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Automne 2018 Psychologie culturelle Hyuna Varguet

Psychologie culturelle
Qu’est-ce que la psychologie culturelle ?

Définition : La psychologie culturelle est la psychologie qui s’intéresse à une personne dans
un univers de culture.

Les aspects culturels de cette image : L’environnement et


le contraste : Nous pouvons voir de nouvelles technologies
et donc un changement de culture. Il y a une interaction
entre eux et ils communiquent également avec des
personnes qui sont distantes par le biais du téléphone
portable. Ils sont en relation aussi avec d’autres temps :
avec la génération d’avant (costume, tradition) et d’après
(téléphone portable).
Il y a ici une interaction entre ces trois hommes autour d’un
objet technologique, un objet de communication qui les relie entre eux et qui les relie à un
monde autour d’eux.
Les costumes de fanfare rappellent une autre période de temps que celles des téléphones
portables. Ce sont deux « cultures » différentes.

Quand on s’intéresse à un phénomène social et humain, les


personnes sont en contact entre elles, les relations se font
de manière médiatisée. Ce lien peut être une personne, des
choses symboliques ou des gestes.

Le triangle psychologique met en relation des personnes


et des objets. Le temps est important : Comment les
personnes et l’environnement changent-ils ? La relation est
triangulaire : Elle ne se passe pas dans le vide mais il y a
des contextes, des situations. Ce sont les individus qui font
exister le contexte.

Sur la notion de culture : Sa signification a changé au fil du temps, en s’axant sur une
chose ou une autre.

1865 : Ce sont toutes les capacités et habitudes apprises par un membre d’une
société.
1952 : Ce sont les motifs de comportements acquis et transmis par des symboles,
propres à des groupes, concrétisés par des objets.
1984 : C’est la totalité des significations apprises par une population et transmises
d’une génération à l’autre.
1992 : C’est le mode de vie partagé d’un groupe.

La culture comprend coutumes, traditions, connaissances, religion, artéfacts, productions


humaines, …
Le mot culture vient de l’agriculture qui signifie à la base la culture de quelque chose, de
céréales par exemple.
Selon Cicéron, la culture est la culture de l’esprit. Cela signifie qu’on fait grandir l’esprit.
Avoir de la culture signifie avoir de l’éducation

La culture peut également être système d’idées et de connaissances transmises dans le


temps.

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Sur la notion de personne : La personne sent, perçoit, imagine, pense. Son corps fait
l’expérience de l’environnement : La pratique est indispensable. Il y a une présence
corporelle et physique, pas uniquement intellectuelle. Elle a un cerveau et un esprit : On
cherche à interpréter les situations et ce n’est pas les neurones qui vont le faire. Elle existe
seulement dans les interactions avec des autres, avec le monde : elle n’est jamais seule. Les
pensées se font en interaction avec l’environnement. Elle est douée d’intention et elle
interprète : on n’a pas tous la même perception des choses. On est souvent en désaccord.
Une personne possède :
● Une intelligence
● Un corps physique
● Des pensées
● Des traits uniques
● Des ressentis, des perceptions, des rêves
● Un vécu, une expérience
● Une conscience d’être
● La capacité à s’exprimer
● Une existence seulement dans des interactions avec des
autres
● Des intentions et des interprétations

On est un produit de la culture et on produit de la culture.


La plupart des actions humaines se font dans un rapport à autrui. Nous ne sommes pas
justes des automates qui réagissent mais nous avons des pensées, des ressentis.

Relations personne-culture :

En psychologie et sciences humaines, on trouve des propositions contradictoires :

1) La personne est dans la culture


Les gens qui sont dans l’environnement A sont des A, donc font
des choses de A. La culture est une enveloppe, une fois
qu’on est dedans, on fait les choses qu’elle demande.
Cette conception est aussi dans une comparaison
interculturelle. On arrive souvent à un raisonnement
contradictoire. Danger : on explique les choses en fonction
de l’appartenance (caricature).

Elle est basée sur l’homogénéité de cette culture. Elle suppose une stabilité dans
le temps. Elle amène à une démarche comparative ou différentielle. Problème : part
de différences sans les questionner, n’explique pas pourquoi ces différences sont
ainsi. Cela vient d’un seul point de vue, c’est une généralité́ .

2) La culture est dans la personne


La culture parle au travers de nous et organise notre rapport aux autres.
On organise le monde et notre manière de penser de façon
différente suivant notre culture. C’est les idées entre les individus
qui seront différentes. Idée que ce système détermine la manière
dont la personne pense et comprend le monde. Danger : penser
que ce n’est que cognitif.

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3) La culture est dans les relations entre la personne et son environnement


Les dynamiques par lesquelles les personnes deviennent elles-mêmes, et
participent à transformer la culture. NB : les personnes et les
groupes sont de/dans plusieurs groupes culturels.

On développe des manières d’agir que l’on peut modifier : Interaction


dynamique.

NB sur la notion de culture : comme « moyen et contexte, qui entoure et tisse ensemble ».
Les catégories, les représentations ; les langages et autres systèmes symboliques ;
l’organisation des relations humaines ; les artefacts, les outils ; les activités ; les institutions,
les environnements. Et donc, la signification de l’environnement et la structuration de la
personne.
La psychologie culturelle s’intéresse aux processus par lesquels la culture « dans le
monde » et « dans la personne » sont mutuellement dépendantes. Elle s’intéresse aux
activités humaines et aux significations de ces activités pour des personnes dans des
environnements donnés. Elle considère que les activités des personnes sont médiatisées : il
y a des intermédiaires (Powerpoint, signes), on n’a pas un rapport direct aux autres, il est
toujours outillé ou possède des intermédiaires. Elle s’intéresse aux personnes et à
l’environnement social en changement : l’environnement évolue. La culture n’est pas statique
: on s’intéresse à des interactions qui changent et donc des choses qui évoluent.
Les processus dynamiques
La psychologie culturelle s’intéresse aux processus dans le temps. La conscience n’est pas
coupée en morceaux : elle n’a pas de liens, elle coule. Appelons-la le courant de la pensée,
de la conscience, de la vie subjective. L’expérience qu’on a du temps ne s’arrête jamais, on
est non-stop en mouvement psychologiquement. La psychologie culturelle s’intéresse aux
dynamiques de constitutions mutuelles de la personne et de la culture.
Culture collective et personnelle : Chacun a une sélection de la culture collective qui
devient notre culture personnelle. La portion de la culture collective qui est notre, qu’on
connaît est la culture personnelle. On laisse entrer certaines choses de l’environnement
culturel et on essaie de les intégrer dans nos connaissances. C’est sélectif. Certaines
choses qu’on trouve très intéressantes : nous faisons tout pour leur ressembler, nous
changeons à cause de cela. Chacun a sa version des choses.
Processus d’internalisation : Processus par lequel certaines choses/idées vont
progressivement devenir les nôtres. Lorsqu’on entend quelque chose, on va choisir de les
mettre de côté ou alors de les internaliser et de les intégrer à notre système culturel
personnel pour que ça devienne dans nos manières de penser.
Processus d’externalisation : Ce qui vient de chacun d’entre nous et qu’on partage avec
les autres. C’est tout ce qu’on crée dans le monde culturel.

Naître dans un monde de culture


Préambule

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Par quel processus devenons-nous qui nous sommes ? Comment devenons-nous qui nous
sommes alors que nous vivons dans un monde contraignant ?
Extrait de film d’Alain Chabat « Bébés » : Quatre bébés issus de pays et cultures différentes
sont filmés pendant une année. Les intentions éducatives et les pratiques sont très
différentes : allaitement au biberon/sein, pas d’accès aux mêmes soins, jouets différents,
hygiène différente, tenue vestimentaire différente, apprentissage précoce chez les
américains, accompagnement permanent chez les japonais et américains, la place de
l’enfant dans l’organisation quotidienne diffère énormément, les rapports au mouvement sont
différents. Les quatre enfants ont été́ choisis car ce sont des familles « extrêmes », pas tous
les américains sont comme ceci ou les japonais comme cela.
Quelles sont les différences ?

● La manière d’habiller
● La manière dont les parents s’en occupent, interaction
● Rapport au besoin matériel différent, jouets, objets
● Manière de nourrir l’enfant
● La manière dont l’enfant est stimulé
● L’hygiène, manière de soigner l’enfant, mais dans chaque culture, les différentes
méthodes fonctionnent
● Qui prend en charge les enfants

1. L’entrée dans le monde


L’être humain est conçu et naît dans un monde de culture, les conditions sont très
différentes, on se développe différemment mais en fin de compte, tous ces enfants vont
marcher et parler. Les voies du développement sont très diverses. L’accueil de cet enfant se
fait bien avant l’accouchement.
Naissances, prénoms : la signification des enfants est différente. Le choix du prénom est
une période durant laquelle on voit apparaître cette signification. Un enfant arrive dans un
monde déjà̀ construit. De quelle manière prépare-t-on son arrivée ? Il s’agit d’un énorme
travail symbolique, l’enfant aura une valeur symbolique. Il y a un classement des gens : il y a
des noms qui ont des liens, avec des dieux, des grands-parents : on donne donc une place
symbolique aux enfants, c’est comme insérer imaginairement l’enfant dans la culture. Les
prénoms de pères en fils ou des mères en filles : le prénom place la personne dans une
généalogie, on lui trouve une place dans le monde de pensée des gens, dans le monde
symbolique.

Quatre fonctions symboliques, quatre types de significations :

1. Signe d’appartenance ou identitaire : couple mixte : choisir un prénom de quelle


culture ? Le prénom a une influence sur comment un enfant devient le membre d’un
groupe.
2. Désignation d’espaces symboliques : prénom entendu dans la chanson sur
laquelle les parents se sont rencontrés ou un film, qui donne un bon souvenir.
3. Objet : aspect esthétique du prénom. C’est très différent et dépendant de nos
valeurs/coutumes. Les parents regardent aussi que le nom soit esthétique, ils font
attention à sa matérialité́ .
4. Programme : ce prénom ira bien pour un chef d’entreprise, etc. Il y a un projet pour
cet enfant.

Les enfants arrivent dans un monde habillé d’attentes et sont attendus symboliquement. Et
après la naissance : il y a des croyances différentes suivant le pays, la culture.

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Les enfants apprennent à gérer leur environnement et s’adaptent. Tous les enfants vont se
développer de la même manière indépendamment de la culture dans laquelle ils grandissent.
Ils passent par un chemin différent mais ils vont tous finir par parler, manger, etc…
Il y des systèmes de valeur différents mais ça marche. Ce qui serait compliqué serait de
déplacer un enfant dans une autre culture. L’enfant naît dans un monde qui est déjà
construit, les normes sont déjà installées. Le monde est déjà construit matériellement et
symboliquement. L’enfant va apprendre des choses (langage) qui sont propres à
l’environnement dans lequel il naît. L’environnement et les parents guident l’enfant dans la
manière de faire les choses.
Ethnothéories parentales : théories implicites que les parents ont sur la bonne manière
d’éduquer un enfant, idées que les parents ont sur ce qui est bien ou non afin de bien
éduquer son enfant. Ce sont des modèles culturels que les parents ont au sujet des enfants,
des familles et d’eux-mêmes en tant que parent. Le terme « modèle culturel », issu de
l’anthropologie cognitive, désigne un ensemble organisé d’idées qui sont partagées par un
groupe culturel. Comme d’autres modèles culturels liés au soi, les ethnothéories sont
souvent des idées implicites, allant-de soi, au sujet de la manière « juste » ou « naturelle »
d’agir... ».

Cause des pratiques différentes : Les parents ont des préjugés sur la manière juste d’élever
leurs enfants. On a tous des théories de ce qui est le mieux pour nos enfants : ce sont les
ethnothéories parentales. Mais ces ethnothéories sont relatives car aucune d’entre elles
n’empêchent le développement de l’enfant, ils vont tous grandir et devenir un adulte. Les
actions et significations de ces ethnothéories vont être différentes.

2. Les processus de base : Comment on devient un être culturel membre d’un


système culturel.
L’internalisation
Le processus par lequel une signification ou une connaissance partagée est réinterprétée
par une personne et intégrée dans son système de compréhension personnelle, devient
culture personnelle. Le pendant de l’internalisation est l’externalisation, ce qu’une personne
dit ou exprime, sous une forme ou une autre, de ce qu’elle a internalisé. En internalisant un
concept, on a notre propre interprétation de la chose. On rend interne des choses culturelles
puis on les réutilise à notre manière. La culture d’un parent aura une influence sur
l’éducation et sur la culture de l’enfant. Le langage qu’on trouve pour rendre les choses
visibles dans le monde.
L’appropriation
Comment fait-on usage des objets, plus axé sur la pratique que l’internalisation. C’est le
processus par lequel quelque chose devient personnel, à soi. C’est l’usage qui est fait des
mots à disposition, et qui deviennent le langage à soi. C’est l’idée qu’une personne devient
capable de faire usage des objets et autres créations de la culture dans laquelle elle se
trouve. Les usages de cette notion ne sont pas forcément conscients.
La socialisation
En s’appropriant les normes et valeurs d’un groupe, on devient membre de ce groupe. C’est
le processus par lequel les individus identifient, apprennent, expérimentent et intériorisent les
valeurs, normes et codes symboliques de leur groupe social. Ces acquisitions de manières
de faire, de penser et d'agir sont formatrices de la personnalité de chacun et indispensables
à la cohésion et à la stabilité́ de l'ensemble social d'appartenance. Suivant comment on a été́
socialisé, on n’agit pas de la même manière. La socialisation implique donc, pour chaque
acteur, qu'il s'adapte au système social dans lequel il vit tout en s'en distançant suffisamment
pour construire sa personnalité propre, ce double mouvement pouvant être source de
tensions.

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Lev Vygotsky (1896-1934) : né en Biélorussie, études de droit, de philosophie et d’histoire à


Moscou. Père de la psychologie, du développement et de l’apprentissage. Il s’interroge sur
comment on se développe et comment on continue à se développer.
Dès 1906 : Écrits sur l’art : intérêt comment on perçoit un poème par exemple.
1925 : Psychologie de l’art
1924-1934 : Psychologie (pédagogie et psychologie, enfants, porteurs de handicap)
1934 : Pensée et langage

Les 4 propositions de Lev Vygotsky :

1. Le primat du social
Principe fondamental du développement. Chaque fonction psychique apparaît deux fois au
cours du développement de l’enfant : d’abord comme activité́ sociale et donc comme
fonction inter psychique ; puis elle intervient une deuxième fois comme activité́ individuelle,
comme propriété́ intérieure de la pensée de l’enfant, comme fonction intrapsychique.
Tout ce qu’on est capable de faire psychologiquement a d’abord été́ fait avec d’autres dans
le monde social. Ces choses se font d’abord avec des adultes puis elles deviennent des
valeurs propres à nous (principe d’internalisation). L’enfant est guidé par les adultes, mais
lorsque l’adulte n’est pas là, l’enfant se parle tout seul, il se guide tout seul comme si c’était
un autre qui lui parlait, qui le guidait. Puis cette médiation devient psychique, on peut guider
son action tout seul. D’abord les choses sont sociales et partagées, ensuite on se les
approprie et elles deviennent privées.

