre eux ? Le sont-ils de
façon répétée à toutes les planches ou à des planches spécifiques ?
Comment s’articulent-ils ? Y a-t-il répétition de séquences associatives ?
Permettent-ils de traiter le conflit, et de quelle manière ?
Cette analyse soutient la mise en évidence des mécanismes de défense et
des conduites psychiques qui les sous-tendent, ils seront ensuite interprétés
en termes de modalités de fonctionnement psychique et/ou
psychopathologique.
La forme et l’organisation des récits, leur fluidité et leur cohérence,
rendent compte de la dialectique des processus primaires et secondaires et
des principes de plaisir-déplaisir et de réalité. Elles relèvent de formations
de compromis entre les pressions fantasmatiques et les défenses, permettant
l’aménagement et l’expression des représentations et des affects suscités par
le matériel. Dans certains cas, les procédés assurent la liaison entre affects
et représentations. Dans d’autres cas, et parfois au sein d’un même
protocole, on assiste à des mouvements de déliaison, voire à des ruptures
drastiques dans le processus associatif.
Dans quelle mesure ces modalités favorisent-elles une circulation des
messages intrapsychiques ou constituent-elles un obstacle ? Quelle
dynamique sous-tend les possibilités de construction et les éventuelles
altérations du discours ? Quelle quantité d’affects ou quelle inhibition
entrave le travail de la pensée ?
Évaluer les modalités de l’organisation du discours au TAT consiste ainsi à
prendre en compte : le mode de construction des récits ; l’éventail des
procédés et leur articulation ; le lien et les écarts entre affects et
représentations ; la résonance fantasmatique aux contenus latents du
matériel ; le poids des mobilisations défensives et leur efficacité pour traiter
l’angoisse et les conflits. La nature des procédés mis en œuvre, leur valeur
économique et dynamique et surtout leurs constellations sont autant de
témoins des modalités du fonctionnement psychique individuel.
Planche 2
+ Alors là, je vois une famille d’agriculteurs : le père qui travaille aux
champs, sa femme qui l’aide et… et ils ont une fille… une fille dont ils
espèrent peut-être qu’elle aide aux champs, qu’elle travaille avec eux.
Mais en fait, elle préfère… elle a des livres à la main, elle préfère étudier,
elle préfère faire un travail plus intellectuel, plus cultivé que travailler aux
champs avec eux. Alors si… Alors les parents sont un peu déçus au début,
mais comme c’est la voie qu’elle a choisie, la fille progresse en ce sens et
elle devient une institutrice ou professeur de collège ou même
d’université, et ses parents sont fiers d’elle.
Planche 3BM
+ Bon alors là… Quelqu’un qu’est… apparemment déprimé… effondré…
Mmhh… + Soit par la perte d’un être cher à qui il tient beaucoup, il ou
elle, un être cher qui est parti ou décédé, qui l’a abandonné, comme il y
tenait beaucoup, comme elle reposait tous ses espoirs sur cette personne,
elle est déprimée, maintenant qu’elle ne l’a plus. Mais quand elle aura
pleuré toutes ses larmes et le gros du chagrin passé, bah, elle reprendra le
dessus, se fera une raison, qu’elle, au moins, est vivante et a sa vie à faire.
Puis elle reprendra espoir, retrouvera d’autres centres d’intérêt, sans
oublier complètement le passé, sans se laisser dépasser par lui, sans se
laisser engloutir.
Planche 4
[Prend la planche en mains puis la repose.] ++ Un couple. La femme a
l’air de tenir beaucoup à l’homme, elle attend quelque chose de lui, qu’il
l’aime, qu’il l’enlace ou que tout simplement il reste avec elle. Mais lui, il
semble s’en désintéresser. Il a le regard porté sur autre chose. Il semble
attiré par autre chose alors qu’elle semble vouloir détourner son attention,
retourner son attention sur elle. Mais lui, il reste concentré sur ce qui
l’attire, un pôle d’attraction, un centre d’intérêt qui n’est pas elle… et il va
y aller et la laisser sans qu’elle puisse le retenir.
Planche 5
++ On dirait une mère qui… qui regarde dans la chambre de… on
pourrait dire dans la chambre de son fils et qui euh… qui s’attend à le
trouver endormi et qui, en fait, se rend compte qu’il a découché, qu’il
n’est pas là… alors elle reste surprise… + et puis elle comprend pas mais
son fils revient… revient la voir le lendemain pour lui expliquer où il
était, la rassurer.
Planche 6BM
+ Là je verrais quelqu’un qui vient… un ami du fils de la femme qui vient
lui apprendre que quelque chose est arrivé à son fils, qu’il est… qu’il a eu
un accident… et il vient la chercher pour aller à son chevet parce qu’il la
demande… et elle va le voir et il… en fait c’était un accident grave mais
il s’en remettra. C’était une grosse frayeur… et puis c’est tout.
Planche 7BM
+ Alors là on dirait un fils, quelqu’un qui parle à son père, qui parle de
quelque chose qui l’a déçu ou chagriné et annonce que ça va pas… que ça
va pas avec sa femme… qu’il s’entend pas… enfin que sa relation, que la
relation ne va pas bien entre eux… que ça va pas dans son travail non
plus, qu’il se sent pas bien, qu’il se sent pas bien dans sa peau et il en
parle à son père, qui l’écoute patiemment, qui essaie de le conseiller, de
lui redonner espoir, de lui redonner confiance. Ce qu’il arrive à faire
puisque son fils repart avec la volonté de… d’améliorer la relation avec sa
femme, de se donner dans son travail pour qu’il se sente mieux et plus à
l’aise dans ce qu’il fait.
Planche 8BM
[Fait la moue, regarde la planche, semble déconcerté.] +++ Je dirais
quelqu’un qui, un enfant, un adolescent dont le père est chirurgien ou
médecin et il… il a envie de voir comment il travaille parce qu’il s’y
intéresse, par rapport à ce que son père lui en a dit, ce que c’est
exactement. Il accompagne son père, lequel doit effectuer une opération,
mais en voyant ce que son père va faire ou doit faire, il préfère tourner le
dos et ne pas regarder parce qu’il pense qu’il ne pourra pas supporter la
vue de l’opération. Et après l’opération, il retrouve son père, l’opération à
laquelle il n’a pas assisté donc, et il lui dit qu’il pourra jamais faire ça,
qu’il sera pas chirurgien, qu’il pourra pas faire ce genre d’opération.
Voilà.
Planche 10
++ Je vois un… un mari qui récomp… qui réconforte sa femme parce
que… + parce qu’elle n’a pas de travail et que… qu’elle sait pas si elle en
trouvera un… qu’elle sait pas si… elle pourra un jour travailler elle aussi
et gagner de l’argent elle aussi, parce qu’elle perd confiance en elle à
chercher du travail et à ne pas en trouver un. Et lui, il la réconforte, il
essaie de lui redonner espoir, il met en avant ses qualités, ses capacités
pour lui… pour lui faire comprendre qu’elle peut… qu’elle peut y arriver,
trouver un travail et faire quelque chose… et ça la rassure et elle reprend
confiance en elle.
Planche 11
[Prend la planche en mains, la regarde attentivement.] ++ Alors là, je vois
un dragon qui empêche des soldats… des… de traverser un pont… qui les
agresse et eux, ils se protègent derrière le bouclier, derrière leur bouclier.
Et comme ils sont suffisamment nombreux et qu’ils ont suffisamment de
boucliers pour se cacher derrière, ils arrivent à progresser sans être
touchés par les flammes du dragon, car il ne peut que lancer des flammes,
et à traverser, hors d’atteinte.
Planche 12BG
[Prend la planche, la regarde attentivement.] Là un coin, un coin
tranquille, champêtre, un arbre en fleurs, un plan d’eau près duquel va
venir un jeune couple. Alors ils vont se sentir en sécurité, suffisamment
bien, au sein de la nature, pour se déclarer leur amour… et plus tard, ils se
marient et ils reviennent régulièrement à cet endroit-là pour se souvenir de
leur première déclaration.
Planche 13B
Un petit garçon qui vit encore chez ses parents, qui ose à peine sortir de la
maison, qui reste sur le pas de la porte. Il… ouais… il reste sur le pas de
la porte pour regarder le monde, regarder les gens tout en restant chez lui,
car sur le pas de la porte, il peut toujours rentrer. Pourtant, il regarde le
monde avec envie, envie de s’aventurer, de découvrir les choses… et
euh… plus tard, enfin, à force, quand il sera plus grand, il trouvera le
courage d’aller autour de la maison, puis plus loin. Quand il sera, quand il
se sera fait au monde, quand il se sentira aussi bien chez lui que dans le
monde, il reviendra chez lui, passer de temps en temps dans la maison de
son enfance.
Planche 13MF
Quelqu’un qui… qui rentre… qui rentre chez lui et qui trouve sa femme,
sa femme morte à la suite d’une maladie… ouais… + et il est triste,
dégoûté parce qu’il a rien pu faire pour la sauver. + Il va être déstabilisé
pendant quelque temps et il va surmonter son chagrin et il va continuer à
vivre, parce qu’il est toujours vivant.
Planche 19
[Prend la planche, puis la repose.] C’est une maison recouverte de neige,
une maison euh… chaude, enfin chauffée, chaleureuse, avec un petit
garçon qui regarde par la fenêtre, qui attend le Père Noël, qui espère le
voir, puis il s’endort et quand il se réveille, le Père Noël est déjà passé et
euh… il est un peu déçu et il se dit que l’année suivante, il le ratera pas.
Planche 16
[Rit, regarde la planche en souriant.] C’est un bateau qui navigue dans la
brume. Aucune visibilité. Il peut que se diriger à la boussole et d’après la
dernière position qu’il connaissait. Il espère sortir de la brume. Il navigue
ainsi pendant des heures, quelques jours. Son équipage commence à
désespérer de jamais sortir de là, pense être complètement perdu. Sauf le
capitaine qui, lui, dirige le bateau dans la brume, en fonction de ses
calculs et de sa boussole et qui, malgré tout, reste confiant. Et il finit par
sortir de la brume sans avoir percuté la moindre terre, sans avoir fait
naufrage. Voilà.
