Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
DU MÊME AUTEUR
aux ÉDITIONS SAL \TA TOR, MULHOUSE:
DEUXIÈME PARTIE :
Dieu - La Providence.
Jésus-Christ - Le Fils de Dieu -
LE DIV!N MAITRE
Le Divin Maître.
TROISIÈME PARTIE : Les Souffrances du Christ - La
Passion de Jésus . SERMONS
QUATRIÈME PARTIE: La Résurrection - L'Ascension - La prononcés dans ;'église de IIUnivel"sité de Budapest
Vierge Marie.
CINQUIÈME PARTIE: Le Saint-Esprit - La Sainte Église par S. Exc. Mgl" l1HAMER TOTI-!
Catholique. Évêque de Veszprém
MES FHÈRES,
IMPRIMAI'UR
Un écrivain polonais contemporain d'une réputation
européenne (Ossendowski) se plaît à disséquer dans ses
Tornaci, II jlllii I936,
récits de voyage l'âme mystique des Orientaux. Dans
un de ses livres intitulé: « L'âme du Sahara », il trace
J. LECOUV8T, vic. gén
les impressions qu'il éprouva au cours d'un voyage en
Algérie et en Tunisie ..
Parmi les nombreux épisodes de l'ouvrage, il s'en
rencontre un infiniment triste et accablant. L'auteur
raconte la rencontre en Mrique d'un Français avec une
. i :,
prêtresse païenne qui avait déjà entendu parler de
Notre-Seigneur Jésus-Christ et même croyait en Lui.
Dans sa langue maternelle elle appelait le Christ Aissa.
« Aissa n'était pas seulement un prophète, mais aussi
un Dieu, dit la prêtresse païenne à ce Français. Celui
qüi est seulement un homme ne peut pas s'o~~lier tota··
lement _ lui-même par amour des autres - hommes.
Dieu seul en est capable. Aissa l'a fait, il est donc certain
qu'Il est Dieu et un Dieu de bonté » •
.
.
6 LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST DE TOUJOURS 7
A ,ce moment l'Européen sceptique prend la parole: devant le,s yeux en nie proposant de prêcher sur
« N'y a-t-il pas eu aussi d'autres homme;) qui ont Notre-Seigneur Jésus-Christ pendant deux ans. Car
sacrifié leur vie ou leurs biens pour le bonheur des vous, mes frères, qui m'écoutez ici si assidûment et
autres? » - avec une si bienveillante attention, vous, qui vous êtes,
« Mais oui, répond la païenne. Mais ces derniers ont pour un certain nombre, imposé une heure oUr' une
eu clans l'existence des joies et des bonheurs, ils avaient demi-heure de tramway pour venir entendre ces prédi-
un foyer et une famille, ils étaient honorés et consi- catlons, vou~, n'appartenez pas à ce genre d'hommes
dérés... Aissa était tout seul... il faut qu'Il soit à.Ia foi figée, comme ce Français. Vous croyez au Christ
Dieu. » et vous aimez le Christ. Et cependant je voudrais que
Et la prêtresse païenne demanda au chrétien français vous aussi vous 'appreniez beaucoup de choses de ces
de lui parler en détail du Christ. instructions. Il ne doit pas vous être indifférent d'en-
« Apprends-moi comment 'il faut prier Aissa », tendre toujours davantage parler de Notre-Seigneur
implora la païenne. Jésus-Christ. Quel profit spirituel j'attends de ce
Et cet Européen chrétien fut obligé d'avouer : nouveau cycle de prédication qui aura pour titre :
« Je ne peux pas satisfaire à ta demande, car moi-même « Jésus-Christ JJ, c'est-à-dire pourquoi je veux consacrer
je n'en sais rien ». ' à ce sujet deux années de prédication? la réponse à.
N'est-ce pas là, mes frères, une chose infiniment cette question sera fournie par mon sermon d'aujour-
triste et désolante? Une prêtresse païenne supplie de d'hui qui servira d'introduction à toute la série. N'est-il
\ toute' son âme un chrétien européen de lui parler du pas en effet plus facile de suivre avec intérêt quelque
Christ et celui-ci est obligé d'avouer: Je ne peux pas chose, dès que l'on sait et que l'on connaît l'utilité et
t'en parler, car moi-même je ne connais pas le Christ. les résultats que l'on peut en attendre. 1
Ce fait ne serait pas si affligeant, si cette ignorance QueUe importance y a-t-il donc à ce que nous parlions
n'était qu'un cas exceptionnel. Mais malheureusement avec tant de détails de Notre-Seigneur Jésus-Christ?
on est de jour en jour obligé de constater que vit parmi C'est pour que nous croyions mieux en Lui et que nous
nous une foule d'hommes qui se nomment chrétiens, Le suivions mieux. Donc c'est chose importante l pour
en latin « christianus JJ c'est-à-dire du Christ, mais ne notre foi II pour notre 'oie.
savent que peu de choses du Christ, ne Le connaissent
et ne L'aiment que fort peu eJ; surtout ne vivent que bien I
peu selon Sa volonté. Cette nouvelle série de sermons
que je commence aujourd'hui et qui sera consacrée à POUR NOTRE FOI
expliquer la partie du Credo relative à Notre- ~igneur
Jésus-Christ a pour but de mettre fin à cette ign~rance. 1) Pourquoi ai-je l'intention de prêcher si longue-
Sans doute ce n'est pas le but principal que j'ai ment sur Notre-Seigneur Jésus-Christ? Avant tout
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST DE TOUJOURS 9
parce que la foi au Christ est le dogme fondamental, une Aujourd'hui nous vivons dans un monde où les
des bases du christianisme. L'autre base est la foi en bacilles fourmillent par millions non seulement dans
Dieu;..., C'est sur ces ' deux colonnes que_.,repose toute les rues poussiéreuses, mais aussi dans l'atmosphère
notr~ religion et comme ces deux colonnes sont iné- de la vie spirituelle. L'atmosphère de la vie moderne
branlables : la foi en Dieu et la foi au Christ, le Fils de des grandes villes est infectée par les détritus, la boue
Dieu, notre conviction religieuse est aussi solide. En et la fumée d' ess~nce; les sophismes philosophiques
effet chaque manifestation de la vie religieuse: la prière, disséminés dans le monde, la boue des tendances anti-
la fréquentation de l'église, la réception des sacrements, religieuses et les gaz empoisonnés des ouvrages anti-
l'observatîon des commandements, la vie réglée et chrétiens déversent à flots les bacilles infectieux dans
bienfaisante ... tout cela repose sur ces deux colonnes. l'atmosphère intellectuelle de la vie moderne. Toute
Est-ce que je crois en Dieu, est-ce que je crois en la vie actuelle, nos relations, nos lectures, nos distrac-
Jésus-Christ? tions sont infectées de bacilles qui s'attaquent à la
Que le Christ soit le Fils de Dieu, c'est le pivot de personne ou à la doctrine du Christ, à la foi au Christ
tout le christianisme. Que le Christ soit le Fils de Dieu, et à la morale chrétienne. Or, nous ne pouvons pas les
c'est la clé de toutes nos autres croyances: à la Sainte éviter, nous les chrétiens qui r,espirons l'air vicié
Trinité, à la sainte Vierge, à l'Église 'e t aux fins dér- actuel; chacun de nous est obligé d'entrer en lutte
nières. Que le Christ soit le Fils de Dieu, c'est la base avec eux.
des sept sacrements. En effet qu'est-ce que les sacre- Il est notoire que tous nous absorbons pour ainsi
ments? Les canaux de la grâce du Christ vivant con- dire journellement une quantité de bacilles de la tuber-
stamment au milieu dé nous. culose, mais l'homme en bonne santé ne s'en aperçoit
Au centre de tous nos dogmes se trouve Notre-Sei~ pas du tout, parce que, sans y prendre même garde, sa
gneur Jésus-Christ. C'est pourquoi nous appelons la force de constitution détruit cet ennemi perfide. Eh
conception chrétienne du monde conception christo- bien! je veux vous parler beaucoup du Christ, à vous
, centrique et celui qui ne croit pas au Christ, le Fils de mes chers et . fidèles auditeurs qui croyez avec amour
Dieu, ne peut pas être chrétien. au Christ, afin que, si la foule des tentations contre
2) « Mais nous sommes chrétiens ! », répondrez- la foi et les mœurs qui infectent les âmes se jette sur
vous peut-être. « :Ëtre chrétien » sign ifie suivre le Christ, vous, l'accroissement de votre foi et de votre amour
être un homme qui croit au Christ. Quel besoin avons- pour le Christ sache briser victorieusement leurs
nous donc d'expliquer, de prouver la divinité du Christ attaques. ,
et d'exposer en détail la volonté du Christ? Celui qui . 3) Et je veux encore vous parler beaucoup de
est chrétien croit sansr~ela inébranlablement au Christ. Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin que· nous apprenions
C'est vrai ou plutôt cela a été vrai jadis: celui qui' à Le connaître de très près et qite nous L'aimions encore
s'affirmait chrétien croyart inébranlablement au Christ. davantage.
la LE SYMBOLE DES APôTRES LE CHRIST DE TOUJOURS II
« Oh! j'ai lu assez de choses à Son sujet, » . .. Notre- Seigneur Jésus-Christ? C'est pOUT pouvoir
penseront peut-être plusieurs d'entre vous. encore mieux connaître le Père.
Non, vous n'en avez pas lu suffisamment. Bientôt Comment cela? N'ai-je pas terminé tout récemment
vous allez voir que l'homme d'aujourd'hui, même la longue série de prédications oil je n'ai parlé que du
chrétien, sait bien peu de choses du Christ. Évidemment Père du ciel. Et voici que j'affirme que nous ne ,con-
vous n'ignorez pas qu'Il est né~ à Bethléem et qu'Il est naissons pas encore Dieu suffisamment?
mort sur le Calvaire, nous le savons bien. Mais comme Certainement je l'affirme. Que de problèmes, que de
il y en a peu pour .descendre dans les profondeurs des mystères, que de questIOns restent enco're toujours
enseignements de N btre- Seigneur Jésus- Christ! Vous sur la face bénie du Père céleste 1 Personne ne peut
allez voir bientôt les sommets éblouissants et jusqu'ici connaître Dieu parfaitement pendant cette vie, mais
inexplorés de sa doctrine, les sources vivifiantes et le Christ est la photographie du Père, « le rayonnement
réchauffantes qui jaillissent de son Cœur, les traits de sa gloire et l'empreinte de son essence » (Hébreux
nouveaux qui sourient sur son visage et la force victo- l, 3). Il a dit de Lui-même: « Celui qui me voit, voit
rieuse qui de ses yeux rayonne sur notre âme ... aussi le Père » (St Jean XIV, 9). Donc mieux nous
Apprendre à connaître de plus en plus le Christ, connaissons le Christ, mieux ' nous connaissons aussi
cela veut dire que nous aimerons de plus en plus le le Père.
Christ. Nous entendons parler et nous parlons beaucoup Voilà, mes frères, quelle serait la première réponse
de Dieu; croyons-nous que nous Le connaissons parfai·· à la question posée au début du sermon : Quelle
tement? Cependant je pense que dans l'âme de ceux importance y a-t-il à dire tant de choses sur le Christ?
qui ont suivi jusqu'au bout ma série de sermons sur C'est en premier lieu à cause de notre foi.
Dieu l'image divine brille maintenant avec beaucoup Mais cette importance existe encore à cause de notre
\ plus de netteté et d'ardeur. Vle.
Je voudrais qu'il en soit de même pour le sujet que
j'entreprends aujourd'hui: « Je crois en Jésus-Christ )). II
Je voudrais qm;, lorsqu'e nous serons arrivés à la fin
- dans deux ans - nous puissions dire: « Ah! main- POUR NOTRE VIE
tenant je sais ce que c'est que d'être chrétien. Ce n'est
pas un habit de cérémonie que j'ai hérité de mes ancêtres.
Ce n'est pas -une tradition dans laquelle je suis né. 1) Nous lisons dans l'évangile de saint Jean que, lors
Mais j'embrasse le Christ" de toute l'ardeur de mon du voyage de Notre-Seigneur à Jérusalem pour la fête
âme et je Le remercie mille fois d'être moi aussi son de Pâques, dans la foule des pèlerins se trouvaient aussi
enfant, de pouvoir être aussi un chrétien ». deux païens qui cherchaient Dieu. Ceux-ci s'adres-
" \
4) Et pourquoi est-ce que je veux encore parler de sèrent à l'apôtre Philippe avec cette prière: « Seigneur,
I2 LE SYMBOLE DES APôTRES LE CHRIST DE TOUJOURS 13
nous voulons voir Jésus ». Philippe se consulta d'abord mûr? Que savons-nous de Lui? Et que j)ensons-nous, de
avec André, ensuite ils présentèrent tous deux 'la Lui? Comment Le connaissons-nous? Et comment L 'aimons-
requête à Notre-Seigneur. nous? A vr~i dire, ces deux questions n'ont qu'une seule
Nous,.,voudrions voir Jésus. Il semble qu'aujourd'hui signification : plus je connaîtrai le Christ, plus je
encore on entend pareil souhait parmi l'humanité. Que L'aimerai et Le suivrai.
de tentatives nous avons déjà faites, que de nouveaux Mais comme ils Le connaissent peu, même ceux qui
chemins nous avons suivis pour trouver une vie plus se comptent parmi ses disciples! Combien entendront
paisible; plus heureuse : tout a été inutile. Laissés à des choses nouvelles, s'ils suivent avec attention mes
nous-mêmes, nous désespérions. Nous voulions voir' prédications 1 Peut-être s'apercevront-ils d'un vide
Jésus. béant entre le Christ et leur propre vie.
Je voudrais dans mes sermons vous montrer Jésus. Pendant bien des dimanches je vais vous parler de
Le montrer ... de telle manière que celui qui L'aura Notre-Seigneur Jésus .. Christ.
vu ne puisse jamais plus se séparer de Lui. Le Christ! Quel mot réconfortant pour l' homme qui
Ah! combien ont ' vu Jésus pendant sa vie terrestre souffre! Et quel est celui qui n'a pas encore souffert?
et L'ont vu depuis; mais seulement superficiellement, Quel est celui qui n'a pas encore éprouvé le grand
seulement en passant. Ils L'ont vu, mais ne L'ont pas tragique de la vie :, être homme veut dire souffrir?
trouvé. Quel est celui qui, dans la nuit descendue sur son âme,
Judas aussi vit Jésus, pendant trois ans il fut chaque n'a pas tendu les mains vers le Christ qui a été vainqueur
jour avec Lui et pourtant il 'Le trahit. Les princes des même dans la mort?
prêtres et les scribes virent Jésus et leurs yeux s'obscur- Le Chrzst! Quel mot vivifiant pour le Pécheur? Et
cissaient de haine, quand ils L'apercevaient. Pilate Le quel est celui qui n'a jamais été victime' de la nature
vit et L'entendit, pourtant il Le livra lâchement aux humaine portée au mal? Quel est celui qui n'a jamais
valets du bourreau. Le peuple Le vit; le dimanch'e des été forcé de verser des larmes dans la nuit sombre du
Rameaux, il criait hosanna; le Vendredi·· Saint il péché? Seigneu~, ayez pitié de moi, pauvre pécheur!
réclamait sa mort. Le Christ! Quel mot consolateur pour l' homme mourant!
Tous ces hommes ont vu Jésus, mais ils ne L'ont Quel est celui qui pourrait fuir devant l'heure dernière?
pas trouvé. , Quel est celui pour qui il n'y aurait pas adoucissement
2) Nous aussi nous avons tous vu J ésus, mais L'avons- et réconfort, quand il peut baiser de ses lèvres exsangues
nous tous trouvé? A peine avons-nous ouvert la bouche le Christ attaché à la croix?
dans notre petite enfance que le premier mot que nous Le Christ! La note dominante de toute la vie chrétienne!
avons appris a été le nom de Jésus .... A l'école, elle résonne dans nos joies, elle gémit dans nos peines,
pendant des années, on nous a parlé de Jésus .... et il retèntit comme une cloche au son majestueux, ce
]1;1ais qu'est Jésus jJour nous aujourd'hui, dans notre âge ' nom béni à travers ies siècles de l'histoire du monde.
'11
(
1.
'ï '1
1
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST DE TOUJOURS 17
dans le monde, que la science n'arrivera jamais à la rieuse lança dans l'éther ses ondes parasites pour empê-
perfection, que le m31, la maladie et la mort ne dispa- cher la voix du Vicaire du Christ. Nous savons tous
raîtront jamais, qu'une paix éternelle n'existera jamais quel est celui qui voulàit troubler les paroles du Pape.
sur la terre, que la nature humaine portée au mal corn·· . Dans un journal de Vienne parut d'ailleurs une gravure
mettra toujours de nouveau les mêmes fautes et les représentant le globe terrestre sur lequel étaient indiquées
mêmes péchés, que des crises économiques et politiques les stations radio-électriques de Moscou et du Vatican
se ' produiront toujours.... Oui, tout cela, le chrétien et au-dessous se trouvait cette question : « Quel est le
ne le sait que trop... et pourtant, malgré tout cela, plus fort? »
il croit que le progrès de l'humanité, continue; non En vérité, c'est la question la plus brûlante de notre
seulement il le croit, mais de toutes ses forces il travaille époque: quel est le plus fort? Le Christ ou ses ennemis?
à instaurer de plus en plus le règne de Dieu dans le La foi ou l'athéisme? De quel côté se porte l'homme
monde et à pénétrer les âmes de la doctrine du Christ: moderne ? Vers la civilisation chrétienne ou vers le
c'est la première condition pour un véritable progrès. nouveau vandalisme?
Mes frères, quel sera dans cent ans l'aspect du monde, Tout navire, n'est-ce pas, est fier de son pavillon.
nous ne le savons pas; nous ne le savons pas, mais nous Quand une fête a lieu sur un navire, on hisse le pavillon;
voulons travailler. A nàus le travail, à Dieu de lui donner quand des vaisseaux se rencontrent en haute mer, ils se
la couronne du succès . reconnaissent à leur pavillon et quand les grosses pièces
. Voilà l'état d'âme du chrétién moderne, ce sera aussi de marine font entendre leur tomierre, le pavillon est
le noble but de ma nouvelle série' de sermons. hissé en haut du mât : reconnaître franchement ses
couleurs est une affaire d'honneur, le monde entier
doit voir qui je 'suis, à quel parti j'appartiens.
« Naître chrétien est incontestablement un grand
'*' * :\1:
bonheur et un don magnifique du ciel », écrit le comte
Étienne Széchenyi (Confessions p. 592). Est-ce que
Mes frères, il n'y a certainement jan1ais eu autant de flotte ouvertement sur le vaisseau de notre vie le pavillon
mondé à la radio que le 12 février 1931 à deux heures de la foi : de notre foi chrétienne et de notre
de l'après-midi, lorsque le Pape Pie XI se fit entendre vie chrétienne?
pour la première fois devant le microphone de la station Seigneur Jésus, de qui je veux maintenant tant parler,
du Vatican pour ~dresser au mondé entier, au vrai sens hénissez mes faibles paroles, afin que tous ceux qui les
du mot, les paroles éternelles de Notre-Seigneur Jésus- entendront, fortifiés dans la foi et dans l'amour, prennent
Christ. « Laudetur Jesus Christus! » - « Loué soit place ouvertement et courageusement dans la troupe
Jésus-Christ» telle fut la première phrase sortie du poste bienheureuse de ceux qui Vous suivent 1 Amen.
du Vatican. Mais au même moment une station mysté- /
-1l,
,
COMMENT DEVONS- NOUS ,REGARDER LE CHRIST? 19
tirer au clair une queqtion préalable. Je veux pendant 1. Tous regardent le Christ, mais sat1s Le voir; ils ne Le
deux ans parler du Christ, mais est-il encore actuel de voient pas, parce qu'ils ne regardent pas avec une âme
parler de Lui? droitè et sage. .
Il y en a qui répondraient avec étonnement à cette II. Avec quels yeux nous devons regarder le Christ,
question par une nouvelle question. : Comment peut-on voilà ce que je voudrais apprendre à mon cher auditoiiie '
poser pareille question? Le Christ est-il enCOFe d'actua- dans le sermon de ce jour. '
lité? Promenez-vous seulement la semaine avant Noël
dans la forêt de sapins qui se dresse sur le bord du 1
Uanube : pour Noël 1930, 4°°.000 arbres de Noël ont
été apportés au.marché de Budapest. Interrogez les mar-
Tous REGARDENT LE CHRIST, MAIS NE LE vOIfrN T PAS
chands qui comptent sur la semaine de Noël · pour
remédier au marasme des affaires de toute l'année.
1) Dans' la nuit silencieuse, les blancs flocons de
Noël est-il d'actualité? Regardez donc l'agitation des neige tombent sans bruit. La terre repose sous une
:20 LE SYMBOLE DES APÔTRES COMMENT DEVONS-N OUS REGARDER LE CHRIST? 21
pâle et étrange lumière. Minuit approche.... Les Pourquoi ne pourrait-elle pas être vraie ? Pourquo~ la
autres nuits tout dort déjà à ce moment, mais aujour;. pensée humainè s'insurge-t-elle ainsi?
d'hui dans cette nuit mystérieuse qui va du 24 au C'est parce que nous ne serions jamais arrivés de
25 décembre, les fenêtres brillent illuminées sur le nous-mêmes à y songer. Nous nous serions imaginé tout
paysage neigeux et derrière les fenêtres des hommes autrement l'arrivée de Dieu sur la terre.
joyeux attendent, en veillant, la messe de Minuit. Autrement! Mais si nous savons que Dieù ne pense
Dans cette nuit mystérieuse la puissance des pas avec notre raison, alors de quel droit osons-nous
ténèbres est brisée : partout où la vieille terre dirige imposer à Dieu ce qu'Il doit faire et comment Il doit
sa course nocturne partout de la lumihe, demeures le faire? Dieu voulait racheter non seulement les riches,
illuminées, églises illuminées, des regards brillant de les savants, les puissants, mais aussi les pauvres, les
joie. Et lorsque, à minuit sonnant, la cloche appelle simples, les faibles et c'est précisément pourquoi Il
à la messe, une merveilleuse agitation soulève est venu parmi nous pauvre, simple et faible petit
tous les fidèles dans les églises bondées et comme enfant. Non : la pauvreté et la simplicité du Petit
le flot qui brise la digue, de leurs lèvres s'échappe Enfant de Bethléem ne me troublent pas. Oui, je serais
le chant débordant de joie : « II est né le divin · troublé si le Christ était né dans la pourpre d'un palais
Enfant ». royal, car cet éclat éclipserait la majesté divine. Mais
2) C'est ce qui se passe depuis des siècles; en cette j'étable de Bethléem? En vérité: si Dieu a voulu venir
sombre et froide nuit d'hiver la vieille terre nage dans paY1'l!i nous, Il n'a pu venir autrement.
la lumière et ia chaleur... alors surgit en nous cette Mais malheureusement toude monde ne regarde pas
question; d'où jaillit donc cette force mystérieuse, cette ainsi le Christ venu parmi nous. Il y en a beaucoup
joie de Noël? La réponse ne peut être que celle-ci: parmi ceux qui fêtent Noël pour être aveugles, pour
De notre foi chrétienne. De cette foi sainte et inébran- regarder le Christ, mais sans Le voir : ils ne voient pas
lable que le Petit Enfant de Bethléem n'est pas un en Lui le Dieu venu parmi nous.
enfant comme les milliards d'enfants qui sont nés ou
naîtront sur la terre. Cet enfant est Dieu. Ce petit enfant
enveloppé de langes est le Dieu infiniment puissant.
Ce nouveau-né inconnu dans la petite étable est le Dieu
II
de Majesté.
COMMENT DEVONS-NOUS REGARDER LE CHRIST?
Jamais parole plus étonnante n'était encore sortie de
lèvres humaines. Non seulement parole étonnante,
mais parole impie, blasphème insensé, si... si elle Et maintenant je pose la grande question : Comment )
. \
n'est pas vraie. devons-nous penser dignement du Christ? Avec quels
Mais si elle est vraie? yeux devons-nous regarder le Christ? Qui sait célébrer
LE SyMBOLE DES APÔTRES . COMMENT DEVONS-NOUS REGARDER LE CHRIST? 23
22
. 1 merveilleux mystère de Noël? Qui peut c'est ia chose importante - une scène dans le cier
dlgnen;e~! t:ut cœur et à juste titre l~ beau cantique représentée devant Dieu éternellement.
chante '1 Divin Enfant»? Notre-Seigneur répond Et dans la pièce n'est-ce pas, il ne dépend pas de moi
« Il est ne e , E ,.,. 1 d' que tel rôl.e me soit attribué et je ne serai pas non plus
, Ame à la question posee: « Jn vente Je vous e lS,
LUi-me us convertissez et ne devenez comme les jugé sur le rôle que j'aurai joué, mais sur la manière dont
. vous ne vo ' , i' aurai joué le rôle qui m'aura été imposé. Le grand
SI. ) f t vous n'entrerez pomt dans le royaume
etlts
P ' . en an s,
(S Matthieu X , ,3· 'V III ) Donc celUi-la
. , seul Régisseur de l'histoire du monde, le Seigneur, répartit
des. CieUX» d venir. ,e nfant, peut conSl'd'erer d' un claIr ' les différents rôles parmi les hommes : de l'un Il fait
q Ui peut re e
1 Christ et sa doctnne.
. ' un Président des ministres, d'un autre une comtesse,
regard ~ " J'e réfléchis au désir extraordinaire de d'un troisième un bohémien et tout cela n'a pas d'im-
Et VOICI que .. , portance. Ce qui est important c'est que je joue bien le
, ur ' Que pouvaIt-Il blen entendre par la?
Notre-SeIgne . . rôle qui m'a été donné dans l'existence. Que je remplisse
, d enfants» nous, des adultes? Que voulaIt
« Devem r es ~ C' , les devoirs personnels que le rôle exige de moi et que je
, dire Notre-Seigneur r ertamement ceCI que:
donc d re'Garder le monde avec des yeux d'enfant remplis'se les commandements de Dieu que Dieu exige
ous evons b , • .
1) n t ut noUS devons Le regarder Lut avec une foz de tout homme.
et 2) que sur 0 . b) Ai-je réalisé ce qui m'a été confié ou bien ai-je
d'enfant, voulu être tout autre que ce que Dieu avait ordonné?
Me suis-je contenté de la place où je suis et me suis-je
1. Regarder le monde aveç des yeux d'enfant. efforcé de jouer dans ma propre sphère le rôle qui m'a
été assigné par Dieu ou bien peut-être ai-je toujours
etit enfant le monde entier n'est qu'un envié le bonheur des autres avec aussi peu de chance que
a) POUl' 1e P . . le vieux moine du cloître de Heisternach. Vous ne
'il prend en mams, un morceau de bOlS,
, et· tout ce qu connaissez pas l'instructive histoire de ce vieux moine,
JOu, 'e une poignée de terre, lui sert à jouer. Or
une p~upe , sfrères dit qu'il nous faut prendre auprès uh écrit poussiéreux et jauni conserve parmi les docu ·
le Chnst, m e ' . ' ments du monagtère?
'nf t une leçon de haute sagesse, Laquelle?
de 1 e . an· les événements d e a VIe quOtl lenne, 1a
l ' 'd' La vieille chronique raconte que dam un monil f;i,\re
Celle-Cl
'd que 'n quotidien, a utte, 1a socIete
1 1 ." d ans 1aque1le vivait jadis il y a fort longtemps un religieux heu! eux
ensee
P '
. u palla vie tout, abso ument tout, n ' est qu'un ,
l et satisfait au milieu de ses confrères lorsque un. jour,
J e VIS t o u te' ,. A un oiseau inconnu arriva dans le jardin du cloître et par
, " de sur l'immense scene de DIeu. Peut-etre
, , un ep.tSo
Jeu, 1 ''ont-elles un son étrange au premier moment, son chant magnifique mit en effervescence l'âme du
ces paro es . . L' ..
choses sont amSI : a vu est un Jeu zmmense. religieux. « Ah! il faut que j'attrape cet ~iseau!» fut la
ourtant 1es . . . , pensée qui traversa son esprit.
P nt l'enfance le Jeu mnocent de Bethleem
D'abor d penda . Mais l'oiseau s'envola et sortit du cloître: le moine se.,
. . d l'âge mûr le drame de la PasslOn et enfin-
ensUite ans "
LE SYMBOLE DES APÔTRES COMMENT DEVONS-NOUS REGARDER LE CHRIST? 25
précipita derrière lui. J.,'oiseau s'envola dans la forêt: 2) Par cette phrase si pleine de sens, Notre-Seigneur
le religieux courut après. Et il le poursuivit de-ci de-l~ ne demande pas seulement que nous regardions la vie avec
s'enfonçant de plus en plus dans la forêt. Souvent il des yeux d'enfant, mais bien plus que nous Le regardions
crut être sur le point de l'attraper ... Mais au dernier Lui-même aVeC une foi d'enfant ..
moment l'oiseau s'échappait de nouveau ...jusqu'à Et nous voici arrivés à la leçon la plus important€.
ce que finalement il eut disparu à ses yeux. du sermon d'aujourd'hui.
Et le pauvre homme ne put faire autrement que de Avez-vous déjà vu cette force vivante ·d'une foi à
revenir au monastère. Lorsque, presque mort de transporter les montagnes qui brille derrière les yeux
fatigue, il arriva à la porte et qu'il vit le frere portier ... d'un enfant? l'enfant n'a pas de doute contre la foi,
celui-ci lui parut être un étranger, de même les autres l'enfant n'est pas un sceptique: l'enfant croit à sa religion
pères de la maison lui parurent également des étrangers, avec conviction et certitude.
personne ne le connaissait plus : tandis qu'il avait « Oui, c'est vrai,. répondrez-vous dédaigneusement,
poursuivi l'oiseau une nouvelle génération avait rem- l'enfant peut croire avec tant d'assurance parce qu'il
placé l'ancienne. Seul le petit ruisseau était là comme ne se rend pas encore compte des difficiles mystères de la
jadis et faisait entendre son murmure près du monastère; foi et qu'il ne voit pas le sévère point d'interrogation de
mais quand 'il se fut penché et aperçut son image, lui- la vie )J.
. même ne se reconnaissait plus ... . a) Une foi d'enfant envers le Christ? Ah! dans mon
Beaucoup d'hommes ne cherchent-ils pas ainsi le , enfance je ne savais pas encore quel combat gigantesque
bonheur, mes frères? N'enviènt-ils pas, ne recherchent- se livrai.! autour du Christ. Je ne savais pas quels mystères
ils pas sans trêve le bonheur? Ne sont-ils pas toujours inexprimables étaient autour de Lui. Cet enfant qui
envieux, jaloux, inquiets du bonheur des autres? grelotte dans la crèche ce serait, le Souverain Maître de
Beaucoup d'hommes ne recherchent-ils pas avec pareille l'univers ?, _ . Quel mystère! Cet homme qui se roule
inquiétude un autre poste, un autre emploi, un autre dans la poussière et verse une sueur de sang sur le mont
grade et quand ils y sont parvenus, ne sont-ils pas obligés des Oiiviers, ce serait le Dieù Créateur? Quel mystère!
de remarquer que le trottoir de l'autre côté de la rue Ce mourant 'abandonné de tous sur une croix, ce serait
paraît toujours moins sale, mais seulement paraît; et mon Dieu? - Quel mystère! Et ce combat acharné
que l'autre rive d'un fleuve paraît toujours plus jolie, contre le Christ et sa doctrine qui fait rage constamment
mais seulement paraît. , sur la terre - quel incompréhensible mystère 1
Apprenons la sagesse auprès de l'enfance: regardons « Il est né le Divin Enfant » 'chantons-nous à Noël.
le monde avec une âme d'enfant. Jouons en enfants de Mais pourquoi?
Dieu qui de toute leur âme tiennent le rôle où les a placés Vous dites que la Vie est parmi nous, que le Seigneur
la Providence. « Si vous ne devenez comme des enfants , est au milieu de nous. l\1ais . où est act uellement le Sei-
vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux )J. gneur parmi nous? Vous dites: la Vie est parmi nous -
III
LE SYMBOLE DES APÔ11ŒS COMMENT DEVONS-NOUS ~EGARDER LE CHRIST? 27
et partout nous sentons le souffle glacé de la mort. Vous allemand aurait découvert à Jérusalem dans un tombeau
dites: l'Espérance est parmi nous - et partout ce sont les restes de Jésus. Voilà une autre attaque extrême
des visages las et désolés. Parcourez les rues bruyantes contre le Christ. L'un dit : le Christ n'a jamais existé.
et agitées ou descendez dans les profondeurs de votre L'autre répond: au contraire. J'ai même retrouvé ses
âme : est-,ce que vous y trouvez l~ Seigneur? Dans la restes~ Et entre ces deux pôles opposés des destruc-
rue vous rencontrez une foule de gens qui ne veulent ' teurs de la religion il yale camp immense de~ fidèles
rien savoir du Christ; et dans les profondeurs de votr;} du Christ. Il y en a des centaines de millions pour
âme vous rencontrez des désirs, des projets, des pensées, qui le mot le plus saint est aujourd'hui encore le nom
et des œuvres qui ne veulent rien savoir des comman- béni du Christ, qui aujourd'hui encore dans toutes les
dements du Christ. vicissitudes de l'existence puisent leur force dans Sa
Jésus-Christ est né - où êtes-Vous ô Jésus? Je croix sanglante, qui aujourd'hui encore dirigent pour
regarde la vie intérieure de bien des familles, je regarde la dernière fois leur regard de mourant vers Lui avec
la vie si extérieure de la société, des arts et des sciences, une sainte confiance.
je regarde .les ravages épouvantables des bas instincts Qu'on dise ce que l'on veut de ce petit Enfant mysté-
déchaînés, - où êtes-Vous, Jésus? rieux, le fait est que, chaque année, des centaines de
Quelle douloureuse question! Et pourtant / millions aujourd'hui encore s'agenouillent devant la
C'est bien vrai! Depuis deux mille ans la guerre crèche, qu'aujourd'hui encore des centaines de millions
contre le Christ fait rage, mais elle ne peut pas ébranler L'adorent comme le Créateur du ciel et de la terre, que
ma foi, au contraire elle la fortifie davantage. Le fait des centaines de millions chantent à travers le' monde :
que le nOlndu Christ seul brave vingt siècles ensevelis « Il est né le Divin Enfant Il.
sous le sable, que l'humanité ne peut pas passer à l'ordre Voilà de' quoi va traiter cette nouveUe série
du jour devant Lui, qu'il faut prendre parti pour ou d'instructions.
contre Lui, me montre que le Christ ne peut pas être b) Mais la plainte se fait encore davantage entendre:
un homme ordinaire. Et c'est ce qUI fera l' objet des « Ah !oui, l'enfant !Mais ou est donc lafoi de mon enfance? .
sermons qui vont suivre. Croire comme dans ma petite enfance? M'agenouiller
Aujourd'hui je vous apporte simplement lin exem ('· l, le soir devant mbn ' lit et faire ma prière les mains
Il y, a quelques dizaines d'années un protesseur pro jointes? Avec mon ancienne ferveur, avec mon ancienne
testant (Drews) fit sensation en publiant à travers le confiance? Oui, si la vie n'était pas si impitoyablement
monde une fameuse découverte: le Christ ,n'a jamais pénible/ ... Si la terre n'était pas si impitoyablement
vécu, sa personnalité n'est qu'un conte, une légt.nde. hideuse 1..; Si ma raison n'intervenait pas à chaque pas
Voilà une forme extrême d'attaque contre le Christ avec cette question : pourquoi, pourquoi? Il
Il y a quelque~ JOurs les journaux etaient pleins d'une Telle est la plainte de bien des adultes, et je viens les
,autre nouvelle d'après laquelle un autre professeur consoler Vous avez raison, mes frères, vous avçz
"
LE SYMBOLE DES APÔTRES COMMENT DEVONS .. NOUS RECARDER LE CHRIST? 29
raison. La vie est terriblement pénible et la terre est je veux atteindre par cette nouvelle série de prédications.
hideusement laide. Mais c'est justement pour que les Puisse Notre-Seigneur Jésus-Christ les bénir!
difficult~s de la vie ne vous brisent pas et pour que
la boue de la terre ne vous souille pas qu'il vous faut à
tout prix récupérer la foi de votre enfance:'Le petit
enfant aussi demande constamment : pourquoi ceci,
pourquoi cela? · Vous aussi '-·vous posez les mêmes Le I l octobre 368 de l'ère chrétienne, une catastrophe
questions. Vous posez ·des questions sur tous les pro- épouvantable frappa la ville de Nicée.
blèmes insolubles dans la foi. , Vous recherchez tout ce La magnifique cité de l'Asie Mineure était encore
qui contredit votre ancienne croyance. Pourquoi ceci, plongée dans le s?mmeil, lorsque des secousses formi-
pourquoi cela? dables ébranlèrentle sol et en quelques secondes toute la
La foi chrétienne repose sur deux colonnes: Je crois vilie était un monceau de décombres. Sous les ruines des
en Dieu et je crois en Jésus-Christ, le Fils de Dieu. J'ai cabanes comme sous les ruines des palais les hommes
consacré à la première colonne une année et demie de endormis étaient 'saisis du sommeil de la mort. Bien peu
mes instructions dominicales, à présent je veux m'attar·· purent sauver leur vie; parmi eux se trouvait le gou-
de!; encore plus auprès de la seconde. Qu'est-ce que ce verneur Caesarius qui était encore païen. Il se débattit
petit enfant de Bethléem dont chaque année à Noël durant de longues héures douloureuses sous les décom-
l'anniversaire fait sortir le monde de son cours habituel? bres, mais tandis que son corps souffrait, une résolution
Je crois en Jésus-Christ, le Fils de Dieu. Dans plusieurs extraordinaire brilla c'o mme un éclair dans son âme.
sermons successivement je répondrai à la question : Et lorsqu'il eut été dégagé, il vit clairement une nou-
Pourquoi? A quel titre croyons-nous que le Christ est velle vie : « Adieu, monde trompeur 1 Je vais chercher
Dieu? Et si nous le croyons, que s'ensuit-il? Qu'a-t-il une autre maison qui reposera sur d~s bases plus solides
enseigné, qu'a-t-Il commandé, en quoi a-t-Il donné .et ne s'écroulera jamais ». Il se fit baptiser, distribua sa
l'exemple? fortune aux pauvres et voulut désormais consacrer à
Afin qu'arrivés à la fin de cette série de sermons Dieu sa vie entière. Mais Dieu se contenta de Isa bonne
nous puissions dire : J'ai retrouvé mes anciennes intention; au bout de quelques jours Caesarius tom-
croyances, la foi confiante, ardente, vivante de mon bait malade et mourait.. .. Il mourut, alors qu'il :portait
enfance. Je vois que seul le Christ peut être encore le vêtement blanc des nouv~aux baptisés ,
le Roi du monde, le Chef de l'humanité et que, (Migne Pat. grecque XXXV, 774).
lorsque l:homme perd la foi, il devient aussitôt inquiet, Mes frères, aujourd'hui aussi la terre tremble pareil~
nerveux, malheureux, parce qu'il a perdu sa tête : lement sous nos pas et tout s'écroule autour de nous ...
le Christ. 1 . , Puisse dans l'âme de chacun de nous qui souffrons
Voilà, mes frères, clairement devant vous le but que sous les ruines d'un monde écroulé mûrir cette sainte
..
LE SYMBOLE DES APÔTRES
3°
résolution: « Adieu, monde trompeur, vie terrestre! Tu ne
seras dans mes mains qu'un jeu, qu'un instrument, mais
non pas ma fin dernière. MÇl fin dernière est de parvenir
dans cette autre demeure qui est solide et ne sera jamais
'. III
ébranlée: de parvenir auprès de Notre-Seigneur Jésus-
Christ ». Amen.
QU'EST-CE QUE LE CHRIST?
MES FRÈRES,
à l'article suivant: « Je crois en Jésus-Christ n. Et est d'une telle importance que je ne puis la résoudre
après ces sermons préliminaires nous pouvons consi- en une seconde; je voudrais montrer de toutes les
dérer la question principale et le point fondamental et manières, sous toutes les faces, quelles sont les preuves
",
. le plus important: je crois en Jésus-Christ, mais qu'est-ce qui nous permettent de dire dans notre Symbole : je
que Jésus-Christ? crois en Jésus-Christ, le Fils de Dieu.
Cette nouvelle série de sermons n'est pas moins Mon sermon d'aujourd'hui n'est qu'un aperçu
importante que la première. En effet celui qui croit général sur ce thème et fournira la réponse à ces deux
seulement au premier article du symbole n'est pas encore questions : I. Qu'est-ce que les hommes ont pensé du
chrétien. Celui qui se contente de dire: « Je crois en Christ? et II, que devons-nous penser du ChTist?
Dieu, le Père Tout-Puissant, le Créat~ur du ciel et de
,' , '
la terre n, n'est pas encore chrétien. /ltre chrétien, c'est
croire à la diivinité du C~rist. Et. s'il est d'une impor- 1
i ~'
tance capitale pour ma vie terrestre et éternelle de croire
en Dieu, il ne l'est pas moins de croire aussi que le QUE PENSAIT-ON DU CHRIST?
Christ est Dieu.
En effet si le Christ n'est pas Dieu, - ne vous en
scandalisez pas - alors le christianisme est une duperie, « Que pensez-vous du Cltrist? n (S. Matthieu XXII,
la plus effrontée duperie qui ait jamais induit en erreur 42) demanda un jour Lui-même Notre-Seigneur. Et
l'humanité et alors toute, la vie n'est qu'une énigme, depuis que, pour la première fois, a été posée cette
une douleur, une folie ou bien, selon l'expression de question, il y a 19 siècles, elle se répète constamment
l'impie Voltaire: « une mauvaise plaisanterie n. sur la terre et tout homme est obligé d'y répondre. Ce
";",,
Mais si le Christ est Dieu et si le Credo chrétien est qu'il y a précisément d'extraordinaire dans la personne
vrai, alors il faut que notre vie, nos idées, nos aspirations du Christ, c'est qu'on ne peut pas I,-'ignorer, qu'on
et la conception de la vie de toute l'humanité soient ne peut passer distraitement à côté de Lui : d'une
radicalement différentes et conformes au Christ. Et ,si façon ou d'une autre, il faut que chacun prenne
parti. .
toute l'humanité croyait à la divinité du Christ, jailli-
raient en son âme des sources si abondantes de joie de Le nuage ne peut pas faire autrement, ou bien il passe
vivre, d'ardetÎr au travail, de paix, de vérité et de charité fièrement au-dessus du sommet de la montagne ou bien
que tous les problèmes de la société humaine qui saigne il se brise contre lui. L'é~lair ne peut pas faire autrement,
par mille blessures seraient résolus d'un seul coup. ou bien il rampe au pied du récif dans la mer ou bien le
Qu'est-ce donc que Jésus- Christ? Je pose la question réduit en poussière. Il en est de même de l'homme à
et je vais y répondre non seulement aujourd'hui, mais l'égard du Christ : ou bien il se tient à ses côtés ou
encore dans les six sermons qui vont suivre. La question bien il s'insurge contre Lui. Ou bien il Le bénit ou bien
Symb , il, Ap . - T. n s
1111
,34 LE SYMBOLE DES Al"ÔTRES
QU'EST- CE QUE LE CHRIST? 35
"
il Le hait. Ou bien il est heureux avec Lui ou bien il va ni hôpitaux. Le maître païen pouvait jeter ses esclaves
à sa perte sans Lui. dans ses étangs en pâture aux poissons. Le monde païen
La grandeur surhumaine du Christ est encore mise regarda\.\ le travail comme une honte. Dans le monde
en évidence par le fait que chaque parti, chaque ten- païen rég.îaient le droit du plus fort et la vengeance ...
" '
dance spiritue!l.ie de l'humanité voudrait Lerevendiquer Le Christ'~il-t-Il été un révolutionnaire? Du fait qu'Il
pour soi. "_ a supprimé tout cela, Il a été un révolutionnaire. 'Mais
Que n'ont pas dit déjà du Christ ceux qui n'ont pas , comment l'a-t-Il supprimé: par la force de la charité
osé prononcer le mot final --'-- qu'Il est Dieu! Que le et par la mise en évidence du principe d'autorité, en cela
Christ fut un révolutionnaire ... que le Christ fut le Il a été tout autre chose qu'un révolutioimaire. '- _
premier socialiste ... que le Christ fut un communiste ... C'est vrai : le Christ a voulu une humanité nouvelle,
que le Christ fut un prophète ... qu'Il fut l'homme le Il a voulu transformer l'ancien monde. Non pas le briser
plus sage qui eût jamais vécu sur la terre ... qu'Il fut le par la force extérieure, mais transformer la vie intérieure
j'"
plus grand idéaliste ... qu'Il fut un grand professeur ... de l'homme. La doctrine du Christ n'est pas un explosif
et ainsi de suite. qui détruit et ravage, mais un levain qui soulève et
Que n'a-t-bn déjà pas dit du Christ! vivifie. Le Christ n'a pas voulu une humanité plus
1) Le Christ était-Il un révolutionnaire? L'a-t-Il été heureuse en faisant sauter l'ordre économique et social
au sens où l'on entend ce mot aujourd'hui? Au sens antérieur mais Il a voulu créer un homme meilleur et
de destructeur et de ravageur aveugle? Dans ce sens plus noble, afin qu'un tel homme mette au point un
Il ne l'a pas été. Mais' si nous donnons à ce mot une ordre social plus digne et plus juste. Nous ne pouvons
bonne signification, alors je ne fais plus d'objection. En donc appeler le Christ un révolutionnaire que si nous
effet, il est vrai qu'avec le Christ a commencé un monde appelons aussi révolutionnaire le rayon de soleil prin-
entièrement nouveau, que nous comptons avec raison tanier qui fait surgir une vie bourgeonnante et four-
les années d'après la date de sa naissance, que le Petit millante dans le cimetière de la nature hivernale.
Enfant de Bethléem a soulevé le monde hors de ses 2) D'autres viennent ensuite et disent que le Christ
.gonds; je peux appeler cela avec raison la plus grande a été (( le premier communiste ». '.
révolution de l'histoire du monde. ' Le Christ était-Il communiste? Il ne l'a certainement
Il ~ous faut seulement considérer ce que le monde pas été au sens sanglant et révolutionnaire du mot qui
• ,,j
pensaIt, avant 1e Ch' nst, sur le mariage, le mal, les aujourd'hui fait trembler le monde civilisé. Le com-
enfants, le travail, l'amour et ce que le Christ a enseigné _munisme ne reconnaît pas le droit de propriété, mais
sur tous ces points. Dans le monde païen on changeait Notre-Seigneur proclame qu'Il ne supprime pas les dix
de femmes comme de vieux habits. Dans le monde païen commandements, donc pas non plus le VIle et le xe qui
le père faisait périr son enfant comme il voulait. Le protègent la propriété privée. Le Christ n'a pas eu que
monde païen ne connaissait ni orphelinats ni hospices des disciples pauvres, mais aussi des gens à l'aise
LE SYMBOLE DES APÔTRES QU'EST-CE QUE LE CHRIST? 37
Marthe, Madeleine, Salomé, Nicodème, Zachée, Joseph veut diré : Enlève à autrui son vêtement, alors Il ne l'est
d'Arimathie. Notre-Seigneur n'a pas rêvé d'une uto- pas; mais s'il signifie que celui qiIi a deux vêtements en
pique organisation sociale où tous seraient égaux en donne un à celui qui n'en a pas, alors le Christ a été
biens, mais Il a proclamé ouvertemènt : « Il y aura communiste. Si le communisme signifie un monstre
toujours des pa~vres parmi vous» (S,Marc XIV, 7). assoiffé de sang et de meurtre, alors le Christ n'était pas
Sa prédication abonde en termes tels que salaire, communiste; mais s'il signifie le pélican qui ne pouvant
serviteur, achat et vente, prêt, intérêts, ce qui montre procurer de nourriture à ses petits, se déchire la poitrine
que le Christ reconnaissait l'ordre social basé sur la et l~s nourrit de son propre sang, alors le Chr~sta
propriété privée. été communiste.
Toutefois, si Notre-Seigneur Jésus-Christ n'était pas 3) Mais alors qu'était donc le Christ? Il n'était pas
un communiste, il ne s'ensuit pas qu'Il ait approuvé un révolutionnaire. Il n'était pas un cO,m muniste, -
en tous points la répartition actuelle des biens terrestres qu'était-Il donc? A-t-Il été peut-être un maître d'une
et les injustices de l'organisation économique. te Chn·st délicatesse et d'une sagesse sans exemple? L'homme le
n'a , pas été communiste, mais il ne permet pas l'abus meilleur qu'appelait depuis des siècles le désir brûlant
égoïste des richesses et la jouissance illicite de la propriété de l'humanité et dont la venue réunit, même après des
privée. siècles des centaines de millions d'hommes en une seule
Non seulement Il a proclamé: « Bienheureux les ~rand~ famille au jour anniversaire de sa naissance?
misériéordieux, car ils obtiendront miséricorde » Le Christ était-Il un homme, simplement un homme?
(S. Matthieu V, 3), non seulement Il a conseillé au jeune Mes frères, nous n'avons besoin que de bien con-
homme riche de distribuer sa fortune aux pauvres" mais naître l'homme pour être obligé d'avouer: Le Christ
Il a montré en termes douloureux avec quelle difficulté était plus qu'un homme. Il y a en Lui quelque chose de
les riches entreraient dans le , royaume des cieux, et mystérieux qui n'entre pas dans un cadre humain,
même clans la parabole du mauvais riche et du pauvre que l'on ne peut pas faire entrer dans des formes
La'zare, c'est le riche qui est damné, bien qu'il n'ait pas humaines. « Croyez-moi, disait Napoléon,je me connais
d'autre péché que la dureté de cœur envers les pauvres. en hommes, mais Jésus-Christ était plus qu'un homme».
Le -Christ a+I1 donc été communiste? Si le com- Avant le Christ il y avait eu des génies, à son époque
munisme signifie brigandage, alors Il n~ l'est pas; s'il au'ssi et après Lui encore, il y a eu de grands hommes;
veut dire amour généreux, alors oui. Si le communisme ' mais ils n'étaient que des hommes, car ils n'ont pas pu
veut dire: entre dans la maison d'autrui et prends-lui transformer ni renouveler spirituellement un'" seul
son pain, alors il ne l'est pas; mais si le communisme homme. Mais le Christ circule au milieu de nous depuis
signifie: «, Romps ton pain à celui qui a failll et recueille vingt siècles, ~ et des milliards et des milliards ouvrent
chez toi les malheureux sans asile» (Isaïe LVIII, 7), devant Lui la porte de leur âme et les pécheurs sont
alors le Christ a été communiste. Si le communisme devenus des saints, les méchçtnts se sont convertis, ceux
LE SYMBOLE DES APÔTRES QU'EST-CE QUE LE CHRIST? 39
qui étaient écrasés par la vie se sont redressés et ceux Soit, Il l'a dit. Mais peut-on croire si simplement
qui étaient atteints d'une maladie mortelle ont retrouvé une chose aussi inouïe? -
la force. Où sont les grands hommes célèbres qui aient N on. On ne peut pas le croire « si simplement ». Mais ,
pu consoler véritablement ne serait-ce qu'une seule celui qui fait ce qu'Il afait, celui dont le caractère, la vie
douleur? et la personnalité sont pareils aux siens peut être cru.
