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LES VIOLENCES CONJUGALES :

L’ENFER AU QUOTIDIEN

Dossier rédigé par Arlette HAESSIG en Décembre 2004

dans le cadre de la formation à la relation d’aide dispensée par

M. Jacques POUJOL à PARIS

SOMMAIRE

I / LA VIOLENCE : DEFINITION ET ORIGINE

1/ Définition

2/ Origine de la violence, de l’agression

iI/ AMPLEUR ET ASPECTS DE LA VIOLENCE CONJUGALE EN FRANCE

Aspects importants de la violence mis en évidence par l’enquête ENVEFF

1/ Caractéristiques du couple

2/ Importance de la situation sociale

3/ Violence conjugale et entente dans le couple

4/ Violences conjugales et histoire personnelle

5/ Circonstances des agressions, réactions des femmes

6/ Violences dans les relations avec un ex-conjoint

7/ Les hommes victimes de violences conjugales

III/ MODELISATION DES VIOLENCES CONJUGALES

1/ La violence conjugale : modèle complexe d’interactions

2/ L’exemple de Rachida et Mohamed

3/ Naissance et éléments déclencheurs des violences

4/ Scénario lorsqu’un cycle d’interaction est installé dans un couple

IV/ LA REALITE VECUE DE LA VIOLENCE

1/ La violence physique

2/ La violence psychologique

2.1/ La violence verbale

2.2/ La violence dirigée contre les objets

2.3/ Les menaces


2.4/ Les insultes

2.5/ Le dénigrement

2.6/ Les humiliations

2.7/ Le harcèlement

2.8/ Les atteintes à l’autonomie

3/ La violence sexuelle

3.1/ Le viol conjugal

3.2/ Les rapports sexuels contraints.

3.3/ Le harcèlement sexuel

3.4/ L’amour-réparation

3.5/ Le rejet

V/ LE CONTEXTE FAMILIAL DE LA VIOLENCE

1/ La sphère économique

2/ La sphère du travail domestique

3/ La vie quotidienne et les relations sous « contrôle »

3.1/ La surveillance

3.2/ Les interdictions

3.3/ L’isolement social

3.4/ La jalousie en toile de fond

4/ La communication verbale et l’échange au sein du couple

VI / QUE RESSENTENT LES FEMMES ?

VII/ LA VIOLENCE REACTIONNELLE DES FEMMES

VIII/ LES STRATEGIES DES FEMMES

1/ Les mécanismes d’ordre cognitif

1.1/ Le déni

1.2/ La minimisation

1.3/ La banalisation

1.4/ La dissociation

2/ Les stratégies

2.1/ Les stratégies de repli


2.2/ Les stratégies de contournement

2.3/ Les stratégies de résistance

2.4/ Utilisation de ces stratégies

2.5/ Les stratégies de rupture

3/ L’adaptation : une alternative à la rupture

IX/ L’AIDE AUX FEMMES VIOLENTEES

1/ Le recours des femmes à une aide.

2/ La violence dans le code pénal

3/ Plan global de lutte contre les violences : 24 novembre 2004

4/ Les moyens d’aide proposés.

4.1/ Parler de la violence : les associations, les services sociaux

4.2/ Les démarches à entreprendre

4.3/ Les thérapies

5/ Se protéger en restant chez soi : « scénario de protection »

X/ LA TRAGEDIE DES FEMMES BATTUES DANS DES FOYERS CHRETIENS

XI/ LA QUESTION DE LA VIOLENCE CONJUGALE DANS LE CONTEXTE DE L ’EGLISE

1/ La réconciliation est-elle possible ?

2/ La violence conjugale : un péché !

3/ La pensée : l’élément stratégique du renouvellement du comportement.

4/ Place de l’Eglise dans l’accompagnement des hommes violents.

5/ L’Eglise : lieu d’accueil pour les femmes subissant des violences conjugales

INTRODUCTION
En 1981, le magazine américain « Family Life Today » publia le calvaire de Mary, femme d’un
leader évangélique très connu. Durant des années elle a été battue, traînée par les cheveux,
meurtrie, couverte de bleus, torturée et maltraitée émotionnellement par son mari. Ce dernier était
un homme respecté, avec un ministère prestigieux et très étendu dans l’Eglise.

Jusqu’à la fin des années soixante, la société vit sur le mythe de la famille non violente. On
considère que la violence familiale est rare et le fait d’individus déséquilibrés. Pour Talcott
PARSONS, figure dominante de la sociologie américaine d’après guerre, la famille est le lieu non
conflictuel où s’articulent harmonieusement fonction instrumentale (dévolue à l’homme) et fonction
expressive (dévolue à la femme).

Dans les années soixante-dix, sous l’influence de militantes féministes anglo-saxonnes qui ouvrent
des refuges pour femmes battues et portent la question de la violence conjugale sur la place
publique, ce phénomène jusque là occulté est posé comme problème socio-politique.

Actuellement la violence conjugale n’est plus un tabou, selon Mme Nicole AMELINE (Ministre de la
parité et de l’égalité professionnelle), « la violence n’est plus une fatalité et ses manifestations ne
doivent pas être considérées comme de simples faits divers, mais comme un véritable fait de
société ».

L’enquête nationale sur les violences faites aux femmes (ENVEFF) réalisée en 1999 auprès de
femmes âgées de 20 à 59 ans établissait que la violence conjugale (menaces, chantage affectif sur
les enfants, mépris, séquestration, mise à la porte, rapports sexuels imposés, coups et tentatives
de meurtre) concernait 9% des femmes interrogées. Pas moins de 29 cas de femmes tuées par
leur conjoint ont été relatés par l’AFP durant l’été 2004 en France. Devant l’ampleur de ce
phénomène, le gouvernement français a élaboré un plan global de lutte contre les violences intitulé
« Dix mesures pour l’autonomie des femmes » publié lors du conseil des ministres le 24 novembre
2004.

Les hommes aussi, à bien moindre échelle, sont maltraités, mais les victimes sont d’abord les
femmes. Celles-ci sont issues de tous les milieux : « Il y a des horreurs dans les vallées comme
dans les beaux quartiers des villes » confirme une directrice du CIDF-CeDIFF (centre d’information
des droits des femmes et des familles).

L’exemple de Mary nous montre que violence conjugale et foyer chrétien sont deux termes qui ne
s’excluent malheureusement pas. Léonore WALKER dans son livre « The Battered Woman » nous
dit que penser que la foi chrétienne empêcherait les coups est bel et bien un mythe.

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je lui ferai une aide qui soit son vis-à-vis » (Genèse 2 : 18).
Dès l’origine l’être humain est un «être-avec » dont l’épanouissement ne se réalise que dans la
relation à l’autre. La question se pose donc également à l’église : comment cette intention de Dieu
pour le couple peut-elle être tellement pervertie et aboutir à l’assujettissement et au calvaire d’un
des époux ?

I / LA VIOLENCE : DEFINITION ET ORIGINE

1/ Définition
Le mot latin « vis », d’où est issu le mot « violence », signifie une « force en action » et renvoie
dans sa signification première à l’utilisation de la force physique contre autrui.

Certains auteurs s’en tiennent à cette conception restreinte, d’autres en revanche l’élargissent à
des agressions autres que physiques. Elle peut alors être définie comme une atteinte à l’intégrité
de la personne et se caractérise par un système de relation dans lequel l'un des deux conjoints
utilise la peur, l'intimidation, l'humiliation, les coups, le contrôle du temps ou de l'argent ou tout autre
moyen pour dominer l'autre.

La violence conjugale n'a rien à voir avec l'amour ou le non amour : le partenaire violent ne peut pas
supporter que l'autre ne soit pas exactement conforme à ce qu'il attend de lui ou d'elle, il ne peut
pas supporter que l'autre lui échappe, vive quelque chose en dehors de lui.

La violence concerne tous les types de couples : mariés ou non, jeunes ou vieux.

On peut décrire différents types de violences :

® Violences physiques : les coups, directs ou par projection d'objets, ou par projection de la
personne sur le sol, contre un mur…

® Violences psychologiques : humiliations, menaces, chantage, etc.


® Violences sexuelles : rapports sexuels forcés, imposition de pratiques ou de postures vécues
comme humiliantes, prostitution

® Violences économiques : contrôle de l'argent, exigence d'explications pour la moindre


dépense, la personne n'a pas la libre disposition de son salaire.

La violence n’est pas à confondre avec le conflit qui est une composante inhérente à toute relation
humaine. Le conflit bien géré est susceptible d’amener à des facteurs de changement et
d’adaptation, alors que la violence est toujours destructrice.

La violence conjugale se différencie aussi de la dispute ou du désaccord quotidien.

2/ Origine de la violence, de l’agression


La violence est-elle innée ou apprise ? Il y a différents points de vue :

· Konrad LORENZ (père de l’éthologie moderne) considère l’agressivité comme une pulsion
propre à l’ensemble du monde animal, dont l’homme fait partie. L’agressivité serait un
comportement inné, un instinct provenant de la sélection naturelle. Elle échapperait à notre contrôle
et sa fonction serait la survie de l’espèce.

· WATSON et SKINNER de l’école béhavioriste, réfute l’existence de cette pulsion. Pour eux,
l’agression, l’attaque, résultent de l’apprentissage par observation.

Aujourd’hui, des études ont complété les travaux de K. LORENZ. Elles insistent sur l’importance
des facteurs exogènes dans le comportement agressif : le rôle de l’espace disponible, de la
privation de nourriture, de la prééminence dans la structure sociale du groupe. Il a été montré
(Héritier, 1996) que les comportements agressifs étaient appris, même dans le règne animal.

L’homme est avant tout un être social, produit d’une très longue éducation. Ses capacités
d’apprentissage sont bien supérieures à celles des animaux. Il y a prééminence chez l’homme de
la culture, par le conditionnement des comportements par l’apprentissage.

D’après une étude américaine, les enfants élevés dans une atmosphère de violence conjugale
ont davantage de risque d’être eux-mêmes violents au sein de leur couple, une fois parvenus à
l’âge adulte.

Deux équipes new-yorkaises dirigées par le Dr Miriam EHRENSAFT du Columbia University


College of Physicians, ont suivi 543 enfants et adolescents, accompagnant leur évolution
durant près de 20 ans. Ce suivi a été réalisé notamment à travers des entretiens individuels,
réalisés auprès des jeunes, mais aussi des parents.