6.4.3 Procédés du discours et organisation défensive
Le protocole de TAT de Michel confirme l’importance de l’inhibition. Les
temps de latence nombreux, parfois très longs, et les hésitations témoignent
du poids du contrôle au risque du remâchage, si bien que d’autres défenses
(dénégation, isolation, formation réactionnelle) sont peu utilisées. Peu
précis, les motifs des conflits et les identifications sexuelles confirment
l’action puissante du refoulement. La lisibilité des histoires demeure
effective et la conflictualité traduite par les tourments internes des
personnages permet de saisir l’acuité de l’opposition désir/défense. La
spontanéité associative se déploie mieux aux planches peu figuratives où
l’absence de personnages permet paradoxalement leur représentation sur la
scène psychique de façon souple et soutenue au plan de l’expression de
motions pulsionnelles libidinales et agressives.
La présence consistante des procédés labiles est une heureuse surprise :
investissement dramatisé et conflictuel des objets d’amour et de rivalité,
accent porté sur les relations interpersonnelles, symbolismes transparents,
contraste entre représentations, introduction de personnages ne figurant pas
sur l’image. Les affects associés sont mesurés parfois forts et concernent les
registres de l’amour, de la tristesse, de l’angoisse, plus discrètement de
l’agressivité.
L’enjeu narcissique lié au conflit avec le rival et à la conquête de l’objet
d’amour est très présent ; la fonction d’étayage de l’objet atténue la valence
libidinale des relations, elle justifie le rapproché avec l’objet d’amour et
permet le rapproché avec l’objet rival, également objet d’amour (œdipe
inversé).
Les manifestations hors récit sont peu fréquentes et accompagnent plus le
récit qu’elles ne l’entravent : rires congruents avec la thématique ou la
facture de la planche, prise en mains des planches peu figuratives qui
suscitent moins d’inhibition.
Rares également sont les émergences du processus primaire : scotome
d’un personnage dont la présence sur la scène du conflit psychique est
évidente, expression massive concernant l’appréhension de l’impuissance
face au risque de débordement dépressif lié à la perte de l’objet d’amour,
léger trouble discursif lié à l’interdit de la satisfaction du désir et à la
représentation d’incapacité.
Ce protocole de TAT permet ainsi de repérer combien Michel utilise les
éléments majeurs du contenu manifeste au sein de scénarios amplement
inscrits dans les références communes de la réalité externe tout en ayant une
indéniable résonance fantasmatique au contenu latent des planches.
Processus primaire à bas bruit et processus secondaire entrecroisent là les
fils de leurs dynamiques en laissant s’exprimer une vitalité psychique et
transparaître des potentialités affectives. Les défenses mobilisées sont de
facture névrotique ; elles sont rigides et inhibées, mais assouplies par les
défenses labiles, et les émergences projectives qui sont très bien contenues.
6.4.4 Problématiques : registres et traitement des
conflits
Ce protocole confirme la valeur organisatrice et compliquée de la
dynamique identificatoire pour Michel qui déploie de façon contrastée,
assumée ou défendue, des représentations de relations conflictuelles,
nourries de modalités franchement libidinales et plus difficilement
agressives. La revendication pulsionnelle et la lutte contre sa satisfaction
mobilisent des représentations de conquête et de renoncement, de positions
actives et passives, qui peuvent engager des vacillements identificatoires
afin de contenir les représentations du désir, de la castration, de
l’empêchement et de l’impuissance qui mobilisent pour beaucoup les
figures maternelle (tantôt active, tantôt passive) et paternelle (toujours
nantie, parfois évitée).
Les échos narcissiques douloureux de ces expériences ne sont pas toujours
suffisamment bien endigués : le sentiment d’incapacité, d’impuissance, si
ce n’est d’échec, est souvent associé à l’expression des fantasmes œdipiens,
et ce, bien plus fréquemment que des représentations à valence positive. Et
c’est souvent à la faveur de l’émergence de telles représentations que sont
exprimés des affects dépressifs dont on peut saisir l’appréhension anxieuse
prenant racine dans l’intrication forte de la sexualité et de la mort et la
difficulté de renoncer.
La confrontation à des exigences surmoïques est douloureuse et entrave le
déploiement des fantasmes agressifs, privilégiant le retournement sur soi
par la mise en avant récurrente de représentations d’incapacité, ainsi que
des fantasmes incestueux. Le repli sur des positions régressives d’étayage
en position active ou passive témoigne des renoncements inachevés tant aux
objets œdipiens, car même sous couvert d’être davantage en situation de
besoin que de désir, de fragilité ou d’impotence que de puissance, les
rapprochés tendres avec les figures parentales n’en demeurent pas moins
investis et attendus.
La problématique œdipienne prévalente est donc confirmée. L’angoisse de
castration est centrale, souvent aiguë et liée à des affects dépressifs et de
dévalorisation narcissique.
6.4.5 Synthèse Rorschach et TAT
Le Rorschach et le TAT permettent des dégagements respectifs très
congruents et complémentaires. Le TAT a permis à Michel de déployer des
potentialités (représentations de relations, affects) que l’on pressentait bien
plus inhibées qu’inexistantes. Les deux épreuves confirment l’organisation
névrotique de son fonctionnement psychique, conflictuelle, douloureuse,
marquée par l’ambivalence, par des représentations et des affects de désir,
d’impuissance, de passivité risquée, de soumission contrainte. Cette tension
interne n’est pas négligeable tant Michel est tiraillé, écartelé entre des désirs
contradictoires, des représentations et des affects par lesquels il craint d’être
débordé et que ses mécanismes de défense tentent de contenir. À la crainte
de mal faire s’associe en fait l’angoisse de faire mal, ce qui mobilise une
inhibition d’allure phobique. Néanmoins, Michel montre une continuité,
une plasticité et une mobilité psychiques évidentes, témoignant de capacités
associatives tout à fait remarquables et favorables à un engagement
psychothérapique.
Partie 4
Perspectives cliniques
et psychopathologiques
Chapitre 15
Perspectives
psychopathologiques :
évaluation du fonctionnement
psychique, diagnostic,
pronostic
Sommaire
1. La dialectique du normal et du pathologique
2. La psychopathologie psychanalytique
3. L’angoisse et les mécanismes de défenses au
Rorschach et au TAT
1. La dialectique du normal et du
pathologique
Parmi les idées introduites par Freud et génératrices de scandale –
l’existence de l’inconscient, la place et la fonction essentielles de la
sexualité dans le développement et l’histoire du sujet – celle qui affirme la
continuité entre le « normal » et le pathologique continue de susciter des
résistances majeures. Le point de vue freudien soutient, en effet, que se
retrouvent chez les sujets souffrant de troubles psychiques et notamment de
psychonévroses, des formations psychiques certes plus aiguës, plus
caricaturales, plus massives, mais auxquelles s’apparentent nombre de
conduites mentales « normatives ». La psychopathologie offrirait en
quelque sorte un grossissement des traits psychiques qui permettrait d’en
étudier la genèse, la structure et le fonctionnement dans la clinique du
« normal ».
Il est difficile de penser aujourd’hui que les sujets « normaux » n’ont pas
d’inconscient ou que leur fonctionnement psychique ne pourrait s’analyser
en référence au modèle de l’appareil psychique tel qu’il a été élaboré par
Freud. Il serait impensable, par ailleurs, d’appréhender les conduites
psychiques « normatives » comme un ensemble isolé, spécifique, étanche,
fonctionnant au mieux de ses possibilités sans périodes sensibles, sans
points fragiles, dans une permanence et une uniformité jamais démenties.
Toute histoire de vie comporte des passages difficiles, la confrontation
inéluctable à des pertes et à des déceptions, bref à des expériences parfois
pénibles, parfois douloureuses qui laissent leurs traces, même si le sujet est
tout à fait capable de les surmonter. On est donc loin de certaines
conceptions qui clivent absolument le « normal » et le pathologique, en
reléguant ce dernier dans le domaine de la folie et de l’aliénation. Cela ne
signifie pas pour autant un nivellement de tous les troubles et de toutes les
maladies psychiques : certaines pathologies sont plus graves et plus
invalidantes que d’autres ; la souffrance psychique qu’elles déclenchent doit
être prise en compte ainsi que les moyens dont dispose le sujet pour tenter
de s’en dégager, notamment dans un processus de soins plus ou moins
lourd. C’est dans cette perspective que peut se saisir, comme nous l’avons
déjà souligné, l’intérêt du bilan psychologique.
En permettant l’étude de ce qui va mal mais aussi de ce qui pourrait aller
bien chez chaque individu, la rencontre projective s’engage au-delà de
l’analyse sémiologique : elle cherche à analyser le fonctionnement
psychique sous-jacent en déterminant ses aspects positifs et ses aspects plus
inquiétants ou plus précaires et fragiles. À cet égard, les données projectives
mettent clairement en évidence l’existence de productions ambiguës voire
pathologiques chez des sujets qui, par ailleurs, ne présentent aucune
symptomatologie préoccupante : la différence par rapport aux protocoles
pathologiques relève du caractère infiniment moins massif de ces
manifestations, de leur réversibilité et de l’existence conjointe de modalités
de fonctionnement appartenant à d’autres registres plus opérants, plus
riches, plus souples et donc plus dégageants. Il faut notamment rappeler
l’importance des mouvements régressifs dans les perspectives
psychodynamiques : le « retour en arrière », le recours à des conduites
psychiques dites « archaïques », parce que davantage caractéristiques de
l’enfance ou de la petite enfance, ne préjugent nullement de la dimension
pathologique de tel ou tel sujet. Chacun d’entre nous « régresse » chaque
nuit dans le sommeil, et cette régression, possible parce que la vigilance est
mise en veilleuse, est bénéfique aussi bien pour notre santé physique que
psychique. Il faut donc prendre garde, dans la clinique et plus
particulièrement dans la clinique projective, à ne pas se laisser abuser par
des équivalences trop massivement établies entre la régression et la
morbidité.
Les jeunes psychologues se laissent parfois prendre par ces repères
trompeurs : ils devraient revenir alors à la démarche épistémologique de
Freud, notamment dans les Trois Essais sur la théorie de la sexualité
(1905b). La première partie montre les dérives des déviations sexuelles
dans les perversions (une pathologie clairement analysée), mais aussi la
possibilité d’en retrouver des formes analogues dans la fantasmatique des
névrosés (autre pathologie tout aussi clairement étudiée). La deuxième
partie, consacrée à la sexualité infantile, dégage l’ancrage de ces conduites
et de ces fantasmes dans le développement de l’individu. Et la troisième
partie, qui traite des transformations de la puberté et de l’accès à la
sexualité génitale, suit le devenir de ces formations premières et leur
intégration effective à l’entrée dans l’âge adulte. Les références
« régressives » aux stades du développement libidinal, aux pulsions
partielles, constituent la matière première et toujours présente, le ciment en
quelque sorte de la dynamique du fonctionnement psychique, de sa fragilité
parfois, de sa richesse souvent.
