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Evaluation et intervention

Marco G.P. Hessels & Christine Hessels-Schlatter (Eds)


Evaluation et intervention auprès d’élèves en difficultés
Les recherches scientifiques montrent qu’un grand nombre d’élèves ne béné-
ficient pas d’une forme d’enseignement apte à exploiter et stimuler au
mieux leurs ressources cognitives et scolaires. Les questions d’évaluation
et d’intervention sont donc d’importance. D’une part, l’évaluation ne doit
pas sous-estimer les compétences réelles de l’élève, et surtout ne doit pas
auprès d’élèves en difficultés
s’arrêter à ce que l’élève n’a pas encore appris mais s’intéresser à ce qu’il
peut encore apprendre. D’autre part, les interventions doivent être ciblées
et efficaces, afin d’amener chaque élève à exploiter au mieux ses compé-
tences et conduire celui qui en manque à les développer. Cet ouvrage Marco G.P. Hessels
présente un cadre théorique pour l’évaluation de la capacité d’apprentis-
sage et l’intervention métacognitive. Plusieurs études auprès d’élèves d’âges Christine
et de niveaux différents et dans des contextes divers sont présentées et dis- Hessels-Schlatter
cutées: élèves du niveau primaire avec difficultés d’apprentissage, jeunes en
formation préprofessionnelle avec déficience intellectuelle, jeunes en forma- (Eds)
tion professionnelle avec difficultés d’apprentissage ou déficience intellec-
tuelle, et élèves scolarisés dans des écoles spéciales (institutions) avec défi-
cience intellectuelle importante.

Dr Marco G.P. Hessels est maître d’enseignement et de recherche en

Marco Hessels and Christine Hessels-Schlatter - 9783035200003


éducation spéciale à l’Université de Genève. Il est l’auteur de deux tests
d’apprentissage (LEM et HART) et de nombreuses publications sur le
thème de l’évaluation et de l’intervention. Il est éditeur associé du Journal of

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Cognitive Education and Psychology, le journal officiel de l’International
Association for Cognitive Education and Psychology (IACEP).

Dr Christine Hessels-Schlatter est chargée d’enseignement en éduca-


tion spéciale à l’Université de Genève et coresponsable de l’Atelier
d’Apprentissage, un service pour élèves en difficultés d’apprentissage à
l’Université de Genève. Elle est co-auteur du Test d’Apprentissage de la
Pensée Analogique. Ses publications portent sur l’évaluation et l’interven-

via Université de Genève


tion auprès de populations à besoins éducatifs spéciaux.

Cet ouvrage a été réalisé avec le soutien de la Fondation Société Genevoise


pour l’Intégration Professionnelle d’Adolescents et d’Adultes (SGIPA).
Peter Lang

ISBN 978-3-03911-747-5

www.peterlang.com Peter Lang


Les recherches scientifiques montrent qu’un grand nombre d’élèves ne béné-
ficient pas d’une forme d’enseignement apte à exploiter et stimuler au
mieux leurs ressources cognitives et scolaires. Les questions d’évaluation
Evaluation et intervention
et d’intervention sont donc d’importance. D’une part, l’évaluation ne doit
pas sous-estimer les compétences réelles de l’élève, et surtout ne doit pas
auprès d’élèves en difficultés
s’arrêter à ce que l’élève n’a pas encore appris mais s’intéresser à ce qu’il

Marco G.P. Hessels & Christine Hessels-Schlatter (Eds)


Evaluation et intervention auprès d’élèves en difficultés
peut encore apprendre. D’autre part, les interventions doivent être ciblées
et efficaces, afin d’amener chaque élève à exploiter au mieux ses compé-
tences et conduire celui qui en manque à les développer. Cet ouvrage Marco G.P. Hessels
présente un cadre théorique pour l’évaluation de la capacité d’apprentis-
sage et l’intervention métacognitive. Plusieurs études auprès d’élèves d’âges Christine
et de niveaux différents et dans des contextes divers sont présentées et dis- Hessels-Schlatter
cutées: élèves du niveau primaire avec difficultés d’apprentissage, jeunes en
formation préprofessionnelle avec déficience intellectuelle, jeunes en forma- (Eds)
tion professionnelle avec difficultés d’apprentissage ou déficience intellec-
tuelle, et élèves scolarisés dans des écoles spéciales (institutions) avec défi-
cience intellectuelle importante.
Marco Hessels and Christine Hessels-Schlatter - 9783035200003

Dr Marco G.P. Hessels est maître d’enseignement et de recherche en


éducation spéciale à l’Université de Genève. Il est l’auteur de deux tests
d’apprentissage (LEM et HART) et de nombreuses publications sur le
thème de l’évaluation et de l’intervention. Il est éditeur associé du Journal of
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Cognitive Education and Psychology, le journal officiel de l’International


Association for Cognitive Education and Psychology (IACEP).

Dr Christine Hessels-Schlatter est chargée d’enseignement en éduca-


tion spéciale à l’Université de Genève et coresponsable de l’Atelier
d’Apprentissage, un service pour élèves en difficultés d’apprentissage à
l’Université de Genève. Elle est co-auteur du Test d’Apprentissage de la
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Pensée Analogique. Ses publications portent sur l’évaluation et l’interven-


tion auprès de populations à besoins éducatifs spéciaux.

Cet ouvrage a été réalisé avec le soutien de la Fondation Société Genevoise


pour l’Intégration Professionnelle d’Adolescents et d’Adultes (SGIPA).

Peter Lang
Peter Lang
Evaluation et intervention
auprès d’élèves en difficultés

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Marco G.P. Hessels &
Christine Hessels-Schlatter
(Eds)

Evaluation et intervention
auprès d’élèves en difficultés

PETER LANG
Bern · Berlin · Bruxelles · Frankfurt am Main · New York · Oxford · Wien

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Information bibliographique publiée par «Die Deutsche Nationalbibliothek»
«Die Deutsche Nationalbibliothek» répertorie cette publication dans la
«Deutsche Nationalbibliografie»; les données bibliographiques détaillées sont
disponibles sur Internet sous ‹http://dnb.d-nb.de›.

Cet ouvrage a été réalisé avec le soutien de la Fondation Société Genevoise


pour l’Intégration Professionnelle d’Adolescents et d’Adultes (SGIPA)

Photographie de couverture: Marco G.P. Hessels

ISBN 978-3-0352-0000-3

© Peter Lang SA, Editions scientifiques internationales, Berne 2010


Hochfeldstrasse 32, CH-3012 Berne
info@peterlang.com, www.peterlang.com, www.peterlang.net

Tous droits réservés.

Réimpression ou reproduction interdite par n’importe quel procédé, notamment par


microfilm, xérographie, microfiche, offset, microcarte, etc.

Imprimé en Suisse

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Table des matières

Les auteurs VII


Préface IX
Chapitre 1
Vers une évaluation adéquate et une intervention cognitive 1
ciblée auprès des élèves à besoins éducatifs particuliers
Marco G.P. Hessels & Christine Hessels-Schlatter
Chapitre 2
L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation des capacités 5
intellectuelles des élèves avec difficultés scolaires
Marco G.P. Hessels & Christine Hessels-Schlatter
Chapitre 3
Une évaluation plus fiable de la capacité d’apprentissage des 35
personnes présentant une déficience intellectuelle modérée
à sévère
Christine Hessels-Schlatter
Chapitre 4
Evaluation des capacités de raisonnement et prédiction des 51
apprentissages dans un domaine scolaire nouveau chez
des élèves présentant une déficience intellectuelle légère
Marco G.P. Hessels & Marlous Tiekstra
Chapitre 5
Raisonnement analogique et mémoire de travail chez des 67
personnes présentant une déficience intellectuelle modérée
à sévère
Caroline Bruttin & Fredi P. Büchel
Chapitre 6
Programmes d’intervention cognitive en éducation spéciale 79
Fredi P. Büchel

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VI Table des matières

Chapitre 7
Les jeux comme outils d’intervention métacognitive 99
Christine Hessels-Schlatter
Chapitre 8
Intervention métacognitive avec le programme DELF auprès 129
de personnes présentant une déficience intellectuelle
Fredi P. Büchel, Jean-Louis Berger, Nadine M. Kipfer &
Virginie Frauchiger
Chapitre 9
Acquisition et transfert de stratégies chez des élèves en 145
difficulté d’apprentissage
Mélanie S. Bosson
Chapitre 10
Un modèle d’intervention métacognitive pour les apprenants 159
en formation professionnelle initiale de deux ans: principes
d’application collective et efficacité
Jean-Louis Berger, Nadine M. Kipfer & Fredi P. Büchel
Chapitre 11
Application individualisée d’un module d’intervention 175
métacognitive pour les apprentis en formation
professionnelle initiale
Nadine M. Kipfer, Jean-Louis Berger & Fredi P. Büchel
Chapitre 12
Evaluation et intervention auprès d’élèves en difficultés: 191
synthèse et perspectives
Christine Hessels-Schlatter & Marco G.P. Hessels

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Les auteurs

Jean-Louis Berger Institut Fédéral des hautes écoles en


Formation Professionnelle, Lausanne.
jean-louis.berger@iffp-suisse.ch
Mélanie S. Bosson Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Education, Université de Genève.
melanie.bosson@unige.ch
Caroline Bruttin Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Education, Université de Genève.
caroline.bruttin@unige.ch
Fredi P. Büchel Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Education, Université de Genève.
fredi.buchel@unige.ch
Virginie Frauchiger Centre d’intégration socioprofessionnelle,
Conches (GE).
virginie_frauchiger@hotmail.com
Marco G.P. Hessels Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Education, Université de Genève.
marco.hessels@unige.ch
Christine Hessels-Schlatter Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Education, Université de Genève.
christine.hessels@unige.ch
Nadine M. Kipfer Institut Fédéral des hautes écoles en
Formation Professionnelle, Lausanne et
Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Education, Université de Genève.
nadine.kipfer@unige.ch
Marlous Tiekstra Faculté des Sciences Sociales et Compor-
tementales, Université de Groningen,
Pays-Bas.
m.tiekstra@rug.nl

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Préface

Depuis longtemps, la Société Genevoise pour l’Intégration Profession-


nelle d’Adolescents et d’Adultes (SGIPA) est associée d’une manière ou
d’une autre aux diverses écoles et institutions de formation du canton de
Genève. C’est ainsi qu’elle propose régulièrement des places de stages
aux étudiants de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Educa-
tion (FAPSE), de la Haute Ecole de Travail Social (HETS), ou depuis
peu aux apprentis du Centre de Formation Professionnelle Santé-Social
(CEFOPS). Parfois, quand une place était vacante, certaines ou certains
de ces stagiaires ont été engagés par la SGIPA, avec l’avantage pour eux
de mieux connaître le travail effectué dans l’institution, et pour leurs
futurs collègues celui d’avoir appris à les connaître.
De même, en 50 ans, bon nombre d’étudiants et d’enseignants de ces
écoles, comme aussi de l’Institut de Formation des Maîtres de l’Ensei-
gnement Secondaire (IFMES) ont eu la possibilité d’effectuer des tra-
vaux de recherche ou de mémoire dans les différents secteurs de la
SGIPA: preuve en est le nombre impressionnant de rapports répertoriés
dans notre bibliothèque. Ces relations entre notre institution et les insti-
tuts de formation sont également essentielles pour nous, dans la mesure
où, les théories psychologiques, pédagogiques et éducatives évoluant
sans cesse, il importe de se tenir au courant de ces évolutions. Elles sont
appelées en effet, dans le souci que les professionnels de la SGIPA ont
d’améliorer sans cesse la prise en charge des bénéficiaires, à avoir une
incidence sur les pratiques de cette prise en charge et sur l’évaluation des
bénéficiaires.
A cet égard, l’intervention de Marco Hessels, de la FAPSE, au sein
d’une de nos écoles (CEFI), est remarquable, en tant qu’elle propose une
appréciation plus juste et plus positive des compétences de nos élèves
que celle établie classiquement par un test de QI. En effet, là où le QI
définit les limites et les incompétences de l’individu, le test développé
par Marco Hessels met au contraire en évidence les potentialités et les
compétences des élèves. Une intervention dans une deuxième de nos
écoles (CISP) de Christine Hessels-Schlatter, également de la FAPSE, a
donné lieu à la mise en place d’un projet d’intervention cognitive avec

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X Préface

des jeux pédagogiques auprès de nos élèves, et ceci dans le cadre d’un
mémoire de Maîtrise en Education Spéciale. Ces recherches, dont les
résultats ont été présentés aux équipes respectives, symbolisent la vo-
lonté qu’a la Fondation SGIPA de collaborer avec le monde académique:
il était dès lors logique que, dans le cadre de son cinquantième anniver-
saire, la SGIPA soutienne le projet d’une publication sous la direction de
Marco Hessels et Christine Hessels-Schlatter.

Marc Chapelle
Directeur adjoint de la SGIPA
en charge du secteur formation

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Chapitre 1

Vers une évaluation adéquate et une intervention


cognitive ciblée auprès des élèves à besoins
éducatifs particuliers

Marco G.P. HESSELS & Christine HESSELS-SCHLATTER

Les questions autour de l’évaluation et de l’intervention préoccupent les


chercheurs depuis longtemps (par exemple Itard, Seguin, Pestalozzi,
Binet, Galton, Rey). Elles sont cependant toujours d’actualité, si ce n’est
plus, face aux changements rapides et demandes accrues de la société.
Ces changements exigent de tous une grande capacité d’adaptation:
l’élève doit se montrer efficace dans ses apprentissages scolaires et
l’adulte doit être productif dans son travail. Cependant, tous les élèves
n’arrivent pas à répondre aux exigences de l’école et de plus en plus de
jeunes se trouvent en rupture sociale, scolaire et/ou professionnelle.
Le Département de l’instruction publique (DIP) de Genève a énoncé
en 2005 un grand nombre de priorités pour l’éducation, dont le combat
contre l’échec scolaire et l’intégration des personnes souffrant d’un
handicap (DIP, 2010a). Des mesures comme l’instauration du Réseau
d’enseignement prioritaire (REP), le projet Réussir + (remédier à l’échec
aux examens d’apprentissage), l’adaptation des filières d’insertion
(réorienter et suivre les élèves en difficultés à l’issue de la scolarité
obligatoire) et la création du Secrétariat à la formation scolaire spéciale
(SFSS) ont été mises en place. L’organisation et le fonctionnement de
l’enseignement spécialisé, la promotion de la collaboration et les
interactions entre l’enseignement ordinaire et l’enseignement spécialisé,
ainsi que l’intégration des élèves en difficulté, font également partie de
ces mesures.
Paradoxalement, malgré tous ces efforts, et malgré le fait que l’inté-
gration soit devenue une priorité (une loi ayant même été votée récem-
ment à Genève), le placement d’élèves dans les classes spécialisées à

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2 Hessels & Hessels-Schlatter

Genève (et ailleurs en Suisse) ne cesse d’augmenter. Selon les statis-


tiques du DIP (2010b), le pourcentage d’élèves qui se trouvent dans une
structure spécialisée monte de 3.04% en 2001 à 3.62% en 2005. Après
un très léger recul en 2006 (3.58%), le pourcentage augmente à 3.73% en
2009 (nous nous limitons ici à l’enseignement primaire, les données au
niveau secondaire étant incomplètes). Les questions d’une évaluation la
plus juste possible, qui ne sous-estime pas les compétences réelles de
l’élève, et surtout qui ne s’arrête pas à ce que l’élève n’a pas encore
appris mais qui s’intéresse à ce qu’il peut encore apprendre, ainsi que
d’interventions ciblées et efficaces, à savoir qui amènent chaque élève à
exploiter au mieux ses compétences et conduisent celui qui en manque à
les développer, sont donc d’importance.
Par rapport à l’évaluation, les tests d’apprentissage ont été proposés
comme alternative aux tests d’intelligence classiques, ces derniers pré-
sentant de sérieux problèmes lorsqu’ils sont utilisés pour l’évaluation de
populations dites spéciales. Par rapport à l’intervention, des méthodes et
des programmes (désignés par exemple par les termes d’éducation
cognitive, de teaching thinking skills ou d’intervention métacognitive)
dont le but est d’améliorer les compétences d’apprentissage et l’efficience
intellectuelle ont été développés. Ces méthodes se distinguent de l’ensei-
gnement traditionnel en ce qu’elles ne visent pas la simple transmission de
connaissances, mais cherchent à développer les stratégies et les processus
qui sous-tendent l’apprentissage et la pensée, ou autrement dit, l’acqui-
sition et l’utilisation des connaissances. Comme le soulignait déjà Binet
(1909, p. 150) dans ce qu’il appelait l’orthopédagogie mentale: «On ne
cherche pas à apprendre aux enfants une notion, un souvenir, on met leurs
facultés mentales en forme». La métacognition (définie comme les
connaissances sur, et le contrôle de son propre fonctionnement cognitif),
qui s’avère insuffisamment développée chez les élèves avec difficultés
d’apprentissage ou présentant une déficience intellectuelle, est au cœur de
bon nombre de ces approches. Plusieurs méta-analyses (p.ex. Dignath &
Büttner, 2008; Dignath, Büttner, & Langfeldt, 2008; Higgins, Hall,
Baumfield, & Moseley, 2005) montrent que les programmes d’inter-
vention cognitive-métacognitive ont des effets importants aussi bien sur
les habiletés cognitives que sur les performances scolaires.

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Vers une évaluation adéquate et une intervention ciblée 3

Cet ouvrage présente des études portant sur l’évaluation et l’inter-


vention cognitive et métacognitive auprès d’élèves d’âges et de niveaux
différents et dans des contextes divers: élèves du niveau primaire avec
difficultés d’apprentissage, jeunes en formation préprofessionnelle avec
déficience intellectuelle, jeunes en formation professionnelle avec diffi-
cultés d’apprentissage ou déficience intellectuelle, et élèves scolarisés
dans des écoles spéciales (institutions) avec déficience intellectuelle
importante. Ces études ont été effectuées soit à un niveau individuel
(clinique), soit en groupe (classes).
Le chapitre 2 présente une introduction aux tests d’apprentissage. Les
critiques formulées à l’égard des tests d’intelligence traditionnels (tests
QI) sont discutées, ainsi que les solutions que les auteurs des tests
d’apprentissage tentent d’apporter par rapport aux insatisfactions et
problèmes liés aux tests QI. Après une présentation des buts et procé-
dures, cinq approches sont exposées: les travaux de Budoff, Carlson et
Wiedl, Feuerstein, Guthke, et Hessels.
Les chapitres 3 et 4 abordent les difficultés rencontrées dans l’éva-
luation des personnes présentant une déficience intellectuelle légère
(chapitre 4) et modérée à sévère (chapitre 3), et proposent deux tests
d’apprentissage pour l’estimation des capacités cognitives de ces per-
sonnes. Différentes études empiriques qui confirment la validité de ces
tests sont présentées et les auteurs (chapitre 4) soulignent la nécessité de
valider les tests d’apprentissage avec des tests scolaires dynamiques.
Le chapitre 5 traite du lien entre le raisonnement analogique et la
mémoire de travail chez les personnes avec une déficience intellectuelle.
L’étude a pour but d’évaluer les possibilités de compensation des déficits
de la mémoire de travail de ces personnes dans des tâches analogiques, et
de vérifier si une telle compensation permet aux participants d’obtenir
des performances similaires à celles d’enfants sans déficience de même
âge mental.
Dans le chapitre 6, les fondements des programmes d’éducation
cognitive, ainsi que leurs conditions d’application sont exposés. L’auteur
discute également de l’importance de l’évaluation de ces programmes.
Le chapitre 7 aborde la métacognition, la médiation et les questions
de transfert dans le cadre de l’élaboration d’une approche d’intervention
métacognitive basée sur les jeux. Celle-ci est illustrée par une étude

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4 Hessels & Hessels-Schlatter

d’intervention auprès de deux adolescents présentant une déficience


intellectuelle modérée à sévère.
Les chapitres 8 à 11 exposent les résultats d’études d’intervention
métacognitive auprès de jeunes avec une déficience intellectuelle en
formation préprofessionnelle (chapitre 8), d’élèves de l’école primaire
présentant des difficultés d’apprentissage importantes (chapitre 9), d’ap-
prenants en formation professionnelle initiale de deux ans (chapitre 10)
et de jeunes en formation CFC qui rencontrent des difficultés d’appren-
tissage (chapitre 11).
Le chapitre 12 présente une synthèse des travaux discutés dans cet
ouvrage et soulève des questions et thèmes à considérer dans l’élabo-
ration de projets de recherche futurs.
Nous espérons que ce livre, qui est le fruit d’une collaboration étroite
entre l’équipe d’Education Cognitive en éducation spéciale (EdCog) de
l’Université de Genève et la Société Genevoise pour l’Intégration Pro-
fessionnelle d’Adolescents et d’Adultes (SGIPA), peut contribuer à enri-
chir la réflexion sur ces questions.

Références
Binet, A. (1909). Les idées modernes sur les enfants. Paris: Flammarion.
Département de l’instruction publique, de la culture et du sport (2010a). 13 priorités pour
l’instruction publique. Accès 9 avril 2010: http://www.ge.ch/dip/13_priorites.asp.
Département de l’instruction publique, de la culture et du sport (2010b). Annuaire
statistique de l’enseignement public et privé à Genève. Accès 9 avril 2010:
http://www.ge.ch/sred/annuaire.html.
Dignath, C., & Büttner, G. (2008). Components of fostering self-regulated learning
among students. A meta-analysis on intervention studies at primary and secondary
school level. Metacognition and Learning, 3, 231-264.
Dignath, C., Büttner, G., & Langfeldt, H.-P. (2008). How can primary school students
learn self-regulated learning strategies most effectively? A meta-analysis of self-
regulation training programmes. Educational Research Review, 3, 101-129.
Higgins, S., Hall, E., Baumfield, V., & Moseley, D. (2005). A meta-analysis of the
impact of the implementation of thinking skills approaches on pupils. In Research
evidence in education library. London: EPPI-Centre, Social Sciences Research Unit,
Institute of Education, University of London.

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Chapitre 2

L’apport des tests d’apprentissage dans


l’évaluation des capacités intellectuelles
des élèves avec difficultés scolaires

Marco G.P. HESSELS & Christine HESSELS-SCHLATTER

1 Introduction

Cela fait déjà plus d’un siècle que Binet et Simon (1905) ont publié leurs
«Méthodes nouvelles pour le diagnostic du niveau intellectuel des
anormaux», considéré comme le premier test d’intelligence. Selon ces
auteurs, l’intelligence est une construction complexe: il s’agit d’un éven-
tail de «facultés psychiques», fortement liées les unes aux autres. Bien
que Binet et Simon aient reconnu l’existence de différences innées au
niveau de l’intelligence, ils ont également affirmé que l’entraînement des
différentes facultés, comme le raisonnement logique ou la mémoire,
influençait le niveau d’intelligence tel que mesuré avec leur test. De plus,
ils ont souligné la nécessité de distinguer entre l’intelligence ou la
capacité d’apprendre d’un côté, et l’influence des apprentissages anté-
rieurs, de l’autre:
C’est l’intelligence seule que nous cherchons à mesurer, en faisant abstraction
autant que possible du degré d’instruction dont jouit le sujet. Celui-ci doit même
être considéré comme un ignorant complet, qui serait supposé ne savoir ni lire ni
écrire. Cette nécessité nous entraîne à sacrifier beaucoup d’exercices, ayant un
caractère verbal, ou littéraire, ou scolaire. On les reportera à l’examen pédagogique
(Binet et Simon, 1905, p. 196).

Binet et Simon considéraient, l’intelligence comme une entité malléable.


Malheureusement, lorsque leur test a été traduit pour son utilisation aux
Etats-Unis (Terman, 1916), cette définition de l’intelligence n’a pas été
retenue. Aux Etats-Unis, et sous l’influence de la théorie de l’évolution
de Darwin, l’intelligence était vue comme un trait héréditaire et immu-

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6 Hessels & Hessels-Schlatter

able. Rapidement, elle a été exprimée par le quotient entre l’âge mental
et l’âge chronologique: le fameux Quotient Intellectuel (QI; Stern, 1911).
Aujourd’hui encore, les tests d’intelligence sont utilisés en relation
avec l’école, avec comme but principal la classification des élèves.
Celle-ci est considérée comme intimement liée à la prédiction de leur
réussite scolaire future. Ainsi, on estime qu’un enfant qui éprouve des
difficultés scolaires, mais qui présente une intelligence moyenne à
élevée, a suffisamment de ressources pour réussir dans le cursus ordi-
naire, en particulier s’il bénéficie d’un soutien individuel dans les ma-
tières qui lui posent problème. Le pronostic est bon pour cet élève. Par
contre, on estime qu’un enfant qui éprouve des difficultés et qui a, de
surcroît, une intelligence en-dessous de la moyenne, a peu de chance de
réussite à l’école régulière, même avec un soutien individuel. Le pro-
nostic est mauvais et l’enfant est généralement placé dans une classe
spécialisée avec des attentes de réussite ajustées vers le bas. Cependant,
les tests d’intelligence ont été fortement critiqués, particulièrement en ce
qui concerne la validité prédictive et de construit (Beckmann, 2001,
2006; Bethge, Carlson, & Wiedl, 1982; Budoff, 1967; Budoff, Meskin,
& Harrison, 1971; Carlson & Wiedl, 1978; Dillon & Carlson, 1978;
Feuerstein, Rand, & Hoffman, 1979; Guthke, 1977; Guthke, Beckmann,
& Stein, 1995; Haywood & Tzuriel, 1992; Hessels, 1993, 1997, 2000,
2009; Hessels-Schlatter, 2002a, b; Lidz, 1987; Lidz & Elliott, 2000;
Resing, 1990; Schlatter, 1999).

2 La critique des tests d’intelligence

Une critique générale concerne le fait que les tests d’intelligence clas-
siques (tests QI) manquent d’un cadre théorique fort, notamment en ce
qui concerne l’interprétation des résultats en termes de construction des
opérations de la pensée. Les tests d’intelligence ne se fondent pas sur une
théorie élaborée du développement de l’intelligence (Huteau & Lautrey,
1999). Une pléthore de théories ont été développées depuis le début du
siècle passé pour définir l’intelligence, mais le contenu et la procédure
des tests n’ont pas évolué depuis. Lautrey et Huteau (1990) remarquent

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 7

que les tests d’intelligence sont restés les mêmes, mais que leur inter-
prétation change parfois selon le cadre théorique utilisé. Ces auteurs
donnent en exemple les Matrices Progressives de Raven (1938) qui sont
considérées comme la meilleure mesure du facteur g, mais qui sont
également utilisées pour mesurer les différents composants de la théorie
componentielle de Sternberg (1985) ou les processus d’intégration
simultanés chez Das et Naglieri (1992).
La principale remise en question des tests QI concerne leur validité
prédictive. Les corrélations entre les scores aux tests d’intelligence et les
réussites scolaires varient généralement entre .20 et .60 selon le critère
utilisé. Dans leur revue de la littérature, Snow et Yalow (1982) ont
trouvé une corrélation moyenne de .50. Resing et Drenth (2007) concluent
que les tests d’intelligence ne prédisent qu’à peine la moitié de la
variance de la réussite scolaire, et dans certains cas beaucoup moins (par
exemple, une corrélation de .20 correspond à 4% de différences expli-
quées). Malgré le fait que d’autres facteurs, comme la motivation, le
statut socioéconomique, les différences culturelles et les conditions de
vie influencent la réussite scolaire, l’intelligence reste le plus fort prédic-
teur. Néanmoins, même si ce constat est vrai pour la population indigène
de classe moyenne, d’amples recherches ont montré que ceci n’est pas le
cas pour les enfants avec des difficultés d’apprentissage (Guthke, 1977;
Hessels, 2009; Resing, 1990), les enfants avec une déficience intellec-
tuelle (Bosma & Resing, 2006; Budoff & Friedman, 1964; Hessels-
Schlatter, 2002a, b; Schlatter, 1999; Tiekstra, Hessels, & Minnaert,
2009; chapitres 3 et 4 de cet ouvrage), les enfants de minorités ethniques
(Dillon & Carlson, 1978; Hessels, 1993, 1997, 2000), les enfants
impulsifs (Wiedl, 1980), ou plus généralement les enfants «à risques»
(Beckmann, 2006; Hessels, Berger, & Bosson, 2008). Ces auteurs
concluent qu’une procédure sans aides ou feed-back et sans vraies inter-
actions avec la personne examinée ne convient pas aux élèves provenant
des groupes susmentionnés.
La validité prédictive des tests d’intelligence doit également être re-
liée à la question du lien entre le QI et l’intelligence. L’intelligence étant
définie comme la capacité d’apprendre, les tests devraient mesurer cette
capacité. Comme le formule Thorndike (1926, p. 17): «To be able to
learn harder things or to be able to learn the same things more quickly,

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8 Hessels & Hessels-Schlatter

would then be the single basis of evaluation». Cependant, de nombreux


auteurs ont argumenté que les tests d’intelligence ne permettent pas
d’évaluer l’intelligence définie comme la capacité d’apprendre, parce
qu’ils évaluent ce qui a déjà été appris et non ce qui peut encore être
appris. Il est implicitement considéré dans un test classique que tous les
enfants ont bénéficié des mêmes opportunités d’apprentissage, leur per-
mettant d’acquérir spontanément les compétences nécessaires pour
l’école. Or, les résultats aux tests QI sont fortement influencés par les
expériences préparatoires, antérieures à l’école. Par conséquent, ces tests
peuvent défavoriser certains élèves et conduire à une classification
erronée dans la catégorie de déficience intellectuelle. Beckmann (2006) a
même conclu que la validité de construit des tests QI n’est pas garantie,
parce que l’opérationnalisation de l’intelligence dans les tests ne corres-
pond pas à sa définition. Si un enseignement n’est pas inclus dans le test,
alors les enfants ne peuvent pas, ou qu’implicitement, apprendre. Par
conséquent, il existe une sous représentation du construit «capacité
d’apprendre» dans le test, ce qui nuit à la validité. L’apprentissage, en
réalité, n’est pas désiré dans les tests QI parce qu’il est considéré comme
compromettant pour la fidélité (Hessels, 2009; Hessels-Schlatter &
Hessels, 2009).
Une autre critique par rapport aux tests d’intelligence est le fait qu’ils
n’évaluent que le produit final du raisonnement et non les processus en
jeu (p.ex. Feuerstein et al., 1979; Guthke et al., 1995). Ils ne permettent
pas d’inférer ce qui explique une faible performance, ou pourquoi un
élève échoue à certains items. Même pour des enfants sans difficultés, le
chemin pour aboutir à une performance particulière est différent d’un
enfant à l’autre, ce qui n’est pas visible dans un test traditionnel. Or, dès
qu’on ne s’intéresse pas à une simple classification, mais plutôt à la mise
en place d’une intervention pédagogique, la problématique des processus
de résolution sous-jacents à la performance est d’importance. Canter
(1990), dans sa critique de la quatrième édition du Stanford-Binet, a
déploré le fait que cet instrument, comme d’autres tests classiques, ne
fournit pas d’indications adéquates aux enseignants et psychologues sur
la façon de stimuler le fonctionnement cognitif individuel. Le constat
que la performance est faible dans un test ne contribue ni à la compré-
hension des problèmes que rencontre l’enfant, ni à leur remédiation

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 9

(Lidz, 1997; Schlatter, 1999). Cependant, les tests QI sont presque tou-
jours les seuls instruments utilisés par les psychologues scolaires.
La variabilité intra-individuelle dans les performances est également
mentionnée dans la littérature scientifique, aussi bien pour des questions
de fidélité que de validité (Carlson & Wiedl, 1992; Feuerstein et al.,
1979; Guthke, 1977). En ce qui concerne la validité, on reproche aux
tests d’intelligence qu’ils ne permettent pas d’obtenir la meilleure
performance possible de l’individu testé, et qu’ils ne tiennent pas compte
de cette variabilité intra-individuelle. Carlson et Wiedl (1978, 1992;
Bethke et al., 1982; Wiedl, 1980) ont démontré dans plusieurs études
qu’avec des consignes ou des procédures optimalisées, les performances
des individus testés augmentent. Nos propres études avec le Hessels
Analogical Reasoning Test (HART), qui sera décrit dans le chapitre 4 de
cet ouvrage, ont montré les mêmes effets auprès de jeunes enfants, ainsi
que d’élèves fréquentant des classes spécialisées (Hessels, 2009). La
variabilité intra-individuelle n’est pas désirée dans un test classique, car
elle est synonyme d’un manque de fidélité de l’instrument de mesure.
Pour Carlson et Wiedl (1992) cependant, cette variation représente une
information importante sur les facteurs responsables des erreurs des
élèves, tels l’impulsivité et le manque de familiarisation avec le matériel.
Par rapport à la fidélité, le problème de variabilité intra-individuelle a
déjà été critiqué en 1930 par Kern qui a démontré qu’une deuxième
passation d’un test d’intelligence est plus fidèle que la première passa-
tion. Kreuz (1934) a même prôné la répétition d’un test, afin d’obtenir
une mesure plus fidèle en réduisant les influences dues à des facteurs
non cognitifs (par exemple émotion, motivation et intérêt). Pour cet
auteur, la procédure devrait permettre à l’aptitude évaluée de s’actualiser
dans les conditions les plus favorables possibles. Par conséquent, il
conseillait d’appliquer un test plusieurs fois et de ne considérer que les
résultats qui se répètent, ce qui limite le risque de hasard dans les
réponses. Rey (1950) conseillait la même procédure, en soulignant que
les facteurs non cognitifs influencent plus fortement les résultats des
enfants dont le score initial est faible.
Comme nous l’avons vu, l’utilisation des tests classiques avec des po-
pulations spéciales est particulièrement critiquée par nombre d’auteurs.
Ces auteurs ont argumenté que pour l’évaluation des personnes de ces

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10 Hessels & Hessels-Schlatter

groupes il est nécessaire d’adopter une procédure dynamique, afin d’as-


surer la compréhension des instructions, de clarifier les attentes, et de
réduire les biais dus à des difficultés de langage et à la culture. Dans la
suite de ce chapitre nous vous présentons quelques procédures qui ont
été créées en réponse aux insatisfactions liées aux tests d’intelligence
traditionnels. Plusieurs termes sont utilisés dans la littérature pour
désigner ces procédures: évaluation dynamique, test dynamique, test
d’apprentissage, test du potentiel d’apprentissage, évaluation interactive
et testing-the-limits. Le terme dynamique est ici en opposition au terme
statique, afin de souligner le changement majeur adopté dans ces procé-
dures, à savoir qu’une situation d’apprentissage est incluse dans le test
lors de laquelle l’administrateur du test et l’enfant interagissent. Pour
certains auteurs, le terme dynamique se réfère également au fait qu’on
s’intéresse à évaluer des processus plutôt que des produits. Dans cet
ouvrage, nous privilégions le terme «test d’apprentissage». En terme plus
général de procédure, nous parlons également de «l’évaluation dyna-
mique».

3 L’évaluation dynamique

Les insatisfactions avec les tests d’intelligence ont abouti à l’élaboration


des tests d’apprentissage. Ces tests ont en commun le fait que le facteur
apprentissage ou enseignement est présent dans la procédure du test.
L’évaluation porte par conséquent sur la capacité de la personne à
profiter de l’enseignement. Guthke et Wingenfeld définissent la méthode
dynamique en ces termes:
This diagnostic method differs from conventional intelligence tests in that exa-
miners record not only how persons solve particular test items without help by the
examiner, but also to what extent they are able to improve their test performance, if
they are provided with feedback, prompts, or even complete training programs
between a pretest and a posttest (Guthke & Wingenfeld, 1992, p. 64).

Pour Babad et Budoff (1974, p. 440), l’évaluation de l’intelligence est


intimement liée à la modifiabilité de cette dernière: «The focus of the
learning potential-paradigm is on the child’s trainability, that is, his

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 11

ability to improve performance on reasoning problems following a


systematic learning experience». Toutes les approches ont en commun le
fait qu’un entraînement ou des aides sont introduits dans le test. Les
approches diffèrent cependant quant à la nature et à l’étendue des aides
fournies, allant du simple feed-back après une réponse, à un enseigne-
ment explicite des règles et stratégies nécessaires pour résoudre les
tâches. Par ailleurs, il est important de souligner que les auteurs ne
poursuivent pas tous les mêmes buts. Pour certains, il s’agit d’offrir un
diagnostic différentiel plus fidèle et valide avec des outils standardisés,
tandis que d’autres cherchent à dégager les informations nécessaires à la
mise en place d’une intervention psychopédagogique à l’aide de pro-
cédures cliniques (Hessels-Schlatter & Hessels, 2009).
Les approches dynamiques peuvent être classées selon leur orienta-
tion théorique (zone proximale de développement; expériences d’ap-
prentissage médiatisé; intelligence A, B, C; éducabilité de l’intelligence),
le but de l’évaluation (classification, prédiction, identification de forces
et faiblesses, lien avec l’intervention), le type d’habileté évaluée (géné-
rale ou spécifique à un domaine), le type de tâches employées (tâches
inductives, tâches cognitives spécifiques à un domaine, tâches scolaires),
la nature de l’interaction entre l’examinateur et l’élève (standardisée ou
clinique), et selon le type de mesure obtenue (gains, statut de l’élève,
nombre d’aides nécessaires, fonctions cognitives déficientes). Les
approches se différencient également selon la quantité et la qualité des
évidences empiriques qui les soutiennent (Schlatter, 1999).
Trois types de procédures sont le plus couramment utilisés: test-
entraînement-test, entraînement-test, et aides en cours de test. Dans le
premier cas, on applique un pré-test de manière classique, sans aides,
suivi d’un entraînement à la résolution des tâches. Ensuite, un post-test
est administré, également d’une manière statique. Dans le deuxième cas,
la procédure débute directement par une phase d’entraînement. Celle-ci
est suivie d’un test administré de manière statique. Dans le troisième cas,
les aides sont données en cours de test, en fonction des erreurs. Ces trois
procédures donnent lieu à différentes mesures. Par exemple des gains
d’apprentissage (différence des scores entre le pré-test et le post-test), le
nombre d’aides nécessaires pour atteindre un critère, ou un score total au
test, pouvant éventuellement être comparé à une norme.

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12 Hessels & Hessels-Schlatter

Beaucoup d’auteurs, notamment chez les précurseurs, ont repris des


tâches de tests d’intelligence ou d’aptitude existants. Feuerstein (Feuer-
stein et al., 1979) justifie ce choix avec l’argument que les tests doivent
cibler des processus mentaux d’ordre supérieur telle la pensée fluide. Les
Matrices Progressives Colorées (CPM) de Raven (1958a) ont été le plus
utilisées, notamment par Budoff, Carlson et Wiedl, Feuerstein, et
Guthke. Feuerstein (Feuerstein et al., 1979) a repris délibérément le
CPM afin de prouver que l’intelligence est modifiable. Le CPM sature
fortement en facteur g et est considéré comme une mesure de l’intelli-
gence pure, indépendamment de la culture et du langage, une carac-
téristique dite innée et stable de l’individu. En utilisant ce type de tâche,
Feuerstein a pu démontrer que l’intelligence n’est ni stable, ni innée. De
plus, cet auteur défend l’idée de choisir des tâches qui permettent de
mettre en œuvre des fonctions cognitives générales et non spécifiques à
un domaine. Budoff (1967; Budoff & Friedman, 1964) a également
choisi des tâches qui mesurent le raisonnement fluide et non des acqui-
sitions. Budoff, dont la préoccupation était de proposer une meilleure
mesure des capacités des enfants de milieux socioculturels défavorisés, a
délibérément choisi des tâches n’impliquant aucune composante langa-
gière afin de ne pas pénaliser ces enfants. Un autre argument avancé
dans le choix des tâches concerne la motivation. Ainsi, le choix de tâches
non scolaires permet d’éviter des réactions négatives de l’élève suite à
des expériences d’échec répétées sur ce type de tâches.
D’autres auteurs, par contre, estiment que les tâches devraient être
spécifiques à un domaine, et privilégient des tâches scolaires afin de
faire le lien avec des objectifs et contenus académiques. Guthke, bien
qu’il ait toujours utilisé des tâches de raisonnement non scolaires, a
suggéré que de telles évaluations devraient être complétées par des tests
de connaissances scolaires. Snow et Lohman (1989) postulent également
que les tests utilisés en éducation permettraient une meilleure orientation
de l’action pédagogique s’ils n’évaluaient pas seulement la mise en
œuvre ou l’efficacité des processus cognitifs généraux, mais aussi le
contenu et la structure des bases de connaissances sur lesquelles ces
processus opèrent.

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 13

4 La capacité d’apprentissage: quelques études


et outils d’évaluation

Nous présentons ici brièvement les travaux de Budoff, Carlson et Wiedl,


Feuerstein et Guthke, ainsi que nos propres recherches avec le Leertest
voor Etnische Minderheden (LEM), test d’apprentissage pour enfants de
minorités ethniques. Deux autres instruments sont présentés d’une
manière plus exhaustive dans les chapitres 3 et 4 de cet ouvrage. Les
études de l’équipe de Budoff et celles de Carlson et Wiedl ont eu une
grande influence dans ce champ de recherche, malgré le fait qu’ils n’ont
jamais édité leurs tests d’apprentissage. Feuerstein et Guthke, quant à
eux, ont élaboré et édité des tests d’apprentissage, mais avec des
objectifs et arguments très différents. Le lecteur trouvera de plus amples
informations sur les recherches et les tests d’apprentissage dans, par
exemple, Carlson (1995), Hamers, Sijtsma et Ruijssenaars (1993),
Haywood et Tzuriel (1992), Lidz (1987), Lidz et Elliott (2000) et Van
der Aalsvoort, Resing et Ruijssenaars (2002).

4.1 La surreprésentation des élèves de milieu défavorisé en classes


spéciales: les procédures de Milton Budoff

Budoff a été l’un des premiers auteurs à travailler de manière systéma-


tique dans le développement de tests d’apprentissage. Budoff est parti du
constat que les élèves de milieux socio-économiques ou culturels dé-
favorisés sont surreprésentés dans les classes spéciales. Il a fait l’hypo-
thèse que les tests d’intelligence classiques sous-estiment leurs capacités
réelles, et que des biais dans les résultats surgissent à cause des compo-
santes verbales et culturelles impliquées dans les tests d’intelligence. Son
objectif a été d’élaborer des instruments qui, en évitant ces biais, per-
mettent de distinguer parmi les élèves classés comme présentant une
déficience intellectuelle d’après un test QI, ceux qui présentent effective-
ment une capacité générale limitée à raisonner et à apprendre, de ceux
qui n’en présentent pas (il utilise le terme de pseudo-déficience). Budoff
a créé une procédure générale, appliquée dans différents instruments

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14 Hessels & Hessels-Schlatter

avec un pré-test, un entraînement et un post-test. Le pré-test, administré


de manière statique, permet d’obtenir une mesure du produit d’appren-
tissages antérieurs, ce qui est comparable à un test d’intelligence tra-
ditionnel. L’entraînement, qui est relativement standardisé, a comme
objectif de fournir aux individus les expériences nécessaires pour la
résolution des tâches. Les stratégies et principes de résolution, ainsi que
des stratégies de planification et de vérification sont enseignés. Le post-
test fournit une mesure statique du niveau de performance atteint après
l’entraînement. La procédure devrait en outre minimiser les effets de
facteurs émotionnels, tels que la peur de l’échec, une mauvaise image de
soi, et améliorer la motivation en maximisant les réussites. Budoff a
principalement utilisé des tâches provenant de tests d’intelligence
existants. Le choix des tâches est basé sur trois conditions: elles doivent
être non verbales, elles ne doivent pas impliquer de connaissances
préalables, et elles doivent saturer en facteur g.
Budoff et ses collègues (Budoff, 1987; Budoff & Corman, 1976;
Budoff & Friedman, 1964; Budoff et al., 1971) ont élaboré plusieurs
tests comme le Block Design Learning Potential Test (BDLPT), basé sur
les blocs de Kohs (1923) et le Raven Progressive Matrices Learning
Potential Test (RPMLPT), basé sur le CPM de Raven (1958). Une ver-
sion puzzle du RPMLPT a été créée pour l’évaluation des adolescents et
adultes qui présentent une déficience intellectuelle modérée à sévère.
Deux autres tests ont encore été élaborés, le Series Learning Potential
Test (Babad & Budoff, 1974) et le Picture Word Game (Budoff, 1987),
le seul parmi ses instruments qui ne contient pas de pré-test, destiné à
l’évaluation des compétences langagières des jeunes enfants de faible
niveau intellectuel.
Budoff (Budoff & Friedman, 1964; Budoff et al., 1971) a montré que
le niveau de performance d’adolescents institutionnalisés avec une défi-
cience intellectuelle légère à modérée, après un entraînement, pouvait
atteindre le même niveau que celui d’adolescents sans déficience, de
même âge chronologique. Cependant, l’effet de l’entraînement n’était
pas pareil pour tous. Certains ont significativement augmenté leur score
entre le pré- et post-test (les gainers), tandis que d’autres ne l’ont pas
augmenté (les non-gainers). De plus, Budoff a trouvé qu’une partie du
groupe, qu’il a appelé les high scorers, avait déjà une bonne compré-

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 15

hension du problème avant l’entraînement et a fait preuve de perfor-


mances de même niveau que des élèves sans déficience lors du pré-test.
Leur réussite a été attribuée au caractère non verbal, non scolaire et
manipulable du matériel utilisé. Ces résultats confirment le postulat de
Budoff d’une inadéquation des critères habituellement utilisés pour
catégoriser les individus avec déficience intellectuelle, puisque le test
d’apprentissage a pu mettre en évidence que certains adolescents pré-
sentent plus de capacités de raisonnement et d’apprentissage que ne
laisse penser un test traditionnel d’intelligence. Budoff (Budoff et al.,
1971) a également démontré que la procédure avait une valeur prédictive
supérieure à celle d’un test QI, en utilisant un programme d’appren-
tissage scolaire motivant dans le domaine de l’électricité. Le programme
a favorisé la manipulation et la découverte, tout en minimisant les capa-
cités verbales. L’évaluation du potentiel d’apprentissage avec le BDLPT
s’est montré un meilleur prédicteur des capacités de profiter d’un ensei-
gnement scolaire en électricité que le QI ou l’appartenance à un groupe
(avec déficience intellectuelle en classe spéciale, ou sans déficience en
classe ordinaire).
Pour Budoff, ces résultats ont des implications importantes sur le plan
éducatif. Premièrement, ils démontrent qu’une partie des élèves classés
dans les rangs de la déficience intellectuelle légère à modérée sont ca-
pables d’apprendre, contrairement à ce qui est sous-entendu d’après leurs
scores QI. Deuxièmement, c’est principalement sur du matériel verbal
que ces groupes éprouvent des difficultés. Les programmes d’enseigne-
ment pour ces personnes devraient en tenir compte et être adaptés en
fonction de cela.

4.2 L’influence des conditions de test: Jerry Carlson & Karl Wiedl

Carlson et Wiedl (1978, 1979, 1992; Dillon & Carlson, 1978; Wiedl,
1980) ont recherché d’autres manières de dynamiser la procédure d’éva-
luation. Originellement intitulée testing-the-limits par Schmidt (1971), ils
ont redéfini leur approche par le terme de dynamic assessment, afin de
marquer plus fortement leur volonté de rigueur scientifique et d’adhé-
rence aux standards psychométriques. L’intérêt de ces auteurs se situe

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16 Hessels & Hessels-Schlatter

dans l’étude de la variabilité intra-individuelle et de la modifiabilité des


comportements de l’individu en fonction de différentes modifications
dans les conditions de test. Dans l’approche classique des tests
d’intelligence, la variabilité intra-individuelle est considérée comme une
erreur de mesure affectant la fidélité du test. Carlson et Wiedl postulent
que pour certaines personnes, des modifications dans la situation de test
peuvent conduire à des améliorations significatives des performances,
lorsque ces modifications compensent certains déficits intellectuels ou de
traitement de l’information.
Carlson et Wiedl ont, tout comme Budoff, repris des tests d’intelli-
gence existants mesurant le facteur g, en particulier le CPM de Raven.
Plusieurs conditions de test ont été élaborées. Contrairement à l’ap-
proche de Budoff, il n’y pas d’entraînement inclus dans la procédure. En
modifiant simplement les conditions de passation de test, un minimum
de changement est introduit, ce qui facilite l’application du test. De plus,
cela évite les problèmes liés à la mesure du changement (calcul du gain
entre pré- et post-test). Les auteurs ont comparé six conditions du CPM:
avec les consignes originales du test, avec verbalisation (les personnes
examinées doivent décrire à haute voix ce qu’elles font), avec verbalisa-
tion et justification (la description verbale est accompagnée d’une justi-
fication des réponses données), avec simple feed-back, avec feed-back
élaboré, ou encore une combinaison de verbalisation et de feed-back
élaboré. Une version puzzle du CPM a également été utilisée. La compa-
raison entre les six conditions a montré que pour les élèves de deuxième
primaire, les conditions de verbalisation, de feed-back élaboré et la com-
binaison des deux donnent lieu à des performances significativement
plus élevées que les autres conditions. De même, les performances dans
la version puzzle sont plus élevées, quelles que soient les conditions.
Pour les élèves de quatrième, les auteurs n’ont pas trouvé de différences
notables entre la version puzzle et la version cahier, mais la verbalisation
et la combinaison de verbalisation et feed-back ont entraîné des perfor-
mances significativement plus élevées. La condition avec feed-back
élaboré a montré une tendance non significative dans cette direction.
L’effet des différentes procédures de passation du CPM a également
été évalué avec des élèves présentant des difficultés d’apprentissage et
une déficience intellectuelle légère (p.ex. Carlson & Wiedl, 1978).

