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Mémoires de guerre
Sommaire
Introduction
1. Mémoires d’un rebelle
2. Quelle histoire raconte Le Salut ?
3. Les modalités du récit historique
4. Mémoires ou légende ? Le mémorialiste et son mythe
5. Histoire ou politique ?
6. Le Salut par l’écriture
Annexe
Lexique
Séquence 4 – FR01 1
Séquence 4 – FR01 3
Exercice autocorrectif
4 Séquence 4 – FR01
Corrigé de l’exercice
Séquence 4 – FR01 5
6 Séquence 4 – FR01
E Problématique
On peut se demander pourquoi le programme préconise l’étude du tome
III des Mémoires de guerre, plutôt que le tome I ou le tome II. Il est vrai
que la période concernée pose, par rapport aux périodes précédentes,
un problème original : comment passer de la guerre et de sa situation
d’exception au quotidien, de la grandeur historique aux aléas plus
médiocres ou banals de la politique ? En quoi y a-t-il encore histoire ?
Le général de Gaulle était déjà le héros d’un moment historique hors
du commun – la Résistance, la Libération - qui lui garantissait de res-
ter longtemps dans les mémoires. Que pouvait attendre le personnage
historique de la création d’une œuvre littéraire ? Comment raconte-t-il
cette Histoire qu’il a non seulement vécue, mais qu’il a contribué à faire ?
Dans la construction d’une œuvre littéraire, ne faut-il pas craindre que
le propos devienne trop subjectif et fausse la réalité historique ? Quelle
« mémoire », quel enseignement veut-il transmettre ? Quelle action sur
le présent et sur le futur en attend-il ? Quelles questions pose-t-il : cel-
les des Mémoires, celles de l’histoire, celles de la condition humaine ?
celles du passé, du présent ou de l’avenir ? Comment utilise-t-il la litté-
rature à cet effet ?
Si Malraux a pu dire des Mémoires de guerre qu’il s’agissait du « récit
de l’exécution d’un grand dessein », en quoi ce « récit » participe-t-il au
« grand dessein » ? en quoi le complète-t-il ?
Séquence 4 – FR01 7
8 Séquence 4 – FR01
Pour réfléchir
Document 1
1. Mots en caractères gras et vert dans les documents et citations : c’est toujours nous qui soulignons.
Séquence 4 – FR01 9
Mise au point
1. « L’apprentissage de la grandeur »
Charles de Gaulle naît à Lille en 1890, dans une famille de petite noblesse.
Son père, Henri de Gaulle, professeur dans divers établissements reli-
gieux, lecteur de L’Action française, le journal du royaliste Charles Maur-
ras, est conservateur et se définit comme « monarchiste de regret », mais
2. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, « L’Appel », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF Gallimard.
10 Séquence 4 – FR01
3. Jean Lacouture, De Gaulle, Coll. « Le Temps qui court ». © Éditions du seuil, 1965.
4. Chronologie établie par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, in Charles de Gaulle, Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade,
NRF, Gallimard, Paris, 2008, p. C.
Séquence 4 – FR01 11
5. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, « L’appel », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard,
Paris, 2008, p.71.
6. Ibid., p.71.
7. Ibid., p.72.
8. Ibid., p.72-73.
9. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, « L’Appel », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard,
Paris, 2008, p.121.
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Séquence 4 – FR01 13
14 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 15
19. Attention à l’orthographe du mot « Mémoires » : dans le sens qui nous occupe, le mot est du masculin pluriel
et s’écrit avec une majuscule.
20. Jacques Lecarme, Éliane Lecarme-Tabone, L’autobiographie, Armand Colin, Paris, 2004, p. 49
16 Séquence 4 – FR01
Mise au point
Séquence 4 – FR01 17
Document 2
21. Marius-François Guyard, « Un écrivain nommé Charles de Gaulle », in Charles de Gaulle, Mémoires, Bibliothè-
que de la Pléiade, NRF, Gallimard, Paris, 2008, p. LXVII.
22. Pierre Nora, « Les Mémoires d’État, De Commynes à de Gaulle », in Les Lieux de mémoire, II, Quarto, Gallimard,
Paris, 1997, p. 1388.
23. Ibid., p. 1393.
18 Séquence 4 – FR01
24. La parousie désigne le retour glorieux du Christ sur terre, à la fin des temps.
25. Pierre Nora, « Les Mémoires d’État, De Commynes à de Gaulle », in Les Lieux de mémoire, II, Quarto, Gallimard,
Paris, 1997, p. 1416-1418.