La plupart des choses qu’on est capable de faire on les fait d’abord avec quelqu’un →
interpsychique. Une fois qu’on a intériorisé et qu’on arrive à faire la chose tout seul, ça
devient intrapsychique. Les enfants parlent à haute voix, c’est une étape qui aide de passer
de l’interpsychique à l’intrapsychique.

2. La médiation de la pensée est le fait central de l’activité humaine.


On fait des choses avec des outils (ce qui nous permet d’agir sur
le monde) et avec des signes. Les bébés peuvent interagir avec
un outil mais ils peuvent aussi se parler, se guider, c’est donc
une double médiation. Voie culturelle : utiliser les signes pour
régler leurs propres actions. Certaines choses sont médiatisées
par les outils. Voie naturelle : on peut utiliser des outils dans la
nature pour réaliser des choses.
● L’outil permet d’agir ou de modifier le monde
matériel. Exemple : Je me mouche dans mon mouchoir.
● Le signe permet d’agir sur, ou de modifier l’esprit humain (le sien ou celui
d’autrui). C’est un Stimulus auxiliaire. Exemple : Je fais un nœud dans mon
mouchoir pour me rappeler de quelque chose.

3. Zone de développement proximal (ZPD)

Quand l’enfant se développe, il y a des choses qu’il


sait faire seul et des choses qu’il fait avec de l’aide. La
marge de progrès est la zone proximale de
développement. C’est la frontière entre ce qui est
interpsychique et intrapsychique.

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La distance entre le niveau développement réel de l'apprenant déterminé par la résolution de


problèmes indépendants et le niveau potentiel déterminé́ par la résolution des problèmes
sous les conseils d'adultes ou en collaboration avec des pairs plus performants.
Certaines choses ne pourront pas être comprises parce qu’elles sont trop
éloignées de nous (un enfant de 5 ans ne peut pas comprendre un
théorème en mathématiques), mais si quelqu’un (souvent un proche) nous guide, on pourra
faire cette chose qu’on ne peut pas faire tout seul. Un enfant pourra réussir quelque chose
uniquement si on l’aide. C'est la zone où l’action est sociale et où la connaissance est
partagée. C’est une zone ou l’enfant peut presque réussir quelque chose si on lui donne
juste un peu d’aide.
Conséquences pour l’apprentissage : la ZPD est la zone dans laquelle une interaction
interpersonnelle peut devenir intra personnelle. Pour être efficace, l’intervention se fait dans
la ZPD. Mais on peut aussi générer sa propre ZPD : en lisant, en imaginant, en discutant, en
expliquant à des moins compétents, ...
4. Diversité des voies du développement
Le principe d’équifinalité souligne le fait qu’un même état final peut être atteint par divers
moyens, chemins ou trajectoires. Parfois, quelqu'un ne peut pas passer par un certain
chemin pour accéder à quelque chose mais il y a un autre moyen d’y arriver.
Relativisme : la plupart des manières de faire amènent au même développement.
Chez Vygotsky et d’autres : tendance naturelle au
développement ; plusieurs voies mènent au développement de
la même compétence
Ici on voit les différentes manières qu’utilisent les bébés pour se
mettre à marcher. Il y en a plusieurs mais il n’y en a pas une
mieux qu’une autre : elles permettent toutes d’arriver au but.
Lorsqu’une voie est bloquée, alors d’autres voies sont
possibles...
Conséquences : personnalisation de l’apprentissage ;
défectologie.

3. Les espace du développement de la « transition » culturelle

La famille, l’école, les jeux, les loisirs, le sport ; espaces formels


vs. Informels ; cadre social, contexte.

Sphères d’expérience
Comment les différents environnements se coordonnent-ils ?

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Enfances

1. L’étude du développement

La psychologie du développement s’intéresse à la


façon dont les personnes se développement de la
naissance à la mort. Les auteurs classiques :
étude du premier quart de la vie. Le
développement de compétences spécifiques. Mais
la personne dans son entier ?
La psychologie culturelle nous invite à penser que
l’idée même du développement est culturellement
façonnée.
La psychologie culturelle est aussi une
psychologie du développement.
Le développement peut être pensé de manière plus ou moins normative
Représentation du cycle de la vie : il y a différents stades. Cette représentation n’est pas
neutre. Marqué clairement par la jeunesse comme un passage agréable. Exemple des habits
colorés quand on est jeune, alors que plus l’âge avance, plus les habits sont sombres. Il y a

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plus d’activités avant le déclin vers la mort. L’idée d’une croissance jusqu’à un certain stade
se trouve dans plusieurs disciplines de la psychologie.
La diagonale de la vie : à chaque période de la vie, on a des obstacles/évènements et si on
arrive à bien les passer, notre développement va bien se continuer. L’évolution est liée à
l’âge. L’adolescence est un moment où on se remet en question : si cela se passe bien, la
vie le sera aussi mais si cela ne se passe pas bien, on aura des problèmes. Il y a une
progression avec des tâches typiques à une certaine période dans le développement. C’est
un modèle croissant. Différentes crises avec deux dénouements possibles : se terminant
bien ou mal : cela construit qui on est.
Modèle qui décrit la trajectoire de vie comme une
succession d’épisodes avec des trajectoires
différentes possibles.
Il n’y a pas de trajectoire mieux qu’une autre mais des
passages auxquelles tout le monde passe.

Nature/culture, exemple de l’enfant sauvage de


l’Aveyron. Si cet enfant n’as pas acquis le langage, il
est difficile de le construire par la suite. Pour que l’enfant puisse se développer entièrement,
il a besoin de soins intensifs. Il a besoin d’un certain temps avant de devenir autonome. Il
faut tout le travail de la culture pour finir le développement d’un être humain.

Études du cours de la vie (Life-span / Life-course) : cinq principes (quand on prend un


morceau d’une trajectoire, il faut prendre l’antécédent et ce qui va suivre).

1. Développement tout au long de la vie. Même lorsque les personnes âgées entrent
dans un homme, cela provoque un changement.

2. Les vies sont inscrites dans un temps historique et un lieu social, matériel, spécifique.
Par exemple, ce n’est pas pareil d’avoir un enfant à 15 ans au 17 e siècle ou
aujourd'hui.
3. Les évènements de la vie ont une temporalité, des antécédents, des conséquences,
des transitions.

4. Le principe des vies liées : Quand dans une famille ou un couple, le choix de l’un
d’entre eux peut influencer ceux de l’autre, ces gens évoluent ensemble, le choix va
modifier la vie de l’autre.
5. L’intentionnalité, ou la capacité́ d’agir : agent de ce qui nous arrive, nos trajectoires
ne sont pas déterminées à l’avance, nous avons une marge de choix concernant
notre trajectoire de vie.

Modèle d’Erikson : comment on résout une de ces crises ?

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2. Devenir une personne

Le monde dans lequel entre le petit humain naît et grandit est « déjà » culturel. Par les
interactions, la personne devient un membre d’une famille, d’un groupe. Mais comment
devient-elle cette personne ? Tout le monde ne devient pas la même chose, même dans les
mêmes circonstances. Les gens apprennent à faire des choses, à leur manière. Socialisés
dans un monde de culture, comment peuvent-ils être différents des autres ?

Exemple d’une étude : enregistrement des monologues d’Emmy avant de s’endormir à 21


mois, puis à 24 mois. Des transcriptions et des analyses interdisciplinaires ont été faites afin
de suivre l’évolution de son développement. Emmy raconte un événement d’une voiture en
panne deux mois plus tôt. Elle se repasse les événements de la journée afin de mettre en
ordre ce qu’il s’est passé. Elle utilise un langage égocentrique.

A 21 mois, elle parle d’elle à la 3ème personne. On peut voir que la couleur de la voiture l’a
marquée. La temporalité n’est pas claire.

A 24 mois, il y a plus de vocabulaire, elle utilise des connecteurs, il y a plus de détails ainsi
que de nouveaux éléments et ses phrases mont mieux structurées. Elle ne parle lus d’elle à
la 3ème personne. Elle fait des hypothèses, il n’y a plus d’incertitudes. Elle joue sur les sons et
les rythmes. On remarque qu’elle a acquis des connaissances et compétences. On sent qu’il
y a une chronologie dans ce qu’elle raconte et il y a donc moins de répétitions.

Résultats : Maîtrise progressive du langage, et des catégories culturelles. Développement de


la mémoire avec termes temporels. Jeu, découvertes d’alternatives, exploration du futur.
Élaboration des émotions, « digestion » de l’expérience. Il y a un développement de l’identité
de la petite fille.

Que se passe-t-il lorsque l’enfant quitte son premier lieu de socialisation ?


→ Sphères d’expériences : configuration d’expériences, activités, représentations et
sentiments, qui sont habituelles dans un type de situation.

3. D’une sphère à l’autre

La personne se développe, passe d’une sphère d’expérience à l’autre, vit des transitions.
Comment peut-elle faire l’expérience d’être encore « la même » ? L’environnement s’étend
progressivement au cours de l’enfance. Il faut faire la transition entre les sphères.

Détresse psychologique : Lorsqu’on n’a plus l’impression d’être la même personne=fracture.

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Erikson : on a le besoin de base d’intégrité́ et de continuité́ . On peut vivre beaucoup


d’expériences différentes mais on a le besoin de se sentir encore soi-même.

Intégrité : être fier de nos expériences / heureux car on a « bien vécu ».


Désespoir : constater le désastre de sa propre vie.

Tension entre trois Identités

Identité personnelle : Expérience d’être relativement autonome, et la même


personne, être cette personne. Comme je me sens moi-même.
Identité sociale : Liée aux définitions de soi telles qu’elles ont vécues dans les
rapports à autrui (reconnaissance) et d’appartenance à des
groupes (catégorisation). Comme je suis en fonction des autres
(moi en tant qu’élève, en tant que fille de…).
Identité sociale : Dans nos rapports avec les autres, on est attribué à une
catégorie sociale (le migrant/le sportif) : dépend de ce que les
gens pensent de nous, de la manière dont ils nous traitent.

Exemple : Winther Lindqvist -Étude « ethnographique »

James et Benjamin, deux petits garçons qui passent


de l’école enfantine à l’école primaire. James est bon
au foot, aimé et reconnu pour ça à l’école enfantine.
Mais les attentes ne sont pas les mêmes à l’école
primaire. Il y a de nouvelles règles, de nouvelles
valeurs, sa compétence au foot ne lui sert plus à rien
dans ce nouveau contexte : il perd son identité
sociale. En changeant de système, on passe par une
reconfiguration.

Benjamin est plus timide, plutôt copain avec


les filles et est fort à l’école. Il se réjouit
d’aller à l’école primaire. Il n’était pas
valorisé à l’école enfantine mais il est tout à
fait dans son milieu à l’école primaire et
devient un élève modèle.

4. Expériences de la diversité culturelle

Étude scolarité́ des enfants portugais en Angleterre (Guida de Abreu et Hannah Hale (2011))

On demande à 6 adolescentes âgées de 17 à 17 ans comment elles vivent leur identité


culturelle après avoir débuté leur scolarité́ au Portugal puis avoir suivi les cours en
Angleterre après leur arrivée entre 9 et 14 ans. En passant d’un univers culturel à un autre,

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de nouvelles compétences sont développées. Certaines de ces nouvelles compétences nous


valorisent et on se crée une nouvelle identité sociale.

Perte identitaire : Les enfants apprennent plus vite la langue du pays d’accueil que leurs
parents : contraire du schéma normal. Les parents comptent donc sur leurs enfants pour un
certain nombre de choses.

Comment elles interprètent leur identité́ sociale ? Les portugais ne se mélangent pas. Une
frontière est créée entre les anglais et les portugais vivant en Angleterre. Tensions entre ce
qu’on doit changer/adapter et ce qu’on n’a pas envie de changer car cela définit qui on est.

La question de l’ «identité culturelle» est ici vue comme liée à des activités situées et à des
activités symboliques (donner sens, interpréter).

Activité située : la fille peut aider ses parents à faire


des choses qu’ils ne peuvent pas faire à cause de la
frontière de la langue.

Activités symboliques : on est sur la question de


l’identité́ sociale, il y a la question de l’appartenance, de
la catégorisation.

« Identité́ hybride » : les enfants sont des médiateurs.


En terme d’identité́ sociale et culturelle, elle joue sur les
deux tableaux.

5. Conclusion
Le développement a lieu tout au long de la vie. Il ne s’agit pas d’étapes définies mais de
phases de transitions. Cela demande des apprentissages. Apprentissage : connaissances
spécifiques, socialement reconnues, et organisées. Il y a une tension entre identité́ et
changement ainsi qu’une tension entre « devenir membre » -et « devenir soi ».

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Adolescents et jeunes adultes


Le développement est le fait de passer de notre zone d’expérience initiale (famille) à d’autres
zones d’expériences et de regarder les changements qui sont à opérer.

Rappel : Dans le développement, il y a plusieurs voies pour arriver à quelque part


(équifinalité). Sphères d’expériences avec « micro-cultures », internalisation, maîtrise des
langues et normes, médiation de la pensée. Lien identité : sociale-personnelle et
apprentissages (y compris culturels). Trajectoires uniques et « culture personnelle » ;
nouvelle synthèse des différents aspects identitaires.

1. L’étude des transitions dans les trajectoires de vie

Plus on avance dans l’âge, plus on est amené à monter


différentes sphères d’expériences, successivement (dans
le temps) ou alternativement (dans la journée). Dans
certains cas, le passage d’une sphère à l’autre ne se passe
pas bien.

Quand l’enfant se développe, il continue à diversifier les


sphères d’expériences et, plus tard (adulte puis personne
âgée), on alterne entre les différentes sphères. Il y a un
moment où on change cette alternance.

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Certaines sphères ne sont plus utilisées (école primaire). Qu’est-ce qui se passe lorsqu’on
doit créer une nouvelle sphère d’expériences, une nouvelle manière d’agir ? Rupture : Ce
que je pensais ne marche plus. Je pensais être compris mais ce n’est plus le cas. Il y a un
moment où on est en train de définir de nouvelles manières de faire. Une transition prend du
temps, par exemple quand on part habiter dans un autre pays. Il y a une période de
transformations suivant des épisodes perçus comme quelque chose qui remet en question.