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 17

Généralement, les conditions de verbalisation, de feed-back élaboré et la


combinaison des deux ont montré des performances significativement
meilleures. La version puzzle a également donné lieu à de meilleures
performances que la version cahier.
Les relations entre caractéristiques individuelles, intellectuelles, et de
personnalité ont été analysées plus précisément dans une autre étude
(Carlson & Wiedl, 1979). Les auteurs ont constaté qu’une large propor-
tion de la variance des performances peut être attribuée à des variables
de la personnalité (intro-extraversion, style cognitif impulsif ou réfléchi),
mais que ces effets sont différents selon les conditions de passation. Par
rapport au style cognitif (impulsif versus réfléchi), Wiedl (1980; Wiedl
& Bethke, 1981) a clairement pu mettre en évidence qu’alors que les
élèves se distinguent dans la condition standard, les élèves réfléchis
obtenant de meilleures performances que les enfants impulsifs, cette
différence disparaît sous les conditions de verbalisation et de feed-back
élaboré.
Les différentes recherches de Carlson et Wiedl permettent de con-
clure que la condition avec une combinaison de verbalisation et de feed-
back élaboré est la condition de test optimale pour les différentes
populations (enfants d’école régulière, enfants avec graves difficultés
d’apprentissage). La verbalisation est principalement effective avec les
enfants plus âgés (dès la quatrième primaire), alors que le format puzzle
est efficace avant tout pour les enfants plus jeunes (deuxième primaire)
et les enfants avec difficultés d’apprentissage ou déficience intellec-
tuelle. Pour Carlson et Wiedl (1992), une procédure dynamique devrait
être appliquée à chaque fois qu’une performance sous-optimale est sus-
pectée. Par ailleurs, pour que les modifications de procédures soient effi-
caces, elles doivent viser certains processus cognitifs et métacognitifs.
Concernant la validité prédictive de leur approche, Carlson et Wiedl
(1992; Wiedl, 1980) ont souligné un aspect extrêmement important
qu’ils nomment validité écologique. Ils défendent l’idée qu’une procé-
dure optimalisée n’entraîne une meilleure prédiction scolaire que si des
méthodes d’enseignement adaptées sont appliquées (voir également
Hessels, 2009). Par contre, des performances obtenues sous des con-
ditions standards ont une meilleure validité prédictive de la réussite
scolaire lorsque des méthodes traditionnelles d’enseignement sont utili-

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18 Hessels & Hessels-Schlatter

sées et que les élèves ne bénéficient pas d’un soutien adapté à leurs dif-
ficultés. Une recherche a été conduite avec 80 élèves de deuxième
primaire, répartis en deux groupes: l’un recevant un enseignement ordi-
naire, l’autre recevant un enseignement individualisé. Tous les partici-
pants ont reçu le CPM sous la condition feed-back élaboré ainsi que le
Culture Fair intelligence Test (CFT) de Cattell (Cattell & Cattell, 1963).
L’hypothèse des auteurs a été confirmée: la prédiction de la réussite
scolaire est plus élevée avec le test d’intelligence classique (CFT) pour
les élèves recevant un enseignement traditionnel, mais elle est meilleure
avec la procédure dynamique si par la suite les élèves reçoivent un
enseignement adapté. Par conséquent, lorsque les conditions de test se
rapprochent de la méthode d’enseignement scolaire, la prédiction est
améliorée. Pour les auteurs, le contexte écologique de la situation de test
et de la situation d’apprentissage scolaire doit être considéré lorsqu’il est
question d’estimer la validité prédictive d’une procédure dynamique.
Une autre implication importante de ces résultats peut être généralisée
aux élèves en difficulté d’apprentissage: si une prédiction différenciée
est obtenue avec un test dynamique, mais que l’enfant reste dans de
mêmes conditions d’enseignement peu favorables, il est difficile de
s’attendre à une amélioration de ses performances scolaires.

4.3 L’approche clinique et individualisée de Reuven Feuerstein

Feuerstein (Feuerstein et al., 1979) fait la distinction entre deux types


d’apprentissage. Le premier est «l’apprentissage par confrontation
directe avec les stimuli», lequel représente un processus d’apprentissage
continu. Le deuxième type d’apprentissage est appelé «expérience
d’apprentissage médiatisé». Dans ce type d’apprentissage, l’interaction
entre l’enfant et l’environnement est médiatisée par un adulte. L’adulte
sélectionne, interprète et structure les stimuli pour l’enfant et influence
ainsi son apprentissage. Plus l’enfant a bénéficié de situations d’appren-
tissages médiatisés, plus il sera capable de profiter des apprentissages
directs, et plus sa structure cognitive sera modifiable. Feuerstein (Feuer-
stein et al., 1979) a élaboré une batterie de 15 instruments de mesure, le
Learning Potential Assessment Device (LPAD; devenu plus tard le

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 19

Learning Propensity Assessment Device; Feuerstein, Feuerstein, Falik, &


Rand, 2002), destinée aux enfants, adolescents et adultes, ainsi qu’un
programme de remédiation, appelé Instrumental Enrichment (Feuerstein,
Rand, Hofmann, & Miller, 1980). Bien qu’initialement élaborée pour les
élèves déprivés culturellement et ceux avec une déficience intellectuelle,
la batterie peut très bien s’appliquer à une population ordinaire et à des
adultes, du fait de la grande complexité de certaines tâches. La plupart
des tâches sont reprises de tests d’intelligence, par exemple ceux de Rey
(1950, 1959, 1968; Rey & Dupont, 1953) et de Raven (1938). Toutes les
tâches sont non spécifiques à un contenu, et doivent permettre d’évaluer
des processus généraux.
L’approche se veut clinique et aucune des procédures n’est standardi-
sée. Le médiateur doit suivre les principes d’une médiation de qualité, à
savoir, entre autres, partager les objectifs avec l’élève, donner du sens à
ce qui est fait, induire un sentiment de compétence et réguler le com-
portement. Les objectifs du LPAD sont de provoquer et de détecter des
changements dans le raisonnement, d’évaluer les fonctions cognitives
qui sont déficientes ou mal développées, donc d’identifier quels sont les
causes d’une mauvaise performance, et d’évaluer la réceptivité de l’élève
à la médiation offerte (modifiabilité cognitive). Selon Feuerstein, les
changements cognitifs provoqués et évalués sont structuraux, ce qui
distingue le LPAD de la plupart des autres tests d’apprentissage. Pour
atteindre ces objectifs, Feuerstein (Feuerstein et al., 1979) postule que le
processus d’évaluation doit changer selon quatre aspects:
1) un changement de la relation examinateur-examiné: l’examinateur
ne montre plus une attitude «neutre et bienveillante», mais devient un
partenaire actif qui, par ses aides, ses feed-back, et encouragements tente
d’induire des changements dans les performances de l’examiné;
2) un changement de la structure du test: la structure du test doit être
graduée afin de mettre en évidence les compétences que l’enfant doit
encore acquérir et permettre d’évaluer les améliorations en cours de test;
3) un changement de l’intérêt du produit aux processus: ce sont les
processus en jeu qui doivent faire l’objet de l’examen, et non les
produits, ou les réponses en tant que telles;
4) un changement dans l’interprétation des résultats: l’objectif n’est
pas de situer un individu par rapport à une moyenne, mais d’évaluer la

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20 Hessels & Hessels-Schlatter

modifiabilité du comportement, en mettant l’accent sur des réponses


positives, même si elles sont isolées et exceptionnelles.
Si, en règle générale, toutes les procédures dynamiques suivent ces chan-
gements, elles ne le font pas toutes au même degré. Par exemple,
Feuerstein refuse de faire des comparaisons interindividuelles et met
l’accent sur les performances exceptionnelles.
L’interprétation des résultats se fait d’après les paramètres de la
«carte cognitive», établie non seulement pour l’interprétation mais égale-
ment pour la construction des tâches. Celle-ci comprend sept paramètres
qui permettent d’identifier les déficiences cognitives: a) la familiarité du
contenu; b) le mode de présentation de la tâche (verbal, pictural,
figuratif, numérique); c) les fonctions cognitives déficientes, classées
selon qu’elles se situent lors de l’input (par exemple perception vague et
confuse, manque de concepts), de l’élaboration (par exemple incapacité à
sélectionner les éléments pertinents d’une tâche, à traiter simultanément
plusieurs informations, manque d’évidence logique), ou de l’output (par
exemple manque de besoin de précision, réponse par essai-erreur); d) les
opérations mentales (par exemple encodage, sériation, catégorisation,
autocontrôle, pensée inférentielle); e) la complexité de la tâche; f) le
niveau d’abstraction de la tâche; et g) les connaissances de base.
Quelques uns de ces paramètres ne sont pas sans poser problèmes.
Büchel et Scharnhorst (1993) ont entrepris une analyse critique des
différents aspects du modèle de Feuerstein, autant sur le plan théorique
que méthodologique. Sur le plan théorique, la complexité des tâches par
exemple n’est pas définie objectivement. De plus, il y a une confusion de
deux niveaux d’analyse, à savoir la complexité des tâches, et la com-
plexité des actes mentaux. En ce qui concerne les opérations et les fonc-
tions cognitives, Büchel et Scharnhorst remarquent qu’elles dérivent
d’une variété de cadres théoriques différents, et que surtout il y a à nou-
veau une confusion entre différents niveaux logiques d’analyse. De plus,
plusieurs opérations ne peuvent être clairement distinguées l’une de
l’autre, tout comme plusieurs fonctions cognitives se recouvrent. Ces
critiques ont une implication en ce qui concerne la validité de construit
des instruments du LPAD.
Au niveau méthodologique, plusieurs problèmes sont soulevés éga-
lement. L’objectivité du LPAD n’est absolument pas garantie. Le média-

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 21

teur s’appuie sur des principes et des exemples pour l’application, et


entreprend tout ce qu’il peut pour modifier les comportements cognitifs
de la personne évaluée. Il n’existe pas de critères d’observation suffi-
samment précis, en relation avec les critiques mentionnées plus haut.
L’interprétation des résultats est subjective et repose sur des inférences
de la part de l’examinateur. Le diagnostic dans le LPAD ne se base pas
seulement sur l’observation des fonctions cognitives déficientes, mais
également sur des scores. Pour la plupart des instruments du LPAD,
Feuerstein propose en effet d’attribuer des points aux tâches correc-
tement résolues. Cependant, ni l’objectivité de notation, ni celle de
l’interprétation ne sont garanties pour ces scores. L’absence de stan-
dardisation soulève le problème de fidélité de l’instrument. De plus, les
performances de l’enfant semblent être confondues avec les interventions
de l’examinateur.
Feuerstein (Feuerstein et al., 1979) conteste d’ailleurs la notion de
fidélité. Son objectif est en effet de détecter la modifiabilité cognitive
d’un individu, et non de mesurer un trait stable. Cela implique, du point
de vue de l’application des instruments du LPAD, la plus haute individu-
alisation possible en s’adaptant entièrement aux besoins de la personne,
et du point de vue des tâches, le choix de tâches qui soient sensibles au
changement. Feuerstein postule que ce sont les performances exception-
nelles (peaks) qui représentent des indications quant à la modifiabilité.
Ces arguments sont sans conteste valables dans le cadre d’un diagnostic
clinique. Néanmoins, Feuerstein soutient que sa batterie constitue un
instrument de mesure et de prédiction de la modifiabilité cognitive, et
c’est dans ce contexte qu’un tel argument ne peut plus être accepté. Les
différentes études ayant porté sur l’évaluation de la fidélité des différents
instruments du LPAD n’ont pas donné de résultats concluants.
Malgré ces différentes critiques, le LPAD et le modèle théorique de
Feuerstein ne doivent pas être sous-estimés quant à leur apport dans le
champ de l’éducation spéciale. Alliés au Programme d’Enrichissement
Instrumental (Feuerstein et al., 1980), ce sont des outils d’intervention
pédagogique précieux, comme il en manque encore malheureusement.
Le bénéfice que peut en retirer la pédagogie spécialisée est reconnu par
beaucoup, comme Bradley (1983, p. 88) par exemple, qui écrit à propos
du modèle de Feuerstein que celui-ci représente «an attractive alternative

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to the poorly structured, intuitive, watered down curriculum currently


offered in many schools under the guise of special education». Les
principes de médiation proposés par Feuerstein illustrent sous quelles
conditions les performances des personnes avec déficience intellectuelle
peuvent être améliorées.

4.4 La conciliation entre individualisation et psychométrie dans


les tests de Jürgen Guthke

Pour Jürgen Guthke, une meilleure estimation des capacités des enfants,
ainsi qu’une meilleure validité prédictive des tests impliquent d’un côté
une procédure dynamique avec aides, mais de l’autre également de
respecter les exigences psychométriques. Selon Guthke (1977, 1992;
Guthke & Wingenfeld, 1992), si l’on veut prédire la réussite scolaire, il
faut tester les élèves en situation d’apprentissage. Guthke critique encore
la considération du QI comme une caractéristique stable. Ses recherches
vont démontrer que le QI peut être considérablement augmenté par un
entraînement relativement court, non seulement au niveau de l’intelli-
gence cristallisée, mais également de l’intelligence fluide. Par ailleurs,
les trois types de test d’apprentissage qu’il a publiés révèlent qu’il est
possible de standardiser une procédure dynamique sans perdre trop au
niveau de l’individualisation.
Le premier type de test est le Lerntestbatterie Schlussfolgerndes Den-
ken (LTS; Guthke, Jäger, & Schmidt, 1983), test d’apprentissage de
«longue durée» dans le domaine de la pensée inductive. Ce test com-
prend des items de sériation (nombres et figures géométriques) et
d’analogie verbale selon un paradigme pré-test statique, entraînement,
post-test statique (forme parallèle). L’entraînement dans le LTS consiste
en deux sessions de 45 minutes durant lesquelles les élèves reçoivent des
cahiers d’étude programmés pour l’enseignement des stratégies de réso-
lution. L’étude (Guthke et al., 1983) a montré que les scores au post-test
d’élèves de 12 ans sont nettement supérieurs aux scores du pré-test
d’élèves de 15 ans. Ce test d’apprentissage a été critiqué par les prati-
ciens, pour lesquels l’investissement en temps, 4 sessions réparties sur 7
jours, est beaucoup trop important.

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 23

L’équipe de Guthke a alors développé des tests d’apprentissage de


«courte durée». Le paradigme pour ces tests ne suit plus la forme pré-
test, entraînement, post-test, mais un paradigme d’aides en cours de test,
ce qui raccourcit la passation à une seule séance. Le Raven-Kurzzeit-
lerntest (RKL, Frohriep, 1978; Guthke, 1992) en est un exemple. Ce test
d’apprentissage est destiné au dépistage précoce d’enfants d’âge pré-
scolaire présentant un retard du développement cognitif et nécessitant
une prise en charge spécialisée. Le test est basé sur le CPM de Raven.
Une hiérarchie d’aides standardisées a été développée: l’enfant est
d’abord confronté à l’item présenté dans le cahier original, correspondant
à une résolution au niveau de la représentation. Si l’enfant échoue, une
version puzzle de l’item lui est présentée, correspondant au niveau de
l’action. L’aide maximale se situe au niveau de l’imitation, l’examina-
teur montrant la réponse à l’élève et lui demandant de reproduire cette
réponse. Le test a été étalonné pour des enfants tout venants de 6 ans et
pour des enfants à risques de même âge (Frohriep, 1978). Le RKL a été
utilisé dans nos recherches pour étudier la validité concourante du Test
d’Apprentissage de la Pensée Analogique (TAPA; Hessels-Schlatter,
2002a, b; Schlatter, 1999; chapitre 3 de cet ouvrage).
La validité prédictive du RKL, comparée au CPM, s’est montrée par-
ticulièrement élevée pour les enfants à risques. Le RKL fournit une
prédiction supérieure à celle du CPM pour les enfants qui sont par la
suite placés en école spéciale. Une étude longitudinale sur huit ans avec
400 élèves a été conduite par Gitter (1988), avec comme critères de
validation externe les notes scolaires en mathématique ainsi que les
appréciations des maîtres. Sur ces huit ans, la validité prédictive du RKL
se montre toujours supérieure à celle du CPM, mais pas toujours de
manière significative. Cependant, si seuls les enfants à risques ou à faible
rendement scolaire sont considérés, les corrélations entre les notes
scolaires et le CPM ne sont pas significatives, alors qu’elles sont élevées
et significatives avec le RKL. Ces données confirment que la validité
prédictive d’un test d’apprentissage est bien supérieure à celle d’un test
statique pour les populations spéciales. En ce qui concerne la population
générale, le choix d’un test d’apprentissage n’est par contre pas forcé-
ment justifié. Ce constat rejoint les observations de Budoff et de Carlson
et Wiedl.

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24 Hessels & Hessels-Schlatter

Le troisième type de tests élaboré par l’équipe de Guthke est le pro-


gramme diagnostique informatisé (Beckmann, 2001; Guthke, Beckmann,
Stein, Vahle, & Rittner, 1995; Guthke & Stein, 1996). Avec l’élaboration
de ces programmes, l’objectif de l’auteur était de répondre aux in-
satisfactions liées aux tests classiques, mais également à celles liées aux
tests d’apprentissage. Certains tests d’apprentissage prennent trop de
temps, notamment les tests de longue durée et le LPAD de Feuerstein.
De plus, à l’exception du LPAD, les tests d’apprentissage ne donnent pas
suffisamment d’indications pour planifier une intervention. Finalement,
une individualisation contrôlée de la procédure est très difficile à assurer.
Cette dernière remarque souligne la difficulté particulière dans l’élabora-
tion des tests d’apprentissage. Lorsque les aides sont spécifiques aux
difficultés des élèves et hautement individualisées, la procédure devient
trop complexe pour être suivie de manière objective par l’examinateur.
Dans les programmes diagnostiques de Guthke, la procédure est infor-
matisée ce qui facilite aussi bien l’administration du test que l’enregistre-
ment des résultats.
Dans le Adaptive Computer Assisted Intelligence Learning test
battery (ACIL; Guthke et al., 1995; Beckmann, 2001), les items et les
aides sont construits en suivant une séquence hiérarchique, basée sur une
analyse des tâches. Les opérations de niveau élémentaire sont d’abord
évaluées lors des premiers items, puis enseignées si besoin. Le test con-
tient des aides systématiques et la personne examinée ne reçoit les items
plus difficiles que lorsque les items plus faciles sont acquis. Chaque item
est à la fois un item d’évaluation et un item d’entraînement. La mesure
offerte par les programmes diagnostiques comprend le nombre et le type
d’aides, le nombre d’items résolus (un sujet fort aura besoin de moins
d’items), ainsi que le temps mis pour exécuter l’ensemble du pro-
gramme.
Une analyse en cluster des performances des participants a été effec-
tuée afin de dégager des profils d’apprentissage types (p.ex. Guthke &
Beckmann, 2000). L’avantage de ce type de diagnostic réside dans la
possibilité de différenciation d’individus dont le niveau de départ, ou
celui en fin de test, est identique. L’analyse a mis en évidence cinq
profils d’apprentissage. Les élèves du premier profil font preuve de per-
formances constantes dans tous les niveaux de complexité et supérieures

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 25

à la moyenne. Le groupe du cinquième profil, par contre, montre des


performances plus au moins constantes mais inférieures à la moyenne.
Les élèves du deuxième profil présentent des performances qui baissent
continuellement, ce qui peut être attribué à la complexité des tâches. Ils
n’arrivent pas à s’améliorer. En contraste, les performances des élèves du
quatrième profil sont en-dessous de la moyenne au début, mais aug-
mentent graduellement, malgré l’augmentation de la difficulté des
tâches. Ces élèves montrent clairement qu’ils profitent de l’entraînement
dans le test. Le troisième groupe montre un profil plus particulier: les
performances augmentent d’abord, indiquant que les élèves profitent de
l’entraînement, puis régressent après le deuxième niveau de complexité.
Les élèves apprennent un peu mais, apparemment, ne sont pas capables
de progresser plus.
Beckmann (2001), se référant à l’argument de la validité écologique
(Carlson et Wiedl, 1992; Wiedl, 1980), a utilisé des programmes d’ap-
prentissage informatisés en mathématiques et géographie pour valider
l’ACIL. Il a démontré qu’un test d’intelligence, les Matrices Progres-
sives Standards (SPM) de Raven (1958b), explique environ 40% des
différences entre les élèves dans le programme de géographie. L’ACIL,
par contre, non seulement explique la même partie de la variance, mais
encore 16% de plus. L’ACIL s’est donc révélé un bien meilleur
prédicteur de l’apprentissage scolaire que le test d’intelligence classique.
La démarche de Guthke prouve qu’il est possible d’allier les exi-
gences psychométriques avec des procédures dynamiques. Cependant,
bien que ses tests se soient montrés valides quant aux questions de
sélection et de placement, ils ne fournissent pas d’indications pour une
meilleure intervention pédagogique, malgré les intentions de l’auteur.

4.5 L’évaluation des enfants de minorités ethniques

Comme Budoff aux Etats-Unis, nous sommes partis du constat qu’aux


Pays-Bas les élèves de milieux socio-économiques ou culturels défavo-
risés sont surreprésentés dans les classes spéciales. Un facteur qui est
mis en cause est l’utilisation des tests d’intelligence dans la procédure
d’évaluation. Le Leertest voor Etnische Minderheden (LEM; Hessels,

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1993, 1996, 1997, 2000), un test d’apprentissage pour enfants de mino-


rités ethniques de 5 à 8 ans, a été élaboré afin d’obtenir une meilleure
estimation des compétences cognitives générales de ces enfants, ainsi
qu’une meilleure prédiction de l’apprentissage ou de la réussite scolaire
future. En 1999, le test a été adapté à la situation suisse romande
(Hessels & Hessels-Schlatter, 2002; Hessels & Kipfer, 2003).
Dans le LEM, on explique d’abord aux enfants ce qu’ils doivent faire
avec des consignes non verbales. Puis, pendant la résolution des tâches,
ils reçoivent un feed-back systématique. Le test contient trois tâches non
verbales de raisonnement (classifications, séries de nombres et analogies
figuratives), mais également une tâche de mémoire verbale et une tâche
de mémoire associative. Nous avons utilisé des pseudo-mots dans ces
deux dernières tâches de sorte que la réussite ne dépende pas de connais-
sances d’une langue spécifique.
Aux Pays-Bas, la recherche a inclus des enfants néerlandais (N=100),
turcs (N=200) et marocains (N=200). En Suisse romande, l’étude a porté
sur des enfants suisses (N=99), portugais (N=87) et espagnols (N=38).
Les résultats ont montré que la fidélité du LEM est bonne pour les
différents groupes et que le test mesure les mêmes construits dans ces
groupes (Hessels, 1996; Hessels & Hessels-Schlatter, 2002). Les ana-
lyses ont également démontré qu’une grande partie des enfants qui
avaient des scores inférieurs à la moyenne au test QI, ont obtenu des
scores moyens ou même élevés dans le LEM, ce qui signifie que leur
potentiel est plus élevé que ne le laisse penser le test QI (Hessels &
Hamers, 1993).
Pour évaluer la validité prédictive du LEM, la réussite scolaire en
lecture, compréhension, orthographe et mathématiques a été mesurée 6
mois et 12 mois après la passation du LEM. Les progrès réalisés par les
élèves en six mois dans ces quatre domaines scolaires constituent ainsi
des critères dynamiques. Les analyses ont montré que le LEM était un
bien meilleur prédicteur du progrès scolaire que le test QI (Hessels,
1993, 1997). La corrélation partielle entre réussite scolaire et QI devenait
même nulle lorsqu’elle était contrôlée par le score au LEM.
Finalement, la prédiction de la réussite scolaire à long terme (6 à 8
ans après la passation du LEM) a donné des résultats comparables à ceux
de Beckmann. Pour cette analyse (Hessels & Hessels-Schlatter, 2002),

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 27

nous avons recherché dans les dossiers des enfants aux Pays-Bas auquel
des six niveaux du secondaire (du niveau préapprentissage au niveau
scientifique) ils ont été référés après l’école primaire. La figure 1 montre
graphiquement le résultat.

Figure 1. Prédiction de la réussite scolaire à long terme avec le LEM.

La figure permet de constater que le QI prédit environ 12% de la


variance de la réussite scolaire. Le LEM par contre non seulement prédit
les mêmes 12% de variance (la partie en gris clair), mais ajoute encore
19% à la variance prédite (la partie en gris foncé).

5 En guise de conclusion

Dans ce chapitre, nous avons exposé l’apport des tests d’apprentissage


pour l’évaluation des capacités intellectuelles des élèves présentant des
difficultés scolaires ou une déficience intellectuelle, et des élèves de
minorités ethniques ou de milieux défavorisés. Les différentes re-
cherches ont montré que les capacités réelles de ces différents groupes
d’élèves sont souvent sous-estimées avec des tests d’intelligence tradi-

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28 Hessels & Hessels-Schlatter

tionnels, en comparaison des tests d’apprentissage. De plus, le pronostic


des apprentissages futurs s’est avéré largement meilleur avec ces der-
niers.
Les tests d’apprentissage (également appelé tests dynamiques) se dis-
tinguent des tests d’intelligence (aussi appelés tests statiques) par le fait
qu’un apprentissage est inclus dans la procédure (voir également la
discussion critique du terme dynamic assessment par Snow, 1990).
Comparé aux tests d’intelligence traditionnels, le rôle de l’examinateur a
changé: il n’est plus limité à dire «oui» ou «bien» sur un ton neutre une
fois que l’enfant a résolu un item, ou «peux-tu me dire un peu plus?»
quand les consignes le permettent, mais il est devenu médiateur. L’ensei-
gnement des règles ou procédures peut avoir lieu avant la phase de test
(Hessels-Schlatter, 2002a, b; Tiekstra, Hessels, & Minnaert, 2009), ou
entre deux phases de test (Budoff, 1967, 1987; Budoff & Friedman,
1964; Guthke et al., 1983; Hessels et al., 2008; Tzuriel, 2001). Les aides
peuvent être graduées, hiérarchiques, et/ou correspondre au type d’erreur
(Campione & Brown, 1987; Frohriep, 1978; Guthke, 1992; Hessels-
Schlatter, 2002a, b; Resing, 1993, 2000), ou elles peuvent consister en
un simple feed-back (correct/incorrect) donné à l’élève (Beckmann,
2001; Guthke & Beckmann, 2000; Guthke et al., 1995; Hessels, 1997,
2000). Dans les références que nous venons de citer, nous nous sommes
limités aux tests d’apprentissage qui sont standardisés et qui démontrent
de bonnes qualités psychométriques (objectivité, fidélité et validité).
Dans le travail clinique de Feuerstein (Feuerstein et al., 1979; Feuerstein
et al., 2002), le rôle du médiateur n’est pas standardisé, raison pour
laquelle nous préférons, dans ce cas, parler d’instruments d’évaluation
plutôt que de tests. Il existe donc des tests dynamiques standardisés et
des instruments non standardisés. Malheureusement, dans la littérature
scientifique, l’évaluation dynamique est souvent associée à la non stan-
dardisation, même par des chercheurs qui travaillent dans le champ
(p.ex. Karpov & Tzuriel, 2009). Cependant, ce n’est pas la standar-
disation qui distingue les tests d’apprentissage des tests traditionnels. La
standardisation est surtout liée au but de l’évaluation (Hessels-Schlatter
& Hessels, 2009). Si le but est la classification et le pronostic, c’est-à-
dire obtenir une meilleure estimation de l’intelligence (capacité d’ap-
prentissage) et une meilleure prédiction de la réussite scolaire, des tests

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L’apport des tests d’apprentissage dans l’évaluation 29

standardisés sont nécessaires. Si le but est clinique ou dirigé vers une


intervention, il est nécessaire de pouvoir dévoiler les processus cognitifs
de l’enfant afin d’adapter l’intervention à ses difficultés spécifiques.
Dans ce cas, une procédure non standardisée (Feuerstein et al, 1979;
Haywood & Lidz, 2007) sera la plus adaptée.
Dans les chapitres 3 et 4, deux tests d’apprentissage standardisés sont
présentés plus en détail: le Test d’Apprentissage de la Pensée
Analogique (TAPA; Hessels-Schlatter, 2002a, b; Schlatter, 1999;
Schlatter & Büchel, 2000) qui a été élaboré pour des personnes
présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère, et le Hessels
Analogical Reasoning Test (HART; Berger, Bosson, & Hessels, 2004;
Hessels, 2009; Hessels et al., 2008; Tiekstra et al., 2009) qui a été
élaboré pour des élèves avec difficultés scolaires et/ou déficience
intellectuelle légère.

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Chapitre 3

Une évaluation plus fiable de la capacité


d’apprentissage des personnes présentant
une déficience intellectuelle modérée à sévère

Christine HESSELS-SCHLATTER

1 Introduction

La déficience intellectuelle modérée à sévère (DIMS: QI < 50-55) est


caractérisée par une limitation du raisonnement à un niveau concret.
Sans compétences en matière de raisonnement abstrait, les apprentis-
sages académiques sont fortement compromis. Selon le Manuel diagnos-
tique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR; APA, 2003), les
personnes présentant un niveau de QI de 35-40 à 50-55 «ont peu de
chances de poursuivre leur scolarité au-delà du cours élémentaire pre-
mière année» (p. 50), et celles avec un QI se situant entre 20-25 à 35-40
«ne profitent que peu de l’instruction qui est donnée à l’école mater-
nelle» (p. 50). Pour établir le degré de déficience intellectuelle (DI), on
applique des tests d’intelligence. Or, les tests d’intelligence classiques
habituellement utilisés ne sont pas adaptés à cette population (voir aussi
le chapitre 2 de cet ouvrage). L’évaluation est en effet compromise par
des facteurs inhérents à la personne examinée ainsi qu’aux instruments
employés. Au niveau des personnes, des déficiences motrices, senso-
rielles et langagières entravent fortement leurs performances dans les
tests traditionnels (Burns, 1990). Leurs performances sont également
affectées par des limitations procédurales (Hessels & Hessels-Schlatter,
2008). On peut mentionner des déficits au niveau de l’exploration et de
l’encodage des informations (Dulaney & Ellis, 1991; McConaghy, 1988;
Tomporowski & Tinsley, 1997), de la comparaison (Paour, 1995;
Schlatter, 1999), de l’attention (Tomporowski & Tinsley, 1997), de la
vitesse de traitement (Saccuzzo & Michael, 1984), ainsi que de la

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36 Hessels-Schlatter

mémoire de travail (Hessels, 2002; Hulme & Mackenzie, 1992). Par


ailleurs, contrairement aux élèves normalement scolarisés, ces personnes
n’ont pas l’habitude de situations d’évaluation et manquent de connais-
sances quant à ce qui est attendu d’elles (Fuchs, Fuchs, Benowitz, &
Barringer, 1987). Elles ne comprennent généralement pas les consignes,
ni comment la tâche doit être résolue, et tendent à répondre au hasard
(Schlatter, 1999). Dans ces conditions, l’interprétation des résultats est
biaisée et non valide. Au niveau des instruments de mesure, les popula-
tions spéciales sont rarement prises en compte pour l’élaboration des
items et des normes, ainsi que dans les analyses des qualités psycho-
métriques des tests (Fuchs et al., 1987). Fuchs et al. (1987) rappellent
d’ailleurs qu’un test ne doit pas être utilisé auprès d’une population pour
laquelle il n’a pas été validé. Les scores des personnes avec DIMS se
situent dans les limites inférieures des tables de normes (effet plancher;
Burns, 1990; Kamphaus, Kaufman, & Harrison, 1990). Par conséquent,
les résultats ne sont pas suffisamment discriminatifs, ni sensibles aux
variations dans l’extrême inférieure. Les scores ainsi obtenus ne sont ni
fidèles, ni valides (Flanagan, Andrews, & Genshaft, 1997; Hessels-
Schlatter, 2002a, b; Reschly, 1997; Schlatter, 1999; Wishart & Duffy,
1990). Autrement dit, ces tests ne fournissent aucune indication sur les
aptitudes réelles actuelles de ces personnes, et encore moins sur leurs
compétences futures; les capacités de beaucoup d’entre elles sont sous-
estimées. De plus, selon la description des niveaux de QI et le fait que
celui-ci est considéré comme une caractéristique stable (Hessels-
Schlatter & Hessels, 2009), on en a conclu que les compétences cogni-
tives d’un individu ne peuvent pas changer dans le temps. Finalement, la
croyance d’une incapacité à suivre une instruction scolaire a été sur-
généralisée à l’ensemble des personnes présentant un retard de dévelop-
pement important. En conséquence, l’enseignement qui leur est prodigué
se limite généralement au développement de compétences pratiques,
sociales, communicatives, et plus généralement d’autonomie, au détri-
ment des apprentissages scolaires. Dans les années 30 déjà, Vygotsky
(1978) critiquait les pratiques en éducation spéciale qui s’appuient uni-
quement sur du matériel concret et évitent les tâches nécessitant un
raisonnement abstrait. Septante cinq ans plus tard, les projets pédago-
giques sont encore largement orientés sur les compétences pratiques

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Une évaluation fiable de la capacité d’apprentissage 37

plutôt qu’académiques, et les enseignants se montrent toujours réticents


à aborder la littéracie et la numéracie. Une récente étude (Martini-
Willemin, 2008) incluant des institutions vaudoises a clairement démon-
tré que les enseignants sont fortement convaincus que leurs élèves sont
incapables d’entreprendre un tel apprentissage. L’enseignement des ma-
tières scolaires est largement relégué au second plan et, ce qui est tout à
fait significatif, les parents se plaignent que leurs enfants n’ont même
pas de devoirs. Ce manque d’enseignement, d’opportunités d’apprentis-
sage et de stimulation au niveau cognitif entraîne au final ce qu’on
appelle une prophétie auto-réalisatrice: l’élève n’apprend pas.
Or, les possibilités d’apprentissage des personnes avec DIMS sont
beaucoup plus importantes qu’on ne le pense généralement. De plus, tout
comme les autres, elles ne forment pas un groupe homogène, mais se
différencient selon leur capacité d’apprentissage. L’influence de facteurs
environnementaux sur leur développement, notamment la scolarisation
des enfants et le niveau d’éducation maternel (Chapman, Scott, &
Stanton-Chapman, 2008), a été largement négligée. Certains auteurs
(Simonoff, Bolton, & Rutter, 1998; Thompson, 1997) montrent même
que plus le QI est bas, plus les effets d’un environnement pauvre en
stimulations sont importants. Plusieurs études (p.ex. Laws, Byrne, &
Buckley, 2000) attestent que les personnes avec DIMS intégrées en
classe ordinaire développent des compétences cognitives et académiques
significativement plus élevées que leurs pairs scolarisés dans des écoles
spéciales. Le profil des personnes avec DIMS a profondément changé
depuis les années 50-60, aussi bien dans le domaine du comportement
adaptatif, que cognitif, et dans les apprentissages scolaires. Cela n’est
pas uniquement dû aux progrès médicaux, mais plus encore à l’évolution
des environnements éducatifs.
De plus en plus de recherches démontrent que les aptitudes cognitives
de ces personnes peuvent être nettement améliorées suite à un entraîne-
ment ciblé, et que l’enseignement de contenus scolaires est tout à fait
possible, avec, pour certaines personnes, un succès convaincant.
Lifshitz et Rand (1999) ont appliqué une partie du programme
d’Enrichissement Instrumental (Feuerstein, Rand, Hoffman, & Miller,
1980) à des adultes avec DI (âgés de 20 à 57 ans), dont une partie avait
un QI de 40 à 55. Les résultats montrent que les participants ont signifi-

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cativement amélioré leurs performances dans des tâches de classifica-


tions, de planification (labyrinthes), et de structuration visuelle. Dans
une autre étude, Lifshitz, Tzuriel et Weiss (2005) ont procuré un court
entraînement (120 minutes) à la résolution de matrices analogiques à des
personnes âgées de 21 à 73 ans (QI de 40 à 55). Des gains significatifs
ont été trouvés, les participants doublant en moyenne leur score au post-
test d’analogies. Molina et Vived Conte (2004) ont appliqué un pro-
gramme d’éducation cognitive pour enfants (Bright Start) à 22 partici-
pants avec trisomie 21 (âgés de 5 à 19 ans). Les scores des participants
sur deux tests d’intelligence ont significativement augmenté entre le pré-
et le post-test. Bien que ces trois études manquent de rigueur métho-
dologique (par exemple absence de groupe contrôle), elles indiquent
qu’une amélioration du fonctionnement cognitif et en particulier de la
pensée abstraite est possible, même chez des personnes relativement
âgées. Le lecteur pourra également se référer au chapitre 7 de cet
ouvrage, dans lequel une étude d’intervention métacognitive auprès de
deux adolescents avec DIMS est présentée (voir aussi Grossniklaus,
2009). Bien qu’il ne s’agisse que d’une étude de cas, les deux élèves ont
progressé d’une manière tout à fait remarquable aussi bien au niveau de
l’application de plusieurs processus cognitifs et métacognitifs, qu’au
niveau de leurs performances dans des tâches de raisonnement inductif,
de structuration visuelle, de mathématiques et de géométrie, et cela suite
à une courte intervention de 19 séances.
Dans le domaine de la mémoire, Buckley et Bird (2002) ainsi que
Conners, Rosenquist et Taylor (2001) résument un nombre important
d’études qui ont démontré qu’il est possible d’augmenter l’empan de la
mémoire à court terme chez des enfants, adolescents et adultes avec
DIMS. Dans une étude, les gains ont été maintenus après 8 mois, et une
autre a trouvé du maintien pour certains participants après 3 ans. De
plus, il a été constaté que l’entraînement de la mémoire à court terme
avait également un effet positif sur les capacités langagières des parti-
cipants.
En ce qui concerne le développement des compétences langagières et
scolaires, les études d’intervention se sont multipliées ces dernières
années, en particulier auprès de personnes avec trisomie 21. Par exemple
les études de Rynders (1999; Rynders, Abery, Spiker, Olive, Sheran, &

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Zajac, 1997) ont prouvé qu’une intervention précoce centrée sur le lan-
gage avait non seulement un effet sur le langage lui-même, mais per-
mettait également d’améliorer les performances intellectuelles générales.
Laws, Buckley, Bird, MacDonald et Broadley (1995) ont enseigné la
lecture à des enfants avec trisomie 21, et ont trouvé qu’un court entraîne-
ment de 6 semaines avait un impact significatif non seulement sur la
lecture, mais également sur le développement des compétences langa-
gières et mnésiques. Il est important de souligner que même sans en-
traînement spécifique, les performances des personnes avec trisomie 21
augmentent significativement avec l’âge. En effet, les études longitudi-
nales et transversales menées par Rynders et collègues (voir Rynders,
1999) démontrent une amélioration significative en lecture (aussi bien en
déchiffrage qu’en compréhension) et en écriture avec l’âge (données
récoltées de 7 à 18 ans). La moyenne en compréhension qu’obtient le
groupe de participants de 18 ans et plus, et qui correspond à un niveau de
3ème primaire, est:
indicative of reading ability that represents a level of literacy suitable for purposes
such as reading a good share of the TV guide as well as portions of the newspaper
[…]. This level of literacy attainment certainly exceeds the often prescribed target
of teaching only a ‘list of sight words for safety’ expectation (Rynders, 1999, p. 73).

On constate également une augmentation des performances en mathé-


matiques avec l’âge, mais les différences ne sont pas significatives dans
cette étude. Il faut cependant mentionner que les écarts-types sont très
importants, ce qui indique une très grande variabilité interindividuelle,
comme cela est aussi le cas, d’ailleurs, avec la lecture et l’écriture.
Turner et Alborz (2003) ont mené une étude longitudinale en Angleterre
comprenant le 90% des enfants avec trisomie 21 nés entre les années
1973 et 1980. A l’âge de 18-19 ans, 50% des jeunes avaient acquis des
notions correspondant à la 2ème primaire en lecture, écriture et calcul, et
25% à un niveau correspondant à la 6ème primaire. Il est important de
relever qu’en Angleterre la numéracie et la littéracie sont systématique-
ment enseignés à ces élèves.
Ces différentes données nous prouvent qu’un certain nombre de per-
sonnes avec DIMS peut apprendre et se développer beaucoup plus qu’il
n’est habituellement attendu. Un enseignement plus systématique et
soutenu devrait par conséquent être planifié. Toutefois, toutes les per-

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sonnes ne montrent pas un tel potentiel. Dans toutes les études, seule une
partie de ces personnes a été capable de profiter d’un entraînement. C’est
pourquoi, une estimation fidèle et valide de leur capacité d’apprentissage
est essentielle afin de planifier des interventions appropriées et adaptées
aux possibilités de chacun.

2 Le Test d’Apprentissage de la Pensée Analogique

Le Test d’Apprentissage de la Pensée Analogique (TAPA) a été spé-


cialement conçu pour les personnes avec DIMS (Hessels-Schlatter, 2001,
2002a, b; Schlatter, 1999; Schlatter & Büchel, 2000). La procédure mise
en œuvre permet d’éviter les biais présentés par les tests d’intelligence
classiques, conduisant ainsi à une meilleure discrimination au sein de
cette population en regard de leur capacité d’apprentissage en matière de
raisonnement analogique (considéré comme une composante essentielle
de l’intelligence). En particulier, la procédure et le matériel permettent
de s’assurer que les élèves comprennent les instructions et les objectifs
de la tâche. Cette précaution est indispensable par rapport à la validité de
la mesure. Si la personne ne comprend pas ce qu’elle doit faire, il est tout
à fait abusif de conclure qu’elle n’a pas les capacités de résoudre la tâche
en question. L’objectif du TAPA est de distinguer les personnes présen-
tant une bonne capacité d’apprentissage et qui sont susceptibles de pro-
fiter d’une intervention cognitive ou d’un enseignement académique
poussés, de celles dont la capacité d’apprentissage est limitée. En
d’autres termes, il s’agit de «sortir» de la catégorie «éducables» les
élèves qui ont les moyens d’être scolarisés.
Le test est composé de matrices analogiques 2x2 dans un format
puzzle et comporte 3 étapes: 1) une phase de préapprentissage permettant
à l’examiné de comprendre les demandes de la tâche et d’apprendre les
principes de base de résolution de matrices analogiques; 2) une phase
d’apprentissage durant laquelle l’examiné reçoit des aides standardisées
et hiérarchiques; et 3) une phase de test à proprement parler, lors de
laquelle il doit résoudre les items de manière indépendante. La capacité

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d’apprentissage est déterminée par les scores obtenus à cette dernière


phase. Le TAPA a fait l’objet de différentes études que je résume ici.

3 Une sélection de recherches avec le TAPA

Dans l’étude de validation principale (Schlatter, 1999; voir également


Hessels-Schlatter, 2002a, b), le test a été administré à 58 participants
avec DIMS, âgés de 6;5 à 19;10 ans. La moitié des participants a
bénéficié d’un entraînement du raisonnement inductif (analogies percep-
tuelles de forme similaire à celles du TAPA, analogies conceptuelles, et
classifications). L’autre moitié, sans entraînement, constituait le groupe
contrôle. La fidélité du TAPA s’est révélée très bonne avec un  de
Cronbach de .88 et les scores entre les deux passations de test (intervalle
de 4 semaines) se révèlent très stables (r = .83). Le pouvoir prédictif du
test se montre également très satisfaisant: les participants montrant une
capacité d’apprentissage élevée au TAPA ont beaucoup profité de l’en-
traînement et ont obtenu des scores significativement plus élevés au
post-test que les participants avec une faible capacité d’apprentissage.
Ces derniers n’ont pas profité du tout de l’entraînement; leurs scores au
post-test sont similaires à ceux obtenus lors du pré-test. L’analyse de
régression montre que le TAPA prédit 65% de la variance au post-test.
Le QI (connu pour 30 participants) par contre ne montre aucune corré-
lation avec le post-test (r = .19; ns), ce qui signifie que les progrès (ou
non progrès) suite à l’entraînement ne peuvent nullement être prédits par
les scores QI. Scerri (1999) a administré différentes épreuves à 11 des
participants (6 avec faible capacité d’apprentissage et 5 avec capacité
élevée). Bien que ces données ne puissent pas être généralisées, elle a
trouvé que les deux groupes ne se distinguent ni au niveau du voca-
bulaire actif, ni de la capacité à évoquer des mots, ni dans l’empan
mnésique. Par contre, les participants avec capacité élevée semblent
montrer un meilleur encodage des informations puisqu’ils décrivent
significativement plus d’attributs lors de la phase d’apprentissage, et,
contrairement aux autres, maîtrisent la notion de «différent» (notion
indispensable dans le processus de comparaison). Par rapport à la vali-

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dité concourante et de construit, les scores au TAPA ont été comparés


avec les scores obtenus par les participants sur un autre test d’apprentis-
sage conçu pour de jeunes enfants et basé sur les matrices de Raven (le
Raven Kurzzeit-Lerntest; Frohriep, 1982; Guthke, 1992). La corrélation
entre les deux tests s’élève à .60 (p  .001). Il est intéressant de constater
que les items de la série A du RKL qui ne nécessitent pas un raisonne-
ment analogique pour leur résolution ne présentent qu’une corrélation de
.37 (p  .01), alors qu’elle est de .63 (p  .001) avec les items impliquant
un raisonnement analogique (série B). Cela demontre que le TAPA
mesure bien la pensée analogique et non pas des traitements de type
perceptif.
Dans un deuxième temps, les performances des participants qui ont
reçu l’entraînement ont été comparées à celles d’enfants sans déficience.
Nous avons repris les données issues des recherches de Rieben, Saada-
Robert et Chapelle (1996) ainsi que de Goswami et Brown (1989),
portant sur la capacité à résoudre des analogies conceptuelles (du type
vache : lait :: poule : œuf) chez des enfants âgés de 2;9 à 7;2 ans. Les
participants de notre étude ont eu l’occasion de résoudre ce type d’items
lors de l’entraînement et du post-test. Les résultats de cette comparaison
indiquent que les capacités de résolution des participants montrant une
capacité d’apprentissage élevée sont comparables à celles des enfants
sans déficience de 6-7 ans, alors que les performances des participants
dont la capacité d’apprentissage est faible équivalent celles des enfants
de 3 ans. Cette différence est tout à fait remarquable, et représente une
indication supplémentaire de la capacité du TAPA à discriminer d’une
manière plus fiable les personnes avec DIMS selon leurs compétences.
Des implications théoriques et pédagogiques peuvent également être
dégagées: si le niveau de compétence en matière de raisonnement ab-
strait et logique de certaines personnes avec DIMS correspond à celui
d’enfants de 6-7 ans, il est tout à fait raisonnable d’affirmer que ces
personnes ont un potentiel certain pour accéder aux apprentissages aca-
démiques, ce qui semble beaucoup moins réalisable, ou en tous les cas
moins facilement, pour les personnes dont les compétences se situent à
un âge mental de 3 ans.
Rinaldi, Hessels, Büchel, Hessels-Schlatter et Kipfer (2002) ont
étudié la possibilité d’entraîner des stratégies de mémoire externe afin de

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pallier aux déficits mnésiques. Trente-six personnes avec DIMS âgées de


11;6 à 17;0 ont participé à cette recherche. La moitié des participants a
reçu un entraînement de 6 séances destiné à leur apprendre à utiliser des
stratégies de mémoire externe ainsi que la verbalisation afin de résoudre
une tâche de mémoire. Dans cette tâche, une maison de poupées de 4
pièces et comprenant 28 à 33 objets (meubles, accessoires) était présen-
tée. L’examinateur a expliqué que de nouveaux tapis allaient être posés;
les participants devaient sortir tous les meubles et objets de la maison et
les placer sur une table à côté, puis, une fois que les tapis étaient posés,
les remettre à leur emplacement initial. La stratégie de mémoire externe
entraînée (dans des tâches différentes de la Maison de poupée) consistait
à placer des objets en des endroits stratégiques afin de se souvenir de
leur emplacement initial. Cette étude a, d’une part, confirmé la haute
stabilité du TAPA. La corrélation entre les deux passations du test,
séparées par un intervalle d’un mois est de .85. D’autre part, les résultats
démontrent que le TAPA permet de prédire la capacité d’apprentissage
dans d’autres domaines que le raisonnement inductif. Nous trouvons en
effet une corrélation de .50 (p  .05) entre les scores au TAPA et l’utili-
sation de stratégies de mémoire externe dans la Maison de poupées après
l’entraînement, ainsi qu’une corrélation de .69 (p  .01) avec la perfor-
mance de rappel (objets replacés correctement dans la maison). Les
participants qui ont appris à utiliser la stratégie de mémoire externe
présentaient tous une capacité d’apprentissage élevée selon le TAPA. Il
est intéressant de noter que l’empan mnésique ne montre aucun lien avec
l’utilisation de stratégies après entraînement: la corrélation avec la
mémoire verbale est de .03 (ns), et de .28 (ns) avec la mémoire visuo-
spatiale.
Le TAPA se montre également très adapté pour une évaluation plus
valide des compétences cognitives de jeunes enfants présentant des diffi-
cultés d’apprentissage sévères. Bosma et Resing (2006) ont administré le
TAPA à 26 enfants de 6 à 8 ans (QI de 49 à 112) fréquentant des écoles
spéciales. Les auteurs ont également créé une tâche (Reversal task)
permettant d’évaluer la compréhension des enfants du principe analo-
gique. Dans cette tâche, contrairement aux analogies classiques où il est
demandé au participant de résoudre une matrice en choisissant une
réponse parmi plusieurs alternatives, l’enfant doit construire lui-même

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un problème analogique à l’aide de différentes images, puis donner des


consignes et des explications à l’examinateur sur la manière de résoudre
cette tâche. Cette étude confirme à nouveau la supériorité prédictive du
TAPA comparé à un test QI: la capacité d’apprentissage telle que me-
surée par le TAPA corrèle fortement avec la Reversal task (r = .70;
p  .001), alors que la corrélation entre le QI est la Reversal task est
faible et non significative (r = .31; ns). Ce résultat n’atteste pas seule-
ment la validité prédictive du TAPA, mais également sa validité de
construit, puisque la Reversal task ne peut être correctement effectuée
qu’en raisonnant par analogie et non par simple association ou percep-
tivement.
Finalement, le TAPA a été utilisé dans l’étude d’intervention méta-
cognitive mentionnée plus haut et décrite dans le chapitre 7 de cet
ouvrage. Les gains aussi bien au niveau des processus cognitifs et méta-
cognitifs que des performances dans des tâches de raisonnement inductif,
de structuration visuelle, de mathématiques et de géométrie étaient signi-
ficativement plus importants pour l’élève présentant une capacité
d’apprentissage élevée que ceux de l’élève avec une capacité d’appren-
tissage plus limitée. Bien que ces données ne peuvent représenter une
validation du TAPA, elles indiquent que la validité prédictive de ce test
pourrait être généralisée aux apprentissages dans tous les domaines
cognitifs.