Et v~yez : depuis des siècles le Christ fait descendre . Dans notre sermon de dimanche prochain nous
un paume sur les âmes angoissées. Ici, à la source ouvrirons les évangiles et partout où nous lirons les
vivifiante d'énergie qui jaillit de la sainte personne du prédicatiof\s de Notre-Seigneur, nous ne pourrons nous .
Christ avec une force indomptable, faut-il preuve plus soustraire à cette impression. Ici c'est le Maître de la vie
convaincante que le Christ ne peut pas être simplement qui parle avec tant d'assurance, tant de fermeté! Voici
un homme? ce dont je vais parler dans mes trois prochains sermons.
Mais voici l'autre ques tion : Le Christ est Dieu : proclame-t-Il Lui-même; le
;" .'
Christ est Dieu : proclament ses œuvres; le Christ est
Dieu : proclame son caractère.
Mais n'en restons pas là.
II Qu'était le Christ? - demandons-nous encore.
Dieu et homme, - répondons-nous de nouveau.
QUE DEVONS-NOUS PENSER PU CHRIST?
Dieu? Comment le savez-vous? ,
Par l'enseignement de vingt siècles. Depuis vingt
siècles des milliards d'hommes ont cru à sa divinité,
1) Qu'était le Christ et qu'a-t-Il voulu? Tels sont les ils ont sacrifié et sacrifient pour Lui leurs désirs terres-
deux grands sujets de toute cette série de prédications. tres, leurs ambitions, leurs carrières, leurs succès; ils
Qu'était-ce que le Christ? « Il était le Fils de Dieu ». ont puisé auprès de Lui la force dans tous leurs combats,
Que voulait-Il? « Il voulait nous sauver ». sa disparition équivaudrait pour l'humanité à un danger.
Quelle simple réponse, quelle réponse bien connue 1 de mort, ~ Il ne peut pas être un homme ordinaire
- mais nous allons le voir, quelle inépuisable mine d'or parmi tous les autres. Le Christ est Dieu.
que cette sublime idée religieuse 1 Nietzsche a écrit ces - lignes blasphématrices au
Nous n'avons rien à craindre, nous n'avons rIen à premier chef: « Lorsqu'on entend les dimanches le son
cacher. Notre foi est aussi claire que le cristal. des cloches, on se demande : Est-ce possible? Et tout
Qu'était le Christ? cela pour un Juif crucifié il y a deux mille ans qui a
Dieu et homme. prétendu être Fils de Dieu. Mais cette prétention
Dieu? Comment le savez-vous? manque de la moindre preuve ». Le grand cynique ne
',( C'est Lui-même qui l'a dit. voyait pas qu'il se contredisait lui-même. En 'eHet s'il
I.:·~
4° LE SYMBOLE DES APÔTRES QU'EST-CE QUE LE CHRIST? 41
n'y avait pas d'autre preuve de la divinité du Christ, Si le Christ est Dieu, alors ses menaces sont d'autant
cette sonnerie des cloches après deux mille ans, comme plus redoutables. Si le Christ est Dieu, ses promesses
illti reconnaît, serait déjà une preuve suB:1sante. Peut-on sont d'autant plus consolantes. Si le Christ est Dieu,
seflgurer que son nom, si le Christ n'était qu'un homme ses exemples sont d'autant plus attirants. Et surtout :
ordinaire, pourrait braver si majestueusement le tom- [\i le Christ est Dieu, l'acceptation de la souffrance est
beau de l'histoire du monde? J'en parIerai aussi dans pour moi d'autant plus bénie et plus précieuse.
trois sermons consécutifs. Le Christ est Dieu: proclame Oui, je comprends à présent qu'avec la divinité du
l' histoire. . Christ se dresse ou tombe toute la religion chrétienne.
2) Il Y aura donc six instructions sur cette question: Je comprends alors que dès l'origine le christianisnle
le Christ était-Il Dieu? 'lit livré de sanglants combats et mené des luttes spiri-
Mais cette question est-elle donc si importante? luelles acharnées autour de ce dogme, et ait préféré voir
Certainement. C'est d'elle que dépendent toute la d'immenses territoires se détacher de son corps, plutôt
force et toute la valeur de mes sermons suivants. que d'abandonner la divinité du Christ. Je vois à
Il ne suffit pas d'appeler le Christ le Maître le plus présent pourquoi le christianisme est attaché avec une
sage du monde; il ne suffit pas de Le nommer le Maître telle ténacité à ce dogme.
le plus doux, l'homme le plus dévoué et le plus rempli , En effet, si le Christ n'est pas Dieu, alors Il peut être
d'idéal, tout cela ne suffit pas, si je n'ajoute pas : « Vous un héros de la foi, mais Il ne peut pas être le Rédemp-
êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ». teur du monde.
Eu effet, si le Christ est réellement Dieu, alors tout , Si le Christ n'est pas Dieu, alors Il peut être rangé
ce qui est autour de Lui devient tout autre que s'Il parmi les fondateurs des autres religions, Bouddha,
n'était pas Dieu. Mahomet, Confucius et n'est qu'une unité dans un
Il est vrai que sa doctrine demeurerait aussi belle et grand nombre.
émouvante, mais s'Il n'est qu'un homme, je puis alors Si le Christ n'est pas Dieu, que devient alors ~a con-
choisir parmi ses paroles et ses enseignements et prendre solante mission : « Les péchés seront remis à ceux à qui
ce qui me plaît; par contre s'Il est Dieu, il me faut croire vous les remettrez? »
,humblement à toutes ses paroles. Si le Christ n'est pas Dieu, que deviennent ses paroles
Il est vrai que ses commandements sont encore d'une qu'Il viendra un jour juger les vivants et les morts?
, haute valeur, s'Il n'est qu'un homme. Mais s'ils tran- Oui, si le Christ n'est pas Dieu, alors il n'y a plus de
chent dans le vif, s'ils sont pénibles à observer, alors je christianisme.
cherche à les esquiver, à m'y soustraire. Mais le Christ est Dieu.
Mais si le Christ est Dieu, alors c'est Dieu qui a donné Et parce qu'Il est Dieu, nous nous agenouillons
ces commandements et il me 'faut les suivre intégrale- devant Lui dans toutes nos détresses et nous crions vers
ment et exactement, même si c'est difficile. Lui: « Seigneur, sauvez-nous; nOliS périssons ».
LE SYMBOLE DES APôTRES QU'EST-CE QUE LE CHRIST? 43
Parce qu'Il est Dieu, nous pleurons devant Lui avec Ses compagnons lui dirent l'heureuse nouvelle, mais
une âme pénitente: « Seigneur, ayez pitié de moi, parce Thomas ne les crut pas.
que je suis pécheur ». Je ne crois pas. J'ai entendu la foule lancer contre Lui
Parce qu'Il est Dieu, Il est notre Rédempteur; parce les injures et les blasphèmes. Je sais qu'Il s'est écrié
qu'Il est homme, Il est notre frère; et comme Homme- sur la croix: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez- "
Dieu, Il est notre Maître et notre Sauveur, qui nous Vous abandonné? » Je L'ai vu rendre le dernier soupit
attire tous à sa croix ... tous, nous nous agenOUIllons sur la croix. Je ne le crois pas. Je ne peux pas le croire.
devant Lui et nous faisons cette prière: Jésus, c'est pour Quel terrible et... suffocant brouillard de décembre!
Vous que je vis, Jésus c'est pour Vous que je mourrai. Jésus, La fête de cet apôtre ébranlé dans sa foi a lieu,
ie suis à vous à la vie et à la mort. chose étonnante, précisément dans les jours où notre
sainte religion met notre foi à la plus forte épreuve.
Quelques jours après la fête de saint Thomas arrive
Noël où il nous faut nous agenouiller devant un incom-
Mes frères, à l'époque de l'année où le jour est le plus préhensible mystère, devant Dieu devenu petit enfant
court et la nuit la plus longùe, le 21 décembre, la Sainte sans force et incapable de pader et il faut que nous
Église célèbre la fête de saint Thomas « l'apôtre croyons, que nous croyons que le petit Jésus de Beth-
incrédule »• . léem est Dieu Lui-même descendu parmi nouS.
Devant les habitants d'une grande ville, il n'est pas Le brouillard mortel a disparu de l'âme incrédule de
nécessaire de parler longuement de ces journées de saint Thomas, lorsque huit jours après, Notre.. Seigneur
décembre plongées dans le brouillard et si déprimantes. est apparu de nouveau et que saint Thomas s'écria tout
Ici, à Budapest, il y a beaucoup de pareilles journées: ému : « Mon Seigneur et mon Dieu. » .
le ciel est d'un gris de cendre, le brouillard épais · et Seigneur Jésus! Le monde de la foi dans l'homme
opaque, à couper au couteau, il pèse sur les pou11lons moderne tourne pour ainsi dire constamment autour
et sur l'âme, il coupe presque la respiration. du 21 décembre: que de ténèbres, que de brouillards,
Le premier Vendredi-Saint fut pour saint Thomas que de mélancolie dans notre vie, que d'attaques contre
un jour de brouillard aussi déprimant. Le Seigneur est notre religion et notre foi! Non, non, Seigneur, ne le
mort. Que de choses il avait espéré, de Lui! Quelle con- permettez pas! Répandez la lumière par les prédications ,
fiance Il avait eue en Lui! Et maintenant c'était fini .. . . qui vont. traiter de Vous. Aidez-nous à voir qui Vous êtes!
Il est mort ... Son tombeau est même scellé. Le brouil- Aidez-nous à pouvoir dire tous avec saint Thomas
lard suffocant de l'incrédulité s'étend sur l'âme de converti: Je crois en Vous, ô Christ, mon Seigneur et mon ·
saint Thomas. Dieu. Amen.
A Pâques cependant le Christ ressuscité apparut au
milieu de ses apôtres, mais Thomas n'était pas ' là.
,~ .
Symb, d, Ap, - T, II 4
LE SYMBOLE DES APOTRES LE CHRIST EST DIEU
5°
de David. Mais Notre-Seigneur leur fait cette rép~nse : Et Notre-Seigneur, lorsqu'Il le jugea bon, suspendit
David a écrit dans un de ses psaumes (Ps. CIX) que même cette loi. Les Juifs se fâchèrent et murmurèrtn!.
le futur Messie était son Seigneur. Il _est donc vrai Mais le Christ leur dit en face avec fermeté: « Le Fils
qu'il est physiquement du sang de David, mais Il est de l'homme est maître même du sabbat » (S. Matthieu
encore beaucoup plus (S. Matthieu XXII,41). XII, 8). Cette expression dans la bouche d'un homme
c) En<' outre Notre-Seigneur Jésus-Christ s'est serait une chose inouïe. Les Juifs comprirent bien que
attribué des droits qui ne se comprennent que s'Il se par là le Christ s'était affirmé Dieu.
regarde comme de même nature que Dieu. Lorsqu'Il guérit un jour de sabbat l'homme qui
Voilà par exemple l'attitude de Jésus à l'égard des était malade depuis trente-huit ans, Il motive la non-
commandements donnés par Dieu. Au cinquième chapitre observation du sabbat par le fait que son Père du ciel
de l'évangile selon saint Matthieu, Notre-Seigneur dit travaille aussi le jour du ' sabbat (dans l' œuvre de la
à plusieurs reprises : « Vous avez entendu qu'il a été conservati~n du monde), donc Lui aussi travaille
dit aux anciens : Tu ne tueras point ... Et moi je vous (S. Jean V, 17).
, dis ... » Et , de même au sujet du mariage, du serment, « Le Père ne juge personne, mais Il a donné au Fils
de la vengeance, de l'amour du prochain ... six fois le jugement tout entier... Celui , qui n'honore pas le,
Notre-Seigneur répète solennellement: « Moi, je vous Fils n'honore pas le Père qui l'a envoyé » (S. Jean V,
dis ». Ce sur quoi parle id le Christ concerne l'essentiel 22-23). Qu'est-ce que cela, sinon l'affirmation expresse
.i ' de la législation mosaïque. La loi de , Moïse a été de la divinité du Christ par sa propre bouche?
donnée par Dieu. Quel était donc le Christ, pour qui Et lorsque le Christ dit que le Père va envoyer
le Christ se prenait-Il Lui-même, pour oser amplifier en son nom le Saint-Esprit (S. Jean XIV, 26) et que
cette loi? Le Christ n'a-t-Il pas proclamé clairement le Saint-Esprit glorifiera le Christ (S. Jean XVl, 14),
",
par là qu'Il était au-dessus de la Loi, parce qu'Il ne proclame-t-Il pas ainsi des droits qui n'appar-
avait la même nature que Celui qui avait fait cette Loi: tiennent qu'à Dieu?
Dieu. En ce temps-là c'était Dieu qui parlait sur le
mont Sinaï, à présent encore c'est Dieu aussi qui parle III
sur laC,)Montagne. Pas un prophète n'a os~ "arler
ainsi: tous ont lutté pour faire observer la Loi mosaïque,
LES PROMESSES ET LES MENACES DIVINES DU CHRIST
ils ne s'imaginaient pas une Loi nouvelle. Les pro-
phètes commençaient ainsi leurs discours : « Ainsi
parle le Seigneur... » Mais le Christ commence : Continuons encore, mes frères. Le Christ s'est
« Moi je vous dis ». Quelle immense différence 1 regardé Lui-même comme Dieu, c'est ce qui résulte
C'est un fait bien connu que les Juifs observaient de ses promesses et de ses menaces. S'Il ne s'était pas
la loi du repos sabbatique avec un respect scrupuleux. regardé comme ayant la même nature que Dieu,
LE SYMBOtE DES APÔTRES LE CHRIST EST DIEU 53
aurait-Il pu exiger pour Lui-même un tel dévouement quel titre aurait-Il promis à ceux qui Le suivraient le
sans borne et un tel amour qui n'appartiennent qu'à royaume des cieux et à quel titre aurait-Il menacé
Dieu seul? les incrédules de la damnation éternelle? « En, ~vérité
Or Il les a exigés. je vous le,_~is, lorsqu'au jour du renouvellement, le
« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, Fils de l'homme sera assis sur le trône de sa gloire,
n'est pas digne de moi; et celui qui aime son fils ou vous qui m'ave~ suivi, vous siégerez aussi sur douze
sa fille plus que moi, n'est pas digne de moi )) trônes, et vous jugerez les douze tribus d'Israël. Et
(S. Matthieu X, 37). quiconque aura quitté des maisons ou des frères ou
Y a-t-il eu déjà au monde quelqu'un qui ait osé des sœurs ou un père ou une mère ou une femme ou
. exiger des autres hommes qu'on l'aime mieux que ses des enfants ou dès champs à cause de mon nom, il
plus proches parents? recevra le centuple et po~sédera la vie éternelle »
« Je suis la voie, la vérité, la vie )) (S. Jea~ XIV, 6), (S. Matthieu XIX, 28-29). Comment un homme ose-
a-t-Il dit ailleurs. Les plus sages de l'humanité ont rait-il dire cela de lui- même? '
seulement exploré la voie, cherché la vérité et tous Mais malheur à ceux qui n'ont pas cru au Christ!
ont avoué pleins de tristesse : il est humain de se « Car le Fils de l'homme doit venir dans li gloire
i
tromper - et voici le Christ qui dit de Lui-même de son Père avec ses anges, et alors Il rendra à chacun
qu'Il est la vérité incarnée, la seule voie et la vie selon ses œuvres)) (S. Matthieu XVI, 27). Un homme
éternelle. ordinaire aurait-il osé parler ainsi?
Et ses paroles sur le jugement dernier prononcées Si le Christ ne s'est pas regardé comme un homme,
avec une si extraordinaire assurance! Le Christ dit pour qui s'est-Il donc tenu? Pour un ange? Non, pour
de Lui-même qu'Il viendra décider du sort éternel beaucoup plus. Vous n'avez qu'à lire comment après sa
de l'homme et que c'est de Lui que dépendent l'entrée tentation les anges' vinrent et Le servirent (S. Matthieu
dans la vie éternelle et la damnation. IV, II). Et lorsque saint Pierre coupe avec impétuosité
S'Il ne s'était pas regardé comme Dieu, aurait-Il l'oreille du serviteur du grand prêtre, comme N otre-
pu exiger à l'égard de sa personne une foi absolue et Seigneur lui dit d'un ton énetgiqu~ : « Penses-tu que
si rigoureuse qu'Il en fait même dépendre la vie éternelle? je ne pui~~e pas sur l'heure prier mon Père, qui me
« Celui qui croit au Fils a la vie éternelle; mais celui dOOl'leniitplus de douze légions d'anges? )) (S. Matthieu
qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la XXVI, 53). Pour qui donc se regardait le Christ? .
colère de Dieu demeure sur lui )) (S. Jean III, 36). Et maintenant nous arrivons à ses déclarations les plus
« Celui qui croit en mo), fût-il mort, vivra)) (J. Jean XI, . claires : à son affirmation formelle qu'Il est le Messie.
25), un homme raisonnable oserait-il parier ainsi de
lui-même?
Si le Christ ne s'était pas regardé comme Dieu, à ,,'
54 LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST EST DIEU 55
ne veut pas réussir. Les faux témoins se contredisent,
t out leur plan paraît s'écrouler... lorsque finalement
IV
le grand prêtre sé lève d'un air solennel et pose la
questi,.Qn dont dépend le sort de 1'accusé : « Je t'adjure '
LE CHRIST EST LE DIEU SAUVEUR
par le Dieu vivant qe nous dire si tu es le Christ, le
,Fils de Dieu» (S. Matthieu XXVI, 63). .
Que le Christ se soit réellement regardé comme bien A .présent Il instant décisif est arrivé. Notre-Seigneur
, supérieur à un homme ordinaire, cela ressort surtout répond paisiblemènt : « Tu l'as dit », c'est-à-dire : .
de sa conscience messianique. Fréquemment Il annonce «C'est bien vrai ». Notre-Seigneur savait qu'Il se con-
qu'Il va souffrir et même qu'Il va . mourir, afin de damnait ainsi à mort, cependant Il ne refusa pas de
satisfaire par sa mort pour les péchés des hom11Jes. « Dieu répondre.
a tellement aimé le monde qu'Il a donné son Fils Cette réponse ne permet plus aucun doute. « Alors
unique, afin que quiconque croit en Lui ne- périsse le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : Il
point, mais ait la vie éternelle » (S. Jean III, 16). a blasphémé, qu'avons-nous encore besoin detémoins?
Et ailleurs : « Le Fils de l'homme est venu, non pour Vous venez d'entendre son blasphème» (S. Matthieu
être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la XXVI, 65). '
rançon d'un grand nombrè » (S. Marc X, 45). « Ceci Le Christ a été obligé de mounr, parce qu'Il s'est
est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, répandu regardé comme Dieu~
pour un grand nombre en réin~ssion des pécllés »
:110
(S. Matthieu XXVI, 28). Eh bien! où y a-t-il en ce
monde un homme pour oser prétendre que son sang
*' '*
purifie l'humanité? Le sang qui coule peut tout au Voilà, mes frères, notre première pr(!uve de la divinité
plus ta cher le vêtement et la conscience. Mais celui qui du Christ: Il était Dieu, car Il l'a dit Lui-même. Ce
peut affirmer de lui-même que son sang s'élève jusqu'au l?' est pas notre seule preuve - dimanche prochain,
trône du Très- Haut et ~fface tous les péchés commis nous allons en voir une autre, - 1 mais ceux qui nient
par _ des centaines de milliards d'hommes celui-là la divinité du Christ se trouvent dès maintenant devant
affin~e claireme~t qu'Il n'est pas un homme ~rdi~aire. un problème insoluble. Ils proclament que le Christ
La manifestation de cette conscience divine atteint n'est pas Dieu, mais qu'Il a été l'homme le meilleur, le
son point culminant par la déclaratio;" solennelle du plus sagt: de ce monde. Mais je pose cette question : le
. Christ devant le grand prêtre. Le Christ est debout Christ peut-Il être le plus grand idéaliste du 11Zonde, s'Il a
devant Caïphe, entouré de faux témoins. Ses ennemis menti? Il est évident en effet qu'Il s'est attribué des
avaient bien tout préparé, afin de revêtir leur sentence centaines de fois des prérogatives divines et qu'Il s'est
d'un simulacre de légalité, - mais leur plan infernal déclaré Lui-même Dieu. Si toutefois Il n'était qu'un
LE SYMBOLE DES APôTRES
dans Sidon, il y a longtemps qu'elles auraient fait péni- il n'y a personne qui ose en douter. Même Rousseau
tence dans le cilice ~t la cendre» (S. Matthieu XI, 21). était obligé d'écrire :« Le sceau de la vérité que portent
Et un jour que les Juifs sont autour de Lui . dans le les évangiles est si grand, si surprenant, si inimitable
Temple et Le questionnent: « Jusques à quand tiendrez- qu'on ne pourrait pas les inventer. Personne ne nie les
Vous notre esprit en suspens? Si vous êtes le Christ, œuvres de Socrate et pourtant elles ne SOILt pas aussi
dites-le nous franchement ». Notre-Seigneur leur authentiques que les œuvres de Jésus ».
répondit: « Je vous l'ai dit et vous ne croyez pas. Les La réalité des miracles était indéniable, - on essaya
œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoi- donc de les expliquer.
gnage de moi» (S. Jean X, 25). Le Christ a-t-Il fait des miracles? dit-on. Sans doute
Des paroles cie Notre-Seigneur découle clairement qu'Il en a fait. Mais il ne faut pas pour cela une puissance
qu'Il a fait des choses extraordinaires suivant un plan divine. La suggestion. L' hypnotisme. La lecture des pensées.
déterminé; afin de légitimer sa mission divine et préci- La divination. Le spiritisme. L'occultisme, etc.
sément parce qu'Il v'oulait attester par ses œuvres sa Mais ne nous troublons pas devant ces fameuses
puissance divine, Il ne les a pas accomplies dans un explications! ,
. cercle d'amis intimes ni devant des invités ni dans des Si parmi les miracles du Christ nous ne rencontrions
séances tenues dans des chambres obscures les rideaux que des guérisons de maladies nerveuses, de p~ralysie,
baissés, pendant la nuit, ni avec une mise en scène alors on pourrait expliquer par la suggestion les œuvres
propre à surexciter lès nerfs, mais avec la plus grande ,du Christ. .
publicite, en plein jour, devant des centaines et des Certainement, vous avez aussi entendu parler de la '
milliers de spectateurs, en présence de ses enIiemis « méthode Coué» d'après laquelle certaines maladies
qui L'observaient méchamment et sans le moindre peuvent être guéries, en répetant chaque jour de vingt
geste" parole ou acte ' de sorcellerie. Tous ses gestes,' à trente fois: Je ne suis pas malade ... je ne suis pas
toutes ses paroles, toutes ses guérisons semblaient malade ... je ne suis pas malade ... Oui, vous avez entendu
chose naturelle en Lui, tout se passait avec une telle ' dire que quelques malades ont obtenu ainsi leur
conformité avec sa personnalité comme si une source guérison. Mais lisez le septième chapitre de l' évangile
salutaire jaillissait de terre. selon saint Luc où le Christ guérit le serviteur malade
2) Il me fallait évoquer ces circonstances, parce que qu'Il n'a pas même vu, - qui osera prétendre du Christ
les ennemis 'du Christ ont déjà tout tenté au cours des qu'Il a guéri avec la méthode Coué?
siècles pour se débarrasser de la force probante des Quelqu'un aurait-il essayé de re!ldre la santé par
miracles du Chist qui leur est désagréable. En effet sugg~stion au fils de l'officier royal de Capharnaüm,
si les miracles ':de l'évangile sont véritables, alors le que le Christ n'avait jamais vu, dont le Christ ignorait
Christ ,était Dieu, - il n'y a aucun doute. où il se trouvait, mais savait seulement qu'il était
Que les miracles du Christ aient eu réellement lieu, malade à la mort. Le père de l'enfant malade vient en
62 LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST EST DIEU
sùppliant et le Christ lui dit : « Retourne dans ta Non, non, mes frères. Celui qui lit les évangiles avec
maison, ton fils vit ». Et le père rentra chez lui. Mais une âme non prévenue et sa saine raison est obligé de
avant d'être"'dans sa maison, ses s~rviteurs arrivent au .. voir dans le Christ une force surhumaine, le Maître, '
devant de lui avec grande joie et se mettent à raconter le Dieu de tou~ le monde créé.
que la veille à sept heures la maladie avait quitté son Mais je n'ai pas encore dit un mot de l'œuvre la plus
fils, donc exactement à l'heure où il avait parlé avec le grandiose, du miracle le plus étonnant de Notre-Seigneur'
Christ (S. Jean V, 46-52). Jésus-Christ : sa propre résurrection. Deux choses
Que quelqu'un essaie en ce monde de suggérer à la sont ~ertaines, : le Christ est réellement mort le Ven-
mer en fureur de calmer à l'instant même ses vagues dredi-Saint (en effet le soldat romain Lui a percé le
écumantes, comme Notre-Seigneur les a apaisées (S. cœur sur la croix) et le tombeau du Christ a été réelle-
Marc IV" 35). Que quelqu'un essaie de suggérer aux ment trouvé vide le matin de Pâques. Que ce fait ait
poissons de se précipiter en masse da~s les filets, au été un coup mortel pour les ennemis du Christ, c'est ce
point que ceux-ci se rompent presqu.e, c'est ce qu'a qu'ils ont reconnu immédiatement, et avec une, préci-
fait Notre-Seigneur (S. Luc V, I-II). pitation funeste ils se sont efforcés d'en détruire la portée
Que quelqu'un essaie aussi , de suggérer à cinq mille en achetant les soldats de garde au tombeau. Mais pour
hommes" qu'ils sont bien rassasiés avec cinq pains et nous la force probante de cet événement est immense . .
sept poissons; et même qu'avec les restes il y a de quoi Notre Seigneur a dit un jour de Lui-même: « Je suis
remplir douze corbeilles comme a fait Notre-Seigneur. , la yie ». Cette affirmation, mes frères, n'est autre chose
Que quelqu'un essaie par hypnotisme ou par qu'une absurdité inouïe ou bien une revendication de la
suggestion de guérir un aveugle-né. En effet, cette dignité divine. Oui: ou bien ceci ou bien cela. Et si nous
cécité qui est la conséquence d'une inflammation de ne connaissions de Notre-Seigneur Jésus-Christ que
t.
l'œil survenue à la naissance (blennorrhoea neona- ceci : « A souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié, est J!
torum) ce n'est pas par suggestion ni par aucun autre mort, a été enseveli» alors ces paroles ne seraient q\,l'une
remède que la médecine moderne peut la guérir. Mais absurdité inouïe. Mais nous connaissons encore autre
le Christ l'a guérie (S. Jean IX). chose de Lui; nous connaissons aussi la suite : « est
La science médicale actuelle ne sait comment s'en ressuscité des morts le troisième jour ». Or celui qui
tirer avec les lépreux. Mais le Christ n'a eu qu'à dire à ressuscite de la mort peut dire de lui-même: « Je suis
un de ces\" malheureux : « Je le veux, sois guéri 1 » la vie », car personne d'autre n'a pu Lui donner la vie,
(S. Matthieu VIII, 3) - et l'infortuné fut guéri. la vie fait partie de Lui, Il est' le Maître de 'la vie; Il est
Et pour finir, que quelqu'un essaie de suggérer à un Dieu.
mort que l'on porte justement au cimetière ou bien à un 3) Par la connaissance des miracles de Notre .. S'cigneur
mort qui est déjà dans la tombe depuis quatre jours:
Tu es en vie.
Jésus-Christ nous ne serons pas choqués de choses
encore plus surprenantes que ses prodiges; je veux dire
1:
\:\
~
1 :
,1 1
Il
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST EST DIEU
des paroles par lesquelles Jésus pardonnait les péchés. Un prophète? Non. Un envoyé divin? Non. II est Dieu
Qu'est-ce que le péché? Une offense faite à Dieu. revêtu d'un corps humain. Celui qui Le voit, voit le Père;
Qui peut donc pardonner le péché? Seulement celui à celui dont Il remet les péchés le Père céleste pardonne
qui a enduré l'offense: Dieu, Mais Notre-Seigneur a aussi; et celui qu~ ma,ngesa, chair et boit son sang aura
constamment proclamé qu'Il par~onnait le péché; c'est une vie pareille à la vie éternelle du Père qui est dans le
donc oU:-' bien un affreux blasphème (si la puissance ciel.
divine n'est pas derrière Lui) ou bien une nouvelle preuve
de la divinité du Christ. II
Le Christ a pardonné les péchés, nettement, ouver-
tement, je dirais presque: avec éclat, afin que ceux qui LES PROPHÉTIES DU CHRIST
l'entendaient pussent réfléchir et voir qu'Il était plus
qu'un homme. Avec quelle autorité ne dit-Il pas par
exemple lors de-la guérison du paralytique de Caphar- ' ~ais outre les miracles du Christ qu'il est impossible
naüm : « Mon fils, tes péchés te sont remis» (S. Marc d'expliquer par une puissance humaine, il y a encore
II, 5). De même à Made~eine pleurant ses péchés: les paroles du Christ prévoyant l'avenir dont la source ne
« Tes péchés te sont pardonnés» (S. Luc VII, 48). ' peut pas être non plus la science humaine.
Les Pharisiens comprirent aussitôt la portée immense Un jour Frédéric le Grand posa en société la quest,ion
de ces paroles, aussi se disaient-ils avec indignation les s'il n'existait pas une preuve rapide de la véracité des
uns aux autres: « Qui est celui-ci qui remet même les paroles du Christ. Et quelqu'un lui répondit brièvement:
péchés? » (S. Luc VII, 49). « Les Juifs, Sire!» Cet interlocuteur voulait dire: Tout
C'est pourquoi ils voulurent bien souvent lapider le ce que le Christ avait prédit sur l'abaissement des Juifs,
Christ « à cause de ses blasphèmes» : Nous vous lapi-:- leur dispersion et leur vie ultérieure dans le ~onde
dons - Lui disaient-ils - « à cause d'un blasphème, s'est réalisé à la lettre. Les paroles du Christ se sont
parce que, étant homme, Vous vous faites Dieu lj montrées totalement vraies; celui qui a vu ainsi dans
(S. Jean X, 33). Mais Notre-Seigneur ne donna pas l'avenir, il faut qu'Il soit plus qu'un homme ordinaire.
alors une~autre explication à ses paroles, au contraire Il Mais ce n'est pas tout. En effet l'interlocuteur aurait
insista davantage dans sa réponse sur ce qu'Il avait dit pu aussi répondre à Frédéric le Grand à propos de la
précédemment: « Si je ne fais pas les œuvres-de mon vérité des paroles du Christ: « Jérusalem, Sire!» Comme
Père, ne me croyez pas. Mais sije les fais, lors même que s'est réalisé exactement pour cette ville tout ce que le
vous ne voudriez pas me croire, croyez mes œuvres : - Christ ,. avait prédit à , son sujet 1
afin que vous sachiez et reconnaissiez que le Père est en Et le même aurait encor~ pu dire : « Les martyrs,
moi et que je suis dans le Père» (S. Jean X, 37-38). Sire». Comme s'est accompli littéralement au cours des
Qui le Christ est·Il donc? Un grand homme? Non. siècles ce que le Christ avait prédt de ceux qui Le
Symb, d, Ap _ - T , fi 5
LE CUJU S'!' EST DIEU
66 LE SYMBOLE DES APôTRES
'suivraient : « VOUS pleurerez et vous vous lamenterez, autant de force en nous que si elles étaient entendues
tandis que le monde se réjouira; vous serez affligés, hier pour la première fois. Tout, tout change dans le
luais votre affliction se changera en joie» (S. Jean XVI, monde; comme le visage du monde change au bout de
20). quelques siècles, _. les paroles du Christ sont vivantes
Maisil aurait pu également dire: « L'Église catholique, depuis vingt siècles et produisent une vie intense et
Sire ». « Allez, enseignez toutes les nations!» furent généreuse.
les paroles d'adieu du Christ. Mais Où y a-t-il un ho~me Oui, les miracles et les prophéties du Christ me prouvent
dans le monde qui ait osé penser à une telle chose, également que le Christ ne peut pas être simplement ~n
seulement en rêve? Que sa doctrine franchirait les homme. Il est Dieu. -
frontières de ce petit peuple juif inconnu, se répandrait
par delà les montagnes, les mers et les continents.
Enseignez tous les peuples! Vous n'aurez ni canons ni
fusils ni soldats - et pourtant vous serez vainqueurs. Mes frères, dans le canton des Grisons, dans cette
Et en réalité ils ont été vainqueurs. Tout ce que la partie sauvage et romantique de la Suisse, les sentiers
méchanceté humaine pouvait inventer a été mis en escarpés à donner le vertige ne sont pas rares, mais parmi
guerre contre l'Église. Et cependant elles restèrent eux il se trouve un passage si abrupt que les habitants
toujours vraies, ces paroles de Notre-Seigneur .: « Les depuis fort longtemps l'appellent le « mauvais ch~min »,
portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle ». « Via mala ». Sur un côté du sentier, dans le bas mugit
Mais on aurait pu encore dire: « Les paroles du Christ, le Rhin, de l'autre côté se dresse à pic une muraille de
Sire ». Quelles paroles? Eh bien! ces paroles inouïes, rochers et le voyageur croit à chaque instant qu'ils vont
ces paroles incroyables, ces paroles qui n'ont encore s'écrouler sur sa têtè; de fait plus d'un voyageur y a été
jamais sorti de lèvres humaines : « Le ciel et la terre écrasé. Et lorsque le touriste, au sortir de tant ded~ngers,
passeront, mais mes paroles ne passeront pas ». Paroles veut enfin pousser' un soupir de soulagement, au bout
incroyables - et pourtant depuis vingt siècles on les du chemin s'ouvre encore une gorge profonde ... Il faut
voit se réaliser. Depuis que Notre-Seigneur Jésus- remercier Dieu, quand on a franchi ce passage sans
Christ a prononcé ces paroles me/veilleuses, l'axe de accident. ..
l'histoire de l'humanité est bien souvent sorti de ses' Toute notre vie terrestre n'cst-elle pas une pareille
pôlesj- combien de nations ont' disparu, combien de « via mala » un pareil « mauvais chemin »? Plein de
dynasties ont surgi et · se sont évanouies, 'tombien de gouffres, de rochers abrupts, de dangers et d'accidents.
royaumes se sont élevés et se sont effondrés, combien Qui nous conduira au delà sans dommage? Qui peut
de philosophes célèbres sont venus avec leurs doctrines être pour nous un guide sûr à travers les abîmes de la
et sont tombés dans l'oubli, _. seules les parole~ de vie? Qui d'autre que le Maître et le Créateur de la vie,
Notre-Seigneur résonnent aujourd'hui encore avec Notre-Seigneur Jésus-Christ.
68 LE SYMBOLE DES APÔTRES
Je vais essayer maintenant, mes frères, dans le peu de ce petit enfant dépendait le sort des peuples et des ]'1
~'I
temps qui est à ma disposition, de vous présenter le nations.
caractère et la sublime personnalité de Notre-Seigneur Souffrant la faim et la soif, Il parcourt les routes de J
J~s~s- ~hrist. Ce n'est pas une tâche facile, c'est pour 1
Palestine, Il ne sait, pas où reposer sa tête, mais quand
amSI dIre une entreprise irréalisable que de tracer en il Lui semble bon, Il intervient dans la marche du m<mde,
quelques minutes le caractère du Christ. Mais je crois Il guérit aveugles et infirmes par de simples paroles et
aussi que, si l'observation des dernières heures de Jésus nourrit cinq mille hommes avec quelques pains. Quel
a suffi pour convaincre le centurion païen de la divinité est ce Christ?
du Christ, je contribuerai largement à approfondir Il est fatigué et dort profondément comme les autres
notre foi, si je fais ressortir quelques idées du trésor hommes mortels, mais ensuite Il se lève dans la barque
inépuisable de la majesté et du noble caractère que nous battue par la tempête, .Il commande aux vagues en
a révélés la personnalité de Notre-'S eigneur Jésus- fureur et aussitôt il se fait un grand calme. Quel était ce
Christ. Christ?
Au mont des Oliviers, Il est saisi d'une telle angoisse
qu'une sueur de sang coule de son visage, - quelques
l~j 1
, Il meurt sur la croix, comme un malfaiteur, livré au pouvoir s'appuyer sur un mot lancé au hasard, - et
mépris du monde, - mais au même instant la terre pourtant Notre-Seigneur a pu dire avec une sublime
tremble, le soleil s'obscurcit, et le centurion païen s'écrie assurance à la face de ses plus grands ennemis : « Qui
au pied de la croix: « Celui-ci était vraiment le Fils de de vous me convaincra de péché? » (S. Jean VIII, 46).
Dieu ». , y ' a-t-il un seul homme au monde pour oser dire cela
Quel était donc ce Christ, mes frères? de lui-même? Et le silence de mort qui suivit cette
Il y a ,aussi d'autres fondateurs de religion et il y a question est la preuve la plus éclatante de la sainteté
des hommes qui mettent le Christ au même rang qu'eux: du Christ.
que Bouddha, Mahomet, Confucius ... Mais il ne faut Voyons seulement de quoi on L'accuse devant Pilate.
que lire leur vie l'une après l'autre et ensuite la vie de Car ses ennemis, au moment décisif où ils criaient avec
Jésus d'après l'Évangile, - et l'on éprouve la même rage aux oreilles de Pilate : « Crucifiez-Le », auraient
sensation que si l'on passait brusquement d'une cave certainement, en ces instants tragiques, révélé le
obscure à une lumiére éblouissante. En effet à celui ,qui moindre péché. Pilate d'ailleurs leur demande :
jette ne serait-ce que quelques regards sur le caractère, « Mais qu'a-t-Il fait de mal? » Et ses ennemis ne purent
la personnalité, la grandeur d'âme de Notre-Seigneur, que répondre : « Crucifiez-Le ». Mliis cette réponse
sautent immédiatement aux yeux deux particularités que ne réussit pas à convaincre Pilate de la culpabilité du
l'on ne pourrait jamais découvrir dans un homme ordi- Christ, c'est ce qui ressort de ses paroles pour s'excuser.
naire, et qui proclament à haute voix la divinité du Lorsque dans sa lâche i'éponse il livra cependant Jésus à
Christ. ses ennemis, il se lava les mains : « Je suis innocent
Quelles sont donc ces deux particularités évidentes qui du sang de ce juste; à vous d'en répondre » (S. Matthieu
s'imposent dans le caractère du Christ? Ce sont : XXVII, 24).
l'absence du moindre péché et la présence de tqutes les L'épouse de Pilate, ' Claudia Procula, a rendu aussi
vertus. témoignage de la sainteté de Notre-Seig~eur 'Jésus-
Christ, lorsqu'elle fit dire à son mari: « Q\f'il n'y ait
II den entre toi et ce juste» (S. Matthieu XXVII, 19).
Le ' même témoignage a été rendu par le centurion au
IL N'Y A EU DANS LE CHRIST AUCUN PÉCHÉ pied de la croix : « C~~tainement cet homme était un
iuste » (5. Luc XXIII, 47). '
1. Qu'on n'ait pu trouver dans le Christ aucun péché, Le malheureux Judas porte le même témoignage,
c'est ce que reconnaissent très nettement même ses ennemis. lui qui, après le réveil de sa conscience, jeta devant les
74 LE SYM~OLE DES APÔTRES t.E CHRIST EST DIEU 75 1
Juifs les trente pièces d'argent avec ces paroles: « J'ai De même saint Jean appelle Notre-Seigneur « le
péché en livrant le sang innocent » (S. Matthieu · Juste» (S. Jean II, 1) et il écrit de Lui: « Si vous savez
XXVII, 4). qu'Il est juste, recon:na~ssez que quiconque pratique
Vous le voyez, même ses ennemis n'ont pu trouver dans la justice est né de Lui» (1° S. Jean II, 29)' -
If! Christ un seul péché. Saint Paul dans son épître aux Hébreux affirme en
2. . Mais ses amis aussi ne trouvèrent aucun péché dans particulie~ que le Christ nous est devenu semblable
le Christ. Et ce n'est pas une preuve moins important~ en toute chose « hormis le péché» (Hébreux IV, 15)'
que la précédente. En effet un proverbe dit avec Parmi les divers témoignages des apôtres, le plus beau
justesse : « Il n'y a pas ,de grand homme pour son est peut-être celui de saint Paul, lorsqu'il dit: « Tel
valet de chambre ... » Si imposant, si aimable, si bon est le grand prêtre qu'il nous fallait, saint, innocent, sans
que quelqu'un paraisse de loin, certainement devant tache, séparé des pécheurs et élevé au-dessus des cieux»
ceux avec lesquels chaque jour il est en contact, vit, (Hébreux VII, 26). En vérité, si le Christ n'est pas
mange et dort, bien des faiblesses et des imperfections Dieu, nous sommes en présence d'un problème inso-
humaines apparaissent. chez lui, même chez les plus lubie: comment a-t-il été possible que les apôtres L'aient
grands hommes. pris pour un' Dieu?
Mais les choses ne se passent pas ainsi avec Notre- En effet ce n'est pas une chose tellement extra-
Seigneur. Ceux qui Le connurent le plus, ses apôtres, ordinaire d'être pris pour quelqu'un de grand, pour un
ne trouvèrent pas en Lui un seul défaut, une seule héros par quelqu'un qui regarde de loin, dans le champ
ombre; au contraire, ils Le regardèrent comme un de l'histoire. Et même les grands personnages de
Dieu et L'adorèrent comme Dieu. Pourtant ils ne l'histoire du monde ne doivent être regardés que de
voyaient pas seulement son attitude publique; ils loin comme les beaux sommets des montagnes; càr si
pouvaient jeter leurs regards aussi sur la vie quotidienne on 's'en approche de très près, certainement on y
du Christ et leur jugement sur le Christ, est cependant découvre une foule de petitesses, de faiblesses, de
la reconnaissance de sa sainteté. défauts et de péchés.
Lorsque saint Pierre guérit le paralytique à la porte Mais les choses ne sont pas ainsi dans le Christ.
du Temple de Jérusalem, il fit au peuple étonné le Ses apôtres ont mangé et dormi avec Lui, ils ont voyagé
reproche suivant à cause de la crucifixion du Christ : et travaillé ensemble. Ils L'ont entendu parler de ses
« Vous avez reùié le Saint et le Juste» (Actes III, 14). souffrances et de sa mort; ils L'ont vu garrotter par les
Dans sa première épître, il appelle le Christ « un soldats; saint Jean a entendu sortir de ses ~èvres sur
Agneau sans _~éfaut et sans tache» (10 S. Pierre l, 19). la croix son cri d'extrême abandon; ils virent son
Un peu plus tard il dira encore du Christ qu'il « n'a tombeau scellé, - eh bien! y a-t-il quelqu'un pour
point commis de ,péché et que dans sa bouche il ne résoudre ce problème, ' 'comment malgré son échec
s'est point trouvé de fausseté» (10 S. Pierre II, 22). complet Le regardèrent- ils encore comme Dieu?
LE SYMBOLE DES APôTRES
LE CHRI ST EST DIEU 77
que je suis doux et humble de cœur» (S. Matthieu XI,
Ce fait ne peut pas s'expliquer autrement que par la .
personnalité fascinante et attirante du Christ. 28"29)·
Mais nous n'avons encore jusqu'ici dépeint qu'une . Voilà Notre-Seigneur qui insiste de préférence sur
partie de la figure du Christ: il n'y a pas eu de péché sa douceur (Jt son humilité. ,
dans le Christ. C'était la tâche la plus aisée. Comme le Christ a été doux! Comme Il a aimé les
Nous allons nouS trouver devant un travail plus petits enfants! Comme Il a aimé ses ennemis! Il n'a
'difficile, en voulant expo'ser l'autre partie. même pas refusé le baiser du traître Judas. Avec
quelle douceur Il a regardé saint Pierre après sa chute!
Avec quel empire sur Lui-même Il a parlé au valet,
quand il L'a frappé au visage! Et comme Il a prié
III pour ses ennemis même sur sa croix! En vérité saint
Pierre a eu raison d'écrire: « le Christ, qui n'a point
TOUTES T_ES VERTUS SE TROUVENT DANS LE CHRIST commis de péché, et dans la bouche duquel il ne s'est
/
point trouvé de fausseté, lui qui, outragé, ne rendait
Qui pourrait entreprendre de décrire avec vérité point l'outrage; qui, maltraité, ne faisait point de
même seulement approximativement les vertus du menaces, mais se livrait à celui qui le jugeait injuste-
Christ? Que de recherches, que d'efforts, que d'essais ment» (10 S. Pierre II, 22-23).
a faits l'illustre Léonard de Vinci, lorsqu'il chercha un Et comme le Christ a été humble! Il se contente d'une
modGle pour la tête du Christ dans sa « Cène » ! Il n'y a crèche et d'une étable, Lui qui a créé le monde. « Les
pas d'ilrtiste qui puisse peindre le visage du Christ renards ont leurs tanières et les oiseaux "du ciel leurs
d,e rrière lequel nous regarde le Dieu éternel, -maïs nidsjmais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa
il n'y a pis non plus d'orateur qui puisse avec des tête » (S. Matthieu VIII, 20).
paroles exposer dignement la personnalité 'du Christ. Il donne aussi cet ordre à ses disciples : « Vous savez
Nous nous contenterons donc de quelques traits. que les chefs des nations leur commandent en maîtres,
Ce sera peut-être le plus facile pour nous de prendre et que les grands exercent l'empire sur enes. Il n'en
pour point de départ les paroles mêmes de Notre- sera pas ainsi parmi vous; mais quiconque veut être
Seigneur. Dans une circonstance en eHet, Il s'est grand-parmi vous, qu'il se fasse votre serviteur; et
r~~élé Lui: même en quelques paroles ,dans une majesté quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il se
sllllaccessible que l'on peut méditer pendant des heures fasse votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme
sur ces quelques phrases. est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner
Quelles sont ces fameuses paroles? sa vie pour la rédemption d'un grand nombre ~
« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez (S. Matthieu XX, 25 - 28 ).
SQus le fardeau et ,ie VOltS soulagerai ... Apprenez de moi Dois-je citer une marque plus étonnante encore de
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST EST DIEU 79
son humilité : lorsque, à la dernière Cène, Il se ceint le Christ soit Dieu? Mais ces horrimes et ces femmes
d'un linge et s'agenouille, Lui, le Fils de Dieu, devant n'ont été changés que par la 'grâce de Dieu, par une
de simples pêcheurs, pour leur laver les pieds. _ illumination, par une expérience, pal' une transfor-
Et quel amour dans le cœur du ChristI « Venez tous mation intérieure qui les a fait ~evenit , ' de pécheurs
à moi ,f'- c'est le cri d'amour qui résonne sur les des hommes surnaturels, de sorte que 'pour nous ils
lèvres du Christ. Ce n'est pas en vain que le christia- sont- maintenant presque des étrangers. Mais en Jésus
nisme est appelé « la religion de l'amour». Son dès le début, il y a eu une innocence exempte de toute
fondateur n'a pas seulement prêché l'amour, Il ne l'a passion, une pureté divine provenant de sa nature et
pas seulement réclamé de ses fidèles, mais Ill' a pratiqué en outre pas une singularité en Lui - ,comme on
Lui-même dans une telle mesure qu'elle dépasse toute le penserait peut-être - ou quelque chose d'étrange,
proportion humaine. , de séparé de l'humanité, mais cette pure divinité est
Le Christ a prêché l'a'11Wur. « Vous aimerez votre remplie d'une pure humanité qui doit pousser tous les
prochain comme vous-même)) (S. Matthieu XXII, 38). hommes vers la souffrance et la pitié, Phénomène sans
Le Christ a réclamé l'ampur à ses fideles. « Aimez- exemple et unique. Chacun a besoin du Sauveur, j
vous les uns les autres; que comme je vous ai aimés, vous or Il est le Sauveur )).
r
l'
vous aimiez aussi 'les uns, les autres. C'est à cela que En vérité, mes frères, celui qui étudie à fond les
tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous traits caractéristiques du Christ et néanmoins ne veut
avez de l'amour les uns pour les autres » (S. Jean pas croire à sa divinité, restera finalement en présence 1
')1
~
, XIII, 34-35). d'un problème totalement , insoluble. Il restera sans
Mais le Christ a pratiqué aussi l'a'11Wur. « Il n'y a pas comprendre devant cet amour pour les hommes qui ne
de plus grand amour que de donner sa vie pour ses connaît pas de limites, qui n'est ébranlé par aucune 1
amis» (S. Jean XV, 13). Sa mort sur la croix a été ingratitude et cependant est affranchi de toùte rêverie
la manifestation de cet amour incomparable. La croix sentimentale. Il r.estera sans comprendre devant cet
sanglante se dresse sur le sombre Golgotha et apprend optzmisme que rien ne peut briser ni paralyser. Il
pour la première fois à l'humanité ce que c'est que le restera sans comprendre devant ce grand amour p our
véritable amour. les pécheurs d'une âme qui s'était radicalement tenue à
Lorsqu'on considère ainsi la vie du Christ, ses paroles l'écart du péché, Elle restera incomprise cette absence
'simplel>' et pourtant incomparablement sublimes, son de tout égoïsme, de tout orgueil, et de toute soif du pouvoir
humilité et pourtant sa conscience d'être Dieu, il est malgré sa conscience d'être Dieu. Elle restera incom-
impossible' de ne pas donner raison au grand compo- prise toute la personnalité de cet homme si rempli
siteur Richard Wagner qui résùmait ainsi ses impres- ' If,
d'idéaL
sions : Il Quelqu'un pourrait-il croire que c'est parce Si l'on ne veut pas soutenir que l'on se trouve dan s
qu'il y a eu tant de martyrs et de saints qu'il faut que le Christ en face d'un problème insoluble, alors il
'~
!l
(1)
\
ne peut dm ' . éternelle, et que cette vie est clans son Fils Celui qui a
compétente à .cette quesf mer une reponse plus
. IOn que ces hommes qui pen-
/
le Fils a la vie; celui qui n'a p_as le Fils de Dieu n'a pas II, 14; 10 Timothée II, 6; 10 Corinthiens l, 30). Écoutez
la vie» (10 S. Jean V, 11-12). les premières lignes de son épître aux Hébreux: « Après
Est-il possible de confesser plus clairement que le avoir à plusieurs reprises et en diverses manières parlé
Christ est Dieu? · autrefois à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces
c) Pour qU1: saint Pierre a~t-il pris le Christ? Un jour derniers temps, nous a parlé par son Fils» (Hébreux l,
le Christ Lui-même demanda à ses apôtres ce qu'ils 1-2). ·
pensaient de Lui. Et saint Pierre s'avança et au nom e) Je pourrais encore demander pour qui les autres
de tous fit cette sainte confession de foi : « Vous êtes hommes avec lesquels Il fl été en contact ont tenu le Christ.
le Christ, le Fils du Dieu vivant» (S.Matthieu XVI, I6). L'aveugle qu'Il a guéri s'agenouille devant Lui et
cl) Pour qui saint Paul a-t-il pris le Christ? Pour le L'adore (S. Jean IX, 38). Lorsqu'Il apaise la mer en
savoir, il suffit d'ouvrir au hasard ses quatorze épîtres fureur, « ceux qui étaient dans la barque, s'approchant
où il appelle le Christ plus de deux cents fois «Kyrios », de lui, l'adorèrent en disant: Vous êtes vraiment le Fils
terme qui aux yeux d'un juif équivalait à ~( Seigneur- de Dieu)) (S. Matthieu XIV, 33). Marthe s'éc~ie : « Oui,
Dieu ». Il serait obligé de rèjeter toutes les épîtres de Seigneur, je crois que Vous êtes le Christ, le Fils de
saint Paul, celui qui douterait de la divinité du Christ. Dieu, qui êtes venu en ce monde» (S. Jean XI, 27).