Séquence 4 – FR01 19
1. Genèse de la rédaction
des Mémoires de guerre
C’est lorsqu’il se retire à Marly, en janvier 1946, que Charles de Gaulle
commence la rédaction de ses Mémoires. Il écrit inlassablement pen-
dant tout le printemps, mais il s’interrompt pour rédiger le discours de
Bayeux dans lequel il expose son programme politique de réforme de
l’État. Le Général pense en effet qu’on va très vite le rappeler au pouvoir.
26. Mouvement philosophique initié par Auguste Comte, qui prône l’utilisation des lois et expériences scientifi-
ques pour décrire la réalité des faits.
27. Courant des sciences humaines qui s’inspire de l’analyse du langage pour décrire la réalité sociale.
28. Pierre Nora, « Les Mémoires d’État, de Commynes à de Gaulle », in Les Lieux de mémoire, II, Quarto, Gallimard,
Paris, 1997, p. 1383.
20 Séquence 4 – FR01
2. Enjeu de la rédaction
des Mémoires de guerre
À examiner la situation historique de la publication des trois tomes des
Mémoires de guerre, Pierre Nora la juge « couverte de l’aile d’une étrange
Providence » :
« La chronologie paraît miraculeusement minutée : L’Appel, au
moment de l’élection caricaturale et fantomatique de René Coty,
L’Unité, dans la désagrégation ultime de la IVe République, Le Salut,
29. Marius-François Guyard, Notice des Mémoires de guerre, in Charles de Gaulle, Mémoires, Bibliothèque de la
Pléiade, NRF, Gallimard, Paris, 2008, p. 1230.
30. Confidence faite à Louis Terrenoire, citée par Jean Lacouture, De Gaulle T. 2 Le politique. © Éditions du Seuil,
1990, Coll. « Points Histoire » 1990.
Séquence 4 – FR01 21
31. Pierre Nora, « Les Mémoires d’État, De Commynes à de Gaulle », in Les Lieux de mémoires, II, Quarto, Gallimard,
Paris, 1997, p. 1415.
32. Jean-Louis Jeannelle, Malraux, mémoire et métamorphose, Gallimard, Paris, 2006, p. 203.
22 Séquence 4 – FR01
Pour réfléchir
Document 3
Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, excipit* de L’Appel, 1940-
1942.
Ce premier tome se termine sur le récit de la victoire de Bir Hakeim.
Et moi, pauvre homme ! aurai-je assez de clairvoyance, de fermeté, d’ha-
bileté, pour maîtriser jusqu’au bout les épreuves ? Quand bien même,
d’ailleurs, je réussirais à mener à la victoire un peuple à la fin rassemblé,
que sera, ensuite, son avenir ? Entre-temps, combien de ruines se seront
ajoutées à ses ruines, de divisions à ses divisions ? Alors, le péril passé,
les lampions éteints, quels flots de boue déferleront sur la France ?
Trêve de doutes ! Penché sur le gouffre où la patrie a roulé, je suis son
fils, qui l’appelle, lui tient la lumière, lui montre la voie du salut. Beau-
coup, déjà, m’ont rejoint. D’autres viendront, j’en suis sûr ! Maintenant,
j’entends la France me répondre. Au fond de l’abîme, elle se relève, elle
marche, elle gravit la pente. Ah ! mère, tels que nous sommes, nous voici
pour vous servir.33
Document 4
33. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, « L’Appel », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard,
Paris, 2008, p. 262.
34. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, « L’Appel », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard,
Paris, 2008, p. 583.
Séquence 4 – FR01 23
24 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 25
D Réception et postérité
1. Un désir de postérité
« Des heures par jour écrivant, raturant, il travaille à espérer »42, écrit
Malraux du Général à son bureau de la Boisserie. Charles de Gaulle avait
en effet une très haute idée de la fonction de son œuvre : « préparer
l’avenir des grandes choses que connaîtront d’autres générations »43,
26 Séquence 4 – FR01
2. Réception
La publication de chacun des tomes des Mémoires de guerre fut cha-
que fois un événement. Pour les deux premiers, il s’agit d’un véritable
relais – apparemment littéraire, en réalité politique – dans la carrière de
l’homme d’État en pleine « traversée du désert ». La remémoration des
grandeurs de l’esprit résistant insufflé par le « Non » du 18 juin 1940 fait
apparaître à certains la retraite du Général à la Boisserie comme injuste.
Les éloges sont fervents, unanimes, devant la splendeur hiératique du
style de ces Mémoires. François Mauriac note dans son Bloc-Notes : « Le
général de Gaulle, en voilà un qui est sûr de son éternité ! »46.