Il en ressort que les enfants témoins de scènes de violence conjugale ont un risque plus élevé
de devenir eux-mêmes violents à l’âge adulte. (Sources: Journal of Consulting and Clinical
Psychology, août 2003)

Cependant, la violence intégrée lors de l’enfance ne saurait à elle seule rendre compte de la
violence conjugale. Suite à une étude suisse, l’hypothèse a été émise que les hommes violents
seraient ceux qui ont intériorisé une image patriarcale et stéréotypée de la masculinité. Ces
hommes n’étant pas à la hauteur de cette image et ayant subi certains échecs sur le plan social :
faillite, difficultés professionnelles, déclassement social, etc.. La violence et les stratégies de
domination auxquelles ils recourent seraient alors un moyen pour récupérer dans la sphère
domestique, privée donc peu protégée, et aux dépens des femmes, socialement vulnérables, le
pouvoir qu’ils ont perdu dans d’autres sphères, voire qu’ils n’ont jamais eu.
II/ AMPLEUR ET ASPECTS DE LA VIOLENCE
CONJUGALE EN FRANCE
Selon l’enquête Enveff effectuée en 2000 auprès de 5908 femmes de 20 à 59 ans ayant eu une
relation de couple au cours des 12 mois précédants, on a pu mettre en évidence la proportion de
femmes subissant des violences conjugales selon leur catégorie socioprofessionnelle et la gravité
des violences subies.

Violences conjugales
subies
Catégorie Socioprofessionnelle Taux Niveau Niveau
et statut d’activité Global « grave »
« très grave »

Actives Agricultrices, artisanes, 7,7% 6,6% 1,1%


commerçantes, chefs
d’entreprise

Cadres, professions 8,7% 6,1% 2,6%


intellectuelles

Professions intermédiaires 8,3% 6,8% 1,5%

Employées 8,3% 6,3% 2,0%

Ouvrières 7,9% 4,6% 3,3%

Chômeuses 11,9% 9,0% 2,9%

Etudiantes 11,1% 9,8% 1,3%

Autres inactives 9,4% 6,3% 3,1%

Ensemble 9,0% 6,7% 2,3%

En conclusion : 9% des femmes vivant en couple au moment de l’enquête ont été en


situation de violences conjugales au cours des douze mois précédents.

Aspects importants de la violence mis en évidence par


l’enquête ENVEFF

1 /Caractéristiques du couple
Le concept de violence conjugale s’étend dans cette enquête à toute relation de couple, avec ou
sans lien légal, avec ou sans cohabitation.

Les situations les plus graves, « les enfers conjugaux » se trouvent à tous les âges.

Les fréquences de ces situations de violences ne sont pas affectées par la présence d’enfants, ni
par la durée de vie en couple.

La précocité de la mise en couple n’accentue pas la domination masculine. Cependant, un écart


d’âge de 10 ans ou plus entre conjoints entraîne une augmentation des situations de violence.

Les femmes mariées, et celles qui vivent avec leur conjoint, déclarent nettement moins de violences
que les femmes en couple qui ne partagent pas le même domicile.

2/Importance de la situation sociale


Les chômeuses et les étudiantes ont le taux de violences subies le plus élevé.

La violence conjugale ne suit pas la hiérarchie sociale, les femmes cadres subissent elles aussi
des violences.

Une grande instabilité professionnelle et le chômage semblent favoriser l’apparition de situations


de cumul de violences. Elle est très présente chez les chômeurs non indemnisés ou autre inactifs.
Pour l’un ou l’autre des partenaires, avoir vécu une multiplication des périodes de chômage
augmente la proportion globale des situations de violences.

Le niveau de revenus n’intervient que peu sur les violences : par contre, les femmes qui n’ont pas
accès direct à l’argent dans le couple subissent les violences les plus graves.

D’autres facteurs explicatifs en liaison plus étroite avec les représentations des rôles et fonctions
masculines et féminines au sein du couple, et plus globalement des images sociales des femmes
peuvent expliquer les violences conjugales. Notamment la place de la religion apparaît comme
« favorisant » la violence conjugale (surtout les pratiques dites intégristes, quelle que soit la
religion).

L’origine géographique intervient aussi : il y a un peu plus de violence dans les couples mixtes que
dans ceux dont les deux partenaires ont la même origine. Cependant, les femmes maghrébines ou
africaines sont davantage exposées à la violence avec un conjoint de la même origine.

3/Violence conjugale et entente dans le couple


Il existe un lien assez fort entre les situations de violences et la répartition inégalitaire du travail
domestique et de l’éducation des enfants plus particulièrement dans les cas de violences "très
graves".
Les femmes qui disent ne pas avoir confiance en leur conjoint signalent trois fois plus de violences.

Un climat de perpétuelles disputes est à l’origine de violences : les femmes qui ont répondu "ne
jamais ou rarement se disputer avec leur conjoint" présentent les plus basses fréquences globales
de violences.

L’alcoolisme du conjoint multiplie les situations de violences. Cependant 70% des agressions de
conjoints se sont produites alors qu’aucun des partenaires n’avait bu de l’alcool. En conclusion,
l’alcool aggrave les violences et favorise le passage à l’acte, mais il n’en est pas le principal
facteur.

4/Violences conjugales et histoire personnelle


Les femmes ayant vécu : coups, placement en institution ou famille d’accueil, pendant leur enfance
sont beaucoup plus souvent victimes de violences conjugales à l’âge adulte, en comparaison des
femmes n’ayant pas vécu ces problèmes.

Les femmes victimes de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans sont presque trois fois plus que
les autres en situation de violences conjugales. Celles qui ont subi des attouchements répétés par
des proches sont 5 fois plus en situation de violences "très graves" que l’ensemble.

5/ Circonstances des agressions, réactions des femmes


Dans plus de la moitié des cas les enfants sont témoins des scènes de violence: près de deux tiers
des femmes en situation "très grave" de violences ont déclaré que leurs enfants étaient présents
lors des agressions.

Les violences conjugales sont tenues secrètes, près de la moitié des victimes ont parlé des
agressions pour la première fois lors de l'enquête. Les violences sexuelles sont les plus cachées
ou dénoncées tardivement par rapport aux autres violences dont environ la moitié des victimes
s'étaient plaintes dans l'immédiat.

L’enquête a montré que les femmes sont souvent « réactives » aux violences de leur partenaire.
Elles réagissent d'autant plus qu’il y a atteinte physique ou qu’elles sont en situation de violences
"très graves". Si leur premier réflexe est la discussion, elles n’hésitent guère à entrer dans le conflit
en proférant elles-mêmes menaces et insultes, alors l'agression verbale répond à l'agression
verbale. Cependant l’émotion est toujours vive, toutes les formes d’agressions provoquent les
pleurs.

La perturbation grave de la sexualité est la conséquence la plus citée. La modification de certaines


habitudes de vie, la rupture avec des proches ou l'apparition de troubles nécessitant un suivi
psychologique ont été mentionnés par environ une femme sur cinq.

6/ Violences dans les relations avec un ex-conjoint


Parmi les femmes qui ont eu des contacts avec un ex-conjoint au cours des 12 derniers mois, 17%
ont déclaré avoir subi au moins un fait de violence à cette occasion. Ces agressions atteignent
avant tout les femmes qui ont des relations nécessaires avec leurs anciens compagnons en raison
de la présence d’enfants. La position économique de ces femmes est aussi beaucoup plus fragile
après une séparation ou un divorce.

Les atteintes verbales, comprenant insultes et menaces, dépassent largement tous les taux de
violences identiques dans les autres cadres de vie.
Les agressions physiques marquent les relations avec un ex-conjoint pour 8% de femmes. Les
violences sexuelles, dénoncées par quatre femmes sur cent, semblent aussi beaucoup plus
fréquentes dans les relations avec un ex-conjoint que dans tout autre cadre de vie.

Un grand nombre de femmes se sont séparées d’un partenaire violent. Après la rupture les
rapports, quand ils sont obligatoires, restent très conflictuels, voire brutaux.

7/ Les hommes victimes de violences conjugales


Les hommes sont également concernés par les violences conjugales. Néanmoins, la violence
conjugale envers les hommes est moins fréquente, sans doute aussi encore moins visible que la
violence conjugale envers la femme, et encore plus dissimulée, pour des raisons sociales.

Les coups existent, mais il semble qu'il y ait peu d'hommes battus par leur conjointe. Il est
exceptionnel qu'une femme recoure à la violence physique pour soumettre son mari.

L'enquête ENVEFF montre que 27% des femmes agressées par leur mari rendent les coups, les
hommes en reçoivent donc.

Par ailleurs, les travaux sur les hommes violents (Welzer-Lang « Arrête ! Tu me fais mal ! » Vlb eds,
Québec, 1992) montrent que le premier coup est parfois donné par la femme. Les « hommes
battus » existent donc.

Les violences auxquelles sont certainement soumis les hommes dans leur couple sont surtout
d'ordre psychologique. Comme les hommes, certaines femmes ne peuvent concevoir la relation
que comme une possession, et des hommes font l'objet quotidiennement d’humiliations, de
remarques blessantes, de dénigrement auprès de leurs proches ou des enfants. Ces situations
sont très mal repérées, mais peuvent conduire à des comportements de recours à l'alcool ou des
syndromes dépressifs.

Les situations d'agressions sexuelles ou de contrôle économique sont plus rares, et plus difficiles à
réaliser compte tenu de la place dévolue à l'homme dans notre société.

III/ MODELISATION DES VIOLENCES CONJUGALES


Dorothée, 53 ans, subit des violences conjugales depuis le début de son mariage : coups,
menaces, couteaux qui l’évitent de peu. Dorothée vit continuellement dans la peur. Quand les
violences sont trop graves, elle fait certaines démarches : elle fait établir un certificat médical, elle
cherche conseil auprès d’avocats, elle a même déjà signalé les faits à la gendarmerie.

Quand son mari s’est calmé et que la vie reprend son cours « normal », elle fait marche arrière. Elle
se remet à espérer que cela ne se reproduira plus.

Comment rendre compte du fait que les partenaires continuent à vivre ensemble pendant des
années et ne parviennent à se quitter qu’après de nombreuses tentatives de séparation ?

Il existe une force supérieure à celle de la violence de l’agresseur, où à celle de la souffrance de la


victime, c’est la force de la relation entre agresseur et victime ou de façon plus globale encore,
c’est la force de la relation du couple.

On peut regarder la production d’actes violents dans une relation non pas comme un
dysfonctionnement, mais comme un mode particulier de fonctionnement ; ou comme un outil utilisé
pour faire fonctionner la relation : c’est à dire pour que la relation vive ou survive. L’agression relie
circulairement les deux personnes dans une roue sans fin. Le jeu relationnel et son enjeu sont
confondus : le but du fonctionnement du couple est de rester fusionnel, à n’importe quel prix 1+1=1.
Les thérapeutes entendent souvent de la part de l’agresseur : « je ne viens que pour sauver mon
couple car ma femme et moi ne font qu’un. »

Au fur et à mesure que le temps passe, et que des actes de violences se succèdent, ces derniers
poussent au paroxysme cette relation de dépendance affective.