4 Conclusion

Les personnes présentant un fonctionnement intellectuel très faible ne


représentent pas un groupe homogène du point de vue de leurs habiletés,
mais se distinguent notamment par rapport à leur capacité d’apprentis-
sage. Du fait d’un développement cognitif lent et peu spontané, ce
potentiel n’est pas perceptible dans le quotidien mais doit être sollicité
par des outils d’évaluation standardisés. Une étude de Thorsteinsson et
al. (2007) atteste de la difficulté qu’ont les enseignants et éducateurs à se
prononcer sur la capacité d’apprentissage de leurs élèves. Dans cette
étude incluant des adultes présentant une DI modérée à profonde, les

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éducateurs, qui connaissaient les participants depuis au moins deux ans,


n’étaient que peu capables de prédire quel participant pouvait apprendre
des tâches très simples, comme l’imitation d’un geste, la discrimination
visuelle (distinguer une boîte rouge d’une boîte bleue), ou les correspon-
dances terme à terme (mettre la fourchette avec une autre fourchette).
Les différentes études présentées ici montrent que le TAPA peut
différencier plus précisément les capacités des personnes dont le QI, sur
un test classique, serait inférieur à 60. En particulier, il permet de déceler
les personnes dont le potentiel est sous-estimé, aussi bien chez les per-
sonnes avec DIMS que chez les jeunes enfants présentant des difficultés
d’apprentissage sévères. La validité prédictive du TAPA ne se limite pas
à la capacité d’apprentissage dans le domaine du raisonnement inductif,
mais s’étend à d’autres compétences, comme l’apprentissage de straté-
gies ainsi que le développement des processus cognitifs et métacognitifs.
Ces études démontrent également qu’une partie de ces personnes, suite à
un entraînement relativement court, peut faire preuve d’un certain niveau
de raisonnement abstrait, contrairement à ce qui est habituellement pensé
par certains chercheurs et praticiens. Ceci est d’importance, puisque ces
personnes bénéficient généralement des mêmes conditions d’enseigne-
ment, peu différenciées, et qu’il n’y a généralement pas de tentative
systématique de développer leurs compétences cognitives générales et
leurs compétences dans les apprentissages scolaires.
En ce qui concerne les interventions pédagogiques, un premier objec-
tif d’une évaluation plus différenciée est d’aider les enseignants à mettre
sur pied un programme plus adapté, ainsi que de les amener à développer
des attentes plus optimistes et ambitieuses quant aux capacités de leurs
élèves. Plusieurs études (p.ex. Benjamin & Lomofsky, 2002) ont montré
comment les attentes des enseignants avaient positivement évolué après
qu’on leur ait communiqué les résultats de leurs élèves sur un test
d’apprentissage. Les enseignants dont les attentes sont peu élevées sont
moins exigeants envers leurs élèves, acceptent plus facilement de faibles
performances sans chercher à les dépasser, et les poussent moins à
travailler de façon autonome, ce qui renforce leur passivité cognitive et
résulte finalement en une prophétie auto-réalisatrice. Comme le formule
Haywood (2008, p. 427): «Low scores on intelligence tests become
excuses for not trying harder to help students learn in school». Pour les

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élèves présentant une capacité d’apprentissage élevée, une intervention


cognitive, visant le développement des processus cognitifs et méta-
cognitifs, devrait être mise en place le plus tôt possible. L’enseignement
des matières scolaires devrait devenir une priorité, comme c’est le cas
par exemple au Royaume-Uni, et où, par ailleurs, les enfants avec DIMS
sont très largement intégrés dans les classes ordinaires. Des compétences
en matière de raisonnement abstrait correspondant à un âge mental de 6 à
7 ans, comme nous l’avons observé dans notre recherche, laissent pré-
sager un succès non négligeable dans ce type d’apprentissage. Ces
interventions, de plus, ne devraient pas s’arrêter à la fin de la scolarité
obligatoire. Les recherches (p.ex. Shepperdson, 1994) montrent que non
seulement ces personnes continuent d’apprendre au-delà de 16 ans, mais
que leur motivation à apprendre augmente également avec l’âge. Il a été
établi (voir Martini-Willemin, 2008) que la pratique de la lecture et de
l’écriture favorise le développement cognitif global, contribue à une
meilleure image de soi, accroît l’autonomie, l’acceptation de ces per-
sonnes par les autres, et pourrait augmenter leur potentiel d’employa-
bilité.
Comme les différentes études résumées ici l’ont démontré, le TAPA
est un très bon prédicteur des apprentissages. Cependant, si les condi-
tions d’enseignement de l’élève ne changent pas (c’est-à-dire restent
insuffisamment stimulantes), il y a peu de chance que son potentiel se
réalise vraiment. Les méthodes d’enseignement devraient également être
adaptées aux caractéristiques de ces personnes. Généralement, elles sont
simplement calquées sur celles appliquées dans l’enseignement ordi-
naire. En outre, l’existence de spécificités étiologiques (comme une
modalité visuelle mieux préservée que la modalité auditive) est connue
depuis longtemps (p.ex. Pennington & Bennetto, 1998). Les inter-
ventions éducatives pourraient se montrer plus efficaces si elles tenaient
compte de ce type de données. Certains processus prérequis, comme la
conscience phonologique (processus déterminant dans l’acquisition de la
lecture et de l’écriture), devraient faire l’objet d’un entraînement
systématique. Nous avons par ailleurs énoncé un certain nombre de
principes pédagogiques favorisant le développement des compétences
cognitives et dont l’efficacité a été éprouvée (Hessels & Hessels-
Schlatter, 2008).

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Les déficits et difficultés des personnes avec DIMS sont avérés, et


essayer d’être plus exigeant avec tous les élèves, indépendamment de
leur potentiel, représenterait une charge lourde pour les enseignants et
leurs élèves, et n’aboutirait pas aux résultats escomptés. De plus, cela
pourrait conduire certains élèves à perdre leur motivation, leur confiance
en eux, et à se désinvestir. Des différences interindividuelles importantes
ont été observées dans toutes les études: certaines personnes progressent
significativement, d’autres pas du tout. Des objectifs éducatifs avant tout
centrés sur l’autonomie, la socialisation et la communication, comme
cela se pratique actuellement dans la plupart des institutions, paraissent
par conséquent plus adaptés pour ces dernières.

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Chapitre 4

Evaluation des capacités de raisonnement et


prédiction des apprentissages dans un domaine
scolaire nouveau chez des élèves présentant une
déficience intellectuelle légère

Marco G.P. HESSELS & Marlous TIEKSTRA

1 Justification pour un nouveau test d’apprentissage

Les recherches avec le Test d’Apprentissage de la Pensée Analogique


(TAPA; Schlatter, 1999) présentées dans le chapitre précédent ont
montré qu’une partie des personnes avec une déficience intellectuelle
présentent plus de capacités de raisonnement et d’apprentissage que ne
laisse penser un test traditionnel d’intelligence (voir aussi Budoff,
Meskin, & Harisson, 1971). Les faibles performances des ces élèves aux
tests d’intelligence (tests QI) ont été attribuées à une mauvaise com-
préhension des consignes et de la situation d’évaluation, ainsi qu’à une
limitation de certains processus cognitifs nécessaires pour résoudre les
exercices présentés dans ces tests (Hessels & Hessels-Schlatter, 2008;
Schlatter, 1999).
Dans ce chapitre, nous présentons une recherche récente menée au-
près d’un groupe d’adolescents présentant une déficience intellectuelle
légère avec le Hessels Analogical Reasoning Test (HART; Hessels,
Berger, & Bosson, 2008; Hessels, 2009). Le HART a été élaboré pour
pallier à certains inconvénients inhérents aux tests d’apprentissage exis-
tants. Par exemple, jusqu’à ce jour on constate qu’il n’existe que peu de
tests d'apprentissage standardisés et que l’étendue d’âge (d’une à
quelques années) de ces tests est assez restreinte. Un autre inconvénient
de ces instruments est que l’administration se fait de manière indivi-
duelle, ce qui exclut une utilisation dans des études à grande échelle. Cet

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52 Hessels & Tiekstra

argument est généralement accompagné par la critique que les tests


d’apprentissage nécessitent plusieurs sessions pour une administration
complète et, par conséquent, demandent trop de temps pour être utiles
dans la pratique. Toutefois, d’une part tous les tests d’apprentissage ne
requièrent pas plusieurs sessions d’administration (voir chapitre 2 de cet
ouvrage), et d’autre part, un test qui doit être administré en plusieurs
sessions ne prend pas forcément plus de temps qu’un test QI. Ceci est le
cas, par exemple, pour le TAPA (Schlatter, 1999; chapitre 3 de cet
ouvrage). Un autre point concerne les problèmes méthodologiques
associés avec le calcul des gains dans les tests utilisant un pré-test et un
post-test (Cronbach & Furby, 1970; Embretson, 1987; Sijtsma, 1993a).
Par exemple, la fidélité du gain dépend de la fidélité du pré-test et du
post-test. Si ces deux tests montrent de grandes erreurs de mesure, de
grandes différences en gains sont très probables, mais artificielles. De
plus, si la fidélité est imparfaite, les gains sont corrélés négativement
avec les scores au pré-test à cause de l’effet de régression vers la
moyenne. Cela signifie que, même sans qu’il n’y ait de progrès dans la
moyenne du groupe, les élèves avec des scores initiaux faibles pro-
gressent, tandis que les élèves avec des scores initiaux élevés régressent.
Cet effet peut conduire à la conclusion erronée que les élèves les plus
faibles profitent plus de l’entraînement que les élèves les plus forts. Un
autre problème est l’incomparabilité des unités de mesure du pré-test et
post-test. Lorsque les deux tests contiennent des items différents, les
scores bruts aux deux tests ne représentent pas forcément les mêmes
intervalles.
Certains de ces problèmes méthodologiques peuvent être résolus en
utilisant un modèle de mesure basé sur la Théorie de la Réponse à l’Item
(Embretson, 1987; Sijtsma, 1993b). Dans le cadre de l’élaboration du
HART, nous avons opté pour le modèle de Rasch généralisé (Verhelst &
Glas, 1995). Ce modèle a permis la construction d’une banque d’items
(66 items au total) qui mesurent tous le même trait psychologique: la
capacité d’apprentissage dans le domaine du raisonnement analogique
(Hessels et al., 2008). Le modèle de Rasch a comme avantage qu’une
fois qu’un modèle adéquat a pu être formulé, n’importe quels items
peuvent être utilisés pour créer différentes versions du HART. Ce
peuvent être des versions parallèles, mais aussi des versions avec un

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niveau de difficulté différent, par exemple adapté à l’âge ou au degré


scolaire, ou adapté au niveau des élèves avant et après un entraînement.
Le modèle permet également l’application d’une procédure dans laquelle
l’ordinateur présente des items en fonction des réussites et échecs de
l’élève en cours de test (tests adaptatifs). Etant donné que les items font
partie du modèle, chaque version du HART donne une estimation sur la
même échelle avec un vrai niveau d’intervalle.

2 Brève description du HART

Le HART est un test d’apprentissage standardisé dont le but est d’esti-


mer la capacité d’apprentissage d’élèves entre 5 et 18 ans, sans diffi-
cultés particulières, ou avec des difficultés d’apprentissage et/ou une
déficience intellectuelle légère. Le test peut être appliqué de manière
individuelle ou en groupe et une version sur ordinateur est en cours de
construction. L’administration du test prend 30 à 45 minutes environ,
selon le niveau de l’élève.
Dans le HART, les élèves doivent, après un court entraînement,
résoudre des analogies figuratives dans une matrice avec 2 colonnes et 3
lignes ou 3 colonnes et 3 lignes (un exemple est présenté dans la
figure 1). Les analogies sont comparables à celles trouvées dans d’autres
tests de raisonnement analogique, comme par exemple les Matrices
Progressives Standards (SPM) de Raven (1958). Le raisonnement analo-
gique a été choisi parce qu’il est considéré comme étant en lien étroit
avec le facteur d’intelligence générale (le facteur g), sensible au dévelop-
pement et aux différences interindividuelles, et que cette capacité peut
être significativement améliorée par un entraînement. En outre, le choix
d’une tâche non scolaire a pour objectif d’éviter d’éventuelles réactions
émotionnelles négatives chez les élèves dont le parcours scolaire est
marqué par de nombreux échecs. Le dernier argument pour le choix
d’items de raisonnement analogique à modalité géométrique est le fait
que le sous-test des analogies figuratives du Leertest voor Etnische
Minderheden (LEM; Hessels, 1993, 1996, 1997; voir également le cha-
pitre 2), test d’apprentissage pour les enfants de minorités ethniques est

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celui qui montre la meilleure prédiction de la réussite scolaire à long


terme (Hessels & Hessels-Schlatter, 2002).

Figure 1. Exemple d’un item du HART.

L’entraînement dure environ 20 à 30 minutes. Quatre exercices qui


ciblent les processus de comparaison systématique des éléments et
l’abstraction des concepts sont d’abord exécutés et discutés en groupe.
Les élèves apprennent également à verbaliser les attributs qui changent et
à abstraire les règles. Par exemple, le carré blanc devient un carré noir,
donc c’est la couleur qui change. Puis, six items de complexité croissante
sont discutés collectivement. L’examinateur demande aux élèves d’abs-
traire les règles dans les deux premières lignes de la matrice et de les
appliquer dans la dernière ligne afin de se faire une image mentale de ce
qui est attendu dans la case vide. Il leur demande ensuite d’analyser les
six ou huit alternatives données et de choisir celle qui correspond à
l’image cherchée. Les élèves doivent argumenter pourquoi l’alternative
choisie est correcte. Les autres alternatives et les raisons pour lesquelles
elles sont incorrectes sont également discutées en groupe.

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Evaluation des élèves présentant une déficience intellectuelle légère 55

3 Développement de la procédure du HART

Différentes études ont été menées avec le HART afin d’évaluer le fonc-
tionnement des items, le type de procédure le plus approprié, ainsi que
l’efficacité de l’entraînement (p.ex. Bider & Linder, 2005; Raphoz,
2007; Rumley, 2007).
Les analyses montrent que le HART est une mesure fidèle ( de .69
à .92) et que les items du test sont en parfaite adéquation avec le modèle
de Rasch (Hessels et al., 2008). Le niveau de difficulté théorique des
items du HART, qui est basé sur le nombre d’éléments et le nombre de
relations à considérer dans chaque item, est également confirmé par ces
analyses.
En ce qui concerne l’administration, différentes procédures ont été
testées (familiarisation – pré-test – entraînement – post-test; pré-test –
entraînement – post-test; entraînement – test). Les différentes recherches
montrent qu’une procédure sans phase de familiarisation conduit à des
scores significativement plus bas au pré-test qu’une procédure qui inclut
une phase de familiarisation. De plus, pour une relativement grande
partie des jeunes élèves en première et deuxième primaire, ainsi que pour
les élèves avec difficultés d’apprentissage, on trouve des patterns de
réponse inappropriés par rapport à leur score total au test, c’est-à-dire
que les élèves échouent des items faciles mais réussissent des items
difficiles. Cela indique que les élèves n’appliquent pas un raisonnement
analogique pour résoudre les items, mais répondent au hasard. L’inco-
hérence dans les patterns de réponse remet donc en cause la validité de
construit des tests qui ne fournissent pas une introduction ou une phase
de familiarisation appropriée (Hessels, 2009).
Par rapport à l’entraînement, les différentes études attestent son
efficacité dans tous les degrés de l’école primaire et dans les classes spé-
cialisées. L’effet de l’entraînement dans le groupe expérimental est
significativement plus important que la simple répétition de test dans le
groupe contrôle (Hessels, 2009; Hessels et al., 2008).
Les analyses de régression montrent enfin que, dans le groupe expéri-
mental, le pré-test ne contribue pas à la prédiction des réussites scolaires,
le post-test étant généralement le seul prédicteur significatif. Cela est
particulièrement vrai pour les enfants les plus faibles de l’école régulière,

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les enfants des classes spécialisées et les enfants étrangers, et confirme


les résultats obtenus par Beckman avec le Adaptive Computer Assisted
Intelligence Learning test battery (ACIL; Beckmann, 2001), ainsi que
nos résultats obtenus avec le LEM (Hessels & Hessels-Schlatter, 2002).
Dans chacune de ces deux études, non seulement le test d’apprentissage
(comparable au post-test du HART) expliquait considérablement plus de
variance dans les réussites scolaires que le test d’intelligence (compara-
ble au pré-test du HART), mais la partie de la variance expliquée par le
test d’intelligence y était incluse, rendant ce dernier redondant.
Ces analyses ont permis de conclure que la procédure entraînement –
test est à la fois économique et efficace (Hessels, 2009; Raphoz, 2007).
C’est cette procédure qui a donc été retenue et utilisée dans les
recherches suivantes.

4 La validité prédictive et la validité écologique:


le développement de critères dynamiques

La validité prédictive des tests d’intelligence est généralement estimée


en comparant les scores QI avec les scores à des tests scolaires. Or, l’uti-
lisation de tests scolaires traditionnels n’est pas appropriée pour la vali-
dation des tests d’apprentissage. En effet, nous argumentons que les tests
d’apprentissage sont plus représentatifs des comportements d’appren-
tissage des élèves que les tests d’intelligence traditionnels, puisqu’ils
incluent justement une situation d’apprentissage. L’aspect procédural,
c’est-à-dire comment le résultat a été obtenu, est de ce fait important
(Guthke, Beckmann, & Stein, 1995). Selon Wiedl (1984; Wiedl &
Herrig, 1978), l’hypothèse de la validité écologique (que les tests
d’apprentissage montrent des corrélations plus élevées avec des mesures
scolaires que les tests QI) ne peut être confirmée que lorsque les mesures
scolaires fournissent également des conditions d’apprentissage optima-
lisées. Cela implique que nous devons renoncer à l’utilisation des tests
scolaires standards et que nous devons créer des critères dynamiques: il
faut mesurer l’apprentissage scolaire dans des situations d’apprentissage
contrôlées, comme l’ont fait Budoff (Budoff et al., 1971) avec le pro-

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Evaluation des élèves présentant une déficience intellectuelle légère 57

gramme d’électricité et Beckmann (2001) avec le programme de


géographie.
De plus, il faut considérer que les élèves avec difficultés d’apprentis-
sage ont vécu des échecs répétés dans les différentes branches scolaires,
ce qui implique que des facteurs émotionnels et motivationnels peuvent
influencer négativement leurs résultats dans ce genre d’épreuves. Il appa-
raît donc qu’une mesure d’apprentissage dans un domaine scolaire nou-
veau, pour lequel les élèves n’ont pas d’expériences d’échecs préalables,
se montre plus appropriée pour estimer la validité prédictive (Bider &
Linder, 2005; Hessels, 2009; Rumley, 2007; Tiekstra, Hessels, &
Minnaert, 2009).
Nous avons par conséquent développé deux tests d’apprentissage
dans des domaines scolaires nouveaux afin d’estimer la validité prédic-
tive du HART: le Test d’Apprentissage de Géographie (TAG; Bider &
Linder, 2005; Hessels, 2009) et le Test d’Apprentissage de Chimie
(TAC; Hessels, 2009; Rumley, 2007). Chaque test existe en trois ver-
sions de complexité différente et est précédé par un entraînement. Dans
la version la plus simple du TAG (1ère et 2ème primaire), les élèves ap-
prennent à résoudre le problème de Léa: Léa doit faire des courses dans
son village en respectant certaines conditions: par exemple, il lui est
demandé de prendre le chemin le plus court et de tenir compte du poids
des produits (on achète d’abord les choses les plus légères), ainsi que
leur fragilité (on n’achète les œufs qu’en dernier, après les produits
lourds comme le lait). Dans la deuxième version (3ème et 4ème primaire),
les élèves apprennent à planifier un voyage en Europe, en utilisant une
carte sur laquelle les différents trajets possibles sont indiqués. Les élèves
doivent respecter le temps disponible pour ce voyage, le nombre de bil-
lets à disposition, les villes à visiter, ainsi que les moyens de transport
(vélo, train, avion). Dans la dernière et la plus complexe version du GAT
(5ème et 6ème primaire), les élèves doivent préparer un voyage autour du
monde en utilisant le vélo, le voilier et l’avion. Ils disposent d’une carte
sur laquelle sont indiqués les trajets, les alizés et les courants de mer (on
ne prend pas, par exemple, le voilier pour aller de Hawaï à la Nouvelle
Zélande, parce qu’on navigue contre l’alizé et contre le courant de mer).
Ils ont également un tableau avec les caractéristiques saisonnières à dis-
position, afin d’éviter de planifier un séjour à Bangkok pendant la saison

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58 Hessels & Tiekstra

des pluies ou de traverser l’Australie en plein été avec une température


supérieure à 40 degrés. Les entraînements (d’une durée de 20 à 40
minutes selon la version), comprenant plusieurs exercices, sont effectués
en groupe et portent sur les différentes caractéristiques des tâches. La
phase de test, appliquée directement après l’entraînement, dure égale-
ment entre 20 et 40 minutes.
L’étude avec le TAG (Bider & Linder, 2005) auprès de 672 élèves de
6 à 12 ans, en classes ordinaires et spécialisées, montre que la procédure
de cotation des trois versions est bien définie et cohérente. L’accord
inter-juge est considéré excellent avec des valeurs de  (Cohen, 1960)
entre .86 et .90. La fidélité est également jugée très bonne avec un  de
Cronbach qui varie entre .77 et .93. Du point de vue de la validité, cette
étude confirme l’utilité des critères dynamiques. En particulier pour les
élèves faibles des classes ordinaires et les élèves des classes spécialisées,
le TAG montre un lien plus fort avec le HART qu’une épreuve de
mathématiques traditionnelle (Hessels, 2009).
Le TAC a été conçu en trois versions selon les degrés scolaires, et
consiste, comme le TAG, en une phase d’entraînement suivie par un test.
Les enfants apprennent que tout ce qui existe est fait de tous petits
grains, qu’on appelle molécules:
En regardant autour de nous on peut remarquer que plus on regarde de près, mieux
on voit que tout est fait de très petites choses. Par exemple, la plage est faite de
dunes de sable, et ces dunes de sable sont faites de grains de sable. Ou la neige, qui
est faite avec beaucoup de flocons de neige. Et les flocons de neige, à leur tour,
sont faits de tous petits cristaux. En fait, si on pouvait regarder d’encore plus près,
on verrait que tout est fait de tous petits grains. Aujourd’hui je vais vous parler de
ces petits grains, qu’on appelle des molécules, et je vais vous montrer comment ils
se mettent ensemble, comment les petits grains s’accrochent les uns aux autres
(Rumley & Hessels, 2007, p. 2).

Ainsi, les enfants apprennent que les molécules sont tellement petites
qu’on ne peut pas les voir et que ces molécules n’aiment pas être seules:
elles se tiennent par les bras. Les enfants apprennent combien de bras ont
les différentes molécules et comment elles vont ensemble. Cela est illus-
tré avec des boules en sagex et des bâtonnets qui représentent les bras,
ainsi qu’avec des schémas qui sont projetés sur un écran. Dans la pre-
mière version (2ème enfantine à 2ème primaire), les enfants appliquent les
règles sur des modèles simples de molécules. En 3ème et 4ème primaire, les

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Evaluation des élèves présentant une déficience intellectuelle légère 59

élèves doivent utiliser une version simplifiée du système de Mendeleïev


afin d’inférer le nombre de bras de chaque molécule, avant de les mettre
ensemble. Les règles pour déterminer le nombre de bras et le tableau
sont toujours à disposition des élèves. Dans la version la plus complexe
(5ème et 6ème primaire), les enfants doivent, en plus, inférer si les liaisons
sont simples, doubles ou triples.
La recherche de Rumley (2007) auprès de 258 élèves de 5 à 12 ans,
de la 2ème enfantine à la 6ème primaire, montre une bonne fidélité pour le
TAC avec des valeurs d’ de Cronbach de .70, .91 et .92 respectivement.
Par rapport à la validité, les corrélations entre le HART et le TAC sont
généralement plus fortes qu’entre le HART et un test traditionnel de
mathématiques. Chez les enfants suisses, les corrélations entre le HART
et le TAC varient entre .16 (ns) pour les enfants les plus jeunes, et .72
(p  .01) pour les plus âgés. Les corrélations entre le HART et les mathé-
matiques varient de .46 à .54 (tous les p  .01). Chez les enfants étran-
gers, les corrélations entre le HART et le TAC varient entre .33 (p  .05)
et .61 (p  .01). En revanche, les corrélations avec les mathématiques,
avec des valeurs entre .28 (ns) et .33 (p  .01), sont toutes faibles. On
constate également que la corrélation entre le HART et le TAC aug-
mente avec l’âge dans les deux groupes. Finalement, nous avons analysé
les corrélations dans le groupe d’élèves identifiés par les enseignants
comme faisant partie du 25% des élèves les plus faibles. Un premier
constat est que les élèves étrangers sont surreprésentés dans ce groupe:
on y trouve 2.5 fois plus d’élèves étrangers que d’élèves suisses et cette
différence est significative (p  .05). Ensuite, on constate que les corréla-
tions entre le HART et les deux mesures scolaires (TAC et mathé-
matiques) sont modérées à élevées avec des valeurs de .61 (p  .05)
et .66 (p  .01), respectivement, chez les enfants suisses. Chez les
enfants étrangers, la corrélation entre le HART et le test de mathé-
matiques est très faible et non significative (r = .09; ns). Par contre, la
corrélation entre le HART et le TAC est .40 (p  .01). Ces différents
résultats confirment d’une manière générale qu’un critère dynamique est
plus approprié qu’une épreuve scolaire traditionnelle, tout particuliè-
rement pour les élèves à risques.
Malgré le fait que plusieurs auteurs ont argumenté que les tests
d’apprentissage devaient être validés avec des mesures d’apprentissage

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60 Hessels & Tiekstra

dans des domaines scolaires nouveaux, on ne trouve que quelques études


de ce type dans la littérature (p.ex. Beckmann, 2001; Budoff et al., 1971;
Hessels, 1993, 1997). Les études avec le TAG et le TAC présentées ci-
dessus soutiennent l’hypothèse de la validité écologique. Pour cette
raison, le TAC a également été utilisé dans l’étude avec des élèves
présentant une déficience intellectuelle légère qui est présentée dans la
suite de ce chapitre.

5 La validition du HART auprès d’adolescents


avec une déficience intellectuelle légère

L’analyse de la validité du HART auprès d’adolescents avec une défi-


cience intellectuelle légère a été effectuée dans une école spéciale à
Genève (Tiekstra, 2007; Tiekstra et al., 2009). L’échantillon comprenait
46 élèves, dont 21 filles et 25 garçons. Les élèves étaient âgés de 15 ans
et 6 mois à 19 ans et 4 mois, et l’âge moyen était exactement de 17 ans.
L’école leur offre un enseignement en classes à effectifs réduits et les
prépare à une future formation professionnelle, le plus souvent dans le
cadre d’une école spéciale. Le niveau du programme d’études est généra-
lement comparable à celui pour des élèves de huit à dix ans.
La version du HART qui a été utilisée contenait 20 items et corres-
pondait à un niveau de 8 à 10 ans (3ème et 4ème primaire). L’entraînement
d’environ vingt minutes a été fait dans la classe (6 à 7 élèves) et était
suivi directement par la phase de test. Deux semaines après, une version
adaptée du TAC a été administrée. L’entraînement durait une vingtaine
de minutes. Le niveau de difficulté des 15 items à choix multiples
correspondait également à un âge de 8 à 10 ans. Un exemple d’un item
de cette version du TAC est présenté dans la figure 2.

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Evaluation des élèves présentant une déficience intellectuelle légère 61

Figure 2. L’item 13 du Test d’Apprentissage de Chimie.

Une estimation du QI fait généralement partie de l’évaluation psycho-


logique de l’élève avant son admission à l’école. Nous avons utilisé ces
données afin de les comparer aux scores du HART. Différents tests
d’intelligence, avec différents types de mesures (percentile, QI, stanine)
ayant été utilisés, nous avons converti tous les scores en stanines. Ainsi,
des estimations ont été obtenues pour 23 élèves.
Les enseignants ont rempli un court questionnaire qui leur demandait
d’évaluer le niveau des élèves en mathématiques et français, ainsi que
d’estimer la capacité d’apprendre des élèves (1 = faible, 6 = élevé), la
référence étant la population d’élèves dans cette école.
La fidélité ( de Cronbach) du HART est de .65, et elle est de .79
pour le TAC. Ces valeurs sont considérées comme satisfaisantes, surtout
auprès de ce type de population.
Les scores aux tests d’intelligence (pour faciliter, nous parlerons de
scores QI), disponibles pour la moitié des élèves, varient de 1 à 4 et deux
élèves obtiennent un stanine de 5. Des t tests montrent que les perfor-
mances de ce sous-groupe au HART et au TAC sont représentatifs pour
l’ensemble du groupe (HART: t = 1.331, ns; TAC: t = .005, ns).
La validité du construit a été évaluée en calculant les corrélations
entre le HART, le QI et le jugement des enseignants par rapport à la
capacité d’apprentissage de leurs élèves. La validité prédictive a été
évaluée en comparant les corrélations du HART et du QI avec le TAC et
les jugements des enseignants par rapport aux réussites scolaires en
mathématiques et français. Ces corrélations, calculées pour le groupe de

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62 Hessels & Tiekstra

23 élèves pour lesquels toutes les données sont disponibles, sont


présentées dans le tableau 1.

Tableau 1. Corrélations entre le HART, TAC, QI et les jugements des


enseignants de la capacité d’apprentissage et des réussites
scolaires en mathématiques et français (N = 23).
HART QI
Tests
TAC .57** .30
QI stanines -.18
Jugements des enseignants
Capacité d’apprentissage .48* .01
Mathématiques .30 -.06
Français -.00 -.17
* p  .05; ** p  .01

Le tableau nous montre que le HART est fortement corrélé avec le TAC
et modérément avec le jugement des enseignants concernant la capacité
d’apprentissage des élèves. La corrélation avec l’estimation du niveau en
mathématiques est faible et non significative. La corrélation avec l’esti-
mation du niveau en français est nulle. Le QI ne corrèle avec aucune des
variables.
Une analyse hiérarchique de régression (Etape 1: QI; Etape 2: QI,
HART) montre que le QI prédit 8.8% de la variance dans le TAC
(R2=.09, F (1,21) = 2.03, ns). L’introduction du HART fait monter cette
prédiction à 48.3%. La contribution du HART à la prédiction est
significative (R2=.40; F (1,20) =15.28, p=.001). La taille d’effet du QI
est p2 = .24 et la taille d’effet du HART est p2 = .43, avec des
puissances de .67 et .96, respectivement. Cela montre que l’ajout du test
d’apprentissage à l’évaluation standard (le test QI) réduit l’erreur de
Type II dans cette population. Ces résultats confirment que le HART
présente une meilleure validité prédictive pour une population avec défi-
cience intellectuelle légère, comparé à un test d’intelligence classique.

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Evaluation des élèves présentant une déficience intellectuelle légère 63

6 Conclusion

Les différentes recherches avec le HART que nous avons présentées


dans ce chapitre illustrent la pertinence de ce test pour l’évaluation des
élèves à besoins éducatifs particuliers. Le HART se montre fidèle et
valide auprès d’enfants avec difficultés d’apprentissage de classes ordi-
naires et spécialisées, ainsi que d’enfants de minorités ethniques
(Hessels, 2009; Hessels et al., 2008). En ce qui concerne l’étude auprès
d’adolescents de 15 à 19 ans présentant une déficience intellectuelle
légère, les résultats démontrent également les bonnes qualités psychomé-
triques du HART pour cette population. Le HART permet de mieux
différencier la capacité d’apprentissage des élèves dont le score à un test
d’intelligence traditionnel est faible. Le test montre également une bonne
corrélation avec le jugement des enseignants en ce qui concerne la capa-
cité d’apprendre, ainsi qu’avec l’apprentissage des élèves dans le TAC.
Le QI, par contre, ne montre qu’un lien très faible et non significatif avec
les apprentissages des élèves. Ce résultat confirme la supériorité des tests
d’apprentissage pour les personnes présentant une déficience intellec-
tuelle (voir également chapitre 3 de cet ouvrage).
On pourrait argumenter que l’échantillon dans notre recherche n’était
pas très grand et que les résultats ne peuvent pas être généralisés. Toute-
fois, l’analyse de régression ne contenait que deux étapes et a montré de
larges effets. Cela implique que ces deux mesures de l’intelligence
définie comme «la capacité d’apprendre» sont très différentes. Une
recherche récente avec un même type d’échantillon a confirmé ce lien
faible et non significatif entre les scores QI (dans ce cas le SPM de
Raven) et les scores au HART (Gassner, 2009).
La présente recherche a également montré l’importance de l’uti-
lisation de critères dynamiques: l’apprentissage programmé dans un
domaine scolaire nouveau. Les performances dans les deux tests que
nous avons développés, le Test d’Apprentissage de Géographie et le Test
d’Apprentissage de Chimie, ne sont pas (ou peu) confondues avec des
difficultés spécifiques dans les différentes branches scolaires et ne sont
pas (ou peu) influencées par des facteurs émotionnels et motivationnels.
Ces tests à contenu scolaire sont appréciés par les élèves et montrent de
bonnes corrélations avec le HART.

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64 Hessels & Tiekstra

Il faut cependant mentionner que certains élèves avec déficience


intellectuelle auraient pu profiter d’une passation individuelle de ces
différents instruments. Nos observations en classe ont montré que plu-
sieurs d’entre eux étaient capables de résoudre les différents exercices
pendant l’entraînement, mais qu’ils avaient des difficultés à mettre en
œuvre leurs capacités de réflexion dans la situation de test, où ils étaient
laissés à eux-mêmes. Ils répondaient généralement de manière impul-
sive, sans bien réfléchir, ni contrôler ce qu’ils faisaient. Une autre ob-
servation importante était leur incapacité à évaluer la qualité de leur
travail. Cela a été confirmé dans une discussion avec les enseignants qui
ont fait les mêmes observations. Une administration du HART par
ordinateur avec des feed-back après chaque réponse, pourrait probable-
ment aider à pallier à ces difficultés. Les recherches futures devraient
être plus ciblées sur l’observation de ces aspects métacognitifs, ce qui
permettrait de mieux les considérer dans le cadre de l’évaluation.
Les résultats confirment une fois de plus que la capacité d’appren-
tissage des élèves avec une déficience intellectuelle peut être largement
sous-estimée avec des tests traditionnels. Les tests d’apprentissage
peuvent aider à reconnaître ces capacités et, en conséquence, aider à
rehausser les attentes des psychologues, enseignants et éducateurs par
rapport à leurs élèves. Nos prochains objectifs de recherche se focalisent
également sur le lien entre les résultats dans le HART et les possibilités
d’intervention.

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Evaluation des élèves présentant une déficience intellectuelle légère 65

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66 Hessels & Tiekstra

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Chapitre 5

Raisonnement analogique et mémoire de travail


chez des personnes présentant une déficience
intellectuelle modérée à sévère

Caroline BRUTTIN & Fredi BÜCHEL

Dans ce chapitre, nous proposons de passer en revue quelques éléments


théoriques en lien avec le raisonnement analogique et la mémoire de
travail. Dans la seconde partie, nous exposons une étude actuellement en
cours dans ces deux domaines auprès de personnes avec une déficience
intellectuelle modérée à sévère.
Le raisonnement analogique est une partie centrale de l’intelligence
humaine et une forme de la pensée inductive (Goswami, 1992). Généra-
lement, on distingue deux types d’analogie: les problèmes et les analo-
gies classiques, ces dernières représentant le format traditionnel de
l’analogie. Dans les analogies classiques, il s’agit de trouver le quatrième
élément (D) d’un groupe, en découvrant la relation existant entre les
deux premiers éléments de la tâche (A et B) et en l’appliquant à un
troisième (C). Par exemple, si nous avons «chien» et «niche» en tant
qu’éléments A et B et que «homme» est l’élément C, nous devrions
trouver, par analogie, que l’élément D est «maison». L’analogie chien :
niche :: homme : maison est présentée, dans les tests, soit sous forme
linéaire, soit en matrice 2 × 2. Afin de découvrir l’élément manquant, on
doit suivre la règle «A est à B, ce que C est à D» (Pellegrino, 1985). Afin
de résoudre une analogie, plusieurs processus cognitifs entrent en jeu.
Sternberg (1977) en a décrit six: l’encodage (percevoir un élément de
l’analogie et le maintenir en mémoire); l’inférence, qui est la découverte
de la relation entre les deux premiers éléments (A et B) et le maintien de
celle-ci en mémoire; le «mapping» qui consiste à lier les deux parties de
l’analogie en découvrant la relation entre les éléments A et C; l’applica-
tion de cette relation; la justification et enfin la réponse.

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68 Bruttin & Büchel

Un des auteurs les plus connus à avoir théorisé le développement du


raisonnement analogique est Piaget, selon qui cette habileté est tardive
est n’apparaît que vers onze-douze ans, dans la période de la pensée
formelle (Piaget, Montangero, & Billeter, 1977). Plusieurs études ont
corroboré ce point de vue. Selon Gallagher et Wright, (1979) et Stern-
berg et Downing (1982), les jeunes enfants ne sont pas capables de
raisonner par analogie, mais raisonnent par association, cette forme de
raisonnement ne requérant pas la pleine compréhension des relations.
Cependant, d’autres études ont démontré que même de très jeunes
enfants (dès quatre ans) étaient capables de résoudre des analogies, à
condition qu’ils comprennent les relations impliquées (Alexander,
Willson, White, & Fuqua, 1987; Goswami, 1992). Goswami et Brown
(1989, 1990) par exemple ont utilisé exclusivement des analogies liné-
aires, de type pain : tranche de pain :: citron : ?. Les éléments de
réponse étaient composés d’une seule réponse analogique (tranche de
citron) et de quatre par association (tranche de cake, moitiés de citron
pressées, ballon jaune et citron), chacune d’entre elles ayant une relation
en commun avec l’analogie (par exemple la couleur ou la forme). Les
auteurs ont présenté leurs items à des enfants de quatre, cinq et neuf ans,
et ont constaté que la majorité pouvait raisonner par analogie, du fait que
les relations utilisées leur étaient familières.
Tzuriel (2007), quant à lui, marque une différence entre les analogies
conceptuelles et perceptuelles. Les premières, fondées sur des relations
abstraites, et dont la solution ne requiert la considération que d’un seul
élément, semblent plus complexes que les perceptuelles, fondées sur des
relations visuo-perceptives, dont la solution requiert la considération
d’au moins deux éléments.
Un autre facteur lié à la complexité des analogies est le nombre
d’éléments et de transformations apportés sur les items (Mulholland,
Pellegrino, & Glaser, 1980): plus le nombre d’informations à retenir
augmente, plus la mémoire est surchargée, ce qui provoque un risque de
perdre une partie des informations (Pellegrino & Glaser, 1980;
Sternberg, 1977).
Les personnes présentant une déficience intellectuelle ont des diffi-
cultés à résoudre des tâches d’analogies, notamment en raison d’un
déficit de la mémoire à court terme. Pour les personnes adultes sans

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Raisonnement analogique et mémoire de travail 69

déficience, l’empan mnésique est de sept plus ou moins deux unités


(Miller, 1956), mais pour les personnes ayant une déficience intellec-
tuelle, ce chiffre est moindre. Ces dernières ne présentent pas seulement
des difficultés dans les tâches analogiques, mais dans toutes les tâches
cognitives qui demandent un certain niveau d’abstraction (Primi, 2001).
Les différents processus cognitifs impliqués dans le raisonnement analo-
gique sont déficitaires chez ces personnes. En général, elles n’explorent
pas toutes les informations à disposition (Paour, 1992) et l’encodage et le
stockage des informations en mémoire à court terme ne sont pas opti-
maux (Dulaney & Ellis, 1991). Elles démontrent également un déficit
d’attention sélective et ne comparent pas les informations entre elles,
activité nécessaire pour résoudre les analogies. Souvent, elles ne com-
prennent pas la tâche qui leur est proposée et ce qu’elles doivent faire
(Hessels & Hessels-Schlatter, 2008). Enfin, leur mémoire de travail est
limitée à deux ou trois éléments pouvant être maintenus et traités simul-
tanément (Hulme & Mackenzie, 1992). De plus, elles utilisent rarement
l’autorépétition, processus leur permettant de maintenir les informations
plus longtemps en mémoire. Ceci constitue probablement le facteur ex-
plicatif principal de leurs difficultés dans les tâches analogiques. Une
surcharge mnésique peut être évitée ou réduite par l’utilisation de
stratégies.
Selon certains auteurs (p.ex. Bray & Turner, 1986; Campione,
Brown, & Ferrara, 1982), les personnes avec déficience intellectuelle
sont capables d’apprendre et de maintenir des stratégies suite à un entraî-
nement, mais ont toujours de la difficulté à les généraliser. Différents
auteurs (par exemple Bray, Fletcher, & Turner, 1997; Bray, Huffman, &
Fletcher, 1999; De Beni & Moè, 1998; Fletcher, Huffman, & Bray,
2003) ont cherché à entraîner les personnes avec déficience, afin d’amé-
liorer leur capacité mnésique grâce à l’utilisation de stratégies de mé-
moires externes. De Beni et Moè (1998) ont entraîné des enfants avec
déficience intellectuelle, avec et sans trisomie 21, et des enfants sans
déficience de même âge mental, à utiliser une stratégie de mémoire ex-
terne. La tâche consistait à trouver sept animaux en peluche cachés sous
sept seaux identiques, disposés à égale distance les uns des autres. Pour
tous les enfants, la stratégie de mémoire externe consistait à placer des
images représentant les animaux au-dessus des seaux, afin de retrouver

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70 Bruttin & Büchel

les peluches. Les enfants devaient d’abord se rendre compte qu’ils ne


pouvaient pas retrouver les peluches sans aide, puis qu’ils pouvaient
utiliser les images pour s’aider. Les auteurs ont trouvé que les enfants
avec déficience et trisomie 21 ont retiré un avantage conséquent de la
stratégie et l’ont mieux maintenue que les enfants avec déficience sans
trisomie 21. L’étude a montré par ailleurs que les enfants avec déficience
et trisomie 21 ont atteint des niveaux de performance approximativement
égaux à ceux des enfants sans déficience, mais ceux-ci étaient capables
de mieux maintenir la stratégie.
Dans le même ordre d’idées, Rinaldi (2005; Rinaldi, Hessels, Büchel,
Hessels-Schlatter, & Kipfer, 2002) a mené une étude avec trente-six
adolescents âgés d’environ 14 ans, ayant une déficience intellectuelle
modérée. La tâche consistait à se souvenir de l’emplacement de meubles
d’une maison de poupée. On leur demandait d’abord de retirer tous les
meubles, puis de les remettre à l’endroit exact où ils étaient initialement.
Durant l’entraînement, la mémoire externe consistait dans l’utilisation
d’une caisse en bois à deux étages représentant la maison de poupée. Les
enfants pouvaient ainsi disposer les meubles dans la caisse comme ils
étaient dans la maison. Cette tâche a été directement inspirée des travaux
de Bray et collaborateurs (Bray et al., 1997, 1999; Fletcher et al., 2003),
qui ont pu prouver que les personnes ayant une déficience intellectuelle
légère pouvaient utiliser une stratégie de mémoire externe, suite à une
instruction qui leur était adaptée. Concernant l’étude de Rinaldi, le degré
de déficience était plus élevé, puisqu’il s’agissait de personnes avec défi-
cience modérée. Avant l’entraînement, aucun participant n’a utilisé
spontanément une stratégie de mémoire externe. Après l’entraînement
(six leçons d’une heure), un tiers a été capable de l’utiliser. Aucun effet
de transfert de la stratégie n’a été trouvé, d’une part en raison du degré
de déficience de la population, d’autre part car la tâche choisie pour
l’entraînement différait trop de celle utilisée durant le test.
Nous avons vu dans les chapitres 2, 3 et 4 de cet ouvrage que les tests
d’intelligence ne sont guère adaptés pour des populations ayant des
difficultés d’apprentissage ou une déficience intellectuelle, et qu’il
convient mieux d’utiliser des tests d’apprentissage. Les tests d’appren-
tissage se caractérisent par une interaction entre l’examinateur et l’exa-
miné, le but étant de placer ce dernier dans une situation d’apprentissage.