2. La psychopathologie psychanalytique
Contrairement à une idée relativement répandue, les psychanalystes, à
l’instar de Freud, ont toujours gardé le souci d’une nosologie permettant
d’établir des classifications des troubles psychiques. D. Widlöcher (1984)
rappelle, en effet, que la démarche de Freud n’est pas seulement descriptive.
Dès 1880, c’est la découverte de Charcot à propos de l’hystérie qui
révolutionne la conception des névroses, considérées désormais comme un
ensemble de troubles déterminés par des altérations de l’activité psychique
que l’exploration de l’inconscient permet de saisir.
La nouvelle classification va s’articuler autour du rapport entre la prise de
conscience de la représentation refoulée et la levée du symptôme. Freud se
sert du critère d’analysabilité pour établir son système nosologique : il
oppose aux psychonévroses, les troubles mentaux qui ne sont pas
favorablement traités par la psychanalyse. Il distingue ainsi les
psychonévroses (hystérie, névrose obsessionnelle, phobies) dont le conflit
prévalent est déterminé par l’histoire infantile du sujet, et les névroses
actuelles (névrose d’angoisse, neurasthénie, hypocondrie) dont la cause est
cherchée dans les perturbations présentes du sujet. Par ailleurs, il oppose les
névroses de transfert aux névroses narcissiques et aux psychoses qui ne
peuvent nouer un transfert dans la mesure où les pulsions libidinales sont
trop focalisées sur le moi — point de vue nuancé, voire remis en cause, par
la psychanalyse actuelle.
Cette approche, selon D. Widlöcher, devrait laisser de côté les références
psychiatriques pour utiliser au mieux les apports spécifiques de la situation
thérapeutique et des paramètres qu’elle mobilise. Le psychanalyste, en effet,
même s’il pense en termes psychopathologiques hors de la cure, exploite
une sémiologie originale, directement fournie par le travail analytique et
notamment par le processus associatif et le transfert. Il se réfère également à
la métapsychologie psychanalytique et à ses concepts fondamentaux :
opposition entre contenu manifeste et contenu latent, processus primaire et
processus secondaire, régression, conflits, mécanismes de défense, pulsions.
Cette sémiologie psychanalytique ne renvoie pas à une classification des
maladies mais à une classification qui se réfère aux trois points de vue
classiques (dynamique, topique, économique) de la métapsychologie
freudienne.
Le point de vue dynamique envisage les phénomènes psychiques comme
résultant du conflit et de la composition de forces d’origine pulsionnelle
exerçant une certaine poussée. Les épreuves projectives apportent des
éléments sur les conflits qui s’expriment entre les instances et entre les
systèmes ainsi que sur les fantasmes et d’une façon générale sur la
circulation intra-psychique et les formes de liaisons et de déliaisons qui
s’élaborent.
Selon le point de vue économique les processus psychiques consistent en
la circulation et la répartition d’une énergie quantifiable, d’origine
pulsionnelle, c’est-à-dire susceptible d’augmentation, de diminution,
d’équivalence. Les épreuves projectives révèlent les forces et les faiblesses
du moi aux prises avec les pulsions et avec les représentations psychiques
issues de ces pulsions, ils renseignent sur la capacité du moi à tolérer
l’angoisse et les affects de déplaisir, en mettant l’accent sur la forme et
l’intensité de ces derniers ainsi que sur le poids des mécanismes de défense
mis en jeu.
Le point de vue topique suppose une différenciation de l’appareil
psychique en un certain nombre de systèmes ou d’instances doués de
caractères et de fonctions différentes et situés les uns par rapport aux autres,
ce qui permet de les considérer métaphoriquement comme des lieux
psychiques dont on peut donner une représentation figurée spatialement.
Les épreuves projectives révèlent les mouvements progrédients et
régrédients du fonctionnement psychique du sujet, c’est-à-dire ses
positionnements au sein de l’appareil psychique, en termes de première
topique Ics/Pcs-Cs et/ou en termes de seconde topique : ça-moi-surmoi.
Ainsi, la sémiologie psychanalytique est toujours susceptible d’être
utilisée quelle que soit l’organisation psychopathologique du sujet. On peut
toujours parler en termes de contenu manifeste et latent, de processus
associatifs ou de mécanismes de défense, et en référence aux trois de points
vue évoqués ci-dessus : le travail d’approfondissement consiste alors à
étudier la qualité singulière que prennent ces opérations mentales chez
chaque sujet.
Le psychanalyste dénonce l’établissement trop rapide d’un diagnostic à
partir de quelques signes flagrants : les repères n’impliquent pas ipso facto
l’existence d’une série qui leur serait inéluctablement associée. La rupture
et la discontinuité, la coexistence parfois hétéroclite de signes divers
doivent être analysées dans leur hétérogénéité, même si elles ne
correspondent pas absolument aux cadres nosologiques préconstitués. Le
psychologue projectiviste travaille avec un système analogue. Il s’attache à
une sémiologie singulière, dont il connaît les significations générales et
particulières, avec le souci d’en dégager, pour chaque individu et pour
chaque groupe, les liaisons et les incohérences, l’homogénéité ou la
discordance.
3. L’angoisse et les mécanismes de
défenses au Rorschach et au TAT
3.1 L’angoisse de castration
L’angoisse de castration est associée au fantasme correspondant qui
constitue, dans les théories sexuelles infantiles, une tentative de réponse à
l’énigme posée à l’enfant par la différence anatomique des sexes ; cette
différence, constituée par la présence ou l’absence de pénis, est attribuée à
un retranchement ou à une perte du pénis chez la fille.
Certains auteurs se sont efforcés de généraliser cette notion en situant
l’angoisse de castration dans une série d’expériences traumatisantes où,
chaque fois, intervient également une perte ou une séparation d’avec un
objet. Cependant, l’angoisse de castration, selon Freud, devrait être réservée
aux excitations et aux effets qui sont en relation avec l’absence ou la perte
du pénis.
On peut donc conserver cette acception freudienne, en notant sa fonction
structurante dans la sexualité chez les deux sexes, même si le complexe de
castration n’obéit pas au même ordre chronologique chez les garçons et
chez les filles par rapport au complexe d’Œdipe : il ouvre pour la fille la
recherche qui la conduit, à partir de sa déception narcissique, à désirer le
pénis paternel, et il constitue donc le moment d’entrée dans l’œdipe ; chez
le garçon au contraire, il constitue la période terminale de l’œdipe, puisqu’il
interdit au fils l’objet maternel incestueux : l’angoisse de castration engage
pour lui la période de latence et précipite la formation du surmoi.
Classiquement considérée comme fondement des organisations
névrotiques, l’angoisse de castration trouve cependant des traductions bien
différentes selon le type de problématique et selon la qualité des défenses.
Dans les protocoles labiles, les affects d’une façon générale, et en
particulier les affects d’angoisse, sont massivement utilisés pour lutter
contre l’émergence des représentations. Les affects sont exprimés très
fortement au niveau de la verbalisation et ne sont que rarement d’emblée
associés aux représentations. Ici l’angoisse est utilisée comme système
d’alarme pour se protéger d’une représentation désagréable, refoulée.
Dans les protocoles rigides, au contraire, les manifestations d’affects sont
données a minima. L’angoisse est donc perceptible dans le renforcement
des défenses, au Rorschach dans les modes d’appréhension où l’on trouve
une augmentation des G (souci de maîtrise) ou une multiplication des
découpes que dans le souci constant de coller à la réalité du stimulus
(réponse F), au TAT dans la mise en œuvre de tous les procédés de la série
A. Dans la majorité des cas, les représentations apparaissent tout de même
alors que les affects, eux, sont peu présents, et cela en fonction de
mécanismes d’isolation patents.
Dans les protocoles inhibés, on retrouve la restriction du champ perceptif
et la tendance à s’en tenir au concret, mais les affects peuvent apparaître de
façon massive, brutale, en particulier sous la forme du blocage et de la
sidération. La focalisation des images particulièrement investies et
porteuses d’angoisse est repérable par exemple aux planches noires et
rouges au Rorschach et aux planches 8BM, 11, 13MF ou encore 19, au TAT.
Cependant, le repérage de l’angoisse ne s’établit pas seulement au niveau
du décryptage des défenses. Le type de conflit, le niveau des préoccupations
dominantes du sujet constituent l’élément essentiel et se repèrent d’une part
dans la spécificité des réactions aux planches compte tenu de la symbolique
qui les sous-tend, d’autre part en correspondance avec ces planches, dans le
contenu des réponses et des récits. Par exemple, si l’on se situe au niveau de
la perte d’avoir, c’est-à-dire au niveau d’une problématique d’identification
sexuelle, l’angoisse se manifeste éventuellement face aux planches
réactivant la menace de castration, chez les hystériques, posant clairement
la question de l’identification sexuelle. Dans les protocoles de type
obsessionnel, cette problématique se retrouvera posée à travers les
difficultés du maniement de l’agressivité, l’identification active, masculine,
supposant alors l’impossible acceptation de l’agressivité et entraînant
angoisse et défense aux planches qui réactivent les pulsions agressives.
Dans ces cas, la problématique d’identification n’exclut absolument pas des
manifestations d’angoisse associées à des éléments de registre plus
archaïque, et en particulier ceux relatifs aux premières relations objectales.
On peut comprendre ainsi l’apparition d’angoisse par exemple aux
planches VII et IX au Rorschach et 11 et 19 au TAT. Celle-ci est liée au
sentiment de peur qui entrave l’émergence de fantasmes prégénitaux.
Mais en revanche, ne se pose pas, à propos de ces modes relationnels
primitifs, le problème de l’identité du sujet dans la mesure où celui-ci existe
en tant que sujet, entier et bien différencié par rapport à l’objet. On se
maintient ici dans le registre de la perte d’objet proprement dite, qui
suppose une nette différenciation entre l’intérieur et l’extérieur et
l’élaboration de la position dépressive.
Sommaire
1. Les névroses
2. La dramatisation, mode privilégié de traitement du
conflit intrapsychique
3. Les fonctionnements limites
4. Les psychoses : schizophrénie et paranoïa
1. Les névroses
L’utilisation de la méthodologie projective dans le champ névrotique est
devenue essentiellement d’ordre diagnostique dans la mesure où la question
régulièrement posée relève d’interrogations différentielles : les incertitudes
de la clinique, aggravées par des états de crises dépressives ou narcissiques,
conduisent à l’indication d’un bilan psychologique avec comme objectif la
différenciation entre névrose et psychose, et de plus en plus souvent entre
névrose et fonctionnement limite ou narcissique. Dans de telles
perspectives, le recours aux méthodes projectives occupe sa place dans
l’articulation logique d’une évaluation diagnostique et d’un projet
thérapeutique. À partir de la définition de la névrose par Laplanche et
Pontalis – « affection psychogène où les symptômes sont l’expression
symbolique d’un conflit psychique trouvant ses racines dans l’histoire
infantile du sujet et constituent des compromis entre le désir et la défense.