Le ton de la critique change sensiblement à la parution du Salut, non que
l’on constate une moindre qualité stylistique, mais parce que l’écrivain
des Mémoires de guerre est à nouveau depuis quinze mois au sommet
de l’État. Les conditions de son retour au pouvoir hérissent la gauche
qui voit dans le propos très ouvertement antiparlementariste de ce troi-
sième tome une menace pour la démocratie. Désormais, la lecture de
ces Mémoires ne peut plus se contenter d’une appréciation esthétique,
elle est inséparable d’une analyse de l’action du nouveau chef de l’État.
44. André Malraux, op. cit. page 25 (note 37).
45. Charles de Gaulle, Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, Paris, 2008, p. 1194.
46. Cité par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, in Charles de Gaulle, Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Galli-
mard, Paris, 2008, p. XLIV.
Séquence 4 – FR01 27
Pierre Nora analyse ici les raisons de la difficulté à faire œuvre d’historien
pour étudier l’action de de Gaulle.
28 Séquence 4 – FR01
Éditions GALLIMARD.
«Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute
autorisation, toute utilisation de celui-ci autre que la consultation individuelle
et privée est interdite. »
www.gallimard.fr
47. Pierre Nora, « Gaullistes et communistes », in Les Lieux de mémoire, © Édition GALLIMARD.
Séquence 4 – FR01 29
30 Séquence 4 – FR01
Pour réfléchir
Mise au point
1. L’exposé de la situation
L’incipit du Salut se distingue par son caractère abrupt et programmati-
que. La rhétorique recommande à ceux qui commencent une œuvre ou
un discours de se ménager dans l’exorde* la bienveillance du lecteur ou
de l’auditoire, et de préciser en quelques mots la situation et la légiti-
mité de celui qui prend la parole. Le général de Gaulle n’a que faire de
ces préalables. En 1959, lorsque paraît le troisième tome de ses Mémoi-
res de guerre, sa légitimité est doublement évidente : à la fois comme
l’auteur de l’appel du 18 juin 1940, qui a conduit la France à la victoire,
et comme nouveau président de la Ve République, qui a accepté une
nouvelle fois de « prendre en charge le destin »48.
48. Charles de Gaulle, Mémoires d’espoirr « Le Renouveau », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Galli-
mard, Paris, 2008, p. 894.
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32 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 33
34 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 35
49. Charles de Gaulle commente ainsi l’appel du 18 juin : « À mesure que s’envolaient les mots irrévocables, je
sentais en moi-même se terminer une vie, celle que j’avais menée dans le cadre d’une France solide et d’une
indivisible armée. À quarante-neuf ans, j’entrais dans l’aventure, comme un homme que le destin jetait hors
de toutes les séries », in Mémoires de guerre, « L’Appel », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Galli-
mard, Paris, 2008, p.73.
50. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, « L’Appel », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard,
Paris, 2008, p.202. Le passage suivant fait comprendre ce que Charles de Gaulle reproche aux partis politi-
ques : « Pour moi, dans le drame national, la politique devait être l’action au service d’une idée forte et simple.
Mais eux, poursuivant les mêmes chimères qu’ils caressaient depuis toujours, n’acceptaient pas qu’elle fût
autre chose qu’une chorégraphie d’attitudes et de combinaisons, menée par un ballet de figurants profession-
nels, d’où ne devaient sortir jamais qu’articles, discours, exhibitions de tribuns et répartition de places ».
36 Séquence 4 – FR01
4. Un style efficace
Cette légitimité du chef est aussi illustrée par l’efficacité du style du
mémorialiste. La mise en scène du discours de Chaillot met l’accent sur
les pouvoirs du verbe, mais il est clair que le Général ne veut pas redou-
bler les discours bavards des politiciens. Si le verbe est absolument
nécessaire – le Général ne va-t-il pas entamer une tournée en province
pour fédérer, par ses discours et interventions, l’ensemble du peuple
autour de lui ? -, il ne doit pas se contenter d’illustrer une rhétorique ; il
doit être au contraire la pierre de touche de l’action politique. Le mémo-
rialiste veut donc une prose resserrée, synthétique, qui exprime son
souci de l’action, mais aussi son attention aux réalités.
Nous avons déjà noté plus haut la précision extrême avec laquelle le
mémorialiste enchaîne les événements, explique les actions, en recou-
rant à une structure logique rigoureuse, qui aide le lecteur à compren-
dre le sens des événements.
