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La prise de la Bastille.
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LA

PRISE DE‘ LA BASTILLE

Ceux qui ont étudié Phistoire.de 89 dans la légende


révolutionnaire ne connaissent pas mieux lavérité surles
événements de cette époque que les lecteurs du Réveil
ou du Mot d’0rdre ne la connaissent sur les faits et
gestes de la Commune en 1871.
En effet, j’ouvre la légende au chapitre : Prise de la
Bastille. Je vois 'd’un côté un peuple transporté d’amour
pour la liberté, de Pautre une royauté et une aristocratie
épouvantées du triomphe des idées nouvelles et faisant ‘les
derniers efforts pour les eqmbattre- Louis XVI renvoie
Necker, le ministre aimé du peuple ; des hordes sauva
ges menacent Pindépendance de PAssemblée nationale
et celle de Paris. La grande et sainte cause de la liberté
va-t-elle périr? Non; le,peuple de Paris est là. Malgré
les baïonnettes qui Pentourent et Pécrasent, malgré la
‘ fureur des aristocrates qui préparent la ruine de la capi- '
tale et qui poussent la barbarie jusqu’à assassiner sur les
places et les promenades publiques des citoyens inoffensifs,
la grande ville se soulève. Elle n'a pas d’armes, elle n’a
2 LA musa m: LA BASTILLE
pas de chefs, mais elle a du cœur. Les armes sortent du
sein des ténèbres, les chefs des rangs de la foule frémis
sante; bientôt, sous les murs de la vieille forteresse,
emblème c't soutien du despotisme, le canon de la liberté
tonne contre celui de la tyrannie. Vainement la mitraille
décime, les défenseurs du peuple; vainement les assié
gés, appelant la perfidie à leur secours, arborent le
drapeau parlementaire pour mieux massacrer les fils de
la nation ; pour un héros qui tombe, vingt autres s’él.an
cent; ni les hautes tours, ni la mitraille, ni la trahison
ifarrétent les glorieux enfants de Paris; à travers les
flammes et les balles, ils s’élancent, la Bastille est prise,
et le génie de la liberté plane sur le cadavre de la
tyrannie- .
Voilà la légende; voyons maintenant Phistoire.

PRÉLU DES DE UINSURRECTION.

Aussitôt que les États généraux eurent détruit la


souveraineté royale, Paris, la vieille cité de la Fronde
et de la Ligue, d’Étienne Marcel et de Jean de Bour
gogne, aspira à devenir la reine de la Révolution; rien
ne lui manquait pour jouer ce rôle et réaliser ce
rêve. Un peuple aigri par la misfàe et soulevé par
les excès d’une presse violente , une bourgeoisie
éprouvée par la crise financière et dévorée du besoin
(Pégalité, une autorité compromise par ses faibles
ses bien plus que par ses rigueurs, tout annonçait
Pimminence et présageait le succès d'une insurrection.
Elle avait déjà son administration : les assemblées élec
torales, avant même la fin deleurs opérations, s’étaientpro
LA PRISE DE LA BASTILLE 3

rogées afin de « correspondre aveclles députés de la ville


de Paris aux États généraux » (Procès-verbal des élec
teurs),et constituaient ainsi une ‘véritable Commune. Son
armée se préparait au Palais-Royal, lieu de promenade et
de plaisir, appa1'tenant\a\l’idole populaire du moment, au
duc d’0rléans. Oétaitlà, sous ces arbres et ces arcades,
autour des cafés et des lieux de débauches qu’une foule
enflammée par Pardeur des nouveautés violentes, exci
tée par des corruptions mystérieuses, préludait bruyam
ment chaque jour aux futures et prochaines scènes de
la Révolution. Les nouvelles de Versailles arrivaient au
Palais-Royal d’heure en heure, exagérées, dénaturées
par la passion, et le flot démagogique montait avec une
rapidité foudroyante sans que Pautorité, le surveillant
d’un œil inquiet, eût Pintelligence de le détourner ou
Pénergie de le combattre.
Dans les rassemblements figuraient toujours bon nom
bre de soldats et surtout de gardes-françaises. Ces jeu
nes hommes se laissaient entraîner bien volontiers par
un mouvement dont ils ne comprenaient ni le sens ni la
portée, mais qui promettait le bonheur à leur pays et
qui, .cn attendant, leur procuraità eux-mêmes le plai
sir sous toutes ses formes. Ils couraient aux réunions
du Palais-Royal comme à des fêtes, applaudissaient,
le verre en main, aux discours révolutionnaires, et,
quand on leur demandait s’ils tireraicnt Pépée contre
leurs frères, répondaient en criant : ct Vive la liberté l n
Ces incartades, graves au point de vue de la discipline,
et de plus en plus fréquentes malgré tous lesordres
et toutes les précautions possibles, obligèrent enfin
les chefs militaires à un acte de sévérité. Un jour (le
30 juin), on apprit au Palais-Royal que plusieurs gar
des-françaises venaient d’étre incarcérés à PAbbaye.
Grande émotion dans la foule. On dit qu’ils n’ont été em

assuma
4 LA PRISE DE LA BASTILLE

prisonnés que pour avoir refusé de tirer sur le peuple,


que de PAbbaye on va les transférer à Bicétre, « lieu
destiné à de vils scélérats et non à de braves gens
comme eux. » (Moniteur réimpression, t. I, p. 122.)
« A Fabbaye ! » crie le rassemblement qui s’ébranle, se
porte à la prison dont il ouvre les portes sans peine
vuv>—‘
et promène en triomphe dans Paris les soldats rebelles.
Uémeute en elle-même n’avait pas de gravité; personne
n’avait été tué ni blessé; mais les conséquences en
étaient fort graves; il s’agissait, en face d’une insur
rection imminente, de savoir si on allait conserver ou
détruire la discipline militaire. '
La question fut soulevée le lendemain matin à PAs
semblée nationale par Parrivéc d’une députation venant
« solliciter FAssemblée d’interposer sa médiation auprès
du roi pour en obtenir la grâce de quelques soldats aux
gardes-françaises; qui, pour un fait dïnsubordination,
avaient été mis en prison, et que la multitude » avait
« délivrés par la violence. » Plusieurs membres (Cler
mont-Tonnerre, Crillon, Fréteau, évêque de Langres,
Meunier, etc.), opinèrent que, les émeutes étant essen
tiellement du ressort du pouvoir exécutif, PAssemblée
législative ne devait et ne pouvait en aucune façon em
piéter sur ses attributions, qu’il fallait même se défier
du piége 'qu’on tendait à FAssemblée en Pengageant à
se mêler d’une affaire si évidemment étrangère à sa
mission et à ses pouvoirs; d’autres (Mirabeau, Target,
Camus, Desmeuniez, ete.), cherchèrent « àintéresser
PAssemblée sur le sort de ces malheureuses victimes d’un
zèle égaré. » Chapelier représenta le danger « de témoi
gner une insensibilité cruelle pour ceux qui, dans toute
autre circonstance, seraient coupables, mais qui aujour
d’hui » n’étaient réellement « que trop excusables. » —
En effet, « ajouta-t-il, quelle est Porigine des révoltes
LÀ musa DE LA BASTILLE 5
qui éclatent dans Paris ? C’est la séance royale ; c’est le
coup d’autorité porté aux États généraux; c’est cette
espèce de violation, cette usurpation de Pautorité exé
cutrice sur Pautorité législative, effets funestes, mais
toujours inévitables, lorsque Pune de ces deux autorités
Peinporte sur Pautre. » Et PAssemblée d’applaudir. Après
une longue délibération, elle déclara qu’elle gémissait
des troubles de la capitale, qu’elle conjurait le peuple
de rentrer dans Perdre, que,le roi, comme chef du pou
voir exécutif, avait seul le droit de connaître de cette
affaire, mais qu’elle allait, par « une députation solen
nelle,... invoquer‘ sa clémence en faveur des personnes
qui pourraient être coupables. » (Moniteur, t. I, p. 111
à 141.) '
Il était difiicile d'intervenir plus directement en faveur
des rebelles. Louis XVI eut la faiblesse d’accorder leur
grâce; la discipline fut détruite, non-seulement dans le
régiment des gardes-françaises, mais encore dans toutes
les troupes résidant à Paris; et le peuple, sûr de Pappui
de l’Assemblée, sentit grandir ses forces et doubler son
audace.
Cependant le gouvernement, ne pouvant plus compter
sur la garnison de Paris et n’osant demeurer compléte
ment désarmé en face d’une insurrection imminente,
avait donné Pordre à quelques régiments de se concen
trer dans Paris et Versailles. La capitale s’émut de ce
déploiement de forces, et dans PAssemblée, toujours
poursuivie par la crainte de Pautorité royale et par la
terreur d’un coup d’Ètat, Mirabeau aborda {a question,
le 8 juillet, avec son éloquence et sa passion accoutu
mées, il conclut en proposant de demander au roi Péloi
gnement des troupes et leur remplacement par des gar
des bourgeoises. L’Assemblée le couvrit Œapplaudisse
sements, et sa motion passa à Punanimité moins quatre
6 LA PRISE na LA BASTILLE
voix. Lelendemain, il soumit à PAssemblée un projet
d’adresse qu’une députation porta immédiatement au
roi. Celui-ci répondit, par Pintermédiaire de son garde
des sceaux, que « les désordres et les scènes scanda
leuses » qui s'étaient passées à Paris et à Versailles, lui
faisant un « devoir de veiller à la sûreté publique, » il ne
pouvait renvoyer les troupes, mais qu’elles rÿétaient
destinées qu’ « à maintenir le bon ordre et l'exercice
des lois, à assurer et protéger même la liberté » des États
généraux; que cependant, si, malgré les assurances les
plus formelles de sa part, « la présence nécessaire des
troupes dans les environs de Paris causait encore de Pom
brage, » il se porterait, « sur la demande des États gé
néraux, à les transférer à Noyon ou à. Soissons » en se
rendant lui-même « à Compiègne, pour maintenir la
communication » indispensable entre PAssemblée et lui.
Un murmure général accueillit cette communication.
L’assemblée passa àl’ordre du jour, en attendant la ré
ponse que les événements devaient donner au message
royal. En effet, depuis ces quelques jours, ‘la position
s'était encore aggravée.
De tous côtés éclataient à la fois les cris contre 1’ar
mée et les actes dïusubordination militaire. Pendant que
lgsréïqlpjignnaires dépeignaient en termçâdramatnzÿues
la conduite des hbrrïeflïêfrangères 'et ‘les ‘atrocités com
ÎÛÎÏÏSËË-flîÿäîflciäs '.fôrcenéä', courant, , çà et; là comme des
fufi.eurgg, signalant leur passage par des assassinats, des
massacres qui jetaient Peffroi dans tous les cœurs, le
lien de la Iscipline se relâchait de jour en jour, presque
d’heure en heure, et les ofiiciers des régiments en gar
nison à Paris perdaient tout espoir de conserver leurs
hommes autour du drapeau. Le 10 juillet au soir, par les
soins des chefs des mouvements, un repas eut lieu aux
Champs-Elysées dans lequel grand nombre d’hommes
LA PRISE DE LA BASTILLE 7