L’extension du terme de névrose a varié ; de nos jours, on tend à le réserver,
lorsqu’il est employé seul, aux formes cliniques qui peuvent être rattachées
à la névrose obsessionnelle, à l’hystérie et à la névrose phobique » (1967,
p. 267-268) –, nous pouvons retenir trois dimensions essentielles : la
référence à l’histoire infantile, le conflit intrapsychique et la notion de
compromis, l’expression symbolique. Ces trois dimensions sont liées les
unes aux autres : la symbolisation implique l’accès à un double registre
d’expression, manifeste et latent, c’est-à-dire à une double inscription
consciente-préconsciente/inconsciente (première topique). Celle-ci
témoigne de mouvements créés par une dynamique conflictuelle entre
instances psychiques (seconde topique). La source interne du conflit, sa
spécificité psychogène trouvent leur origine dans l’histoire du sujet, et dans
les versions qu’il s’en construit. Enfin, la confrontation entre désirs et
défenses trouve une « solution » de compromis qui permet de maintenir les
uns et les autres.
2.3 Conclusion
En résumé, la première caractéristique de la névrose revient à la source
sexuelle des conflits (Freud, 1898, 1905b) dont les traductions symboliques
constituent l’un des critères les plus pertinents au Rorschach comme au
TAT. La traduction symbolique implique des capacités de déplacement, ce
qui témoigne d’un premier travail psychique portant sur les
représentations : il y a déplacement d’un groupe de représentations à un
autre groupe de représentations qui conservent des liens les unes avec les
autres. La référence sexuelle des contenus symboliques revient à un
fonctionnement topique différencié grâce à l’activité du refoulement et à
l’émergence du retour du refoulé à travers des réponses symboliquement
claires : la fantasmatique sexuelle n’apparaît pas directement dans des
contenus crus, elle ne passe pas la censure, par le principe de réalité et
témoigne, ainsi, de l’organisation structurante de l’œdipe par
l’intériorisation de ses interdits.
La deuxième caractéristique des productions névrotiques met en évidence
la continuité et la mobilité du travail psychique. La continuité se traduit par
la liaison des mouvements associatifs, à la fois dans les contenus et dans les
conduites psychiques qui en permettent l’expression. Elle renvoie à la
stabilité de l’identité, à la solidité des barrières entre dedans et dehors
assurant au sujet le sentiment de continuité d’exister. La mobilité met en
évidence les capacités du sujet à utiliser plusieurs modalités de conduites
psychiques s’inscrivant dans un éventail plus ou moins large (selon la
gravité de la névrose). Les mouvements régrédients et progrédients
sollicités par la situation projective peuvent ainsi se déployer.
La troisième caractéristique renvoie à l’efficacité du refoulement au sens
où Freud, après l’élaboration de sa seconde topique, le définit dans
Inhibition, symptôme et angoisse (1926) : non pas en termes de rejet radical
et définitif des formations inconscientes gênantes, mais en termes de repli
transitoire, d’ensommeillement de représentations qui trouvent des voies
détournées pour poursuivre leur chemin.
Sommaire
1. Rorschach
2. TAT
3. Synthèse Rorschach et TAT
4. Protocole de Rorschach, Christelle 30 ans
1. Rorschach1
1.1 Dynamique de la passation
1.1.1 Clinique de la passation
La rencontre avec le matériel suscite d’emblée un mouvement projectif.
Christelle révèle dès la première planche l’impact excitant des stimulations
extérieures et sa difficulté à gérer la distance aux objets (« espèce de
chauve-souris mais elle est humaine parce qu’au centre il y a un corps de
femme assez menaçant. Elle a un trou à la place du nombril. Ça a l’air
soudé »). Elle tente ainsi régulièrement d’installer sur un mode défensif
fragile une distance avec le matériel, donnant à voir la précarité de ses
limites. Sa réactivité est grande ainsi que sa sensibilité aux divers aspects du
matériel extrême. On peut ainsi observer des différences importantes dans
ses réactions aux planches selon qu’elles sont noires, rouges ou pastel : le
recours aux déterminants, la capacité adaptative, le registre associatif
oscillent en fonction des sollicitations diversifiées des planches et de la
variation de leur contenu latent.
La relation avec la clinicienne semble néanmoins bien établie : Christelle
associe en sa présence sur un mode qui, loin de l’exclure, lui adresse ses
associations. Elle va même ponctuellement jusqu’à l’inclure dans ses
éprouvés en l’impliquant dans son mouvement projectif : « Une femme
assez bouffante, qui envahit parce que là c’est comme des bras, comme si
elle allait fondre sur nous. » L’étayage apporté par les interventions de la
clinicienne à l’enquête se révèle positif : s’il accentue la dimension
projective, il lui permet de développer parfois d’autres modalités
défensives, de construire au fil de la passation une représentation de
l’imago maternelle qui, grâce au clivage, montre dans l’épreuve des choix
un objet total, idéalement bon, protégé des éléments négatifs, lesquels sont
reportés sur un objet mauvais. À cet égard, on peut noter le contraste radical
entre les images présentées lors des choix positifs et des choix négatifs.
Ses formulations traduisent l’oscillation entre deux positions : dans un
effort d’étayage sur la réalité externe, elle présente souvent ses réponses
comme des évidences perceptives (« c’est ») qui ne se maintiennent pas
toujours à l’enquête (« mais c’est assez vague ») et qui peuvent être
ponctuellement arbitraires (« un papillon, parce qu’il est rouge ») ; d’autres
propositions sont plus nuancées et des précautions verbales témoignent de
la conscience d’interpréter. Les affects sont rarement exprimés, la tonalité
générale est dysphorique, parfois persécutive.
Le discours, clair dans l’ensemble, se trouve de temps en temps infiltré par
les émergences en processus primaire selon des modalités particulières : les
altérations du langage portent la marque de la superposition
concret/abstrait, voire des glissements d’un règne à l’autre, d’une espèce à
l’autre (« un pantalon qui fait bouffer », « son corps est un peu inexistant
parce que c’est un blanc », « un chat déplumé », « un tapis d’antilope »).
1.1.2 Données quantitatives
Le psychogramme montre clairement les aspects réactifs du protocole, ses
ressources et ses fragilités : le recours au déterminant formel semble faible
(F% : 42 %) et souvent inadéquat (F+% : 60), mais en réalité, l’inscription
dans la projection et l’intégration du sensoriel s’accompagnent d’un appui
ferme sur la forme (F% élargi : 79 %) et sur des modalités plus efficaces
pour maintenir une adaptation à la réalité commune (F+% élargi : 71 %).
Les tendances couleurs et kinesthésiques, nombreuses, confirment
l’importance de la participation projective et de la sensibilité au sensoriel
qui ne se limite pas aux planches pastel (RC% à la limite inférieure mais ΣS
important).
Planche 2
5” Alors là ça se passe avant la guerre de 14. La jeune fille c’est
l’institutrice. Alors elle est amoureuse de celui qui sème, du jeune homme
qui sème derrière elle. Et y a une femme enceinte qui a l’air assez sereine,
et la jeune fille a l’air d’avoir du mal à s’exprimer. Elle ose pas lui dire.
C’est une belle soirée. Y a une belle lumière. C’est l’automne. Juste avant
qu’il parte à la guerre lui. Alors elle le reverra peut-être plus. Il est beau.
Voilà.
Planche 3BM
5” C’est quelqu’un qui souffre. Il dort pas mais il est recroquevillé. Je
crois que c’est plutôt une fille et ça, c’est plutôt une image d’angoisse, de
fermeture. Il y a peut-être même un pistolet là. Peut-être qu’elle s’est tuée.
C’est une image de détresse quoi, oui. Elle est même difficile à regarder je
trouve.
Planche 4
5” Ça, c’est des amants… elle, elle essaye de retenir son attention, elle a
les ongles bien faits… Mais lui, il faut qu’il s’en aille parce qu’il est
préoccupé et elle, elle veut pas du départ, elle veut pas qu’il l’abandonne…
mais lui doit partir. Ça se passe à Casablanca, c’est comme le film
Casablanca, le film avec Humphrey Bogart et Ingrid Bergman. En fait,
c’est des acteurs hollywoodiens.
Planche 5
5” La femme elle a l’air sévère… elle ouvre la porte pour regarder si le
bébé dort. C’est pour cela qu’elle ouvre pas complètement, et elle va s’en
aller en refermant la porte quand elle aura regardé. Ça se passe en Hollande,
dans une vieille maison comme celles d’Amsterdam. La lampe est allumée.
Alors c’est le soir. En fait, elle couche son gamin pour la nuit quoi.
Planche 6GF
5” Ça aussi c’est un film. C’est Catherine Hepburn. C’est très
hollywoodien ça. Le héros avec la pipe. Ça donne une contenance. Elle, elle
a du caractère. Lui, il est un peu ironique. Mais il l’aime bien au fond… Il
est plus vieux qu’elle… alors il se moque un peu d’elle gentiment.
Planche 7GF
10” La jeune fille tient le bébé mais elle le tient bien mal parce qu’il a la
tête qui tombe. Elle lui soutient pas la tête. C’est sa grande sœur et la
gouvernante, c’est pas la mère. Oui ce qui me gêne c’est qu’elle le tienne
vraiment mal. C’est un tout jeune petit nouveau-né.
Planche 9GF
5” C’est une femme qui se regarde dans de l’eau, au bord de la mer. C’est
pareil. C’est un peu démodé la coiffure. Elle est jolie, elle s’appuie contre
un tronc d’arbre. Y a deux personnages, mais je pense qu’il y en a une qui
est le reflet. C’est assez serein.
Planche 10
5” C’est un baiser de deux personnes qui vont se quitter pour longtemps…
C’est plutôt un baiser filial, sur le front. C’est père et fille. C’est la tombée
du soir. Il fait nuit. Lui, il va partir à travers la forêt… C’est tout celui-là.
Planche 11
Celui-là, déjà il est difficile de trouver le sens < Ʌ 15”. C’est des gorges
dans la montagne avec un torrent. Sur la gauche on dirait un lézard. C’est
une cascade avec un petit muret en pierres. Je ne sais pas, y a une petite
arche avec des oiseaux dessus. C’est très sombre.