Il faut aussi noter le soin avec lequel il dispose ses propositions : d’une
part pour créer un rythme oratoire et hiératique, d’autre part pour res-
serrer les éléments de la situation ou les actions, afin de donner une
vue synthétique de l’ensemble qui évoque l’efficacité de celui qui est
capable d’embrasser d’un seul regard l’urgence de la situation. On
peut relever ainsi la fréquence des énumérations, dont l’effet synthé-
tique peut être redoublé par l’absence d’article51. L’état de dénue-
51. « Tandis que Dunkerque, Brest, Lorient, Saint-Nazaire, La Rochelle, ainsi que l’accès de Bordeaux, restent aux
mains de l’ennemi, Calais, Boulogne, Dieppe, Rouen, Le Havre, Cherbourg, Nantes, Marseille, Toulon, écrasés
par les bombardements britanniques et américains et, ensuite, détruits de fond en comble par les garnisons
allemandes avant qu’elles mettent bas les armes, n’offrent plus que quais en ruine, bassins crevés, écluses
bloquées, chenaux encombrés d’épaves ». (p.8)
Séquence 4 – FR01 37
38 Séquence 4 – FR01
Pour réfléchir
Séquence 4 – FR01 39
40 Séquence 4 – FR01
1. Un récit thématique…
La simplicité du titre de chaque chapitre indique que chacun est plus
centré autour d’un problème que d’une période. Certes, « La Libéra-
tion » raconte les semaines qui se succèdent jusqu’au début du mois de
novembre, mais le chapitre expose surtout le programme et les premiè-
res mesures du G.P.R.F. accompagnant les progrès de la libération du ter-
ritoire. L’introduction du chapitre suivant, « Le Rang », pose nettement le
problème : « Vers la France libérée tous les États portaient leurs regards.
(…) à quel rang la reverrait-on ? » (p. 57), et expose trois moments de
cette reconquête progressive de sa place par la France :
la visite de Churchill en novembre ;
le voyage en U.R.S.S ;
la conférence de Yalta en février 45.
Séquence 4 – FR01 41
42 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 43
A Le voyage en Russie
Pour réfléchir
Mise au point
52. Il ne les sent « favorables » à son voyage à Moscou que « dans la mesure où ils n’y voulaient voir qu’un geste
amical à l’égard d’un allié » (p.74).
44 Séquence 4 – FR01
53. Ce que de Gaulle ne manque pas de lui faire remarquer : « Laissez-moi constater que si, à vos yeux, la question
du Rhin ne saurait être dès à présent tranchée, celle de l’Oder l’est déjà. » (p. 80).
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46 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 47
54. Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, « Le Renouveau », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Galli-
mard, Paris, 2008, p.900.
55. Ibid., p.893.
56. André Malraux, op. cit. page 25 (note 37).
57. Au sens figuré, le terme, déjà utilisé par de Gaulle pour se caractériser lui-même, peut désigner celui qui se
consacre à la défense d’une cause ou d’une personne et de fait l’incarnation des aspirations, des idées d’une
groupe. Le terme est souvent synonyme d’un combattant de grand mérite.
48 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 49
58. « Pour la Russie, c’est un gros animal qui a eu faim très longtemps. Il n’est pas possible aujourd’hui de l’em-
pêcher de manger, d’autant plus qu’il est parvenu en plein milieu du troupeau des victimes. Mais il s’agit qu’il
ne mange pas tout. Je tâche de modérer Staline qui, d’ailleurs, s’il a grand appétit, ne manque pas de sens
pratique. Et puis, après le repas, il y a la digestion. Quand l’heure viendra de digérer, ce sera, pour les Russes
assoupis, le moment des difficultés. Saint Nicolas pourra peut-être, alors, ressusciter les pauvres enfants que
l’ogre aura mis au saloir » (p.639).
50 Séquence 4 – FR01
59. André Malraux, op. cit. page 25 (note 37), p.110 : « Pourtant, le ton si particulier du portrait de Staline dans
les Mémoires de guerre tient au souvenir du dictateur leur disant : « Après tout, il n’y a que la mort qui
gagne... » ».
Séquence 4 – FR01 51
52 Séquence 4 – FR01
60. Jean Lacouture, De Gaulle T. 2 Le politique. © Éditions du Seuil, 1990, Coll. « Points Histoire » 1990.
Séquence 4 – FR01 53
B Le traitement du temps
et le rythme du récit
Pour réfléchir
Repérez dans le tableau n°1 (en annexe) les événements dont la place
dans tel ou tel chapitre écarte leur récit du respect de l’ordre chronologi-
que et essayez d’analyser les motifs de ces déplacements.
Observez, dans un chapitre de votre choix, l’alternance des scènes* et
des sommaires*.
Étudiez les débuts et fins de chapitres : quelles différences de rythme
observez-vous ?
Mise au point
54 Séquence 4 – FR01
61. « Tandis que ces difficultés se dressaient, puis s’aplanissaient, à la manière d’une diversion, une crise majeure
éclatait au Levant » (p. 221).
