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Documentation et recherche en

linguistique allemande
contemporain - Vincennes

La constitution des théories de la référence . De la sémantique


intensionnelle à la sémantique des situations
Frédéric Nef

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Nef Frédéric. La constitution des théories de la référence . De la sémantique intensionnelle à la sémantique des situations. In:
Documentation et recherche en linguistique allemande contemporain - Vincennes, n°31, 1984. Naturalité Syntaxe Référence.
pp. 121-153;

doi : https://doi.org/10.3406/drlav.1984.1017

https://www.persee.fr/doc/drlav_0754-9296_1984_num_31_1_1017

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Frédéric NEF

LA CONSTITUTION DES THEORIES DE LA REFERENCE


DE LA SEMANTIQUE INTENSIONNELLE A LA SEMANTIQUE DES SITUATIONS*

INTRODUCTION.

La sémantique intensionnelle de la référence se réclamant de la


sémantique frégéenne'*' et les remaniements ultérieurs ayant montré un
retour aux thèses russelliennes , nous rappelerons de manière schématique la
topographie des théories en présence, en nous plaçant dans la perspective
d'une histoire récurrente de la sémantique.

On peut illustrer (de manière quelque peu arbitraire) les descendances


respectives des sémantiques frégéenne et russellienne :

FREGE RUSSELL

Sémantique intensionnelle
de la référence
Carnap,
Church Kaplan I , Montague,

Sémantique des
démonstratifs
Kaplan II 3, Perry

Sémantiques
Kamp, Heim partielles

Sémantique des situations


Barwise & Perry

DRLAV 31 (1984) 121-153.


122

On peut aussi présenter les différents choix théoriques de la manière


arborescente suivante :

V ériconditionnel Non vériconditionnel

extensionnel intensionnel

global partiel

/\
indirect direct
Montague Kaplan II mental
Kamp réel
Barwise & Perry g

Espaces mentaux
fonctions référentielles
et
Fauconnier .NumbergS

Nous aurons à expliciter certains des termes qui apparaissent dans ces
tableaux, en particulier les oppositions entre 'partiel' et 'global',
'extensionnel' et 'intensionnel' , 'vériconditionnel' et non 'vériconditionnel' ,
mais nous pouvons dès maintenant, avant d'exposer l'opposition
Frege /Russell, clarifier les choix qui se présentent. Soit une phrase comme
Paul a renversé le thé sur le sofa , la traiterons-nous tout d'abord d'après
ses conditions de vérité (dans un cadre vériconditionnel) , ou bien
récuserons-nous cette approche pour ne nous intéresser qu'à sa
grammaticalité et son appropriation dans un contexte (cadre non
vériconditionnel) ? Si nous décidons d'admettre que sa signification ait
quelque chose à voir avec ses conditions de vérité, l'interpréterons -nous
dans un langage extensionnel (logique des prédicats du premier ordre) ou

non
recourrons
véçifonctionnels
-nous à un 9 ? langage
Si nous
intensionnel,
choisissons
i.e. un
admettant
langagedesintensionnel,
opérateurs

admettrons -nous des modèles globaux (comme les mondes possibles, les états
de l'univers...) ou des modèles partiels (comme des représentations de
discours...). Si nous admettons des modèles de type global,
interpréterons-nous de manière indirecte, i.e. via la traduction dans une
logique intensionnelle, ou directe, i.e. sans passer par cette étape de
traduction ? Enfin si nous avons choisi un modèle partiel, admettrons-nous,
de manière mentaliste, qu'il ressort des représentations mentales, ou de
manière réaliste, qu'il nous donne une carte de la réalité perçue, des
situations du monde, directement ? Tous ces choix sont des choix réels ; la
sémantique a eu à les affronter et le chercheur en sémantique les affronte ,
non comme des purs possibles abstraits , mais comme des décisions
123

inéthodologiques concrètes à prendre en fonction du but visé : austérité ,


fidélité au langage naturel, élégance, calculabilité. . .

On peut par commodité opposer une sémantique frégéenne qui distingue


entre sens (ou intension) et référence (ou extension") à une sémantique
russellienne fondée sur la théorie des types et la théorie des
descriptions .

L'opposition entre la sémantique frégéenne et la sémantique russellienne


peut être résumée de la manière la plus simple par la comparaison de leurs
thèses fondamentales :

FREGE RUSSELL

1. Assignation aux expressions bien 1. Assignation d'une seule valeur


formées d'un langage de deux sémantique aux expressions bien
valeurs sémantiques différentes : formées d'un langage : la
sens et référence. dénotation.
2. Assignation à chaque catégorie 2. La dénotation est une relation
grammaticale d'une référence et entre significans et significatum : la
d'un sens. dénotation, d'une phrase est la
3. Le sens d'une expression est proposition correspondante , la
fonction de ses parties composan- dénotation d'un nom propre la chose
tes15.
nommée propositionnelle
fonction et celle d'un . prédicat
15 une
4. Descriptions définies et noms
propres appartiennent à la catégorie 3. La dénotation d'une expression
des termes singuliers. est fonction de la dénotation de ses
5. La distinction entre sens et parties .
référence permet de rendre compte 4. Les descriptions définies ne sont
de la différence d'informativité pas traitées comme des termes
entre a=a et a-b où a et b sont des singuliers à part entière, elles sont
termes singuliers et '=' une relation plutôt rapprochées des syntagmes
d'identité . quantifiants.

Il convient,
deux points :à d'une
propospart
de lala détermination
notion de sens,
de d'insister
la référence
particulièrement
par le sens 18sur
et

d'autre part la multiplicité des rôles que joue la notion de sens dans la
sémantique frégéenne.

La notion de sens est introduite en effet pour expliquer la


compréhension par des locuteurs des expressions d'une langue naturelle :
un locuteur L comprend une expression E douée d'un sens S si et seulement
si A sait de E et S que S est le sens de E (cf. Evans 1983 : 18 sqq.). Les
124

sens sont abstraits et fournissent un lien entre le langage et la réalité.


C'est indirectement, par le sens, non mental, que ce lien est établi. De
plus les sens des phrases sont des contenus des attitudes propositionnelles
et servent
opaques . 19 de référence des expressions enchâssées dans des contextes

Nous ne pouvons rentrer ici dans le détail de ces doctrines. L'essentiel


est que la différence théorique fondamentale entre la sémantique frégéenne
et la sémantique russellienne est que pour cette dernière les expressions
douées de sens d'un langage sont directement référentielles. La dénotation
d'une expression dans un contexte donné , en effet , est directement
déterminée par les règles de convention du langage. Pour Frege ces règles
déterminent seulement de manière indirecte la dénotation d'une expression :
ce qui est directement déterminé, c'est le sens d'une expression, sens qui
détermine indirectement la dé notation. Cependant cette relation indirecte est
contingente : dans certaines circonstances le même sens peut déterminer
différentes dénotations (p. ex. pour l'étoile la plus éloignée, ou la femme
la plus grosse du monde). Russell, lui, traite les expressions dépendant de
circonstances contingentes plutôt comme des symboles incomplets que comme
des expressions dénotatives. Le caractère incomplet de ces symboles fait
que nous sommes quelquefois incapables d'appliquer les règles de convention
du langage concerné. Pour Frege il s'agirait de Pabsence de mise en
correspondance par le sens d'une expression et d'un référent.

1. LA SEMANTIQUE INTENSIONNELLE DE LA REFERENCE.

Nous n'examinerons pas la question de la fidélité aux thèses de Frege


de la sémantique intensionnelle post-carnapienne 20 , ni celle de la filiation
entre sémantique frégéenne et sémantique intensionnelle. Il nous suffit de
souligner que cette filation est problématique. Cependant nous nous plaçons
plus au niveau des doctrines historiquement constituées que de l'exégèse
frégéenne, russellienne ou carnapienne. Nous nous contenterons donc
d'exposer sommairement les grandes lignes de la machinerie intensionnelle
de la détermination de l'extension par l'intension, en insistant sur les
expressions les plus rétives à une démarche indirecte : les déictiques.

Une forme de sémantique intensionnelle systématique et achevée est


présentée par R. Montague dans "Universal Grammar" (désormais UG)

contenue
(1968). Nous
dans ce
avons
texteexposé
21 . Nousailleurs
nous limiterons
la théorie
ici au
générale
deuxième
desvolet
langages
de la

sémantique de U G : la théorie de la référence (le premier étant constitué de


125

la théorie de la signification qui s'occupe de l'interprétation d'un langage en


général) .