Planche 12BG
5” Ça c’est impressionniste. On dirait du Monet. Il aurait pu le peindre…
C’est la Venise verte, comme il y a au-dessus de La Rochelle, là où on est
allé en vacances, on a loué une barque, on a fait du canotage. Tout ça c’est
très humide. La barque prend l’eau peut-être.
Planche 13B
5” Ça, ça rappelle Le Kid de Chaplin. Il fait très chaud. Y a plein de
poussière et du mal à respirer. Il joue de l’harmonica. Ça se passe dans un
western. Le gamin là, il est seul. Ça me fait penser à l’autre gamin, le
premier, avec le violon. Lui, c’est l’harmonica, lui, il a envie de jouer, c’est
pas pareil.
Planche 13MF
5” C’est un couple. Ils viennent de faire l’amour. Elle, elle dort. Lui s’est
levé trop vite. Il a le vertige. C’est pour cela qu’il a le bras sur les yeux
comme ça. Il est d’âge mûr et il l’aime pas vraiment.
Planche 19
5” Ça, ça me fait penser à E la nave va de Fellini. Cette espèce de grand
bateau, un truc un peu Fantômas avec un masque. Je ne sais pas ce que
c’est, ça peut être un sous-marin avec des hublots. Il m’inspire pas
tellement celui-là.
Planche 16
C’est le grand vide ! C’est le désert ça. C’est fatigant ce test. De me
plonger dans tous ces univers différents, d’avoir l’imagination. Ça demande
une certaine concentration.
Compléments méthodologiques
Sommaire
1. Liste de D correspondant à la population 13-25 ans
1 bis. Liste de D correspondant à la population des
adultes de plus de 25 ans
2. Listes des banalités (13-25 ans et plus de 25 ans)
3. Tableau des moyennes et intervalles des normes
« adolescents/jeunes adultes » et « adultes » au
Rorschach
4. Rorschach – Psychogramme
5. Analyse planche par planche des protocoles de
Rorschach et de TAT de Michel, 24 ans
6. Démarche synthétique d’interprétation des données
projectives (Rorschach et TAT)
6 bis. Commentaires concernant la démarche
d’interprétation au Rorschach
7. Les comptes rendus cliniques à l’écrit et à l’oral
1. Liste de D correspondant à la population
13-25 ans
Planche I
D4 Détail médian en entier
D2 Détails latéraux, droit ou gauche, ou les deux
D7 Grand détail latéral supérieur
D1 Petits détails médians supérieurs
Planche II
D1 Deux détails noirs latéraux droit et/ou gauche
D3 Détail rouge inférieur
D2 Deux détails rouges supérieurs droit et/ou gauche
D9 Deux détails rouges supérieurs et le détail rouge inférieur
D10 Deux détails noirs latéraux et le détail rouge inférieur
D4 Détail pointe médiane supérieure noire
Planche III
D3 Détail rouge médian
D1 Deux détails latéraux noirs et détail noir médian
D2 Détail rouge supérieur latéral, droit ou gauche, ou les deux
D7 Détail noir médian entier
D14 Détail noir médian et détail inférieur du noir latéral
D6 Détail supérieur latéral : chacun des côtés
Planche IV
D1 Détail médian inférieur
D9 Ensemble de la tache sans le détail médian inférieur
D6 Détail latéral inférieur droit ou gauche, ou les deux
D2 Extrémité des détails latéraux inférieurs droit, gauche ou les deux
D4 Détails latéraux supérieurs droit ou gauche ou les deux
D3 Détail médian supérieur
Planche V
D10 Deux détails latéraux droit ou gauche, ou les deux
D4 Détails latéraux entiers droit ou gauche
D6 Détail médian supérieur
D9 Détail médian inférieur
Planche VI
D3 Détail supérieur de la tache
D1 Détail principal inférieur de la tache
D5 Axe médian entier avec ou sans les détails supérieurs latéraux
D6 Détails supérieurs latéraux
D4 Les moitiés droite ou gauche du détail principal inférieur
D6 Détails supérieurs latéraux seuls
Planche VII
D1 Premier tiers, ou détail supérieur droit, gauche, ou les deux
D3 Deuxième tiers, ou détail médian droit, gauche, ou les deux
D2 Premier tiers (D1) et deuxième tiers (D3) droit, gauche, ou les deux
D4 Troisième tiers ou détail inférieur entier
Planche VIII
D1 Détail rose latéral droit, gauche, ou les deux
D2 Détail rose et orange
D4 Détail gris supérieur
D5 Détail bleu
D9 Ensemble de la tache, à l’exception des détails roses latéraux (D2+D8)
D8 Détail gris et détail bleu
Planche IX
D6 Détail rose inférieur entier
D3 Détail orange droit, gauche, ou les deux
D11 Deux détails verts ensemble
D1 Détail vert droit ou gauche
D9 Détail rose inférieur entier et l’axe médian
D8 Détail intermaculaire entre les deux détails oranges, traité en couleurs
D12 Détail vert et détail orange, un ou deux côtés
D16 Détail vert et détail rose
D4 Moitié ou quart latéral du détail rose
D17 Détail orange, détail vert et axe vertical (G sans le D6)
Planche X
D1 Détail bleu latéral, droit, gauche, ou les deux.
D11 Détail gris supérieur entier
D18 Les différents détails sur fond intermaculaire
D9 Détails roses, droit ou gauche, ou les deux
D7 Détail gris brun externe, droit ou gauche, ou les deux
D2 Détail jaune intérieure, droit ou gauche, ou les deux
D10 Détail vert médian entier
D3 Détail orange médian
D6 Détail bleu médian
D4 Détails latéraux du vert médian
D8 Détails latéraux du gris supérieur
D5 Détail médian du vert médian
D13 Détail marron-ocre latéral, droit ou gauche, ou les deux
D14 Détail médian du gris supérieur
D15 Détail jaune externe, droit ou gauche, ou les deux
D16 Les deux détails roses et le détail gris supérieur
D12 Détail vert supérieur latéral, droit ou gauche, ou les deux.
Planche II
Chacune des deux parties noires ou les deux
Rouge supérieur (droite et gauche)
Rouge inférieur
Pointe noire médiane
Planche III
Noir médian, avec ou sans le gris du milieu
Rouge médian
Rouge supérieur latéral (un ou deux)
Partie noire supérieure
Partie noire médiane
Partie noire latérale inférieure
Planche IV
Partie médiane inférieure
Tout l’axe médian
Partie médiane supérieure
Chacune des deux parties latérales, soit entières, soit les deux tiers
inférieurs
La partie claire des parties latérales inférieures
Saillies latérales supérieures
Planche V
Partie médiane supérieure
Partie médiane inférieure
Parties latérales
Prolongements latéraux des parties latérales
Planche VI
Partie principale inférieure
La moitié, droite ou gauche, de cette partie principale
Partie supérieure
Partie supérieure, le milieu noir seulement
Extrémité supérieure de la ligne médiane, avec ou sans les petits traits
Grande saillie latérale
Axe médian tout entier
Planche VII
Tiers supérieur
Tiers médian
Tiers inférieur
Moitié, droite et gauche, du tiers inférieur
Axe médian du tiers inférieur
Planche VIII
Partie rose latérale ou les deux
Partie orange-rose médiane
Partie rose médiane
Chacun des deux carrés bleus ou les deux
Partie grise supérieure
Partie médiane des D bleus constituée des traits saillants (peut également
être vue comme Dbl)
Planche IX
Partie orange
Partie verte
Partie rose
Moitié latérale du rose
Quart latéral du rose
Partie intermaculaire (si la couleur intervient comme déterminant : sinon
c’est un Dbl).
Ligne médiane verticale
Planche X
Vert médian inférieur entier
Partie claire médiane du vert médian inférieur
Partie foncée latérale du vert médian inférieur
Vert latéral supérieur ou les deux
Gris supérieur, avec ou sans l’axe médian
Brun-gris latéral, avec ou sans le jaune, ou les deux
Bleu médian
Bleu latéral ou les deux
Jaune médian ou les deux
Marron-ocre latéral inférieur ou les deux
Orange médian
Partie Rose ou les deux
4. Rorschach – Psychogramme
Nom : Prénom : Âge :
___________________________________________________________
________________
R:
Refus : G : G% : F : A:
TL : D : D% : F+ : Ad :
T: Dd : Dd % : F– : (A) :
T/R : Dbl :Dbl % :F+/– : (Ad) :
Di : H:
K: Hd :
kan : (H) :
T.A. : kob : (Hd) :
kp : Anat :
TRI : K // Σ(C/Clob) Abst :
Fc : k // ΣE FC : Sang :
TRIé K + k // Σ(C/Clob/E) CF : Bot. :
C: Géo :
RC% : Obj :
FE :
F% : EF :
F%é : E:
F+% : A% :
F+%é : H% :
FClob :
ClobF :
Chocs : Clob :
Rem. Sym. : → K Ban :
Rem. C : → kan
→ FC
Choix + : → Clob
Choix – :
Chocs :
Équivalents Chocs :
Persévérations :
Remarques symétrie :
Remarques Couleurs :
Critiques subjectives :
Critiques objectives :
Descriptions :
Retournements :
Planche II
• Commentaire sur la symétrie : souci d’objectivité.
• Mais première réponse impressionniste (« tache de sang ») donnée sous
couvert d’isolation maintenue à l’enquête « des traces de doigts » (sans
intégration de la couleur ni association à valence sexuelle ou agressive).
« Tache de sang » cette fois sous-tendue par une kinesthésie (« tombée en
faisant “splash” ») : mais registre fantasmatique toujours inaccessible
(agressivité, castration ?).
• Inhibition, long temps de latence.
• Reprise sous couvert d’isolation (Dbl impressionniste), dévoilement d’un
contenu symbolique sexuel (« comme une porte… une ouverture, un
passage ») : possible représentation de la passivité et de la castration
(isolation de « sang »). Confirmation par les deux réponses additionnelles
(« deux têtes de rhinocéros en train de s’embrasser », « deux ours ou deux
souris sans tête qui jouent à se taper sur les mains ») : kinesthésies
libidinale et agressive avec formation réactionnelle. Dynamique objectale
et identificatoire conflictuelle, importance des contrastes : animaux
agressifs à attribut phallique qui s’embrassent ; animaux (très petits/très
volumineux) châtrés mais qui « jouent à se taper sur les mains »
(minimisation de la portée agressive et/ou sexuelle). Levée de l’isolation à
l’épreuve des choix : « À cause des taches de sang… des ours à la tête
coupée. » Confirmation de l’angoisse de castration liée à un maniement
laborieux de l’agressivité et aux figures de puissance.