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Raisonnement analogique et mémoire de travail 71

Nombre d’auteurs ont associé l’intelligence à l’apprentissage. Par


exemple Thorndike, Bergman, Cobb et Woodyard (1926) affirmaient
qu’on pouvait inférer l’intelligence d’une personne à partir de ses
propres apprentissages. Selon Budoff et Corman (1976), l’intelligence
est associée au profit qu’une personne peut tirer de ses expériences
d’apprentissage. Les tests d’apprentissage prennent justement en compte
la définition de l’intelligence comme capacité d’apprentissage. Budoff
(1987a, 1987b) a été parmi les premiers à montrer que la capacité
d’apprentissage est mieux prédite par les mesures dynamiques que par
les tests d’intelligence classiques. En prenant en compte les difficultés
spécifiques rencontrées par les personnes avec déficience dans le
domaine des tâches analogiques, notamment un empan mnésique limité,
ainsi que leurs difficultés à comprendre les consignes liées aux tâches,
Schlatter et Büchel (2000; Schlatter, 1999; voir aussi chapitre 3 de cet
ouvrage) ont créé le Test d’Apprentissage de la Pensée Analogique
(TAPA), afin d’évaluer le potentiel d’apprentissage des personnes ayant
une déficience intellectuelle modérée à sévère. L’étude de validation
(Schlatter, 1999) a démontré qu’une partie des participants qui ont
bénéficié d’un entraînement ont obtenu des performances significati-
vement meilleures que les participants qui n’ont pas été entraînés. Il
semble donc qu’un entraînement des processus de base permet de
meilleures performances pour cette population dans le domaine du
raisonnement analogique. Cependant, un tiers des participants n’a pas
profité de l’entraînement, et ne pouvait toujours pas résoudre des items
comportant trois relations à inférer. Une partie de ces personnes a été
entraînée durant une année, mais sans améliorations significatives. Afin
d’expliquer ces résultats, une hypothèse de surcharge mnésique a été
postulée. Ce serait la mémoire limitée des participants qui les empê-
cherait de résoudre des matrices d’un degré de complexité plus élevé
(Büchel, 2006).
Afin d’approfondir cette hypothèse de surcharge mnésique, les
Matrices Analogiques de Construction (MAC; Angeretas & Gonzalez,
2002), un test analogique informatisé, a été créé. Contrairement au
TAPA, les analogies ne sont plus présentées sur une matrice en bois,
mais sur un écran tactile. Le MAC, composé de 20 items répartis sur sept
niveaux de complexité, a l’avantage de permettre aux participants de

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72 Bruttin & Büchel

construire la réponse pas à pas en choisissant des éléments disponibles


en permanence au bas de l’écran. Les éléments de réponse glissent à la
bonne place une fois touchés par le doigt, devenant ainsi des mémoires
externes. Si le participant change d’avis, il appuie à nouveau sur l’objet
qui revient à sa place initiale. Cette procédure permet à la personne, une
fois qu’elle a considéré une relation, de passer à la suivante, sans devoir
mémoriser la précédente. Ainsi, la surcharge de la mémoire peut être
réduite et les performances devraient s’améliorer (Büchel, 2006).
Le MAC a été utilisé dans une étude (Hoch & Marx, 2001) portant
sur l’entraînement de mémoires externes. Ces auteurs ont proposé une
tâche similaire à celle de la maison de poupée de Rinaldi (2005), con-
sistant en un zoo avec 21 animaux situés dans différents enclos. Les
participants, des enfants de 11 à 13 ans avec des difficultés d’apprentis-
sage ou une déficience intellectuelle légère, devaient retirer les animaux
du zoo et les replacer ensuite à l’endroit exact où ils se trouvaient ini-
tialement. Un groupe contrôle (GC) et un groupe expérimental (GE) ont
reçu la Série de Problèmes Analogiques (SPA) en pré- et post-test. Le
MAC a été administré au post-test aux deux groupes. Le GE a été en-
traîné à utiliser des mémoires externes pour résoudre la tâche du zoo,
alors que le GC n’a effectué que les tâches de pré- et post-test. L’hypo-
thèse était que le GE, suite à l’entraînement, devait obtenir de meilleures
performances au MAC que le GC. Les résultats ont montré que le GE a
appris à utiliser une stratégie de mémoire externe et que cela a conduit à
des performances de rappel plus élevées dans la tâche du zoo. Par rap-
port au MAC, les scores au post-test du GE sont plus élevés que ceux du
GC, mais cette différence n’est pas significative. Finalement, les deux
groupes ont obtenu de meilleurs résultats dans le MAC que dans la SPA.
Cela suggère que le système de construction du MAC a eu un effet
positif sur les résultats des participants.
Plusieurs critiques ont été formulées par rapport au MAC. Première-
ment, l’aspect visuel des items était trop divers: certains étaient créés à
partir de photos, d’autres à partir de dessins. Deuxièmement, le niveau
de complexité des items ne correspondait pas toujours au niveau de
difficulté postulé: certains items de septième niveau étaient plus simples
que certains de quatrième. Troisièmement, la distinction entre les attri-
buts conceptuels et perceptuels n’a pas été systématiquement contrôlée

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Raisonnement analogique et mémoire de travail 73

dans le MAC, puisque certains items comportaient les deux caractéris-


tiques. Notre recherche vise donc à améliorer le MAC, par la création de
nouveaux items, afin de garder le même style, en distinguant clairement
les items conceptuels des items perceptuels et en créant une complexité
croissante entre les items. En outre, le rôle joué par l’ordinateur et son
écran tactile peuvent être considérés comme plus motivants qu’une
matrice en bois (TAPA) ou un format papier-crayon traditionnel. De ce
fait, notre test est composé de deux versions: une version de construction
(même principe que dans le MAC) et une version classique (même prin-
cipe que dans le TAPA), ce qui nous permettra de comparer les deux
versions sur un même support, qui est l’informatique. Chaque version est
composée de matrices analogiques en format 2 × 2 dans une modalité
figurative concrète. Pour la version de construction, la réponse doit être
construite avec des éléments disponibles en permanence en bas de
l’écran, parmi lesquels un ou plusieurs représentent des associations
(décrites au début de ce chapitre). Dans la version classique, la réponse
devra être choisie parmi plusieurs possibilités de réponse, une seule étant
correcte. Dans les deux versions, le nombre des réponses à choix ou
d’éléments de réponse augmente selon le niveau de complexité.
Chaque version est composée de quatre niveaux de complexité, carac-
térisés par le nombre de relations impliquées dans les matrices: au
premier niveau il existe une relation entre A et B et une entre A et C; au
deuxième niveau deux relations entre A et B et une entre A et C doivent
être considérées; au troisième niveau il y a trois relations entre A et B et
une entre A et C; et au quatrième niveau le participant doit considérer
trois relations entre A et B et deux entre A et C. Afin d’éviter des échecs
répétés et une possible démotivation ou frustration chez nos participants,
pas plus de cinq relations seront utilisées, conformément à leur empan
mnésique. Chaque niveau est composé de 4 items: deux conceptuels et
deux perceptuels. Les relations conceptuelles sont le genre, le mouve-
ment, le type d’objet, couper, construire, fermer, ouvrir et jour/nuit.
Quant aux relations perceptuelles, ce sont par exemple la couleur, la
forme, la taille, la présence/absence et la position. En plus, 8 items
d’introduction sont proposés, 4 de premier niveau et 4 de deuxième
niveau, parmi lesquels 4 conceptuels et 4 perceptuels. Ces items d’intro-

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duction permettent aux participants de se familiariser avec le matériel


(écran tactile) et avec la demande de la tâche et servent d’entraînement.
Une première version de construction du test, composée de 36 items,
a été présentée à des enfants de trois et quatre ans, ainsi qu’à des ado-
lescents présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère. Cette
première phase nous a permis de contrôler les connaissances de nos
participants sur les éléments composant les matrices. Les items qui n’ont
pas été compris ont été retirés du test, et parmi les autres items, les
éléments qui posaient problème ont été modifiés. L’analyse des réponses
nous a permis de sélectionner les 24 meilleurs items qui sont inclus dans
la version finale.
Notre échantillon est composé d’un groupe expérimental (N=30)
d’adolescents ayant une déficience intellectuelle modérée à sévère (AC:
15-18 ans), provenant de différentes institutions spécialisées du canton
de Genève, et d’un groupe contrôle d’un âge mental comparable (4-7
ans; N=30). Ces deux groupes devraient avoir le même empan mnésique,
qui est estimé à 4 unités (Miller, 1956) pour un âge mental de 4-7 ans. Le
groupe expérimental sera divisé en deux sous-groupes. Le premier rece-
vra d’abord la version de construction et la version classique un mois
plus tard, et le deuxième recevra les tests dans l’ordre inverse. Quant au
groupe contrôle, il sera également divisé en deux et sera soumis au
même plan de tests que le groupe expérimental. Ce design de test permet
de contrôler l’effet de l’ordre de présentation.
Le principal objectif de notre recherche consiste à étudier le rôle joué
par la mémoire de travail et sa possible compensation dans une tâche de
raisonnement analogique. Nous testerons les hypothèses suivantes:
1) Notre première hypothèse concerne la différence entre nos deux
versions de test: pour les personnes avec déficience intellectuelle, la
version de construction, qui permet la présence de mémoires externes,
permettra de meilleures performances que la version classique. Nous
formulons cette hypothèse selon l’affirmation que, dans le domaine du
raisonnement analogique, le principal problème des personnes ayant une
déficience intellectuelle est un problème dû à une mémoire limitée, ce
qui peut être compensé grâce à l’utilisation de mémoires externes;
2) Dans notre deuxième hypothèse, nous voulons vérifier si les parti-
cipants raisonnent réellement par analogie et non par association, en

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observant le choix des alternatives. Nous supposons que les participants


choisiront en très grande majorité des réponses en appliquant un raison-
nement par analogie, car les items sont tous composés de relations
familières. Nous formulons cette hypothèse en concordance avec les
résultats de Goswami et Brown (1989, 1990);
3) Notre troisième hypothèse est que les participants avec déficience
intellectuelle, lorsqu’ils sont testés par une procédure de test favorisant
une décharge de la mémoire, obtiendront les mêmes performances que
les enfants sans déficience d’un âge mental comparable. Nous formulons
cette hypothèse conformément à la théorie développementale, selon
laquelle ces deux groupes devraient avoir le même empan mnésique.
D’après la position développementale, tous les enfants passent par les
mêmes stades de développement cognitif, mais ceux avec une déficience
intellectuelle ont besoin de plus de temps et atteignent un niveau moins
élevé que ceux sans déficience. Par conséquent, deux personnes avec le
même âge mental, mais un âge chronologique différent, devraient obtenir
des scores identiques aux tests (Hodapp & Zigler, 1997);
4) Enfin, notre quatrième et dernière hypothèse concerne la différence
entre les deux types d’items: pour tous les groupes, les items concep-
tuels, qui sont composés de relations abstraites, seront plus difficiles à
résoudre que les items perceptuels, qui sont composés de relations
visuelles. Nous formulons cette hypothèse afin de tester l’affirmation de
Tzuriel (2007).
Si nos hypothèses sont confirmées, cela entraînera des implications
pédagogiques en ce qui concerne la prise en compte des caractéristiques
mnésiques des personnes ayant une déficience intellectuelle modérée à
sévère. En effet, l’enseignement qui leur est dispensé devrait leur propo-
ser des aides par rapport à la mémoire de travail, afin de leur permettre
d’accéder à de nouveaux apprentissages. Beaucoup d’études (Hessels &
Hessels-Schlatter, 2008; voir aussi chapitre 3 de cet ouvrage) ont montré
les possibilités d’apprentissage de ces personnes, lorsque des entraîne-
ments systématiques (au niveau de la mémoire et du langage par
exemple) sont mis en place.

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Chapitre 6

Programmes d’intervention cognitive


en éducation spéciale

Fredi BÜCHEL

1 L’éducation cognitive

Les programmes d’intervention, souvent appelés programmes d’éduca-


tion cognitive, sont des programmes pédagogiques spécifiques destinés à
enrichir ou améliorer la capacité d’apprentissage et de raisonnement des
utilisateurs. L’éducation cognitive est une approche systématique de
transmission des outils du fonctionnement intellectuel. Ces outils
peuvent être très généraux avec une orientation heuristique ou très
spécifiques avec une orientation algorithmique. L’éducation cognitive
s’inscrit dans une orientation clinique de l’éducation. Il ne s’agit donc
pas de l’enseignement de matières scolaires, mais «d’une médiation de la
reconstruction individuelle des outils culturels de l’apprentissage et de la
pensée, par une adaptation et une restructuration d’expériences per-
sonnelles» (Büchel, 1995, p. 9). Depuis les premières tentatives du néo-
behaviorisme et par la suite de la psychologie cognitive (p.ex. Kendler &
Vineberg, 1954; Neisser, 1967; pour les personnes ayant une déficience
intellectuelle, voir Büchel, 1977), l’éducation cognitive joue un rôle
toujours plus important dans l’éducation spéciale. Initialement une
simple application des théories néo-behavioristes et des premières théo-
ries cognitivistes, elle a vite occupé une place dominante dans l’expli-
cation des problèmes d’apprentissage et de raisonnement ainsi que dans
les interventions auprès des personnes en difficulté d’apprentissage sco-
laire et extrascolaire (Büchel, 1995; Büchel & Pelgrims, 1993).
L’explication des problèmes d’apprentissage et du raisonnement a tra-
ditionnellement été un domaine de la psychologie de l’éducation et de la
psychologie développementale, dans certains pays aussi de la psycholo-

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gie clinique. Rappelons que pour André Rey, sans doute un des plus
grands précurseurs de l’éducation spéciale à l’Université de Genève, la
recherche sur la déficience intellectuelle et d’autres handicaps aujour-
d’hui attribués à l’éducation spéciale, était intégrée dans le domaine de la
psychologie clinique (p.ex. Rey, 1950). Entre-temps, à l’Université de
Genève, l’éducation spéciale a intégré les objectifs de l’éducation cogni-
tive, c’est-à-dire le diagnostic dynamique et l’intervention cognitive.
Avec cette décision, l’Université de Genève suit les recommandations de
Hanselmann (p.ex. 1970/1931), le fondateur de l’éducation spéciale
universitaire.
L’éducation cognitive vise à expliquer les problèmes d’apprentissage
sous les deux aspects cognitif et conatif (le terme conatif se rapporte aux
variables de la motivation et des émotions) afin de proposer ensuite une
intervention. Dans la psychologie clinique classique, les instruments de
la première phase, celle du diagnostic, sont principalement l’entretien
avec les parents et les enseignants, l’application de tests statiques et
l’observation directe. Dans l’éducation cognitive, les tests statiques sont
remplacés ou au moins complétés par des tests d’apprentissage, ce qui
permet une meilleure prédiction des effets possibles d’une intervention
(voir les chapitres 2, 3 et 4 de cet ouvrage). Si l’objectif de l’éducation
cognitive n’était que le diagnostic, même le diagnostic dynamique, elle
n’aurait qu’un intérêt modeste pour l’éducation spéciale. Par contre,
l’objectif principal de l’éducation cognitive est l’étude et le développe-
ment de programmes d’intervention pour les personnes ayant des diffi-
cultés d’apprentissage et de raisonnement (cela n’exclut pas que l’édu-
cation cognitive vise aussi l’amélioration du raisonnement chez des
personnes sans difficulté).
L’application de ces programmes n’est toutefois pas une chose
simple. Elle demande d’excellentes connaissances au moins des théories
de l’apprentissage cognitif, du raisonnement et de l’intelligence (p.ex.
Guilford, 1956; Sternberg, 1984), de la métacognition (p.ex. Campione,
Brown, & Ferrara 1982) et du constructivisme social. Si ces programmes
devraient aboutir à des effets de transfert dans les domaines scolaires et
professionnels, de très bonnes connaissances de la didactique générale et
des matières sont indispensables. Dans le domaine de l’enseignement
préprofessionnel et professionnel, au moins une large sensibilisation à la

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pratique professionnelle des métiers que les élèves choisiront ou ont déjà
choisis, devrait être exigée.

2 La médiation éducative

Parmi les compétences pédagogiques, celle de la médiation éducative est


indispensable pour la pratique de l’éducation cognitive. Il a été montré
empiriquement que la qualité de la médiation influence de manière
directe et assez linéaire l’apprentissage des stratégies cognitives et méta-
cognitives chez les petits enfants (Klein, 1991), chez les élèves de l’école
primaire, de classes d’adaptation, et de classes de formation préprofes-
sionnelle (Scharnhorst, 1994). Malheureusement, il n’existe que peu de
recherches sur l’effet de la médiation chez les adolescents en formation
professionnelle. Dans le cadre du projet «Compréhension de ses propres
processus d’apprentissage», nous avons montré que l’application d’une
bonne médiation influence la performance des élèves faibles mais pas
nécessairement des élèves dont la performance était déjà élevée au pré-
test, ce qui est sans doute dû à un effet plafond dans cette étude (Büchel,
1986).
Vu l’importance de l’interaction enfant-médiateur, Feuerstein (1990;
Feuerstein, Rand, Hofmann, & Miller, 1980) a proposé une douzaine de
critères qui devraient permettre de distinguer entre une interaction ordi-
naire et une médiation qui favorise le développement cognitif et qui rend
les enfants et adolescents plus métacognitifs. Feuerstein distingue deux
sources du développement de l’apprentissage et du raisonnement: d’un
côté, l’apprentissage par exploration individuelle, comme entre autres
Piaget (p.ex. 1936) l’a étudié, de l’autre côté, l’apprentissage par trans-
mission culturelle, comme Vygotsky (p.ex. 1978) l’a décrit. Les 5
premiers critères de médiation (Feuerstein, 1990) nous apparaissent les
plus importants. Une interaction éducative qui favorise le développement
cognitif et métacognitif se distingue par les critères suivants:
1) Intentionnalité et réciprocité. Les objectifs et les contenus d’une
leçon ne sont pas choisis d’une façon accidentelle. Le médiateur
transmet à l’enfant le pourquoi des demandes qu’il lui adresse, des

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consignes qu’il lui donne ou des autres actes éducatifs. Il attend que
l’enfant lui transmette également ses propres intentions. Sans intentions
éducatives explicitement formulées, l’interaction, bien que pouvant avoir
d’autres buts tout à fait valables, n’a pas la qualité de transmission
culturelle;
2) Transcendance. Le médiateur aide l’enfant à placer une expérience
unique dans un contexte plus général. L’enfant apprend les règles de la
subordination et de la super-ordination pour la formation des concepts. Il
va également apprendre à inférer et à appliquer des règles. Par la trans-
cendance le médiateur prépare le transfert des apprentissages;
3) Médiation de la signification. Le médiateur crée chez l’élève
(principalement par son propre modèle) une orientation vers la recherche
de la signification. L’élève découvre le sens, les valeurs que nous
accordons aux faits et aux événements. Le système de valeurs ainsi
acquis devrait garantir que l’élève cherche lui-même activement des
situations d’apprentissage et de réflexion. Il est amené à se rendre
compte que ses activités d’apprentissage et la découverte de stratégies
cognitives et métacognitives ont un intérêt et une importance intrin-
sèques. Le médiateur transmet, outre des connaissances purement cogni-
tives, un système de valeurs, source de motivation, de plaisir et de satis-
faction. Une composante importante de signification est donnée par le
fait que chaque tâche représente un élément de notre culture. Par
l’intégration de chaque tâche, fait ou évènement dans la dimension
temporelle, ceux-ci perdent leur caractère épisodique et deviennent un
fait historique;
4) Médiation du sentiment de compétence. Nous ne nous engageons
généralement que dans des domaines dans lesquels nous nous sentons
compétents. Bandura (1977) parle d’un sentiment d’auto-efficacité. Si
nous sommes convaincus que nos efforts seront vains, il nous est presque
impossible de donner le meilleur de nous-mêmes. C’est pourquoi le
sentiment de compétence est un pré-requis de l’apprentissage. Berger
(2008), à l’aide d’analyses structurales, a montré, chez des apprentis
professionnels, l’importance de ce sentiment dans l’ensemble des
variables de motivation de la métacognition qui influencent la perfor-
mance dans la résolution de problèmes mathématiques simples. Chez les
élèves qui, dans le passé, ont subi beaucoup d’échecs, ce sentiment doit

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Programmes d’intervention cognitive 83

être transmis par le médiateur. Celui-ci doit tout faire pour que l’élève
prenne conscience de ses propres progrès. La transmission d’un
sentiment de compétence est plus qu’un simple renforcement («bravo»,
«c’est bien»). La louange doit inclure un élément de conscience et de
compréhension. L’enfant doit comprendre pourquoi il a bien fait. Un
sentiment de compétence est atteint par l’élève lorsque: l’enseignant
prête à l’élève plus d’attention lorsqu’il a réussi et non lorsqu’il a fait
une erreur; corrige les erreurs en les mettant en relation avec des élé-
ments positifs de l’essai de la solution; part toujours, lors de l’interven-
tion, d’un aspect digne d’éloge; montre à l’élève qu’en tant qu’ensei-
gnant, il a aussi des difficultés et qu’il fait également des erreurs, comme
tout le monde; explicite à l’élève que les erreurs sont des aspects aussi
importants que les réussites et qu’elles méritent une analyse approfondie;
et finalement, conduit l’élève à réaliser consciemment ses progrès;
5) Régulation et contrôle médiatisés du comportement. Le médiateur
transmet à l’élève la capacité de se guider et de se contrôler par lui-
même. Il lui donne les outils pour anticiper les difficultés, planifier sa
démarche, choisir les bonnes stratégies et surveiller leur application,
contrôler les étapes intermédiaires ainsi que la solution finale. Il l’aide à
trouver un rythme de travail qui lui est adapté, à exécuter les tâches ni
trop lentement ni trop rapidement. Les stratégies employées par les
adultes (par exemple créer une mémoire externe) lui sont explicitement
exposées.

3 Les bases théoriques des programmes


d’éducation cognitive

On a souvent reproché aux programmes d’éducation cognitive qu’ils


faisaient l’impression d’une improvisation pédagogique, souvent créa-
tive, plutôt qu’une élaboration théorique et didactique solide. Selon
Bruner (1985, p. 597), ces programmes se situent entre théorie et pra-
tique. Ils sont définis «by a very practical set of questions that have now
begun to find a theoretical formulation». Ce n’est pas par hasard que les
premiers programmes d’éducation cognitive manquaient encore de fon-

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dation théorique solide. Ils ont été développés dans une période entre le
néo-behaviorisme (Hull, 1943) et les premières tentatives du cogni-
tivisme (p.ex. Neisser, 1967). Leur fondement théorique était une syn-
thèse pas toujours réussie entre béhaviorisme et cognitivisme (p.ex.
Meichenbaum & Goodman, 1971). D’autres auteurs ont essayé de
s’orienter sur les théories de l’intelligence, comme par exemple le pro-
gramme pour l’augmentation de l’intelligence et de l’apprentissage
scolaire proposé par Meeker (1969), qui représente une sorte de trans-
formation éducative de la théorie de l’intelligence de Guilford (1956).
Ces théorisations un peu nébuleuses sont compréhensibles parce qu’un
fondement théorique rigoureux des programmes d’éducation cognitive
ne peut, par définition, se baser que sur les théories cognitives et méta-
cognitives. Il s’agit en premier lieu des théories de l’apprentissage cogni-
tif (Büchel & Schlatter, 2001), de la mémoire (Baddeley, 1997; Lieury,
1986), de la perception et de l’attention (Lyon & Krasnegor, 1999), ainsi
que des théories d’autorégulation (Brown & DeLoach, 1978; Zimmer-
man & Schunk, 2004). En 1970, la psychologie cognitive était en train
de prendre forme, mais les modèles de la mémoire proposés (p.ex.
Norman, 1970) étaient encore des modèles de laboratoire, pas assez
adaptés à la description de l’apprentissage de tâches complexes. La plu-
part de ces théories ont ignoré le rôle de la conscience et de l’auto-
contrôle. La théorie qui a enfin permis une meilleure gestion volontaire
de la mémoire, la théorie de la métamémoire, n’a été proposée qu’en
1971 par Flavell. D’autre part, la psychologie de la perception et de l’at-
tention, autre pilier important des programmes modernes de l’éducation
cognitive, avait déjà un niveau d’explicitation suffisamment développé
(p.ex. Neisser, 1967), mais ces recherches étaient encore peu connues
dans le domaine de l’éducation. Bien que dans certaines universités amé-
ricaines, les deux corpus de recherches cognitives, celui de la mémoire et
celui de la perception, étaient déjà accessibles aux étudiants (Atkinson &
Shiffrin, 1968; Lindsay & Norman, 1977/1980), les chercheurs impli-
qués dans le développement de programmes d’éducation cognitive
n’avaient découvert la pertinence de ces recherches qu’avec un certain
retard. Finalement, il ne faut pas oublier non plus que la seule approche
cognitive bien développée, à savoir celle de Piaget, ne favorisait guère
l’idée d’une accélération du développement cognitif, retardé ou non, par

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une intervention systématique. Des approches interventives n’ont été


proposées que plus tard par des néo-piagétiens (de Ribaupierre, 1995).
Aujourd’hui encore, le cadre théorique de l’éducation cognitive res-
semble à un patchwork composé d’éléments théoriques pertinents et
d’expériences empiriques intéressantes plutôt qu’à une théorie unique et
parcimonieuse. Mais entretemps, nous avons au moins atteint un certain
consensus en ce qui concerne les piliers sur lesquels une telle théorie
pourrait être fondée.
On peut se demander si un bon programme d’éducation cognitive doit
nécessairement se baser sur une théorie, et si oui, sur quel type de
théorie. Généralement, il me semble difficilement possible de construire
un bon programme qui devrait favoriser le développement de l’appren-
tissage et du raisonnement sans se baser, au moins, sur les théories du
développement cognitif, du traitement de l’information et de l’auto-
régulation. Selon Bransford, Arbitman-Smith, Stein et Vye (1985), les
programmes devraient être basés sur des principes congruents avec les
théories récentes. Non seulement le programme doit être parfaitement
compatible avec les théories pertinentes et récentes, il doit également
produire des effets d’apprentissage. Le programme doit prouver empiri-
quement son efficacité, c’est-à-dire qu’il doit être soumis à des évalua-
tions scientifiques. Il est imaginable qu’un programme ne produit pas
d’effet parce qu’il existe des lacunes au niveau didactique. Dans l’état
actuel, il est impossible de dire qu’un programme basé rigoureusement
sur des théories pertinentes produise nécessairement les effets voulus.
Nickerson, Perkins, et Smith (1985, p. 163), après avoir analysé de ma-
nière critique un grand nombre de programmes du raisonnement,
rappellent que «given the tenuous status of all theories of intellect, the
question of the effectiveness of a program to teach thinking must be
considered independently of the question of the soundness of the theory
(if any) on which the program is based». De bonnes théories n’excluent
pas le risque d’échec dans l’évaluation empirique mais elles augmentent
la chance de succès et elles rendent les résultats de l’évaluation plus
prédictibles. De plus, dans le cas où l’évaluation scientifique ne produit
pas les effets attendus, il est plus simple d’identifier les faiblesses du
programme si celui-ci est fondé sur une théorie.

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4 L’orientation métacognitive

La théorie de la métacognition postule, d’une part, un modèle des con-


naissances de l’individu par rapport à son propre fonctionnement cogni-
tif, aux spécificités des tâches et aux stratégies (les métaconnaissances),
d’autre part un modèle du contrôle des activités cognitives (les stratégies
métacognitives, initialement appelées fonctions exécutives). En ce qui
concerne l’application pédagogique de la théorie métacognitive (les
premières tentatives d’une éducation cognitive) on peut facilement
reconnaître qu’elle ne se base pas uniquement sur la théorie de la
métacognition, mais également sur le paradigme des associations mné-
siques par un terme médiateur, une position théorique de transition entre
le néo-behaviorisme et le cognitivisme (Borkowski & Wanschura, 1974).
Les premiers entraînements de stratégies mnésiques ont été menés, dans
un but de recherche, par Brown et Campione (p.ex. Brown 1974;
Campione & Brown, 1979). Ces auteurs ont trouvé que les interventions
fondées sur le paradigme des associations mnésiques ne produisaient pas
de transfert éloigné chez les personnes ayant une déficience intellectuelle
et ils ont suggéré l’introduction d’éléments métacognitifs.
L’éducation cognitive ne peut pas être séparée de son fondement
métacognitif. La réflexion métacognitive se justifie par la possibilité
d’acquérir des stratégies qui seront applicables dans un grand nombre de
situations nouvelles. Cependant, cette réutilisation d’une stratégie décou-
verte ou enseignée demande une certaine séparation des aspects épiso-
diques (les contenus scolaires) de la procédure générale (la stratégie).
Cette distinction entre contenu et procédure, ou entre les aspects décla-
ratifs et procéduraux d’une résolution de problème, exige un acte de
décentration de la part de l’apprenant. Celui-ci résout non seulement un
problème, il observe aussi son propre processus de résolution. C’est la
réflexion sur son propre fonctionnement cognitif et conatif par rapport à
un problème cognitif qui assure le transfert des stratégies. Les recherches
ont clairement démontré que, chez les personnes ayant des difficultés
d’apprentissage ou une déficience intellectuelle, seuls les programmes
qui incluent une réflexion métacognitive explicite et guidée produisent
un transfert des stratégies (p.ex. Belmont, Butterfield, & Ferretti, 1982).

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Programmes d’intervention cognitive 87

La figure 1 illustre les relations fonctionnelles entre les métaconnais-


sances, les stratégies métacognitives et les processus cognitifs. Ce qui
nous intéresse dans l’apprentissage, c’est le bon fonctionnement des pro-
cessus cognitifs. Ces processus sont guidés et coordonnés par les straté-
gies métacognitives. Cela n’est pas possible sans de bonnes connaissan-
ces de soi-même, de la spécificité du problème et d’un certain nombre de
stratégies. Les stratégies sont les outils qui relient la spécificité de
l’apprenant à la spécificité du problème.

Figure 1. Les relations entre métaconnaissances, stratégies métacogni-


tives et processus cognitifs.

Si l’élève connaît les spécificités de la tâche, ses côtés forts et faibles et


un certain nombre de stratégies, alors il peut définir des objectifs
d’apprentissage, anticiper les difficultés et les possibles résultats,
engager et coordonner les processus cognitifs, ainsi que contrôler sa
démarche et le résultat final.

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88 Büchel

5 L’évaluation empirique

En ce qui concerne les programmes d’éducation cognitive destinés à une


large distribution, des évaluations empiriques scientifiques et régulières
sont indispensables. Elles ne peuvent pas être remplacées par des
évaluations informelles, comme le dit Sternberg (1987, p. 256): «It is
important to realize that when programs are implemented at a school (or
grade) level, informal evaluations are never substitutes for formal evalu-
ations, and indeed, that there is no substitute for a formal evaluation». Il
est généralement accepté que 1’évaluation porte au moins sur 1’appren-
tissage trivial, c’est-à-dire l’apprentissage des tâches incluses dans
l’entraînement, et sur le transfert. Une distinction est faite entre le trans-
fert proche et le transfert éloigné (Borkowski & Cavanaugh, 1979;
Borkowski & Büchel, 1983). Le transfert est appelé proche si un ou
plusieurs paramètres de la tâche, par exemple la forme ou la couleur
changent, alors que les stratégies restent les mêmes. Si les stratégies
doivent être adaptées, on parle de transfert éloigné. Certains auteurs
appliquent également ce terme à des situations où la tâche doit être trans-
férée d’un mode à un autre, par exemple d’une présentation figurative à
une présentation verbale (Klauer, 1987b). Pour des programmes pédago-
giques pratiques destinés à des écoliers, surtout à des élèves présentant
une déficience intellectuelle, il faut élargir le concept de transfert éloigné
à des situations extrascolaires. Dans un plan d’évaluation, nous trouvons
donc les variables dépendantes suivantes: l’apprentissage trivial, le
transfert proche, le transfert éloigné. Klauer (p.ex. 1998) a proposé une
nouvelle méthode d’évaluation du transfert éloigné. Il argumente que si
un entraînement prétend augmenter la capacité des élèves à profiter d’un
enseignement, alors ils devraient bénéficier d’une leçon dans une matière
complètement différente de celle utilisée dans l’entraînement et donnée
par n’importe quel enseignant (celui-ci devrait toutefois pratiquer un
style d’enseignement métacognitif). Nous avons appliqué cette idée dans
deux recherches d’évaluation avec des élèves de la formation profession-
nelle (Berger, Kipfer, & Büchel, 2008; Büchel, Grassi, Scharnhorst, &
Ghilardi, 2002). II ne suffit cependant pas de montrer que le groupe
expérimental a réalisé des gains plus importants que le groupe contrôle
dans les variables mentionnées. Le chercheur devrait aussi montrer que

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ces gains sont en lien avec des changements du style métacognitif. On ne


peut pas exclure que des participants gagnent en termes de QI ou
d’autres variables de performance mais que ces gains ne soient pas le
résultat d’un nouveau comportement métacognitif. Ils ne représente-
raient, par exemple, qu’un effet de plus grande familiarisation avec les
tâches du test ou avec des situations expérimentales en général (Flammer
& Schmid, 1995). Cela veut dire que le chercheur devrait trouver aussi
des améliorations du comportement métacognitif et des corrélations
positives entre performance et métacognition.

6 Quel programme pour qui?

Selon les critères d’analyse choisis, par exemple les objectifs pédagogi-
ques ou la population ciblée, on trouve différentes taxonomies des pro-
grammes. Segal, Chipman et Glaser (1985) distinguent entre les pro-
grammes pour le développement de l’intelligence et du raisonnement, les
programmes facilitant l’acquisition des connaissances, et les pro-
grammes de résolution de problèmes. Du point de vue des processus
impliqués dans le traitement de l’information, Nickerson et al. (1985)
proposent des programmes centrés sur les opérations cognitives, les
programmes métacognitifs, les programmes visant les heuristiques géné-
rales, les programmes axés sur la pensée formelle, et les programmes
portant sur les bases linguistiques et la manipulation des symboles. Une
description analytique et critique de 10 programmes scientifiquement
évalués a été publiée par Klauer (2002). Hacker, Dunlosky et Graesser
(1998) ont organisé un nombre de programmes métacognitifs selon le
critère des matières scolaires ciblées. Avec un accent sur les personnes
ayant des difficultés d’apprentissage ou une déficience intellectuelle,
Klauer (2001) distingue entre programmes d’entraînement de la pensée,
de la concentration et de la mémoire.
Un critère important pour le choix d’un programme est la population
ciblée. On trouve des programmes pour les enfants du préscolaire, pour
les enfants du primaire ou pour les adolescents du secondaire (formation
préprofessionnelle et professionnelle incluse) et les adultes. Du point de

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vue du développement cognitif, on distingue entre des programmes pour


des personnes ayant une déficience intellectuelle, des enfants et adoles-
cents sans déficience intellectuelle et des adultes sans formation ou au
niveau des cadres moyens et cadres supérieurs. Un critère très important
est la généralité des programmes. Il n’existe aucun programme qui, dans
des évaluations scientifiques, s’est avéré le meilleur pour toutes les
populations et tous les objectifs pédagogiques. On constate que plus les
stratégies ciblées dans un programme sont générales, plus large sont les
situations de transfert possibles. Par contre, plus le programme est spéci-
fique, plus le transfert est difficile. D’un autre côté, on observe égale-
ment que les programmes entraînant des stratégies spécifiques garan-
tissent un meilleur apprentissage que les programmes d’entraînement de
stratégies générales, ces derniers servant plutôt de guides généraux.
Malheureusement, on doit aussi constater que la plupart des programmes
manquent de bases théoriques solides ainsi que d’évaluations scienti-
fiques (Hamers & Overtoom, 1997; Klauer, 2002). Les programmes
théoriquement bien fondés et validés par des méthodes rigoureuses sont
peu présents au niveau de la publicité, tandis que les auteurs des pro-
grammes intuitifs et non validés ont tendance à faire des promesses
totalement exagérées. Au lieu d’investir dans des études d’évaluation
scientifiques, ils investissent dans la commercialisation de leurs produits.
Il est donc important que les responsables pédagogiques connaissent bien
les critères d’évaluation des programmes. Les programmes sérieux per-
mettent incontestablement un enrichissement de l’enseignement et de
l’éducation.

7 La structuration didactique des programmes

Avant d’introduire un programme d’éducation cognitive dans l’enseigne-


ment, il faut se poser les questions suivantes:
1) Quelle place prendra le programme dans l’ensemble du programme
scolaire? Une fois par jour ou une fois par semaine? Des leçons d’une
unité de 50 minutes ou de deux unités? Selon mon expérience, il est

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Programmes d’intervention cognitive 91

préférable de n’utiliser qu’une unité à la fois mais au moins une à deux


fois par semaine;
2) Faut-il intégrer le programme dans l’enseignement des matières ou
prévoir une leçon à part? Si le programme est enseigné aux élèves sans
difficultés d’apprentissage, les deux modèles ont prouvé leur efficacité.
Par contre, chez les élèves ayant des difficultés d’apprentissage ou une
déficience intellectuelle, le deuxième modèle risque de ne pas produire
d’effets de transfert éloigné. Il est donc préférable d’intégrer les exer-
cices métacognitifs dans l’enseignement des matières scolaires. Diffé-
rents modèles sont décrits en détail dans Büchel et Büchel (2009);
3) Faut-il enseigner le programme individuellement ou en groupe? A
l’Atelier d’Apprentissage, une structure de consultation et d’intervention
cognitive de l’Université de Genève (voir Büchel, 2006) nous avons eu
du succès avec une intervention individuelle combinant des exercices
tirés de deux programmes d’éducation cognitive (Bosson, 2008; Bosson,
Hessels, Hessels-Schlatter, Berger, Kipfer, & Büchel, 2010; chapitre 9
de cet ouvrage)), le DELF (Büchel & Büchel, 1995) et le Programme
d’Enrichissement Instrumental (PEI; Feuerstein et al., 1980). Si les pro-
grammes sont enseignés en classe, la taille du groupe ne devrait pas
dépasser le nombre de 12 élèves. Pour certains programmes l’ensei-
gnement en classe a certains avantages pédagogiques, par exemple, la
discussion des expériences individuelles est facilitée.
Il reste d’autres questions qui doivent être discutées avant de décider du
choix et de l’implémentation d’un programme (Büchel, 2007). Ce qui
reste important, avant tout si on travaille avec des personnes ayant des
difficultés d’apprentissage ou une déficience intellectuelle, est que
l’acquisition d’une stratégie cognitive passe (indépendamment du
modèle didactique choisi) par les trois phases suivantes:
1) Dans une première phase de désautomatisation des anciennes
stratégies, l’élève se rend compte de sa manière d’apprendre et de
résoudre des problèmes. Il s’agit de la phase la plus métacognitive de
l’entraînement. Le médiateur doit tout faire pour confronter l’élève à ses
propres habitudes et convictions, qui autrement restent inconscientes et
entrent en interférence avec les nouvelles stratégies;

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2) Dans une deuxième phase d’apprentissage, l’élève se rend compte


de l’utilité de certaines stratégies qu’il connaît déjà mais qu’il n’utilise
pas régulièrement, il corrige d’anciennes stratégies pour les rendre plus
efficaces et il apprend de nouvelles stratégies;
3) La phase d’apprentissage doit être suivie par une phase d’exercice.
Les stratégies corrigées et les nouvelles stratégies doivent être auto-
matisées. Seules des stratégies cognitives automatisées rendent l’appren-
tissage des matières plus efficace et plus rapide. Si l’élève doit
consciemment appliquer une stratégie cognitive non automatisée, il se
trouve dans une situation de double tâche: d’une part, il a besoin
d’attention pour l’application des opérations, d’autre part il en a besoin
pour chercher et appliquer la bonne stratégie. Certains élèves surchargent
leur mémoire de travail par cette répartition de l’attention.

8 Conclusion

Dans ce chapitre, une définition de l’éducation cognitive a été dévelop-


pée. L’éducation cognitive ne se réfère pas à un simple enseignement de
quelques stratégies comme on enseigne certaines matières techniques
dont les contenus sont complètement nouveaux pour les élèves. L’éduca-
tion cognitive vise un élargissement personnel et culturel. Les élèves
apprennent que la plupart des stratégies qu’ils connaissent déjà sont
utiles et devraient être appliquées. Ils apprennent aussi que les stratégies
représentent des outils qui renforcent nos côtés forts et compensent nos
faiblesses. L’idée de se servir de ce type d’outils est aussi vieille que
notre culture (Mann, 1979). Socrate a enseigné la discipline de la pensée,
les sages du Moyen Age ont développé des stratégies cognitives, avant
tout mnémotechniques, et beaucoup de professeurs de latin ou de mathé-
matiques ont non seulement enseigné les contenus de leur matière mais
ont également invité leurs élèves à découvrir la structure sous-jacente à
la matière scolaire, convaincus que ces structures étaient généralisables
(ce qui n’a pas toujours été confirmé par les recherches empiriques).
L’éducation cognitive en tant que branche scientifique est issue de la
recherche de la métacognition et des théories de l’intelligence. Toutefois,

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les chercheurs dans le domaine de l’éducation spéciale ont très vite dé-
couvert son importance pour l’éducation des personnes ayant des diffi-
cultés d’apprentissage ou une déficience intellectuelle. Une revue de la
littérature montre que, entre les années 1970 à 1990 au moins, la plupart
des recherches sur les stratégies cognitives et métacognitives ont été
menées avec des personnes ayant des difficultés intellectuelles. Entre-
temps, la métacognition classique a été complétée par des variables de la
motivation et des émotions. Par conséquent, on utilise de plus en plus la
notion d’autorégulation.
Malheureusement, la pratique de la formation des enseignants et des
éducateurs n’a découvert que très récemment l’importance de l’éducation
cognitive. C’est avant tout grâce au PEI (Feuerstein et al., 1980) que
l’idée d’une éducation systématique de l’apprentissage et du raisonne-
ment a fait son chemin. C’est-à-dire que la très grande majorité des
enseignants, enseignants spécialisés et éducateurs spécialisés n’ont pas
acquis pendant leur formation initiale les bases théoriques et didactiques
de l’éducation cognitive, décrites dans cet article (voir CDIP, 1994).
J’aimerais néanmoins mentionner qu’à l’Université de Genève, l’édu-
cation cognitive a été incluse dans la formation de l’éducation spéciale
dès ma nomination en tant que professeur en Sciences de l’Education et
responsable académique de la formation en éducation spéciale en 1986.
Dans ce chapitre, quelques critères qui peuvent faciliter le choix d’un
programme digne d’un investissement ont été présentés. A l’exception
de Bourgeois et Chapelle (2006), lesquels traitent avant tout des thèmes
pertinents pour l’éducation cognitive mais n’exposent pas de pro-
grammes, il n’existe pas, à ma connaissance, de livres qui présentent une
description des programmes français dont l’efficacité a été
scientifiquement prouvée. Pour la formation continue des enseignants,
des enseignants spécialisés et des éducateurs spécialisés, il est d’autant
plus important de choisir des méthodes développées sur des bases
théoriques cohérentes et évaluées par des méthodes scientifiques.
J’aimerais quand même mentionner quelques programmes français que
je considère prometteurs pour le domaine de l’éducation spéciale:
1) La boîte à transformations, développée par Paour (1995). Cet
instrument vise à développer les fondements du raisonnement inductif.
Son application auprès d’enfants et d’adolescents présentant une défi-

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cience intellectuelle légère à modérée a donné lieu à des effets


significatifs. Les intéressés doivent toutefois construire eux-mêmes le
matériel (selon un plan fourni par l’auteur);
2) Le PEI de Feuerstein et al. (1980). Les évaluations de ce pro-
gramme dans la formation des adultes sont plutôt décevantes (Loarer,
Chartier, Huteau, & Lautrey, 1995), mais plusieurs évaluations dans le
domaine de l’éducation spéciale ont montré que le programme peut avoir
des effets intéressants si une bonne médiation est garantie et si des ins-
truments adaptés ont été choisis. Pour une description en français, voir
Feuerstein (1990), Feuerstein, Rand, & Sasson (1993) et Büchel (2007);
3) Le programme DELF (Büchel & Büchel, 1995). Plusieurs études
d’intervention avec le programme DELF ont donné lieu à des résultats
relativement satisfaisants (chapitres 9 et 10 de cet ouvrage; voir aussi
Büchel, 2007), avant tout dans la formation professionnelle et prépro-
fessionnelle des personnes ayant des difficultés d’apprentissage ou une
déficience intellectuelle légère;
4) Les Ateliers de Raisonnement Logique (ARL; Higelé, Hommage,
& Perry (2004). Le programme est basé sur la théorie constructiviste de
Piaget. Malheureusement, il est difficile de trouver des rapports d’éva-
luation scientifique. Teschner (1993) émet des doutes sérieux par rapport
aux effets de transfert sur l’apprentissage scolaire. Il cite entre autre une
recherche d’évaluation qui a abouti après 5 mois en une régression au
lieu d’un gain. Il faut toutefois souligner que les auteurs du ARL ne
mentionnent pas les personnes ayant une déficience intellectuelle parmi
le public cible.
Il existe probablement encore d’autres programmes intéressants que je ne
connais pas. Par ailleurs, je n’ai pas mentionné certains programmes que
je connais suffisamment bien, parce que je les considère insatisfaisants
d’un point de vue scientifique. Mais je me rends compte que mon juge-
ment n’a qu’une valeur relative. Je l’ai déjà mentionné dans ce chapitre:
l’entreprise scientifique se trouve en mouvement continu. Certaines
théories seront mieux développées, d’autres seront abandonnées. Les
théories valorisées aujourd’hui ne le sont peut-être plus demain. De plus,
si nous n’arrivons pas à démontrer des effets de transfert de certains
programmes, il n’est pas exclu que nous y arrivions dans le futur en
utilisant des méthodes de recherche plus sophistiquées.