appartenant à la plupart des corps militaires fraternisè


rent ostensiblement avec les révolutionnaires.
Il n’y avait plus une heure à perdre. C’était un de ces
cas où le gouvernement doit, sous peine le mort, pren
dre un parti immédiat et énergique : ou comprimer le
mouvement populaire par une action vigoureuse et
instantanée, ou mettre complétement Fépée au fourreau
et porter soi-même sa tête àPennemi. Louis XVI ne fit
ni l’un ni Pautre. Toujours poussé en sens divers par
ses propres sentiments et par Pimpulsion de son en
tourage, trop bon pour engager une guerre civile, et
trop faible pour dominer une révolution colossale et
foudroyante, ne trouvant aucun appui ni dans l’Assem
blée qui le calomniait et Pattaquait chaque jour, ni dans
sa famille qui blâmait et détestait tous ses actes, il se
suicida en prenant un moyen terme, dest-à-dire en
évitant toutes mesures rigoureuses contre PAssemblée
ou contre Paris, mais en les exaspérant par le renvoi de
M. Necker.
Le l1 juillet au soir, Necker et trois de ses collè
gues, MM. de la Luzerne, de Saint-Priest et de Mont
morin, reçurent l'ordre de quitter le ministère.
. L’émotion fut sans bornes. L’Assemblée déclara que
Necker et ses collègues emportaient « son estime et ses
regrets. » A Paris, « dès qu’on sut... le départ du mi
nistre chéri, la consternation fut générale ; le peuple
désespéré, cherchant un terme à ses‘ maux, incendia
plusieurs barrières, se porta. en divers lieux, forma des
projets incertains, tandis que les citoyens, dans un morne
silence, en se consultant, laissaient échapper des lar
mes. » (Révolutions de Paris, n° 1.)
On vit alors pour la première fois apparaître le récit
de ces complots inventés par lamalveillance ou la peur
qui devaient jouer un si grand rôle dans Phistoire de
8 . ' LA PRISE DE LA BASTILLE

notre Révolution. Le flloniteur nous raconte gravement


que pendant que PAssemblée nationale paraissait s’aban
donner avec une sorte de sécurité aux sentiments d’a
mour et de colflancu que les Français sont si portés à
accorder à leur roi, ce prince, jouet d’une infâme cabale,
était près, sans le savoir, de couvrir de son nom une
des plus odieuses conjurations que Phistoire ait trans
misesà la mémoire des hommes. -— a Cinquante mille
hommes, cent pièces de canon, et six princes dirigeant
leurs coups allaient renverser sur ses ministres le sanc
tuaire de la liberté et bouleverser PEmpire français de
fond en comble. —— L’Assemblée nationale devait ‘être
dispersée, ses arrêtés déclarés séditieux, ses membres
proscrits, le Palais-Royal et les maisons des patriotes
livrés au pillage, les électeurs et les députés aux bour
reaux. n» Après cet exorde insensé, le narrateur révolu
tionnaire précisait les circonstances dans lesquelles de
vait s'effectuer l.e complot. Il indiquait Pheure où Paris
serait envahi (la nuit du 14 au 15), le détail des opéra
tions militaires, le poste de chaque régiment, le signal
auquel Lambesc lancerait ses hordes sur la capitale,
Pendroit où se dresseraient les pièces de canon desti
nées, en cas de résistance, a foudroyer la capitale. (M0
niteur, t. I, p. 169.)
Ce que de pareils bruits peuvent prqduire dans une
multitude soulevée, il faut avoir vu des révolutions pour
s’en rendre compte; /leur premier résultat en 89 fut
Pémeute des 12, 13 et 14 juillet.

II

JOURNÉES DES 12 ET 13 JUILLET.

Le détail des événements acquiert ici trop d'impor


LA PRISE DE LA BASTILLE 9

tance pour que nous ne le‘ suivions pas d’heure en


heure.
Depuis la veille au soir, Pagitation grandissait dans
Paris. Les barrières de la Chaussée-ŒAntin avaient été
incendiées sous les yeux d’un poste de gardes-fran
çaises immobiles. La foule ‘réunie au Palais—Royal, le
dimanche, 12 juillet, était plus nombreuse et plus ar
dente que jamais, lorsqu’au milieu (Pelle, à midi,
tomba comme un coup de foudre la nouvelle du départ
de Necker. A peine cette nouvelle avait-elle circulé
dans tous les rangs, qu'un jeune. homme, déjà con
nu par ses écrits violents et ses relations avec les
députés révolutionnaires, Camille Desmoulins, sklança
sur une table, se fit une cocarde d’une feuille d’arbre
et cria : « Aux armes! » A Pinstant, un mouvement
électrique soulève la masse entiére; le cri : « Aux ar
mes! » retentit°d’un bout du Palais-Royal à Pautre;
la foule se précipite chez un marchand de figures de
cire appelé Curtius, y prend les bustes de Necker et du
due d’0rléans, les couvre d’un crêpe, les porte en triom
phe, envahit les rues de Richelieu, puis les boulevards,
puis la ville entière, se grossit sur son passage des
désœuvrés, des curieux, des exaltés, ferme les spectacles,
pille les boutiques d’armuriers, incendie les barrières
et, après plusieurs heures de cris, de désordres, de
violences, revient enfin, au déclin du jour, s’abattre tu
multueusement sur le quartier des ÎFuileries et .du Pa
lais-Royal.
Les quelques troupes fidèles disséminées dans Paris,
attendant des ordres et n’en recevant point, laissaient
passer Forage et se repliaient sans combat devant
Pémeute. A la placeVendôme, cependant, un détachement
de dragons arrêta dans sa marche une bande dïnsurgés
et brisa Pun des bustes servant de drapeau à la manifes
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10 LA rmsn in: LA BASTILLE