Planche III
• Défense rigide par commentaire objectif sur la symétrie.
• Précaution verbale qui introduit une G simple à tendance élaborée par la
kinesthésie et la prise en compte du D médian : contenu humain
sexuellement neutre (« personnages ») mais précision de la posture érigée
(« debout »).
• Temps de latence long puis réponse « sang » (D impressionniste) plus
dynamique qu’à la planche II (« des coulées de sang ») mais toujours
isolée (pas de lien avec H qui précède ni Anat qui suit).
• Contenu viscéral délicat à interpréter avec assurance, possible valence
sexuelle (valeur libidinale du « cœur », « reins » qui participent du
système génito-urinaire ?). Hésitation de Michel (cotation F+/–) entre un
contenu de bonne qualité formelle qu’il critique à l’enquête (« ça n’a pas
trop la forme des poumons ») et un contenu de mauvaise qualité formelle
(« un cœur »).
• Réponse suivante plus transparente : reprise de la première réponse avec
représentation de relation de rivalité agressive (« qui s’arrachent quelque
chose, qui le prennent chacune de leur côté ») qui ne s’amenuise pas à
l’enquête (« ils déchiquettent chacun de leur côté »). Écho avec la
planche I (« ailes déchiquetées ») qui articule la mise à mal du corps et la
rivalité agressive.
Planche IV
• Pour la première fois, pas de commentaire immédiat.
• Précaution verbale, contenu régressif infantile (« gros personnage de
dessin animé ») qui contient et minimise la portée phobogène de la
représentation. Déploiement d’un contenu à valeur symbolique puissante
et nantie (« vu en contre-plongée, avec les tentacules qui pendent », G
simple). À l’enquête, accentuation de la dimension phallique inquiétante
(Lovecraft) articulée à de l’angoisse de castration et de passivité (« on le
voit d’en bas. On est tellement petit qu’il nous voit même pas »), mais
claire expression de l’ambivalence pulsionnelle : le monstre est « en train
de s’affaler en arrière, de basculer » et tentative laborieuse de mentionner
l’appendice médian (« là, une troisième jambe ou la queue ou… »).
• Déplacement sur un contenu botanique qui conserve la dimension érigée
tout en évitant la dimension menaçante (« un arbre, avec le feuillage
autour, des lianes comme le saule pleureur, un feuillage qui redescend », G
simple) : représentation nantie et protectrice (« qui protège ou qui fait de
l’ombre, il y a de la place encore dessous ») qui confirme l’ambivalence
objectale et identificatoire face aux figures phalliques, tantôt inquiétantes
et fascinantes (choix positif de cette planche : « monstres de mon
enfance »), tantôt vulnérables, tantôt protectrices.
Planche V
• Déstabilisation devant cette planche pourtant très compacte : réponse en
F– dont le contenu est significatif de flaccidité (compensée par les
attributs « les antennes » et « des ailes pointues » à l’enquête aux limites).
• Accent mis sur les sécrétions de mucus (« truc visqueux qui traîne
derrière, bave qui coule ») qui suscitent classiquement et défensivement
plus de répugnance que d’attirance.
• Mobilisation maladroite d’une pensée qui se veut analytique et
constructive (G élaboré) (« une limace… ou deux… j’en sais rien »).
Défense narcissique à l’enquête qui échoue (« comme si elle s’écrasait sur
un miroir ») puis représentation de relation intense (« ou deux qui se
rejoignent et se fondent »). Sans doute effet d’après-coup de la
sollicitation de la planche IV où puissance, attributs phalliques, dialectique
active/passive et entremêlement du sexuel et de l’agressivité étaient déjà
mobilisés.
Planche VI
• Accent mis sur la qualité castrée, réceptive et passive (écho de la
planche II) marquée cette fois par la vulnérabilité (« une faille ») puis, à
l’enquête, par la perte de contenance, voire de consistance (« les parois qui
s’affaissent à l’intérieur » estompage de perspective).
• Gêne de Michel (silence et rire) et inhibition (« ça m’inspire rien d’autre,
je sais pas »). À l’enquête, levée du refoulement et du déplacement :
représentation de la castration en associant moindre consistance et sexe
féminin. Confirmation par réponse additionnelle : isolation du D supérieur,
valorisation compensatoire (attributs élevés, « sommet des totems
indiens » ; animaux phalliques et prédateurs, « des aigles ou des serpents à
plumes ».
Planche VII
• Hésitation et précaution verbale, déplacement sur un contenu
géographique (déterminant formel vague), réponse symbolique d’une
problématique marquée d’abord par une passivité et une réceptivité bien
contenues (« quelque chose qui s’ouvre aussi, ça s’écarte un peu. Comme
un canal qui arrive sur une calanque, une crique avec l’ouverture sur
l’océan ») mais non indemne d’appréhension de mise à mal de l’intégrité
(« c’est étroit, c’est tout écrasé »), confirmée à l’épreuve des choix : « Y’a
cette ouverture, impression de ne plus être écrasé ».
Planche VIII
• Exclamation à propos des couleurs sans intégration.
• Première réponse (G simple) de mauvaise qualité formelle : trouble suscité
par l’apparition des couleurs (dans l’après-coup des sollicitations latentes
de la planche précédente) : qualité symbolique moyenne, sans doute
tentative d’évitement du sexuel par repli maladroit sur une anatomie
osseuse (« Je sais pas vraiment, car je sais pas si on le voit de dos ou de
face, plutôt de dos »).
• Renversement en son contraire immédiat par une réponse « animal » (D
simple) à valeur symbolique phallique transparente (« verticaux », animal
connu pour sa langue protractile, sa longue queue), sans représentation de
relation.
Planche IX
• Temps de latence, observation du matériel, inhibition associative en
contraste d’avec les entrées directes précédentes.
• Couleurs intégrées sur un mode impressionniste (avec tendance à
l’estompage de diffusion) pour donner une représentation où la curiosité et
la vigilance sont empêchées : « la fumée cache ce qu’il y a derrière, on
voit à peine ce qu’il y a dessous (…) des traits plus définis derrière mais
on voit pas ce que c’est ».
• Planche de choix négatif associé aux seuls affects exprimés à l’occasion
de cette passation : « J’aime bien les couleurs mais j’aime pas parce qu’il
y a quelque chose de caché » : frustration de la satisfaction de la pulsion
scopique (« quelque chose », « on voit pas ce que c’est », « ce qu’il y a
derrière », « ce qu’il y a en dessous »). Refoulement et évitement
repérables (cf. le très court temps accordé à cette planche).
Planche X
• Commentaires sur les couleurs, temps de latence et isolation : « entités
séparées ».
• Centration sur petits D simples : représentation associant contenus
botanique et sexuel (« graines, ovules, œufs »). Long temps de latence
puis D simple (« le bleu, ça fait penser à des crabes », à l’enquête, « des
araignées pleines de pattes ») : isolation qui n’empêche pas de repérer la
dynamique associative portée par la préoccupation sexuelle articulant et
condensant ingestion/fécondation, activité/passivité, réceptivité/détention
d’appendices.
• Dynamique confirmée par trois réponses additionnelles : réponses
anatomiques avec incidences réceptive (« les os du bassin ») et érigée (« la
colonne vertébrale »), réponse « animal » avec valorisation des attributs
phalliques (« têtes de perroquet », « le bec, les yeux, la houppette ») et
représentation de relation agressive (« qui se regardent, ils se défient
même ») mais le contrôle perceptif achoppe (kan–).
5.2 TAT
Planche 1
• Abord précautionneux : temps de latence long, hésitations et pauses
discursives (CI-1).
• Précaution verbale et hésitation (A3-1), expression d’un conflit avec
accentuation de l’immaturité (« jeune garçon »), associant conflictualité
interne et relationnelle avec un objet anonyme (« à qui on demande ou qui
a envie de jouer de la musique », A3-1/B1-1/CI-2/A2-4).
• Enlisement des hésitations (« qui a envie de jouer de la musique ou
apprendre le violon », « il se rend compte que c’est dur ou ça lui plaît
pas », A3-1/A2-4).
• Association d’affects (« ça lui plaît pas, il a l’air découragé » (A3-1/B1-3)
et représentation d’investissement d’objet (« peut-être qu’il a essayé, il a
commencé à apprendre »), mais relais pris le conflit relationnel avec
l’objet contraignant et anonyme (« soit ça lui plaît pas et dans ce cas on le
force à continuer » B1-3/B1-1/CI-2).
• Affects de déplaisir (assumé « découragé », minimisé « un peu dépité ») et
conflit interne (« il sait pas s’il doit en jouer ou dire que ça lui plaît pas »,
A3-1/B1-3/A3-4/B1-1/A2-4).
• Long temps de latence que le clinicien tente de lever par l’invitation à
penser une fin à l’histoire, refrènement de tout affect de déplaisir et de
représentation d’opposition (A3-3), mais expression d’une dynamique
identificatoire (« il est encouragé par le fait qu’on attend qu’il réussisse »)
à valeur d’investissement narcissique (« deviendra un grand violoniste »,
CN-3+), puis source de plaisir (« arrive à jouer un joli morceau, se rend
compte qu’il peut y arriver (…) prendra plaisir à en jouer par la suite »).
• Rire (D2) qui rend compte du contact qui demeure, malgré l’évitement
final de la conflictualité et du déplaisir, avec la source du conflit (difficulté
de maîtrise de l’objet).
Problématique : reconnaissance de l’immaturité de l’enfant et de la
complexité de la maîtrise de l’objet, mais accent porté sur la soumission à la
contrainte surmoïque (parentale) pour éviter la confrontation douloureuse à
la castration liée à l’impossible satisfaction de ses désirs. Castration
associée au vécu de passivité dans le lien à un objet qui force, et à la
difficulté de s’y opposer. Dégagement possible représenté par l’attraction
identificatoire, permettant la restauration narcissique mais au prix d’une
formation réactionnelle.
Planche 2
• Temps de latence moins long et investissement d’emblée du groupe
familial (CI-1/B1-1).
• Triangulation reconnue avec accent mis sur le couple libidinal parental
(« sa femme qui l’aide », B3-2).
• Conflit entre désirs contradictoires (« ils espèrent peut-être qu’elle
travaille avec eux. Mais en fait, elle préfère étudier, faire un travail plus
intellectuel, plus cultivé », B1-1/B2-4/CN2+).
