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BARSACQ

TD Histoire Médiévale
Mathieu
Romain TELLIEZ

Commentaire : Statuts de New College à Oxford


(1400)

Avec les universités de Bologne et de Paris, l'université d'Oxford


appartient à la « première génération » des universités occidentales. Oxford
était déjà un lieu d'enseignement avant l'université même. En effet, des écoles
de logique et de théologie s'y créèrent dès la seconde moitié du XIIème siècle.
C'est en 1214 que la pape Innocent III les réunit en une université, et leur
octroie leurs statuts et privilèges, semblables à ceux de Paris.

L'université d'Oxford traversa le Moyen-Age protégées à la fois par les


papes et les rois d'Angleterre. Malgré quelques crises internes, comme les
hérésies de Wycliff, elle ne rencontra pas de véritables problèmes et prospéra.
Une des particularités de cette université fut la création de grands collèges
(Magdalen College, New College, Merton) après 1250, ayant de leurs propres
bâtiments indépendants, et professeurs, répétiteurs, disposant d'une large
autonomie vis à vis du reste de l'université. Le texte proposé ici concerne
justement d'un de ces collèges : celui de New College. Fondé en 1379, il fut
tout d'abord nommé Collège de Sainte Marie de Winchester à Oxford, avant
d'être connu par tous comme le « New College », pour le distinguer de l'autre
collège dédié à Sainte Marie, celui d'Oriel, fondé en 1329.

Quant au texte proposé, il s'agit des statuts de New College, édictés par
William de Wykeham (1320-1404), son fondateur, prélat et homme d'état
anglais, de basse extraction et qui s'est hissé dans les plus hautes sphères
notamment par ses études. Il eut en effet des rôles éminent à la cour, comme
intendant des constructions royales, garde du sceau privé, gouverneur du
grand conseil, secrétaire du roi et enfin chancelier. Tombé en disgrâce à cause
de l'influence du parti de Lancastre, il rentra dans les grâces royales avec plein
pardon à la mort d'Edouard III et l'accession au trône de Richard II. Ce dernier
lui redonna ses biens, terres et charges qui lui avaient été confisqués.
Disposant à nouveaux de revenus importants, William de Wykeham put réaliser
un projet qui lui avait été cher, la fondation d'un collège à Oxford. Ayant reçu
l'autorisation du roi et du pape en 1379, il s'attela à ce projet, et six ans plus
tard le New College était inauguré solennellement. Il édicta donc de même les
statuts nécessaires au fonctionnement d'une telle institution. Ces statuts
fixent le fonctionnement, les règles de l'établissement. A l'origine, cet
établissement avait pour but la formation de prêtres, la Grande Peste ayant
causé des ravages dans les rangs des clercs. On notera d'ailleurs que lorsque
ces statuts sont édictés, William de Wykeham est alors évêque de Winchester,
et ce depuis 1366. Ces statuts s'adressent donc à tous les occupants du New
College et aux autorités pour exposer et codifier le fonctionnement du New
College. Parmis les collèges anglais datant d'avant la Réforme, la volonté
originelle de Wykeham est celle qui resta le plus immuable et respectée,
encore de nos jours.

Pour comprendre les spécificités du New College dans l'université


d'Oxford, nous verrons tout d'abord son organisation et les enseignements
dispensés, puis la place éminente de la religion en son sein.

Dans cette déclaration de statut du New College à Oxford datant de


1400, l'évêque William de Wykeham, avec l'autorité du roi et du pape, édicte
l'organisation du collège qu'il a fondé. Il y déclare la création de deux collèges,
tous deux nommés Sainte-Marie de Winchester, dont l'un à Oxford. L'un d'eux
est consacré à la grammaire, l'autre à la transmission de savoirs pour les
sciences, art libéraux, le droit et la médecine. Il insiste de plus sur l'importance
du culte religieux dans l'établissement. Il donne les effectifs du collège à
Oxford, à un savoir un gardien et soixante dix écoliers. Il affirme la mission du
collège : pourvoir en effectifs le corps des clercs qui a souffert de la Peste
Noire. Enfin, il donne les modalités pour pouvoir étudier la médecine, avant de
décréter la présence continuelle de treize clercs pour l'office quotidien,
accompagné de seize choristes.