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Chapitre 7

Les jeux comme outils d’intervention


métacognitive

Christine HESSELS-SCHLATTER

1 Introduction

Différentes études (Blair & Razza, 2007; Swanson, 1990; Veenman, Van
Hout-Wolters, & Afflerbach, 2006; Wang, Haertel, & Walberg, 1990)
montrent que la métacognition joue un rôle tout aussi important, voire
même plus important, pour les apprentissages scolaires que les aptitudes
intellectuelles. Les élèves en difficultés d’apprentissage (p.ex. Montague
& Bos, 1990; Short, Schatschneider, Cuddy, Evans, Dellik, & Basili,
1991; Swanson, 1990), ainsi que les personnes avec déficience intellec-
tuelle (Bebko & Luhaorg, 1998; Brown, 1978; Cornoldi & Campari,
1998; Short et al., 1991) témoignent d’une insuffisance au niveau des
compétences métacognitives. Différents programmes d’intervention ont
été conçus afin de développer les compétences cognitives et métacogni-
tives. Ces programmes permettent d’entraîner différents processus et
stratégies soit au travers d’exercices non scolaires (p.ex. Büchel &
Büchel, 1995; Feuerstein, Rand, Hoffman, & Miller, 1980; Klauer,
1989), soit directement sur des contenus scolaires, tels que la lecture
(p.ex. Palinscar & Brown, 1984; Paris & Jacobs, 1984), les mathéma-
tiques (p.ex. Mevarech & Kramarski, 1997; Montague, 2003), ou les
sciences (p.ex. Adey & Shayer, 1994). L’utilisation de tâches non sco-
laires a été privilégiée par certains auteurs pour deux raisons principales.
En premier lieu, la réflexion de l’élève doit porter non pas sur le contenu
mais sur les processus ainsi que la découverte et l’application de straté-
gies, et son attention ne doit pas être accaparée par une difficulté qui
serait liée au contenu. En deuxième lieu, l’apparition d’émotions néga-
tives ou d’un faible sentiment d’efficacité (Bandura, 1997/2003) peut

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être évitée, les élèves n’ayant pas d’expériences d’échecs répétés avec ce
type de tâche. Les tâches scolaires au contraire peuvent provoquer des
sentiments négatifs, lesquels entraînent des blocages et des résistances de
la part de l’élève.
Le but de ce chapitre est de démontrer l’intérêt que peuvent présenter
les jeux en tant qu’outils pour les interventions métacognitives. Par jeux,
j’entends les jeux traditionnels disponibles dans le commerce, tels les
jeux de société, de cartes, de stratégies, de construction, les jeux éduca-
tifs, ou les puzzles. Les jeux peuvent être utilisés quelque soit l’âge ou le
type de population. Ils peuvent être appliqués comme matériel d’inter-
vention unique ou en complément à des programmes d’éducation cogni-
tive. Ils peuvent être utilisés par les enseignants ou éducateurs qui ne
disposent pas de tels programmes ou qui n’ont pas la formation spéci-
fique requise par certains programmes, ou lorsque le plan d’études ne
permet pas l’application de l’intégralité d’un programme. L’emploi de
jeux s’avère également intéressant pour les jeunes enfants ou les per-
sonnes présentant une déficience intellectuelle pour lesquelles il existe
peu de programmes adaptés à leur niveau, voire pas du tout dans la
langue concernée.
Les jeux présentent les mêmes avantages que les exercices non sco-
laires des programmes d’éducation cognitive. Ils permettent de dévelop-
per les différents processus cognitifs et métacognitifs impliqués dans
l’apprentissage et la pensée ainsi que les aspects motivationnels. Le fait
qu’ils soient non scolaires favorise une réflexion sur les processus plutôt
que sur les contenus et empêche l’apparition d’émotions négatives. Nous
avons pu observer que les jeux représentent un excellent moyen pour
amener les élèves résistants à l’apprentissage à s’investir dans ce proces-
sus. Les jeux sont par définition intrinsèquement motivants et, générale-
ment, les élèves s’engagent spontanément dans l’effort cognitif et sont
prêts à allouer les ressources attentionnelles nécessaires (Malone &
Lepper, 1987). Selon Wong (1993) et notre propre expérience, les ado-
lescents en particulier ne comprennent pas en quoi travailler avec les
exercices non scolaires des programmes d’éducation cognitive peut leur
être utile. L’utilité perçue (Eccles & Wigfield, 2002) des stratégies
apprises lors d’un jeu peut s’avérer plus substantielle, l’élève pouvant
faire l’expérience immédiate des bénéfices d’adopter un comportement

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Les jeux comme outils d’intervention 101

stratégique. De même, les élèves sont plus enclins à chercher les raisons
de la réussite ou de l’échec dans leur propre manière d’aborder la tâche,
plutôt que d’attribuer le résultat à des causes qu’ils ne peuvent pas
contrôler. Par conséquent, le style attributif de l’élève, une composante
motivationnelle qui influence fortement l’apprentissage et le transfert
(p.ex. Borkoswki & Thorpe, 1994), peut être développé. Le transfert est
également favorisé par la variation des contextes d’apprentissage
(Borkowski & Muthukrishna, 1992; Brown, 1978; Fuchs et al., 2003), ce
qui est possible avec les jeux. Les mêmes processus et stratégies peuvent
en effet être appliqués dans différents jeux, ce qui donne l’occasion à
l’élève d’exercer les stratégies apprises sur du matériel diversifié.
Finalement, une critique qui est souvent formulée à l’égard des pro-
grammes généraux d’éducation cognitive est le fait qu’ils sont habi-
tuellement appliqués soit en dehors de la classe, soit en classe mais
séparés de l’enseignement des matières scolaires (p.ex. Borkowski &
Muthukrishna, 1992; Dignath & Büttner, 2008; Haywood, 1997; Perkins
& Salomon, 1989; Pintrich, 2002). Les jeux ont l’avantage de pouvoir
être facilement intégrés au programme académique et l’enseignant peut
ainsi directement lier les stratégies entraînées aux tâches scolaires
courantes. Afin d’encourager le transfert, les jeux devraient en effet être
suivis d’activités pour lesquelles on souhaite la mobilisation des stra-
tégies enseignées.
Les jeux, dans cette optique, ne sont pas utilisés pour le simple plaisir
de jouer, mais représentent des outils permettant aux élèves de s’engager
dans un apprentissage stratégique et de développer leurs compétences
métacognitives dans des conditions non menaçantes. Il s’agit également
de leur faire prendre conscience que la réussite au jeu dépend de leur
effort cognitif et des stratégies mises en place et que ces mêmes straté-
gies peuvent être appliquées lors de leurs apprentissages scolaires avec
les mêmes bénéfices. Une telle utilisation des jeux requiert de la part des
enseignants une formation dans la théorie de la métacognition et les
méthodes de l’éducation cognitive.
Les jeux traditionnels comme moyens d’intervention métacognitive
n’ont jusqu’à présent pas encore fait l’objet de recherches systématiques.
La majorité des études porte sur les jeux informatiques, soit du point de
vue de l’acquisition de connaissances ou du développement de certaines

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habiletés (voir p.ex. Rebetez & Betrancourt, 2008), soit dans une pers-
pective neuropsychologique, où des tâches informatiques sont proposées
pour l’entraînement ou la remédiation de fonctions exécutives spéci-
fiques (par exemple l’attention ou la mémoire de travail).
En ce qui concerne le domaine des interventions métacognitives, on
peut mentionner les travaux de Fritz et Hussy (1996). Ces auteurs ont
développé un programme d’entraînement appliqué en classe (2h par
semaine durant deux ans) destiné aux jeunes élèves de classes spéciali-
sées ou fréquentant des écoles se situant dans des quartiers défavorisés.
Le programme consiste en trois types d’activités ludiques: jeux de rôle,
jeux de faire-semblant et jeux de construction et d’assemblage. Selon les
auteurs, ces jeux nécessitent l’application de stratégies métacognitives,
comme définir un but, organiser les étapes, contrôler ses actions et leurs
résultats. Ces compétences ne sont toutefois entraînées que durant les 6
derniers mois du programme; lors des 18 premiers mois, les élèves
apprennent principalement à autoréguler leur comportement. Les effets
de l’entraînement après deux ans ont été évalués dans une étude
comprenant 4 classes spécialisées (65 élèves) ayant reçu le programme
lors des deux premières années du primaire (groupe expérimental), et 3
classes spécialisées (47 élèves) sans entraînement (groupe contrôle). Une
tâche, dans laquelle les élèves devaient transporter des figurines
d’animaux de leur enclos vers d’autres endroits d’un zoo selon des règles
définies, a été administrée en pré-test et post-test. Cette tâche permettait
d’évaluer quatre indices métacognitifs: planification, contrôle de ses
actions, respect des règles, et évaluation. Des gains significatifs pour les
quatre variables ont été trouvés pour le groupe expérimental, alors que le
groupe contrôle n’a pas amélioré ses performances.
Bien que cette étude présente un intérêt certain, un seul jeu tradition-
nel (jeu de construction) a été utilisé, et ce uniquement durant une petite
partie du programme. De plus, les effets dus à ce jeu ne peuvent pas être
différenciés de ceux dus aux jeux de rôle et de faire-semblant, deux acti-
vités ne correspondant pas aux types de jeux dont il est question dans ce
chapitre.

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2 Cadre d’analyse des jeux dans une perspective


métacognitive

Les jeux impliquent pour leur réalisation la mise en œuvre de processus


cognitifs et métacognitifs également nécessaires à l’apprentissage sco-
laire. Dans le cadre d’une intervention métacognitive, il est primordial de
savoir quels processus sont engagés dans quels jeux. L’analyse du maté-
riel en termes de processus cognitifs et métacognitifs requis est impor-
tante pour plusieurs raisons. Premièrement, elle permet d’identifier les
processus inefficients chez l’élève qui expliquent ses difficultés à réaliser
la tâche. Deuxièmement, elle permet de choisir un jeu selon les proces-
sus que l’on cherche à développer chez l’élève. En troisième lieu, elle
aide à mettre en place des aides et stratégies de médiation adaptées, ainsi
qu’à modifier ou simplifier le matériel en fonction des besoins. La capa-
cité à adapter du matériel est essentielle dans le cadre de l’enseignement
et de l’éducation spécialisés. Le matériel pédagogique est en effet avant
tout conçu pour des élèves dont le développement cognitif se situe dans
la norme. Lorsque l’on cherche du matériel plus accessible pour des
élèves en difficultés, on se retrouve généralement limité à des exercices
ou jeux prévus pour des enfants plus jeunes, ce qui peut se répercuter sur
l’estime de soi des élèves. Finalement, et c’est un point capital, l’analyse
de tâches permet de déterminer des exercices ou situations de transfert
pour les processus et stratégies entraînés. Le transfert requiert une
abstraction délibérée de principes qui s’appliquent à différentes tâches ou
situations (Perkins & Salomon, 1989). La difficulté à transférer n’est pas
propre aux élèves en difficulté d’apprentissage ou présentant une défi-
cience intellectuelle. Les études montrent que même les étudiants à l’uni-
versité ne transfèrent pas facilement leurs acquisitions (voir p.ex. Gick &
Holyoack, 1980). Les enseignants ont souvent de la peine à identifier des
exercices scolaires concrets pour lesquels les stratégies entraînées
peuvent être appliquées (voir aussi Leat et Lin, 2003, qui rapportent la
même observation). Ils ont tendance à chercher des tâches qui présentent
des similarités de surface au lieu de tâches ayant une structure ou des
principes sous-jacents communs. Une analyse de tâches en termes de
processus et stratégies impliqués permet de faire le lien entre différents

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exercices ou situations. Les programmes généraux d’éducation cognitive


ne comprennent pas de tâches scolaires de transfert et ne proposent pas
non plus un repérage systématique de tâches concrètes, ce qui explique
en partie le manque de transfert chez les élèves suite à l’application du
programme. Dans une récente étude d’intervention en classe spécialisée
(Hessels, Hessels-Schlatter, Bosson, & Balli, 2009), des exercices tirés
de programmes d’éducation cognitive ont été systématiquement alternés
avec des exercices scolaires. De plus, l’enseignant qui a conduit
l’intervention a procédé à une analyse de toutes les tâches en termes de
processus impliqués, ce qui lui a permis de mieux aider les élèves à
découvrir comment une même stratégie peut être appliquée sur diffé-
rentes tâches (en particulier les mathématiques, la compréhension de
texte et les leçons de cuisine), comment l’opérationnaliser et l’adapter
aux spécificités de la nouvelle situation.
Le cadre d’analyse de tâches que je propose pour les jeux (figure 1)
est basé sur des théories récentes du traitement de l’information et de la
métacognition. Le premier niveau d’analyse (composantes procédurales)
porte sur les processus cognitifs, les processus métacognitifs et les straté-
gies cognitives requis pour une tâche donnée et qui peuvent être ciblés
durant l’intervention. Le deuxième niveau (composantes de la tâche) in-
clut des caractéristiques inhérentes au matériel, telle la forme de présen-
tation ou les connaissances déclaratives nécessaires à la réalisation du
jeu.

2.1 Composantes procédurales

Les processus cognitifs de base sont des activités mentales permettant de


traiter les informations nous parvenant directement du monde extérieur
ou recouvrées de notre mémoire. Il s’agit de: 1) l’exploration des infor-
mations (balayage systématique de toutes les données); 2) l’encodage
qui consiste à identifier les caractéristiques déterminantes d’un problème
et à les enregistrer dans la mémoire de travail; 3) la représentation men-
tale (se faire une image mentale du problème); 4) l’attention, pour
laquelle les auteurs distinguent plusieurs composantes: l’attention
soutenue.

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Composantes procédurales (objets de l’intervention)


1. Processus cognitifs de base
• Exploration
• Encodage
• Représentation mentale
• Attention: attention soutenue, attention sélective, inhibition, flexibilité
cognitive
• Structuration visuelle
• Mémoire de travail
2. Processus cognitifs complexes
• Comparaison
• Induction
• Déduction
3. Processus métacognitifs
• Planification
• Contrôle continu (monitoring)
• Evaluation
4. Stratégies cognitives

Composantes de la tâche
5. Caractéristiques inhérentes au matériel
• Forme de présentation: verbal, papier-crayon, matériel manipulable
• Contenu: concret, abstrait
• Connaissances déclaratives

Figure 1. Composantes du cadre d’analyse de tâche pour les jeux.

(capacité à maintenir son attention pendant un certain temps), l’attention


sélective (capacité à fixer son attention sur un objet ou une information
déterminée), l’inhibition (capacité à supprimer une réponse dominante
ou automatisée, et à résister à l’interférence d’informations non perti-
nentes), et la flexibilité cognitive (capacité à déplacer son attention d’un
objet à un autre); 5) la structuration visuelle, qui concerne le traitement
visuel des informations, dont la discrimination, la différenciation figure-
fond, le traitement des relations spatiales et des relations entre parties et
tout; 6) la mémoire de travail: elle constitue, avec la mémoire sensorielle
et la mémoire à long terme, l’aspect structural de la cognition. La mé-
moire de travail permet la rétention et le traitement simultané des infor-

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mations, et ceci pendant un laps de temps très court. Comme la charge de


mémoire de travail associée à une tâche est particulièrement intéressante
pour la compréhension des difficultés que peut rencontrer un élève ainsi
que pour des fins de remédiation, elle est également intégrée au cadre
d’analyse.
Les processus cognitifs complexes sont des manipulations d’informa-
tions ou de représentations avec application de relations logiques; leur
mise en œuvre s’appuie sur les processus cognitifs de base. Les proces-
sus cognitifs complexes comprennent: 1) la comparaison; 2) l’induction
(inférence d’une règle, d’une loi, ou d’un concept à partir d’observations
particulières); 3) la déduction (inférence d’une solution par application
de règles).
Les processus métacognitifs. Bien que des divergences existent dans
sa conceptualisation, un consensus se dégage sur le fait qu’une définition
de la métacognition doit inclure au moins deux composantes (Pintrich,
2002): d’une part les connaissances qu’un individu a sur ses propres
connaissances et son propre fonctionnement cognitif (les métacon-
naissances); et d’autre part le contrôle et la régulation de ses propres pro-
cessus et activités cognitives (les termes suivants sont utilisés dans la
littérature: processus ou stratégies métacognitives, compétences méta-
cognitives, processus exécutifs). Les métaconnaissances (Flavell, 1979;
Pintrich, Wolters, & Baxter, 2000) comprennent les connaissances que
l’on a sur ses propres forces et faiblesses, sur les caractéristiques des
tâches et leurs difficultés potentielles, ainsi que sur les stratégies, à
savoir connaître des stratégies, mais aussi leur utilité et conditions
d’application (pourquoi, quand et comment les utiliser). Concernant les
processus métacognitifs, on trouve dans tous les modèles, sous une
forme ou une autre, trois types d’activités principales, à savoir des acti-
vités de planification, de contrôle continu (ou monitoring), et d’évalua-
tion (p.ex. Borkowski & Muthukrishna, 1992; Brown, 1978; Paris &
Jacobs, 1984; Pintrich et al., 2000; Schraw & Moshman, 1995). Dans le
modèle que je présente ici, ces processus sont définis de la manière
suivante: 1) la planification consiste à définir la tâche et identifier l’ob-
jectif, activer les connaissances en mémoire à long terme, évaluer les
difficultés qu’elle présente, déterminer les différentes étapes à mettre en
œuvre et leur ordre d’exécution, sélectionner des stratégies et procé-

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dures, ainsi qu’à déterminer l’investissement cognitif et le temps néces-


saire pour effectuer la tâche; 2) le contrôle continu (ou monitoring)
concerne le contrôle et la régulation en cours de tâche des processus de
résolution et d’apprentissage: contrôle de la compréhension et de ses
connaissances, estimation des résultats attendus, prévision des consé-
quences des actions, évaluation des progrès, contrôle des activités mises
en place et de leurs résultats, ajustement du plan et des stratégies,
contrôle continu des réponses et justifications; 3) l’évaluation, qui a lieu
en fin de tâche, permet de vérifier la justesse des réponses finales et leur
adéquation avec la consigne, de porter des jugements et appréciations sur
la résolution, ainsi que d’évaluer les procédures et stratégies appliquées
par rapport à leur efficacité.
Les stratégies cognitives sont des activités permettant d’apprendre et
de résoudre des problèmes plus facilement et de manière plus efficace:
par exemple résumer, laisser des traces (il s’agit de décharger sa
mémoire sur un objet externe; on parle de stratégie de mémoire externe),
verbaliser, dessiner un schéma, et se poser des questions.
Les stratégies et les processus cognitifs sont à la fois les véhicules
pour la mise en œuvre des processus métacognitifs, et à la fois déter-
minés par ces derniers. Par exemple la paraphrase ou la comparaison
peuvent être mis en œuvre pour contrôler; la numérotation ou la clas-
sification peuvent servir à planifier. Inversement, l’anticipation des diffi-
cultés (planification) conduira la personne à mettre en place des stra-
tégies pour les surmonter; le contrôle continu déterminera l’application
de stratégies (p.ex. relecture de la consigne) ou un ajustement des
stratégies mises en place. Cette interdépendance entre les processus et
stratégies cognitives d’une part, et les processus métacognitifs d’autre
part, est également soulignée par Veenman:
If metacognition is conceived as (knowledge of) a set of self-instructions for regu-
lating task performance, then cognition is the vehicle of those self-instructions.
These cognitive activities in turn are subject to metacognition, for instance to on-
going monitoring and evaluation processes (Veenman et al., 2006, p. 6).

Les métaconnaissances et les processus métacognitifs exercent une


influence réciproque. En premier lieu, ce sont les métaconnaissances qui
guident l’application des processus métacognitifs et des stratégies
(Borkowski & Muthukrishna, 1992; Brown, 1978; Flavell, 1979). Pour

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mettre en place une stratégie, l’élève doit d’une part être conscient de ses
propres forces et faiblesses, et d’autre part avoir des connaissances sur
les caractéristiques de la tâche (exigences, domaine, similitudes avec
d’autres tâches) et ses difficultés. L’utilité d’une stratégie est donc déter-
minée par les besoins de la personne et les demandes de la tâche. De
plus, afin de sélectionner de son répertoire la stratégie la plus appropriée,
l’élève doit également connaître les spécificités et conditions d’applica-
tion des différentes stratégies. Le contrôle continu exercé en cours de
tâche permettra d’évaluer l’efficacité de la stratégie sélectionnée et de
l’adapter selon les besoins, voire de la remplacer par une autre plus
adéquate. En deuxième lieu, l’application répétée de stratégies dans des
contextes variés, accompagnée de l’évaluation de leur adéquation et
bénéfices va enrichir les métaconnaissances. L’élève va ajuster, affiner,
et élargir ses connaissances par rapport aux stratégies, mais également
par rapport à lui-même et aux tâches.
Les différents processus cognitifs et métacognitifs sont impliqués
dans tous les jeux, mais à des degrés divers selon le jeu. Par exemple,
l’exploration, l’attention sélective, la comparaison et le contrôle continu
sont fortement impliqués dans les jeux d’observation et de comparaison
visuelle (voir l’exemple ci-après). Les jeux de stratégies, tels les échecs,
sollicitent particulièrement la représentation mentale, la flexibilité cogni-
tive, la mémoire de travail, la déduction et la planification.

2.2 Composantes de la tâche

Il s’agit des caractéristiques inhérentes au matériel. Un jeu peut s’effec-


tuer verbalement, sous forme papier-crayon, ou avec du matériel mani-
pulable. Il peut comporter des informations concrètes et/ou abstraites et
requérir des connaissances déclaratives spécifiques (par exemple sur les
nombres ou les figures géométriques). L’analyse de ces composantes
permet de choisir un jeu en fonction du niveau de l’élève, d’identifier les
facteurs qui rendent la tâche difficile pour un élève particulier, et de
simplifier ou modifier le matériel. Par exemple, l’élève peut manquer de
connaissances prérequises, ou éprouver des difficultés à comprendre la
signification de signes ou symboles (informations abstraites). Ou, suite à

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un jeu avec du matériel manipulable, on pourra décider de présenter un


jeu papier-crayon ou sous forme verbale afin de solliciter une forme de
raisonnement plus abstraite chez l’élève.

3 Application du cadre d’analyse sur deux jeux


et transfert sur des matières scolaires

Deux jeux sont présentés afin d’illustrer l’application du cadre d’analyse


de tâches (limitée ici aux processus cognitifs et métacognitifs) et le trans-
fert possible sur des tâches scolaires.

3.1 Differix

Le Differix, dont des exemples de cartes sont présentés dans la figure 2,


est un jeu d’observation et de comparaison visuelle. Il est constitué d’une
série de planches, comprenant chacune 9 variantes d’une même image
(par exemple un chat). Les variations concernent de légères différences
dans les détails ou la position des différents éléments. Chaque variante
de l’image est également représentée sur une petite carte. L’élève doit
placer chaque carte sur l’image de la planche qui lui est identique.

Figure 2. Exemple de trois cartes du Differix1.

1 Avec l’aimable autorisation de Ravensburger Spieleverlag.

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Les principaux processus cognitifs de base requis dans ce jeu sont


l’exploration (exploration de toute la planche ainsi que des 9 cartes),
l’attention sélective (fixer son attention sur un élément à la fois, par
exemple les yeux), l’inhibition (ignorer les autres aspects), et la struc-
turation visuelle (discrimination, traitement des relations spatiales et
parties-tout). En ce qui concerne les processus cognitifs complexes, le
Differix sollicite avant tout la comparaison (déterminer un critère de
comparaison discriminatif et pertinent et le maintenir constant durant la
comparaison). Parmi les processus métacognitifs, le contrôle continu
sera essentiel. L’élève doit restreindre son impulsivité (ne pas placer une
carte avant de l’avoir scrupuleusement contrôlée), vérifier de petits
détails et procéder de manière systématique lors de l’exploration, de la
comparaison, ainsi que du contrôle. Le contrôle peut s’opérer également
en appliquant un raisonnement logique: l’impossibilité de placer une
carte signale qu’une erreur a été commise au préalable.
Afin de développer les différents processus cognitifs et métacognitifs
sous-jacents à ce jeu, le rôle de l’enseignant sera notamment de faire
prendre conscience à l’élève des caractéristiques de ce jeu et de ses diffi-
cultés (en particulier le fait que toutes les images se ressemblent forte-
ment), en lui faisant explorer l’ensemble, décrire et comparer les images.
Il l’aidera à fixer son attention sur des éléments précis et discriminatifs et
l’encouragera à exercer un contrôle systématique (de gauche à droite et
de haut en bas). La systématique constitue en soi une aide tant au niveau
de l’attention sélective (fixation de l’attention sur un élément à la fois)
que de la mémoire de travail qui se trouve ainsi déchargée (réduction du
nombre d’informations à traiter). Il le conduira à se rendre compte qu’un
comportement non planifié et non contrôlé conduit à des erreurs, et que
celles-ci se répercutent sur l’ensemble de l’activité. Différentes stratégies
de soutien à la perception pourront être induites (par exemple prendre
des points de repères, compter, verbaliser).
Afin de favoriser le transfert des processus et stratégies sur les
apprentissages scolaires, l’enseignant pourra proposer, suite au jeu, un
exercice scolaire (figure 3). Bien que cet exercice soit très différent du
jeu, il requiert, pour une exécution efficace, les mêmes processus et
stratégies que ceux entraînés avec le Differix. L’élève doit explorer au
préalable le modèle et l’ensemble des mots présentés, fixer son attention

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Les jeux comme outils d’intervention 111

sur une lettre à la fois, inhiber les autres lettres et mots, détecter des
parties (les lettres) dans les ensembles (les mots), discriminer les lettres,
considérer leur ordre et les relations spatiales (structuration visuelle), et
comparer chaque mot avec le modèle. L’élève doit exercer un contrôle
continu, et il peut s’aider en appliquant les différentes stratégies: prendre
des points de repères (p.ex. la lettre ‘p’), compter le nombre de lettres, et
verbaliser (lire les mots à haute voix). L’enseignant fera prendre con-
science à l’élève de l’utilité des stratégies apprises dans le Differix pour
résoudre cette tâche et le guidera dans leur application (voir aussi la
partie Médiation présentée plus loin).

Figure 3. Exemple d’un exercice de transfert en lecture.

3.2 Cluédo

Le deuxième jeu présenté ici est le Cluédo, un jeu de déduction. Les


joueurs sont des détectives qui ont pour tâche de découvrir un coupable,
le lieu du méfait et l’arme avec laquelle le crime a été commis. Pour ce
faire, les joueurs se déplacent sur un plateau représentant différentes
pièces d’une maison à la recherche d’indices. Ces indices leur permettent
de formuler des hypothèses, et, par déduction, de résoudre l’énigme. Les
principaux processus cognitifs et métacognitifs qui doivent être activés

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dans ce type de jeu sont la représentation mentale (de la situation, du


suspect), la flexibilité cognitive (modifier ses hypothèses, adapter ses
représentations mentales), la mémoire de travail, la déduction, la planifi-
cation (par exemple dans quel ordre visiter les pièces), ainsi que le
contrôle continu (par exemple le contrôle systématique des hypothèses).
Une difficulté dans ce type de jeu est de pouvoir se souvenir des indices
obtenus en cours de partie ainsi que des conclusions intermédiaires
(mémoire de travail). Afin d’y pallier, un calepin pour prendre des notes
(ce qui représente une mémoire externe) est inclus dans le jeu.
Comme exemple d’exercice de transfert, pour lequel l’application des
mêmes processus et stratégies s’avère nécessaire, je propose le problème
de mathématiques suivant:
Alain possède 48 poules. Les poules pondent en principe un œuf par jour; mais ce
lundi, Alain en a trouvé 40, mardi et mercredi autant d’œufs que de poules, jeudi
46 et vendredi 40. Pour les vendre, Alain range les œufs dans des boîtes. Il a encore
15 boîtes à 6 compartiments. Aura-t-il suffisamment de boîtes pour les œufs ou
doit-il en racheter? Si oui, combien?

Pour une résolution efficace de cet exercice, l’élève doit se créer une
représentation mentale de la situation-problème, doit pouvoir modifier
ses représentations et déplacer son attention d’un aspect du problème à
un autre (flexibilité cognitive); il doit déduire les opérations à effectuer
ainsi que certaines informations («autant d’œufs que de»), planifier les
étapes de résolution et leur ordre, et opérer un contrôle continu de ses
activités et des résultats. L’élève aura eu l’occasion, avec le jeu, d’utili-
ser une stratégie de mémoire externe en laissant des traces (le calepin)
afin de décharger la mémoire de travail. L’enseignant lui fera prendre
conscience que cette stratégie se révèlera fort utile dans le problème de
mathématiques, où l’élève pourra souligner les données importantes dans
la consigne, dessiner un schéma (afin de mieux se représenter les boîtes
et leurs compartiments), noter les calculs et résultats intermédiaires, et
donner des titres aux calculs.
Un exemple d’activité en français sollicitant la mise en œuvre des
mêmes processus et stratégies est la compréhension de texte, telle que
schématisée dans la figure 4: en lisant la première ligne, l’élève doit se
construire une représentation mentale des deux garçons qui jouent
ensemble tous les jours. Il doit cependant être flexible et modifier cette

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représentation en fonction des nouvelles informations («sauf le mer-


credi»). Afin de décharger la mémoire de travail, l’élève peut souligner
les informations les plus importantes. Il doit déduire que c’est Stéphan
qui aime les brocolis puisque Frédéric n’aime pas les légumes. L’élève
peut planifier de lire d’abord les questions avant le texte afin d’orienter
son attention sur les données importantes en cours de lecture. Finale-
ment, un contrôle continu (de la compréhension, de l’exactitude et de la
cohérence de ses représentations) devra être effectué.

Figure 4. Exercice de transfert en compréhension de texte.

4 Médiation

Afin de développer les compétences cognitives et métacognitives des


élèves au travers des jeux, ces derniers doivent être accompagnés d’une
médiation explicite. L’enseignant doit stimuler une réflexion chez les
élèves, les conduire à une prise de conscience de leur propre activité
cognitive et les guider dans la découverte de stratégies. Cette médiation
se fait avant tout au travers d’un questionnement métacognitif. L’ensei-
gnant invite l’élève à réfléchir sur les caractéristiques du jeu et les diffi-
cultés potentielles («Qu’est-ce qui le rend difficile, à quoi faut-il faire
attention?»); il l’incite à planifier sa démarche («Comment vas-tu t’y

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prendre? Par quoi tu dois commencer?»); il guide l’attention de l’élève


sur les éléments pertinents de la tâche; il l’encourage à faire des hypo-
thèses et à les tester; il l’interroge sur sa façon de procéder, sur les straté-
gies mises en place, leur efficacité et leurs conditions d’application; il
conduit l’élève à découvrir des stratégies plus adaptées; il lui demande
de justifier ses réponses et d’appliquer un raisonnement logique pour le
contrôle; il le rend actif et favorise un comportement autorégulé en lui
retournant les questions; il l’aide à faire des liens entre une certaine
manière de procéder et le résultat obtenu (attribution des réussites/échecs
au comportement stratégique); il met en valeur ses capacités.
La verbalisation, dans le cadre de l’éducation cognitive, remplit deux
fonctions. D’une part, elle représente un outil privilégié pour la prise de
conscience (Piaget, 1976; Pintrich, 2002; Prawat, 1989). Les stratégies et
procédures sont en effet souvent automatisées, ce qui les rend inacces-
sibles à la conscience, et par conséquent non modifiables (Ericsson &
Simon, 1993). D’autre part, le fait de verbaliser favorise un comporte-
ment stratégique et réfléchi (Palinscar & Brown, 1984), l’enfant étant
amené à chercher des clarifications, à planifier son activité, à faire des
prévisions, à contrôler et justifier ses actions. Plusieurs auteurs ont étudié
les effets de la verbalisation en cours de tâche sur l’apprentissage et le
transfert. Il a pu être démontré que le simple fait de demander à l’élève
d’expliquer à haute voix comment il procède et de justifier ses actions ou
réponses conduit à une amélioration significative des performances
(Carlson & Wiedl, 2000; Dominowski, 1998; Rojas-Drummond, Pérez,
Vélez, Gómez, & Mendoza, 2003; Short et al., 1991). Cela parce que la
verbalisation agit non seulement sur les processus métacognitifs, mais
également sur les processus cognitifs (Carlson & Wiedl, 2000; Hessels &
Hessels-Schlatter, 2008). En particulier, elle favorise l’encodage des
informations et assure un recodage verbal de l’information visuelle.
L’information est ainsi stockée dans les deux modalités de la mémoire de
travail. Ce recodage verbal nécessite une abstraction (induction), les
informations visuelles devant être traduites en concepts verbaux, ce qui
active également le savoir stocké en mémoire à long terme. Elle oblige
l’élève à organiser et structurer ses représentations mentales afin de
pouvoir communiquer sa pensée. Elle dirige l’attention de l’élève sur des
éléments déterminants du problème. Finalement, l’argumentation

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demandée à l’élève l’oblige à suivre un raisonnement déductif. Le ques-


tionnement métacognitif est un élément central de la médiation: «l’édu-
cation cognitive consacre donc beaucoup plus de temps à l’anticipation
de l’action et à l’analyse de son résultat qu’à l’action proprement dite qui
n’est que le point de départ indispensable à une réflexion critique d’ordre
métacognitif» (Paour & Cèbe, 1999, p. 127).
Un aspect essentiel dans la médiation concerne la préparation au
transfert. L’objectif d’une intervention métacognitive est en effet de
développer chez l’élève des outils cognitifs et métacognitifs qui lui ser-
viront dans l’ensemble de ses apprentissages. Or, le transfert des acquis
sur des tâches non entraînées et dans des contextes différents n’est pas
une conséquence naturelle et automatique de l’apprentissage. Le transfert
doit donc être explicitement préparé (Brown, 1978; Fuchs et al., 2003).
Cinq principes d’enseignement peuvent être appliqués afin de favoriser
le transfert:
1) Développer les métaconnaissances. Afin de sélectionner une
stratégie particulière pour un problème donné, l’élève ne doit pas
seulement connaître des stratégies, mais il doit connaître leur utilité et
leurs conditions d’application (Borkowski & Muthukrishna, 1992;
Borkowski & Thorpe, 1994; Brown, 1978; Kuhn & Pearsall, 1998; Paris
& Jacobs; 1984; Veenman et al., 2006). Il est nécessaire de lui donner
l’occasion de réfléchir sur les stratégies enseignées ainsi que sur les
bénéfices d’appliquer ces stratégies. Les méta-analyses de Dignath et
Büttner (2008; Dignath, Büttner, & Langfeldt, 2008) montrent que les
interventions qui incluent dans leur approche un travail sur les méta-
connaissances donnent lieu à des effets plus importants que celles qui
n’incluent pas cette composante dans l’entraînement. L’élève doit égale-
ment développer des connaissances sur les caractéristiques des tâches,
puisque ce sont elles qui vont déterminer l’utilité d’appliquer une cer-
taine stratégie, et réfléchir aux similarités existant entre un problème
donné et des problèmes connus (Fuchs et al., 2003). Brown & Campione
(1984) ont montré que les élèves qui transfèrent le mieux passent plus de
temps à analyser et à classer les procédures qu’ils envisagent d’appliquer
à un problème donné.
2) Reformulation des stratégies. L’enseignant doit amener les élèves
à reformuler les stratégies d’une manière générale et à un niveau abstrait,

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afin qu’elles ne restent pas liées à une tâche ou situation particulière; il


s’agit de «déconcrétiser» et décontextualiser (Perkins & Salomon, 1989)
les stratégies afin qu’elles soient transférables à d’autres situations où
leur application devra éventuellement être adaptée. Par exemple, dans le
jeu «Bataille navale», afin de nous souvenir des actions effectuées, il est
utile de mettre une fiche dans les cases que nous avons cherchées à
atteindre; cette stratégie, concrète et contextualisée (spécifique à cette
tâche) sera reformulée d’une manière abstraite, générale et décontex-
tualisée par «laisser des traces pour se souvenir». Exprimée de cette
manière, la stratégie est applicable à une multitude d’autres situations,
par exemple dans un exercice de français où l’élève peut barrer les mots
qu’il a utilisés.
3) Comparaison de différentes tâches. L’enseignant fera comparer
régulièrement les activités effectuées avec d’autres tâches afin d’amener
les élèves à dégager les similarités et abstraire les principes sous-jacents
communs aux tâches. La comparaison permet de développer des repré-
sentations plus riches et flexibles. Cette comparaison doit porter sur la
structure de la tâche et non sur des caractéristiques de surface ou des
spécificités contextuelles qui ne s’appliquent pas à d’autres situations.
L’élève doit pouvoir élargir les catégories qu’il utilise pour grouper des
problèmes requérant les mêmes méthodes de résolution ou l’application
de mêmes stratégies (Barnett & Ceci, 2002; Fuchs et al., 2003). Les
différences entre tâches seront également discutées afin de rendre les
élèves conscients qu’une stratégie ne peut que rarement être appliquée
telle quelle, mais doit être adaptée aux caractéristiques de la nouvelle
situation (Prawat, 1989).
4) Alterner les jeux et les tâches scolaires. Il s’agit de présenter à
l’élève régulièrement, à la suite d’un jeu, un exercice de transfert, afin
qu’il ait l’occasion d’appliquer directement et de recontexualiser les
stratégies apprises sur une tâche relevant de ses apprentissages scolaires.
Les chercheurs (Bosson, Hessels, Hessels-Schlatter, Berger, Kipfer, &
Büchel, 2010; Davidson & Sternberg, 1998; Hessels et al., 2009; Perkins
& Salomon, 1989; Pintrich, 2002; Veenman et al., 2006) sont de plus en
plus convaincus que les interventions menées sans aucun lien avec un
contenu scolaire ne donnent pas lieu au transfert attendu. Un autre argu-
ment d’importance pour l’alternance du type de tâches concerne l’utilité

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perçue par les élèves. Généralement, il est difficile pour les élèves de
reconnaître en quoi les stratégies et processus entraînés sur des tâches
non scolaires peuvent leur être utiles dans le contexte de l’école (Kuhn &
Pearsall, 1998; Wong, 1993). Une simple discussion à propos d’autres
types de tâches dans lesquels les stratégies pourraient être appliquées
n’est pas suffisante. Les élèves ont besoin de faire l’expérience concrète
que ce qu’ils ont appris peut leur être profitable dans leurs apprentissages
scolaires. Dans cette perspective, l’analyse préalable des jeux en termes
de processus cognitifs et métacognitifs se révèle fort utile, puisqu’elle
aide l’enseignant à choisir des tâches scolaires requérant la mise en
œuvre des mêmes processus et stratégies.
5) Développer le sentiment d’efficacité et le style attributif des élèves.
L’application de stratégies cognitives et métacognitives dépend de con-
ditions motivationnelles. Un comportement stratégique délibéré coûte
plus d’efforts que l’application de procédures routinières ou de stratégies
automatisées. L’élève doit donc être motivé à fournir cet effort, il doit se
sentir capable d’effectuer la tâche, et il doit être convaincu qu’il a un
certain contrôle sur la situation et qu’un comportement stratégique peut
l’aider à améliorer ses performances (Bereby-Meyer & Kaplan, 2004;
Borkowski & Thorpe, 1994; Pintrich et al., 2000). Il a été établi que les
interventions métacognitives qui intègrent un travail sur le sentiment
d’efficacité et le style attributif sont plus efficaces que celles où les va-
riables motivationnelles ne sont pas considérées (Borkowski, Weyhing,
& Carr, 1988; Dignath & Büttner, 2008; Dignath et al., 2008).
A côté de ces cinq principes, la pratique est un aspect important. Une
stratégie non automatisée sollicite des ressources cognitives pour son
application, en plus de celles nécessaires pour traiter la tâche, ce qui peut
conduire à une surcharge de la mémoire de travail (Perkins, Simmons, &
Tishman, 1990). Cela explique le manque d’efficacité des stratégies
nouvellement acquises que l’on observe parfois (déficit d’utilisation;
Miller, 1994). Il est par conséquent nécessaire de donner suffisamment
d’opportunités aux élèves pour exercer les stratégies afin qu’ils puissent
les intégrer dans leur répertoire et les automatiser (Borkowski &
Muthukrishna, 1992; Dignath & Büttner, 2008; Veenman et al., 2006).

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5 Illustration d’une intervention avec des jeux

Une recherche pilote2 (Grossniklaus, 2009) a été effectuée afin d’estimer


la valeur potentielle d’une intervention métacognitive basée sur des jeux
auprès de personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à
sévère. Cette étude de cas ne constitue pas une validation empirique du
modèle, mais elle fournit un aperçu compréhensif des changements intra-
individuels qui ont lieu suite à une intervention. De telles données qua-
litatives sont d’un intérêt particulier pour le développement d’inter-
ventions efficaces. Contrairement à des études de groupes fortement
contrôlées où l’on compare des moyennes, les études de cas sont plus
sensibles aux caractéristiques individuelles et à leurs interrelations, et
présentent d’avantage de validité écologique du fait qu’elles com-
prennent toutes les variations naturelles individuelles et contextuelles
(Baumeister, 1984).
Deux élèves âgés de 17 ans ont participé dans cette recherche. L’in-
tervention a consisté en 19 séances de travail de 45 minutes lors des-
quelles différents jeux (jeux d’observation et de comparaison visuelle,
jeux d’induction, jeux de construction et de reproduction) ont été utilisés.
Les processus cognitifs et métacognitifs ciblés lors de l’intervention ont
été les suivants: exploration, attention soutenue et sélective, inhibition,
flexibilité cognitive, comparaison, planification, contrôle de l’impulsi-
vité, contrôle continu et final. L’objectif était également d’entraîner
plusieurs stratégies (systématique, verbalisation/description, dénombrer,
utilisation de mémoires externes, prendre des points de repère) et de
développer les métaconnaissances ainsi que la persévérance face à la
difficulté. En début de chaque séance, un rappel était effectué en ce qui
concerne les stratégies apprises lors de la séance précédente. En fin de
séance, les stratégies et processus exercés durant le jeu étaient appliqués
sur un exercice de transfert, soit de type scolaire (apprentissage de la
lecture, arithmétique), soit de type non scolaire (exercices tirés de pro-
grammes d’éducation cognitive, autres jeux).

2 Je remercie Sarah Grossniklaus qui a élaboré ce projet dans le cadre de son


mémoire de maîtrise sous ma direction.

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Deux questions de recherche ont été formulées: 1) l’intervention


permet-elle d’améliorer les processus cognitifs et métacognitifs et l’utili-
sation de stratégies (niveau procédural)? et 2) cette amélioration conduit-
elle à de meilleures performances sur différentes tâches non entraînées
(niveau de performance)? Afin d’évaluer les effets de l’intervention et
leur maintien, différents instruments ont été administrés en pré-test, post-
test et post-test différé (tableau 1).

Tableau 1. Tâches et instruments utilisés lors des phases de test.


Raisonnement inductif
Test d’Apprentissage de la Pensée Analogique (TAPA; Hessels-Schlatter, 2002)
K-ABC: sous-test Séries de photos (Kaufman & Kaufman, 1993)
Attention visuelle sélective
NEPSY: sous-test Attention visuelle (Korkman, Kirk, & Kemps, 2003)
Structuration visuelle (tâches parallèles au post-test)
Programme d’Enrichissement Instrumental (PEI; Feuerstein et al., 1980)
- Perception analytique: Dessins à compléter
- Perception analytique: Parties-ensemble
Tâches scolaires (tâches parallèles au post-test)
Géométrie: Copie de figures sur quadrillage
Mathématiques: Problème
Mémoire à court terme (au pré-test seulement)
K-ABC: sous-test Mémoire immédiate des chiffres
K-ABC: sous-test Mémoire spatiale
Grille d’observation et questionnaires
Questionnaires remplis par les enseignants
Grille d’observation des processus (méta)cognitifs et stratégies

Ces instruments comprennent des tâches de raisonnement inductif,


d’attention visuelle sélective, de structuration visuelle, de géométrie, de
mathématiques, et de mémoire à court terme. La capacité d’apprentis-
sage des participants a été évaluée avec le Test d’Apprentissage de la
Pensée Analogique (TAPA; Hessels-Schlatter, 2002; voir également le
chapitre 3 de cet ouvrage). Les items de la phase de test ont été repris au
post-test afin d’évaluer les effets de l’intervention sur le raisonnement
analogique. Une grille d’observation a été élaborée afin d’évaluer les
processus et stratégies mises en œuvre par les élèves (niveau procédural).

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De plus, lors des trois temps de mesure, les enseignants ont rempli un
questionnaire (complété par une interview) portant sur le comportement
stratégique des élèves face aux exercices effectués en classe (par
exemple, l’élève prend-il le temps d’explorer la tâche avant de com-
mencer? L’élève arrive-t-il à rester centré sur une chose à la fois?
L’élève montre-t-il des comportements hors tâche?). Le maintien des
effets de l’intervention après 8 semaines a été évalué à l’aide d’un post-
test différé.

5.1 Synthèse des résultats de Nina et Léo3

Léo a obtenu des scores aux tâches de mémoire à court terme plus élevés
que ceux de Nina. Pour la mémoire des chiffres, l’âge développemental
(AD) de Nina est de 4;0, et celui de Léo de 6;3. La tâche de mémoire
spatiale a donné lieu à un très net effet de plancher pour Nina (AD <
4;0), et le score de Léo correspond à un AD de 5;9.
Au niveau des tâches de raisonnement inductif, les deux participants
ont significativement amélioré leur score dans les Séries de photos du
K-ABC (Nina: AD < 5;0 au pré-test, et 5;6 au post-test 1; Léo: AD = 6;0,
et 7;9 respectivement). Pour les analogies du TAPA (max. 20), le score
de Léo est passé de 11 à 15. Nina n’a pas montré de gain, mais son score
de 17 au pré-test était déjà proche du maximum, et correspond à une
capacité d’apprentissage élevée. Les performances de Léo sur les deux
tâches inductives représentent une bonne illustration de la question de
l’éducabilité de l’intelligence. L’amélioration des performances coïncide
en effet avec une mise en œuvre plus efficace des différents processus
cognitifs et métacognitifs. Au post-test, et comparé au pré-test, Léo a
appliqué, ou appliqué d’une manière beaucoup plus optimale, les proces-
sus et stratégies suivants: exploration, attention soutenue et sélective,
flexibilité cognitive, planification, contrôle de l’impulsivité, contrôle
continu, systématique, stratégie des points de repère. Cela démontre la
possibilité d’améliorer les aptitudes intellectuelles en travaillant sur les

3 Prénoms fictifs

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Les jeux comme outils d’intervention 121

processus sous-jacents (Hessels & Hessels-Schlatter, 2008; voir aussi


Haywood & Switzky, 1992).
La tâche d’attention visuelle sélective, que nous avions adaptée, s’est
finalement révélée trop facile, les deux jeunes obtenant le score maxi-
mum au pré- comme au post-test. Cependant, une amélioration signifi-
cative est observée chez Nina au niveau de la vitesse de résolution: elle
prend deux fois moins de temps pour exécuter l’exercice lors du post-
test. Léo a au contraire mis plus de temps. Toutefois, dans son cas, ce
changement peut être interprété positivement: alors qu’il ne contrôlait
presque jamais ses activités lors du pré-test, il a, lors du post-test, pris le
temps de contrôler minutieusement.
En ce qui concerne la structuration visuelle (formes parallèles au
post-test), pour la tâche Dessins à compléter, les deux élèves améliorent
aussi bien leurs performances que les compétences procédurales au post-
test. Pour la tâche Parties-ensemble, Nina progresse à peine et Léo ne
progresse pas. Léo était particulièrement agité lors de cette tâche en
raison de la sortie d’école qui avait lieu juste après.
Pour l’exercice scolaire de géométrie Copie de figures sur quadril-
lage (formes parallèles au post-test), les progrès sont considérables pour
Nina, aussi bien au niveau de la performance qu’au niveau procédural:
elle a appliqué lors du post-test des stratégies de planification et de
contrôle qui lui ont permis de réaliser l’exercice correctement et aussi
beaucoup plus précisément. Léo par contre n’a pas beaucoup progressé.
Concernant le problème de mathématiques (forme parallèle au post-
test), des gains au niveau de la performance (exactitude de la réponse et
des calculs effectués) n’étaient pas attendus, puisque le raisonnement
mathématique et les compétences arithmétiques en tant que tels n’ont pas
été entraînés. Il était cependant attendu que les élèves progressent au
niveau procédural. Toutefois, l’exercice s’est révélé beaucoup trop diffi-
cile et bien au-delà de leurs capacités, ce qui a probablement influencé
négativement leur manière d’aborder la tâche. Nina n’a amélioré que la
planification et s’est aidée avec une stratégie, et Léo a plus verbalisé et a
fait preuve de plus de persévérance lors du post-test.
Les questionnaires remplis par les enseignants permettent d’apprécier
à quel degré les participants ont transféré ce qu’ils ont appris dans le
contexte de la classe, ce qui représente un transfert très éloigné. L’ensei-

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gnante de Nina a relevé des améliorations considérables sur 7 des 12


items: approche des tâches beaucoup plus réfléchie (moins de réponses
par essai-erreur), travail systématique, meilleure attention sélective,
attention plus prolongée sur la tâche, utilisation régulière de la compa-
raison, meilleur contrôle, ainsi que l’application de nouvelles stratégies
(par exemple dénombrer pour se repérer). Léo, par contre, bien qu’il ait
démontré certains progrès au niveau des tâches de test, n’a changé en
rien sa manière d’aborder les tâches en classe.
Huit semaines après l’intervention, les deux élèves ont non seulement
maintenu leurs gains, mais ont encore progressé, en particulier Nina. Par
rapport au post-test 1, Nina a maintenu ses résultats sur deux tâches
(géométrie et attention visuelle sélective, les performances à cette
dernière montrant déjà un effet plafond au pré-test), et a progressé dans
quatre autres (Séries de photos, Dessins à compléter, Parties-ensemble,
problème de mathématiques). Les améliorations observées en classe ont
également été maintenues. Quant à Léo, ses performances aux tâches
Parties-ensemble et géométrie sont identiques à celles du pré-test, mais
les gains observés à trois autres tâches ont été maintenus, et il a amélioré
sa performance dans le problème de mathématiques entre le post-test 1 et
le post-test différé. Le questionnaire rempli par l’enseignant et l’inter-
view ne montrent pas de changement par rapport au pré-test. Un résultat
tout à fait inattendu est le fait qu’aussi bien Léo que Nina ont été
capables de résoudre correctement le problème de mathématiques lors du
post-test différé, à savoir qu’ils ont inféré correctement les opérations à
effectuer, sélectionné les bons chiffres pour les opérations, et effectué les
calculs correctement. Bien que l’influence de facteurs externes ne puisse
pas être contrôlée, l’amélioration au niveau procédural peut expliquer
cette progression au niveau des performances. Les deux participants ont
fait preuve durant cette tâche notamment d’une meilleure attention
sélective, flexibilité cognitive, comparaison, planification et d’un meil-
leur contrôle.
Les progrès de Nina suite à l’entraînement sont beaucoup plus consé-
quents que ceux de Léo, et elle a aussi été capable de transférer ses
acquis en classe. Une première explication réside dans leur capacité
d’apprentissage respective (évaluée par le TAPA), celle de Nina étant
élevée alors que celle de Léo n’étant que modérée. Une deuxième expli-

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cation se situe probablement au niveau des variables motivationnelles.


Contrairement à Nina, Léo ne percevait pas l’utilité des différentes stra-
tégies travaillées, ne montrait pas un besoin de maîtrise, et présentait un
fort comportement d’évitement face aux difficultés et à l’effort cognitif;
il disait ne pas apprécier le fait qu’il fallait «beaucoup réfléchir» et que
c’était «fatiguant».
En résumé, ces résultats sont tout à fait encourageants. Suite à une
courte intervention, les participants ont amélioré aussi bien leur compor-
tement stratégique que leurs performances dans 3, respectivement 4
tâches sur 7. Il faut relever qu’en raison d’un effet plafond au pré-test
dans 1, respectivement 2 tâches, les participants n’ont pas pu montrer
d’éventuels progrès sur ces tâches. Aucune des tâches n’ayant été direc-
tement entraînées, elles nécessitaient de la part des participants d’effec-
tuer un transfert proche à très éloigné. Les effets de l’intervention ont été
maintenus après huit semaines, les performances sur certaines tâches
ayant même encore augmenté.