tation‘. Vers le soir, les troupes se réuniront sur la place
Louis XV où hl. de Bezenval, commandant militaire de
la ville de Paris, avait son quartier-général.
Le jardin des Tuileries était alors rempli d’une foule
compacte et hostile qui débordait déjà sur la place et
menaçait d’envahir les Champs-Élyscäes. Bezenval, dési
rant arrêter ce mouvement, donna Pordre au colonel
du régiment de Royal-Allemand, M. de Lambesc, d'en
trer avec un détachement dans le jardin et de disperser
‘ la foule, sans faire usage des armes. M. de Lambesc
prit quelques hommes avec lui, marcha vers le jardin et
y pénétra avec une telle lenteur, qwapercevant. une
femme culbutée avec son enfant, il fit faire halte pour
lui donner le temps de se relever, et que les officiers‘
qui Paccompagnaient mirent le chapeau à la main pour
annoncer au peuple Pordre qu’ils venaient de recevoir
et Pengager à se retirer. ' ' '
Cette attitude inoffensive, bien loin de calmer la foule,
Pencourage. Les cavaliers à peine entrés dans le jardin
sont arrêtés par des barricades improvisées, assaillis de
pierres et même de bancs et de chaises que les specta
teurs placés sur les terrasses latérales et par consé
'quent hors de toute zatteinte, font pleuvoir sur eux‘. Une
décharge à poudre irrite la populace sans Peffrayer.
Déjà quelques hommes atteints de coups de pierre,
murmurent et hésitent; il faut charger la foule ou recu
‘ler : le colonel donne Pordre de la retraite. Aussitôt la
foule triomphante se précipite, et quelques émeutiers,
plus hardis et plus avisés que les autres, courent à la
grille du Pont-Tournant pour fermer la retraite aux sol- '
dats. Lambesc, voyant ce mouvement et comprenant
Pimminence du danger, fond au galop sur le groupe
du Pont-Tournant, frappe un insurgé de son sabre, met
les autres en fuite et regagne avecses hommes la place
LA musa m: LA BASTILLE l1
Louis XV. Le lendemain, les journaux révolutionnaires
éclataient en malédictions contre la barbarie des troupes
royales, contre Pinfamie du prince de Lambesc lançant
dans les Tuileries ses hordes sauvages, foulant aux pieds
de son cheval des femmes et desenfants, ordonnantdes
décharges de mousqueterie contre le peuple, et tuant
de sa main un malheureux qui se jettait à genoux: devant
lui pour demander grâce. (Révolutions de Paris; —
Hist. de la Révol. -— Cousin Jacques, etc., etc.)
Nous avons vu ce qui s’était passé. Quant aux preu- .
ves, les voici : le blessé se nommait Chauvel; il ne fut
pas tué, car il déposa au procès du prince de Lambesc.
Sa blessure n’était pas grave, car le médecin (M. Pierre,
Antoine Vaillant), qui le pansa à la porte du manége, ne
lui conseilla pas autre chose que Papplication d’une
compresse d’eau-de-vie. Elle ne Pincommoda pas outre
mesure, car il passa une partie de cette même soirée
au Palais-Royal, où M. de Châteauneuf, témoin dans le
procès du prince, le vit assis à la porte du café du
Caveau et buvant la liqueur que de zélés patriotes ne
manquaient pas de lui offrir. Voilà le fait dont la passion
s’est servie, et dont elle se sert encore pour convaincre
de cruauté les troupes de Louis XVI. Pendant ce temps
là, trois soldats du même régiment étaient assassinés sur
le boulevard par les émeutiers ; de ceux-là, on n’en parlait
pas. Les coupables, ce n'étaient pas les insurgés tuant
des soldats qui ne, les attaquaient pas, c’était un colonel
qui, pour empêcher des hommes d’ètre écrasés dans les
Tuileries, avait empêché Pémeute de fermer la grille
derrière lui. La logique révolutionnaire, on le voit, n’a
pas changé le 12 juillet 1789.
Après Féchauflburée des Tuileries, le général de Be
zenval concentra ses troupes hors de Paris et laissa la
ville entière au pouvoir des insurgés,
l2 LA PRISE DE LA BASTILLE
«' La nuit qui succéda à cette journée fut encore plus
agitée; elle vit les premières patrouilles bourgeoises. On
éclaira la ville en illuminant les croisées; des détachements
de soldats du Guet, de gardes-françaises et de citoyens
armés se croisaient dans les rues; de temps en temps
on‘ entendait des coups de fusil, on poussait des cris
d’alarme ; par intervalle, on entendait le bruit du tocsin ;
enfin Pincendie des barrières continuait. » (BUCHEZ ct
ROUX, Histoire Parlementaire, t. I, p. 83.)
Que faisaient cependant le roi et PAssemblée‘? L’un
assistait immobile à sa propre ruine ; Pautre la précipitait
de toutes ses forces. « Le despotisme, disait, aux applau
dissements de tous ses collégues, M. de Gouy-d‘Arcy, le
despotisme rassemble autour de nous des troupes étran
gères, comme s’il méditait contre la patrie quelque coup
dont les troupes nationales ne voudraient pas se rendre
les complices.‘ Hier, messieurs, j’ai entendu le canon
tonner; fai vu le sang couler, des cadavres couvrir les
plaines Au milieu des conseils pervers qui assiégent
le trône, que peut-on attendre d’un ministère nouveau
dont Pinexpéricnce ne pourra qwaugmenter encore les
troubles de la patrie? » (Séance du 13 juillet.)
Ces canons tonnant, ces plaines couvertes de cadavres,
ces ruisseaux de sang, nous savons ce qu’il en faut
croire; mais le point importante‘: constater, c'est que
PAssemblée nationale faisait cause commune avec la
Révolution, pensait, parlait et agissait comme elle. Paris,
sûr de cet appui, sûr aussi de Pinaction royale, se jeta
en avant avec une audace qui en réalité ne Fexposait
à rien.
La journée du lundi 13 fut remplie tout entière par
une série d’actes violents et bizarres tels qu’en a tou
jours produit et en produira toujours le réveil de la
licence et la folie“ des multitudes ‘soulevées. La populace
n 1
._.-——w-— w——-—-‘a_v..—.—-—-—r‘— ‘ ‘>v

LA muse na LA BASTILLE ‘ 13
pilla la maison des Lazaristes et pendit un voleurà la
porte; elle élargit les prisonniers de Sainte-Pélagie et
tira des coups de fusil sur ceux du Châtelet. Le Palais
Bourbon, Phôtel de Breteuil faillirent être brûlés; le
garde-meuble fut en partie saccagé. Des barricades obs
truaient les rues ; le trouble, Panxiété, remplissaient la
ville ; Pépouvante ou l'exaltation bouleversaient tous les
cœurs. ‘
A PHÔteI-de-Ville, l'assemblée des Électeurs se décla- .
rait ‘en permanence, réglementait Pémeute par des arrê
tés précipités, des ordres incessants, et décrétait tout
d'abord l'organisation d’une milice de 48,000 hommes,
portant la cocarde bleue et rouge, et placés sous les
ordres de chefs dépendant uniquement de la municipa
lité. M. de La Salle était nommé commandant en chef,
M. de Saudray commandant en second, MM. d’Ermigny
ct de La Caussidière majors généraux. Tous prêtaient le
serment « de n’employer les forces qui leur étaient con
fiées sans les ordres de la municipalité que pour la
défense de .la Commune et la conservation de la liberté
publique. » (Procès-«verbal des Électeurs.)
En tête de Parmée de Pinsurrection figurait le régi
ment des gardes-françaises, troupe régulière de trois mille
hommes, ayant embrassé par entraînement la cause
révolutionnaire, mais n’abdiquant pas pour cela tout
sentiment d'honneur. Elle en donna la preuve le jour
même en arrachant son colonel aux fureurs de la
populace. Au moment où un rassemblement envahissait
le dépôt d'armes du régiment, « le peuple qui n'aimait
pas le colonel n duc du Châtelet « voulut s'emparer de
lui. Un grenadier se jeta entre la foule et M. du Châte
et; il adressa au peuple ces belles paroles : « Mes amis,
je ne souffrirai pas qu’il soit fait aucun mal à notre colo
nel. » -— M. du Châtelct, touché de cette générosité
14 LA muse un LA BASTILLE
voulut savoir le nom de ce brave homme; le grenadier
répondit: « Tous mes camarades, Monsieur le duc, s’ap
pellent comme moi. » —- Ce ne fut pas le seul danger que
courut dans cette journée M. du Châtelet. Sorti du dépôt,
il entra dans le bac du Gros-Caillou pour se rendre à
Versailles; il fut reconnu sur le bateau, on se saisit de
lui et on se mit en devoir de le précipiter au fond de la
rivière. Heureusement il se trouva encore là deux soldats
de son corps qui 1e protégèrent contre toute violence...
Ainsi, en très-peu de temps, les hommes de son régi
ment lui sauvèrent deux fois la vie. u '
. M. de Rullières, commandant du Guet de Paris, —
petite troupe de 100 hommes à pied et 39 à cheval -— se
présenta à PHôtel-de-Ville « pour déclarer, au nom de sa
troupe, qu'elle était disposée à tout faire, sous les ordres
de PAssemblée, pour la défense de la ville et la sûreté
des citoyens. » Vinrent ensuite quelques anciens sol
dats, bbn nombre de déserteurs, puis la grande masse
de toute armée révolutionnaire, des enthousiastes con
vaincus que Pinsurrection est le plus saint des devoirs,
des indifibrents obéissant sans réflexion à Pimpulsion
du moment, des amis du désordre pour le désordre lui
méme, ouvriers sans travail, débauchés sans avenir,
bandits anonymes cherchant dans Pagitation publique
le moyen d’assouvii‘ des passions honteuses etde com
mettre des crimes impunis. ,
Cette armée nouvelle demandait _à grands cris des
munitions et des armes. Les munitions, on en avait,
parce qu’un bateau, découvert le long des quais en des
tination’ de Rouen, contenait plusieurs milliers de pou
dre de guerre; mais les fusils manquaient; de toutes
parts on accourait à PHôtel-de-Ville pour en réclamer et
leprévôt des marchands, Pinfortuné M. de Flesselles,
auquel cette imprudence devait coûter la vie, ne pou
LA PRISE DE LA BASTILLE l5

vant ou ne voulant pas en donner à tous, promettait


plus qu’il ne tenait et se débarrassait quelquefois des
solliciteurs trop importuns en les envoyant chercher des
fusils là où il n’y en avait pas. « Le comité, nous dit le
Procès-verbal des Électeurs, avait remis aux députés de
plusieurs districts, notæflnment de ceux des Mathurins,
de Saint-Eustache et de la Bazoche, des ordres pour
prendre des fusils aux Chartreux. » On courut au cou
vent des Chartreux, on n’y trouva point de fusils;
« ceux qu’on avait envoyés à Farsenal y prendre des
cartouches n'avaient pas trouvé une seule cartouche à
Farsenal- » A PHotel-de-Ville même on ouvrit deseaisses '
soi-disant pleines de fusils et ne contenant que de vieux
linges. .
Au milieu de ce cahos, de ce tumulte, de ce branle-bas
universel, la journée du 13 s’acheva, la nuit lui succéda
bruyante et inquiète; bientôt le soleil du 14 juillet se
leva sur la France.