Dans un cas où on quitte une sphère d’expérience qu’on connaît


bien, que se passe-t-il pour qu’une nouvelle sphère se crée après
cette rupture ?

Quitter une sphère d’expérience, c’est un univers qui disparaît, il y


a une rupture. Ce qui allait de soi ne va plus de soi.

Rupture : quelque chose qui arrive et on ne sait pas quoi faire


dans cette situation. Il y a une transition à faire.

Les transitions suivent des événements subjectivement vécus comme des ruptures. Elles
sont des occasions de développement et sont de possibles bifurcation.

Les ruptures subjectivement vécues incluent des processus de transition :

● Redéfinition identitaire
● Apprentissage
● Construction de sens : comment on interprète la
situation, qu’est-ce que ça veut dire pour moi ? On
donne sens aux événements lorsqu’on les raconte. Le
travail du sens est le travail d’interprétation de la
réalité. Il y a quelque chose de temporel qui a à voir
avec un chemin de vie.

Notion de « transition » : les processus par lesquels on reconstruit quelque chose qui va de
soi dans sa sphère d’expérience. Ça change souvent très vite. L’apprentissage, le sens et
l’identité sont trois processus sont souvent étudiés indépendamment mais ils sont pourtant
très liés. Maîtriser les compétences, transforme l’identité sociale (ex : débuts à l’UniNe, à un
moment on devient « étudiant »). On est tout le temps amené à devoir réapprendre.
2. Adolescence et jeunesse comme réalités culturelles…
Bande annonce de « Roman d’ados »
La transition de l’enfance à l’adolescence est une grande période de changements. Il y a un
rapport entre ce que l’on imaginait pour son avenir et le moment où des choix doivent
vraiment être pris. Il y a des étapes, les trajectoires ne sont pas toutes pareilles mais on
arrive à un certain point. Il y a beaucoup de moments de conflits, les transformations des
enfants demandent des transformations chez les parents (principe des vies liées). Il y a une
demande de modifications relationnelles. Les adolescents se cherchent, ils commencent à
essayer de nouvelles choses, à faire des expériences (fumer, découverte sexuelle etc.).
L’adolescence est la période qui commence avec la puberté́ : changements physiques et
physiologiques ; développement cognitif. La pensée change, les formes de raisonnement se
modifient.
L’adolescence est également perçue comme un phénomène culturel (majorités symboliques,
initiations, etc.). Il y a des marqueurs sociaux d’un développement : le fait d’avoir un certain
âge permet de faire des choses qu’on ne pouvait pas faire avant.

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L’adolescence est une période d’élargissement progressif des possibles (réseaux et groupes
sociaux, sphères d’expériences, notamment via médiations techniques). Beaucoup de
choses s’ouvrent dans la vie des jeunes (les intérêts, mondes possibles), les relations avec
les parents ne sont plus au centre des choses. Les relations sociales se multiplient très vite
(réseaux sociaux, etc.). L’adolescence évolue aussi dans l’environnement culturel et social.
L’adolescent a une capacité́ de penser abstraitement. Piaget montre différentes formes de
pensées avec la croissance biologique.
Du point de vue identitaire (Erikson) :

- Face sociale et interne


- Identité soumise à l’exigence de continuité et intégrité (Comment suis-je la même
personne, comment fais-je coexister les différentes sphères d’expériences ?)

Exploration identitaire – moratoire psychosocial


Période socialement acceptée pour des explorations, durant laquelle les jeunes ont « droit
à l’erreur ». L’adolescence est une zone tampon entre l’enfance et l’âge adulte et dans
laquelle on tolère qu’on fasse des choses un peu bêtes, qu’on fasse de nouvelles
expériences avant de savoir ce qu’on veut devenir. C’est le moment où les valeurs apprises
au sein de la famille sont remises en question. C’est la période du droit à l’erreur. Erikson
met en avant la phase sociale de l’identité́ très importante à l’adolescence.
Ces questions d’identité́ sont fortes à l’adolescence, car on démultiplie ces mondes
(nouveaux langages dans différents groupes, etc.). C’est acceptable de ne pas arrêter de
changer. Comment avoir le sentiment qu’on est encore la même personne ?
On sait à peu près quand l’adolescence commence mais on ne sait pas quand elle s’arrête.

L’entrée dans vie adulte – Modèle classique :

L’adolescence est caractérisée par des rites de


passage. Il y a un modèle classique de l’entrée
dans la vie adulte. On devient socialement actif,
on joue un rôle dans la vie sociale. La jeunesse
se situe entre les deux.

Décloisonnement des seuils, les seuils se décalent :


Les seuils ne sont pas collés les uns aux autres et il y a une zone floue. Il faut plus de
formation pour avoir un emploi par exemple.
Les 4 passages ont commencé à se décaler.
On a du coup une grosse période entre les
deux, on est un peu un adulte mais un peu un
enfant. La fin de l’adolescence n’est pas claire.
Dans beaucoup de circonstances, ces 4
éléments ne vont jamais s’aligner. La jeunesse
est cette zone floue, ou tout est en décalage.
On parle donc plutôt de l’allongement de la jeunesse (Galland).

Emerging adulthood (Arnett, 2000)

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C’est une nouvelle phase, un groupe d’âge n’appartenant pas vraiment aux catégories. On
se situe entre l’adolescence et l’âge adulte. C’est une période étendue d’exploration (entrée
dans le monde du travail, premières relations amoureuses, nouvelles visions du monde).
Il y a une « nouvelle phase » : l’adulte émergeant C’est comme l’âge adulte qui émerge. On
peut se sentir adulte dans des sphères d’expériences et adolescent dans d’autres, on est
l’un ou l’autre dans certaines situations.

Critique (Hendry & Kloep, 2007) : pas besoin de nouveaux groupes

Les adultes font des choses que les adolescents


font (voyages, formations, etc.). Maintenant
l’espérance de vie est plus élevée donc à la
retraite certains font encore beaucoup d’activités.

Crise des notions :

- Allongement de la jeunesse (Galland, 1995)


- Adultes émergeants (Arnett, 2000)
- Adulescents (Anatrella, 2003)
- Transitions

Toutes ces notions sont des productions culturelles.


On ne sait pas vraiment ce qu’est l’âge adulte : certains auteurs ont déclaré qu’il n’était plus
utile de parler d’adultes car on ne sait pas vraiment ce que c’est et de plus si tout le monde
se comporte de la même manière. La notion d’adulte est néanmoins importante socialement
et légalement.
Jeunesse comme période de transitions (Zittoun, 2006-2007)

L’adolescence est en fait une période durant laquelle de nombreuses transitions s’opèrent.

1. Période d’explorations mais aussi « premières fois » : La société va toujours


demander des transitions. Mais beaucoup de ces choses-là pour la première fois
durant la jeunesse. Certaines choses doivent s’apprendre et on s’en souvient.
2. Acquisition d’une responsabilité symbolique :
- Choix consommation, internalisation
- Responsable expression
A un moment donné, on devient responsable des choses qu’on fait, responsable de
nos opinions. On joue un rôle actif, on devient un agent culturel.
3. Stabiliser un système d’orientation :
La jeunesse correspond la période dans laquelle on se fixe un système d’orientation. À ce
moment on fixe des règles. Les gens définissent des valeurs qui deviennent des
principes pour ne pas devoir décider constamment sur le moment. À ce moment les
gens pensent devoir définir leurs valeurs cohérentes. On attend que les gens
puissent penser dans l’avenir. → Valeurs, choix ; pouvoir lier ces valeurs à des
pratiques ; dans une perspective temporelle.
Des théories arrivent parfois à ne plus être valides car le monde change. Il faut
s’ajuster tout le temps car il évolue tout le temps (technologies, etc.).

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Transitions de la jeunesse :

● Ressources symboliques :
o Élément culturel, qui prend un sens personnel et demande une expérience
imaginaire.
● Lien identité, sens apprentissage
● Faire des liens entre les sphères d’expériences et les projets.

Ce qui aide à faciliter les processus de transition est de faire usage de diverses ressources
symboliques :

Un élément culturel (roman, chanson, film, tableau, …) est un objet fini fait de codes
sémiotiques, avec une expérience partagée, qui prend son sens personnel et demande une
expérience imaginaire lorsqu’il est utilisé en lien avec autre chose. C’est alors une ressource
symbolique, qui peut faciliter des processus de transition. Exemple : La chanson que l’on
écoute toujours quand on est triste.

Est-ce qu’il y a un lien entre ce que les gens font à l’école et ce qu’ils font en dehors de
l’école ? Les jeunes gens peuvent-ils faire usage des textes littéraires ou philosophiques
comme ressources symboliques hors de l’école dans les sphères d’expérience
quotidiennes ?

Que faire pour faciliter le lien entre les sphères très différentes ? Les gens n’apprennent pas
qu’à l’école, ils ont des expériences de vie et ont aussi des ressources symboliques (livres,
films etc.).

Recherche : Est-ce que ce que les élèves apprennent à l’école peut être autant éducatif que
les loisirs ?

Trois groupes :
1) « Pas intéressés par les activités culturelles » (40%)
2) « Culture jeune » : Jouer à des jeux, lire des mangas et des BD,
surfer (35%)
3) « Culture scolaire » : écrire et lire des poèmes et romans, être créatif,
aller au théâtre, participer à des associations, faire ses devoirs, aller
sur internet pour être informé (25%)

On a demandé aux élèves de réfléchir à ce qu’ils font en dehors de l’école et


de savoir si l’école validerait ces activités.
Ceux qui aiment surfer sur internet, etc. savent que les loisirs ne
correspondent pas à ce que l’école attend d’eux. Il y a donc une grande
distance entre ces activités et l’école.

Mais quel « usage », quels liens ? Dans chaque sphère d’expérience, quelle internalisation,
usage, externalisation ? Est-ce que les éléments culturels circulent entre les sphères
d’expérience ? (Intégration) Est-ce qu’ils sont liés aux projets pour l’avenir ? (Continuité)

Usage dans la sphère quotidienne : La manière dont on fait usage des ressources
symboliques (films, romans, musique). Exemple : La chanson vient aider à donner sens dans
une sphère, elle aide après la rupture.

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Usage dans la sphère scolaire : L’expérience de lecture à l’école a l’effet de miroir ou


d’écho : Une fois qu’on voit une chose, on l’interprète comme quelque chose qui nous
ressemble. On arrive quand même à s’en détacher et à prendre du recul.

Usage de connaissances comme ressources symboliques : médiations qui peuvent varier


sur axes : Leur intention d’usage (soi, autrui, monde) ; leur organisation temporelle (passé,
avenir) ; le niveau de distanciation (émotions, catégorisation, valeurs). Cela renforce
l’identité, le sens, la continuité. Mais intégration ? Liens entre les sphères ?

Les liens entre sphères d’expériences scolaire et non scolaire sont parfois :

1. Séparés et parallèles
2. Profondément liés : faire des liens entre les deux disciplines et donner un but
commun.
3. S’enrichissent localement (par ex. via usage de ressources symboliques)
4. Ou se rejoignent dans l’avenir

Exemple de Marc et la musique


Marc a beaucoup de peine à l’école : identité relativement
négative, apprentissage difficile. Il n’a pas bien commencé son
apprentissage, histoire d’échecs à répétition. A côté de cela, il
devient chef de fanfare et gagne des concours internationaux.
Le déclic est lorsque les deux sphères se touchent, la positive
entraîne la négative : les deux sphères s’enrichissent.
Projets, sphères – cohérence ?
Souvent les jeunes ne savent pas ce qu’ils veulent faire
comme métier plus tard. La plupart a quand même un projet mais il est difficile d’avoir un
projet précis.
1. Dominance : Une sphère domine l’autre.
2. Parallèle : Deux ou plusieurs sphères d’expériences investies mais indépendantes,
avec des projets différents pour chacune (par exemple carrière musicale tout en
développant un projet professionnel non lié).
3. Enrichissement : Un élément d’une sphère peut être mobilisé dans une autre.
4. Harmonie : Il y des liens très intense entre les deux sphères d’expérience.
Synthèse : développement adolescence – jeunesse : comme périodes de transitions. Il est
important de relier et intégrer différentes sphères d’expérience. Il est bien de faire usage des
ressources symboliques pour prendre de la distance, donner sens, intégrer, définir des
projets et créer des alternatives.
Paradoxes : Les jeunes sans solution à la fin de l’école obligatoire, qui sont encore dans le
flou par rapport à ce qui est possible sont sommés d’être clair très tôt !
Dans un champ donné, la jeune personne est « libre » de déterminer ses choix, ses valeurs,
sa trajectoire mais est « responsable » de répondre aux attentes sociales !
3. Conclusion
Les personnes se développent tout au long de la vie. Les transitions sont des occasions de
développement « catalysé ». L’adolescence et la jeunesse sont des périodes riches en
transitions, souvent nouvelles. Il y a un enjeu d’intégrité et continuité.

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Adultes et personnes âgées


1. Vie adulte et développement

● Les adultes continuent à se développer dans toutes sortes de domaines. Il y a


toujours des transitions, plus ou moins normatives. Les processus de base
(internalisation, socialisation, questions identitaires, etc.) sont les mêmes tout au long
de la vie.
Normative : Il y a socialement du soutien car c’est un événement qui se produit dans des
périodes « normales », les autres connaissent aussi cet événement au même
moment de la vie.
● Levinson (1987): il a fait des entretiens avec des adultes pour trouver des étapes,
des saisons de la vie adulte :

1ère phase : Early Adult transition


2ème phase : Middle Adult transition
3ème phase : Late Adult Transition

Son modèle est basé sur des


hommes blancs âgés de 30 à 45
ans de classe moyenne aux États-
Unis, ce qui fut très critiqué. On ne peut pas généraliser cette échelle au monde
entier. Cependant, ce modèle correspond aux attentes sociales.

Transitions normatives :

Il y a toujours des transitions plus ou moins normatives, plus ou moins explicites.


Normatif : ce qui correspond à des normes plus ou moins explicites, dans un environnement
social et culturel donné. → Notion d’horloge sociale : âges attendus auxquels les gens
devraient avoir vécu certaines choses. Il y a des attentes collectives.
Mais il y a des modèles de vie plus ou moins standards. Les gens font certaines choses de
manière différentes plutôt que non normatives. Les normes sociales évoluent avec le temps
et sont différentes en fonction du pays dans lequel elles sont appliquées. Les adultes
continuent à se développer en liant les sphères d’expérience : il y a une expérience de vie
qui résulte de nos liens entre les différentes sphères. Les adultes continuent à se développer
aussi dans les sphères d’expérience.