• Affect tempéré (A3-1/B1-3) porté par les figures parentales qui renoncent
à la satisfaction de leur désir, garante certes de la satisfaction du désir
propre du sujet mais également porteuse d’une exigence narcissique
idéalisée qui en est la condition (« elle devient une institutrice ou
professeur de collège ou même d’université, et ses parents sont fiers
d’elle », CN2+).
Problématique : confrontation à la sollicitation œdipienne mais le travail
de renoncement de la satisfaction pulsionnelle est dévolu aux figures
parentales, ce qui conditionne leur amour à leur satisfaction narcissique.
Planche 3BM
• Abord hésitant, identification sexuelle neutre avec affect fort sans motif de
conflit précisé (CI-1/CI-2/A3-1/B2-2/CI-2).
• Temps de latence et hésitation (CI-1/A3-1) puis association d’une
représentation de perte d’un objet libidinal anonyme (B1-1/CI-2),
hésitations quant à l’identification sexuelle et au motif de la perte (« parti
ou décédé, qui l’a abandonné »).
• Représentation de relation mettant l’accent sur la valence d’étayage de
l’objet avec liaison à un affect fort (« comme elle reposait tous ses espoirs
sur cette personne, elle est déprimée » (CL-3+, B2-2).
• Centration ponctuelle sur les éprouvés subjectifs (« elle reprendra le
dessus, se fera une raison, qu’elle, au moins, est vivante et a sa vie à
faire », CN-1) puis investissement objectal marqué par l’appréhension du
risque dépressif (« sans oublier complètement le passé, sans se laisser
dépasser par lui, sans se laisser engloutir », A2-3/E2-3).
Problématique : liaison possible entre affect de tristesse et représentation
de perte d’objet, mais difficulté de prise de position identificatoire et repli
vers des positions plus régressives (fonction d’étayage de l’objet, centration
narcissique). Si la valence libidinale du lien à l’objet est ainsi atténuée,
l’angoisse liée à l’impuissance et à la passivité demeure.
Planche 4
• Abord silencieux (CI-1) puis accent mis sur le lien libidinal (B3-2).
• Sous couvert de précautions verbales, accent mis sur le contraste des
affects et des représentations avec anonymat et scotome de l’objet tiers
(« autre chose », « ce qui l’attire, un pôle d’attraction, un centre d’intérêt
qui n’est pas elle », A3-1/B3-2/B2-4/CI-2/E1-1).
• Accent porté sur la dynamique relationnelle (B1-1)
Problématique : ambivalence qui exacerbe le conflit entre les positions
active et passive, puissante et impuissante, masculine et féminine. L’objet
tiers, source du conflit (objet de désir pour l’un, objet rival pour l’autre), ne
peut être nommé.
Planche 5
• Long temps de latence, hésitations, pauses discursives et précaution
verbale (CI-1/A3-1).
• Centration sur une figure maternelle investissant l’espace intime d’un
personnage ne figurant pas sur l’image, anonyme de prime abord puis,
sous couvert d’une précaution verbale, identifié comme un fils (B1-1/B3-
2/B1-2/CI-2/A3-1/B1-1).
• Contraste entre représentations avec valence sexuelle transparente
(« s’attend à le trouver endormi, se rend compte qu’il a découché », B2-
4/B3-2), associé à un affect (B1-3).
• Long temps de latence et reprise sur le conflit interne de la figure
maternelle (A2-4), accent mis sur les retrouvailles mère/fils (B1-1).
Problématique : mise en tension d’une figure maternelle à la fois
surmoïque et transgressive, à entendre dans la continuité de la planche
précédente où s’expriment l’ambivalence pulsionnelle et la satisfaction du
désir émergeant sans culpabilité apparente. Conflit désir/défense qui permet
également un mouvement de réparation et de retrouvailles œdipiennes.
Planche 6BM
• Temps de latence, précaution verbale et anonymat du personnage masculin
(CI-1/A3-1/CI-2).
• Représentations de relations en contexte dramatisé incluant un personnage
ne figurant pas sur l’image (B1-1/B1-2/B2-1/B2-3). Retrouvailles
mère/fils sous couvert d’étayage (CL-3+).
• Affect fort et précipitation conclusive (B2-2/CI-2).
Problématique : problématique à entendre dans la dynamique associative
des planches précédentes : évitement d’une référence directe à la figure
tierce du père, retrouvailles œdipiennes mère/fils sous couvert d’un lien
d’étayage. La culpabilité apparaît au travers de la rétorsion et de la sanction
du fils.
Planche 7BM
• Relation père/fils reconnue avec précaution (« on dirait un fils, quelqu’un
qui parle avec son père », CI-1/A3-1/B1-1).
• Motif du conflit rapidement déplacé sur un personnage libidinal ne
figurant pas sur l’image, contexte dramatisé et affect associé (CI-2/B1-
3/B1-1/B3-2/B2-1).
• Figure paternelle investie sur un mode d’étayage (CL-3+/CN-3–).
Problématique : conflit d’ambivalence déplacé sur un personnage tiers ;
figure paternelle épargnée et investie comme objet d’étayage pour un fils
qui est désarmé.
Planche 8BM
• Trouble patent, précaution verbale, hésitation (D1/CI-1/A3-1) puis
représentation de relation avec une figure paternelle valorisée (B1-1/CN-
3+).
• Conflits intra-personnels engagés dans une dynamique identificatoire
marquée par l’aller/retour entre l’expression pulsionnelle (« il a envie de
voir comme il travaille ») et la défense (« il pense qu’il ne pourra pas
supporter la vue de l’opération », A2-4).
Problématique : relation père/fils mobilisant désir (curiosité sexuelle) et
défense (interdit). Conflit identificatoire actif dans un contexte de castration
et difficulté à prendre en charge des positions actives agressives vécues
comme transgressives.
Planche 10
• Long temps de latence, hésitation discursive (CI-1).
• Représentation de relation inaugurée par une légère craquée verbale (E4-
1) vraisemblablement liée au traitement de la planche 8BM : impuissance
portée par une figure féminine, accent mis sur une représentation de
relation d’étayage de la part de l’homme (A3-1/CN-3-/CL-3+).
Problématique : représentation de relation d’étayage pour éviter le
rapproché érotique ; acuité de la problématique d’impuissance et de
castration portée par la figure de la femme en contraste de l’homme nanti et
solide.
Planche 11
• Première fois que Michel prend et garde en mains la planche tout du long
de sa narration (D1) : moindre inhibition mais long temps de latence (CI-
1).
• Fantaisie dramatisée mobilisant des représentations contrastées (B2-1/B2-
4) portées par des figures agressives, nanties et puissantes.
Problématique : possibilité de représentations conflictuelles au sein d’une
confrontation agressive soutenue et secondarisée à cette planche qui ne met
pas explicitement en scène des personnages.
Planche 12BG
• Prise en mains de cette planche peu figurative et, pour la première fois,
pas de temps de latence (D1/B2-1).
• Abord légèrement descriptif relayé par l’introduction de personnages ne
figurant pas sur l’image engagés dans une représentation de relation
libidinale avec un affect fort (A1-1/B1-2/B3-2/B2-2).
Problématique : déploiement de représentations libidinales tout à la fois
tendres et érotisées à cette planche qui ne met pas explicitement en scène de
personnages.
Planche 13B
• Entrée directe (B2-1) sans toucher de planche et inhibition projetée sur le
personnage dont sont exacerbés les traits d’immaturité (→ CN-3–).
• Remâchage et déploiement d’un conflit désir/défense, curiosité/incapacité,
en lien avec des objets ne figurant pas sur l’image (A3-1/A2-4/B1-1/B1-
2).
• Un projet identificatoire permet d’envisager le dégagement de cette
problématique enlisée, cependant non sans nostalgie.
Problématique : projection phobique qui permet de représenter la
difficulté d’assumer le désir de conquête des objets d’amour du fait d’une
intense angoisse de castration. Sous couvert de cette impuissance, difficulté
du renoncement à la proximité et à la sécurité des figures parentales.
Planche 13MF
• Entrée directe dans le matériel sous couvert d’un anonymat premier avec
hésitation discursive (B2-1/CI-2/CI-1).
• Dramatisation d’une thématique de perte d’un objet d’amour avec liaison
à un affect de tristesse lui-même lié à une représentation d’impuissance
(B3-2/CI-1/B1-3/B2-2/CN-3-).
• Silence intra-récit puis conclusion par référence au sens commun avec
centration narcissique (A1-3/CN-1/CI-1) qui n’est pas sans écho avec le
traitement de la problématique dépressive à la planche 3BM.
Problématique : difficulté à aborder et traiter la problématique dépressive
liée à la perte d’objet qui nécessite une centration narcissique restauratrice
du fait de l’impuissance douloureuse associée.
Planche 19
• Prise en mains de cette planche peu figurative et entrée directe avec légère
hésitation sémantique révélant la valence libidinale de la curiosité infantile
(D1/B3-2).
• Accent mis sur une représentation de relation investissant un personnage à
valeur symbolique paternelle ne figurant pas sur l’image (B1-1/B1-2/A1-
4) qui échappe à la maîtrise, d’où l’expression d’un affect à valeur
dépressive (B1-3).
Problématique : planche qui confirme l’acuité de la problématique de
castration en lien avec une curiosité sexuelle coupable.
Planche 16
• Réaction amusée (D2).
• Fantaisie personnelle dramatisée, avec rebondissements, actions, affects
forts (B2-1/B2-3/B2-2), qui permet une prise de position narcissiquement
valorisée et symboliquement transparente (CN-3+/B3-2).
Problématique : problématique sexuelle exprimée à l’abri de références
symboliques ; désarroi face aux objets qui échappent à la conquête et à la
maîtrise. L’identification a une figure de puissance phallique à valeur de
restauration narcissique.
Synthèse
Une synthèse de l’ensemble des données s’impose afin de confronter les
différents dégagements, d’en saisir les congruences ou les contradictions et
de proposer des éléments conclusifs concernant :
• la ou les problématiques prévalentes ;
• l’organisation défensive, la nature de l’angoisse et la qualité du traitement
des conflits ;
• les hypothèses qui peuvent être formulées concernant l’organisation du
fonctionnement psychique, les fragilités et les ressources, la diversité,
l’efficacité et la souplesse des conduites psychiques.
Revues
Psychologie clinique et projective – http://www.editions-
eres.com/collection/200/psychologie-clinique-et-projective.
Bulletin de psychologie (cf. numéros spéciaux).