. III

PRISE DE LA BASTILLE\

Dès la pointe du jour, quelqu'un eut Pidée .d’aller


chercher des armes aux Invalides. On savait que le dépôt
de Phôtel n'en contenait pas moins de 25 ou 30,000; on
nïgnorait pas que la plupart des invalides, hôtes habituels
des cabarets et des lieux de débauche de leur quartier,
étaient acquis d’avance Ëvla cause populaire. Aussitôt un
rassemblement, formé de gardes-françaises, de clercs
de la Bazoche, et, à leur suite, d’un ramassis dînsurgés,
sous les ordres de M. Ethys de Corny, procureur du roi
de la ville de Paris, se dirige vers les Invalides-
Le gouverneur, M. de Sombreuil, à peine prévenu de
16 LA PRISE m: LA BASTILLE
Papparition de cette foule aux dispositions inquiétantes,
fait fermer les grilles de Phôtel, et s’avance pour parler
aux chefs du rassemblement; mais pendant que M. de
Corny et quelques autres lui exposent le but de leurs
démarches, les invalides apportent des échelles, jettent
des planches à travers les fossés, ouvrent même les
grilles; en un instant Phôtel est envahi, le dépôt pillé, et
30,000 fusils deviennent la proie de Pémeute triom
phante. Rien alors ne manque plus aux insurgés. 0r
ganisés, armés, ils peuvent faire ce qui leur plaît. Le
siége de la Bastille va commencer.
Depuis le dimanche 12 juillet, des attroupements
‘nombreux stationnaient sur la place de la Bastille, et
dans la nuit du 13 au 1h, quelques coups de fusil, de
' meurés sans réponse, avaient été dirigés contre les
soldats placés en observation sur les plate formes des
tours. A neuf heures environ, « sur la nouvelle... que la
direction des canons de la Bastille menaçait la capitale,
et que les citoyens furieux se préparaient à commencer
le siége de cette forteresse » (Procès-verbal des Élec
teurs), le district le plus voisin, celui de Saint-Louis
de la Culture, envoya une députation composée de trois
membres : de MM. Thuriot de la Rozière, Bourlier et
Toulouse, pour engager le gouverneur « à faire retirer‘
ses canons et àsc rendre. x De son côté, la Commune y
dépécha, à peu près en même temps et avec des ordres
analogues, trois délégués : MM. Bellon, Billefod et
Chaton. Ces deux députations se présentèrent aux por
tes de la Bastille vers dix heures (Déclaration des assié
gés, Bastille dévoilée, p- 86). « Introduits... sans diflî
culté, » et « reçus avec une grande politesse » par M.
de Launay, qui leur « fit servir à déjeuner, but et man
gea avec eux (Rapport Billefod et Chaton), » les en
voyés du district et de la Commune purent vérifier les
‘ LA musa DE LA BASTILLE 17
moyens de défense et les dispositions de la garnison.
M- de Launay, déjà fortement ému « par le mouvement
extérieur » et paraissant « n'être plus àlui » (Rapport Thu
riot), « avait sur les tours quinze canons, dont onze de
huit livres et quatre de quatre livres de balles. Ces pièces,
montées sur des affûts et châssis marins, ne pouvaient
avoir d’autre destination que celle de servir aux réjouis
sances. Après une première décharge, les canonniers ne
pouvaient en faire une seconde. » (Bastille dévoilée, p.
80.) Trois autres pièces de quatre se trouvaient dans
la cour; douze vieux fusils de remparts, connus sous le
nom d’amusettes du comte de Saxe, avaient ét( exhu
més d'un magasin; le gouverneur en avait fait préparer
six pour sa défense, mais il n'y en eut qu'un dont on put
se servir. (Bastille dévoilée, p. 8l.) La place‘ n’avait
presque pas de munitions et point de vivres. — La gar
nison, composée de trente-deux suisses et de quatre
vingt-devzx invalides paraissait disposée à céder. (Rapport
Thuriot.) » Au surplus, on pouvait être assuré de la pa
role donnée par le gouvernement de ne faire aucun
usage des batteries de la forteresse s'il n’y était pas
forcé pour sa défense (idem). » — « Sur la provocation
même du gouverneur, tous les officiers et soldats avaient
juré qu'ils ne feraient pas feu et qu'ils ne se serviraient
point de leurs armes, si on ne les attaquait. »
Tels étaient les moyens de résistance matériels et les
dispositions morales et défensives de la Bastille, cons
tatés par les rapports révolutionnaires eux-mémés.
Pendant que les envoyés de la Commune inspectaient
Pintérieur de la forteresse, la foule armée en envahis
sait déjà. les cours extérieures et se contenait à. peine
devant les exhortations de ses représentants se mon
trant pour la calmer aux créneaux des murailles. Lors
que ‘MM, Bellon, Billefod et Chaton sortirent de la Bas
l
18 LA PRISE m: LA BASTILLE
tille, ils ne purent « se rendre aussitôt à PHôtel-de-Ville
parce qu’ils » furent « séparés par la foule... et que l’un
d'eux, M- Bellon, » fut « longtemps maltraité et retenu
par le peuple qui s’acharnait à le prendre pour un es
pion. » (Rapport Billefod et Chaton.) ‘
Il était alors onze heures du matin.
Les deux députations revenues à PHôteI.de-Ville finis
saient à peine de rendre compte de‘ leur mission, lors
que des coups de feu retentirent du côté de la Bastille,
et « une foule prodigieuse se précipita dans la place de
Grève, criant à la perfidie, à la trahison. u Que s’était-il
donc passé? Les relations populaires (Moniteur, Révolu
tions cle.Paris,etc.), racontent qu’auss'itôt après le départ
des députés du district et de la Commune, M. de Lau
nay attira perfidement la foule inolfensive jusque dans
Pintérieui' des cours de la Bastille pour la foudroyer de
son artillerie; les récits royalistes (Ami du roi, etc.) di
sent que le gouverneur, voulant débarrasser ses cours
de la foule tumultueuse qui les encombrait, fit tirer
quelques coups de fusil à poudre pour disperser toute
cette populace. «r La vérité est » (si l'on en croit un au
tre narrateur cité par M. Dusaulx, Œuvre des sept jours,
p- 298, 299 ) « que le sieur de Launay, s‘(tant présenté
lui-même sur le petit pont-levis, demanda au peuple ce
qu'il désirait de lui : on lui répondit qu’on voulait des
armes et des munitions; et il ne refusa d"en donner sur
le-champ qu'en articulant qu’il en donnerait dès qu'il se
présenterait quelqu’unde la part de FHôtel-de-Ville; mais
. Pimpatience était extrême; on lui répondit par des coups
de fusil et Pon ne voulut rien entendre. C'est alors
' que M. de Launay fit faire deux décharges. » Aussitôt
les insurgés senfuirent en désordre. C’était là cette
foule prodigieuse envahissant la place de Grève en
(‘riant à la trahison Les cours de la Bastille se trouvè
LA musa DE LA BASTILLE 19
rent en un clin d’œil nettoyées de ‘toutes les hordes as
saillantes. Le gouverneur releva ‘le pont-levis extérieur
et attendit. ‘
Voilà le premier acte. Avant de passer au second, il\
importe d’exposer en quelques lignes la disposition des
lieux. La Bastille comprenait deux enceintes : celle du
château proprement dit, avec ses hautes murailles, ses
huit grosses tours, et sa cour intérieure fermée par un
pont-levis; celle des dépendances' de la forteresse,
avec les cours extérieures, leurs constructions pour la
plupart récentes et un: second pont-levis servant de com
munication avec la place. — Ce second pont-levis est
celui que‘ M. de Launay avait d'abord laissé ouvert à la
foule au moment de Parrivée et pendant la. visite des d(
légués de la Commune, qu'il fit relever ensuite après la
décharge dont nous venons de parler, et qui seul don
nait accès dans les cours extérieures et bâtiments de dé- '
pendances séparant la place du château.
Après un moment de terreur, la foule voyant Pimmo—
bilité et le. silence de la forteresse se rapprocha peu à peu
et ‘reprit courage. 'I‘out se taisait : pas un coup de feu
partant de la forteresse; pas un soldat apparent sur les
ouvrages extérieurs. Deux soldats des régiments Dau
phin et Royal-Commis, nommés Pun Tournay, Pautre
Aubin-Bonnenière, voulurent alors se rendre compte de
ce qui se passait; grimpant sur le toit du petit corps-de
garde contigu au pont-levis, ils pénétrèrentdans la pre
mière enceinte. Derrière le pont-levis relevé, personne;
tout autour, dans le corps-de-garde, dans la cour, per
sonne. Ils entrent au corps-de-garde, cherchent les clefs
du pont-levis et ne peuvent les découvrir. Ils appel
lent des camarades à leur aide; quelques hommes esca
ladent comme eux le toit voisin, leur prêtent main forte,
et tous ensemble cherchent à briser les chaînes du pont
90 LA PRISE DE LA BASTILLE