2. Développement dans les sphères d’expérience

5 principes :

1. Développement tout au long de la vie.


2. Les vies sont inscrites dans un temps historique et un lieu social, matériel, spécifique.
3. Les événements de la vie ont une temporalité, des antécédents et des
conséquences, des transitions
4. Le principe des vies liées, pour comprendre le développement d’une personne, on
doit étudier le contexte familial, scolaire, …
5. L’intentionnalité ou la capacité d’agir

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Le domaine de la famille :

Étapes du cycle de la famille : premier mariage, la naissance du premier enfant, la naissance


du dernier enfant, mariage du premier enfant, mariage du dernier enfant, mort du conjoint,
mort de l’autre. → Norme sociale, il y a une attente de la société

Maintenant, de plus en plus de gens divorcent, les familles se recomposent.

Petit film sur le mariage : Il y a des pratiques culturelles qui donnent sens au mariage.
C’est un rite qui marque le passage, la transition : le bisou, l’anneau, le voile, émotion
sincère de la famille, …

Quand on est dans la norme, l’administration, l’organisation, c’est plus facile.

Transition vers la parentalité – Le choix du prénom :

● La nouveauté : « devenir parent » ; quelles ressources ? Autrui, traditions, ressources


symboliques, …

● Les 4 fonctions symboliques du prénom :

o Signe d’appartenance identitaire : « Si je viens de là, le prénom de l’enfant


doit marquer ça. » (Appartenance à une religion, à une origine, …) → Aspect
culturel avec une identité sociale.
o Désignation d’espaces symboliques : Le prénom se réfère à ce qui fait
sens pour les parents.
o Objet : « On a choisi ce nom là parce qu’il est joli, parce que ça sonne bien. »
o Programme : « On a choisi ce nom là parce que plus tard, il va reprendre
l’entreprise. » On pense à son avenir.

Souvent, le prénom de l’enfant sera un mélange de tout ça.

Comment on fabrique la famille ? : New kinship studies


Qu’est-ce que c’est qu’une famille (famille monoparentale, parents homosexuels, naissances
non-biologiques, …) ? Comment grandissent les enfants quand ils ne sont pas dans des
familles normatives ?

Alors, qu’est-ce qui se développe ?

● Transitions : identité, compétences, sens


● Et encore ? Nouvelles formes de médiation, et expertise spécifique

Les transitions professionnelles

● Transitions normatives : entrée dans le monde du travail, liées à formation


permanente, passage à la retraite.
● Les éléments qui deviennent ressources : institutions, personnes, éléments
sémiotiques. Par exemple les professionnels de la transition.

Le développement par le travail

● Le travail est une activité sociale, qui est nécessaire à la survie des personnes
comme des groupes, et qui structure la vie des personnes, ayant des fonctions
psychologiques.
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● Enjeux identitaires, requiert des compétences, doit pouvoir faire « sens ».


● Comme les « ruptures » sont des occasions de développement, les « pannes » sont
susceptibles de susciter des prises de conscience.

Prise de conscience – médiation

C’est seulement lorsqu’il est intégré dans un système que le concept peut devenir conscient
et volontaire. Appliqués aux concepts, conscient et systématique sont absolument
synonymes, tout comme spontané, non conscient et non systématique sont trois mots
différents pour désigner une seule et même chose dans la nature des concepts enfantins.

Développement dans les sphères d’expérience – synthèse :

Dans toute sphère d’expérience, une personne peut se développer notamment en


développant une perspective réflexive, des moyens de penser plus généraux, ou des
concepts, ou encore en maîtrisant de nouveaux systèmes sémiotiques.

3. Liens entre les sphères d’expérience

Étude cde cas, à partir de documentaires longitudinaux : mariage au 20ème siècle, 7 couples
(1980-2006)

Sphères d’expériences de Stanislav

Quand il se marie, il est électromécanicien. Dans les années


communistes, les gens ne choisissent par leur métier. Ils
développent donc des loisirs assez forts. Les sphères
d’expériences de Stanislav de 1980 changent avec le temps,
elles se modifient, il en développe de nouvelles et d’autres sont
supprimées. Stanislav a comme loisir un télescope dans son
jardin. Il a fabriqué un satellite permettant de voir des chaînes
allemandes interdites dans son pays : il va apprendre l’allemand
pour pouvoir comprendre ce qu’il regarde.

Révolution, fin du communisme : Il doit apprendre un nouveau


métier. Il trouve un nouveau métier comme traducteur allemand.
Ce sont des sphères d’expériences qui ne devraient normalement
pas être liées mais elles vont interagir. Il y a des liens qui sont
faits là où on ne s’y attendait pas du tout.

En reliant des sphères d’expériences, on peut voir de nouvelles


possibilités.

→ Les adultes continuent à se développer.


→ Il y a toujours des transitions, plus ou moins normatives.
→ Les personnes continuent à se développer dans les sphères d’expérience et en liant les
sphères d’expériences.
→ Tout au long de la vie, les personnes développent de nouvelles sphères, d’autres
disparaissent.
→ Les personnes peuvent créer des liens entre les sphères – des transferts, des
généralisations, de nouvelles synthèses.

4. Devenir « âgé »

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→ Pyramide des âges


→ Évolution des rapports de dépendance

( → Voir schémas PowerPoint)

● Les normes sociales au sujet des périodes de la vie évoluent.


● Le développement se poursuit tout au long de la vie, dans, et au travers de sphères
d’expérience.
● La question du « devenir âgé » est encore très peu pensée alors qu’elle devient
importante.
● Mais qu’est-ce qui se développe ?

Ce qui peut se développer avec l’âge, c’est la sagesse.


La sagesse concerne des questions difficiles et importantes sur la manière de mener une vie
signifiante. Elle inclut une connaissance des limites de la connaissance et des incertitudes
du monde. La sagesse est une connaissance de niveau supérieur de connaissance,
jugement, conseil, … Et est utilisée pour le bien-être ou le bien des autres et de soi.
Bien qu’il soit difficile d’y parvenir, la sagesse est facile à reconnaître quand elle se
manifeste.
Avec l’âge on a vu sa vie changer mais aussi le contexte historique changer, le monde
socioculturel changer. On a donc d’autres perspectives.

PLP : philosophie de vie personnelle

La PLP est une connaissance abstraite et généralisée tirée de réflexion sur des expériences
de vie, des émotions, des situations, etc., et présente sous forme de valeurs généralisées,
parfois sous forme de proverbes ou de récits, de choix quotidiens, d’arrangement d’espaces
de vie, etc.
Elle guide les décisions à prendre, les projets et les actions comme « mélodie » de sa vie.

5. Synthèse

● La question de l’âge est biologique mais aussi sociale.


● Les sphères d’expérience se transforment.
● Par exemple, l’entrée en EMS peut être une rupture.
● Les personnes font usage des ressources pour diverses sphères d’expérience, pour
maintenir un sens de continuité et d’intégrité, d’imagination et ouverture vers l’avenir.

Fondements théoriques

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1. Préambule et fondements théoriques

Théorie : Ensemble d’idées, de concepts abstraits, plus ou moins organisés, appliqués à un


domaine particulier.
Approche : Ensemble de théories ou de méthodes qui propose un regard sur le réel.
Modèle : Représentation simplifiée d’un processus, d’un système.
Notion/concept : objet abstrait de connaissance, s’insérant plus ou moins précisément dans
une théorie qui lui donne sa signification.

Pour expliquer un même phénomène empirique, différentes notions/concepts/modèles


peuvent coexister. Ceux-ci ont souvent des fondements différents en fonction de :
o Leur histoire (leur généalogie)
o Leur épistémologie (question de la nature des connaissances produites)

2. Une possible origine

Wilhelm Wundt est un auteur de référence, il est considéré comme le père de la psychologie


scientifique. Il crée le premier laboratoire de psychologie expérimentale à Leipzig (1875). Il
proposait deux voies de la psychologie :
o Psychologie physiologique : Étude des choses les plus simples des êtres
humains. Il a fait des illusions d’optique et a étudié pourquoi,
physiologiquement, on voit certaines choses qui ne sont pas réelles.
o Völkerpsychologie : Étude des peuples par ses productions culturelles
(mythes, religions).
Il s’agit d’une psychologie faite sur des choses expérimentales : C’est la psychologie
physiologique qui est devenue dominante en psychologie. Vygotsky a ensuite beaucoup
repris ces concepts.

3. William James et le pragmatisme

James est né à New York dans une famille fortunée avec une éducation non
conventionnelle. Il est médecin, professeur à Harvard et a écrit deux livres sur tout ce qu’on
peut savoir sur l’être humain.

Il est le père du pragmatisme.

Pragmatisme : Les idées servent à faire quelque chose, elles représentent un outil pour
penser : Elles ne sont pas vraies ou fausses mais utiles ou non utiles. 

Les principes de psychologie (1890)

1. Théorie de l’émotion : primauté de l’action. L’émotion n’est pas une réaction réflexe,
elle est déjà pensée. L’homme ne fuit pas l’ours parce qu’il a peur mais il a peur
parce qu’il fuit l’ours. → Primat de la perception, de l’expérience physique, puis prise
de conscience de ce qui donne l’émotion. L’action est première.

2. La conscience comme flux : La conscience est comparée à une rivière qui coule
toujours et est toujours en mouvement. Elle n’est pas coupée en morceaux, n’a pas
de joint mais coule. Elle est le courant de la pensée, de la vie subjective. Les
pensées sont des représentations qui se succèdent. On a des représentations les
unes après les autres, mais les pensées n’ont pas de catégories fixes, elles se
croisent. Des mots comme une « chaîne » un train de la pensée de la décrivent pas
adéquatement. Elle met en avant la temporalité des choses.

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3. Soi étendu : Au sens plus large, le soi d’un homme est la somme de tout ce qu’il
peut appeler sien, pas seulement son corps et son psychique. Ce sont toutes les
choses qui m’appartiennent et me donnent le sentiment d’être moi. Si elles
manquent, je ne me sens plus pareil, plus moi-même. L’identité est toujours
changeante.

William James a une vision dynamique de la personne, les gens sont sans arrêt en
interaction avec leur environnement.

4. Charles S. Pierce (1839-1914) et la sémiotique

Pierce est considéré comme le père de la sémiotique. Il essaie de comprendre le signe. Le


signe trouve une correspondance dans notre esprit. C’est un genre de métaphore qui permet
de voir ce qui circule entre nous et l’environnement.

Sémiotique

Les approches sémiotiques s’intéressent aux signes, à leur circulation et à la


signification.

Notre perception du monde est faite de signes qu’on décode. On organise ces signes dans
notre esprit. → Internalisation de signes
Le langage est un système de signes par exemple.

Signe comme « triade » :


Un signe est un objet qui remplace un autre objet pour un esprit donné. Un signe est une
triade : un représentamen (signe matériel) dénote un objet (un objet de pensée) grâce à un
interprétant (une représentation mentale de la relation entre le représentamen et
l'objet). N’importe quoi peut devenir le signe de quelque chose pour autant qu’on le traite
comme « signe ». Pour Pierce, il y a 3 termes dans l’équation, car quelque chose est un
signe pour un esprit donné. Le signe est à cheval entre des univers mentaux et des choses
qui peuvent être désignées comme autres objets. Pour comprendre la réalité́ , on est
constamment en train d’interpréter les choses, c’est-à-dire en reliant les nouvelles choses
avec ce qu’on connaît déjà̀ . N’importe quelle interprétation du monde se fait dans ce
schéma. Ce mouvement à trois temps est lié à notre compréhension du monde.
3 types de signes :

● L’index : attire notre attention, désigne. Il y a un rapport de proximité, de


ressemblance. Exemple : La fumée indique le feu.
● L’icône : signe qui est une image d’objet du monde (analogie). Exemple : Le petit
homme qui marche du feu vert.
● Le symbole : lorsque cette relation devient conventionnelle. (Ex : le vert, le chiffre 3,
la lettre A, …)

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Médiation de l’expérience

Les signes nous permettent d’interpréter l’expérience.

3 processus de médiation sémiotique :

1. Distanciation
On interprète quelque chose qui nous arrive grâce au signe, les signes permettent de
distancer l’expérience. Comment on reconnaît une expérience perceptive ou affective.
L’expérience toujours changeante que nous avons est organisée de différentes manières,
progressivement :
● Comme « champ » : zone floue (les jambes tremblent, les idées qui me traversent
l’esprit, les mains moites)
● Comme « point » : le mot « peur », la note que je vais avoir à mon examen.
2. Canalisation
Le signe qu’on attribue à la chose (chien méchant / gentil) va avoir une influence sur
l’action suivante. C’est une manière de réduire les possibles. « Signe promoteur » qui
guide les actions. La canalisation résulte de l’internalisation et de la généralisation.
Suivant comment on voit les choses, on décide de l’action qui vient. Dans une situation
donnée, on pourrait faire un tas de choses mais suivant le signe promoteur, ça va réduire
le champ des possibles et donc décider de l’action.
3. Catégorisation 

Une fois qu’on a décidé le signe qu’on attribue à la chose, on met les choses dans des
boîtes, on distingue les choses des autres. Parfois en utilisant des « catégories », des
signes complexes : à partir de signes guidant des actions. La catégorisation engendre
que les personnes ne seront pas traitées de la même façon que les autres. On exclut
d’autres formes de réflexions de causes du problème.

Exemple de construction sémiotique : le diagnostic ADHD

ADHD : désordre de déficit d’attention et hyperactivité. Les comités des écoles en Suède :
enseignants et éducateurs se rencontrent pour discuter des cas. Au 19e siècle, on parlait
d’un problème d’enseignement, alors qu’au 20e siècle, on parle d’un problème
d’apprentissage. Au cours des dernières années, on trouve le problème « dans » la
personne.

Catégorisation : « trouble » : dérange l’ordre de la classe. Identifié comme index : pas


arriver à changer, pas d’ami. Signes considérés comme « symboles », indices de ADHD.
Il s’agit de recherches portant sur l’hyperactivité́ : jusqu’à il y a 50 ans, on n’avait pas
conscience de l’hyperactivité́ . Ensuite il y en a eu tout plein en même temps. Est-ce qu’ils
sont apparus tous en même temps ou est-ce qu’il y en a parce qu’on a découvert
l’hyperactivité́ ? On a la tendance de créer des diagnostiques pour tout. Ils cherchent quel
problème a cette fille, il faut trouver des indices sur la cause du problème. Dans un
échange avec la fillette, on recherche les critères de présence d’ADHD. La fillette a donc
un traitement de faveur et elle est contente d’être « malade ». On peut transformer toute
la réalité́ de quelqu’un avec ce travail de signes.
ADHD comme catégorie : disponible dans l’environnement, ; permet de se distancier et de
donner sens ; fonctionne comme signe promoteur : canalise et guide les actions (pour le
prof, la fille, le système scolaire et médical) ; catégorie individualisante, qui évite de voir
l’activité́ située, collective.