6 Conclusion

La métacognition joue un rôle important dans l’apprentissage et la pen-


sée, et il a été établi que les élèves avec difficultés d’apprentissage ainsi
que les personnes avec déficience intellectuelle ont des compétences
métacognitives peu développées. Le but de ce chapitre était de montrer
l’intérêt que peuvent présenter les jeux comme outils d’intervention
métacognitive. Les jeux permettent d’entraîner les processus cognitifs et
métacognitifs impliqués dans l’apprentissage, la résolution de problème
et la pensée. Ils sont motivants et non menaçants pour les élèves, ce qui
les aide à s’engager dans un comportement actif, stratégique, et à
déployer les efforts cognitifs nécessaires. Les jeux peuvent être utilisés
comme matériel unique ou en complément à des programmes d’éduca-
tion cognitive. Ils peuvent également facilement être intégrés au pro-
gramme scolaire. Les recherches ont montré l’avantage d’implémenter
les interventions métacognitives directement dans les classes, comme
partie intégrante de l’enseignement, les effets étant plus élevés que

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lorsque l’intervention a lieu en dehors du contexte classe (Dignath &


Büttner, 2008). Cela est dû au fait que les élèves arrivent plus aisément à
transposer les stratégies apprises sur leurs activités scolaires. De même,
lorsque les interventions sont menées par les enseignants eux-mêmes,
ces derniers peuvent plus facilement et directement relier les stratégies
enseignées aux tâches scolaires courantes, comme cela a été fait dans
l’étude de Hessels et al. (2009). D’un autre côté, la méta-analyse de
Dignath et Büttner (2008) a montré que l’efficacité des interventions en
classe était toujours plus élevée si c’étaient les chercheurs eux-mêmes
qui appliquaient le programme plutôt que l’enseignant. En effet, les
enseignants ont souvent des connaissances limitées sur la notion
d’apprentissage stratégique ainsi que sur la manière de promouvoir les
compétences métacognitives chez leurs élèves (Borkowski & Muthu-
krishna, 1992; Dignath & Büttner, 2008; Veenman et al., 2006). La
formation des enseignants dans ce domaine est donc cruciale.
L’étude de cas présentée a clairement démontré l’utilité des jeux en
tant qu’outils d’intervention métacognitive lorsqu’ils sont analysés selon
le cadre proposé et appliqués selon les principes de médiation discutés.
Suite à un très court entraînement de 19 séances de 45 minutes, les deux
élèves ont amélioré leur comportement stratégique et leurs performances
sur différentes tâches cognitives et scolaires. De plus, et c’est d’impor-
tance, ils ont été capables de transférer les stratégies apprises sur des
tâches non entraînées, voire même, pour une élève, sur les activités
scolaires faites en classe, et les gains ont été maintenus après 8 semaines.
Les résultats de cette étude, sont d’autant plus remarquables qu’ils
concernent deux élèves présentant une déficience intellectuelle modérée
à sévère. Avec ce type de population, il serait bien sûr nécessaire d’envi-
sager une telle intervention sur du plus long terme afin d’assurer le
maintien et la généralisation des acquis. Bien que cette étude de cas
n’offre pas une validation solide de l’intervention, elle contribue à une
meilleure compréhension des éléments qui rendent une intervention
efficace, et apporte un éclairage sur les variables procédurales en jeu,
leur malléabilité, et leurs relations avec la performance.
Pour conclure, les jeux représentent un véhicule commode, varié et
souple pour promouvoir une attitude stratégique chez les élèves et
développer leurs compétences métacognitives. Cependant, les élèves, en

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Les jeux comme outils d’intervention 125

particulier ceux avec difficultés d’apprentissage ou déficience intellec-


tuelle, ne développent pas ces compétences simplement en jouant. Le jeu
doit être accompagné d’une médiation délibérée qui vise explicitement
les processus cognitifs et métacognitifs, la conscience métacognitive et
les variables motivationnelles, ainsi que le transfert des acquis sur les
matières scolaires.

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Chapitre 8

Intervention métacognitive avec le programme


DELF auprès de personnes présentant une
déficience intellectuelle

Fredi P. BÜCHEL, Jean-Louis BERGER, Nadine M. KIPFER


& Virginie FRAUCHIGER

1 Introduction

Les élèves ayant de graves difficultés d’apprentissage ou une déficience


intellectuelle légère à modérée manquent souvent de prérequis intellec-
tuels et scolaires pour entreprendre une formation professionnelle après
leur scolarité obligatoire. Ces difficultés ont été décrites à plusieurs
reprises (Büchel & Schlatter, 2001; Kübler & Grassi, 2004). Beaucoup
de ces élèves n’ont même pas les moyens de terminer la scolarité obliga-
toire pour différentes raisons: insuffisances intellectuelles, différences ou
déficit culturel (Feuerstein & Hoffman, 1995) ou encore difficultés
sociales et comportementales (Barras, 2007). Une chance de rattrapage
leur est souvent donnée dans un centre de formation préprofessionnelle.
Pour combler les déficiences cognitives, un grand nombre de pro-
grammes d’éducation cognitive a été développé. Malheureusement, seule
une très petite minorité a été soumise à des évaluations scientifiques de
leur efficacité (Hamers & Overtoom, 1997). L’un des premiers et sans
doute le plus connu est le Programme d’Enrichissement Instrumental
(PEI) proposé par Feuerstein, Rand, Hoffman et Miller (1980). Le PEI a
prouvé son efficacité dans différentes situations et pour différentes
populations (Arbitman-Smith, Haywood, & Bransford, 1984). Dans la
formation professionnelle et préprofessionnelle, l’application du PEI a
révélé plusieurs inconvénients: il est trop long (Feuerstein insiste pour
une durée d’application de 3 à 4 ans) et il comprend plusieurs exercices
qui sont considérés infantilisants par les adolescents. D’autres problèmes

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130 Büchel, Berger, Kipfer & Frauchiger

avec ce programme ont été décrits par Beasley (1984), Bradley (1983),
Büchel et Scharnhorst (1993) et Büchel (2007). Finalement, le transfert
des stratégies sur des matières scolaires et professionnelles n’a pas pu
être prouvé (Loarer, Chartier, Huteau, & Lautrey, 1995). Cette dernière
critique est en outre valable pour beaucoup d’autres programmes.
Dans le but de surmonter et d’éviter certains problèmes du PEI dans
son application avec des adolescents et jeunes adultes en formation pré-
professionnelle et professionnelle, nous avons créé le programme DELF:
Découvrez vos capacités, rEalisez vos possibilités, pLanifiez votre dé-
marche, soyez créatiFs (Büchel & Büchel, 1995). Le DELF compte
parmi les programmes métacognitifs qui privilégient aussi bien les straté-
gies métacognitives (anticiper, planifier, contrôler) que des stratégies
plus spécifiques. Le programme DELF a été initialement élaboré pour
des élèves du secondaire ayant des difficultés d’apprentissage, par
exemple dans la formation professionnelle (Büchel, 1996) ou au cycle
d’orientation (Lavanchy, 2002). Entre temps, des recherches ont montré
qu’il pouvait aussi être utilisé avec succès auprès d’élèves des dernières
classes primaires (Favre, 1995), auprès des élèves de classes spéciales
(Horisberger-Golaz, 1994) et auprès des apprentis ayant une déficience
intellectuelle (Nicolier, 1996; Strasser, 1995).
Bien que le DELF ait montré son efficacité dans plusieurs recherches
d’évaluation, il manque à ce jour une évaluation scientifique dans le do-
maine du préapprentissage qui montre que pour les élèves fréquentant
cette filière, le programme DELF est plus efficace qu’un programme
général et non spécifique par rapport à la formation professionnelle. La
recherche présentée dans ce chapitre a été exécutée dans le cadre d’un
mémoire de licence combiné avec un stage de formation (Frauchiger,
2006). Dans cette recherche, le programme DELF a été appliqué à deux
classes d’élèves fréquentant un centre de formation préprofessionnelle.
L’objectif de cette institution est de préparer les jeunes à une activité
professionnelle et de les intégrer ensuite dans des ateliers protégés de
production ou, pour une minorité, dans une formation professionnelle
initiale de 2 ans. Deux méthodes d’activation cognitive d’inspiration
commune sont déjà utilisées dans cette institution: Ramain et Dialogue
(Ramain & Fajardo, 1977).

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Intervention métacognitive avec le programme DELF 131

Le but de la recherche présentée était de comparer l’efficacité du pro-


gramme DELF par rapport au programme Ramain, qui est pratiqué
depuis longtemps dans l’institution dans laquelle la recherche a été
menée. Le Culture Fair Test (CFT) de Cattell (1974) a été utilisé en tant
que principale variable dépendante. Bien qu’il s’agisse d’un test d’intel-
ligence, notre premier intérêt n’était pas de montrer que le programme
administré augmente le QI. Les trois premiers sous-tests du CFT
mesurent les trois facettes de la pensée inductive et la quatrième mesure
la pensée déductive. Il a été argumenté par un grand nombre de cher-
cheurs que la pensée inférentielle est à la base du transfert des appren-
tissages (Gentner, Loewenstein, & Thompson, 2003; Klauer, 1998;
Kolodner, 1997; Scharnhorst & Büchel, 1995). Dans ce chapitre, les
résultats au CFT sont ainsi interprétés avant tout dans ce dernier sens.
Klauer (1998) résume plusieurs études ayant évalué les effets de ses
programmes inductifs (Denktraining I et II; Klauer, 1989, 1991) avec le
CFT. Les programmes ont été appliqués à des élèves fréquentant des
écoles spéciales ainsi qu’à des adultes ayant une déficience intellectuelle
légère et travaillant dans un atelier protégé. Dans ces études, la taille
d’effet d variait de 0.24 à 1.29. Hasselhorn, Hager et Boeley-Braun
(1995) ont appliqué le programme inductif avancé pour enfants (Klauer,
1991) à 28 adultes ayant une déficience intellectuelle légère et travaillant
dans un atelier protégé. En comparaison avec un groupe qui a reçu le
programme de Frostig (1972), ils ont observé une taille d’effet de d =
0.61 immédiatement après l’entraînement et de d = 0.39 six mois plus
tard. Bien que nous soyons d’accord avec Budoff (1987) «that intelligent
functioning cannot be considered independently of sociocultural
influences» (p. 54), nous pensons toutefois que le CFT fournit une bonne
estimation du gain que les enfants ont réalisé grâce à un entraînement
relativement général et de type métacognitif. Pour cette recherche, nous
avons également administré deux autres mesures: le Children’s Color
Trails Test (CCTT) et une leçon scolaire présentée sur DVD.
Les participants ont été divisés en un groupe expérimental (GE) qui
recevait le programme DELF ainsi que le programme Ramain et un
groupe contrôle (GC) qui ne recevait que le programme Ramain. Nos
hypothèses de recherche sont que, suite à l’entraînement: 1) le QI, mesu-
ré par la première échelle du CFT, augmente dans le GE, mais pas dans

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le GC; 2) le fonctionnement exécutif, mesuré par le temps d’exécution et


le nombre d’erreurs au CCTT, s’améliore (les scores diminuent) dans le
GE mais pas dans le GC; et 3) la capacité à profiter d’une leçon scolaire,
mesurée par un test de compréhension suite à une leçon présentée par
DVD, augmente dans le GE mais pas dans le GC.

2 Méthode

2.1 Participants

Des adolescents de 15 à 18 ans fréquentant une institution spécialisée ont


participé à cette recherche (voir tableau 1). Ils présentent une déficience
intellectuelle légère et certains peuvent également présenter des troubles
de la personnalité ou du comportement. Leur scolarité a été effectuée la
plupart du temps en milieu spécialisé.

Tableau 1. Description de l’échantillon.


Classe Niveau cognitif selon enseignants N Age moyen
Groupe MB Moyennement bas 6
15;7
Expérimental ME Moyennement élevé 6
Groupe B Bas 6
Contrôle E Elevé 6 15;6

Ces élèves provenaient de 4 classes réparties en quatre niveaux par les


enseignants: bas, moyennement bas, moyennement élevé et élevé. Dans
un plan quasi-expérimental, le groupe expérimental (GE) a été composé
des classes (sous-groupes) «moyennement-élevé» (ME) et «moyen-
nement-bas» (MB) et le groupe contrôle (GC) de la classe «élevé» (E) et
de la classe «bas» (B).

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Intervention métacognitive avec le programme DELF 133

2.2 Instruments

Le Culture Fair Test (CFT) de Cattell (1974), première échelle, com-


prend trois échelles qui sont utilisées selon l’âge, le niveau cognitif,
scolaire et culturel des participants. L’échelle 1, qui a été utilisée dans
cette recherche, comprend quatre sous-tests déclinés en deux formes
parallèles (A et B). Elle est destinée aux enfants de 4 à 12 ans et aux
personnes avec une déficience intellectuelle. Les quatre sous-tests sont
les suivants: dans les «Séries», la tâche consiste à trouver l’image pou-
vant faire suite dans une série de dessins. Il y a 12 séries d’images à
compléter en trois minutes. Les «Classifications» demandent d’éliminer
l’intrus de 14 suites d’images en quatre minutes. Dans le sous-test
«Matrices», il s’agit de trouver l’image complétant le dessin. Il y a 12
questions à remplir en trois minutes. Finalement, dans les «Conditions»,
le but est de trouver quelle image parmi cinq remplit les mêmes condi-
tions que l’exemple. Il y a huit questions et le temps accordé est de
quatre minutes. Dans cette recherche, les quatre sous-tests ont été
administrés de façon collective, avec des limites de temps. La forme A a
été utilisée au pré-test et la forme B au post-test.
Le Children’s Color Trails Test (CCTT) est un test neuropsycho-
logique qui a été adapté du Children’s Trail Making Test par Llorente,
Williams, Satz, et D’Elia (2003). Selon les auteurs, le CCTT mesure des
éléments du fonctionnement exécutif: la vitesse visuo-motrice, l’atten-
tion visuelle, la capacité d’inhibition et la flexibilité cognitive. Il est des-
tiné aux enfants et adolescents entre 8 et 16 ans. Il s’agit d’un test papier-
crayon chronométré et composé de deux feuilles: CCTT1 et CCTT2.
Chaque version est composée d’une phase de familiarisation et d’une
phase de test. Dans la version CCTT1, les enfants doivent relier par une
ligne les chiffres allant de 1 à 15. Dans la version CCTT2, ils doivent re-
lier les chiffres de 1 à 15 en alternant les couleurs jaune et rose. Pour ac-
complir cette tâche, les enfants doivent donc être capables de reconnaître
les chiffres de 1 à 15 et de distinguer entre les couleurs jaune et rose. Le
CCTT a été appliqué individuellement en tant que pré-test et post-test.
Pour chaque version (CCTT1 et CCTT2), nous avons retenu deux scores.
Le premier score est le temps mis par l’individu pour relier les cercles.
Le score d’erreurs correspond au nombre d’erreurs de séquence. Pour le

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134 Büchel, Berger, Kipfer & Frauchiger

CCTT1, une erreur est comptée si la personne se trompe dans la suite des
nombres. Pour le CCTT2, deux types d’erreurs peuvent survenir: les
erreurs de séquence numérique et les erreurs de séquence de couleur.
Une erreur de séquence numérique survient lorsque la personne ne relie
pas le chiffre suivant supérieur. Une erreur de séquence couleur survient
quand la personne relie deux ou plusieurs cercles de la même couleur. Le
CCTT a été normé auprès d’un échantillon de 678 personnes âgées entre
8 et 16 ans.
La leçon DVD avec questionnaire à choix multiple (QCM). Différents
chercheurs ont, depuis longtemps, insisté sur le fait que les programmes
d’intervention devaient être évalués non seulement par rapport aux effets
d’apprentissage et de maintien, mais également quant à leurs effets de
transfert (Borkowski & Büchel, 1983; Büchel, 1990; Klauer, 1992).
Klauer (1998) a publié une série d’études avec des personnes ayant des
difficultés d’apprentissage ou une déficience intellectuelle légère, dans
lesquelles les effets de transfert ont été contrôlés non seulement par des
tâches ayant un contenu et une structure différents mais aussi par la capa-
cité des élèves de profiter d’une leçon scolaire. Dans notre recherche,
nous avons suivi la proposition de Klauer: les élèves du GE et du GC ont
suivi une leçon sur des sujets biologiques au pré-test et au post-test. Pour
exclure l’effet de différents styles d’enseignement, les leçons ont été
présentées par DVD. Les apprentissages ont été appréciés par un test à
choix multiple évaluant la compréhension de la leçon.

2.3 Intervention

Le programme DELF (Büchel & Büchel, 1995; voir aussi Büchel, 2007)
est un programme métacognitif du type «apprendre à apprendre,
apprendre à penser». Comme nous l’avons vu dans le chapitre 6 de cet
ouvrage, nous distinguons dans la métacognition entre les stratégies
cognitives et les stratégies métacognitives. Les connaissances métaco-
gnitives forment la base des stratégies métacognitives. Ces connais-
sances se composent d’une part d’expériences propres à l’individu,
mémorisées sous forme de théories naïves et d’autre part, de connais-
sances scientifiques. Les connaissances scientifiques n’influencent pas

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Intervention métacognitive avec le programme DELF 135

directement le comportement stratégique; elles ne le font que par


l’intermédiaire des théories naïves. Pendant la formation DELF, ces
dernières sont renforcées, modifiées et adaptées aux théories scienti-
fiques. Les connaissances scientifiques sont transmises à l’élève sous
forme de textes accompagnant les exercices. Le programme DELF
comprend deux éléments:
1) Un cahier illustré d’une cinquantaine de pages comprenant un
chapitre sur la structure ainsi que le fonctionnement de la mémoire
humaine et un autre sur les stratégies d’apprentissage, d’autocontrôle et
d’examen. Si le niveau intellectuel et scolaire le permet, ces textes sont
lus par les élèves et discutés pendant les leçons. Si ce n’est pas le cas, le
médiateur les utilise pour enrichir les discussions entre les élèves et entre
les élèves et lui-même, ce qui a été le cas dans cette recherche.
2) Un livre comptant une centaine d’exercices figuratifs permet de
confronter l’élève à sa propre manière d’apprendre et de résoudre des
problèmes. On y trouve, par exemple, des exercices destinés à dévelop-
per les stratégies métacognitives (anticiper, planifier et contrôler), la pen-
sée logique, la capacité de tirer des conclusions et d’utiliser des mé-
moires externes (prendre des notes). S’y trouvent également beaucoup
d’exercices qui apprennent à l’élève à mieux utiliser sa mémoire de
travail et à éviter une surcharge mnésique. Chaque type d’exercices est
lié aux processus importants dans le modèle de l’apprentissage sous-
jacent.
Dans les exercices du programme DELF, l’élève travaille dans la mesure
du possible avec un camarade, ce qui lui permet de discuter ses obser-
vations avec son partenaire puis ensuite avec toute la classe. Dans la
discussion, l’élève est obligé de justifier le bien-fondé de sa démarche,
ce qui l’aide à se rendre compte de ses stratégies, de ses motivations et
de ses sentiments. Ce processus de désautomatisation successive des
habitudes d’apprentissage et la découverte de l’introspection constituent
le premier but du programme. Il s’agit d’un but métacognitif: les méta-
connaissances par rapport à soi-même, par rapport aux spécificités des
exercices et par rapport aux stratégies sont activées.
Le deuxième but du DELF est l’optimisation et si nécessaire la cor-
rection des stratégies déjà acquises, ainsi que l’acquisition de nouvelles

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136 Büchel, Berger, Kipfer & Frauchiger

stratégies. Il est important de rappeler que tous les élèves (également les
personnes avec une déficience intellectuelle) ont appris au cours de leur
vie un grand nombre de stratégies. Pour cette raison, l’enseignement de
nouvelles stratégies ne joue qu’un rôle secondaire. Le grand travail du
médiateur est d’aider l’élève à dépasser le déficit de production, c’est-à-
dire de lui faire comprendre que ses stratégies sont utiles et qu’une
approche stratégique est payante pour l’apprentissage.
Le troisième but du programme est la ré-automatisation des stratégies
corrigées et des stratégies nouvellement acquises. L’optimisation et la
correction d’une stratégie est un acte conscient. L’élève réfléchit au pro-
blème et à l’outil (la stratégie) qui pourrait l’aider à le résoudre. Cette
réflexion demandant beaucoup d’attention, le travail est par conséquent
ralenti. A ce moment-là, l’élève a le sentiment qu’une approche straté-
gique n’est pas rentable. Une stratégie cognitive ne devient rentable que
si elle est automatisée. Une stratégie automatisée ne coûte que très peu
d’attention. C’est pourquoi elle contribue à la qualité et à la vitesse de
l’apprentissage et de la résolution de problèmes. Pour la ré-automatisa-
tion des stratégies, deux moyens sont prévus. D’une part, les stratégies
acquises dans l’un des types de tâches DELF sont reprises dans les autres
types de tâches. D’autre part, à la fin de chaque leçon DELF, le média-
teur définit avec les élèves «la stratégie du jour». Cette stratégie du jour
est reprise consciemment dans les leçons concernant des matières sco-
laires, ce qui contribue à son automatisation.
Si possible, les exercices sont effectués en classe, en groupes de deux
élèves. Ils peuvent toutefois aussi être utilisés individuellement. Dans ce
cas, le rôle du médiateur change quelque peu. Si, dans une situation de
classe, les groupes travaillent dans un premier temps sans l’aide du
médiateur, celui-ci pose régulièrement des questions métacognitives
dans une situation individuelle.
La méthode Ramain (Ramain & Fajardo, 1977) cherche, selon Gibert
(1963), à conduire la personne à être plus autonome et à mieux mobiliser
ses ressources pour résoudre divers problèmes et pour gérer son propre
apprentissage. Plusieurs intérêts éducatifs sont mis en avant: la méthode
devrait permettre de fixer l’attention, d’engager la personne dans une
situation et de lui permettre de se dépasser. Tous les élèves de l’institu-
tion suivent deux à trois leçons Ramain par semaine. Dialogue est une

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Intervention métacognitive avec le programme DELF 137

méthode d’apprentissage de la langue française orale et écrite. Son


objectif est le développement des capacités d’expression et de créativité
de l’élève. Elle est inspirée des principes pédagogiques de la méthode
Ramain. De ce fait, seul le terme Ramain sera utilisé dans la suite du
texte pour se référer à ces programmes.

2.4 Plan de recherche

Le tableau 2 résume le plan de recherche de type pré-test – intervention –


post-test avec groupe expérimental (GE) et groupe contrôle (GC). La
phase d’intervention a duré trois mois. Le GE a suivi, en plus des habi-
tuelles leçons Ramain, 24 leçons DELF à raison de deux leçons par
semaine. Il est important de souligner que le GC a suivi, lui aussi, deux à
trois leçons Ramain par semaine comme d’habitude. Nous ne comparons
ainsi pas un groupe ayant suivi une intervention DELF à un groupe sans
entraînement, mais deux groupes Ramain dont l’un suit en plus deux
leçons DELF par semaine pendant 12 semaines.

Tableau 2. Plan de recherche.


Pré-test Intervention Post-test
GE (N = 12) CFT-A DELF 24 leçons CFT-B
CCTT Ramain 36 leçons CCTT
Leçon DVD Leçon DVD
GC (N = 12) CFT-A Ramain 36 leçons CFT-B
CCTT CCTT
Leçon DVD Leçon DVD

3 Résultats

Le tableau 3 montre les moyennes et écart-types pour les GE et GC en ce


qui concerne le QI total au CFT. Le tableau 3 montre qu’au pré-test, le
GE est plus faible que le GC, mais que le résultat s’inverse au post-test.
Au pré- et au post-test, la variation du GE est plus importante que celle

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138 Büchel, Berger, Kipfer & Frauchiger

du GC. Dans une ANCOVA avec le groupe comme facteur et le score au


pré-test comme covariable, la différence entre les post-tests est
significative: F1, 22 = 4.744, p  0.05. La taille d’effet (2) est de 0.18 ce
qui correspond à un effet moyen (Cohen, 1988). Toutefois, le gain du GE
est presque uniquement dû à la classe MB qui a gagné 11.9 points tandis
que la classe ME n’a gagné que 0.5 points. De plus, une augmentation de
6.2 points de la variance peut être constatée dans la classe MB, tandis
que les variances dans les autres classes diminuent du pré- au post-test.
La variance dans le GE est néanmoins plus importante au pré- et au post-
test que la variance dans le GC.

Tableau 3. Moyennes (M) et écart-types (é.t.) des QI au pré- et post-test.


QI pré-test (CFT-A) QI post-test (CFT-B)
Groupe M é.t. Total M (é.t.) M é.t. Total M (é.t.)
GE
MB (N = 6) 73.8 14.2 76.4 (15.6) 85.7 20.4 82.6 (17.4)
ME (N =6) 79.0 17.9 79.5 15.2
GC
B (N = 6) 73.0 14.2 79.7 (14.7) 70.6 9.5 76.2 (11.1)
E (N = 6) 86.3 10.9 82.3 9.4

Une analyse des différences interindividuelles montre que dans le GE


nous pouvons identifier cinq participants qui ont gagné entre 10 et 25
points, tandis qu’un participant n’a fait qu’un gain modeste. Quatre parti-
cipants ont presque le même score qu’au pré-test (fluctuations de ± 2
points) et deux participants ont même perdu des points. Dans le GC, trois
participants montrent un gain (entre 8 et 17 points). Deux participants
ont presque le même score qu’au pré-test (± 2 points), tandis que sept
participants régressent de 4 à 20 points.
Au Test d’Apprentissage de la Pensée Analogique, nous avons trouvé
chez des personnes ayant une déficience intellectuelle modérée à sévère,
qu’entre un tiers (Schlatter, 1999; Schlatter & Büchel, 2000) et la moitié
(Büchel, Hessels-Schlatter, Kipfer, & Bosshard, 2009) des participants
profitaient des aides données pendant le test. Selon une proposition de
Budoff (Budoff & Friedman, 1964) nous avons appelé «gainers» ceux
qui avaient profité des aides et «non gainers» ceux qui n’en avaient pas

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Intervention métacognitive avec le programme DELF 139

ou peu profité. Il s’agit d’une question de capacité d’apprentissage.


Ionescu, Jourdan-Ionescu et Fortin (1990) ont démontré la valeur prédic-
tive de la capacité d’apprentissage pour l’adaptation professionnelle chez
des adultes ayant une déficience intellectuelle légère ou modérée. Il
semble que nous ayons retrouvé dans nos données les deux groupes:
ceux qui ont profité de l’entraînement ou de la répétition du test et ceux
qui n’en ont pas ou peu profité.
Les tableaux 4 et 5 présentent les résultats au CCTT. Une analyse du
temps utilisé (tableau 4) montre que les deux groupes ont besoin de
moins de temps au post-test, cela tant pour le 1er que pour le 2ème test.
Nous pouvons aussi constater que les gains dans les deux tests sont plus
importants dans le GE que dans le GC, mais les différences ne sont pas
statistiquement significatives. Le même constat peut être réalisé pour les
erreurs (tableau 5): le gain est plus important pour le GE qu’il ne l’est
pour le GC mais la différence n’est pas significative.

Tableau 4. Moyennes (écart-types) et gains pour le score «temps» du


CCTT au pré- et post-test pour GE et GC.
Test 1 Test 2
Pré-test Post-test Gain Pré-test Post-test Gain

GE 47.75 28.66 19.09 93.00 58.58 34.42


(17.35) (7.93) (41.97) (16.83)
50.83 34.25 83.75 60.91
GC 16.58 22.84
(34.19) (13.90) (30.33) (16.01)

Tableau 5. Moyennes (écart-types) et gains pour le score «erreurs» du


CCTT au pré- et post-test pour GE et GC.
Test 1 Test 2
Pré-test Post-test Gain Pré-test Post-test Gain
GE .25 (.62) .16 (.57) .09 .45 (.13) .25 (.45) .20
GC .33 (.49) .16 (.38) .17 .41 (.19) .66 (.77) -.25

Le tableau 6 montre les résultats à la leçon DVD. Les moyennes totales


des deux groupes sont plus élevées au post-test, mais les différences ne
sont pas significatives. La classe E est déjà la meilleure au pré-test et elle

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140 Büchel, Berger, Kipfer & Frauchiger

gagne 1.3 points au post-test tandis que la classe B est déjà la plus faible
au pré-test et perd même 0.9 points au post-test. Il semble que le groupe
E ait une capacité d’apprentissage largement plus importante que les
trois autres groupes, ce qui lui permet de réaliser un gain important
même sans avoir participé à l’entraînement DELF. Une ANCOVA
révèle qu’il existe des différences au post-test entre les quatre sous-
groupes (F3,19 = 5.676, p  .01, 2 = .47), cependant seul le gain de la
classe E du groupe contrôle dépasse celui des groupes B et ME de
manière significative.

Tableau 6. Moyennes (M) et écart-types (é.t.) au QCM des leçons DVD


pré-test et post-test (max = 12).
QCM pré-test QCM post-test
Groupe M é.t.. Total M (é.t.) M é.t. Total M (é.t.)
GE
MB (N = 6) 6.7 2.8 6.4 (2.6) 7.8 1.9 7.3 (2.2)
ME (N =6) 6.2 2.7 6.8 2.5
GC
B (N = 6) 6.3 1.2 7.3 (2.3) 5.2 1.5 7.3 (2.6)
E (N = 6) 8.2 1.8 9.5 1.4

4 Discussion

Dans cette étude, le programme DELF a été appliqué à des élèves


fréquentant une institution spécialisée. Dans le but de remédier aux diffi-
cultés rencontrées par leurs élèves, l’institution a enrichi depuis long-
temps son offre pédagogique par l’application de la méthode Ramain. Le
but de cette recherche était d’observer si l’application du programme
métacognitif DELF pouvait améliorer la capacité d’apprentissage des
jeunes, en comparaison de la seule application de la méthode Ramain.
Afin de formuler une première réponse, sans doute préliminaire, deux
classes ont suivi 24 leçons DELF tout en poursuivant l’enseignement
Ramain. Pendant cette période, le GC a suivi uniquement les leçons
Ramain. Afin de tester l’hypothèse que la combinaison des programmes

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Intervention métacognitive avec le programme DELF 141

Ramain et DELF augmenterait la capacité d’apprentissage davantage que


la seule application du programme Ramain, le GE (deux classes) et le
GC (deux classes) ont été soumis à une série de tests avant et après
l’intervention, dont le plus important était la première échelle du CFT de
Cattell (1974). Les résultats par rapport au CFT montrent que le GE qui,
au pré-test, était plus faible que le GC, obtient au post-test des résultats
significativement plus élevés que le GC qui, lui, a même réalisé une
perte entre les deux moments de test. Le programme DELF a donc signi-
ficativement augmenté la pensée inductive des participants tandis que le
Ramain seul n’a pas produit un tel effet. La recherche a néanmoins aussi
révélé de grandes différences interindividuelles.
Une deuxième variable dépendante a été mesurée avec le CCTT qui,
selon les auteurs, mesure la vitesse visuo-motrice, l’attention visuelle, la
capacité d’inhibition et la flexibilité cognitive. Les deux groupes
réalisent des gains en ce qui concerne le temps. Bien que les gains du GE
soient plus élevés que ceux du GC, la différence n’est pas significative.
En ce qui concerne les erreurs, les gains du GE sont plus faibles que
ceux du GC dans le premier test, mais sont plus élevés dans le deuxième
test. Ces différences ne sont pas significatives. Ce n’est pas la première
fois que le CCTT se révèle peu sensible par rapport aux effets d’une
intervention cognitive et métacognitive (Kipfer, 2007). Par conséquent,
nous proposons de ne plus l’utiliser dans de futures recherches de ce type
avec une population de jeunes ayant des difficultés d’apprentissage ou
une déficience intellectuelle légère.
La question du transfert sur une leçon scolaire, présentée par DVD,
ne trouve pas non plus une réponse suffisamment claire. Le gain du GC
est légèrement supérieur à celui du GE. Toutefois, ce résultat ne peut pas
être interprété aussi simplement du fait que la classe E (Elevé), faisant
partie du GC, n’est pas comparable aux trois autres classes. Cette classe,
qui obtient déjà un score moyen beaucoup plus élevé que les trois autres
classes au pré-test, gagne 1.3 point au post-test. Cette différence par
rapport aux trois autres sous-groupes ne peut pas s’expliquer par des
variables des programmes appliqués. Il s’agit plutôt d’un effet dit de
Matthieu (les élèves présentant les meilleures aptitudes de départ pro-
fitent plus de l’entraînement que ne le font les élèves dont les aptitudes
sont plus faibles), comme nous l’avons trouvé dans différentes autres
recherches (p.ex., Berger, Kipfer, & Büchel, 2008).

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142 Büchel, Berger, Kipfer & Frauchiger

La question de recherche mériterait une réplication avec un plan de


recherche expérimental et non quasi-expérimental tel qu’il a été réalisé
dans cette étude. Ceci implique de réaliser une étude du même type avec
des GE et GC organisés de façon à être comparables par rapport aux
variables dépendantes, au lieu de travailler avec des classes naturelles,
qui ne sont jamais facilement comparables dans ce type d’institution.

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Chapitre 9

Acquisition et transfert de stratégies chez


des élèves en difficulté d’apprentissage

Mélanie S. BOSSON

1 Introduction

Ce chapitre a pour but de présenter certaines données récoltées dans le


cadre d’une recherche d’équipe menée au sein d’un service d’éducation
cognitive pour enfants et adolescents de l’Université de Genève (Bosson,
2008). Cette structure, l’Atelier d’Apprentissage, est spécialisée dans
l’évaluation et la remédiation des difficultés d’apprentissage. Seize
élèves ont participé à une intervention de douze séances et ont reçu,
avant et après l’intervention, une série de tests afin d’évaluer l’acqui-
sition et le transfert de stratégies.
Nous aimerions tout d’abord revenir sur la définition des élèves en
difficulté d’apprentissage. Dans notre recherche, il s’agit d’élèves qui
présentent un QI dans la moyenne mais qui rencontrent des difficultés
dans les deux branches principales (mathématiques, français compréhen-
sion et structuration). Ces élèves ne présentent cependant pas de troubles
spécifiques tels que la dyscalculie ou la dyslexie. Comme le mentionne
Sugden (1989), les élèves avec des difficultés d’apprentissage
apprennent généralement d’une manière plus lente et rencontrent des
problèmes de généralisation. Il semble qu’ils ne fassent pas spontané-
ment de liens entre les tâches, car les connaissances restent accrochées
au contexte de leur apprentissage. Pressley et Levin (1987) ajoutent
qu’ils utilisent moins de stratégies et de manière moins efficace que les
bons élèves. La faible utilisation de stratégies ainsi que le manque de
transfert sont donc des éléments importants dans la définition des élèves
en difficulté d’apprentissage (Fuchs & Fuchs, 2003; Wong, Harris,
Graham, & Butler, 2003).

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Plusieurs chercheurs ont montré que cette absence de transfert est liée
à un manque de connaissances métacognitives et de contrôle dans
l’application des stratégies (Bjorklund, 2005; Kendall, Borkowski, &
Cavanaugh, 1980). Afin de pouvoir appliquer efficacement des straté-
gies, il est important que l’élève ait développé des connaissances sur les
stratégies, sur les situations où elles sont utiles et sur la manière de les
appliquer dans diverses tâches (métaconnaissances). L’élève doit non
seulement développer des métaconnaissances sur les stratégies mais doit
également développer des compétences qui lui permettent de contrôler
l’application des stratégies et d’évaluer leur efficacité dans une tâche
donnée. On parle alors de stratégies métacognitives: par exemple, l’élève
doit être capable de juger que, dans une tâche de mémorisation, l’auto-
répétition n’est plus une stratégie adaptée si la liste de mots qu’il doit
retenir s’allonge. Il doit alors trouver une autre stratégie, par exemple,
regrouper les mots dans des catégories. Les deux aspects de la méta-
cognition, à savoir les métaconnaissances (Flavell & Wellman, 1977)
ainsi que les stratégies métacognitives (Brown, 1987) sont essentiels
pour un apprentissage efficace.
D’autres chercheurs ont montré que le manque de transfert peut éga-
lement être lié à des aspects motivationnels (Borkowski & Burke, 1996)
qui sont souvent sous-développés chez les élèves en difficulté scolaire.
Ayant été confrontés à de multiples échecs, ils ont souvent une faible
confiance en eux-mêmes et en leurs capacités. Généralement, les élèves
en difficulté d’apprentissage ont de la peine à interpréter leurs réussites
comme la résultante de leur effort et de l’application appropriée de stra-
tégies (p.ex. Borkowski & Turner, 1990). Ils ont plutôt tendance à
expliquer leur échec par des facteurs sur lesquels ils n’ont pas d’in-
fluence tels que «l’épreuve était trop difficile» (attribution externe et non
contrôlable) ou «de toute façon je suis nul» (attribution interne et non
contrôlable). Il est donc important de prendre également en compte les
aspects motivationnels dans une intervention: si l’élève se rend compte
qu’il peut être plus efficace en étant stratégique, il sera plus motivé à
s’investir dans l’apprentissage et le transfert de ces stratégies. Ainsi, afin
de favoriser l’acquisition et le transfert de stratégies, une intervention
devrait travailler sur ces trois composants: acquérir des métaconnais-
sances sur les stratégies, développer les stratégies métacognitives et

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rendre l’élève conscient qu’il a les moyens d’être stratégique et que cet
effort peut le mener à de meilleurs résultats. Récemment, une méta-
analyse de plusieurs interventions en classe, auprès d’élèves du primaire,
a montré que les programmes les plus efficaces sont ceux qui incluent
dans leur entraînement stratégique des variables motivationnelles et
métacognitives (Dignath, Büttner, & Langfeldt, 2008).

2 L’intervention à l’Atelier d’Apprentissage

Dans l’intervention menée à l’Atelier d’Apprentissage, l’élève travaille


avec un médiateur qui l’aide à prendre conscience de sa démarche de
résolution et le guide dans la découverte de stratégies. Une stratégie est
une activité mise en place par une personne pour s’aider dans la résolu-
tion d’un problème. Pour résoudre un exercice, un élève utilise aussi bien
des stratégies cognitives comme chercher les éléments importants, com-
parer les informations et prendre des notes, que des stratégies métacogni-
tives, telles qu’anticiper les difficultés de la tâche, planifier sa démarche
et contrôler sa résolution. Nous proposons donc de faire une distinction
entre les stratégies cognitives et les stratégies métacognitives: alors
qu’une stratégie cognitive est mise en place pour exécuter une tâche
cognitive, les stratégies métacognitives sont exécutées pour contrôler les
processus cognitifs (Flavell, 1987). Il y a ainsi un lien hiérarchique entre
ces deux types de stratégies: l’utilisation de stratégies cognitives est in-
fluencée par les métaconnaissances et les stratégies métacognitives
(Büchel, 1996; chapitre 6 de cet ouvrage).
Le développement des métaconnaissances sur les stratégies et sur les
propriétés des situations dans lesquelles ces stratégies peuvent être utiles,
est un aspect essentiel de notre intervention. En effet, pendant et après
l’exécution d’une tâche, le médiateur pose des questions à l’élève afin
qu’il prenne conscience des stratégies utilisées et de leur efficacité. Il lui
demande également de trouver d’autres exemples de tâches où ces straté-
gies pourraient être utiles. L’enfant acquiert ainsi des informations théo-
riques sur comment et quand utiliser une stratégie, ce qui lui permet de
mieux les transférer et de sélectionner les stratégies appropriées à la ré-

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solution d’une tâche donnée. Des aspects motivationnels sont également


pris en compte dans notre intervention. Le médiateur valorise l’élève
lorsqu’il utilise de bonnes stratégies afin qu’il prenne conscience que
c’est grâce à son effort qu’il a bien réussi la tâche. Pour Moè et De Beni
(2001), ce travail de renforcement des attributions internes contrôlables
permet d’accroître le sentiment d’auto-efficacité (Bandura, 1997) et ainsi
de favoriser l’utilisation spontanée de stratégies. De plus, afin d’éviter de
confronter l’élève à des tâches qui véhiculent des sentiments d’échec,
notre intervention commence par un travail sur des tâches non scolaires,
tirées de programmes d’éducation cognitive. Ces tâches offrent l’oppor-
tunité à l’élève d’avoir du succès et de gagner ainsi plus de confiance en
ses compétences avant d’être confronté à des tâches scolaires. Ce senti-
ment de compétence est un aspect essentiel pour promouvoir le transfert
(Borkowski & Burke, 1996).
Bien que nous commencions notre intervention par des tâches non
scolaires, nous travaillons ensuite les stratégies dans divers types de
tâches. Cela permet aux élèves de découvrir l’aspect général des
stratégies travaillées et de développer une représentation flexible de ces
dernières ce qui favorise leur transfert (Büchel & Scharnhorst, 2000;
chapitre 7 de cet ouvrage). Lorsque les stratégies ne sont appliquées que
dans un seul type de tâche, il y a le risque qu’elles restent ancrées dans
leur contexte d’apprentissage (Bransford, Sherwood, Hasselbring,
Kinzer, & Williams, 1990). Il est pour cela essentiel que l’application
des stratégies dans divers contextes soit accompagnée d’une réflexion
métacognitive afin de mettre en évidence les liens entre les tâches et de
reconnaître les situations dans lesquelles une stratégie peut être utile.

3 La recherche

Afin d’évaluer l’efficacité de l’intervention menée à l’Atelier


d’Apprentissage, 16 élèves entre 8 et 12 ans (3P à 6P) ont participé à une
recherche. Les 16 élèves ont été répartis en un groupe expérimental (GE)
et un groupe contrôle (GC). Après un pré-test commun aux deux
groupes, les 8 élèves du GE ont participé individuellement à une inter-

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vention métacognitive de 12 semaines, à raison de 50 minutes par


semaine. Afin de standardiser l’intervention, nous avons créé des guides
de médiation pour chaque séance qui définissent les étapes de résolution
ainsi que les stratégies à aborder avec l’élève. Afin de favoriser le trans-
fert des stratégies, nous avons choisi de travailler sur différents types de
tâches. Comme le montre le tableau 1, six séances (1 à 4, 6 et 8) ont été
consacrées à des tâches non scolaires, tirées des programmes DELF
(Büchel & Büchel, 1995) et PEI (Feuerstein, Rand, Hoffman, & Miller,
1980).

Tableau 1. Plan de l’intervention.


Séances Séance Séance Séance Séance Séances Séances
1-4 5 6 7 8 9-10 11-12
DELF Maths PEI Français PEI Maths Français

Le programme DELF est un programme d’éducation cognitive qui a


pour objectif de confronter l’élève avec sa propre manière de résoudre
des problèmes, puis de lui faire découvrir des stratégies adaptées à la
tâche et à son propre fonctionnement. Ce programme contient huit types
d’exercices non scolaires. Deux types de tâches ont été retenus pour la
recherche: les Figures décomposées et les Fenêtres. Dans les exercices
Figures décomposées, l’élève doit trouver parmi un certain nombre
d’images incomplètes, les paires d’images qui, mises ensemble, repro-
duisent le modèle. Dans les exercices Fenêtres, l’élève doit retrouver
l’emplacement de huit petites images dans une grande illustration, puis
dessiner leur cadre. Ces deux types d’exercices permettent de travailler
des stratégies cognitives comme considérer toutes les informations d’un
problème, sélectionner des éléments de recherche précis, noter/biffer les
éléments déjà traités, identifier sa réponse de manière compréhensible,
mais également des stratégies métacognitives telles que la planification
et le contrôle.
Le PEI (constitué de 14 instruments papier-crayon) a été développé
par Feuerstein et ses collaborateurs afin de remédier aux difficultés ren-
contrées par les enfants immigrés en Israël. Les objectifs principaux sont
la correction des fonctions cognitives qui seraient déficientes, l’acquisi-
tion de concepts de base, le développement d’une pensée réflexive, d’une

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motivation intrinsèque et de la confiance en soi. Dans cette recherche,


nous ne travaillons qu’avec l’instrument Consignes. Les premiers exer-
cices de cet instrument consistent à lire et exécuter de courtes consignes
alors que les derniers sont de type description. L’élève doit rédiger une
consigne qui correspond à un dessin afin qu’une autre personne puisse
reproduire le dessin. Cet instrument permet de travailler des stratégies de
compréhension de texte (faire des inférences, retourner en arrière), des
stratégies de mémoire externe (faire des dessins ou schémas), ainsi que
les stratégies métacognitives. Les exercices de description permettent
également de travailler sur la communication précise de sa réponse.
Dans les six autres séances (5, 7 et 9 à 12), des problèmes de mathé-
matiques et de compréhension de texte sont utilisés afin d’appliquer,
dans des tâches scolaires, les stratégies entraînées avec le matériel non
scolaire. Les stratégies sont ainsi d’abord découvertes et travaillées dans
des exercices non scolaires puis transférées à des exercices scolaires.
Durant les leçons, on demande à l’élève de penser à haute voix afin
que le médiateur puisse suivre sa démarche. A la fin de chaque exercice,
le médiateur amène l’élève à expliciter les stratégies découvertes et à
mentionner des situations possibles de transfert. Juste après l’inter-
vention, les élèves passent un premier post-test (post-test immédiat) puis
un second, neuf semaines plus tard (post-test différé). Lors des sessions
de tests, les élèves doivent résoudre de manière indépendante deux
tâches de type scolaire: une compréhension de texte ainsi qu’un pro-
blème de mathématiques.
Les analyses présentées dans ce chapitre ne concernent que les pro-
blèmes de mathématiques et les exercices DELF. Pour chaque degré,
nous avons créé des tâches mathématiques à partir du programme
officiel genevois qui permettent d’observer l’utilisation de nombreuses
stratégies travaillées lors de l’intervention. Nous avons créé des tâches
parallèles pour chaque session de tests. Les problèmes de mathématiques
travaillés lors de l’intervention sont différents de ceux présentés lors des
sessions de test. Nos hypothèses sont les suivantes:
1) Les élèves apprennent des stratégies lors des séances d’inter-
vention basées sur des tâches non scolaires et scolaires;
2) Les élèves transfèrent les stratégies apprises dans le post-test
immédiat de mathématiques;

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3) L’utilisation de stratégies permet aux élèves d’obtenir une meil-


leure performance;
4) Les élèves maintiennent les stratégies apprises neuf semaines après
l’intervention.
Afin d’analyser l’acquisition des stratégies dans la partie non scolaire de
l’intervention, nous comparons la première tâche résolue lors de la 1ère
séance DELF avec la dernière tâche de la 4ème séance DELF. Il s’agit de
deux tâches parallèles des exercices Fenêtres. Pour la partie scolaire,
nous comparons la 5ème et la 9ème séance, dans lesquelles les élèves résol-
vent indépendamment deux problèmes de mathématiques. Après avoir
mesuré l’acquisition des stratégies au cours de l’intervention, nous nous
intéressons à leur transfert sur des tâches de mathématiques et à leur
maintien neuf semaines après l’intervention.

4 Résultats

4.1 Apprentissage pendant l’intervention

En ce qui concerne l’apprentissage dans le DELF, les résultats montrent


que, lors de la 4ème séance, les élèves trouvent moins de réponses que lors
de la 1ère séance, mais sont beaucoup plus précis dans leur dessin et font
moins d’erreurs. Les élèves utilisent plus de stratégies cognitives (ils
comparent plus, biffent les fenêtres utilisées, identifient la réponse en
notant la lettre à côté du cadre et dessinent le cadre en utilisant des points
de repères), mais également plus de stratégies métacognitives (ils anti-
cipent, planifient et contrôlent plus leur travail). Les Wilcoxon tests
montrent que toutes ces différences sont significatives. Nous pouvons en
conclure que les élèves sont beaucoup plus précis dans leurs dessins et
qu’ils font moins d’erreurs, mais que l’application plus importante de
stratégies et de contrôle ralentit l’exécution de la tâche puisqu’ils
trouvent moins de fenêtres.
Pour les mathématiques, nous avons également pu montrer une utili-
sation accrue de stratégies cognitives et métacognitives lors de la 9ème
séance (Wilcoxon tests significatifs). Les élèves comparent plus, écrivent

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leurs calculs sur la feuille et leur donnent des titres, sélectionnent les
bonnes informations, biffent les éléments traités et prennent des notes.
Ils montrent également plus d’anticipation, de planification et de
contrôle. Nous constatons ainsi que les élèves ont appris un certain
nombre de stratégies lors des tâches non scolaires et scolaires de l’inter-
vention et qu’ils les appliquent dans des tâches similaires.

4.2 Transfert dans le post-test immédiat de mathématiques

Nous avons ensuite analysé les tâches résolues lors des tests de mathé-
matiques afin d’évaluer les effets de transfert. Nous avons ainsi comparé
les résultats du GC et du GE au pré-test et au post-test immédiat de
mathématiques sur un score stratégique qui reflète le nombre et la qualité
des stratégies utilisées, ainsi que sur un score performance qui évalue
l’exactitude des calculs (analyse des traces laissées par les élèves sur la
feuille, cf. Winne & Perry, 2000). Comme deux élèves du GC n’ont pas
pu faire le pré-test, le nombre de ce groupe est réduit à 6.
En ce qui concerne les stratégies, nous observons dans la figure 1 que
les deux groupes augmentent leur score moyen au post-test immédiat, le
GE plus que le GC. La différence pour le GE entre le score au pré-test et
le score au post-test est significative (z = 2.38, p  .01) alors que pour le
GC la différence n’est que marginalement significative (z = 1.50, p 
.10). Si nous analysons la différence pré-post entre les deux groupes, le
gain de 33.9 % réalisé par le GE n’est pas significativement différent du
gain de 19.1 %, réalisé par le GC (U = 17.5, ns).
En ce qui concerne le score performance, présenté dans la figure 2,
les deux groupes augmentent leur score moyen au post-test immédiat. La
différence entre les scores au pré-test et les scores au post-test immédiat,
pour le GE, est marginalement significative (z = 1.84, p  .10) alors que,
pour le GC, la différence n’est pas significative (z = 1.34, ns). La
différence de gain entre le GE (14.6) et le GC (11.1) n’est pas signifi-
cative (U = 22.00, ns).