Il me faudrait ici évoquer tant de passages de l'apôtre Saint Thomas l'incrédule s'écrie: « Mon Seigneur et
que je n'en finirais pas avec les citations où saint Paul mon Dieu!)) (8. Jean XX, 28).
fait ressortir les marques divines du Christ. Il Lui attri- Je crois, mes frères, que les citations rapportées
bue une action divine. Il Le proclame l'unique auteUr jusqu'à présent suffisent pour montrer clairement que
du salut et affirme qu'Il a la même nature que son Père les contemporains du Christ, ses apôtres et ses autres
du ciel. · disciples L'ont regardé comme Dieu.
Il suffit- de citer parmi les plus magnifiques passages Mais je ne veux cependant pas me contenter de ce
de saint Paul ces lignes d'une beauté incomparable de que j'ai dit jusqu'ici.
son épître aux Philippiens au sujet du Christ « qui, .B) Parmi les adversaires du christianisme il y a eu
tout en étant dans la condition de Dieu, n'a pas retenu aussi des. critiques qui ont mené la lutte contre le Christ
avidement son égalité avec ,Dieu, mais s'est anéanti en Le déclarant un personnage légendaire et mythique.
lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se Ils ont prétendu que le Christ était un homme admirable
rendant semblable aux hommes et reconnu pour homme et rempli d\déal, mais simplement un homme et que
par tous ses dehors» (Philippiens II, 6-7). « Car en lui seulement le fanatisme des siècles chrétiens en avait fait
habite corporellement toute la plénitude de la divinité » par la suite un Dieu; plus les siècles se sont éloignés de
(Colossiens II, 9). Lui, plus la légende a donné à sa personne des traits
Sans cesse saint Paul proclame que nous sommes idéalisés et c'est ainsi qu'Il est devenu Dieu.
sauvés par le ~ang du Christ (Galates III, 13; Colossiens Si c'était la vérit.é, alors tout le christianisme s'écrou-
. ' - "
'"
~ 1
lerait. Mais qu'il n'en soit pas ainsi c'est ce qu'ont Saint Paul 'après sa conversion « se mit aussitôt à
suffisamment prouvé les faits que nous venong de rap- prêcher dans les synagogues que Jésus est le Fils de
porter et qui démontrent que le Christ a été tenu pour Dieu» (Actes IX, 20). « Aussitôt », donc non pas des
Dieu même par ses premiers fidèles. Pourtant il y a bien des siècles après.
choses dont je n'ai pas encore parlé. Le diacre Philippe applique au Christ les passages
Voici quelques nouveaux faits : messianiques d'Isaïe (Actes VIII, 32). .
Les tout premiers disciples du ChrIst, les apôtres et Tout l'évangile selon saint Matthieu fait voir que les
les premières communautés chrétiennes croyaient déjà prophéties messianiques de l'Ancien Testament se sont
avec la plus grande fermeté à la divinité du Christ, à sa réalisées dans le Christ.
qualité de Messie, nous en avons la preuve classique . Saint Jean, comme il le déclare lui-même, écrivit son
dans.)e discours de saint Pierre, lors de la première évangile, « afin que vous croyiez que Jésus est le Christ,
Pentecôte : « Que ,t oute la maison d'Israël sache donc le Fils de Dieu et qu'en croyant vous ayez la vie en son
avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus nom» (S. Jean XX, 3 1 ).
que vous avez crucifié·» (Actes II, 36). Voilà ce qu'affirme En vérité, il faudrait brûler les évangiles, les Actes des
saint Pierre non pas des siècles après Jésus-Christ, mais , Apôtres et le Nouveau Testament tout entier, si on
dix jours après l'ascension du Sauveur. voulait nier ce fait plus clair que le jour .: les ap'ôtres et les
Et lot:sque saint Pierre après la guérison du para- premiers chrétiens croyaient fermement (l la divl:nité du
lytique prêche dans le Temple, faisant allusion aux Christ, et ce ne sont pas les siècles postérieurs qui l'ont
souffrances de Notre-Seigneur, il dit ceci,: « Mais Dieu inventée.
a accompli de la sorte ce qu'il avait prédit par la bouche
de tous les prophètes que son Christ devait souffrir » II
(Actes III, 18). Devant les princes des prêtres, il pro-
clame .ouvertement du Christ : « Cette pierre que vous LE TÉMOIGNAGE DU CHRISTIANISME PRIMIrIF
1
" .
avez rejetée de l'édifice est devenue la pierre angulaire
et le salut n'est en aucun autre» (Actes IV, II-16). Ce que ses contemporains avaient cru du Christ, les
Au centurion Corneille saint Pierre enseigne que le premiers siècles chrétiens l'ont cru pareillement.
Christ, _« a été établi par Dieu juge des vivants et des A) Les lIites du christianisme primitif en fournissent
morts ... que tout homme qui croit en lui reçoit par son une preuve magnifique. On rendait au Christ un culte
nom la rémission de ses péchés» (Actes X, 42-43). d'ad~ration, donc Il était regardé comme Dieu par ses
Et lorsque le diacre saint Étienne est lapidé, il voit premiers fidèles, par ceux qui étaient venus du judaïsme,
Jésus debout à la droite de Dieu (Actes VII, 56) et il où l'on tenait pour le plus grand péché, pour un acte
recommande son âme à Jésus: « Seigneur Jésus, recevez d'idolâtrie le fait d'adorer quelqu'un d'autre que Dieu
mon esprit» (Actes VII, 59). seu1.
r- I 1
cependant devenu le corps de Dieu ... Qui serait assez sommes que' d'hier et nous envahissons tout: les villes,
fou pc'-tr dire au Seigneur : ôtez votre corps, afin: que les colonies, les palais, les prétoires, même l'armée, le
je puisse Vous adorer ». , forum, le sénat; nous ne vous laissons que vos temples,
Oui, ",mes frères, nos ancêtres dans le christianisme qui sont devenus déserts ». '
ont adoré le Christ dès l'origine, et la prière adressée Voilà comment la religion du Christ supplicié comme
partout par les premiers chrétiens rend témoignage de un malfaiteur sur ; le bois d'infamie, malgré les plus
la divinité du Christ. cruelles persécutions, a pu se propager si rapidement 'e t
B) Mais la rapide propagation et les luttes victorieuses a pu triompher : tel est le premier témoignage de
du christianisme naissant en rendent également témoi- l'histoire .e n faveur de la divinité du Chi"ist.
gnage. En effet si le Christ n'était pas Dieu, alors on
ne comprendr-ait pas que ce feu qu'Il a allumé sur la
terre se soit répandu si rapidement et ne se soit pas éteint
jusqu' aujourd'hui. '
L'âme de l'ancien paganisme était consumée par un Mes frères, il y a quelques années, en 1926, ,eut lieu
désir curieux: monter dans le ciel et ravir aux dieux le une grande fête à Rome dans les ruines du Colisée :
feu sacré, symbole de toute vie. Le Grec Eschyle dans une croix était dressée au-dessus des ruines du cirque.
un drame émouvant décrit l'inanité de cette entreprise A cette place où jadis la foule qui remplissait le cirque
désespérée. Et c'est le Christ qui a réalisé ce qui était poussait des cris de joie à la lueur vacillante des flam-
impossible pour l'homme : Il a apporté le feu du ciel beaux, sous une pluie de fleurs et aux sons des instru-
et II veut allumer cette flamme dans toutes les âmes. ments de musique, tandis que le sang de milliers de
« Allez, enseignez tous les peuples ». Personne en ce martyrs chrétiens rougissait le sable de l'arène, à cette
monde, même pas un seul audacieux conquérant, place se dressait maintenant la croix persécutée du
pas un seul prince avide de conquête n'a donné à ses Christ.
gens un tel ordre. On se prend à réfléchir ... Au cours de cette grand:ose
Et les apôtres du Christ portent le feu sacré dans solennité on est là debout dans l'arène du Colisée et
toutes les directions du monde. Aucune puissance ne les les yeux s'attachent sur la loge impériale vide et
arrête. Et pourtant que de fois on a ,essayé de les retenir! délabrée. :. on croirait voir apparaître les têtes étonnées
Tous les moyens étaient bons pour éteindre le feu sacré des empereurs morts depuis longtemps .. : leurs visages
du christianisme, - et aucun_ ,moyen ne s'est révélé apparaissent successivement, comme on peut les voir
suffisant. La torture, les bêtes 'féroces, la noyade, le dans les' antiques statues des Offices de Florence :
bûcher ... tous les supplices ont été mis en œuvre contre l'un a une petite tête ronde ~t les cheveux courts ...
les premiers chrétiens et c'est alors que Tertùllien un autre a le crâne dénudé ... un troisième des regards
pouvait écrire avec un sublime courage : « Nous ne d'oiseau de proie. Et ils regardent et s'étonnent; les
LE SYMBOLE DES APÔTHES Ll> cHiUST 1'::;'1 Dum 95
94
ruines du cirque sont envahies par une foule semblable L'empereur lit... et commence à trembler" .. et sa
àun essaim d'abeilles, partout des fleurs, un empres- figure s'altère ... la vision est disparue', - mais nous
sement solem_J. restons et nous lisons, en nous agenouillant, d'une
Et l'un des empereurs demande: « Qu'est-ce qui âme reconnaissante, - nous lisons comme une prière
se passe? » , l'inscription de l'obélisque, comme le- témoignage
« Majesté - lui dis-je - ce sont les chrétiens )). éclatant de l'histoire du monde : « Christus vincit,
« Les chrétiens? - s'écrie Néron - Est-ce que Christus regnat, Christus im!Jerat », « le Christ triomphe,
vingt siècles n'auraient pas suffi pour les faire le Christ regne, le Chrisi commanc(e )l, Amen.
disparaître? ))
Non, César, ils n'ont pas suffi. Les rôles ont m ême été
ren'{ersés. Où a .coulé à flots le sang chrétien, se dresse
maintenant triomphalement la croix du Christ persé-
cuté. L~ Christ persécuté vit aujourd'hui encore et
son royaume embrasse le monde entier, - mais où
êtes-vous, vous les empereurs Persécuteurs et qu'est-il
advenu de votre empire? Rappelez-vous , César; vous
avez fait crucifier un vieux pêcheur du nom de P ierre.
Et maintenant la plus belle église du monde porte ~~on
nom et devant Saint- Pierre se dresse un obélisque de
granit rouge d'une hauteur de vingt-cinq mètres que
vous connaissez bien. L orsqu"il n'y avait pas encore
de chrétiens dans le monde, il se trouvait devànt le
temple égyptien du dieu soleil et l'un de vos prédé-
cesseurs, Caligula, l'avait fait placer dans le cirque
où les chrétiens furent déchirés par les bêtes féroces ...
Voyez, l'obélisque est encore debout aujourd' hui,
seulement .. f,'seulement; sa pointe n'est plus telle qu'elle
était de votre temps. lVlaintenant une croix de six
mètres de haut le surmonte et dans cette croix est
enfermée une parcelle de la croix bénie du Christ ...
et sur l'obél isque on peut lire des paroles ... des
paroles dont la vérité est proclamée depuis déjà vingt
siècles ... lisez, César, car vous savez le latin ...
l LE CHRIST EST DIEU 97
t
1
!
mosaïque. Extérieurement il n'y a rien d'extraordinaire
en cet enfant. Une pauvre femme le porte dans ses
bras, un charpentier l'accompagne et tient la place de
son père, - voilà tout le cortège. Deux colombes, -
juste ce qui est nécessaire pour l'offrande. Les riches
VIII
1 offrent un agneau, mais cela dépasse leul's\ imoyens.
i Mes frères, si vous vous étiez. trouvés dans le Temple,
LE CHRIST EST DIEU: 11
. auriez-vous cru que ce petit enfant inconnu so~lèverait
L'HISTOIRE LE PROUVE 1
un jour le monde? N'auriez-vous pas souri de ce
! vieillard qui attendait depuis longtemps le Messie et
(II) 1 maintenant, illuminé par l'Esprit-Saint, contemplait
\ dans son âme toute la vie de l'enfant, ses miracles,
1
ses paroles, sa mort, son culte et dans son ravissement
,s'écriait: « Cet enfant est au monde pour la chute et
MES FRÈRES,
\ la résurrection d'un grand nombre en Israël, et pour
,~ être un signe en butte à la contrlJ;diction » (S. Luc II, 34).
Les sublimes paroles qui viennent d'être lues (dans Quelle scène incompréhensible!
l'évangile du dimanche de la Très Sainte Trinité) Voilà un vieillard vénérable avec dans les bras un
sont les paroles d'adieu du Christ se préparant à quitter \ petit enfànt inconnu; devant lui les ' parents et ils
le monde. « Allez, enseignez toutes les nations », tel 1 écoutent d'un cœur anxieux ses paroles: « ce petit enfant
est le dernier commandement de Notre-Seigneur et 1 deviendrait un jour un homme gigantesque que le
il retentit comme un écho des paroles avec lesquelles i monde bénirait et maudirait éternellement. De ses
l'Enfant- Jésus avait été salué par le vieillard Siméon petits yeux jaillirait un éclair qui attirerait les hommes
lors · de sa présentation au Temple. ou les ferait fuir. Ce petit enfant inconnu formerait
Dans les parbles d'adieu du Christ se manifeste encore
la grande pensée exprimée par Siméon au sujet de
\ ie sujet le plus actuel ' de l'histoire du monde envers
, lequel il faudrait que tout homme prît position soit
l'Enfant- Jésus à son entrée dans le monde : le sort pour soit contre ».
de l'individu et de la société, l'avenir des nations et 1 Auriez-vous cru cela de ce pauvre petit enfant? Et
de toute l'humanité sont étroitement unis avec le Christ. tout cela s'est réalisé.
Vous souvenez-vous de la scène émouvante' du vieil- tl Qu'est-ce qui s'est réalisé? Ceci, .que ce petit
lard Siméon? enfant muet, enveloppé de langes, a réellement partagé
Un petit enfant est amené au Temple de Jérusalem, en deux camps l'humanité. Qu'il est devenu pour les
pour être présenté à Dieu conformément à la Loi individus; les peuples et les royaumes une occasion de
. Symb. d. Ap . - T. II 7
LE SYMBOLE DES AP ôTRES LE CHRIS'!, EST DIEU 99
chute ou de résurrection. Que le sort de toute l'huma-
nité dépend dorénavant de Lui.
Ceci s'est réalisé littéralement dans le . passé et se
réalise'jhaintenant encore, - et c'est ce que je voudrais
démontrer dans mon sermon de ce jour. Montrer le
visage sublime de Notre-Seigneur, comment depuis
t I. L'histoire des nations.
a) Le premier peuple qui a fait opposition au Chi.,t
fut le peuple juif. Le Sauveur lui avait été envey,,,
mais il ne Le reçut pas, ~ bien plus : il Le persécuta
jusqu'à la mort. C'est en lui que se sont pour la pre-
mière fois..Jréalisé es les paroles de Siméon : « Il a 'été
des siècles Il a passé victorieusement devant les rois, établi pour la ruine d'un grand nombre ». . .
les peuples et les individus. Montrer cette double Le royaume juif a été détruit quelques dizaines
vérité: 1. Celui qui s'oppose au Christ périt et II. celui d'années ap~ès Notre-Seigneur.
qui combat sous ses drapeaux est vainqueur. Mais quelle destruction! Pendant la Grande Guerre,
nous avons vu des choses épouvantables, mais il n'y
a peut-être jamais eu choses pareilles à celles que subit
Jérusalem assiégée par les Romains. Nous ayons lu
1 des récits effroyables sur des scènes de la Grande
Guerre, mais qu'une ville ait été en même temps minée
IL EST ÉTABLI POUR LA CHUTE D'UN GRAND NOMBRIl par la peste, la famine, l'ennemi extérieur et la discorde
intestine, nous ne l'avons pas entendu dire.
~e général romain Titus assiège J émsalem (en 70).
Plus d'un millier d'années avant la naissance dt' Dans la ville, de faux Messies propagent le désordre,
Jésus··Christ, le roi David décrivait d'une âme prophé- la peste fait rage et la famine ravit la raison à beaucoup.
tique dans le Ile psaume, comment le Père donne la Finalement on ne peut plus résister, les soldats romains
domination à son Fils : « Tu es mon Fils, c'est moi qui pénètrent dans la ville; un massacre épouvantable ...
t'ai engendré aujourd'hui. Demande-moi et je te don- toute la nuit la ville brûle et des familles entières
nerai les nations en héritage, et je te ferai posséder périssent dans les flammes.
jusqu'aux extrémités de la terre. Tu les conduiras ave,; « Le 10 août 70, écrit un historien, le soleil se leva
une verge de fer, et tu les briseras comme le vase du . SUl' les ruines fumantes de la ville ». En quelques mois,
potier. Et maintenant, rois, comprenez, instmisez-vous, un million de Juifs' étaient morts. Et quelles scènes
juges de la terre. Servez le Seigneur · avec craiillte, épouvantables! 11 Y avait dans la ville une femme riche
tressaille~ devant lui avec tremblement ». ' et distinguée, &! nom de Marie; rendue à moitié folle
~
C'est ainsi que parlait le prophète David et il suffira par la faim~- elle fit rôtir son propre enfant. Des gens
de jeter quelques regards sur l'histoire : 1. sur l' histoire affamés sentirent dans la rue la viande grillée et se
des nations et 2. sur l' histoire des indi'vidus, pour que précipitèrent dans la màison : « Il y a de la viande
nous soyons convaincus de la vérité de ses paroles. grillée ici. Nous te tuons, si tu ne nous la donne s pas
,
1
/'
tout de suite ». La moitié de l'enfant était encore là, la L'empereur Hadrien fait ériger sur le calvaire une
femme l'apporta, mais à ce tableau horrible même ces statue de Vénus, la déesse de l'impureté; sur le tombeau
figures bestiales furent saisies de dég~ût. ' .. du Christ, celle de Jupiter. Qu'allez-Vous devenir,
Titus aurait voulu conserver intact le magnifique ô Christ? (-
Temple, mais il n'y réussit pas. 11 fallait que fussent Sévère donne cet ordre: il n'est pas permis d'être
réalisées les paroles de Notre-Seigneur: «Il n'en restera chrétien.
pas pierre sur pierre ». Le premier mur du Temple Dioclétien, après une terrible persécution, fait frapper
est pris d'assaut ... un soldat monte sur les épaules d'un une monnaie avec cette inscription: « Nomine christia-
autre, jette par la fenêtre une torche, le cèdre très sec norum deleto», « En souvenir de la disparition du nom
prend feu et au crépitement des flammes, aux cris chrétien ". Qu' allez-Vous devenir, ô Christ?
de joie des vainqueurs se mêlaient les râles des mourants, Que va-t-il arriver? Le christianisme sort triompha-
les sanglots des prêtres qui voulaient offrir pour la lement de chacun de ces bains sanglants. Et Néron
dernière fois le sacrifice, mais qui maintenant récitent devient fou, Dioclétien est déposé de son trône de
les prières des morts. Six mille personnes périrent pourpre et meurt comme un vieillard hargneux;
dans les flammes, les escaliers étaient inondés de sang. Galère Maxime, un des 'plus cruels persécuteurs, est
Titus se précipite, pour voir au moins un instant le dévoré vivant par les vers; Maximin Daia qui s'était
Saint des Saints que personne, en dehors du grand enivré du sang chrétien finit par s'empoisonner, niais
prêtre juif, n'a jamais vu. C'est en vain: tout est enve- la dose était insuffisante, elle agit lentement, il endure
loppé d'une épaisse fumée et bientôt l'emplacement des tortures infernales, il est terrifié par des visions :
du temple est un tas de cendres. le Christ avec des yeux étincelants, lui demandant
« Il est établi pour la ruine d'un grand nombre ". compte de ses fidèles massacrés ... il pousse des hurle-
b) La seconde nation qui s'est dressée contre le Christ ments et meurt... ; Maxence périt dans le Tibre; Licinius
fut la nation romaine. Ses empereurs pendant trois tombe sous le fer de Constàntin... -l'épouse du Christ
siècles inondèrent la terre du sang chrétien. Petite reste debout, couverte de sang, mais victorieuse et
poignée de guerriers chrétiens, pourras-tu supporter toujours jeune. -,
tant dé cruauté.? Pourras-tu résister? Tu seras anéantie. « Il a été établi pour. la ruine d'un grand nombre )J.
Ton nom disparaîtra. Il y a sept ans, le 9' novembre 1924, on célébrait le
On accusa les chrétiens d'être des athées -..: or ils seizième centenaire de la consécration de la Basilique
ne rejetaient que les idoles; de manger de la chair de Latran. A l'endroit même où s'élevait le palais de
humaine, - c'était le mystère eucharistique mal Maximien, où il allait de chambre en chambre en
comptis; d'être des conspirateurs, - parce qu'ils se méditant les plus sanglantes persécutions, se dresse
réunissaient dans les catacombes. depuis seize cents ans une église, la basilique du Latran
Qu'allez-vous devenir, ô Christ? sur le fronton de laquelle est inscrit : l) Mère et tête
j
102 LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST EST DIEU
de toutes les églises )J. Où jadis · était érigé le trône colonies sous le joug, des païens superstitieux, -
impérial se trouve aujourd'hui un trône qui ne sera parce qu'ils ont fait opp6sition au Christ.
jamais renversé, le trône du pape. Saint Léon a fait Émouvant enseignement de l' histoire : toute nation
faire · avec la statue d.c; Jupiter Capitolin la fameuse qui se ,sépare du Christ tombe dans la barbarie et le
statue de Saint··Pieire dont un pied est déjà usé par malheur.
les nombreux baisers des pieux pèlerins. 2. Cela ne s'applique pas seulement aux nations, .
Sainte Agnès, à l'âge de treize ans, est traînée de mais aussi aux individus.
force dans un mauvais lieu, mais son saint regard le Et maintenant je ne recherche plus le témoignage
transforme en église, et aujourd'hui se trouve à · cet des peuples, ni des Juifs ni des Romains ni de l'histoire:
endroit une des plus belles églises de Rome, l'église i'en appelle à nous-mêmes.
SaÏ11te-Agnès sur la Piazza Navona. On fait exécuter S'il se trouvait parmi vous, mes frères, un seul
aux· chrétiens prisonniers de pénibles travaux: on con- incroyant pour entendre en ce moment mes paroles,
struit un bain. Qui eût alors pensé que là où sous la c'est à: sa propre expérience que je ferais appel. Vous
direction de saint .Cyriaque on versait tant d~ sueurs avez réfléchi, vous avez essayé d'expliquer pourquoi,
avec un pareil mépris de la mort, s'élèverait un jour à cause de ceci, de cela, vous ne croyez pas au Christ ...
une église du vrai Dieu sous le nom de Saint-Cyriaque Dites-moi : Sans le Christ êtes-vous content? D'où
et que ce petit oratoire serait incorporé au chef-d'œuvre provient en vous dans les questions les plus graves
du plus grand génie de l'architecture, Michel-Ange, cette effroyable confusion? :Ëtes-vous si certain de
l'église Sainte-Marie-des-·Anges. Ah! s'ils avaient su, ne pas avoir d'âme? Si certain et si content qu'après la
lorsqu'ils creusaient le sol, qu'ils bâtissaient non pas mort tout soit fini? C'est facile à dire, difficile à croire.
un bain abri du péché, mais un temple de Dieu! Est-ce certain qu'après la mort il n'y aura pas de
« Il a été établi pour la chute d'un grand nombre ». jugement? Savez-vous avec tant de certitude qu'il n'y
c) Mais il n'y a pas que le peuple juif et le peuple a pas de Dieu tout-puissant et créateur? Et s'Il existe,
ro~ain pour apporter ce témoignage, toute l' histoire est-ce que ce Dieu accepte que chacun observe la loi
du inonde parle de même. ' Jetons seulement un coup morale qui lui plaît? .~
d' œil sur les cités d'Asie jadis si florissantes : Éphèse, Et ce n'est pas seulement aux incroyants que je fais
Antioche, Césarée, Nicomédie... que de savants, appel. Je fais aussi appel à nous-mêmes, à ces_ tristes
d'artistes, de saints y ont vécu ... saint Basile, saint minutt;!>. où nou~ avons commis le péché, contredit le
Grégoire, saint Jean Chrysbstome - cO,!llme ces villes Christ. Je fais appel à vous·-mêmes, Répondez-vous à
ont disparu 1 Regardons l'Afrique du 'Nord : saint vous~mêmes : n'avez-vous pas toujours ét6 près de la
Athanase, saint Cyrille, Tertullien, Clément, Origène, ruine, qua~d ! VO\lS vous êtes séparés du Christ? Le
saint Cyprien, saint Augustin - quelle vie magnifique péché vous a attirés, trompés, vous l'avez écouté, mais
alors - et aujourd'hui? des peuples barbares, des lorsqu'ensuite le remords a pénétré votre âme,
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST EST DIEU 10 5
n'avez-vous pas sai' SI' 1a ven ' 't'e des paroles de Les savants, les philosophes, les empereurs, les
Siméon ; II a e'te' eta
, . bl'1 pour la ruine de ceux qui soldats païens. se précipitèrent contre ces douze pêcheurs
Le contrediraient ... mais en vain. Tous les instruments de torture furent
employés contre eux - la hache s'émoussa, le glaive
II s'échappa des mains lassées du bourreau et le rocher
resta debout, l'arbre continua à croître. ~ 1
s'effondrent rois et empereurs. Qui va ' maintenant qui ornent les devants des autels et les murs des chambres
parler en sa faveur? Qui le défendra? Celui qui a été à coucher et qui sur des millions de tombes nous adres-
établi pour la chute et pour la résurrection d'un sent un salut consolateur, toutes proclament dans le
grand nombre. monde: « Vous êtes le_Çhrist, le Fils du Dieu vivant ».
Mais le Chpst'n'a pas de soldats! Non, mais II a le feu Il n'y a pas de visage qui ait été autant de fois reproduit
- et Moscou est en flammes. Mais le Christ n'a pas de que celui du Christ. Il n'y a personne dont la vie ait été
canons !Non, mais II a les tempêtes de neige - et elles autant de fois imprimée que celle du Christ dans les
balayent l'armée de Napoléon. Le pape retourne à quatre évangiles. Il n'y li pas de livre qui ait été traduit
Rome, le peuple est transporté de joie. en autant de langues que l'évangile: toute la Sainte
Et il en a toujours été ainsi, depuis que le Christ est Écriture a été traduite en plus de deux cents langues,
apparu comme « le grand signe de contradiction pour quelques parties l'ont été en plus de quatre cents.
les méchants ». Au cours des siècles, les adversaires du Le Christ aujourd'hui encore est le centre du monde et
Christ n'ont fait que changer de nom, mais pas de le point de départ de l' histoire. On cop,naît deux époques
haine. Jadis ils s'appelaient Néron et Dioclétien, dans l'histoire : celle avant le Christ et celle après le
aujourd'hui ils sont bolchévistes et francs-maçons; Christ. Quiconque écrit une date rend un hommage
jadis c'était sur l'arène du cirque romain que brûlaient muet au Christ; même les non-chrétiens sont obligés '
les bûchers sous les martyrs' chrétiens, aujourd'hui les dé se plier à cet usage, chaque fois qu'Us écrivent une
couvents d'Espagne brûlent sur la tête des religieux - lettre; ils , sont obligés de le faire, même les journaux
et l'Église ne tremble pas, ne pâlit pas, car elle connaît qui combattent le Christ, chaque fois qu'ils mettent
la prophétie de Siméon : « Le Christ a été placé pour la date sur un numéro. Qui pourrait comprendre tout
la chute de ceux qui se jetteront contre Lui» elle connaît Cela, si le Christ avait été simplement un homme?
les derniers mots de, l'évangile de ce jour: « Voici que Qui pourrait comprendre que le nom du Christ, bien
je suis avec vous jusqu'à la fin du monde ». qu'Il n'ait été ni un général ni un conquérant célèbre,
2) Mais écoutez et voyez également, mes frères, comme mais qu'Il ait vécu pauvre et soit mort dans le mépris,
la vie parle aussi en faveur du Christ. La vie dt La com- brille d'un éclat extraordinaire à côté du pâle souvenir )~
munauté chrétienne et le sort de mon âme. d'Alexandre le Grand, de César, de Gengis-Khan, de }1
a) La_vie
, de la communauté
.
chrétienne. Solimàn, de Napoléort? Qui comprend cela, si le Christ
C'est seulement quand retentit sur ses lèvres la grande n'a été ni poète ni philosophe ni savant et pourtant les
profession de foi au Christ: « Vous , êtes le Christ, le plus grands poètes, phil9sophes et savan~,~ sont heureux
Fils de Dieu », - c'est seulement alors que se révèle la quand ils peuvent écrire sur Lui? Qui comprend ce1a~ \
sublime vérité du christianisme ... Les millions et les si le Christ n'a été"qu'un homme? Il y a eu de grands
millions de croix qui se dressent au bord des champs philosophes qui pendant leur vie ont réuni autour d'eux ' :,:
'.
et des chemins, qui surmontent les clochers des égli~es, toute une école de disciples enthousiastes, mais ils sorit ;J
"
/
108 LE SYMBOLE DES ÀPÔTRES LE CHRIST EST DIEU 1°9
morts et qu'est-il advenu de leurs écoles? Où sont les idée : il escalade un figuier et de là il voit le cortège. ,
fidèles enthousiastes de Platon, de Socrate, d'Atistote? Mais le Seigneur qui voit dans les replis les plus secrets
Où y a-t-il au~monde seulement une petite école qui de l'âme, le Seigneur qui aperçoit même la pâle flamme
porte le nom d'Auguste, de César, d'Alexandre le de bonne volonté qui couve sous une rude écorce; le
Grand? Et aujourd'hui encore six cent millions d'hom- Seigneur qui, suivant l'expression d'un saint, fait autant
mes s'appellent du nom du Christ, chrétiens. Pourtant de pas vers . nous que nous enfaisons vers lui, N otre-
Auguste, César, Alexandre le Grand pendant leur vie Seigneur Jésus-Christ a vu le désir ardent au fond de
ont été les maîtres du monde, pourtant le Christ était l'âme de Zachée, Il s'arrête au-dessous de l'arbre et
un pauvre qui a été attaché à la croix. Qui comprend à l'étonnement de la foule, Il dit: « Zachée, hâte~toi de
cela, si le Christ n'a été qu'un homme? desc~ndre, car il faut qu'aujourd'hui je loge dans ta
b) Mais ,la vérité des paroles de Si~éon, en dehors maison» (S. Luc XIX, 5)·
de la grande réalité du ,christianisme, n'est pas moir.: J'ai demandé: Qu'est-ce que le Christ pour vous?
démontrée par le sort de mon âme à moi. N'avez-vous Car aujourd'hui encore il y a parmi nous une foule de
pas déjà bien des fois senti, mes frères, quel triomphe Zachées. D'hommes qui pareillement sont poursuivis
. c'est de vivre uni au 'Christ, si vous êtes capables de , par la vie. D'hommes dont la rude enveloppe menace
répondre vous-mêmes à cette question décisive: Qu'est- d'étouffer le plus petit élan de l'âme vers la religion,
ce que le Christ pour moi? Dieu, la vie éternelle ... en qui le désir ' du Christ n'est I
Connaissez-vous l'histoire du publicain Zachée? pas encore complètement mort, - quel bonheur, si un
Qu'était-ce que ce Zachée? Un publicain. Un homme jour ils rencontrent le Christ! « Il a été établi pour la
enfoncé dans les préoccupatio~s de la vie quotidienne, résurrection d'un grand nombre ».
qui du ' matin au soir gagnait son pain en percevant les Je pense à ce qui se passerait si un jour Notre-Seigneur
taxeS, - avec des mains pas tout à fait nettes ... Il avait parcourait à midi une des rues les plus fréq~e~tées
. un bon revenu, une vie tranquille ... mais aussi son âme de la capitale. Ses fidèles enfants, ses braves dISCiples
était comme celle de millions de ses semblables : au se joindraient aussitôt à Lui avec une joie infinie, comme
fond, tout à fait au fond soupirait de temps à autre iis le font par une profession de foi publique à la pro-
le désir de pieu, de Dieu oublié. Un jour parvinrent à cession de la Fête-Dieu ou à une autre procession du
ses oreilles",p.es bruits concerpant un « nouveau pro- Saint Sacrement.'"' Mais hélas 1 combien il y aurait
phète », les miracles qu'il opérait, les choses merveil- d'indécis, de victimes du respect humain~ d'hésitants
leuses qu'il enseignait ... Et un jour arrive la nouvelle qui se hâteraient de louer une fenêtre au second étage
que le -prophète va passer par sa ville, par Jéricho; .. sur le parcours du cortège et là du haut de la fenêtre, '7'"
Un désir sans nom le saisit: il faut que je le voie. pourvu que personne de leurs connaissances l~s aper-
Mais comment faire? A cause de sa petite taille, il coive! - ils salueraient silencieusement le Chnst à son !
1
ne verra rien dans la grande foule. Mais voici une bonne passage. Ce sont ceux que l'on ne voit jamais à l'église;
110 LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST EsT DIEU III
ce sont ceux dont l'entourage croit qu'ils n'ont pas la Ce sont les battements dus à la Circulation du sang.
foi; ce sont ceux dont l'âme est pour ainsi dire étouffée C'est vrai. Mais il bat aussi au souvenir,-\e vos nombreux
par la précipitation de la vie, mais eri-qui, au milieu de anciens péchés et il bat encore du désir ardent du Christ
tous les succès de la terre, se fait entendre le désir du si longtemps oublié.
Christ ... car il ne peut pas vivre sans le Christ celui qui Ah! écoutez et ouvrez votre cœur et que le calme de
même une seule fois a regardé dans ses yeux bénis. votre âme brûlante et rayonnante 'de bonheur soit un
Si seulement, mes frères, vous vous rendiez compte témoignage éclatant de la véracité de Siméon, que le
que le Seigneur vous parle aussi (à vous là-haut au Christ a été établi pour la joie et la résurrection de tous
second étage, à vous qui êtes plongés dans les études phi- ceux qui se tiennent prè8 de Lui et Le serventtidèlement.
losophi.ques, dans les angoissants problèmes de l'âme, à
vous qui êtes dans les lieux de plaisir, les salles de bal ... )
c'est à vous qu'Il parle: Hâtez-vous de descendre, car
aujourd'hui il faut que je demeure dans votre maison. Mes frères, vous connaissez la mOlt épouvantable de
Seulement ne dites pas que ce n'est pas à vous que l'empereur JulielJ l'Apostat. Par le fer et le feu, il avait
s'adresse le Seigneur, parce que vous êtes si éloignés . persécuté le christianisme, il voulait que l'humanité
de Lui. Ne dites pas que vos péchés vous ont submergés . oubliât jusqu'au nom du Christ. Et lorsqu'il eut réussi
, entièrement pour toujours. ' à noyer dans le sang les communautés chrétiennes, il
Non, ne le dites pas. Écoutez seulement les paroles demanda à un chrétien avec une ironie triomphante : .'
de Zachée à' Notre-Seigneur. Zachée est descendu en « Eh bien! que fait maintenant le charpentier galiléen? ,) 1·
hâte de son arbre et il a dit sans' reprendre haleine : Le chrétien répondit par ces mots remplis d'une foi 1
« Voici, Seigneur, que je donne aux pauvres la moitié inébranlable: «Il fait ton cercueil ». En réalité, le cercueil
j:
de mes biens et si j'ai fait tort de. quelque chose à de Julien était déjà fait. Et lorsqu'il resta mourant sur
le champ de bataille il prit dans le creux de sa main un [:
quelqu'un, je lui rends le quadruple». Et Notre':Seigneur !
lui dit: «Le salut est venu aujourd'hui sur cette maison ... peu de son sang et le lança contre le ciel avec ce cri de i
car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce désespoir : Tu as vainc~, Galiléen.
qui était perdu» (S. Luc XIX, 8-10). Oui, l'histoire entière témoigne que le Christ de GaWér:
Vous jlussi réparez ce qui a été défectueux. Vous aussi a toujours été victorieux.
remettéz en ordre la maison de votre âme, - et le Mais nous ne ~oulons pas Lui rendre hommage à b
Christ entrefa chez vous. manière de l'impie Julien l'Apostat, brisé, désespéré,
« Voici que je me tiens à la porte et je frappe », dit anéanti,- mais Lui rendre hommage par cette prière d'un
de Lui-même Notre-Seigneur (Apocalypse III, 20). cœur fervent et transpol'té de bonheur Vous ites
Mes frères, ne L'entendez-vous pas frapper? N'enten- victorieux, Seigneur Jésus 1 Soyez le roi de notre âme
dez-vous pas les battements de votre cœur? Vous dites: soumise. Amen.
LE CHRIST EST DIEU
Symb. d, Ap, - T , TI Il
IIf LE SYMBOLE DES APÔTRES
LE CHRIST EST DIEU 115
Quelle est cette circonstance? Cette chose intéressante j'occupe, je fais aussi partie de l'ensemble de l'humanité
et inexplicable que depuis deux -mîlle ans nous ne pouvons et'sans moi l'histoire ne serait pas Ce qu'elle est devenue
plus oublier Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ils ne le peuvent avec moi. Sans doute, la plus grandé partie des hommes
pas ceux qui L'aiment, ils ne le peuvent pas ceux qui Le n'est qu'une toute petite pierre dans la mer immense:
haïssent:-- S'il n'a été que simplement un homme, un à peine l'eau fait-elle quelques rides. Mais il y a des
de ces milliards qui ont déjà vécu sur la terre';' alors ce ' grands hommes, des célébrités de l'histoire du monde,
fait curieux reste pour moi totalement inexplicable. des héros, des conquérants, des inventeurs, des savants,
Je l'affirme: pour moicett~ idée est d'une telle puis- des artistes qui font jaillir autour d'eux des vagues très
sance que je trouve qu'il vaut la peine de développer hautes, dont l'activité forme à la surface de l'histoire
dans mon sermon d'aujourd'hui ces trois ponts: 1. On des cercles gigantesques ... Mais qu'ils soient grands
oublie tout, seulement Il. On ne peut pas oublier le Christ,
ou petits ... la fin, le sort de chaque homme est le même:
donc III. Il est le Roi immortel de ['éternité.
Quand on descend dans les profondeurs de la mer, dans
les profondeurs de la tombe, les vagues commencent
à se calmer ... « Un instant et vous avez tout oublié, un
1 instant et vous êtes oublié de tous »' ,
C'est le sort commun à tous les hommes. C'est le sort
ON OUBLIE TOUT des bons, c'est celui des méchants. II y a eu de puissants
monarques devant lesquels les peuples de tout un con-
tinent s'inclinaient avec res,p ect, - qui les connaît
Mes frères, jé jette une pierre dans l'eau. Un clapotis
aujourd'hui? Il y a eu des hou{mes au grand cœur, pleins
se fait entendre et là 'où la pierre a touché la surface
de charité dont on disait au jour de leurs obsèques que
de l'eau des cercles se forment. Si c'est une petite pierre,
« le souvenir de leurs bienfaits vivrait éternellement ",
elle ne forme que quelques cercles, si c'est une grosse
- et aujourd'hui on ne sait plus leurs noms.
pierre que j'ai jetée, les cercles s'étendent et durent plus
Il y a eu des tyrans sanguinaires qui ont envoyé
longtemps, mais après un certain 'temps - que la pierre
des milliers de victimes à la mort, peut-être pendant
soit grosse ou petite - les oscillations cessent, l'eau
cinquante ans, peut-être pendant cent ans les pères en
redevient calme et la petite ou la grosse pierre reste
ont~ils parlé aveè effroi à leurs fils, mais ensuite? C'est
immobile au fond.
tout. Ils sont'--disparus sous les eaux; la tombe les a
Tout homme est une pierre jetée dans la mer immense
engloutis et ils sont voués à l'oubli.
de l'histoire de l'humanité. Où que nous soyons, quelles
Mais pourqu,oi vous présenter des exemples si an-
que ~oient nos occupations, notre science, nos richesses,
tiques? L'image des vieux parents est attachée au mur
notre manière de vivre, nous formons plus ou moins
dans la plupart des familles. Les enfants la regardent
de cercles à la surface. Si simple que soit le poste que
avec respect. Puis les petits-enfants arrivent dans la
..
LE CHRIST EST DIEU
II6 LE STMBOUl DES APôTRES
de nos parents i- mais seulement tant qu'ils sont en
vieille demeure, ensuite viennent' lell IArrière-petits-
vie. Qui célèbre l'anniversaire d'un mort? M:,lÎs un
enfants ... l~ ~ortrait des arrière~grands-parents a déjà
jour vint au monde un petit enfant - bien loin, dans
beaucoup pah : on le porte au grenier. Oui, on oublie
un pays perdu, dans une étable,abandonnée - il ne
tout, on oublie tout.
vécut pas longtemps sur la terre; seulement' trente-trois
" Et maintenant arrive mo~ ., grand problème, mes
ans et cependant il a tracé de tels sillons dans l'histoire
f~ères. A, cette ,loi humaine de l'oubli qui ne connaît pas
. que chaque année le jour de sa naissance est célébré
d eX,ceptlOn fait seul exception Notre-Seigneur Jésus-
- même par les non-chrétien~ - avec une solennité
Chn~t : Nous n'oublipns pas le Christ. Le Christ aujour-
rayonnante de bonheur, de ferveur, de paix et de joie.
d'hm encore est aimé d'un tel amour et aujourd'hui
, Qu'est-ce , que cet enfant? Est-ce réellement "un
encore est haï d'une telle haine que cela serait incom-
homme? 'Bien sûr - il n'y a pas de doute.
préhensible, s'Il n'était qu'un homme ordinaire, qu'un
Mais il faut qu'il y ait quelque chose de plm•.
des acteurs de l'histoire de l'humanité..
2. Nous ne célébl,"ons pas seulement le souvenir du
Christ, - le Christ vit encore aujourd'hui parmi nous.
Nous n'avons pas oublié le Christ: Il vit au mûieu de nous
II et chaque jour son ' saint nom est prononcé dans les
prières de centaines de millions d'hommes. Nous
ON N'OUBLIE PAS LE CHRIST n'avons pas oublié ses paroles; la moindre de ses paroles
retentit parmi nous, comme si elle avait été dite hier.
Où est né mon arrière-grand-père, je ne sais pas; que
A) On aime aujourd'hui' encore le Christ.
faisait mon grand-père à l'âge de douze ans, je ne sais
1. Répoùdez seulement à cette question : De quoi
pas; quelles furent les dernières paroles de ma grand-
parle Noël? De la naissance du Christ. Mais n'est-il pas
mère avant sa mort, je l'ignore ... Or tout cela a eu Heu
s~rprena~t ,qu'aucune naissance avant Lui et après Lui
n ait SUSCite une telle sensation? Pourtant des milliards
1
il y seulement de quarante à soixante ans. Mais -bù
est né le Christ il y a deux mille ans, qu' a-t-Il fait à
d'enfants sont venus au monde depuis. Des enfants de
l:âge de douze aris dans le Temple de Jérusalem, quelles
princes, de rois, d'empereurs. Mais qui se soucie d'eux?
furent ses dernières paroles sur la croix, chaque enfant
Oui, car mêmesi~c'était l'enfant du plus puissant
du catéchisme le sait. Les cœurs de centaines de millions
monarque, quelle importance cela avait-il t pour les
battent plus' fot;t, dès qu'ils prononcent son nom. Les
contemporains et pour les hommes des siècles à venir?
souffrances de centaines de millions s'adoucissent,
C'est seùlement le jour de naissance du Christ qui est
quand ils regardent vers la croix. Des centaines de
encore célébré aujourd'hui. Et nous le célébrons encore
millions reçoivent de Lui la force de remplir silen-
après sa mort. Certainement nous célébrons récipro-
cieusement, sans mot dire, leurs devoirs d'état. Il y en a"
quement chaque année l'anniversaire de nos amis et
I18 LE SYMBOLE DES APôTRES ,LE CHRIST EST DIEU
toujours eu et il yen aura toujours pour être prêts à pas l~ sec~et de perpétuer mon nom et mon amour dans
subir pour Lui le martyre. Il y en a toujours eu et il y le cœur des hommes, de faire un miracle sans l'aide de
en aura toujours pour être prêts à renoncer, pour Le la matière. Il en a été ainsi de César-, d'Alexandre le
servir, aux plus brillantes carrières mondaines. . Grand. On nous oubliera, les noms des conquérants ne
« ~coutez, ~a chère sœur - disait u~-.incroyant à resteront que comme sujets de dev~irs scolaires. Q~el
une religieuse garde-malade, en voyant avec quelle abîme entre ma misère et le royaume éternel du Chnst,
patience angélique elle soignait un malade repoussant - que l'on aime, que l'on adore et que l'on prêche dans
écoutez, ma chÙe sœur, je ne soignerais pas ce malade le monde entier! Est-ce que le Christ est mort? N'est-ce
pour cent francs par jour ». pa,s plutôt une vie éternelle? Oui, c'est la m?rt du
« Et moi pas pour deux cents francs non plus, Christ. Ce n'est pas la mort d'un homme, malS celle
répondit la religieuse, puis elle ajouta doucement : d'un Dieu ».
... mais je le soigne pour Jésus-Christ )J. Lorsque Lénine mourut, il y a quelques années, son
Eh bien! voilà ce que je ne c<;lmprends pas. Je ne corps fut embaumé' et déposé dans un mausolée érigé
comprends pas que, si le Christ n'a été qu'un homme, avec des frais considérables à Moscou, afin que l'idée
qui a vécu et qui est mort, on L'aime ainsi après deux soviétique possédât une relique où les hommes vien-
mille ans. draient en pèlerinage. Mais le corps commença bientôt
3. Ce fait que le Christ aujourd'hui encore, vingt à se décomposer, finalement il fallut l'incinérer et
sièCles après sa mort, est une réalité vivante dans des fermer le mausolée. Or Lénine est mort il y a seulement
centaines de millions de cœurs, personne au monde quelques années... ..
ne peut le comprendre, ne peut l'expliquer, sauf celui Et Notre-Seigneur Jésus-Christ est mort 11 y a
qui sait que le Christ est bien mort, mais qu'Il est éga- dix-neuf siècles ... mais allez dans le ph,ls petit village
lement Dieu et que par suite Il est encore 'vivant parmi nous. ou bien dans l'église d'une capitale, devant le tombeau
Cette perisée fit grande impression sur Napoléon du Christ, devant le Très Saint-Sacrement, à n'importe
en exil qui, à Sainte-Hélène, décl ara un jour au général quelle heure de la journée vous trouverez des gens
Bertrand: « ••• C'est ce qui m'étonne le plus e me priant en silence, adorant, selon la foi, non pas
prouve avec certitude la divinité du Christ. Moi aussi un Christ embaumé, mais un Christ vivant et résidant
j'ai pu enthousiasmer les foules qui sont -111ées po~r éternellement parmi nous... Si le Christ n'était
moi à la mort. Mais ce qui allumait en leurs cœurs le simplement qu'un homme, pourrait-on comprendre
feu sacré, c'était ma présence, l'étincelle électrique de qu'on puisse L'aimer ainsi? '
mes regards, ma voix, mes paroles. Il 'y a en moi une Et surtout. .. qu'on puisse autant Le haïr?
mystérieuse force magique qui transporte les hommes, B) On hait le Christ aujourd'hui e n c o r e . ,
mais je ·ne peux pas la communiquer à d'autres, je ne Pendant ces deux mille ans, Il a toujours eu (les ,
p eux pas la donner à mes généraux; et je ne connais ennemis et Il en a encore actuellement, qui avec une
120 LE SYMBOLE DES APôTRES LE CHRIST EST DIEU 121
haine satanique voudraient effacer son nom de la humaine: cette haine peut-elle s'expliquer, ces vingt
mémoire~des hommes, qui L'attaquent avt;c une siècles de christianisme; ses luttes, sa contiimité, sa
astuce et une violence infernales. victoire peuvent-ils s'expliquer, si le Christ n'était
Et c'est ce que je ne comprends pas non plus, si le qu'un homme mort sur une croix?
Christ n'a été qu'un homme. . « Consummatum ·est Il - « Tout est consommé », tels
1. Je ne ·comprendrais que si cette· haine qui fait fu.rent t. les derniers mots sur les lèvres , du Christ
rage depuis des siècles s'attachait à quelque tyran expirant. Et s'Il n'était qu'un homme, ~es paroles
sanguinaire de l'histoire universelle qui aurait été le proclament sa déception et sa défaite finales. Alors
bourreau de ses contemporains. Mais non; ce ne sont elles ne signifient pas que la grande œuvre de la
pas les pharaons des pyramides, ce n'est pas Néron rédemption est accomplie, mais que « Tout est fini ».
baigné dans le sang, ce ne sont pas eux qui sont haïs, - « Consummatum est » - « Tout est fini », disait pour
c'est le Christ de Nazareth qui est haï, - Et c'est ce que se tranquilliser en revenant du ,Calvaire la foule qui
je :ne saisis pas. Car si le Christ n'avait été qu"un un instant aUl'aravant avait été si épouvantée par le
,homme, sa personne serait encore l'apparition la plus tremblement de terre et l'éclipse de solèiL Maintenant
digne de respect de l'histoire. A-t-Il fait du mal à qui il ne 'faut plus avoir peur. A présent tout est ·fini.
que ce soit ? Y a-t-il quelque chose de mal que l'huma- « Consummatum est» - « Enfin c'est fini », s'écria
nité ait appris de Lui? N'a-t-Il pas proclamé le grand certainement Pilate qui ' ne pouvait plus trouver de
commandement de l'amour? Ne Lui avons-nous pas repos depuis la sentence; s'écria Hérode qui avait
entendu raconter la parabole du Bon Samaritain? Et
ce Christ peut être haï? Et l'on peut lutter contre Lui
tremblé de la peur que l'activité du Christ ne déclenchât
une révolution.
l"
avec les armes infernales d'une tschéka soviétique? « Consummatum est» - « Enfin c'est fini », s'écrièrent
Et aujourd?hui la rage des révolutionnaires espagnols avec grand soulagement les ennemis dù Christ. Il nous
n'écume-t-elle pas contre Lui? a causé suffisamment de mal et de nuits sans sommeil, -
Le Christ n'a pas été si~plement un homme. Il a à prése'n t nous pouvons dormir.
dû être bien davantage, c'est ce que démontre ce fait « Consummatum est» - « Alors c'est la fin? », disaient
curieux de l'histoire : Le Christ a été mis à mort. il en s~!lglotapt les apôtres déçus 4ans leurs espérances.
y a vingt siècles et son souvenir béni, sa force, sa sai~te Et après que le Christ a terminé sa vie par une
figure sont encore vivants aujourd'hui pour les c~n défaite aussi complète, expliquez-moi comment il est
taines de millions de fidèles qui L'aiment; le Christ possible qu'après vingt siècles de changements ~ans les
est mor! il y a deux mille ans et ses ennemis Le craignent institutions, les idées, les usages, les travaux de 1 huma-
encore toujours, ils cherchent encore toujours à Le nité, le Christ ne puisse pas être oublié, - ~ie~ plus
faire mourir. qu'aujourd'hui encore Il occupe une place emmente
2. Envisageons , les choses de façon purem~nt dans l'histoire du monde. Une place si éminente qu~ l,
1
1
•
III ,
sans cesse aujourd'hui encore on se lance contre Lui grande idée. Mais, il y a quinze ans, des centaines de 1
avec une haine insondable, pour pouvoir un jour enfin mille et des millions ne sont-ils pas morts héroïquement 'II
Le tuer ... Mais pourquoi tuer de nouveau Celui qui p~!1r une grande idée etJeurs noms sont déjà recouverts
a été jadis mis à mort le Vendredi- Saint? Ce n'est de poussière et souvent nous ne savons pas où est leur
pas l'habitude d'exécuter toujours à nouveau un mort. tombeau. Si le Christ était simplement un homme, il
aurait eu inévitablement le même sort.
