Annales.

Économies, Sociétés,
Civilisations

Jean-Charles Huchet, L'amour discourtois. La « fin'amors » chez les

premiers troubadours
Joël Blanchard

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Blanchard Joël. Jean-Charles Huchet, L'amour discourtois. La « fin'amors » chez les premiers troubadours. In: Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations. 43ᵉ année, N. 4, 1988. pp. 913-915;

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ment et le déguisement de la pensée par les
mots Le scandale des fabliaux ne réside
pas dans emploi de mots obscènes et de
thèmes grivois mais dans la conception
globale du genre qui est une fiction Le
jongleur est assimilé au trikster est
celui qui se pare des vêtements autrui
gagnés par son art ou dérobés par
engin Vision assez pessimiste de celui
qui se charge de faire rire
Le troisième chapitre est malgré son
titre consacré non au corps entier et ses
divers éléments mais la sexualité et la
scatologie qui caractérisent bon nombre de
thèmes
auteur appartient école de ceux
présent nombreux qui veulent revenir la
lettre trop négligée selon eux au profit de
esprit qui conduit tous les vagabon
dages Aussi étudie-t-il très minutieuse
ment les contes dont le comique repose sur
les jeux de mots Estula des deux
Anglais et de anel etc.) souvent traités
en parents pauvres
La démonstration que on suit presque
toujours avec intérêt repose sur un certain
nombre de textes dont le choix est mal
heureusement pas expliqué est esquiver
une donnée essentielle hétérogénéité du
corpus obstacle auquel se heurtent tous les
chercheurs auteur déclare par exemple
que les fabliaux pornographiques et scato-
logiques tiennent une place essentielle con
trairement ce affirment autres criti
ques Affirmation qui ne fait guère avancer
le débat Mieux vaudrait tenter de jauger la
place de ces contes en faisant des dénom
brements des thèmes des mots des vers
en tenant compte des variantes)
attention portée la lettre nous vaut
maint passage brillant Mais on hésite par
fois suivre auteur au bout Il
insiste non sans raison sur les jeux de
mots égrillards Faut-il pour cela en voir
partout Il est des termes difficilement
rempla ables par exemple comte et com
tesse que on trouve en aussi grand
nombre dans les écrits poétiques ou édi
fiants
Reproche plus sérieux en braquant les
HISTOIRE CULTURELLE
projecteurs sur le comique de mots
auteur fait quelque peu oublier que les
fabliaux sont des contes autrement dit des
récits Il minimise dangereusement le
comique de situation qui en fait le succès
durable De Brunain la vache au prêtre
resterait une bonne histoire même si la
vache du paysan appelait autrement que
Bière qui rime avec doublère On peut
facilement en faire expérience en racon
tant dans la langue aujourdhui les
fabliaux injustement oubliés La longue
nuit les trois bossus les perdrix
bien autres encore passent très bien la
rampe auprès auditeurs de tous âges
ignorant le fran ais du xine siècle Voilà
qui est consolant Les poètes qui composè
rent les fabliaux même parés des vête
ments autrui ont réussi étrange entre
prise de aire rire
Marie-Thérèse LORCIN
Jean-Charles HUCHET amour discour
tois La fin amors chez les premiers
troubadours Toulouse Privât
Bibliothèque historique Privât
1987 228
Le livre de Jean-Charles Huchet est
pas seulement remarquable par la subtilité
du style et unité du propos mais il pré
sente de prime abord une structure parfai
tement concertée et une composition une
implacable logique En effet avant que de
intéresser aux grands troubadours
chacun compris selon sa propre aventure
poétique J.-Ch Huchet étudie la genèse et
la structure de la fin amors et élucide la
problématique un nouvel art de vivre
amour aube du xi siècle Avec les
troubadours Occident découvre la
femme auteur nous conduit dans une
réflexion portant sur les données plus
cachées plus implicites de la pensée cour
toise La femme malgré le désir elle ins
pire reste précisément ce qui se dérobe
913
COMPTES RENDUS
provoque pour disparaître Perspective
audacieuse un jeu de cache-cache du
désir avec son propre reflet masque du
moi au moi où affleure amour que selon
un effet indifférenciation
Plus profondément encore parce que
plus proche du jeu littéraire J.-Ch
Huchet met en avant oralité et la voix
comme dimension qui sexualise la littéra
ture médiévale De la même importance
que oralité apparaît la musique qui sus
cite abandon aux plaisirs du poème Voilà
en bref le cadre et la technique de la canso
en tant que moyens de faire naître une
trame et de susciter une écoute La sexua
lité entre en littérature que par ces
moyens un dire particulier
Maintenant que acte du dire est
assigné il reste J.-Ch Huchet fixer les
exigences philosophiques qui soulignent les
fins de la pensée poétique courtoise La
fonction de Autre son identité occupent
tout abord le champ investigation cri
tique La dame est avant tout un regard que
on attend pour enfin naisse la parole et
que le désir devienne chant mais ce regard
est jamais une réponse au désir amou
reux car la dame demeure muette dans une
distance impossible franchir Le désir est
condamné ne assouvir au travers
une persona autre femme celle qui
double la dame et est pas objet de
amour La dame elle reste intacte corps
éclatant et le chant qui monte vers elle met
abri de la jouissance Mais cette tension
elle-même cette sublimation du désir une
conséquence est elle doit être entre
tenue comme un culte du secret et de la
non-appartenance La fin amors ne peut
être chaque instant que le fait de se
refuser de demeurer close et infertile
est ici apparaît le rôle du tiers du
troisième terme le mari qui fait obstacle
au désir du je désormais inconsolable
Le je est que le lieu une blessure
dans la canso
Après avoir ainsi défini la structure de la
amors J.-Ch Huchet retrace aven
ture poétique et spirituelle des grands noms
de la littérature des troubadours Il com
914
mence par Guillaume Aquitaine le
troubadour misogyne Cette misogynie
est que envers un féminisme et la
composante un même procès qui vise
mettre le poète abri de la question que
pose une sexualité angoissante est là que
le point de vue psychanalytique apparaît
comme axe directeur de étude La miso
gynie de Guillaume Aquitaine avoue sur
le mode de la dénégation la peur qui la
fonde Cette peur elle-même révélée par
excès de la prouesse sexuelle vantée Plus
on en dit plus la hantise est harcelante La
femme effraie par son incroyable appétit
sexuel auquel répond la vantardise de
homme homme atteint pas la femme
non seulement cause de effrayante
menace du sob replus pressenti mais
cause de la nécessité du langage dont elle lui
présente pourtant usage comme seule voie
pour atteindre Le sobreplus est non seu
lement la tyrannique hantise mais la cause
une altérité une absence signal son
tour une faillite du dire est ainsi
apparaît dans la amors une identifi
cation cruelle de la dame comme une repré
sentation du vide cette vacuité lui confé
rant son prix inappréciable Vouloir ce
on ne peut avoir telle se définira chez
Guillaume Aquitaine la loi du désir
Après Guillaume Aquitaine apparaît
un autre troubadour la problématique
différente Jaufré Rudel le voyageur
immobile La poésie de Jaufré Rudel
par une double abolition celle du sujet et
celle de objet trouve une assise philo
sophique nouvelle amour de lonh Il ne
reste une trace musicale quand toute
jouissance est abolie La seule jouissance
est celle une signature minimum
consonne insistante reflet un nom la
seule jouissance une tonalité celle du
nom propre)
La recherche de J.-Ch Huchet se porte
alors sur Cer amon un chercheur
absolu Cer amon poursuit tout ce qui
divise la Dame parce que pour lui la Dame
est la Vérité même acte sexuel doit être
prohibé parce il divise la femme et
abolit en tant absolu de la Vérité

