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Tax Episodes S6 - 2024 - ATD
Tax Episodes S6 - 2024 - ATD
Introduction
L'Avis à Tiers Détenteur (ATD) constitue une mesure d’exécution forcée singulièrement redoutable
dans l’arsenal dont dispose l’Administration Fiscale pour recouvrer les créances fiscales impayées.
Cette procédure, encadrée par le Code Général des Impôts (CGI) et le Livre des Procédures Fiscales
(LPF), permet à l’Administration fiscale de saisir les sommes dues par un débiteur fiscal directement
auprès de tiers détenant des fonds ou des biens pour le compte de ce débiteur. L'ATD est donc un
instrument privilégié de l’État dans sa quête de l’effectivité du recouvrement de ses créances,
illustrant la tension entre, d'une part, l'impératif de financement du Budget d’Investissements publics
et, d'autre part, les droits individuels des contribuables.
Nous explorerons tour à tour dans le cadre de cet article, le fondement juridique et le champ
d’application de l’ATD, la procédure d’émission et d’exécution, les possibilités de contestations, les
voies de recours possibles, les aspects comptables feront également l’objet de notre attention, puis
un regard critique sur ce dispositif fiscal et quelques conseils pour se prémunir d’une procédure d’ATD
marquerons la fin de l’article.
Le législateur fiscal camerounais définit l’ATD comme l’Acte de poursuite de nature fiscale, ayant pour
but d’appréhender, sur simple demande, entre les mains d’un tiers (banquier, employeur…), des fonds
qu’il détient pour le compte d’un redevable de l’Administration fiscale. En clair, lorsqu’un
contribuable, redevable réel ou légal doit de l’argent sous forme d’impôts et taxes à l’Administration
fiscale, cette dernière peut activer une procédure qui lui permet de recouvrer sa créance en sollicitant
un tiers autre que le contribuable, lui-même détenteur de la somme (généralement une banque).
L’ATD peut être actionné en cas de défaillance de payement des impôts et taxes constatée
formellement par l’administration fiscale.
L’ATD trouve son assise dans les articles L71 et suivants du Livre de Procédures Fiscales (LPF), qui
détaillent les conditions et la procédure de mise en œuvre de cette mesure. Concrètement,
l'Administration fiscale peut émettre un ATD pour toute créance fiscale établie et non contestée, qu'il
s'agisse d'impôts directs (comme l'impôt sur le revenu ou la taxe foncière), des amendes et pénalités
associées consécutives à un contrôle fiscal, ou de certaines créances de nature sociale recouvrées par
la CNPS. Le législateur a ainsi voulu doter l'Administration fiscale d'un moyen efficace de lutte contre
la fraude et l'évasion fiscales, en permettant un recouvrement rapide des sommes dues.
L'émission d'un ATD est précédée d'un Avis de Mise en Recouvrement (AMR) adressé au débiteur, lui
offrant un dernier délai pour s'acquitter de sa dette (sous huitaine ou sous quinzaine généralement).
En l'absence de paiement dans les délais impartis, l'Administration fiscale peut alors adresser un Avis
à un Tiers Détenteur, tel qu'une banque, un employeur, ou tout organisme susceptible de détenir des
fonds pour le compte du débiteur. Ce tiers est contraint, sous peine de se voir lui-même redevable de
la somme due1, dès réception de l’ATD de communiquer à l’Administration fiscale le solde du compte
du contribuable, objet des poursuites. En cas de solde positif, le tiers détenteur procède au
cantonnement des sommes communiquées à l’Administration fiscale sur demande de cette dernière.
Tout refus de bloquer et de verser à l'Administration fiscale les montants identifiés jusqu'à
concurrence de la dette fiscale, entraine la solidarité de paiement du tiers détenteur sans préjudice
des sanctions prévues à l’article L104 du LPF.
Si le solde est négatif, le banquier notifie au fisc, qui est en tout état de cause tenu d’informer le
redevable de l’envoi de l’ATD en précisant le ou les tiers détenteurs concernés2.
Il est à noter que certaines sommes restent insaisissables, à l'instar des minima sociaux ou encore des
allocations familiales, assurant ainsi une protection minimale des ressources vitales pour le débiteur
et sa famille. Cette mesure illustre le souci d'équilibre entre efficacité du recouvrement et respect des
droits fondamentaux des contribuables.
NB. :
Lorsque le service des impôts actionne cette procédure de recouvrement, une notification d’ATD est
transmise au redevable débiteur ainsi qu’au tiers détenteur du montant qui sera saisi.
Les sommes recouvrées par voie d’ATD doivent être des sommes existantes et saisissables : revenus
professionnels, salaires, sommes disponibles sur un compte courant, sur une épargne rachetable ou
non bloquée (pour le cas des personnes physiques ou contribuables au régime des revenus non-
professionnels).
Le contribuable dispose de plusieurs voies de recours contre un ATD. Il peut d'abord contester la
régularité de la procédure ou le bien-fondé de la créance devant le juge Administratif dans les délais
légaux à compter de la notification de l'avis. Par ailleurs, le recours à la demande de sursis de paiement
peut constituer une alternative lorsque la situation financière du débiteur justifie une telle mesure.
En tout état de cause, l’Article L73 du LPF stipule que « Tout avis à tiers détenteur reste valable jusqu’à
l’extinction de la dette pour laquelle il a été établi ou à l’obtention d’une mainlevée établie par ceux
qui l’ont émis ».
