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Egypte ancienne – Quels interdits en matière de sexualité ?

– Roman en feuilleton 23/02/2020 22&10

Egypte ancienne – Quels interdits en matière de


sexualité ?
Article de Paule Valois paru dans Pharaon Magazine, Hors-série n°4, janvier-février-mars 2012

Comprendre la manière dont la société vivait, jugeait et interprétait la sexualité est une gageure
pour les égyptologues. Alors que nombreuses sont les représentations religieuses et
mythologiques, les sources sur la vie sexuelle des Egyptiens sont plutôt rares. Des maximes de
sagesse il ressort une condamnation du viol et sans doute de la pédophilie. Le respect du
partenaire est érigé en valeur morale. Dans cette sexualité, le seul véritable interdit semble bien
être l’adultère.

Il semble que les Egyptiens n’hésitaient pas à traiter la sexualité avec humour. Par exemple, ils
nommaient les testicules « les deux qui sont dessous ». La sexualité n’est pas considérée comme
quelque chose de mal et elle est largement représentée dans les tombes et sur les objets quotidiens.
Suivant la référence mythique, forcément importante dans une culture, l’acte sexuel est lié à la
régénération vitale. En accord avec le geste du dieu Atoum dans la cosmogonie héliopolitaine, la
masturbation n’était pas classée parmi les gestes honteux. De même pour la fellation, le dieu Geb a
même recours à l’autofellation.

Il est intéressant de noter que dans cette société où la femme possède des droits équivalents à ceux
des hommes dans la plupart des domaines, elle en a aussi dans le choix de ses partenaires et
l’expression de ses attirances. Le désir féminin est raconté, par des histoires dont le conte Vérité et
Mensonge dans lequel une femme attire chez elle un jeune homme, Vérité, tout simplement parce
qu’elle le désire. Les textes de sagesse demandent aux hommes de respecter leurs épouses.

Pas de sexe dans les temples

On a beaucoup recours aux auteurs de l’Antiquité notamment l’auteur grec Hérodote qui raconte
ce qu’il a vu en Egypte au Ve siècle av. J.-C. Une source précieuse mais tardive par rapport à
l’époque pharaonique et au cours de laquelle les mœurs avaient sans doute évoluées.

Hérodote insiste sur le caractère impur de la relation sexuelle. Il était formellement interdit d’avoir
des relations sexuelles dans les temples et, si l’on venait d’avoir une relation sexuelle il fallait se
laver avant d’entrer dans le temple.

Dans les extraits du Livre des Morts posés près des momies dans leurs tombeaux, figurent des
listes d’actes interdits sous forme de confessions négatives. L’une d’elle est claire : « Je n’ai pas
commis l’adultère dans les lieux sacrés de la cité de mon dieu ». Cette interdiction concerne aussi
les prêtres. Elle existait encore à l’époque d’Hérodote, au Ve siècle avant J.-C.

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Les jours « fériés » de la vie sexuelle

Une abstinence pour tous semble était exigée à certaines périodes en fonction du calendrier
religieux. Il était interdit à tous les Egyptiens d’avoir des relations sexuelles les jours où les dieux
eux-mêmes en avaient selon les mythes en cours. Une abstinence était imposée aux pleureuses qui
jouaient le rôle de Isis et Nephtys lors des obsèques. Ceci est prouvé pour la Troisième Période
Intermédiaire. Selon un autre auteur antique, Diodore, après la mort d’un pharaon, soixante-douze
jours de deuil et d’abstinence sexuelle s’imposaient à tous les Egyptiens.

Le viol : passible de sanctions judiciaires

Des confessions négatives inscrites sur des papyrus et placées près des momies dans les tombes il
ressort qu’il était mis en valeur de ne pas avoir abusé sexuellement des plus faibles : les pauvres,
les veuves. En tout cas Amenemhat, un nomarque de Beni Hassan, tient à préciser jusque dans sa
tombe qu’il ne s’est jamais livré à de tels actes.

Le respect du partenaire semble important de manière générale. Dans les Maximes, ou livre de
sagesse, de Ptahhotep, rédigées sous l’Ancien Empire, que l’on trouve sur des papyrus dont
certains remontent à 1900 av. J.-C., l’auteur, un vizir, critique un ensemble de comportements
concernant tous les types de relations sexuelles, par exemple le fait d’insister après un refus. Le
consentement des deux partenaires étant considéré comme un préalable indispensable. La
sexualité contrainte comme une perversion : « qu’il ne passe pas la nuit à émettre des objections,
ne pas faire ce qui est contraire ». Cela revient à condamner le viol.