crire propos de la dame est créer
écriture une femme excorporée
Enfin Bernard de Ventadorn découvre
dans la fin amors une mystique Comme
dans toute mystique le rituel est au centre
Il agit de célébrer une dame dans la
crainte et le tremblement Le rituel est
dominé par Vassag construction poétique
caresse de mots là où ejauzimen la jouis
sance charnelle est exclu Le joy apparaît
alors pur ravissement qui transforme la
brûlure due la privation en ineffable dou
ceur
ensemble du livre est vivifié par la psy
chanalyse éclairé par un style très incisif
un heureux choix des images et une logique
sans défaut
Joël BLANCHARD
Marie-Luce CH NERIE Le chevalier errant
dans les romans arthuriens en vers des
XIIe et XIIIe siècles Genève Droz
Publications romanes et fran aises
CLXXII 1986 758
travers le personnage central du cheva
lier errant est une riche et suggestive
exploration des romans arthuriens en vers
que nous convie Marie-Luce Chênerie Le
corpus considérable de près de trois cent
mille vers présente malgré inévitables
disparités une forte unité inspiration
due notamment au prestige de Chrétien de
Troyes père fondateur du genre et point
constant de référence Quant au type litté
raire et héroïque du chevalier errant il
paraît avoir été con pour civiliser unir
et distraire la noblesse Tout en
apportant une attention extrême au voca
bulaire employé dans les textes ce qui
donne lieu utiles relevés et appuie le
commentaire sur des assises solides Marie-
Luce Chênerie attaque dans la mesure du
possible montrer comment interfèrent la
réalité et la fiction
étude est divisée en sept copieux chapi
HISTOIRE CULTURELLE
tres dont il est seulement possible ici de
suggérer la densité et la richesse Après une
réflexion sur les mots chevalier et errant
auteur interroge sur la possibilité une
genèse socio-historique du type Le dessein
idéologique des uvres en vers apparaît
alors nettement le héros privilégié des
romans est un fils unique ou un aîné sou
vent de sang royal apte offrir la
noblesse une image elle-même idéalisée
paisible et unifiée autres éléments pro
venant des mythes héroïques ou des contes
populaires ont sans doute eu leur part dans
élaboration du personnage en particulier
des rituels initiation condition de ne
pas donner ce mot une portée uniforme
et générale 73 Il semble en définitive
que le chevalier errant remplisse trois fonc
tions essentielles dans les textes en vers
par issue uniformément heureuse de
aventure il propose une vision optimiste
du monde aristocratie en persuadant
cette dernière que la fidélité aux valeurs de
honneur de la prouesse assure son
avenir de plus il invite homme se
dépasser en se mesurant inconnu et
satisfait enfin le goût de extraordinaire
ou tout le moins de évasion partir
un examen attentif des divers rôles arthu
riens le roi la reine Keu Gau vain le che
valier nouveau ainsi que des départs et des
retours des chevaliers le chapitre exa
mine quels liens subtils se tissent entre les
aventures nécessairement solitaires du
héros et la cour arthurienne que les
exploits du chevalier renforcent et valori
sent Marie-Luce Chênerie est ailleurs
amenée constater que le pouvoir politique
Arthur est moins inconsistant on ne
dit parfois encadrement social de
errance chevaleresque sert donc faire
admettre la souveraineté royale non pas en
vertu une supériorité magico-religieuse
dont les romans gardent pourtant la trace
mais partir de valeurs morales et civilisa
trices 141 Le chapitre suivant est
consacré étude du cadre spatial des
romans la forêt la lande la montagne la
rivière) des lieux traversés essart verger
château) des itinéraires suivis avec leurs
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