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Chapitre 4

Prise de décision éthique


Processus d’analyse et de prise de décision dans une situation présentant un enjeu moral
À la base d’un dilemme éthique, il y a un conflit de valeurs qui ne peut être résolu sans
qu’il y ait des gains et des pertes. L’objectif de la délibération éthique est de minimiser les
pertes et de parvenir à une décision que les personnes concernées pourraient juger
raisonnable. La démarche qui permet d’atteindre cet objectif comporte quatre phases :
1. L’inventaire des aspects éthiques et normatifs de la situation
Cette phase permet de prendre conscience des sources de tension présentes dans la
situation. Elle exige qu’on relève d’abord les principaux faits :

qui est concerné par la décision?


qu’est-ce qui est en jeu pour chacune des parties?
quelles sont les deux actions, A et B, qui créent le dilemme?

On explore ensuite la dimension éthique en déterminant, pour chacune des parties


concernées, les conséquences positives et négatives les plus probables de A et B.
L’inventaire des aspects normatifs s’étend à toutes les normes applicables dans la
situation : lois, règles déontologiques, règles du milieu de travail, morale.
2. La clarification des valeurs
Cette phase permet de déterminer les valeurs qui ont le plus de poids dans la situation et
qui, du fait de leur conflit, sont au cœur du dilemme.
Dans ce but, on revient sur les conséquences et les normes inventoriées précédemment
afin de nommer et de peser les valeurs qui leur sont associées. Les valeurs partagées,
celles qui s’expriment dans des idéaux collectifs, jouent ici un rôle important, car ce sont
des critères reconnus pour dire qu’une action est meilleure qu’une autre.
Dans l’exemple cité plus haut, le principal conflit de valeurs auquel Louise doit faire face
pourrait opposer deux valeurs jugées très importantes : l’efficience (action A) et la
sécurité du public (action B).
3. La prise de décision raisonnable
Il s’agit d’abord de choisir la valeur qui aura la priorité et de justifier ce choix malgré les
pertes qu’il va entraîner.
Pourquoi, dans le cas de Louise, la sécurité du public devrait-elle avoir priorité sur
l’efficience? Il faut pouvoir répondre clairement à cette question en donnant des raisons
qui ne relèvent ni des émotions ni des préférences personnelles, et que les personnes ou
groupes concernés peuvent considérer comme de bonnes raisons.
C’est aussi durant cette troisième phase que l’on décide comment minimiser les pertes
pour la valeur qui n’a pas reçu la priorité. Louise peut-elle, par exemple, suggérer d’autres
manières de réduire les coûts? Les moyens dont elle a besoin pourraient-ils contribuer à
l’efficience?
4. Le dialogue avec les parties prenantes
La phase de dialogue fournit l’occasion d’expliquer la décision et les raisons qui la
justifient. Elle vise le partage de sens et la coopération, plutôt que la persuasion ou le
choc des idées.
Le dialogue peut constituer la dernière phase de la démarche de délibération, mais il
commence souvent plus tôt, soit parce que le décideur sent le besoin de consulter, soit
parce que la décision finale revient à un groupe.
C’est le propre de l’éthique d’être attentive aux conséquences de l’action pour autrui. La
démarche de délibération vise une décision que toutes les personnes intéressées
pourraient approuver. Elle n’y parvient pas toujours, mais, à coup sûr, une décision
fondée sur les seuls intérêts et valeurs du décideur ne serait pas une décision éthique.
Test d'une décision éthique
Après avoir appliqué les quatre phases de la démarche de prise de décision éthique, il est
intéressant de vérifier la qualité de sa décision à l'aide d'un simple test à trois volets:
Critique de la décision

Critère de transparence
Si mon choix était communiqué publiquement, est ce que je serais à l’aise pour
l’expliquer et le défendre?

Critère de réciprocité
•Le critère de réciprocité consiste à faire en sorte que l’on puisse s’applique à soi-même ce
que l’on souhaite appliquer à d’autres.
•Puis-je me dire, que j’accepterais la solution que je propose à quelqu’un, si j’étais dans sa
situation ?
◦Le dialogue, en éthique, ne vise pas à manipuler les autres par des arguments qui feraient
accepter une solution, mais vise à amener les gens à comprendre les raisons d’agir d’une
personne et à les accepter, si possible, ou à les discuter pour découvrir ce qu’elles ont
d’inacceptable.