La théorie de la référence de UG est construite à partir des notions de

type
sémantique.
et de dénotation.
Rappelons que
On rappelle
dans la qu'on
théorieentend
simpleici des
par types
type une
de Russell
catégorie
22

une hiérarchie de niveaux répartit les objets en types divers : type zéro :
individu, type un : classe d'individu, type deux : classe de classes
d'individus. On aperçoit immédiatement p. ex. qu'une propriété est de type
un. Un adjectif qui exprime une propriété, comme rouge, serait donc dans
cette théorie des types de type un. Qu'un langage contienne une théorie
des types rend compte du fait central qu'une hiérarchie existe parmi les
entités auxquelles ce langage réfère. Un exemple de langage contenant une
hiérarchie de types est fourni par la définition du langage II de Carnap
(1946), qui distingue des expressions individuelles de type 0, des
expressions de foncteurs et de prédicats de type > 0. L'ensemble des types
élémentaires est limité par Montague à deux : "e" et "t". S'il est commode
d'affirmer que "t" est le type de l'entité 'valeur de vérité' ( truth value), et
donc que "t" est le type des phrases (qui ont pour référence une valeur de
vérité), il est moins facile et surtout plus trompeur de donner tout de suite
un sens à "e". En effet "e" est le type "entité", il se trouve que dans la
sémantique de Montague aucune expression de la langue naturelle n'a pour

référent
d'un pointdirectement
de vue naif,
unele entité.
nom propre,
Le meilleur
mais pour
candidat
des raisons
serait, complexes
semble-t-il,
23 ,

celui-ci se voit assigné un type non-élémentaire. L'ensemble des types


comprend, à part "e" et "t", tous les types formés récursivement à partir
de la règle : si a est un type, alors <s,a> est un type, "s" n'est pas un
type, mais un opérateur qui à partir d'un type a quelconque le transforme
dans son sens. Ainsi p. ex. si "t" est le type de la phrase, <s,a> est le
type de la proposition, puisque la proposition est le sens (ou l'intension de
la phrase). Les propriétés d'individus auront p. ex. le type <s,<e,», avec
la convention que <a,t> est un type qui désigne l'ensemble des objets de
type a.

L'ensemble des dénotations possibles D est défini conjointement aux


ensembles d'entités E et aux ensembles de mondes possibles M. Cela signifie
qu'une entité x aura une dénotation relative à un ensemble de mondes
possibles . . , l'ensemble de ces dénotations formant la dénotation
possible de x dans D. P. ex. l'elfe rouge sera Biaise Barkbreaker dans m
et m2 et Dathi Dawntrader dans m - en l'occurrence il n'est rien qui
corresponde dans mQ à une description aussi engageante. Si l'on
restreignait D à l'ensemble des entités existant dans mQ, on reviendrait à
126

une sémantique dénotative classique.

A chaque type correspond une dénotation : l'ensemble des dénotations


possibles de type e est l'ensemble E - ou dans un autre langage : la
dénotation d'une expression de type e appartient à E - ; l'ensemble des
dénotations de type t est l'ensemble des valeurs de véritié, V, composé de
2 éléments, les valeurs de vérité 1 et 0.

On aperçoit qu'on ne peut obtenir ainsi la signification des mots et donc


des phrases (cf. principe de Frege supra), ni la dénotation d'expressions
enchâssées dans des contextes intensionnels. On introduit donc un ensemble
C de contextes d'emploi, différents de M et la possibilité de passer au
niveau de l'intension avec l'opérateur ", équivalent de s pour les expressions
de type.

Une signification d'une expression d'une langue est alors définie comme
une fonction à deux arguments : un monde possible et un contexte d'emploi.
L'ensemble des significations possibles est l'ensemble des dénotations de
type t relativement à l'ensemble des paires ordonnées <c,m> (où c est un
contexte) .

P. ex. la phrase Je te donne une fiole d'eau voit sa signification


dépendre de deux paramètres : le contexte d'emploi qui "remplit" je et te
et un ensemble de mondes possibles où cette phrase est vraie et qui
constitue l'intension de la phrase. Dans une phrase extensionnelle de ce
genre le recours aux mondes possibles semble inutile. Mais si nous passons
à une phrase comportant à la fois des expressions déictiques et des
éléments intensionnels, la double détermination par C et M devient plus
claire. Soit la phrase : J'imagine que cette fille ne serait pas venue. Ici
nous avons besoin de C pour déterminer la signification de cette et de je,
et de M pour déterminer la signification de ce qui est enchâssé dans
j'imagine et le conditionnel.

Montague introduit ici une distinction notionnelle qui risque d'apporter


quelque confusion dans l'esprit de celui qui est habitué à la dichotomie
frégéenne du sens de la référence (ou signification - Bedeutung) . En effet
il distingue entre le sens* (que nous nous permettons d'écrire ainsi) comme
fonction qui associe à un déictique, p. ex. ici, une référence identique
dans chaque monde possible et la signification* relative à un monde possible
et un contexte. La distinction sens*/signification* ne recouvre pas la
distinction sens /référence de Fregé. Pour ici il pleut, le sens* est une
127

fonction qui identifie à chaque monde possible " ici p", tandis que la
signification* est relative au contexte (selon que cette phrase est énoncée à
Bergen ou Tamamrasset p. ex.). Ainsi dans cet exemple le sens* rend
compte de la rigidité du déictique ici : pour tous les mondes, dans ici p la
relation de ici à p est constante (en gros ici p a le sens suivant : p est
vrai au lieu d'énonciation de p, et ceci dans tous les mondes). La
signification quant à elle tient compte de l'élément contextuel du déictique,
le fait que le lieu de l'énonciateur soit variable , et donc que ici puisse
référer dans un cas à Bergen et dans un autre à Tamamrasset.

Un modèle d'interprétation pour un langage L est une paire composée

d'une interprétation
prédicats p. ex. 24 ) et
au d'un
sens index,
classique
contenant
(de la les
sémantique
coordonnées
de laspécifiées
logique par
des

le modèle - dans l'exemple que nous venons d'évoquer, il y aurait une


coordonnée spatiale poùr l'interprétation de la signification* de ici. Un
modèle peut alors être conçu, à la suite de Montague, comme une restriction
indexicale d'une interprétation. L'assignation de dénotation à une expression
de L est une fonction dont le point de départ est cette expression et le
point d'arrivée l'assignation de signification* relativement à un index. Si a
est une expression, h la fonction d'assignation de dénotation, g la fonction
d'assignation de signification*, on a :
h(a) = g(a)(c ,m ,t , . . . ) 25 où c,m, t sont respectivement des coordonnées
de contexte, de monde et de temps.
Ainsi p. ex. la phrase Alors cet homme connaîtra la pauvreté sera
interprétée par rapport à une coordonnée temporelle (pour le futur),
d'ostension (pour le démonstratif) et de contexte (pour le déictique).

Dans General Semantics , Lewis résume ainsi les grands traits de cette
sémantique intensionnelle : "Une signification pour une phrase est quelque
chose qui détermine les conditions auxquelles elle est vraie ou fausse. Elle
détermine la valeur de vérité de la phrase, dans des états de choses
différents, à des moments différents, à des lieux différents, pour des
locuteurs différents etc. [. ..] [il en va de même pour les noms, F. N. J.
Nous appelons la valeur de vérité l'extension de cette phrase ; nous
appelons la chose nommée par un nom l'extension de ce nom ; nous appelons
l'ensemble des choses auxquelles un nom commun s'applique l'extension de
ce nom commun [. ..] Quelle sorte de chose détermine comment quelque
chose dépend de quelque chose d'autre ? Des fonctions , évidemment [[...]
(Il s'agit de fonctions qui ont pour domaine d'arrivée des extensions
appropriées et pour point de départ un groupe d'éléments qui comprend
tous les facteurs dont dépend l'extension, F.N.J. On appellera un tel
128

ensemble de départ un index et nous appellerons toute fonction des indices


à des extensions appropriées, pour une phrase, un nom ou un nom
commum, une intension" (Lewis 1972 : 173-174).

L'architecture théorique de la sémantiqué intensionnelle est la suivante :


des ensembles (indices, valeurs de vérité, individus, ensembles
d'individus), sont posés comme primitifs et des relations fonctionnelles entre
ces ensembles permettent de construire des concepts dérivés de concepts
d'individus, de propositions, de propriétés. Les concepts individuels sont
des fonctions des indices dans les individus (un concept individuel assigne
à chaque index un individu instancié à cet index). Le concept individuel de
Napoléon assigne à ce nom la série de ses référents relatifs aux différents
moments de l'existence de l'individu Napoléon. Les propriétés sont des
fonctions des indices dans les ensembles d'individus. Les propositions sont
des fonctions des indices dans les valeurs de vérité. Un concept individuel
est l'intension d'un nom propre ; une proposition est l'intension d'une
phrase ; une propriété est l'intension d'un nom commun.

On aperçoit l'importance centrale dans cette architecture des indices.