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60
% 51.8
50
40.5
40
30
21.4
20 17.9
Groupe Exp.
10
Groupe Contr.

Pré-test Post-test
immédiat

Figure 1. Score stratégique.

Pour le GE, il n’y a pas de corrélation entre le score stratégique et le


score performance (r = .25, ns) au post-test immédiat. Dans le GC, au
contraire, il existe un lien au post-test immédiat entre l’application de
stratégies et la performance (r =.64; p  .10). Les faibles corrélations
entre les deux scores, pour les élèves qui ont suivi l’intervention,
montrent que les stratégies nouvellement apprises ne sont pas encore
utilisées d’une manière pleinement efficace une semaine après la der-
nière séance d’intervention.

50
%
40 35.4
30 26.4
20.8
20 15.3 Groupe Exp.
10
Groupe Contr.

Pré-test Post-test
immédiat

Figure 2. Score performance.

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4.3 Maintien des stratégies

Nous avons ensuite analysé, pour le GE, le maintien des stratégies et la


performance, neuf semaines après l’intervention (post-test différé).

70 64.3
60 56.3
% 51.8
50
40 35.4
30
20
Stratégique
10
Performance

Post-test Post-test
immédiat différé

Figure 3. Maintien des stratégies et de la performance.

Dans la figure 3, pour les deux variables, nous observons une augmenta-
tion des scores entre le post-test immédiat et le post-test différé. Pour le
score stratégique, l’augmentation n’est pas significative (z = 1.47, ns),
alors que pour le score performance, la différence de 20.8 % est signifi-
cative (z = 2.12, p  .05). Ainsi, lors du post-test différé, non seulement
les élèves utilisent toujours autant de stratégies, mais leur performance
augmente même de manière significative. Cette fois, il existe un lien
modéré à fort entre l’utilisation de stratégies et la performance (r =.67;
p  .05).

5 Discussion
Nous avons vu qu’une intervention de douze séances permet aux élèves
en difficulté d’apprentissage d’acquérir des stratégies cognitives et méta-

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cognitives. Nous avons également constaté que les élèves utilisent ces
stratégies lors du post-test immédiat de mathématiques mais qu’elles ne
permettent pas à tous les élèves d’améliorer leur performance. Bien que
nous avions postulé une amélioration aussi bien au niveau de l’utilisation
de stratégies qu’au niveau de la performance, nous constatons que nos
résultats sont en accord avec d’autres recherches (p.ex. Bjorklund, 2005;
Bjorklund & Harnishfeger, 1987; Bjorklund, Schneider, Cassel, &
Ashley, 1994). Ces études, principalement dans le domaine de la mémo-
risation, ont montré qu’après un entraînement les élèves utilisent la stra-
tégie apprise mais qu’elle ne mène qu’à peu ou pas de bénéfice au niveau
de la performance. Miller (1990) a appelé ce phénomène le «déficit
d’utilisation». Le manque d’efficacité d’une stratégie peut s’expliquer
par la charge attentionnelle élevée qu’elle requiert lorsqu’elle est nou-
vellement acquise et non automatisée (voir également Bjorklund &
Harnishfeger, 1987; Blöte, Resing, Mazer, & Van Noort, 1999). Une
grande partie de l’attention de l’élève étant dirigée vers l’application de
la stratégie plutôt que vers la résolution de la tâche, la performance ne
s’améliore pas. Plusieurs auteurs ont relevé qu’il est important d’automa-
tiser les stratégies afin qu’elles coûtent moins d’attention et puissent être
appliquées de manière efficace (Büchel, 2007; Perkins, Simmons, &
Tishman, 1990). Ces premiers résultats sont un signe que notre inter-
vention métacognitive de douze séances n’est pas assez longue pour
permettre l’automatisation des nouvelles stratégies.
Après avoir analysé les effets d’apprentissage, nous nous sommes
intéressés au maintien des stratégies neuf semaines après l’intervention.
Conformément à notre hypothèse, les scores des élèves du GE se main-
tiennent lors du post-test différé. La différence entre les scores au post-
test immédiat et au post-test différé pour la performance est même signi-
ficative. Ainsi, neuf semaines après l’intervention, les élèves appliquent
les stratégies avec une plus grande efficacité, ce qui pourrait confirmer la
diminution de la charge mnésique grâce à l’automatisation partielle des
nouvelles stratégies. Cette observation est soutenue par la corrélation
d’une intensité modérée à forte entre le score stratégique et le score per-
formance lors du post-test différé: plus l’élève applique de stratégies,
plus il présente une bonne performance. Ces résultats confirment qu’un
travail sur 12 semaines est trop court: les élèves ont besoin de plus de

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temps pour s’approprier et automatiser les stratégies afin de les appliquer


de manière efficace dans divers types de tâches. Ce constat va dans le
sens des recherches de Siegler (2001) et Bjorklund (2005) qui stipulent
que c’est avec le temps et la pratique que les stratégies deviennent de
plus en plus efficaces. Nous n’avons cependant aucun moyen de définir
précisément ce qui s’est produit entre les deux séances de post-test. Les
élèves n’ont pas participé à des séances d’intervention mais ont tous
suivi leur parcours scolaire habituel. Les occasions pour chacun d’appli-
quer les stratégies travaillées à l’Atelier d’Apprentissage sont donc très
diverses et incontrôlables. Les résultats au post-test différé montrent
cependant que les élèves se sont appropriés des stratégies et qu’ils en ont
probablement automatisé certaines.
Ces résultats vont dans le sens de ce que nous observons régulière-
ment à l’Atelier d’Apprentissage, à savoir que le bénéfice de notre inter-
vention est rarement immédiat puisque l’élève doit développer une
nouvelle manière d’aborder une tâche. Il faut également retenir qu’un
programme d’intervention métacognitive doit viser l’autonomisation gra-
duelle de l’élève suite à la phase de soutien. Le but est donc de le guider
dans la découverte d’outils d’apprentissage et dans leur application, puis
c’est à l’élève de prendre son apprentissage en main, de s’approprier les
stratégies et de les utiliser dès qu’il le juge nécessaire.

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Chapitre 10

Un modèle d’intervention métacognitive pour les


apprenants en formation professionnelle initiale
de deux ans: principes d’application collective
et efficacité

Jean-Louis BERGER, Nadine M. KIPFER & Fredi P. BÜCHEL

1 Le contexte de la recherche

La recherche qui fait l’objet du présent chapitre s’est déroulée dans le


cadre d’un programme d’encouragement de l’Office Fédéral de la
Formation professionnelle et de la Technologie (OFFT) en faveur de la
recherche sur les stratégies d’apprentissage en formation professionnelle
(OFFT, 2007a). Notre recherche a porté sur l’encadrement des appre-
nants en formation professionnelle initiale en deux ans, sanctionnée par
une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP). Les forma-
tions AFP ont été introduites en remplacement des formations élémen-
taires (non attestées au niveau fédéral) par la nouvelle loi sur la forma-
tion professionnelle (LFpr, 2002). Ces formations permettent d’effectuer
un apprentissage plus sommaire en deux ans. Elles sont destinées aux
apprenants n’ayant pas les capacités nécessaires pour suivre une forma-
tion professionnelle initiale en trois ans, sanctionnée par un certificat
fédéral de capacités (CFC). Ces élèves se caractérisent par des difficultés
rencontrées tout au long de leur parcours scolaire: résultats scolaires
faibles, redoublements et/ou passage par une filière spécialisée. Ils
montrent également des aptitudes cognitives moindres (Berger, Kipfer,
& Büchel, 2008) et des difficultés socio-psychologiques plus fréquentes
(Barras, 2007) en comparaison d’élèves en formation professionnelle
initiale en trois ou quatre ans.

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160 Berger, Kipfer & Büchel

Le passage des formations élémentaires aux formations AFP implique


une augmentation des exigences car des notes et des standards de réus-
site ont été introduits. Ceci signifie que pour une partie des futurs appre-
nants AFP, le niveau d’exigence risque d’être trop élevé. Afin de
soutenir l’apprenant qui pourrait rencontrer des difficultés dans l’obten-
tion de l’AFP, la loi sur la formation professionnelle prévoit explicite-
ment le droit à un encadrement individuel spécialisé répondant aux
besoins spécifiques de l’apprenant (OFFT, 2007b). Cet encadrement peut
prendre la forme d’un appui social, psychologique, ou encore psycho-
éducatif.
Dans ce contexte, nous avons proposé la mise en place ainsi que
l’évaluation d’un encadrement psycho-éducatif répondant aux difficultés
d’apprentissage des apprenants, par l’enseignement de stratégies d’ap-
prentissage et de résolution de problème. Cet encadrement est réalisé par
les enseignants des classes AFP ou d’autres professionnels du domaine
(enseignants d’appui, psychologues scolaires), lesquels ont suivi au
préalable une formation spécifique sur les difficultés d’apprentissage et
leur remédiation. Notre hypothèse est que les élèves peuvent devenir des
apprenants plus actifs au niveau de leurs stratégies d’apprentissage et
métacognitives s’ils suivent une intervention métacognitive telle que
nous la proposons. De plus, cette intervention devrait accroître leurs
croyances en leurs propres capacités. Dans la suite de ce chapitre, nous
abordons les objectifs, le contenu et les principes de cet encadrement,
suivi par une présentation des effets de son application.

2 L’intervention métacognitive comme encadrement


des apprenants en formation AFP

La forme d’encadrement que nous proposons consiste en un module de


douze séances, applicable tant sous une forme collective (classe entière)
qu’individuelle (pour l’application individuelle, voir chapitre 11 de cet
ouvrage). Ce module est basé sur un grand nombre de travaux dirigés par
le troisième auteur et visant le développement des compétences métaco-
gnitives des élèves dans différents contextes (Bosson, Hessels, Hessels-

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Intervention métacognitive en formation professionnelle 161

Schlatter, Berger, Kipfer, & Büchel, 2010; Büchel, Grassi, Scharnhorst,


& Ghilardi, 2002; Frauchiger, 2006; chapitre 8 de cet ouvrage).
L’objectif du module est de rendre les apprenants plus actifs dans
l’apprentissage et la résolution de problèmes en stimulant leurs connais-
sances métacognitives ainsi que leurs stratégies métacognitives. Pour
cela, l’enseignant incite par questionnement les élèves à réfléchir sur leur
propre fonctionnement cognitif pendant une situation d’apprentissage.
Ce questionnement est basé sur un guide constitué de questions types
permettant d’interroger les apprenants durant les différentes étapes de la
résolution d’un exercice (voir Kipfer, Berger, & Büchel, sous presse,
pour une description plus détaillée de ce guide). Les questions portent
notamment sur l’anticipation des difficultés que l’exercice peut pré-
senter, sur la planification des étapes de résolution, sur le processus de
résolution lui-même, sur le contrôle continu et final ainsi que sur les
stratégies appliquées. Après la résolution, plusieurs questions incitent les
élèves à réfléchir sur ce qu’ils ont appris durant la séance ainsi que sur
leur propre fonctionnement cognitif.

Tableau 1. Contenus et objectifs pour chaque séance.


Séances Objectifs relatifs aux stratégies Types de tâches
1–2 Acquisition des stratégies DELF Fenêtres et Figures décomposées
3 Application des stratégies Résolution de problèmes mathématiques
4–5 Consolidation et adaptation DELF Fenêtres et Figures décomposées
des stratégies individuelles
6 Application des stratégies Résolution de problèmes mathématiques
7 Acquisition des stratégies Enrichissement Instrumental: Consignes
8 Application des stratégies Exercices de compréhension de texte
9 Consolidation et adaptation Enrichissement Instrumental: Consignes
des stratégies individuelles
10 – 11 Application personnalisée et Exercices de compréhension de texte
affinée des stratégies
12 Application personnalisée et Résolution de problèmes mathématiques
affinée des stratégies

Des exercices scolaires (des problèmes mathématiques et des exercices


de compréhension de texte) et des exercices non scolaires tirés de deux

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162 Berger, Kipfer & Büchel

programmes d’intervention cognitive sont proposés en alternance aux


apprenants. Pour les derniers, il s’agit des exercices Fenêtres et Figures
décomposées du programme Découvrez vos capacités, rEalisez vos pos-
sibilités, pLanifiez votre démarche, soyez créatiFs (DELF; Büchel &
Büchel, 1995), ainsi que l’instrument Consignes du Programme d’Enri-
chissement Instrumental (PEI; Feuerstein, Rand, Hoffman, & Miller,
1980). Le tableau 1 présente le contenu du module d’intervention pro-
posé ainsi que les objectifs pour les douze séances.
L’objectif de cette alternance entre les tâches est de faciliter le trans-
fert des stratégies. De manière schématique, l’enseignement de stratégies
passe par quatre phases: dans un premier temps, l’apprenant acquiert des
stratégies sur la base d’un matériel non scolaire (en particulier les straté-
gies métacognitives). La possibilité lui est ensuite offerte d’appliquer les
stratégies acquises sur un matériel scolaire, grâce notamment au ques-
tionnement de l’enseignant. L’apprenant a par la suite l’occasion de con-
solider et d’affiner ses stratégies à nouveau sur du matériel non scolaire,
pour finalement les appliquer de manière plus personnalisée et plus
affinée aux tâches scolaires. Ces allers-retours entre les deux types de
matériel permettent de ne pas ancrer trop fortement les stratégies dans
une tâche spécifique et d’éviter le problème du savoir inerte, c’est-à-dire
que les connaissances sont présentes dans le répertoire de l’élève, mais
qu’il ne les utilise pas (Bereiter & Scardamalia, 1985).

3 L’évaluation des effets de l’intervention


métacognitive

Trois classes d’apprenants en formation AFP ont reçu le module d’inter-


vention métacognitive (groupe expérimental 1; GE1). La progression de
ces élèves a été comparée à un deuxième groupe expérimental (GE2): les
enseignants de ce groupe ont également suivi la formation sur les diffi-
cultés d’apprentissage et leur remédiation. Par contre, il leur était deman-
dé de ne pas appliquer le module dans son intégralité. Ils pouvaient
utiliser une partie du matériel proposé dans le module, et la formation
reçue devait promouvoir un style d’enseignement favorisant le dévelop-

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Intervention métacognitive en formation professionnelle 163

pement de la métacognition et des stratégies d’apprentissage. Les élèves


du GE1 ont également été comparés à des apprenants dont les en-
seignants n’avaient pas suivi la formation (groupe contrôle; GC). Ces
élèves ont simplement suivi l’enseignement habituel.
Des tests ont été administrés de manière collective aux élèves et ceci
en trois temps. Lors des semaines précédant le début de l’intervention,
un pré-test a permis d’évaluer les aptitudes cognitives des apprenants (en
arithmétique, en vocabulaire et en intelligence non verbale), ainsi que
leurs compétences en matière de compréhension de texte et de résolution
de problèmes mathématiques. Des questionnaires portant sur les croyan-
ces motivationnelles et sur le comportement stratégique des élèves ont
également été appliqués. Un post-test immédiat a eu lieu juste après la
dernière séance d’intervention et a permis d’évaluer les progrès des
apprenants quant à leurs performances et stratégies. Finalement, le main-
tien des progrès a été évalué par un post-test différé, lequel s’est déroulé
huit semaines après le post-test immédiat. Le présent chapitre sera limité
à l’étude des effets de l’intervention sur la résolution de problèmes
mathématiques, étant donné que les résultats sont nombreux et intéres-
sants pour ce domaine.
Les tests de résolution de problèmes mathématiques, déclinés en trois
versions parallèles comprenaient plusieurs étapes. Dans un premier
temps, le problème à résoudre était présenté aux apprenants. L’exemple
suivant est tiré du pré-test:
Dans une citerne d’une capacité de 15HL (1 HL = 100 L), qui contient déjà 7 HL
d’eau, ont été versés encore trois grands récipients de 90 L chacun. Combien de
litres peut-on encore verser pour remplir la citerne?

Suite à la lecture du problème, mais avant de résoudre celui-ci, les


apprenants devaient rapporter leur sentiment d’efficacité personnelle
(Bandura, 1997/2003) en se situant par rapport à quatre énoncés
(échelles de Likert à quatre niveaux allant de «tout à fait faux» à «tout à
fait vrai»). Le type de question était, par exemple: «Je me sens capable
de résoudre ce problème correctement». Afin d’évaluer leurs compé-
tences cognitives et procédurales face à ce type de tâche, les apprenants
devaient compléter les trois items suivants, inspirés des travaux de
Lucangeli, Tressoldi et Cendron (1998: 1) choisir parmi quatre phrases
celle qui correspond le mieux au problème (évaluation de la capacité de

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164 Berger, Kipfer & Büchel

compréhension du problème); 2) choisir parmi quatre schémas celui qui


représente le mieux le problème (évaluation de la capacité de représenta-
tion du problème); 3) planifier la résolution en sélectionnant, parmi cinq
étapes proposées, les trois qui sont nécessaires à la résolution, puis
ordonner ces étapes. Suite à cela, les apprenants étaient invités à ré-
soudre le problème. Après la résolution, les apprenants devaient rappor-
ter leur sentiment de confiance en se situant par rapport à trois énoncés
(par exemple: «Pensez-vous que votre réponse est juste?»), puis rédiger
une brève description de leur façon de résoudre le problème en répon-
dant à la question «Comment avez-vous procédé?». Finalement, ils com-
plétaient dix-sept items de type échelle de Likert afin de rapporter l’ap-
plication de diverses stratégies (par exemple: «J’ai vérifié au fur et à
mesure que je faisais bien ce qui était demandé»). La consistance interne
des différentes échelles, estimée avec  de Cronbach, varie entre .83 et
.92.

4 Les effets de l’intervention sur les performances et


l’application de stratégies en résolution de problèmes
mathématiques

4.1. La performance et les compétences cognitives

La performance au problème de mathématiques a été évaluée de la façon


suivante: un score entre 0 et 5 points a été attribué en fonction du
nombre d’étapes de résolution réalisées par l’apprenant. Un score de 0
était donné dans le cas où aucune étape n’a été réalisée; un score de 5
correspondait à une résolution complète et des calculs corrects. La
figure 1 représente l’évolution des scores de performance pour chaque
groupe. Soulignons que le GC obtient des scores largement plus élevés
au pré-test en comparaison des deux autres groupes.
Des analyses de variance à mesures répétées ont révélé une inter-
action significative des facteurs temps de mesure × groupe entre le pré-
test et le post-test immédiat: F2,50 = 6.528, p  .01, 2 = .21. La taille de
l’effet (variance expliquée), qui permet d’évaluer la pertinence pratique

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Intervention métacognitive en formation professionnelle 165

des différences, peut être considérée moyenne (Cohen, 1988). Par contre,
aucune interaction significative n’a été observée entre le post-test immé-
diat et le post-test différé. Des analyses de contrastes ont montré que la
progression du GE1 était significativement plus importante que celle du
GC (F1,36 = 14.862, p  .001, 2 = .29) et qu’elle était marginalement
significative comparé au GE2 (F1,36 = 4.029, p = .052, 2 = .10). La
comparaison de la progression du GE2 et GC montre également une
différence marginalement significative: F1,29 = 2.506, p = .062, 2 = .08.
La taille de l’effet est moyenne, respectivement petite, pour ces deux
dernières comparaisons.

Figure 1. Performances en résolution des problèmes mathématiques.

Les résultats montrent que les apprenants du GE1 ont significativement


et largement progressé dans leurs performances suite à l’intervention.
Les apprenants du GE2 ont également réalisé des progrès mais ceux-ci
ne sont que marginalement supérieurs à ceux du GC. Ceci est en partie
dû au score déjà très élevé du GC au pré-test. Les progrès des deux GE
se maintiennent passablement huit semaines plus tard.

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166 Berger, Kipfer & Büchel

Concernant les items évaluant la compréhension et la représentation


du problème, ainsi que la planification de la résolution, aucune inter-
action significative n’a été trouvée, ce qui signifie que les groupes ne
progressent pas de manière différente. Les scores ont même tendance à
diminuer au fur et à mesure des phases de tests et nous observons des
effets plancher. Ces items requièrent un grand effort mental, en particu-
lier celui concernant la planification, ce qui pourrait avoir provoqué un
effet de lassitude de la part des élèves. Les scores de compréhension, re-
présentation et planification corrèlent significativement ( = .19,  = .22
et  = .24 respectivement) avec la performance uniquement lors du pré-
test, ce qui suggère que ces items, hormis lors du pré-test, n’ont pas
fonctionné comme attendu.

4.2. Les croyances en ses propres capacités

Contrairement à nos attentes, le tableau 2 nous montre que ni le senti-


ment d’efficacité personnelle (évalué avant la résolution) ni le sentiment
de confiance (évalué après la résolution) n’ont été affectés par l’inter-
vention. Nous observons uniquement que le GC obtient, pour chacun des
deux sentiments, des moyennes largement plus élevées que les GE au
pré-test.
Ces résultats sont inattendus car l’amélioration des performances
dans les groupes expérimentaux, en particulier le GE1, aurait dû se
répercuter sur les croyances concernées. Une explication réside dans la
mauvaise calibration du sentiment d’efficacité par rapport à la perfor-
mance réalisée. En effet, des analyses de corrélations révèlent que les
jugements des élèves avant de résoudre le problème ne correspondent
que faiblement aux performances qu’ils réalisent effectivement (la corré-
lation médiane est de .16). Ce type de jugements métacognitifs est
reconnu comme moins précisément calibré chez les élèves présentant des
difficultés d’apprentissage (Desoete, 2006).

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Intervention métacognitive en formation professionnelle 167

Tableau 2. Moyennes et écart-types du sentiment d’efficacité personnelle


et du sentiment de confiance (min. = 1; max. = 4).
Pré-test Post-test immédiat Post-test différé
M SD M SD M SD
Sentiment d’efficacité personnelle
GE1 2.48 .67 2.42 .18 2.49 .25
GE2 2.53 .47 2.56 .43 2.54 .37
GC 2.73 .93 2.55 .20 2.61 .32
Sentiment de confiance
GE1 2.48 .80 2.73 .70 2.65 .78
GE2 2.60 .76 2.89 .71 2.56 .61
GC 3.33 .41 3.47 .51 3.27 .43

Par contre, les élèves sont plus aptes à évaluer l’exactitude de leur
réponse, étant donné que la corrélation médiane entre sentiment de
confiance (rapporté après la résolution) et performance est de .51. En
comparaison, nous avons trouvé dans une étude impliquant ces mêmes
variables, mais avec des apprenants en formation CFC, des corrélations
de .35 entre sentiment d’efficacité et performance ainsi que de .74 entre
sentiment de confiance et performance (Berger, 2008). En outre, le sen-
timent de confiance relatif à un problème est basé en partie sur le senti-
ment de compétence pour le domaine concerné (dans notre cas, il s’agit
de la mesure dans laquelle l’élève se sent compétent pour les mathéma-
tiques) ainsi que d’autres croyances motivationnelles et métacognitives
(Koriat & Levy-Sadot, 1999). Ainsi, nous pourrions expliquer le manque
de répercussion des progrès sur les croyances relatives aux capacités par
une faible adéquation des jugements réalisés par les apprenants et une
perception de leurs compétences scolaires générales comme étant faibles.

4.3. Les stratégies appliquées

Concernant les stratégies, nous avons d’une part analysé les descriptions
écrites faites par les apprenants en réponse à la question «Comment
avez-vous procédé?» et, d’autre part, leurs réponses aux items de type

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168 Berger, Kipfer & Büchel

Likert complétés après la résolution du problème. Ces items étaient des


énoncés concernant des stratégies par rapport auxquelles l’apprenant
devait se situer sur une échelle allant de «pas du tout vrai» à «tout à fait
vrai».
Les descriptions ont été évaluées en s’intéressant au niveau d’activité
sous-jacent à la ou aux stratégies décrites. Pour effectuer ceci, nous
avons utilisé le système proposé par Büchel et al. (2002) dans le cadre
d’une recherche auprès d’apprenants en formation de type CFC. Nous
avons ainsi distingué trois niveaux d’activité: des stratégies considérées
comme passives (1 point), des stratégies actives (2 points) et des straté-
gies qualifiées de très actives (3 points). Aucun point n’a été attribué aux
réponses non pertinentes et aux non-réponses. La fidélité inter-juges
relative à l’attribution des niveaux précités est de  = .92 (p  .01,
n = 20). Le tableau 3 rapporte les moyennes des groupes concernant le
niveau d’activité des stratégies.

Tableau 3. Moyennes et écart-types aux descriptions libres des stratégies


appliquées (min. = 0; max. = 3).
Pré-test Post-test immédiat Post-test différé
M SD M SD M SD
GE1 1.94 .86 2.16 .80 2.19 .85
GE2 2.03 .78 2.30 .78 2.00 .86
GC 1.91 .81 1.94 .87 1.67 .91

Les analyses de variance à mesures répétées n’ont révélé aucune diffé-


rence significative. Toutefois, nous pouvons observer que les apprenants
du GE1 et du GE2 décrivent des stratégies sensiblement plus actives au
post-test immédiat. Au post-test différé, le GE1 maintient ses progrès
alors que le niveau du GE2 décroît légèrement pour revenir approxi-
mativement au niveau du pré-test. Concernant les élèves du GC, nous
observons que le niveau d’activité des stratégies qu’ils décrivent n’aug-
mente qu’à peine au post-test immédiat, puis diminue considérablement
au post-test différé. Nous soupçonnons que cette évolution est due à une
certaine lassitude de la part des élèves qui n’attribuent que peu de sens
aux tests qui leur sont proposés. Nous reviendrons sur ce point dans la
discussion.

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Intervention métacognitive en formation professionnelle 169

Concernant les stratégies rapportées par les apprenants sur les 17


items de type Likert, nous avons dans un premier temps effectué une
analyse en composantes principales afin d’identifier les dimensions pré-
sentes dans ces données. Cette analyse a permis d’identifier trois compo-
santes faisant théoriquement sens et expliquant au total 52.3% de la
variance. Sur cette base, nous avons formé les trois échelles suivantes: 1)
contrôle exercé durant et après la résolution, par exemple: «J’ai réfléchi
pour savoir si mon résultat avait du sens» (dix items,  varie entre .86 et
.89); 2) traitement du problème en surface, par exemple: «J’ai passé les
parties que je ne comprenais pas» (trois items,  varie entre .54 et .71); et
3) stratégies employées avant la résolution, par exemple: «J’ai entouré
les informations importantes» (quatre items,  de .43 à .65). Les scores
aux échelles contrôle exercé et stratégies employées sont positivement
associés (r = .22, p  .05) mais ils ne sont pas significativement liés au
score de l’échelle stratégies de surface. Notre hypothèse est que l’inter-
vention devrait accroître l’utilisation des stratégies employées avant la
résolution et des stratégies de contrôle exercé; au contraire, les stratégies
de surface devraient décroître.

Tableau 4. Moyennes et écart-types aux échelles de stratégies employées


avant la résolution et de contrôle exercé durant et après la
résolution (min. = 1; max. = 4).
Pré-test Post-test immédiat Post-test différé
M SD M SD M SD
Stratégies employées avant la résolution
GE1 2.30 .63 2.39 .57 2.36 .62
GE2 2.39 .57 2.30 .47 2.25 .65
GC 2.23 .62 2.39 .63 2.43 .67
Contrôle exercé durant et après la résolution
GE1 2.62 .65 2.85 .58 2.88 .54
GE2 2.54 .61 2.63 .47 2.43 .60
GC 3.00 .52 2.97 .54 2.54 .36

Les stratégies employées avant la résolution du problème présentées


dans le tableau 4, montrent des fluctuations de moyennes faibles et les

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170 Berger, Kipfer & Büchel

analyses de variance à mesures répétées n’ont révélé aucune différence


significative. Nous pouvons toutefois observer que le GE2 a tendance à
rapporter moins de ces stratégies au fur et à mesure des phases de test.
Au contraire, le GC rapporte en utiliser de plus en plus. Ces tendances
sont difficilement explicables et compte tenu de la faible fidélité des
scores, elles ne sont probablement pas révélatrices de véritables évolu-
tions. Les stratégies de contrôle exercé durant et après la résolution ont
par contre montré une évolution cohérente dans les divers groupes.
Un effet d’interaction temps de mesure × groupe a été révélé par les
analyses de contrastes. Entre le pré-test et le post-test immédiat, la
progression du GE1 est significativement plus forte que celle du GC
(F1,31 = 5.006, p  .05, 2 = .14). L’effet de l’intervention sur cette
variable est relativement conséquent. En outre, le GE1 maintient ses
progrès deux mois après la fin de l’intervention. Aucune différence
significative n’a par contre été observée que ce soit entre le GE2 et le GC
ou entre le GE1 et le GE2. Concernant les apprenants du GC, ceux-ci
rapportent un moindre contrôle exercé au post-test différé en compa-
raison au pré-test et au post-test immédiat.
Au sujet du score de traitement du problème en surface (tableau 5),
nous observons des fluctuations dans le GE1 qui ne vont pas dans le sens
attendu. En effet, les scores des apprenants du GE1 augmentent au fur et
à mesure des phases de tests, alors que nous attendions une diminution
de l’utilisation de ce type de stratégies moins efficaces. Ceci est en
contradiction avec l’augmentation des scores que nous avons observée
dans le contrôle exercé. Par conséquent, il est difficile d’interpréter ces
résultats.

Tableau 5. Moyennes et écart-types aux scores traitement du problème


en surface (min. = 1; max. = 4).
Pré-test Post-test immédiat Post-test différé
M SD M SD M SD
GE1 2.27 .74 2.45 .83 2.55 .83
GE2 2.31 .68 2.13 .67 2.53 .78
GC 2.68 .82 2.61 .76 2.45 .67

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Intervention métacognitive en formation professionnelle 171

Finalement, nous avons calculé les corrélations entre les différentes


échelles discutées ci-dessus et la performance au problème. Aucune cor-
rélation significative n’a été observée entre la performance et l’utilisation
de stratégies avant la résolution du problème. Entre le traitement du pro-
blème en surface et la performance, nous observons des corrélations
négatives (r = -.23, p  .05) au post-test immédiat à nulles au post-test
différé. Finalement, le contrôle exercé pendant et après la résolution est
positivement et le plus fortement corrélé avec la performance (les corré-
lations varient de r = .38, p  .01 à r = .43, p  .001). Ainsi, le contrôle
exercé apparaît être l’aspect stratégique le plus important lié à la perfor-
mance dans les problèmes administrés. Ceci fournit une certaine valeur
aux progrès rapportés par les apprenants du GE1 qui, rappelons-le, pro-
gressent significativement dans leurs performances.

5 Discussion des résultats

Dans ce chapitre nous avons présenté un modèle d’intervention méta-


cognitive adapté aux apprenants en formation AFP, ainsi que l’éva-
luation de son application sur les performances, les croyances en ses
capacités et les stratégies appliquées en résolution de problèmes mathé-
matiques. Les résultats ont révélé des effets tant sur les performances des
élèves que sur les stratégies qu’ils rapportent appliquer.
Concernant les performances aux problèmes mathématiques, nous
avons observé que le GE1 réalisait des progrès significatifs et les résul-
tats ont révélé un effet de taille moyenne. Le GE2 a également progressé
mais dans une moindre mesure. Par contre, nous n’avons observé aucun
effet sur les compétences cognitives spécifiques aux problèmes mathé-
matiques (capacité de compréhension et de représentation du problème
ainsi que capacité de planification des étapes de résolution).
Les croyances sur ses capacités n’ont pas été affectées par l’inter-
vention. Nous avons argumenté que tant un déficit dans les jugements
métacognitifs (Desoete, 2006) que la spécificité des croyances motiva-
tionnelles dans la population concernée pourrait être responsables de ce
phénomène (Koriat & Levy-Sadot, 1999). En effet, les jugements con-

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172 Berger, Kipfer & Büchel

cernant le sentiment d’efficacité personnelle ne sont que très faiblement


liés aux performances des apprenants. D’autre part, leur sentiment de
confiance est moins précisément calibré que chez des élèves en forma-
tion CFC. Ces élèves sont moins aptes à s’auto-évaluer et ainsi à iden-
tifier leurs réussites. Concernant les croyances motivationnelles, il est
fort probable que le sentiment de compétence soit plus difficilement
modifiable chez ces élèves qu’il ne l’est chez des élèves sans difficultés.
En effet, leur parcours scolaire ainsi que leurs échecs répétés favorisent
le développement d’un sentiment d’incapacité apprise, ce qui signifie
que l’élève n’a pas de véritable sentiment de contrôle sur la situation
(Chapman, Skinner, & Baltes, 1990) et ne profite pas de ses réussites
pour renforcer son sentiment de compétence.
Les apprenants du GE1 ont rapporté, suite à l’intervention, une amé-
lioration dans la qualité des stratégies appliquées en résolution de pro-
blèmes mathématiques. En effet, d’une part leurs descriptions écrites ont
permis d’identifier un accroissement (non statistiquement significatif) du
niveau d’activité de leurs stratégies. Cet effet a été observé également
dans le GE2. D’autre part, les élèves du GE1 rapportent appliquer, suite
à l’intervention, plus de stratégies de contrôle durant et après la résolu-
tion. Ils maintiennent cette progression au post-test différé. Des analyses
de corrélations ont en outre montré que ces stratégies étaient le plus for-
tement liées aux performances. Ceci suggère que le développement des
stratégies de contrôle continu et final permettrait d’améliorer les perfor-
mances des élèves (Veenman, 2006). Concernant les stratégies auto-
rapportées, nous avons toutefois observé certains résultats peu cohérents,
tels qu’un accroissement de la tendance à traiter le problème en surface
dans le GE1.
Notre recherche comporte plusieurs limites. Premièrement, les scores
du GC sur plusieurs variables régressent au post-test différé. Nous soup-
çonnons que cette évolution est due à une certaine lassitude de la part des
élèves qui n’attribuent que peu de sens et par conséquent peu de valeur
aux tests qui leur sont proposés. En effet, ils ne sont pas impliqués dans
une intervention et nous avons observé lors de la passation des post-tests
différés un manque d’enthousiasme certain. Deuxièmement, nous avons
limité notre intervention à des contenus scolaires alors que les appre-
nants ne passent qu’un à deux jours par semaine au centre de formation

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Intervention métacognitive en formation professionnelle 173

professionnelle contre trois à quatre jours sur la place de travail. Nous


n’avons ainsi pas d’indices concernant la façon dont les stratégies pour-
raient être appliquées dans l’autre contexte d’apprentissage principal de
ces élèves.
De futures recherches s’attacheront à mieux prendre en compte le
contexte de l’apprentissage dual et à se centrer sur le développement de
compétences stratégiques applicables au type de tâches que les appre-
nants résolvent au centre de formation professionnelle. Ensuite, l’étude
du transfert de ces compétences sur la place de travail permettra d’aug-
menter la validité écologique de cette intervention. Les résultats encou-
rageants que nous avons rapportés dans le présent chapitre soutiennent le
bien fondé de l’intervention métacognitive comme possibilité d’encadre-
ment des apprenants en formation AFP.

Références
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174 Berger, Kipfer & Büchel

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Chapitre 11

Application individualisée d’un module


d’intervention métacognitive pour les apprentis
en formation professionnelle initiale

Nadine M. KIPFER, Jean-Louis BERGER & Fredi P. BÜCHEL

1 Contexte de la recherche

En Suisse, la formation professionnelle est la voie choisie par la majorité


des adolescents au sortir de la scolarité obligatoire. Afin d’aider les
jeunes qui rencontrent des difficultés dans leur formation, l’Office
Fédéral de la Formation professionnelle et de la Technologie (OFFT) a
développé le concept de «case management formation professionnelle»
(OFFT, 2007). Le «case management» est «une procédure structurée
visant à appliquer des mesures adéquates aux jeunes dont l’accès au
monde du travail risque sérieusement d’être compromis» (OFFT, 2007,
p. 1). Cette procédure débute par l’identification des jeunes considérés
comme étant en risque de décrochage scolaire, par exemple parce qu’ils
ont des difficultés à trouver une place d’apprentissage ou des lacunes
scolaires laissant supposer de futures difficultés lors de leur formation
professionnelle initiale. Ces élèves sont ensuite pris en charge et suivis
par des professionnels, notamment au travers d’un encadrement indivi-
duel spécialisé. La procédure s’adresse aussi bien aux jeunes entamant
une formation professionnelle initiale en deux ans et menant à une attes-
tation fédérale (AFP), qu’aux jeunes en formation professionnelle en
trois ans menant au certificat fédéral de capacité (CFC).
Dans le but d’élaborer un tel encadrement, nous avons proposé un
module d’intervention métacognitive adressé spécifiquement aux ap-
prentis de la formation AFP. Pour une présentation de ce module et son
application dans le cadre des formations AFP, le lecteur peut se reporter
au chapitre 10 de cet ouvrage ainsi qu’à Berger, Kipfer et Büchel (2008).

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176 Kipfer, Berger & Büchel

Suite à l’extension des mesures de soutien à tous les types de formation,


ce module a également été appliqué à des apprentis en formation CFC
qui rencontraient des difficultés d’apprentissage.
Dans la présente recherche, notre module d’encadrement individuel
spécialisé a été proposé dans le cadre de la mesure «Transition école-
métier» (TEM). Cette mesure, édictée par la direction de la formation
professionnelle du canton de Vaud, correspond à une mise en œuvre du
«case management» proposé par l’OFFT. TEM propose un soutien aux
apprentis en formation CFC de type duale. Deux sortes de prestations
sont offertes: premièrement, pour les apprentis en rupture ou en risque de
rupture, des prises en charge de courtes durées sont assurées par des
conseillers aux apprentis; deuxièmement, pour les jeunes rencontrant des
difficultés importantes durant leur formation professionnelle, des maîtres
socioprofessionnels (MSP) proposent un appui sur une plus longue
durée, pouvant s’étendre jusqu’à leur entrée dans le monde du travail.
Cet appui consiste en séances de travail hebdomadaire individualisées ou
en groupe ainsi qu’en une aide en entreprise si nécessaire. Les appuis se
concentrent sur quatre axes principaux: 1) le développement des stra-
tégies d’apprentissage (mémorisation, concentration, synthèse); 2) un
travail sur la motivation; 3) le rattrapage de lacunes en français et en
mathématiques; 4) le soutien du jeune dans la gestion de ses problèmes
de communication, personnels, financiers ou familiaux. La formule d’en-
cadrement que nous proposons s’inscrit dans les deux premiers objectifs.
Dans ce chapitre, nous rapportons des données empiriques relatives à
l’efficacité de notre module d’intervention. Celui-ci a été appliqué par
deux MSP exerçant leur fonction à TEM. Ils ont suivi au préalable une
formation de 5 jours portant sur les difficultés d’apprentissage et leur
remédiation. Ils ont ensuite effectué une intervention auprès de trois
apprentis en formation de type duale CFC. Un MSP a suivi deux appren-
tis en duo, tandis que l’autre MSP n’en a suivi qu’un seul, le quatrième
apprenti prévu n’ayant pas voulu participer à l’intervention.

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Application individuelle d’un module d’intervention 177

2 Méthode

L’intervention métacognitive consistait en un module de 12 séances


visant à rendre les apprentis plus actifs au niveau cognitif, en leur per-
mettant de développer leurs connaissances et stratégies métacognitives.
Plusieurs tests ont été administrés avant et après l’intervention afin d’en
évaluer l’efficacité. Le tableau 1 présente les différentes tâches utilisées.

Tableau 1. Tâches de test et d’intervention.


Pré-test Intervention Post-test
Résolution de problèmes Fenêtres et Figures Résolution de problèmes
mathématiques décomposées du mathématiques
programme DELF
Compréhension de texte Consignes du PEI Compréhension de texte
Questions sur Résolution de problèmes Questions sur
l’Apprentissage (QsA) mathématiques l’Apprentissage (QsA)
Echelle des compétences Compréhension de texte
métacognitives
Echelle des compétences
en français et maths
Légende. L’échelle des compétences métacognitive ainsi que celle des compétences en
français et mathématiques ont été remplies par les MSP.

L’intervention comprenait des exercices tirés de deux programmes


d’éducation cognitive: le programme Découvrez vos capacités, réalisez
vos possibilités, planifiez votre démarche, soyez créatifs (DELF; Büchel
& Büchel, 1995) et le Programme d’Enrichissement Instrumental (PEI;
de Feuerstein, Rand, Hoffman, & Miller, 1980). Les buts généraux de
chacun de ces deux programmes sont le développement des stratégies
cognitives et métacognitives et la prise de conscience, chez l’élève, de
son propre fonctionnement cognitif. Des tâches de compréhension de
texte et des problèmes mathématiques ont également été travaillées avec
les apprentis. A la fin de chaque séance, les apprentis répondaient à une
question ouverte leur demandant une réflexion métacognitive sur la
séance («Qu’est-ce que vous avez appris aujourd’hui?»). De plus, il leur

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178 Kipfer, Berger & Büchel

était demandé d’évaluer l’utilité du cours et son intérêt pour leur appren-
tissage en entreprise.
Deux types d’exercices tirés du programme DELF ont été utilisés
pendant l’intervention. Dans les exercices Figures décomposées, l’élève
doit trouver parmi un certain nombre d’images incomplètes, les paires
d’images qui, mises ensemble, reproduisent le modèle. Dans les exer-
cices Fenêtres, l’élève doit retrouver l’emplacement de huit petites
images dans une grande illustration.
Les Consignes du PEI apprennent à l’élève à traiter des consignes
d’une manière efficace. Dans certains exercices, il doit compléter une
consigne, dans d’autres compléter un dessin à l’aide des consignes, et
dans d’autres encore rédiger lui-même une consigne pour l’exécution
d’un dessin.
Afin d’évaluer les effets de l’intervention, un problème de mathé-
matiques et un exercice de compréhension de texte (similaires à ceux
présentés lors de l’intervention) ont été administrés en pré- et post-test.
Ces tâches étaient suivies d’une question ouverte demandant aux appren-
tis de décrire les stratégies qu’ils avaient utilisées. Puis, l’instrument
Questions sur l’Apprentissage (QsA; Büchel, Berger, & Kipfer, 2009;
Büchel, Kipfer, & Berger, 2008), un questionnaire sur les stratégies
d’apprentissage et la motivation, était complété par les apprentis. De
plus, deux échelles portant sur les compétences métacognitives et sco-
laires étaient remplies par les MSP; elles ont été administrées au pré-test
uniquement.
Les tâches de compréhension de texte consistent en des textes courts,
mais relativement difficiles, qui nécessitent l’application de deux straté-
gies (le retour en arrière afin de réaliser une relecture sélective, et la prise
de notes). A la suite de la lecture du texte et de l’éventuelle prise de
notes, l’apprenti devait répondre à des questions à choix multiples éva-
luant sa compréhension. Il avait pour cela droit à ses notes, mais pas au
texte. Etant donné que la tâche au pré-test s’est montrée trop facile, un
texte plus complexe en termes de quantité d’informations à traiter et à
retenir a été proposé au post-test.
Les tâches de résolution de problèmes mathématiques étaient effec-
tuées en deux temps. Dans un premier temps, l’apprenti devait prendre
connaissance du problème, puis répondre à des questions permettant

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Application individuelle d’un module d’intervention 179

d’évaluer sa compréhension et sa représentation du problème, ainsi que


sa capacité à planifier les étapes à mettre en œuvre avant de résoudre à
proprement parler le problème. Dans un deuxième temps, l’apprenti exé-
cutait la tâche.
Le QsA est un questionnaire permettant d’évaluer les stratégies
cognitives et métacognitives de l’apprenti, ainsi que différentes variables
motivationnelles, comme le sentiment d’efficacité personnelle. Il est
composé de 83 items auto-rapportés par l’élève (par exemple «Pour
résoudre un problème, je me lance tout de suite, sans trop réfléchir» ou
«Quand je vois que les exercices de français sont difficiles, j’abandonne
parce que je pense que je n’y arriverai jamais»).
Les compétences métacognitives des apprentis ont été évaluées par
les MSP à l’aide d’une échelle traduite et adaptée de l’instrument de
Desoete et Roeyers (2006). Cette échelle est composée de huit items (par
exemple «L’élève contrôle son travail à la fin de celui-ci»).
Les compétences en français (par exemple conjuguer des verbes et
rédiger un petit texte) et en mathématiques (par exemple les quatre
opérations et la règle de trois) ont également été évaluées par les MSP à
l’aide de treize items.

3 Résultats des apprentis suivis par l’équipe de TEM

Plusieurs sources de données ont été utilisées pour décrire les effets de
l’intervention: les résultats aux sessions de test (performances et descrip-
tions libres des stratégies appliquées), les descriptions libres de stratégies
appliquées durant les séances d’intervention, ainsi que les entretiens
menés avec les MSP suite à l’intervention. Chaque cas est présenté
individuellement.

3.1 Alexandre

Alexandre (prénom fictif) est un jeune homme de 17 ans, de nationalité


suisse et de langue maternelle française. Suite à la voie secondaire à

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180 Kipfer, Berger & Büchel

options (VSO; le niveau le plus faible parmi les trois voies secondaires
proposées dans le canton de Vaud, avec des classes à effectif réduit), il
est actuellement en première année de formation professionnelle de
monteur sanitaire. Alexandre a suivi l’intervention en individuel. Cepen-
dant, son MSP devant s’occuper en même temps d’un autre groupe, il
réalisait les exercices généralement seul et le MSP passait surtout en fin
de séance afin de discuter avec lui des tâches effectuées.
Selon le MSP, Alexandre n’a pas de difficultés particulières en fran-
çais, mais il présente de gros blocages en mathématiques. Il est rapide
dans l’exécution des tâches, mais perd vite sa concentration. Il manque
aussi d’estime de lui-même. En outre, il se montre parfois passif: il peut
rester 10 minutes à regarder sa feuille sans vraiment se mettre à la tâche.
Dans l’échelle d’évaluation des compétences métacognitives, Alexandre
déclare lire fréquemment plus lentement et précisément les consignes
lorsque l’exercice est difficile. Toutefois, il n’est que rarement capable
d’analyser son propre fonctionnement cognitif, de planifier et de
contrôler son travail. L’évaluation des compétences en mathématiques
montre qu’Alexandre a de bonnes compétences techniques (calculs). En
français, par contre, ses compétences varient selon les domaines: il est
jugé entre «moyennement capable» et «plutôt incapable» en grammaire
(par exemple conjuguer des verbes et écrire une lettre de motivation),
mais serait capable de rédiger un petit texte compréhensible ou de ré-
sumer des histoires dans ses propres mots.

Résultats de l’intervention auprès d’Alexandre


Concernant les tâches de compréhension de texte, Alexandre réalisait
déjà de très bonnes performances au pré-test. Sa prise de notes était
complète et exhaustive, c’est-à-dire que tous les éléments nécessaires
pour restituer le texte étaient présents dans ses notes. Toutefois, au post-
test ses notes sont encore mieux structurées: Alexandre ne présente plus
une liste d’informations, mais relie et regroupe les informations avec des
symboles et des flèches. Sa performance est proche du score maximal au
pré- et au post-test, bien que la deuxième tâche soit plus complexe. Au
niveau des stratégies appliquées, ses descriptions révèlent des stratégies
actives ou très actives (voir le chapitre 10 pour une description) au pré-
comme au post-test. Alexandre se montre donc très performant en

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compréhension de texte, ce qui lui laissait peu de marge pour progresser


suite à l’intervention.
Pour la résolution de problèmes mathématiques, Alexandre n’est pas
capable d’identifier les trois étapes de résolution (aptitude de plani-
fication) avant de commencer à proprement parler la résolution. Ceci
n’influence toutefois pas l’exécution de la tâche, car il obtient la perfor-
mance maximale lors des deux tests. Pour les stratégies appliquées, ses
descriptions sont considérées comme plus actives et précises au post-test.
Il ne progresse pas au niveau du traitement du problème qui semble être
réalisé en surface, c’est-à-dire qu’il ne prend pas le temps de réfléchir et
comprendre le problème avant de commencer. Par contre, suite à l’inter-
vention, il dit qu’il contrôle plus sa résolution, surtout de manière finale.
Les résultats dans les tâches de mathématiques montrent qu’Alexandre
n’a pas développé une meilleure approche des tâches, c’est-à-dire se
donner le temps d’analyser le problème et de planifier ses actions. Par
contre, il contrôle plus son travail.
Pour le QsA, les progrès observés sont minimes et parfois une dimi-
nution peut même être observée.