levis- Pendant cette longue opération, au moment même


où le pont.levis retombe lourdement en écrasant plu
sieurs émeutiers dans sa chute, deux invalides se pré
sentent sans armes. C’étaient des hommes « sortis le
matin pour aller prendre des vivres que leurs femmes
leur apportaient. » En rentrant à 'la Bastille, ils virent
le pont-levis abattu, et essayèrent « de le relever- »(Mo
niteur, t. I, p. 186.) On comprend qu’il ne fut pas dif
fieile de les éloigner. Ainsi fut enlevé le premier pont
levis. '
Le peuple, voyant la porte ouverte, se précipita dans
Pintérieur des cours et s’avança jusqwauprès du château
lui-même, mais là quelques coups de fusils Parrêtèrentï
Laissons ici la parole au Moniteur: « Cependant le peu
ple se jette en foule dans la cour du gouvernement et
court au deuxième pont pour s’en emparer, en faisant
une décharge de mousqueterie sur la troupe. Elle ri
poste par un feu vif et soutenu qui force les assaillants
a‘ se retirer en désordre, les uns sous la voûte de la
porte de bois, dans la cour de Forme, les autres sous
celle de la grille, d’où ils ne cessent de tirer sur la plate
forme, sans néanmoins oser s'approcher pour attaquer
le deumième pont. » .
La situation, à cette période du siége, est donc bien
nettement exposée. Le premier pont-levis abattu sans
résistance donne passage à Pémeute qui envahit l’on
ceinte ecvtérieure et va se heurter contre les murailles
du château; les assiégés font alors une décharge qui
disperse les asssaillants et les oblige à se réfugier dans
les constructions qui remplissent les cours, sous les voû
tes, derrière les murs, partout enfin où ils peuvent trou
ver un abri- De là, les plus hardis jettent quelques coups
de fusil perdus sur les tours de la fmteresser
silencieuse,
LA musa DE LA BASTILLE . 21‘
A ce moment, vers une heure ou une heure et demie,
une députation de la Commune, précédée d’un drapeau et
annoncée par un tambour, arrive à la Bastille. Elle se com
pose de MM. de Francotan, de Corny, de Milly, Beaubourg
Boucherou, Contans, Joannoy fils et Piquot de Sainte
Honorine, et porte aux assiégés sommation de se ren
dre. — Après quelques hésitations, elle pénètre dans
les cours et fait de loin signe qu’elle veut parlementer,
a Aussitôt on arbore un pavillon blanc sur la plate-forme
des tours, et les signes de paix et d’appel se multi
plient par les chapeaux- s» (Moniteur, p. 186.) — « M. de
Launay et les ofliciers crient .de faire... avancer les dé
putés de la ville; les soldats, sur le conseil d’un bas
oflicier, nommé Guyot de Fréville, mettent ostensible
ment la crosse en l'air. » (Bastille dévoilée, p. 92.) Ici
encore les relations populaires aflirment que la Bastille,
après avoir fait des signes pacifiques, accueillit les par
lementaires à coups de fusil ; qu’une seconde députation,
composée de M. de La Vigne, Chignard, Fauchet, Bole
tidoux ne fut pas plus heureuse et que les membres de
Pune et de Pautre déployèrent inutilement le plus grand
courage en affrontant la mitraille et la fusillade pour
essayer de remplir leur mission. (Moniteur; ‘—— Révolution
de Paris; -— Procès-verbal, etc.)
Mais comme, d’une part, la déclaration des assiégés
atteste que jamais les députés ne voulurent approcher
de la place, « malgré la promesse des bas-officiers leur
criant du haut des tours : « Venez vous expliquer avec le
gouverneur; nous répondons de vous sur notre tète; »
que, « sans écouter leurs propositions, ils se retirérent
dans la cour de P0rme, où ils restèrent plus d’un quart
d’heure, et « partirent » ensuite (Bastille dévoilée, p- 93
et 96) ; et comme, d’un autre côté, aucun des treize indi
vidus composant ces deux députations, exposés pen
22 LA PRISE DE LA BASTILLE

dant si longtemps à un feu si meurtrier, ne fut ni tué ni


blessé, il est permis de croire que la trahison des défen
seurs de la Bastille fut moins flagrante et le feu de la
place moins vif qu’elles ne Pont voulu dire. Le plds
grand danger que coururent les députés ne vint pas de la
Bastille, mais des assaillants eux-mêmes; car plusieurs
de ces derniers se transportèrent, « au point d’environner
les députés, de leur mettre la baïonnette sur la poitrine
et le sabre sur la tête... M. Beaubourg » fut « maltraité
et., on » arrache « Pépée à M. Piquot de Sainte-Hono
rine. »(Procès.1:erbal, p. 338.).
« Les députés partis, le peuple se porta en foule à‘
Fattaque du second pont... Les bas-ofiiciers criaient aux
assaillants de ne pas avancer, qu'on allait faire feu sur
eux ; ceux-ci ne voulaient rien entendre.-. Le gouver
neur ordonna de faire feu : cette décharge les dispersa,
et plusieurs restèrent sur la place. » (Bastille dévoilée,
. p. 97.)
Alors Pémeute furieuse, ne pouvant enlever la Bas
tille, se répandit çà et là dans les cours, dans les bâti
ments de dépendances, mit le feu « au corps-de-garde
avancé,
voilée, p.au97),
gouvernement,
et se vengea aux cuisines
sur les » (Bastille
individus isolés dedéla l

résistance que lui opposait la forteresse. Trois malheu


reux invalides saisis à la porte de la Bastille sont traî
nés à PHôtel-de-Ville, cribles de coups, et n’écl1appcnt
que par miracle à une mort affreuse. (Procèsæverbal, p.
319-320.) « M. Clouet, régisseur, est arrêté; son uni
forme le faisant prendre pour M. de Launay, on allait
Fimmoler à Pinstant même, losqu’un citoyen intrépide,
M . Cholat, se présente et vient à bout de suspendre le
prelnier mouvement de la fureur du peuple. On le traî
ne à PHôtel-de-Ville, où M. de Saudray ne lui sauve une
seconde fois la vie qu’au péril de la sienne et en rece
LA PRISE DE LA BASTILLE ‘ 23