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Donc : des champs d’expériences flous ; dans le dialogue des adultes créent une
catégorie, qui distancie, communique ; l’enfant guide et canalise son comportement ;
l’enfant exige respect pour la catégorie créée.
Résultat : maintenant que la petite fille est diagnostiquée, l’enseignante est contente
d’elle. Dès qu’on catégorise, on est mieux accepté, on est compris. C’est avantageux pour
la petite fille de continuer ses « problèmes », car elle a une excuse. Il y a un aspect de
reconnaissance de choses qui ne font pas encore sens. Travail de catégorisation, trouver
le signe qui va avec. La conséquence de ça est qu’on change la signification des actions
qui a lui aussi ensuite des conséquences.
Cet exemple montre donc le pouvoir des signes, de l’interprétation et du travail
sémiotique.
Synthèse : Les signes nous permettent de « sortir » du flux de l’expérience et de
l’organiser. Les processus sémiotiques nous permettent de comprendre et d’agir dans le
monde ; de diriger notre pensée et de réfléchir à nos conduites ; de communiquer avec
d’autres personnes, de transmettre notre expérience ; de construire de nouvelles réalités.

5. F. Bartlett et la mémoire

● A essayé de comprendre comment fonctionne la mémoire.


● A écrit un récit : War of the Ghosts
● Ce qui intéresse à Bartlett c’est la transformation/déformation du récit quand on
reraconte son histoire.
● Un processus de conventionalisation se fait, une guidance culturelle.
● La mémoire est un processus constructif et imaginatif. Elle est reconstructive.
C’est quelque chose de dynamique et actif.
La mémoire fonctionne comme toutes nos compétences, elle se développe dans un espace
culturel. Quand on construit un souvenir, on le fait avec les choses qu’on connaît déjà̀ .

« Conventionalisation » : ajustement d’éléments inhabituels. Quand on reçoit des


informations qui ne sont pas habituels dans notre culture symbolique, on va les ajuster pour
qu’elles entrent dans nos représentations. Pour comprendre les choses inhabituelles qu’on
entend, on va les relier avec des choses qu’on connaît déjà̀ .

Ça montre que la mémoire n’est pas de l’enregistrement ou la copie de phénomènes mais


c’est un processus actif de construction ou reconstruction. On interprète les choses à partir
de nos connaissances, au moment où on doit se rappeler de la chose, on va la reconstruire.
La mémoire est un processus constructif. A chaque fois qu’on se remémore quelque chose,
on reconstruit un souvenir. Ce qu’on n’arrive pas à reconstruire, on imagine, avec ce qu’on
connaît déjà̀ . Ça pose des problèmes sur des questions légales, de témoignage etc. La
mémoire et l’imagination vont main dans la main.

Exercice mémoire : something black → a black substance → a ghost ; processus de


conventionalisation, guidance culturelle ; la mémoire est un processus constructif et
imaginatif.

6. Bilan
Fondations : La conscience est un flux, processus. La pensée et l’expérience ont une
dimension sociale et culturelle. Notamment les perceptions, les émotions et la mémoire.

Méthodologie : micro-genèse, différentes perspectives, etc.

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Malléabilité des fonctions de bases psychologiques. Les travaux de Bartlett montrent que les
interactions qu’on a avec le monde, c’est déjà̀ quelque chose de culturel. Ces fonctions de
bases de la pensée sont déjà̀ construites de manière culturelle. Les enfants voient moins de
choses que les adultes.

Approches narratives

1. Introduction

La psychologie s’intéresse à comment on interprète la réalité, aux activités et aux


significations.
Constructions collectives de signification (ethnologie, sociologie, psychologie sociale)

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o Religion, croyances ;
o Mythes, sagas ;
o Représentations sociales, attributions.

Comment peut-on avoir accès à la manière dont les gens interprètent la réalité ?
On s’intéresse à ce que les gens disent. Les gens font des récits au quotidien. Le récit est
donc un moyen de comprendre comment les gens interprètent la réalité.
Par quels moyens donne-t-on sens ? Il faut observer les gens : la manière la plus simple et
naturelle de donner sens est de raconter, de parler : raconter sa journée, discuter de ce qui
s’est passé. Étudier alors les récit que les personnes font, est un moyen d’étudier la manière
dont elles donnent sens à l’expérience = « psychologie quotidienne ». S’intéresser au récit
ce n’est pas qu’analyser la manière dont c’est écrit mais aussi s’intéresser aux processus
psychologiques par lesquels on interprète la réalité́ .

Jerome S. Bruner (1915-2016) : S’intéresse d’abord à la psychologie expérimentale. Dans


l’histoire de la psychologie, c’est l’auteur de deux révolutions : La révolution cognitive et la
psychologie culturelle.

Il est l’un des promoteurs de Vygotsky. Inspiré de Vygotsky, il dit que pour comprendre l’être
humain, il faut comprendre l’internalisation de l’esprit. Il s’intéresse aux récits du quotidien.

Le développement informatique a permis de faire une comparaison entre les machines et les
cerveaux. Plus les machines ressemblent aux humains et plus elles font des choses proches
de notre fonctionnement, mieux on va pouvoir comprendre notre fonctionnement.
→ Révolution informatique : comprendre ce qu’il se passe dans la boîte noire.

Dans la vie quotidienne, on fait beaucoup de choses qui ne sont pas forcément rationnelles,
car elles sont émotionnellement importantes et elles font sens. Avec la révolution cognitive,
la psychologie va s’intéresser à comment on se comporte dans la vie quotidienne.

Bruner entraîne une prise de conscience de l’importance de la construction de signification


en psychologie culturelle ; et il souligne le rôle du récit pour la personne (quotidien, littéraire,
autobiographique, historique, juridique).

Selon Bruner, nous interprétons la réalité, lui donnons sens et nous le faisons
essentiellement en racontant. Notre pensée et notre discours sont organisés par les formes
narratives culturelles.

2. Approches narratives
Comment définir la spécificité́ du récit ? il y a des règles qui font que le récit n’est un
commentaire ni un ordre par exemple. Bruner fait deux constats :

Constat 1 : la structure des contes : la meilleure façon de voir comment les gens pensent
leur quotidien, c’est en observant leurs théories narratives.

Constat 2 : la structure de nos aventures quotidiennes !

Hypothèse : Lorsque nous donnons sens notre expérience, nous l’organisons comme des
récits, car les récits partagés dans notre culture sont les « modèles » transmis par la culture.

Pour qu’on ait quelque chose à raconter, il faut quelque chose de surprenant, qui sorte des
normes canoniques. Le récit est la déviation de la norme, et fréquemment sa résolution. La
forme d’un récit est toujours la même : il faut que quelqu’un se mette à faire quelque chose
dans un certain but. Pour qu’il y ait un récit, il faut qu’il y ait un déséquilibre / un trouble.

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Péripétie (Aristote) : Changement de condition, soit heureuse, soit malheureuse, qui arrive
au personnage principal d’un drame et qui donne un nouveau tour à l’action.

Pentade dramatique : Agent ; Action ; Objectif ; Cadre ; Moyen

Le trouble, ou la péripétie, est un déséquilibre entre les composantes de la pentade


dramatique.

Analyses structurales des contes (Propp, 1928/1970) :

● « Fabula » intemporelles : l’amour impossible, l’homme vaniteux, le héros sauveur,


etc.
● 31 fonctions du conte pour réaliser ce thème
● Le « trouble » comme violation du canonique

Selon Bruner (1989), le récit permet de maintenir, réparer ou changer le canonique. On


maîtrise tous dans le savoir des règles précises dans l’environnement culturel (on voit ça
dans des films, histoires, etc.) qui sont basées sur les mêmes règles. On baigne dans un
monde narratif. L’idée du fonctionnement du récit est un principe organisateur : on est dans
un environnement saturé de récits, ils organisent notre manière de voir le monde extérieur.

3. Faire récit pour donner sens


Récit et développement – Emmy

Comment la capacité à raconter des choses se construit-elle ?

Hypothèse chez l’enfant : Il y a une progressive organisation et différentiation de


l’expérience. Le tout petit enfant n’a pas d’expériences différenciées : il rencontre
énormément de choses mais ne sait pas vraiment ce que c’est. Certaines choses reviennent
plusieurs fois, l’enfant va les rassembler et développer des blocs d’activités interactives. Ce
sont les pseudo-concepts (avant la maîtrise du langage) : toutes les activités qui se
ressemblent sont mises ensemble dans une même catégorie qui est basée sur
l’expériences. Progressivement, quand il sait utiliser les mots, il organise les choses
différemment. Il va faire des catégories en fonction des informations qu’il reçoit du langage,
l’expérience est réorganisée en fonction du langage. Ce sont des expériences de petits récits
avec lesquelles l’enfant va organiser les informations qu’il reçoit. Si nous prenons l’exemple
d’Emmy, elle va développer au fur et à mesure les capacités nécessaires pour expliquer des
choses et raconter un récit.

Nous avons vu le développement via le jeu sur le langage, mais aussi la maîtrise des
catégories culturelles. Notions de règles de temporalité (comment on organise le temps, on
ne peut pas raconter une histoire sans) et de canonicité (on raconte une histoire qui
correspond aux normes attendues, dans le « canon »).

Temporalité

● A 22 mois : quand papa vient alors papa vient et cherche Emmy, et, puis papa venu
maman vient…
● Vers 32 mois : Carol et Emmy, le papa et la maman, de Carol, partent et elle va, et
après elle va pleurer et appelle Betty. Alors son papa ou sa maman va rester. Mais
pas mon papa et ma maman. Ils me disent ce qu’il se passe et après ils vont
travailler, parce que, parce que je ne pleure pas.

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Dans le premier cas, les liens de causalités ne sont pas bien maîtrisés. Dire « il s’est passé
ça, puis ça » n’est pas une très bonne histoire. Dans le deuxième cas, Emmy utilise des
termes qui marque la temporalité. Ces éléments montrent comment, au travers de la maîtrise
progressive du récit, les enfants maîtrisent la temporalité. Avec le temps progressivement,
avec la maîtrise des signes que la culture nous donne pour créer une temporalité, les choses
commencent à s’organiser dans le temps.

Canonicité (ce qui doit être fait, est nécessaire)

● Jeune : Et Emmy a la couverture / et dîne / dîne à l’heure / et une fois Emmy


malade / Emmy voulait manger / Emmy a eu une glace
● Plus tard : Si on va à l’aéroport / On doit prendre des bagages / Si on doit aller à
l’aéroport / On doit prendre quelque chose pour l’aéroport, ou on ne peut pas / On
doit prendre un bus spécial

Dans le premier cas, les événements sont tous égaux. Dans le deuxième cas, il y a des
conditions qui dépendent de modèles. Elle a internalisé des normes, elle fait des liens
logiques, des liens causaux, des hypothèses. La norme implicite ainsi que la norme sociale
sont maîtrisées. Elle sait que si elle va prendre l’avion, elle doit prendre un bagage.

Pour raconter un récit, il faut maîtriser le temps et savoir ce qu’est la norme dans un
environnement culturel donné. Pour qu’il y ait une histoire, il faut qu’il se passe des choses
intéressantes et pour cela, il faut briser certaines normes. Une des premières choses
importantes dans un récit est de pouvoir dire ce qui vient après quoi et dire des choses
inattendues.

Récit et développement – Kurt

● Contexte : Miller a observé́ son enfant et son développement en contexte.


● Méthode : Narrations de l’enfant, filmées et notées.
● Questions : Pourquoi ces re-narrations ?
● Situation : Kurt est chez ses grands-parents, la grand-mère lui raconte des histoires.
Pendant 4 semaines après qu’il ait entendu une histoire spécifique, il va la raconter
tout le temps, demander qu’on la re-raconte. Ensuite il va l’oublier et ne plus en
parler. Comment ça se fait ? Qu’est-ce qui se passe psychologiquement ?
« Il était une fois quatre petits lapins et leurs noms étaient Flopsy, Mopsy, Queue de
coton, et Peter. Ils habitaient avec leur mère dans les racines d’un très grand sapin. «
Maintenant mes chers », dit la vieille Mme Lapin un matin, « Vous pouvez aller dans le
pré ou sur le sentier, mais n’allez pas dans le jardin de Monsieur Mc Gregor ; votre père
a eu un accident là‐bas : il a été mis dans une tarte par Mme Mc Gregor ». Mme Lapin
s’en va chez le boulanger, et Peter, qui est très vilain, court droit au jardin de Mr Mc
Gregor. Il se met à se remplir de salades, de haricots et de radis, jusqu’au moment où il
se fait surprendre par l’effrayant Mr Mc Gregor, qui lui court aussitôt après. Peter se fait
prendre dans un filet, se cache dans un arrosoir, et évite de justesse de se faire écraser
par Mr Mc Gregor. Mr McGregor retourne travailler mais Peter découvre qu’il est perdu –
tout tremblant et hors d'haleine, sans savoir où il se trouve. Finalement, après encore
une rencontre avec un chat blanc, il repère le portail du jardin et s’échappe ; il court sans
s’arrêter jusqu’à la maison, dans le grand sapin. Ce soir-là, Peter ne sent pas très bien,
et sa maman lui fait une camomille. Mais ses frères et sœurs, Flopsy, Mopsy, et Queue
de coton, reçoivent du pain, du lait et des mûres pour le dîner. »

Un récit pertinent psychologiquement doit répondre à des expériences personnelles. Les


récits ne sont pas neutres, ils touchent les gens. Il faut comprendre comment ils touchent les
gens pour comprendre comment les récits fonctionnent.

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L’histoire ressemble à celle de Kurt lui-même car il est souvent dans le jardin de ses grands-
parents, où il y a des lapins. Il a 2 ans, il commence à maîtriser les règles sociales, il sait
qu’il sera peut-être puni, etc. Qu’est-ce qu’il se passe quand Kurt essaie de s’approprier ce
récit ? Dans la première version où il re-raconte l’histoire, il raconte l’histoire d’un méchant
lapin qui mange toutes les choses qu’il ne devrait pas manger. Kurt ajoute des évènements,
comme dans des rêves. Dans la dernière version, le lapin fait des bêtises, sa maman lui
pardonne, le jardinier qui lui faisait tellement peur devient un ami.