Comment sont composés ces indices ? Ils comprennent d'une part une
coordonnée de monde possible , comme on l'a vu plus haut , et d'autre part
des coordonnées contextuelles correspondant à des genres de dépendance
contextuelle : de temps, de lieu, de locuteur... .

Dans cette théorie on voit aisément comment interpréter les expressions


non déictiques. P. ex. un nom propre comme Socrate référera non seulement
à tous les individus 'Socrate' au cours de son existence, mais aussi à tous
les individus 'Socrate' dans tous les mondes possibles où il existe. Le nom

propre se verrait
l'occurrence 26 ) et assigné
un typeune sémantique
catégorie syntaxique
donné. Pour
(cellelesdes expressions
termes en

déictiques comme ici , ce, je, maintenant, on recourra à une définition qui
fait intervenir un index : p. ex. je sera défini comme l'expression qui dans
tous les contextes assigne l'index de locuteur, ici celui de lieu associé au
locuteur etc. On a vu plus haut que Montague était obligé de recourir à la
distinction entre signification* et sens* pour rendre compte du rôle des
déictiques, notamment de leur rigidité et de leur dépendance contextuelle.
Cette distinction est inséparable de celle de monde possible et de contexte.
La notion de monde possible est nécessaire pour définir le sens d'une

extension
et M l'ensemble
: si X des
est mondes
l'ensemble
possibles,
des dénotations
alors l'ensemble
possibles Xd'une
M des expression
applicationsa

de M dans X est l'ensemble de toutes les dénotations possibles de type


129

<s,a>. P. ex. à <s,e> correspondent les applications qui pour chaque monde
possible déterminent une entité : les concepts individuels. On peut
d'ailleurs remarquer que le fait qu'il n'y ait pas de correspondant de e dans
la langue naturelle peut s'exprimer ainsi : il n'y a pas d'expression
linguistique spécifique des concepts individuels.

La sémantique intensionnelle classique de Montague-Lewis est donc une


sémantique indexicale dont les concepts fondamentaux sont ceux de mondes
possibles, d'indices et d'individus. Nous laissons de côté ici le problème de
l'interprétation via une traduction d'un fragment de langue naturelle dans
une logique intensionnelle, (cf. Nef 1984 pour une discussion de ce point).
La thèse fondamentale est que l'intension détermine l'extension. Dans le cas
des expressions non déictiques, cette thèse signifie que la référence d'une
expression peut être interprétée dans un contexte opaque (où p. ex. l'objet
dénoté par l'expression n'existe pas dans notre monde, le monde actuel).
Cela représente un énorme progrès par rapport à la sémantique
dénotationnelle stricte. Cependant on peut se demander si des objets
conceptuels aussi encombrants que les mondes possibles sont nécessaires
pour traiter des phénomènes sémantiques finalement assez triviaux. Quant
aux déictiques, leur traitement dans un tel cadre théorique pose plus de
problèmes qu'il n'en résout. Le recours aux coordonnées contextuelles et
surtout le maintien de la thèse de la détermination de l'extension par
l'intension dans le cas des déictiques manquent d'attrait : on sent bien
quelque chose d'artificiel dans cette approche des déictiques. Un déictique
a-t-il vraiment une intension ? Si oui, comment la définir ? L'explication du
rôle des déictiques en termes de sémantique indexicale n'est-il pas
pseudo-explicatif ? Ces questions conduisent à deux autres plus générales :
la sémantique intensionnelle de la référence est-elle empiriquement testable
(linguistiquement et psyschologiquement) ? N'est-elle pas finalement plus
une rupture relativement à Frege que la continuité d'une tradition ?
Derrière ces deux questions se profile une troisième : Et si malgré tout ce
qu'il y a de faux ou d'artificiel la sémantique intensionnelle dérivait ,
malgré tous les gauchissements, toutes les transformations (cf. Engel 1983,
en particulier p. 97 ssq.), de la sémantique frégéenne ? Et si le mal n'était
pas déjà dans le choix de la sémantique frégéenne contre la sémantique
russellienne ? C'est Kaplan qui notamment dans son travail sur les
déictiques (1977, 1981) a articulé toutes ces questions.
130

2. LA THEORIE DES DEICTIQUES EN TERMES DE REFERENCE DIRECTE :


D. KAPLAN.

Le but explicite de la logique des démonstratifs de Kaplan est de


construire une sémantique de la référence directe, sans la médiation de
l'intension dont on vient de voir la nécessité et le fonctionnement chez
Montague et qui a peut-être son origine dans le Sinn frégéen. Construire
cette théorie l'a conduit à s'intéresser aux termes du langage naturel qui
sont directement référentiels. Il nomme ces termes "démonstratifs", mais en
fait il s'agit bien des expressions déictiques dont nous venons de voir quel
type de problème elles posaient à la sémantique intensionnelle.

Kaplan distingue schématiquement ainsi sa position de celle de Frege (et


de la sémantique frégéenne) : alors que pour celui-ci et ses successeurs le
sens était une médiation (obligatoire) entre le langage et l'individu, pour lui
c'est le contenu propositionnel qui opère cette médiation. Il symbolise par
les diagrammes suivants la différence entre les deux approches :

individu contenu propositionnel


sens
I
langage individu
objet
1

approche frégéenne approche kaplanienne


Le point de départ de D. Kaplan est donc l'inéquation de la sémantique
intensionnelle à traiter des démonstratifs. P. ex. elle est incapable de
rendre compte de la différence entre les deux phrases (1) et (2) :
(1) Je suis ici maintenant
(2) David Kaplan est à Los Angeles le 21.4.1973
les deux phrases étant vraies.

Cependant la phrase (1) pose le problème suivant : ou bien nous la


considérons comme contingente (c'est-à-dire fausse pour certains index), ou
bien nous la considérons comme nécessairement vraie. Dans le premier cas
nous ne rendons pas compte de la différence intuitive entre (1) et (2),
dans le second cas nous serons conduit à une absurdité :

(3) L(Je suis ici maintenant)

(3) n'est pas nécessairement vraie : au lieu de me trouver ici à taper cet
article, j'aurais pu me trouver au cinéma ou dans la rue - il existe des
mondes possibles où je suis ailleurs. On peut remarquer qu'il est plus
difficile d'imaginer des mondes possibles où je ne serais pas 'maintenant', si
131

j'y suis. La raison en est simple : il existe un axe temporel commun à tous
les mondes, où le maintenant est rigide, tandis que le ici peut-être situé
librement dans une topologie. Maintenant dans ce monde coincide avec
maintenant dans m, quel que soit m différent de ce monde, tandis que ici
dans ce monde ne coincide pas nécessairement avec ici dans m. D. Kaplan
n'a pas remarqué cette différence et il nous semble que la contingence de
(3) est localement située dans le déictique spatial.

La théorie de Kaplan est que différents contextes ne produisent pas


seulement différentes valeurs de vérité , comme dans la sémantique
indexicale , mais différentes propositions , sur ia nature desquelles nous
reviendrons. La distinction frégéenne du sens et du référent est affinée : il
distingue deux sortes de sens, le caractère et le contenu.

Le contenu est "toujours relatif à un contexte donné d'usage" (Kaplan


1981 : 83). Ce qui diffère de la sémantique indexicale c'est que ce qui est
dit peut varier en fonction du contexte, et pas seulement la valeur de
vérité .
Pour reprendre l'exemple de Kaplan
(4) J'ai été insulté hier
dans (4) "un contenu spécifique - ce que j'ai dit - est exprimé. Votre
énonciation de la même phrase, ou la mienne un autre jour, n'exprimerait
pas le même contenu." (Kaplan 1981 : 83) Kaplan poursuit : "Parlant
aujourd'hui, mon énonciation de (4) aura un contenu grossièrement
équivalent à
(5) David Kaplan a été insulté le 20 avril 1973

qui pourrait être dit par vous ou par quiconque n'importe quand." (Kaplan
1981 : 83-84). Dans la théorie de Kaplan, (5) est la proposition qui
correspond à la phrase (4). Il est clair que selon le contexte, à (4)
pourront correspondre différentes propositions. On peut donc plus ou moins
identifier proposition et contenu dans la notion de contenu propositionnel :
le contenu, selon Kaplan, est proche de cette dernière notion.