Combien l'histoire connaît··elle d'hommes célèbres
III qui ont fait couler des fleuves' de sang à cause de leurs
projets tyranniq'fes et que les malédictions de centaines
de mille poursuivent dans leurs tombes, - mais qui
, LE CHRlST EST LE ROI IMMORTEL DE L'ÉTERNITÉ
aujourd'hui encore leur en veut? A la mort de combien
d'hommes au grand cœur on a versé des flots de larmes,
~orsqu'on réfléchit sur ces constatations, il vient à ,- mais qui verse aujourd'hui encore une larme sur eux?
l'esprit un magnifique passage de la Sainte Écriture Il suffira peut-être de nous en référer encore une fois
et on est poussé par une force irrésistible à s'écrier à Napoléon. Dans les pays vaincus et dominés par lui,
, 1
avec saint Paul: « Au Roi des siècles, immortel, invi- son nom fut un certain temps l'objet d'une sanglante
sible, ' seul Dieu, honneur et gloire ' dans , les siècles horreur. Et actuellement? Moins de cent ans après sa
des siècles)) (I0 Timothée l, 17). Réellement le Christ mort? La troisième et ,la ' quatrième géné'ration de ceux , ,
était Dieu, car les siècles de l'histoire proclament à qùi avaient subi son joug l'admire déjà comme un ,
t,
travers le monde qu'Il est le Roi immortel des siècles. héros et va en pèlerinage à son tombeau soUs le dôme
1. Nous connaissons cette haine sans limite dont les des Invalides. Comment cet homme pouvait-il inspirer
pharisiens d'il 'y a dix: neuf siècles ont poursuivi le à ses grenadiers un tel mépris de la mort, tant qu'il
Christ, ~ et voilà que la même haine ardente fait rage
aujourd'hui encore contre la croix du Christ et l'Église.
eut le pouvoir? Et maintenant? A peine cent ans
après sa mort? Où y a-t-il un seul homme que le li
1
Nous connaissons cet amour fervent et généreux que nom de Napoléon enthousiasme pour le plus petit
les disciples du Christ ont témoigné envers leur Maître, sacrifice? Oui, le temps apaise impitoyablement toutes
il y a dix-neuf siècles, - et voilà que la même flamme les vagues qu'un homme - fût.:.il le plu~ grand - a
d'amour brûle aujourd'hui encore dans la vie généreuse soulevées sur l'océan de l'histoire du monde; mais si
de millions de cœurs. Où l'histoire du monde montre- le Christ a pu soulever des vagues qui , depuis n'ont
t:'elle un~~el personnage haï et aimé pendant, d eux jamais disparu, n'ont pas diminué et ne s:apaiseront
mille ans, en dépit de la grande loi du temps, du temps jamais, est-il besoin d'un signe plus clair pour faire
qui peu à peu, ensevelit t01,lt, oublie tout. voir qu'Il était plus qu'un homme ordinaire, - qu'Il
C'est vrai: le Christ est mort héroïquement pour une était l'Homme-Dieu, le Roi immortel des siècles.
LE CHRIST EST DIEU 12 5
12 4 LE SYMBOLE DES APÔTRES
2.Mais il me faut continuer ... le Christ est le Roi Mais celui qui lit avec une âme de bonne volonté sa
de l'éternité, mais pas en ce sens que l'on garde de vie dan~ l'évangile; celui qui écoute ses paroles qui
son nom un souvenir pareil à celui d'un défunt, mais témoignent de sa conscience' divine; celui qui regarde
en ce sens qu'aujourd'hui encore iaiUit de sa personne ses miracles et sa personnalité surhumailJe; celui qui
une source inépuisable d'énergies vitales. ' a déjà compris sa propre faiblesse et toute l'impuissance
Si le Christ n'avait été qu'un homme, qui pourrait humaine; celui qui a déjà éprouvé dans son âme toute
expliquer cet océan immense de forces morales et civili- l~ désolation et l'abandon dont le chemin de notre vie
satrices, cette puissance illimitée de charme personnel qui terrestre est si souvent traversé; celui qui a été obligé
découlent sans interruption du souvenir de cet homme ' d'implorer miséricorde au milieu des écueils du
exécuté comme un criminel il y a vingt siècles. Peuvent- péché, - ah! celui-là a plus de mille motifs de faire
ils résoudre cette énigme, ceux qui regardent le Christ cette profession de foi heureuse, triomphante et vivante:
simplement comme un homme? « Vous êtes le Christ, le Fils de Dieu ».
Dans un sermon précédent j'ai cité ces paroles du
malheureux Nietzsche : « Quand nous entendons les
dimanches le son des cloches, nous nous demandons :
!
Est-ce possible? C'est pour un Juif crucifié il y a deux
mille ans et qui a prétendu être Fils de Dieu! » En vérité,
si le Christ n'était autre qu'un malfaiteur juif attaché
Mes frères, il y a un passage émouvant de l'évangile
où nous lisons la conversation engagée entre Satan :
sur un bois d'infamie, nous serions en présence d'une le tentateur et le Christ jeûnant dans le désert. L'ange
telle énigme que l'on pourrait en perdre la raison. déchu s'approche du Christ qui jeûne depuis quarante ,
Nietzsche en est devenu fou : il entreprit une guerre jours et il fait une tentative aussi insolente qu'inouïe :
d'extermination contre le Christ, contre le Juif crucifié amener Notre-Seigneur au péché. Comme le sifRement 1
et contre sa doctrine, - mais il succomba dans cette d'un serpent, sort des es lèvres la parole tentatrice : Il
lutte. Dans la dernière lettre qu'il écrivit avant de « Je vous donnerai tout cela, si, tombant à mes pieds, 1
tomber dans la nuit de la folie, se trouve ce mot mysté- vous m'adorez» (S. Matthieu IV, 9). Mais de la bouche
rieux : « Le crucifié ». Le Christ crucifié autour de qui de Notre-Seigneur jaillit comme un éclair la réponse
le combat fait rage depuis vingt siècles, contre qui tant écrasante d'une sainte colère : « Retire-toi, Satan ».
se sont, déjà insurgés, mais qui est resté jusqu'au bout Et les anges s'approchèrent et servirent le Christ.
le Roi béni de l'éternité. Satan s'est éloigné dit Christ, mais ses' paroles ,: « Je
C'est vrai: il reste autour de Notre-Seigneur des vous donnerai tout cela, si, tombant à mes pieds, vous
m'adorez, » se répètent à travers l'histoire millénaire
il
1
traits incompréhensibles, il reste bien des problèmes.
Notre raison humaine bornée ne peut pas pénétrer com- de l'Église. L'histoire de l'Église est-elle autrt; chose
plètement le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu. qu'une lutte gigantesque autour d'une seule question:
LE SYMBOLE DES APôTRES
de la cathédrale commencent à chanter. Et à mesure que l'hostilité. Il a été soumis à la tentation, SatanW> s'est
,'\ 'le jour avance, leur''-chànt devient plus alerte et plus approché de Lui avec les vieux appâts de la faim, de
fort; ils s'arrêtent de temps en temps .. :- puis au bout l'orgueil et de la soif du pouvoir, - et le Christ nous a
d'un instant ils recommencent de nouveau avec des montré comment il nous faut triompher de la tentation.
accents tantôt douloureux tantôt joyeux... lorsque, La nuit sans étoiles du mont des Oliviers est descendue
""' 1\
sur Lui, si bien que de son corps couvert d'une sueur de Le visage miséricordieux du Christ!
Rang s'est échappée cette plainte: « Mon Père, s'il est Coniprenons-le bien, Notre-Seigneur Jésus-Christ
'possible; que ce calice passe loin de moi. Cependant, • n'a rien détesté en ce monde que le péché. Le péché était ' 1
non pas comme je veux, mais comme Vous voulez » : pour Lui une chose épouvantable; mais il y avait encore Il
1
li
1
/.
lui sont pardonnés, parce qu'elle a beaucoup aimé ... Seigneur? Il regarde Pierre. Quelle douleur, qudle
Et il dit à la femme: Tes péchés te sont pardonnés » pitié, quel amour, quel pardon dans ce seul regard! -
(S. Luc VII, 44). la Sainte Écriture n'en parle pas. Elle dit seulement que
Mes frères, il nous est difficile de nous représenter l'âme de saint Pierre fut profondément émue. « Et
avec quelle douceur ces paroles coulèrent comme un le Seigneur s'étant retourné regarda Pierre ... Et étant
baume sur l'âme de cette femme qui pleurait ses péchés. sorti de la maison, Pierr.e pleura amèrement» (S. Luc
Comment? Est-ce possible? Je ne suis plus un rebut XXII, 61-62). .
de l'humanité? Mon âme n'est plus une guenille déchi- Ah! le visage miséricordieux du Christ 1
rée? Je ne suis donc plus obligée de me ,cacher devant d) Et pour finir, encore un exemple: le Christ sur
[es yeux des gens vertueux? Non. Celui qui est la sain- la c~oix. Il y a aussi au pied de la croix la Vierge Marie
teté même, la pureté même, a daigné me supporter à et on s'attendrait à ce que les dernières paroles de Jésus
ses pieds ... fussent pour sa Mère. Mais non: « Mon Père, pardon-
Il est difficile de nous représenter les sentiments de nez-leur» (S. Luc XXIII, 34)' C'est à ces ennemis
Madeleine ... C'est-à-dire, que ce n'est pas tellement forcenés ' qui viennent de Lui cracher au visage, qui
~ifficile ... En effet nous avons eu aussi déjà de tels
viennent de L'attacher à la croix et qui L'insultent
l11stants. Après les minutes agitées de la préparation encore ... c'est à ceux-là que le Père doit pardonner.
à la confession et de l'aveu de nos péchés viennent après Et le Bon Larron élève la voix: « Seigneur, souve-
la confession les instants de joie céleste : comment; nez .. vous de moi, quand vous serez dans votre
tout m'a été pardonné, me voilà rentré dans l'ordre! royaume» (S. Luc XXIII, 42). Et Notre-Seigneur
o visage miséricordieux du Christ! tourne vers lui son visage couvert de sang et de larmes
c) Mais voici un nouveau tableau : le Christ en la et lui dit d'un ton plein de miséricorde et de pardon:
« Aujourd'hui même tu seras avec moi dans le paradis»
n~it du Jeudi-Saint sort de chez le grand-prêtre qui
vle~t de L~ condamner et rencontre Pierre qui vient de Le (S. Luc XXIII) 43)· .
renier. \ Et après avoir prié pour ses ennemis et après avoir
• « Je ne connais pas cet homme », a dit avec serment
pardonné au pécheur repentant, alors seulement Il
saint Pierre seulement quelques instants auparavant. s'adresse à sa Mère pour lui faire ses adieux.
Et maintenant se présente le Christ. A quoi devrait-on o visage miséricordieux du Christ 1
s'attendre? Pierre, il y a quelques heures seulement,
a reçu pour la première fois la sainte communion; il y a
quelques heures seulement qu'il a reçu le sacerdoce, ~
est-ce que après tout cela Il ne va pas chasser du nombre Et maintenant, mes fr~res, répondez en guise d'adieu
des apôtres cet ingrat, cet indiane? Nous autres à cette question extrêmement. grave ·: Quel est l)our vous
hommes, nous aurions sûrement agtainsi ... Mais Notre~ le visage dit Christ? Quel est le visage du Christ qui vit
LE SYMBOLE DES APÔTRES
infidCle. Seigneur, je ne serai pas un traître. Amen. L'employé chinois regarda le voyageur avec étonne-
ment, regarda ses tableaux ... s'embrouilla ... calcula ... ~
'1
et finalement prit le texte de la dépêche et inscrivit '1
dessus le chiffre 1.
Il
1
1
1
LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST?
peuples païens les plus civilisés, comme leur idée de parfaite de toute éternité, qu"n est le Créateur, le
Dieu est restée enfoncée dans une sphère grossière: Conservateur, la Providence et le centre du monde, de
nous t'offrons des sacrifices, mais seulement pour que qui tout provient et vers qui tout C'onverge, qui n'a
tu nous récompenses richement. La divinité;!' d'après besoin de personne, mais dont tous les hommes ont
besoin. ' '
eux, existe pour l'homme et non pas l'homme pour 1
Dieu, comme nous le croyons. On a mis au service Ce n'est pas Dieu qUt existe à cause de l'homme, mais
de l'égoïsme humain l'idée d'une divinité avec laquelle l' homme à cause de Dieu. Et si j'existe à cause de Dieu,
on peut faire de petites affaires et qui, pour chaque alors le but de ma vie sera l'accomplissement de sa volonté,
sacrifice offert et pour chaque acte de, culte, payera en - c'est la doctrine nouvelle et inédite du Christ.
monnaie terrestre sonnante. Examinons seulement quelqu~s paroles : « Je suis
B) Notre-Seigneur Jésus-Christ est alors intervenu descendu du ciel, pour faire, non ma volonté, mais la
, dans ce tableau déformé et indigne de la divinité et a volonté de celui- qui m'a envoyé » (S. Jean VI, 38).
proclamé à la place une idée de Dieu dont l'homme « Ce ne sont pas toUs ceux qui me disent: Seigneur,
n'avait pas encore jusqu'alors soupçonné la' beauté et Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux,
dont il ne pourra jamais épuiser la profondeur : Il a mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans
prêché un seul vrai Dieu en trois personnes. . les cieux» (S. Matthieu VII, 21). « Car quiconque fait
, Depuis que l'homme existe sur la terre, il a toujours la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là
cherché et connu Dieu. Mais dans cette recherche il est mon frère et ma sœur et ma mère» (S. Matthieu
s'est souvent égaré dans des chemins obscurs et cette XII, 50). C'est de Lui qu'a enseigné saint Jean: « Le
connaissance n'a toujours été qu'incomplète. L'homme monde passe, et sa concupiscence aussi; mais celui qui
n'a jamais cessé de chercher, Dieu, mais même les plus fait la volonté de Dieu demeure éternellement »
grands esprits n'ont toujours été que des chercheurs (le S. Jean II, 17).
de Dieu, - seul Notre-Seigneur Jésus-Christ a donné Lorsque ses 'disciples Lui demandèrent de leur
Dieu. apprendre à prier et que le Christ eût résumé dans le
Les plus grands esprits de l'humanité ont pu tout au «( Notre Père· » tout ce qu'Il avait le plus à cœur, que
plus s'écrier: « Nous avons trouvé le chemin qui conduit leur a-t-Il appris en premier lieu à demander? « Que
à Dieu », - mais le Christ a dit et seul le Christ pou~ait votre nom soit sanctifié. Que votre règne arrive. Que
le dire: « Je 'suis la voie ». Les plus sages de l'humanité ,votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel »
ont tout au plus découvert quelques fragments de (S. Matthieu VI, 9-ro).
vérité et de sagesse, mais lequel aurait pu dire de Iui- Ce n'est pas Dieu"'qui existe à cause de l'homme
même, comme l'a dit le Christ: « Je suis la vérité ». mais l'homme à cause de Dieu, ~ c'est la doctrin~
Qu'a donc enseigné le Christ sur Dieu? tout à fait nouvelle du Christ qui envisage 'l'existence
a) Il enseigne que le seul vrai Dieu mène une vi~ du point de vue théocentrique, c'est-à-dire fait de Dieu
LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST? 145
le but final de tout désir, de tout dessein et de tout le laissez tomber! Vous êtes remplis d'ondes radio-
1
effort humains. . électriques et vous ne les sentez pas.
La foi en Dieu est l'essence du christianisme. C'esl Depuis Jésus-Christ nous savons ce que veuf dire :
sur cette idée centrale de Dieu qu'est fondée toute la sans Dieu. Sans Dieu? -.:.. abandonnez tout espoir.
foi chrétit:nne, qu'est fondée toute la morale chrétienne, Sans Dieu? - pas de commandements, pas d'honnêteté,
c'est d'elle que jaillit la force qui fait aimer le Christ pas de mains nettes, pas de cœur pur, pas de respect
jusqu'au sacrifice, cette supériorité sur le monde qui pour les parents, pas de considération, pas d'autorité,
triomphe de tous les obstacles dans la vie morale, pas d'obéissance. Sans Dieu? - pas de famille, pas
c'est en elle que le chrétien plonge ses regards dans la d'amour., pas de respect mutuel; au contraire ... une
1
perspective de l'éternité, c'est elle qui fait gémir étoile tombée du soleiL.. un trou de cave moisi et
l'âme chrétienne sous le souffie de l'éternité. empesté ... un chemin sillonné par les éclairs, brumeux,
Cette vie spirituelle délicate et cependant capable allant dans les nuages ... un marais ... une nuit glacial~,
de sacrifice héroïque que fait naître le christianisme une cruauté bestiale.
ne peut s'expliquer que par notre concept de Dieu, la c) Le Christ, en plaçant Dieu au centre du monde
connaissance de ce Dieu qui peut amener à Lui et et en Le constituant fin dernière de toutes choses, a
retenir près de Lui tout ce qui intéresse l'âme humaine. indiqué aussi par là le but de la vie humaine : l' homme
En un mot, on pourrait dire que la grande leçon du n'est pas pour, la terre, mais c'est la terre q'ui est pour
Christ consiste en ce qu'elIe .a dirigé la religion de la l'homme. -
terre vers le ciel, c'est··à-dire qu'elle l'a libérée de sa Si Dieu est rééllement le centre et le but final de 1 i
tendance terrestre purement naturelle et l'a transportée toutes choses, alors il est naturel que l'homme ne vit
dans les hauteurs surnaturelles. pas pour cette terre mais qu'atteindre notre Dieu et
Ce n'est pas Dieu qui existe à cause de l'homme, ,n otre Maître est le seul but final digne de l'homme, et
mais l'homme à cause de Dieu. que servir Dieu pour atteindre ce but doit être la seule
b) Mai~ depuis la venue de Notre-Seigneur Jésus- conception de la vie terrestre. Car je ne sais pas seule-
Christ nous savons. aussi que ce n'est pas Dieu qui est ment par le Christ que Dieu m'aime, me cherche et
dans le monde,' mais le monde qui est en Dieu. m'attend, mais aussi que je dois également travailler,
Dieu remplit tout. Je suis en Dieu, Dieu m'entoure, afin de pouvoir arriver à Dieu. .
bien que je ne le sente pas. Je ne le sens pas ... je ne le Remarquez-le bien, mes frères. Parmi les apôtres
sens pas ... Est-ce que vous sentez la multitude d'ondes de Notre-Seigneur il y eut un Judas; il avait vu, entendu
électriques d'une station radiophonique? Non. Pourtant et appris de Jésus autant que les autres. Et prnifta,nt
.1
vous en êtes aussi remplis. Saisissez le fil de l'antenne les autres sont devenus les' apôtres, maIs lui est devenu
de votre appareil de radio : comme l'appareil parle
plus fort, quand vous prenez le fil en main que si vous
t
i
un Judas.
Sur le Calvaire, Notre-Seigneur a été ~mspendu
8ymh. d. '\[1 . _. T rJ 10
l'
LE SYMBOLE DFB APôTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST? 147
entre deux brigands. Tous deux étaient pareillement dé nous avoir donné une foi inébranlable en Dieu.
près de Lui, ont vu et entendu pareillement le Sauveur, Quand Il apaisa la mer en furie, Il fit c~ reproche à
et l'un s'est converti ~ l'autre est demeuré dans son 'ses apôtres: « Pourquoi avez-vous eu peur, hommes de
endurcissement. Quels exemples saisissants! Quelqu'un peu de foi? » (S. Marc IV, 40). Vous n'avez donc pas
peut se trouver pendant des années tout près de Notre- assez de confiance en Dieu! .
Seigneur et cependant se perdre, parce qu'il ne coopère Une autre fois Il dit: « Si tu peux croire, tout est
pas avec la grâce de Dieu. Dieu veut nous sauver tous, possible à celui qui croit » (S. Marc IX, 22).
mais Il attend que nous coopérions avec la grâce reçue Encore un encouragement : «Ayez foi en Dieu »
de Lui. « Celui qui vous a créés sans vous ne vous (S. Marc XI, 22).
sauvera pas sans vous », a dit un pieux auteur. Et depuis que Notre-Seigneur Jésus-Christ a parlé
ainsi, a) nous pouvons tout autrement prier Dieu et
b) nous pouvons autrement aimer Dieu.
a) Depuis que le Christ a vécu parmi nous, ne
II
pouvons-nous pas prier tout lautrement?
Si loin que l'on remonte dans l'histoire de l'humanité,
r ,ll CHRIST A RÉVÉLÉ EN Dnm LE PÈRE
. on découvre dans l'homme un effort instinctif pour
chercher des objets visibles susceptibles d'extérioriser
N otre- Seigneur Jésus-Christ a rectifié la vieille et sa vie religieuse. De là est venue la triste aberration
, exagérément terrestrè conception de Dieu par un du culte des idoles : on voulait rendre visible d'une
autre trait inconnu jusqu'alors, en nous montrant Dieu manière quelconque le Dieu invisible, afin de pouvoir se
comme notre Père du ciel. Le représenter mieux et plus facilement.
Une pensée analogue mêlée à une terrible incer- Et maintenant le Christ vient et comble le vieux
titude se trouvait aussi dans la foi religieuse des peuples désir humain dans une mesure telle qu'on n'aurait
primitifs, mais elle avait à peine plus de force que les jamais pu l'imaginer.
premiers rayons du soleil cherchant à chasser ' les Maintenant nous ne sommes plus obligés de diriger
ombres de la nuit; le soleil commença à luire avec son notre prière dans un lointain incertain vers le Dieu
plcin éclat en s'appuyant sur les paroles du Christ: invisible~ ' ma\s nous pouvons adresser nos prières à
depuis' nous saisissons dans sa plénitude ce que cela .une personnalité qui n'est pas seulement Dieu, mais
veut dire que nous puissions invoquer Dieu en ces aussi un hom1l.1e comme nous, qui a été soumise aux
termes: « Notre Père qui êtes dans les cieux ». lois humaines, qui avait un cœur humain et connaissait
En nous donnant un Père dans Dieu, Notre-Seigneur chaque pli du cœur humain. Nous pouvons parler au
nous a ouvert en même temps la source de l'espérance Christ, comme à un de nos semblables, ,mais . nous
et de la confiance: Nous pouvons remercier le Christ savons de Lui que « toute puissance Lui a été donnée
1
au ciel et sur la terre ». Comme il est plus facile de Lui qui, dans l'évangile d'aujourd'hui, allume dans
L O :JS élever dans nos prières par le Christ visible vers l' homme une passion nouvelle, la passion de l'amour
le Dit?u invisible 1 de Dieu et proclame comme loi suprême, comme loi
b) Mais depuis que le Christ a parlé du Père céleste, unique :« Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout .
nous pouVons vraiment m:mer Dieu d'une âme joyeuse. ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit»
Mes frères, ne déformons pas l'image divine. Sinon (S. Matthieu XXII, 37).
on pouri'ait accuser le christianisme de rendre l'homme J'aime Dieu avec ma raison, si je crois en Lui.
inquiet, craintif, morose; or y a-t~il une conception J'aime Dieu avec mon c~ur, si je Lui suis fidèle.
du monde plus joyeuse, plus ensoleillée que la nôtre? Et j'aime Dieu de toute m'on âme, si j'imprègne de
La Sainte Écriture ne cesse d'affirmer : « Servez le l'amour de Dieu' mes larmes et mes sueurs, mes projets
Seigneur avec joie» (Ps. XCIX, 2), donc non pas avec et mes désirs, mes joies et mes souffrances, toute ma vie.
crainte et froideur. « J'entrerai à l'autel de Dieu, vers Voilà le premier présent de Notre-Seigneur Jésus-
ce Dieu qui fait la joie de ma jeunesse» (Ps. XLII, 4). Christ : Il nous a révélé Dieu (it en Dieu le Père céleste.
« Vous vous réjouirez devant le Seigneur, votre Dieu »
(Lévitique XXIII, 40), donc ne craignez pas.
Si Dieu est mon Père, alo'r s disparaît cette crainte
qui s'emparait des anciens' peuples païens devant leurs
idoles. Si Dieu est: mon Père, alors Il n'est pas un Mes frères, Notre-Seigneur a voulu pendant sa vie
gendarme qui aime à réprimer la moindre contravention, terrestre nous ressembler én toutes choses - hormis le
mais Il donne plutôt la force de pouvoir 0bserver ses péché. Il nous a ressemblé dans le travail, dans les
prescriptions, - prescriptions qui assureront mon privations, dans la peine.
propre bonheur. S'Il est mon Père, alors Il ne me punira Il arriva donc un jour qu'Il s'assit fatigué au bord
jamais de' telle manière que la punition ne Le fasse d'un puits près de Sichar et demanda une gorgée d'eau
pas autant souffrir que moi. S'Il est mon Père, alors à une Samaritaine venue en puiser. La femme s'étonna
Il ne m'écartera pas de Lui, tant que la plus petite qu'un Juif demandât de l'eau à une Samaritaine, car les
étincelle de bonne volonté et d'amour pour Lui sera Juifs les excluaient de leur communauté. Et maintenant
en moi. Si Dieu est mon Père, alors Dieu est la bonté se déroule un dialogue d'une élévation sans exemple
absolue,"car Dieu ' est amour» (S. Jean IV,- 15). Si
(1 entre le "'Christ et la femme. De la gorgée d'eau qu'II
Dieu est mon Père, alors les rabbins de l'Ancièn aVh:~ demandée, le Christ dirige la conversation vers
Testament n'ont plus raison, eux qui proclamaient la source de vie éternelle qu'Il veut offrir et c'est
6I3 commandements, et parmi ceux-ci il n'1 en avait alors qu'Il prononce ces paroles d'une incomparable
qu'un pour dire: « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, sublimité: « Celui qui ,boira de l'eau que je lui donnerai
de tout ton cœur ... » Non. C'est Jésus qui a raison, n'aura plus jamais soif; au contraire l'eau que je lui
LE SYMBOLE DES APÔTRES
MES FRÈRES,
et quand son nouveau corps meurt encore une fois, elle existence antérieure : l'un fut jadis le roi David, une
en choisit un autre, jusqu'à ce qu'elle soit devenue autre la reine de Saba, un troisième saint Paul ...
parfaite et reçoive alors la récofnpense : elle se fond et même lorsque, il y a quelques années, on découvrit
dans le grand esprit universel. C'est la théorie des le tombeau de Tout-Ank-Ahmon, rien qu'ici à Budapest
thtosophes sur la réincarnation. D'après les théosophes, plusieurs dames théosophes se rappelèrent tout à coup
l'homme renaît environ cinq mille fois, chaque nouvelle qu'elles avaient été autrefois épouses du grand pha-
naissance a lieu à peu près toùs les mille ans; il faut donc ,raon... Mais il est incompréhensible que celui qui
cinq millions d'années avant qu'une âme humaine « se souvient ainsi)) ait toujours été dans sa vie anté-
retourne dans le sein de l'esprit universel, le Nirvana. rieure un grand homme, un grand général, un apôtre,
Je ne parle actuellement de cette nébuleuse théorie un prince et que personne ne se rappelle avoir été
de la réincarnation que parce que' des gens qui se jadis Joseph Sobri, Rinaldo Rinaldini ou un fameux
donnent pour religieux se laissent aller à regarder avec malfaiteur, un meurtrier, un usurier, - or le but de la
faveur cette idée. Or non seulement aucune ' preuve ne réincarnation devrait être d'expier sa vie antérieure ...
l'appuie, mais au contraire elle est en contradiction avec Mais alors?
le christianisme. Ensuite, si la réincarnation existait, que pensons-nous
On ne peut pas apporter une seule preuve en faveur de la de la mort des petits enfants qui sont disparus avant
métempsychose, bien plus elle contredit toute saine d'avoir expié . quoi que ce soit de leur soi-disant vie
considération. Quelles absurdités est obligé de croire antérieure? Leur réincarnation a été inutile, s'ils n'ont
celui qui a foi en la réincarnation! Si votre âme a déjà pas avancé d'un pas vers la purification.
vécu dans le corps de centaines et de centaines d'autres Et comme il est effrayant de penser qu'il faudrait
hommes, pourquoi ne vous souvenez-vous plus de rien vivre cinq mille fois, avant d'atteindre finalement le
. de ce que vous aviez été jadis? repos! N'est-ce pas assez d'une , seule vie ' pleine
De rien! En effet ce que l'on apporte en guise de de souffrances?
preuve est fort peu de chose. On arrive dans une ville El' comme cette doctrine détruit tout l'ordre moral et
quelconque où l'on n'a encore jamais été et cependant l'importance de la vie!, Certainement si un jour chacun
elle nous semble connue,comm~ si nous y étions déjà arrive avec une ponctualité mécanique à la féli~ité finale,
allé; ou bien dans une belle promenade en forêt : c'est alors il n'y a aucune différence entre le bien et le mal,
curieux, j'atdéjà vu cela ... Mais ce n'est pas une preuve alors pourquoi accomplirai-je une action héroïque pour
de la réincarnation, c'est seulement une preuve àe la faire le bien? Alork il n'y a pas de mal, si durant la vie
faiblesse de notre mémoire: ce n'est pas cela que j'ai vu présente je m'enfonce dans un flot de péchés, il me reste
mais seulement quelque chose de semblable. encore 4.999 vies nouvelles 1
Les adeptes'" de ,la réincarnation proclament avec Non, le Christ Notre-Seigneur ne nous a pas dit cela.
amertume qu'ils se souviennent fort bien de leur n a enseigné clairement que toute mon éternité dépendra
160 LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST?
de-mon unique 'L'ie terrestre, car « la nuit vient où personne Mes frères, est-ce que le Christ n'a pas encore vécu sur
ne peut travailler» (8. Jean IX, 4). cette terre? Et n' a-t-Il pas proclamé que nous avons aussi
2. Après ce premier extrême, en vient malheureu- une âme? Comment ces hommes qui n'ont aucun souci
sement un autre; après ceux qui se laissent aveugler par d'une sérieuse conception de la vie, comment rendront-
la fausse lumière de la transmigration des âmes, viennent ils compte un jour au Dieu qui demandera compte de
ceux qui sont totalement glacés par le pôle nord de la tout? Ces hommes qui ne se composent que d'uh corps,
négation de l'âme. Vous avez une âme immortelle, qui ne se penchent que vers la terre, qui ne poursuivent 1
sauvez-la, en passant une vie vertueuse sur cette terre, , que les joies de ce monde.
tel est l'enseignement du Sauveur; et maintenant regar- Vous allez dire : Il ne faut pas voir les choses si en
dons autour de nous dans le moade .et voyons cette noir. Peut-être n'y a-t-il pas d'âmes aussi vides, aussi
multitude d'hommes qui n'ont pas d'âmes, qui sont légères.
tellement attachés à cette terre et uniquement à la vie Pas de ces âmes? Eh bien! je vais encore vous lire
présente qu'il ne leur reste même pas une minute pour quelque chose. Vous lire quelques lignes d'un petit,
penser à leur âme immortelle. Pauvres frères à la vie carnet relié en cuir rouge qui a été oublié par une dame
déserte et vide t dans un taxi, et celui qui l'a trouvé dans la voiture en a
Citerai-je un exemple de ce que devient l'homme, levé les hras au ciel de stupéfaction.
quand il oublie son âme? Je lirai quelques lignes d'un Qu'y avait-il dans ce carnet? Oh! rien de maL Rien
prospectus que distribue une grande fabrique de de vilain, rien de honteux... Voici quelques notes
parfumerie. d'une semaine :
« Madame, la mode change continuellement,
Lundi : bain sulfureux... 2 heures couturière ...
pourquoi faudrait-il que votre visage échappât à ce
3 heures tennis ... 6 heures thé. Les X dîneront chez
changement? Ce n'est pas nécessaire, car v.ous pouvez
nous.
adapter votre visage à votre costume. Vous serez ravis-'
sante dans votre robe verte ou avec votre coquet chapeau Mardi : 9 heures rendez-vous chez le coiffeur ... I I
si vous savez donner à votre visage la nuance assortie »... heures chez la modiste (mon chapeau me serre, mes
Ensuite le prospectus énumère les fards qu'il faut cheveux ne tiennent pas). Midi, au Continental, 3 heures
passer su~ le visage, dans la matinée ou le soir, à la golf.
lumière du jour ou à la lumièrè éleétrique... Le cœur Mercredi : 10 heures essayage ... II heures les A
se serre quand on lit ces lignes et on voudrait s'écrier : déjeuneront <:hez nous ... 3 heùres amener Cri-Cri au
Oui, Madame, hâtez-vous de mettre tantôt une perru- vétérinaire ... Opéra.
que jaune serin, tantôt une perruque bleu ciel, hâtez-
vous de passer sur votre visage tel ou tel fard, hâtez-'vous Jeudi: 10 heures lever ... II heures manucure ...
'... avant que le bolchévisme ne mette fin à tout cela. 3 heures chez X... 8 heures théâtre.
•
162 LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A 'APPORTÉ LE CHRtST?
MES FRÈRES,
meurtri. Tolstoï le regarda avec étonnement, au dedans I. Quelle direction le Christ a-t-Il indiquée à l' humanité
de lui-même il en eut certainement pitié et on aurait pu et II. Qu'est-ce qui nous attend, si nous nous détournons
lire dans ses regards qu'il n'était pas très satisfait de de cette voie? C'est à ces deux questions que je voudrais
sa visite. Il écrit des livres' et est content qu'on les lise; faire réponse d~ns l'instruction d'aujourd'hui.
il ne lui déplaît pas de recevoir des messages de féli-
citations, il ne se dérobe même pas, quand on lui
demande des autographes . .Mais qu'un homme en proie
à la souffrance vienne de si loin jusqu'à Jasnaja Poljana 1
pour y chercher des consolations? Ce n'était pas la
QUELLE DIRECTION LE CHRIST A-T-IL TRACÉE
peine. Il avait déjà assez de ses propres maux et ne
A L'HUMANITÉ?
pouvait venir ' en aide aux autres.
Quand je lis cette curieuse histoire, un autre tableau
se dresse devant moi. Notre-Seigneur Jésus-Christ est A) Un maître inégalable de la peinture chrétienne,
là devant nous, devant les millions d'hommes d'aujour- Fra Angelico, a représenté dans une fresque au profond
d'hui qui luttent et combattent, qui, portant sur leurs symbolisme l'instant où après sa mort, Notre-Seigneur
épaules courbées le poids de l'existence, cherchent descend « aux enfers », suivant les termes du Cr,edo,
partout soulagement et consolation, et voilà que pour conduire près de Dieu les âmes des hommes qui
résonnent les .paroles du Sauveur : {( Venez tous à moi, jadis avaient mené une vie inspirée par la crainte de
vous qui êtes fatigués et chargés et je vous soulagerai» Dieu. Sur ce tableau on voit une lourde porte de fer
(S. Matthieu XI, 28). qui s'ouvre tout à coup et fait pénétrer une lumière
Voilà, mes frères, la troisième réponse à la question aveuglante dans le cachot, et les hommes qui L'atten-
que nous avons soulevée il y a quinze jours. daient depuis si longtemps se mettent en marche vers
Que nous a donné le Christ? - ai-je demandé alors. le Christ qui leur tend les mains d'un geste rayonnant.
Il a donné Dieu, - telle fut la première réponse. Il Tous avaient été honnêtes, bons et purs, mais ils avaient
a donné l'âme, - telle a été la seconde réponse. Mais 'vécu avant le Christ et leur vie venait seuÎement d'être
Il a donné aussi une direction à notre vie, allons-nous complétée par le Christ.
répondre dans le sermon de ce jour. Ce ne sont pas les a) Pour nous aussi, mes frères, toutes nos aspirations,
philosophes ni les savants ni les artistes ni les hommes tous nos désirs, tout notre idéal ne · se sont réalisés que
polit~ques qui ont donné une direction de vie à l'huma- lorsque le Christ est arrivé panni nous. Avant le Christ,
nité, mais uniquement le Christ qui nous a tendu les l'homme avait aussi déployé des efforts, avant le Christ
bras et avec dt:!s paroles inspirées par son amour infini, il y avait eu de la vertu sur la terre, sans le Christ
a aiguillé notre route dans une direction totalement avaient fleuri les fleurs de la bonté naturelle, mais tout
nouvelle et jusqu'alors inconnue. cela n'était que des morceaux d'une mosaïque brisée -,
/
168 LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST?
c'est seulement le Christ qui les a réunis dans l'unité pénétré la civilisation européenne d'une force victo-
étonnante d'une {mage imposante. rieuse, ce qui a été l'humus, la base, la source, l'aliment
Dans"l'antiquité avaient déjà fleuri de grandes et le gardien de cette.,civilisation, c'est ce que nous
civilisations, mais elles ne possédaient pas la force de appelons de ce seul mot : le christianisme. Le christia- ·
conquérir le monde. Babylone et l'Assyrie furent nisme a pénétré dans les empires grec et romain, a
d'immènses empires, elles édifièrent des constructions recueilli, ennobli et sauvé leurs valeurs sur le point
monumentales, on admire aujourd'hui encore leur de disparaître. Il infusa aux peuples jeunes et aux
législation et l~urs connaissances astronomiques, mais forces exubérantes des invasions barbares ses saintes
leur action, leur propagande intellectuelle n'ont pas . idées, par là il adoucit leurs .instincts précieux, mais
pu franchir les limites de l'Orient. sàuvages et amena les peuples de l'Europe à l'unité de
Le royaume des Pharaons fut aussi une grande puis- civilisation; il imposa aux arts un but beaucoup plus
sance, ses obélisques, ses pyramides et la richesse de grand, il ouvrit devant la science de nouveaux champs
ses tombeaux aujourd'hui encore, après des milliers de recherches.
d'années, nous remplissent d'étonnement, - mais, b) Et voici la question" principale d'aujourd'hui :
n'est-il pas vrai, comme cette civilisation égyptienne Quelle est donc cette voie sur laquelle le Christ ·a placé
s'est figée et est tombée en ruines? l'homme nouveau? Ou en d'autres termes: Quelle est
Faut-il parler de l'antique civilisation chinoise? l'essence, ['âme, la force vitale de cette civilisation chré-
Des trésors spirituels de l'Inde? Ces civilisations ont tienne? La philosophie peut·"être? Le style gothique ou
toutes été limitées à des domaines plus ou mÇ>ins de la Renaissance? L'agriculture ou la vie économique?'
grands et n'ont pas pu éveiller dans d'autres peuples Le commerce maritime? Oui\ tout cela appartient à la "
le désir de les suivre. civilisation occidentale, mais tout cela n'est pas l'essence,
Comme il en est tout autrement de la civilisation n'est pas l'âme de notre civilisation. Faut-il donc dire
eùropéenne! Qùe de choses cette civilisation a apportées quelle est l'âme de notre civilisation? L'âme de notre
aux peuples, non séulement à ceux d'Europe, mais à ci'vilisation est la civilisation de l'âme, c'est··à-dire ce
tO.!lS les habitants du globe. Quel progrès moral, quel corps de vérités chrétiennes qui a élargi dans l'homme
idéalisme, quel avancement dans les arts et les sciences! l'horizon terrestre et borné jusqu'à la perspective de
Mais qui a donné à cette civilisation européenne la l'éternité, et ce corps de préceptes moraux qui est de"venu
force de conquérir le monde? Est-ce l'art grec et le pour tous les peuples d'Europe une source de forces
droit romain qui en ont été les artisans indiscutables? spirituelles à l'aide desquelles ils ont triomphé des
La rhétorique grecque et la technique rom~ine qU"i en ravages et des ruines des siècles de l'histoire.
ont été sans aucun doute les fondements? Non. Elle Napoléon a dit un jour que l'Évangile n'est pas un
a utilisé tout cela, mais ce n'est pas de là qu'est sortie livre, mais une vérité vivante. Que voulait-il dire par
sa force, et tout cela n'a pas été l'essentiel. Ce qui a là? Que clans les paroles prononcées par Notre-Seigneur
LE SYMBOLE pES APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST? 17 J
Jésus· Christ, il y a vingt siècles, circ1,lle encore à est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé »
présent une force vitale toujours nouvelle. L'homme (S. Jean IV, 34), mais toute sa vie l'a aussi montré
laissé à lui-même se perd dans la matière : nos yeux réellement.
ne regardent que la terre, nos désirs s'attachent à la b) D'autre part, les paroles et les exemples du
terre, notre horizon est borné par les limites de la terre Sauveur prouvent aussi constamment que non seule-
- maisyoici que vient le Christ et Il redresse notre ment Il n'était pas un ennemi de cette terre et de la
tête, Il' ennoblit nos désirs, Il élargit notre.-horizon. v,ie terrestre, mais qu'Il portait aux créatures de Dieu
Et à tout cela il n'y a qu'une condition: Il faut que nous vivantes ou inanimées un amour inconnu jusqu'alors.
accueillons réellement le Christ et que nous soumettions Dans son idée de Dieu il n'y a rien de l'ancienne idée
toutes les manifestations de notre vie à sa volonté. d'un Dieu sur un trône, bien loin du monde; son Dieu
B) Je sens que je touche actuellement à une idée est présent partout, remplit tout : tout est en Dieu.
qui ne peut se passer d'un commentaire assez détaillé. Et c'est précisément ce qui nous explique cette bienveil-
« Faire au Christ une place dans notre vie », « Soumettre lance fervente de Notre-Seigneur pour la nature que
au Christ les manifestations de la vie actuelle ». « Remplir peut-être aucune époque n'a su autant apprécier que
du Christ le monde actuel ... » On entend souvent for- l'époque actuelle. Pour le Christ il n'y a pas de nature
muler ces exigences de notre sainte religion. Mais « morte », ses paraboles et ses comparaisons sont une
n'est~ce · pas en contradiction avec l'idée chrétienne? apologie éternelle de cet amour que le Christ a porté
Imposer le Christ au monde actuel? Mais combien aux plus petites manifestations de la nature.
'sont-ils pour penser comme si le Christ ne s'occupait Mais où son amour fut le plus grand ce fut à l'égard
pas du monde et de la vie terrestre 1En effet, Il a toujours des hommes. .
dirigé nos regards seulement vers l'autre monde, Il Qui oserait dire que le Christ ait passé avec indiffé-:
,n'a toujours parlé que de lui, - qu'est-ce que le Christ rence à côté des événements de la vie terrestre? Qui
aurait à dire à l'homme d'aujourd'hui? oserait dire qu'Il n'ait pas eu de cœur pour notre sort
Je sens qu'il me faut répondre à cette question. Il heureux ou malheureux '? Il n'y a qu'à lir~ l'Évangile:
y en a qui pensent que le Christ s'e~t exclusivement presque chaque ~ page démontre combien le Christ a
préoccupé de l'autre monde et qu'Il n'a pas eu un pu I. souffrir avec nous et 2. se réjouir avec nous.
seul mot pour la vie terrestre, il nous faut donc regarder 1. Comme le 'visage béni de Jésus nous montre
ce qu'il y a de vrai et ce qu'il y a de 'faux dans cette qu'Il a pu prendre part à toutes les soufIrances ,de la
manière de voir. . vie, le Christ a pu souffrir avec nous.-
a) Tout d'abord, nous reconnaîtrons que le trait Le Christ aurait été insensible aux soucis terrestres?
caractéristique de Notre-Seigneur est réellement la ,vie Mais voyez comme Il aime les enfants (S. Matthieu
surnaturelle et l'amour enflammé pour le Père, céleste. XIX, I3), non seulement Il les aime, mais Il a tous les
Non seulement Il a dit de Lui-même: « Ma nourriture sentiments d'un père angoissé (S. Marc V, 36), d'une
"
Symb, ù. Ap . - 'r. TI 12
,
: 1
LE SYMBOLE DES APôTRES
,1
180 LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST? 181
de l'autre côté. h plus je vois clairement la direction devons-nous servir Dieu? Il vaut mieux attendre
devant moi, plus le but est certain devant moi, plus jusqu'à ce que vienne quelqu'un pour nous instruire ». .
j'avance avec joie et ,persévérance. Lorsque Bouddha fut à l'agonie et que ses disciples lui
Que nous a donné le Christ? voilà ce que je demande demandèrent ses dernières recommandation!', il leur
p )ur la quatrième fois. Et ma réporise d'aujourd'hui dit: ( Combattez sans vous lasser ». Mais quand ils lui
sera celle-ci : Il nous a donné la joie de vivre. demandèrent : (( Maître, et pourquoi devons-nous
Cette réponse suit d'elle-même les constatations des combattre? » il ne put leur répondre que . par un
sermons précédents. Car du fait que Notre-Seigneur haussement d'épaules. Autrefois il avait dit qu'il
Jésus-Christ nous a révélé Dieu et l'âme et qu'II nous fallait combattte pour le Nirvana, mais qu'est-ce que
a fait connaître la fin sublime et éternelle de notre âme', ce Nirvana, c'est sur quoi discutent aujourd'hui encore
non seulement II a donné à notre vie terrestre une les bouddhistes.
direction sublime, mais Il nous a donné aussi courage, Au contraire celui qui a entendu le Christ sait ce
force et joie pour le combat de la vie. qu'il cherche dans la vie. Gagner la vie éternelle au prix
La vie n'est qu'un pont; pendant que vous le tra- de la fidélité à ses devoirs dans la vie terrestre, voilà le
versez, ne détournez pas un instant votre regard de but de la vie humaine.
l'autre rive, de votre fin dernière, et ce but vous C'est seulement depuis le Christ que nous savons
donnera alors la joie pour ·combattre et la force pour pourquoi nous autres hommes marchons en redressant
souffrir. le dos et la tête haute. L'animal marche à quatre pattes
Je voudrais résumer ' la leçon de mon instruction et a toujours la tête penchée vers le sol, parce que la
1 d'aujourd'hui dans cette triple idée: n9us appelons la terre est son unique patrie; mais l'homme marche debout
doctrine du Christ « une conception victorieuse du et son visage , regarde le ciel, parce que c'est là notre
monde », parce que I. elle donne un but à la vie, II. elle définitive · et .véritable patrie.
donne la joie pour combattre et III. elle donne la force Tant que le Christ n'était pas venu, l'homme ne
pour souffrir. savait pas pourquoi il vivait. Mais depuis qu'II est
venu, brille devant nous le bonheur éternel de l'union
à Dieu, que nous devons mériter par une vie terrestre
J passée sérieusement. Mais c'est justement parce que
le Christ vit au milieu de nous que nous sommes
LE CHRIST DONNE UN BUT A LA VIR responsables de la manière dont nous pas~ons cette vie
terrestre, c'est-à-dire que nous sommes responsables
Avant Notre-Seigneur Jésus-Christ les plus sages du contenu de notre vie.
de l'humanité tâtonnaient dans les ténèbres de l'incer- De même que, par une loi de l'ordre du monde
titude sur leur fin dernière. Socrate disait: «( Comment naturel, quand une étoile se détache du soleil, elle se
\
glace et s'éteint, de mê me par une logique impitoyable misère et de lutte en une vie rayonnante et supérieure
de l'ordre moral l'âme qui se révolte contre Dieu et se ,lU monde.
sépare de Lui doit s'attel~dre à une nuit glaciale et C'est ,seulement depuis le Christ qu'on peut parler
sans étoile sur la route du péché. de la force morale de l'humanité. La vieille race humaine
Aussi l'homme ne peut·.il trouver le vrai bonheur a é~é rajeunie dans le Christ.
nulle part ailleurs qu'en Dieu seul et dans ;~:m âme b) Et lorsque le' Christ nous a fait comprendre que
orientée vers Dieu. nous avions une â,me appelée à la vie éternelle, Il nous
a indiqué en même temps les obligations qui en sont la
conséquence.
II Quelle conséquence?
Les paroles du Seigneur disent clairement : « Le
LE CHRIST DONNE LA JOIE POUR COMBATTUE royaume du ciel souffre violence et ce sont les violents
qui s'en emparent» (S.Matthieu XI, 12). De même ces
En nous avertissant de ne pas stationner sur le pont, autres paroles: « Je suis venu apporter non' pas la paix,
c'est-à-dire en ,n ous avertissant de la valeur sur- mais le glaive» (S. Matthieu X, 34)'
abondante pour l'éternité de la vie terrestre, le Christ Que signifient ces paroles?
Notre-Seigneur nous a fait un devoir de perfectionner L'homme se compose d'un corps et d'une âme. Si
notre âme par la lutte, mais en même temps Il nous a nous considérons l'homme simplement du point de
donné également la joie en vue de cette lutte. vue biologique, nous trouvons en lui une foule de
a) Lorsque le Christ fit connaître leur âme aux hom- traits communs, avec l'animal. La civilisation 'dépasse
mes, Il fit une découverte immeI1se pour eux. Il montra la biologie; l'histoire culturelle de l'humanité est autre
que nous devons être supérieurs à toute aut1"é créature, chose que l'ennoblissement des traits de l'animal,
car il y a en nous une force ' avec laquelle nous pouvons que la défaite de l'animal dans l'homme. Mais Notre-
vaincre tous, les désirs égoïstes de la nature, toutes Seigneur..Jésus- Christ veut davantage: Il ~eut vaincre
les forces de l'instinct, toutes les impressions, tous les l' homme dans ['homme, élever ['homme vers Dieu.
événements désagréables et tous les coups de la destinée Je ne peux pas manquer ici de vous présenter deux
terr~tre, non pas de telle sorte que nous n'en souffrions exemples qui vous montreront combien l'âme qui
pas,' mais de .telle manière que nous puissions même s'attache au · Christ devient forte et comment, pareil
les fWlployer d gagner le royaume de Dieu. au lierre attaché au chêne élancé, l'homme faible puise
Jusqu'au Christ la profondeur de l'âme humaine avait sa force dans le Christ.
été un pays inconnu. C'est Lui qui nous a montré les 'Cette année, le monde ami des arts a célébré le
saintes forces qui sommeillaient au dedans de nous, CLXXVe anniversaire de la naissance du compositeur
a vec lesquelles nous pouvons transformer \ ~ne .vie de
j
Mozart.
LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST? 18 5
Je vous donne lecture d'une lettre de Mozart, qu'il choses qui ne sont pas. La faute principale en est que
écrivait, à l'âge de vingt-deux ans, après la mort de sa je n'{lgis 'pas toujours, en apparence, comme je devrais
mère, le . 3 juillet 1778, à son meilleur ami; l'abbé agir. Il n'est pas vrài que je me sois vanté de manger
Bullinger: « Dieu l'a appelée à Lui, Il voulait l'avoir, de la .yiande tous les jours d'abstinence ... j'entends
je m'en suis bien rendu compte - je me suis donc la messe tous les dimanches et jours de fête, et quand
incliné devant la volonté de Dieu. Il me l'avait donnée; je peux, aussi en semaine, vous le savez bien, mon père ».