Le tiers détenteur peut également contester l’avis de poursuite qui lui est notifié, dans les mêmes
conditions que le redevable. Les parties contestataires devront cependant respecter le délai
d’opposition, à compter de la date de notification de l’ATD. La contestation peut porter sur l’existence
même de la dette, sur son montant ou sur le formalisme de l’acte (par exemple un ATD qui émane
d’une Administration autre que le fisc).
En effet, le Code Général des Impôt en son article 116 al-1 dispose que « le contribuable qui se voit
imposé à tort ou surtaxé peut en faire la réclamation, par écrit, au Chef de Centre Régional des Impôts,
au Directeur en charge des Grandes Entreprises ou au Directeur Général des Impôts, dans un délai de
trente (30) jours à partir de la date d’émission de l’AMR ou de la connaissance certaine de l’imposition ».
L’ATD, comme nous venons de le voir, a de nombreuses conséquences sur la situation financière et le
risque fiscal du contribuable. Cependant, il ne faut pas oublier de mettre à jour sa comptabilité lors du
cantonnement des fonds ou en cas d’exécution de l’ATD, c’est-à-dire en cas de transfert des fonds à
l’Administration fiscale sur injonction du Receveur des Impôts.
Il faut remonter à l’origine des évènements ayant conduit à l’ATD pour le schéma d’écritures
comptables. L’ATD peut porter sur les impositions relatives à un AMR suite à un contrôle fiscal, ou à
des versements spontanés sans paiement ou simplement à tout autre défaillance de paiement
d’impôts et taxes. Deux cas de figures peuvent se présenter : le contribuable a obtenu une mainlevée,
ou alors la banque a procédé au transfert des fonds à l’Administration fiscale.
Il faut commencer par saisir le cantonnement des fonds, si le solde chez le tiers détenteur (banquier)
est suffisant : le banquier débite dans un premier temps les fonds, et les crédite par la suite après
réception de la mainlevée.
Dans ce cas, on tiendra compte des impositions contenues dans l’AMR pour le schéma d’écritures.
- S’il s’agit d’impositions à la suite d’un contrôle fiscal, elles seront libellées en principal et en
pénalités ;
- S’il s’agit d’un AMR résultant des versements spontanés mensuels, il faudra indiquer les
comptes par nature d’impôts déclarés. Bien entendu il faudra également débiter le compte
des pénalités et intérêts de retard. Le schéma d’écritures peut se résumer comme suit :
Pour éviter de faire l'objet d'une procédure d'Avis à Tiers Détenteur (ATD), les contribuables doivent
adopter une démarche proactive et respectueuse des obligations fiscales. Voici quelques conseils
pratiques à cet effet :
Respect des échéances fiscales : Soyez vigilant quant aux dates limites de déclaration et de paiement
de vos impôts, il faut établir et respecter le calendrier des obligations fiscales pour ce faire. Tout retard
ou l'omission de dépôt des déclarations peut entraîner des pénalités et augmenter le risque de faire
l'objet d'une procédure d'ATD.
Paiement des impôts dus : Si vous êtes en mesure de le faire, liquidez intégralement les montants
dus. En cas de difficultés financières, n'attendez pas que la situation s'aggrave. Prenez les devants en
contactant l'administration fiscale (Demander un paiement échelonné ou fractionné, un moratoire ou
un sursis de paiement).
Demande de sursis de paiement : L'administration fiscale peut accorder, des délais de paiement aux
contribuables qui en font la demande, dans le respect des dispositions de l’article L 121 (nouveau) du
LPF. Cette démarche doit être effectuée dès les premiers signes de difficultés financières, en
fournissant les justificatifs nécessaires pour étayer votre demande.
Recours à un professionnel : Si votre situation fiscale est complexe, il peut être judicieux de faire
appel à un conseil fiscal, un expert-comptable ou à un fiscaliste chevronné. Ces professionnels
peuvent vous aider à optimiser votre déclaration, à comprendre vos obligations et à bénéficier
éventuellement de certains avantages fiscaux.
Contrôle et vérification des avis d'imposition : Vérifiez systématiquement vos avis d'imposition et,
en cas d'erreur, contestez-les dans les délais impartis. Une erreur non contestée peut conduire à un
montant d'impôt indûment élevé et, potentiellement, à une procédure d'ATD. Un professionnel peut
vous aider dans la mise en place d’un dispositif efficace de gestion des risques fiscaux.
Gestion prudente des finances : Maintenez une gestion saine et prudente de vos finances
personnelles et professionnelles. La constitution d'une réserve pour vos obligations fiscales peut aider
à éviter les défauts de paiement.
En adoptant ces mesures, les contribuables peuvent réduire significativement le risque de faire l'objet
d'une procédure d'ATD, tout en assurant le respect de leurs obligations fiscales. La clé réside dans une
gestion proactive et transparente de sa situation fiscale vis-à-vis de l'administration.
Conclusion
NB. : Les schémas d’écritures ci-dessus sont proposés à titre indicatif et ne devraient par conséquent pas
être considérés comme le résultat d’une consultation ou comme schéma -type. C’est le fruit de mes
propres réflexions. Toute autre proposition visant à enrichir cet article sera la bienvenue.
Cet article est pertinent à sa date de publication. Il est conçu comme une aide et ne peut remplacer les
conseils et le jugement d'un professionnel. Aucune responsabilité ne sera acceptée en cas d'erreurs ou
d'omissions. Il incombe à ceux qui utilisent les informations contenues dans cet article de s'assurer
qu'elles sont conformes, au moment de leur utilisation, aux lois et réglementations en vigueur régissant
les problématiques traitées.
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préalable de son auteur.
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JPN.