En utilisant les violences comme solution à court terme des problèmes conjugaux, l’homme ne fait
que renforcer sa dépendance à ses propres comportements violents. La femme voyant ces
comportements comme une incompétence à traiter les problèmes, veut aider son conjoint à en
adopter d’autres. Elle se trouve à son tour dans une codépendance à son mari. Ils constituent une
sorte de ménage à trois : lui, elle, les violences, dans lequel les comportements de dépendance de
l’un, de codépendance de l’autre, contribuent à maintenir le problème.

1/ La violence conjugale : modèle complexe d’interactions


La pratique et la recherche effectuée par des thérapeutes et l’Association Européenne de
recherche en thérapie systémique montre que la modélisation des interactions repose sur quatre
idées directrices :

1/ Les violences conjugales, comme toutes les formes de violence, ne peuvent se produire que
dans un contexte de consensus socio-culturel qui se montre tolérant à leur égard, et trop souvent
même favorable (éducation sexiste, non-application de la loi)

2/ Chacun des deux partenaires utilise des forces qui lui sont propres, et chacun des deux prend
part à la construction ritualisée de l’interaction : l’homme, en agissant la violence, la femme en se
maintenant dans cette situation de danger. La force n’est pas l’un ou l’autre, mais dans l’utilisation,
par le couple, des positions de chacun des deux.

3/ Il existe une alternance des positions haute et basse comme dans le jeu de balançoire, au cours
de laquelle, à tour de rôle, l’agresseur et la victime échangent leurs positions. De même, sur la
balançoire le but du jeu est de « faire durer le jeu » ;

Si je frappe ma femme c’est bien sûr pour la contrôler et la faire changer, mais c’est surtout pour
pouvoir continuer à vivre en paix avec elle par la suite. Si je reste avec mon homme qui me frappe,
c’est bien sûr parce que moi seule peux l’aider à changer et qu’ensuite nous vivions en paix
ensemble.

Il s’agit donc, comme dans la plupart des dysfonctionnements, d’une démarche paradoxale au
cours de laquelle les solutions adoptées (frapper pour lui ; rester pour l’aider, pour elle) sont
devenus le problème qui empêche d’atteindre l’objectif (vivre heureux ensemble).

4/ La démarche du couple visant à s’équilibrer se produit donc dans un mouvement perpétuel et


circulaire qui peut entraîner dans son orbite l’entourage immédiat, mais aussi les intervenants
éventuels.

Dans ce « jeu » interactionnel, certaines femmes peuvent être amenées à émettre des réserves, ou
même des critiques, sur le comportement de leur partenaire dans divers domaines sensibles
(éducation des enfants, sexualité du couple, son insouciance dans la gestion de la maison, ses
incompétences en général). En compensation de ces carences qu’elle « décèle » chez son mari, la
femme se sent contrainte à augmenter l’étendue de ses propres domaine de compétence, à se
montrer forte et responsable pour deux.

Le modèle socioculturel d’une bonne épouse inclut la capacité pour une femme, de prendre soin du
confort psychique et domestique de tous les membres de sa famille ; Si la femme est habitée par
une faible estime d’elle même, la tentation sera grande de s’acquitter de cette mission en
disqualifiant les autres (mari, père, enfants).

Les hommes quant à eux, participent à cette interaction en se comportant comme s’ils étaient
faibles, incompétents, irresponsables. Ils vont même montrer des comportements d’immaturité
affective, de faible différentiation, par exemple en se conduisant comme « des enfants », rendant
visite tous les jours à leur mère. Ils font plus les « fils » que les maris.

D’autres femmes peuvent être amenées à demander à leur compagnon de s’impliquer davantage
comme père et/ou mari, dans les domaines sensibles de la vie familiale et conjugale cités plus
haut. Cette simple demande sera entendue comme une critique ou une dévalorisation.

Si cette attente de complémentarité n’est pas satisfaite pour le couple, chacun à sa façon va tenter
d’améliorer la situation : la femme va continuer à stimuler son mari car, imprégnée d’un certain
modèle culturel, elle se le représente fort et compétent. Elle compense les carences (réelles ou
imaginées) de son mari sans jamais prendre soin d’elle même et de sa sécurité.

Quant à l’homme, pour satisfaire aux stimulations explicites de sa femme, c’est à dire pour
correspondre à ce qu’il croit qu’elle pense que doit être un homme, et aussi pour tenter de restaurer
sa propre image, il va faire mouvement vers l’idéal socioculturel masculin dominant.

L’homme va chercher le pouvoir et le contrôle, puisqu’il croit qu’à défaut de compétences c’est tout
ce qui lui reste pour être un « homme », et être fort sous le regard de sa partenaire.

Dans cette recherche de position haute par rapport à elle, le danger est qu’il soit amené à utiliser
l’argument le plus accessible compte tenu des forces en présence, mais aussi le plus socialement
valorisé pour un homme : la force physique. Il y a d’autant plus facilement accès que sa capacité à
verbaliser ses sentiments est souvent réduite. Souvent les thérapeutes entendent cette expression :
« j’ai les mains qui parlent plus vite que la parole ».

Ce mouvement qui place l’homme en position complémentaire haute entraîne automatiquement la


chute de la femme vers une position de complémentarité basse dans l’interaction. L’homme
revendique l’usage de sa force, mais il rejette sur la femme l’entière responsabilité de la violence
qu’il s’était senti « obligé » de lui faire subir : la femme se considère à ce moment comme victime.

La femme en constatant le pouvoir ainsi que le contrôle de son mari sur elle, se comportera de
manière soumise, faible, dominée. Elle « pense » que son mari pense qu’une femme doit être
ainsi. Mais la femme de par son éducation a aussi appris qu’une femme pardonne, soutient, aide,
même si elle souffre.

C’est pour cette raison, afin de restaurer sa propre image (la femme se sent souvent honteuse
d’être battue), elle recommence à vouloir l’aider, elle reprend espoir dans l’avenir, et confiance
dans ses propres capacités, elle veut le « comprendre », le faire changer.

La femme va essayer de ramener la situation du couple à la configuration « équilibre du couple n°


1 » en reprenant la position complémentaire haute.

Que la femme reste en position basse (où elle semble plus objet que sujet) et/ou qu’elle fasse
mouvement pour récupérer une position haute, elle est en situation de risque. Celui ci vient du fait
qu’elle ne se définit, et donc n’existe, que par rapport à la relation du couple.

C’est un mouvement similaire pour l’homme.

La solution pour l’un et pour l’autre, serait de sortir du « jeu » ou de changer le jeu, et d’agir pour soi
même. Si aucun des deux n’adopte ces solutions de bon sens c’est qu’ils confondent « quitter le
jeu » et « quitter le couple ». Poser des actes signifiant « quitter le jeu » ne sont pas
nécessairement le fait de « quitter le couple ».

Les deux acteurs de cette interaction payent un prix fort pour rester ensemble. Ils ont en commun le
sentiment de ne pas valoir grand chose et de n’exister que s’ils s’occupent l’un de l’autre.

D’après D. et L. EVERSTINE du Centre de traitement d’urgence du Mental Research Institute : «


Le noyau de ce cycle est une relation (pathologique) de complémentarité, à quoi chacun des deux
conjoints est attaché de manière obsessionnelle. Chacun va faire des efforts énormes pour
maintenir ce système d’interaction, et avec le temps chacun se forge l’illusion irrésistible qu’aucun
ne pourra survivre sans l’autre ».

2/ L’exemple de Rachida et Mohamed


Rachida dit qu’elle a fait un mariage d’amour.

Elle a aimé Mohamed au premier coup d’œil, c’est lui qu’elle a voulu épouser malgré l’opposition
de sa famille.

Elle a tenu tête à son père et ses frères jusqu’à ce qu’ils acceptent qu’elle se marie à un homme
plus âgé qu’elle.

Rachida avait 19 ans et en se mariant elle abandonne une carrière prometteuse.

Depuis Rachida et Mohamed ont fui le terrorisme en Algérie, ils se sont installés en France. Leur
situation est très précaire en tant que demandeurs d’asile.

Ils sont soutenus par une association qui leur fournit logement et alimentation.

Ils souffrent tous les deux, Mohamed n’a pas de travail, pas de ressources. Il est dépressif et fait
souvent des crises de colère.

Ce n’est plus le même homme, d’après sa femme.

Rachida ne le reconnaît plus, il l’a encore frappé.

Elle est partie en ville toute seule abandonnée dans un pays inconnu.

Quand elle est rentrée, il était froid et ne lui a même pas adressé la parole.

Pour elle quelque chose s’est cassé, elle n’a plus envie qu’il l’a touche.

Elle n’a plus envie de faire l’amour, elle le fait pour lui, par « devoir ».

Il l’a déjà frappé en Algérie, c’était injustifié, après les coups il a tout de suite fait l’amour avec
elle.

Elle est alors partie une semaine chez ses parents : il l’a recherché après 7 jours.

Sur son lit de mort, le père de Rachida a fait promettre à Mohamed qu’il ne frappera plus jamais
sa femme.

Il n’a pas tenu parole et quelque chose s’est brisé en elle.

Rachida ne comprend pas comment ils ont pu en arriver à la violence.

Certes, le père de Mohamed frappait également sa mère…

Rachida pense qu’il recommencera, elle a même très peur qu’un jour il pourrait la tuer.

Mohamed est très jaloux, il veut toujours savoir ce qu’elle fait, où elle est.
Il ont fui le terrorisme en Algérie, ils ont pu y échapper. Le terrorisme les a rejoint dans leur
couple et leur âme.

3/ Naissance et éléments déclencheurs des violences


Les comportements violents s’installent progressivement, en commençant la plupart du temps à
l’occasion d’une crise, c’est à dire d’un changement d’état générant du chaos (insécurité, angoisse,
début d’une procédure de divorce).

C’est souvent au cours d’une première grossesse que l’homme bat sa femme pour la première
fois ; cela est souvent perçu comme un accident par les protagonistes.

Les femmes ont souvent de la peine à définir ce qui pousse leur conjoint à utiliser la violence à un
moment donné, il n’y a pas de véritable motif : un mot, un geste, un steak trop cuit…. Tout ce passe
alors comme si la femme était le bouc émissaire sur lequel se défoule son conjoint.

Cependant l’analyse des témoignages des femmes donne à penser que la violence apparaît
souvent lorsque l’homme se sent menacé dans sa suprématie. : la jalousie à l’égard d’un autre
homme, la venue d’un enfant, les critiques émises par la femme à propos de l’attitude
démissionnaire de celui-ci, le fait que la femme ne se conforme pas aux attentes du mari, ou
encore la menace de se séparer.

4/ Scénario lorsqu’un cycle d’interaction est installé dans un


couple
- Dans un premier temps, il existe une insatisfaction conjugale dans le couple.

- Les violences psychologiques et verbales sont couramment utilisées.

- L’homme abusif menace sa partenaire (ce qui indique un indice de passage à l’acte, car il
n’y pas de menaces dans les couples qui règlent leurs conflits sans violences).