Attitude et compétences d’Alexandre pendant l’intervention


Lorsque nous analysons l’intervention, nous constatons que d’une séance
à l’autre, Alexandre se souvient de certaines stratégies enseignées. De
plus, il comprend très rapidement ce qui est demandé dans les exercices
du programme DELF. Dans les tâches de compréhension de texte, il
prend des notes (par exemple il fait une sorte d’arbre généalogique afin
de se souvenir des relations entre les personnages du texte). En revanche,
les tâches mathématiques et les Consignes du PEI lui posent problèmes.
Dans ces exercices, il se montre impulsif, ne prend pas réellement le
temps de réfléchir et de planifier sa démarche. Il commet ainsi beaucoup
de fautes d’inattention. Il perd ses moyens et ne peut plus résoudre cor-
rectement ces tâches. Le MSP rapporte à la douzième séance (séance de
résolution de problèmes mathématiques): «Résultat totalement erroné,
Alexandre s’est précipité une fois de plus». En effet, les tâches d’inter-
vention contiennent beaucoup d’informations à traiter avant de commen-
cer avec la résolution de la tâche. Pour les résoudre correctement, il est
nécessaire de distinguer entre les informations pertinentes et celles qui

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ne le sont pas, ce qui pourrait expliquer les blocages d’Alexandre et sa


résolution impulsive. Les tâches de test ne contiennent en revanche pas
d’informations non pertinentes et sont d’une complexité moindre. Les
blocages s’observent encore à la fin de l’intervention et ceci pourrait être
expliqué par l’absence d’une médiation soutenue, le MSP n’étant pas
présent durant les séances, mais seulement à la fin.

Propos du MSP quant à l’intervention auprès d’Alexandre


De manière générale, Alexandre a pris le temps de planifier sa résolution
et d’exécuter les exercices quand il ne s’agissait pas de tâches qui lui
semblaient difficiles ou devant lesquelles il se bloquait. Les progrès se
situent moins au niveau des stratégies apprises que de la prise de
conscience de sa manière de fonctionner et la verbalisation des straté-
gies. Ce deuxième point n’était pas évident à travailler, car l’apprenti
n’aimait pas expliquer sa démarche. Il a aussi appris à mieux se
concentrer et à plus s’appliquer dans la résolution, ce qui est observable
surtout au post-test.
Le problème de transfert est très présent dans cette situation: trans-
férer les acquis des tâches non scolaires aux situations en entreprise n’est
pas évident pour lui. Ceci ressort aussi du questionnaire que l’apprenti
remplissait en fin de séance, qui portait sur l’utilité du cours et son
intérêt pour l’apprentissage en entreprise. En effet, Alexandre estimait
que les exercices n’étaient pas tous importants pour son futur appren-
tissage pratique en entreprise. Deux explications peuvent être formulées.
Premièrement, les exercices ne correspondant pas à ce qui est habituelle-
ment fait à l’école professionnelle et en entreprise, ils sont par consé-
quent moins valides aux yeux des apprentis, même si les stratégies
peuvent être appliquées dans différentes situations. Deuxièmement, la
médiation n’avait lieu qu’à la fin de l’exécution des exercices et pas
durant l’exécution. Alexandre n’a ainsi pas pu mener une réflexion méta-
cognitive en cours de traitement de tâche. Il est effectivement beaucoup
plus difficile de discuter des stratégies d’une manière différée. Il s’agit
dans ce cas du souvenir de la manière de résoudre la tâche et pas d’expli-
cations ou de justifications en cours de tâche. Un questionnement
métacognitif du MSP pendant la résolution aurait peut-être permis à

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Application individuelle d’un module d’intervention 183

Alexandre de mieux se rendre compte des transferts possibles avec


d’autres situations, notamment son travail en entreprise.

3.2 Le duo d’apprentis

Claude et Noémie (prénoms fictifs) ont suivi une intervention en duo.


Ces deux apprentis travaillaient dans la même entreprise et fréquentaient
la même école professionnelle. Ils étaient suivis deux heures par
semaine: une heure pour l’appui tel qu’il est donné habituellement et une
heure pour l’application du module d’intervention. Cette solution per-
mettait au MSP de faire le lien entre une séance et l’autre, c’est-à-dire de
reprendre les stratégies du module et travailler leur application sur le
matériel amené par les apprentis. Ceci était réalisé notamment en compa-
rant les différentes tâches utilisées dans les deux situations.

3.2.1 Claude
Claude est un jeune homme de 23 ans, de nationalité et de langue mater-
nelle espagnole. Suite à une formation élémentaire de poseur de sols, il a
commencé un CFC en horticulture, option paysagiste. Claude a beau-
coup de difficultés en français. Il n’aime pas partager ses difficultés et il
est très renfermé. Son MSP n’est pas capable de réaliser une estimation
de sa capacité à apprendre. Les compétences métacognitives, évaluées
par le MSP au pré-test, ne semblent pas être souvent mises en œuvre. Les
jugements varient entre rarement (contrôler, planifier et adapter son
rythme de travail) et occasionnellement (mise en œuvre des métacon-
naissances sur les tâches, trouver les erreurs et les corriger). Son MSP
l’estime très compétent dans les opérations mathématiques, mais
«moyennement capable» ou «plutôt incapable» en français.

Résultats de l’intervention auprès de Claude


Pour la compréhension de texte, ses prises de notes sont très complètes et
bien structurées. Sa prise de notes au pré-test lui permet d’obtenir une
très bonne performance (9 points sur 10). Au post-test, sa performance
est maximale bien que la difficulté de la tâche soit plus élevée qu’au pré-

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test. Les stratégies appliquées décrites par Claude sont actives au pré-
comme au post-test. Ses descriptions et performances permettent
d’observer qu’il n’a pas de problèmes dans la compréhension d’un texte
court, mais plutôt dans la rédaction. Pour la résolution de problèmes
mathématiques, Claude régresse entre les deux temps de mesure. Au pré-
test, il planifie et résout correctement la tâche. Par contre, au post-test,
les étapes de résolution ne sont pas données dans le bon ordre et il y a
des erreurs de calcul. Au pré- comme au post-test, il fait néanmoins un
schéma pour s’aider. A la fin du post-test, il écrit qu’il «pense avoir raté
le problème car il était mal donné». Ses descriptions des stratégies utili-
sées sont actives au pré- et au post-test. Concernant les questions sur
l’application des différentes stratégies, aucune différence ne peut être
observée entre les deux temps de mesure. D’après ses réponses au QsA,
les progrès sont moindres et parfois des diminutions minimes des
performances peuvent même être observées.

Attitude et compétences de Claude pendant l’intervention


Durant l’intervention, les stratégies rapportées par l’apprenti portent sur
le contrôle, la concentration et la réduction de l’impulsivité. Il décrit des
stratégies actives tout au long de l’intervention. Il ne semblerait donc pas
que l’entraînement lui ait permis de s’améliorer de ce point de vue.
Contrairement à Alexandre, qui ne voyait pas l’utilité des exercices
(surtout de type non scolaire) pour son futur apprentissage, Claude
estime que les deux types de tâches (scolaire et non scolaire) sont utiles.
La différence entre les deux apprentis pourrait être liée à l’encadrement:
Claude travaillait en duo et le MSP était toujours présent, alors
qu’Alexandre travaillait le plus souvent seul.

3.2.2 Noémie
Noémie est une jeune fille de 17 ans de nationalité italienne et de langue
maternelle française. Elle a effectué sa scolarité en Suisse en filière
VSO. Elle est actuellement en première année de formation profession-
nelle initiale d’horticultrice comme Claude. Selon son MSP, elle est très
motivée et sa formation se déroule bien sauf en mathématiques où elle
rencontre des difficultés. Elle n’est généralement pas sûre d’elle-même et

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Application individuelle d’un module d’intervention 185

montre un faible sentiment d’efficacité par rapport aux matières sco-


laires.
Le MSP estime que certaines compétences métacognitives (par
exemple réaliser un contrôle final, évaluer la difficulté de la tâche) sont
fréquemment mises en œuvre par Noémie, tandis que d’autres ne sont
utilisées que de manière occasionnelle (par exemple faire un plan, cher-
cher des erreurs et les corriger). Selon le MSP, Noémie est «tout à fait
capable» de réaliser les quatre opérations en mathématiques. Par contre,
elle n’est que «moyennement capable» de calculer des fractions, des
conversions ou des règles de trois. En ce qui concerne ses compétences
en français, elle est «moyennement capable» de repérer les fautes
d’orthographe, mais se montre «plutôt capable» dans les autres activités.

Résultats de l’intervention auprès de Noémie


En ce qui concerne la compréhension de texte, Noémie prend des notes
complètes au pré- comme au post-test. L’exhaustivité de ses notes lui
permet d’obtenir un score presque maximal au pré-test et un score
maximal au post-test. Les stratégies qu’elle déclare avoir appliquées sont
considérées comme très actives. Pour la résolution de problèmes mathé-
matiques, elle met les étapes dans le bon ordre au pré-test mais pas au
post-test, et les deux exercices ne sont pas résolus correctement. Toute-
fois, lorsqu’il lui est demandé de décrire les stratégies appliquées, elle
rapporte les étapes correctement au pré- et post-test. Ces stratégies sont
considérées comme actives. Dans ce cas, l’intervention ne semble pas lui
avoir permis d’obtenir de meilleures performances en mathématiques.
Ses réponses au QsA, comme dans le cas de deux autres apprentis, ne
permettent pas d’observer des différences importantes entre les deux
temps de mesure.

Attitude et compétences de Noémie pendant l’intervention


Noémie utilise plusieurs stratégies dans les exercices, comme entourer
les informations importantes, faire des dessins ou schémas. Ces stra-
tégies sont aussi décrites par elle-même. De plus, ses descriptions sont
précises et elle rapporte des stratégies générales de comportement et de
résolution de problèmes: «Alors aujourd’hui, j’ai appris à être attentive,

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concentrée, à suivre un ordre chronologique, à avancer petit à petit,


suivre des démarches». Il ressort des questionnaires qu’elle a remplis à la
fin de chaque séance qu’elle pense que les acquis dans les exercices non
scolaires et scolaires sont importants pour son futur apprentissage pra-
tique en entreprise.

3.2.3 Propos du MSP relatifs à l’intervention en duo


Le MSP estime que l’intervention en général était très bénéfique et
intéressante, surtout grâce aux interactions entre les apprentis durant les
séances. Selon lui, les apprentis «crochaient» et «rentraient» dans les
exercices. Le fait de réaliser l’encadrement des jeunes à deux moments
de la semaine (une fois pour l’appui ordinaire et une fois pour l’inter-
vention) permettait de passer plus de temps sur les stratégies à mettre en
œuvre et de réaliser le lien entre les deux cours. Les apprentis ont appris
à réfléchir avant de commencer une tâche et cela est devenu plus une
habitude au fur et à mesure des séances.
Les tâches non scolaires, retenues comme plus ludiques, étaient un
défi pour les jeunes. Elles ont permis de leur faire prendre conscience de
l’importance des détails et de la signification des mots dans une
consigne. Néanmoins, comme dans le cas d’Alexandre, les jeunes
avaient de la peine à faire le lien entre ces tâches et les exercices sco-
laires, ainsi qu’avec les situations en entreprise. Ceci est en contradiction
avec ce que les apprentis ont indiqué dans le questionnaire. Deux
explications peuvent être avancées à ce propos. Premièrement, les jeunes
ont répondu aux items relatifs à l’utilité des tâches après la discussion
métacognitive et ils avaient ainsi déjà des idées concernant l’utilisation
possible de ce qu’ils avaient appris. La seconde explication est que les
jeunes ont répondu à ces items de manière socialement désirable, sans
réaliser une réflexion approfondie.
Selon le MSP, les résultats au post-test du QsA révèlent que les
apprentis ont une image d’eux-mêmes plus négative qu’au pré-test. Ceci
pourrait découler d’une surestimation au pré-test et une estimation se
rapprochant plus de la réalité au post-test. La complétion du question-
naire ainsi que l’intervention ont rendu les jeunes attentifs à certains
aspects dans leur façon d’apprendre. Ils en ont par la suite été plus large-

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ment conscients et ont ainsi pu développer une perception d’eux-mêmes


plus exacte.
Les jeunes estimaient que la totalité du programme était trop longue,
surtout à cause du questionnement métacognitif durant toutes les
séances. En effet, devoir expliquer ce que l’on est en train de faire n’est
pas toujours aisé et demande beaucoup d’effort de la part de l’apprenti.
A la rentrée scolaire suivante, le suivi des deux jeunes a été poursuivi,
ce qui a permis de faire des liens entre les nouveaux apprentissages et ce
qu’ils ont appris l’année précédente. Sans rappel de la part du MSP, les
apprentis n’utilisaient pas spontanément les acquis de l’intervention.
Notre hypothèse à ce sujet est que le temps d’intervention n’était pas
assez conséquent pour permettre aux deux jeunes d’automatiser les stra-
tégies apprises.

4 Conclusions générales par rapport à l’intervention

Le module d’intervention métacognitive proposé a donné lieu à certains


progrès chez les apprentis au niveau de leur concentration, de leur com-
portement stratégique (moins d’impulsivité, plus de temps consacré à
l’analyse à priori de la tâche) et de la verbalisation des stratégies. Toute-
fois, ces progrès ont surtout été constatés d’un point de vue qualitatif par
les enseignants, mais pas dans les tests spécifiques à la compréhension
de texte et aux mathématiques. Pour les problèmes de mathématiques,
malgré le fait que les jeunes décrivent des stratégies actives, leurs per-
formances et leur comportement stratégique ne s’améliorent pas entre le
pré- et le post-test. Pour la compréhension de texte, les trois apprentis
obtiennent des performances très élevées et décrivent des stratégies
actives voir très actives déjà au pré-test. Ces tâches de test étaient donc
trop faciles pour les apprentis en formation CFC. Elles étaient en effet
initialement conçues pour des apprentis suivant une formation AFP et
présentant des difficultés d’apprentissage plus importantes. Le manque
de complexité des tâches pour les apprentis ayant participé à cette étude
ne leur a pas permis de prendre conscience de l’utilité des stratégies
entraînées ou qu’ils possédaient déjà dans leur répertoire. Cette prise de

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conscience ne peut en effet se réaliser que si l’apprenti fait directement


l’expérience qu’une certaine stratégie l’aide dans une certaine situation.
En ce qui concerne les mathématiques, le fait que des progrès aient pu
être constatés par l’enseignant dans le comportement stratégique de
l’élève mais pas au niveau des performances (résolution correcte des
exercices) correspond à ce que nous trouvons dans la littérature: les stra-
tégies nouvellement acquises doivent en effet être automatisées afin de
devenir efficaces, et ceci demande du temps (Dignath & Büttner, 2008).
Des changements dans la manière d’appréhender les tâches ont pu être
observés par les MSP; toutefois, par manque de pratique et d’automati-
sation, ces changements ne donnent pas encore lieu à des performances
plus élevées dans les tests.
Concernant le QsA, aucun progrès n’a pu être observé. Les MSP es-
timent que les jugements sont plus négatifs au post-test qu’ils ne l’étaient
au pré-test. Ces résultats intriguant nous amènent à nous questionner sur
la pertinence de ce questionnaire pour l’évaluation des progrès d’une
intervention aussi courte que celle que nous avons proposée. Il semble-
rait que le QsA soit utile pour déterminer les forces et les difficultés des
élèves et aider à définir des objectifs d’intervention adaptés à chacun. Par
contre, cet instrument ne devrait pas être appliqué tel quel au post-test,
mais uniquement servir à diriger la discussion. En d’autres termes,
l’enseignant ne reprendrait que les points qui avaient posé problème, et
mènerait la discussion sur les progrès réalisés (ou non), en fonction des
objectifs qui avaient été définis.
Il est intéressant de souligner que les apprentis ayant travaillé en duo
semblent avoir plus profité de l’intervention qu’Alexandre. Faire travail-
ler un jeune seul dans une autre salle ne favorise évidemment pas la prise
de conscience et l’approfondissement des stratégies souhaités. L’inter-
vention en duo ou en petit groupe permet par contre à chacun de
confronter ses habitudes d’apprentissage à celles d’autrui et de prendre
ainsi conscience, d’une part, de son propre fonctionnement cognitif, et
d’autre part, du fonctionnement cognitif de son camarade.
A un niveau plus général, un problème récurent dans les interventions
métacognitives concerne le manque de transfert des apprentissages d’une
situation à une autre, par exemple des exercices effectués en classe à ce
qui est fait en entreprise. Les jeunes analysent souvent la tâche en sur-

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Application individuelle d’un module d’intervention 189

face et ne sont pas capables d’identifier les stratégies ou les caractéris-


tiques de la tâche qu’ils pourraient transférer à d’autres situations. Le
transfert devrait par conséquent être explicitement entraîné (Brown,
1978).
Finalement, une limite générale de l’intervention métacognitive
auprès des apprentis de la formation professionnelle initiale concerne
leur faible niveau d’ambition scolaire. En effet, bien que leurs buts soient
orientés vers la maîtrise des savoirs qu’ils jugent utiles pour l’exercice de
leur future profession (Berger, 2008), ces élèves visent généralement à
obtenir des notes justes suffisantes et n’ont pas la volonté d’investir plus
d’efforts que nécessaire pour obtenir de meilleurs résultats. Un travail de
réflexion en profondeur, tel que celui qui leur est proposé dans le module
d’intervention métacognitive ne correspond ainsi pas aux moyens qu’ils
sont prêts à mettre en œuvre pour réussir leur formation. Par conséquent,
ils résistent à la modification de leurs stratégies d’apprentissage et de
résolution de problème. Ainsi, nous pensons que pour ces élèves en par-
ticulier, les variables de la motivation devraient être prises en compte
d’une manière encore plus explicite dans l’intervention.

Références
Berger, J.-L. (2008). Croyances motivationnelles, métacognition et aptitudes cognitives
chez les apprentis de la formation professionnelle initiale: analyses dans le cadre des
mathématiques. Thèse de doctorat (non publiée). Genève: Université de Genève.
Berger, J.-L., Kipfer, N., & Büchel, F.P. (2008). The effects of a metacognitive interven-
tion for students in low vocational training tracks. Journal of Cognitive Education
and Psychology [online], 7, 337-367.
Brown, A.L. (1978). Knowing when, where, and how to remember: An approach in
metacognition. In R. Glaser (Ed.), Advances in instructional psychology (Vol. 1,
pp. 77-175). Hillsdale, NJ: Erlbaum.
Büchel, F., Berger, J.-L., & Kipfer, N. (2009). Questions sur l’Apprentissage (QsA): un
instrument pour mieux comprendre la motivation et les stratégies des apprenants.
Panorama, 2, 25-26.
Büchel, F.P., & Büchel, P. (1995). Découvrez vos capacités, rEalisez vos possibilités,
pLanifiez votre démarche, soyez créatiFs (DELF). Russin, Suisse: Centre
d’Education Cognitive.

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190 Kipfer, Berger & Büchel

Büchel, F.P., Kipfer, N., & Berger, J.-L. (2008). Améliorer l’apprentissage: ça s’entraîne!
Folio, 1, 4-7.
Dignath, C., & Büttner, G. (2008). Components of fostering self-regulated learning
among students. A meta-analysis on intervention studies at primary and secondary
school level. Metacognition and Learning, 3, 231-264.
Desoete, A., & Roeyers, H. (2006). Metacognitive macroevaluations in mathematical
problem solving. Learning and Instruction, 16, 12-25.
Feuerstein, R., Rand, Y., Hoffman, M.B., & Miller, R. (1980). Instrumental Enrichment.
An intervention program for cognitive modifiability. Baltimore: University Park
Press.
Office Fédéral de la Formation et de la Technologie (OFFT). (2007). Le case manage-
ment «formation professionnelle»: principes et mise en œuvre dans les cantons.
Berne: Editeur.

Remerciements
Nous aimerions remercier les maîtres socioprofessionnels qui ont accepté de participer à
la présente recherche à savoir Pascale Emery, Svend Lehmann et Pierre-Alain Melet.

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Chapitre 12

Evaluation et intervention auprès d’élèves


en difficultés: synthèse et perspectives

Christine HESSELS-SCHLATTER & Marco G.P. HESSELS

Dans cet ouvrage, plusieurs recherches ont abordé les questions liées à
l’évaluation et à l’intervention auprès d’élèves avec difficultés d’appren-
tissage et/ou une déficience intellectuelle. Les différentes approches
proposées ont en commun qu’elles sont toutes ancrées dans des théories
scientifiques récentes de la métacognition et de l’évaluation dynamique,
et qu’elles sont soutenues par des données empiriques. Toutefois, comme
c’est le cas dans toute entreprise scientifique, le débat autour de ces pro-
blématiques continue. Ainsi, nous conclurons cet ouvrage par une dis-
cussion critique des méthodes de mesure et d’intervention présentées,
ainsi que des questions et problèmes qui restent ouverts.

1 Evaluation

En ce qui concerne l’évaluation, de nombreuses recherches ont montré


que l’utilisation de tests d’intelligence classiques (tests QI) avec des
populations spéciales donne lieu à des résultats biaisés. Néanmoins, on
constate que les tests d’apprentissage, qui ont été développés en tant
qu’alternatives, sont toujours insuffisamment connus et peu utilisés. On
remarque également que ces approches sont souvent mal décrites et les
revues de la littérature à ce sujet (Grigorenko & Sternberg, 1998; Huteau
& Lautrey, 1999; Swanson & Lussier, 2001), peu nombreuses d’ailleurs,
en donnent une image souvent faussée (Hessels-Schlatter & Hessels,
2009). Il est par exemple affirmé d’une manière indifférenciée, et par
conséquent erronée, que les tests d’apprentissage prennent beaucoup de
temps à administrer, et que ces procédures ne sont pas standardisées. La

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192 Hessels-Schlatter & Hessels

recherche européenne est malheureusement souvent ignorée dans les


revues de la littérature, et les instruments cliniques (qui eux prennent
beaucoup de temps, ne sont pas standardisés et manquent de qualités
psychométriques) y prédominent. Finalement, beaucoup de chercheurs (y
compris dans le cadre de méta-analyses, p.ex. Swanson & Lussier, 2001)
s’intéressent uniquement à l’efficacité de l’entraînement lors du test,
mais l’essentiel, à savoir si l’instrument présente une meilleure validité
prédictive ou de construit, n’est pas considéré.
D’ailleurs, trop d’auteurs dans le domaine sont eux-mêmes confus sur
la définition du concept de test d’apprentissage, des notions de statique
versus dynamique, de standardisé versus clinique, ainsi que des notions
d’évaluation versus intervention (p.ex. Karpov & Tzuriel, 2009). Les
chapitres 2, 3 et 4 ont montré qu’il existe plusieurs tests d’apprentissage
qui sont standardisés et qui présentent de très bonnes qualités psychomé-
triques. Nous les avons explicitement distingués des méthodes cliniques
et non standardisées pour lesquelles nous utilisons le terme d’instrument
d’évaluation et non de test. De plus, nous distinguons clairement l’éva-
luation de l’intervention, même si nous affirmons qu’il existe un lien
étroit entre les deux (Hessels-Schlatter & Hessels, 2009).
Les chapitres de Hessels-Schlatter (chapitre 3), ainsi que de Hessels
et Tiekstra (chapitre 4) présentent deux tests d’apprentissage courts et
standardisés. Les auteurs ont démontré comment les capacités cognitives
d’élèves avec des difficultés d’apprentissage ou avec une déficience
intellectuelle légère ou modérée à sévère peuvent être estimées d’une
manière plus fiable et valide. D’un côté, une meilleure estimation permet
de mettre en place une prise en charge plus adaptée à l’élève. De l’autre,
elle amène l’enseignant et l’éducateur à avoir des attentes plus optimistes
par rapport aux capacités d’apprentissage de l’élève. Ceci est important
puisque les recherches (p.ex. Benjamin & Lomofsky, 2002) montrent
qu’une sous-estimation conduit à une adaptation vers le bas du curricu-
lum, des exigences, ainsi que des objectifs à atteindre, et freine ainsi le
développement de l’élève. Selon Rynders (1999), l’étiquette de
«déficience intellectuelle modérée à sévère» ou d’«éducable sur un plan
pratique» a comme conséquence directe une limitation des expériences
éducatives et sociales nécessaires au développement. La littérature
discutée dans ce contexte par Hessels-Schlatter (chapitre 3) montre

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Evaluation et intervention: synthèse et perspectives 193

clairement l’influence de l’environnement éducatif et scolaire: plus


l’environnement est riche et stimulant, et plus le développement des
compétences cognitives et scolaires est favorisé. Cela implique que
lorsque nous limitons les possibilités d’apprentissage des élèves, parce
que nous pensons qu’ils ne peuvent pas apprendre, nous aboutissons à
une prophétie auto-réalisatrice: l’élève n’apprend pas (Haywood,
Tzuriel, & Vaught, 1992; Sternberg, 2004).
Pour Elliott (2003), l’avenir des tests d’apprentissage réside dans
l’aide qu’ils peuvent apporter aux enseignants et psychologues afin
qu’ils trouvent ensemble des moyens de promouvoir l’apprentissage des
élèves en difficultés. Cependant, une estimation plus fidèle et valide
permettant de changer notre perception d’un élève n’est pas une fin en
soi. L’élève qui présente une bonne capacité d’apprentissage mais qui ne
reçoit pas la stimulation nécessaire, ou qui ne profite pas d’un soutien
par rapport aux variables qui limitent cette capacité, ne pourra pas
développer son potentiel. Selon Elliott (2003), les tests dynamiques
devraient être utilisés pour indiquer si un élève profitera d’une inter-
vention ou d’un programme particulier, ou pour guider la mise en place
de ces interventions. Le TAPA (Hessels-Schlatter) et le HART (Hessels
& Tiekstra) permettent justement de déterminer si un élève peut profiter
d’une intervention particulière ou d’un enseignement plus ambitieux,
mais d’avantage d’études de validité doivent être effectuées afin de
pouvoir généraliser les résultats. En revanche, pour la mise en place
d’une intervention individuelle clinique, une évaluation précise des
processus cognitifs est nécessaire. Le TAPA et le HART ne fournissant
pas ce type d’informations (cela n’est pas non plus leur but), ces tests
doivent donc être complétés par des évaluations cliniques des processus
d’apprentissage.
Des questions méthodologiques restent posées, par exemple, dans les
cas où les tests d’apprentissage contiennent un pré- et un post-test et que
des gains sont calculés suite à un entraînement. Certaines difficultés
associées avec le calcul des gains (par exemple la fidélité, la régression
vers la moyenne, le niveau et les unités de l’échelle, ainsi que la validité
de construit) peuvent être résolues avec des modèles de mesure mo-
dernes, comme ceux de la famille de la Théorie de la Réponse à l’Item.
Néanmoins, seuls Beckmann (2001) et Hessels (chapitre 4; Hessels,

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Berger, & Bosson, 2008) ont appliqué de tels modèles pour la construc-
tion de leurs tests. Un autre aspect important est le choix des critères
pour évaluer la validité prédictive des tests d’apprentissage. Cette ques-
tion est associée au concept de la validité écologique. Les tests scolaires
standards habituellement utilisés pour la validation des tests d’intelli-
gence sont inappropriés pour la validation des tests d’apprentissage,
parce que leurs scores sont d’une part basés sur les apprentissages anté-
rieurs et, d’autre part, confondus avec les difficultés spécifiques des
élèves dans la matière (Budoff, Meskin, & Harrison, 1971; Hessels,
2009). De nouveau, on constate que peu de critères dynamiques dans le
domaine scolaire ont été développés. Les résultats obtenus avec les tests
scolaires dynamiques en géographie et chimie (TAG et TAC), qui ont été
créés pour la validation du HART (chapitre 4; Hessels, 2009; Tiekstra,
Hessels, & Minnaert, 2009), montrent que ces tests fonctionnent bien
dans des groupes d’élèves avec difficultés d’apprentissage et surtout
auprès des élèves présentant une déficience intellectuelle. Dans ces
groupes en effet, des mesures objectives et fidèles des réussites scolaires
sont difficiles à obtenir.
Au niveau de la recherche, les tests d’apprentissage représentent éga-
lement une approche susceptible de mieux mettre en évidence les diffé-
rences interindividuelles ou les effets suite à diverses interventions. En
ce qui concerne les différences interindividuelles, lorsque l’on étudie les
processus cognitifs chez les personnes avec déficience intellectuelle, les
performances de ces dernières sont généralement comparées avec celles
d’enfants de même âge mental (voir Bruttin & Büchel). Si les scores
moyens du groupe avec une déficience intellectuelle sont plus bas que
ceux du groupe de même âge mental, par exemple dans des tâches de
mémoire (Hulme & Mackenzie, 1992), on attribue cette différence à des
déficits spécifiques dans ce domaine. Néanmoins, les différents chapitres
de cet ouvrage ont montré le manque de fidélité et de validité des
mesures basées sur des tests QI pour ce type de population. Par consé-
quent, les résultats des recherches qui utilisent de telles mesures pour
l’appariement des groupes ne sont pas forcément valides. L’étude sur la
mémoire de travail auprès d’adolescents avec une déficience intellec-
tuelle légère de Hessels et Gassner (2010) confirme cette hypothèse: les
compétences mnésiques plus faibles trouvées lorsque les groupes sont

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appariés selon l’âge mental disparaissent lorsque ces derniers sont


appariés selon la capacité d’apprentissage. Si l’étude de réplication,
actuellement en cours, auprès de personnes présentant une déficience
intellectuelle modérée à sévère confirme ce constat, les inférences faites
sur la base des résultats d’études antérieures, utilisant un appariement de
groupes selon l’âge mental, seront fortement remises en question.
Par rapport à l’évaluation de la capacité de raisonnement analogique
des personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère,
on peut se demander si cette capacité est limitée uniquement en raison
d’un déficit de la mémoire de travail (Bruttin & Büchel). Pennings et
Hessels (1996) ont comparé les performances d’élèves de 6 à 12 ans sur
les Matrices Progressives Standards de Raven (SPM; Raven, 1958) avec
leurs performances dans un test de mémoire de travail, le Figural
Intersections Test (FIT) de Pascual-Leone (1969; Pascual-Leone & Ijaz,
1989). Les items des deux tests ont été analysés par rapport au nombre
d’unités à traiter simultanément pour les résoudre. Une échelle de charge
mentale (M demand) a pu être établie en analysant les items des deux
tests conjointement avec le modèle de Rasch. L’étude montre que,
malgré le fait que le nombre d’unités à traiter simultanément est identi-
que, les items du SPM sont toujours plus difficiles que les items du FIT.
Selon les auteurs (Pennings & Hessels, 1996, p. 76), ceci est dû au fait
que «complex relations have to be inferred, that next to M demand, add
to the level of (empirical) difficulty. One can think of the “eduction of
relations” and “eduction of correlates” (cf. Spearman, 1923/1973, p. 112)
or “inference” and “mapping” as components of analogical reasoning
(cf. Sternberg, 1985, p.134)». Par conséquent, le niveau de difficulté de
ces tâches est influencé non seulement par le nombre d’éléments à
maintenir en mémoire, mais également par la nécessité, ou non,
d’abstraire des relations plus ou moins complexes.
En ce qui concerne les évaluations des effets des interventions, il est
important de considérer la variabilité interindividuelle. Un manque de
progrès significatif au niveau de la moyenne du groupe peut en effet
masquer d’importantes différences entre les participants. Les études de
Hessels-Schlatter (2002; chapitre 3. Voir aussi Hessels, 2009; Tiekstra et
al., 2009), montrent que ces différences interindividuelles sont liées à la
capacité d’apprentissage, mais pas au QI. En effet, il est souvent

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impossible de discriminer les participants (avant tout les populations spé-


ciales) sur la base du QI en raison de son manque de fidélité et de vali-
dité avec ces populations.

2 Intervention

Les études d’intervention présentées dans cet ouvrage ont démontré qu’il
est possible d’améliorer les compétences métacognitives aussi bien de
jeunes élèves de l’école primaire que d’élèves en formation (pré)profes-
sionnelle, présentant des difficultés d’apprentissage ou une déficience
intellectuelle légère à sévère. Ces études se distinguent cependant quant
à l’étendue des effets. Dans la méta-analyse de Dignath, Büttner et
Langfeldt (2008), l’efficacité des interventions était déterminée aussi
bien par des variables inhérentes à l’intervention elle-même que par
l’adéquation des instruments utilisés pour mesurer ces effets. Par
exemple, le type de stratégies ou les compétences entraînées (cognitives,
métacognitives et/ou motivationnelles), la personne qui applique le pro-
gramme (le chercheur lui-même ou l’enseignant régulier), la durée de
l’intervention, et l’intégration ou non de travail en groupe. En ce qui
concerne les instruments utilisés pour mesurer les effets de l’inter-
vention, il pouvait s’agir de tests de connaissances, de tâches de
simulation, ou de questionnaires. D’autres facteurs, non inclus dans cette
méta-analyse, peuvent être rajoutés: le type de tâches (spécifiques à un
domaine scolaire ou non), des caractéristiques de la médiation (par
exemple la préparation au transfert, le style et les principes d’ensei-
gnement), et des caractéristiques inhérentes aux participants (par
exemple leur capacité d’apprentissage). Nous voulons discuter ici
certains de ces facteurs en relation avec les études présentées.
Le choix des instruments d’évaluation des effets. Différents types
d’effets peuvent être évalués. D’une part, des effets directs, à savoir
l’amélioration des compétences entraînées, par exemple le comportement
stratégique, les métaconnaissances ou des variables de la motivation.
D’autre part, des effets indirects, c’est-à-dire l’amélioration des perfor-
mances dans des tâches cognitives ou scolaires suite à l’application sup-

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posée des stratégies enseignées. Le comportement stratégique peut être


évalué off-line (prospectivement ou rétrospectivement), généralement à
l’aide de questionnaires ou d’entretiens, ou on-line, c’est-à-dire pendant
la résolution d’une tâche, par exemple avec des méthodes de pensée à
haute voix, des observations directes, ou l’analyse des traces laissées par
l’élève. Il n’existe pas à ce jour d’instruments de mesure universels de la
métacognition qui soient suffisamment fidèles et valides. Bien que la lit-
térature (Boekaerts & Corno, 2005; Cromley & Azevedo, 2006; Desoete,
2008; Veenman, 2005; Veenman, Van Hout-Wolters, & Afflerbach,
2006; Winne, Jamieson-Noel, & Muis, 2002; Winne & Perry, 2000)
montre que les questionnaires corrèlent peu avec le comportement effec-
tif des élèves, cette méthode est toujours abondamment utilisée en raison
de sa commodité. Les biais dont souffrent les questionnaires sont, pour
n’en citer que quelques uns: la généralité-spécificité des items (questions
portant sur ce que l’élève fait en général ou se référant à un domaine
particulier), le contexte (questions portant sur une tâche que l’élève vient
d’effectuer ou sur une situation imaginaire), la capacité d’introspection
(avoir conscience de ce que l’on fait), la capacité à verbaliser ses actions
et pensées, et la sur- ou sous-estimation de ce que l’on fait. Boekaerts et
Corno (2005) relèvent encore que parfois les questionnaires sont trop
orientés sur les attentes du chercheur, et qu’ils sont généralement cons-
truits sur la base de données obtenues avec des élèves performants, ce
qui peut conduire à interpréter des scores plus faibles comme un manque
de stratégies et masquer par exemple des différences qualitatives. Plu-
sieurs études (p.ex. Cromley & Azevedo, 2006; Veenman, 2005)
montrent que les mesures obtenues avec des méthodes on-line, telles que
l’observation des comportements et la pensée à haute voix, corrèlent
mieux avec les performances que les mesures off-line. Ces méthodes
présentent cependant aussi des inconvénients (Bannert & Mengelkamp,
2008; Dominowski, 1998; Ericsson & Simon, 1993). En particulier, pour
la pensée à haute voix, la double tâche imposée à l’élève (exécuter une
tâche et simultanément verbaliser ses pensées) peut conduire à des inter-
férences entre ces deux activités, par exemple une altération des proces-
sus de pensée et des comportements, ou une verbalisation incomplète.
Tout comme pour les questionnaires, cette méthode dépend de la capa-
cité d’introspection et de verbalisation de l’élève, ce qui est particulière-

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ment problématique chez les jeunes enfants et les personnes avec défi-
cience intellectuelle. Par ailleurs, nous avons nous-mêmes observé dans
nos recherches que certains élèves se montrent très loquaces, alors que
d’autres pas du tout. Par conséquent, un nombre moins élevé de
stratégies énoncées peut être erronément interprété comme une moindre
utilisation de stratégies. Afin de pallier à ces différents problèmes,
plusieurs auteurs recommandent de combiner différentes mesures et de
trianguler les observations (p.ex. Boekaerts & Corno, 2005; Pressley,
Graham, & Harris, 2006), ce qui permet d’augmenter la fidélité et la
validité des mesures.
Berger et al. et Kipfer et al., qui ont mesuré le comportement straté-
gique avec des questionnaires, ont trouvé peu d’améliorations. Il est fort
probable que les problèmes énoncés ci-dessus ont joué un rôle, d’autant
plus important en regard des populations concernées. Dans l’étude de
Kipfer et al., on constate que les enseignants ont observé d’une manière
qualitative des améliorations au niveau stratégique, alors que les ques-
tionnaires remplis par les élèves n’ont pas mis en évidence ces progrès,
mais même plutôt une tendance à la régression. Une hypothèse explica-
tive se situe au niveau de l’ajustement des représentations par les partici-
pants. Il est en effet reconnu que les élèves en difficultés d’apprentissage
montrent une tendance à se sur- ou sous-estimer (voir aussi l’étude de
Berger et al. et de Hessels et Tiekstra). Nous avons observé un phéno-
mène similaire auprès d’élèves de classes spécialisées: suite à l’interven-
tion métacognitive, ces élèves ont développé une représentation plus
réaliste de leur performances et de leurs comportements stratégiques, et
plus conforme à la réalité. Par conséquent, leurs scores métacognitifs ont
régressé (Hessels, Hessels-Schlatter, Bosson, & Balli, 2009). Ceci est en
contraste avec les deux études qui ont évalué le comportement straté-
gique avec des mesures on-line (l’étude de Bosson et celle de Hessels-
Schlatter) et qui ont trouvé des progrès significatifs à ce niveau.
Dans l’étude de Büchel et al., seules des mesures indirectes ont été
effectuées: les effets de l’intervention sur les performances des élèves
dans des tâches de raisonnement inductif, dans un test de compréhension
d’une leçon de biologie, et un test mesurant la capacité d’inhibition et la
flexibilité cognitive. Malheureusement, les progrès dans l’application des
stratégies cognitives et métacognitives n’ont pas été évalués dans cette

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Evaluation et intervention: synthèse et perspectives 199

recherche. Une telle démarche aurait éventuellement permis de mettre à


jour des gains à ce niveau pour le groupe entraîné. Le choix des instru-
ments de mesure dans cette recherche n’est peut-être pas le plus adéquat.
Par exemple, les problèmes de fidélité avec les tests d’intelligence clas-
siques pour les élèves présentant une déficience intellectuelle sont avérés
(voir chapitres 2 et 3), et les auteurs ont été confrontés au même pro-
blème: si les gains dans le test de raisonnement inductif peuvent être
attribués à l’intervention, la perte de 4 à 20 points chez 9 participants sur
24 reste difficile à expliquer autrement que par un manque de fidélité du
test. Cette étude aurait certainement gagné à compléter les mesures avec
une évaluation du changement dans le style métacognitif, comme le
recommande Büchel (chapitre 6).
En sus du type d’instruments utilisés, le délai après lequel les effets
sont évalués peut être important. Les études de Bosson et de Hessels-
Schlatter montrent qu’au post-test différé les élèves n’ont pas seulement
maintenu leurs acquis, mais ont continué à progresser. De plus, dans
l’étude de Bosson, les progrès dans l’utilisation des stratégies lors du
premier post-test ne donnent pas lieu à de meilleures performances, alors
que c’est le cas lors du post-test différé. Les élèves ont donc besoin de
temps pour intégrer les stratégies dans leur répertoire et les automatiser
afin qu’elles deviennent efficaces (Miller, 1990; Perkins, Simmons, &
Tishman, 1990).
Le type de tâches incluses dans l’entraînement. La majorité des cher-
cheurs (p.ex. Bosson, Hessels, Hessels-Schlatter, Berger, Kipfer, &
Büchel, 2010; Hattie, Biggs, & Purdie, 1996; Haywood, 2010; Hessels et
al., 2009; Pintrich, 2002; Pressley, 1995; Veenman et al., 2006) recon-
naît aujourd’hui qu’une intervention centrée uniquement sur l’entraîne-
ment de stratégies sans liens directs et explicites avec des contenus
scolaires a peu de chances d’aboutir aux effets escomptés. Dans les inter-
ventions où des tâches non scolaires ont été systématiquement alternées
avec des tâches scolaires au cours de l’intervention, des effets plus im-
portants ont été trouvés (les études de Bosson, de Berger et al., et de
Hessels-Schlatter) que dans l’intervention qui n’a inclus que des tâches
non scolaires (Büchel et al.). Dans les premières, les élèves ont eu l’op-
portunité d’appliquer les stratégies sur des tâches similaires à ce qu’ils
font dans le contexte classe, ce qui renforce l’utilité perçue et favorise le

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transfert. Selon plusieurs auteurs (Sternberg, 1987; Wong, 1993), la né-


cessité de combiner l’enseignement de stratégies à des contenus spéci-
fiques se justifie par le fait que les élèves éprouvent des difficultés à lier
des stratégies générales à des situations de la vie réelle, et par le fait que
la motivation des élèves à apprendre les stratégies est stimulée lorsqu’ils
peuvent voir clairement le lien entre ces stratégies et leurs activités sco-
laires. D’autres auteurs (p.ex. Perkins & Salomon, 1989) argumentent
que les tâches scolaires nécessitent des connaissances spécifiques au
domaine qui ne peuvent être ignorées, et que les compétences méta-
cognitives générales doivent être combinées à ces connaissances. Le
Programme d’Enrichissement Instrumental (PEI; Feuerstein, Rand,
Hoffman, & Miller, 1980) est une bonne illustration de la moindre effi-
cacité des programmes qui n’intègrent pas de tâches scolaires. Les méta-
analyses (Higgins, Hall, Baumfield, & Moseley, 2005; Romney &
Samuels, 2001; Shiell, 2002) comprenant des études contrôlées avec ce
programme montrent toutes que les effets sont extrêmement modestes
par rapport à l’investissement nécessaire (une à deux années). De plus,
des effets au niveau des performances scolaires sont rarement trouvés, ce
qui signifie que les élèves ne transfèrent pas leurs acquis. On soulignera
encore que pratiquement toutes les recherches avec le PEI ont été effec-
tuées auprès d’élèves de classes régulières. L’étude de Lifshitz et Tzuriel
(2004) est une des rares qui a inclus des participants avec déficience
intellectuelle. Ces auteurs ont appliqué le PEI pendant 166 heures auprès
de personnes avec une déficience intellectuelle modérée à sévère. Des
gains significatifs ont été trouvés. Cependant, d’une part les tâches de
test étaient très proches de celles de l’entraînement, et d’autre part
l’étude ne comprenait pas de groupe contrôle qui permette de confirmer
que ces gains sont avant tout dus à l’entraînement et non à des facteurs
externes comme l’expérience et la maturation, lesquels jouent fort
probablement un rôle important sur une période de 18 mois. Pour
comparaison, l’étude de cas présentée par Hessels-Schlatter (chapitre 7)
auprès de deux adolescents présentant le même degré de déficience
intellectuelle, et dans laquelle le transfert (y compris vers le scolaire) a
été systématiquement travaillé, a montré des effets importants sur des
tâches très différentes de celles de l’entraînement, et cela après 19
séances de 45 minutes seulement.

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Evaluation et intervention: synthèse et perspectives 201

Cependant, si la variation des tâches, et notamment l’intégration de


tâches scolaires sont importantes, tout entraînement devrait idéalement
être planifié sur du long terme, en particulier lorsqu’il est question
d’élèves avec difficultés d’apprentissage ou déficience intellectuelle
(Dignath & Büttner, 2008; Pressley et al., 2006; Veenman et al., 2006).
Facteurs liés à la médiation. Les méta-analyses (Dignath & Büttner,
2008; Dignath et al., 2008; Hattie et al., 1996) montrent que les inter-
ventions menées par les chercheurs eux-mêmes sont plus efficaces que
celles conduites par les enseignants. Cela est lié au fait que les ensei-
gnants n’ont souvent pas de connaissances très élaborées sur la méta-
cognition ni les compétences pour développer le comportement straté-
gique chez leurs élèves (Borkowski & Muthukrishna, 1992; Pressley et
al., 2006; Veenman et al., 2006). De plus, leurs habitudes d’enseigne-
ment sont difficiles à changer. Conway et Hopton (2000) ont constaté
que l’application en classe de leur programme par les enseignants pen-
dant 6 mois n’a pas été assez longue pour modifier leurs comportements
et style d’enseignement. Dans les études de Berger et al. et de Kipfer
et al., la formation des enseignants qui ont appliqué eux-mêmes le pro-
gramme d’intervention n’a duré que 5 jours. Par ailleurs, l’un des partici-
pants de l’étude de Kipfer et al. a souvent dû travailler seul et n’a ainsi
pas pu bénéficier d’une médiation soutenue; cet élève n’a que peu profité
des interactions et discussions nécessaires à la réflexion et à la prise de
conscience.
Une médiation efficace doit également intégrer les variables de la
motivation (Borkowski & Muthukrishna, 1992; Dignath & Büttner,
2008; Dignath et al., 2008; Zimmerman, Bonner, & Kovach, 1996). Les
élèves doivent percevoir l’utilité des tâches qui leur sont proposées ainsi
que des stratégies enseignées, et doivent être convaincus que l’applica-
tion de ces stratégies est bénéfique pour leur propre apprentissage sco-
laire. Cette problématique était fortement présente dans l’étude de Kipfer
et al. Non seulement les participants ne voyaient pas beaucoup d’intérêt
dans ce qui leur était enseigné, mais, d’une manière générale, ils faisaient
preuve d’un faible niveau d’ambition et ne s’investissaient guère. Le
même constat peut être fait pour l’un des deux participants de l’étude de
Hessels-Schlatter. Comme les auteurs le remarquent, les variables moti-
vationnelles devraient faire plus explicitement l’objet de l’intervention.

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202 Hessels-Schlatter & Hessels

Finalement, comme nous l’avons mentionné plus haut, la capacité


d’apprentissage des participants doit être considérée, en plus des aspects
discutés ci-dessus, lorsque l’on cherche à évaluer les effets d’une inter-
vention. Par exemple, la variabilité interindividuelle en ce qui concerne
les progrès réalisés pendant les interventions est particulièrement impor-
tante dans les deux études comprenant des participants avec une défi-
cience intellectuelle (Hessels-Schlatter et Büchel et al.).
Pour conclure, la recherche dans le domaine des interventions (méta)
cognitives doit se poursuivre. Elle se justifie par le fait que la méta-
cognition joue un rôle prépondérant dans l’apprentissage et la pensée,
qu’elle fait défaut aux élèves en difficultés d’apprentissage, et plus
encore à ceux avec une déficience intellectuelle, mais qu’elle n’est pas
enseignée formellement. Le modèle idéal pour beaucoup d’auteurs est
d’intégrer la métacognition aux programmes scolaires, c’est-à-dire de
combiner l’enseignement de stratégies à l’enseignement des contenus
scolaires (Adey & Shayer, 1994; Ashman & Conway, 1993; Borkowski
& Muthukrishna, 1992; Brown & Campione, 1990; Butler, 1998; The
Cognition and Technology Group at Vanderbilt, 1993; Ellis, 1993;
Haywood, 2010; Leat & Lin, 2003; Perkins & Salomon, 1989; Pintrich,
2002; Presseley, 1995; Wong, Harris, Graham, & Butler, 2003;
Zimmerman et al., 1996). Cependant, la promotion d’un style d’ensei-
gnement métacognitif auprès des enseignants et éducateurs réclame une
formation adaptée et conséquente. Les chercheurs devraient par consé-
quent plus s’intéresser aux enseignants, les intégrer dans la recherche, et
s’interroger sur les moyens d’introduire l’enseignement de la méta-
cognition en classe (Boekaerts & Corno, 2005; Dignath et al., 2008;
Pressley et al., 2006). Plusieurs auteurs (Davidson & Sternberg, 1998;
Pressley et al., 2006) recommandent également de conduire plus de
recherches en contextes naturels.

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