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52(4), 2005, 417–429
Peter BEYER
Au croisement de l’identité et de la différence:
les syncrétismes culturo-religieux dans le
contexte de la mondialisation
The author argues that syncretic or hybrid cultural and religious forms should
be understood in terms of the ‘‘purities’’ that they supposedly combine.
Constructing and maintaining pure forms is one side of an ongoing and contin-
gent historical process of which syncretization is the other. Pure forms are but
previous and legitimated syncretizations and purity is an argument which seeks
to protect its self-evidence and thereby disguise the contingency of important
social forms such as cultures and religions. The proposed analysis of syncretiza-
tions and hybridizations is done in terms of three dimensions: identity, history,
and power. They are particularly important in the context of globalization
because identity and power are closely related and because the institutionalized
reflexivity of modernity allows everything to be seen as contingent construction.
The main points are illustrated with reference to religious formation processes
in Islam and Buddhism.
DOI: 10.1177/0037768605058147
http://scp.sagepub.com & 2005 Social Compass
Mary Douglas a publié, voici quelques années, deux ouvrages dont les titres
peuvent constituer un bon point de départ pour une discussion sur le syncré-
tisme. Dans Purity and Danger (1966) et Self-Evidence (1975), elle soutient
que, dans toute société, les catégories majeures de compréhension sont le
reflet des structures sociales sous-jacentes et de la situation matérielle con-
crète de ses membres. Dans ce contexte, Douglas centre essentiellement
son propos sur la ‘‘contingence des frontières’’. Les distinctions les plus fon-
damentales qui marquent la vie des personnes deviennent, pour celles-ci,
évidentes. Pourtant, leur caractère arbitraire est tout aussi manifeste que
l’insécurité du monde qu’elles invoquent. Sur la base d’observations empiri-
ques menées dans plusieurs sociétés de petite dimension situées dans diffé-
rentes régions du monde, Douglas conclut que ces relations de catégories,
de contexte et de culture, quoique extrêmement diversifiées, sont communes
à toute réalité humaine. Elles doivent, par conséquent, s’appliquer à la soci-
été mondiale contemporaine.
Sans entrer dans le détail de ces théories, on peut dire qu’elles étudient avec
pertinence le lien entre l’évident, le pur et le dangereux. En les traduisant
quelque peu, les catégories considérées comme allant de soi selon lesquelles
nous pensons et agissons, sont vitales parce qu’elles construisent un monde
ordonné et cohérent pour nous, mais également parce qu’elles modifient les
relations de pouvoir. Les classifications sont importantes car elles permettent
de savoir qui détient quel type de pouvoir. Mais elles sont également con-
tingentes et, partant, changeantes. C’est précisément cette combinaison qui
s’accorde avec les idées de syncrétisation et d’hybridation, qui sont les
termes d’un processus mettant en évidence la contingence ou la malléabilité
mais qui, ce faisant, pointent le but dissimulé derrière elles, à savoir modifier
la signification et remodeler les relations de pouvoir. Cela laisse entendre
qu’il ne suffit pas d’accepter des classifications actuelles ou des ‘‘puretés’’
dominantes. Si l’on cherche à les remettre en question, la tâche première
sera le détricotage de leur prétendue évidence.
Par comparaison avec les sociétés observées par Douglas, le contexte mon-
dial contemporain est un peu particulier. Non pas en raison de l’importance
de ses classifications et de ses différences, mais parce que l’évidence de ses
catégories-clés s’accompagne de la thématisation de leur contingence (Beck
et al., 1994). Nous considérons toujours les différences telles que le sexe, la
nation, la culture, la race et la personne comme des catégories incontestables.
Mais, en même temps, nous sommes conscients et nous parlons de la manière
dont nous les construisons et nous les modifions. C’est particulièrement
évident dans l’usage que nous faisons de certaines catégories lorsque nous
voulons désigner la totalité du social. La notion, maintenant répandue, de
‘‘mondialisation’’ évoque à la fois un ensemble social inéluctable—nous
Ces observations générales pourraient être illustrées par une grande variété
de phénomènes du monde contemporain. Je me limite, en l’espèce, à deux
passant que cette position était bien plus répandue chez les chrétiens de
l’après-Réforme que parmi les musulmans contemporains pré-modernes.
Il s’agit ici d’un exemple de construction de la pureté à travers la syncré-
tisation. En conséquence, le statut incontestable des hadiths, a fortiori la
tradition longue et complexe des commentaires et du développement de la
Charia, a quelque peu décliné comparativement parlant (Brown, 1998).
Un autre exemple remarquable de cette transformation sélective est la syn-
crétisation de la Charia avec le modèle universel de l’Etat moderne. Ici, la
relation entre l’hybridation et la recherche du pouvoir est particulièrement
évidente. De l’Indonésie à l’Algérie, les mouvements islamiques modernes
ont cherché à affirmer la Charia non seulement comme une manière haute-
ment développée de ‘‘retrouver’’ la loi, mais également comme la source pre-
mière des codes de loi et du système judiciaire d’un Etat moderne. Cette
évolution, qui n’est certainement pas incompatible avec l’image tradition-
nelle de la Charia, nécessite néanmoins la suppression d’une certaine flexibi-
lité—auparavant bien établie—dans la référence à la loi, notamment en ce
qui concerne la possibilité de consulter différents experts, dont les décisions
individuelles avaient, en principe, le même poids. Si la codification de la
Charia veut s’inspirer du système moderne du droit positif, elle doit éliminer
cette façon d’institutionnaliser la Charia et mettre en œuvre une procédure
hybridisée qui sort la Charia de ses contextes antérieurs et la réinsère dans
un contexte nouveau, en y ajoutant une combinaison de différents éléments
exogènes.
Les exemples sont multiples. On pourrait notamment mieux comprendre,
dans cette perspective, l’importance accrue donnée à la mission (dawa) dans
divers mouvements islamiques ou le très haut degré d’organisation de l’insti-
tution islamique que l’on observe aujourd’hui. Une fois encore, dans les deux
cas, des ‘‘emprunts’’ sont faits à la modernité pour remodeler l’islam en fonc-
tion de la situation actuelle. De plus, on observe une méfiance grandissante
vis-à-vis des autorités islamiques traditionnelles, notamment l’uléma, en
faveur d’une interprétation individuelle ou ‘‘non experte’’ (Eickelman,
2001). Dans l’ensemble, la quasi-totalité de ces hybridations visent à
donner à l’islam une forme et une identité qui permettent une revendication
de pouvoir dans un contexte où opèrent d’autres institutions, non seulement
l’Etat, l’économie capitaliste et la science modernes, mais également d’autres
religions ayant connu une transformation similaire, comme le christianisme
et l’hindouisme. Il n’est pas étonnant de constater qu’aucune de ces recon-
structions ne s’élabore sans controverses, comme d’ailleurs cela a également
et nécessairement été le cas lors des syncrétisations antérieures et de la réaf-
firmation concomitante de la pureté islamique. Il ressort principalement de
l’analyse que des transformations historiques prennent la forme d’hybrida-
tions, qu’elles le font dans l’histoire et que la principale motivation desdites
transformations est la recherche de pouvoir pour l’islam et, dès lors, égale-
ment pour les musulmans. L’exemple de l’islam souligne combien la syncré-
tisation et la purification sont les deux faces d’une même médaille.
Conclusion
REFERENCES
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