Bulletin de la Société française du Rorschach et des méthodes projectives.
Journal of Personality Assessment.
Psychologie médicale (cf. numéros spéciaux).
Revue européenne de psychologie appliquée.
Rorschachiana.
Webographie
Musée et fonds Rorschach :
http://www.img.unibe.ch/services/rorschach_archives_and_collection/index_eng.html.
Société du Rorschach et des méthodes projectives de langue française :
https://www.societerorschach.org/.
International Society of Rorschach and Projective Methods :
https://www.internationalrorschachsociety.com/.
Fonds documentaire du Bulletin du Rorschach (1952-2000) :
https://www.persee.fr/collection/clini.
Réseau universitaire de recherche européen et international « Méthodes projectives et
psychanalyse » : https://www.reseaumpp.org.
1. Il ne s’agit pas, en effet, d’un forcing comme certains l’imaginent. « Le psychologue lui-même
croit trop souvent implicitement pouvoir faire dire ce que le sujet ne veut pas dire, alors qu’il ne
devrait jamais oublier qu’il est là, au contraire, pour favoriser l’expression de ce qui ne peut pas être
dit dans un langage clair » (Rausch de Traubenberg, 1975).
2. Les termes de « passage » ou de « saut » constituent des équivalents approximatifs.
3. Aujourd’hui Diplôme universitaire de psychologie projective (DUPP).
1. L’inflation des procédures d’évaluation dans la société actuelle renforce cette position : il
appartient au clinicien de se différencier clairement de cette perspective.
2. Les Méthodes projectives de D. Anzieu a été publié en 1965 ; une seconde édition entièrement
remaniée a été publiée par D. Anzieu et C. Chabert en 1983 ; une dernière édition à nouveau
remaniée a été publiée par D. Anzieu, C. Chabert et E. Louët en 2017.
3. L’analyse du matériel en termes de contenus manifestes et latents est présentée pour chacune des
deux épreuves dans les parties de l’ouvrage qui leur sont respectivement consacrées.
1. Pour des développements substantiels, on pourra consulter le numéro des Libres Cahiers pour la
psychanalyse consacrée à « L’angoisse », n° 21, printemps 2010.
1. Le lecteur trouvera des développements substantiels de ces problématiques dans les quatre tomes
du Traité de psychopathologie publié chez Dunod sous la direction de C. Chabert.
1. Pour des informations plus complètes, se référer au volume 28-2021/1 de la revue Psychologie
clinique et projective : « Depuis Hermann Rorschach, 100 ans de psychologie projective ».
2. Le Groupement français du Rorschach, devenu en 1961 la Société française du Rorschach et des
méthodes projectives, fut nommé Société du Rorschach et des méthodes projectives de langue
française en 1987, du fait de la présence de membres francophones d’autres pays (Algérie, Belgique,
Canada, Espagne, Grèce, Italie, Japon, Liban, Mexique, Suisse, Tunisie, Turquie). Il publia très tôt
une revue (Rausch de Traubenberg, 2003 ; Roman, 2003), organisa de nombreux congrès et mis sur
pied la formation académique aux méthodes projectives.
1. Ces notations ne concernent que le premier temps de passation, pas l’enquête ; cf. infra.
L’utilisation d’un chronomètre n’est pas recommandée, une montre suffit.
2. C. de Tychey (1983, 1994) a, par exemple, mis au point une méthode de passation « associative »
du Rorschach.
1. Nous sommes redevables à N. Rausch de Traubenberg d’avoir minutieusement conduit cette
démarche, exposée dans son ouvrage La Pratique du Rorschach (1970).
2. Cf. Schafer (1954), Minkowska (1956), Orr (1958), Monod (1963), Anzieu (1965), Rausch de
Traubenberg (1970), Mac Cully (1971).
3. Les dix planches du Rorschach ont été reproduites page suivante avec l’aimable autorisation de
Hogrefe Berne.
1. Le Nouveau Manuel de cotation des formes au Rorschach paru chez Dunod sous la direction de
C. Azoulay et M. Emmanuelli propose une liste de F+ et de F– établie statistiquement sur la
population française ainsi qu’une liste intégrant le critère qualitatif.
2. Il n’y a pas de solution de facilité et il est impossible ici de décrire toutes les situations où la
cotation est délicate à faire. Nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage « S’entraîner à la cotation du
Rorschach et du TAT » de F.D. Camps et G. Malle (Dunod, 2020) qui donne des exemples et des
conseils pour coter les réponses du Rorschach et du TAT.
3. Po : cotation particulière qui correspond à une réponse argumentée par la position dans
l’espace (« le cœur parce que c’est au milieu ») et non par la forme ou la couleur. On cote alors Anat.
Po.
4. Uniquement si la réponse est dominée par la forme. Condition similaire pour le F+% élargi.
5. Cf. Shentoub (1973) où l’auteure se réfère explicitement à Canguilhem et à sa définition de la
normativité pour développer la notion de créativité dans les histoires racontées au TAT. Pour
compléter la réflexion sur l’intérêt et les limites des références normatives, cf. Chabert et Verdon
(2008) page 65 et sqq. « Normalité et pathologie ».
1. Cette classification est héritière de nombreux travaux dont on trouvera les détails chez Rausch de
Traubenberg (1970) ainsi que chez Anzieu, Chabert et Louët (2017).
2. Un D est une localisation utilisée par au moins un sujet sur 22, soit 4,5 % des sujets. Ce critère
statistique est communément admis par les différentes écoles de Rorschach dans le monde.
3. D’où l’appellation ancienne « détail oligophrénique » (Do).
4. Cf. l’aide à la cotation proposée par Le Nouveau Manuel de cotation des formes au Rorschach de
C. Azoulay, M. Emmanuelli et D. Corroyer (Dunod, 2012), ainsi que S’entraîner à la cotation du
Rorschach et du TAT de F.D. Camps et G. Malle (Dunod, 2020).
5. Nous renvoyons le lecteur à ce qui a été dit à propos des G vagues, pages 140-141.
1. La démarche d’analyse et le regroupement synthétique des données du Rorschach sont présentés
pages 378 à 380 et pages 381 à 385.
2. L’analyse et l’interprétation du protocole du TAT de Michel se trouvent p. 300 à 304. L’analyse
détaillée planche par planche des protocoles de Rorschach et de TAT de Michel est placée dans les
compléments méthodologiques n° 5, p. 369-377.
3. Les réponses du protocole que nous citons visent à illustrer et argumenter notre propos et ne sont
pas exhaustives.
4. Cf. la planche 16 du TAT où cette question refait surface, traitée d’une tout autre façon, témoignant
de l’effet positif de la passation des méthodes projectives sur l’investissement et la mobilisation de
ses ressources par Michel.
1. Ce chapitre portant sur les fondements théoriques s’inscrit dans le prolongement des manuels
précédents, le Manuel d’utilisation du TAT (V. Shentoub et coll., Dunod, 1990) et le Nouveau Manuel
du TAT (sous la direction de F. Brelet-Foulard et C. Chabert, Dunod, 2003).
2. « Terme emprunté à l’associationnisme et désignant toute liaison entre plusieurs éléments
psychiques dont la série constitue une chaîne associative » (J. Laplanche, J.-B Pontalis, 1967, p. 36).
1. L’analyse et l’interprétation du protocole de Rorschach de Michel se trouvent p. 186-196.
L’analyse détaillée planche par planche des protocoles de Rorschach et de TAT de Michel est placée
dans les compléments méthodologiques, p. 369-377.
1. Le lecteur trouvera en bibliographie de nombreuses références d’ouvrages et d’articles traitant de
façon plus spécifique et approfondie de telle ou telle psychopathologie.
1. Le protocole est présenté dans son intégralité p. 351 et sqq.
2. Le protocole est présenté dans son intégralité p. 356 et sqq.
1. Azoulay, C., Emmanuelli, M., Rausch de Traubenberg, N., Corroyer, D., Rozencwajg, P. et Savina,
Y. (2007). Les données normatives françaises du Rorschach à l’adolescence et chez le jeune adulte.
Psychologie Clinique et Projective, 13(1), 371-409. De Tychey, C., Huckel, C., Rivat, M. et Claudon,
P. (2012). Nouvelles normes adultes du test de Rorschach et évolution sociétale : quelques réflexions.
Bulletin de Psychologie, 65(5), 453-466.
2. Les commentaires nécessaires à l’analyse des protocoles de TAT (cotations des procédés du
discours et problématiques) sont présentés de façon exhaustive dans le chapitre consacré au TAT.
3. L’implication du psychologue chargé de confronter les données issues de réponses d’un sujet à des
échelles ou des questionnaires (que le patient a parfois remplis seul dans une pièce) d’exploration
dimensionnelle ciblée et nommée (échelle de « dépression », de « phobie sociale ») n’est évidemment
pas la même que celle du psychologue engagé dans la passation de tests psychométriques ou
neuropsychologiques et a fortiori d’épreuves projectives, dans l’analyse et l’interprétation des
protocoles où son évaluation et son jugement cliniques jouent un rôle considérable.
4. Article R.1112-7 du Code de la santé publique, modifié par le décret n° 2018-137 du
26 février 2018 relatif à l’hébergement de données de santé à caractère personnel ; article L.1111-8
modifié par l’ordonnance n° 2017-27 du 12 janvier 2017 relative à l’hébergement de données de
santé à caractère personnel ; loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé ; arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de
bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne.
5. Ces recommandations peuvent être sujettes à modification après la parution de cet ouvrage. Il
appartient à chaque praticien de se tenir informé des derniers textes en vigueur.
6. Il peut être tout à fait intéressant de consulter les travaux de la Commission nationale consultative
de déontologie des psychologues (www.cncdp.fr) qui rend des avis sur des dossiers dont les mots-clés
sont : attestation (certificat), compte rendu (compte rendu de consultation, d’entretien, de bilan, de
réunion, etc.), courrier professionnel, dossier institutionnel (dossier patient, dossier individualisé,
dossier centralisé par l’institution : documents qui doivent y figurer, personnes habilitées à le
consulter), rapport d’enquête, rapport d’expertise judiciaire, saisie informatique de données
psychologiques, transmission et communication des écrits psychologiques à l’extérieur d’un service
ou d’une institution, etc.
7. On peut ainsi trouver dans certains comptes rendus une note infrapaginale commune à toutes les
pages qui précise : « La diffusion de ce document confidentiel qui est soumis au secret professionnel
est strictement limitée – sauf accord du psychologue et du patient –, au seul patient et aux seuls
professionnels intervenant dans la prise en charge du patient. »