La définition abstraite des caractères se présente ainsi : Les caractères


sont des fonctions des contextes dans les contenus. Le caractère, de
manière plus intuitive, est "ce composant du sens d'une expression qui
détermine comment le contenu est déterminé par le contexte" (Kaplan 1981 :
84). Toutes les expressions n'ont pas la même manière de dépendre du
contexte (cf. supra) et c'est cette caractéristique que prend en compte la
distinction entre contenu et caractère. Kaplan donne l'exemple d'un
132

déictique, je : "Le caractère de 'je' serait alors représenté par la fonction


(ou règle, si vous préférez) qui assigne à chaque contexte ce contenu qui
est représenté par la fonction constante des mondes possibles dans l'agent
du contexte" (Kaplan : 1981 : 84)

On pourrait à première vue considérer la théorie des démonstratifs de


Kaplan comme une extension de la sémantique frégéenne, dans la mesure où
il scinde le sens frégéen, mais en fait son introduction du contenu
propositionnel russellianise la sémantique frégéenne. Vont dans le même sens
des points que nous n'avons pas le loisir d'examiner : admission de
propositions singulières c'est-à-dire non quantifiées et directement
référentielles , définition de la proposition comme un tout complexe structuré
(et non comme un ensemble de mondes possibles) et structuré en fonction
des apports référentiels de ses composants (cf. Kaplan 1975 pour une
discussion complète des conséquences philosophiques de la russellianisation
de la sémantique frégéenne).

La tentative de Kaplan possède à la fois une immense portée et un


domaine d'application très limité. Sa portée immense, c'est de proposer un
modèle d'interprétation sémantique cohérente qui ne recoure pas à une
traduction en logique .intensionnelle , et qui dans son architecture ne fasse
pas de la notion d'intension (au sens de Lewis-Montague) l'intermédiaire
obligé entre l'individu et l'objet. Sa portée limitée s'explique par le fait que
les déictiques ne sont pour Kaplan qu'un exemple linguistique d'une part de
'référence directe' (i.e. sans la médiation de l'intension), et d'autre part de
phénomène réclamant la distinction du contenu et du caractère, le passage à
une théorie sémantique 'à deux étages' au lieu d'un, le sens.

Elle a préparé la voie aux sémantiques directement référentielles, dont


l'achèvement actuel le plus spectaculaire est certainement la sémantique des
situations (cf. infra §6).

3. REPRESENTATION DU DISCOURS, DYNAMIQUE DE L'INTERPRETATION


ET REFERENCE.

Nous avons rappelé brièvement (§1) la place centrale des concepts de


'monde-possible' et d"intension' dans la sémantique intensionnelle. Nous
venons de décrire une sémantique directement référentielle qui fait
l'économie de la notion d'intension. Cependant on a pu noter que beaucoup
de limitations de la sémantique intensionnelle étaient intactes , en particulier
133

le caractère statique de l'interprétation, la limitation aux phrases (et


énonciations), et la conservation de l'emploi des mondes possibles, même si
leur interdéfinition avec les propositions était abandonnée. Il existe une
autre ligne de recherches qui tout en conservant le refus du détour par la
médiation de l'intension, a remis en causes ces limitations et proposé une
sémantique discursive, dynamique et non fondée sur les mondes possibles,
du moins au sens classique de cette notion dans la sémantique de Montague.

Nous choisirons comme particulièrement représentative de cette ligne de


recherches la théorie des structures de représentations de discours
(désormais SRD) de H. Kamp (1979, 1981).

Qu'est-ce qu'un monde possible ? C'est un ensemble d'individus et de


relations, et plus précisément un ensemble maximal de propositions. On
définit un tel ensemble par le fait que pour une proposition quelconque de
cet ensemble, on est capable d'assigner à cette proposition l'une des deux
valeurs de vérité, le vrai ou le faux. Si l'on admet une troisième valeur,
l'indéterminé, alors on passe à un autre type de modèle : un modèle partiel.
Les mondes possibles dans la théorie de la sémantique intensionnelle étaient
conçus, pour des raisons évidentes, surtout dans leur relation
d'accessibilité à notre monde, le monde actuel, mQ. Le réquisit de maximalité
impliquait donc que dans ces mondes possibles toute proposition de mQ ait
sa correspondante, vraie ou fausse. C'est à cette condition qu'il s'agissait
de mondes, c'est-à-dire de totalités structurées et complètes. Les
raisonnements modal et conditionnel, ainsi que leur expression linguistique
semblaient justifier cette conception : le raisonnement sur du non-factuel
semble devoir s'appuyer sur un simulacre de monde, qui en imite la
consistance et la complétude. Cependant une vue plus précise des stratégies
cognitives, notamment dans le traitement du discours, a amené à considérer
que l'esprit humain pouvait, maintenir ces deux propriétés de consistance
et de complétude sur des sous-parties des modèles globaux. Le raisonnement
modal ou hypothétique n'a pas à mettre en branle des mondes absolument
égaux au nôtre en cardinalité propositionnelle. Le raisonnement, et son
expression, est capable de construire un sous-ensemble consistant et limité
par les besoins du raisonnement en cours. Pour prendre un exemple
presqu 'absurde , je peux raisonner sur ce que ferait Marie si Pierre partait
en vacances avec elle, sans, dans le monde où ils partent en vacances,
avoir à décider si la Tchécoslovaquie a été envahie par l'U.R.S.S. Dans la
sémantique des mondes possibles, si "Marie part seule en vacances" est une
proposition vraie, elle est impliquée par l'ensemble des propositions vraies,
dont celle qui exprime l'invasion de la Tchécoslovaquie. Ce qui peut
134

apparaître au premier abord comme une bizarrerie logique s'avère


extrêmement gênant dès que l'on cherche à étudier les stratégies
interprétatives dans un discours , dont le processus d'interprétation est par
définition dynamique. Quant au domaine d'interprétation, c'est un truisme
que d'affirmer qu'il est limité. Des modèles dynamiques et partiels semblent
donc nécessaires pour étudier la construction des mécanismes référentiels
dans un discours. Il ne s'agit pas de faire du référent un pur produit du
discours , mais de rendre compte de la manière progressive dont le locuteur
reconstruit l'univers référentiel nécessaire à l'interprétation et à la
compréhension du discours.

tarskienne
L'objectif
27 dede lala vérité
théorie pour
des SRD
un discours,
de Kamp est
définition
de fournir
compatible
une définition
avec le

type d'interprétation dont nous venons d'évoquer les propriétés.

La définition de la vérité pour un discours est la suivante : Une


représentation donnée, m, n'est correcte, relativement à un discours D que
ssi m peut être considéré comme correspondant à une partie appropriée
quelconque de M, le modèle du discours D, i.e. s'il existe une façon de
mettre en relation les membres de l'univers de m avec les objets de M.

Cette représentation, ou SRD, sera exprimée sous forme de tableaux.


On aura donc en fait trois niveaux : 1. le discours D ; 2. la représentation
de D par une SRD : m ; 3. le modèle de D : M. Le modèle de D contient
tous les individus et toutes les relations exhibés dans D. Les
représentations m,m',m"... sont construites au fur et à mesure du
déroulement du discours. La définition ci-dessus revient à dire qu'un
discours est vrai s'il existe des représentations de ses sous-parties qui
peuvent être mises en relation avec les éléments de son modèle de
description.

Nous ne pouvons ici rappeler ni les origines wittgensteiniennes de la

notion
( Tractatus
Benthhemde &,tableau
Ejik
2.19)1982)
28( Bild
, 94
ni). lalogique
filiation
"qui
vispeut
à vis
représenter
des tableaux
( abbilden
de Beth) le(cf.
monde"
Van

La construction des SRD est menée de la manière suivante. On


considère qu'un discours D contient des instructions pour introduire de
nouvelles entités ou en rappeler certaines déjà introduites. Le premier cas
correspond aux expressions déictiques , tandis que le second correspond aux
expressions anaphoriques . D'autre part la première occurrence d'un nom
135

propre, d'un terme ou d'une description définie, bref d'un terme singulier
équivaut à l'introduction d'une nouvelle entité. Un des points de départ de
la théorie des SRD est donc la différence bien connue entre mécanismes
déictiques et anaphoriques de la référence. Cette théorie comprend des
éléments suivants : une grammaire qui assigne aux expressions du langage
L de D des catégories, et une interprétation sémantique de ces catégories,
dans l'esprit de Montague (1974 ; cf. Kamp 1981). A côté de cela il y a,
comme dans toute théorie sémantique, une représentation de la signification.
Ici il s'agit donc de tableaux chargés de rendre compte de la dynamique de
l'interprétation référentielle. Nous ne nous intéresserons pas ici au
soubassement grammatical, moins original, mais qui est un élément
indispensable de la théorie.