Critère d’exemplarité
•Le critère d’exemplarité fait référence au fait que l’on puisse transposer dans la société la
solution retenue.
•Peut-on envisager la vie en société si tout le monde faisait cela et pensait comme cela ?
•La solution apportée, avec son argument central, devraient idéalement servir d’exemple
pour le règlement des conflits moraux de situations analogues de la vie en société.
2. Processus d’analyse et de prise de décision dans une situation présentant un
enjeu moral
Étape 1 – Établissez les faits de la situation problématique

Lorsque vous devez affronter une situation ou un problème, votre première tâche
consiste à déterminer exactement ce qui s’est produit (ou ce qui en train de se
produire) et à identifier les personnes qui sont concernées par la situation et ce
avant même de tenter de trouver une solution.
À ce stade, posez-vous les questions suivantes :

• Que s’est-il produit ou qu’est-ce qui est en train de se produire ?


• Où et quand certains événements se sont-ils produits ?
• Qui est impliqué(e) ou concerné(e) par la situation ?
• Qu’ont à dire les parties concernées à propos de la situation (c.-à-d. quelles sont
toutes les versions de l’histoire) ?
•Obtenez la version des différentes parties s’il y a mésentente ou conflit
Étape 2 – Déterminez ce qui est en cause :
(a) La situation est-elle d’ordre légal ?

Une fois les faits clairement établis, l’étape suivante consiste à déterminer si la
situation est de nature légale. Il y a deux questions pratiques à vous poser pour
déterminer si une problématique est d’ordre
légal :
Est-ce qu’une personne a subi un préjudice qui a été causé par un geste ou une
décision d’une autre personne (p. ex., santé et sécurité des personnes,
particulièrement celles des enfants) ?
Si oui, dans quelle mesure ?
Est-ce que l’action va à l’encontre d’une loi en vigueur ?
Étape 2 – Déterminez ce qui est en cause :
(b) La situation est-elle d’ordre éthique ?

Situations présentant un problème d’ordre éthique


Même si les deux notions ne sont pas identiques, la loi et l’éthique sont reliées. En
effet, une conduite illégale est toujours contraire à l’éthique. Par contre, certaines
formes de conduite peuvent être contraires à l’éthique tout en demeurant « légales
». La loi représente donc une norme minimale absolue en matière de
comportement, alors que la norme concernant le comportement éthique est en
quelque sorte plus élevée.

Lorsqu’un(e) entraîneur(e) fait face à une situation où aucune loi n’a été enfreinte,
mais qui soulève néanmoins des questions d’ordre moral, il ou elle doit prendre
certaines décisions concernant la meilleure façon de remédier à la situation. C’est à
ce moment que les principes éthiques entrent en jeu
Comment savoir qu’une situation présente un problème d’ordre éthique ?
Un comportement éthique peut être décrit comme étant conforme aux normes
et aux principes établis en matière de conduite morale ou professionnelle ou,
plus simplement, aux normes de bonne conduite compte tenu des circonstances.
Inversement, un comportement non éthique en est un qui est immoral, non
professionnel ou injuste.
Étape 3 – Identifiez des options de décisions ou d’action ainsi que leurs conséquences
possibles
Parce qu’elles touchent à des sujets sensibles et parfois délicats, les situations éthiques
sont souvent teintées d’une certaine émotivité. Par conséquent, certaines personnes ont
tendance à réagir de façon impulsive et spontanée lorsqu’elles sont confrontées à une
prise de décision éthique. Dans le feu de l’action, leur jugement peut se trouver affecté et
la qualité de la décision peut alors en souffrir. Lorsque cela est possible, il est donc
avantageux de prendre un certain recul et de poursuivre la réflexion de
façon objective.
Une fois que vous avez déterminé qu’une situation est d’ordre éthique et que vous avez
identifié certains aspects qui semblent en cause (voir énoncés de l’encadré à la page
précédente), vous devez
(1) identifier différentes options de décisions ou d’action qui s’offrent à vous et
(2) chercher à évaluer les conséquences possibles dans chacun des cas. Ce type de
réflexion constitue une étape importante dans

la prise de décision éthique, car il démontre que vous êtes préoccupé(e) par ce qui pourrait
arriver aux autres.
Prise de décision éthique
Beaucoup de décisions éthiques sont spontanées. Les dilemmes éthiques exigent
toutefois, pour être résolus, une démarche de décision délibérée.
Il y a dilemme quand, dans une situation donnée, il faut choisir entre deux actions
différentes qui s’excluent mutuellement. Il s’agit d’un dilemme éthique quand, quelle que
soit la décision finale, l’action choisie entraîne des conséquences sérieuses, positives ou
négatives, pour le décideur et pour autrui.
Comment distinguer le bien du mal?