Il invente des versions progressives qui permettent de réparer certaines choses.

Dans cet exemple de maîtrise progressive d’un récit, le garçon est capable de raconter le
récit comme il faut mais en faisant ça, il maîtrise ses propres réactions par rapport au récit.

Il y a un double niveau : l’histoire qu’on raconte aux autres et ce que l’histoire raconte.

C’est intéressant, pendant 4 semaines, on entend parler que de ça et après la dernière


version, il ne veut plus en entendre parler (ex : une chanson). La partie personnelle de ce
récit est comprise.

Re-narrations : Le récit touche Kurt et les transformations sont progressives.

Interprétations : Les problématiques personnelles sont progressivement travaillées. Il y a un


apprentissage du récit, du langage et des règles sociales

En maîtrisant les récits, on maîtrise notre expérience et on maîtrise les règles, les normes,
les conventions sociales. On va avoir une meilleure capacité à gérer les émotions. Maîtrise
des médiations culturelles, en les maîtrisant, on maîtrise mieux notre propre fonctionnement
psychologique.

Les récits nous servent à expliquer l’inattendu, l’imprévu, ce qui remet en question la routine.
Nos récits sont construits dans des styles, et sur la base de motifs que la culture met à notre
disposition.

On raconte tous notre vie avec les mêmes moyens, on a tous le même langage, alors
comment construire une histoire biographique unique ? Comment peut-on raconter notre
histoire en étant sûr que c’est bien ce qui s’est passé et qu’on n’est pas en train d’inventer ?
Tout ce qui ne ressemble pas à des normes culturelles, on les transforme en normes
culturelles quand on utilise la mémoire (histoire des fantômes : barques au lieu de canoés).
On est obligé de remplir les trous avec notre imagination ou d’autres récits qu’on nous
donne.

Exemple : Dans « Into the Wild », il écrit ce qui lui arrive. Il met en scène sa propre mort. Il a
pris une photo de lui avant qu’il meure. Il a créé un message qui s’adresse à la société́ . Chris
est dans une situation dans laquelle il veut vivre seul, loin de la société, mais dans la solitude
il est en connexion avec les autres, à la fin il a besoin du social.

Les récits sont propres à des groupes socialement et historiquement situés, la façon d’écrire
varie beaucoup.

Exemple : Aux États-Unis, on trouve énormément de récits de rédemption : « J’ai vécu


quelque chose de terrible mais heureusement un jour la chance m’a permis de m’en sortir ».
Il y a des motifs partagés dans des modèles culturels partagés.

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Exemple – Jeunesse et violence politique

Travail avec des jeunes qui ont vécu les guerres des Balkans en Serbie, en Bosnie-
Herzégovine, en Croatie et aux États-Unis. Ces jeunes ont été socialisé, ont appris à vivre
dans un monde en guerre. Les ateliers de récits offrent un espace sécure pour donner sens,
mais aussi pour imaginer des avenirs possibles.

4. Faire usage des récits pour donner sens


Nous donnons sens aux récits en fonction de la situation ou du contexte socioculturel (Par
exemple : Bible ; textes scolaires). Nous donnons sens aux récit en fonction de notre histoire
et de notre sensibilité propre (« résonance », similarité). Nous mobilisons ces récits pour
donner sens.

Selon Vygotsky, puis Bruner, on peut différencier la signification du sens :

● Signification : Sens fixé dans un contexte social donné, et socialement partagé.


● Sens : Écho du récit pour la personne, en fonction de son expérience : « Fait sens
pour un individu quelque chose qui lui arrive et qui a des rapports avec d’autres
choses de sa vie, des choses qu’il a déjà pensées, des questions qu’il s’est posées ».
(Charlot, 2002, p. 64). C’est la façon dont on relie quelque chose qui nous arrive à
quelque chose qui font déjà̀ partie de notre vie. C’est le lien, la raison pour laquelle
raisonne la personne.

Le sens que le récit a pour nous est toujours une recréation unique, qui se fait sur la base
d’une « résonance », d’un écho, par exemple sur la base d’une identification à une
personne, à une analogie de situation relationnelle, d’une connaissance d’un lieu ou d’un
temps, d’une correspondance émotionnelle etc.

Le texte a une structure, un déroulement temporel, des personnages, dont les relations
évoluent avec le déroulement de l’intrigue : les expériences internes réveillées par le texte
sont comme « projetées » dans le texte ; le texte évolue avec sa logique avec nos
expériences dedans. Les expériences personnelles, émotionnelles, existentielles sont «
contenues » dans le récit et ces composantes sont « transformées » par le récit. Le récit
peut donc nous transformer.

Selon Vygotsky, il peut y avoir une résonance entre notre expérience et ce que propose la
fiction ; nous y déposons une part de nous. Les récits de fiction guident notre expérience.

Des films, romans, chansons, tableaux sont des éléments culturels. C’est-à-dire que ce sont
des objets finis contenants des significations sous forme sémiotique, permettant parfois une
expérience imaginaire que l’on peut utiliser pour donner sens, définir de nouvelles actions ou
redéfinir son identité. Les récits donnent sens à l’expérience.

Les approches narratives montrent l’importance de la mise en récit de l’expérience pour le


développement.

Approches sémiotiques

1. Introduction

L’approche sémiotiques s’intéresse aux signes, car ils organisent le monde et se retrouvent
dans notre esprit. Les récits aident à organiser notre pensée.

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Le dialogisme : modalité des interactions

Charles Pierce : triangle sémiotique


Les processus sémiotiques sont liés aux dynamiques de circulation et transformation de
signes. On essaie de voir les mouvements sémiotiques dans la façon dont les gens
s’expriment.

Approches sémiotiques, 2 modèles

● Inventé par Jaan Valsiner


● En partant d’une psychologie vygotskienne, il a développé une manière de parler en
se centrant sur les processus de signes.

Il existe différents modes, ou modalités sémiotiques :


● Le son, les images, les couleurs, les mouvements peuvent être considérés comme
des systèmes sémiotiques. → Tout devient signé
On peut les interpréter, ce sont des formes d’externalisation.

2. Approches sémiotiques

● On peut dire que l’élaboration sémiotique est la mise à distance progressive de


l’expérience.

Il y a un sentiment de base physiologique, on le reconnaît, on sait ce qui nous arrive. Cette


reconnaissance de l’état n’est pas encore sémiotique. Quand on le met en lien avec quelque
chose de précis, ça devient sémiotique. Les mots rendent signifiant l’expérience. On
regroupe ces sentiments dans des catégories. On peut généraliser les expériences. Dans
certaines circonstances, l’expérience est tellement permanente, que l’on ne peut pas décrire.
→ Inquiétude généralisée qui n’est pas attribuée à quelque chose de particulier mais que
l’on ressent.

On peut aussi dire que l’élaboration sémiotique se fait sur 3 dimensions :

a) Inscrire l’expérience dans le temps : On a une expérience dans le temps, on se


laisse distraire. Puis à un moment, on arrête notre pensée pour remarquer quelque
chose. Le travail sémiotique commence alors. On cherche à faire des liens avec ce

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qu’on connaît déjà, avec quelque chose qui s’est déjà passé. On relie les
expériences à des expériences passées et futures.
b) S’en distancer, l’organiser : cf. niveaux
c) Dialoguer entre réel et imaginaire : Et si ? On sort de l’expérience, on fait des
hypothèses.

3. Trois exemples tirés de recherches

Exemple 1 : dialogue avec les morts

● Recherche sur le rapport qu’on a aux morts, Ingrid Josephs, 1998


● A interrogé des adultes qui, tous, ont perdu un proche, et les a questionnés par
rapport à leurs pratiques dans les cimetières.
● Ici, pour Lena, la tombe représente la présence de la personne. C’est comme si elle
entrait dans un dialogue, elle lui parle comme s’il était là. Il y a le lieu, il y a le
cimetière et la tombe qui sont des signes. Il y a des rituels culturels. On sait tous que
le cimetière est fait pour accueillir les morts.
Elle utilise « et s’il était là, il serait content », elle dialogue entre le réel et l’imaginaire. Elle
utilise les souvenirs donc elle inscrit l’expérience dans le temps. Elle organise la
tombe de la façon dont il l’aurait aimé. Il y a l’axe du passé sur ce qu’il aimait bien,
l’axe du futur de s’il était là. Quand elle dit « C’est Max. », ça correspond à la
personne.
Elle s’imagine qu’il lui parle et sa voix le clame. Elle utilise le signe pour réguler sa propre
expérience. Elle fait le schéma inverse.
Elle se projette dans le futur, elle s’imagine dans l’avenir, ce qui la calme également.

→ C’est un système où chaque étape soutient la suivante. Ça forme donc une sorte de
boucle.

Synthèse de l’exemple 1 :

● La visite au cimetière comme s’il était là est un processus dialogique.


● Les objets matériels et sémiotiques médiatisent le dialogue.
● Ces médiations permettent de penser la mort en lien avec le passé et l’avenir pour
donner sens au présent.
● Il y a donc une élaboration sémiotique.

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Exemple 2 : l’usage d’objets


Clara : Il y a la vierge noire là. Alors celle-là̀ je l’aime beaucoup. Je prie souvent. C’est
important de prier (...) la vierge j’aime beaucoup oui. Je pense aussi souvent à Lourdes
quand je prie. C’est le plus beau pèlerinage que tu peux faire. / J’aimerais beaucoup y
retourner avant de mourir. Cet été, je n’ai pas pu y aller mais l’année prochaine je vais y
aller.
Isabelle : Ah oui c’est des photos de ma famille. Vous voyez ici il y a ma fille et puis sur ce
cadre-là, on voit mes petits-enfants et mes arrière-petits-enfants. / Le cadre derrière vous le
grand c’est les petits pendant les vacances. C’est les dernières photos qu’ils m’ont données.
(...) Oui je les regarde et je pense à eux. / Je pense aux bons souvenirs. / Je me demande
ce qu’ils font. / J’espère qu’ils vont bien et qu’ils vont avoir une belle vie. / Je vis dans ces
photos. / C’est difficile à expliquer. / Mes enfants et mes petits-enfants, ma famille c’est ma
vie.
● Étude sur le rôle des objets dans le maintien et transformation de l’identité des
personnes âgées. Comment peuvent-ils maintenait une forme de créativité et
d’engagement alors qu’elles sont immobiles ?
● Professeure Michèle Grossen (UNIL) et Tania Zittoun (Unine), avec la collaboration
de Fabienne Salamin Terrago (UNIL), financée par la Fondation Leenaards.
● Clara fait un projet d’avenir, elle donne un sens à sa vie en faisant des projets et en
se souvenant de ses habitudes. Il y a aussi un axe au passé car elle y est déjà allée
vu qu’elle veut y retourner. Pour elle, la prière est une façon de se rassurer. Les
objets matériels ont une valeur sémiotique.
● Isabelle avait des photos de sa famille. Elle imagine ce qu’ils font. Elle n’est plus dans
son lit. Elle voyage à travers son imagination. Son univers est beaucoup plus large
que sa chambre d’hôpital. Ces photos lui permettent de garder un certain
engagement dans la vie.

Synthèse de l’exemples 2 :

● Les objets médiatisent des processus sémiotiques


o Lien passé, présent, et futur en bleu
o Permettent de passer du spécifique au général en vert
o Permettent de mettre en dialogue ce qui est ce qui pourrait être (comme si) en
violet

→ Les signes sont des petites choses, mais qui sont fondamentales.

Exemple 3 : usage des ressources symboliques

Rappel :

Usage des ressources symboliques :

● Transitions, Zittoun, 2006


● Lily, période de choix et d’incertitudes : comment faire pour choisir son futur ?
● Comment peut-on imaginer sa vie d’adulte, quelque chose que l’on n’a jamais vécu.
● Ce qui a joué un rôle décisif dans son choix est un film qu’elle a vu. (After Life, 1998)
C’est un film où des personnes mortes sont interrogées sur le plus beau souvenir de
leur vie. Le paradis de chacun est leur plus beau souvenir. S’ils n’ont pas de
souvenirs, ils doivent travailler dans un bureau.
● « Choisir son souvenir, c’est choisir sa vie. » → Choisir son souvenir, c’est pour
l’éternité
● Elle utilise le film comme ressource symbolique.

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Automne 2018 Psychologie culturelle Hyuna Varguet

● Elle a associé la peur des gens de choisir à sa propre peur de choisir. Ses amis lui
demandent ce qu’elle aurait choisi, ce qui l’oblige à se poser la question. Ce fil lui
permet de prendre de la distance et de s’imaginer son meilleur souvenir, qui n’a pas
encore existé, le souvenir qu’elle aimerait avoir. Le film soutient le mouvement
d’élaboration sémiotique.
● Selon une approche sémiotique, les « ressources symboliques » fonctionnent car
elles sont des constructions sémiotiques complexes.
● Les éléments culturels sont ressources symboliques s’il y a une résonance avec
l’expérience personnelle.
● Les expériences internes réveillées par le texte sont comme « projetées » dans
l’élément.
● L’expérience culturelle a un déroulement temporel et l’expérience évolue avec sa
logique avec nos expériences « dedans ».
● Les ressources symboliques médiatisent l’élaboration sémiotique.

Synthèse de l’exemple 3 :

● Lily fait usage du fil comme ressource symbolique, qui permet une élaboration
sémiotique :
o Elle passe du présent au futur
o Elle passe d’états flous à des principes généraux guidant des décisions.
o Elle passe d’un réel incertain à un dialogue imaginaire avec des positions
« comme si ».
o Grâce à la reconnaissance de ses pairs
o Elle peut donc guider son activité à venir

4. Synthèse

● L’élaboration sémiotique est un processus intra psychologique qui se passe dans


notre esprit mais qui peut être facilitée par des médiations.
● Elle se fait divers modes sémiotiques, pas toujours verbaux, pas toujours narratifs
comme les tombes, les objets, les habits ou encore les affiches, l’espace urbain, …
● Les approches narratives montrent que l’expérience est médiatisée par les récits
● Les approches sémiotiques montrent que l’expérience est médiatisée par différents
modes sémiotiques.
● Les deux approches sont dialogiques.
● Les deux approches montrent comment notre expérience fait sens, entre réalité et
fiction.

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Approches dialogiques
1. Introduction
Comment montrer le « social » ou le « culturel » en nous ?

Rappel : la pensée se développe dans le dialogue réel avec autrui (échange de signes). Elle
résulte en grande partie d’internalisation du dialogue. La pensée est très souvent un
dialogue avec un « autre » en nous (se demander ce que penserait X de ce qu’on pense). Il
y a un échange et une intention à autrui tel qu’il est internalisé.