Soit un discours élémentaire, composé de deux phrases, avec un lien


anaphorique :
(6) Pedro possède Chiquita. Il la bat (ex. de Kamp 1984 : 7).
Les noms propres de D seront mis en correspondance avec des constantes
individuelles de M. Les verbes seront traités comme des prédicats. On
n'introduira pas de constante de prédicat, de la même manière que dans la
Grammaire de Montague les verbes et les noms communs n'étaient pas
traduits. La SRD de (6) aura l'allure suivante :

Pedro possède Chiquita. Il la bat.


u v
(1) Pedro possède Chiquita
(2) u = Pedro
(3) u possède Chiquita
(4) v = Chiquita
(5) u possède v
( 6) il la bat
(7) u la bat
(8) u bat v

Les noms communs seront traités comme des prédicats à une place : la
représentation de 'âne' est 'âne(u)'. La présence d'expressions quantifiées
dans D se traduit par la présence de variables dans la SRD
correspondante. Par exemple la phrase (7) aura la SRD suivante (ex. de
Kamp 1984 : 15) :
136

(7) Every farmer who owns a donkey beats it


p 11(12) - r_m2(12) -

farmer
x
X owns (x)
donkey va(v)
donkey Xdonkey
farmer
x owns xVavvit donkey
beats V

La définition de la vérité de (7) est la suivante : "Ainsi (7) est vraie dans
M ssi chaque f tel que f(x) e FM(farmer), f(v) £ Fidonkey) et f(x),f(y) t
(own) possède la propriété additionnelle que f(x),f(y)£ FM (beat )" (Kamp
1984 : 15) Fjyj est une fonction d'interprétation qui assigne les noms.

Soit maintenant l'introduction des déictiques dans cette théorie des


SRD. Nous nous limiterons, avec Kamp, aux déictiques temporels. Pour
introduire des relations temporelles, Kamp admet d'une part dans ses SRD
une constante temporelle, n pour now (maintenant ), et d'autre part des
événements e.e... reliés entre eux par deux types de relation : la
précédence , et le recouvrement O. eeg est défini : il existe au
moins une partie de e2 qui est postérieure à e, et e O e2 est défini : il
n'existe pas de partie de e qui ne soit une partie de e 2. (Ou peut définir
différemment ces relations). Les événements ici ne seront pas définis
précisément. Il s'agit d'entités spatio-temporelles dépendantes du schème

cognitif
des transitions
du locuteur
d'un état
et qui
de sont
stabilité
identifiables
à un autreen
30 . première
Si nous considérons
approximationdesà

phrases temporelles qui forment un discours, nous devons dissocier ce qui


est déictique et qui concerne la relation de l'événement ou des événements
décrits au point n, de ce qui est aspectuel et qui peut être interprété dans
ce cadre comme des instructions sur la représentation des événements,
c'est-à-dire sur les relations qu'ils ont les uns avec les autres.

Soit les phrases :


(8) Marie peignait un tableau. Paul faisait la cuisine. Henri chanta.
(9) Marie peignit un tableau. Paul fit la cuisine. Henri chantait.
Les SRD de ces deux discours seront respectivement SRD(8) et SRD(9).
Dans ce cas le traitement avec les SRD donne un résultat plus satisfaisant
que les logiques temporelles.
137

SRD(8)

Paul faisait la cuisine Henri chanta


Marie
(2) u peignait
= Marie un tableau (2) v = Paul (2) w = Henri
(3) u peignait un tableau (3) v faisait la cuisine (3) w chanta
(4)
(5) e.ecn
e : u peignait un tableau (4) e9:v faisait la cuisine (4) e„:w chanta
(5) e9°<n (5) eqn

SRD(9)

Paul fit la cuisine Henri chantait


Marie
(2) u peignit
= Marie un tableau (2) v = Paul (2) w = Henri
(3) u peignit un tableau (3) v fit la cuisine (3) w chantait
(4) ei'exn
(5) e1 : u peignit un tableau (4) e9:v fit la cuisine (4) e„:w chantait

Cependant , il existe toute une série de phénomènes dont le traitement par


des SRD*est problématique. Nous n'en citerons que deux : la négation et la
quantification du type "quelques x".

Soit la phrase :
(10) Paul n'a pas marché hier
Comment la représenter ? Il semble que la meilleure interprétation (intuitive)
soit la suivante : il existe un événement tel que Paul a marché , mais cet
événement n'est pas survenu hier. Deux raisons peuvent justifier cette
interprétation : la nature de la négation linguistique qui est toujours une
réponse à une affirmation. Si je nie p, c'est que p est au moins possible et le
fait que (10) n'exclut pas que Paul ait marché à un autre moment que hier.
138

Deux problèmes au moins se posent pour construire la SRD de (10) : d'une


part l'introduction de hier , d'autre part l'introduction de la négation. Nous
choisissons pour ce dernier point de l'introduire de manière
syncatégorématique sous la forme NEG - nous ne pouvons ici traiter à fond
de ce problème. Quant à hier nous l'introduisons comme posant un point h
antérieur à n. Cette solution a l'avantage de la simplicité, et l'idéalisation
qui consiste à considérer hier comme dénotant un point et un intervalle
n'est pas gênante en l'occurrence : le problème avec la négation se poserait
exactement de la même manière si à la place de hier nous avions à 17 h
50' 42" 35/100.

La SRD de (15) sera donc SRD (15) :

SRD(15)
Paul n'a pas marché hier
u n h
u = Paul
u n'a pas marché hier
e = u a marché
NEG (e O h)

Ce traitement se heurte à un type de contre-exemple concernant les cas où


la négation de e n'implique pas la possibilité de e, dans le cas de la
non-démonstration d'une conjecture p. ex. : Robert n'a pas résolu hier la
conjecture de Fermat ne saurait recevoir le traitement ci-dessus. En effet il
est difficile d'accepter qu'il existe un événement correspondant à sa
résolution. De plus la possibilité même de e dans ce cas n'est pas impliquée,
je puis avoir : Robert n'a pas résolu la conjecture de Fermat hier {comme
tu l'affirmes
voyons pas de
"| ni
solution
jamaisdans
d'ailleurs
ce cas. : 32elle est impossible à résoudre. Nous ne

Les phrases du type (11)


(11) Quelques fermiers aiment quelques veuves
posent un problème dans la mesure où leur quantification mixte n'est ni
universelle, ni existentielle. On rappelle qu'on traite les universelles en
introduisant des variables et les existentielles comme des instructions sur
l'introduction de nouvelles entités - les universelles correspondent aussi à
un type d'instruction, mais nous laissons de côté ce point. Dans la logique
mathématique on introduit quelquefois des quantificateurs non standard pour
représenter quelque x, beaucoup de x. Mais l'on a vu que dans la théorie
des SRD on répugne à introduire les quantificateurs syncatégoriquement
139

on souhaite démonter leur apport référentiel et le représenter dans le


langage des tableaux. La seule possibilité évidente serait de traiter
quelques x comme dénotant un collectif singulier, que l'on mettrait en
correspondance avec une variable individuelle. Cela suppose que (12) et
(13) reçoivent la même SRD :

(12) Quelques loups ont attaqué les enfants


(13) Un groupe de loups a attaqué les enfants.
Malheureusement dans (12) quelques peut avoir un sens restrictif :
l'enchaînement mais pas tous est possible avec (12), et impossible avec
(13).

J. Van Benthem et J. van Eijk (1982) ont critiqué la théorie des SRD
sur ce type de limitations : "Les seules phrases de la logique des prédicats
auxquelles peut s'appliquer la définition de la vérité-plongement 33 sont
les phrases purement existentielles ou construites à partir des négations de
formules atomiques, n'utilisant que et, ou, il existe" (Van Berhtem & Van
Eijk 1982 : 6).

Cette limitation serait liée à une ambiguité touchant les tableaux


eux-mêmes. En effet ces auteurs montrent qu'il faut savoir distinguer entre
des représentations syntaxiques , sous forme de structures arborescentes , et
des représentations sémantiques, sous forme de tableaux sémantiques. La
critique de Van Benthem et Van Eijk concerne donc l'ambiguité des SRD de
Kamp entre une représentation syntaxique et une représentation sémantique.
Il est exact que les règles d'introduction des entités dans les SRD sont des
regies à fondement syntaxique , fondées sur une catégorisation syntaxique
des expressions linguistiques (cf. Kamp 1981, Appendice). En ce qui
concerne les quantificateurs universels, ces auteurs proposent p. ex. de
distinguer entre une représentation abstraite générique (structure
arborescente) et une composante instructionnelle stipulant l'introduction de
nouveaux individus dans le tableau sémantique.

La théorie des SRD de Kamp est marquée par une double inspiration
procédurale et discursive. Pour ce qui est de l'inspiration procédurale en
sémantique, on peut évaluer de manière variable le rôle explicatif ou pas de
la notion d'instruction. Il est certain que l'étude de la référence est
enrichie par l'intégration de cette composante : beaucoup d'éléments de la
langue se laissent mieux décrire en termes instructionnels qu'en termes de
théorie des modèles descriptive. Cependant le concept d'instruction n'est
pas dénué de toute ambiguité. On peut comprendre ces instructions comme
relatives à la construction du modèle - le discours contiendrait les règles de
140

sa propre interprétation. On peut comprendre aussi les instructions comme


relatives non au modèle directement , mais aux relations entre les entités
présentes dans le modèle. Dans ce dernier cas on en revient à une idée
plus classique de la référence.