Le viol amenait le coupable devant les juges. Un cas d’agression sexuelle, de type homosexuel, est
décrit dans le Papyrus judiciaire de Turin : « charge relative au viol commis par le marin Panakhtta
contre un travailleur agricole de la propriété de Khnoum, maître d’Elephantine ».

Ptahhotep condamne aussi un type de relation avec un « jeune » ou « un enfant », un texte dont la
traduction divise les égyptologues mais qui pourrait bien être une condamnation de la pédophilie.

La prostitution tolérée

Le village des ouvriers de la vallée des Rois, Deir-el-Medineh, est une source formidable sur tous
les sujets de société y compris celui de la prostitution. Des musiciennes itinérantes et sans doute
prostituées y passaient. Elles se faisaient reconnaître grâce à un tatouage sur la cuisse représentant
le dieu Bès. Une section du cimetière du village était réservée aux femmes seules ou avec leurs
enfants, peut-être justement des prostituées.

A l’époque du Nouvel Empire, les maisons closes nommées « maisons de la bière » où on buvait
beaucoup en effet, pouvaient être critiqués par la population, sans que l’opprobre soit évident sur
la prostitution elle-même. Même si les textes de sagesse de l’Ancien Empire condamnent la

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débauche en général.

Une prostitution sacrée : apparemment pas

Savoir si la prostitution sacrée existait en Egypte, et si oui, sous quelle forme, reste difficile. A la fin
du Nouvel Empire les femmes du harem du dieu Amon dansait, chantaient et jouaient du sistre.
Certaines prêtresses sont qualifiées de « femme du dieu » ou « main du dieu », mais il s’agit peut-
être plus de références aux mythes de création du monde que d’allusions à des relations sexuelles
avec des prêtres ou d’autres personnes. Hérodote affirme d’ailleurs que des femmes au service du
dieu dormaient dans le temple d’Amon à Thèbes mais n’avaient pas de relations sexuelles avec
des hommes, ni des prêtres, ni des profanes.

Inceste : les mots « frère » et « sœur » n’ont pas toujours le même sens

L’endogamie existant dans les familles royales a pu déclencher l’idée que l’inceste était une
pratique courante dans l’Egypte ancienne. Or, rien ne permet de l’affirmer. Il ne faut pas confondre
le cas particulier de la famille régnante et le reste de la société. Pour des raisons de légitimité ou
pour conserver « la pureté du sang » les pharaons épousaient parfois leur demi-sœur ou une de
leurs filles. Il ne faisait qu’imiter en cela le comportement des dieux dans les récits mythologiques :
le couple Chou-Tefnout, Geb-Nout, Seth-Nephtys ou encore Osiris-Isis. Pour être précise,
l’égyptologue Lise Manniche estime qu’il convient aussi de prendre en compte la signification de
ces mots : ils pouvaient être les mêmes pour désigner des amants, des amoureux ou des enfants
nés de mêmes parents. Par ailleurs, on trouve dans certains contrats de mariage les mots « frère »
et « sœur » qui signifient en fait que les deux conjoints sont considérés comme égaux en droit.

L’étude de cinq cents contrats de mariage dans une période allant de la Première Période
Intermédiaire au Nouvel Empire, la XVIIIe dynastie, ne révélerait que deux cas d’inceste officiel,
des mariages entre frère et sœur, et quelques-uns entre demi-frère et demi-sœur. Autrement dit
c’était des exceptions.

Zoophilie : le sacré rencontre le quotidien

Hérodote était choqué d’avoir vu une relation, d’ordre rituel, entre une femme et un bouc dans la
province de Mendes où le bouc était l’animal sacré. Dans le Livre des rêves figurent des relations
entre humains et animaux, des aspects de l’imaginaire érotique sans doute mais surtout des signes
porteurs de présages et autres messages divins. Dans l’un de ces livres, écrit sous le règne de
Ramsès II, des hommes s’accouplent avec des rats, des hirondelles, des porcs ou encore des
vaches : ce dernier rêve est interprété comme un signe de bonheur familial car la vache est la
représentation de la déesse Hathor. Inversement, dans les malédictions, à partir de la XXe

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dynastie, on peut lire dans le temple de Thoutmosis III à Deir el-Bahari : « une mule te violera,
une mule violera ta femme », la mule, animal du dieu Seth est connoté de façon négative et, de
plus, Seth est un dieu dont la bisexualité est légendaire.