Il pouvait aussi me la prendre ... Elle s'était confessée Mais pour que personne ne regarde comme suranné
trois jours auparavant, elle a reçu la sainte communion cet exemple de Mozart, je vais vous en citer un autre,
et l'extrême-onction ... Jé ne vous demande pour le tout nouveau.
moment que le service d'ami de préparer tout douce- Un de mes auditeurs d'une grande délicatesse d'âme
ment mon pauvre père à cette tris!e nouvelle. Que et d'une grande profondeur de sentiment m'envoie de
Dieu lui donne force et courage. Mon cher ami,' je temps en temps son journal, pour que je le lise. Écoutez
ne suis pas aigri, mais depuis longtemps consolé. Par les magnifiques pensées qu'il y a inscrites sur le but
une grâce particulière de Dieu j'ai tout supporté avec de la vie.
courage et résignation. Lorsque le moment dangereux « La vie est u~ sujet que Dieu donne à l'homme, à
arriva, je ne demandai à Dieu que deux choses, une sa naissance, pour le traiter selon sa vocation. L'un en
' heureuse mort pour ma mère et ensuite pour moi la fait une tragédie, l'autre une comédie. Quelques-uns
force et le courage, et le bon Dieu m'a exaucé et m'a en font une petite nouvelle insignifiante, beaucoup un
accordé ces deux grâces dans la plus large mesure » roman compliqué. Certains en tirent un film qui se
(Das Nette Reich, 193 1 , p. 365). déroule avec une vitesse vertigineuse, des millions n'en
Et si on demande où ce jeune homme de vingt- tirent qu'une série de qates. Il y en a qui en font un
deux ans a trouvé cette remarquable force d'âme, poème, et il y en a - hélas! combien peu -: qui en
l'explication nous est fournie simplement par sa sincère font une prière. Mais mm:, je le sens, j'en forme Urt hymne
et profonde piété. Mozart sans cesse aux prises avec les qui prêche la joie, · et malgré toutes les souffrances et
IJ
soucis et la maladie, Mozart à l'activité infatigable toutes les tristesses, toutes les laideurs, toutes les
trouvait le temps d'assister à la messe, même en semaine. vilenies et toutes les horreurs, je crois inébranlablement,
Et o~ ne peut lire sans énio,tion cette lettre remplie je crois à la Beauté et\ à la Bonté éternelles que le Dieu
d'une piété enfantine qu'il écrivait, âgé de vingt- puissant et libéral a posées comme un sceau ineffaçable
cinq ans, à son père le 13 juin i781 : « Soyez sans SUl' le monde ... »
inquiétude pour le salut de mon âme, mon bon père. Voilà ce qu'écrit un de mes chers auditeurs. Dites-
Je suis un homme faible comme les autres, mais je moi, av'ant Notre-Seigneur Jésus··Christ, le plus sage
puis souhaiter pour ma consolation que tous le soient du monde aurait-Il pu penser ainsi de la vie?
aussi peu que moi. Vous croyez peut-être de moi des
186 LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A APPORTER LE CHRIST? 187
une chose de tous les jours; non pas même de tous les que le défunt durant sa vie n'a jamais été aussi frais et
jours,mais de toutes les minutes, de toutes les secondes ... vivant qu'après sa"mort. Dans le prospectus d'une
Chaque jour il meurt dans le monde environ 120.000 entreprise de pompes funèbres on peut lire le tarif
hommes, chaque heure · 5.000, chaque minute 80, suivant « lisser les traits du visage d'un ''mort : trois
c'est-à-dire que chaque seconde un de nos contem- dollars ». Cela peut passer. Mais voici maintenant le
porains quitte les rangs des vivants ... De même que les véritable américanisme: « Lisser les traits du visage du
flocons de neige tombent en hiver, de même les hommes mort de manière à donner l'impression du repos et
descendent sans arrêt dans la tombe ... et celui qui est de la paix :. dix dollars ».
encore en vie n'est-il pas dans une perpétuelle anxiété? En vérité, ce n'est pas trop. Si pour dix dollars on
Chaque minute de notre vie n'est-elle pas une conces- peut réellement imprimer à la mort l'idée de paix!. ..
sion arrachée péniblement à la mort? Sages de ce monde, Si pour dix dollars on peut avoir la certitude de cette
parlez donc, instruisez-nous: que dites-vous de la mort, idée apaisante que personne en ce monde ne peut
cette terrible souveraine? Sans le Christ, l'homme ne procurer, sinon celui qui attend dans la mort l'arrivée du
peut que trembler à cette pensée et quand il représente Christ.
la mort, il grave un sombre Génie qui dirige vers le sol Et je ne pourrais peut-être pas dire de façon plus
une torche fumante . Mais l'homme qui croit au Christ suggestive ce que le Christ nous a donné, qu'en citant
prononce avec une sainte confiance ces paroles du grand de nouveau quelques lignes de la lettre écrite par Mozart
poète portuga,is,. Camoens : le 4 avril 1787, à son père gravement malade: « ••. Puisque
la mort est la vraie fin dernière de notre vie, depuis une
Quand j'aurai fait ce que je pouvais , paire d'années je me suis si familiarisé avec cette véri~
Et qu'il commencera à faire sombre devant moi, table et meilleure amie de l'homme que son image non
Doucement je viendrai me reposer, seulement n'a plus rien de terrible pour moi, mais
Je m'assoirai sur le bord de la route funèbre, énormément d'apaisant et de consolant, et je remercie
Dieu de ce qu'Il m'a donné le bonheur, de me procurer
Et tranquillement j'attends cette heure l'occ~ion (vous me comprenez) d'apprendre à la con-
Dont les braves n'ont jamais peur, naître comme la clé de notre vraie félicité ... Je ne me
Lorsque la mort sera arrivée, couche jamais, sans penser que peut-être (si jeune que
La vie aussitôt commencera. je suis) je ne verrai pas le len:demain --"- et il n'y aura
pourtant personne de tous ceux qui me connaissent,
C'est une chose bien connue qu'en Amérique les em- pour pouvoir dire que je suis grognon ou triste en
ployés des pompes funèbres non seulement mettent les société, - et je remercie tous les jours mon Créateur
morts en bière, mais encore les embellissent. Ils arrangent pour ce bonheur et je le souhaite de tout cœur à chacun
les lèvres et les traits du visage, fardent la figure, si bien de mes semblables)) (Das Neue Reich, 1931, p. 365).
Il
LE SYMBOLE DES APôTRES QUE NOUS A APPORTf: LE CHRIST?
Dirai-je encore ce que nous a donné le Christ? Il ne à l'estomac, prisonnier à Sainte-Hélène. «Jamais homme
nous a pas ôté la mort, - mais Il a ôté son aspect déses- n'a été autant haï et autant redouté »••• a remarqué un
pérant. Mozart à 31 ans regardait chaque jour en face de ses biographes.
l'effrayante réalité de la destinée htImaine, mais sa foi Voilà la route suivie par deux hommes dans la vie.
solide, qui ne connaissait pas le doute, lui a donné la Tous deux ont passé sur un pont - l'un n'a faÜ que le
victoire, la paix, le bonheur et la puissance au travail. traverser, l'autre a voulu y construire. Tous deux ont
Qu'ai-je demandé au début de mon sermon, que nous sacrifié l~ur vie entière à léurs plans, à leurs désirs -
a donné le Christ? La joù de Vl'Vre. l'un pour lui-même, ['autre pour Dieu. Et celui qui voulait
se gagner lui-même, a tout perdu, mais celui qui ne
cherchait que Dieu a tout gagné.
Mes frères, votre vie est encore dans vos mains
vous vivrez comme vous voudrez. Il y en a qui ne vivent
Mes frères, je vaist:ésumer le conte~u de mon sermon que pour le monde, il y en a qui vivent selon Dieu. Avant
dans un tableau dont les contrastes accusés proclame- de choisir, n'oubliez pas cette leçon: Celui qui a voulu se
ront d'une manière frappante la vérité de mon sujet. gagner lw:-même a tout perdu; mais celui qui a chercht Dieu
Non loin de Lyon se trouve un petit village du noin a tout gagné. Amen.
de Dardilly. Dans les dernières amiées du XVIIIe siècle,
Jean, le petit garçon d'un cultivateur de ce pays,
Mathieu Vianey, regardait souvent avec des yeux
d'admiration l'artillerie de la garnison voisine qui
traversait le village au galop de ses chevaux ... Parmi
les officiers il y avait aussi un sous-lieutenant de 27 ans,
Le fils du cultivateur devint un serviteur de Dieu, le'
curé du petit village d'Ars dont la vie pauvre, austère
et humble a été un flambeau de l'amour de Dieu et du
prochain, dont le nom -le nom du saint Curé d'Ars -
a conduit pendant sa vie des milliers d'âmes à une
vie plus noble et dont le souvenir est aujourd'hui eAcore
béni et aimé.' Le jeune sous-lieutenant est devenu
Napoléon Bonaparte 'qui, par un orgueil sans limite et
une ambition effrénée, a sacriiié ses amis, son épouse,
sa foi et inondé le sol de l'Europe du sang de millions
de soldats ... et à l'âge de 52 ans, il est mort d'un cancer
QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST? 193
et c'est alors que le Cap des tempêtes fut nommé Cap vie éternelle. n'epuis que l'homme existe sur la terre,
de Bonne-Espérance. on a toujours eu une idée de la vie éternelle, on a tou-
L'océan de la vie humaine avait aussi un cap redou- jours cru à une continuation de la vie terrestre. Si loin
table et dangereux devant le,quel personne ne pouvait qu'on remonte dans l'histoire de l'humanité, les
passer sans faire naufrage : la mort. Les yeux vagues, doctrines religieuses, les usages funéraires, le culte des
dans un~ incompréhension désespérée, nous restions esprits des défunts montrent que la vie humaine n'était
en présence de cette question angoissante, tant que pas regardée comme détruite définitivement par la mort,
n'était pas venu Notre .. Seigneur Jésus-Christ qui le mais qu'on croyait qu'il subsistait encore quelque chose
premier a franchi victorieusement le cap des tempêtes du défunt.
Symb. d. Ap. - T. TI UI
LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ , LE CHnIST? 195
194
Mais c'est seulement Notre-Seigneur Jésus-Christ et vers lequel tout et tous se dirigent, c'est le Dieu
qui a tiré de ce pressentiment obscur- une croyance éternel. Et depuis la venue du Christ nous savons que le
claire~Il a parlé souvent avec une netteté indiscutable seul centre d'attraction et l~ seule fin dernière de notre
de la « vie éternelle » (S. Matthieu XIX, 16; XIX, 29;
XXV, 4 6 . S. Marc X, 30. 8. Jean I~I, 36; ry, 14; IV,
âme ' c'est Dieu , qui nous aime infiniment. De même
que la loi de la gravitation attire la pierre vers la terre,
l,
36; V, 24, etc.). Il a parlé du Père celeste qUl a. envoyé de même la loi de l'amour attire l'âme vers Dieu.
son Fils unique dans le monde, « afin que qUlconque C'est notre seule fin dernière. « Et la promesse que
croit en lui ne périsse point, mais ait la vie étern:lle )~ lui-même nous a faite, c'est la vie éternelle » (1° S. Jean
(8. Jean lU, 16). Il a dit de Lui-m~m~ : « Cehn .qUl II, 25). Tel est le but de l'œuvre rédemptrice du Christ
mange ma chair et boit mon sang a la VIe eternelle et Je le (Romains V, 21). Si notre âme reste fidèle à travers
ressusciterai au derniet; jour » (8. Jean VI, 54.)· Et Il a toutes les tentations, c'est à cause de « l'espérance de
promis qu'à ceux qui Le suivraient « Il donnerait une vie la vie éternelle qu'a promise dès les plus anciens temps 1 ,
éternelle» (8. Jean X, 28). le Dieu qui ne ment point » (Tite 1,2). Notre âme '1
Une vie éternelle! Une vie éternelle! Ah! quels mots demeure fidèle, afin que « justifiés par sa grâce, nous
sublimes! Qui possède une vie éternelle? Dieu seul. devenions héritiers de la vie étern~lle, selon notre
Une vie éternelle est donc autant qu'une vie divine espérance» (Tite III, 7), et que nous soyons inscrits par
W S. Jean III, 1-2). . Dieu « dans le livre de vie » (8. Luc X, 20. Apocalypse
2. Et depuis qu'ont retenti ces paroles mervetlleuses III, 5), Nous savons qu' « Il rendra à chacun selon ses
du Sauveur nous savons seulement où va notre vie. Sur œuvr::s : la vie éternelle à ceux qui, par la persévérance
le pont de Passau se trouve cette inscription ': « Alles ist da,ns le bien, cherchent la"gloire, l'honneur et l'immor-
Ubergang », « Tout est un passage ». C'est certain. Nous talité » (Romains II, 6-7).
ne faisons que passer ... Mais réfléchissons, mes frères, Mais voilà que ces réflexions nous amt:llent à une li
à cette courte question: Où allons-nous? , autre question plus importante :
La terre nous emporte nuit et jour dans sa course
.J
vertigineuse, mais où ? Qui pourrait nous le di;e.? ~dis
les astronomes pensaient que nous nous preclpttlOns
vers hi"'constellation d'Hercule; actuellement ils sont II
d'avis que nous sommes attirés par un point inconnu
de la voie lactée ... Mais il est aussi possible que cette QUELLE EST LA CONSÉQUENCE DE ln... · FOI
EN LA VIE ÉTERNELLE? '
étoile incoimue de la voie la'ctée soit également attirée
par une autre étoile aussi inconnue. ~ous ne sa~on~ ~as.
M'ais nous savons une chose : le pomt central mVlslble . Qu'est-ce que le Christ nous a donné par la foi en la
:le tout le monde des étoiles autour duquel tout gravite vie éternelle? Je pourrai répondre brièvement à cette
Q~E NOtfS A APPORTÉ I:.E CHRIST? 197
196 LE SYMBOLE DES APÔTRES
question que I. Il a changé notre maniere de voir. 2. Il a artistes pauvres et âgés qui jadis ont été des stars célèbres
changé notre vie et 3. Il a changé notre mort. et dont la beauté était admirée dans le monde entier
1. Il a changé notre maniere de voir. La foi en la vie mais à présent ils ne sont plus que des vieilles femme~
éternelle-a arraché nos regards à l'horizon borné de la l'idées aux mains tremblantes, des vieillards courbés,
terre pour les diriger vers la perspective de l'éternité, presque paralysés ... et pauvres, infiniment pauvres, car
afin que nous contemplions tous les 'événements de ils ont gaspillé jour par jour leurs immense<; revenus ... 1 1
l'existence « sous l'aspect de l'éternité ~), « sub specie et main~~nant personne ne les connaît plus::. eux: dont
aeternitatis ». le n.om, il n'y a pas longtemps encore, était publié
a) Quelqu'un a fait, au sujet de la différence entre la glOrIeusement dans les cinq parties du monde.
mitsique de Mozart et de Wagner, cette remarque que la Oui, la foi en la vie éternelle a changé notre manière
musique de Wagner donne l'au-delà tel qu'on le voit de voir. Il me faut la vie éternelle et aucun bonheur
de la vie terrestre, mais la musique de Mozart montre la terrestre ne me suffit. '
l"
vie terrestre telle qu'elle est aperçue de l'autre monde. c) A Gênes dont le cimetière est orné de magnifiques
En vérité, rien ne nous est plus nécessaire actuellement tombeaux en marbre, vivait une vieille marchande de
que de voir chaque événement pénible de la vie terrestre fruits dont le seul désir était d'avoir également, après
tel qu'on le voit du haut de l'éternité, de prendre notre sa mort, un 'beau monument. Aussi pendant toute sa
essor vers les hauteurs au milieu du fardeau écrasant de vie elle économisa, ramassa, lésina mais finalement 1
1
la vie quotidienne et d'allumer le flambeau de l'éternité elle ~ut son n:onument de marbre. QueUe effrayante
1
sur les chemins ténébreux d'un monde bruyant et pensee: le frUIt de toute sa vie c'était un bloc de
p'ierre!
périssable. Seul se retroùve dans la terrible confusion 1
de la vie terrestre celui qui, au milieu du flot écumant Oui, la foi en la vie éternelle a changé ma manière
des petits événements de tous les jours, a en mains la de voir. Il me faut la vie éternelle et aucun bon!zrur l,
mesure de l'éternité que le Christ a donnée par ces terrestre ne me suffit.
paroles: « Que sert à l'homme de gagner l'unive~s, s'il 2. Mais ce~te foi en la vie éternelle a changé non pas
vient à perdre son âme? » (S. Matthie~ XVI, 26). seulement ma maniere de voir, mais aussi la directùm
Lorsque Notre-Seigneur nous eut donné son ensei- de notre , vie terrestre.
gnement sur la vie éternelle, notre horizon s'élargit a) Notre-Seigneur en effet n'a pas uniquement
considérablement, notre façon de juger les choses fut annoncé cette grande joie que nous avons un Père dans
transformée et depuis il me faut la vie éternelle et aucun le ciel, mais Il a également publié ce grand comman-
bonheur -'terrestre ne me suffit. dement que nous devons être les dignes fils du Père
b) Près de la fameuse ville du cinéma, Hollywood; céleste (S. Matthieu V, 45) : « Soyez parfaits, comme
se tr,ouve un curieux « hospice 'des pauvres». Il s'appelle votre P~re céleste est parfait» (S. Matthieu V, 48).
le « Moulin Rouge» et c'est là que sont recueillis les DepUIS, notre règle de vie est la suivante: travailler
LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST? 199
sans se lasser et sans fléchir pour que l'image de Dieu est le prélude de la vie ' éternelle, mais un prélude au
devienne toujours plus belle dans notre âme. sens de 'Wagner. Dans le prélude des opéras de Wagner
Qui peut entrer dans la vie éternelle? Celui qui a un on peut déjà découvriI\ tous les principaux motifs du
extrait de baptême? Non. Mais celui dans l'âme duquel sujet, en eux résonne déjà l' « éternelle mélodie ».
Dieu reconnaît ses propres traits. Le drame musical wagnérien se développe dans son
Le peintre grec, Apelle, avait coutume de dire avec · ensemble comme nous i'avons entendu résumer dans
orgueil, lorsqu'il se mettait au travail: 'cc Je travaille pour le prélude; dans la vie éternelle aussi résonneront
l'éternité ». Eh bien 1 nous pouvons le dire à bon droit, triomphalement au dedans de nous les motifs que nous
lorsque loyalement, avec le sentiment du devoir, par aurons joués en nous dans le prélude de la vie terrestre.
une vie honnête, vertueuse, dans les souffrances c) 'Vie éternelle, vie iternelle! Qui donc songe aujour-
endurées sans mot dire pour Dieu, nous traçons dans d' hui à la vie éternelle? Devant qui la vie éternelle
notre âme l'image de Dieu. a-t-elle aujourd'hui de la valeur? Elle a de la valeur, une
b) J'ai confiance dans le Dieu de miséricorde, mais place avec un bon traitement. Elles ont de la valeur,
je n'oublie pas que Notre-Seigneur Jésus-Christ a l,lne belle maison et une automobile. Ils ont de la
fait connaître sous deux aspects la vie éternelle : la valeur, les biens fonciers et le livret de caisse d'épargne. 1
félicité éternelle et la damnation éternelle. Je n'oublie pas Pour bien des hommes cela seul a de la valeur. Mais
ces paroles de saint Paul : « Le salaire du péché, c'est la parfois eux aussi frissonnent, sur leur âme passe le
mort; mais le don de Dieu, c'est la vie éternelle en souffie de l'océan vers lequel nous allons tous : oui,
Jésus-Christ Notre-Seigneur» (Romains VI, 23). Et aujourd'hui encore une place, une maison, une auto, 1·
ces autres paroles: « Ce qu'on aura semé, on le moisson- des domaines, de l'argent ... mais demain on apporte 1
nera. Celui qui sème dans sa chair moissonnera, de la déjà le cercueil et on creuse une petite fosse de deux
chair, la ' corruption : celui qui sème dans l'esprit mètres de profondeur ... Et qu'arrive-t-il alors, quelle
moissonnera, de l'esprit, la vie éternelle » (Galates est la valeur de tout cela?
VI,8). Ah! instants bénis et émouvants! Mes frères, à quel-
Et je n'oublie pas les paroles du Christ N otre- . que moment que ces pensées vous assaillent, ne fuyez
Seigneur qui nous exhorte sans cesse au renoncement pas devant elles, ne les chass~z pas! Peut-être le jour
et à la lutte spirituelle, « Entrez par la porte étroite; . des Morts devant les tombes .. . peut-être pendànt vos
car la porte large et la voie spacieuse conduisent à la vacances sur le bord de la mer, lorsque dans le calme
perdition, et nombreux sont ceux qui y passent; .car de la nuit des millions d'étoiles s'empareront de votre
elle est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit âme, tandis que vous allez et venez sur le rivage ...
à la vie, et il en est peu qui la trouvent» (S. Matthieu peut-être près du lit d'agonie de vot're épouse, quand
VII, 13-14). ' . vous serez obligé, muet de douleur, de constater que
Ne l'oubliez donc pas, mes frères: la vie t~rrestre tout l'argent et toute la médecine ne suffisent pas ...
, 1
200 LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE NOlJS A APPORTÉ LE CHRIST? 201
peut-être quand vous vous agiterez, sans pouvoir quement : « Qu'est-ce que l'on peut bien inventer?
trouver le sommeil, sur votre lit et que vous entendrez Ils arriveront à" trouver le moyen d'empêcher de
battre votre pouls et qu'il vous viendra à)'esprit qu'un mourir. ~. Mais moi je serai déjà morte lI. ajouta triste-
jour ses battements s'arrêteront ... seulement deux ou ment la vieille femme.
trois arrêts et on vous enterra ... Me's frères, q\:lel que Eh bien 1 mes frères, on n'a pas encore inventé le
soit le moment où vous sentirez que votre âme s'atten- moyen de ne pas mourir et on ' ne le trouvera pas, -
drit à la pensée de l'éternité, ahl n'ayez pas honte, ahl mais le Sauveur nous a montré le chemin à suivre pour
ne laissez pas passer cet instant béni sans amender vivre éternellement. Le Christ par la foi en la 'Vie éternelle
votre âmel a donné un sens à la mort.
Aux ' étalages et dans les rues des grandes villes on' La mort est la plus haute vérité de la vie. Où que
rencontre à chaque pas des livres ou des affiches portant nous regardions, où que nous allions, la mort est
en grosses lettres : « Voulez-vous vivre vieux? » partout. Où que nous soyons, la terre est au-dessous de
Eh bien 1 mais c'est ce que je veux 1 - répond le nous un grand cimetière. L'humus, la terre, la terre
passant et il lit avec curiosité la réclame. « Si vous nourricière, est issue d'une série infinie de victimes de
voulez vivre vieux, mangez beaucoup de bananes ... » la mort. A l'instant même où nous commençons de
(c Si vous voulez prolonger votre vie, faites-vous inscrire vivre, 'commence la lutte avec la mort. En vérité ce
dans notre institut qui enseigne à bien respirer... » serait une folie de vivre, de vivre ... et de ne pas compter
« Utilisez pour vos bains telles ou telles tablettes ... » avec la mort. De se réveiller le matin et de ne pas dire :
« •.. Si vous voulez prolonger votre existence, portez Peut-être est-ce, le dernier jour. De se coucher le soir et
nos talons de caoutchouc ... » Et ainsi de suite. Comme de ne pas dire: Peut-être est-ce la: dernière nuit .. .
l'homme, mes frères, prend tous les moyens pour b) « Hélas 1 ce doit être épouvantable. :Ëtre toujours
prolonger même seulement d'~ne'heure sa vie terrestre 1 préparé à la mort. Toujours vivre dans une ~rainte
Or voici le Christ qui allonge notre vie non pas d'une et un tremblement perpétuels ».
heure, non pas d'une année, - sa promesse dépasse Eh bien 1 mes frères, voici qu'arrive le grand bienfait
le cadre des calculs humains, : « Celui qui mange ma de Notre-Seigneur Jésu: Christ : certainement, être
, chair et boit mon sang a la vie éternelle 'et je le ressus- toujours prêt à mourir, mais n'être pas pour cela sombre,
citerai au dernier jour » (S. Jean VI, 54). triste, déprimé. Avoir peur, - mais non pas de la
3. Et ainsi nous arrivons au troisième changement. mort. Avoir peur d'offenser Dieu. Avoir peur de
Le Christ Notre-Seigneur en nous révélant la vie éter- souiller l'âme appelée à la vie éternelle. Avoir peu.r de
nelle n'a pas seulement changé natte manière de voir perdre la vie éternelle.
et notre vie, mais Il a aussi changé notre mort. A celui qui pense._ ainsi la pensée de la mort ne
a) Lorsque le premier des frères Montgolfier eut fait coupera pas les ailes; Celui qui pense ainsi verra dans
son ascension, une vieille femme s'écria mélancoli- la mort une compagne de voyage; c'est vrai qu'elIc
LE S~BOLE DES APôTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST?
202
fait passer sous une porte bien sombre, mais derrière Car elle sait que par l'accOl"uplissernent de ses devoirs,
, ) elle s'est acquis un droit à la vie éternelle. Elle a toujours
la porte nous attendent la lumière, le bonheur et la paix.
. Notre Seigneur a-t-Il dit: Il Vous ne mourrez pas»? été prête pour mourir et cette pensée n'a jamais arrêté
Non. Mais bien: ({ Soyez prêts» ( S. Matthieu XXIV, 44)· son ardeur au travail.
Quand on est prêt pour un grand voyage, on ne ({ Sourire devant la mort », - on ne peut pas aller
" .
s' énerve pas, on ne court pas çà et là. Seul est anxieux jusque-là. Dieu même a implanté en nous l'instinct vital
et court' de tous côtés celui dont le train est signalé, et nous tremblons à la pensée de la mort. Mais nous
et qui, à la dernière minute, doit mettre en ordre ses avons reçu du Christ la foi, la foi en la vie éternelle,
bagages. Mais celui qui a déjà tout mis en ordre, Il a effacé du visage de la mort les traits du désespoir
tout empaqueté et a pds son billet, attend tranquille- et de la peur .
ment le signal de départ. Il y a parmi mes auditeurs une bonne vieille dame
Voilà ce qu'a apporté le Christ. Avant Lui on savait qui m'a demandé un jour de venir la voir. Je n'ai pas
qu'il y a un autre monde. Mais avant Lui on disait pu le faire, je n'en avais pas le temps. ({ Mais quand je
des défunts qu'ils ({ étaient partis errer dans le pays serai gravement malade, dit-elle - alors vous viendrez
des ombres ». Aujourd'hui on dit qu'ils sont ({ entrés dans me donner les derniers sacrements? » Et il a fallu que
la vie éternelle ». N'est-il pas remarquable que l'Église je lui promette. Alors elle m'écrivit une lettre si pleine
chrétienne appelle le jour d~ la mort des saints leur de délicatesse et de gaîté d'âme que je ne puis m'em-
({ dies natalis », leur ({ jour de, naissance »? pêcher d'en lire quelques lignes. ({ Je désirerais bien
c) Mais si je pense constamment à la mort, si je vivre encore longtemps, afin de progresser toujours
dois constamment m'y préparer, il vaudrait mieux être davantage; quoique je souhaite comme une fête la fin
ermite, mettre une tête de mort près d'une cruche .d'eau de ma vie. Alors, comme vous l'avez promis, vous
et d'un morceau de pain sec et avoir constamment à viendrez me voir; seulement je vous prie de faire en
l'idée la fragilité du monde ... La pensée de la mort sorte que je sois encore en pleip.e connaissance; je
paralyse et glace l'activité humaine. désirerais tant entrer en beauté, en pleine connaissance
Oh non 1 Précisément non. J'ouvre la Sainte Écriture et de grand cœur dans l'éternité, quand le bon Dieu
et je lis quelle ' est la femme que la Sainte Écriture viendra m'appeler ... )) (1).
glorifie du nom de ({ femme forte ». Et je trouve des Mes frères, do,is-je expliquer davantage, comment
phrases merveilleuses. ' la foi en la vie éternelle a transformé notre mort et
Donc suivant la Sainte Écriture (Proverbes XXXI), a remplacé par la douceur la terreur peinte sur son
quelle est la femme forte? La ménagère, la bonne mère. visage.
de famille, l'épQuse laborieuse qui travaille, tient en
ordre lamaison,. ~oigne son ménage, élève ses enfants ... (1) Elle est morte quelques semaines après mon sermon, exacte-
Eh bien 1 et la mort? Ell(~ sourit quand la mort arrive. ment comme elle l'avait souhaité dens sa lett re .
LE SYMBOLE DEi APÔTRES QUE NOUS A APPORTÉ LE CHRIST? 205
leurs efforts, leurs rapports mutuels, c'est-à-dire sur (S. Matthieu VII, 1). Dorénavant que votre prière soit
l'amour, des lois dont l' humanité, _ avant le Christ, ainsi : Pardonnez-nous nos péchés, comme nous par-
n'a-vait pas eu la moindre idée et que nous autres, donnons à ceux qui nous ont"'offensés. Dorénav~nt il
hommes, regarderions peut-être comme une trans- faut que vous soyez justes, même dans les petites choses
formation radicale des lois de l'Ancien T estament, (S. Luc XVI, 10). Dorénavant il faut que vous regardiez
si Notre Seigneur ne nous avait pas dit d'avan~e: « je comme saint le mariage (S. Matthieu XIX, 1). Il faut
ne suis pas venu abolir la Loi, mais l'accomplir» que vous honoriez vos parents (S. Marc VII, 10). Et
(S. Matthieu V, 17). ainsi de suite. .
« Nous aussi nous étions autrefois insensés, indociles, Dans l'appréciation de leurs contemporains, dans
égarés - écrit saint Paul - esclaves de toutes sortes l'amour de leur prochain, même les meilleurs de
de convoitises et de jouissances, vivant dans la malignité l'humanité, avant le Christ, n'étaient arrivés qu'à une
et l'envie, dignes de haine, et nous haïssant les uns les attitude négative: ne nourrissons pas en nous-mêmes de
autres. Mais lorsque Dieu notre Sauveur a fait paraître mauvais desseins. Mais qu'est donc la doctrine de la
sa bonté et son _amour pour les hommes, il nous a Stoa, qu'est donc l'enseignement de Bouddha devant
sauvés» (Tite III, 3-5). la largeur de vues, la grandeur d'âme, l'épanouissement
En vérité, lorsque le Christ est apparu parmi nous, . de l'amour positif, actif, utile du Christ -pour
sur cette terre qui ne connaissait jusqu'alors qu'un les hommes? Que votre' amour soit généreux : « Si
droit rigide et la force brutale, ont germé les fleurs de quelqu'un veut t'obliger à faire mille ~s, fais-en avec
l'amour et de la paix. lui deux mille» (S. Matthieu V, 41). Que votre amour
La religion du Christ est précisément appelée la soit désintéressé : « Aimez vos ennemis, faites du bien
religion de l'amour, parce que le Christ, a donné au à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous
droit comme contrepoids l'amour; et c'est seulement maltraitent et vous persécutent... Car si vous aimez
dans l'équilibre de ces deux forces que peut s'épanouir ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ?»
la vie humaine. (S.Matthieu V, 44, 46). Depuis Notre-Seigneur Jésus-
B) Que nous enseigne donc le Christ sur l'amour? Il Christ, on appelle l'amour du prochain tout simplement
"
.," proclame clairement qu'Il attend de ses fidèles une « une œuvre de Samaritain», depuis que le Sauveur nous
a donné la Grande Charte de l'amour du prochain par
Il
,
justice plus parfaite que celle de nos pères (S. Matthieu
V, 20). Il est passé le temps où l'on disait œil pour œil, sa parabole du bon Samaritain.
dent pour dent, - sa loi proclame à la place : « Vous C) Et maintenant nous comprenons pourquoi le 1 Il
avez appris 'qu'il a été dit: œil pour œil, dent pour dent. christianisme s'appelle tout simplement « la religion de 1
Mais moi, je vous dis ... »(S. Matthieu V, 38). Eh bien! [' amour ».'- C'est parce que Notre-Seigneur a choisi
l'amour pour les colonnes de sa religion. La première
l" I que nous dit-Il ? Dorénavant que personne ne condamne
son prochain, afin de n'être pas soi-même condamné colonne est l'amour de Dieu que nous devons aimer III
Sym h, (] Ap - T, ri ' 14
"
Il
1
tE SYMBOLE DES APÔTRES JE VOUS DONNE UN COMMANDEMENT NOUVEAU ZII
210
« de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre nue que le christianisme est la religion de l'amour. Dans
esprit n (S. Matthieu XXII, 38); l'au:re ~olonne à côté la seco~de partie de cette instruction je ne veux donc '
de la première et qui n'est pas ~OIDS Impof.tan:e est, " plus traiter davanta~de cette vérité. C'est uii'fait admis
celle-ci: « Tu aimeras ton procham comme tOl-mCme» que le Christ a choisi l'amour comme base de sa religion.
Mais quel présent a-t-Il fait par là à l'humanité, quelle
(S. Matthieu XXII, 3)·
Selon Notre-Seigneur Jésus-Christ l'amour du pro- \ source de saintes énergies Il a Ouverte par là à la ci-vilisation
chain est donc à proprementparler la réalisation p1'at~que, humaine la plus vraie et la plus haute, voilà sur quoi les
le monnayage de l'amour de Dieu. Il ne peut pas aimer hommes n'ont pas l'habitude de raisonner clairement -
Dieu, celui qui n'aime pas son image, l'homme .. Il voilà sur quoi je voudrais maintenant parler en détail.
ne peut pas servir Dieu, celui qui ofIen~e son ~ro;halIi. AfAu cours des siècles on a bien souvent reproché
« Si donc, lorsque tu présentes ton offrande a 1 aute~, au christianisme que son Fondateur était un ennemi du
tu te souviens que ton frère a quelque chose cOl).tre t.0I, progrès humain et de la civilisation, parce qu'Il n'a fait
laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te aucune découverte industrielle, n'a inventé aucune
réconcilier avec' ton frère, puis viens présenter ton machine, n'a enseigné aucune nouvelle,' thérapeutique,
offrande n (S. Matthieu V ,2,3-24). Par contre « ce que n'a pas développé les arts.;.
vous avez fait à l'U1r de ces plus petits de mes frères, 1. Mais ceux qui parlent ainsi possèdent de la civili-
c'est à moi que vous l'~vez fait n (S.MatthieuXXV, ,40 ) . .. sation une idée bien étroite. Il y a en effet une civilisation
Mais c'est un bouleversement de tout l'Ancien , économique, une civilisation technique et ume civili-
Testament! Pourrait-on peut-être dire. Non. Ce n'est sation artistique - et de fait Notre-Seigneur ne les a pas
pas un bouleversement, mais son acc~mplisse.me,nt, 'son ellseignées aux hommes. Mais Il les a dépassées, car
perfectionnement. C'est la pensee ~x?nmee par leur base indispensable c'est la culture morale sans
saint Augustin dans le jeu de mots que VOiCI: « Consum- laquelle il n'y a ni vie humaine ni progrès - et Notre-
mentur non consumantur n, « Qu'elles (les lois de l'An- Seigneur Jésus-Christ a regardé comme la chose la plus
cien Testament) soient consommées (c'est-à-dire réali- importante de toutes d'enseigner celle-ci. Quelle est l'impor-
sées) et non pas consumées (c'est-à-dire anéanties) ».. tance de l'amour pour la civilisation?on ne peut répondre
(Enarratio in psalmum XXXI, 5)· à cette question que si l'on comprend ' nettement et
' t"
clairement ce que l'É\-angile entend sous ce mot
« l'amour n. En effet l'évangile donne à ~e terme une
signification beaucoup plus noble et plus efficace que
LA VALEUR DE L'AMOUR
dans l'usage quotidien.
" ., 2. Qu'est-ce donc que ['amour selon l'Évangile?
Ce que j'ai Lill jusqu'à présent, mes frères, vous était II est la source de l'entente réciproque de nos âmes,
Il tO. certainement connu, C'est en effet une vérité bien con- de l'échange de ses valeurs et de notre désintéressement.
',.
I
212 LE SYMBOLE DES APôTRES JE VOUS DONNE UN COMMANDEMENT NOUVEAU 21 3
L'amour est la force qui nous fait sortir'du cercle étroit et s'enivrent des phtiSl~S de la vie, mais c'est seulement
de l'égoïsme: L'amour est la puissance qui nous presse pour les préserver de la ruine et de la destruction qui les
de nous soumettre aux intérêts et aux besoins des attend autrement.
autres. L'Évangile de l'amour est donc l'Évangile de 3· Et si quelqu'un secouait la tête et allait jusqu'à
l'universalisme. prétendre gue la pensée austère du christianisme et sa
Si on comprend ainsi l'amour, on voit immédiatement conceptiod de l'amour fussent désavantageuses, parce
qu'il ne peut pas être satisfait simplement en faisant que les peuples n'ont pas besoin d'une gravité suprater-
l'aumône. Faire l'aumône est une partie de l'amour, restre ni de l'amour de la paix, maz's du rayon de soleil des
mais l'amour est encore autre chose. L'amour vivant joies de ce monde et de la force sans limite - je lui dirais,
est le désarmement absolu de l'égoïsme humain et par si quelqu'un était de cette opinion, qu'il ferait bien de
là l'unique obstacle à la barbarie qui vise à exploiter réfléchir sur les leçons du passé, sur le sort des empires
et à opprimer les autres. grec et romain.
Mais savons-nous ce que cela signifie? Que signifie y a-t-il eu une civilisation aussi baignée de soleil et de
savoir étouffer le vieil instinct humain sans cesse en lumière, aussi attirante, aussi gaie, aussi fraîche et aussi
éveil: l'égoïsme? Cela veut dire promouvoir la civilisation riche que cette civilisation grecque qui buvait à longs
la plus vraie. Car la civilisation - de quelque côté qu'on traits toutes les jouissances? Il Y en a qui, aujourd'hui
l'envisage - signifie dans tous les cas discipline : le encore, soupirent après cette « civilisation du culte de
pouvoir de maintenir dans son lit le torrent dévastateur, la beauté », comme on appelle la culture grecque.
de contenir dans la chaudière la force explosive de la Mais si ce passé revenait, comme il paraîtrait étranger
vapeur, de détourner la force destructrice de la foud~e, parmi nous! Parmi nous qui avons appris depuis le
encore plus, de contenir dans les barri ères morales les sérieux et la profondeur de la vie, qui savons aujourd'hui
forces sauvages, tumultueuses et prêtes à éclater qui sortent que la vie humaine sur la terre n'est pas le moment des
des profondeurs de la nature humaine. amusements et des dissipations, mais impose la tâche
Oui, celui qui enseigne la discipline et le renoncement d'atteindre un but sublime par un sérieux accomplis-
accomplit la plus belle œuvre culturelle. Mais celui qui sement de ses devoirs. Le "Grec souriait, .mais le but
"
,". abaisse les barrières de l'instinct devant l'indiscipline, pour lequel il vaut réellement la peine de vivre, il ne le
est l'instrument de la mort et de la ruine. Et c'est préci- voyait pas. II nous reste de magnifiques statues grecques,
sément ce' qui fait la différence èntre la civilisation mais elles n'ont pas d'yeux, elles sont toutes aveugles;
chrétienne et la civilisation profane, : cette dernière car le monde grectout entier était aveugle sur la question
flatte le fort, le puissant, le violent, celui qui écrase de la destinée humaine.
les autres, mais en secret elle les ronge et les dévore et y a-t-il eu une puissance qui ait su pratiquer la poli-
finalement elle devient leur ruine; l'idée chrétienne rend' tique de la force brutale et impitoyable comme Pan-
peut-être soucieux et effraye ceux qui brillent de santé cienne Rome? Et quelle a été la cause de la ruine de
'1
"
. j~
21 4 LE SYMBOLE DES APÔTRES JE VOUS DONNE UN COMM.'\ NDEl\o1ENT NOUVEAU 215
cette puissance sans borne? Sa. propre impuissance. Qu'est-ce que je viens de dire? ceci, que le Christ
Car c'est la force brutale qui forge pour les masses les nous a donné comme fin dernière d'atteindre la vie
chaîp.es de l'esclavage spirituel, mais les débordements éternelle et que par là Il a ouvert aux hommes une source
d'une vie effrénée sont le ver, rongeur et destructeur de abondante et puissante de joie au travail et d'amour du
l'arbre des peuples. progrès.
4. Et maintenant regardons la force de /' évangile et. Comment ce but peut-il être une source de joie au
la bonne nouvelle de l'éva11.gile. travail? demandera-t-on d'un air de doute. Arriver
L'évangile aussi prêche l'énergie, mais il la met au iusqu'à Dieu, une source de joie au travail? J'avais pensé
service du but le plus noble; ce but, c'est la civilisation jusqu'alors que la lutte pour la vie, la recherche de la
du royaume de Dieu. Plus ce but est grandiose, plus fortune, l'argent étaient la source de la joie au travail.
immense est le travail nécessaire pour l'atteindre. Mais non pas aller à Dieu.
Tandis qqe l'idée du monde affranchi du christianisme 1. Quelle erreur, mes frères! L'argent sépare les
pIiOclame et étend sans limite les droits de la person- hommes, Dieu les unit. Ce qui est un gain pour l'un
nalité, et prom<?t la conquête du monde (cela ne reste est une perte pour l'autre. L'argent ne peut pas appar-
qu'une · promesse), le . christianisme regarde cette vie tenir de façon égale à tous, mais Dieu le peut. Plus
comme trop limitée, trop brève, pour mettre sa force je donne d'argent à un autre moins ïl m'en reste, mais
exclusivement à son service. Le païen aussi croit à une plus je- donne Dieu aux autres, plus je fais connaître
vie quelconque dans un autre monde, mais seul le Dieu aux autres et plus je condùis les autres vers Dieu,
christianisme s'est élevé dans ces hauteurs d'où la vie mieux je connais Dieu moi-même et plus je me rap-
surnaturelle exerce une influence décisive SUl' l'ensemble proche aussi de Lui.
des actes et des ambitions de la vie d'ici-bas. Et l'ensei- Et c'est ainsi que le christianisme réalise ce qui paraît
gnement le plus particulier à Notre-Seigneur Jésus- impossible : chacun peut déployer sans borne sa joie
Christ est précisément celui par lequel Il a transformé au travail et son ambition, sans blesser par là les intérêts
à la lumiere de l'autre vie toute notre manière de voir tt d'un autre ni lui faire le moindre tort. Et c'est ainsi
de penser. Pour nous exprimer en d'autres termes: ' que dans le christianisme seulement se vérifie cette
depuis le Christ, l'homme a pris une valeur immense, magnifique pensée: « Vivre c'est aimer ».
mais a grandi pareillement le travail qui nous échoit Oui, le travail accompli en vue de conquérir le royaume
pour atteindr~ notre fin sublime. Le Christ nous a donné de Dieu est un travail civilisateur au sens le plus noble du
pour fin dernière d'atteindre le Dieu éternel et par là mot, parce qu'il a lieu pour des fins que personne ne
Il nous a ouvert une source inégalable de joie au travail peut imaginer plus élevées: pour une ingénieuse for-
et d'amour du progrès. mation de la personnalité immortelle, pour la connais-
B) Mais je sais bien, mes frères, qu'après ce que je sance de la vérité éternelle, pour la formation de
viens de dire plus d'un continuera à hocher la tête. l'image de Dieu dans l'âme de l'homme. L'èsprit de
21 4 LE SYMBOLE DES APÔTRES JE VOUS DONNE UN COMMAN DEMENT NOUVEAU 215
cette puissance sans borne? S3; propre impuissance. Qu'est-ce que je viens de dire? ceci, que le Christ
Car c'est la force brutale qui forge pour les masses les nous a dpnné comme fin dernière d' atteindre la vie
chaîp.es de l'esclavage spirituel, mais les débordements éternelle et que par là Il a ouvert aux hommes une soun:e
d'une vie effrénée sont le ver rongeur et destructeur de abondante et puissante de joie au travail et d'amour du
l'arbre des peuples. progrès.
4. Et maintenant regardons La force de l'évangiLe et. Comment ce but peut-il être une source de joie au
la bonne nouvelle de l'évangile. travail? demandera-t-on d'un air de doute. Arriver
L'évangile aussi prêche l'énergie, mais il la met au iusqu'à Dieu, une source de joie au travail? J'avais pensé
service du but le plus noble; ce but, c'est la civilisation jusqu'alors que la lutte pour la vie, la recherche de la
du royaume de Dieu. Plus ce but est grandiose, plus fortune, l'argent étaient la source de la joie au travail.
immense est le travail nécessaire pour l'atteindre. Mais non pas aller à Dieu.
Tandis qlJe l'idée du monde affranchi du christianisme 1. Quelle erreur, mes frères! L'argent sépare les
pliOclame et étend sans limite les droits de la person- hommes, Dieu les unit. Ce qui est un gain pour l'un
nalité, et prom~t la conquête du monde (cela ne reste est une perte pour l'autre. L'argent ne peut pas appar-
qu'une · promesse), le christianisme regarde cette vie tenir de façon égale à tous, mais Dieu le peut. Plus
comme trop limitée, trop brève, pour mettre sa force je donne d'argent à un autre moins il m'en reste, mais
exclusivement à son service. Le païen aussi croit à une plus je . donne Dieu aux autres, plus je fais connaître
vie quelconque dans un autre monde, mais seul le Dieu aux autres et plus je conduis les autres vers Dieu,
christianisme s'est éleve dans ces hauteurs d'où la vie mieux je connais Dieu moi-même et plus je me rap-
surnaturelle exerce une influence décisive sur l'ensemble proche aussi de Lui.
des actes et des ambitions de la vie d'ici-bas. Et l'ensei- Et c'est ainsi que le christianisme réalise ce qui paraît
gnement le plus particulier à Notre-Seigneur Jésus- impossible : chacun peut déployer sans borne sa joie
Christ est précisément celui par lequel Il a transformé au travail et son ambition, sans blesser par là les intérêts
à la lumière de l'autre vie toute notre manière de voir tt d'un autre ni lui faire le moindre tort. Et c'est ainsi
de penser. Pour nous exprimer en d'autres termes : . que dans le christianisme seulement se vérifie cette
depuis le Christ, l'homme a pris une valeur immense, magnifique pensée: cc Vivre c'est aimer ».
mais a grandi pareiiIement le travail qui nous échoit Oui, le travail accompli en vue de conquérir Le royaume
pouratteindr_~ notre fin sublime. Le Christ nous a donné de Dieu est un travail civilisateur au sens le plus noble du
pour fin dernière d'atteindre le Dieu éternel et par là mot, parce qu'il a lieu pour des fins que personne ne
Il nous a ouvert une source inégalable de joie au travail peut imaginer plus élevées: pour une ingénieuse for-
et d'amour du progrès. mation de la personnalité immortelle, pour la connais-
B) Mais je sais bien, mes frères, qu'après ce que je sance de la vérité éternelle, pour la formation de
viens de dire plus d'un continuera à hocher la tête. l'image de Dieu dans l'âme de l'homme. L'èsprit de
216' LE SYMBOLE DES APÔTRES JE VOUS DONNE UN COMMANDEMENT NOUVEAU 217
l'évangile n'est donc pas en contradiction avec l'œuvre 3. Mais après cela je puis exprimer la constatation
de la civilisation, mais l'élève et l'ennoblit; il l'ennoblit finale du sermon d'aujourd'hui.
en amenant dans les hauteurs des devoirs de la vie Q~e nous a donné le Christ? La bonté '- et c'est la
éternelletoute's les fibres et toutes les formes de la valeur culturelle la plus haute de l' humanité. .
vie culturelle; la fortune et le travaiL 1) La bonté? La valeur culturelle la plus' haute?
2. Du reste la vérité de cet exposé théorique se
r
demandez-vous. Mais comment peut-on parler ainsi?
trouve confirmée par cette simple constatation que la Ce qui a de la valeur, c'est la chaudière qui siffle, c'est
religion de l'évqngile a ' été réellement la source d'une l'hélice de l'avion qui bourdonne, c'est le moteur Diesel
civilisation dont l'ho'inme n'avait encore jamais atteint qui ronfle, - mais la bonté? .
la hauteur, la civilisation chrétienne. Et pourtant je le répète : cette bonté que l' homme a
Il y a dans l'évangile un tel programme divin de apprise du Christ est la plus haute valeur culturelle. Je
civilisation que depuis, l'idéal de l'homme sur terre s'êst le vois au fait que nous sommes tombés dans une exis-
totalement transformé. La technique, la machine, la tence inhumaine, bien que nous ayons une foule de
matière réduisent facilement l'homme en esclavage chaudières, d'hélices et de moteurs, - mais il n'y a pas m
et c'est la culture chrétienne qui le tire de: ses nous suffisamment de bonté. Oui, la chaudière, la machine
chaînes. et le moteur appartiennent aussi à notre vie, mais il est
C'est ainsi qu'à présent nous comprenons exactement indéniable que cette vie mécanique ne peut réaliser la
les paroles du Seigneur à cause desquelles la force noblesse de la vie humaine que si nous instillons d~abord
civilisatrice du christianisme est habituellement attaquée. dans les rouages de la machine les gouttes d'huile de
«L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a la bonté du Christ; si je caresse mon cheval et lui donne
consacré par son onction, pour porter la bonne nouvelle un morceau de sucre, si je remercie le domestique,
aux pauvres, et il m'a envoyé guérir ceux qui ont le lorsqu'il m'apporte un verre d'eau, si je félicite la
cœur brisé, annoncer aux captifs la délivrance et aux cuisinière d'avoir préparé un bon repas, si je viens en
aveugles le retour à la vue )) (S. Luc IV, J'8-19). aide au commissionnaire autant que je -le peux, si je ne
Oui, le Seigneur veut guérir tous ceux qui croient laisse pas le chauffeùr attendre,pendant des heures dans
voir, mais que les b~~ns de cette terre ont rendus la rue sous la neige, si je prends part à la douleur d'autrui,
aveugles, - les guérir 'pour qu'ils voient 'réellement, si je partage la joie des autres, si je suis sévère pour moi-
qu'ils voient leur vocation éternelle. Guérir ces malheu- même et indulgent pour autrui ... que dirai-je de plus:
reux qui se croient riches et satisfaits au milieu de leurs ,i je suis ' bon conformément à la bonté que j'ai apprise du
richesses terrestres. Guérir ces pieds agiles au travail Christ.
qui, malgré un travail écrasant, se figurent en bon état, 2) « Mais la bonté c'est de la faiblesse, direz-vous
tandis que, à la lumière de la vie éternelle, ils sont perclus peut-être. Une faiblesse qui ne convient pas à un homme
et boiteux. supérieur )).
LE SYMBOLE DES APôTRM
220
,l '
,
MES FRÈRES,
Les dimanches précédents nous nous sommes occupés de la propriété privée? Voilà, mes frères, les questions
des vérités . fondamentales que le monde a apprises du brûlantes et actuelles que je vais traiter dans mon
Christ ee'qui constituent l'essence du christianisme : sermon d'aujourd'hui et dans ceux des dimanches
Dieu, Père céleste de l'humanité; le Christ, Fils de Dieu; suivants.
l'âme, le but de la vie terrestre, la vie éternelle, ... tels Pour pouvoir traiter la question à fond le plus .