Quant à la dimension discursive, un examen plus détaillé de la théorie


des SRD montrerait que les phénomènes de nature spécifiquement discursive
sont très limités et concernent presqu'exclusivement l'anaphore
inter-phrastique. La définition de la vérité pour un discours ne parvient
pas à rendre plus claire la nature elle-même de ce qu'est un discours. Que
le modèle d'un discours enchâsse les sous-modèles de ses parties , et que
ceci puisse être montré dans une théorie des modèles partiels est un
résultat important , dans la mesure où l'on a trop facilement identifié
sémantique vériconditionnelle et limitation à la phrase, mais la levée de cette
limitation ne s'est pas traduite par un gain de connaissance en ce qui
concerne la différence entre phrase et discours. Finalement l'application au
discours d'une procédure tarskienne de définition de la vérité est dans la
droite ligne du principe de compositionalité de Frege. C'est la
compositionalité du discours qui est en jeu et non sa dynamique propre - si
elle existe.

4. LA SEMANTIQUE DES SITUATIONS DE BARWISE ET PERRY.

La sémantique des situations , comme celle des démonstratifs de Kaplan ,


prend pour point de départ la critique de la théorie frégéenne du sens.
Selon ses créateurs cette théorie frégéenne fonctionne de la manière
suivante : l'esprit saisit à travers les sens des mots la relation de ces mots
aux objets :
esprit
idée mots

objets
Selon Barwise et Perry ce schéma n'est finalement qu'un raffinement du
schéma lockien 34

esprit
idée mot
chose

Ils opposent la sémantique extensionnelle du premier ordre, qui se contente


141

de mettre en relation l'expression linguistique et la chose, par


l'intermédiaire d'une expression relative à un modèle, et la sémantique
intensionnelle qui s'intéresse surtout à la relation entre l'expression
linguistique et l'idée ou intension. Il est clair que le passage de la première
à la expressions
des seconde et l'introduction
synonymementdesréférentielles
intensions s'est
35 . Le
fait changement
à propos du théorique
problème

qu'ils se proposent d'apporter par rapport à Frege repose principalement


dans l'introduction d'un schéma classificatoire, ou système d'objets abstraits
qui permettrait de décrire la signification des expressions et des états
mentaux en termes des informations qu'ils fournissent sur le monde
extérieur. Dans la théorie des SRD intervenait un schème conceptuel pour
les événements , mais Kamp n'a pas donné une structure précise à ce
schème.

Le refus de la médiation intensionnelle s'accompagne d'un refus de la


stratégie d'interprétation en termes de satisfaction. Dans la sémantique
intensionnelle , ainsi que dans les théories postérieures , notamment la
théorie des SRD de Kamp, on interprétait les phrases en termes de
satisfaction. P. ex. dans (14).
(14) Jean est assis

il était courant d'affirmer : le prédicat est assis est satisfait par le terme
singulier Jean. On procédait alors dans l'interprétation de la signification
de manière com posit ionnelle , à partir des interprétations de Jean et de est
assis, définis en termes de propriétés et de mondes possibles. La phrase
(14) est vraie ssi l'interprétation de Jean satisfait le prédicat est assis.

La référence de (14) dans la sémantique intensionnelle est déterminée de


manière indirecte : on n'étudie pas la relation entre cette phrase et ce
qu'elle décrit. La théorie des situations met au centre de ses préoccupations
cette relation : elle pose une relation entre (14) et toutes les situations
pour lesquelles elle est vraie.

Elle se propose d'autre part d'introduire une étape supplémentaire dans


la sémantique. Les deux premières étapes consistent en la détermination de
l'interprétation et de la signification. La troisième étape que Barwise et
Perry introduisent est l'appréciation de la situation. Ils donnent pour
justifier cette introduction l'exemple suivant :
(15) X : J'ai raison, tu as tort.
Y : J'ai raison, tu as tort.
où il faut prendre en compte la situation pour interpréter la signification.
142

La signification de ces deux phrases est en effet identique : si les


locuteurs X et Y disent la même chose, en termes de signification,
l'appréciation peut seule permettre d'apprécier le désaccord. La sémantique
des situations se propose plus généralement d'étudier la relation entre les
énoncés ( utterances ) et les situations décrites par les énonciations. Pour
reprendre l'exemple (14), là où la sémantique frégéenne déterminerait la
référence de Jean est assis, prise comme un tout, comme étant sa valeur de
vérité, la sémantique des situations, elle, déterminerait la situation décrite
par (14) comme étant la référence de cette phrase.

Pour mieux apprécier la différence entre sémantique frégéenne et


sémantique des situations, choisissons un exemple de complétive d'un verbe
d'attitude propositionnelle :
(16) Jean croit que Pierre a faim.

Si nous procédons comme en (14), nous attacherons à Jean le prédicat croit que
Pierre a faim. L'énoncé comme un tout sera vrai si ce prédicat est satisfait
par Jean. Mais le prédicat croit que Pierre a faim peut s'analyser en croit
que, prédicat effectivement satisfait par Jean, et Pierre a faim, qui est une
phrase. Si nous pensons avec Frege que la référence d'une phrase est sa
valeur de vérité , nous dirons dans le cas où une phrase comme Pierre a
faim est sous un verbe opaque comme croire, que ladite phrase n'a pas de
référence directe à une valeur de vérité , mais une référence indirecte à un
sens : Pierre a faim,", intension de Pierre a faim c'est-à-dire la pro¬
position qui y correspond.

Dans la sémantique des situations on dira que la phrase enchâssante


décrit une situation plus globale que la phrase enchâssée. Si est la
phrase totale (16) et si S 2 est la phrase enchâssée Pierre a faim, alors la
situation décrite par la phrase enchâssée et un sous-ensemble de la
situation décrite par :

L'approche vériconditionnelle pour les phrases enchâssées donne des


résultats peu satisfaisants, surtout dans le cas des verbes d'attitude
propositionnelle. Dans la sémantique intensionnelle les deux phrases
143

enchâssées (17) et (18) p. ex., si elles sont toutes les deux vraies, sont
synonymes, ce qui est contraire à l'intuition :
(17) croit que Médor est un bon chien
(18) croit que Nantes est à l'Ouest de Nancy

Barwise et Perry rejettent donc , comme Kaplan , la référence indirecte


et étendent ce rejet aux complétives. Ils soutiennent que dans les
complétives il y a référence directe à des situations. Si Frege et ses
successeurs avaient cherché du côté des complétives de verbes opaques
pour soutenir la thèse d'une référence indirecte au sens, Barwise et Perry,
eux, vont s'appuyer sur l'étude des infinitives véritables pour soutenir leur
thèse. Ils reprochent explicitement à Frege d'avoir construit sa théorie de
la référence et du sens en prenant comme point de départ l'étude exclusive
des verbes opaques (Barwise et Perry 1983).

Soit les phrases (19) et (20) :


( 19) Jean a vu Marie courir très vite
(20) Jean croit que Marie court très vite

Ce sont les verbes de perception + infinitive (comme dans (19)) qui


fourniront un paradigme descriptif à la sémantique des situations. Cette
dernière se propose également de fournir un cadre unifié pour l'étude des
verbes de cognition ou de parole + complétive et les verbes de perception +
infinitive :

(21) Mélanie a vu Jean manger un anchois


(22) Mélanie a entendu Jean manger un anchois
(23) Mélanie a su que Jean mangeait un anchois
(24) Mélanie a cru que Jean Mangeait un anchois
(25) Mélanie a dit que Jean mangeait un anchois.

Les verbes d'attitude comprennent donc les verbes de cognition, de


perception et de parole et la sémantique frégéenne s'est limitée indûment
aux verbes de cognition.
Les principes du traitement des verbes d'attitude de Barwise et Perry, qui
est la pierre d'angle de la théorie des situations , sont les suivants : tout
d'abord considérer les phrases enchâssées comme des unités syntaxiques, et

que les expressions


pronoms et descriptions
y fonctionnent
définies à usage
comme attributif
ailleurs, 36ensuite
comme traiter
des expressions
les noms,

ayant des individus pour valeurs sémantiques (et non des sens), enfin
limiter l'échec du principe de substitution dans le cas des verbes d'attitude
au seul cas d'un usage attributif interne.

