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Nom et prénom : El Yastaoui Nada.

Master : Littérature et Éducation.


Module : Littérature maghrébine d’expression française : Identité et différence.
Semestre : 2.
Professeur : Madame Belhabib Tlemçani Assia.

L’ESPACE DANS MEURSAULT CONTRE-ENQUETE ET NOS RICHESSES.

L’espace joue un rôle primordial, qui occupe une position privilégiée dans la composition de

l'œuvre romanesque. C'est une unité fondamentale du récit, il permet d'étudier le mouvement

ou la stabilité des personnages dans le récit.

La littérature, étant le reflet de la réalité, a tenté depuis l’ère coloniale de rendre compte de la

spécificité et la complexité de la relation entre Algériens autochtones et les Français

d’Algérie. Le paysage algérien a toujours été témoin de cette relation complexe, relevant

généralement d'une expérience de soi. Il est souvent question de montrer les différentes

interactions entre les lieux décrits et la conscience en construction des personnages des

différents textes. Cela est perceptible, à titre d’exemple, dans Meursault contre-enquête de

Kamel Daoud où la mer : la méditerranée est le lieu qui unie/sépare deux mondes

complètement différents qui n’ont rien en commun : L’Algérie et la France. Ainsi, dans Nos

richesses de Kaouthar Adimi, la Méditerranée et la librairie sont deux figures omniprésentes

dans son roman ; la librairie à son tour unie et rassemble différents auteurs de toutes les

cultures.
Meursault contre-enquête est une relecture de L’étranger de Camus dont le personnage

principal est Haroum. Celui-ci étant le frère de Moussa la victime du crime de Meursault dans

L’étranger n’est pas satisfait de la façon dont le récit de Meursault a été construit sur son

frère. Haroun commet alors lui aussi un crime dont les événements du récit sont opposés à

celui de Meursault pour montrer le chemin inverse qu’il prend contre ce dernier et ainsi faire

face à lui et l’affronter. Ce crime a été commis dans la mer, Haroun et Meursault, ont été tous

les deux présents dans le même endroit, ce dernier était un point de rencontre entre deux

personnages de deux nationalités différentes : La France et l’Algérie. Le roman de Adimi

porte comme titre ( Nos Richesses ) le nom de la librairie en question dans l’histoire qui se

déroule en Algérie, l’un des pays de la méditerranée. Ainsi, il est clair que le choix des deux

lieux n’était pas un pur hasard, mais c’est parce que les deux sont étroitement liés dans le

texte et ne peuvent être séparés puisqu’ils ont de nombreux points en commun. Tout comme

la librairie d’Edmond Charlot, la Méditerranée est à son tour un point de rencontre non

seulement des cultures mais des véritables pays qui la délimitent, prenons l’exemple de Paris

et Alger qui ne sont séparés géographiquement que par cette mer. Elle est également un lieu

de liaison entre les deux rives occidentale et orientale, musulmane et chrétienne, donc deux

mondes complètement différents mais qui se rencontrent malgré leurs divergences, donc elle

représente également un lieu de cohabitation des cultures et un passage de l’Europe vers

l’Afrique et de l’Afrique vers l’Europe (nord/sud).

Il est évident que la librairie est le lieu de l’interculturalité par excellence, puisqu’elle

regroupe des livres d’écrivains des quatre coins du monde, notamment ceux de la

méditerranée évoqués dans le roman qui y appartiennent tous. C'est un endroit qui unit les

littératures méditerranéennes (un désir exprimé par l’auteur) : un lieu de rencontre et de

cohabitation des cultures et des traditions, ce qui induit une certaine liberté qu’on ne peut pas

avoir en dehors de cet endroit, décrit comme dynamique et mouvant. Cette liberté se
manifeste par le pouvoir du lecteur à voyager dans différents pays sans avoir besoin de

prendre un avion grâce à la richesse et la diversité des livres qui permettent une liaison entre

le lecteur et d’autres pays. Il faut préciser que la librairie et la Méditerranée sont deux espaces

délimités, la librairie par ses murs et la Méditerranée par ses divers pays. La Méditerranée est

l’espace de la création car les trois religions monothéistes sont apparues sur ses rives ; d’autre

part, la librairie est également l’endroit de la création de l’écriture et qui regroupe et réunit les

livres monothéistes. À l’instar des religions, la mythologie a aussi connu son commencement

aux ports de la Méditerranée ce qui fait ce cette dernière le berceau de la civilisation. De son

côté, la librairie est son réservoir parce qu’on y trouve les ouvrages des différents siècles

rassemblés dans un même endroit voire sur le même étage. « Un beignet vaudra toujours plus

qu’un livre. » : Les propos du nouveau propriétaire de cette libraire nous montrent également

à quel point la libraire avec ses maints livres ne possède plus aucune valeur et sa destruction

pour un autre projet vaut mieux que son existence. Passer de la culture à la nourriture,

détruire tout un héritage culturel, par quelqu’un qui n'a pas le goût pour la littérature, il ne

prend pas en considération les richesses de cette librairie, il préfère vendre des beignets que

de vendre un livre. L’auteur ici, fait allusion à une identité volée tout comme Kamel Daoud

dans son roman, Moussa est uniquement mentionné dans le livre sous la dénomination d’«

Arabe », et ce à 25 reprises ! Réduire une vie volée à ce simple mot. Haroun, qui n’a jamais

tourné qu’autour de ce tragique évènement. Car si Meursault a tué Moussa en 1945, il le tue

une deuxième fois en passant sous silence l’endroit où le corps de la victime a été emporté,

puisqu’il empêche la famille d’organiser de vraies funérailles. Pire : en faisant de Moussa un

anonyme dans son récit, c’est un troisième meurtre que Meursault commet. L’assassin a

travesti son crime en œuvre d’art et a banni à jamais l’identité d’un homme, comme l’ont fait

tous les Français avec l’identité algérienne durant la colonisation. Haroun se consacre

désormais à réhabiliter l’identité de l’« Arabe ».


Par ailleurs, les deux espaces sont des espaces de conflits surtout la Méditerrané qui a été

témoin des guerres : les français, une fois expulsés de l’Algérie indépendante sont passés par

la mer, et la bibliothèque avec ses ouvrages francophones est le butin de guerre, c’est l’une

des traces que garde le pays comme souvenir du passage du peuple de l’Hexagone. On peut

souligner ici, pour se référer au roman, les algériens qui sont en conflit avec eux-mêmes, un

conflit identitaire et culturel : c’est la doxa européenne étrangère qu’il faut bannir. L’espace

de la mer dans Meursault contre-enquête était également témoin d’un crime affreux commis

par Haroun. Meursault et Haroun sont deux personnages parallèles tout comme la France et

l’Algérie, deux bords de la Méditerranée, cette dernière réunit deux endroits qui n’ont rien en

commun.

A l’instar d'Amine Maalouf dans son roman Les Désorientés, la notion de l’espace est

présente dans toutes les parties du roman, pour la simple raison qu’elle relève de l’identité et

de l’appartenance. Maalouf vient mettre l’accent sur l’attachement qui lie la personne à sa

patrie même si cette dernière peut s’avérer injuste, corrompue ou même cruelle ; l’être

portera toujours en lui cet amour inqualifiable. Daoud et Adimi évoquent tous ces espaces et

lieux non pas pour le plaisir de la diversification, mais pour mettre en œuvre une

confrontation des deux pays : la France et l’Algérie, séparés et liés à la fois.

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