Les approches dialogiques sont un modèle issu de l’analyse littéraire, passé en psychologie.
L’idée de base est que nous ne sommes pas « une », mais « des voix ». Il y a une pluralité́
de voix en nous.

La perspective dialogique dit que ce n’est pas juste de mettre des discours à l’intérieur, elle
dit que c’est le rapport à autrui, ce mouvement qui devient psychologique. Les tensions
internes reflètent des dialogues. Cette dialogicité naturelle reflète quelque chose de notre
expérience, du dialogue réel, on peut comprendre beaucoup de notre esprit qui devient
culturel. Ça se poursuit dans notre esprit. Toute notre pensée peut être vue comme la
poursuite des dialogues.

Dans le texte comme dans la pensée, il y a toujours une pluralité́ des voix et du dialogue de
manière générale.

2. Dialogisme
Mikhaïl Bakhtin (1895-1975) : Ses textes ont été́ interdits sous le communisme, et sa thèse
a été refusée. Ses travaux ont été́ interdits en Russie puis diffusés après sa mort.

Bakhtin, 1984 : « un énoncé est rempli des échos et des rapports d'autres énoncés
auxquels il est relié à l'intérieur d'une sphère commune de l'échange verbal. Un énoncé doit
être considéré, avant tout, comme une réponse à des énoncés antérieurs à l'intérieur
d'une sphère donnée (le mot « réponse », nous l'entendons ici au sens le plus large) : il les
réfute, les confirme, les complète, prend appui sur eux, les suppose connus et, d'une façon
ou d'une autre, il compte sur eux. »

Bakhtin a étudié des textes. Il dit que ce n’est pas un narrateur qui raconte, ce n’est pas
monologique mais il y a une épaisseur du texte, on a le sentiment qu’il y a plusieurs voix qui
se mélangent. Sur quoi se repose l’unité du texte ? Qu’est-ce qu’une idée de sens ? Si on
veut comprendre ce que dit un énoncé́ , il faut comprendre à quoi ça répond ou qu’est-ce que
ça anticipe ? Si on veut comprendre un énoncé, il y a un axe de pensée, il faut comprendre
en réponse à ce qui est arrivé.

Les énoncés sont l’unité de base lorsqu’on prend la parole, lorsqu’on s’adresse à quelqu'un.
Un énoncé est un acte, pour dire quelque chose. Un énoncé est un acte de sens. L’énoncé
n’est pas seulement une réponse, c’est aussi une anticipation, et il porte des échos d’autres
situations. Les axes de pensée suivent quelque chose qui est déjà là et anticipent d’autres
choses.

Bakhtin, 1984 : « Pour la conscience qui vit en lui, le langage n’est pas un système abstrait
de formes normatives, mais une opinion multilingue sur le monde. Tous les mots évoquent
une profession, un genre, une tendance, un parti, une œuvre précise, un homme précis,
une génération, un âge, un jour, une heure. Tous les mots, toutes les formes, sont peuplés
d’intentions. Le mot a, inévitablement, les harmoniques du contexte. »

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Les échos : Il porte en lui des traces de comment ces mots ont été dits par d’autres
personnes. Les mots sont marqués par des usages précédents. La pensée est un dialogue
avec ce qui précède et ce qui va venir, mais aussi un dialogue dans l’espace. Les actes
d’énoncés sont toujours des reprises d’autres traces, d’autres histoires, d’autres personnes :
ce sont les harmonies du langage.

Différentes personnes parlent différemment car ils sont dans des contextes différents.

D’après Bakhtin : Tout énoncé est une réponse à un autre énoncé. Tout énoncé anticipe une
réponse. Les énoncés sont chargés des « échos » d’autres situations, des « harmonies »
des usages, des effets de « genre ». Les énoncés sont en principe polyphoniques,
hétérogènes. Il y a beaucoup de sons, de mélodies. Il n’y a pas de rapport monologique soi-
monde, mais toujours un rapport dialogique : ego- alter-objet

Entretien entre une mère et un psychothérapeute :

C’est un échange entre une mère et un psychothérapeute. Sa fille a des problèmes à l’école.
C’est un monologue de la mère. Ce psychothérapeute va essayer de résoudre les problèmes
scolaires de la fille. La mère essaie de défendre sa vie d’une accusation de bêtise. Si c’était
un manque d’intelligence, ça ne se soignerait pas. Donc la mère essaie de faire en sorte que
sa fille paraisse avoir un problème psychologique. Les mots renvoient à des univers
différents. Elle refuse l’argument de bêtise en disant que c’est un problème psychologique,
pour que le psychothérapeute « guérisse » sa fille. C’est l’écho des énoncés.

Mère : « Mais c'est vrai qu’elle peut nous mettre les nerfs au bout des doigts hein, elle est
vraiment alors euh c'est que quand elle ne veut pas, on peut lui expliquer, il n’y a rien à faire,
ça ne va pas, et on ne fait rien à part lui dire « mais écoute euh » alors après bien sûr ça
pleure euh « Je sais bien que je suis bête, je n’arriverai jamais ». Alors qu’elle n’est pas
plus bête qu’une autre, ça j’en suis sûre, je lui ai déjà̀ dit d'ailleurs, je ne pense pas que
c'est de la bêtise ou pour moi, c'est peut-être plus un problème de blocage dans la tête,
quelque chose qui refuse ».

En conséquence, on peut en sortir différents types de dialogues :

1. Il y a un dialogue entre les personnes présentes, réelles.


2. Il y a un dialogue avec une personne absente. On parle / pense de quelqu’un qui dit
quelque chose. Ce sont des dialogues métaphoriques.
3. Le dialogue est différent selon les situations. On parle différemment à son
psychothérapeute qu’à quelqu’un d’autre.
4. Avec des éléments culturels, des représentations sociales, des morceaux de choses
dont on a connaissance.
5. Plus global, généré par la pluralité des 4 types de dialogue.

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3. Le soi dialogique

Point de départs : William James (moi étendu), Bakthin (dialogue), George Herbert Mead
(I-me) ; et la clinique psychothérapeutique (« moi comme médecin mais moi comme mari »).

Le soi dialogique est un concept psychologique qui décrit la capacité́ de l'esprit d'imaginer
les différentes positions de participants dans un dialogue intérieur, en étroite relation avec le
dialogue extérieur. Fonctionnant comme une « société́ de l'esprit », le soi est peuplé d'une
multitude de « positions de soi » (self-positions) qui ont la possibilité d'entretenir une relation
de dialogue entre elles.

Hubert Hermans : Le dialogical self est un dialogue entre la multiplicité des i-positions dans
le paysage imaginaire du soi.

« Le soi dialogique » : le soi, l’identité sont faits des différentes voies. Le soi est le regard
des autres sur moi. Quand on écoute les gens, on entend souvent toutes ses positions. En
chacun d’entre nous, il y a des positions différentes. Mouvement dialogique : on se déplace
entre les i-positions.

James (1980) : « Je suis souvent confronté à la nécessité́ de m’en tenir à l’un de mes moi
empiriques et renoncer aux autres. Si je le pouvais, je serais volontiers à la fois beau et gros
et bien habillé, et un grand athlète, et gagner un million par an, être un comique, un bon-
vivant et un séducteur, et un philosophe ; un philanthrope, un homme d’état, un soldat et un
explorateur en Afrique, un poète sonore et un saint. Mais c’est simplement impossible. Le
travail du millionnaire annulerait celui du saint ; le bon-vivant et le philanthrope s’étriperaient,
etc. » Il y a des contradictions, des tensions, des compromis.

Le paysage imaginaire du soi : chaque point est une position


différente du soi (médecin, père de famille, etc.).

Position interne : moi comme parent, etc.

Position externe : Les gens avec lesquels on entre en


dialogue dont dépendent les positions. (En tant que
professionnel, j’aimerais passer du temps avec mon
collègue).

Position en dehors : On est souvent pris dans des conflits


entre ces positions identitaires et il faut trouver des stratégies
pour les résoudre.

Self-confrontation method (Hermans 2011).

Exemple cliente Mary : moi comme Mary : « pour la première fois je crée un home » ; moi
comme sorcière : « j’ai du plaisir à le briser (mon mari) : d’une position de pouvoir dans un
champ de bataille ». Il y a différents contenus, émotions, mais ce sont des monologues. A
mettre en dialogue ?

Mary est effrayée par ses crises de colère. Il y a des moments où elle veut tuer son mari
(quand elle est ivre). Elle se voit comme quelqu’un de mauvais dans ces moments-là. Il y a
un dialogue avec elle et il voit que cette femme est bonne mais des fois très méchante
quand elle a ses moments de colère. Il lui a demandé́ d’avoir un journal intime et d’écrire ses
différentes positions quand elle avait ces moments de colère. Avec le temps, le fait d’avoir
appris à reconnaître ses voix, elle a pu apprendre à mieux réagir.
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4. Perspectives contemporaines
Exemple 1 : Sunil Bhatia, aux États-Unis après le 11 septembre 2001 : L’identité́ des
pakistanais et indiens change dans le regard des autres. La méthode de Bhatia est
constituée d’entretiens avec des Indiens aux États-Unis, de classe moyenne supérieure,
après le 9 septembre.

Dans cet exemple, on a observé́ que les migrants indiens aux États-Unis ont eu une politique
d’intégration, ils ont pu vivre comme des américains. La migration est devenue une classe
moyenne américaine typique. Du jour au lendemain, après le 11 septembre, dans l’esprit
populaire, on a eu très peur des terroristes. Mais comment reconnait-on un terroriste ? Alors
quelque chose de très banal comme un avion peut être un drame, les gens se sont demandé
où est le prochain terroriste. Ils ont recherché les musulmans potentiellement terroristes. Ces
migrants sont devenus des terroristes potentiels dans le regard des autres. Leur identité a
changé suite au changement dans le contexte social et politique. L’environnement change,
l’identité des gens change aussi.

Une femme indienne raconte comment ça a changé́ . Dans cet énoncé́ cette femme rapporte
à l’interviewer le dialogue qu’ils ont eu avec leurs voisins. Il y a eu un changement avec les
voisins suite aux échos des médias. On se fabrique une représentation des gens. Ils
deviennent étiquetés comme terroristes. Les voisins qui dialoguent avec eux : « On aurait pu
penser que... ». Si on a vu dans le regard des autres qu’on est des terroristes, on est quand
même reconnaissants de voir qu’on est toujours des amis pour nos voisins.

Neelam : Et quand Ranjit (mon mari) leur a dit « Nous faisons attention de ne pas aller dans
d’autres endroits (publics), on reste du coté sûr. », ils ont tous été́ embarrassés parce qu’ils
ont dit, « Oh, on n’aurait jamais pensé́ qu’on pourrait vous considérer comme... » et ils l’ont
regardé́ . « Oh mais tu pourrais être un... non ? (En riant) » Donc en fait ça a été́ très dur pour
nous, parce que tous sont venus nous dire « On est désolés, mais on n’y avait jamais
pensé.».
Interviewer : En effet
Neelam : Et ça a été́ , je pense pour moi, ça a été́ une forme de reconnaissance...
Interviewer : Um humm, hu humm
Neelam : Tu sais, on sait que vous n’êtes pas des terroristes (rit).

Pryia, 46 ans : « Et j’ai été́ très préoccupée par la sécurité́ de mon fils. Tu sais, je lui dis de
prendre un taxi en sortant du taxi pour aller à l’université́ , et de ne pas traîner, et j’ai essayé́
de lui dire depuis de raser sa barbe parce que ça a l’air très musulman, ça c’est ce dont je
me souviens au niveau le plus explicite, mais à un niveau plus subtil je suis sûre que des
choses se sont passées et que quelqu’un comme V. S. Naipaul saurait mieux les décrire. »

→ Elle intériorise les stéréotypes (se raser la barbe pour moins ressembler à un musulman).
→ « Ça a l’air très musulman » : discours médiatique. Ici il faut se désolidariser des
musulmans. La mère ne voit plus son fils comme un étudiant mais comme quelqu'un qui
pourrait être pris pour un terroriste.

Exemple 2 : SYRES : usages de ressources symboliques à l’école secondaire.

Méthode ici : observations en classe de français et de littérature et entretiens avec des


élèves.

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Dialogisme en classe, quelles sont les voix ?

1. Simple dialogue entre personnes


2. Dialogue entre un poème de Baudelaire avec d’autres éléments culturels
3. Échos d’autres dialogues (au sujet de Turner, etc.)
4. Genre de discours (genre secondarisé, disputatio)
5. Normes sociales (« bon usage », « bon art »)
6. Tensions entre ceux-ci ; mais quelle voix pour les élèves ?
Le professeur a essayé de créer un dialogue mais il s’agissait plutôt d’un monologue.

Exemple de Monica

I : A votre avis, c’est quoi le but de l’enseignement de la philosophie au lycée, du point de
vue du lycée ?
M : Moi je pense déjà̀ , il y a le coté́ historique pour montrer comment on est parvenu à
aujourd’hui, toute l’évolution des pensées et aussi pour nous-mêmes, nous faire un peu
évoluer, ça peut quand même être un enrichissement la philosophie pour soi-même.
I : Vous avez l’impression que vous-même, vous arrivez à voir cet enrichissement ou
finalement ça reste quelque chose comme ça, qu’on apprend ?
M : Des fois, quand on voit les thèmes, c’est vrai que je me dis, ah, je n’avais pas pensé à ça
mais c’est vrai qu’il a raison ou bien non, je suis pas du tout de son avis, après je me
demande de quel avis je suis, pourquoi je suis de cet avis puis de temps en temps, je
commence à penser un peu toute seule pendant le cours.
I : C’est quoi comme thème par exemple ?
M : La liberté on a dû faire une rédaction sur la liberté́ et c’est vrai que c’était un peu difficile,
après, j’ai commencé́ à me poser moi-même la question, mais qu’est-ce que la liberté́ , on a
commencé́ à en parler avec ma voisine pour finir, on suivait plus du tout le cours parce qu’on
discutait nous- mêmes.
I : Parce qu’en philosophie vous faites aussi des rédactions, ce n’est pas le même plaisir que
d’écrire un texte en français, c’est différent ?
M : C’est intéressant mais je ne suis pas très douée pour les argumentations et là, c’était
plutôt un problème d’argumentation, moi c’est vraiment les évocations, ma spécialité́ .

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Pour Monica :

1. Internalisation du dialogue : elle a un dialogue interne.


2. Autres partenaires de dialogue
3. Mais pas le genre « disputatio »

→ Dialogue et résistance ?