Qu'entend-on par 'usage attributif interne' ? Il s'agit d'un usage d'une


description dans une expression d'attitude pour décrire ce que l'agent
144

pense de l'objet. P. ex. dans (26)

(26) Hélène
cuisiniersavait
. que Henri était toujours en retard. Henri était le
Hélène savait que le cuisinier était toujours en retard.
La dernière phrase de (26) a une lecture attributive interne si c'est le
locuteur qui attribue à Henri la propriété d'être le cuisinier. Suivant cette
lecture, Hélène peut ignorer que Henri = le cuisinier.

Selon Barwise et Perry la sémantique intensionnelle ne peut traiter les


épistémiques neutres qui comprennent d'une part les verbes de perception +
infinitive et d'autre part les verbes de perception + participe présent :
(27) Paul vit un homme sortir de la cuisine
(28) Paul vit un homme sortant de la cuisine.

La sémantique intensionnelle suivant ces auteurs ne sait traiter que les


épistémiques positives :
(29) Paul vit qu'un homme sortait de la cuisine.

Une seconde caractéristique essentielle de la sémantique des situations

est de construire
comprend
existentielle
descriptions 39
desdéfinies
, négation
principes
une42 , 40
logique
cf.
, conjonction
(véridicalité
Gochet
des attitudes
1983)
37
et, disjonction
substitution
qui
de perception.
sont,41differents
38
, . , distribution
. Cette
généralisation
delogique
ceux
des

gouvernant les attitudes propositionnelles.

On pourrait objecter à la sémantique des situations que la sémantique


des attitudes mentales est différente de la sémantique des attitudes
perceptuelles. De plus il existe une dissymétrie entre verbes mentaux et
verbes perceptuels dans la mesure où les seconds admettent soit des
infinitives, soit des complétives, tandis que les premiers n'admettent que
des complétives :
(30) Marie pense qu'un homme sort de la cuisine.
(31) *Marie pense une homme sortir de la cuisine.

Cf. par contre (s')imaginer :


(32) Marie imagine un homme sortir de la cuisine.

La signification de cette dissymétrie est claire : à un événement correspond


toujours une proposition, tandis que le contraire n'est pas vrai.

Il existe par contre un point sur lequel la sémantique des situations


représente un progrès indéniable , c'est celui de la classification des
événements en événements types et événements occurrences. Que (33) p.
145

ex. réfère à un événement occurrence ou un événement type, permet de


différencier les deux lectures de toujours, quantifiante ou persistante :
(33) Marie mange toujours

Il est également certain qu'il est plus satisfaisant de considérer la


relation entre une phrase et toutes les situations où elle est vraie que la
relation de vérité dans un modèle. Si une phrase est vraie dans tous les
modèles, elle est valide. Mais il existe un très grand nombre de phrase qui
ne sont pas valides , sans pour autant que leur vérité soit limitée à un
modèle. La restriction à une classe de modèles est l'une des difficultés de la
sémantique intensionnelle classique que la sémantique des situations permet
de lever, au moins en partie.

Par contre en ce qui concerne la référence à des entités


extra-linguistiques , il est permis d'être sceptique : la sémantique des
situations présuppose d'une part une primauté de la perception et d'autre
part une vue réaliste de ce mécanisme cognitif. Il n'est pas certain que ces
pré suppositions puissent appartenir au domaine d'une théorie sémantique.
Ce double présupposé tranche brutalement le dilemme épistémologique posé
par le développement de la sémantique intensionnelle vers des modèles
partiels. Nous avons vu leur statut de représentations mentales chez Kamp
(il en irait de même chez Fauconnier 1979, 1984). Cependant il est connu
que l'inférence ontologique des modèles à la réalité n'est pas valable. On
peut certes dégager une ontologie d'une interprétation sémantique d'un
modèle (global ou partiel), mais à cette interprétation ne correspond pas
automatiquement une ontologie, et surtout pas un type d'ontologie réaliste
ou nominaliste par exemple. Il semble qu'avec la théorie des situations on
passe de la référence directe ou des méthodes directes en sémantique à une
ontologie directe de la perception où les attitudes mentales sont des
élaborations secondaires. Malgré son aspect séduisant, ce saut est extrêment
problématique.

CONCLUSION.

La conclusion d'un tel examen ne saurait être tranchante, ni même


univoque. En effet nous avons eu affaire dans ce qui précède à des
motivations scientifiques d'ordre très différent : philosophique, pour ce qui
touche l'accent mis sur la référence directe (en opposition à la référence
frégéenne via le sens), logique en ce qui concerne l'évolution vers le
caractère partiel des modèles de représentation, linguistique, enfin, pour ce
qui est de l'évolution parallèle vers les représentations discursives
substituées aux formes logiques.
146

La sémantique des langues naturelles s'efforce de représenter


logiquement la relation d'expressions linguistiques à (des modèles de) la
réalité . Il est donc naturel que les prises de positions philosophiques , les
progrès des disciplines logiques interfèrent de manière décisive avec son
développement propre. Elle est beaucoup plus le lieu d'intersection de
préoccupations diverses qu'un point de vue unificateur sur la langue.

On ne peut décider par des arguments linguistiques ou sémantiques en


faveur de telle ou telle philosophie de la référence. Il existe en particulier
une beaucoup trop grande différence entre l'approche philosophique et
l'approche linguistique de la référence. Selon la première on se préoccupe
des principes cognitifs qui établissent l'unicité et l'identité du référent,
tandis que dans la seconde on s'attache surtout à déterminer la part
respective des différentes expressions linguistiques dans la construction
d'un univers de discours.

Les faits linguistiques qui sont au centre du débat sémantique actuel


sur la référence sont de quatre ordres : quantification, anaphore,
démonstratifs, verbes d'attitudes propositionnelles et mode de
complémentation. La quantification notamment existentielle introduit dans les
représentations discursives des entités auxquelles on pourra par la suite se
référer par anaphore ; il est également possible de désigner
démonstrativement ces entités, de manière directe. Enfin ces entités peuvent
être d'un ordre supérieur : des événements , des situations ou des
propositions enchâssés dans des verbes d'attitudes propositionnelles. Il ne
semble pas que ce soit par hasard que ces quatre mécanismes aient été au
centre de notre parcours. Il semblerait plutôt qu'ils épuisent à eux quatre
la machinerie linguistique de la référence.

On peut envisager le développement des théories de la référence soit


d'un strict point de vue historique, soit du point de vue des programmes
de recherches qu'ils se proposent de mener à bien. D'un strict point de vue
historique il est clair que l'on peut distinguer trois phases : 1) les théories
frégéenne et russellienne de la référence (1880-1910), suivies de la
constitution d'une "sémantique frégéenne" notamment par Carnap
(1940-1950), 2) ensuite la constitution de la sémantique intensionnelle
(Church, Kaplan, Montague,...) de 1950 à 1975 environ. 3) Enfin une
troisième période s'est ouverte depuis une dizaine d'années avec les
structures de représentations discursives , les espaces mentaux , les
situations. Alors que dans la deuxième phase il existait un modèle global et
synthétique, la grammaire de Montague, il n'en va pas de même dans cette
147

troisième phase. Nous avons pu déceler un certain nombre d'orientations


communes (orientation vers l'interprétation dynamique, prépondérence du
local et du partiel, refus des méthodes indirectes...), mais cette série
d'orientations ne constitue pas à elle seule une théorie unifiée. Si l'on
désire utiliser une analogie avec la physique on pourrait dire que les
théories de Frege-Russell jouent le rôle de théorie de la relativité
générale , tandis que la sémantique intensionnelle joue le rôle de mécanique
quantique. Les développements actuels sont tout à fait semblables aux
développements théoriques que l'on observe en physique et que les
physiciens avouent ne pas pouvoir fondre dans un moule homogène.

Si nous nous plaçons maintenant dans un cadre 'programme de


recherche', alors on peut répartir les problèmes posés par la théorie de la
référence et surtout la sémantique intensionnelle dans les catégories
suivantes : a) problèmes posés par la sémantique intensionnelle au départ et
résolus, b) idem pour les non résolus, c) problèmes rencontrés en cours de
route et résolus d) idem pour les non résolus. On peut donner comme
exemples de ces quatre catégories : a) sémantique des modalités,
description des quantificateurs classiques. description des phrases
éternelles, b) attitudes propositionnelles, quantification non classique,
description des indexicaux 'purs', c) termes de masse, description des
temps et des modificateurs, d) description des phrases statives...

NOTES.