Séquence 4 – FR01 55
56 Séquence 4 – FR01
62. Nous reprenons ici les titres des deux premiers chapitres de L’Appel.
63. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, « L’Appel », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard,
Paris, 2008, p.46.
Séquence 4 – FR01 57
58 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 59
60 Séquence 4 – FR01
65. Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, « Le Renouveau », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Galli-
mard, Paris, 2008, p.892.
66. Ibid., p. 894.
Séquence 4 – FR01 61
« Vouloir participer à l’Histoire est tout de même vouloir appartenir à des hom-
mes, à des nations, à des moments privilégiés, dans un domaine qui n’est pas
seulement celui du réel, et qu’il faut bien appeler, tant bien que mal, celui du
légendaire »67 : on ne peut manquer de penser au général de Gaulle en lisant
ces quelques mots de Malraux. Le légendaire, c’est à la fois le mythe et, étymo-
logiquement, ce qui doit être dit des hauts faits de l’histoire : comment cette
catégorie s’articule-t-elle avec la vérité attendue des Mémoires ? Comment le
mémorialiste présente-t-il les événements, et en particulier avec quelle vérité,
alors que son action fut déterminante dans le passé, et qu’elle est toujours au
cœur des champs politique et historique au moment de la parution de l’œu-
vre ? Comment le « grand homme » devient-il le sujet de l’énonciation ? Et y
a-t-il une place dans ces Mémoires pour la personne privée ?
Pour réfléchir
67. Cité par Jean-Louis Jeannelle, Malraux, mémoire et métamorphose, Gallimard, Paris, 2006, p. 256.
62 Séquence 4 – FR01
Document 7
Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, « Le Renouveau » (1970).
Le Général analyse l’effet de son retour au pouvoir en mai 1958.
« Puisque, à la barre du navire de l’État, il y a maintenant le capitaine,
chacun sent que les durs problèmes, toujours posés, jamais résolus, aux-
quels est confrontée la nation, pourront être à la fin tranchés. Même, le
caractère un peu mythique dont on décore mon personnage contribue à
répandre l’idée que des obstacles pour tous infranchissables, vont s’apla-
nir devant moi. Et me voici, engagé comme naguère par ce contrat que la
France du passé, du présent et de l’avenir m’a imposé, il y a dix-huit ans,
pour échapper au désastre. Me voici, toujours contraint par l’exceptionnel
crédit que me fait le peuple français. Me voici, obligé autant que jamais
d’être ce de Gaulle à qui tout ce qui arrive au-dedans et au-dehors est
personnellement imputé, dont chaque mot et chaque geste, même quand
on les lui prête à tort, deviennent partout des sujets de discussion dans
tous les sens et qui, nulle part, ne peut paraître qu’au milieu d’ardentes
clameurs. Éminente dignité du chef, lourde chaîne du serviteur ! 69»
Mise au point
Séquence 4 – FR01 63
64 Séquence 4 – FR01
2. « Je suis la France »
Il y a du vrai et du faux dans ce propos apocryphe. Du faux, parce que le
Général n’a jamais prononcé véritablement cette phrase. Tout au plus
Malraux rapporte-t-il :
« Tout a commencé lorsqu’il a cessé de penser à Weygand, à Noguès
et aux autres (à supposer que…), lorsqu’il a répondu à René Cassin
qui lui demandait à Londres : « En tant que juriste, dois-je considé-
rer que nous sommes une Légion étrangère, ou l’armée française ?
– Nous sommes la France. »74»
Séquence 4 – FR01 65
66 Séquence 4 – FR01
79. Charles de Gaulle, Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, Paris, 2008, p.XIX.
Séquence 4 – FR01 67
68 Séquence 4 – FR01
Prolongement
Document 8
Malraux imagine dans cette œuvre un dialogue, lors d’un après-midi d’hi-
ver à Colombey, en 1969, entre Charles de Gaulle et lui. L’ex-ministre de la
Culture du Général s’interroge ici sur les sources de cette mythification.
« Ce que signifiait le général de Gaulle pour les Français qui le suivaient
était clair ? Soit ; un des hommes sans lesquels la France serait diffé-
rente de ce qu’elle est. Mais pour tous les autres ? Pour le tiers monde, il
a incarné l’indépendance, et pas seulement la nôtre ; il a rétabli la France
81. «... l’apparition du général de Gaulle (...) soulevait une vague d’adhésion populaire qui donnait aux problèmes
l’apparence d’être simplifiés. Sans doute l’étaient-ils, en effet, dès lors qu’ils en avaient l’air ». (p.20)
82. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, « L’Appel », in Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard,
Paris, 2008, p.123.