~
sont - les" dogmes fondamentaux du christianisme. possible, je lui consacrerai plusieurs instructions. f
Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ a en ou,tre parlé Aujourd'hui je voudrais seulement répondre à la "
."
également des mànifestations de la vie terrestre. En effet première question: Quel est l'enseignement du Christ sur
Celui qui a proclamé que l'arrivée à notre fin dernière le travail? ,hr
dépendait de la manière vertueuse dont on passerait ;
:
la vie d'ici-bas, a certainement voulu remplir de son 1 ;1
esprit divin chaque fibre de notre existence terrestre.
Ii
Quel est le signe caractéristique de la vie? Le LE CHRIST A-T-IL ENSEIGNÉ QUELQUE CHOSE
mouvement, l'activité, le travail. Depuis qu~ Dieu a AU SUJE'i' DU TRAVAIL? :1
à tourner, les chaudières à rougir, les roues à grincer ... " A) A chaque instant on entend répéter que le ~I
et au loin dans chaque partie du monde des millions christianisme ne sert qu'à l'autre monde, qu'il ne ,:
et des millions d'hommes sont au travail, pour accomplir s'occupe pas de cette terre ni des luttes de la vic :'}i
la parole de la Sainte Écriture: « L'homme est né pour terrestre, qu'il est aveugle et sourd en face du rythme il,~
le travail, comme l'oiseau pour voler» (Job V, 7). grandiose du tr~vail. Le christianisme ne se soucie que 'i;1
Toutl? la terre chante un hymne triomphal au travail, d'une bonne mort, dit-on, et non pas d'une bonne vie. if;
-wque dit le christianisme à ce sujet? Quel est l'ensei- .+
Le christianisme est incapable de donner une vive impulsion I
gnement de Jésus-Christ sur le travail et les"questions en à la civilisation ... et l'évangile ne peut pas davantage ,:'1
connexion avec le travail? Est-Il pour ou est-Il contre? régler 1:1- vie actuelle de l'homme, parce qu'il y est UI
Approuve-t-Il notre fièvre au travail ou l'interdit-Il? seulement question de soumission, de p~i:iencéet du t
Nous y pousse-t-Il ou bien le regarde-t-Il avec angoisse? désir perpétuel de la félicité · dans l'autre monde.
Que pense la religion du Christ du travail, du travailleur, L'homme moderne, l'homme à l'activité brûlante et 11
" . de la civilisation terrestre, de la richesse, du prêt et '
I,i ~jl
possédé de la fièvre d'agir a besoin' d'un autre évangile ...
\'1
,.. ,
!II
):1
Ij: 1
: 1~
224 .LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST ET LE TRAVAIL 225
Telles sont les objections que l'on fait entendre. est tout au moins un moyen, un moyen indispensable
Et il nous faut répondre clairement à cette question : . pour,arriver à la fin dernière; c'est ainsi que le Christ a
Le Christ a-t-Il parlé à l' humanité qui travaille? Est-ce pris 'position à l'égard des manifestations de la vie
que le Christ s'est seulement adressé au. monde du travail? terrestre et leur a donné une place dans son œuvre
L'évangile sait-il donner force et directive au machi- rédemptrice. Donc, bien que la richesse, le travail, la
nisme qui conquiert le monde, au travail silencieux civilisation, la culture ne soient pas la fin dernière
des laboratoires qui explorent les mystères de l'univers, du chrétien, le Christ a eu cependant une doctrine à
àu travail technique et intellectuel, peut-il le sanctifier? ce sujet et une doctrine élevée et respectable.
En effet s'il ne le peut pas, le christianisme est Il faut donc reconnaître nettement que le Christ
perdu, le christianisme est périmé. L'homme moderne n'est pas un adversail'e, j)ar principe, de la richesse, du
veut travailler, l'homme moderne est possédé du plaisir et du travail. On pourrait appeler l'évangile
désir d'agir, de forger des plans et des projets, - que de saint Luc un hymne d'exhortation au travail.
peut-il entreprendre avec une religion qui ne peut ' « Travaillez de toutes vos forces, au prix de tous les
P'flS favoriser ses pensées les plus hautes? sacrifices, travaillez pour obtenir le royaume de Dieu x
B) Elle n'est surtout pas si simple, parce qu'il y a - tel est en résumé le contenu de l'évangile selon
dans cette objection, comme dans toute erreur en saint Luc.
général, un fragment de v~rité et ce n'est pas une tâche Mais le royaume de Dieu est le réceptacle de tous
facile de distinguer de l'erreur la vérité. les biens" Et pour pouvoir y parvenir, pour pouvoir y 'li
Qu'y a-t~il donc de vrai dans cette assertion? amener les auires, nous ne devons pas craindre le ,
Ce qui est vrai, c'est que Notre-Seigneur Jésus-Christ travail le plus énergique. Le royaume de Dieu est à "
en réalité n'est pas venu sur la terre pour régler les insti- la fois une richesse et un travail, :- une. richesse à
tutions techniques, sociales, économiques, médicales, artis- laquelle on ne peut parvenir que par le travail et un
tiques et scientifiqu.es de l'humanité. Ce n'est pas pour travail pénible. Disons-le franchement : le royaume de
cela qu'Il est venu. Il est venu pour nous racheter du Dieu est une civilisation, une civilisation véritable ln
péché et nous conduire à la vie éternelle. C'est donc éternelle, et celui qui nous pousse à sa conquête, nous
une banalité de dire que l'idée chrétienne du monde pousse au travail culturel le plus précieux.
ne regarde pas la vie terrestre comme notre fin derni ère, Mais en revanche, c'est aussi un fait que Notre-
mais la vie éternelle et c'est à l'obtenir qu'elle veut ~igneu~ n'a pas Fté un apôtre fanati que de la civili-
nous aider. sation qui voit le but unique de la vie et le, contenu
MaisNotre-Seigneur a proclamé aussi que nous devons total de l'existence humaine dans une productivité
. mériter la ;'~ie éternelle par l'observation consciencieuse perpétuelle et incessante et le travail. Oui, il faut de
des devoirs de la vie terrestre. Donc si la vie de ce monde la production, il faut des usines, il faut des progrès
n'est pas une fin dernière aux yeux du chrétien, elle techniques, il faut des ateliers, il faut des cha~ps
.. Symb. d. Ap. - T II 15
LE SYMBOLE DES APÔTRh'S LE CHRIST Er ' LE TRAVAIL
ensemencés de froment, mais ... mais (( ·l'homme ne Ee Christ a A) relevé, B) sanctifié et C) placé à sa juste
vit pas seulement de pain )) (S. Matthieu IV, 3) . valeur le travail.
c'est l'avertissement du Sauveur - l'homme ne Vlt ; A) Le Christ a relevé le travail physique de l'abais-
pas seulement des mines de charbon, de la conqu~te sement dans lequel il était tenu à cette époque. ili
l,'
des mers, de la régularisation des eaux, de la productiOn A l'époque du Christ, les Grecs et les Romains '"
de l'électricité. considéraient avec mépris le travail manuel. Et même :1
Il faut tout cela, - mais tout ccla~ par lui-même ne un des plus distingués et des plus illustres philosophes
rend pas heureux. Ai-je besoin de le prouver à l'homme grecs, Platon; affirmait que tout métier était si indigne
d'aujourd'hui? Quand a-t-on autant produit qu'actuel- d'un homme libre qu'il fallait le lui interdire et le
lement? Quand y a-t-il eu en marche autant de laisser aux esclaves. Il
~ .-
machines, de métiers, d~ moteurs, de turbines que Et voici maintenant le Christ. Sans doute, Il n'est pas "
.1
venu pour changer l'opinion courante sur le travail, - ,
de nos jours? Et l'homme est-il heureux?
mais Il l'a fait aussi par surcroît. Et si aujourd'hui on ,',i
Au Brésil, on récolte tant de café que récemment );'
on en a jeté 500.000 sacs à la mer, d'après les dernières dit partout qu' (( il n'y a pas de sot métier» et si aujour-
nouvelles on chauffe même les locomotives avec du d'hui il paraît tout naturel que (( celui qui ne travaille
pas ne doit pas manger », nous devons ce changement
j'Î
,
café. Au Canada, il pousse tant de blé qu'on en nourrit ',.
',-.
les animaux. Ailleurs il y a tant de coton que l'on radical à Notre-Seigneur Jésus-Christ. A Notre-Seigneur
coupe par milliers les cotonniers ... Jésus-Christ qui est 'venu au monde comme fils de
Voilà comme l' homme travaille et produit, - et il / charpentier; qui a enduré que ses ennemis le mon-
n'est pas __lteureux. trassent du doigt: voilà le (( fils du charpentier)) (S. Marc
VI, 3); qui a passé toute sa jeunesse à travailler dans un
atelier de charpentier;/
et quia choisi ses p"rerniers
'
« Mais aujourd'hui que le monde entier chante sans détachée du Christ? N'est~ce pas Lui qui a donné la
cesse l'hymne au travail, aujourd'hui on aperçoit première loi de défense ouvrière, lorsqu'Il a proclamé
l'insuffisance du christianisme » dira-t-on peut-être. au monde: « L'ouvrier mérite son salaire Il (S. Luc X,
Non, ce n'est pas l'insuffisance, mais sa force et ses 7)? N'est-ce pas sa religion qui enseigne que retenir
avantages. Car c'est précisément cette manière de voir à l'ouvrier son, salaire est un péché qui crie jusqu'au
qui préserve l'homme d' ~tre réduit par le travail au ciel ?
rôle de bête de somme qui traîne son joug, les traits B) « Elle l'enseigne, elle l'enseigne!... répondra-t-on,
décomposés et grimaçant de colère, elle nous rappelle ' mais c'est seulement imprimé dans le catéchisme, et dans
la valeur pour la vie éternelle de notre vie.de travail. la vie il n'y a rien de cela. Retenir le salaire? Mais ne
Ne voit-on pas partout dans le monde que 'là où on a savez-vous pas pour quel salaire de famine les capita-
fait du travail une idole, l'homme est tombé au rang listes font travailler? Et il faut encore s'estimer heureux
des bêtes de somme sans âme? . de trouver de l'occlUpation ... Nous ne sommes pas contre
,1
23 2 LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRTST ET LF TRAVATl. 233
le Christ, mais contre le christianisme qui entend la Mais si une parfaite justice n'existera jamais sur terre,
doctrine du Christ de telle manière qu'il protège lecapi·- l'Église travaille pout que du moins il n'y ait plus une
talisme et peut voir sans mot dire une exploitation aussi aussi grand~ injustice que celle d'aujourd'hui. Que
éhontée »". fait donc le christianisme? Il ne peut pas changer le
Mes frères, ce sont de dures paroles, mais qui pourrait monde, mais il s'efforce de changer les hommes qui
en être étonné? Celui qui connaît la détresse inhumaine comp~sent le monde. Et si actuellement le capitalisme
dans laquelle se débattent des millions de travailleurs, se livre à de tels excès, ne dites pas: le christianisme a
rie peut pas s'étonner du nombre des mécontents, bien fait faillite, mais : comme tes hommes sont encore bien peu
qu'il sache que ces derniers n'ont pas raison et se trom-; chrétiens! Travaillons donc à ce qu'ils le deviennent.
pent grandement. Car voici la grande idée du christianisme: il ne peut pas
Ils se trompent en croyant que le christianisme canoniser le capitalisme, - mais des capitalistes il veut
regarde sans mot dire les excès éhontés du capitalisme. faire des saints.
Le Pontife Romain n'a-t-il pas publié il y a quarante ans
(189I) l'encyclique « Rerum novarum» contre les injus- '*' '*'
ticessociales? Et le Pontife Romain ne vient-il pas '( Faire des capitalistes des samts? A-t-on déjà vu
d'insister à nouveau et plus fortement encore sur la pareil prodige dans le monde? »
justice sociale dans sa .récente encyclique « Quadrage- Oui, on l'a vu, mes frères, et si on voyait la doctrine
simo anno » (1931)? du Christ suivie par un plus grand nombre, le problème
Ils se trompent, en croyant que le christianisme couvre le plus angoissant de l'humanité actuelle serait résolu.
les excès du capitalisme. Sans doute, il défend le bon Cette semaine ;'l été célébré le septième centenaire de
droit de la propriété privée, car la suppression de la la mort d'une « sainte capitaliste», sainte Élisabeth de
propriété privée serait un coup mortel pour la joie au Hongrie. Une fille de roi qui aurait pu se plonger dans
travail. Mais il ne défend pas, au contraire il flagelle har- toutes les jouissances de la terre, une grande propriétaire
diment l'usure et les abus qui accompagnent la richesse. riche, jeune et belle qui habitait dans un château magni-
Il faut le principe lui-même, il est nécessaire; sans fique, - mais que l'amour du Christ, qui brûlait dans
propriété privée l'humanité civilisée ne pourrait pas son âme, a préservée de tous les dangers de la richesse
vivre. Mais l'homme peut tout gâter, peut abuser de terrestre et a transformée eri bienfàitrice éternellement
tout, - aussi de la propriété privée. Cette terre malgré bénie de l'humanité souffrante.
toutes les institutions ne sera jamais un paradis; nous Seigneur Jésus, remplissez--nous tous, ,riches et pauvres,
attendons la justice parfaite dans le royaume éternel ouvrièrs et patrons de l'esprit de sainte Élisabeth et vos
du Christ : « Mais nous att~ndons, selon sa promesse, enfants qui luttent, combattent et peinent retrouveront la
de nouveaux cieux et un e nouvelle terre où habite la paix. Amen.
justice» (Ile S. Pierre III, 13).
LE CHRIST ET LA RICHESSE Z35 1
mot, ne s'attaque à aucune classe de la société, ne pro-
clame pas que «( les riches iront en enfer », que « les
capitalistes ~oivent disparaître », qu'il ne doit plus y
XVIII avoir de maîtres, - non., Il ne dit pas un mot de tout
cela... Il sc ,lève doucement, silencieusement, Lui,
le Fils de Dieu, le Seigneur tout-puissant, le Créateur
LE CHRIST ET LA RICHESSE , du monde, et s'agenouillant devant de simples pêcheurs
Il leur -lave les pieds.
L'émouvante leçon du lavement des pieds doit illu- "
(1)
miner comme un éclair même l'obscurité du ciel
européen actuel chargé de nuages. Car savez-vous ce que ,/1
veut dire par là le Christ?
MES FRÈRES,
Il nous dit à peu près ceci: il est impossible de sup-
primer les différences de classes parmi les hommes. 11
Les habitants du petit village bavarois d'Oberam- Autant d'hommes autant de têtes, - non seulement par
mergau, firent, au XVIIe siècle, pendant une terrible la naissance, mais aussi par la capacité. Toujours il y
épidémie de peste, le vœu de représenter la Passion aura sur terre des savants et des ignorants, des forts et
chaque dix ans, si le fléau disparaissait. Au cours de des faibles, des bien portants et des malades, des riches
l'été 1930, de tous les points du monde des milliers , et des pauvres, des patrons et des ouvriers. Et je n'ai
et des milliers de spectateurs vinrent assister d'une âme pas le droit d'exciter les classes les unes contre les autres,
émue aux pieuses représentations de la Passion de Notre- de semer la haine, de ruiner l'autorité, mais ... mais je
Seigneur Jésus-Christ. Et savez-vous quelle est la scène dois pénétrer les supérieurs, les plus forts, les plus
qui fait la plus profonde impression sur le spectateur instruits, les plus riches, de cette idée qu'ils doivent
qui se préoccupe des problèmes sociaux actuels? Ce travailler par la pratique d'un amour charitable à com-
n'est pas le chemin de la croix ni le crucifiement ni la blér le gouffre entre les classe$ sociales.
mort du Christ.. . Oh! tout cela est bien émouvant, Le HIs de Dieu lavant les pieds des hommes! Quel point '
'mais la partie la plus cultivée du public est le plus d'exclamation dans le monde actuel en effervescence
émue par le lavement des pieds à la Cène. devant l'impossibilité de résoudre le problème social!
, LorsqueJe Sauveur se lève de table, par son geste Ce ri'est pas le progrès technique qui r':soudra la ques-
muet, calme, doux, le lavement des pieds, Il accomplit tion sociale, ce n'est .{las non plus de meilleures insti- '
~MJ itablement une révolution, Il ~enverse toutes le!; idées tutions économiques et financières (il en faut aussi)
qu'avait eues jusqu'alors l'humanité sur la considération, mais la solution définitive pourra seulement se ren-
la puissance, la grandeur ... , Le Sauveur ne dit pas un contrer, lorsque le maître lavera les pieds de son servi-
LE SYMBOLE DES APôTRES LE ~BRIST ET LA RICHESSE 237
teur, c'est-à-dire lorsque le symbolisme de l'exemple A) Regardons donc de pLus près ce que le Christ a
du Christ nous amènera à l'ennoblissement de notre vie enseigné sur la propriété privée, la richesse, les biens de ce
quotidienne, de notre conduite, de notre manière d'agir monde.
et de notre façon de parler. L'attitude du Sauveur èn face de la richesse est
Voilà le sujet, le sujet difficile et d'une importance particulièrement mise en relief dans la scène du Jeune
vitale que nous avons commencé à traiter dimanche homme riche et dans le Sermon sur la montagne.
dernier et que je voudrais continuer aujourd'hui. a) Un jour, un jeune homme riche, tout feu et flamme,
, L'hostilité entre le travail et le capital, la richesse et la distingpé et actif, se trouva devant le Christ et d'un ton
misère, la fortune et la pauvreté fait trembler le monde plein d'enthousiasme il dit au Sauveur: « Bon Maître,
entier aujourd'hui. Que nous enseigne le Christ sur le que dois-je faire pour atteindre la vie éternelle? » Notre
travail? - j'en ai parlé dimanche dernier. Quelle est son Seigneur lui fit d'abord cette réponse : (c Si tu veux
attitude à l'égard de la propriété privée, des biens de cetté entrer dans la vie éternelle, garde les commandements ».
terr~, de la richesse et de la pauvreté? C'est ce dont je vais Mais le jeune homme répondit: « J'ai observé toutes
parler aujourd'hui et la fois prochaine. Voyons donc ces choses dès mon enfance; que me manque-t-il
1 Qu'est-ce que le Christ nous enseigne sur la richesse? et encore? »
II Quelle est la conséquence de cet enseignement? A présent Notre-Seigneur regarde profondément le
jeune homme. Il voit que ce jeune homme riche a soif
d'un degré plus haut de perfection, que celui où arrivent
l les hommes ordinaires et maintenant Il lui fait cette
réponse: cc Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que
QUE NOUS ENSEIGNE LE CHRIST A PROPOS tu as, donne .. le aux pauvres, et tu auras un trésor dans
DE LA RICHESSE? le ciel, puis viens et suis-moi ».
Mais c'était trop pour le jeune homme, il n'était 'pas
J'ai attiré un jour l'attention sur ce fait curieux que les capable d'un tel sacrifice, il préféra quitter le divin Maître.
conceptions du monde les plus diverses s'efforcent de Et de la , bouche du Sauveur, après l'avoir regardé
revendiquer pour elles-mêmes Notre-Seigneur Jésus~ tristement s'éloigner, s'échappe cette plainte: cc Qu'il
Christ. Sa personnalité est d'une telle grandeur surhu- .~st difficile à ceux qui ont les biens de ce monde d'entrer
maine que chaque tendance voudrait se l'annexer. Il dans le royaume des cieux! »
y en a eu pciu~ appeler le Christ « ,le premier commu,·' Les disciples sont effrayés: ils n'avaient pas compté
niste », parce que le Christ a réellement prononcé cette là-dessus. Les riches ne sont-ils pas heureux? Ne
menace : «Malheur à vous, riches! » (S. Luc VI, 24) sont-ils pas les enfants chéris de Dieu qui les comble
Il y en a eu pour vouloir voir en Lui le Rédempteur des biens terrestres?
,social bu en termes plus crus: « le premier socialiste »). Et Jésus ne retire rien, Il ajoute !llême avec plus de
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST ET LA RICHESSH
Les paroles du Christ montrent clairement que curieuse expression! Pourtant il ne fautpas se choquer
personne n'est obligé de partager ses biens, que chacun du travail de cette maison qui tire profit des détritus
peut se ramasser une fortune, mais elles montrent aussi ménagers, - car c'est une occupation parfaitement
pourquoi la grande richesse-est un danger pour ['âme honnête.- Mais certainement il faut se scandaliser et
humaine. C'est parce que l'homme met aisémen,t dans la s'indigner de ce que tant de gens aujourd'hui font de
richesse tout son espoir, toute sa confiance, tous ses l'argent avec des ordures, - des ordure~- morales.
désirs, tous ses efforts et perd sa confiance en Dieu. Combien de fois on encaisse des 5°.000 schillings pour
C'est parce que pour l'homme la terre devient facilement des images, des films, des livres, des pièces de théâtre qui '
son unique but et la vie de cette terre son unique désir. répandent la boue morale! C'est contre eux que sont
L'argent devient ,aisément son dieu; mais dans l'âme de lancées les paroles foudroyantes du Sauveur.
celui dont l'argent est le dieu, qui a l'argent pour dieu, « Malheur à vous, les riches!» (S. Luc VI, 24). Malheur
I~ vrai ,D ieu ne peut trouver place. - à vous, qui êtes possédés du démon de l'argent et qui,
b) Et si nous comprenons ainsi les idées du Christ, pour de l'argent, foulez aux pieds la morale, la fidélité,
nous ne resterons pas à secouer la tête devant ses paroles l'amitié, la patrie, la foi! Malhèur à vous, qui êtes capa-
qui font l'effet d'un coup de foudre: «( Malheur à vous, bles de laisser vos ouvriers dans une misère inhumaine
les riches! » (S. Luc VI, 24) - c'est ainsi qu'a parlé un et de payer votre luxe en réduisant leurs salaires!
jour le divin Maître. Malheur à vous qui achetez tout à prix d'argent: le
On a souvent abusé de ces paroles du Sauveur. Ils en plaisir, la volupté, la vertu, l'innocence/- et qui pouvez
abusent ceux qui les interprètent dans le sens du com- jeter à la rue sans sourciller, comme un citron pressé,
munisme, comme si le Christ s'était déclaré contre toute des cœurs humains brisés et des âmes humaines tom-
propriété privée. bées dans la boue! Malheur à vous qui vouS" êtes gorgés ,
Il n'en est pas question. « Malheur à vous, les riches!» d'argem, qui avez tout gâté avec l'argent, qui avez
- telles 's ont les paroles foudroyantes du Sauveur. attiré au péché avec l'argent! Non seulement l'argent
Mais toute la manière d'enseigner du Christ montre vous a rendus sans cœur, mais il vous a rendus aussi
clairement à quels hommes Il pense. aveugles et sourds; et voici que l'on entend la parole
Certainement vous avez tous entendu parler d'une inouïe, afin que vous aussi vous trembliez-: « Il est plus
curieuse particularité de la grande ville: l'adjudication aisé qu'ml chameau passe par le trou d'une aiguille
des détritus ménagers. Pour le droit de ramasser les qu'il ne l'est à un riche d'entrer dans le royaume des ,
détritus à Vienne, par exemple, une maison verse chaque cieux» (S. Matthieu XIX, 24).
année 50~OOO schillings à cette ville et en retour elle Voilà comment il faut entendre les paroles du Sauveur
a le droit de disposer des déchets, ferraille, débris de et non pas comme s'Il avait condamné toute richesse et .
verre et objets semblables et de faire de l'argent avec ces voué tous les riches à la damnation. En effet, Il a eu
ordures. Faire de ['argent avec des ordures! - quelle Lui-même de, disciples riches : Marthe et Marie,
chaussures ou balayé ma rue ou tissé l'étoffe de mon dans l'homme le plus pauvre et le plus déchu l'âme
" vêtement ou extrait de la mine le charbon qui chauffe immortelle; c'est elle qui nous avertit d'être social
ma chambre... a droit à ma reconnaissance, à mon et patient envers notre entourage immédiat, en domp-
respect, à mon amour, - ah! s'il en était ainsi, y tant nos passions. L'idée religieuse protège encore
aurait-il encore le danger social? l'action sociale du danger qui du reste surgit très faci-
b~ Et quand on considère l'action charitable que l'on lement : de devenir des phrases, de la poudre aux
nomme justement l' ~ huile sociale » dans les rouages yeux, une parade.
de la vie économique, c'est déjà l'idée sociale elle-même;
si je me familiarise avec la misère de mon prochain, si
:110 "" *
je m'oublie moi··même 'pour servir mon prochain, cette
pensée est' déjà le fruit le plus caractéristique de l'état , Mes frères, dans une nouvelle de TolstOÏ, une com-
d'âme 'de la religion chrétienne. Nous reconnaissons que tesse parle ainsi des domestiques ': « N'est-ce pas vrai-
la technique actuelle, l'action sociale, la protection de ment curieux que ces filles vident nos cuvettes et
la jeunesse, les associations, les syndicats et les insti- secouent nos lits; pour que nous puissions jouer du
tutions dè bienfaisance sont les produits de l'époque Chopin ! » C'est certainement curieux. Et celui qui
moderne. Mais la force motrice de toute activité sociale ne s'en étonné pas, celui qui trouve cela tout naturel,
est encore uniquement l'esprit du Christ, dont le celui qui ne s'efforce pas de répondre au travail de
berceau était à Bethléem, et par suite ' tout succèR son prochain par la charité ingénieuse ' et attentive du ,
dans l'action sociale ne , peut germer qu'en terrain Christ lavant les' pieds de ses apôtres, celui-là ne doit
religieux. pas s'étonner, si un jour le bolchevisme arrive, démolit
Elles ont droit au plus grand respect les associations le piano et brûle les partitions de Chopin.
et les institutions sociales de toute sorte qui versent :Ëtre chrétien ne signifie donc pas regarder oisivement
sur la lutte des classes, provoquée par la misère, l'huile le ciel? Attendre avec force soupirs le royaume des
adoucissante du bon Samaritain; mais chacun doit cieux? Attendre, les bras croisés que les alouettes tom-
reconnaître que celui qui veut véritablement atteindre bent toutes rôties? '
l'âme de celui qui souffre, celui qui veut être l'appui Pas du tout. S'il en était ainsi, la foi chrétienne serait
des faibles, le défenseur dr s menacés, le redresseur des alors réellèment l'ennemie du progrès ' et de l'allure
tombés, doit d'abord être lui-même pénétré\d'une forte accélérée du travail humain.
LE SYMBOLE DE!! APÔTMtI
prolétaire sans défense. Mais la foule ne voit pas formaliser, si le camp des malheureux laisse échapper
tout cela, parce que le Christ cache cette scène aux des plaintes injustifiées.
malheureux."" Et au-dessous de cette image affreuse On entend souvent sur les lèvres des pauvres cette
est inscrit : « Le Paravent ». plainte amère: « L'Église n'est que du côté des riches.
Le Christ, un paravent! En quoise soucie-t-elle des pauvres? Car si elle s'en '
Mes frères, devant cette illustration révoltante, il occupait, elle ne regarderait pas sans mot dire notre
ne suffit pas de s'indigner et de protester. Non. Il vaut détresse. .. »
mieux réfléchir avec humilité et faire notre examen Pour la chaire chrétienne d'aujourd'hui il y a à
de conscience, - et c'est ce que je voudrais faire dans peine une question plus importante et plus difficile
mon sermon d'aujourd'hui. que celle-là. Examif\ons donc maintenant plus à fond
Que nous enseigne Notre Seigneur Jésus-Christ sur la question que j'avais soulevée dans mon sermon de
la richesse, la fortune, la pauvreté, les biens de cette dimanche dernier: 1 Ce que le Christ pense de la richesse,
terre? Y a-t-il du vrai dans cette image blasphématrice, II ce qu'en pense le christianisme, et III ce que pense le
qui représente le Christ comme un paravent placé christianisme de l'organisation économique du monde '
devant les ouvriers par un capitalisme sans cœur? Et actuel.
_si ces ré~olutionnaires n'ont pas raison, sont-ils alors
dans le vrai ceux qui contemplent avec indifférence le 1
sort inhumain de millions et de millions de travailleurs
et croient qu'on peut nager dans le luxe et pérorer sur QU'EST-CE QUE LE CHRIST PENSE DE LA RICHESSE?
le christianisme, tandis que notre prochain languit et
meurt dans des trous sans air ... Qui donc a raison; le ' Voyons donc ce que le Christ pense de la richesse.
bolchevisme ou le cl;lpitalisme? ' De quel côté est le Est-il vrai -- comme prétendent certaines tendances _
Christ : est-ce du .côté de ceux qui avec une avidité que le Christ condamne la richesse et précipite les
féroce veulent tout acéaparer ou bien du côté de ceux riches 'en enfer?
qui, par une révolution brutale, veulent tout prendre A) Pour pouvoir donner la réponse, il nous faut
aux autres? C'est cette question que j'ai traitée dimanche d'abord voir clairement qu'est-ce que la richesse, qu'est-ce
dernier. Mais j'ai déjà remarqué que j'en parlerais que la fortune, qu'est-ce qu'un riche?
encore aujourd'hui et que je développerais à nouveau Ce qui est nécessai!e pour vivre n'est pat la richesse,
les idées p~écéd~mment exposées; en effet la question mais l'indispensable moyen d'existence. La richesse
est d'une telle importance vitale et décisive pour la commence là où les biens sont amassés pour eux-mêmes
société actuelle qu'on n'en peut pas suffisamment - comme une fin dernière -, c'est donc ce qui n'est
parler. pas nécessaire pour vivre conformément à sa situation.
La misère est si effroyable qu'on ne peut pas se Sije gagne quelque ?hose et qu'il me faille le dépenser
, LE SYlVIBOLl! DES APôTRES LE CHRIST ET LA RICHESSE 253
pour vivre, ce n'est pas une richesse. On ne peut donc b) Mais en retour il est indéniable que si le Christ
appeler riche un homme que s'il peut vivre tranquil- n'a pas cond~mné les' riches, II a cependant insisté
lement, sans être obligé de travailler pour assurer son dans cette parabole, èomme en maintes 1tutres circon-
entretien. stances, sur les dangers de la richesse, ainsi que je l'ai
Et sous le nom d'entretien on n'entend pas seulement démontré en détail dans la dernière instruction, ' par
la nourriture et l'habillement strictement nécessaires, exemple qUilnd lIa dit: « Qu'il est difficile à ceux qui
mais tout ce que renferme en lui-même le concept de sont riches d'entrer dans le royaume de Dieu! » (S. Luc
vie « humaine ». Je ne suis pas un « homme)) du fait que XVIII, 24). « En vérité je vous le dis, un riche entrera
je prends des aliments, mais du fait que j'ai une activité difficilement dans le royaume des cieux » (S. Matthieu
intellectuelle et également des besoins intellectuels. XIX, 23)' 1
B) Malgré tout, nous demandons maintenant ce que II y a surtout une exclamation foudroyante de Notre-
le Christ pense de la richesse. Seigneur que l'on peut facilement mal interpréter et qui
Nous avons cherché la dernière fois la réponse à fréquemment déjà a été mal interprétée. Et il y a égale-
cette question dans l'histoire- du jeune homme riche ment une autre affirmation qui a été aUssi mal comprise
de l'évangile et dans les paroles du Sermon sur la de beaucoup.
montagne. Aujourd'hui je vais chercher la répomle « Malheu'! à vous, les riches!» (S: Luc VI, 24) - a-t-Il
dans ,la parabole du Mauvais riche et du pauvre Lazare dit un jour et « Bienheureux les pauvres ! )) (S. Luc VI,
(S. Luc XVI, 19-31). 1/ 20) - a-t-Il dit une autre fois . Les premières paroles
Pour gagner du temps, je ne raconterai pas la parabole sont une menace terrible et épouvantable; mais les
elle-même, car vous connaissez fort bien l'histoire de autres sont une affirmation pour ainsi dire incroyable.
ce riche sans cœur qui ne donnait même pas les restes au Est-ce que le Sauveur veut en réalité condamner tous
pauvre Lazare et qui a été damné pour cela aprèss amort. ceux qui sont riches et proclame-t-Il bienheureux tous les
a) Remàrquons-le bien, mes frères : le rche est pauvres? Ce serait d'une part une . sévérité incom-
damné, non pas parce qu'il était riche; mais pace qu'il préhensible, et d'autre part cette doctrine rendrait
était sans cœur: Que la richesse fût un péché, que la impossible tout progrès humain et la vie sociale. En
propriété privée fût une injustice et un vol, Notre- effet qui travaillerait, qui sacrifierait sa tranquillité au
Seigneur ne l'a pas dit dans cette parabole ni nulle part travail, si ce qu'il gagne ne peut rester sa propriété?
ailleurs. II y avait à côté des apôtres pêcheurs etp auvres Qui serait économe, s'il ne peut pas compter sur ce
des disciples" rich<;s : Marthe et Marie, Lazare, Joseph qu'il aurait mis de côté, dans ses vieux jours? Qu'ad-
d'Arimathie, Nicodème, Simon le Pharisien, etc. Et si viendrait-il de la société sans l'existence de la propriété
le Christ avait condamné toute richesse, il est ~ûr privée?
qu'II n'aurait pas accepté d'invitation à/dîner de la part Mais il n'en est pas du tout question. Il n'est pas du
de ses disciples riches. tout question que le Christ ait pris position contre la
254 LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST ET LA RICHESSE 255
propriété. « Malheur à vous, les riches! » - a-t-Il dit. d'un grand danger. En effet une grande fortune peut
Mais qu'a-t-Il entendu· par ce mot de « riches » ? s'attacher à l'âme du riche comme le sarment sauvage
Ceux qui voient dans la richesse le contenu de la vie, après l'arbre de la forêt vierge et de même que le gui
le but de la: vie; ceux qui croient que leurs biens ter- suce .la\. sève vivifiante du tronc et le fait' sécher, de
restres satisfont également tous les besoins de l'âme; même la grande richesse peut aussi étouffer toutes les
ceux qui ont faim et soif d'argent et pour lesquels il est ambitions de l'âme pour s'élever. Et lorsque pareil riche
leur seule pensée, leur seul but, leur dieu. Et quels sont promène ses regards sur ses trésors, ses lèvres laissent
les « pauvres » que le Christ a nommés « bienheureux» ? échapper ce~ paroles de satisfaction orgueilleuse: « Mon
Ce sont ceux dont l'âme n'est pas remplie des biens âme, tu as de grands biens en réserve pour heaucoup
terrestres, ceux qui devant les jouissances et le bien-être d'années; repose-toi, mange, bois, fais bonne chère»
de cette terre gardent précieusement leur liberté, (S. Luc XII, 19). C'est à de pareils riches que
soupirent et travaillent pour introduire dans leur vie s'appliquent les malédictions du Sauveur et c'est d'eux
une valeur véritable: ceux qui du fond de leur âme ont qu'Il a dit qu'il leur sera difficile d'entrer dans le
faim et soif de la vérité. royaume des cieux.
Donc lorsque le Christ parle des « riches » et des Mais en retour s'ensuit-il que les pauvres entreront
« pauvres », des « rassasiés » et des « affamés )l, des 1 sans plus dans le royaume du ciel? Quelqu'un peut-être
« pacifiques » et des « mécontents )l, Il ne pense pas répondrait affirmativement, car Notre-Seigneur a dit:
seulement aux richesses et aux travaux de cette terre, {( bienheureux les pauvres ». Seulement Il ne l'a 'pas dit
mais avant tout aux biens éternels, au travail déployé cnce sens. Il a dit: « Bienheureux les pauvres en esprit)l,
pour les conquérir qui donne à la vie terrestre son seul cc qui ne veut pas dire bienheureux les gens bornés a
sens vraiment digne. Celui qui sait cela ne pensera pas à et les ignorants, mais bienheureux ceux - qu'ils
faire à l'évangile le r~proche de prêcher un fatalisme soient riches ou non - dont : le cœur ne s'attache pas
impuissant et sans force et d'étouffer dans l'homme aux richesses de la terre, d~nt les regards, les désirs,
la joie au travail par les cris de ' malédiction .du les efforts ne s'attachent pas uniquement à l'argent et
Christ. toujo, 'ITS à l'argent, ceux - que la voie de leur pèle-
c) Mais si nous examinons davantage la pensée de rinage, terrestre soit aplanie ou raboteuse - qui ne
Jésus sur les richesses de cette terre, nous constaterons . détourhent pas les yeux du but éternel.
'que dans cette question il y a une immense différence Devant Dieu, le riche ne vaut pas plus que le pauvre,
entre l' opinion'-du Christ et celle du monde. Le monde - chose consolante. Mais en résulte-t-il que les pauvres
s'incline devant les' riches, les flatte, se soumet et l'emportent même sur ies riches? Oui. Ils ont, pour ainsi
s'agenouille ,devant eux; en revanche selonJe Christ, la dire, l'avantage de la position qui consiste en ce qu'ils
richesse ne donne absolument à personne un privilege, ne sont pas exposés au danger ·pernicieux pour l'âme
devant Dieu; elle est même plutôt une charge et;la source de la richesse. Et c'est dans ce sens que le Sauveur . a
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST ET LA RICHESSE 257
dit : « Bienheureux les pauvres, parce que le royaume gnement ,du Christ? Et la réponse doit €tre absolument
de Dieu leur appartient » (S. Luc VI, 20). affirmative. ' 1
Si à présent nous soulevons la question de savoir si le A) Mais cette fidélité l'a entraîné dans une guerre
Christ a condamné tous les riches, notre réponse ne se:a inimaginable avec l'égoïsme, la cupidité et la méchanceté
pas difIicile. Le Christ n'a pas parlé contre le droit de ' de l'homme. L'homme a toujours été égoïste et cupide et
propriété. Il ne condamne p~s l'esprit d'économie qui il l'est encore aujourd'hui, - mais on n'a pas le droit
pense à l'avenir ni l'acquisition honnête de la richesse, d'en faire le reproche au christianisme; au christianisme
Il ne condamne pas tous les riches, mais seulement qui depuis vingt: siècles s'c:;fforce d'adoucir cet égoïsme
... seulement celui dont la main est morte. du moins autant qu'il est possible. L'inégalité actuelle
Quel est le riche dont la main est morte? C'est celui dans la répartition de la richesse et le manque de cœur
autour duquel s'amoncellent les richesses, mais qui ne d'une partie des -riches sont extrêmement éloignés de
sait quoi en faire. Il a la main morte, le riche qui, avec l'idée chrétienne, mais on ne peut pas en rendre respon-
sa fortune, ne poursuit qu'une fin terrestre, des biens sable le christianisme, qui a toujours indiqué en termes .
terrestres, que la mort lui arrachera. Elle est morte, cette courageux cette plaie douloureuse.
main qui ne travaille que pour la mort et la tombe. Le Tous ceux qui sont avantagés par la fortune doivent
Christ proteste réellement contre une telle richesse et une 1 secourir les pauvres, c'est ce que nous a appris Notre-
pareille vie. Car il ve4t extraire de ces trésors terrestres Seigneur Jésus-Christ par sa parabole du bon Sama-
ds valeurs éternelles et jeter dans tous nos travaux une ritain. Mais faire l'aumône n'est pas l'essentiel de
semence qui germera dans l'éternité. la pensée chrétienne; c'est seulement le dernier moyen
Que demande donc le Christ à la richesse? Que notre de venir en aide. L'essentiel c'est le travail. Celui qui ne '
âme ne s'attache pas à l'argent, qu'il ne devienne pas travaille pas ne doit pas manger, - c'est vrai; que le
notre dieu, que nous ne ~oyons pas présomptueux ni paresseux meure de faim; mais en revanche nous ne.
orgueilleux, - c'est la première chose. Et pour la pouvons pas parler du royaume du Christ sur la terre, tant
seconde : que nous fassions avec notre argent autant de qu'un homme qui veut travailler honn€tement, ne trouve
bien que nous le pouvons. pas de travail et est obligé de mourir de faim.
B) Ne dites pas que c'est de l'excitation, que c'est
un langage trop sévère. Un langage trop sévère? Non.
II Le christianisme a toujours parlé ainsi; il a toujours osé
l'
" parler ainsi.' ,
QUE PENSE LE CHRISTIANISME DE LA RICHESSE? a) Écoutez seulement ce qu'écrit saint Paul à l'évêque
d'Éphèse, Timothée. (i Commande aux riches de ce monde»
Ici il me' faut répondre à une autre question' : le (1° Timothée VI, 17) ... telles sontIes paroles de l'apôtre.
christianisme -est-il toujours resté fidèle à cet ensei- Voilà un langage un peu fort : « Commande aux riches ».
Syrnb, d. Ap , - T, II 17
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE CHRIST ET LA RICHESSE 259
Comme si ceux-ci étaient habitués à obéir! Chacun et soient prompts à d011ner. En effet qu'est--ce qui fait
S
,.mcl'me d evant eux, d evant l'argent s'ouvrent / toutes les ressembler le plus l'homme au Dieu bienfaisant et
portes du plaisir, de la puissance et des honneurs, - miséricordieux? Uniquement l'imitation de la géné-
mai~toi, serviteur de Dieu, commande· leur. rosité ùe Dieu.
Et que commander? « De n'être pas hautains, de ne pas Voilà le langage sévère de l'::tpôtre. Saint Paul était-il
mettre leur espérance dans des richesses incertaines ». pour cela un communiste? Pas du tout. Il n'a pas con-
Certainement ce n'est pas un ordre facile, du moins il damné la propriété privée ni même la richesse et la
n'était pas facile à cette époque où l'argent et les biens fortu ne, mais l'usurier cupide et sans cœur, l'homme
se trouvaient si solidement dans les mains des hommes c( qui court après la richesse » (1°' Timothée VI, 9) et
que les ancêtres pouvaient assurer le sort de leurs . l'usage éhonté de la richesse.
descendants. Et aujourd'hui? Aujourd'hui il semble b) Est-ce que le christianisme est resté fidèle à l'ensei-
qu'il serait assez facile même pour le riche de ne pas gnement du Christ? Écoutez seulement les paroles
trop s'y fier. Car actuellement se réalisent de jour en jour remarquables, mais en même temps combien sévères .
devant nous ces paroles de l'apôtre: «Ne mettez pas votre / adressées aux riches par saint 'Jean Chrysostome, il y a
espérance dans des richesses incertaines». Aujourd'hui, quim:e siècles. ~aroles que personne peut-être ne com-
qu'arrive un krach, une catastrophe boursière, une baisse prendra mieux que l'humanité actuelle.
du change, un éclair dans un ciel serein, - et celui qui Voici ce qu'il dit aux riches sans cœur: cc Vous vous
était extrêmement riche la veille, peut aller mendier régalez, et le Christ n'a pas mangé autant qu'il était
aujourd'hui. nécessaire. Vous mangez des pâtisseries délicieuses,
Dernièrement quelques millionnaires américains Lui n'avait pas de pain sec. Vous buvez du vin de
faisaient une croisière sur un transatlantique, ils se Tharoset vous ne Lui donnez même pas un verre d'eau
distrayaient, jouaient et dansaient, comme il est d'usage fraîche, à Lui qui a soif. Vous reposez sur un lit bien doux
sur de tels navires de luxe. Ils écoutaient la radio qui aux couvertures multicolores et Lui meurt de froid ...
tout à coup leur apporta cette nouvelle: cc Krach Et je ne parle pas de ceux qui invitent à leurs tables des
gigantesque à la bourse de New-York ». Ces financiers femmes de mauvaise vie (je ne parle pas à ceux-là,
si joyeux auparavant pâlirent, leur cœur s'arrêta, toute tout comme je n'ai pas l'habitude de parler aux chiens);
leur gaieté disparut ... Quand ils étaient montés sur le je ne parle pas non plus de ceux qui se sont enrichis
bateau, ils étaient millionnaires et à présent toute leur injustement, qui garnissent l'estomac des .Iétrangers
fortune était ,disparue ... cc Commande aux riches de ce (c'est-à-dire des flatteurs), car je n'ai rien à faire avec
monde de ne pas mettre leur espérance da~s des richesses eux, p~ plus qu'avec les porcs et les loups; je parle à
incertaines ». ceux qui jouissent de leurs propres richesses, mais n'y
Mais le commandement de l'apôtre dit encore: font pas participer les autres et utilisent pour eux seuls
... qu'ils fassent du bien, deviennent riches en bonnes œuvres l'héritage paternel. Ceux-là COlnmettent un péché .••
LE SYMBOLE lilRS APÔTRES
LE CHRIST ET LA RICHESSE 261
Moscou qui fait du Christ un paravent derrière lequel tienne. « Oh 1 Sappho, noble et fidèle amiè - peut-on
,! se dissimulent des exploiteurs sans âme. lire sur le tombeau d'une chienne - si mon âme
Il ne peut pas être l'idéal chrétien, l'ordre social n'accompagne pas ton âme dans le pays inconnu, je
et économique dont la cime brille au soleil du bien-être n'ai pas besoin du ciel ll. Je pense qu'une personne
comme la pointe des pyramides d'Égypte aux rayoils pareille n'a pas besoin d'avoir pèur du ciel.
d~l soleiIlevarit, mais dont la base est baignée des larmes,
des sueurs et du sang de millions d'hommes. La justice
et la nécessité de la propriété privée sont reconnues
' par l'idée chrétienne mais en même temps les paroles
du Sauveur nous mettent en garde contre le terrible Mes frères, il m'a fallu vous dire aujourd'hui des
danger du capitalisme dégénéré. « Nul ne peut servir vérités amères, mais ce ne sont pas mes paroles à moi.
deux maîtres... Vous ne pouvez servir Dieu et Ce sont celles de saint Paul, de saint Jean Chrysostome,
Mammon )} (S. Matthieu VI, 24). de l'épiscopat hongrois, de Léon XIII et de Pie XI.
Qui sert Mammon? Qu'est-ce que ce Mammon qu'il Et pour résumer toute la suite des idées du sermon
faut regarder, selon les pm'oles de Notre-Seigneur, comme d'aujourd'hui, il me suffit de citer deux faits qui
un danger terrible? ç'est l'effort brutal qui partout et proclament plus éloquemment que toutes les paroles
toujours ne voit que l'argent et le profit, qui partout et quelle solution attend cet angoissant problbne san.ç le
toujours ne veut extirper que de l'argent, devant Christ et avec le Christ.
lequel il n'y a ni sainteté ni moralité, ni honnêteté ni Sans le Christ?
pitié ni larmes ni détresse ni justice ni bonté ni bien Voyez donc le gaspillage insensé des riches du grand
commun ni dignité humaine ... ni rien au monde que monde. Aujourd'hui que le monde est rempli d'enfants
,'0 l'argent, l'argent. Ahl oui, il n'y a pas là une seule trace mal nourris et d'hommes qui souffrent du froid,
de christianisme. ' aujourd'hui sur la terre au milieu de nous vivent des
' l
Dans le cimetière parisien (Asnières) des chiens il hommes qui - comme je le lisais récetnment dans un
1 ri se trouve des monuments dont la valeur suffirait à article sur San Francisco - organisent dans un hôtel
nourrir vingt famille~ pauvres, on ne petit pas accorder un repas de mille dollars pa~ tête. Tandis qu'en Europe
pareille chose avec l'idée chrétienne. Et tandis que, à et en Amérique des millions de chômeurs ,souffrent la
Paris et dans sa banlieue, des centaines et des centaines faim, il y a des hommes à qui leur conscience permet
de milliers d'hommes souffrent du froid et""de la faim, de manger un menu rf0nt le premier plat représentait
maintes tombes de chiens en plein hiver sont ornées un château construit en tartines de caviar et en pâté
de fleurs fraîches )d ont la valeùr pourrait nourrir de foie, dans ses fossés coulait le met'leur whisky, le
cinquante hommes transis de froid, _. non on ne peut dernier plat consistait en un village ~uisse construit ,
pas faire accorr" ~r pareilIe chose avec la charité ch ré- avec les pâtisseries les plus exquises et dont la fontaine,
,
1.: , l.
\ 1
\ ;
1"
266 LE SYMBOLE DES APÔTRES
visiteurs du musée restaient penàant des heures silen- Pourquoi veut-on voler de Paris à Tokio sans escale?
cieusement devant lui. Pourquoi les maisons à cinquante-huit ét~es de
Qu'ai-je dit à l'instant, mes frères? « Sur le visage New-York ne sont-elles plus assez hautes;-' pourquoi
de ces hommes brille l'éclat du bonheur surnaturel faut-il maintenant en construire de septante à quatre-
que le Sauveur donne à ceux qui Le suivent». Mais ce vingts étages? Pourquoi construit-on chaque jour
<
n'est pas cela qu'Il a promis 1 Il n'a pas promis le des moteurs plus puissants ,et des machines de plus en
.'" bonheur à ses disciples. Il a promis « la croix ». « Si plus étonnantes? Pourquoi veut-on voler toujours plus
quelqu'un .veut venir après moi, qu'il se renonce haut dans les airs et descendre toujours plus bas au
lui-même, qu'il porte sa croix chaque jour et qu'il me fond de la mer? Pourquoi cette agitation perpétuelle :
suive» (S. Luc IX, 23), a dit Notre-Seigneur. Et je toujours davantage, de plus en plus haut, de plus en'
répète encore ~t j'affirme à nouveau que le bonheur plus vite, de plus én plus grand? Oui, c'est aussi parce
accompagne la pénible imitation du Christ, et même que le gain du pain quotidien, la lutte pour' la vie, le
que suivre le Christ est le plus grand et le seul vrai besoin de se faire vàloir nous y poussent.
bonheur,. Que veut dire suivre le Christ, pourquoi et Mais ce n'est pas seulement pour cela.
comment faut··il suivre.le Christ et comment serons- L'explication définitive, c'est l'inquiétude de ['âme
nous véritablement heureux si nous suivons le Christ, humaine ,qui vient de Dieu. C'est ce que saint Paul a
- voilà les questions qui nous occuperon,t pendant les exprimé en ces termes : « Aussi longtemps que nous
trois sermons suivants. habitons dans ce corps, nous sommes loin du Seigneur )}
Aujour<i'hui examinons tout d'abord cette question: (II o Corinthiens V, 6). è'est ce que le grand converti
hollandais Verkade qui nous est venu du protestan-
tisme a donné pour titre à son beau livre : « L'inquié-
1 tude vers Dieu? )} C'est elle qui brise la grille de. fer du
cac00t où nous enferme la matière; en effèt, nous
POURQUOI DEVONS- NOUS SUIVRE LE CHRIST? autre& hommes nous sommes ici sur la terre, comme
l'oiseau dans 1l.m e cage. Avez-vous déjà remarqué que
A) Quand on Icohsidère les luttes héroïques que livre les oiseaux, quand ils ne peuvent plus se délivrer, se
l'humanité pour conquérir le monde et répandre la civi- posent de préférence sur les plus hauts barreaux de
, 1 lisation, on arrive à cette curieuse constatation que la cage : en effet, ils ne sont pas nés pour être captifs.