- Un facteur quelconque crée un stress. Il peut s’agir d’une critique implicite ou explicite de la
femme à l’égard de l’homme, lui laissant entendre qu’il n’est pas à la hauteur, il y a tension chez
l’homme.

- L’acte d’agression a lieu pour reprendre la place hiérarchiquement haute.

- L’agresseur regrette et cherche la réconciliation. C’est la lune de miel.

- Les conflits n’ont pas été réglés, la femme pardonne et n’envoie pas de message réprouvant
l’acte d’agression. Elle se sent coupable de ne pas avoir bien compris son compagnon, et va
reprendre sa fonction de prendre soin du mal-être de son conjoint. La mésentente se réinstalle et le
cycle reprend.

Après un acte violent, l’homme est culpabilisé et il montre son désir de réparer sa faute. Il y a
souvent une phase de réconciliation très intense, avec demande de pardon, promesse de ne plus
recommencer, cadeaux, fleurs….Ceci rend espoir à la femme, et le couple ainsi renforcé vit une
nouvelle lune de miel. Durant cette période la femme retire sa plainte si elle a fait une déposition,
elle renonce aux aides qu’elle a pu demander, et se montre confiante dans ce qui semble être un
nouveau départ.

Puis, peu à peu la tension se réinstalle jusqu’à un nouvel épisode violent.

Le délai de survenue est variable, mais on note souvent un raccourcissement entre les cycles de
violence et le délai entre les phases d’agression s’amenuise pour devenir un état quasi permanent.
Progressivement, les comportements et les interactions se ritualisent, chacun sait ce qui va se
passer.

Le rituel semble canaliser la relation qui n’est guidée que par les émotions.

IV/ LA REALITE VECUE DE LA VIOLENCE


Source : suite à une enquête suisse réalisée en 1994 auprès de 1500 femmes, 30 d’entre elles
subissant des violences graves ont été prêtes à participer à des entretiens personnels pour cerner
le vécu quotidien de la violence.

La violence endurée par ses femmes se manifeste sous différentes formes :

1/ La violence physique
Celle ci se manifeste sous de multiples aspects : les femmes décrivent des coups sur le corps ou
sur le visage, plus précisément coups de pieds, coups de poing, gifles. Leur partenaire leur tape la
tête contre le mur, leur tire les cheveux, leur crache dessus, les pousse dans les escalier, les
empoigne, les secoue, les bouscule, les étrangle, les jette contre les vitres ou contre les murs, leur
tord les poignets, les immobilise pour les empêcher de se défendre, leur saute dessus, les jette
hors du lit, leur casse un objet sur la tête ou le corps, lance un objet contre elles, les prend par la
peau du ventre, les marque pour les empêcher d’aller au travail, leur donne la fessée, leur arrache
les habits, etc.

Les femmes se retrouvent parfois chassées de l’appartement : certaines trouvent la porte fermée
quand elles rentrent ou sont séquestrées : par exemple enfermée dans une pièce pendant des
heures.

Plus grave encore, certains hommes menacent de tuer leur partenaire avec un objet dangereux
(couteau, revolver, fusil…)

Ces menaces sont malheureusement parfois mises à exécution dans certains cas la violence peut
aller jusqu’au meurtre, ainsi durant l’été 2004, 29 femmes ont été tuées par leur conjoint en France.

2/ La violence psychologique
Toutes les femmes interrogées ont subi des violences psychologiques. Elles sont nombreuses à
dire qu’elles se sentent humiliées, méprisées, dégradées, vexées.

« Une insulte est pire qu’une claque », disent certaines d’entre elles.

On peut distinguer huit grandes catégories de violence psychologique. Il y a des formes


spectaculaires, mais également des formes plus insidieuses de ce genre de violence.

2.1/ La violence verbale

Pour exprimer reproches, mépris ou menaces, beaucoup d’hommes crient, s’énervent hurlent,
deviennent agressifs, parlent plus fort que la femme pour l’empêcher de parler.

Parfois au contraire, ils opposent à leur femme un silence méprisant, ils ne répondent pas à ses
questions, ne l’écoutent pas et refusent tout dialogue.

2.2/ La violence dirigée contre les objets


Les hommes peuvent exprimer leur colère par des comportements bruyants et brutaux : claquer les
portes, taper contre les murs, renverser par terre tout ce qu’il y a sur leur passage, casser des
objets. Ces comportements ont pour but d’intimider la femme.

Certains hommes s’attaquent aussi aux objets auxquels tient leur femme et qui ont de la valeur pour
elle.

2.3/ Les menaces

Elles sont fréquentes. Certains maris menacent de frapper ou même de tuer. Ou encore, ils
donnent des coups dans le mur, cassent des objets, se tapent la tête contre les murs. Leurs
femmes interprètent ces attitudes comme des avertissements qui veulent dire : « attention, je suis
capable d’aller plus loin. »

Parfois, les menaces sont voilées, certains hommes laissent entendre qu’ils sont capables de tout,
mais la femme ne sait pas de quoi et craint le pire. Ce comportement terrorise la femme, elle est
angoissée et son instinct de survie lui dicte la prudence et la docilité.

Même si les menaces sont dirigées contre les enfants (menace de les enlever ou de les tuer) ou
contre l’homme lui-même (menace de se suicider) la femme se sent menacée elle même dans sa
sécurité.

Certains, lorsqu’ils sentent la femme vulnérable et dépendante, menacent de divorcer à propos de


tout et de rien.

Le chantage sous la forme de « si tu me fais ceci, alors je te fais cela » est largement utilisé par
plusieurs maris. Notamment « si tu demandes le divorce, j’enlève les enfants, j’arrête de travailler,
je quitte le pays, …. ».

2.4/ Les insultes

L’usage de mots vulgaires et grossiers pour désigner les femmes peut se résumer à quelques
substantifs : pute, garce, salope, conne, femelle, grosse vache. En désignant ainsi leur femme, les
hommes témoignent de leur volonté de l’humilier.

2.5/ Le dénigrement

De nombreuses femmes font l’objet de reproches et critiques visant à la rabaisser. On peut les
résumer à une phrase : « tu n’es bonne à rien, je suis le meilleur ». Dans certains cas, la liste des
reproches est longue : la femme est incapable d’élever les enfants, cuisine mal, ne sait pas
nettoyer, etc.

Ces comportements ont des conséquences particulièrement négatives quand ils sont omniprésents
et quand les femmes ne reçoivent aucun encouragement. Les reproches constants les
déstabilisent, elles se sentent impuissantes et incapables. Elles deviennent alors ce que leurs
maris leur reprochent d’être, c’est à dire incapables.

Les critiques peuvent également viser l’entourage ou la famille de la femme violentée. Elles lui font
mal parce qu’elles dénigrent ou rabaissent des personnes qu’elles aiment.

2.6/ Les humiliations

Elles vont de l’indifférence aux formes les plus profondes de mépris en passant par le dédain.

Certains hommes humilient leur femme en témoignant du dégoût.


Parfois, ils rabaissent la femme non seulement en privé, ils le font en public par des paroles
blessantes, ou les tournent en dérision devant des tiers.

Les femmes peuvent ainsi souffrir du fait que les enfants soient témoins de leur humiliation.

2.7/ Le harcèlement

Cette forme de persécution consiste à envahir l’espace de l’autre par sa présence, par des
paroles, ou encore par des traces de sa présence.

Même s’ils sont déjà séparés, certains continuent à harceler leur ex-conjointe par des appels
téléphoniques ou par des lettres. Les femmes les voient rôder autour de leur maison et se sentent
surveillées.

2.8/ Les atteintes à l’autonomie

Il s’agit d’une somme de contraintes qui empêchent la femme de vivre librement. Elles ne se
sentent aucun droit, si ce n’est celui de se taire et d’exécuter les volontés de leur conjoint.

Leur espace vital est réduit, la liberté de choix n’existe plus, le plaisir, le divertissement le repos leur
sont interdits.

Le droit de choisir si elles veulent ou non un enfant ne leur est pas reconnu. Nombreuses sont celles
qui ont du avorter sous la menace parce que leur partenaire ne voulait pas de l’enfant.

Certaines sont confinées dans des espaces vitaux minimaux ou encore subissent des privations
quotidiennes : elles n’ont pas le droit de regarder la télévision, de lire, elles doivent travailler
continuellement ou faire ce que fait ou veut leur mari.

3/ La violence sexuelle
Dans l’enquête citée, seules trois femmes sur les trente enquêtées sont exemptes de violence
sexuelle de la part de leur mari ou compagnon. Quelques unes ont subi des viols ou alors elles ont
dû accepter des rapports sexuels sous la contrainte. A en juger les différents témoignages, la
violence sexuelle se déclenche lorsque les femmes refusent d’entretenir des rapports, ou exigent
des conditions (le préservatif, par exemple), ou lorsqu’elles décident de mettre une distance entre
elle et leur partenaire.

On peut regrouper en cinq catégories la violence d’ordre sexuel vécue par les femmes :

3.1/ Le viol conjugal

Ces cas correspondent à des viols manifestes, les femmes sont immobilisées, afin qu’elles ne
puissent pas se défendre.

Parfois, l’acte se produit avec une extrême violence, au viol s’ajoutent des coups, des insultes.

Les femmes n’éprouvent pas toutes les mêmes sentiments suite à l’acte. Certaines se sentent
souillées et blessées dans leur intimité. D’autres ont surtout peur d’avoir contracté le sida.

On retrouve souvent les mêmes conséquences chez les femmes violées, que ce soit par personne
connue ou inconnue : elles se sentent tellement salies qu’elles cherchent à exorciser la souillure.

Certaines remarquent qu’elles tentent d’oublier ou alors considèrent qu’un viol isolé est moins
grave que la violence psychologique et physique répétée.
3.2/ Les rapports sexuels contraints

Certaines femmes ne se disent pas violées et pourtant elles ont accepté d’entretenir des rapports
sexuels contre leur volonté par crainte de représailles. Elles acceptent par peur de voir augmenter
la violence de leur conjoint.

Même en l’absence de menaces explicites, la femme s’expose à des reproches en cas de refus : à
être traitée de frigide ou d’anormale, car pour certains hommes, « c’est au moins trois fois par
semaine ».

3.3/ Le harcèlement sexuel

Dans le cadre du mariage, ce terme désigne l’acharnement que certains hommes mettent à faire
céder leur femme et le droit qu’ils s’octroient sur leur corps.

3.4/ L’amour-réparation

Ils sont nombreux à vouloir réparer sur l’oreiller.

La majorité des femmes qui subissent l’amour-réparation se sentent humiliées, elles ne peuvent
concevoir d’avoir des rapports sexuels alors qu’elles ont été méprisées quelques heures
auparavant.

Après des actes de violence, elles ont surtout besoin de tendresse et d’affection. Elles ne les
trouvent généralement pas dans les rapports sexuels avec leur conjoint, qu’elles ressentent plutôt
comme une violence supplémentaire.