Nécrophilie : attention aux calomnies

De multiples rumeurs et idées reçues ont circulé à propos des embaumeurs ayant des relations
avec des cadavres. Il s’agit d’une mauvaise interprétation d’observateurs étrangers comme
Hérodote qui affirmait que les femmes mortes des notables étaient gardées trois ou quatre jours
avant d’être confiées aux embaumeurs à cause des mœurs douteuses de ces derniers. L’idée des
Egyptiens qui attribuaient aux morts une vigueur sexuelle a pu aussi nourrir l’imagination.

La polygamie : pas dans la norme

La norme égyptienne était la monogamie. Cependant certains hommes avaient des concubines,
avec lesquelles ils n’étaient pas mariés et qui n’avait donc pas le même statut que l’épouse légale.
Le nomarque de Beni Hassan, qui vécu au Moyen Empire, sous la XIIe dynastie, a fait représenter
sa concubine et son épouse dans sa tombe mais cette dernière a droit à une place plus valorisante.
La polygamie est coûteuse, surtout en cas de divorce, sachant que les droits des femmes étaient
autrement plus importants en Egypte que dans le reste du bassin méditerranéen. Seuls les
pharaons pratiquaient la polygamie à cause des multiples mariages arrangés utiles à la diplomatie.
La plupart de ces femmes vivaient entre elles dans le harem royal.

L’adultère : un véritable tabou

Sur le sujet de la virginité au mariage, on a peu de source et pas de certitude. Les points de vue
divergent selon les égyptologues mais on sait que les Egyptiens s’efforçaient de relier mariage et
maternité, il est possible que cela entraîne une valorisation de la virginité de la femme au moment
du mariage.

L’adultère est condamné de manière générale car il met en péril la légitimité des enfants.

Suivant cette logique, les codes de morale sont plus exigeants pour les femmes que pour les
hommes dans le domaine de l’adultère. La fidélité conjugale était une condition du mariage.
L’adultère tombait sous le coup de la loi et une femme ayant l’ayant commis pouvait
théoriquement être condamnée à mort.

Le type de l’épouse adultère est celle d’Anup dans le Conte des deux frères. Elle tente de séduire
son beau-frère qui refuse ses avances. Dépitée et craignant aussi les réactions de son mari, elle
renverse la vérité et accuse son beau-frère. Lorsque son mensonge est découvert elle reçoit une

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punition sévère : son mari la tue et jette son corps aux chiens. Dans le conte Kheops et les sorciers,
tiré du Papyrus Westcar, la punition pour la femme adultère du prêtre Webaoner est la mort, la
crémation et la dispersion des cendres.

L’amant, quant à lui, est condamné à être jeté aux crocodiles. L’homme qui devient l’amant d’une
femme mariée risque gros en effet. Parmi les Maximes d’Ankhsheshonq on lit : « Ne fais pas
l’amour à une femme mariée : celui qui le fait sera tué sur le pas de sa porte ». Suite à une plainte
devant une cour de justice déposée par un mari trompé, l’amant est condamné à avoir le nez ou
l’oreille coupé, voire au bannissement ou à la déportation, en Nubie par exemple.

Mais dans les faits, il semble que la femme était rarement condamnée à mort. Ces péripéties
finissaient plutôt en divorces. Le même livre de sagesse, les Maximes d’Ankhsheshonq dit en effet
que « si tu trouves ton épouse avec son amant, prends une femme qui te convienne ».

Paule Valois

Bibliographie :

Eros on the Nile, Karol Mysliwiec, Cornell University Press, 2004

Le sexe au temps des pharaons, José Miguel Parra Ortiz, Cultures Sud, 2006

Sexual life in ancient Egypt, Lise Manniche, Kegan Paul International, 1987

Lynn Meskell, Vie privée des Egyptiens, Nouvel Empire 1539-1075 av. J.-C. , Editions Autrement,
2002

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