vant sur la tête un coup de sabre dont il est griève


ment blessé. ri (Moniteur, t. I, p. 187; -— Procès-verbal,
p. 322.)
« On fit dans le cours de cette journée bien d’autres
méprises, et dont plusieurs furent sanglantes. Tandis
que les uns croient avoir pris le gouverneur, d’autres,
dans Pune des cours de la Bastille, s’emparent d’une
jeune personne intéressante par sa grâce et sa candeur.
L’ayant amenée auprès du premier pont: « (Ÿest la
fille de Launay, s’écrient.ils; qu’il rende la place, sinon
qu’il voie sa fille expirer dans les flammes. » — Et Pon
allume une paillasse sur laquelle elle était évanouie- Le
père de Mlle de Monsigny, —- c’est le nom de la jeune
personne, — la voit du haut des tours près (Pôtre brûlée
vivante. Il allait se précipiter lorsqu’il fut atteint et ren
versé par deux coups de feu. Le brave et généreux Au-.
bin-Bonnemière, qui avait déjà une première fois sauvé
la fille de cet otficier, écarte la foule homicide, enlève
Mlle de Monsigny, la remet en mains sûres et revoleau
combat... C’est ainsi, » dit en terminant fauteur, ‘« que
des atrocités finissent le plus souvent par (les traits d'hé
Toïsme. » (DUSSAULX, Œuvre des‘sept jours, p. 296-297.)
La Bastille alors sündigna : un coup de canon, le seul
qui dans toute cette journée partit de la forteresse, re
tentit au milieu de Pémeute, fit ‘quelques victimes et
disperse une fois encore les hordes hurlantes qui Passail
laient. J usqu’alors on ne s’était réellement pas battu. La
situation serait restée indéfiniment 1a même si Pémeute
n’avait reçu un renfort sérieux. La troisième et su
prême période du siége commença sur les trois heures de
Paprès-midi.
La dernière députntion de la Commune, lorsqu’elle
quitta la Bastille, rencontra « vis-à-vis de Saint-Gervais
une multitude de citoyens armés, précédée d’environ
24 LA musa on LA BASTILLE
trois cents soldats du régiment des gardes-françaises, sui
vis de canons pris le matin aux Invalides, marchant en
ordre au pas redoublé et disant à tous qu’ils allaient
faire le siége de la Bastille. » (Procès-verbal, p. 339.)
Cette troupe, composée de quelques hommes résolus,
obéissant à des chefs qu’elle venait de se donner par
acclamation, —-— le sergent Élie pour les gardes-françaises
et le volontaire Hullin pour les bourgeois, — arriva
à trois heures auprès de la Bastille, « entra sans diflî
culté dans la première cour du côté des Célestins...,
« y trouva quelques invalides qui avaient rendu les ar
mes le matin et qui se joignirent aux assiégeants, et pé
nétra sans peine... jusque dans les cours de la Bastille. »
(fllémoire pour servir à Fhistoire de Pannée 1789, t.
III, p. 89.) C’est alors, dirent les assiégés, que nous
vimes paraître les gardes-françaises qui placèrent dans
la cour de POrme deux pièces de quatre, un canon pla
qué en argent venant du garde-meuble et un mortier.
On plaça encore deux pièces à la porte qui communique
au jardin de Parsenal. » (Bastille dévoilée, p. 99.)
Les nouveaux assaillants commencérent contre la
Bastille un feu ‘peu sérieux mais assez bruyant. 11s
tirèrent un certain nombre de coups de canon dont quel
ques—uns furent si mal dirigés que les boulets manqué
rent la Bastille et allèrent tomber dans le faubourg
Saint-Antoine, où Pon ne manqua pas de dire que M. de
Launay foudroyait la capitale. Une pièce éclata et ren
versa une partie de ceux qui la servaient. Ce simulacre
de combat, succédant à toutes les émotions de la jour
née, démoralisa cependant le malheureux gouverneur
qui, sans ordres, sans munitions, sans vivres, entouré
seulement d’une,poignée d'hommes dont‘ les uns ne
voulaient pas se battre et dont les autres étaient trop
peu nombreux pour soutenir une résistance sérieuse,

____._._, 4,4-4». . ._ .2,


LA rmss DE maintenus 25
courait éperdu dans sa grande citadelle ct allait mettre
le feu aux poudres si un invalidejizbrxætné Béquart, ne
neLa
Fongarnison
eût empêché.
prit, malgré son chef, ‘lèjîarti de se

rendre : elle arbore le drapeau blanc. A travers un cré- .


neau qui se trouvait auprès du pont-levis, unrbfiicier
suisse demanda à sortir avec leshonneurs de laggwtre ;
on lui répondit que non. Il écrivit alors sur un minage);
de papier les termes de la capitulation qu’il proposaitfgt‘
le tendit aux assiégeants parla même ouverture. Comfnef f
Pespace
on alla chercher
était trop
une
grand
planche
pourqu’on
permettre
jeta en
de Patteindre,
travers du ‘. '

fossé. Le premier qui s’aventura sur cet étroit passage


fit un faux pas et tomba; le second (Maillard, suivantle
Moniteur et plusieurs autres relations; Réole, d’après la
Déclaration des assiégés) fut plus heureux, saisit lelpa

pier et le remit à Élie, qui le lut à haute voix. Il conte


nait ces mots : « Nous avons vingt milliers de poudre;
«i nous ferons sauter la garnison et tout le quartier si vous
« n’acceptez pas la capitulation. » — et Foi Œoflîcier! nous
Pacceptons, répondit Élie.» Nombre de relations attribuent
cette réponse à Hullin. Il nous paraît naturel de suppo
ser que les assiégés, comme au reste ils Palfirment eux
mémes, shdressèrent à un homme portant l'uniforme
plutôt qu’à un bourgeois. Ce détail, au fond, importe
peu.
Tel est le fait dont certains documents du temps et à
leur suite des auteurs prétendus sérieux ont fait le der
nier assaztt de la Bastille. Les Révolutions de Paris le
racontent en ces termes :
« Lorsqufenfin peu après la brèche se forma, on
courut chercher des planches pour traverser le fossé. A
peine il y en eut une de posée qu’un bourgeois s’élance,
monte Passant, précédé par un grenadier, il arrive; le
26 LA PRlfiE DE LA BASTILLE

canon du dedans tirait‘sur la brèche, il est tué ; mais le


brave grenadier se llest pas; il protége Fentrée. On se
précipite bouillant de carnage , on fonce, on égorge tout
ce quisopposéjau passage, ,» etc.
Nous citons, nous ne commentons pas.
« C’e'st,.sui' la parole d’Élie, » d’Hullin et d’autres as
siégzeants criant de toutes parts :. « Abaissez votre pont,
il ne‘‘yous arrivera rien..., » que le gouverneur donna
Ialclelf du petit pont-levis, qu’il avait dans sa poche, au
‘, “nommé Gaiard, caporal, et Péreau, bas-oificier, qui ou
‘vrirent la porte et baissèront le pont. » (Bastille dévoilée, p.
' 103-104.) Aussitôt les gardes-françaises et les quelques
bourgeois qui se trouvaient dans les cours pendant le der
nier et seul combat, entrèrent dans la forteresse où la
garnison les accueillit avecjoie, où même plusieurs inva
lides applaudirent au triomphe populaire- Tout se passait
loyalement ‘et pacifiquement, lorsqu’un tumulte épou
vantable éclate en dehors; une foule furieuse envahit la
forteresse. « Dans ce désordre général ceux qui étaient
dans les cours tirent sur ceux qui sont dans les appar
tements et sur les plate-formes, plusieurs mêmes sont
tués. Le vaillant Humbert reçoit un coup de fusil sur la
plate-forme; un de ses amis est tué dans ses bras. » (Mo
niteur, p. 18.8.) — « Monté. au haut des tours, » dit le
nommé Réole dans son Mémoirem, un de nos amis,
que je tenais dans mes bras pour lui témoigner ma joie,
reçut une balle dans la bouche et tomba mort à mes
pieds. » (Bastille dévoilée, p. 105.) Que se passait-il
donc? Les misérables qui avaient promené dans les
' cours le pillage et Passassinat, les lâches qui s’étaient
cachés et .enfuis pendant que les gardes-françaises se
battaient, venaient d’apprendre la reddition de la Bas
tille. Alors, n’ayant plus rien à craindre, ils se ruaient
sur les portes ouvertes et sur les hommes désarmés. En

_._,_, “.3; 24613,. .» ‘A l‘ .- — 4&


LA PRISE DE LA BASTILLE 27
un instant la Bastille est envahie, les soldats sont ren
versés; les Suisses, qui cependant ont seuls défendu la
place, échappent à la fureur de la populace, grâce à
leurs sarraux de toile qui les font prendre pour des pri
sonniers ; mais les oflîciers et les invalides, ceux qui
précisément ont refusé de tirer sur le peuple et ont ap
plaudi à sa victoire, sont maltraités, déchirés, entraînés
par des bandes d’assassins.: vainement quelques hommes
gardant au milieu de ce désordre des sentiments d’hon—
neur, Élie, Hullin, Tournay, Bonnemière, les gardes
françaises, luttent contre les bandits et font aux pri
sonniers un rempart de leurs corps; eux-mêmes ren- "
versés, frappés, écrasés, sont obligés d’abandonner les
victimes, et les bêtes‘ féroces déchirent à loisir leurs
malheureuses proies. M. de Launay, percé de mille
coups, est. traîné, peut-être vivant encore, jusqu’à la
place‘ de Gréve, où sa tétc plantée sur une pique excite
les acclamations enthousiastes d’une foule en délire.
M. de Losme-Salbrai, major de la Bastille, emporté avec
Launay à la Grève, défendu quelque temps par {aux
vaillants jeunes hommes, MM. de Pelleport et de Jean,
‘qui ne Pabandonnent qu’à la dernière extrémité et.
grièvement blessés eux-mêmes, périt à son tour, et sa
tête est promenée avec celle de son malheureux chef.
M. de Miray, aide-major, protégé d’abord par des gardes
françaises, saisi ensuite par une horde furieuse à la porte‘
de sa maison, dans la rue des Tournelles, se précipite
Pépée à la main sur les misérables qui Pattaquent et en
tue plusieurs avant (Fétre lui-même renversé et mis en
pièces. M. de Persan, lieutenant, périt assassiné près du
Port au blé. Uinvalide Béquart, celui qui avait arrêté
M. de Launay au moment où il allait faire sauter la Bas
tille, a d’abord les deuic poignets coupés, puis est pendu .
avec un de ses camarades, nommé Asselin, à un iTVeÿx
28 LA PRISE DE LA BASTILLE