3.5/ Le rejet

Le rejet punitif, c’est à dire ne plus entretenir de rapports sexuels, constitue une forme d’humiliation
psychologique à caractère sexuel.

Il peut être suite à un désir d’indépendance de la femme (elle recommence à travailler ou suit une
formation) ou alors le rejet doit la punir parce qu’elle n’est plus désirable, ou ne sait pas faire
l’amour.

V/ LE CONTEXTE FAMILIAL DE LA VIOLENCE


Différents aspects de la vie familiale et quotidienne sont affectés dans les couples où la violence
est présente.

1/ La sphère économique
Certaines femmes disent être maintenues par leur mari dans une totale dépendance économique :
ils les privent de moyens financiers, mais surtout les contrôlent et les traitent comme des mineures
incapables de gérer l’argent. Elles doivent réclamer de l’argent chaque fois que le frigidaire est
vide ou qu’il manque quelque chose dans la maison. Bien souvent les maris refusent que leur
femme soit au courant de leur situation financière.

Il arrive que le mari coupe les vivres lorsque la relation se détériore.


Certaines femmes indépendantes financièrement se trouvent obligées d’entretenir leur époux sans
que celui ci ne s’occupe pour autant du ménage ou de l’éducation des enfants.

Pour rendre service à leur compagnon certaines femmes se retrouvent dans des situations
inextricables : dettes, crédits etc.

2/ La sphère du travail domestique


La majorité des femmes subissant des violences disent ne recevoir aucune aide de leur conjoint, ils
n’assument aucun responsabilité dans la gestion de la vie quotidienne et laissent à leur femme la
charge de la maison et des enfants.

Dans certains cas, les hommes sont totalement démissionnaires, ils ne pourvoient à rien et ne
prennent aucune part aux activités du foyer.

3/ La vie quotidienne et les relations sous « contrôle »


3.1/ La surveillance

Toutes les femmes interviewées se disent surveillées, de manière permanente pour beaucoup. Les
appels téléphoniques peuvent être surveillés, de même que le téléphone peut devenir l’allié du mari
qui l’utilise pour contrôler si sa femme est à la maison ou encore à son travail.

Certains conjoints relèvent le nombre de kilomètres inscrits au compteur de la voiture.

La surveillance peut être beaucoup plus déguisée, il n’y a apparemment pas d’interdit, elles ont
parfois l’illusion d’être libres. Cependant, le conjoint fait des remarques sur leur façon de s’habiller
lorsqu’elles sortent, critiquent les personnes avec lesquelles elles vont passer la soirée, boudent à
leur retour.

Cependant, le contrôle le plus subtil est sans doute celui qu’intériorisent les femmes. Elles
s’autocensurent, se limitent, informent spontanément leur conjoint de leurs faits et gestes. Le mari
n’a pas besoin de les surveiller : il sait toujours où elles sont et ce qu’elles font : elles se sentent
néanmoins sous contrôle.

3.2/ Les interdictions

Pour contrôler une personne, le plus simple moyen est de lui imposer une série d’interdictions. Les
femmes ont suffisamment peur de leur mari pour lui obéir sans discuter. C’est ainsi que beaucoup
renoncent à des occupations qu’elles aimaient comme la gymnastique ou le chant en chorale.

3.3/ L’isolement social

Un autre moyen de contrôler sa conjointe consiste à faire le vide autour d’elle. Certaines lasses
d’affronter les critiques, les reproches ou fatiguer de mentir, renoncent à leurs fréquentations ou tout
au moins les restreignent. Ainsi, certaines femmes n’ont plus de contact avec leur famille ou leurs
ami(e)s.

Les femmes préfèrent vivre dans la solitude plutôt que d’affronter régulièrement ses reproches. Cet
isolement rend les femmes totalement dépendantes de leur mari. Il devient alors très difficile pour
elles de se libérer de son emprise, car la femme n’a plus de soutien extérieur.

3.4/ La jalousie en toile de fond


Elle sous-tend la plupart des comportements cités.

Les hommes violents sont en effet très jaloux et possessifs. Ils reprochent à leur conjointe des
intentions qu’elles n’ont pas ou leur imputent des actes qu’elles n’ont pas commis.

La vie des femmes avant leur union suscite aussi la jalousie et ils tiennent encore rigueur de leurs
relations amoureuses antérieures.

La jalousie ne cesse pas nécessairement à la fin de la relation. Certaines femmes séparées ou


divorcées subissent encore la surveillance ou les scènes de leur ex-partenaire.

4/ La communication verbale et l’échange au sein du couple


Les risques de violence envers les femmes sont d’autant plus grands que la communication verbale
dans le couple est déficiente. Au sein de ces couples, l’homme et la femme se confient rarement
leurs problèmes, ne discutent pas de sujets sérieux, n’entreprennent guère d’activités communes.

L’absence de dialogue semble essentiellement dû au refus du conjoint de parler, alors que la


femme, elle, souhaiterait partager davantage. Lasse de chercher le contact avec un partenaire
muet, elle se tait.

Plusieurs femmes se retrouvent par ailleurs très souvent seules avec les enfants, surtout le week-
end, quand le mari se repose ou s’adonne à ses propres occupations.

Lorsqu’il y a conflit ou désaccord, le mari violent a recours à différentes stratégies verbales comme,
ne pas écouter parler plus fort, couper la parole….

Il arrive que les femmes « s’écrasent » afin d’éviter le conflit et les violences.

La forme la plus subtile et la plus cachée de la domination est le fait que la femme intériorise et fait
sienne la volonté de son mari.

Il y a alors apparemment consensus et absence de conflit.

VI / QUE RESSENTENT LES FEMMES ?


Le mot « peur » revient le plus souvent dans les témoignages. Peur quand l’homme menace ou
devient violent, peur que la violence augmente si elles se défendent, peur « d’y passer ».

Un climat d’angoisse et de peur s’installe lorsque la violence est fréquente.

Plusieurs femmes (sur les trente enquêtées) ont peur d’être tuées et croient leur mari capable de
passer à l’acte : « quand il est violent, plus rien ne l’arrête ». Cette terreur de la mort imminente
explique, dans bien des cas, pourquoi elles ne peuvent réagir. Il ne leur reste en effet qu’à se tenir
tranquilles pour sauver leur peau.

La honte est également un sentiment partagé qui incite les femmes à cacher la violence subie.
Elles préfèrent cacher, ne rien dire à personne, pour que l’histoire ne soit pas connue. Elles cachent
les pansements, les bandages, et racontent des histoires telles que : « je suis tombée… »

Le sentiment de honte est particulièrement vif lorsque la violence a lieu dans un lieu public, car
l’auteur est l’être qui est censé les aimer.

Parallèlement à la peur et à la honte, elles expriment des sentiments de colère, d’injustice, de


révolte, voire même un désir de vengeance. Il y a certaines femmes qui pensent à tuer leur mari
en se servant d’un couteau de cuisine par exemple.
Le pardon est aussi considéré comme impossible dans certains cas : par exemple suite à la
perte du bébé que la femme portait au moment de la violence.

Les effets sur la santé physique des femmes sont les plus visibles : douleurs abdominales,
thoraciques ou pelviennes, troubles de la digestion, du sommeil, maux de tête et douleurs
musculaires.

Cependant les épisodes répétés de mauvais traitement conduisent à la détresse affective, et les
conséquences les plus profondes et les plus durables se manifestent sur le plan de la santé
mentale :

- manifestations anxieuses, dépressives, phobiques, des signes d’auto-négligence

- alcoolisme, consommation abusive de médicaments

- idées suicidaires et des tentatives de suicide.

VII/ LA VIOLENCE REACTIONNELLE DES FEMMES


La représentation dominante concernant les femmes violentées est : ce sont des êtres passifs.

Cependant, les études faites montrent que les femmes répondent souvent à la violence de
l’homme. Il s’agit principalement de violences psychologiques (insultes, rabaissement). La violence
physique est rare, elle n’est pas de même nature que celle qu’utilisent les maris. Alors que les
hommes violentent leur femme pour les faire plier et imposer leur règle, les femmes sont
agressives pour se défendre et exprimer leur désaccord. Elles n’utilisent pas la violence pour
terroriser leur mari ou le soumettre à leur volonté. Leurs actes, qu’il s’agisse d’insultes, de cris, de
paroles blessantes et plus rarement de coups, restent bien en deçà de ceux qu’elles subissent, et
traduisent avant tout leur révolte. Elles réagissent par la violence à l’attitude de leur conjoint quand
elles se sentent injustement traitées, humiliées ou incomprises et ne trouvent pas d’autres moyens
pour se faire entendre.

Dans les couples violents l’homme et la femme ne vivent pas des rapports d’égalité et de
coopération. Les femmes y utilisent l’arme des faibles, à savoir la défensive. Elles répliquent quand
elles estiment ne pas risquer de déclencher une violence plus grande. Elles cherchent à se venger
des humiliations subies en critiquant ou en rabaissant leur conjoint.

VIII/ LES STRATEGIES DES FEMMES


Les femmes mettent en œuvre différentes stratégies de survie, d’adaptation et de résistance. Face
au danger, elles se battent pour échapper au pire et trouver les moyens, faute de mieux, de vivre
avec la violence. Elles parviennent parfois à exprimer leur désaccord, à résister et même à quitter
leur mari.

1/ Les mécanismes d’ordre cognitif


1.1/ Le déni

la femme refuse de reconnaître la violence qu’elle subit. Il lui est impossible d’admettre que
l’homme qui est censé l’aimer, l’agresse. Elle ne veut ni ne peut se percevoir comme une femme
battue.

1.2/ La minimisation
Elle relativise la gravité des actes subis. Elle se persuade que la violence de son conjoint n’est pas
vraiment grave ou qu’il s’agit d’un accident qui ne se reproduira plus.

1.3/ La banalisation

Elle perçoit la violence physique comme un phénomène courant qui fait partie de son quotidien.

1.4/ La dissociation

La femme a l’impression d’être divisée à l’intérieur d’elle même. Elle n’est pas celle qui subit la
violence, elle en est la spectatrice. Ce sentiment de dissociation se retrouve chez les personnes
qui subissent des agressions sexuelles. Il s’agit d’une forme de défense qui déconnecte le corps
de l’esprit et situe le corps comme un objet extérieur à soi.

2/ Les stratégies
2.1/ Les stratégies de repli

Les femmes adoptent un profil bas pour prévenir ou apaiser la violence, elles s’écrasent,
lorsqu’elles se sentent en danger ou sont paralysées de peur.

2.2/ Les stratégies de contournement

Face au contrôle permanent de leur conjoint, les femmes usent de « combines » (mensonges,
subterfuge, ruse) pour déjouer sa surveillance et réaliser ce qu’elles désirent.

2.3/ Les stratégies de résistance

Elles posent parfois activement des limites à l’agression (répliques, menaces de séparation ou
séparation, recours à des services spécialisés) et osent affronter leur conjoint.

