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Barb 0378-0716 1991 Num 2 1 20088
Barb 0378-0716 1991 Num 2 1 20088
Wangermée Robert. Originalité et modernité chez Mozart. In: Bulletin de la Classe des Beaux-Arts, tome 2, 1991. pp.
217-234;
doi : https://doi.org/10.3406/barb.1991.20088;
https://www.persee.fr/doc/barb_0378-0716_1991_num_2_1_20088;
Originalité et modernité
chez Mozart
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père qui était au violon, jouait tout seul des pièces de clavecin
de l'un ou l'autre de ses contemporains, déchiffrait, transposait
à vue des œuvres nouvelles, improvisait sur les thèmes qu'on lui
proposait et faisait entendre déjà sa propre musique, car le vir¬
tuose, à cette époque n'était pas qu'un interprète ; il devait aussi
être compositeur.
Les voyages que Mozart a accomplis plus tard n'ont pas tou¬
jours eu les mêmes succès que dans son enfance. Compte tenu
des frais de route, ils n'ont souvent été que médiocrement renta¬
bles car les concerts payants ne rassemblaient pas toujours le
public espéré et les gratifications octroyées pour des presta¬
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Dans une lettre écrite de Strasbourg à son père le 15 octobre 1778, Mozart
lui disait « Ici, tout est pauvre, mais je donnerai après-demain, samedi 17, un
:
concert « par subscription », moi tout seul (pour éviter les frais), pour faire
plaisir à de bons amis, des amateurs et des connaisseurs, car si j'engageais de
la musique [c'est-à-dire des musiciens], cela me coûterait plus de 3 louis d'or
avec l'illumination, et qui sait si cela me rapportera autant... » {Correspon¬
dance, t. III, Édition française et traduction de l'allemand par Geneviève Gef
fray, t. III, Paris, 1989, p. 97, lettre n° 357).
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Un musicien libre
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à partir
de 1783 et que, de manière très significative, il a précisé¬
ment dédiés à Haydn. Ce n'est pas qu'il imite alors Haydn
comme il l'aurait peut-être fait jadis, mais il veut se faire recon¬
naître comme un égal par le seul maître auquel il accorde une
admiration sans restriction. Mozart a écrit dans sa dédicace que
ces quatuors étaient « le fruit d'un long et laborieux effort ».
Lorqu'il fait l'aveu d'un travail ardu c'est toujours parce qu'il
a voulu donner à une œuvre une dignité et une originalité parti¬
culière.
On a dit que Mozart avait beaucoup écrit. Dans son catalo¬
gue, on compte, il est vrai, 626 œuvres, plus des suppléments.
Tant qu'un compositeur ne conçoit qu'une musique fonction¬
nelle qui s'inscrit dans les normes de la tradition, il peut écrire
vite et avec abondance. Il n'en va plus de même lorsqu'il veut
marquer ses compositions de l'empreinte d'une originalité pro¬
pre. Mozart a beaucoup moins écrit dans les dix dernières
années de sa vie qu'auparavant. En effet, dès le moment où
selon une de ses expressions, il composait « un peu judicieuse¬
ment », il écrivait beaucoup moins vite et ses œuvres prenaient
plus d'ampleur.
Au témoignage de Rochlitz, un de ses premiers biographes
qui a publié son livre dès 1798, et l'a rédigé d'après des témoi¬
gnages directs, « Ce que Mozart écrivait, quand il avait quelque
chose de grand ou d'important à faire, lui venait rarement sur
l'heure et comme si cela fût tombé du ciel. Cela allait bien
moins vite quand il s'agissait de mettre en ordre et de composer
ce qu'il avait inventé... il achevait dans sa tête des morceaux
tout entiers, les portant en lui jusqu'au moment où il avait l'oc¬
casion de les écrire ou la volonté de s'en débarrasser d'un seul
coup ».
Cette présentation du travail de composition en deux phases
— une lente gestation intérieure et une transcription rapide,
comme sous le souffle fulgurant de l'inspiration — visait à met¬
tre en évidence de manière particulièrement valorisante le génie
créateur de Mozart à une époque où il était encore loin d'être
reconnu sans discussion. En fait, les brouillons manuscrits et les
esquisses de Mozart qui ont été conservés permettent de recons¬
tituer une méthode de travail plus consciente et moins mythi
19 Cfr Ulrich Konrad, Mozart's sketches, dans Early Music, février 1992,
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