Séquence 4 – FR01 69
70 Séquence 4 – FR01
Pour réfléchir
Mise au point
Séquence 4 – FR01 71
72 Séquence 4 – FR01
Mise au point
Séquence 4 – FR01 73
87. Extrait d’un rapport du 27e bureau d’Alger sur les troubles de 1945, cité par Jean Lacouture, De Gaulle T. 2 Le
politique. © Éditions du Seuil, 1990, Coll. « Points Histoire » 1990.
74 Séquence 4 – FR01
3. Le recul serein
Les relations entre de Gaulle et Churchill sont loin d’avoir été toujours
sereines, mais le premier ministre anglais a droit à un superbe hom-
mage, dans le chapitre « Discordances », alors que Churchill vient d’être
« écarté du pouvoir par les électeurs anglais » (p. 243). Le mémorialiste
commence par un bilan de leurs relations, qui met en avant la manière
dont Churchill conçoit la politique en fonction de l’intérêt :
« … il m’avait soutenu aussi longtemps qu’il me prenait pour le chef d’une
fraction française qui lui était favorable et dont il pourrait se servir» (p.
244).
Mais l’homme reste un « grand politique », et même un « exception-
nel artiste » de l’Histoire. À partir de là, le mémorialiste peut tisser un
extraordinaire parallèle qui lui permet de rappeler son propre sens de la
démocratie :
« … si différentes que fussent les conditions dans lesquelles Chur-
chill et de Gaulle avaient eu à accomplir leur œuvre, si vives qu’aient
été leurs querelles, ils n’en avaient pas moins, pendant plus de cinq
années, navigué côte à côte, en se guidant d’après les mêmes étoi-
les, sur la mer démontée de l’Histoire. La nef que conduisait Chur-
chill était maintenant amarrée. Celle dont je tenais la barre arrivait
en vue du port. Apprenant que l’Angleterre invitait à quitter son bord
le capitaine qu’elle avait appelé quand se déchaînait la tempête, je
prévoyais le moment où je quitterais le gouvernail de la France, mais
de moi-même, comme je l’avais pris. » (p. 245)
Ce recul serein lui permet de rendre hommage à Maurice Thorez, « secré-
taire général du « parti » (p. 123), les guillemets rappelant nettement le
séparatisme dont de Gaulle accuse les communistes. L’éloge du chef
communiste révèle le critère de jugement privilégié par de Gaulle : le
service de la France :
« …Thorez, tout en s’efforçant d’avancer les affaires du communisme,
(…) va rendre, en plusieurs occasions, service à l’intérêt public. (…)
Est-ce simplement par tactique politique ? Je n’ai pas à le démêler. Il
me suffit que la France soit servie » (p. 124).
Le recul serein n’est pas seulement dicté par le souci de l’équité, il vise
aussi des objectifs politiques de réconciliation nationale. Ainsi, le por-
trait de Pétain tourne presque au plaidoyer :
Séquence 4 – FR01 75
76 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 77
89. Jean Lacouture, De Gaulle T. 2 Le politique. © Éditions du Seuil, 1990, Coll. « Points Histoire » 1990.
78 Séquence 4 – FR01
Pour réfléchir
Mise au point
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80 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 81
82 Séquence 4 – FR01
Séquence 4 – FR01 83
84 Séquence 4 – FR01
90. Oradour-sur-Glane fut le théâtre, en juin 1944, du plus grand massacre de civils perpétré par les armées alle-
mandes sur le territoire français. En 1953, au moment du procès de ceux qui avaient participé à ce massacre
et qui avait soulevé une vague de protestation et de colère en Alsace, le Général avait pris position pour les
condamnés, si bien que René Coty, alors président du Conseil, avait demandé à l’Assemblée nationale de
voter une loi d’amnistie.
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Séquence 4 – FR01 87
B Vision de l’histoire
et projet politique
Pour réfléchir
Mise au point
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91. La présence des sorcières renvoie au personnage de la pièce éponyme de Shakespeare, auquel les sorcières
prédisent une destinée royale bien que lui ne devienne pas roi. Elles symbolisent les forces du mal.
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Pour réfléchir
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92. La tragédie apparaît au Ve av. J.C. en Grèce. Les gouverneurs d’Athènes organisaient des concours de tragé-
dies : cet art permettait à la cité de réfléchir à ses organes politiques et judiciaires.
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93. Dans la Grèce antique, le pharmakos renvoie à un rite de purification : pour libérer la cité d’un mal, une personne
était choisie, conduite en dehors et sacrifiée. Œdipe, chassé de Thèbes, dans Œdipe roii de Sophocle, opère ainsi
l’identification entre le roi et le bouc émissaire.