William de Wykeham donne dans cette déclaration de statuts une


organisation très précise et réglée du collège à Oxford, notamment quant aux
effectifs et à l'enseignement dispensé. Il s'agit des « ordonnancements,
institutions et fondations » (l.16) du collège.

La composante essentielle du collège est avant tout des « clercs écoliers


pauvres et indigents » (l.7) Le fondateur du collège cible donc une catégorie
particulière d'étudiants, aux revenus et à la richesse limité, destiné à vivre
appartenir au clergé. Il faut savoir que le collège a été créé et entretenu à
l'origine par la fortune même de Wykeham, qui a pu accumuler une certaine
fortune en tant qu'homme d'état. Ainsi, la fondation de ce collège est aussi un
acte de charité, très chrétien en soi. Wykeham étant un homme très pieux et
dévot, cette démarche peut s'expliquer par sa Foi propre. Les écoliers sont au
nombre de soixante-dix, supervisés par un Gardien, leur responsable. « […]
dans le nombre d'un Gardien et de soixante-dix pauvres et indigents clercs
écoliers ». A ces écoliers sont adjoints « dix prêtres et trois clercs », et « seize
jeunes garçons » destinés à appartenir au chœur de la chapelle. Le New
College est le premier collège à se doter d'un tel chœur, qui constituait une
exception à l'époque.

Le principe même des collèges est unique, car ils concentrent un nombre
réduit d'élèves, quand on sait que les effectifs de l'Université dans son
ensemble était pléthoriques. En créant une telle communauté, ce qui avait déjà
été fait par le passé, Wykeham s'assure de créer une solidarité de groupe qui
sera finalement profitable pour tous. Au lieu d'être perdu dans la masse
d'étudiants, ces soixante-dix individus seront amenés à tisser des liens entre
eux, à se créer un réseau entre eux. La taille relative du collège facilite de tels
rapprochements.

L'enseignement est marqué par une grande diversité des matières, avec
les arts libéraux, les sciences, la médecine, l'astronomie, le droit et la
théologie. De fait, les écoliers sont répartis dans les diverses facultés mais
appartiennent en définitive au même corps : le collège. D'où une grande
diversité des connaissances parmi les soixante-dix élèves. (« […] de sorte que
dans le même collège par la grâce de Dieu s'épanouiront les diverses sciences
et facultés ». Wykeham y voit à juste titre une force pour le prestige et la
défense du collège, comme il le développe à partir de la ligne 47 jusqu'à la
ligne 68. Wykeham insiste notamment sur « sa tranquillité, son usage, son
avantage et son honneur »(l. 57). Les élèves doivent donc participer à la
défense de leur établissement, et la diversité des formations qu'ils suivent
permet justement une meilleure défense des intérêts du collège. On notera les
retenues du Wykeham quand aux études de médecine, et les grandes
limitations qu'il y met : seulement deux élèves peuvent les tenter, et doivent
obtenir « le consentement du Gardien et du Doyen de la Faculté de Théologie »
et doit avoir déjà validé un certain niveau d'études. La mission du New College
semble être celle de la formation de prêtre comme nous le verrons plus loin,
aussi, les études de médecine ne semblent pas être les plus appropriées à
cette activité, c'est pourquoi Wykeham y impose de strictes limitations. En
effet, les arts libéraux sont plus utiles pour prêcher que la connaissance de la
médecine.

Le New College apparaît donc comme une entité de taille réduite, où les
étudiants sont polyvalents et étudient dans des facultés variées, ce qui fait la
force de l'ensemble, une communauté soudée d'érudits dans de nombreuses
matières. Ces hommes sont très imprégnés par la religion.