Parfois, elles se permettent de résister quand elles se sentent dans leur bon droit. Elles s’opposent
également lorsqu’elles n’ont plus rien à perdre, que la relation ne peut plus s’améliorer.

Toutefois, c’est lorsqu’elles décident de rompre qu’elles osent pleinement tenir tête à leur
partenaire.

Quelques femmes manifestent leur désaccord dès le premier geste qu’elles estiment grave. Elles
portent plainte, quittent le domicile ou posent des conditions.

Même quand les femmes ont réussi à faire diminuer ou cesser la violence physique, la violence
psychologique subsiste.

2.4/ Utilisation de ces stratégies

Toutes les femmes en utilisent pour se protéger, se défendre, ces stratégies varient en fonction du
type, de la gravité et de la fréquence de la violence.

Elles ont tendance à ne pas réagir en cas de violence physique ou sexuelle grave, se sentant en
danger, elles laissent faire.

Par contre si elles subissent des actes de violence physique légers et peu fréquents, elles
recourent davantage aux stratégies de résistance.
Celles qui subissent uniquement de la violence psychologique utilisent relativement plus souvent
des stratégies de contournement et de résistance.

Les femmes soumises à un fort contrôle sont celles qui utilisent le plus souvent des stratégies de
contournement.

Quelles que soit les stratégies, toutes exigent une énergie considérable, même si les femmes
n’adoptent pas de stratégies offensives, elles font preuve d’une vigilance constante pour prévenir
les conflits potentiels et la violence du conjoint.

2.5/ Les stratégies de rupture

Parmi les femmes qui subissent des violences, beaucoup restent avec leur conjoint et supportent la
situation. Certaines arrivent à se séparer définitivement. Rompre définitivement n’est pas chose
facile, beaucoup partent à plusieurs reprises de leur foyer, le réintégrant après quelques semaines
ou quelques mois avant de rompre définitivement.

La séparation exige des femmes une véritable préparation tant sur le plan psychologique que
matériel. Elles doivent faire le deuil d’une relation à laquelle elles ont cru, quitter un mari qu’elles ont
aimé et surtout admettre que leur vie de couple finit sur un échec. Elles ne peuvent par ailleurs
envisager la séparation sans réunir les conditions matérielles voulues (logement, revenu, garde des
enfants, etc.).

Lors de leurs départs successifs, les femmes éprouvent leur capacité à vivre seules et à s
’organiser avec les enfants. Elles testent les aptitudes de changement de leur conjoint, prennent
connaissance des aides dont elles peuvent bénéficier et apprennent à quitter progressivement un
environnement qu’elles connaissent.

Certaines femmes mettent plus de dix ans pour établir les conditions qui leur permettent de partir
dignement.

Dans un processus de séparation, il est possible de mettre en évidence trois étapes.

1/ La non-reconnaissance de la violence

Souvent les femmes ont de la peine à retrouver le moment exact des premiers actes violents. Dans
un premier temps, beaucoup considèrent que le comportement de leur compagnon est inévitable
dans un couple, s’il se reproduit elles tenteront de relativiser. En effet reconnaître la violence c’est
admettre l’échec du couple, voire faire le deuil du projet de vie très souvent fondé sur le mariage et
la famille.

2/ La reconnaissance du problème et l’idée de la rupture

Dans une seconde étape, il devient difficile aux femmes de nier le problème, tant les actes sont
fréquents et les bons moments rares. Elles doivent alors se rendre à l’évidence, la vie quotidienne
est désormais insupportable. Elles vont envisager de quitter leur conjoint. Le projet de départ ne
devient que très lentement réalité, car les femmes vont rencontrer de nombreux obstacles.

Certaines décidées de s’en aller, voient leur mari tenter une opération de charme : ils redeviennent
ce qu’ils étaient au début de la relation, gentils, aimants, ils promettent également de changer. Ces
accalmies ne durent pas.

Les femmes se laissent pourtant convaincre par les promesses car au fond d’elles mêmes, elles
souhaitent surtout que la violence cesse, elles n’ont pas forcement envie de quitter leur conjoint.

Lorsque la femme est décidée à quitter son conjoint elle a à affronter un risque de taille : que la
violence physique voire sexuelle redouble à ce moment. Même si leur relation de couple ne les
satisfait pas, la séparation est insupportable à certains hommes.

3/ La décision de rompre définitivement

Elle vient au moment où tout espoir a disparu. L’accumulation de comportements violents et


humiliants et/ou un nouvel événement qu’elles jugent intolérable : par exemple la violence sur les
enfants, les décident à partir.

Elles rencontrent alors beaucoup d’obstacles : trouver un logement, un travail, etc.

Certaines femmes doivent aussi penser à se protéger car, leur conjoint redouble alors de violence
et leur vie peut être en danger.

3/ L’adaptation : une alternative à la rupture


Les raisons pourquoi les femmes restent et s’adaptent à la situation sont de plusieurs ordres :

- Certaines « font le choix » de s’adapter parce qu’elles estiment n’avoir pas les moyens
d’autre chose. La peur de se retrouver à la rue, sans ressources pousse souvent les femmes a
« s’adapter ».

- D’autres pensent que les choses peuvent s’améliorer et que tout compte fait, elles ne vont
pas si mal que cela. Si on interroge ces femmes, elles diront qu’elles éprouvent amour ou
tendresse pour leur partenaire, elles lui voient des qualités et partagent des moments agréables
avec lui.

- Une troisième catégorie de femmes aimerait partir, mais n’y parviennent pas pour différentes
raisons : difficulté à prendre une décision qui implique de réorganiser toute leur vie, manque
d’énergie pour s’engager dans une procédure de rupture.

- Le manque ou l’absence d’aide, les réactions pas toujours adéquates de l’entourage, des
services sociaux et autres instances contribuent souvent à maintenir les femmes violentées dans
leur situation.

IX/ L’AIDE AUX FEMMES VIOLENTEES

1/ Le recours des femmes à une aide


· Le réseau d’aide primaire, c’est-à-dire parents, amis, connaissances, est souvent

sollicité. Les femmes se confient à une ou plusieurs personnes proches et pour la plupart elles y
trouvent de l’aide sur le plan moral ou pratique. Cependant l’entourage n’est pas toujours adéquat
dans ses réactions envers les femmes violentées. Les réponses de l’entourage peuvent être de
trois catégories :

- le déni, la banalisation du problème et la non-intervention

- l’encouragement à la soumission.

- L’incitation au refus de la violence et à la rupture. Cette attitude peut se révéler problématique


quand l’entourage fait pression et ne respecte pas le rythme d’évolution de la femme.

· Le réseau d’aide secondaire

Selon l’Enquête "Eurobaromêtre" réalisée sur 1000 personnes de mars à mai 1999, un seul cas
de violence sur 20 est signalé à la police.

Les femmes n’ont que très rarement recours à la police pour porter plainte contre leur conjoint. Les
obstacles au dépôt de plainte sont en effet nombreux : les procédures longues et pénibles, de plus
il n’est pas facile pour une femme d’accuser l’homme avec qui elle vit, qu’elle aime parfois encore,
et qui est le père de ses enfants.

Certains témoignages de femmes ayant subies des violences et qui se sont adressées à la police
ou à la justice, montrent qu’elles n’ont pas trouvé l’aide et l’appui qu’elles escomptaient des
services et instances sociales. Parfois, le phénomène de violence conjugale n’est pas pris au
sérieux.

Les professions auxquelles elles ont recours majoritairement quand elles demandent de l’aide
sont : les médecins, psychologues ou psychiatres, les avocats, les conseillers conjugaux, les
services sociaux. L’aide apportée par ces professionnels est jugée plus ou moins satisfaisante.

C’est surtout l’aide apportée par les foyers spécialisés dans l’hébergement de femmes violentées
qui a été très appréciée par l’ensemble de celles qui en ont fait usage.

2/ La violence dans le Code Pénal


Dans les violences conjugales, il y a un agresseur et une victime.

L’auteur des violences est responsable de son comportement quel que soit le comportement de la
victime. L’auteur et la victime ne sont pas sur un pied d’égalité. La victime n’est pas responsable
des coups qu’elle reçoit.

En terme pénaux, la violence conjugale entre dans le cadre des violences volontaires. Pour
toutes les violences volontaires, le fait qu'elles soient commises par un proche constitue ce que l'on
appelle une circonstance aggravante, c'est à dire que les peines encourues sont plus importantes.

En outre, le Code Pénal entré en vigueur en 1994 définit comme étant un délit toute violence entre
conjoints, quelle que soit la durée de l'incapacité totale de travail (ITT). Quelle que soit la gravité
médicale des violences pour celui ou celle qui en est victime, ces faits sont constitutifs d’un délit
passible du tribunal correctionnel.

Les violences conjugales, suivant leur gravité, peuvent donner lieu de 3 ans d’emprisonnement
avec 45 735 Euros d’amende à 5 ans et 76 225 Euros d’amende, et jusqu’à 15 ans à 20 ans de
réclusion.

Les difficultés d'application de cette mesure ne doivent pas faire perdre de vue qu'elle signifie
clairement que la violence conjugale n'est pas une affaire d'ordre privé et de liberté individuelle,
mais une question d'ordre public, et que la collectivité n'accepte pas que certains de ses membres
subissent des violences sans intervenir.

3/Plan global de lutte contre les violences : 24 novembre 2004


Suite à l’enquête ENVEFF, et devant l’ampleur du phénomène le gouvernement français a pris des
mesures pour favoriser l’autonomie des femmes. Le but est de leur donner une meilleure
sécurisation juridique et aussi de leur apporter des réponses sociales et économiques, ceci en
mobilisant et mettant en réseau les professionnels, les associations et les institutions (cf.
documents annexes).

Cette politique menée pour améliorer la situation des femmes victimes de violences s’est déjà
concrétisée par l’adoption de la mesure d’éviction du conjoint violent. Cette mesure sera applicable
à partir du 1er janvier 2005, elle permettra aux femmes mariées de conserver l’usage du domicile
conjugal.

4/ Les moyens d’aide proposés


4.1/ Parler de la violence : les associations, les services sociaux

Pour sortir de l’isolement mis en place par le conjoint violent, il est important de trouver une
personne de confiance à qui parler et à qui en parler. Pour cela la femme peut contacter à tout
moment un service social ou une association spécialisée qui peut proposer :

· une aide, une écoute, un accompagnement psychologique

· une information sur ses droits

· une possibilité d’hébergement d’urgence pour elle et ses enfants

· une aide à la recherche d’un emploi.

4.2/ Les démarches à entreprendre

· au moment des faits :

- appeler le 17 « police-secours »

- le 15 « SAMU » si nécessaire

· porter plainte

- soit à l’un des points accueil de la police urbaine de proximité

- soit au procureur de la république

Si la femme porte plainte pour « violences volontaires » cela peut entraîner des poursuites
judiciaires contre son agresseur quelle que soit la gravité des coups constatés.