94. André Malraux, op. cit. page 25 (note 37).
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95. Introduction, par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, in Charles de Gaulle, Mémoires, Bibliothèque de la Pléiade, NRF,
Gallimard, Paris, 2008, p. XXVI.
© akg-images.
Mise au point
96. Malraux fait dire à Charles de Gaulle : « Je crois que la France sait que moi, je n’ai pas résisté à une politique au
nom d’une autre, ni, ce qui est plus sérieux, à une civilisation enragée, au nom de notre civilisation. Ni même
au nom de la chrétienté. J’ai été la Résistance de la France. On ne pourra pas oublier que j’ai accueilli tout le
monde. Sinon, j’aurais été le chef d’un parti en exil ». Op. cit. page 25 (note 37).
A Le rôle de l’écrivain
Pour réfléchir
Mise au point
2. « Écrire bien »
Connaissance des hommes, responsabilité, service de la France sont
aussi, nous l’avons vu, les qualités du diplomate et de l’homme d’État.
Reste au général de Gaulle à « exprimer l’homme », et à le faire avec le
talent d’un véritable écrivain : « écri(re) bien ». Sans doute les Mémoi-
res de guerre y sont-ils destinés, au moins pour ce qui concerne la part
de l’homme qui est la plus familière à de Gaulle, et pourtant la plus
éloignée du commun des hommes : être un grand homme, agir sur le
cours de l’Histoire, et décider par là, en toute responsabilité, du sort de
ses semblables. À la parution des deux premiers tomes, tout le monde
avait reconnu la qualité du style des Mémoires de guerre, sans voir ce
qu’ils étaient véritablement : une continuation de l’action politique
par d’autres moyens. Le contexte dans lequel paraît Le Salutt change la
donne. L’explication de l’action de de Gaulle y devient le gage de sa sin-
cérité lors de son retour au pouvoir en 1958. Celui que certains accusent
de vouloir établir un régime autoritaire va ainsi rappeler comment il a su
quitter, une première fois, le pouvoir et laisser s’accomplir la destinée
de la France. Qu’entend-il en outre par « écrire bien » ? La simplicité et le
vague de la formule font entendre l’application, le souci du travail bien
fait. On y devine aussi le souvenir des heures passées sur les brouillons
des Mémoires à trouver le rythme propre, l’image adéquate, la cadence
appropriée. Appropriée à quoi, sinon à l’objet de tous les soins de de
Gaulle : la grandeur de la France ?
À plusieurs reprises dans ses Mémoires, et encore dans Le Salut, le Géné-
ral veut faire réapparaître la France « sous l’armure, l’épée à la main »
Pour réfléchir
Mise au point
1. Retenue et lyrisme
Claude Mauriac a vu dans Charles de Gaulle, dont il avait été le secrétaire,
« un de ces grands écrivains latins de langue française »99. Sans doute
voulait-il rappeler la solide culture classique du Général, mais la formule
99. Dans Libération, 3 novembre 1954, cité par Marius-François Guyard, in Charles de Gaulle, Mémoires, Bibliothè-
que de la Pléiade, NRF, Gallimard, Paris, 2008, p. LXVII.
100. Jean-Louis Jeannelle, Malraux, mémoire et métamorphose, Gallimard, Paris, 2006, p.323.
101. La rhétorique est une conception de la composition du discours, elle classe les différentes opérations néces-
saires à la création du discours :
1. l’invention (en latin : inventio)
o consiste à trouver quoi dire : thème, thèse et arguments;
o c’est organiser ce qu’on a trouvé, composer le plan du discours ;
2. la disposition (dispositio),
3. l’élocution (elocutio)o concerne le style du discours, c’est-à-dire le choix des mots et des figures qui seront les
plus efficaces ;
4. l’action ((actio et prononciatio) utilise gestes et voix pour reproduire le discours ;
5. la mémoire ((memoria a) est employée pour restituer devant l’auditoire le discours enfin composé.
Prolongement
Pour approfondir la question du style de de Gaulle, rendez-vous sur le
site www.charles-de-gaulle.org/,/ et consultez l’article Le style du géné-
ral de Gaulle de Francis Quesnoy. Pour ce faire, tapez « Quesnoy » dans
la barre de recherche sur la page d’accueil du site.
Pour réfléchir
Mise au point
2. L’éloge de l’anti-histoire ?
Chateaubriand ouvrait ses Mémoires d’outre-tombe sur une évocation
du domaine de la Vallée aux Loups et de ses arbres, nouvelle « char-
treuse » où se retirer loin de Napoléon Ier :
La Vallée-aux-Loups, près d’Aulnay,ce 4 octobre 1811.