L'importance du fait religieux transparaît tout au long du texte, et montre


que le New College d'Oxford est résolument tourné vers la religion.

Tout d'abord, tout au long du statut, Wykeham revient en permanence


sur Dieu, « la foi chrétienne »(l.13), « le profit de la Sainte Eglise » (l.13) et dit
que le New College est destiné à « la louange, la gloire et l'honneur du nom du
Crucifié et de la très glorieuse Marie sa mère pour le soutien et l'exaltation de
la foi chrétienne ».(l.12-13). De plus, il recommande que la lecture de la Bible
imprègne toutes les matières, sachant qu'elle est « mère et maîtresse de
toutes les autres sciences » (l.26-27). L'éducation religieuse est pour lui
totalement prioritaire : « et par dessous tout […] la sainte théologie ». Enfin,
on note la présence continuelle de dix prêtres et deux clercs supplémentaires
pour assurer les offices dans la chapelle, accompagnés de seize choristes.
(l.21-23). Ainsi, que ce soit dans les matières enseignées ou dans la vie
quotidienne, les occupants du New College sont tout le temps imprégnés par la
religion.

Pourquoi une telle présence de la religion au sein du collège ? William de


Wykeham l'annonce clairement : il s'agit de « soulager partiellement […] cette
maladie générale de l'armée des clercs que nous avons vue gravement blessée
par le manque de clergé consécutif aux pestes, aux guerres et aux misères de
ce monde. » (l.41-44) Le but avoué du New College est donc de de former des
prêtres. William de Wykeham désire créer des prêtres dévoués et pénétrés par
la Foi, avec de surcroît une éducation de qualité. L'auteur fait référence à la
Peste Noire, mais il est difficile de comprendre à quelles guerres il fait mention.
Il y a certes la guerre de Cent Ans qui est alors en cours, mais elle ne se
déroule pas en Angleterre même, l'île n'est pas frappée par les pillages et
combats. Néanmoins, le terme de « maladie générale » suggère que le mal est
profond et répandu, il y a un manque d'effectifs criant dans le clergé en son
temps.

En effet, avec tous les mals énoncés par Wykeham, ce sont plusieurs
générations de membre du clergé qui n'ont pas été renouvelés. L'auteur
propose une définition très claire du rôle du clergé, en fixant les buts du collège
: « de sorte que la louange de Dieu puisse s'étendre, que l'Eglise soit
gouvernée, que la force et la ferveur de la religion Chrétienne se réchauffe, que
toute connaissance et vertu s'intensifient. » Chez Wykeham, l'idéal de la vertu
chrétienne et de la Foi se double de celui de la connaissance. On sait que le
niveau d'instruction des clercs était alors généralement médiocre : Wykeham
veut donc produire dans son collège un clergé de qualité, qui allie vertu et
éducation.

Par son organisation réglée et détaillée, William de Wykeham a pour but de


créer un collège formant un clergé d'élite : il allie une structure favorisant une
communauté soudée à un enseignement polyvalent touchant à de nombreux
domaines. L'omniprésence de la religion dans la vie de ces étudiants renforce
leur Foi, que ce soit par la place importante donnée à la théologie ou les offices
réguliers assurés par un groupe permanent de prêtres. Ceci dans le but de
combler les rangs d'un clergé mis à mal dans les décennies passées. Les
spécificités de ce collège sont justement la création d'une communauté de
taille réduite tranchant avec la masse classique des universités. Ce modèle
sera repris de nombreuses fois, et est finalement très moderne : tout un
paragraphe du texte est consacré au « lobbying » du collège. L'organisation
prônée par Wykeham ne subira que peu de modifications jusqu'au 19ème
siècle, et c'est le fondateur de collèges à Oxford dont la mémoire est la plus
vénérée, encore aujourd'hui.
CONCLUSION

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