.1
même derrière les sacrifices et les tentatives inutiles et Nous autres hommes, nous sommes ici sur la terre,
sans 1"aleur en apparence se révèlent de profondes comme les naufragés quela tempête a poussés en pleine
aspirations de l'âme humaine. mer, mais ' nos yeux sont constamment dirigés vers le
Pourquoi, par exemple, Nobile a-t-il entrepris sa lointain où est réellement notre place.
croisière au pôle Nord qui coûta tant de victimes ?' B) Et voici que maintenant le Christ se dresse devant'
LE SYMBOLE DES APÔTRES A LA SUITE DU CHRIST
'nous et promet à ceux qui Le suivront de briser en « Je suis le Bon Pasteur. Le Bon Pasteur donne sa vie
eux les' liens étroits de la matière. Suivre le Christ, pour ses brebis )) (S. Jean X, II). .
c'est le moteur le plus puissant. Suivre le Christ, c'est Le èhristianisme a été si profondément touché de
- 1
la hauteur la plus vertigineuse. Suivre le Christ, c'est cette comparaison qu'il l'a représentée dans une foule
la profondeur la plus hardie. de tableaux et de statues, et même la plus ancienne
En effet le Christ n'a pas besoin de disciples pour statue du Christ qui nous soit restée Le représente
admirer ses p~roles ni d'auditeurs pour L'applaudir. comme « le Bon Pasteur )). Certainement, vous avez
Il faut au Christ des hommes qui Le suivent, qui marchent tous vu cette consolante image : le Christ fait paître
à sa suite, qui Le suivent sur le chemin de la croix, chemin beaucoup de brebis, mais l'une d'elles s'est embarrassée
1'aboteux, rocailleux, .pénible et sanglant, mais au bout dans un épais buisson d'épines, le Sauveur se penche
duquel les attend le bonheur de l'âme qui a trouvé en Dieu sur elle avec amour et porte dans ses bras la brebis
son repos. gémissante.
Le sens lé plus profond et la plus haute signification Quelle consolante image pour nous! Combien d'âmes
de la vie, de la naissance, de la passion et de la mort du pleurant leurs péchés ont prié déjà devant elle :
Christ, c'est que par Lui nous pouvons' devenir des Seigneur je suis votre enfant infidèle qui saigne au milieu
hommes nouveau,x, nous pouvons être complètement des épines. Oh! relevez-moi vers Vous 8fin que je
transformés. Écoutons seulement ces paroles de saint puisse être de nouveau votre brebis pure et fidèle et
Paul: « Quiconque est en Jésus-Christ, est une nouvelle que je puisse Vous suivre à nouveau.
créature; les choses anciennes sont passées, voyez, tout C) Ils ont tort ceux qui se laissent aller à l'angoisse,
est devenu nouveau. Tout cela vient de Dieu qui nous a comme si suivre le Christ éloignait notre âme de Dieu.
réconciliés avec Lui par le Christ » (Ilo Corinthiens Dieu et mon âme, - voilà les deux pôles de la religion
V, 17-18). chrétienne. Déjà sur la terre, il faut que mon âme vive
Par le Christ nous naissons à ' une vie nouvelle. de Dieu, afin qu'elle puisse trouver Dieu dans la vie
Et en quoi consiste cette vie nouvelle? A vivre en éternelle. Dieu et mon âme! Que personne ne mette
union intime avec le Christ, « être uni au Christ »' de mur entre ces deux réalités.
(Romains VI, 5), « vivre dans le Christ» (Colossiens II, 6), Mais le Christ n'est-Il pas un mur, n'est-Il pas un
« demeurer dans le Seigneur )) (Philippiens IV; 2), obstacle entre mon âme et Dieu? - demandera-t-on avec
ou en d'autres termes: « suivre le Christ )). « J'ai angoisse. N'est-ce pas un obstacle que nous autres
.
"
été crucifié , avec le Christ, et si je vis, ce n'est plus chrétiens nous pensons le plus souvent à Notre-Seigneur
moi qui vis, mais c'est le Christ qui vit en moi )) Jésus-Christ, quand nous parlons de Dieu.
(Galates II, 20). Oh! pas du toutS- D'abord parce' que nous savons
'" Une des affirmations les plus significatives de NotTe- , bien que le Christ est véritablement Dieu, la seconde
Seigneur Jésus-Christ est celle où Il dit de Lui-même: ' personne divine et que si nous nous adressons le plus i
.1
Christ équivaut à ne jamais détourner de Lui nos regards pas ainsi. Mais, quand tu aimerais ton ami, tes distrac-
et à puiser dans la vue du Christ la force pour une tions, tes lectures, tes occupations, tes connaissances,
vigilance in cessante~" C'est-à-dire que suivre le Christ tes affaires. etc. autant que la prunelle de tes yeux et
équivaut à accomplir à la lettre les graves avertissements quand ils seraient aussi uilis que ta main avec ton
du Sauveur: « Veillez e! priez, afin que vous n'entriez corps, s'ils conduisent au péché, s'ils sont u'll obstacle
point en tentation. L'esprit est prompt, mais la chair à la conquête de la vie éternelle, abandonne- les. Et
est faible» (S. Matthieu XXVI, .p). Voilà ce que dit ,quand il en résulterait une grande perte matérielle et
un jour Notre-Seigneur. Et une autre fois: « Quiconque quand ta sensualité, en rompant une liaison coupabl~,
met la main à la charrue et regarde en arrière, n'est pas gémirait, comme si on tranchait dans le vif, .- qu'im-
propre au royaume de Dieu» (8. Luc IX, 62). porte! Car « que sert à l'homme de gagner l'univers,
Quelle simple pensée et quel profond enseignement s'il vient à perdre son âme? » (S.Màtthieu XVI, 26).
elle renferme! Le cultivateur laboure la terre. Ses yeux Voilà ce que c'est que suivre le Christ, selon,
regardent continuellement en avant, pour que le soc Notre-Seigneur Lui-:même.
conserve la ligne droi.te et que lè labour soit régulier. C) Et que le christianisme ait si bien compri~ et
S'il regardait constamment derrière l.ui, le sillon serait proclamé que pour atteindre la vie' éternelle aucun
en zigzag; un pareil ouvrier ne peut pas travailler. sacrifi.ce n'est de trop, saint Paul en a donné un exemple
Mais dans le champ du Seigneur aussi, seul peut saisissant que comprend facilement surtout l'homme
être un bon ouvrier, celui dont les yeux, les mains, d'aujourd'hui, le jeune homme d'aujourd'hui ami du
l'intelligence et la volonté sont sans cesse appliqués sport. L'apôtre parle en effet du lutteur qui par un
au travail réclamé pour l'âme. Avec un demi travail, entraînement persévérant et de longue durée, 'et de
en regardant en avant et en arrière, en servant tantôt nombreuses privations se prépare à un grand concours
Dieu, tantôt le péché, personne ne fait de progrès. pour remporter la victoire. Voilà ce qu'il écrit dans
B) Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ a encore donné une de ses épîtres aux Corinthiens : (( Ne le savez-
des ' règles plus sévères sur la manière de Le suivre. vous pas? Dans les courses du stade, tous courent,
Il a enseigné que pour atteindre notre but tternel aucun' mais un seul emporte le prix. Courez de mê~e, afin
sacrifice n'était superflu. Quel que soit l'obstacle sur de le remporter. Quiconque veut lutter, s'abstient de
ma route, il faut que je m'en débarrasse. « Si ton œil tout : eux, pour une couronne périssable; nous - pour
'" droit te scandalise, arrache-le et jette-le loin de toi; une impérissable~ Pour moi, je cours, mais pas à l'aven..
car il, vaut mieux pour toi qu'un seul de tes membres ture » (1° Corinthiens IX, 24-26). / '
périss'ë' et que ton corps tout entier ne soit pas jeté La viè- du chrétien est donc - selon saint Paul -
dans l'enfer » (S. Matthieu V, 29-3o):V Comment? un grand concours. Et si ceux qui luttent sur le terrain
' II
A-t-on le droit de se crever un œil? ' A-t-on le droit de ~e se plaignent pas des sacrifices imposés durant
se couper la main? Non. Le Seigneur ne l'entendait : 1 entrainement et du déploiement . final de forces 1
LE SYMBOLE DES APÔTRES A LA SUITE DU CHRIST
pendant le .concours, mais c'est la seule manière de aucun régime social, ni dans le capitalirme ni avec le
remporter le prix ' et ce prix n'est qu'une couronne communisme, ni au pôle Nord ni à l'fquateur, une
périssable, est-ce que je pourrais reculer de peur devant vie humaine ne consistera jamais à manger, à boire et
les chemins raboteux à la suite du Christ, ,où chacun à s'amuser.
recevra le premier prix, d' une durée éternelle et ,.qui Une telle conception de la vie ne reçoit évidemment
ne se Hétrira jamais? pas l'approbation du christianisme. \
"',
B) Mais le christianisme favorise d'autant plus
l'autre conception de la vie, la seule appréciation de
la vie digne de l'homme. Le Christ ne nie pas que
SUIVRE LE CHRIST, EST-CE RENIER LE MONDE? l'homme se compose aussi d'un corps, donc qu'il vit
aussi de pain; mais cependant c'est Lui qui a dit :
Mais à ' propos des paroles de saint Paul que je (c L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute
viens de citer, il me faut en venir à une opinion fort parole qui sort de la bouche de Diem (S.Matthieu IV,4).
répandue, mais erronée. On entend dire bien souvent C'est~à-dire : autant la valeur de notre âme est supé-
,',: que suivre le ,Christ, c'est-à-dire mener une vie chré- rieure à celle de notre corps, autant il est plus important
tienne sérieuse, c'est rendre la vie humaine morose, dans l'appréciation de la vie, d'avoir devant les yeux de
mélancolique, désagréable. « Le christianisme n'a rien l'esp1'l't la victoire de l'âme.
de bon pour l'existence. Le christianisme rend notre Le but vérîtable de la vie consiste à s'élever là où
regard plus sombre, l'humeur insupportable. Le l'homme participe à la vie divine. Je m'élève jusque-lil,
christianisme est , la négation de la vie ». - Je pose si je règle ma volonté sur la volonté de Dieu et alors se
.0·1'
maintenant cette question : Qu'y a-t-il de vrai dans réalisent ces paroles du Christ : « Le royaume de Dieu
.. ' , cette objection?
',: est au milieu de vous» (8. Luc XVII, 21).
A) Tout d'abord il nous faut reconnaître une chose. « Pourquoi donc vit l'homme? )) nous l'entendons
i'
1 Lé christianisme en réalité n'a pas un seul mot d'encou- souvent aujourd'hui, cette question amère. Voilà ce
ragement pour une vie qui limite purement à cette terre que chacun aimerait savoir. Et quit peut donner une ,
tous les efforts et toutes les ambitions de l'homme. réponse apaisante? Uniquement le christianisme.
r
~ , C'est vrai. Le christianisme ne veut pas favoriser cette « Car le royaume de Dieu, ce n'est pas le manger et le
1,: vie-là . . Car savez-vous quelles choses épouvantables
'r boire, mais la justice, la paix et la joie dans l'Esprit-
résulte;.'aient de cette maxime: « bois, mange, amuse-toi, Saint. Celui qui sert le Christ de cette manière est
car c'est le but de la vie ))? Savez-vous ce qui en résul- agréable à Dieu» (Romains XIV, 17-18).
terait ?Que la plupart des hommes n'atteindraient pas C) Le Christ ne dit pas que les chrétiens n'ont pàs
le but de la vie. Toute autre créature atteint son but" le droit de se soucier du monde, - au contraire - de i
seul précisément l'homme ne l'atteindrait pas. Car sous' conquérir le monde entier; seulement ils ne doiventl
/
pas conquérir le monde audétrimènt de leur âme. livre de Job que « la vie de J1homme sur la terre est un
Reconnaissons donc que les chemins qui mènei"1t vers combat )) (Job VII, 1), celui-là ne fera pas au christia-
le Chris~, sont des chemins raboteux, mais ajoutons nisme le reproche d'être l'ennemi de la vie de cette
aussitôt : Suivre le Christ n' fJst pas s'enfuir11u monde. terre, de l'homme et du corps hu~~'ain. Non. Suivre le
Les chemins raboteux à la suite du Christ! C'est vrai, le Christ exige réellement de l'empire sur soi-même,
Christ est mort pour nous et a payé la rançon pour nous, abnégation et renoncement, c'est ,une discipline qui
mais pour que moi aussi je participe aux mérites du n'abaisse pas, mais élève, comme la technique humaine
Christ, pour que le sang du Christ me purifie aussi, ma régularise soigneusement et enferme entre deux digues
bonne volonté et ma coopération sont nécessaires. Si le torrent, la vapeur dans la chaudière et l'électricité
le Christ faisait défaut, - mes efforts seraient vains. Mais dans le fil métallique, - 'tout cela nOI1 pas pour les
si ma coopération manquait, - alors ' le Christ ,aurait détruire, mais pour pouvoir mieux s'en servir.
vécu et serait mort inutilement pour moi. S'il n'y a pas Oui, le christianisme demande que nous soyons sur
de source je mourrai de soif. Mais si abondamment nos gardes à l' égard de notre corps et que nous ne lui
que jaillisse la source, si je ne me penche pas sur elle et donnions pas tout ce que réclame l'instinct aveugle.
si je n'y puise pas, je mourrai quand mênie de soif. Cependant il ne voit pas dans le corps un ennemi,
C'est ainsi que je comprends les efforts pour suivre mai!> ce que voyait en lui saint François d'Assise, lorsqu'il
le Christ. L'homme est encore resté un homme après appelait d'une manière si expressive son propre corps
le Christ; au dedans de nous, au dedans des chrétiens « frère âne )). Donc un frère et non un ennemi, mais
pourtant rachetés, sont restées les anciennes passions : seulement « un âne », qu'il faut tenir en bride.
, sont restés la faim, la soif, l'instinct de conservation Voilà la force incompréhensible qui se dégage à la
et de préservation, sont restés le tempérament, le désir suite du Christ. Des hommes très riches vivent ici-bas
de savoir, sont restés les instincts et leurs sauvages sur la terre; ils vivent pour l'argent, les jouissances, le
exigences. Mais en quoi consiste alors la rédemption? pouvoir... ils vivent pour toutes sortes de choses,
En ceci que toutes ces choses sont, il est vrai, restées mais pas pour le Christ; on tremble d'angoisse autour
en nous, mais nous ne sommes plus leun esclaves imj'Juis- . de leur lit de mort, des milliers défilent à leurs obsèques,
sants, si nous voulons - si nous voulons - nous - mais quelques années après personne ne sait plus
pourrons avec l'aide du Christ en devenir les maîtres. rien d'eux. Par contre, il y a sept cents ans, mourait
Ce combat pour nous en rendre maîtres , nous , une femme lIe vingt-quatre ans, sainte Élisabeth de
l'appelons l'imitation du ,Christ et à la fin de cette Hongrie; devant son lit de mort, selon la légende, se
, 1 lutte nous attend « la couronne de justice» (IlO Timothée tenait seulement un jeune lépreux que sainte Élisabeth
IV, 8). avait longtemps soigné, - mais aujourd'hui encore son
Celui qui considère ainsi l'idée chrétienne de renon- souvenir rayonne 'jusqu'à nous, au bout de sept
\., cement et de mortification, celui qui reconnaît avec le cents ans.
1 Y
/
« Voici donc ce que je dis et ce que je déclare dans le Seulement ne buvons pas aux sources empoisonnées.
Seigneur; c'est que vous ne vous conduisiez plus comme Seulement ne mangeons pas les baies el!lpoisonnées
les païens, qui suivent la vanité de leurs pensées. Ils ont si tentantes. Seulement ne nous écartons 'ni à droite
l'intelligence obscurcie et sont éloignés de la vie de ni à gauche de la route royale que nous a indiquée le
Dieu» (Éphésiens IV, 17-18). « Je vous prie donc ins- Christ. « Comme elle est étroite la porte et resserrée la
tamment : ayez une conduite digne de la vocation à voie qui conduit à la vie, et ils sont bien peu ceu:.." qui
laquelle vous avez été appelés » (Éphésiens IV, 1). 'la ,trouvent/ » (S. Matthieu VII, 14) - 's'est écrié un
« Ne"'savez-vous pas que votre corps est le temple du jour le Sauveur.
Saint-Esprit qui est en vous, que vous .avez reçu de Seigneur Jésus / Aidez-nous tous à suivre la vou
1
'1 Dieu et que vpus n'êtes plùs à vous-mêmes? Car vous étroite, à passer par la pOTte étroite et à arriver ait/si
avez été rachetés à grand prix. Glorifiez donc Dieu jusqu'à Vous / Amen.
et portez Dieu dans votre corps» (1° Corinthiens VI,
19-20). '
Voilà la magnifique pensée que suggère suivre le
Christ : Glorifiez et portez Dieu dans votre vie.
Christ se mamfeste l Non pas seulement en pm·oles. B) Quel avertissement pour tant d'hommo d'aujour-
et non pas seulement dans le cœur, lIT mais principalement d'hui! Il est possible qu'ils remplissent extél ieurement
II d'abord dans notre vie. tout ce que prescrit notre sainte religion dans l'intérêt
de notre âme... mais les Pharisiens aussi" faisaient
tout cela, ils faisaient même , davantage qu'il n'était
l
prescrit et cela ne les a pas conduits au salut, parce
qu'en eux-mêmes ils n'étaient pas ce qu'ils paraissaieilt
SUIVRE LE CHRIST NE SE MANIFESTE PAS au dehors et parce que faisait défaut en eux le véritable
DANS LES PAROLF..s
amou.r de Dieu. Car N otre-Seigneur a dit encore :
« Je vous le dis, si votre justice ne surpasse pas celle
A) De la doctrine de Notre-Seigneur se dégage à des scribes et des Pharisiens, vous n'entrerez point
chaque pas cet avertissement que Le suivre véritablement dans le royaume des cieux)) (S. Matthieu V, 20). _
ne consist~ nullement dans les choses extérieures. Nous Il ne suit donc pas le Christ celui qui fait ses prières,
savons bien· que le Sauveur a sévèrement condamné se confesse, communie, assiste à la messe et observe le
ceux qui extérieurement observent les prescriptions jeûne -- tout cela est nécessaire, mais n'est pas suffisant
.,
I ~.
'de la religion, mais dont la manière de vivre et le en soi; pour s1;!ivre vraiment le Christ il faut aussi une
i.,
dedans dè l'âme démentent la piété apparente. C'était transformation intérieure de l'homme tout entier, poUr
aux anciens Pharisiens qu'Il parlait, niais certainement que ces manifestations extérieures soient la révélation
Il dirait de même de ceux d'aujourd'hui : <1 Ils font de la foi et de l'amour vivant au dedans de nous.
toutes leurs actions pour être vus des hommes Il Dieu disait dans l'Ancien Testament : « Que te
(S. Matthieu XXIII, 5). « Malheur à vous, scribes et ferai-je, Ephraïm, que te ferai-je, Juda? Votre piété
..,, pharisiens hypocrites, parce que vous nettoyez le est comme une nuée du matin, comme une rosée qui
dehors de la coupe et du plat, tandis que le dedans est passe de bonne hèure... Car je veux la piété et non
rempli de rapine et d'intempérance Il ' (S. M!1tthieu les sacrifices Il (Osée VI; 4-6).
XXIII, 25). « Malheur à vous ... parce ' que VOliS res- , , Mes frères, que de reproches justifiés pourrait faire
semblez à ( des sépulcres blanchis, qui au dehors aujourd'hui encore sur ce point Notre-Seigneur ! Des
paraissent beaux, mais au dedans sont pleins cl' osse- reproches à ceux qui se mettent pieusement à genoux à
ments de morts et de toute sorte de pourriture 1) l'église,' mais sont de mauvaise humeur et insuppor-
(s. Matthieu XXIII, 27). tables à la maison. Des reproches à ceux qui, en con-,
Comme elle s'exprime clairement dans ces ddrer- fession, demandent bien souvent le pardon de leurs
paroles la pensée du divin Maître: on n'a pas le droit péchés, 'mais veulent si difficilement pardonner aux
Î.,
," , de se contenter d'une observation purement extérieure autres. A ceux qui, dans la sainte communion, reçoivent
des commandements. fré quemment sur leur langue le corps sacré du Sauveur,
1; '
, LE SYMBOLE DES APÔTRES
A LA SUITE DU c n mST
mais avec la même langue peuvent déchirer, injurier, brille pas dans notre âme, mais si peut··être pendant
condamner leur prochain ... des mois et des années nous sommes obligés de nous
« Ce ne sont pas tous ceux qui me disent: Seigneur, traîner dans la nuit sOinbre de la sécheresse spirituelle,
Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux, - qu'importe, nous nous traînerons~- Sans dpute,
mais bien celui qui fait la volonté de mon Père qui est notre âme qui lutte a le droit de prier 'pour que le
dans les cieux )) ' (S. Matthieu VII, 21 )'- Sei2'neur l'élève sur les hauteurs où, après avoir été
o •
Sui'Ure le Christ ne se prouve donc pas seulement dans battue par la tempête elle trouvera le calme et la parx
les paroles. du cœur dans la sensation réchauffante de la présence
de Dieu, - mais si le Seigneur préfère mettre à
II l'épreuve notre humilité, notre patience et notre
fidélité, dans les combats de l'âme, rappelons-nous ces
SUIVRE LE CHRIST NE SE MANIFESTE PAS SEULEMENT paroles du Christ: « Ne pensez pas que je sois venu
DANS LE CŒUR apporter la, paix sur la terre, je suis venu apporter,
non la paix, mais le glaive )) (8. Matthieu X, 34).
Mais suivre le Christ ne se manifeste pas en premi.ere B) Et si j'ai dû d' abord adresser des paroles sévères
ligne dans le cœur et les sentiments. et des reproches contre une piété se perdant dans les
A) Assurément, l'âme religieuse a aussi des instants détails extérieurs, je 'vais adresser quelques mots de
ravissants, où elle goûte pour ainsi dire à l'avance la réconfort à c~ux de nos frères d'une piété véritable et
douceur de la vie éternelle. On peut vivre dans son aux prises pourtant avec la sécheresse spirituelle. En
âme des minutes de fervent enthousiasme durant les- effet, il y en a pour se plaindre douloureusement que
quelles - comme les trois apôtres sur le mont Thabor depuis des anné~s ils s'efforcent par un sérieux travail
- on voit pour ainsi dire le ciel ouvert et on adore le spirituel de se rapprocher du Christ, mais c'est comme
Seigneur dans l'éclat de sa gloire. s'ils étaient encore plus loin de Lui. Maintenant leur
Mais ne nous trompons pas. Ces fleurs chaudes et inquiétu~e est plus grande, maintenant leur angoisse
odoriférantes d'une vie pieuse ne s'ouvrent pas infail- est plus forte, mailltenant leurs péchés sont plus
liblement sur les traces du Christ et ne sont pas des nombreux ...
signes absolument certains de la pureté de notre vie Pourtant, il n'en est rien.
religieuse:eLe Sauveur n'a appelé que trois apôtres aux Mes frères, autrefois, lorsque vous négligiez votre
heures bienheureuses du Thabor, Il n'y a pas fait âme, vous ne remarquiez pas les toiles d'araignée- ni ,
participer les neuf autres. Et les neuf autres furent les taches de boue qui se trouvaient dans les coins, mais
pourtant obligés de persévérer comme les trois pre- à présent votre délicatesse morale est choquée par la
miers. Si sUr les routes de notre vie de prière et d'abné- légère couche de poussière qui, autrement , eüt été
gation la , lumière intime et consolante du Thabor ne à peine visible. /1
288 LE SYMBOLE DES APÔTRES A LA SUITE DU CHRIST
Il peut se faire en réalité que la route de , votre âme cérémonies de la messe dominicale bercent notre âme
passe durant des années à travers un Sahara aride où des mélodies bénies du bonheur céleste, - mais après
l '
tout fatigue et rien ne plaît ... mais, n'est-ce pas, vous ... après-nous sortons de l'église et arrivent la vie,les
savez déjà maintenant que suivre le Christ n'est pas jours de la semaine, la foule des soucis, des tentations
une affaire de sentiment et ne se traduit pas dans les et des combats: c'est maintenant qu'il faut rester fidèle,
mouvemènts du cœur. c'est maintenant qu'il fau't tenir. C'est cela suivre le
Et si les visions ravissantes du Thabor et ces instants Christ : passer du dimanche au jour de semaine, du
de consolation chaleureuse nous font défaut, comme calme de l'église au vacarme de la rue, de la paix de
elles ont fait défaut à neuf apôtres, notre fidélité ne l'autel à la lutte de la vie, du Thabor à Jérusalem.
doit pas fléchir. Car ce ne sont pas les sensations de Lorsque, à la fin de la messe du dimanche, le prêtre
ferveur qui indiqu~ntque l'on suit le Christ, mais c'est nous renvoie en disant : « Ife miss a est », « allez, ' la
la persévérance, la fidélité, l'humilité, la justice, messe est finie », alors, après avoir ramassé pour toute
l'indulgence ... en un mot: c'est porter la croix sans se la semaine, force, fidélité et joie pour porter la croix,
décourager. Actuellement la route passe dans le Sahara, marchons au-devant des combats de la nouvelle
actuellement cette route, c'est le chemin de la croix, semame.
mais regardez le bout, apercevez au terme du chemin Me voici arrivé à la troisième partie de la réponse:
de la croix le glorieux matin de Pâques. Nous suivons Suivre le Christ se montre non pas par les paroles ni
donc réellement le Christ comme l'écrit l'apôtre : par le cœur ou les sentiments, mais - par notre vie.
« C'est pourquoi nous ne perdons pas courage ... Car
notre légère affliction du moment présent produit
pour nous au delà de toute mesure, un poids éternel
de gloire» (lIO Corinthiens IV, 16-17).
III
•
Car ceux-là même qui ont reçu les consolations du' SUIVRE LE CHRIST DANS NOTRE VIE
Symb. d. Ap. - T. II 19
LE SYMBOLE DES APÔTRES' A LA SUITE DU CHRIST
A) Il Y a deux signes qui indiquent si vous êtes près du aussi je me poserai fréquemment cette question et si
Christ: a) la manière dont vous livrez le combat de le Christ ne faisait pas cela à présent, s'Il n'allait pas
la vie et b) la manière dont vous supportez les souf- dans cette compagnie, s'Il ne regardait pas ce film, s'Il
frances de la vie. ne lisait pas ce livre, s'il ne supportait pas cet1:e conver-
a) Suivre le Christ, c'est la force dans nos luttes. sation, moi non plus je, ne peux pas le faire, car « je
L'âme baptisée est comme une prairie au printemps; suis un disciple du Christ ». Oui, celui qui vit ainsi a
silencieuse, d'un calme mystérieux, pleine de semences compris ce que veut dire suivre le Christ. ,
et de racines de fleurs magnifiques - mais elle a besoin Il l'a compris Windhorst, le chef du parti catholique
des vivifiants rayons de soleil, pour que tout en elle allemand; alors qu'il était encore ministre de la justice
surgisse à la vie. au Hanovre, une femme vint le trouver et lui demanda
Mon âme aussi est pleine de possibilités de vie de lui accorder le divorce, parce qu'elle ne pouvait plus
divine, mais elle a besoin pour arriver à la floraison rester davantage avec son mari; tous les soirs il rentrait
de la chaleur vivifiante de l'imitation du Christ. Cette ivre à la maison ' et faisait un tapage épouvantable.
floraison, cette maturité spirituelle, ce modelage de la Windhorst demanda : Et vous, ma bonne dame, que
figure du Christ ne s'obtiennent que par la lutte. Suivre faites vous alors?
le Christ veut donc dire être en lutte perpétuelle - - Naturellement, moi non plus, je ne me tais pas!
avec qui? Avec les exigences présomptueuses de nos - Bien, je vois, madame, qu'il vous manque un
propres passions, avec les multiples tentations du monde meuble.
qui donne le mauvais exemple et pousse sans cesse au - Lequel?
mal. Suivre le Christ, c'est pénétrer toutes les mani- ~ Un prie-Dieu. Procurez··vous un prie-Dieu et
f*tations de la vie, tous les instants de ma vie person- quand ,votre mari rentrera le soir en état d'ivresset
nelle, familiale, sociale et religieuse de la pensée du parlez plutôt avec le Bon Dieu qu'avec votre mari.
Christ. Voilà le chemin pénible, raboteux, mais royal Oui, celui qui vit ainsi, a compris ce que c'est q'!le
de l'imitation du Christ. suivre le Christ.
Jadis, il fallait confesser le Christ par la mort du Citerai-je encore un autre exemple? Tout derilière-
martyre, aujourd'hui il faut apporter le témoignage de ment une auto stationnait dans une rue de Budapest,
sa vic, - et je n'oserais pas décider lequel est le plus c'était la voiture d'un professeur de chirurgie très connu.
pénible.~' Cependant c'est le se,c ond devoir qui se L'auto n'avait rien-d' extraordiriaire ,sauf une curieuse
trouve devant nous. , insçription. A l'avant où l'on place ordinairement
Vous citerai-je quelques exemples de chrétiens qui toute sorte' - de figurines superstitieuses, pour être
ont su suivre le Christ? Il l'a su saint Vincent de Paul présci'vé des accidents, il y avait une petite plaque
qui avant d'agir se posait toujours cette question : portant ces mots: « Nous sommes catholiques. En cas
« Que ferait maintenant le Christ à ma place? » Moi ' d'accident, prière d'appeler un prêtre »,
LE SYMBOLE DES APÔTRES A LA SUITE DU CHRIST 293
•
Oui, ils s'entendent à suivre le Christ, ceux qui luttent si facilement sur le compte des autres? Ai-je perdu ma
selon la pensée du Christ, ceux qui vivent conformément fortune '? Seigneur quelle leçon voulez- Vous me donner?
aux lois du Christ et veulent mourir fortifiés de la Jusqu'à présent l'appât du gain n'a-t-il pas été unique-
force du Christ. ment le but, le désir, l'effort, le travail de ma .,vie?
b) Suivre le Christ n'est pas seulement une force N'avez-vous pas voulu maintenant élever mes regards
dans la lutte, mais aussi une consolation dans la souffrance. vers l'éternité? Avez-vous fait du bien et récolté l'ingra,.
Quel courage, quelle clarté pénètrent dans notre âme, titude? Et maintenant avez-vous perdu vos amis et
même dans les ténèbres des minutes de souffrances, voulez-vous vous mettre à l'écart? Non. Mais
quand nous tournons nos yeux vers le Christ souffrant demandez: Seigneur, quelle leçon voulez- Vous me donner?
pour nousl N'ai-je pas cherché pour mes bienfaits de façon exagérée
Il y a une scène"de la Pàssion du Sauveur que peintres la gratitude et la reconnaissance des hommes? Mais
et sculpteurs, au cours des siècles, ont représentée avec maintenant Vous 'm 'avez appris à faire le bien à cause
prédilection, des centaines et des centaines de fois : de Vous et à attendre <;le Vous la récompense ... Comme
{( Le Christ au mont des Olim'ers ». Le Christ à l'agonie il est consolant dans la souffrance de suivre le Christ!
est agenouillé, versant une sueur de sang; dans le calme Et même si beaucoup de nos questions restaient sans
de la nuit, au jardin 'd e Gethsémani. Plus loin, à la réponse - car elles peuvent Je rester - disons alors
porte s'avance déjà . un groupe de soldats conduit par avec humilité, comme le Christ versant une sueur de
Judas ... mais le Sauveur ne voit rien de tout cela: sang (( Mon Père, non pas comme je veux, mais comme
ses yeux pleins de souffrance ne regardent que l'ange Vous voulez» (S.Matthieu XXVI, 39).
qui Lui présente le calice du réconfort. ' B) Mais suivre le Christ est encore autre chose.
Pourquoi les peintres aiment-ils autant cette scène? Suivre le Christ n'est pas seulement s'efforcer de
Peut-être ressentent-ils instinctivement la force incom- s'approcher de Lui. C'est encore: s'efforcer d'amener
parablement consolante qui s'en dégage pour l'homme les autres pres du Christ. .
souffrant. Les rigueurs de l'existence, les amertumes, En effet, si je suis vraiment chrétien, c'est-à-dire
l~ incom'préhensiap.~, l~rp.échanceté humaine ~'abi1ttent un homme pénétré de la pensée du Christ, je ne me '
sur vous, mais ... n'y faites pas attention, mes frères, contente pasrde posséder pour moi seul ce trésor, mais
ne ' 'éherchez pas qui vous les a causées . .'. Tournez . je m'efforce - suivant le commandement du Seigneur
seulement vos yeux vers l'ange consolateur et demandez: -- d'être une lumière (S. Matthieu V, 14) qui éclaire le
(( Seigneur, que voulez-Vous de moi par , ce~.te épreuve?», monde, d'être comme une ville bâtie sur la montagne et
:Ëtes-vous calomnié? N'écumez pas de rage contre le qui montre leur direction aux hommes. Plus je sens
calomniateur, mais demandez : Seigneur, quelle leçon intimement la joie d'appartenir au Christ, plus doit
.. /
voulez- Vous ainsi me donner? Ne serait-ce pas de faire s'allumer fortement en moi le feu sacré de travailler à .
dorénavant _moi aussi plus attention à ne pas bavarder gagner aussi les autres au Christ, mon prochain, ma 1
294 LE SYMBOLE -DES APÔTRES A LA &UITE DU CHRIST 295
famille, mes enfants, mon mari ... de gagner ce monde
inquiet, glacé, prêt à périr de faim ... de le gagner non
pas par des sermons importuns, non pas par des
reproches perpétuels, mais par l'exemple toujours Mes frères, je vous ai parlé de suivre te Christ, je
plus attirant de ma propre ' vie souriante, gaie, har- vous ai parlé de la voie souvent p~nible, mais royale,
monieuse. de la croix.
Voulez-vous, mes frères, devenir de vrais disciples Après telle ou telle prédication on entend cette
du Christ? Voulez-vous devenir de bons chrétiens? réflexion: Cest beau .. ; très beau ... mais dans le monde
Je le veux, je le veux ... seulement dites ce que je dois actuel, c'est irréalisable. « Il faut que nous vivions
faire! chastes jusqu'au mariage, parce que le Christ le
Eh bien! mes frères, vous serez de bons chrétiens, si... demande,» ... c'est beau, très beau, mais irréalisable.
f
si vous êtes une lumiere, si pâle que soit le rayon de « Dan;' le mariage on n'a le droit de vivre que selon
lumière qui éclaire les autres sur le chemin qui conduit les desseins de Dieu» « on n'a pas le droit de frauder
vers Dieu ... si vous êtes une source de chaleur, si faible ni de tromper », « il faut être doux, pacifique et indul-
que soit le foyer près duquel se raniment les épaves gent» .. , c'est beau, très beau ... mais irréalisable. On
de la vie ... si vous êtes un ruisseau, même un ruisselet ·ne peut pas suivre le Christ.
qui coule doucement, et dont les eaux rafraîchissent' le· Ah! ne dites pas qu'on ne peut pas. Dites que c'est
voyageur... si vous êtes la douceur qui fait tendre difficile. C'est vrai, il est difficile de vivre selon la morale
réciproquement la main à d'anciens ennemis ... si vous chrétienne, mais... mpù c'est seul méritoire.
êtes un chêne auprès duquel vos frères reprendront Si ...
courage dans les tempêtes de la tentation... si vous Si nous ne voulons pas qu'il nous arrive ce qui est
êtes un grain de blé semé dans l'âme d'autrui pour y arrivé aux blanches colombes dans le conte d'une
faire mûrir des pensées de vie éternelle ... si vous êtes écrivain -hongroise ...
un flambeau dont la flamme -brûle au service de Dieu et Un jour, les blanches colombes qui vivaient dans une
de la vie quotidienne, si vous êtes un lac dont les eaux ferme résolurent de fonder une ACH, c'est-à-dire
cristallines reflètent l'image de Dieu. Si vous êtes tout l'Amicale des Colombes Hongroises. La fondatrice de
cela, alors, même apres vingt siècles, l'zmage du Christ l'association, dès la première réunion générale, se leva
resplendira dans votre âme, alors 'vous êtes des disciples et prit la parole : « Chères camarades, la fondation de
du Christ - vous êtes bons chrétzens. cette association est l'aube d'une ère nouvelle. Nous
en avons assez de manger t(lUjours la même nourriture,
de loger au colombier .çt de picorer des grains de blé.
Nous ne sommes pas ~ne classe inférieure à celles des
volailles. Et si celles-ci peuvent aller sur les tas de
LE SYMBOLE DES APôTRES
malade. Car dIes restent toujours vraies les paroles de - Quoi donc? - demande le père.
Lenau: « Sans Dieu la vie est lugubre ». Pourquoi ces --.-:.. La porte n'a pas de loquet et le monsieur ne peut
~paroles restent-elles vraies? Parce'-- que, sans Dieu, pas entrer.
l'ordre social et économique n'est qu'un édifice qui ~on fils - répondit le père -, ce qui te paraît faire
s'élance dans les airs et manque de fondations et parce défaut, répond tout à fait à la réalité. Ce monsieur c'est
que l'homme dans son propre monde étroit et égocen- le Bon Dieu. La porte s'ouvre dam. le cœur de l'homme.
trique ne trouve jamais la tranquillité et la paix. Dieu Le loquet est à l'intérieur. Pour que Notre-Seigneur
est le pôle de l'univers qui seul peut maintenir l'axe du puisse y entrer, il faut ouvrir la porte du dedans.
monde, voilà ce que nous enseigne le Christ. Le monde Oui, mes frères, c'est de l'intérieur qu'il faut ouvrir
ne se suffit pas à lui-même, contrairement à ce que se la porte au Sauveur. Et celui qui le fait et laisse entrer
figure l'homme stupéfié par les progrès scientifiques et à le Christ dans son âme y verra briller la clarté, le bonheur
l'homme le monde en lui-même ne suffit pas. et l'amour de la nuit de Noël.
En effet l'homme se dit en grec dv6pw7toç, ce qui Pourquoi Jésus est-Il venu?
signifie: celui qui regarde en haut. On comprend alors A) Pour nous apprendre une vie digne de l'homme et
qu'il ne puisse pas être heureux celui qui ne cherche B) pour nous donner la force d'atteindre à cette hauteur
le bonheur que sur la terre, tandis que la foi chrétienne prodigieuse.
qui élève nos regards en haut, nous rend déjà heureux, A) Le Christ est venu, pour nous apprendre une vie
même sur cette terre: dzgne de l'homme.
Comment nous rend-elle heureux? « Une vie digne de l' homme! » Quelle expression bien
connue! Où l'avons-nous déjà lue? « Une vie digne de
l'homme »... Ah oui 1 Sur ces affiches criardes avec
lesquelles, avant les élections, les candidats veulent
II
s'assurer les voix des citoyens. « Travailleurs, malheu-
COMMENT TROUVE-T- ON LE BONHEUR
reux, affamés, voulez-vous une vie plus humaine?
EN SUIVANT LE CHRIST? Voulez-vous ne plus supporter davantage d'être régis
par la caste des grands propriétaires? Votez seulement
« Me voici à la porte et je frappe » (Apocalypse III, pour X, y».
20), dit Notre-Seigneur dans l'Apocalypse. Un artiste Mes frères, que les affamés veuillent sortir d~la misère,
a traduit ces paroles sur la toile. Sur l'image le Christ que l'on désire des places, des moyens d'existence, du.
se tient devant la porte et lève la main pour frapper. pain et un logement, c' est to~t naturel. Mais est-ce là
Le petit garçon dti peintre contemplait le tableau et lui « la vie digne de l'homme? » Et les riches que l'on envie,
~: . mènent-ils véritablement « une vie digne de l'homme» ?
- Papa, il manque quelque chose. Il faut bien plus que l'argent, le pain, le chauf-
LE SYMBOLE DES APôTRES A LA SUITE DU CHRIST
fage. Il en faut aussi, mais il faut encore bien autre de la vie quotidienne, imposer notre dignité humaine,
chose. ne jamais oublier la fin dernière de notre vie terrestre
a) « Une vie digne de l'homme» signifie d'abord une devenir le maître des mauvais instincts de la natur~
vie dont on connaît le but. Peut-il' vivre d'une manière humaine, -- voilà ce qu'a enseigné le Christ, Lui seul
digne de l'homme celui qui, la tête penchée vers la terre, nous a donc enseigné « une vie digne de l'homme ».
traîne sa vie, jour par jour, année par année, - mais ne C'est pourquoi nous pouvons dire, depuis ,Notre-Sei-
sait pas pourquoi tout cela existe et ce qui l'attend après gneur Jésus-Christ, que bien des hommes pauvres et
cette vie. simples mènent une vie plus humaine dans leurs
b) Ensuite « une vie digne de l'homme» veut dire que cabanes que n'importe quel riche dans sa somptueuse
la partie la meilleure de notre moi doit l'emporter en nous; demeure. 1 \ ',-
que d'une main ferme nous maintenons' les puissances B) Mais Notre-Seigneur Jésus- Christ n'a pas seule-
ténèbreuses qui nous guettent, que nous domptons nos ment fait luire devant nous la sublimité grandiose
passions; que nous sommes aimables, indulgents, d'une vie réellement digne de l'homme, Il nous a aussi
prompts à pardonner, que nous ne rendons pas le mal, donné la force de l'atteindre. C'est précisément l'essentiel '
que nous, déposons sur la fièvre de la colère naissante pour suivre le Christ. L'essentiel, c'est de s'élever ,
la pansement de la douceur ... Oui, c'est cela la vie inlassablement de la platitude de la vie du corps avec 1
1 I
digne de l'homme et c'est elle que le Christ nous a ses instincts jusqu'aux hauteurs vivifiantes de l'âme qui ,
Symb. d, Ail , - T, TI 20
LE SYMBOLE DES APÔTRES A LA SUITE DU CHRIST
dont je vous ai parlé précédemment. Voici les termes et apu contempler sa beauté, celui-lànepeutplusjamais
de eette bénédiction. être malheureux.
« No~ vous prions, Seigneur, de daigner bénir ces Comment devons-nous suivre le Christ?
cordes, ces bâtons, ces pics et tous les autres outils qui a) Aimez le Christ. Aimez le Seigneur Jésus. Songez
sont ici, afin que ceux qui s'en serviront entre les gorges . souvent à Lui. Conversez avec Lui. Demandez-Lui
et lèS rochers, dans la glace, la neige et la tempête soient de vous instruire. Posez-vous fréquemment cette ques-
préservés de tout malheur et de tout accident, atteignent tion: Que ferait en ce moment Jésus à ma place? C'est
heureusement les cimes et puissent revenir aussi heureu- . cela suivre vraiment le Christ. Peut-être sommes-nous
sement auprès de leurs proches. Par Jésus-Christ obligés de dire avec saint Augustin qui s'était converti
Notre-Seigneur. Amen. après une vie de péché: « Oh! pourquoi Vous ai-je aimé
« Prions. Par l'intercession de saint Bernard que Vous si tard? 'n Qu'importe. Du moins maintenant, appro-
avez donné comme patron aux habitants des Alpes et chez-vous, pour que vous ne soyez pas obligés de dire
aux voyageurs, protégez, Seigneur, vos serviteurs et à la dernière minutè : ~( Oh 1pourquoi ai-je appris si tard
accordez-leur, tandis qu'ils grimpent au sommet des à Vous aimer? »
montagnes, de pouvoir parvenir à la montagne qui est On peut lire dans un poète allemand les fignes sui-
le ' Christ. Amen ». vantes, qui expriment poétiquement la sublimité de
he Christ est une 'montagne, la dernière cime de notre l'âme humaine:
pémvle et fatigante excursion en cette vie. Quelle magni·,
fique pensée! Comme elle exprime bien ce que c'est que Oui, je sais mon origine
• suivre le Christ. Insatiable comme la flamme,
Voyons donc, comment il nous faut envisager cette . Je brûle et me consume.
2.%!ension, comment nous parviendrons à cette montagne Tout ce que je touche devient lumière,
qui est le Christ. Tout ce que je laisse devient chru:bon :
Sûrement je suis Une flamme.
III. 11/
Oui, je suis une flamme, mon âme est une flamme
ardente, une étincelle échappée de l'océan de flammes de
COMMENT NOUS FAUT-IL SUIVRE LE CHRIS!' [
la divinité. Si je suis une étincelle, il faut que je brûle.
Si je suis une flamme, il faut que je flambe. Que je
Les Grecs croyaient que celui qui avait vu seulement flamboye d'une flamme pure et sainte. Que ma flamme
une fois la statue de Zeus par Phidias, ne pouvait pl.us s'élance vers le ciel, ,vers l'éternelle patrie, vers Dieu.
être malheureux. Ce n'est qu'une légende; mais c'est · « Je suis venu apporter le feu sur la terre et que dés.i~~-je,
~ne sainte vérité que celui qui a connu un jour le Christ sinon qu'il soit allumé?_» (S. Luc XII, 49).
LE SYMBOLE DES APÔTRES A LA SUITE DU CHRIST
Seigneur Jésus, Vous voyez que ma flamme est encore c) JIIlarchez sur les traces du Christ surtout en portant
fumeuse - purifiez-la Seigneur; Vous voyez qu'elle la croix. .
brûle à peine -:-" attisez-la. Personne ne peut être un disciple du Christ, s'il ne
Mais quand aimons-nous le Christ? Quand nous le porte pas de grand cœur la croix. .
disons? Non. Mais quand nous marchons sur ses Comment peut-on porter la croix? Thomas à KempIS
traces. , a écr.i t : La croix se trouve partout, elle t'attend pour se
b) Marchez sur les"traces du Christ. Le Christ s'est mettre sur tes épaules. Tu peux aller partout, tu ne
fait homme, pour nous racheter et nous donner ' pourras jamais" échapper à la croix. Car en quelque
l'exemple d'une bonne vie. Le Christ nous a instruits endroit que tu ailles, tu la portes partout avec toi et
aussi. Il noùs a aussi donné de sublimes règles de vie; en quelque endroit que tu sois, tu dois partout la
mais Il savait la faiblesse de la volonté humaine et supporter avec patience. Le Sauveur crucifié se trouve
combien nous nous plaindrions de la difficulté de ses devant toi sur tous tes chemins. Demande-Lui la
commandements. Il a voulu marcher Lui-même devant réponse à toutes tes 'questions. Dépos.e entre ses mains
nous sur la route de la vertu. Il n'a pas fait comme les toutes tes souffrances: Seigneur, je veux Vous suivre.
Pharisiens, qui imposaient aux autres des prescriptions Es-tu fatigué? Le Christ l'a été aussi. Es-tu triste?
pénibles, mais ne remuaient pas eux-mêmes le petit Le Christ l'a été aussi. Tu fais tant de bien et tu n'es
doigt. Oh non! le Christ Lui-même invoque son propre pas aimé ? Il n'en a pas été différemment du Christ.
exemple: « Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous De combien de malentendus, de combien de douleurs
dites bien, car je le suis» (S. Jean XIII, 13)' Cl Prenez tu as été victime! Peux-tu' alors murmurer '? Ne veux-tu
sur vous mon joug et recevez mes leçons, car je suis pas devenir semblable au Seigneur? Ne veux-tu pas
doux et humple de cœur; et vous trouverez le repos de faire cette prière avec saint Augustin: « Je vous en
vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau supplie, Seigneur Jésus, que tout soit amer pour moi,
léger» (S. Matthieu XI, 29-30). soyez seulement plein de douceur pour moi. Car Vous
Comme homme : Il donne ['exemple,. comme Dieu : êtes la suavité incompréhensible qui communique à
Il donne la force. Non seulement Il attire, mais Il fortifie tout sa douceur ».
aussi. Celui qui a aimé un jour le Christ, sent qu'il doit Voyez: . mes frères : la souffrance existe dano le
marcher derrière Lui. Zachée monte sur l'arbre, rien monde. L'incroyant aussi souffre, mais en grinçant des
queVpour voir Jésus. Matthieu quitte son bureau rien dents; le fidèle aussi souffre, - mais il regarde la croix.
que pour voir le Christ. Pierre se jette dans la mer, Il y a en Nouvelle-Guinée un port magnifique: une
uniquement pour voir Jésüs. Celui qui a vu une fois splendide chaîne de montagnes et un rivage grandiose
le Petit Enfant de Bethléem ne peut plus l'oublier. le bordent ... mais le capitaine du navire ne voit rien
Ah! s'il en était ainsi! ,Si seulement je ne pouvais plus de tout cela, car la mer est pleine de récifs et il est,
jamais ni en aucune circonstance oublier le Christ 1 obligé de regarder constamment une grande croix'
11
LE SYMBOLE DES APÔTRES A LA SUITE DU CHRIST
tracée en blanc sur la côte; c'est là qu'il doit diriger C'est de bien remplir le rôle que Vous m'àvez donné,
le bateau, sinon il est perdu. Saisissez-vous la grande sur la terre. C'est de croire en Vous avec une foi
leçon? Regardons toujours vers le Christ, pour naviguer inébranlable. Je suis pécheur, mais faites que je rede-
en sécurité parmi les dangereux écueils de la vie et pouvoir vienne V:otre enfant bien pur. Que je sois une goutte
aborder tranquillement un four sur le rivage de l'éternelle d e Vous, I ,.
ocean Immense de b onté. Que Je . ~.
SOIS une
patrie, où nous attend la récompense de toutes nos fatigues. étincelle de Votre amour qui enflamme l'univers. Que
Voilà ce que c'est que suivre le Christ. je sois un écho, Votre écho, ô Verbe incarné. Que je
sois Votre disciple, ô divin Maître. Que je sois Votre
enfant, ô Dieu de bonté, pour que, apres l'ascension
* * 4(0 fatigante, mais encourageante d'une vie pleine de sacrifices
et de fidèle persévérance, je puisse parvenir victorieu-
Mes .frères, encore quelques jours et ce sera Noël. sement sur la montagne qui est Vous-même, Seigneur.
Petites filles et petits garçons, frères et sœurs, qui se Amen.
sont peut-être querellés bien souvent durant toute
l'année, rapprochent maintenant chaque soir leurs
petites chaises du fourneau bien chaud et regardent
tranquillement les flocons de neige qui tombent dans
la rue : « Encore quatre jours et le Petit Jésus viendra ».