Il y a quatre ans qu’à mon retour de la Terre-Sainte j’achetai près du
hameau d’Aulnay, dans le voisinage de Sceaux et de Chatenay, une mai-
son de jardinier cachée parmi des collines couvertes de bois. Le terrain
inégal et sablonneux dépendant de cette maison, n’était qu’un verger
sauvage au bout duquel se trouvait une ravine et un taillis de châtai-
En même temps, il savait bien qu’il était encore jeune, et qu’il pouvait
encore œuvrer pour l’Histoire. La nature jouait dès lors contre l’Histoire,
ou tout du moins offrait à l’homme une autre conception du temps : celle
du renouvellement des saisons, celle de la croissance des arbres qui
redonne à l’homme la conscience ambiguë de la brièveté de son pas-
sage sur cette terre, et des œuvres pérennes qui peuvent prolonger son
souvenir. C’était privilégier une histoire cyclique, mesurée à l’aune de
la nature, contre une histoire linéaire, faite de soubresauts et d’événe-
ments parfois incompréhensibles.
En conclusion de ses Mémoires de guerre, Charles de Gaulle, en décri-
vant le paysage qui s’étend devant la fenêtre de son bureau d’écrivain,
va plus loin. Avoir participé à l’Histoire nécessite de s’en retirer ensuite –
moins parce qu’on en a été chassé que parce que la grandeur de cette
action ne doit pas s’amoindrir dans la trivialité du monde :
« Dans le tumulte des hommes et des événements, la solitude était
ma tentation. Maintenant, elle est mon amie. De quelle autre se
contenter quand on a rencontré l’Histoire ? » (p. 343) ?
L’éloge de la retraite est visible dans la répétition, au début des deux
premiers paragraphes, du thème de la demeure : « C’est ma demeure »,
« Le silence emplit ma maison » (p. 343). Ainsi retranchée dans la « soli-
tude », elle devient « ermitage » où les bruits du monde n’arrivent plus
qu’étouffés, mais en même temps épurés et spiritualisés :
« Sans doute, les lettres, la radio, les journaux, font-ils entrer dans
l’ermitage les nouvelles de notre monde. Au cours de brefs passages
à Paris, je reçois des visiteurs dont les propos me révèlent quel est le
cheminement des âmes. » (p. 344).
Aux tribulations de l’Histoire succèdent le calme de la vie familiale, la
condition humaine, que le mémorialiste rappelle soudain, avec sa sim-
plicité – « les fleurs plantées par ma femme » (p. 344), et ses tragédies –
la mort de sa fille Anne.
De même que l’on sentait chez Chateaubriand une forme de défi à vou-
loir s’occuper avec tant de soin de ses arbres et de ses Mémoires, l’ennui
de Charles de Gaulle dans cette retraite est aussi nettement perceptible.
La description du paysage, comme sous la plume d’un écrivain romanti-
que, reflète la mélancolie du regard porté sur lui : dans ce « calme » de
la Champagne, les « horizons » sont « tristes », les « friches » « mélanco-
3. La « leçon » : l’espoir
Le dernier mot de ces Mémoires n’est autre que le mot « espérance »,
à la connotation plus religieuse et mystique que le mot « espoir ». Les
parallélismes et anaphores de la fin du passage, qui établissent des
analogies entre la Nature, vouée à une éternelle renaissance, la Terre et
la France, prennent alors tout leur sens : ils indiquent une autre dimen-
sion de l’Histoire, susceptible de permettre au « vieil homme » de garder
l’énergie nécessaire à son retourr : « jamais las de guetter dans l’ombre
la lueur de l’espérance ». C’est la leçon que retire de Gaulle, parce qu’il
vient de réinscrire l’Histoire des événements récents dans ce temps de la
nature qui la relativise tout en la sublimant, rappelant à la mémoire des
hommes la pérennité des renaissances et des renouvellements : « la vie,
depuis qu’elle parut sur terre, livre un combat qu’elle n’a jamais perdu »
(p. 344). Et c’est cette relativisation même de l’action historique des
hommes qui promet la postérité :
« Puisque tout recommence toujours, ce que j’ai fait sera, tôt ou tard,
une source d’ardeurs nouvelles après que j’aurai disparu. » (p. 344)
En outre, en ranimant le souvenir de cette histoire de la nature, en
concluant ses Mémoires d’intonations et de figures qui rappellent les
grands poètes antiques et le lyrisme des écrivains romantiques, Charles
104. Pierre Nora, « Gaullistes et communistes », in Les Lieux de mémoire, © Édition GALLIMARD.