5. Approches contemporaines

Les perspectives dialogiques mettent en évidence les nombreuses « voix » de la culture, le


dialogue infini. Elles permettent de montrer que, de « l’interpersonnel » à
« l’intrapsychique », les voix sont inégales. La manière aussi dont les dialogues dans le
monde, entre personnes ou en soi se complètent les uns les autres.

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Approches centrées sur l’activité


Pour les autres approches, on s’était surtout basé sur le sens, la signification et les
interprétations de la réalité.
En opposition à cela, on est des êtres dans un monde matériel. On est dans un monde
médiatisé par des activités. La culture contrait et guide nos activités.

1. Théories de l’activité

Elle s’est développée dans l’entourage de Vygotsky par Leontiev. Sa manière d’essayer de
rendre compte du social est d’observer les activités concrètes. Vygotsky mettait l’accent sur
la médiation. Leontiev voit une activité faite par quelqu’un dans un contexte donné. L’unité
d’analyse des conduites humaines est l’activité. L’unité d’analyse articule la personne dans
son environnement culturel. C’est moins la médiation qui intéresse Leontiev.

Leontiev, 1981 : L’activité de personnes concrètes, qui ont lieu dans des situations
collectives ou dans des situations où la personne agit directement avec le monde des objets
qui l’entourent.

→ Le monde social, les personnes, les objets deviennent plus importants. On est dans le
concret.
→ L’activité humaine est un phénomène complexe situé et médiatisé.
→ Courants historico-culturels, théorie de l’activité, les CHAT (Cultural Historical Activity
Theory). On regarde les activités dans un contexte social et culturel.

Chez Leontiev, il y a une décomposition de l’activité :

● Mobiles, ce qui met en mouvement, la raison qui nous incite à faire quelque chose
● Action, il y a un but à atteindre
● Opérations, des moyens de réaliser mon action, la manière de le faire.

Exemple d’activité : lessiver et repeindre un appartement

→ Le but est de lessiver le mur pour que soit propre et que la peinture adhère au mur.

→ Les actions sont de mettre les scotchs, mettre le pinceau dans la peinture, on utilise des
objets, des brosses, des rouleaux, on a des moyens, des procédés opératoires, des
conditions de la réalisation (hauteurs des murs, qualité des outils).

→ Le mobile est de s’installer avec sa conjointe ou de rendre son appartement par exemple.
C’est la force qui engage la chose. C’est ce qui donne un sens à l’action. Le mobile à une
influence sur la qualité de l’action.

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2. Trois approches :

● L’activité distribuée
● Le système d’activité
● La communauté de pratiques

L’activité distribuée

Beaucoup de choses qu’on fait se font parce qu’elles impliquent beaucoup de choses et de
personnes. On fait les activités avec un certain nombre de personne.

Hutchins (1995) : La culture est un processus adaptatif qui accumule des solutions partielles
à des problèmes fréquemment rencontrés.
Ça ne se passe pas que dans la tête mais ça se passe de manière distribuée.
De nombreuses activités ne sont pas portées par une seule personne, mais par un système.

Exemple 1 : La « chambre chinoise » de John Searles


Searles se trouve dans une chambre et il y a un chinois dans l’autre. Entre les murs, il y a
une boîte aux lettres. Ils s’échangent des messages en chinois. Le chinois a eu la réponse
adéquate. La question est est-ce que Searles parle chinois ? Non il avait un manuel qui
disait de répondre tel signe quand il recevait tel signe. Le système avec le dispositif et le
lexique fait qu’ils ont parlé chinois. Searles a parlé chinois. Cette expérience montre qu’il y a
une activité qui a lieu, et elle a lieu parce qu’il y avait des dispositifs afin que cette action ait
lieu. Même si Searles ne parle pas chinois, là, il a parlé chinois. Il a fallu tout un système
pour faire que ça marche.
Il y a des savoir-faire qui se transmettent.

Exemple 2 : « Cognition in the wild » 1995


Hutchins va étudier ce qu’il va appeler la pensée en liberté. Il a étudié des navigateurs, des
pilotes d’avion. Il a étudié l’entrée des gros Cargo au port. Il faut des tas de personnes et des
tas d’outils pour y arriver. Chacun a des outils qui permettent d’avoir des repères quant à la
position du bateau. Chacun mesure un repère en particulier. Toutes les informations sont
transmises au conducteur qui place le bateau sur la carte. Quelqu’un doit calculer ou doit
aller le bateau. En fonction de ça, le navigateur demande si on peut changer la vitesse, etc.
L’officier prendra des décisions. Ce n’est pas la même chose s’il fait nuit, s’il y a du
Dans un système comme ça, personne ne prend la décision totalement seul. Les personnes
doivent être coordonnés, communiquer entre eux et tout cala fonctionne bien sans poser de
questions. On a produit culturellement un savoir-faire complexe que personne ne pourrait
faire seul.

Apprendre dans un tel système, c’est apprendre une part de l’activité seulement. L’activité a
besoin de toutes ses composantes. La personne n’a pas besoin de maîtriser le système pour
atteindre les buts.

Comment rendre compte des composantes de ces activité ?


Yrjo Engeström (1999) propose un modèle inspire des théories historico-culturelles de
l’activité, ou CHAT. Il y a des mobiles communs.

Le système d’activité (Engeström)

Il y a un système de règles, il y a une répartition du travail. Tout tient ensemble car on a un


but commun. Si on veut qu’un système de développe, il faut comprendre ou le système a
des conflits. Quand il y a un système qui ne marche pas, c’est souvent quand il y a une
contradiction dans le système. C’est une manière de parler de la culture car elle est dans le
système de relations. On s’intéresse comment la personne est en rapport avec d’autres.

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Exemple : Muller Mirza, 2009 : Le diagnostic paysan


Les gens ne comprennent pas pourquoi ça ne marche pas. Elle a voulu comprendre
comment le système a été mis en place et quels étaient les contradictions du système. Elle a
développé un diagnostic paysan afin que les paysans puissent faire leur demande. Ça ne
marchait pas car les gens ne participaient pas aux solutions mises en place.
Mais les gens ne formulaient jamais le problème. Ils ne formulaient pas bien leurs
demandes, ne communiquaient pas bien. L’outil de diagnostic paysan ne marche pas car
les gens exprimaient leur demande de manière tellement indirecte que les autres ne les
comprenaient pas. → Voir article

Comment réparer le système quand quelque chose ne va pas ?


Engeström parle d’expansive learning. Quand on répare le système, ce n’est pas qu’une
seule personne qui apprend, mais c’est tout le système qui apprend, de façon collective. Les
gens à l’intérieur du système apprennent à utiliser différents outils selon certaines règles
dans certaines système de relation pour atteindre certaines buts

La communauté de pratiques (Lave & Wenger, 1991)

Savoir agir dans le système, c’est devenir un membre du système. C’est notre appartenance
à une communauté de pratiques qui fait qu’on arrive à maitriser l’activité.
Ils ont observé des situations dans lesquelles des connaissances se transmettent et
s’apprennent. Les pratiques sont complexes. Il faut apprendre un sous-système culturel si on
veut comprendre comment quelqu’un devient membre d’une culture, il faut comprendre qu’il
y a un mouvement de la périphérie vers le centre au fur et à mesure qu’il observe, imite,
apprend le langage, apprend à participer aux relations sociales autant qu’aux actions.

Exemple 
Comment devient-on une sage-femme ? La personne qui veut devenir sage-femme va
d’abord observer une autre sage-femme, de manière périphérique. La sage-femme va lui
donner quelques tâches faciles à faire. Puis, la personne est progressivement reconnue par
le professionnel. Elle se rapproche de plus en plus du métier. C’est ce qu’ils appellent
l’apprentissage périphérique.

Apprentissage périphérique 

● Se fait du bord vers le centre.


● On passe des tâches simples aux tâches complexes.
● La connaissance se développe par l’action.
● L’action est reconnue
● Il n’y a pas forcément de transitions formelles

Exemple : Nous les apprentis, Cyril Mennegun, 2004 (Vidéo YouTube)


Ils développent leurs connaissances à travers la pratique. On est moins dans un rapport de
médiation. Ils font partie d’un système d’activités, il appartient à quelque chose.

3. Discussion

Ces trois approches montrent combien les interactions ne sont pas faites toutes seules, mais
avec des objets, des personnes, etc. L’activité des personnes se construit dans les systèmes
de personnages et d’objets complexes. La personne ne pense ou n’agit jamais seule. D’où
l’importance de la place de la personne dans le système et de la maîtrise des instruments
qui médiatisent. Le système d’activité (personnes et objets) et les buts communs sont
importants.

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Apprendre / se développer ne se passe pas que « dans la tête », mais c’est avant tout :

● Des activités orientées par des mobiles


● Trouver sa place dans le système, y être reconnu, développer une identité de
membre
● Maîtriser les outils (médiations)
● Pour atteindre des buts reconnus

Il y a une interaction entre le changement de la personne et du système.

Schéma (Salomon, 1993)

Ces modèles montrent une manière de résister à


une tendance cognitive ou on pensait que, pour
comprendre le psychisme, il faut comprendre des
processus mentaux. Il faut comprendre la
cognition comme quelque chose qui se passe
dans la tête et dans le cerveau.

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Approches centrées sur les représentations sociales


C’est une approche qui s’intéresse à la manière dont les personnes interprètent la réalité
mais pas de manière individuelle mais de manière collectivement. On crée alors de la
signification partagée.

1. Capturer le plan social

Comment on peut comprendre le social en train de se faire ?


Cette approche est une approche dialogique qui met l’accent sur le social.

2. Les représentations sociales

Serge Moscovici (1925 – 2014) Il s’intéresse à la psychanalyse, il a étudié la presse, les


médias : Comment différents journaux parlent du même thème ? Différents groupes sociaux
vont interpréter et diffuser les informations de manière différente.
Le travail de représentation sociale est le travail du sens commun qui résiste à
l’incompréhension.

Triangle de Moscovici :

Le but de toute représentation sociale est de rendre quelque chose de non familier, ou la non
familiarité elle-même, familier.
Un système de valeurs, d’idées et de pratiques qui a une double fonction : Premièrement,
d’établir un ordre qui permette aux individus de s’orienter dans leur monde matériel et social
et de la maîtriser. Deuxièmement, de permettre à la communication de s’établir entre les
membres d’une communauté en leur fournissant un code pour l’échange social et un code
pour nommer et classer de manière non ambiguë les divers aspects de leur monde et leur
histoire individuelle et sociale.

Les représentations sociales sont une manière de comprendre et d’interpréter le monde, de


lier le social et la personne et d’incitation à certaines pratiques.
Les représentations sociales se voient dans les pratiques et pas forcément dans le verbal.
(Exemple du VIH). Les représentations sociales guident nos pratiques, indépendamment de
notre raison.

Exemple Jodelet :

Les représentations sociales ne sont pas des représentations mentales sociales, elles
s’analysent dans les médias, les discours sociaux et les pratiques. Il y a des tensions, des
conflits entre les différents points de vue.

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3. Processus représentationnels (Bangerter, 2008)

1) L’ancrage : Une représentation sociale est un paquet d’idées qui s’ancre


différemment dans les groupes. C’est un processus de catégorisation par lequel un
nouveau savoir rencontré par un groupe est assimilé à un savoir connu.
2) L’objectification : C’est un processus par lequel un nouveau savoir acquiert une
signification concrète et matérielle dans l’univers symbolique dans lequel il pénètre.
On rend concret quelque chose afin de mieux le comprendre.
3) Polyphasie cognitive : C’est la coexistence de différents modes de savoirs. On a
différents modes de raisonnements qui reflètent différents types d’appartenance à
des groupes sociaux. Exemple : Quand on sait qu’on ne devrait pas croire à quelque
chose mais qu’on le fait quand même. (Exemple de la pleine lune)

Comment ça évolue ?
Modèle du Toblerone : ça évolue dans le temps, parce que le discours social lui-même
évolue. Ce n’est pas rigide. Les discours sociaux eux-mêmes ont une trajectoire. On
participe à cette transformation à tout moment.

4. Exemples de recherches

Exemple 1 : Dolly the sheep

Dolly est un mouton qui a été créé en laboratoire à partir de matériel biologique. On a cloné
une cellule. Ils ont suivi comment en une dizaine de jour comment cette information s’est
diffusée. Les journalistes ont utilisé le terme clonage car les gens connaissaient déjà ce
terme. Quand les scientifiques ont développé cela, ils ont donné le nom Dolly qui était une
chanteuse. La presse avant même que la découverte soit sortie, utilisent ce terme de
clonage.
Les gens font des associations avec des films de science-fiction. Ils se demandent si on va
cloner des humains ? ça crée des débats. La presse alimente ça. Le quatrième jour et
cinquième jour, il y a de l’humour qui en dégage. Le onzième jour, le président Bill Clinton
demande un moratoire et suspend les fonds. Cela est nourrit par la presse et l’imagination
des gens.
Ancrage : Le pape intervient, en disant que les scientifiques se prennent pour Dieu.
Objectification : Les gens font des références à la science-fiction, qui est un élément culturel
connu. On le rend concret en montrant des images avec des bébés en série, des moutons
en série, des Hitler en série, …

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Exemple 2 : Mère par don de sperme anonyme

Les mères célibataires peuvent faire appel à des banques de spermes, pour avoir un enfant
par le sperme d’un donneur anonyme.
Les femmes se positionnent alors par rapport aux représentations sociales qu’elles
perçoivent.

On identifie deux groupes :

● Celui de la famille, obéissent-elle à la tradition familiale qui suppose de se marier,


puis de fonder une famille, etc.
● Celui du choix : Ont-elles le choix d’avoir recours à un donneur de sperme
anonyme ?

a. Non-agentic, non-traditional
Elle se défend en disant qu’elle n’a pas le choix. Elle ne veut pas être jugée.
b. Agentic, traditional
Elle dit que son enfant vient de son ex-mari.
c. Non-traditional, agentic
On pourrait dire qu’elle égoïste, mais elle s’en fiche, elle assume son choix, même si les
gens pense qu’elle a fait un mauvais choix
d. Traditional, non-agentic
Elle n’a aucune honte, pour elle, c’est tout à fait normal.

Implication

Derrière le positionnement de ces femmes, on trouve des représentations sociales de famille


traditionnelle, et de l’autonomie ; comme des « impératifs identitaires ».
En même temps, les identités de ces femmes sont souvent ambivalentes, on retrouve des
modes de « polyphasie cognitive ».

5. Pertinence pour la psychologie culturelle

● Les représentations sociales sont des créations sociales collectives, des


condensations de significations (sémiotiques) dont les personnes font usage pour
interpréter la réalité, les autres, etc., en particulier dans des moments de rupture
individuelle et collective qui convoquent des phénomènes dialogiques.

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