1. Nous utilisons sciemment cette expression au lieu de "sémantique de


Frege" afin de ne pas rentrer dans le débat sur la fidélité de la
sémantique formelle notamment intensionnelle aux thèses de philosophie
du langage de Frege. En gros il est certain que la "sémantique
frégéenne" est très dépendante de la lecture par Carnap des thèses de
Frege, (cf. Carnap 1947, notamment p. 35-42 et 118-124, Church 1956 :
1-69,. Engel 1983). La traduction du couple Sinn/Bedeutung par
intension /extension provient de Carnap. Quant à cette dernière
opposition elle provient de Port-Royal et Leibniz pour son contenu. Il
semblerait que W. Hamilton ait été l'un des premiers à opposer l'intension
à l'extension (dans la lignée de Port-Royal on préférait jusque là et
au-delà parler de 'compréhension'), cf. W. & M. Kneale (1964 : 318).
2. Nous distinguons un Kaplan I, auteur de Kaplan (1964), de Kaplan II,
auteur de Kaplan (1975, 1977, 1981) : le premier est un des fondateurs
de la logique intensionnelle, le second a tenté, surtout dans sa logique
des démonstrations (cf. infra) de dépasser certaines des limitations de la
logique intensionnelle. Il va de soi qu'un examen attentif de l'oeuvre de
Kaplan montrerait une profonde unité de sa démarche : ce sont
précisément les limitations de sa logique intensionnelle (héritées en partie
de Carnap) qui l'ont conduit à un travail de remise en cause
fondamentale de certains a priori de la sémantique frégéenne.
3. Cf. J. Perry (1977).
148

4. I. Heim (1982, 1983), Cf. Nef (à paraître) pour quelques aperçus.


5. Cf. infra § 3.
6. Cf. infra § 4.

7. Fauconnier (1979, 1983), cf. Nef (à paraître) pour une discussion.


8. Nürnberg (1979).
9. Ou opérateurs intensionnels. On entend par opérateur vérifonctionnel un
opérateur qui, préfixé à une proposition p dont la valeur de vérité v est
connue, produit par application une proposition préfixée p' dont on peut
déduire la valeur de vérité v' de la seul sémantique de l'opérateur. Ainsi
dans la logique classique est vérifonctionnel.
10. Cf. note 1.

11. Pour la théorie des types russellienne cf. Russell (1908), repris dans
Van Heijenhoort , (1967 : 150-183) avec une introduction particulièrement
éclairante. On peut consulter également Kneale (1964 : 657-672,
'Russell's Theory of Logical Types').
12. Pour la théorie russellienne des descriptions : Russell (1905), Kaplan
(1966), Geach (1958). Plus généralement sur les descriptions définies :
Donnellan (1966), Hintikka (1959), Strawson (1964).

13. Cette distinction a été mise au point par Frege en 1892 dans 'Ueber Sinn
und Bedeutung" (trad, franç. dans Ecrits Logiques , Seuil, 1969). Pour
un exposé, Dummett 1981 : 81-110, et 1978 : 116-145.
14. Russell (1905). Ce terme est à prendre ici en dehors de l'opposition
connotatif
dénotation/non,
/ connotation
connotatif
chez (Mill,
les structuralistes.
1843, livre I,'Dénotation'
chap. II,recouvre
§ 5) ou
ce
que les médiévaux entendaient par suppositio personalis.
15. Ce principe est dénommé 'principe de Frege' ou 'principe de
compositionnalité' dans la littérature de sémantique formelle (cf. p. ex. :
Mondadori 1978 : 14, Dowty : 15). Pour une discussion de ce principe
Dummett (1981 : 152-157 et 159-160 et Wallace 1979 : 305-326).

16. Sur la notion de fonction propositionnelle, cf. Russell 1903 : 39,


Whitehead & Russell 1910 : 38-39. On entend par 'fonction
propositionnelle' une expression contenant une variable x et exprimant
une proposition si l'on assigne une valeur à x. Par exemple 'x est
chauve' est une fonction propositionnelle et 'Raymond Barre est chauve'
est une proposition. (Nous nous autorisons une confusion sans gravité
entre phrase et proposition ) .
17. P. ex. "le + CN"où CN est un symbole de nom commun, sera traité soit
comme une quantification existentielle (emploi anaphorique) , soit comme
une quantification universelle (emploi générique).
18. Ceci est exprimé par la thèse intensionaliste : "l'intension détermine
l'extension". Si nous prenons p. ex. la description "le premier ministre
de la Suède", c'est l'intension qui fera correspondre à cette description
les différents individus (extension) à différents moments du temps. Il en
irait de même avec Napoléon et les mondes possibles : l'intension de
Napoléon ferait correspondre à ce nom propre les individus qui y
correspondent dans les mondes possibles.
19. Cf. infra.
149

20. Cf. note 1.

21. Dans Nef (1982).

22. "Théorie simple" est distingué de "théorie ramifiée" des types. Dans la
théorie ramifiée on admet, à côté des types, des ordres. Selon Fays &
Flitch, 1969, "Napoléon était empereur" est de type un et d'ordre un,
tandis que "Napoléon avait toutes les qualités d'un grand général" est de
type un et d'ordre deux (parce que dans sa forme logique un
quantificateur y lie une variable de prédicat), cf. Vax 1982 : 155.

23. entité
La raison
. principale étant qu'un nom propre peut ne pas référer à une

24. Plusieurs présentations à l'intention des linguistes de cette sémantique de


la
& Dahl
logique
1977des
: 72-88.
prédicats : Mc Cawley 1981 : i61-175, Allwood, Andersson

25. discuté
On peut . multiplier les coordonnées, sans rien changer au mécanisme

26. Montague (1974 : 249-250 (trad, franç. de F. Guenthner dans Nef éd.
1984 : 137-138)). 'Terme' signifie en fait 'expression référentiellement
complète' (par opposition au nom commun).
27. Cette définition est explicitée dans Kamp 1981.
28. Ainsi peut-on lire dans le Tractatus : "2.2. Das Bild hat mit dem
Abgebildeten die logische Form der Abbildung gemein. 2.202. Das Bild
steilt eine môgliche Sachlage im logischen Raume dar."
29. Smullyan 1968 contient une exposition de la méthode des tableaux.
30. On peut préférer le terme 'situation' à celui d'évènement. Cependant
Russell, Whitehead et Wiener ont donné une théorie mathématique du
temps en termes d'événements qui a l'avantage d'être à la fois
formellement rigoureuse et intuitivement attirante. Nous ne pouvons
examiner ici les arguments pour ou contre la séparation entre physique
et sémantique.
définition des événements.
Nous ne pouvons non plus même amorcer le débat sur la

31. Martin & Nef éds. 1981 contient un dossier qui permet de faire le point
sur cette question.
32. R. Bauerle nous a soumis cette objection.
33. C. -à-d. la définition de la vérité pour un discours fournie par Kamp.

34. expresse
Faut-il préciser
de Frege,que
qui,cette
commecomparaison
on le sait, était
va un
contre
anti-psychologiste
l'intention la ? plus

35. Comme par exemple "/ 'étoile du soir " et " l'étoile du matin".
36. Rappelons que l'usage attributif d'une expression se distingue, suivant
Donnellan
tué
déséquilibré"
ma voisine",
(1966)
; suivant
de
dans
l'usage
lale phrase
contexte
référentiel.
"L'homme
cette
Soitexpression
qui
l'expression
a tué mapourra
"l'homme
voisineêtre
est
quilue
una
attributivement (quel que soit cet homme, il est déséquilibré) ou
référentiellement (cet homme est tel qu'il a tué ma voisine et est
déséquilibré). On a pu soutenir que cette distinction se réduit à d'autres
distinctions (de re/de dicto par exemple).
150

37. Si a voit y , alors y - p. ex. : Si Paul voit Marie manger, alors Marie
mange.

38. Si a voit y(t), t = t2, alors a voit y(t2) - p. ex. :


Moore
Russell
Donc Russell
était
vit Moore
l'Auteur
vit l'auteur
être des
rasé
des
Principia
à Cambridge.
Principia
Ethica.
Ethica être rasé à Cambridge.

39. Si a voit y (le w), alors il y a quelque chose tel que a voit y - p. ex. :
Si Luc voit des espions sur la place, alors il y a quelque chose tel que
Luc voit des espions.
40. Si a voit y, alors a ne voit pas y - p. ex. :
Jean voit quelqu'un ne pas quitter la pièce.
Jean ne voit pas quelqu'un quitter la pièce.
41. Si a voit y et/ou v, alors a voit y et/ou voit v - p. ex. :
Pierre voit Marie manger ou boire.
Pierre voit Marie manger ou Pierre voit Marie boire.
Pierre voit Marie manger et boire.
Pierre voit Marie manger et Pierre voit Marie boire.
42. Si a voit y (un w) , alors il y a un w tel que a voit y .
* Je remercie Roland Grunig qui a lu une première version de ce texte et m'a
suggéré un grand nombre d'améliorations. Je remercie également Pascal
Engel qui a lu une seconde version de ce texte et a proposé plusieurs
modifications stylistiques et de contenu.

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