Si la femme ne souhaite pas porter plainte immédiatement, elle peut faire enregistrer dans un
service de police une déposition sur le registre de « main courante ». cette formalité n’entraînera
pas automatiquement des poursuites judiciaires contre l’agresseur. Elle sera cependant un élément
utile si la femme envisage de donner suite à cette situation de violence ultérieurement.

Dans des situations de violence conjugale, où la femme a porté plainte, le mari peut se voir intimer
l’ordre de quitter le domicile conjugal.

· examen médical

Le médecin est le mieux placé pour effectuer le repérage des situations de violence, le diagnostic
de leurs conséquences. Il pourra aussi proposer les soins nécessaires, et d’en témoigner par le
biais du certificat médical.

Dans le cadre d’un dépôt de plainte, l’établissement de ce certificat est souhaitable, mais il n’est
pas un préalable obligatoire.

4.3/ Les thérapies

Si la femme vient seule en thérapie: certains thérapeutes ont comme méthode d’apprendre à la
femme à être responsable d’elle même et de sa sécurité : c’est à dire en lui apprenant à se
protéger. Cette protection passe par des détails très pratiques (cf. scénario de protection), mais
aussi par l’apprentissage de la détection des phases du cycle de violence afin de ne pas s’y laisser
entraîner.

Si les deux viennent en thérapie familiale : dans le cadre du travail systémique, le thérapeute
travaille alors avec le couple sur l’interaction entre l’homme et la femme.

Du début à la fin du travail, les thérapeutes s’efforcent de modifier le contexte dans lequel se situent
les relations du couple : en introduisant la loi, ils donnent une dimension sociale à la « violence
privée ». D’après les thérapeutes, en l’absence de cadre juridique, l’intervention thérapeutique est
affaiblie, voire impossible, car elle n’est pas qualifiée.

5/ Se protéger en restant chez soi : « scénario de protection »


Si la femme décide de rester au domicile conjugal, il est important qu’elle prenne des mesures de
protection pour elle et ses enfants :

- en notant les numéros de téléphone importants (police, SAMU, etc.) dans un endroit facile
d’accès ou en les mémorisant.

- en identifiant les personnes qui peuvent l’aider en cas d’urgence.

- en convenant d’un code de communication avec une personne proche qui pourra appeler la
police.

- en informant ses enfants des conduites à tenir lors d’actes de violence.

- en repérant les indices qui préviennent de l’explosion de violence.

- en évaluant les moyens d’assurer sa sécurité dans une pièce de la maison.

- en rendant les armes difficiles d’accès.

- en prévoyant un départ d’urgence.

- en mettant en lieu sûr, hors de la maison(famille, ami, personne de confiance, association…)


des copies ou des originaux des papiers les plus importants.

X/ LA TRAGEDIE DES FEMMES BATTUES DANS DES


FOYERS CHRETIENS
En 1981 l’United Methodist Général Board of Global Ministries entreprit une étude sur 600
femmes méthodistes, c’était probablement la première étude concernant la violence et l’abus des
femmes dans les foyers chrétiens.

Le résultat était qu’une femme sur six parlait d’abus de la part de leur mari et pour une sur quatre
d’entre elles cela incluait d’être battues par leur conjoint. Une étude n’est probablement pas
concluante pour analyser la situation, cependant on estime que pour soixante femmes mariées
dans l’église (aux Etats-Unis) dix subiraient des abus psychologiques (émotionnels et verbaux) et
deux ou trois seraient abusées physiquement. En conclusion, on peut dire qu’il y a beaucoup plus
d’abus psychologiques que physiques dans les foyers chrétiens.

Ce qui était troublant dans cette étude, c’était que la majorité de ces femmes interviewées ne
parlaient à personne dans leur église de leur vécu abusif, et si éventuellement elles cherchaient de
l’aide, elles le faisaient en dehors de l’église.
Certaines femmes ont évoqué leur déception suite à la recherche infructueuse d’aide auprès d’un
responsable spirituel.

En effet, certaines dénominations fondamentalistes, conservatrices ou catholiques rejettent l’aide


aux femmes violentées.

Leur façon de les assister dans une période de crise est de la renvoyer à la maison lorsque le
danger est passé pour « préserver la famille ». Le conseiller lui conseille de prier pour l’âme de
celui qui la frappe, et d’espérer que celui ci change pour devenir une meilleure personne.

Catherine, femme de pasteur, a subi des violences psychologiques graves de la part de son
conjoint. Cependant, elle est restée fidèlement au côté de son mari pendant plus de 40 ans. Elle
dit : « J’ai vu très rapidement que je n’aurai jamais du épouser cet homme, il ne m’a jamais
respecté, il a fait comme si je n’existais pas. Mais, j’ai décidé de rester à cause du témoignage
pour le Seigneur. J’étais mariée pour la vie, c’est ici que Dieu m’avait placée : j’étais persuadée
qu’il m’aiderait aussi à supporter cette situation »

Les femmes chrétiennes entendent souvent parler de soumission, et la façon dont elles
comprennent ce principe a un impact profond sur les réponses qu’elles donnent aux abus.

Il y a une conviction populaire très répandue qui laisse croire que si la femme se soumet lors de
violences, elle pourrait gagner son conjoint au Seigneur, ou alors dans le cas d’un conjoint chrétien,
lui aider à discerner les erreurs qu’il fait sur son chemin.

La psychologue chrétienne C. DORAN a fait la constatation que la majorité des femmes battues
qu’elle a conseillé, étaient des femmes chaleureuses, intelligentes, empathiques, souvent des
chrétiennes ferventes qui se voyaient elles seules entièrement responsables du bien être
émotionnel et spirituel de leur mari. C. DORAN a pu constater chez ces femmes des fantasmes de
secours et de sauvetage de leur conjoint de ses impulsions violentes. Selon la psychologue, ce
rêve de sauver son conjoint est comparable, voire plus fort que celui d’un missionnaire qui rêve de
convertir une tribu de sauvages. De tels rêves les motivent à endurer la violence.

Les femmes interprètent alors les actes violents comme des évidences indiquant que leurs maris
ont besoin de leur aide. Ce « syndrome missionnaire » garde les femmes enfermées dans une
relation abusive.

Elles pensent que si elles tiennent le coup assez longtemps et si elles « tendent aussi l’autre joue »,
alors cela aura comme effet que leur mari violent change.

La naissance et l’évolution des violences dans un foyer chrétien est comparable aux foyers non-
chrétiens. Cependant, certains textes bibliques mal interprétés, certaines croyances erronées sur le
comportement d’une « bonne » chrétienne, peuvent maintenir une femme dans une relation
destructrice pendant des années.

L’homme peut également se baser sur des mauvaises interprétations bibliques.

Des textes bibliques, tels Ephésiens 5 : 22-23 qui disent que « l’homme est le chef de la femme »,
où encore « femmes, soyez soumises à vos maris » peuvent être utilisés pour opprimer la femme
et ainsi justifier ses actes.

XI/ LA QUESTION DE LA VIOLENCE CONJUGALE DANS LE


CONTEXTE DE L’EGLISE
Alice et Marcel ont divorcé cet automne. Tous deux étaient des membres actifs dans une église
en France. Pendant des années, Alice a subi des violences psychologiques avec menaces de
violences physiques. Continuellement son mari la critiquait au sujet de son apparence, de ses
habits, sa façon de faire et sa façon d’être. Il contrôlait ses faits et gestes, l’argent dont elle
disposait et même les plats qu’elle cuisinait. Ce climat d’insécurité a fait progressivement d’Alice
un « animal apeuré » selon ses propres termes.

Il y a un peu plus de deux ans, Alice a fait une tentative de suicide, elle a été hospitalisée
d’urgence. On lui a fait un lavage d’estomac, elle est rentrée dans sa famille.

Cette hospitalisation a surpris toute la communauté qui ne voyait pas le vécu quotidien du
couple.

De l’extérieur, Alice avait une tendance dépressive, Marcel était un homme discret et travailleur.

Suite aux conseils de certains membres de l’église, Alice a réussi à convaincre Marcel à
s’engager avec elle dans une démarche auprès d’un conseiller conjugal chrétien. Marcel
abandonne très rapidement avec le prétexte que « s’il y a un problème dans le couple, c’est la
faute d’Alice », lui il a tout fait pour sauver le couple.

Alice sombre de plus en plus dans la dépression. Elle commence alors un traitement et une
thérapie avec un psychiatre.

Très rapidement elle va mieux, et décide de demander le divorce.

1/ La réconciliation est-elle possible ?


Les couples où il y a violence conjugale ont l’habitude du pardon et des réconciliations, car ceux-ci
font partie du « cycle de la violence ».

Cependant ce ne sont que des moments de répits passagers et superficiels.

Une vraie réconciliation est de l’ordre du miracle ! Elle implique un changement volontaire, radical
et profond de la personne, sinon elle n’est que de l’ordre de l’illusion.

Le pourcentage de réconciliation entre agresseurs et victimes est extrêmement faible. Une


psychologue qui dirige un lieu d’accueil pour femmes battues dit : « il y a certes des « success-
stories »mais elles sont très rares. Une des raisons est le fait que beaucoup d’agresseurs ne
considèrent pas leurs actions comme mauvaises, encore moins comme un péché. Mais, la brutalité
physique détruit quelque chose de vital dans une relation. C’est une attaque à l’essence même de
la femme, c’est une façon concrète de lui dire « tu ne vaux rien ». La cicatrice laissée par ce
message est si profonde que la restauration d’une telle relation est très difficile. »

2/ La violence conjugale : un péché !


« Maris, que chacun aime sa femme, comme Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour
elle….. C’est ainsi que l’homme doit aimer sa femme comme son propre corps. Celui qui aime sa
femme s’aime lui-même. Car jamais personne n’a haï sa propre chair, mais il la nourrit et en prend
soin, comme Christ le fait pour l’Eglise. » Ephésiens (v. 25-29)

Le péché n’est-il pas le fait de rater le but que Dieu a prévu pour la relation conjugale?

Comme en thérapie séculière, il est important d’introduire les commandements et la loi de Dieu
pour donner un cadre à l’accompagnement.

L’auteur des actes violents est responsable de ses comportements.

La première et la plus difficile étape dans le travail avec des hommes violents est de les amener à
reconnaître que ce qu’ils font subir à leurs femmes est un péché.
Le pasteur Dan KELLER qui a supervisé sur plusieurs années des groupes de thérapie pour
hommes violents dit que son premier objectif dans le travail avec eux est de les amener à
reconnaître qu’ils sont violents. C’est suite à une analyse détaillée des différentes séquences du
comportement que l’homme peut prendre conscience de sa violence.