Comment distinguer ce qu’on doit faire de ce


qu’on ne doit pas faire?…

BIEN MAL
Action B1 Action M1
Action B2 Action M2
… …

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Décision éthique:
Choisir entre ce qui est bien et ce qui ne l’est pas

Choix facile

Choix possible

Choix très
difficile

Dilemme éthique: Conflit entre deux valeurs 17


Influence des émotions
• Les émotions: une arme à double tranchant. Elles nous aident à déterminer ce qui
est important pour nous mais elles peuvent aussi brouiller notre raisonnement.
• Exemples: colère, joie, peur, crainte, tristesse, ennui, culpabilité, honte,
humiliation, haine, frustration, satisfaction…

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Deux grandes approches de la décision éthique

• Approche déontologique

• Approche conséquentialiste (Utilitariste)

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Signe d’avertissement d’un problème
ou dilemme éthique
• « Bon, seulement pour cette fois, peut-être…»
• « Personne ne le saura jamais »
• « La fin justifie les moyens »
• « Tout le monde le fait »
• « Cela ne fera de mal à personne »

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Le mini-test éthique de Texas Instrument
• Est-ce que le geste que vous posez est légal?
• Est-il en accord avec vos valeurs?
• Si vous posez ce geste, aurez vous des remords?
• De quoi ça aurait l’air dans les journaux?
• Si vous savez que ce n’est pas correct, ne le faites pas!
• Si vous ne savez pas, demandez. Demandez jusqu’à ce
que vous obteniez une réponse.

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Grille de Sherbrooke

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La grille de Sherbrooke
(Legault, 1999)

• Un outil élaboré d’aide à la décision, axé sur


les valeurs sous-jacentes à un dilemme ou un
problème éthique.

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Un exemple

J’ai assisté à plusieurs entretiens d’embauche de


femmes. On m’a demandé mon avis quant à leur
embauche.
Lorsque cet avis était favorable, il est arrivé que la
personne qui prenait la décision refuse
d’embaucher une femme parce qu’elle a un enfant,
ce qui pourrait limiter sa disponibilité. Il est parfois
reproché aux femmes de devoir rentrer trop tôt
pour s'occuper de leurs enfants. Le choix «famille -
travail» paraît difficile.
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Phase I : Prise de conscience de la situation

– Résumer la prise de décision spontanée


• Spontanément je retiens quelle proposition et pour
quelles raisons ?
– Inventorier les éléments majeurs de la situation
– Analyser la situation des parties en cause
• Mettre en parallèle les parties en cause et leurs intérêts
– Énumérer les lois, les normes et la réglementation
impliquées dans la situation
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Phase II : Clarifier les valeurs conflictuelles
dans la situation
– Faire une réflexion critique sur le rôle des
émotions dans la prise de conscience de la
situation
• Quelles sont les émotions en présence ?
– Est-ce que ma décision est orientée par ce que les
autres penseront de moi ?
– Y-aurait-il une rationalisation de mes émotions ?

– Nommer les valeurs qui sont effectivement


agissantes dans la prise de décision

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Phase II : Clarifier les valeurs conflictuelles
dans la situation (Suite)

– Identifier le principal conflit de valeurs qui forme


le dilemme dans la situation
• Identifier le principal conflit de valeurs de la situation

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Phase III : Prendre la décision morale
par la résolution rationnelle
du conflit de valeurs dans la situation
– Identifier quelle valeur a préséance sur l’autre
dans la situation
– Formuler les principaux arguments qui explicitent
pourquoi cette valeur est jugée prioritaire à l’autre
dans la situation:
• au regard de chacune des valeurs « approche
déontologique »
• Au regard des conséquences qu’elle induit « approche
utilitariste »

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Phase III : Prendre la décision morale
par la résolution rationnelle
du conflit de valeurs dans la situation
– Préciser les modalités de l’action compte tenu de
l’ordre de priorité dans les valeurs (faire le pont
entre la décision et l’action)
• Modalités et mesures envisagées pour atténuer ou
corriger les inconvénients
– Faire une réflexion critique de la prise de décision
• Les raisons de mes choix permettent-ils de faire
ressortir des critères de transparence, de réciprocité et
d’exemplarité

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