, Ensuite ils se penchent sur une feuille de papier
et avec un grand crayon qu'ils serrent dans leur main
ils écrivent, ils écrivent. La maman leur demande :
'1. Qu'est-ce que tu écris, mon chéri? ))
_ _ _--1,1
A L'ENFANT JÉSUS
la corruption du péché et à la mort, que peut-elle fardeau qui est léger. Mais regardez autour de Vous,
vidoir, po~r 'que' Vous, le Fils de Dieu, Vous n'ayez , Petit Enfant de Béthléem, regardez autour de 'Vous
pas craint de descendre dans une froide étable, par une deux mille ans après votre naissance et plaignez-nous.
nuit glacée de décembre? Nous Vous remercions, Ah! comme il y en a beaucoup qui n'ont pas encore
Seigneur, d'être venu parmi no~s et nous Vous remer- entendu parler. de Vous! Et même parmi ceux que l'on
cions de ce que Vous avez fait pour nous. nomme vos fidèles et qui s'appellent "'eux-mêmes
Nous Vous remercions pour chaque instant des chrétiens, même aussi parmi eux, combien il y en a
trente-trois années de votre vie terrestre. Nous Vous dont la vie désordonnée, égoïste, frivolè et immo-
remercions pour votre séjour parmi nous. Nous Vous rale dément leur nom de chrétiens ... Et nous en
remercions pour chaque goutte de sueur , que Vous voyons la conséquence, nous la voyons eL nous en
avez versée pour nous. Pour les soufflets que Vous avez gémissons.
endurés à notre place; pour les railleries, les crachats, b) Petit Jésus, c'est Vous qui avez dit: « C'est à
la couronne d'épines, les roses sanglantes de vos cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples,
saintes plaies, le chemin de la croix et la mort affreuse, si vous vous aimez les uns les autres» (S. Jean XIII, 35),
par laquelle Vous nous avez rachetés ... Cher Petit et aujourd'hui pourtant dans le cœur des peuples et
Jésus, en cette nuit sainte et bénie nous Vous remercions des individus brûlé la haine insondable d'un bûcher
pour tout cela. , ' infernal, et nous ne' savons pas quand éclatera de la
II. Mais nous ne sel'ions pas des hommes, des bouche des canons une nouvelle guerre parmi les
hommes qui souffrent et qui luttent, si no,us ne Vous peuples épouvantés ou quand se déchaînera dans des
·demandions pas aussi quelque chose. fleuves de sang une lutte , ' fratricide er)tre les classes
Ne soyez pas fâché, Petit Jésus, si même en cette sociales. Parmi nous que d'égoïsme, d'indifférence, de
. nuit bénie nous Vous demandons l'aumône, en exposant rancune, de ' haine, de colère et de gnerre!
notre indigence à grands cris et si les âmes angoissées c) Petit Jésus, Vous avez dit : « Je vous laisse la
de l'humanité à bout de forces iinplorent de Vous la paix, je vous donne ma paix; je ne la donne pas comme
paix. la donne le monde» (S. Jean XIV, 27). C'est ce que
a) Seigneur, nous ,croyons ce que le prqphète Isaïe Vous avez dit jadis, mais où est la paix p,lrmi nous, qui
a prédit de Vous, que . dans votre royaume habiteraient donc aujourd'hui mène une vie paisible, calme et
paisiblement ensemble le loup avec l'agneau, la pan- heureuse? Nous n'avons pas la paix en nous, parce
thère avec le chevreau (Isaïe XI, 6), et que les épées que nous n'avons pas mis d'ordre dans la forêt
seraient ,forgées en socs de charrue et les lances en vierge de nos caprices et de nos instincts q~i nous
faucilles (Isaïe II, 4). Oui, nous croyons que cette paix 1 poussent au péché et nous n'avons pas la paix avec
bénie fleurirait sur la terre, si les hommes se mettaient les autres, tant que nous n'aurons pas la paix dans
volontairement sous votre joug qui est doux et votre nbtre 'âme.
LE SYMBOLE DES APÔTRES
A L'ENFANT JÉSUS
.. • ..
Mes frères, vous tous qui venez de m'écouter
partout dans le monde en cette nuit où résonne le chant
des anges, agenouillez-vous paisiblement dans le silence
LE MAITRE Dl,l LA VIE
dans le corps entier, et que chez eux la religion et la vie (Romains XIV, 17). 1
ne sonr pas à l'unisRon, comme il faudrait, mais que B) Mais de quel droit pouvons-nous dire alors
tou tes deux végètent, sans se connaître mutuellement. qu'avec le Christ la vie est facile et heureuse? En quoi
Ils vont à l'église, ils récitent des prières, ils assistent le Christ devient-Il lè Maître de la vie?
aussi à la messe, ils observent même le vendredi - a) En ce qu'Il donne à ses disciples fermeté intérieure,
mais après? .. après, dans leur vie familiale, dans leurs confiance en soi, fo rce d'âme et tranquillité. De même
conversations, leurs projets, leurs travaux, dans leur
manière de vivre, ils ne se distinguent en rien des non-
que le marin trouve sa route sur la mer, s'il regarde vers
le ciel, de même nous trouvons notre route sur la mer
~
chrétiens. (( La religion est une chose, les affaires en sont de la vie, si nous regardons vers le Christ. C'est notre
une autre )) entend-on sur les lèvres de certains. Cela sainte conviction que nous avons un bon Père dans le
me rappelle un légionnaire romain qui priait Hermès ciel, sans la permission duquel un seul de nos cheveux
de l'aSSister dans un larcin, pour qu'il pût avec l'objet ne tombe de notre tête; nous savons que tout travail .f:
volé faire un sacrifice à Zeus. Mes frères, à la première
parole, à la première rencontre, au premier geste, il
accompli selon la volonté de Dieu et que toute souffrance
supportée pour Dieu brilleront un jour comme des perles
•
faudrait qu'on reconnût si nous sommes chrétiens ou , dans la couronne de gloire de la vie éternelle; c'est notre
non. sainte croyance que notre vie, lorsque nous paraîtrons
Ce sera pour le moment ma première constatation. devant Dieu; après avoir rempli consciencieusement
b) Mais il me faut encore mettre en relief une autre notre vocation terrestre si insignifiante soit~ elle, abou-
vérité. Lorsque nous disons que le Christ est le Maître tira au royaume de bonheur de son Cœur aimant -
de la vie, nous ne voulons pas du tout prétendre que le tout cela donne à notre vie une douce tranquillité~ un
fidèle disciple du Christ verra se réaliser tous ses désirs joyeux état d'âme, èourage et force. Et parce que nous
en ce monde. Il y en a qui s'imaginent suivre le Christ av~ns appris tout cela du Christ, nous L'appelons
et si le Christ ne réalise pas toutes leurs idées, tous leurs (( Maître de la vie »).
Symb. d. Ap . - T. :U · 21
322 LE SYMB C'Œ DES APÔTRES LE MAITRE DE LA VIE
b) « Nous vivons à une époque catastrophique », , Com~ent peut-on vivre jusqu'à un âge aussi avancé?
entendons-nous constamment répéter avec des lamen- - -demandait-on dernièrement à un vieillard de 86 ans.
tati~ns de désespoir. Et si c'est la ~érité, cela n'a rien Et voici sa réponse :
d'extraordinaire sur cette terre. La terre ~ et nous n'y Dès que vous vieillissez, ne mangez que la moitié de
pouvons rien - n'est pas un petit paradis où l'on peut ' ce que vous mangiez auparavant, mais dormez le double
vivre bourgeoisement, mais une « vallée de larmes », . de temps, buvez trois fois plus d'eau et souriez quatre
un entraînement en vue de la vie éternelle et un champ fois davantage.
de bataille. Et celui qui connaît l'histoire, sait que sur Oui, sans doute: souriez quatre fois plus. Si c'était
la terre il y a toujours eu plus de combats que de paix, toujours facile! Mais qui peut sourire de bon cœur au
et que ce n'est pas seulement l'homme d'aujourd'hui milieu des luttes pénibles de la vie? Qui peut sourire
qui peut se plaindre de vivre à une ,époque pleine de paisiblement, alors que la mort, la faux levée, se tient
catastrophes, mais qu'ils pouvaient avoir autant le droit déjà devant lui? Qui le peut? Seul, celui qui durant
de gémir, ceux de nos ancêtres qui ont vécu lors de la toute sa vie a voulu suivre le Christ, le divin Maître.
destruction de l'empire romain, au moment de l'invasion Ne voyons-nous pas quel dommage et quelle perte
des Barbares ou des Tartai'es ou bien pendant les c'est pour nous, hommes d'aujourd'hui, que l'allure
guerres de la Réforme et de la Contre-Réforme, lors de fébrile de la vie pour les uns, les jouissances de l'exis-
la Révolution française, etc. Mes frères, les disciples du tence'pour les autres, qui nous écartent si loin du Christ,
Christ ne se .lamentent donc pas et ne s'éCroulent pas, le Maître de la vie?
mais ils se rendent compte davantage que dans les plans C) Pourtant - et c'est une nouvelle constatation -
de la divine Providence il y a place pour la guerre et lès personne ne peut se débarrasser du Christ, tous cherchent
combats, afin que l' homme ne s'amollisse pas dans la douceur le Christ,
d'une longue paix, ne s'enorgueillisse pas et ne s'attache pas a) Ils Le cherchent, ses fidèles; les âmes qui ont soif
irrémédiablement aux joies passagères de la vie sensible. de Lui, q~i, avec un amour prêt au sacrifice, avec abné-
En effet c'est ce qui nous attendrait dans un bien-être, gation et renoncement, marchent à sa suite sur des
une paix et un repos continuels. Au contraire dans la chemins souvent raboteux et couverts de leur sueur,'
lutte nous apprenons à faire la différence entre l'or et Mais vous aussi vous Le che1'chez, âmes de notre temps,
le clinquant, entre les valeurs véritables et éternelles assaïllies par le doute et qui avancez en tâtonnant, qui avez,
de l'âme et les fumées de l'instabilité terrestre: Pendant déjà essayé toutes les philosophies ·humaines, qui avez
li -paix, on érige beaucoup d'idoles et c'est seulement déjà goûté à tous les systèmes et cherchezCencore
le feu de la détresse qui les réduit en cendres. Notre toujours\- l'âme inquiète et inapaisée, la lumière qui
époque de catastrophes n'est-elle pas aussi le crépus.cule donne la seule tranquillité véritable, vous cherchez celui
de pareilles idoles? Qui la traversera victorieusement qui a dit de Lui-même: « Je suis la voie, la vérité et la
jusqu'au bout? Seulement le vrai disciple de Notre Vle ».
S(:'igneur Jéslls: Christ. '
:1
LE SYMBOLE DES APÔTHES LB MAITRE DE 'lA VIE .
/.
Vous aussi vous Le cherchez, vous les victimes des fit ses a?ieux en ces termes : « Ma chère Marguerite, :1
jouissances frivoles, qui avez été vaincues par la terre, j'ai terminé ma vie; la balance est prête». Ensuite il prit ~
, le sang, l'or, la vie des sens, vous Le cherchez, lorsque, en main-1a Bible qui était toujours à côté de lui, la pressa 1
après des journées de paresse et des nuits de plaisirs, sur son cœur et la montrant dit d'une voix parfaitement
pleure ~u dedans de vous la douloureuse nostalgie de perceptible: « C'est la seule chose qui soitAraie ». Qui
votre âme inassouvie. ne sent sous ces paroles cette éternellement belle
Vous Le cherchez vous aussi, vous les éprouvés, les expression de saint Paul ': « Personne ne peut poser un
épuisés, les brisés de la vie, vous; cherchez Celui qui a dit autre fondement que celui qui est déjà posé, c'.e st-à-dire
de Lui-même: « Venez tous à moi, vous qui êtes fatigués Jésus-Christ» (10 Corinthiens III, II). Et qui n 'y
et chargés et je vous soulagerai» (S.Matthieu XI, 28). retrouve PllS ces paroles de Notre-Seigneur: « Je suis
Ah! mes frères, si seulement l'homme moderne . la vigne, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en
avait le temps de songer un peu aussi à lui-même, de se moi, et en qui je demeure, porte beaucoup' de fruits;
parler un peu à lui-même, de jeter un peu les yeux sur car sans moi vous ne pouvez rien faire. Si queiqu'un
la masse des pr,oblèmes restés sans solution dans sa vie, ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le
- certainement il trouverait le Christ. sarment et il sèche; puis on le ramasse, on le jette au
b) Il Le trouverait, comme L'a trouvé saint Augustin, feü et il brûle » (S. Jean XV, 5-6).
après bien des égarements. Savez-vous comment il En vérité, celui qui regarde l'histoire à la lumière de
nomme le premier pas vers sa conversion? « C'est alors ces réflexions ne peut manquer de s'apercevoit que sur
que pour la première fois j'ai tourné mes regàrds au la route des peuples" beaucoup de rameaux brisés et
dedans de moi-même ». Et comment est-il arrivé à coupés ont péri : des hommes et des institutions, des ,
cette démarche? D'abord il lui fallut éprouver en conceptions du monde et des entreprises qui peut-être
lui-même, dans son corps et dans son âme ce que veut étaient aussi des initiatives , hardies et de grands pas,
dire être un homme, être un homme qui soupire mais sur de faux c:hemins. « Grandes passus extra
après la vérité, la paix et une réponse; être un homme ~'iam », comme dit saint Augustin.
jeté çà et là par les vagues des passions, de la colère et de Cette constatation de saint Augustin dirige notre.
l'inquiétU:de et venir à bout de cette destinée humaine attention sur la seconde partie du sujet que nous traitons
avec comme aliment la pauvre philosophie du paganisme aujourd'hui: Comme elle est pénible et insupportable la vie
Il lui fallut d'abord fixer ses yeux sur le vide béant d'un sans le Christ!
monde qui ne connaissait pas le Christ, pour ensuite
pouvoir apprécier la force lumineuse qui jaillissait des
yeux du Christ.
Lisez, seulement le récit d~sderniers instants de
,S'trindbe1'g, lorsqu'il appela sa fine auprès de lui et lui
r
1
LE MAITRE DE LA VIE
1
, besoin de rien; et tu ne sais pas que tu es un dernièrement par un des plus illustres médecins améri-
malheureux, un misérable, pauvre, aveugle -.et nu » cains, le Dr Charl~s H. May,') ors du congrès des méde-
(Apocalypse III, l7). , cins américains, 's ur la connexion entr~~_ les maladies
L'homme ne peut être ni heureux ni bon, sans le mentales et la civilisation moderne avec son dévelop-
Christ.' pement industriel qui ne laisse plus un instant de repos ':
C) Quand on voyage en chemin de fer et que l'on « Actuellement, dans les hôpitaux des États-Unis, un
regarde par la portière on voit courir des fils sans fin lit sur deux est occupé par un aliéné, un déséquilibré,
SUl" de grands poteaux de fer; ce sont les lignes de courant un idiot, un névropathe ou un sénile. La cause : notre
à haute tension d'une centrale électrique. De cet~e centrale vie fébrile. Elle ruine la raison, la force et l'intelligence.
se répandent ' dans des centaines et des centaines de L'allure précipitée actuelle éveille en beaucoup d;hom-
petits villages et dans les villes, les usines, les ateliers mes le désir de se procurer enfin le repos, au prix de
et les appartements, la lumière, la chaieur' et la force. n'importe quel moyen» (Cf. Shônere Zukunft, 1931,
Mais si en route le fil se rompt à une place quelconque, novembre, p . 24).
l'obscurité, le froid et l'immobilité se répandent sur Comme elles sont encore vraies aujourd'hui ces lignes
toute la région. sublimes écrites jadis par sainte Catherine de Sienne :
La personne sacrée de Notre-Seigneur Jésus-Christ est « Voulez-,vous que je vous dise brièvement ce qu'est
la centrale qui éclaire, réchauffe, vivifie et encourage au Dieu?' Il ne trouve pas la paix, celui qui s'est séparé de
travail l'âme humaine. Par , les fils invisibles de la vie Lui». Quelle profonde pensée, quelle sainte clairvoyance!
religieuse, des centaines de millions de cœurs reçoivent 'Etes-vous inquiets, êtes-vous troublés? Vous l'êtes,
de Lui la lumière de la foi, la chaleur de la vie de l'âme parce que vous n'avez pas Dieu.
et la force motrice de la grâce ... mais hélas! dans Mais à présent je retourne la question. Si nous avons
beaucoup d'âmes modernes le courant est coupé. Les un Dieu, alors se déverse sur notre âme une paix
uns l'ont coupé eux-mêmes, chez les autres il a été inébranlable. Et c'est pourquoi la vie avec le Christ est
coupé exprès par ceux qui veulent révolutionner le heureuse et facile. Et c'est pourquoi elle est pénible et
monde. Car c'est un fait bien connu qu'au commen- insupportable' _,sam le Christ.
cement d'une révolution, les insurgés coupent tout
d'abord
r -
le courant. Depuis des siècles, des mains scélé-
rates coupent les fils qui unissent l'âme de l'homm~ à
la centrale qui fait mouvoir le monde entier, à Dieu,
et alors on s'étonne encore que l'insécurité d'une nuit Mes frères, certainement il n'yen a pas beaucoup
sombre descende aujourd'hui sur nous ~t que nous parmi vous pour connaître cette loi antique et vénérable
cherchions désespérément sur un sol glacé une issue? du canton suisse du Tessin en vertu de laquelle tout acte :
N'est-elle pas effrayante, cette déclaration faite officiel doit commencer par ces mots: « Nel nome deI !
LE SYMBOLE DES APÔTRES
LE MAITRE DE LA VIE
Signore JI (u Au hom du Seigneur »). Récemment il se plus nombi'eux sortir de la cave glacée de l'athéisme
trouva aussi. là-bas des hommes offusqués par ce bel et vers la lumière réchauffante de la présence de Dieu.
séculaire usage et ils déposèrent une proposition au t
La vie est pénible à nous aussi, mais le Christ est « le f
gouvernement ' icantonal en vue de supprimer ",cette Maître de la vie )) et nous supportons la vie « au nom du
coutume. Le 1er novembre 1931, jour de la '"Jl"oussaint, Seigneur », parce que continuellement retentissent à
le Grand Conseil prescrivit un plébiscite pour que le nos oreilles ces paroles du Psalmiste :
peuple décidât s'il voulait continuer à mettre en tête
des actes officiels le nom de Dieu, ce qui en d'autres Ri le Seigneur n'édifie pas la maison,
termes équivalait à lui demander s'il voulait continuer En vain travaillent ceux qui la bâtissent.
à manifester son attachement à la religion par cette Si le Seigneur ne garde pas la ville,
marque extérieure. Et savez-vous comment se répar- En vain les sentinelles veillent à sa garde.
tirent les 24.000 suffrages exprimés? Il Y eut 7.000 voix
contre et 17.000 pour vouloir conserver ce bel usage des. Mes freres, tous -ensemble, nous voulons faire de notre,
ancêtres, et depuis les documents commencent toujours âme un voile de V honique, dans lequel nous imprimerons
comme précédemment par ces mots: « Ne! nome deI de maniere ineffaçable le visage béni de Notre-Seigneur
SiO'nore
_ b », « Au nom du Seigneur ». Jésus-Christ, le Maître de la vie. Amen.
Mes frères, dans notre siècle de désespoir qui com-
~ence à s'emparer de l'humanité actuelle; à notre
époque où des philosophes pessimistes veulent nous
familiariser avec l'idée fatale du « Déclin de l'Occident»,
les fidèles du Christ relèvent maintenant la tête avec
confiance « au nom du Seigneur ». Nous aussi nous
apercevons des signes de ruine, nous aussi nous sommes
effrayés par l'abaissement du niveau moral, mais ce
n'est qu'un cô!é du tableau. Sur l'autre côté nous
découvrons des signes encourageants. Nous voyons des
adultes qui jadis erraient à l'aventure sans le Christ et
maintenant ont retrouvé le Maître de la vie, - nous le
voyon~ et nous nous en réjouissons. Nous voyons les
rangs de notre jeunesse s'ouvrir à un nombre croissant
de courageux fidèles, partisans de la pQ1reté chrétienne,
- nous les voyons et nous en réjouissons. Dans nos
églises bondées nous voyons des hommes de plus en
SANS LE CHRIST? 333
bravaient orgueilleusernent, si bien qu'ils 'ne purent
plus se comprendre mutuellement.
:xxv N'est-ce pas aussi notre malheur que les hommes,
les peuples, les races, les pays ne se comprennent plus
réciproquement? Les hommes de Ba~l, séparés de
SANS LE CHRIST? Dieu, ne se comprenaient plus, à cause de la confusion
des langues; mais les hommes d'aujourd'hui qui se
sont séparés du Christ, à cause de leur égoïsme effréné,
MES FnÈRES, à cause de leur insondable cupidité, à cause de leur
haineuse lutte de classes, ne se comprennent pas non
Aujourd'hui je poursuis le sujet que j'ai commencé plus, Nous avons la science, l'industrie, le commerce
dimanche dernier. Je le poursuis avec le onzième et malgré cela ia confusion qui s'est àbattue sur nous
chapitre de la Genèse Dll il est question de la construc- nous montre que pour une vie humaine paisible il faut
tion de la tour de Babel, lorsque les hommes se dirent encore autre chose que tout cela, et que l'homme
les uns aux autres : « Venez, façonnons des briques devient malhe~reux, s'il vend le droit d'aînesse de
et cuisons-les au' feu ... Construisons-nom, une ville et son âme pour le plat de lentilles des biens matériels.
une tour dont le sommet atteigne le ciel, et faisons-nous . Il nous manque la santé de l'âme, une réorganisation
un nom célèbre» (Genèse XI, 3 ~4). de l'âme. Par nous~mêmes nous en sommes incapables.
Mes frères, à qui ne viendrait-il pas à l'idée que ces Le baron de Münchhausen pouvait s'élever de terre
orgueilleuses paroles ressemblent de façon effrayante en se cramponnant à ses pf(~pres cheveux - mais
à celles de beaucoup d'hommes d'aujourd'hui. Actuel- ceci n'arrive que dans les contes. Tant que n,'est pas
lement encore beaucoup se rengorgent avec orgueil, réalisé l'assainissement de l'âme, nous ne pouvons pas
parce que, au cours des dernières dizaines d'années, par des dispositions purement économiques nous sortir
l'humanité s'est enrichie d'autant de nouvelles inven- du marasme de la crise économique.
tions scientifiques que peuvent en montrer tous les Le sort de la tour de Babel, est devant nos yeux
siècles pa~és réunis. Et c'est la vérité. Mais il est comme un exemple frappant - et je voudrais déve-
également vrai que nous n'avons pas le repos, que lopper dans le sermon de ce jour cette leçon, pour fai re
notre vie n'est pas peureuse. suite aux sermons précédents: l Nous aussi nous avons
~t pourquoi? Que lisons-nous dans la Sainte Écri-
voulu bâtir sans le Ch1ist, mais II sans le Christ il n'y a
ture? Pourquoi l'orgueilleuse tour de Babel qui devàit pas de vie paisible _et digne de l'homme.
arriver jusqu'au ciel n'a-t-elle pas été terminée? Parce
ql1e Dieu . a brouillé le langage des hommes qui Le
1
334 LE SYMBOLE DES APÔTRES SANS I.E CHRIST? 335
Il nous arrive comme à «l'apprenti sorcier» de Gœthe
qui avait évoqué étourdiment les esprits, mais ne
1 pouvait plus les renvoyer.
L~ï' science a fabriqué des machines de plus en plus
Nous AVONS BAT! SANS LE CHRIST
nouvelles, de plus en plus rapides, de plus en plus 1 ~
, \ puissantes. La chimie et la physique ont dompté les 1
A) Un jour les Pharisiens s'avancèrent si audacieu- forces naturelles et les ont mises entre les mains de
sement contre Notre-Seigneur que le Sauveur leur l'homme. Mais quel est cet homme qui a en mains ces
répondit par ces paroles menaçantes : « Je m'en vais machines, ces moteurs et ces inventions d'une puissance '
et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché » de plus en plus monstrueuse ? Quel est-il cet homme?
(S. Jean VIII, 21). Un être jeté çà et là par le déchaînement d'instincts
Terrible menace dans la bouche du Seigneur. J'ai bestiaux, - à moins que le Christ ne le tienne en bride.
tout essayé avec vous, - mais vous êtes restés endurcis. N'est-ce donc pas une manière d'agir insensée que
Je vous ai enseignés, - et vous avez dénaturé et mal de mettre entre les mains d'un homme des forces de
interprété mes paroles, vous vous en êtes moqué et plus en plus dangereuses et de négligér de fortifier en
vous avez bouché vos oreilles. Je pourrais faire tomber même temps et dans la même mesure son âme? Quand
la foudre sur vous, entr'ouvrir la terre sous vos pieds... on construit un moteur plus fort pour une auto, n'est-il
je ne le fais pas. Je ne fais pas autre chose que m'éloigner pas élémentaire d'installer en même temps des freins
de vous en silence, - mais vous périrez de cet abandon. meilleurs et plus robustes? Mais nous ne faisons que
Ces paroles qeNotre-Seigneurne se réalisent-elles pas d'accroître la puissance des moteurs, des dynamos, des
mot pour mot dans le monde actuel ? Elles se réalisent hélicèS entre les mains de l'homme, - et nous oublions
dans cette humanité qui tourne le dos au èhrist et aux de fortifier dans l'âme humaine la crainte de Dieu, le
lois morales, mais tôt ou tard dans ces âmes abandonnées sentiment de la responsabilité, l' honnêteté, l'accomplis-
pleure le désir du Christ; elles se réalisent également sement consciencieux' du devoir, et i' amour de Dieu.
en ces hommes qui se préparaient à organiser leur vie Regardons seulement autour de nous ce qui se passe
en dehors du Christ, mais qui à présent sont obligés dans le mOI\pe actuel et nous ne serons pas obligés
de voir que toutes leurs routes aboutissent à une impasse de chercher longuement pour avoir la claire certitude
où ils tâtonnent follement. que tout n'est que mot à effet, illusion, fantasmagorie,
B) Depuis des siècles on a bâti la société humaine château de cartes, tant que chacu~ ne s'efforce pas de
actuelle en dehors du Christ, mais aujourd'hui on devenir lui-même meilleur, plus noble; plus pur, plus
commeiice déjà à voir que l'humanité par ses efforts chrétien. Ne voyol1s-nous pas que tout s'écroule :
exclusivement techniques et scientifiques s'est engagée civilisatiop, cultur~; richesse et ~ie humaine, tant que
dans une impasse où elle a du mal à trouver une issue. les intérêts égoïstes à l'affüt dans l'homme, la soif du
334 LE SYMBOLE DES APÔTRES SANS LE CHRIST? 335
Il nous arrive comme à «l'apprenti sorcier)) de Gœthe
qui avait évoqué étourdiment les esprits, mais ne
J pouvait p~us les renvoyer.
L:r' science a fabriqué des machines de plus en plus
Nous AVONS BATI SAN'S LE CHRIST
nouvelles, de plus en plus rapides, de plus en plus
puissantes. La chimie et la physique ont dompté les
A) Un jour les P harisiens s'avancèrent si auda~ieu- \ forces naturelles et les ont mises entre les mains de
sement contre Notre-Seigneur que le Sauveur leur l'homme. Mais quel est cet homme qui a en mains ces
répondit par ces paroles menaçantes : « Je m'en vais machines, ces moteurs et ces inventions d'une puissance .
et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché )) de plus en plus monstrueuse? Quel est-il cet homme?
(S. Jean VIII, 21). Un être jeté çà et là par le déchaînement d'instincts
Terrible menace dans la bouche du Seigneur. J'ai bestiaux, - à·moins que le Christ ne le tienne en bride.
tout essayé avec vous, - mais vous êtes restés endurcis. N'est-ce donc pas une manière d'agir insensée que
Je voUs ai enseignés, - et vous avez dénaturé et mal de mettre entre les main~ d'un homme des forces de
interprété mes paroles, vous vous en êtes moqué et plus en plus dangereuses et de négligér de fortifier en
vous avez bouché vos oreilles. Je pourrais faire tomber même temps et dans la même mesure son âme? Quand
la foudre sur vous, entr'ouvrir la terre sous vos pieds ... on construit un moteur plus fort pour une auto, n'est-il
je ne le fais pas. Je ne fais pas autre chose que m'éloigner pas élémentaire d'installer en même temps des freins
de vous en silence, - mais vous périrez de cet abandon. meilleurs et plus robustes? Mais nous ne faisons que
Ces paroles qeNotre-Seigneurne se réalisent-elles pas d'accroître la puissance des moteurs, des dynamos, des
mot pour mot dans le monde actuel? Elles se réalisent hélicèS entre les mains de l'homme, - et nous oublions
dans cette humanité qui ' tourne le dos au Christ et aux de fortifier dans l'âme humaine la crainte de Dieu, le
lois morales, mais tôt ou tard dans ces âmes abandonnées sentiment de la responsabilité, l' honnêteté, l'accomplis-
pleure le désir du Christ; elles se réalisent également sement consciencieux' du devoir, et l'amour de Dieu.
en ces hommes qui se préparaient à organiser leur ' vie Regardons seulement autour de nous ce qui se passe
en dehors du Christ, mais qui à présent sont obligés dans le mon,de actuel et nous ne serons pas obligés
de voir que toutes leurs routes aboutissent à une impasse de chercher longuement pour avoir la claire certitude
où ils tâtonnent follement. que tout n'est que mot ~ effet, illu,sion, fantasmagorie,
B) Depuis des siècles on a bâti la société humaine .château de cartes, tant que chacun ne s'efforce pas de
actuelle en dehors du Christ, mais aujourd'hui on devenir lui-même meilleur, plus noble; plus pur, plus
commence déjà à voir que l'humanité par ses efforts chrétien. Ne voyol1s-nous pas que tout s'écroule :
exclusivement techniques et scientifiques s'est engagée civilisatiop, cultur~; richesse et ~ie humaine, tant que
dans une impasse où elle a du mal à trouver une issue. les intérêts égoïstes à l'affùt dans l'homme, la soif du . 1
1
LE SYMBOLE DF.5 APÔTRES SÀNS LE CHRIST? 337
pouvoir et du plaisir ne trouvent pas leur contrepoids monde sans le Christ est un monde sans morale, B) Uil
dans la culture de l'âme, dans le Christ. Ne voyons- monde sans ordre et C) un monde sans repos.
nous pas que notre système politique et économique, A) Le monde sans le Christ est un monde sans mOl·ale.
scientifique et technique sombre dans'"-i.lll chaos funeste, La liberté cl'une vie sans morale n'est attirante qu 'à ses
tant que chacun ne s'efforce pas, à la place même où l'a <:J.ébuts, elle n'étourdit qu'au commencement et même
mis sa vocation, de devenir plus humain, plus généreux, alors seulement les natures vulgaires. Seules elles
plus patient, plus détaché, plus désintéressé, _ .plus croient s'être débarrassées d'un fardeau, lorsqu'elles
chrétien. La grande faillite actuelle, comme les ruines ont rejeté les tables de pierre des dix commandements.
de la tour de Babel, nous donne cette dernière leçon Mais comme il leur faut vite s'apercevoir que, sans des
qu'il ne peut y avoir de progrès véritable, sans accrois- lois qui nous lient intérieurement et règlent nos
sement de la bonté du cœur, qu'il ne peut y avoir de chemins, la vie est vide et sans valeur. Elle est vide,
vraie civili~ation, sans la culture de l'âme, c'est-à··dire parce qu'elle s'est engagée sur une fausse route.
qu'il ne peut y avoir de vie humaine sans le Christ. Vivre humainement équivaut à remplir un devoir. Plus
Mais nous sommes encore chrétiens. Nous vivons la vie est vide, moins une tâche se tro~"e devant elle.
encore dans la lumière (l'un passé chrétien deux fois « Le temps n'est pas loin, écrit un philosophe espagnol
millénaire, mais ce qu'est pour nous le Christ, seul peut (José Ortega y Gasset), où du globe terrestre tout
le comprenqre le peuple à qui les tyrans ont ôté la entier s'élèvera, comme les hurlements de chiens
religion. Quelle nuit terrible: naître, souffrir et mourir innombrables, un cri vers les étoiles et on demandera
sans que le Christ se tienne près de notre berceau, de une puissance qui commande et prescrive le travail
notre lit de malade et de notre cercueil! Quelle chose quotidien et le devoir ».
affreuse que de vivre sans le Christ! n semble, mes frères , que ce temps soit déjà arrivé.
Qui ne sent que l'axe du monde e5t sorti de son pôle?
Qui ne sent que l'humanité actuelle va à l'aventure
sans chemin, sans but, sans patrie. depuis qu'elle a
II perdu le contact avec Dieu? L ' âme qui a soif de Dieu
chyrche partout un « remplaçant de Dieu .» et c'est
SANS LE CHRIST NOUS PÉRISSÔNS pourquoi elle se jette, avec la soif d'un homme souhai-
tant la mort, sur la science, l'argent, le plaisir, l'art,
IVIais je sens, mes frères, qu'il ne suffit pas d'affirmer les cigaréttes, le champagne, la danse, les cabarets, la
morphine, la cocaïne . .. sur tout, comme les papillons 1
tout cela, - il faut encore le prouver. Je poserai donc l,
cette question : En est-il réellement ainsi? Le monde nocturnes sur la lumière trompeuse ... )
Sym h. ri . Ap . - 'J' . fI 22
1
,l
LE SYMBOLE DES APôTRES , SANS LE CHRIST?
travailler tranquillement, quand on peut bâtir, créer, l'écroulement journalier de l'histoire moderne ' la plus
tirer des plans et réussir, alors une fumée de satisfacti011 récente, ne se rendrait pas compte que tout chancelle
et de suffisance enveloppe notre cerveau et l'homme et s'effondre, parce que nous avons construit sur
essaie toujours de nouveau la tragique entreprise : Je des bases trop faibles. Reconnaissons·le : nous nous
me suffis ~l moi.·mêllle. Je n'ai pas besoin d'un Rédemp- sommes trompés, quand nous avons cru que la vie
teur, je n'ai pas besoin du Christ. . pouvait ~'édifier uniquement sur l'homme, sur les
Ce n'est que depuis peu de t~mps que nous Vivons soi-disant « droits de l'homme ». L'homme s'est révélé
à une époque aussi malheureuse, - et actuelle.ment trop faible pour cette tâche et ils ,se sont révélés insuf-
précisément nous en gémissons. Quand y a-t-Il eu fisant,s ces « droits de l'homme» qui ne proviennent pas
dans le monde autant de chercheurs et de savants que des droits « de Dieu » et que le Christ n'a pas ennoblis.
de nos jours? Quand a··t-on écrit autant de livre~, M;is lorsque l'égoïsme besÙal s'est déchaîné et lancé
quand a-t .. on eu autant d'instruction, quand a-t-on fal: sûr. nous, avec « la lutte de tous contre tous », du moins
autant de découvertes dans le domaine de la nature? avons-·nous vu enfin la sainte vérité du vieil avertis-
. 1
Et pourtant : quel désordre dans toutes 1es questIOns. sement du Christ: «Celui qui n'est pas avec moi est
Nous avons le téléphone qui rapproche entre eux les contre moi» (S. , Luc XI, 23). Constatons que le monde
chefs des peuples, comme jamais auparavant: nou~ sans le Christ est un monde en désordre.
avons les chemins de fer, l'aviation, la radiO qUI C) Et pour finir: Le monde sans le Christ est un monde
devraient ,servir à nous rapprocher . mutuellement, sans repos.
_ et jamais QOus n'avons été si loin les uns des autres. En 1926, pour prendre part au Congrès Eucharistique
Jamais les chefs d'État n'ont tenu autant de con~é. de Chicago, j'ai fait le voyage d'Amérique sur un des
rences , mais les différends, les divisions et les conflIts
. plus grands navires du monde, l'Olym,pic, de 46 mille
deviennent de plus en plus effrayants. JamaiS une tonneaux. Je n'ai pas besoin de vous parler en détail
production matérielle aussi gigantesque n'a affiué sur du luxe inouï 'lui règne à bord d'un transatlantique
la terre, jamais les matières premières nécessaires au si gigantesque. Le nombre des p3ssagers est de trois
travail n'ont été entassées en telle quantité, en certains mille, celui' de l'équipage est de huit cents. Il n'y a
pays les greniers à grains n'ont encore jamais été aussi pas d'hôtel de grande ville, même le plus m,?derne,
remplis, et cependant - partout le chômage et la pour pouvoir rivaliser en confort avec ce~ navire.
misère ,sont immenses. Salons, '- fumoirs, , piscines, biQliothèques, journaux
Ne voyons-nous donc pas, mes frères, que lorsque paraissant chaque jour... Ce paquebot à sept étages
nous nous écartons du Christ, nous nous écartons des offre un confort incomparable et les passagers y trouvent
his naturelles de la communauté humaine, du progrès à se distraire toute la journée ... Un jour on nous
et du développement humain. montra les machines ... ces machines colossales qui avec
Il faudrait qu'il soit aveugle, celui qui, devant . un bruit et un- vacarme incessants poussent le navire
LE SYMBOLE DES APôTRES SANS LE CHRIST?
à une vitesse de quarante kilomètres à l'heure ven seulement . cela, mais encore de pratiquer récipro-
l'Amérique. Et en bas, au-dessous de la ligne de flot- quement la justice. Avec le Christ qui a proclamé le
taison, dans les profondeurs du navire je vis les machi- premier que nous s~mmes tous frères : patrons __,et
nistes à demi-nus dans une chaleur infernale, le visage ouvriers, ,petits et grands, forts et faibles, instruits ct
cramoisi ... je vis aussi les dortoirs où sont entassés d'une ignorants. Avec le Christ dont l'apôtre écrit: « Portez
manière inhumaine les stewards si élégants dans les les .fardeaux -les uns des autres, et vous accomplirez
salles à manger... et tous les problèmes non résolus ainsi la loi du Christ» (Galates VI, 2).
de la vie actuelle, raffinée jusqu'à en mourir, surgirent En effet, reconnaissons-le, en dépit de tous les
devant moi. raisonnements, en dépit de toutes les explications, il
Que peut-on y faire, mes frères? Que peut-on y faire? reste. toujours dans la question un point brùlant :
Supprimer, anéantir tout le luxe dans le monde? Mais Pourquoi, pourquoi? Pourquoi y a-t-il des riches et des
s'il n'y avait pas autant de voyageurs, il y aurait aussi pauv,res ? Pourquoi y en a-t-il pour jouir d'un heureux
moins de travail et moins de salaire. Par contre, si nous 1 sort et d'autres qui baignent chaque nuit de leurs
maintenons encore le niveau actuel de civilisation, il larmes leur oreiller? Pourquoi? Aucune philosophie,
exige de terribles sacrifices : le sang et la sueur de nos aucune conception du monde ne peut donner de
frères. Que faire? Qui résoudra te problème angoissant réponse satisfaisante, sauf l'idée chrétienne, le royaume
des riches et des pauvres? Qui donnera la réponse? du Christ.
Qui ramènera la paix dans les âmes agitées? Qui Le royaume du Christ est un royaume qui invite les
sauvera la civilisation, sans fui sacrifier . l' humanité? riches à la justice et à la bienfaisance méritoire, qu i
Du reste, y a-t-il une solution au problème le plus donne aux pauvres la force de porter leur croix de façon
brûlant de notre époque, la question sociale? En effet, méritoire.
comme les choses vont à présent, elles ne sont pas en Le royaume du Christ est un royaume où la vie
ordre, le problème n'est pas eaxctement résolu, - familiale est sacrée et l'enfant appelé une « bénédiction
nous le sentons. Mais la sùppression de la propriété de Dieu 1). ' .,
privée n'est pas non plus une solution, car elle pura- te royaume du Christ est un royaume où chaque
lyserait l'activité humaine et alourdirait les mains des travailleur reçoit un juste salaire et chaque scélérat son
travailleurs; le bolchévisme n'est pas une solution, car châtiment.
les instincts sauvages déchaînés rejettent la civilisation Le royaume du Christ est un royaume où chacun
humaine des siècles en arrière... Y a-t-il donc une est pur dans son cœur, dans ses désirs, dans ses actes.
solution? Le royaume du Christ est un royaume où la vertu
Il y en a une ~ mais seulement près du Christ. Près du s'avance hardiment la tête haute et où le péché cache
Christ qui nous a donné à tous le commandement de sa honte dans l'obscurité d'une cave moisie.
nous aimer, de nous aider les uns les autres. Non Le royaume du Christ est un royaume où ... mais
SANS LE CHRIST? 345
344 LE SYMBOLE DES APÔTRES
la foi chrétienne, que même parmi ceux-là il y en a derrière leur Maître. Mais ne vous refroidissez pas, à
beaucoup qui ont perdu la foi, ne se soucient pas de la foi u cause de leur faiblesse, à l'égard du Christ et des vérités
et surtout ne vivent pas selon les prescriptions de la foi. chrétiennes. Ne vous rangez pas parmi ceux dont parle 1
a) Le nombre des chrétiens est grand, mais - Shakespeare qui apprécient davantage la poussi.ère de
malheureusement - comme il y en a peu parmi eux pour l'or que l'or lui-même, lorsqu'il est un pe~ pOUSSIéreux!
l'êt1'e devant Dieu. NIes frères ne vous scandalisez pas des faiblesses et des
Quand un païen chinois ou africain arrive dans une défauts de~ chrétiens, - ils sont aussi des hommes. Du
grande ville de l'Europe dite chrétienne et regarde moins .ne vous en choquez pas au point d'y briser votre
autour de lui, sent-il le soufRe pénétrant et transfor·. foi au Christ. . .
mateur du christianisme? Est-ce que dans l'ensemble Telle personne, à l'ilme sensible, vient se plamd.r~ :
de notre vie publique, dans ses manifestations, dans le « Chez vous tout n'est qu'obligation, dogme, affaIre
programme des thçâtres et des cinémas, dans les revues de raison ». 'Ce sont ceux qui n'ont jamais contemplé
illustrées, sur les plages, dans les banques e't les bureaux, la masse de sentiments qui brûlent dans les profondeurs
dans lel? usines et les hôpitaux ... se reflète la lumière de du cœur du Christ.
l'idée chrétienne? L'idée que nous nous faisons du Un autre arrive, un homme positif, et gémit :«. Chez
mariage, l'idée que nous nous faisons de l'honnêteté vous tout n'est qu'attendrissement, extase, sentImen-
dans les affaires et dans le plaisir, toutes ces idées talité ». Ce sont ceux qui ne connaissent pas l'édifice de
sont-elles conformes à la pensée chrétienne? notre foi élevé avec une logique inébranlable. ,.
Combien sont-ils dans notre pays pour être chrétiens! Un troisième survient: « Je ne veux pas être chretIen,
Mais comme ils disparaissent, lorsqu'on les cherche parce que l'idée du Juge éter~el et la pensée de la dam-
vainement, dans les listes d'abonnements aux journaux nation ne me laissent pas un 1l1stant de repos ». Ce sont
chrétiens,~' dans les listes des œuvres de charité chré . · ceux qui ne savent pas que le Christ n' ~st pas s~ulement
tienne, dans les rangs des électeurs des partis chrétiens, un Juge' sévère, mais aussi un « amI ~e~ ~echeurs »
parmi les participants aux manifestàtions chrétiennes. et qu'Il est venu pour « chercher ce qUI etaIt perd~ ».
b) Quelle est donc la cause de cette dou~oureus c Enfin se présente un quatrième: « J ~ ne ~eux pas etre 1
indifférence? C'est que ces hommes sont incapables d l! chrétien, parce que les chrétiens dont Je VOIS les œuvres
se faire une image exacte de Notre-Seigneur J ésus··Christ.
LE CHRISTIANISME A-T-IL FAIT FAILLITE? 347
et à ce signal la capitale et toute l'Angleterre s'immo- pleins d'affection les uns pour les autres, vous prévenant
II· bilisèrent deux minutes. 'Les autos s'arrêtèrent, les d'honneur les uns les autres; pour ce qui est du zèle,
machines s'arrêtèrent et le tumulte de la circulation se ne soyez pas nonchalants : c'est le Seigneur que vous
changea en un silence de tombe qui prit fin sur un nou- servez. Soyez pleins de la joie que donne l'espérance,
veau coup de canon. . patients dans l'affliction, assidus à la prière ... Réjouissez-
Dans toute l'Angleterre on a tenu des réunions pour vous avec ceux qui sont dans la joie et pleurez avec ceux
la paix, et dans l'une d'el1~s furent prononcées les qui pleurent. :.. S'il est possible, autant qu'il dépend
paroles suivantes: '( Si le monde en 1919 avait suivi les de vous, soyez en paix avec tous les hommes.'.. Que
enseignements du Christ, aujourd'hui chacun serait riche chacun soit soumis aux autorités supérieures. Il n'y a
et ' heureux ». ., point, d'autorité qui ne vienne de Dieu; mais celles qui
Il vaut la peine de réfléchir sur ces paroles. D'y existent ont été instituées par Lui ... Ne soyez en dette
réfléchir et de les amplifier. Car ce n'est pas seulement avec personne,' si ce n'est de l'amour mutuel, car celui
Symb. d. Ap. - T. II 23
354 . LE SYMBOLE DES APôTRES . LE CHRlST1ANISME A-T-IL FAIT FAILLITE? 355
qui aime son prochain a accompli la loi ... Marchons Vous croyez donc en Dieu? demanda l'hôtelier.
. , ? '
honnêtement; ne nous laissons pas aller aux excès de la Naturellement. Et vous aUSSI, n est-ce pas.
table et du vin, à la luxure et à l'impudicité, aux •Nbn, monsieur, moi pas.
querelles et auxjalol sie~', m?Ïs revêtez-vous.du S"; ,!?-c1lr Alçrs? Alors donnez··moi donc une quittance. .
Jésus-Christ» (ROll ains XII et XIII). Et il avait raison. Car sans le Christ, sans la fOl en
Où en sommes-nous sur ce point? Dieu, on ,ne peut avoir de certitude véritable ni de
Mais alors ne disons pas que le christianisme a fait confiance ~ssurée, par suite il n'y a pas d'existence
faillite . vraiment humaine possible:
b) l ,a liberté a toujours été un idéal cher à l'humanité: Strindbelg aussi qui avait expérimenté en lui-mê~n~
1
pour le réaliser il a été versé, au cours de l'histoire, la barbarie de la confusion morale moderne fut oblIge
finale~ent de reconnaître: « Il m'est arrivé comme au
tant de sang, qu'il existe à peine un idéal qui en ait
exigé davantage. Mais la seule liberté qui en soit marin qui se confie à la mer, pour d{couvrir une nou- I
digne et qui soit digne de l'homme est celle qui est velle terre, et chaque fois que je croyais avoir ~c co~r;~~t
enracinée dans le respect et l'observation des lois une île inconnue, en la regardant de plus pres, c etaIt
inscrites dans notre nature ainsi que des lois révélées. toujours notre vieille Bible »).
Autrement il n'y a pas de liberté individuelle ou sociale B) Qu'est-ce que le Christ peut dire aux hommes
imaginable. d'aujourd'hui? telle est la question posée par beaucoup.
Est-il donc étonnant si la liberté effrénée du monde Rien, erltend-on souvent comme réponse. Il n'y a q~le
actuel a pour suite la ruine de la liberté individuelle et la machine, le chemin de fer, l'auto, le sous-mann
sociale? Si le navire n'obéit pas au pilote, alors il pour pouvoir encore parler à l'homme d'aujourd'hui.
obéit à la tempête. Mais c'est ainsi qu 'il fait naufrage. - mais le Christ?
Dans l'abbaye de Pannonhalma, un dessin représente a) Pourtant comme il n'en est pas ainsi 1 Pourtant,
.:
J- un tonneau dont les cercles ont été enlevés et au-dessous eomme l'homme d'aujourd'hui souhaite ardemment , par
\
on peut lire cette inscription : « Libertate periit », « il a delà la science, qttelque chose d'el/core plus haut! 1
pé·ri par la liberté )). Cela s'applique à "l'individu, à la Il Y a quelques années parut un livre d'un auteur
,
famille, au pays et à la société: sans le Christ la' société italien. Cet écrivain s'appelle Papini. Lui-même pendant
tout entière se' désagrège, se décompose et fait explosion. des années avait cherché sur les routes de l'athi isme
Le sénateur français Renaud avait loué pour un mois le plus amer,et de, la haine du Ch.rist l'h~rmoni.e de
un appartement dans un hôtel parisien et versé cent cin- la vie. Et lorsqu'après tous ces ,essaIS, un Vide aff~eux
quante francs à l'avance. L'hôtelier lui demanda s'il resta ouvert dans son âme, il se ·retira pendant qumze
I ~'
. ,
devait lui donner une quittance . mois dans la solitude, et là il trouva le Christ jusqu'alors
renié et avec le ·Christ l'équilibre de l'âme. Et c'est là
·
), Ce n'est pas nécessaire, répondit le sénateur. C'est
"
assez que Dieu nous voit. qu'il ~crivit son livre Storia di Christo.
1
356 LE SYMBOJ.E DES APÔTRES LE CHRISTIANISME A-T-IL FAIT FAILLITE? ' 357
01" que voyons-nous? Il n'y a pas de roman sensa- jetterai le filet» (S, Luc V, 5). Et ils prirent une énorme
tionnel qui ait trouvé sur le marché mondial une quantité de poissons.
, ', vente pareille à celle du livre de cet écrivain converti Mes frères, ne sentez-vous pas comme l'humanité
au Christ. Ce geste était une sorte d'explosion instinctive actuelle aussi travaille avec désespoir dans la nuit
de l'humanité aux prises avec une détresse indicible, sombre? Comme !es muscles se crispent, comme la
qui, comme ,le noyé après un fétu de paille, se cram- sueur coule, comme les sirènes des usines , sifflent,
ponnait au Christ, 'comme à son unique, ultime et mme les avions sillonnent les airs, comme les dynamos
suprêm~ secours. En effet savez-vous comment le fleuve ' èhantent et pourtant, pourtant ... où est le résultat de
de vie religieuse qui sort du Christ et revient au Christ nos travaux? « Seigneur nous avons travaillé toute la
régularise la vie humaine? Comme le Gulfstream nuit, mais sans Vous; et sans Vous nous ne sommes
régularise la température des rivages devant lesquels il arrivés à rien ».
coule. Celui dont l'âme n'est ni pénétrée ni ' régu- Sans le Christ, nous avons voulu rendre notre cœur
:" larisée par la vie chrétienne ou bien se consumera heureux, car nous ne savions pas quelle chose étrange
'.,
,1
:, , dans les hauts-fourneaux d'une sensualité effrénée est le cœur humain. Comme ses désirs sont mesquins et
"
ou bien périra de froid au pôle nord des vains immenses! Si vous lui jetez une bagatelle, il s'en
1
raisonnements. rassasiera; mais si vous lui donnez le monde
b) N'est-il pas vrai, mes frères, qu'une bonne ména- entier, il ne lui suffira pas. Nous voyons donc que le
gère, quand elle va faire ses achats, s'efforce d'acheter cœur humain n'est apaisé par rien sinon par le Christ.
les marchandises des marques les meilleures et les Voici le Christ devant moi comme un haut sommet
plus connues. Eh bien! nous avons vu que la Sèule couvert de neige et Il m'attire, m'appelle, me fortifie.
marque qui mérite conjiance dans les questions relatives C'est par Lui que je deviens un homme. Et tant que
au monde et à la vie, c'est la sainte croix du Christ. Il faut l'homme vivra sur la terre, il aura toujours besoin du
des aliments et il faut de l'argent pour vivre, mais ni Christ, parce qu'il faut toujours un bras robuste pour
le retirer de l'abîme, il faut un cœur miséricordieux
.
un estomac plein n~ une bourse bien garnie ne sont la
solution du problème de l'existence. pour effacer ses péchés.'
Il est écrit dans l'évangile de saint Luc que les .. •
apôtres allèrent pêcher toute une nuit, mais Notre-
Seigneur n'était pas avec eux. Et c'est en vain qu'ils Telle est la foi ferme, vivante et vivifiante en Notre-
firent tous leurs efforts, en vain qu'ils jetèrent à maintes Seigneur Jésus-Christ. Il n'y a là ni sentimentalité fémi-
reprises le filet; leur travail fut infructueux. A l'aube nine ni sentimentalisme vague et nébuleux ni lâcheté
le Seigrleur apparut et dit à Pierre de repartir pêcher: craignant et fuyant le monde, mais une force qui
« :Maître, répondit saint Pierre, toute la nuit nous avons triomphe du monde, un esprit de sacrifice qui triomphe
travaillé sans rien prendre; mais, sur votre parole, je du péché et un ébn qui donne...s!~ 1:1 joie à la vie. Car
1
\;
\J.,
,l'
LE SYMliOLE DES APÔTRES
J.'
, .,
"