bëre où les bourreauxsamusent à faire un contre-poids


des deux corps accrochés de chaque côté de la lanterne.
Deux autres malheureux soldats subissent le même
sort. M. de Flesselles, le prévôt des marchands, arraché
de PHôteI-de-Ville, est massacré au coin de la place de
Grève et du quai. Le prince de Montbarrey, saisi par la
populace, n’échappe à la mort qu’en criant que sonfils
a opéré la Révolution dans la Franche-Comté. — (Prdcèsi
verbal, p. 365.) M. Caron, bas-oflîcier, invalide, est griè
vement blessé; MM. de Bachmann et Ciiaillet, olficiers
suisses, nombre d’autres dont les noms seraient trop
longs à citer, se sauvent par miracle. Paris se remplit
de deuil et d’épouvante ; les ‘vainqueurs de la Bastille
promènent çà et là les têtes coupées, les membres épars,
et le reflet lugubre de la sanglante lanterne éclaire la
première scène triomphale de la Révolution.
Tel est le récit exact, non d’après les historiens roya
listes, mais d’après les Procès-verbaux authentiques
du iége de la Bastille. Une forteresse mal défendue
owfint elle-même. ses portes à une émeute; des scélé
rats profitant d’une capitulation pour massacrer des
hommes désarmés: il n’y a rien de plus.
Le chiffre de la perte des vainqueurs n'est pas exacte
ment connu. Dusaulx, dans son récit intitulé : Œuvre des
sept jours, Pévalue à 98 morts et 73 blessés. Sans nous
arrêter à. faire observer les bizarreries d’un chiffre qui
met le nombre des morts au-dessus de celui des blessés,
nous invoquerons d’autres témoignages contemporains
et des témoignages amis de la Révolution. .
Les Révolutions de Paris (par M. D... C.., p. 17. et 18)
nous disent : «Dans ce siége à jamais mémorable, il y eut
peu de personnes tuées du côté des Parisiens. n» L’His
taire de .a Révolution. par deux amis de la liberté, est
plus précise; elle nous dit : « La prise de la Bastille a,
LA rmss DE LA BASTlLLI'l 29
coûté la vie à environ quarante des assiégeants (t. II,
p. 48). » Si Pon veut déduire de ce chiffre les morts et
les blessés non atteints par le feu de la place, dest-à-dire
les hommes qui, dans cette foule ahurie, se blessèrent
eux-mêmes ou tirèrent sur. leurs camarades; ceux que
renversa Péclat d’un canon ; ceux que le pont-levis écrasa
en retombant; celui qui glissa dans le fossé en'essa ,
de saisir le papier sur lequel était écrite la capitula _
etc. (voyez p. 20, 24, 25, 26), on se convaincra
peine que le feu de la Bastille ne fut pas très-meurtrier,
et si l’on veut se rappeler encore que le siège, ou soi
disant siége, dura cinq heures, de onze heures du matin
à quatre heures du soirÿet que, pendant tout ce temps
là, une foule compacte demeura exposée au feu de dix
huit canons, on sera forcé de convenir que la Bastille se
défendit à peine et que la prétendue canonnade et fu
sillade, décimant les assiégeants pendant tout le siège, n’a
existé que dans Pimagination des narrateurs révolu
tionnaires. ‘
Les vainqueurs, en ouvrant les cachots, y trouvèrent
sept détenus, quatre faussaires légalement emprisonnés,
un jeune homme enfermé sur la demande de sa famille
pour inconduite, dérangement de tête et d’afi'aires, et
deux fous qu’il fallut conduire à Charenton. I

1V

SUITES IMMÉDIATES DE LA PRISE DE LA


BASTILLE-

Plus d’un lecteur, en suivant ce récit, s’est demandr’:


' si le roi de France n’avait plus un soldat ni un canon.
Le roi était demeuré immobile. Bezenval raconte dans
ses Mémoires qu’il attendait des ordres de son chef, le
30 LA PRISE m; LA BASTILLE
maréchal de Broglie, et n'en reçut qu’un seul, le mardi‘
14, celui de se replier sur Versailles.
Quant à PAssemblée, seul pouvoir debout sur les rui
nes de la royauté, pendant les journées des 12, 13 et l4
juillet, instruite heure par heure des nouvelles de Paris,
e c les avait reçues avec une joie d'abord mêlée d’in
ude, bientôt exempte de toute crainte, lorsque Pin
ion royale ne lui permit plus de redouter une
action militaire contre Pinsurrection. Le 15 au matin,
elle se réunit, heureuse des événements accomplis et
vivement préoccupée, nous dit le Ilfoniteur, des « mal
heurs qui désolaient la capitale et menaçaient tout le
royaume. n Après quelques propositions et discours in
signifiants, le marquis de Sillery donna lecture d’un pro
jet d’adresse par lequel Louis XVI était engagé à résis
ter aux. « perfides conseils » des hommes qui Pentou
raient, et qui, par trahison, lui avaient « fait entendre
que Paris était prêt àse soulever; » à ne plus vouloir
alYamer ses sujets, comme le prouvait Parrestation, ce
même jour encore à Sèvres, d’un convoi de farines des
tiné à Palimentation de la capitale, et â cesser de combat
tre le peuple. L’orateur rendait le roi ou les ministres,
« ces pestes publiques, » responsables de tout, et
fiiissait en ces termes : c Les flots de sang qui ont coulé
ompoisonneront la vie du meilleur des rois, et la nation,
sire, va prononcer Panathême contre ceux qui vous ont
donné ces conseils sanguinaires. »
Ainsi la faute de tout ce qui s’était passé retombait
sur le roi. Aux yeux de Sillery et de son parti, c’est-à
dire de la grande majorité de PAssembléc, Pémeute du
14 juillet n’était'pas un attentat du peuple contre la
royauté, mais un attentat du roi contre son peuple. L’o
rateur allait plus loin; il ne craignait pas, par une infâme
calomnie, de rendre Pinfortuné monarque plus odieux
LA PRISE DE LA BASTILLE ' 31
encore à ses sujets, en Paccusant de vouloir aflamer la
capitale. ,
« Cette adresse, dit le Moniteur (t. I, p. 161), paraît
faire la plus vive impression dans PAssemblée; cepen
dan.t plusieurs membres la combattent comme trop fai
ble. » Mirabeau proposa alors d’ajouter la phrase sui
vante : « Sire Henri IV, lorsqu’il assiégeait Paris, faisait
passer secrètement des blés à la capitale; et aujour
d’hui, en temps de paix, on veut réduire cette même
ville aux horreurs de la famine sous le nom de Louis
XVI. »
«r Enfin, au milieu de tant de propositions... tous les
membres s’accordent sur la nécessité d’envoyer une dé
putation au roi pour lui faire la demande itérative du
renvoi des troupes à leur garnison, la demande d’une
libre communication pour le transport des blés et des
farines nécessaires à la subsistance de Paris," enfin
pour demander au roi une réponse satisfaisante qui pût
permettre à PAssemblée d’aller à Barisporter‘ la nou
velle de Péloignement des forces militaires, consolider
Pétablissement des gardes bourgeoises, et essayer de
rappeler le bon ordre en rassurant le peuple sur ses
alarmes. »
t Ce parti est adopté à Punanimité. Il est aqrétt’:
qu’une députation de vingt-quatre personnes ira sur-le
champ vers le roi pour lui porter les vœux de PAssem
blée. »
Mirabeau prend alors la parole et, s'adressant à la
députation : a Eh bien! s’écrie-t-il, ‘dites au roi que les
hordes étrangères dont nous sommes investis ont reçu
hier la ‘visite des princes, des princesses, des favoris,
des favorites. et leurs caresses, et leurs exhortations, et
leurs présents; dites-lui que toute la nuit ces satellites
étrangers, gorgés d’or et‘ de vin, ont pr(dit dans leurs
32 LA rtusi:
1 ne LA "BASTILLE
2'" Ïif:n?”
chants impies Passervissement de la France, et que leurs
vœux brutaux invoquaientla destruction de PAssemblée
nationale fidites-lui que dans son palais même des courti
sans ont mêlé leurs danses au son de cette musique
barbare et que telle futŒaVant-scène de la Saint-Barthé
lemy. ‘
« Dites-lui que cet Henri dont Punivers bénit la mé
moire, celui de ses aïeux qu’il voulait prendre pour me
dèle, faisait passer des vivres dans Paris révolté qu’il
assiégeait en personne, et que ses conseillers féroces
font rebrousser les farines que le commerce apporte
dans Paris fidèle et affamé. » (Moniteur, p. 161.)
L’Assemblée retentissait de ces violences, et la dé
putation, nommée pour aller au château, s'apprêtait à par
tir lorsque M. de Liancourt annonça Parrivée du roi.
Quelques instants plus tard, Louis XVI, « sans gardes,
accompagné seulement de ses deux frères » paraissait
dans la salle, et, « debout. en face de PAssemblée, » pro
nonçait, e, d'une voix ferme et assurée, le discours sui
vant : » ,
« Messieurs, j'e vous ai assemblés pour vous con
sulter sur les affaires les plus importantes de PÉtat- Il
n’en est pas de plus instante et qui aflecte plus sensible
ment mon cœur que les désordres affreux qui règnent
dans la capitale. Le chef de la nation vient avec confiance
au milieu de ses représentants leur témoigner sa peine et
les inviter à trouver les moyens de ramener Pordre et
le calme. Je sais qu’on a donné d’injustes préventions;
je sais qu’on a osé publier que vos personnes n’étaient
pas en sûreté. Serait-il donc nécessaire de vous rassu
rer sur des bruits aussi coupables, démentis d'avance
par mon caractère connu‘? Eh bien! c’est moi qui ne
suis qu'un avec ma nation; c'est moi qui me fie à vous.
Aidez-moi, dans cette circonstance, à assurer le salut
LA muse DE LA BASTILLE 33
de PÉtat. Je Pattends de PAssembIée nationale; le zèle
des représentants de mon peuple, réunis pour le salut
commun, m'en est un sûr garant; et comptant sur la
fidélité de mes sujets, j’ai donné ordre aux troupes de
s'éloigner de Paris et de Versailles. Je vous autorise et
je vous invite même à faire connaître mes dispositions à
la capitale. » (Moniteur, t. I, p. 161 et 162.)
Quelques heures plus tard, Paris les connaissait.
Une nombreuse députation de l’Assemblée nationale ar
rivait à PHôteI-de-Ville, et les vainqueurs, surs de Pap
probation royale, se livraient à une joie sans réserve.
Au milieu des acclamations de tous, La Fayette, était
nommé général de la milice parisienne, Bailly maire
de la capitale. Lally-Tolendal célébrait en termes pom
peux la victoire du peuple, et Parchevêque de Paris
emmenait « PAssemblée.. à la métropole pour y rendre
grâces au Très-Haut par un Te Deztm solennellement
chanté. » (Procès-verbal, p- 444 à 459.)
Louis XVI ne se contenta pas d'envoyer aux Pari
siens Passurance de son adhésion à l'émeute des 12,13
et 14 juillet; il donna au monde le prodigieux spectacle
d'un'roi venant consacrer par sa présence la révolte de
ses sujets. Le 17 juillet, malgré les terreurs de la reine
et le mécontentement d'une partie de sa famille et de
la cour, il se rendit à Paris où Pattendait une réception
plus menaçante que respectueuse.
« 150,000 hommes armés de faux, de pioches, de
' piques, de fusils, offraient un aspect à la fois majes
tueux et terribIeJCette nombreuse milice, sur quatre
de hauteur, bordaient les rues depuis Passy jusqu'à
bHôtel.de-Ville. Des canons braqués sur tous les ponts
et‘ à Pentrée des rues par lesquelles Louis XVI devait
passer, paraissaient dire i « C'est un grand captif, et non
un roi qui vient dans sa capitale au milieu de ses
sujets. » (Ferrieïrcs, t. I, p. 151.)
3‘1 LA rmss m: LA BASTILLE
« Lorsque le roi passa à la place Louis XV, un coup
de fusil, parti des environs du Palais-Bourbon, tua
une femme non loin de sa voiture. Nous avons lieu de ‘
croire que ce malheur fut un coup du hasard, mais il
parut extraordinaire. » (Bailly, t. II, p. 61.)
Introduit à PHôtel-de-Ville sous une voûte de sabres,
il prit la cocarde tricolore, ratifia tout ce qui avait été
fait, promit tout ce qu’on espérait encore, et, au milieu
du tumulte qui Pentourait et de Pémotion qui Paccablait,
ne sut ou ne put dire autre chose, sinon que son peu,
ple pouvait compter sur son amour.
Pauvre Louis XVI! la victime du 2l janvier était
prête. Déchafaud de la place de la Révolution se dres
sait déjà dans le sanglant avenir. ‘