D. KELLER dit : « Dans les premières séances de thérapie, je ne donne pas crédit à la description
détaillée de ce qui se passe dans les couples et qui pourrait justifier le comportement. Je ne prête
pas attention à ce que la femme aurait pu faire, dans mes suivis tout cela n’est pas important. Ce
qui est important c’est d’amener les hommes à la prise de conscience : Vous êtes responsables
de vos actes ».

Ce travail entraîne donc l’acceptation de sa part de responsabilité et le déni défensif devient alors
de moins en moins possible.

Il peut faire place à une tendance dépressive consécutive à l’abandon d’anciennes représentations
dans laquelle : elle est responsable de tout et lui responsable de rien. L’homme peut alors se
percevoir comme quelqu’un qui détruit, et qui de plus détruit la personne qu’il aime et qui l’aime.

Ce n’est qu’en se trouvant psychologiquement et spirituellement face à l’horreur de ces actions,


qu’un homme violent peut arriver à la repentance.

3/ La pensée : l’élément stratégique du renouvellement du


comportement
Comme déjà évoqué, les recherches ont montré que des hommes ayant eu des pères violents sont
plus susceptibles d’être eux mêmes des maris violents : ce sont donc des comportements appris et
intégrés au niveau de la pensée.

Des chercheurs ont émis l’hypothèse que : comme la violence est un comportement appris, les
personnes sont capables de changer leurs comportements et d’apprendre des méthodes non
violentes pour faire face à la colère et au stress.

Paul écrit aussi dans ses épîtres « … c’est en lui que vous avez été instruits à vous dépouiller, par
rapport à votre vie passé, du vieil homme qui se corrompt par les convoitises trompeuses, à être
renouvelés dans l’esprit de votre intelligence, et à revêtir l’homme nouveau, créé par Dieu dans une
justice et une sainteté que produit la vérité »

Désapprendre et réapprendre des nouveaux comportements est un processus où la façon de


penser ainsi que les croyances jouent un rôle crucial.

4/ Place de l’Eglise dans l’accompagnement des hommes


violents
L’Eglise a comme rôle de condamner fermement tout acte de violence commis sur les femmes.
Cela ne veut pas dire condamner et rejeter l’homme violent, au contraire : mais lui aider à prendre
conscience de la gravité de ses faits et gestes pour lui permettre une nouvelle orientation dans sa
vie.

L’accompagnement des hommes violents est complexe. Il faut des personnes qualifiées, formées
et ancrées dans une compréhension saine de la parole.

Il est bien souvent nécessaire d’orienter la personne vers des professionnels compétents dans les
problèmes de violence ou de relations conjugales : conseillers conjugaux, thérapeutes familiaux,
voire psychiatres.
5/ L’Eglise : lieu d’accueil pour les femmes subissant des
violences conjugales
Cela ne correspond pas toujours à une réalité. Beaucoup de femmes se trouvaient confrontées à
des incompréhensions et des conseils déplacés, lorsqu’elles cherchaient aide et soutien dans leur
communauté.

Cependant l’Eglise devrait être ce lieu d’accueil pour les maltraités et les opprimés.

L’accompagnement, le soutien psychologique et spirituel est d’une grande aide pour une femme
chrétienne qui ose parler de son vécu de violence.

L’écoute est primordiale, en général la femme tient très longtemps secret son vécu violent par
honte ou peur de ne pas être comprise. Trouver une oreille attentive, compréhensive, non
culpabilisante est un soulagement. Rachida dit un jour : « cela m’a fait du bien de dire ce qui était
au fond de moi, aussi longtemps que c’était dans ma tête çà me faisait mal, mais maintenant que
c’est sorti ça va mieux. »

Quelques préalables a l’accompagnement des femmes subissant des violences:

- La sécurité de la femme est primordiale, elle passe avant tout. Lui conseiller de rejoindre le
domicile conjugal alors que la situation est dangereuse est irresponsable.

- Dans les situations de maltraitance la victime ne peut jamais être tenue comme responsable
des mauvais traitements subis par le conjoint. Cependant la victime est coresponsable avec
l’auteur des violences du maintien de l’interaction

- Il est important de pouvoir discerner la gravité des violences et d’orienter vers un médecin, un
gynécologue, un psychiatre, voire la police si nécessaire.

- Comme pour les hommes, l’accompagnement des femmes est souvent complexe. Il faut là
aussi des personnes qualifiées, formées et ancrées dans une compréhension saine de la Bible.

- Reconnaître humblement que le problème dépa sse nos compétences est signe de
sagesse. Selon la gravité des faits, il faut parfois orienter la femme ou le couple vers des
professionnels compétents dans les problèmes de violence ou de relations conjugales : conseillers
conjugaux, thérapeutes familiaux.

- Certaines croyances religieuses erronées structurent parfois une relation de violence. Il est
souvent nécessaire de les réexaminer avec la femme, et cela Bible à l’appui, pour l’amener à une
compréhension saine des versets bibliques, parfois « utilisés » hors contexte.

- Un objectif de l’accompagnement est également de lui apprendre à être responsable d’elle


même et de sa sécurité : c’est à dire lui apprendre à se protéger (cf. scénario de protection). et à
discerner les phases du « cycle de la violence » pour qu’elle ne s’y laisse plus entraîner.

- Dans les situations, où une séparation est inévitable, car il n’y a ni regret ni reconnaissance
de tords par l’homme, l’Eglise a un rôle de soutien à jouer auprès de la femme et des enfants.

CONCLUSION

La question de la violence conjugale est très complexe, elle va bien au delà du « forcené » qu’il faut
condamner ou de la « victime » qui est à protéger. Même une meilleure connaissance de la
complexité du phénomène qui mêle des aspects individuels, interactionnels et sociaux ne suffit pas
à l’enrayer.

Le rôle de la société et aussi de l’Eglise est de signifier que ce n’est pas ainsi, c’est à dire de
façon violente, que les êtres humains sont appelés à vivre ni à se comporter, les uns avec les
autres.

Si ces deux instances restaient muettes devant la violence conjugale, ce silence pourrait être perçu
comme une approbation tacite de celle-ci. Elles ne seraient alors d’aucune aide pour les
personnes emprisonnées dans des cycles de violence, et elles condamneraient ainsi les individus
à rester enfermés dans leur comportement.

La souffrance des femmes maltraitées a été entendue par notre gouvernement, des mesures ont
été prises. Espérons, qu’elles ne resteront pas lettres mortes et qu’elles apporteront une
amélioration dans les situations désespérées de certaines femmes.

Il est également important que l’Eglise fasse entendre sa voix et qu’elle prenne sa place dans les
questions concernant les violences conjugales.

L’auteur de la lettre aux Hébreux nous exhorte à avoir « … le souci de ceux qui sont en prison,
comme si vous étiez enchaînés avec eux, et de ceux qui sont maltraités, puisque vous aussi vous
partagez leur condition terrestre » (Héb 13 : 3)

Pour qu’une situation de violence se modifie, le rôle du tiers est souvent déterminant.

L’espoir est permis pour ces couples, il existe des voies alternatives. Osons les proposer et
accompagner les personnes dans ces chemins nouveaux pour eux, avec cette certitude que le
meilleur accompagnateur et thérapeute Jésus Christ est à nos côté.

Bibliographie
GILLIOZ, L. ; DE PUY, J. ; DUCRET, V.1997. Domination et violence envers la femme dans le
couple, Lausanne, Payot.

CHRISTEN, M. ; HEIM, C. ; SILVESTRE, M. ; VASSELIER-NOVELLI, C. 2004. Vivre sans


violences ? dans les couples, les institutions, les écoles, Toulouse, Erès.

ALSDURF, J. ; ALSDURF, P.1989. Battered into submission. The tragedy of wife abuse in the
christian home, Illinois, Intervarsity Press.

Annexe

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Ministère de la Parité et de l’Égalité professionnelle 24 novembre 2004

COMMUNIQUE

Plan global de lutte contre les violences


« Dix mesures pour l’autonomie des femmes »

Madame Nicole AMELINE, ministre de la Parité et de l’Egalité professionnelle a présenté, en


Conseil des ministres, un plan d’action global intitulé « 10 mesures pour l’autonomie des femmes
», destiné à accompagner les femmes victimes de violence et à renforcer la cohérence des
partenariats sur le terrain.

1. En matière d’hébergement, une palette de dispositifs répondra à la diversité des situations.


Ainsi, un accès prioritaire aux 1800 places supplémentaires, créées d’ici 2007 en CHRS, leur sera
accordé. Dans chaque département, sur la base d’un diagnostic partagé, le Préfet mettra en place
d’ici trois ans un dispositif d’accueil et d’hébergement de ces femmes.

Une information spécifique sur les minima sociaux auxquels peuvent prétendre les femmes sera
diffusée et les caisses d’allocations familiales seront mobilisées pour leur mise à disposition dans
les meilleurs délais.

En ce qui concerne l’accompagnement professionnel, les partenaires sociaux seront saisis de la


question du chômage involontaire des femmes qui ont changé de lieu de résidence pour se mettre
à l’abri des violences conjugales. Pour faciliter la reprise d’un emploi, un accès prioritaire à la
formation professionnelle leur sera assuré indépendamment des conditions d’âge ou d’ancienneté.

La sécurité des victimes sera améliorée. L’éloignement du conjoint violent sera rendu possible par
des obligations particulières du contrôle judiciaire et du sursis avec mise à l’épreuve. Les peines
seront renforcées contre les auteurs avec l’extension de la circonstance aggravante aux anciens
conjoints ou concubins et aux autres formes de violences que sont le meurtre et les infractions
sexuelles.

2. Sur le plan de la santé, le repérage et la prise en charge seront facilités par la constitution d’un
réseau « violence et santé » associant, autour d’une Unité Médico-Judiciaire, médecins de ville,
services urgentistes, médicaux et sociaux. Les conditions de levée du secret médical en matière
de violences conjugales vont être définies. L’entretien du quatrième mois de grossesse sera un
moment privilégié de repérage des signaux d’alerte.

Le soutien financier au secteur associatif, moteur essentiel de cette lutte, sera renforcé de manière
significative.

Une campagne de communication sera lancée avec le slogan « STOP VIOLENCE – AGIR, C’EST
LE DIRE » qui rappellera notamment les numéros des services d’écoute téléphonique.

Une étude sur le coût économique des violences sera menée ainsi qu’une enquête sur l’impact des
violences sur la santé, prenant en compte la question des violences conjugales.

Dès l’école, la prise de conscience des enfants doit être renforcée sur les violences pour faire de la
mixité scolaire un mode d’apprentissage de l’égalité et du respect de l’autre.

Lutter contre les violences, c’est faire progresser la cohésion sociale, contribuer au développement
économique, participer à l’avènement d’une société plus juste, plus humaine, en France, en Europe
et dans le monde. Le dixième anniversaire de la Conférence de Pékin aux Nation Unies, en mars
2005, sera l’occasion, au travers de l’initiative « partenaires pour Pékin », de réaffirmer ces
valeurs.

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