V
CONCLUSION.

Quelle conclusion tirer de ces pages? Faut-il ins


crire la date du 14 juillet dans les fastes de ‘la liberté‘!
Faut-il la reléguer dans le sanglant casier des journées
révolutionnaires i’ '
Examinons et résumons. ,
Bien avant. le 14 juillet, Pancien régime avait disparu-
Les idées nouvelles, avant même la réunion des États
généraux, s/étaient vues adoptées, proclamées, appliquées
par le roi et par les ordres privilégiés d'une façon qui
ne laissait‘ place ni à un retour en arrière ni même à un
regret. ‘L’histoire du règne de Louis XVI, les cahiers de
la noblesse et du clergé prouvent évidemment que tout,
‘ ce qu’il y a eu de bon dans la Révolution existait avant
elle. Chercher dans les violences postérieures à la
proclamation de PAssembée nationale un triomphe pour

‘Pi
LA PRISE DE LA BASTILLE 35

la liberté, c’est fausser le bon sens, renier la vérité et


méconnaître Phistoire.
ljinsurrection de Paris ne pouvait avoir pour but
ni la destruction de Faucien régime,_irrévocablement
condamné, ni Pavènement de la liberté acclamé-e de
puis longtemps par la nation tout entière. Quel but
poursuivaient donc les émeutiers du 14 juillet? — L’a
bolition des lettres de cachet? — Elles n’existaient
plus. — La suppression des prisons dans Paris? -.‘ La
Commune de Paris devait cependant en avoir bien
besoin depuis le 2 septembre 1792jusqu’au 9 Thermidor.
La Révolution décerne un brevet Œhéroïsme aux vain
queurs de la Bastille. Ce sont pourtantà peu d'exception
près des émeutiers vulgaires, les fils des Maillotins de 1381
et des Ligueurs de 1588, les péres des Socialistes de 1848
et des Communards de 1871.‘ Parmi les noms si exaltés le
14juillet, deux seulement reparaissent dans Phistoire,
celui de Maillard, à l’Abbaye, les2 et 3 septembre 1792 ;
celui d'Hulin, à Vincennes, le 20 mars 1804.
Les radicaux ont raison de célébrer la fête du l4 juillet;
c’est la première journée de la Terreur; mais les
libéraux ne peuvent accepter comme une date glo
rieuse celle de Pavènement de la tyrannie démagogique.
Les fêtes de la liberté ne sont pas celles où l’on pro
mène des têtes coupées.
Le 14 juillet commence cette période de conquêtes
révolutionnaires dont les dates se nomment 2 le 6 octo
bre, le 10 août, ‘le 21 janvier, le 31 mai, et dont les
triomphes sont Péchafaud de Louis XVI ct Pesclavage
de la représentation nationale.
Que penser de Fattitude du roi? Notre langue, à coup
sûr, ne renferme pas de termes capables de rendre la
douceur de sa conduite envers ses sujets révoltés. Il
devait pourtant être condamné). mort pour sa tyrannie,
‘ - _TÉ- çw-p‘ .. a ..-._..._ «ma:

36 LA PRISE DE LA BASTILLE

et aujourd’hui encore certains révolutionnaires disent


hautement que « la condamnation et Pexécution de ce
personnage que Phistoire hésite à prendre pour un im
bécile ou pour un traître, sont peut-être les actes les
plusjustes de la Convention nationale. » (Progrès de
Lyon. — Correspondance du 21 janvier 1873.)
De PAsscmblée nationale, que penser et que dire?
Un exemple va fixer notre jugement. Le jour où les
Cdmmunards de 1871 ont repris les canons de Mont
martre et tué les généraux Lecomte et Clément Thomas,
qwaurions-nous pensé de notre Assemblée nationale si
elle avait applaudi au triomphe populaire et célébré la
fête de la liberté? .
A propos du siége de la Bastille, comme à propos de
tous les événements accomplis depuis 89, nous avons
le droit et le devoir de dire : « La liberté, nous Paccejn
tons'; ce sont nos pères qui Pont faite, c’est nous seuls
qui la défendons encore aujourd’hui. Mais la Révolution,
nous la repoussons: c’est le crime qui Pa installée; c’est
le crime qui la conserve. Au nom de la liberté, anathême
sur la Révolution ! '


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m‘ J“ i. «fi . ‘I ‘m.
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but : . '
1° De réunir, dans une pensée et dans une action communes,.
tous les hommes d'intelligence et de cœur qui, ne séparant pa .
les intérêts de la religion des intérêts de la science, veulent flop-É
poser au progrès de l'erreur et travailler à la diffusion des saines‘ 1 _
doctrines ; , . à
2° De faciliter la connaissance des sources : dans le présent, p
la publication d'une Revue bibliographique universelle tenant = r
courant de tout ce qui parait en. France et à l'étranger; dans l .
passé, en fournissant aux ‘membres de la Société les indication ‘
bibliographiques, qui peuvent leur être utiles; 1+»
3? De publier et de répandre au plus bas prix possible tou p
ouvrages, brochures, recueils périodiques, etc., rentrant dans l;
programme de la Société.
Chaque sociétaire paye une cotisation annuelle de dix francs‘
Cotte cotisation donne droit, entre autres, aux avantages sui
vants :
1° Se procurer à. prix réduits les publications de la Société;
8° Faire faire, avec remise, ses commissions de librairie pa
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3° S'adresser à la Société pour les renseignements bibliogra
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de '72 pages
l. Question . . . . . . . séance
Romaine. . . . . . . du
. . . 22
. . .juillet
. . . .. .1851,
. . . . . in—18
. . .. ‘30 .c; f
v. l1. Les Élections du 2 jnilletyin-IS, de .36 pages. 90 c.
lll. Décentrflisation, ,i.n—l8 de 140 pages . . . . . . . . . '75 c.
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